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SÉANCE ANNUELLE
DE RENTRÉE
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ET DE•
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L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
AIX,
IMPRIMERIE VEUVE TA VERNIER, GÉRÉE PAR MARIÉS 1LLY,
Rue du Collège, 20.
�DE RENTREE
DES FACULTÉS D’AIX
ET DE
L ’ É C O L E P R É P A R A T O I R E D E M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théologie,
de Droit et des Lettres d’Aix, et la distribution des médailles
et des prix décernés à MM. les Étudiants en droit, ont eu lieu, le
samedi 20 novembre 1852, sous la présidence de M. Roustan,
recteur de l’Académie.
Un grand nombre de magistrats, d’ecclésiastiques et de nota
bilités de la ville assistaient à celle séance qui a été précédée
de la messe du Saint Esprit et honorée de la présence de M. le
premier président Poulie-Emmanuel, de Mgr Darcimoles, ar
chevêque d’Aix, d’Arles et d’Embrun, de Mgr Rey, ancien
évêque de Dijon, chanoine de Saint-Denis, de M. le procureurgénéral Du Reux, de M. le Maire et de M. le Président du Tri
bunal civil d’Aix.
�5
M. Roüstan, Recteur de l’Académie, a ouvert la séance par le
discours suivant :
Messieurs,
De longs jours se sont écoulés depuis que la solennité qui
nous ramène ici chaque année, ne s’était ouverte sous un hori
zon si pur, si majestueux, si riche d ’espérances et de sérénité.
Quel ami de l’ordre et des principes sociaux, nécessaires au
progrès des saines études, ne sent renaître en effet toute sa
confiance, en contemplant ce qui se passe autour de nous : celte
ardeur de tous les vœux à appeler la reconstitution d’une au
torité forte et durable; cet empressement de tous les cœurs à
saluer l’ère de grandeur et de sécurité qui se prépare pour la
France; celle nation comprimant tout-à-coup ses transports,
contenant sa légitime impatience, et s’apprêtant d’une manière
si pacifique à exprimer une volonté si bien déterminée: ce pou
voir cnGn qui se refuse à l’acclamation populaire, qui craint
d’être surpris à la reconnaissance publique, et ne veut sortir
que d’une manifestation régulière et calme, du silence delà
réflexion, du secret des consciences.
L’avenir, Messieurs, porte, pour vous et pour tout le corps
enseignant, des promesses plus particulières. L’amélioration
des éludes de tous les degrés est devenue, plus qu'à aucune
autre époque, l’objet des méditations du gouvernement de
Finstruction publique. Jamais il ne s’est préoccupé avec plus
de suite et d’ardeur du progrès des élèves, de l’intérêt des fa
milles et du véritable but de l’enseignement public. Jamais il
n’a demandé, à l’expérience et à la réflexion, des réformes plus
importantes, avec une volonté plus ferme de les maintenir.
Ces réformes, dans leur ensemble comme dans leurs détails,
présentent un double caractère digne de l’attention des esprits
sérieux. Du point de vue des élèves, elles avisent surtout aux
intérêts de la grande masse; de celui de l’enseignement, aux
résultats utiles et pratiques. Ces deux caractères se manifestent
avec une égale évidence dans les nouveaux programmes d’en
seignement; ils se révèlent au même degré jusques dans les
dispositions purement règlementaires, cl notamment dans celle
qui concerne les élèves des Facultés de Droit: je veux parler
de l’obligation qui leur est faite de suivre, chaque année, deux
cours de la Faculté des Lettres.
Que celle mesure ait le mérite d’une utilité incontestable et
que vos Élèves puissent tirer du haut enseignement et de l’exer
cice intellectuel auquel on les convie des avantages pratiques
d’une grande importance, c'est ce que je ne vous ferai pas
l’outrage de m’arrêter à vous démontrer. Ce qu’une louable
assiduité à ces leçons ou plutôt à ces délassements de bon goût
et de bonne compagnie, peut enlever d’occasions et de temps
à des habitudes regrettables, à des dissipations coûteuses, à de
déplorables entraînements; ce qu elle doit ajouter de force à
la volonté, d'élévation à la pensée, de dignité à la conscience;
enfin tout ce qui peut fleurir ou mûrir, en une âme bien née,
dans ce doux commerce d’intelligence avec des Professeurs
laborieux et distingués qui vont désormais s’efforcer de rendre,
autant qu’il sera possible, leurs discours et leurs avis profitables
aux études de l’homme de loi, aux ressources de l’orateur, à
la sagesse du magistrat : tant de fruits recueillis, tant de poisons
évités, tant de pures satisfactions goûtées, d’amers repentirs
épargnés, quel est le père de famille, quel est le véritable ami
�G
de celle jeunesse qui m écoule, quel est celui d’enlre eux qui
ne les devine el n’en reconnaisse tout le prix?
Mais le caractère éminent de cette mesure, c’est qu’au lieu
d’être exclusivement applicable, comme il est arrivé de tant
d’autres, à quelques rares exceptions, à quelques natures privi
légiées ou à quelques caractères disgraciés, c’est au contraire à
la masse et au grand nombre qu’elle deviendra profitable, si
nous veillons avec fermeté à son exécution.
Sans doute cette obligation d’assiduité imposée à tous était
inutile pour ces jeunes gens qu’un vif désir de compléter leur
instruction, que d’heureuses dispositions ou de louables habitu
des attirent puissamment vers les hautes régions delà pensée,
à qui c’est un besoin de se nourrir avec complaisance de toute
œuvre qui a honoré l’homme ou éclairé l’humanité. Ils conti
nueront à céder à ce noble entraînement des intelligences culti
vées, bien plus qu’à la loi elle-même qui n’a pas été faite pour
eux.
Nous voulons nous défendre de la crainte qu’il ne se rencon
tre aussi quelqu’un, moins favorisé de la nature ou moins bien
secondé par sa première éducation, à qui ces nouvelles mesures
ne soient plus fatalement inutiles. Mais enfin, il se peut qu’un
jeune homme appelé à toute autre profession s’égare sur les
bancs d'une Faculté. On le reconnaîtrait à la facilité, à l’assu
rance avec laquelle on l’entendrait décider du mérite de chaque
leçon; il se reconnaîtrait lui-même à sa propre répugnance poul
ies éludes auxquelles il se trouverait condamné. Aurait-il à se
plaindre de la rigueur d'un règlement qui, en précipitant sa
sortie de l’école, abrégerait les vains saci ifices de sa famille el
avancerait pour lui l’entrée d’une carrière plus convenable à
ses goûts?
A part les rares esprits d élite dont j ’ai parlé, et ce jeune
7
homme dont je ne veux pas même supposer parmi nous l’exis
tence, nous restons en présence du grand nombre pour lequel
les règlements sont faits : jeunes gens naturellement disposés
au bien, préparés par une éducation libérale, gardant encore
les bonnes impressions reçues dans la famille et dans le Collège,
capables et dignes de sentir toutes les hautes et honnêtes jouis
sances de l’esprit; mais qui, suivant les conditions ordinaires
de la nature humaine, ont à soutenir la lutte quotidienne contre
les séductions de l’exemple, de la mollesse, de la passion; qui
peuvent dire, comme Médée: video meliora proboque, el finissent
trop souvent comme elle. C’est à ceux-là que le décret a tendu
la main ; ce sont eux qu’une haute bienveillance a voulu proté
ger par une barrière dont ils se plaindront quelquefois peutêtre.
Animés du même intérêt pour eux, vous vous montrerez,
Messieurs, inflexibles dans l’exécution de ce règlement salutaire.
Vous ferez, je lésais, d’heureux efforts pour conquérir le zèle
de vos auditeurs. Mais l’oisiveté a de redoutables moments
d’éloquence: s’il vient des jours de faiblesse, si vos élèves
trouvaient dans l’assiduité un trop lourd sacrifice et dans votre
juste exigence une rigueur, persévérez dans cetle bienveillante
sévérité; laissez couler les années et pousser le grain que vous,
aurez semé : la plainte s’éteindra dans la reconnaissance.
Après un discours de M. le Doyen de la Faculté de Théologie
qui a été écouté avec le plus vif intérêt et que nous regrettons
de ne pouvoir reproduire ici, la parole a été accordée à M.
Bouteuil, Doyen de la Faculté de Droit, qui a prononcé le dis
cours suivant :
�8
Rapport de M. Bouteuil, Doyen de la Faculté de Droit.
Messieurs,
Autant je regrettais, l’année dernière, qu’une grande partie
de nos Élèves n’eut pas répondu , par un ardent désir de
s’instruire, aux efforts incessants des Professeurs et au zèle
par eux apporté à l’accomplissement de leur lâche laborieuse,
autant je me félicite aujourd’hui d’avoir à constater que nos
sévères leçons ont porté leurs fruits, et que mes exhortations
paternelles ont réveillé une louable émulation dans le cœur de
la plupart d’enlr’eux.
Je me plais à proclamer ici la notable amélioration produite
dans les éludes, parce qu’elle ne saurait manquer d’exercer une
salutaire influence sur l'avenir de notre École , dont la pros
périté se soutient toujours au môme niveau depuis plusieurs
années: témoin le nombre considérable des jeunes gens qui la
fréquentent, et dont les inscriptions ont encore atteint le chiffre
de 24-3 pour le trimestre courant.
Voici quels ont été , dans leur ensemble , les résultats des
différentes épreuves sur le mérite desquelles la Faculté a été
appelée à se prononcer.
Des 3G4 Étudiants qui se sont présentés pour des examens
ou actes publics de licence, 17 ont obtenu l’éloge, et 212 une
admission satisfaisante ; 104 n’ont eu que la simple majorité
des suffrages, et 31 ont été ajournés.
9
Si les réceptions honorables sont encore en très petit nombre,
comparativement à celui des rejets, il n’y a plus entr’eux celle
disproportion fâcheuse que l’on y remarquait l’année précé
dente, où elles étaient d’un 7mc sur les refus d’admission, tandis
qu elles sont de la moitié dans le courant de celle qui vient de
s’écouler.
Hâtons-nous d ’ajouter d’ailleurs que, pour donner plus de
relief à la réception avec éloge, la Faculté a cru devoir se mon
trer moins prodigue de cette distinction flatteuse ; car, plus elle
aura de prix aux yeux de l’élite de notre jeunesse , plus elle
éveillera de nobles ambitions jalouses de la conquérir.
Une autre circonstance qui témoignerait aussi de progrès
assez sensibles, est celle de la diminution considérable des
insuccès signalés sur le relevé des quatre dernières sessions
d’examens et dont le chiffre représente seulement le 1 l me de
tous les Élèves inscrits, lorsqu’ils y figuraient auparavant pour
un 5me.
Tout en nous félicitant de ces heureux résultats qui permet
tent d’en attendre de plus satisfaisants encore, nous ne saurions
dissimuler que le nombre des admissions, à la simple majorité
des suffrages, est loin d’avoir décru dans une proportion iden
tique, puisqu’il est presque du tiers sur la totalité.
Que ceux dont les épreuves ont encouru ce blâme sévère
redoublent donc d’application et de zèle, aûn de se réhabiliter
daus l’opinion de leurs Professeurs, et d’effacer, s’il est possible,
par une préparation plus soignée, jusqu’au souvenir de la
boule noire qui est venue ternir leur précédente réception.
La Faculté a délivré 8 certificats de capacité, 70 diplômes
de Bachelier et GG de Licencié.
�10
Voyons maintenant quelle a été la force relative des études,
d’après les épreuves soutenues par les élèves de chaque année.
Dans la première, qui en comptait le plus, et où 89 s’étaient
inscrits pour l’examen, 7 ontétéjugés dignes de l’éloge; 51 ,
d’une admission avec boules blanches et rouges ; 2I ont eu
une boule noire, et 10 ont été ajournés. Remarquons toutefois
que la majeure partie de ces derniers échecs a été subie par des
Étudiants appartenant à l’année antérieure et qui se sont pré
sentés en novembre et janvier; ce qui justifie toujours plus
combien peu les retardataires sont en mesure de répondre con
venablement, lorsqu’ils n’ont pas misa profit, dans le temps
opportun, les leçons de leurs Professeurs.
La même observation s’applique à la plupart des Aspirants
au Baccalauréat qui n’ont obtenu que la simple majorité des
suffrages, ou dont les épreuves ont été suivies d’un rejet.
Si l’on compare, en effet, les résultats de la session ouverte
à la fin de l’année scolaire qui est le terme normal des travaux
classiques et de la préparation de tous les jeunes gens laborieux
à ceux des trois sessions précédentes, on remarque dans ces
dernières beaucoup plus d ’insuccès constatés, quoique les
examens aient été moins nombreux que dans l’autre.
Sur 84 d’enlr’eux , dont 41 s’étaient inscrits pendant les
sessions de novembre, de janvier et d’avril, et 43 à celle du
mois d’août, il n’en est pas un seul, parmi les premiers, qui ait
mérité l’éloge, tandis que 5 des seconds en ont été jugés
dignes.
D’un autre côté, ceux-ci n’ont compté qu’un ajournement
sur six prononcés par la Faculté, et G boules noires sur 17 que
présente le relevé des mêmes épreuves dans le cours des trois
précédentes.
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Du tableau comparatif que nous venons de faire résulte la
démonstration de cette vérité que le plus grand nombre de
succès revient toujours naturellement aux Élèves qui , en
suivant la marche régulière des cours, ont été parfaitement en
mesure de répondre et déterminer leurs éludes avant les va
cances , tandis que ceux qui, sous prétexte de les utiliser,
renvoient leur examen à la session suivante, ne retournent le
plus souvent qu’avec beaucoup moins d instruction et après
avoir perdu le fruit de celle qu’ils avaient précédemment
acquise.
Aurai-je besoin d’ajouter que ces inévitables résultats se re
produisent en plus grand nombre encore parmi les Élèves de
troisième année qui, étant en retard de subir des épreuves plus
difficiles, sont également loin de persister dans la résolution
par eux prise de consacrer au travail un temps qu’ils aiment
beaucoup mieux employer au repos ou à des distractions plus
ou moins attrayantes, lors surtout qu’affranchis de toute sur
veillance, autre que celle de leurs parents dont l’indulgence et
la faiblesse n’ont quelquefois pas de bornes, et, privés de l’utile
direction de leurs maîtres, ils sont ainsi abandonnés à leur inex
périence et forcés de céder à un triste découragement.
Pour prévenir ces fâcheuses conséquences, la Faculté n’avait
qu’un moyen efficace, celui de déployer, dès le commencement
de l’année, une juste sévérité contre les Élèves nonchalants et
paresseux dont l’amour-propre et l'émulation avaient besoin
d’être aiguillonnés ; et, grâce à cette mesure, elle a vu dimi
nuer, dans une proportion assez notable, le nombre des in
succès qui affligeaient auparavant les familles, autant à raison
de la perte d’un temps précieux et qui est presque toujours
irréparable, qu’au point de vue des nouveaux sacrifices pécu
niaires qu’ils venaient leur imposer.
�12
La salutaire inllucnce produite par cette môme mesure n’a
pas tardé à se faire remarquer dans les épreuves des aspirants
à la Licence, qui ont été bien autrement satisfaisantes que celles
de l'année dernière.
En effet, sur 124 examens et 64 actes publics, dont le
total présente une différence en moins de 37 sur celui des
quatre sessions antérieures, le chiffre des admissions avec éloge
a été le môme ; et s’il est vrai qu’il se soit réduit à quatre, c’est,
commeon l’a déjà dit, parce que la Faculté tient essentiellement
à rehausser le prix de cette distinction, en l’accordant unique
ment à ceux dont les réponses ne laissent absolument rien à
désirer.
Sur les 184 élèves restants, 103 ont obtenu l’unanimité des
suffrages ; 66, la majorité simple, et 15 ont été ajournés.
Quoique ces divers échecs soient encore en assez grand
nombre et que six des derniers s’appliquent à des actes publics
de Licence, qui ne devraient jamais descendre à ce degré d’in
fériorité, ils sont dans une grande disproportion avec ceux de
l’année précédente, où l’on comptait 82 boules noires et 32
rejets.
On peut donc dire que si l’amélioration dans les études n’a
pas été aussi complète que possible, il y a eu cependant des
progrès bien marqués, surtout au point de vue de la rédaction
des thèses, dont quelques-unes se distinguent éminemment des
autres, autant par la pureté, la concision et l’élégance du style,
que par la finesse dans les aperçus, un exposé méthodique et
lumineux des principes et enfin une saine interprétation des
textes.
A la tète des Élèves qui composent l’élite de la jeunesse stu
dieuse et qui ont obtenu souvent l’éloge ou des boules blanches
en grande majorité dans leurs examens, figurent MM. Guigou,
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Grégoire et Verne, dont les succès couronnés au concours vont
être bientôt proclamés dans celte enceinte.
Dans la catégorie de ceux dont les thèses méritent une
mention honorable viennent se placer au premier rang MM. de
Caraffa, Mathieu et Chauvin ; et au deuxième, MM. Guigou,
Benedetti, Emmanuelli et Gimon qui se sont également fait re
marquer, à leur acte public de Licence, par la logique de leurs
déductions et la justesse de leurs réponses dans la solide argu
mentation qu’ils ont fournie.
La 4mo année se distingue de toutes les autres par le petit
nombre de ceux qui se sont présentés pour le Doctorat ; car elle
en compte seulement trois qui n’aient pas reculé devant les
exigences plus impérieuses du nouveau règlement universitaire,
d’après lequel l’admission ne peut plus désormais avoir lieu, si
le candidat n’a pas au moins trois boules blanches à chacune
de ses épreuves.
Tel a été, du reste, le résultat par eux obtenu au premier
examen, lors duquel ils ont fait preuve d’un jugement éclairé
et d’un savoir acquis par de laborieuses explorations.
Il est à regretter toutefois que leur exemple n ait pas trouvé
plus d’imitateurs et que la crainte d’un échec en oit empêché
plusieurs autres d’entrer, comme eux, dans la lice pour con
quérir le grade honorable auquel doivent aspirer tous les jeunes
gens qui veulent compléter leurs études juridiques ; car, s’il est
vrai que son obtention soit subordonnée aujourd'hui à une ap
préciation rigoureuse de leur capacité réelle , elle n’en a que
plus de prix aux yeux de ceux qu’une louable ambition rend
avides de science, et place, par les sentiments comme par le
mérite, au-dessus du commun des hommes.
Ne vous rebutez donc pas, jeunes élèves, des difficultés que
présentent ces épreuves plus sérieuses ; et soyez bien convaincus
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qu elles rtc seront pas insurmontables, en redoublant d’ardeur
et de persévérance. Si l’on exige plus de vous, c’est nonseulement dans l’intérêt de la science, mais encore dans le
vôtre; plus vous aurez cultivé les dons de l'esprit, plus les
qualités de votre cœur se seront ennoblies; plus votre intelli
gence sera fécondée par le travail , plus vous amasserez de
trésors impérissables, et plus vous applaudirez un jour à l’heu
reuse pensée qui, par une sage prévoyance, vous aura ainsi
préparé un avenir de gloire et de prospérité.
L’appel que nous faisons ici à la généreuse émulation des As
pirants au Doctorat pourrait-il être sans retentissement auprès de
tous nos autres élèves, en présence de la récente décision qui les
soumet à suivre désormais deux cours de la Faculté des Lettres?
Non, -nous ne saurions le croire, les savantes leçons des Pro
fesseurs distingués qui la composent, leur offriront trop d’intérêt
et de trop précieux éléments d’inslruclioû, pour qu’il ne soit
pas permis d’espérer de leur part la ferme résolution d’y as
sister avec une assiduité constante et d’ajouter au relief de leurs
connaissances juridiques, celui non moins digne d’ambition
qu’elles emprunteront à la fois de l’attrayante culture des
lettres, des sublimes notions de la philosophie, des fructueux
enseignements de l’histoire.
Eh ! quel stimulant plus puissant pourrait faire germer dans
leur âme un ardent amour de la science que la noble impulsion
donnée aujourd’hui à toutes les intelligences d’élite par les
hommes éminents chargés de veiller aux destinées de l’ins
truction publique.
Si jamais le vrai mérite dût s’attendre à occuper un poste
distingué dans toutes les carrières honorables, c’est sans doute
15
au moment où nos institutions politiques en ouvrent Faccès aux
seules ambitions légitimes.
C’est surtout au moment solennel où la nation tout entière
appelle de ses vœux et de ses acclamations au trône impérial
le digne représentant du héros qui, après avoir terrassé l’hydre
de l’anarchie, et assuré par la victoire, la splendeur et la pros
périté de la Frauce, crût entourer son front de la plus belle
auréole de gloire, en présidant, avec le concours de tous les
hommes de talent et de génie, à la rédaction des codes immor
tels qui feront à jamais l’admiration des peuples, et en honorant
des plus éclatantes faveurs toutes les illustrations scientiüques
et littéraires.
Je ne saurais mieux terminer, Messieurs, l’exposé sommaire
des travaux de nos Élèves et des progrès dont ils ont été suivis,
qu’en déroulant à vos yeux le tableau des récompenses ac
cordées par la Faculté à ceux qui s’en sont montrés les plus
dignes, dans les différents concours ouverts enlr’eux.
Mais, avant de proclamer leurs noms, ma pensée doit natu
rellement se porter vers une lutte bien autrement glorieuse ,
où la palme a été récemment décernée à notre estimable col
lègue, M. Jalabert, ancien élève de la Faculté, dont le triomphe
n’a étonné personne; des antécédents on ne peut plus hono
rables ayant déjà révélé en lui une de ces organisations heu
reuses et rares qui franchissent d ’un pas ferme et rapide les
premières aspérités de la science au culte de laquelle leur
existence tout entière est vouée , jusqu’au moment décisif où
les trésors d’érudition par elles amassés viennent briller au
grand jour de tout leur éclat, et leur concilier à la fois les
suffrages les plus flatteurs, les sympathies les plus affectueuses.
�10
Voici, Messieurs, les noms des Élèves qui ont obtenu des
médailles ou des mentions au concours et dont les compositions
seront l'objet du rapport spécial qui vous sera bientôt présenté
par M. Caries, professeur.
En 1ro année, la Faculté a décerné la médaille d’honneur
à M. Talon, de Nîmes; le 2mo prix à M. Mougins, de Grasse;
la 1re mention ex œquo, à M. Boyer, de Cendras, et M. de
Romeu, de Perpignan ; la 2mo mention à M. Garnier, de SlMaximin.
En 2mo année, M. Trotabas, de Trigance, a obtenu le premier
prix; M. Souchon, deMalaucène, le second; M. Blanchard,
de Marseille, la l re mention; et M. de Pèlerin, d’AIais, la
seconde.
En 3rae année, M. Grégoire, de Marseille, a eu le second
prix pour la composition de Droit Romain; M. Guigou, de
Brignoles, le second prix pour celle de Droit Français ; et
M. Verne, de Marseille, une mention honorable pour chacune
de ces deux compositions.
En 4me année , une seule dissertation ayant été déposée au
Secrétariat de la Faculté qui ne l’a pas jugée digne d’un prix,
le sujet qui avait été adopté par M. le Ministre, d ’après l’avis
de la section permanente du Conseil supérieur de l’Instruction
publique, a été, avec son approbation, remis au concours pour
la présente année scolaire : il a pour objet la solidarité en Droit
Romain et en Droit Français.
M. le Président a accordé ensuite la parole à M. Pons ,
doyen de la Faculté des Lettres, qui a lu le discours suivant ;
17
Rapport de M. P ons, Doyen de la Faculté des Lettres.
Messieurs ,
Un administrateur qui s’est efforcé de bien faire, doit regarder
comme heureuse et honorable l’occasion d’exposer ses actions
devant une assemblée nombreuse et choisie. C’est avec de
pareils sentiments que je vais vous parler en mon nom et au
nom de mes Collègues de la double tâche qui nous est confiée
d’examiner et de professer. Ce compte-rendu sera précédé d'un
acte de reconnaissance. Le premier usage de cette parole publi
que doit être de vous remercier de votre présence en ce lieu
qui est pour nous une récompense et un encouragement.
Dans le cours de la dernière année scolaire, du 1or novembre
1851 au 1er novembre 1852, aucun Candidat ne s’est présenté
pour le Doctorat. On ne nous a même soumis relativement à
celte épreuve aucun projet de thèse.
Une première session de Licence a eu lieu du 12 au 15 no
vembre 1851 en faveur de deux Candidats. L’un, dont les
compositions n’ont pas été jugées suffisantes, n’a pas été admis
à l’examen oral. L'autre, qui pour la troisième fois tentait une
épreuve importante pour son avenir, est parvenu au but qu’il
voulait atteindre. Cet estimable licencié, M. Wuilmin, est au
jourd'hui un des bons professeurs de l’Académie de Vaucluse.
La seconde session, du 1or au 5 juillet 1852, a été par le nom
bre et par le talent des Candidats, supérieure à la première.
2
�18
La Faculté, appelée d'abord à prononcer sur le mérite des
compositions, a écarté, avec regret des épreuves orales, deux
Candidats certainement instruits mais qui ont obtenu la note
mal, l'un, pour la versification latine et l’antre, pour la compo
sition grecque. Leurs rivaux, plus heureux dans les épreuves
écrites, se sont montrés, dans Fexplication des auteurs, dignes
d’eux-mêmes par l’emploi de leur sensibilité et de leur juge
ment. Ils ont prouvé qu’ils avaient étudié les éléments des arts,
les nuances délicates du beau et les lois du bon goût appliquées
à l’examen des modèles. Des mérites divers ont assuré ce dou
ble succès. Nous avons remarqué dans le Candidat admis au
premier rang, plus de verve et une imagination plus féconde,
et dans le second, plus de maturité et un fond plus riche de
connaissances variées. L’un, M. Clapier, élève de l’école des
Carmes, porte un nom respecté dans la magistrature du ressort
de notre Cour d’Appel; l’autre, M. Bclloc, est professeur au
Collège de celte ville.
Les prétendants au titre de Licencié sont, comme on le voit,
peu nombreux. Il n’en est pas de même pour le Baccalauréat.
Dans la dernière année scolaire , le nombre des Candidats a
été de 357, parmi lesquels 133 ont été admis et 222 ajour
nés. Sur les 135 Candidats admis, 124 ont obtenu la mention
assez bien, et H seulement la mention bien. Je me con
forme à l'usage en écrivant dans ce Rapport les noms de
ces Lauréats:
Bouteille (Marie) d ’Aix;
Meyrargue (Alfred) de Metz ;
Moisson (Louis) de Brest;
Monier (Victor) d’Orange;
Levie (Joseph,) d’Ajaccio ;
10
Bonnet (Félix), né au Val (Var);
Delobre (François) de Marseille;
Bain (Marie) de Draguignan;
Nalis (Toussaint) de la Ciotat;
Court (Joseph) de Marseille;
Provansal (Alfred) de Laragne (Hautes-Alpes).
La Faculté des Lettres d'Aix n’est"pas prodigue d’éloges. Le
Ministre actuel de l’Instruction publique qui, après l’avoir orga_
nisée, est encore à sa tête par le litre de Doyen honoraire, lui a
laissé des principes de sévérité et de justice dont elle ne se
départ jamais.
De pareils résultats sont un utile enseignement pour les
familles et les intérêts précieux qui les rapprochent de nous.
Les jeunes gens doivent le plus souvent leur échec à une pré
paration insuffisante. Ils vont au devant des revers en plaçant
une confiance aveugle dans leurs dispositions naturelles ou dans
les chances que leur ménage la fortune dans la désignation des
questions; d’autres élèves plus studieux, qui, pendant la der
nière année de leurs classes, ajoutent les veilles de la nuit aux
travaux de la journée, ne peuvent pas toujours réparer le temps
qu’ils ont perdu. On doit se préparer de bonne heure à un exa
men dont on veut assurer la réussite et remplir toutes les condi
tions d’un travail intelligent et opiniâtre. L’èrc nouvelle qui
commencera avec l’année 1853, pour les examens du Bacca
lauréat, sera marquée par des changements dont l’esprit public
n’a pas tardé à comprendre l’importance. La session du mois
de janvier est supprimée. C’est une mesure tout à la fois nou
velle et ancienne; nouvelle, puisqu’elle change le régime ac
tuel ; ancienne, puisqu’elle est un retour au règlement du 14
juillet 1840. Un goût délicat et sûr a présidé au choix des Au-
�20
21
leurs qui seront expliqués à livre ouvert. Les meilleurs ouvra
ges de la littérature nationale sont recommandés aux médita
tions delà jeunesse avec les chefs-d’œuvre du génie Latin et
ceux de la Grèce qui ont été consacrés par une longue renom
mée et par l’admiration générale. Nous trouvons dans ce pro
gramme le maître illustre de l’empereur Trajan, le célèbre
historiographe Plutarque dont les jugements sont toujours dé
terminés par la justice et l’amour du bien, Homère, le prince
des poètes, le grand orateur Démoslhènes et l’immortel Sophocle
qui unit ce que l’art a de plus heureux à ce que la nature nous
offre de plus beau. A la connaissance de celte antiquité, qul
restera l’école du bon goût et du bon sens, sont associés SaintGrégoire de Naziance, surnommé le théologien, Saint-Basile le
Grand, père de l’église grecque, Saint-Grégoire, évêque de
Nysse, son frère', et Saint-Jean Ghrysostôme, l’Homère des
orateurs. Ces hommes célèbres que l’église révère, ne dissimu
laient point ce que leur génie devait aux lettres profanes.
Saint-Basile s’écriait avec transport: ôMuses 1 ô belles-lettres!
ô Athènes! quelles sont grandes les faveurs que vous accordez
à ceux qui vous aiment : m ixo’j G a i, xalLoyoi, xal ’AÔvivat, oia toiç
èpaGTaïç àwpelre (1) ! L’examen résumé de ces auteurs sera vrai
ment instructif pour les jeunes gens qui devront résumer exac
tement les détails de leur perfection. La plus grave obligation
ajoutée aux épreuves est celle d’une composition soit française,
soit latine, selon que le sort en décidera. La préparation des
Candidats n’était le plus souvent qu’un exercice de mnémo
technie. A l'aide de certains artifices on apprenait rapidement
quelques connaissances superficielles avec le désir de les oublier
le plus tôt possible et l’on pouvait quelquefois, dans un examen
de trois-quarts d’heure, surprendre un succès. Aujourd’hui,
un examen plus long et six heures de composition établissent
des conditions nouvelles. La mémoire perd sa couronne usurpée
ou pour mieux dire, elle la partage avec Lintelligence et le
jugement.
(1) Lettres adressées à Libanius. Ce rhéteur grec enseigna avec succès dans les
écoles de Constantinople, de Nicomédie et d’Antioche, et compta au nombre de ses
disciples S‘ Basile et S‘ Jean Chrysostômo.
Ce serait, Messieurs, accepter une tâche bien ingrate que de
dire aux jeunes gens qu’ils auront à partager leur esprit en
soucis multipliés, si nous devions rester étrangers à leurs efforts
laborieux , mais je n’ai point hésité à leur parler de leurs peines
nouvelles, parce que ces peines seront en partie les nôtres. Le
concours de notre zèle ne leur fera pas défaut. Notre bonheur
sera de guider et d'étendre leur instruction. C’est dans celle
pensée que la Faculté a préparé ses travaux pour l’année que
nous inaugurons aujourd’hui.
Le cours de Philosophie aura pour but d établir, contre
l’opinion des sophistes, l’existence d’un droit naturel, c’est-àdire, de principes de conduite envers autrui, antérieurs et su
périeurs aux prescriptions légales. Fidèles à la belle définition
de la loi naturelle donnée par Cicéron dans la Milonienne:
est igilur hœc, judices, nonscripla, sed nata lex, etc. Les vrais
Philosophes sont unanimes à reconnaître l’inviolable autorité et
le caractère sacré des lois à la condition de les rapporter et de
les trouver conformes à un code immuable primitivement inscrit
dans les consciences et émané delà raison divine.
Le Professeur d’IIistoire examinera l’état de la société et du
�23
gouvernement en France pendant le moyen-âge. Celle préfé
rence, douuée à une étude qui nous touche de si près, se r e
commande par son utilité même. Elle est d’ailleurs conforme
aux règlements nouveaux, si favorables à l'enseignement de
l’histoire nationale.
Le Professeur de Littérature Ancienne continuera de parta
ger ses éludes entre les antiquités d’Athènes et de Rome. Dans
ses leçons d’exposition il se propose d’analyser le théâtre tragi
que des Grecs, en rapprochant de leurs modèles les chefs-d’œu
vre dramatiques des autres littératures. Il insistera particuliè
rement sur les leçons morales qui ressortiront des passions et
des sentiments mis enjeu par les poètes. Les leçons d'explica
tion seront consacrées aux épîtres d’Horace. Les jeunes gens
trouveront dans cet ouvrage les notions de goût les plus saines
et d’excellents préceptes de sagesse qui forment une sorte de
code moral.
Le Professeur délégué dans la chaire de LittéralureFrançaise,
terminera l’histoire de la poésie dramatique pendant le xvn®
siècle. Chargé d ’un cours d’un immense intérêt, il étudiera suc
cessivement les théâtres du grand Racine, de Thomas Corneille,
de Crébillon, de Quinaull, de Molière cl des poètes du second
ordre.
Conformément à un usage qui a produit d’heureux résultats,
le Professeur consacrera la leçon du samedi à l’analyse critique
et comparée des auteurs les plus célèbres du xviie siècle. Il
s’occupera surtout de Roileau pendant le premier semestre et il
développera, à l’occasion des écrits de notre immortel Aristarque, les principes les plus importants de la composition et
du style.
Le Professeur de Littérature Étrangère, dont les études anté
rieures ont exploré les trésors des littératures méridionales, doit
inaugurer l'appréciation du génie du Nord par l’examen crititique de la littérature Anglaise, depuis les essais grossiers des
Anglo-Saxon jusqu'aux auteurs contemporains. Docile à un
système dont chaque jour constate la vérité, il joindra à l’ana
lyse des ouvrages, la biographie des écrivains, en rattachant ce
double point de vue à l’histoire du pays. Ainsi apparaîtra le
génie Anglais qui a communiqué une vive physionomie à sa
poésie aussi bien qu’à sa politique.
En expliquant la tragédie de Macbeth, le Professeur de Litté
rature Étrangère restera encore Fhistorien d ’un peuple quia
eu pour interprète de ses passions un grand auteur tragique:
S hakespeare, dont le génie est éminemment Anglais.
Les divers programmes dont ce rapport mentionne seule
ment les principales idées forment dans leur ensemble un systè
me d’instruction solide et varié. Cependant notre devoir ne se
borne pas à la direction des esprits. Nous aspirons aussi à agir
sur les cœurs avec le respect dû à la jeunesse. La science aura
sans doute une bonne part dans nos cours, mais elle sera tou
jours une exhortation à la vertu. Dans nos entretiens avec les
jeunes gens nous exalterons sans cesse tout ce qu'il y a de plus
noble sur la terre: la gloire, Injustice, l’humanité et la religion.
Avec eux nous entrerons dans l’ère nouvelle ouverte à notre
patrie. Nos pères ont soutenu de leur courage et de leur dévoûment l’édifice colossal fondé par le plus grand capitaine de tous
les siècles. Nous irons aussi, marchant sur leurs traces, avec
la jeune génération de celte époque, saluer de nos vœux et de
nos hommages la dignité impériale qui va renaître pour la
grandeur de la France et la paix de lUnivcrs.
�24
M. Caries, Professeur de Code Napoléon, a terminé la séance
parla lecture de son Rapport sur le concours pour les Prix et
Médailles accordés par le Département et par 1Étal à MM. les
Étudiants en Droit des diverses années.
Rapport de M. Carles , Professeur de Code Napoléon.
Messieurs ,
L’analyse des compositions reproduite chaque année oblige
nécessairement à des redites. Les esprits sont comme jetés dans
certains moules dont le nombre est circonscrit; cl les mêmes
travaux quoiqu’exécutés par des personnes différentes et dans des
temps divers, ramènent à peu près les mêmes contrastes.
Ainsi l’un brille par le fond , l’autre par la forme; celui-ci plus
hardi, se fait remarquer par une personnalité vigoureuse ; celuilà, plus prudent, se borne à reproduire ce qu’il a lu ou entendu.
Tel a besoin d ’être encouragé par un éloge, tel autre, d’être
réveillé par un reproche qui, bienveillant dans l’intention et
dans la forme, pique cependant son amour-propre au vif et le
relance dans la bonne voie. Envers l’un, il faut se servir du
frein; envers l’autre, de l’épéron, comme dit un ancien. Voilà,
Messieurs, le cercle d’idées et presque d’expressions dans lequel
roulent nos rapports annuels. Mais qu’importe celle monotonie
si elle produit des résultats utiles, si elle encourage le travail et
entretient l’émulation , si l'éloge et le blâme distribués avec
justice et mesure dans celte séance solennelle, sont comme une
25
semence féconde qui va fructifier au centuple dans le cœur et
dans l’esprit de plus d’un jeune homme?
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous allons
analyser les compositions de l’année 1851-52
En première année, le sujet était: De la position du posses
seur de bonne et de mauvaise foi, de l'usager et de ïusufruitier
quant aux fruits en Droit Romain et en Droit Français.
Les quatre sortes de personnes désignées dans l’exposé de la
question, ont cela de commun qu’elles recueillent, toutes, les
fruits d’un immeuble qui ne leur appartient pas. Mais comme
c’est à des titres différents, il est intéressant de rechercher en
quoi et pourquoi ces divers ayants-droit se ressemblent ou
diffèrent. La plupart des jeunes gens qui ont traité la question
ne l’ont pas poussée aussi loin. Ils se sont bornés à présenter les
règles relatives à chacun des ayants-droit, sans les mettre en
face les uns des autres, sans faire ressortir les ressemblances et
les différences. Au lieu donc de tracer un tableau d’ensemble et
de comparaison, ils ont traité successivement et isolément les
quatre parties de la question. Cette marche plus facile est celle
que devaient naturellement prendre des élèves de première
année.
29 ont concouru, 5 ont mérité d’être distingués.
M. Talon (de Nîmes) a mérité le premier prix, et il lui a été
décerné sans hésitation, car il s’était placé hors ligne. Ce qui le
caractérise c’est une manière large et ferme d’aborder son sujet.
On voit qu’il en est le maître. Il l’encadre bien, le développe
judicieusement et le complète. On n’a guères à regretter qu'un
petit nombre d’inexactitudes et de lacunes. C’est là, à vrai dire,
un heureux début; et si M. Talon persévère à demander le
succès au travail, à la conduite, à l’élude, il nous promet un
élève distingué pour l’avenir.
�26
M. Mougins (de Grasse), qui a obtenu le second prix, ne se
fait pas remarquer par le môme caractère. Loin de maîtriser
son sujet, c’est le sujet qui le domine, et pour ainsi dire l'ac
cable. Il n’omet rien de tout ce que l'enseignement oral ou
écrit a pu lui apprendre. Sa composition est plutôt une suite
de détails ajoutés les uns aux autres, qu'elle n’est une œuvre
personnelle ayant son unité et son cachet particulier. La Faculté
a voulu récompenser, en M. Mougins, les habitudes laborieuses
que révèle ce soin minutieux et complet de reproduire tout ce
qu’il a entendu ou lu. Mais M. Mougins fera bien, tout en conti
nuant avec sa louable application à noter, lire, étudier de mé
moire, il fera bien de trouver aussi dans la journée quelques
moments pour s'accoutumer à penser un peu par lui-môme.
Trop de jeunesse et une grande modestie sont les seules causes
du défaut où il est tombé celte première fois : et c’est parce
qu’il a tout ce qu’il faut pour mettre notre conseil à profit que
nous le lui donnons.
MM. Boyer et de Romeu, qui ont obtenu ex œquo la pre
mière mention, ont fait l’un et l’autre un travail qui annonce
d’heureuses facultés, mais qui est incomplet. Toutefois s’ils
pèchent par défaut fi un et l’autre, c’est d’une manière diffé
rente. M. Boyera montré par la manière dont il a traité certaines
parties, qu’il pourrait les traiter toutes fort bien, s’il les con
naissait également. Malheureusement certains points ont été
par lui mal saisis, ou sont restés tout-à-fait dans l’ombre. M. de
Romeu, au contraire, a présenté tout le sujet d’une manière
uniforme, c’est-à-dire avec netteté, facilité, transparence; mais
il n’a à peu-près rien approfondi. Il faut lui adresser le conseil,
si souvent répété, que la clarté ne doit pas s’obtenir aux dépens
de la profondeur.
M. Garnier, à qui a été décernée la deuxième mention,
27
serait à peu près dans le môme genre que M. Mougins. Son
mérite consiste dans la laborieuse reproduction des détails, sans
cependant être aussi riche à cet égard que son condisciple.
Comme lui, du reste, il se recommande par une grande jeunesse
et par beaucoup de modestie. Ajoutons pour complelter le paralelle, que l’un et l’autre se sont fait distinguer par leur examen.
En deuxième année, le sujet était : Du retour légal et conven
tionnel; c’est-à-dire de la faculté qui est accordée au donateur
de reprendre dans certains cas le bien donné après le décès
du donataire. Ce droit de reprise ou de retour, exclusivement
conventionnel dans le Droit Romain, se transforma dans notre
législation coutumière , et devint une sorte de succession anor
male qu’on continua d’appeler droit de retour par souvenir de
son origine*, mais on l’appella retour légal pour le distinguer
du retour conventionnel. Suivre celte transformation dans son
développement historique, dire ensuite dans quels cas et avec
quelles règles ces deux sortes de retours se retrouvent dans
notre législation actuelle, tel était l’objet de ce travail.
18 Elèves se sont présentés pour le traiter ; nous en avons
distingué 4.
Monsieur Trotabas a conquis cette année le premier prix;
et disons-le, pour lui comme pour M. Talon, il n’y a pas eu
d’hésitation possible, il s’est aussi placé hors ligne. Sa composi
tion est complète dans ses diverses parties ; les principes sont
bien mis eu lumière, les motifs de la loi bien déduits, les solu
tions en général sûres. Le style est parfois un peu rude, mais
toujours vigoureux. Ce travail, dans la forme comme dans le
fonds, porte l’empreinte d’une personnalité bien accusée et bien
douée.
�28
M. Souchon , le second p rix , doit davantage à l’énumération des détails et à la richesse des souvenirs. Il a pourtant
omis de parler de l’art. 766. A cela près sa composition est
complète et bien déduite. C’est un travail moins personnel que
le précédent, mais judicieux et convenable; l’Élève mérite
d'être de plus en plus encouragé.
M. Blanchard, la première mention, a fait un travail qui se
distingue à plusieurs égards: l’exposition est claire et nette;
les solutions sont en général exactes, mais plusieurs points ont
été omis. Avec quelques développements de plus, le travail
eut été tout-à-fait bon. Tel qu’il est, il montre un esprit de bon
aloi qui s’attache aux principes, et avec raison, mais qui ga
gnerait en flexibilité, s'il penchait un peu plus vers la direction
exégélique.
M. de Pèlerin, qui a obtenu la deuxième mention, a été
complet sur le retour légal, mais faible sur le retour conven
tionnel. Si la seconde moitié avait valu la première , il aurait
un meilleur rang. La manière dont il traite la question indique
un esprit investigateur et autant porté à l’exégèse que M.
Blanchard l’est à la synthèse. Ils devront l’un et l’autre com
pléter ce qui leur manque, tout en conservant ce que leur
tendance naturelle a de bon.
En dehors des récompenses officielles, deux Élèves de cette
année méritent un encouragement. Ce sont MM. Bernard et
Gide. M. Bernard a fait un travail très-complet et qui indique
un esprit sage et instruit, mais il faut le lui dire en ami, ce
travail est beaucoup trop délayé, il perd presque sa substance
en s’étendant. Si une autre fois M. Bernard peut renfermer
autant de choses en beaucoup moins de pages, il touchera alors
le but dont il s’est déjà approché de très-près deux fois.
M. Gide n’a fait que la moitié du travail. L’art. 147 a tellc-
29
ment absorbé son temps et ses forces, que le reste du sujet est
à peine indiqué. Mais la partie traitée l a bien été, elle révèle
un esprit accoutumé à la discussion juridique. M. Gide pourra
aussi une autre fois atteindre au prix s’il sait mieux discipliner
son temps.
En troisième année, deux sujets étaient à traiter donnant
lieu à deux prix, l’un en Droit Romain, l’autre en Droit
Français.
Le sujet en Droit Romain était: de la Litis conlestatio. C’est
à la fois une des recherches les plus curieuses de l’archéologie
juridique et un des points les plus féconds du Droit par ses ap
plications pratiques.
Le sujet du Droit Français était: Delà Garantie due par le
Vendeur à l'Acheteur dans le cas d'éviction. L’énoncé seul de
cette question indique tout ce qu’elle avait d ’important et de
difficile.
Avant d’analyser les travaux faits sur ces deux sujets, il faut
présenter quelques observations. D’abord nous devons être et
nous sommes plus exigeants pour la troisième année que pour
les précédentes. Les Élèves vont terminer leur cours triennal,
ils ont pu profiler de nos conseils, de nos encouragements, de
nos critiques. C’est le moment de voir si toutes ces semences
ont produit leurs fruits ; et l’Élève ne pourra porter la main à la
couronne qui l’attend au bout de son éducation juridique qu’autaut qu’il en sera complètement digne. Tel travail qui aurait pu
paraître assez bon dans une autre année et mériter d’être en
couragé, sera répudié médiocre pour celle-ci. Chaque année,
en effet, doit présenter un degré de mérite relatif, et la loi du
progrès veut qu’en toute chose celui qui n’avance pas recule.
�30
Les Élèves savent cela, et ils sont dès lors avertis qu’il n’y a
pas ici de milieu entre faire toul-à-fait bien ou rester dans
l'oubli. Ils ont vu, en outre, dans les deux années déjà écou
lées, quels sont ceux de leurs camarades qui sont accoutumés
à remporter les prix, et qui ayant pris en quelque sorte la tôle
de la colonne, paraissent ne plus vouloir la quitter. Les vaincus
acceptent alors cette supériorité deux fois constatée, et déses
pérant, mal à propos, de faire changer la fortune qui semble
s’être fixée, ils n’essayent pas même de renouveler le combat,
et ne se présentent pas au concours quoiqu’il y ail deux prix
à disputer. Ces raisons, jointes à celte autre circonstance que
les épreuves pour les grades sont nombreuses en troisième an
née, et absorbent le temps et les forces intellectuelles de la plu
part, ces raisons cumulées, dis-je, expliquent pourquoi nous
n’avons en troisième année qu’un très-petit nombre de concur
rents.
Trois se sont présentés cette année: ce sont MM. Guigou,
Grégoire, Verne.
Il n’y a pas eu ici, comme en première et deuxième année,
une de ces compositions hors ligne qui préviennent toute hési
tation. Il n’y a pas même eu de premier prix. L’Élève qui
avait obtenu dans les années précédentes le premier prix, M.
Delanglade, n’a pas même pu figurer au concours. Il n’y brille
que par son absence. Ceci demande une courte explication qui
ne sera pas sans intérêt : pour être admis au concours de troi
sième année, il faut avoir obtenu dans toutes les épreuves du
cours triennal un certain nombre de boules blanches. Or, il en a
manqué une à M. Delanglade, une seule.... Elle lui a failli à
l’épreuve de la thèse. Sans doute la Faculté a regretté ce résul
tat, mais elle ue pouvait pas l'écarter. Justice avant tout et
pour tous. La boule blanche refusée au lauréat de deux années
31
donne du prix à celles qu’on accorde, et elle montre que la
bienveillance ne s’accomplit jamais aux dépens de Injustice.
Ce n’a été là au reste qu’un accident dans la carrière de M.
Delanglade. Nous lui devons ce témoignage qu’il n’avait pas
dégénéré des années précédentes pour Fapplication ni pour la
conduite.
Une circonstance fortuite et insignifiante en apparence, qui est
de nature à servir d ’enseignement à plusieurs, pourrait peut-être
expliquer son insuccèsàla thèse. Il s’était absenté danslesderniers
jours qui précédèrent l’épreuve. Il avait cru pouvoir aller se
préparer à Marseille au sein de sa famille où quelques affaires
l'appelaient. Les livres et les secours de divers genre lui ont-ils
manqué? Ou le retour prématuré dans une grande ville Fa-t-il
trop distrait ? Nous ne savons; mais on serait enclin à penser
que certains travaux ne peuvent être bien exécutés que dans
leur lieu respectif. Ils ont comme leur atmosphère hors de la
quelle on ne respire pas ou l’on respire mal. Ceci nous rappelle
involontairement le conseil donné dans le temple du g o û t, à
proposd’un poète dont les dernières inspirations se ressentaient
du germanisme :
Faites tous vos vers à Paris
E t n’allez pas en Allemagne.
Quoiqu’il en soit, si M. Delanglade a été malheureux à la
thèse, la fortune s’est montrée sous un autre rapport bien
veillante pour lui, car elle a voulu que la première place, qu’il
avait toujours occupée jusque là, restât vide en son absence.
M. Guigou, de Driguoles, qui a obtenu le second prix en Droit
Français, a pourtant fait un bon travail; travail complet, judi
cieux, où l’on ne peut noter que très-peu d’inexactitudes ou de
lacunes. Si on devait ne se décider que par le fond, M. Guigou
aurait mérité mieux que ce qu’il a eu. Mais on ne peut le mé-
�3*2
33
connaître, son travail était trop négligé dans la forme pour pou
voir être honoré d’un premier prix. M. Guigou, un de nos
Élèves les plus intéressants sous tous les rapports, est aussi un
de ceux qui gagneront le plus à s’appliquer les mesures récen
tes qui ont pour but d’établir une alliance plus étroite entre la
littérature et les études juridiques. Si nous nous attachons prin
cipalement aux choses, n’oublions pas cependant que les choses
ne s’expliquent que par les mots; et si le fond a de préférence
notre estime , le fond lui-même doit beaucoup à la forme qui
le manifeste, et pour ainsi dire, le révèle. Montesquieu n’eut
pas paru le premier des penseurs, s'il n'avait pas été en même
temps un de nos plus grands écrivains.
M. Grégoire a obtenu le second prix de Droit Romain. C’est
unede ces natures où se reproduit le mieux le genre d’esprit que
nous avons souvent rencontré dans les appréciations de ces tra
vaux, soit cette année, soit dans les années précédentes : esprit
net, facile, méthodique , faisant aimer sa brièveté par une
certaine élégance dont il sait la revêtir, mais n’approfondissant
pas assez les sujets qu’il traite. Si M. Grégoire veut produire à
l’avenir quelque composition , non-seulement convenable et
suffisante, mais qui se fasse un peu remarquer, il devra attaquer
les questions plus au vif, et les creuser à la sueur de son front.
Lui et tous ses condisciples, devront se souvenir que les anciens
avaient placé la science au fond d’un puits et non pas à la
surface. J’ai dit la science: on dit ordinairement la vérité ; mais
qu’importe? Science et vérité sont synonymes.
M. Verne a obtenu une mention en Droit Français et en
Droit Romain, ce qui équivaut presque à un prix. M. Verne ne
ressemble pas aux précédents Lauréats, ses condisciples. Moins
instruit en général, moins calme, moins sûr de ses décisions,
il a quelque chose de plus vif, déplus hardi, déplus investi-
gatcur. Son nom n’a pas figuré dans les années précédentes,
parce qu’il n’appartenait pas à notre Faculté. Sa composition
incomplète de fond , montre beaucoup de sève , beaucoup de
vigueur originale, un véritable avenir. Il est de ces esprits qui
bien dirigés vont loin; mal conduits, ils se jetteraient volontiers
dans les voies paradoxales et même un peu excentriques. Nous
lui conseillons de se préparer aux épreuves du Doctorat. Le
Doctorat peut être à d’autres d une grande utilité, il est pour
M. Verne d ’une nécessité indispensable. Il acquerra dans ce
complément des éludes juridiques le surplus d’instruction qui
lui manque, et il pourra y trouver la direction dont il a un
suprême besoin pour développer à la fois et discipliner ses
facultés natives.
Messieurs, nous aurions aimé à couronner celle appréciation
des travaux des trois années par l’analyse d’un mémoire de
Docteur qui eût remporté le prix de la quatrième année. Mais
le prix n’a pas pu être décerné cette année. Un mémoire a été
présenté qui annonce des études et la volonté de bien faire;
mais l’œuvre a besoin d’être remise à la fonte. Nous avons cru
entrevoir par certains passages que l'auteur se préparait aux
épreuves orales du Doctorat; et il n’a pas pu suffire à ces deux
travaux menés de front. Quel que soit fauteur inconnu de ce
mémoire, nous lui offrirons un vœu au lieu d’une récompense,
nous lui souhaiterons que le succès de l’épreuve orale, subie ou
à subir, puisse le dédommager de l’échec qu’il éprouve ici à
1 occasion du travail écrit.
►
*<
3
�35
La rentrée solennelle de l’École préparatoire de Médecine
et de Pharmacie de Marseille a eu lieu le 17 novembre 1852.
Précédée comme d’ordinaire de la messe du Saint Esprit, elle
a été honorée de la présence de M. le Maire, des membres du
Conseil Municipal cl de la Commission des Hospices, d'une par
tie des principales autorités et de la plupart des notabilités
médicales de la ville, et elle a été présidée par M. le Recteur
de l'Académie qui a ouvert la séance en ces termes :
Messieurs ,
Vous venez d’appeler sur vos travaux la bénédiction du Ciel.
Entre toutes les entreprises et tous les efforts humains où notre
infirmité sentie besoin d’un tel appui, en est-il, en effet, qui
réclament plus l’aide de Dieu que les travaux de l’intelligence,
de cette noble et fragile faculté de notre âme, sujette à tant de
chutes, au milieu de tant, de progrès, à tant de faiblesse et
d’aveuglement, au milieu de tant de grandeurs et de lumières?
Et parmi toutes les vastes éludes faites pour effrayer l'homme
abandonné à ses seules forces, en est-il de plus immenses que
celles où vous conduisez la jeunesse qui nous écoute, déplus
capables d’accabler par leur étendue et par leur variété les
esprits les plus puissants, et d’imposer aux plus intrépides la
nécessité d’un secours supérieur.
Dans un siècle oùle labyrinthe des sciences s’est tellement
�36
37
agrandi et compliqué qu'une seule doses anciennes divisions
peut à peine être parcourue dans une vie d'homme, où il a
fallu partager en plusieurs empires chacun de ces larges domai
nes que le même esprit ne suffisait plus à cultiver, on est
effrayé de l’idée qu’il n’est en quelque sorte aucune portion de
cet immense terrain (pic les éludes médicales ne soient tenues
d'explorer plus ou moins profondément.
Indépendamment des connaissances particulières, déjà si
nombreuses et si diverses, qui constituent proprement l’art de
guérir, qu’on se demande ce qu’on peut laisser ignorer sans im
prudence sur les lois des forces physiques à celui dont la tâche
sera de défendre la puissance vitale contre l’attaque perpétuelle
des agents extérieurs; ce qu’il est permis de lui taire sur les
étonnants progrès de la science qui décompose, transforme et
poursuit l’atome bienfaisant ou délétère jusque dans ses derniè
res combinaisons, ou sur les merveilleux secrets de la nature
qui a caché les remèdes les plus souverains dans les règnes
les plus humbles et permis souvent de tourner ses poisons
même en bienfaits; ce qu’on doit enfin lui interdire dans le
champ des études psychologiques, à cet homme qui soignera
fenfant, le vieillard, l'insensé, qui verra naître nos maladies de
nos chagrins et nos délires dans nos maladies. Que sera-ce si
nous songeons qu’il lui faut encore, pour embrasser son art en
véritable maître, pouvoir l’étudier dans scs origines, dans sessources antiques, dans ses révolutions, dans son histoire.
Des esprits sérieux se sont préoccupés avec quelque raisondes inconvénients qui peuvent naître de celte multiplication et
de cet accroissement incessant de toutes les branches des
sciences dont la connaissance utile à tous, nécessaire à plusieurs,,
est indispensable au médecin. En présence des faits qui s’en
tassent, des découvertes qui se succèdent, des lois particulières
qui s’amoncèlent sans se lier, ils se sont épouvantés pour la
mémoire. Ils croient voir les intelligences menacées de succom
ber sous le fardeau, ou fatalement condamnées, dans la confu
sion des sciences, à une sorte de dispersion nouvelle, si celte
marche rapide et désordonnée ne s’arrête. Ils soupirent après
une de ces grandes synthèses qui classent et relient les phéno
mènes, généralisent et simplifient leurs lois, et, les rattachant
les uns aux autres, les réduisent à dépendre d’un petit nombre
de principes. Ils demandent au génie de l’homme un de ces pas
de géant qui se font de loin en loin dans l’intervalle des siècles,
un de ces sublimes traits d’aile d’un Archimède, d’un Newton
ou d’un Lavoisier, qui portent tout d’un coupla science sur
une cîme nouvelle d’où elle embrasse d’un regard l’ensemble
et les détails de tout le territoire conquis.
Jusqu’à ce que la Providence ait de nouveau accordé à f hu
manité ce rare bonheur, il appartient aux esprits sages de parer
du moins, autant qu’il est possible, aux inconvénients du mo
ment. Ils n’y arrivent qu’en satisfaisant à deux conditions diffé
rentes également impérieuses. La première, c’est de répandre
avec une large mesure, sur toute la masse des hommes appelés
à une culture intellectuelle, les connaissances générales qui
forment comme une atmosphère commune à toutes les profes
sions élevées, et qui, pouvant s’acquérir dès la première jeu
nesse, sont de bonne heure une avance toute gagnée pour
chaque carrière savante.
Le second devoir à remplir cest de discerner et définir avec
prudence les études indispensables à chacun des arts libéraux ;
de mener de front, avec tous les développements nécessaires,
celles qui gagnent à s’accompagner entre elles, ou qui peuvent
conserver plus ou moins longtemps une marche commune sans
trop s’écarter de leurs tendances respectives ou du but propre
�.38
39
à chacune d'elles; et pour celles, au contraire, dont tes direc
tions sont trop différentes pour qu’on ne s’expose pas, en les
unissant, à des pertes de temps ou à des déviations préjudicia
bles, il faut leur ouvrir franchement des voies diverses, les mu
nir chacune de tous les secours qui leur sont particuliers, et y
diriger la jeunesse armée selon ses besoins et débarrassée de
tout bagage inutile.
Cet important service est un des bienfaits assurés plus parti
culièrement à la science médicale par la mise en pratique du
nouveau plan d’études qui vient d’être appliqué aux établisse
ments nationaux d’instruction publique.
Si, pour développer à un haut degré le sentiment littéraire,
il faut continuer d’approfondir dans nos classes les chefs-d’œu
vre des orateurs et des poètes delà Grèce, on ne compromet
rien en dispensant d’une partie de ce travail l'Aspirant médecin
à qui on laisse la clé de l’étymologie de tous les mots techniques
et la faculté d’interpréter au besoin le texte d’Hippocrate; s’il
n’est pas sans utilité pour un littérateur cultivé de s’exercer à
la versification Latine ou à la cadence Cicéronienne, il suffit
au Docteur de conserver l’usage de la langue que, si longtemps,
sou art et ses maîtres ont exclusivement parlée; enfin, si, pour
les carrières dont un des buts principaux est dans l’art d’écrire
ou dans te (aient de la parole, on a besoin d’initier de bonne
heure le Néophyte à tous les secrets de l’esthétique et à tous
les artifices du langage, l’adepte en médecine se contentera
volontiers d’une connaissance complète et sûre de notre langue
et de nos grands orateurs, certain de trouver au besoin, dans
la science même, les sources d’une éloquence et d’une poésie
qui ouvrent le cœur des hommes et charment l’oreille des
peuples.
L’application de ces principes incontestables était un hom-
mage au bon sens, non moins qu’une concession à l’esprit et
aux besoins de notre époque; elle a été surtout un bienfait
pour l’enseignement scientifique. D’heureuses modifications ont
été introduites dans les éludes classiques des jeunes gens qui
dès aujourd’hui se préparent dans nos Lycées à venir plus tard
vous entendre. La suppression d ’exercices superflus, l’emploi
de méthodes plus pratiques, une large part conservée à l’en
seignement littéraire indispensable, une grande attention et un
temps suffisant donné enfin de très-bonne heure à la culture
des sciences qui préparent le plus directement à l’art que vous
enseignez: tel est, Messieurs, l’ensemble des changements ap
portés à notre ancien système d’études.
Le premier résultat de cette grande et salutaire réforme sera
la conquête immédiate, à la fin des éludes scolaires, de ce
Baccalauréat ès-sciences que tant d’Étudiants poursuivent pen
dant de longs mois, sur ces bancs même, non sans détriment
de leurs études spéciales. En sortant des Lycées vos futurs
Élèves entreront de plein pied dans l’École, préparés à vous
comprendre, mûrs pour votre enseignement, comme le Bache
lier ès-lcltres passe aujourd’hui du Collège dans la Faculté de
Droit. Tel est, Messieurs, je tenais à vous le dire, le nouvel
avantage assuré aux études médicales et à cet établissement
communal par l’application du nouveau plan d’études.
Nous avons d’autres gages non moins certains de l'heureux
avenir de notre école dans la constante sollicitude dont l'entou
rent les administrateurs municipaux, qui ont pourvu à ses pre
miers besoins et continuent d’encourager ses succès, dans le
haut intérêt que lui porte le conseil général du département
dont elle n’a pas cessé d’éprouver la munificence, enfin dans
l’utile concours que la Commission des Hospices lui prête avec
tant de bienveillance et d’empressement.
�40
Les progrès réalisés depuis plusieurs années, donnent la me
sure de ceux que nous pouvons désormais nous promettre sous
d'aussi favorables influences, dans les jours de calme et de
grandeur publique qui se préparent pour la France et pour
cette riche et puissante cité. Dans des circonstances si propices
nous comptons sur un redoublement d’ardeur et d’assiduité de
nos élèves, de zèle et de dévouaient de leurs Professeurs. Pour
rions-nous n’y pas compter quand l’exemple leur est donné à
tous par leur savant et vénérable Doyen à qui j ’ai hâte de
céder la parole et qu’aucun de nous ne peut voir sans émo
tion rompre les loisirs d’un honorable émérilat pour vous faire
entendre une voix qui vous est chère et des conseils qui ne
seront point oubliés.
M. le Docteur Cauvière, directeur honoraire, ancien profes
seur de clinique externe, a prononcé ensuite le discours sui
vant:
'il
Discours (le M. le Docteur
C auvière.
M essieurs ,
De tout temps il a été généralement reconnu que c'est dans
les hôpitaux que les jeunes gens qui se destinent à la profession
médicale, doivent commencer à prendre les premiers principes
de l’art; ce n’est que là, en effet, qu’ils peuvent essayer leurs
dispositions et leurs aptitudes, et se faire une idée juste de la
nature des éludes et des devoirs professionnels qui les attendent;
de nos jours, celte première éducation est plus nécessaire que
jamais.
La loi du 17 mars 1808, qui organisa déûnilivement les étu
des médicales, concentra l’enseignement officiel dans trois
Facultés seulement pour toute l’étendue de la France actuelle.
Avec les progrès de la science, cet enseignement prit eu peu
de temps un tel développement, il s’éleva à une telle hauteur,
qu’il supposait évidemment chez les Étudiants un assez haut
degré d ’instruction élémentaire; or, cette instruction, que les
Facultés ne donnaient pas, il fallait bien la chercher dans des
institutions locales qui pouvaient seules la mettre à la portée
du plus grand nombre. D’après cette idée, si simple et si natu
relle, on fut conduit, dans les grands hôpitaux des départe
ments, à étendre et à régulariser tous les moyens d’étude dont
on pouvait disposer, et à les mettre en harmonie avec les course
�42
des Facultés ; c’est ainsi que se formèrent spontanément les
premières écoles élémentaires. Mais ces écoles étaient encore
fort imparfaites, trop indépendantes du corps enseignant, les
attributions des Professeurs étaient vagues et indéterminées, et
les Élèves, dont les inscriptions n’avaient aucune valeur aca
démique, échappaient à toute discipline. Tous ces inconvé
nients disparurent quand, en 1820, elles passèrent sous le
régime universitaire avec le litre d’Écoles secondaires. C’était
un grand pas de fait, mais ce n’était pas encore assez, c’est-àdire que, formées à leur origine sous l’influence de conditions
locales très-diverses, elles présentaient dans leur organisation
de très-grandes irrégularités; il devenait donc indispensable
de les récomposer de toutes pièces d’après un plan uniforme,
d'étendre leurs attributions et de leur assigner, dans la série
des éludes, une place conforme à l’esprit de leur institution.
Toutes ces conditions ont été parfaitement remplies par l’or
donnance de 1841, qui a institué les Écoles préparatoires telles
qu’elles existent aujourd’hui. Elles sont, comme on le voit, le
produit immédiat de l'expérience et de la connaissance prati
que des lois de l’enseignement; personne ne conteste aujour
d’hui leur utilité et leur heureuse influence sur les éludes.
Dans celte période de douze années, l’École de Marseille
n’est restée au-dessous d’aucune autre de France: elle s’est
efforcée de mériter les secours et les encouragements que les
administrations du département, de la ville et des hôpitaux
lui ont prodigués, elle a su gagner la confiance des pères de
famille , fixer l’attention et se concilier l'opinion publique des
populations de la ville et des pays voisins. Notre excellent
recteur ne perd pas un instant de vue les intérêts de l’instruc
tion médicale qu’il dirige toujours dans les voies du perfection
nement. II est bien secondé dans ses vues éclairées par des
43
Professeurs zélés et rompus à l’enseignement. Ceux-ci ont à
leur côté des Suppléants pleins de bonne volonté et bien capa
bles de les seconder; enfin les Chefs-internes et Prosecteurs
eux-mêmes, donnent aux élèves un exemple bien encoura
geant du degré d’instruction, auquel on peut arriver sans
sortir de l’enceinte de FHôtel-Dieu.
Celle prospérité de l’école diminue beaucoup mes regrets de
l’obligation que m’ont imposée l’âge et le besoin de repos, de
renoncer à des fonctions, dans lesquelles j’ai d’ailleurs été si
bien remplacé par mes honorables successeurs. Je n’ai pris la
parole aujourd'hui que pour laisser aux Elèves, en manière
d’adieux, quelques conseils sur la méthode à suivre dans le
cours de leurs éludes. Ces conseils sont le fruit d’une longue
expérience: j ’ai pensé que la solennité de ce jour leur donne
rait plus de poids, et que la circonstance de ma retraite les
ferait paraître plus désintéressés.
Il n’est pas d’art ni de profession libérale qui ne suppose une
éducation préparatoire convenable, et la médecine plus que
tout autre; je ne dirai rien des études classiques littéraires; il
est trop évident qu’elles sont indispensables aux Médecins des
tinés à vivre au milieu des hommes cultivés, et à prendre part
à toutes les manifestations de l’intelligence; mais il est un point
sur lequel je dois insister: c’est la nécessité, de la part des
Élèves, de n’aborder les études médicales quaprès s’être fami
liarisés aussi bien que possible avec les éléments des sciences
physiques et naturelles. On en sentira l'importance, si on réflé
chit aux grands progrès de ces sciences et à leur fréquente
application à l’élude de l’homme physique. Ces progrès sont
tels, qu’ils ont, dans ces vingt dernières années, changé la
face de la physiologie et qu’ils promettent la solution de pro
blèmes regardés jusqu’ici comme tout-à-fait impossibles, et, ce
�44
qui est bien plus intéressant encore, c’est que leur influence
sur la médecine pratique devient de jour en jour plus remar
quable; c’est ainsi, par exemple , que la chimie en nous faisant
connaître la composition élémentaire des tissus et des fluides
organiques, nous révèle la nature intime de beaucoup de ma
ladies, et nous fournit les meilleurs moyens de les reconnaître
et de les combattre. C’est donc avec raison que des cours de
chimie et d’histoire naturelle ont été attachés aux Écoles prépa
ratoires. Ces cours, les Élèves ne doivent pas les considérer
comme accessoires et de peu d’utilité; ils doivent les suivre
avec autant d’exactitude que les autres; leur négligence à cet
égard leur laisserait de grands regrets, et les obligerait à des
éludes arriérées et nécessairement imparfaites. Qu'on me per
mette d’ajouter à ce sujet que l’élude des sciences naturelles a
le grand avantage d’habituer l’esprit à la véritable méthode
d’investigation des phénomènes naturels. Que fait en effet le
chimiste, le physicien, ou le naturaliste? Dégagé de toute idée
subjective, il examine le sujet de ses études sous toutes ses
faces; sans cesse aux aguets, il attend ou il expérimente, il
cherche l’ordre et les conditions de l’enchaînement des faits, il
compare et il conclut. Maintenant, je le demande, n’est-ce pas
à celte méthode d’observation, d’expérimentation, d'induction
et de comparaison, que la médecine moderne doit ses meilleu
res découvertes, et quelle tend de jour en jour à devenir plus
positive?
S i, maintenant nous passons en revue les cours médicochirurgicaux, nous pouvons les diviser en trois catégories:
l’anatomie, les cliniques et les cours théoriques ou dogmatiques.
L'anatomie, on le sait, est la base de toutes les études médi
cales, et il n’y a qu’un seul moyen de l’apprendre, c’est la
dissection pratiquée par l’Étudiant lui-môme. Un Prosecteur
45
peut préparer habilement une pièce, un Professeur la démon
trer avec clarté et précision; c est une excellente introduction,
mais cela ne suffit pas : ces imagesd’une heure s’effacent trop
facilement, il faut que l’Elève, le scalpel à la main, metteluimème les organes à découvert, qu’il étudie péniblement leurs
formes, leurs rapports, leurs connexions, leur structure intime.
Mais ce travail est un art tout pratique qui demande beaucoup
d’exercice, une certaine habileté de la main, et dans lequel il
faut procéder avec ordre, méthode et précision; et c’est ici que
les Commençants ne peuvent se passer d’un guide qui dirige
leurs premiers essais, et qui leur épargne de longs et pénibles
tâtonnements; ce guide, ils le trouveront dans les Prosecteurs
si instruits et si bienveillants de notre École. Ce n’est donc
qu’au prix de longues et laborieuses investigations cent fois
répétées, qu’on peut devenir ce qu’on appelle un bon anato
miste, c’est-à-dire avoir une telle connaissance de la structure
du corps humain qu’elle soit toujours présente aux yeux com
me une image vivante et palpable. Il suit de ce que je viens
de dire que la meilleure école d'anatomie sera celle qui présen
tera les moyens de dissection les plus faciles, ou, en d’autres
termes, celle dans laquelle le nombre des sujets sera propor
tionnellement plus grand relativement à celui des Étudiants. À
cet égard, celle de Marseille est sans contredit une des plus
favorisées, si elle n'est pas la première. Nous devons cet heu
reux résultat à l’administration des hôpitaux qui sait avec tant
de sagesse concilier les exigences des familles, le respect dû
aux dépouilles mortelles et les nécessités de l'enseignement.
Je ne saurais donc trop engager les Élèves à mettre à profit de
si grands avantages et à suivre avec ardeur les exercices ana
tomiques; qu ils songent que ce n’est que pendant la jeunesse
qu'ils peuvent s'habituer à tout ce que ces travaux ont de re-
�40
47
poussant; que, plus tard, le temps, les moyens, l'occasion leur
manqueront, cl qu’ils no pourront plus y revenir. Il est vrai que
depuis quelques années on a fait de grands progrès dans la pré
paration des pièces artificielles, que le dessin, la gravure, l’art
plastique ont produit des chefs-d'œuvre; mais ces chefs-d’œuvre
ne sont que de brillants mensonges, ils ne sont bons qu’à sa
tisfaire la curiosité d’un amateur, on à rappeler parfois quelques
détails fugitifs, mais ils ne peuvent jamais devenir des moyens
sérieux d’enseignement. Ajoutons que la dissection contribue à
donner celle habileté manuelle indispensable à la pratique des
opérations chirurgicales, qu’après sa leçon théorique le Profes
seur de médecine opératoire fait excuter aux élèves eux-mêmes.
Après avoir étudié la structure anatomique du corps humain,
dans tous ses détails, il s’agit de demander à la mort le secret
de la vie; il s’agit d’apprendre à connaître comment le jeu
combiné de tant d’organes divers entretient la vie individuelle
et propage l’espèce. A ces grandes questions, c’est la physio
logie qui doit répondre, mais celte science qui, telle qu’on la
comprend aujourd’hui, poursuit les lois de la vie dans l’univer
salité des corps organisés, est si étendue et si compliquée
qu’elle sort du domaine de l’enseignement élémentaire. Il suf
fira aux Elèves d’étudier, pendant les premières années, l’his
toire des fonctions organiques et animales dans ce qu’elles ont
déplus clair et de plus positif, telle qu’elle est exposée dans
les livres classiques et telle qu’elle est enseignée dans cet amphi
théâtre. Ces premières notions deviendront le point de départ
d’une élude qui doit durer toute la vie. Qui pourrait, en effet,
une fois initié, ne pas suivre avec le plus vif intérêt les progrès de
la plus difficile, delà plus belle des sciences, decellequi eslappeléeà devenir la plus haute expression de l’intelligence humaine?
Si un nombre suffisant de sujets est indispensable aux études
anatomiques, un nombre suffisant de malades l’est tout autant
aux éludes cliniques, et, sous ce point de vue, l’Hôtel-Dieu de
notre ville n’a rien à envier à aucun autre : tous les âges, tous
les sexes, toutes les professions, tous les pays viennent y dépo
ser les tristes échantillons de toutes les infirmités humaines.
Tout le monde reconnaît aujourd’hui l’excellence des Ecoles
cliniques, et tout le monde s’étonne quelles aient été si tardi
vement introduites dans l’enseignement officiel; elles ne sont
pourtant au fond que l’application à l'instruction publique de
ce qu’ont fait les médecins de tous les temps, mais seulement
en faveur de quelques disciples privilégiés, tandis que les insti
tutions modernes sont publiques et qu’elles possèdent des
moyens d’observations inconnus à nos prédécesseurs, et que
tous les Etudiants y sont appelés à prendre une part très-active
à tous les exercices pratiques de médecine et de chirurgie.
C’est précisément dans ce but, messieurs les Elèves, que les
règlements combinés des Écoles et des Hôpitaux vous attachent
au service spécial d’un certain nombre de lits; dès qu'un
malade est entré dans un de ces lits, il est de droit placé
sous votre surveillance. Vous devez le visiter immédiatement,
reconnaître la maladie et prendre des informations sur son
âge, sa profession , ses habitudes, ses maladies antécédentes
et les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi l’in
vasion de la maladie; tous ces renseignements doivent être
mis par écrit; ici vous trouverez une très-grande facilité dans
les cahiers de visite dont l’administration a très-sagement intro
duit l’usage; ils sont pour vous un cadre tout fait, dans lequel
chaque observation trouvera facilement sa place. A l’arrivée du
Professeur, l’interrogation est reprise et complétée; il passe en
revue tous les symptômes et explore les organes malades avec
le plus grand soin; après cet examen, il énonce et discute à
�48
49
haute voix les raisons qui lui font adopter le diagnostic cl les
indications curatives les plus probables. Tout ceci est encore
consigné dans le cahier des visites; à partir de ce moment,
vous êtes le suppléant obligé du Professeur; vous l’accompagnez
dans toutes ses visites, et vous écrivez ses prescriptions et ses
remarques ; si la maladie est gravo, vous visitez le malade plu
sieurs fois par jour, vous surveillez l’administration et les effets
apparents des médicaments, vous notez tous les changements
survenus dans l'évolution des symptômes, et vous faites part
au Professeur de toutes vos observations. Quand la maladie est
terminée vous rassemblez toutes les notes quotidiennes, et vous
rédigez l’observation qui est lue en conférence publique et
commentée par le Professeur qui en tire toutes les inductions
théoriques et pratiques dont elle est susceptible ; enfin, s’il y a
lieu à une autopsie, notez-en tous les détails avec le plus grand
soin, car c’est elle qui peut faire loucher au doigt et à l’œil les
lésions matérielles, et confirmer ou démentir le diagnostic.
C’est ainsi que par un travail assidu vous vous formerez au
grand art d’observer et déjuger, et que vous acquerrez cette
première et forte éducation médicale dont vous ressentirez
I heureuse influence jusqu’au bout de votre carrière; il est mô
me facile déjuger de l’avenir d’un Étudiant par la manière
dont il remplit ses fonctions d’interne dans les cliniques ; ceux
qui s’y sont distingués se sont aussi fait remarquer dans les exa
mens, les concours et les épreuves du Doctorat; parcourez les
mémoires, les dissertations récentes les plus estimées ; elles
sont presque toutes dues à des auteurs sortis des rangs de l’in
ternat; ouvrez enfin les meilleurs ouvrages de nos maîtres
modernes, et vous verrez que leurs doctrines ressortent du
rapprochement d’un grand nombre de faits presque tous re
cueillis dans les Hôpitaux. S’il est donc vrai que les cliniques
fournissent à la science les meilleurs éléments de ses progrès, c’està-dire les faits authentiques et bien observés, on comprendra
leur influence sur l’avenir de l’art, quand dans tous les Hôpi
taux du monde civilisé il n’y aura pas un seul fait pathologique
important sans témoin et sans rapporteur.
Ici, messieurs les Élèves, je crois devoir vous adresser une
recommandation qui me paraît essentielle. Je désire que vous
l’acceptiez comme un conseil d’ami, et que vous en gardiez le
souvenir. Vos fonctions dans les cliniques vous mettent dans
un contact immédiat et de tous les instants avec les malades des
Hôpitaux; c’est, en général, pour eux, une très-grande conso
lation que de se sentir l’objet d’une attention persévérante, mais
il faut qu’ils la croient bienveillante, sinou elle leur paraît im
portune. Conservez donc dans tous vos rapports avec eux les
formes de la bienveillance; parlez leur avec douceur, interrogez-les avec intérêt, et surtout sachez les écouter avec patience;
s’il s’agit d’un pansement, d’une opération de petite chirurgie,
pratiquez la avec autant de soin et de propreté que chez un
riche citadin; vous acquerrez ainsi une dextérité qui n’est pas
à dédaigner et vous vous garantirez de ces fâcheuses habitudes
de brusquerie et de maladresse dont il n’est pas toujours facile
de se débarrasser. Hippocrate recommandait à ses disciples ces
manières honnêtes et décentes qu’il a si bien énumérées dans
son traité De decenti habitu. N’oubliez pas enfin que les soins
que vous donnez aux malades dans les Hôpitaux ne sont qu’un
juste retour du tribut forcé que le malheur et la misère viennenfpayer à votre instruction médicale.
De quelque importance que soit l’observation des faits indi
viduels, quelque nombreux qu’on les suppose, seuls et isolés ils
seraient bien insuffisants, et ils laisseraient languir l’art dans
un cercle bien étroit. Que signifie, en effet, l’expérience per4
�sonnelle de quelques liommes à côté de l’expérience réunie des
observateurs de tous les temps eide tous les pays? La science
des maladies (pathologie) avait donc pour mission essentielle
de les classer toutes suivant leur siège, leurs analogies et leurs
différences, et de les distribuer dans un ordre méthodique tel,
qu’il fût possible de saisir les attributs essentiels et caractéris
tiques d’un certain nombre de divisions et de subdivisions (noso
logie). C'est alors qu’on a pu, pour chacun de ces groupes de
maladie, décrire leurs signes, leurs symptômes et leur marche
(symptomatologie, semeïologie), chercher leurs causes éloignées
et prochaines (étiologie), étudier les indications curatives et
l’action des agents modificateurs (matière médicale et théra
peutique), tels sont les sujets que l’on traite dans les cours de
pathologie médicale et chirurgicale, et dans ceux de matière
médicale et thérapeutique. Toutes ces éludes ont pour but
essentiel la connaissance des rapports des faits particuliers aux
faits généraux. C’est du rapprochement de ces rapports qu'on
déduit les lois pathologiques, les formules et les règles prati
ques; mais ces règles pratiques, ceux-là seuls savent les appli
quer qui en ont bien compris le sens, l’esprit et la raison. C’est
donc la science qui a fait sortir l’art de l’ornière de l’empirisme,
car l’art tout entier est l’union indivisible de la théorie et de la
pratique. Nos anciens maîtres, les illustres membres du Collège
de chirurgie de Paris, avaient voulu sans doute rendre évidente
à tous les yeux la nécessité de celle union, quand ils avaient
fait sculpter sur le fronton de leur École les signes symboliques
de la théorie et de la pratique qui se donnent la main. Les
cours de pathologie générale ou spéciale sont donc aussi utiles,
aussi indispensables que les autres, et cependant les Élèves
qui fréquentent assez assidûment les salles de dissection et de
51
clinique ne montrent pas toujours le môme empressement à les
suivre.
Ils croient sans doute les remplacer facilement par la lecture
des classiques, ils semblent ne pas comprendre que la lecture et
la leçon orale ont chacune leur avantage qu’il faut savoir mettre
à profit. La lecture, il est vrai, permet de s’appesantir plus
longtemps sur le môme sujet et d ’y revenir à volonté, mais le
Professeur peut donner à son sujet bien plus de développement,
il peut le présenter sous toutes ses faces et l’accompagner de
toutes les explications possibles ; il n’est pas comme l’auteur,
renfermé dans un cadre étroit et inflexible. El d’ailleurs n’eslce pas une chose excellente que les Élèves soient forcés à un
jour, à une heure fixe, de s’occuper d’un sujet déterminé?
C’est là une occasion inévitable de lectures, que, sans celte
obligation, les moins laborieux d’entr’eux pourraient bien
ajourner indéfiniment. On peut donner encore une bonne rai
son de la présence des Élèves pour les éludes anatomiques et
cliniques* c’est qu’elles sont à la fois objectives et subjectives,
et qu’elles exigent l’exercice simultané des sens et de l’intelli
gence, ce qui lient en éveil toutes les facultés, pendant que
dans les cours purement théoriques aucune occupation, aucune
image ne fixent l’esprit de l’Étudiant; attaché à son banc il lui
faut de la bonne volonté et quelques efTorts pour suivre sans
distraction les paroles du Professeur, et s’il s’oublie, s’il se laisse
distraire, l’inattention le conduit facilement au défaut d’intérêt
et d ’assiduité. Les règlements, à la vérité, prescrivent l’appel à
l’ouverture delà séance; mais l’appel trop souvent éludé, s’il
commande la présence, ne peut commander l’attention , il n'y
a qu’un moyen qui puisse rendre constamment les Étudiants at
tentifs; c’est qu’ils veuillent bien s’astreindre à prendre des
notes pendant toute la durée de la leçon. Cette habitude qui
�52
paraît au premier coup-d’œil difficile et pénible, s’acquiert en
très-peu de temps; elle devient un procédé familier et trèsattachant, qui ne permet aucune distraction, et ne laisse jamais
l'intérêt un instant suspendu. Les Élèves se souviennent sans
doute de l'insistance que j’ai toujours mise à leur conseiller
cette pratique, et je pense que je leur ai assez longtemps répété
le vieil adage: Nullum studium sine calamo.
Ces remarques s'appliquent à toutes les Écoles; dans les Fa
cultés les plus fréquentées, les Professeurs les plus distingués,
qui, dans les premières séances, sont accueillis par une foule
empressée et enthousiaste, voient aussi diminuer peu à peu le
nombre de leurs auditeurs, el les fidèles, qui demeurent jus
qu'à la fin du cours, sont précisément ces Élèves laborieux
qui n’ont jamais cessé de prendre des notes; c’est que 1 Étu
diant vraiment studieux qui a soigneusement recueilli les pre
mières leçons, ne veut pas laisser son travail incomplet, el les
suit toutes jusqu'à la dernière.
Ce défaut d’intérêt et d’assiduité est bien plus fâcheux dans
les petites écoles que dans les grandes, parce qu’il y est plus
facilement remarqué. Si les auditeurs sont peu nombreux, si
des altitudes nonchalantes accusent l’ennui et l’indifférence, le
refroidissement gagnera bientôt le Professeur lui-même, et la
leçon y perdra beaucoup. On l a toujours dit : il est impossible
d’être clair devant un auditoire inallentif: Nemo eloquens sine
mulliludine ciudicnte. Mettez au contraire le Professeur en face
d’une réunion nombreuse et bien disposée, il s’efforcera de
rendre ses leçons plus intéressantes et plus claires, il donnera
aux faits plus de développement, il cherchera à éclaircir les
points de doctrine les plus obscurs, il s’assurera par des inter
rogations familières qu’il a été bien compris, écoulera toutes les
observations ; le même esprit d’émulation animera en même
53
temps les Elèves et le Professeur, et c’est alors que celui-ci
pourra répéter ce qu’un sage de l’antiquité disait à ses disci
ples : Yous êtes mes ailes.
Il ne suffit pas, messieurs les Élèves, d’étudier avec zèle et
conscience, et d’acquérir tous les jours de nouvelles connais
sances, il faut encore que les faits, les images, les idées acqui
ses deviennent tellement empreintes dans la mémoire qu’elles
puissent être nettement et facilement reproduites dans un mo
ment donné. Pour approcher le plus possible d’un résultat si
désirable, je dois aujourd’hui vous recommander un procédé
d ’étude sûr, infaillible, qui s’applique à toutes les aptitudes,
el qui ne demande que de la bonne volonté. Après une leçon
théorique ou pratique, lisez attentivement le chapitre d’un bon
auteur classique qui se rapporte au sujet de la leçon que vous
venez d’entendre ; après cette lecture qui doit être très-atten
tive, fermez le livre, recueillez-vous un instant et faites-vous
cette question : que répondrai-je si j’étais interrogé sur le sujet
que je viens d’étudier? L’expérience prouve que, dans cette
revue intuitive, on distingue tout-à-coup et comme par enchan
tement, ce qu’on a bien de ce qu’on a mal saisi; rouvrez le
livre alors, repassez les points les plus obscurs et continuez
ainsi jusqu’au moment où tout vous paraîtra parfaitement clair;
vous éprouverez alors une très-grande satisfaction, cor le plai
sir de bien savoir est presque égal à celui de bien faire.
Cette manière d’étudier à laquelle j’ai été conduit par Fins
tinct et probablement par le désir de bien répondre aux exa
mens, je puis aujourd’hui invoquer en sa faveur une bien
imposante autorité, c’est celle de M. Guizot. L’illustre Profes
seur fait d’abord remarquer qu’après la sensibilité, la première
faculté agissante de l'esprit, c’est l’attention qui donne aux
autres facultés le temps de s’appliquer à les bien connaître, et
�suivant quelle est plus ou moins patiente et soutenue, elle exer
ce la plus grande influence sur la mémoire; or, sans la mémoire
les plus belles facultés restent inutiles et toute faculté supérieure
a pour base et pour aide une forte mémoire. La mémoire est
puissamment favorisée par la bonne classification des objets et
surtout par l'association des idées; la mémoire réduite à des
objets isolés serait complètement insignifiante. M. Guizot dis
tingue deux qualités dans la mémoire : la facilité et la ténacité,
toutes deux également nécessaires; l'une de ces qualités sans
l’autre ne donne que des résultats insuffisants; facile sans téna
cité, elle rappelle les objets trop confusément; tenace sans la
promptitude du rappel, elle devient souvent inutile ; une bonne
mémoire consiste donc dans l’ensemble de ces deux qualités,
et il pense qu’on peut l’obtenir par un exercice bien dirigé.
Le procédé pratique que j’ai indiqué, et qui est essentielle
ment fondé sur la continuité de I attention et sur la répétition
fréquente des mômes impressions, me paraît remplir les condi
tions exigées par M. Guizot; il fait surtout bien comprendre à
lÉIèvequand il doit s’arrêter plus longtemps sur le môme sujet,
ou y revenir plus souvent, suivant qu’il est doué d ’une mémoire
tenace ou facile.
Si j ’ai tant et peut-être trop insisté sur la nécessité de cultiver
avec soin la mémoire médicale, c'est qu’il est peu de profes
sions où celle faculté soit aussi nécessaire que dans la médecine
pratique. Dans des moments difficiles, en présence de cas gra
ves qui ne laissent pas le temps de délibérer, le médecin a,
plus que tout autre, besoin d’une mémoire sôre et d ’un juge
ment rapide. Hippocrate l’a dit: Occasio prœceps judicium
difficile.
Veut-on savoir l’importance qu’attachait à la sûreté de la
mémoire l’un des plus grands chirurgiens modernes, Scarpa?
Il ne pratiquait jamais une opération chirurgicale, sans par
courir, quelques instants avant, le chapitre d’un manuel relatif
à cette opération. A ceux qui témoignaient leur étonnement
d ’une si singulière précaution de la part d’un si grand opéra
teur, il répondait: « On peut toujours oublier quelque chose,
et, dans les choses graves, rien ne doit être oublié. »
Ce serait peut-être ici le cas de se demander s’il ne serait pas
possible d’appliquer à la médeeine ou è quelques-unes de ses
branches ces méthodes artificielles qui facilitent la mémoire: on
serait tenté de le croire, quand on voit ces admirables formules
chimiques, qui, avec quelques lettres et quelques chiffres, per
mettent d’embrasser d’un coup-d’œil la composition chimique
des corps, et qu’on entend le professeur Liebig déclarer que,
sans ces formules, il serait impossible à la mémoire la plus
heureuse de retenir la composition centésimale de quelques
centaines de combinaisons, Mais les chimistes n’ont à exprimer
que les quantités et l’action réciproque d’un certain nombre
d’éléments fixes et déterminés, et il n’est pas probable que les
phénomènes de la vie se prêtent jamais à de semblables combi
naisons. Je pense pourtant que, dans certains cas, on peut tirer
parti des lois de l’association des idées. Tout le monde sait
qu’on peut rappeler plus aisément des idées, des signes, des
faits rebelles à la mémoire, en les liant par la pensée à des
idées, des signes, des faits plus familiers et plus faciles à retenir.
Les Étudiants trouvent de temps en temps de ces formules
mnémotechniques fort singulières, qui ne sont pas sans utilité.
Je n’ai plus, messieurs les Élèves, qu’un dernier conseil à
vous donner ; il est une pensée qui doit vous poursuivre sans
cesse au milieu de vos éludes : c’est celle de l’époque des con
cours, car le concours sera, dans votre carrière la condition es
sentielle de votre avancement ; ceux qui auront travaillé toute
�5G
l'année avec assiduité, ordre cl méthode, surtout s’ils se sont
exercés à se rendre compte de ce qu'ils savent en se prêtant de
bonne grâce aux interrogations des Professeurs, ceux-là auront,
à égalité d’aptitude, un grand avantage sur les concurrents qui
n’aurout étudié que d’une manière irrégulière et décousue. Ne
voit-on pas tous les jours des Étudiants, d’ailleurs fort intelligents,
qui s’abusent de la meilleure foi du mondesur leurspropresforces,
parce qu’ils ne les ont pas essayées; ils croyent qu’il leur suf
fira, avant le concours, de quelques jours de préparation et
d’une revue rapide des classiques, pour y paraître avec avan
tage; ils font alors des efforts prodigieux de mémoire, que
trahissent à chaque instant les plus singulières méprises, et qui
ne leur permettent pas toujours d’aller au bout de la question.
Évitez soigneusement cet écueil; que vos éludes soient une
préparation continuelle au jour de la grande épreuve, attendezla avec confiance, et soyez bien convaincus que le travail trouve
toujours sa récompense. Les concours donnent toujours une
mesure fort juste de la force des études dans une École, et,
sous ce point de vue, j’y assisterai toujours avec le plus grand
intérêt. Je serai heureux d ’être témoin de vos progrès, et plus
encore si j ’osais me flatter que mes conseils ont pu vous être de
quelque utilité.
La séance a été terminée par la lecture du compte-rendu des
travaux de l’année et de l’état de l’École, qui a été présenté
par M. le Docteur Girard, professeur de clinique interne,
secrétaire.
Rapport de M. le Docteur
G ir a r d .
M essieurs ,
Un compte-rendu peut être lu avec un certain plaisir parle
statisticien ou le comptable, mais il est toujours écoulé avec
une médiocre attention ; et lorsque ce compte-rendu arrive
après des discours où l’éclat de la parole s’est heureusement
allié à l’élévation de la pensée, ce pauvre compte-rendu a bien
plus de tort encore. Son seul mérite alors est son exactitude et
surtout sa brièveté. Je vais m’efforcer, Messieurs, de remplir
ces deux conditions.
Il y a quelques années, lorsqu’un vote du conseil municipal
vint aider le gouvernement à créer l'École préparatoire, quel
ques esprits inquiets affectaient de ne pas croire à la viabilité
de cet établissement, le sarcasme et les sinistres prédictions ne
lui furent point épargnés. Ces clameurs cependant ont été im
puissantes, elles n’ont pas empêché l’École de poursuivre son
utile carrière.
Nous venons, aujourd'hui, après onze années d ’existence,
escortés de la reconnaissance des Élèves qui peuplent les Fa
cultés ou honorent le Doctorat et qui ont appris auprès de nous
�58
59
les éléments de notre difficile profession, nous venons devant
vous, Messieurs les Conseillers municipaux , qui nous avez tou
jours soutenus et encouragés par vos votes, constater les progrès
incessants de notre École préparatoire.
Si on se reporte parla pensée aux temps primitifs de notre
École et qu’on les compare à ce qui existe aujourd'hui, on ne
peut être que satisfait. Alors, en effet, le nombre des Élèves
était peu considérable; ceux-ci, aussi bien que les parents,
ignoraient les avantages réels de nos Écoles. Le local de nos
cours, étroit, nu, triste, enfumé; les collections, si utilesà l’étude,
n’existaient pas ; les études médicales, déjà peu engageantes
par elles-mêmes l’étaient rendues moins encore par la misère
qui nous entourait.
Maintenant, grâces en soient rendues à l’administration mu
nicipale, tout est transformé: un amphithéâtre de direction salu
bre et bien établi, est à la disposition de nos Élèves. Au moyen
des allocations, successivement votées depuis trois ans, nous
avons tiré tout le parti possible du local qui sert à nos leçons et
que nous devons à la générosité de l'Administration des Hospi
ces. Nous avons construit des armoires qui bientôt seront trop
étroites pour les collections que nous y accumulons. S’il nous
était permis de vous les faire visiter en détail, nous vous mon
trerions une collection minéralogique très-complète, un riche
herbier, un arsenal de chirurgie qui laisse peu à désirer, des
ouvrages importants par leurs planches et dont le prix est audessus des ressources de l’Élève et souvent du médecin, des
pièces artificielles du docteur Auzout, si utiles pour l’étude des
parties minutieuses de l’anatomie. Nous avons commencé un
musée d’anatomie pathologique qui s’augmente lous les jours
grâce à l’importance de notre Hôpital et au zèle de notre conser
vateur; car, Messieurs, le malade ne meurt pas tout entier pour
le médecin, il l’instruit encore même quand il n’est plus; et,
ce sont ces tristes débris, qui feraient fuir l’homme du monde,
que nous conservons nous avec soin pour l’instruction des jeunes
médecins et l’avancement de la science. Enfin, Messieurs, nous
avons établi un petit jardin botanique médical. Derrière notre
amphithéâtre de dissection existe un terrain vague, inutile,
qu’un antique figuier couvrait seul de son triste feuillage, un
homme de l’art l’a transformé en jardin propre à l’élude, il l'a
rempli de plantes médicinales et l’Élève pourra étudier la plante
ailleurs que sur des planches ou dans un herbier desséché; car,
vous le savez, Messieurs, Marseille, celte grande cité, manque
de jardin botanique propre aux études médicales.
Ce jardin botanique que nous venons d’établir est très-exigu
et n’a pas la prétention de remplacer un jardin botanique com
plet, mais tel qu’il est, il aura son utilité et pourra surtout atti
rer quelques élèves en pharmacie que nous nous étonnons
toujours de voir si peu nombreux à nos leçons.
Vous le voyez, Messieurs, l’argent que nous recevons de la
commune n’est pas inutilement employé, il se transforme en
matériaux d’étude et procure à nos Élèves une bonne et solide
instruction.
C’est beaucoup sans doute de pouvoir offrir aux Étudiants,
avides d’instruction, toutes les facilités désirables pour l’acqué
rir. Mais si les Élèves ne venaient pas à nos leçons, c’est qu’il y
aurait en nous un vice caché dont il faudrait s’enquérir, ce se
rait comme une mine riche qui ne donnerait que de mauvais
résultats par l’ignorance de celui qui l’exploite. L’accroissement
graduel du nombre de nos Élèves prouve victorieusement que
la mine est intelligemment exploitée et que notre École répond
à un besoin réel.
Ainsi, tandis qu’au premier trimestre 1850 à 51, 58 Élèves
�CO
seulement ont pris des inscriptions, le môme trimestre de l’année
dernière nous donne 83 Élèves. Les quatre trimestres fournis
sent 251 inscriptions, soit une moyenne de 63 inscriptions par
trimestre. Celle augmentation du nombre d’Élèves correspond
précisément aux améliorations que nous avons introduites dans
notre matériel.
Il peut être curieux de rechercher la provenance de ces
Élèves. Voici ce que nos registres nous apprennenl à cet égard:
5 Élèves sont étrangers à la France, 2 sont du département du
Gard, 3 de Vaucluse, 8 des Basses-Alpes, 15 du Var, 36 du
département des Bouches-du-Rhône, dont 16 appartiennent à
Marseille môme et 20 au reste du département.
Comme vous le voyez, Messieurs, l’argent que donne la
Commune profite surtout aux enfants du pays. Qu’il nous soit
permis de regretter, en présence du grand nombre d Élèves
fournis par les Bouches-du-Khône, que les ressources du conseil
général ne lui aient pas permis, celte année, d’élever notre
allocation au chiffre où elle était avant les évènements de
1848. Espérons que l'année prochaine ses ressources seront
d’accord avec ses désirs.
Quelques personnes pourraient penser que notre École n’est
qu’une pépinière d’officiers de santé, les chiffres suivants répon
dront à celte objection : 42 Élèves sont pourvus du diplôme de
Bachelier ès-leltres, 17 ont celui de Bachelier ès-sciences : or,
chacun sait que les Élèves qui n’aspirent qu’au litre d’officiers
de santé, ne courent pas les chances redoutables de l’examen
du Baccalauréat.
Enfin, Messieurs, comme dernière preuve en faveur de l’ac
croissement de notre école, je vous dirai que nous avons l’an
née dernière versé 9,000 francs dans la caisse municipale. Ce
chiffre était 6,500, il y a deux ans. Ces progrès que nous venons
61
de constater, sont dus à la condition môme de notre école. Située
dans une grande ville, à côté d’un Hôpital populeux, qui four
nit en abondance les matériaux nécessaires à la clinique et à
l’anatomie; ils sont dus à vos généreux et intelligents encoura
gements, ils sont dus à la sévérité plus grande des règlements
universitaires, dont l’exécution, confiée aux mains fermes de
notre honorable Directeur, est cependant toujours si paternelle,
ils sont dus enfin au zèle des Professeurs. Ces éloges peuvent
paraître exagérés dans ma bouche, mais quel est celui qui oserait
dire qu’ils ne sont pas mérités?
Maintenant, Messieurs, lorsque nous aurons ici celle faculté
des Sciences si ardemment désirée et si souvent promise, lors
que dans le prochain remaniement de l’Hôtel-Dieu, un local
digne de nous aura été construit, alors les Élèves trouvant
ici toutes les facilités désirables pour l’étude, afflueront et ne
nous quitteront pas prématurément. La Commune retirera
et au-delà l’argent qu’elle nous donne, et la grande cité com
merciale, fière de l’œuvre qu’elle aura concouru à établir,
pourra, comme le poète, s’écrier avec un légitime orgueil:
Exegi monumentum, et ce monument sera plus durable que
l’airain; car l’airain, le temps le ronge et le détruit, tandis que
les œuvres qui ont pour base une véritable utilité, le temps les
consolide.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1854-1855.pdf
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10
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
Ill.
THEOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES,
1854-1855
DE i\IÉDECINE ET DE PHARMACIE,
A MARSEILLE.
4IX 1
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SÉANCES DE RENTRÉE
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�SÉANCE DE RENTRÉE
DBS FACULTÉS
DK
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES,
AI X |
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théo
logie, deD roitet des Lettres d ’Aix, a eu lieu, le mercredi
15 novembre 1854, sous la présidence deM. Mottet, rec
teur de l ’Académie d ’Aix, dans la grand’salle de la F a
culté de Droit.
Un grand nombre de magistrats, d ’ecclésiastiques et
d'autres personnes notables delà ville, assistaient à cette
séance, qui a été précédée de la messe du Saint-Esprit,
et honorée de la présence de M. le premier président
Poulie-Emm anuel, deMgr Darcimoles, archevêqued Aix,
d ’Arles et d'E m brun, de Mgr Rey, ancien évêque de Dijon,
chanoine-évêque de Saint-Denis, de M. le procureurgénéral Du B eux, de M. D em angeot, sous-préfet de
l’arrondissem ent, deM . Rigaud, maire d Aix, membre
�du Corps Législatif, et de M. Poilroux, président du tri
bunal civil d ’Àix.
M. Mottet, recteur de l ’Académie d ’Àix, a ouvert la
séance par le discours suivant :
Messeigxeurs et Messieurs ,
Cette solennité em prunte un plus grand intérêt aux
nouvelles lois sur l ’instruction publique et à la réorga
nisation de cette Académie.
L ’auguste Souverain que la nation a élevé su r le trône,
a non-seulement rétabli l ’ordre, restauré le pouvoir, re
fréné la licence de la presse, rendu au pays, par une
politique ferme et loyale, le rang que nos troubles civils
lui avaient fait perdre ; mais, malgré les préoccupations
d ’une guerre lointaine, il s ’applique aux travaux de la
paix: il fait achever le Louvre; il complète le réseau de
nos ■chemins de fer; et non moins soigneux des besoins
intellectuels, il réorganise l'Université, crée desFacultés
nouvelles et s'efforce de rendre accessible à tous, l instruction la plus complète et la plus élevée.
M. le Ministre de l ’Instruction Publique, qui a réalisé
ces améliorations avec tant de sagesse et d ’activité, a
aussi des droits à notre reconnaissance. Je la lui ex
prime avec bonheur au milieu de vo u s, dont il est
le compatriote et l ’ami, qui avez entendu ses éloquentes
leçons dans une des chaires de la Faculté des Lettres ,
et qui avez pu apprécier, dans son intimité, la supério
rité, de son intelligence, l ’élégance de son esprit et
l ’aménité de son caractère.
Les réformes q u ’il a opérées portent déjà leurs fruits
dans l ’enseignement secondaire ; la part plus large faite
aux sciences dans les collèges et les lycées, sans que
l ’enseignem ent des lettres en soit amoindri, ces confé
rences, ces répétitions, ces examens, qui complètent si
bien l’enseignement des classes, ce ne sont plus des inno
vations à ten ter; ce sont des faits accomplis; les pro
fesseurs remplissent leur tâche avec zèle, la plus loua
ble émulation règne parmi les élèves, et le niveau des
études s ’élève d ’une manière sensible.
A côté des établissements de l ’État, existent des écoles
secondaires libres, qui rivalisent avec eux; mais dans
cette lutte courtoise, on ne cherche à l ’emporter que par
l’excellence des méthodes et la plus complète instruc
tion des élèves. Cette rivalité, loin d ’être importune au
gouvernem ent, lui est une garantie de plus grands et de
plus durables progrès dans ses propres établissements.
De bonnes études lui paraissent un bienfait pour la so
ciété, et il s ’applaudit de les avoir assurées, que ce soit
directem ent ou indirectement.
L ’enseignement supérieur ne restera pas étranger à ce
m ouvement. En réduisant à seize le nombre des Acadé
mies, on a voulu q u ’elles fussent tout autant de foyers
de lumières ; les Facultés étaient indépendantes les unes
des autres, et quelques-unes languissaient dans leur iso
lement ; elles feront désormais un corps unique; le Rec
teur en est le lien et le chef, et il a pour mission de les
dirig er’et de les surveiller.
Une pareille tâche est peut-être au-dessus de mes lu
mières et de mes forces; mais l ’amour du devoir et une
volonté énergique suppléeront à ce qui me manque ; elle
�— G—
me sera d ’ailleurs rendue facile p a r le s sages doyens et
e lles habiles professeurs de nos Facultés. Je compte
sur leur concours plein de zèle, et j ’espère acquérir
bientôt des droits à leur bienveillance.
Si le siège delà Faculté des Sciences a été fixé à Mar
seille, où elle aura une utilité immédiate pour l'École de
Médecine et de Pharmacie, pour de nom breuses indus
tries et pour la navigation, le lot du chef-lieu académique
est encore assez beau :
Le clergé français est renommé entre tous pour la pu
reté de ses mœurs, sa piété et son ardente charité; ces
vertus s'y transmettent d ’âge en âge, comme le courage
dans l’armée, et l’intégrité dans la m agistrature. Ce
qui ne se transmet pas, c’est la science, avantage indivi
duel, que chacun est obligé d ’acquérir lui-m èm e. Quelle
plus belle et plus sainte missionque celle de la Faculté
de Théologie, d ’instruire plus spécialement ceux qui se
vouent au sacerdoce! Si la science est utile dans toutes
les professions, elle est indispensable à ceux qui accep
tent le pénible fardeau de diriger les consciences, et à
qui le glaive de la parole est remis pour le triomphe de
la morale et de la foi.
Le droit est la pierre angulaire de l’édifice social ; un
peuple est d ’autant plus heureux que ses lois sont moins
imparfaites.
ÎVous avons hérité du Droit Domain, ce trésor de bon
sens et de justice, comme tous les peuples de l ’Europe ;
mais nous l ’avons si bien approprié à nos m œ urs et à
notre état social, si bien purgé de ses subtilités, si bien
complété, qu’il est devenu, pour ainsi dire, nôtre. Nos
lois civiles qui en dérivent en partie, fruit de la sagesse
de plusieurs siècles, auxquelles Napoléon Ier a imprimé le
sceau de son génie en les coordonnant, en les complétant
et en créant cette belle langue du Code Napoléon, si
pure, si lucide, si digne de la majesté des lois, nous sont
em pruntées par les peuples voisins comme la dernière et
la plus savante expression de la science sociale ; nos lois
criminelles ont réalisé tout ce que la philantropie la plus
éclairée avait pu rêver; nos lois administratives, création
nouvelle, font l ’admiration du publiciste et assurent au
pays l ’administration la plus sage et la plus protectrice
de tous les intérêts.
Ne fût-il pas une science qui ouvre tant d ’honorables
carrières, le droit serait encore un des plus beaux, des
plus curieux monuments à étudier.
Et que d'attraits ne doit pas avoir pour les esprits
élevés l ’enseignement de la Faculté des Lettres? La phi
losophie qui, avant l ’ère chrétienne, a été la seule lu
mière du monde, et qui a produit des hommes comme
Socrate, Platon, Epictete, Marc-Aurèle et tant d ’autres
grand esprits; l ’histoire, ce tableau de toutes les gran
deurs et de toutes les misères de tous les âges ; les litté
ratures grecque et romaine, sources sublimes de toutes
les littératures modernes; la littérature française, l une
des gloires de notre patrie; les littératures étrangères,
si curieuses par leur originalité.
On accourait en foule à l’Académie ou au Portique
pour assister à des entretiens philosophiques, pour en
tendre disserter sur Dieu, sur l’âme, sur les devoirs de
l ’homme ; la jeunesse d ’Athènes se passionnait pour ces
sublimes spéculations.
Messieurs les professeurs, réveillez dans ces jeunes in—
�— 9 —
telligences cet amour du grand et du beau. Ne les laissez
pas s ’absorber dans les détails ; les détails sont, je le sais,
la science utile p o u rl’exerciced’uneprofession; mais il faut
en sortir quelquefois, il faut que les élèves relèvent quel
quefois les yeux pour saisir tout l ’ensemble de l ’édifice et
renouveler leur courage en contemplant tout ce qui leur
est promis : en philosophie ce sont les mêmes enseigne
ments qu a Athènes, mais plus parfaits, mais divins, car
les élèves peuvent, outre le cours de philosophie, suivre,
à la Faculté de Théologie, le cours de morale évangé
lique et dans les sciences humaines on leur enseigne la
plus utile, la plus universelle, le droit, et celle qui élève
le plus l ’esprit et le cœur, les lettres.
Je sens bien les difficultés de la tâche qui vous est
imposée et vous n ’en méritez que plus d ’estim e: pour
bien enseigner il faut dominer les e s p r its , entraîner les
volontés et pour fixer l ’attention , de vastes connaissan
ces acquises ne suffisent pas ; il faut une persévérance
de volonté, q u ’aucune difficulté n ’arrête, une souplesse
de ta len t, qui rajeunisse par un tour nouveau les choses
les plus connues, qui donne de l ’intérêt à to u t, même
à ce qui est sec et rebutant. C ’est un travail incessant
qui vous est imposé.
L ’amour même du devoir ne vous suffit p as, il vous'
faut la passion de votre noble profession ; q u ’elle soit
votre occupation exclusive, que vous y cherchiez vos
plus douces satisfactions ; que vous en fassiez la gloire
de votre vie ; c’est ce zèle ardent su rto u t qui attire les
élèves et leur communique le goût du travail et l ’am our
de la science.
Ce ne sont pas seulement des conseils que je vous
donne ; c ’est aussi la profession publique des principes
qui vous d irig e n t, comme on parle tous les ans aux plus
honorables magistrats de l'amour du travail et de
1 intégrité.
Messieurs lf.s Étudiants,
Ce zèle que] je demande à vos professeurs sérail
stérile , si vous n'y répondiez par votre assiduité et
votre attention. Ne croyez pas que l ’assiduité au cours
puisse être remplacée par la lecture des meilleurs livres
elle a d ’abord l ’avantage de vous forcer à vous occupei
de vos études , tous les jours, à heure fixe, tandis qu oi
ne lit presque jamais les livres q u ’on se propose de lire
E t puis l'enseignem ent oral est toujours plus à la porté»
d ’un élève. Aussi je recommande bien à MM. les profes
seurs, et je le fais en votre présence, d ’être très-rigoureux
pour les certificats d ’assiduité.
Votre assiduité aux cours n ’est p a s , au reste . la
chose qui me préoccupe le plus ; c’est votre conduite en
général et hors des cours.
J ’a i, à ce sujet, quelques conseils paternels à vous
donner ;
J ’airne les jeunes gens; ils ont l ’esprit vif, l’âme
généreuse ; ils aiment le bien, lors même q u ’ils agissent
mal et ils sont capables d ’entendre la vérité ; je vous la
«lirai avec franchise , parce que c'est mon devoir et que
c'est dans votre seul intérêt.
Je veux vous parler de la déplorable habitude q u ’ont
Plusieurs d 'e n tre -v o u s , je n ’ose dire le plus grand
�nombre, de passer presque tout leur te m p s dans les
cafés.
Vous arrivez ici justement glorieux de vos succès au
collège; vous avez dans la mémoire et dans le cœ ur les
bons conseils de votre père ; vous vous prom ettez de
brillants succès dans cette étude du droit qui va vous
ouvrir dans le monde une carrière honorable. Tous ces
bons sentiments s’effacent en quelques jours dans cette
oisiveté du café où vous entraînent des cam arades plus
anciens que vous.
Là se mettent en commun les mauvais penchants,
les habitudes les plus vicieuses; là se perd bientôt
cette politesse, cette réserve de bon tou, cette élégance
de manières, qui sont un des attributs du caractère
national; là se contracte pour la vie une timidité qu'on
n ’apporte que dans la bonne compagnie et qui fait
q u ’on s'en éloigne ; là enfin, vous perdez le temps destiné
à vos études.
Le temps est précieux à tout âge. C ’est l ’étoffe dont
la vie est faite, a dit F ranklin; le perdre, c 'e s t raccour
cir sa vie. On peut recouvrer une fortune im prudem m ent
dissipée ; le temps perdu ne se recouvre plus, et celui
de la jeunesse est le plus précieux, parce q u ’on ne peut
s ’instruire et prendre le goût et l'habitude du travail que
dans la jeunesse. Plus tard il est rare q u ’on puisse ,
q u ’on veuille même plus rien apprendre ; les organes
sont moins impressionnables ; les habitudes sont prises;
un état à excercer, une position de famille difficile ,
mille préoccupations de toute nature ren d en t l ’étude trop
pénible et souvent impossible.
De ce que vous aurez appris dans votre jeunesse dé
pendent le choix de votre carrière, et dans votre carrière;
vos succès ou vos échecs.
Les bons conseils sont importuns à la jeunesse ; il faut
p o u rtan t que j ’achève ce que j ’ai à vous dire, quelque
pénible que soit le devoir que je me suis imposé :
Si du moins vous ne perdiez que votre temps ; mais
dans cette vie oisive et dissipée on subit à son insçu une
déplorable dégradation morale.
On s ’efforce d ’abord d ’éteindre dans son cœur tout
sentim ent religieux ; c’est un frein ; on s'en débarrasse,
.le fais des vœux pour que votre vie soit constamment
heureuse : mais je ne puis me faire cette douce illusion ;
chacun de vous peut être entravé dans sa carrière, calom*nié, ruiné, frappé dans ses plus chères affections ; vous
êtes hommes enfin et exposés à toutes les misères hur
maines : ne vous'éloignez pas, dès votre jeunesse, de
Dieu, source de toute forceet detoute consolation ; lanuit
est noire ; la mer est semée d ’écueils; n ’éteignez pas le
phare qui doit vous diriger*
Les stoïciens, que le vulgaire ne connaît que par leur
mépris exagéré de la douleur, méritaient une véritable
gloire pour le soin, que dis-je, pour le culte qu'ils avaient
de leur âme ; ils la considéraient comme une émanation
de la divinité, et la préservaient avec soin de toute souiL
lure.
Ce n ’est certes pas vous convier à cette perfection philo*
sophiqueque de vous inviter à vous abstenir des excès de
toute espèce, du jeu, des dépenses exagérées, des dettes
excédant vos facultés ; c’cst de la morale la plus ordinai
re ; c ’est ce que la prudenee même conseille ; tout cela
entraîne à des promesses vaines, à des manques de f o i ,
�— 13 —
à mille mensonges honteux, qui sont indignes d ’un galant
homme. C'est une véritable dégradation morale, d ’autant
plus dangereuse q u ’on n ’y arrive q u ’insensiblem ent. Sur
eette pente glissante, il est bien difficile de s ’arrêter. Et
si on ne s ’arrête pas !...
Dans la supposition la moins défavorable , on y perd
sa bonne réputation. Le monde, instrum ent aveugle de
la providence, punit ainsi les désordres auxquels il a
quelquefois applaudi. C ’est un m alheur souvent irrép a
rable etqui a la plus funeste influence su r toute la vie.
Pour prévenir tant de m alheurs, pour applanir tous
ces obstacles, vous n ’avez pas à faire des efforts s u rh u
mains!
Rompez ces funestes habitudes , si vous les avez ;
préservez-vous-en si vous ne les avez pas et remplissez
tout simplement les devoirs de votre état. C'est'à tout âge
le grand secret pour être heureux; vous êtes étudiants ;
étudiez! suivez vos cours assidûment et avec attention ;
et chez vous, chaque jour, repassez dans votre m ém oire
etavec le secours de quelque auteur classique les matières
q u ie n o n té té l'objet; il n ev o u sfau t p o u r’cela ni veilles,
ni travaux excessifs ; le quart, le dixième du temps que
vous perdez, suffirait à faire de vous de bons légistes et
des littérateurs distingués.
Le travail a aussi son a ttra it; vous en trouverez
l ’ample récompense dans l ’instruction que vous aurez
acquise, dans votre propre satisfaction, dans les éloges de
vos professeurs, dans les couronnes que vous m ériterez
et surtout dans les joies de vos parents. I! vous restera
encore bien du temps pour d ’honnêtes délassem ents.
C ’est à regret que j ’ai pris, pour m on allocution un si
pénible sujet; je l'ai fait par devoir, d a n s l’espoir que vous
en profiterez. Vos parents sont absents ; nous devons les
rem placer et leur rendre un jour des hommes, instruits
et d'honnêtes gens.
M. le Recteur a ensuite successivement accordé la pa
role à MM. les doyens des Facultés de Théologie, de
Droit et des Lettres, qui ont rendu compte des travaux
des Facultés, durant l’année expirée et développé le pro
gram m e des études pour la présente année ; il a annoncé
que les cours recommenceraient dès le lendemain, 16
novem bre, aux jours et heures indiquées p arles pro
gram m es et déclaré la séance levée.
�DE L’ECOLE PREPARATOIRE
DE l I É D E d l E ET U E P I I I R N U I I ^
A M A R S E IL L E .
La séance solennelle de rentrée de l'École prépara
toire de Médecine et de Pharmacie de Marseille, a eu lieu
le 13 novembre 1854; précédée, comme d’usage, de la
messe du Saint-Esprit, elle a été honorée de la présence
de M. le maire, des membres de la commission des hos
pices, de plusieurs autres personnes notables de la ville,
et de M. Dumas, professeur de la Faculté de Médecine de
Montpellier.
Elle a été présidée par M. Mottet, recteur de l ’Académie
d ’Aix, qui a ouvert la séance par le discours suivant :
Messieurs ,
Ce m ’est un grand honneur de présider à la reprise de
vos travaux, je le mérite par le vif intérêt que je porte à
cette école, et par les sentiments de bienveillance qui
m ’animent pour MM. les professeurs, à qui je me plais
d ’en donner ce public tém oignage.
Mon devoir, comme chef de cette Académie, est de
vous faire connaître la pensée du gouvernement, qui doit
être la règle de ma conduite; pensée bienveillante, pour
tous les membres du corps enseignant, mais pensée
ferme aussi, c’est-à-dire qui veut atteindre son but.
Ce but, c ’est la régénération, la prospérité, la splen
deur de l ’enseignement public de tous les degrés ; il est
digne de l ’auguste Souverain de cet empire, qui nous
assure en même temps la gloire au dehors et la prospé
rité au dedans, et qui embrasse à la fois toutes les amé
liorations possibles dans toutes les branches de l’adm i
nistration.
Secondons le ministre si intelligent et si actif que
nous avons le bonheur de voir à notre tête; unissons
nos efforts pour assurer à cette école le bel avenir qui
lui est réservé; le savoir et le talent de chacun de vous
me sont bien connus; apportez-moi un concours plein
de zèle et de bienveillance; nous avons le même but, le
même amour du devoir ; plus notre union sera intime,
plus notre succès sera assuré et prochain.
De grandes réformes se sont déjà opérées dans r e n
seignement secondaire, les résultats qu elles ont produit
sont de plus fortes études et un accroissement notable
du nombre des élèves.
E n réduisant à seize le nombre des Académies et en
créant de nouvelles Facultés des lettres et des sciences,
le gouvernem ent à voulu donner à Renseignement su •
périeur la forte impulsion q u ’il avait déjà donnée à l’en
seignement secondaire.
Ces écoles supérieures, ces Facultés réunies comme
un faisceau, sous l’autorité du Recteur, dirigées et sur
veillées par lui, doivent être des foyers de lumières dans
�— 10 —
les départements. Sans doute Paris, par son immense po
pulation. par ses nombreux établissem ents, par les hom
mes d ’élite qui s ’y donnent comme rendez-vous, con
servera toujours une incontestable supériorité ; mais les
moyens d'instruction seront les mêmes partout et la su
périorité de Paris ne doit plus être pour les Facultés et
les écoles des départements q u 'u n motif de noble ém u
lation; Paris marquera le niveau auquel nous devons
tendre incessamment et dont il sera glorieux d ’approcher
lorsqu’on ne pourra l'atteindre.
Cette école se trouve placée dans les meilleures con
ditions de prospérité: La population si nom breuse de
Marseille, sa population flottante si nom breuse aussi et
qui se renouvelle incessamment, scs hôpitaux asiles de
tant de souffrances, fournissent à la science d'inépuisa
bles ressources: l ’anatomie, base prem ière de tout en
seignement médical, y trouve les sujets qui lui sont i n
dispensables; les éludes cliniques y sont aussi complètes
que possible, vu le nombre et la variété des cas.
Je dois à celte occasion remercier MM. les membres
de la commission administrative du concours bienveillant
et éclairé qu'ils vous prêtent; c ’est encore soulager la
classe malheureuse, objet de leur ardente charité, que de
faciliter l ’enseignement médical. Je n ’ai pas connu de
médecin qui ne soit charitable; le désintéressem ent et le
courage sont dans les mœurs de cette honorable profes
sion ; il n ’est personne qui n ’applaudisse à cet éloge après
la déplorable épidémie qui a désolé le Midi.
Vous trouvez la même bienveillance dans l ’adminis
tration municipale, dont le chef actuel, ami sincère de la
science et de la splendeur de la cité, nous seco n d era.j’en
suis certain, dans toutes les améliorations que nous
pourrons désirer pour l ’école.
Elle est d ailleurs dotée de tous les cours nécessaires
à l ’instruction de la jeunesse. Dans les facultés de Méde
cine les plus célèbres, les cours peuvent être doubles à
raisondu nombre desélèves, certaines sciences accessoires
enseignées plus à fond, mais la science spéciale delà mé
decine n'y est pas enseignée plus complètement.
Enfin, legouvernem enta créé à Marseille, une Faculté
des Sciences, qui, je l ’espère ouvrira ses cours en janvier
prochain. Les élèves y trouveront le complément d ’ins
truction q u ’ils peuvent désirer. La volonté de favoriser
les industries Marseillaises, en leur ouvrant tous les
trésors de la science, source réelle de toutes les décou
vertes et de tous les perfectionnements, aurait suffi au
gouvernem ent pour fixer à Marseille le siège de la
Faculté des Sciences; mais il a voulu aussi accroître les
moyens d ’instruction fournis aux élèves de cette école ;
il a voulu que nulle connaissance ne leur manquât qui put
rendre plus utiles leurs études spéciales.
Sachons apprécier tant d ’avantages et m éritons-les
par notre zèle. La seule reconnaissance qu ’exige de nous
le gouvernem ent, c ’est que nous ne négligions pas ses
bienfaits et que nous sachions en tirer le plus grand
avantage possible.
Vous avez ju s q u ’à présent, MM. les Professeurs, rempli
dignem ent votre mission. Plusieurs d ’entre vous o n t ,
pour ainsi dire, fondé cette école et vous l ’avez amenée
à un état satisfaisant de prospérité; redoublez de zèle ;
faites de l ’éclat de cette école votre gloire personnelle ;
si vous lui désirez quelque accroissement, c ’est par des
�— IS —
succès non contestés q u ’il faul les obtenir; que les étu
des soient à Marseille aussi fortes, aussi complètes que
dans aucune Faculté ; que vos élèves soient renommés
parleur savoir et parleu r excellente conduite; leurnom bre
s’accroîtra infailliblement et l ’école prendra une im por
tance qui commandera tous les accroissements, toutes les
améliorations désirables.
MM. les éléves, permettez-moi, avant de finir, de vous
donner quelques conseils. E tranger par mes études et
par la carrière que j ’ai parcourue, à la profession où vous
entrez , je ne puis vous parler de vos études médicales ,
mais il est des conseils qui conviennent à tous ceux qui
étudient, surtout à tous ceux de votre âge. Mes conseils
d ’ailleurs me sont dictés par une bienveillance toute
paternelle.
Vous habitez une belle et grande ville qui a été, avec
raison, choisie pour être Iesiéged’une École deMédecine,
mais toute grande ville a ses dangers pour la jeunesse
qu'on ne peut trop vous signaler. Le meilleur moyen de
vous en préserver c ’est l’étude. Ayez toujours p résen ta
l ’esprit que vous êtes à Marseille pour vous instruire et
non pour y mener une vie de plaisirs et de dissipationVous venez de m ’entendre dire à vos professeurs de faire
de la gloire de l’école leur gloire personnelle ; animezvous des mêmes sentiments ; tenez à honneur d ’être de
bons élèves, d être renommés pour votre bonne conduite
et votre application. Elforcez-vous d ’être la gloire de
vos professeurs.
Votre premier devoir est l ’assiduité à tous vos cours ,
assiduité qui ne consiste pas à vous trouver à l ’appel ,
mais à entendre toutes les leçons du commencement à Isl
—
10
tin é ta lé s suivre avec une scrupuleuse attention. Ce n'est
pas pour lui q u ’un professeur m onteen chaire et expose
en détail des principes q u ’il a cent fois exposés e t q u ’une
pratique journalière lui a rendus familiers, c’est pour
vous ; vous manquez d’égards, à votre professeur et vous
méconnaissez votre propre intérêt quand vous n ’êtes pas
assidus ou que vous êtes inattentifs.
Si l’enseignement oral n ’avait ses immenses avantages
ou plutôt s ’il n ’était d ’une indispensable nécessité pour
l ’instruction de la jeunesse, on n ’cùt pas établi des
écoles ; onse fût borné à fonder de belles bibliothèques;
mais les livres, il faut pour les lire plus de persévérance
et de bonne volonté que poursuivre les cours et ils en
disent plus q u ’il ne fauta celui qui étudie, c’est-à-dire
des choses trop élevées et en trop grand nombre pour
une intelligence non encore exercée. Ce vase ne peut se
rem plir que peu à peu, on pourrait dire goutte à goutte.
Votre assiduité aux études cliniques a une plus grande
importance encore qu ’aux autres cours; c’est un com
m encem ent de pratique, mais de pratique mise en regard
de la théorie et éclairée pas à pas par un maître expéri
m enté.
Un autre avantage de l ’enseignement o r a l, c’est de
vous diriger dans vos études. Quand on considère ce
que doit savoir un bon m édecin, on est effrayé de la
tâche qui vous est imposée: la science spéciale de la
médecine seule et chacune des sciences accessoires, dans
lesquelles vous devez pénétrer assez a v a n t, suffirait
pour l ’étude de toute la vie et tout cela vous devez le
m ener de front et le parcourir en quelques années. Vous
vous égareriez dans ce dédale sans un fil conducteur ;
�—
les uns se décourageraient devant l ’immensité de Ieui
tâche, les autres céderaient à leur penchant et étudie
raient à fond telle science en négligeant les autres. Votre
guide c'est l’enseignement oral. Vos professeurs vous
indiquent avec l’autorité de l ’expérience e t du savoir la
part que vous devez faire à chaque chose et m énagent
si bien vos forces et votre te m p s, q u ’il vous est possi
ble d ’atteindre le but.
Enfin , 1 assiduité journalière aux cours est le seul
moyen de vous mettre en état de subir vos exam ens en
fin d’année sans vous imposer ces excès de travail qui
fatiguent votre mémoire et ne vous laissent aucune ins
truction réelle.
Ce n ’est pas certes que je veuille vous interdire la
lecture ; les sciences ont eu de si habiles, de si puissants
interprètes ! Ce serait vous dérober d'inépuisables
trésors, trésors qui vous sont destinés.
Mais lisez d ’après les indications de vos professeurs
qui savent ce dont vous pouvez profiter; lisez sobrement,
de manière à vous approprier tout ce que vous aurez lu.
Vous pourrez multiplier vos lectures et les étendre à
mesure que vous avancerez dans vos études ; vous devez
finir par tout voir, tout connaître, tout com parer pour
devenir savants et habiles.
Pour faire avec profit ces dernières é t u d e s , ( j ’ai tort
de dire dernières ; vous n'aurez pas fini d ’étudier quand
vous aurez acquis le titre de docteur; plus vous aurez
appris , plus vous comprendrez combien il vous restera à
apprendre, et vous ferez comme vos maîtres , vous
étudierez toute votre vie. ) Pour faire , disais-je , avec
profit ces immenses é tu d e s , défendez-vous soigneusc-
21
m ent de tout esprit de systèm e; ne vous faites le
champion exclusif d ’aucune école. Ne vous passionnez
que pour la vérité et recherchez la avec un cœur droit et
un esprit indépendant.
J ’aurais bien encore d ’autres conseils à vous donner
mais je veux en être sobre pour que vous en profitiez ;
nous aurons d ’ailleurs, je l’espère, de fréquentes occa
sions de nous revoir. Je me ferai un devoir, aussi souvent
que mes occupations me le permettront, de venir assister
aux cours et aux exam ens pour pouvoir rendre témoigna
ge de la solidité de l'enseignement et des succès des
élèves ; c ’est le vœu du Ministre qui ne néglige aucun
moyen d ’ém ulation et d ’encouragement et qui sait tout
ce q u ’ajoute de force à la volonté et d ’activité à l ’esprit,
la certitude d ’être apprécié et justement récompensé.
On a établi dans les Facultés de Droit des concours
annuels où les élèvesobtiennent des médailles d ’honneur,
des prix, des mentions honorables, des encouragements;
et depuis, les études y sont plus fortes et les élèves plus
assidus. Vos professeurs veulent vous procurer le même
avantage et je serai heureux de joindre mes eflorts aux
leurs ; l ’honneur est pour les cœurs généreux et pour les
je u n e s g e n ss u rto u t, le mobile le plus puissant. De pareils
succès, à l ’entrée d ’une carrière, sont d ’ailleurs une puis
sante recommandation; le diplôme est une garantie légale
q u ’on a fait les études et subi suffisamment bien les
épreuves exigées ; les prix décernés par les professeurs
de l ’école, c’est-à-dire par les juges les plus compétents,
sont une attestation glorieuse d ’une conduite irrépro
chable, d ’une solide instruction et d ’une supériorité
intellectuelle.
�Pourobtenir celle utile institution, je m e ferai lepâtron
de lecole auprès du gouvernem ent et de l'adm inistration
municipale, comme je le serai dans toutes les circonstan
ces pour tout ce qui pourra assurer son accroissement et
sa prospérité.
M. le Recteur a ensuite accordé la parole à M. Dr Sue,
directeur de l'école, qui a rendu compte des travaux de
l’école durant l’année expirée et signalé les attributions
nouvelles des écoles préparatoires de Médecine et de
Pharmacie ; il a fait connaître la délibération de MM. les
professeurs, tendant à établir des prix annuels, pour
récompenser la bonne conduite, 1 assiduité et les progrès
des élèves.
M. le Recteur, après ce discours, a annoncé que les
cours recommenceraient dès le lendemain, aux jours et
heures indiqués par le p ro g ra m m e n t a levé la séance.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1855-1856.pdf
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3
SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
1855-1856
DE L’ACADÉMIE D’AIX.
AIX,
PABDIGON , IMPRIMEUR
DE I. ACADÉMIE ,
Rue d’Italie , 9.
1855.
�3
SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
DE L’ACADÉMIE D’AIX.
A IX ,
PAHDICOS , IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE ,
Rue d’Italie , 9.
1855.
�DES FACULTES
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
DE L’ACADÉMIE D'AIX.
L a séance solennelle de rentrée des Facultés de
Théologie, de Droit et des Lettres d’Aix, et de la Fa
culté des Sciences de Marseille, a eu lieu à Aix, dans
la grand’sallc de la Faculté de Droit, le jeudi 15 no
vem bre 1855, sous la présidence de M. Mottet, Recteur
de T Académie, assisté de MM. les inspecteurs d ’aca
dém ie de la circonscription.
Un grand nom bre de magistrats, d’ecclésiastiques
et d’autres personnes notables assistaient h cette
sé a n c e , qui a été précédée de la m esse du St.Esprit, et honorée de la présence de M. le premier
président Poulie-Em m anuel, de Mgr Darcimoles, ar
chevêque d’A ix, d’Arles et d’Embrun, de Mgr Rey, an
cien évêquede Dijon, chanoine-évêque de St.-Denis,
de M. Abric, m inistre du culte protestant, de M. le
procureur-général Du Roux, de M. Rigaud, maire
�d’Aix. m em bre du corps législatif, des deux adjoints au
maire d’Aix, MM. P. Roux et Barges, de M. Poilroux,
président du tribunal civil et de M. Aubert, président
du tribunal de com m erce.
M. le Recteur a ouvert la séance par le discours
suivant :
Messeigxeurs et Messieurs ,
Tandis que notre vaillante armée supportait avec une
héroïque constance l ’intempérie des saisons, les priva
tions qu’impose la guerre, les rudes labeurs d’un siège,
remportait plusieurs grandes victoires, couronnait ses
exploits par l’assaut le plus brillant et assurait le succès
de cette politique prévoyante et ferme qui a mis un terme
aux envahissements de la Russie, la fête pacifique de
l ’industrie attirait à Paris une immense afiluence de
nationaux et d’étrangers.
Quel admirable spectacle que cette exposition! Tout
ce qui sert aux besoins de l'homme, au luxe même, qui
est aussi un besoin, confectionné avec toute la perfection
possible, réuni, étalé, soumis à tous les regards, à toutes
les comparaisons! Chacun peut y trouver sa spécialité
et mesurer les progrès accomplis et les progrès qui
restent à faire. C’est une grandcécole pratique, un foyer
d'émulation oii viennent s ’inspirer tous les peuples civi
lisés. Matières premières , machines , produits de toute
espèce, tout est digne d’examen et mérite une étude
approfondie. Le temps manque pour tout voir en détail;
il faudrait d ailleurs des lumières universelles pour sai
sir, dans chaque objet, le point de la difficulté vaincue;
mais si l’homme spécial a seul pu faire des éludes prati
ques à l’exposition, il n’est personne qui n’en ait admiré
l’ensemble, qui n’en ait rapporté une impression pro
fonde et salutaire, qui n’ait compris toute la puissance,
l ’utilité, la nécessité du travail. C’est cette impression
que je vais tâcher de vous faire partager.
L ’indolent sauvage ne trouve pas même la matière
première, ou la trouve brute, avec des défauts qui la
rendent impropre à tout usage. L’homme civilisé la crée
pour ainsi dire par son travail; il ravit à la terre les
matières minérales, souvent «à de grandes profondeurs
et en luttant contre des obstacles sans cesse renaissants;
il fond, il divise, il épure les métaux; il améliore les
végétaux par la culture la plus intelligente; il modifie
même les animaux par des soins persévérants et d ha
biles croisements, de telle sorte que la production de la
matière première est déjà une fabrication.
Lorsqu’il possède la matière première la plus parfaite,
il n’a rien fait encore. Ses mains seraient le plus souvent
impuissantes à la mettre en œuvre ; il faut qu’il crée
ses instruments de fabrication, le simple outil d’abord
et progressivement la machine de plus en plus active et
puissante; que de temps, que desoins, que d’observa
tions, que de travail exige l’invention et le perfectionne
ment de ces instruments.
Et dans la fabrication de cette immense quantité de
produits detoule espèce, que de difficultés,que d’obsta
cles, que d’améliorations successives,que de travail enfin!
�— f> —
La civilisation d’un peuple peut se mesurer à l'état Je
son industrie, c’est-à-dire, à son aptitude au travail.
Et pour les individus , c’est encore par leur travail
qu’on peut apprécier leur fortune , leur intelligence et
même leur moralité.
Dieu, en nous imposant le travail comme le seul
moyen de pourvoir à nos besoins, y a attaché des récom
penses immédiates : le travail est la seule source des
richesses; je dis la seule parce que la fortune , dans
quelque main qu elle se trouve, représente le travail de
celui qui la possède ou de ses auteurs.
Le travail développe les facultés intellectuelles et ce
la dans toutes les classes; il supplée par l’expérience
aux notions théoriques; l’ouvrier laborieux est toujours
intelligent.
Le travail, enfin, moralise ; il donne l’estime de soimême , grande source de bonheur et commencement de
toutes les vertus.
C’est donc avec raison que les ouvriers se glorifient
de leur qualité d’ouvriers, ils honorent en eux-môme le
travail. L ’erreur de quelques-uns, erreur grave, qui peut
avoir les plus funestes conséquences dans les troubles
civils, est de n’estimer que le travail manuel et de mé
connaître les travaux de l'intelligence, de les mépriser
même à l’égal de l’oisiveté.
Les travaux de l’intelligence sont supérieurs à ceux
des mains comme l’esprit à la matière; ils sont plus
utiles à la société et d’une utilité plus durable et plus
universelle. Ce n ’est pas par le travail des mains que
Newton a découvert les lois de l’univers , c'est en y
pensant toujours, sublime exemple de travail intellectuel
et de persévérance.
Est-il de plus utiles travaux que ceux de ces hommes
supérieurs qui, cultivant, développant ce sentiment du
juste et de l’injuste que Dieu a imprimé au cœur de
l'homme pour qu’il fut fait à son image, nous ont laissé
ces écrits de morale qu’on ne peut lire sans devenir
meilleur (je ne parle que des œuvres hum aines); de
ces philosophes anciens qui ont mérité que St. Clément
d’Alexandrie ait dit d’eux qu’ils étaient comme des pré
cepteurs qui avaient conduits les gentils à la foi et au
christ.
Que vous dirai-je des Pères de l’Église, de ces pieux
solitaires, de ces vénérables évêques qui, par leur élo
quence, non moins que par la pureté de leurs mœurs,
convertirent tant de peuples au christianisme. La gran
deur du bienfait m ’oblige à rapporter à Dieu la plus
grande part de leur gloire et de leurs travaux.
Après les moralistes et les Pères de l’Église , qui a
plus de droits à la reconnaissance de l’humanité , [que
ces hommes laborieux et modestes qui, appliquant les
principes de la morale à l’état des personnes et à la
possession des biens, ont créé le droit, et le développant
de siècle en siècle, ont fini par l’approprier aux besoins
de la civilisation la plus avancée?
Le droit est le lien , l'âme de toute société. La plus
belle œuvre de l’intelligence humaine a été de substituer
le droit à la force , c’est-à-dire, ce qui est bon et équi
table à ce qui est violent et injuste. Nous avons des lois
admirables, produit de P expérience et delà sagesse de
�8
—
plusieurs siècles et de plusieurs nations ; elles veillent
à tous les intérêts; elles protègent efficacement le faible;
elles rendent à chacun ce qui lui est dû et pour assurer
leur empire, il suffit d’un corps de magistrature qui dise
droit. Nous sommes habitués à cette incessante protec
tion ; il nous semble qu’elle a dû toujours exister; mais
jetez les yeux sur les peuples moins civilisés , sur les
peuples anciens surtout et vous verrez quelle part la
force a eue dans les affaires de ce monde ; combien leurs
lois étaient incomplètes et leurs magistrats impuissants.
Plus les nations ont fait de progrès en civilisation, plus
les lois ont pris d’empire; pour les peuples civilisés, la
patrie c’est le sol, la langue et les lois.
Ce qui est parvenu jusqu’à nous des lois de Solon ,
de Lycurgue, et en général, de tous les fondateurs d’em
pire, ce sont quelques règles de droit public ou admi
nistratif; mais le droit civil, le droit commercial ont été
créés en détail, questions par questions pour ainsi dire.
Les décisions des magistrats, les avis des jurisconsultes
n ’ont été d’abord que des décisions d’équité, dont la
collection et le rapprochement ont formé peu à peu des
principes généraux, une doctrine et plus tard des lois.
Ces jurisconsultes, véritables bienfaiteurs de l’huma
nité, sont innombrables ; ils appartiennent à tous les
âges et à toutes les nations. Je ne vous citerai que les
deux plus illustres de la France, Domat et Pothier ,
vénérables par leur science et par leur piété ; ils restau
rèrent, avec Cujas , l’étude des lois romaines; ils en
tirèrent, pour nos lois civiles , un corps de doctrine si
complet et si judicieux qu'il a servi de base à notre Code
9—
Napoléon. Ils avaient compris l’union intime qui doit
exister entre le droit et la morale. Pothier ne discute
aucune grande question sans consulter le for intérieur ,
c’est-à-dire, la conscience, la morale. Leur vie fût toute
empreinte de ces sages habitudes de leur esprit et ils
furent des modèles de toutes les vertus.
Quels services encore n’ont pas rendu à l’humanité
les travaux des savants? Ce que les philosophes , les
Pères de l’Cglise et les jurisconsultes avaient fait dans
l’ordre moral , ils l’ont fait dans l’ordre physique.
Après des siècles de recherches laborieuses, ils ont ravi
bien des secrets à la nature: les lois de l’univers, les
propriétés générales et particulières des corps, l'ac
tion des uns sur les autres , leurs éléments, l’action
de ces éléments isolés; ils en ont fait les plus ingénieuses
et les plus utiles applications; ils ont ainsi multiplié
nos forces parles forces infinies de la nature et nous ont
soumis, pour ainsi dire, le monde matériel. C’est à eux
que tous les métiers , toutes les industries doivent leur
origine et leurs perfectionnements. L ’ouvrier qui fabri
que aujourd’hui la machine à vapeur la plus parfaite,
doit évidemment son industrie à ceux qui ont découvert
et qui ont peu à peu appliqué et modéré la puissance et
l’élasticité de la vapeur. Il en est de même pour toutes
les applications de la science.
James Watt, en inventant le condenseur de la machine
à vapeur pour l'épuisement, a rendu un immense service
à tous les exploitants de mines. L’appareil est très-sim
ple; l’ouvrier le moins habile peut l ’exécuter. Mais il est
la solution d’un problème longtemps regarde comme
�insoluble, le fruit de longues et judicieuses observations,
d’un travail intellectuel, en un mot; pour en sentir l’im
portance, il suffît de savoir que W att exigeait, pour
1 application de son système, le tiers du charbon qui se
rait économisé, et que dans les mines dcCornouailles, ou
trois machines étaient en jeu, les propriétaires payaient
à l'inventeur une redevance annuelle de 00,000 fr., ce
qui suppose qu’ils économisaient au moins 180,000 fr.
de charbon par an.
Les lettres ont aussi rendu de grands services quoi
que dune autre nature: elles n'ont pas été seulement le
délassement des classes éclairées ; elles ont adouci les
mœurs, en répandant le sentiment du beau ; leur qua
lification humaniorcs lilterœ fait leur histoire et leur
éloge. Leurs beautés sont même senties par les hommes
les plus incultes. Il suffit de voir la justesse , la finesse
même des jugements du parterre le plus grossier sur
une pièce de Corneille ou de Molière; les rapsodes réci
taient sur la place publique, les poèmes d’IIomère et les
gondoliers de Naples et de Venise chantent les stances
de la Jérusalem délivrée.
Messieurs les É tudiants ,
C’est aux travaux de l’intelligence que votre position
sociale vous appelle. Remerciez-cn Dieu comme d ’un
bienfait. Non que ces travaux soient moindres que
ceux des mains; ils sont plus pénibles et ils n'ont pas
de terme; mais ils sont d’une nature plus élevée et
exigent 1 emploi et l’exercice de nos plus nobles fa
cultés. Je vous disais tantôt que le travail des mains
développe 1 intelligence et qu’il moralise ; que doit-ce
être des travaux de I intelligence, d’études qui ont pour
objet: dans les sciences morales, l'homme, son âme, sa
destination, ses devoirs ; dans le droit, les règles du juste
et de l ’injuste ; dans les sciences , la connaissance de la
nature entière, c'est-à-dire, la contemplation des œu
vres de Dieu et de ses inépuisables bienfaits, et dans
les lettres, tous les chefs-d’œuvre de 1 esprit humain?
Si vous compreniez toute l'excellence, tout l'attrait de
pareilles éludes, loin d’avoir à vous exciter, nous n'au
rions qu’à modérer votre ardeur.
Le travail est la loi du monde. Regardez à côié de
vous, au-dessous et au-dessus, vous ne trouverez dans
une position sociale, honorée et prospère que ceux qui
travaillent ou qui ont travaillé. Songez aux efforts labo
rieux de tant de fabricants qui ont brigué l’honneur
d’être admis à l'exposition; songez aux travaux gigan
tesques de nos armées en Orient, travaux des mains,
travaux de la science, travaux immenses d’administration,
tous accomplis avec une persévérance et un courage audessus de tout éloge.
Celui qui se soustrait à cette loi du travail subit tou
jours infailliblement, dans quelque condition que le ciel
l ’ait placé, les tristes conséquences de sa paresse et de
l’oisiveté à laquelle il se condamne: il s ’abandonne sans
frein à toutes ses passions; s’il est riche, il dissipe sa
fortune; s’il est pauvre, il reste pauvre; son intelligence
sc perd, son ignorance et son incapacité s ’accroissent
incessamment; il est privé de toute considération, de
�—
12
—
îoutc importance sociale et il traîne tristement ses jours
dans la misère et 1 abjection. Ce n ’est pas un portrait
que je fais à plaisir ; vous devez en avoir eu plus d’un
exemple sous les yeux ; ils ne sont que trop nombreux
et de tous les temps. Un philosophe ancien a dit :« Quelle
« espèce d’hommes sont ceux qui ne font que prendre
« leurs repas, dormir et satisfaire leurs appétils les plus
« brutaux? Ils ont donc oublié qu’ils ont une intelligence
« et une âme immortelle! »
Que ces tristes exemples soient l’objet de vos sérieuses
méditations et qu'ils influent sur votre conduite! Je sais
bien que vous faites des projets de réforme ; mais vous
renvoyez toujours au lendemain. Si vous n ’avez pas
assez de force aujourd’hui pour rompre vos mauvaises
habitudes, croyez-vous qu’il vous sera plus facile de le
faire quand elles seront invétérées? Ceux que la paresse
et l’oisiveté ont perdus, ne sont pas arrivés à leur perte
de propos délibéré; ils ont vu le plus souvent la mau
vaise voie où ils étaient engagés et ils ont renvoyé au
lendemain pour en sortir.
Réveillez-vous donc, jeunes gens, prenez de bonnes
résolutions, mais actuelles, mais fécondes; profilez de
votre jeunesse; apportez au travail un peu de celte
ardeur de votre âge, qui, dans les desseins de Dieu, ne
vous a pas été donnée pour les plaisirs seulement. Votre
intérêt le plus pressant, 1 intérêt de toute votre vie vous
le commande.
Newton disait: Le génie c’est le travail. L'axiome
fut-il trop absolu , il est certain que le travail opiniâ
tre arrive à suppléer le génie et que sans le travail, le
génie le plus heureux avorte et reste infécond. Et cela
est vrai non-seulement dans les sciences, mais dans les
arts et dans les lettres; 1 inspiration elle-même est fille
du travail; J.-B. Rousseau l’a dit en style lyrique :
Des veilles, des travaux un faible cœur s’étonne ;
Apprenons toutefois que le (ils de Latone,
Dont nous suivons la cour,
Ne nous vend qu’à ce prix ces traits de vive llamme
Et ces ailes de feu qui ravissent une âme
Au céleste séjour.
Les grands poètes, Homère, Virgile, Horace, Corneil
le, Racine, Molière ont été les hommes les plus instruits
et les plus laborieux de leurs siècles. C’est l'étude si
exacte, si judicieuse qu’ils ont faite de la nature physique
et de la nature morale, l'étendue et la variété de leurs
connaissances qui donnent tant de charme à leurs œuvres
et qui les feront passer à la postérité la plus reculée.
Et qui sait de quel avenir vous priverait votre indo
lence? Qui sait s’il n’existe pas parmi vous quelque
génie que le travail révélerait? Il fera du moins de
chacun de vous des hommes utiles et considérés ;
mettez-vous à l’œuvre.
Voyez quels soins paternels le gouvernement apporte
à vous fournir des moyens d’instruction ; que d’hommes
éminents, laborieux consacrent leur vie à votre éducation.
Vous êtes l’espoir de la patrie ; c’est pour vous que de
nouvelles facultés sont créées, de nouvelles chaires éta
blies, des bibliothèques d’académie fondées. Ces séances
solennelles de rentrée que de respectables prélats, que
�14 —
les chefs de la magistrature et de l’administration, que
les citoyens les plus considérables honorent de leur
présence, vous témoignent de l’intérêt que la société
attache à vos succès.
Les prix qu'on vous distribue toutes les années doi
vent exciter votre émulation. Je ne vous fait pas l ’injure
de croire qu'un seul d’entre-vous dédaigne ces honora
bles distinctions. L’honneur est le mobile de toutes les
nobles âmes: le soldat est heureux et fier d’être porté
à l’ordre du jour et il se croit payé des rudes labeurs
qui lui ont été imposés et du sang qu’il a répandu;
aujourd'hui même l’Empereur distribue des récompenses
aux exposants; la médaille d’or , d’argent ou de cuivre,
la moindre mention honorable est un triomphe non pas
seulement pour le modeste fabricant, mais pour les hom
mes les plus haut placés dans 1 industrie. Au début
comme à la fin de sa carrière , dans la position la plus
humble comme dans la plus élevée, être proclamé devant
ses concitoyens le plus intelligent et le plus laborieux est
un honneur qu’on ne dédaigne que lorsqu’on se sent
impuissant à l’obtenir.
Il y a même autre chose que de l’honneur à acquérir
dans ces concours annuels. M. le Garde des Sceaux a
toujours tenu compte aux candidats, pour les fonctions de
magistrature, de leurs succès à la Faculté de Droit, et
dans plusieurs administrations financières ces lauréats
sont toujours préférés à leurs concurrents.
L’institution des conférences est un autre bienfait du
gouvernement, dont il me tarde de vous voir appré
cier toute l’utilité. Les cours ont, de leur nature, une
forme solennelle; le professeur a un programme à
suivre, une carrière à fournir; il parle seul; l’étudiant
n ’a qu’à écouter et rarement à répondre. La conférence
est une instruction familière, accessoire au cours et qui
en est le développement indispensable; les élèves moins
nombreux y établissent des rapports plus intimes avec
leurs professeurs ; la doctrine y est développée par des
explications plus étendues, par des exemples multipliés;
l’élève propose ses doutes ; se fait expliquer ce qu’il n’a
pas compris; signale les difficultés qui l’ont arrêté. C’est
ce qu’on cherchait autrefois dans les répétitions particu
lières ; mais les conférences sont bien préférables aux
répétitions par l’émulation qu elles font naître, par le
nombre plus grand des élèves et par conséquent des ques
tions qui sont discutées et, enfin , parce qu’elles durent
toutel’année. On prenait un répétiteur pour deux ou trois
mois, à la veille d’un examen; on fesait un effort de
mémoire, dont il ne restait presque rien : aujourd’hui
l'élève assidu aux conférences sera prêt pour son exa
men sans surcharge de travail et il aura acquis peu à
peu une instruction raisonnée qu'il ne perdra plus. Je
vous recommande, MM. les étudiants, devous inscrire
pour les conférences et d’y être assidus. Mon devoir
n ’est pas seulement de vous exciter au travail; je dois
aussi vous indiquer tout ce qui peut vous le rendre plus
facile et plus fécond. Je ne sais pas de méthode, de
procédés qui puissent vous épargner plus de peine et
desquels vous puissiez tirer plus de profit.
Les conférences ont parfaitement réussi dans d’au
tres Facultés, à Toulouse notamment et à Paris. Les
�— 10 —
étudiants y ont trouvé non-seulement une instruction
plus solide, mais un travail mille lois plus facile que le
travail de cabinet qu’ils faisaient isolément ou avec
l’aide d’un répétiteur. On aurait dû peut-être les rendre
obligatoires, maison a compté sur votre bon sens, sur
les conseils de votre propre intérêt et sur le désir que
vous avez sans doute tous d’acquérir une instruction
solide et complète, j'espère qu’on ne se sera pas trompé.
M. le Recteur a ensuite successivem ent donné la
parole à MM. l’abbé Polge, Bouteuil, Morren et Lafaye,
doyens des facultés de Théologie, de Droit, des Sciences
et des Lettres, qui ont rendu com pte des travaux des
facultés durant l’année expirée; il a annoncé que les
cours de ces facultés ainsi que ceux de l'École secon
daire de Médecine, dont la rentrée a déjà eu lieu sous
la présidence de M. Schmit, inspecteur d académ ie,
recommenceraient dès le lendem ain 10 novem bre,
aux jours et heures indiqués par les programmes, et
a déclaré la séance levée.
�4
INSTRUCTION PUBLIQUE.
A C A D É M IE
D’AIX.
INSTALLATION
LÀ FACULTÉ DES SCIENCES
�/
INSTALLATION
DE LA
FACULTÉ DES SCIENCES
DE M A R S E I L L E .
L’installation de la Faculté des Sciences de Mar
seille a eu lieu le 29 janvier 1855 , dans la grand
salle de l’H olel-de-V ille; la messe du Saint-Esprit
avait été célébrée à la cathédrale, le m êm e jour, par
Mgr l’Évêque.
M. Mottet , Recteur de l’Académ ie, présidait la
séance. Étaient assis à sa droite : M. Honnorat, maire
de M arseille, M. B oré, inspecteur d’académ ie, MM.
les doyens des facultés du ressort académique et à
sa gauche, MM. Morren , A oust, Favre et D erbès,
doyen et professeurs de la Faculté des Sciences.
Sur le même rang, se trouvaient encore MM. les ad
joints du maire. M. Pardigon, secrétaire de PAcadé
m ie, occupait le bureau du secrétaire.
Sur un second rang, siégeaient des députations
nom breuses, des Facultés de théologie, de droit et
des lettres d’Aix, et de l’École préparatoire île mode-
�einc et de pharmacie de M arseille, M. le proviseur
et M. le censeur du lycée impérial.
L’assemblée était très-nom breuse; tout ce que
Marseille renferme d'hommes distingués dans les
lettres, les sciences, les arts, le com m erce et l’in
dustrie, s’était donné rendez-vous à l'IIôtel-dcVille.
M. le Marquis de Crœvecœur, préfet du départe
ment , accompagné de M. le secrétaire général de la
préfecture , de plusieurs conseillers de préfecture,
et de M. le Comte de Crœvecœur, auditeur au Con
seil d’Élat, son chef de cabinet, M. le procureur gé
néral Dubeux, M. Luce, président du tribunal de
première instance, M. Martinet, procureur im périal,
assistaient à la séance ainsi que M. le président du
consistoire israélile, le commandant de la place , les
chefs de diverses administrations publiques, et un
grand nombre de membres du conseil m unicipal, de
magistrats, de prêtres, d’officiers de diverses arm es,
de membres de l’académie impériale des lettres et
arts, de professeurs du lycée et autres notabilités.
M. le Recteur a d’abord fait donner lecture par
M. Pardigon, secrétaire de l’Académie, du décret
du 27 décembre 1854 et de l’arrêté m inistériel du
même jour, qui nomment les professeurs et le
doyen de la Faculté des Sciences, et com m e ces
messieurs avaient antérieurement prêté le serm ent
prescrit par la loi et qu’il n ’y avait plus lieu à procé
der h celle form alité, il a déclaré la Faculté des
Sciences installée.
lia ensuite prononcé le discours suivant :
Messieurs ,
J’attendais avec une bien vive impatience le jour, où,
secondant la bienveillante sollicitude du Ministre de
l’instruction publique et des cultes, il me serait permis
d installer, dans cette belle et puissante cité, la Faculté
des Sciences.
Notre Académie possédait de nombreuses chaires dans
l ’enseignement supérieur, où la théologie, le droit, les
lettres et les sciences médicales avaient d’habiles et sa
vants interprètes ; le gouvernement est trop soigneux des
grands intérêts publics pour que nous eussions longtemps
encore à désirer une Faculté des Sciences, et il ne pou
vait mieux la placer que dans une ville si considérable
par son commerce, par le nombre et la variété de ses in
dustries et si remarquable par 1 activité intellectuelle de
ses habitants.
Il a ajouté au bienfait de cette grande institution en
mettant à sa tête un Doyen qui a organisé la Faculté des
Sciences de Rennes d’une manière si parfaite qu elle est
devenue un modèle. M. Morren s ’est fait d’ailleurs re
marquer dans son administration par sa sagesse, sa fer
meté et l'aménité de son caractère. Le Ministre, en lui
adressant lui-même ces éloges, a ajouté : « Je vous en
voyé à Marseille, parce que c’est mon pays de prédilec
tion. »
�— G—
Scs tleux collègues , déjà titulaires dans d'autres
facultés, sont renommés, comme lui, par leurs travaux
scientifiques et par la solidité de leur enseignement. Le
quatrième professeur, notre compatriote, lauréat de
l’Institut, a professé durant vingt ans avec distinction
les sciences naturelles dans vos cours communaux et a
déjà acquis bien des droits à votre estime.
Soyez donc les bien venus parmi nous ; la famille aca
démique, à laquelle vous appartenez désormais, vous ap
porte sa part de bonne renommée et recevra de vous un
nouvel éclat. Nous travaillons à une œuvre commune, la
plus belle que les hommes puissent accomplir, à l’amé
lioration intellectuelle et morale de la jeunesse. Resser
rons par unevestime et une affection réciproques les liens
qui nous unissent; je suis, en émettant ces vœux, l’organe
des autres Facultés et de l’Ecole de Médecine, et la
présence de leurs députations à cette séance vous dit
assez les sentiments de confraternité qui les animent.
Les sciences furent en honneur dans l’antiquité la
plus reculée, chez les peuples même qui ne nous ont
rien transmis de leurs découvertes. Les monuments gi
gantesques des Egyptiens supposent une parfaite con
naissance de la mécanique et des mathématiques ; l’art
sacré , ainsi appelé parce qu’il était réservé aux prêtres,
était probablement la chimie. Aussi les Egyptiens con
nurent-ils l’art de fabriquer le sel ammoniaque, la
soude , le savon et le verre. La série des couleurs trèsbien conservées et d’un ton vigoureux, qu’on a retrou
? —
vées dans la décoration de leurs monuments, témoigne
d’une science assez avancée.
Les Grecs appelaient du même nom la science et la
sagesse , éloge ou conseil ingénieux pour toutes deux.
Ils cultivèrent surtout avec succès les mathématiques.;
Platon avait inscrit sur la porte du lycée : Que nul neu
tre ici, s'il ne sait la géométrie. Euclide, 320 ans avant
Jésus-Christ, a donné des éléments de géométrie qui
sont encore aujourd’hui la base de cette science.
En physique, il se fit quelques inventions ; on doit à
Archimède la vis d’Archimède , les moufles , les roues
dentées et les miroirs réflecteurs ; à Héron d’Alexandrie,
l’appareil hydraulique qui porte son nom ; à Ctésibius ,
les pompes ; mais la physique ne fut pas dans ces temps
reculés constituée en science; Aristote lui-même s ’égara
dans les systèmes et les hypothèses ; il la faisait reposer
sur le froid et le chaud , le sec et l'humide.
La chimie fut à peu près inconnue et Galien, après
Hippocrate, le médecin le plus célèbre de l’antiquité,
s ’en tenait aux quatre éléments : l’eau , l’air, la terre et
le feu.
Aristote écrivit l'histoire des animaux; Pline l'ancien,
dans son Histoire naturelle , traite de l’astronomie , de la
météorologie , de la théorie de la terre, de la géogra
phie , de la zoologie , de la botanique , de la minéralogie,
de la métallurgie, et même de la sculpture et de la
peinture. Celte encyclopédie, écrite d’un style qui a de
la vigueur et de l’originalité , résume tout ce que les an
ciens savaient de ces diverses sciences.
L’invasion des barbares, qui détruisit le monde ro-
�s —
main, effaça le souvenir meme des sciences qui avaient
été connues.
Dans le moyen âge, on s’éprit de fausses sciences, 1 alchi
mie ctl’astrologie, que les Arabes importèrent en Europe.
L’alchimie, pourtant, fut un pas vers la chimie ; elle
n’atteignit pas son but chimérique , qui était la transmu
tation des métaux; mais elle initia à des procédés utiles, '
habitua les esprits à l’observation et amena même d’im
portantes découvertes, telles que l’eau régale, qui,
seule peut'dissoudre l’or et le platine, l’eau forte, la
pierre infernale et le sublimé corrosif.
La renaissance des sciences n’eut lieu que dans leXVI0
siècle. Elle date surtout de François Bacon qui, dans
son ouvrage de la Restauration des Sciences, substitua
aux vaines hypothèses l’observation des faits et créa le
système expérimental.
Galilée , contemporain de Bacon, partagea avec lui la
gloire d’être le créateur de ce système. Il fit d’ailleurs
les plus importantes découvertes sur les lois de la pe
santeur et le pendule; il découvrit ou perfectionna le
thermomètre, le compas de proportion et le télescope.
Ce dernier instrument et ses propres observations réfor
mèrent entièrement la science de l’astronomie.
Dans le XVIIe siècle, Descartes fit faire des progrès
immenses à l’algèbre et appliqua l’algèbre à la géomé
trie ; en physique, il découvrit la force centrifuge et les
lois de la réfraction.
Salomon de Caus indiqua la vapeur comme pouvant
servir de force motrice; Papin inventa la machine à va
peur fonctionnant avec un piston.
— 9—
Pascal , aussi grand écrivain que profond géomètre ,
qui, à douze ans et sans le secours d’aucun livre , était
parvenu à trouver les trente-deux propositions d’Euclide , et qui composa à seize ans un traité des sections
coniques , inventa différentes machines arithmétiques et
mécaniques, et posa les bases du calcul des probabilités ;
publia des expériences sur le vide et un traité de l’équi
libre des liqueurs. On le croit l’inventeur de la presse
hydra ulique.
Enfin , Newton , après avoir fait de grandes décou
vertes en mathématiques : le binôme de Newton et le
calcul différentiel, que Leibnitz découvrit aussi en même
tem ps, expliqua les lois do la lumière et trouva cette
grande loi de la gravit lion universelle, en vertu de la
quelle tous les corps s’attirent en raison directe de leur
masse et en raison inverse du carré des distances, qui lui
suffit pour expliquer le système du monde, le mouvement
des planètes autour du soleil , de la lune autour de la
terre, le cours des comètes, le flux et le reflux delà mer.
C’est dans le même siècle que Louis XIV, qui avait
le sentiment de tout ce qui est grand , fonda l’Acadé
mie des Sciences, bâtit l’observatoire, appela en France
Cassini, et lit déterminer le méridien de Paris.
Dans le XVIII0 et le XIXe siècles , le progrès dans les
sciences fut plus rapide encore; les derniers venus pro
fitant des travaux de leurs devanciers. Dans les mathé
matiques, Euler, Bernouilli, Dalcmbert, Laplace , dont
les œuvres ont été imprimées aux frais de l’Etat, La
grange , Monge , Poisson et tant d’autres ont porté la
science à son apogée.
�— ÎO
Dans la physique, il n'est guère de partie qui n ’ait
été explorée et aggrandie : l’électricité, la machine à
vapeur, la théorie de la chaleur, l’optique, l’acoustique,
la mécanique, ont été l'objet des plus savantes recher
ches et des plus utiles inventions.
Je tais les noms des savants physiciens, pour vous
épargner une trop longue nomenclature.
La chimie n’est devenue une science que dans le XVIIIe
siècle; ce fut vers le milieu de ce siècle que Black pu
blia ses premiers travaux sur le gaz; MarggrafT ensei
gna I extraction du sucre des plantes indigènes; Sehéele
découvrit nombre d’acides ; Lavoisier apporta dans les
opérations chimiques une précision jusque-là inconnue ;
on lui doit, et à Guy ton Morveau, la première nomen
clature chimique. Lavoisier était un esprit supérieur; il
voit au loin ; il porte partout une vive et pénétrante lu
mière et il jalonne si bien sa route , qu’il guidera long
temps encore ses nombreux admirateurs. Bertholet,
Fourcroy, Vauquelin, Gay-Lussac, Thénard , Dumas et
tant d'autres, ont, après lu i, ouvert à la science mille
routes nouvelles.
L’histoire naturelle prit aussi ses plus grands déve
loppements dans le XVIIIe siècle: les immortels écrits
de Buffon , les travaux de d’Aubenton , de Lacépède , des
Geoffroy-St-Hilaire ; les découvertes admirables de C u
vier qui, dans les différentes couches terrestres , a re
trouvé l’histoire du monde matériel et de la création,
en ont fait une des plus vastes et des plus attrayantes
sciences.
Après cct aperçu bien sommaire des trésors que nous
possédons , et bien incomplet, car je n’ai parlé que des
sciences qui seront immédiatement enseignées, il y a
lieu de s’étonner que les sciences n’aient pas pris plus
tôt une grande place dans l’enseignement.
Vers la fin du dernier siècle , un essai fut tenté ; les
écoles centrales promettaient l’enseignement des sciences,
des lettres et des arts; mais on sortait à peine de la
tourmente révolutionnaire ; on était dans ces moments
de troubles civils et de passions violentes où il est
impossible de rien fonder , et les écoles centrales n’eu
rent qu’une existence éphémère.
Dix ans plus tard , lorsque sous la main puissante et
le génie organisateur de Napoléon Ier ; l’ordre eut été
rétabli, que les autels eurent été relevés, que la France
triomphante et glorieuse au dehors , calme au dedans,
eût reçu l'organisation administrative et les belles lois
civiles qui ont fondé son unité nationale , 1 Université
Impériale fut créée , et, ainsi que son nom l’annonçait ,
elle devait comprendre dans l’enseignement l’universa
lité des connaissances humaines. L’Empereur, comme
le rappelle le Ministre de 1 instruction publique et des
cultes, dans son instruction générale si remarquable de
I 85 A, n'admettait pas plus des lettrés sans sciences que des
savants sans lettres.
D’après le décret d’organisation définitive de 1808,
les sciences devaient être enseignées élémentairement
dans les lycées et les collèges et d’une manière appro
fondie dans les facultés.
Mais ces sages dispositions restèrent à peu près une
lettre morte ; les Facultés des Sciences ne furent créées
�qu'on petit nombre et successivement. L ’enseignement
élémentaire des sciences dans les lycées fut très peu
développé et il n’exista pas dans les colleges.
La réalisation des promesses du décret de 1808 était
réservée à Napoléon III , digne héritier de son oncle,
et au Ministre éclairé qui le seconde si bien.
L’étude élémentaire des sciences dans les lycées et
dans plusieurs collèges, largement établie , donne déjà
de bons résultats et il a été créé cinq nouvelles
Facultés des Sciences où seront approfondies les théories
et démontrées les applications.
On n’a jamais contesté aux sciences leur utilité. Mais
cette utilité est plus étendue , plus universelle qu'on ne
le croit généralement.
L'homme réduit à ses forces corporelles est un des
plus faibles animaux ; il n'est armé d’aucune défense
naturelle ; il manque de force et de vitesse ; il n ’est pas
même suffisamment protégé contre les intempéries; mais
Dieu , dans son infinie bonté , lui a donné l’intelligence
qui le fait réellement le roi de la création. Tout ce qui
l’entoure , les animaux qui respirent dans l’air, sur la
terre ou dans les eaux , les innombrables végétaux qui
couvrent la surface du globe, les minéraux, cachés dans
les profondeurs de la terre, il peut tout faire servir à scs
besoins, à la condition de tout connaître et de savoir
mettre en œuvre les secrets qu'il aura surpris à la
nature.
Les sciences physiques et naturelles ont pour but la
connaissance de la nature et des lois qui la gouvernent,
elles ont nécessairement pour moyens et pour base
l’observation des faits et comme elles sont depuis long
temps cultivées, il y a déjà une masse considérable de
faits bien observés qui , rapprochés et coordonnés, for
ment une doctrine dont la connaissance est l'objet
principal des cours de physique , de chimie et l’histoire
naturelle.
Les sciences mathématiques, ce grand instrument de
toute recherche exacte, comme dit Herscbell , secondent
nos investigations dans la nature pour tout ce qui tient
au nombre , au poids , à la proportion des forces , aux
distances, à l’étendue et nous conduisent à la certitude
mathématique qui est la vérité prouvée.
Voilà le vaste champs d’études qu’ouvre la Faculté
des Sciences; il n’a pas délim ités. Nous avons hérité
des observations de nos pères ; nos enfants hériteront
des nôtres; la science s ’accroît ainsi d’âge en âge,
monument éternel que l’homme élève à la gloire de Dieu.
Nous ne regardons en général comme dues à la science
que les inventions faites de nos jours et dont la nouveauté
et la puissance nous étonnent; mais tout ce qui n'est
pas un produit spontané du sol est dû à la science.
L’instrument le plus simple suppose des observations
persévérantes et un travail de plusieurs siècles. Avant
qu’une lame de couteau, par exemple, ait remplacé l’os
ou le caillou affilé du sauvage, il a fallu trouver du mi
nerai de fer, en connaître l'emploi, le mettre en fusion,
l’épurer, le forger, y incorporer de l'acier, le tremper,
le polir. Chacune de ces opérations n’est devenue possi
ble qu’après les longues études et avec les conseils éclai
rés de la science.
�On dit quelquefois que telle découverte est due au
hasard , on se trompe. Les faits physiques se produisent
incessamment sur tout le globe en nombre illimité, et ils
passent souvent inaperçus. La decouverte est due à celui
qui observe, et qui, préparé par l’étude, sait observer: en
voyant un effet il remonte à la cause et se rend compte de
la loi qui l'a produit ; cette loi bien connue est une force
que lui ou d'autres appliqueront ; c/est de la science.
Quant aux applications,elles exigenttant de perspicacité,
de persévérance et quelquefois de génie qu'on ne peut
jamais les attribuer au hazard.
Pour l’observateur judicieux, il n’y a point de faits
insignifiants, si petits qu’ils soient, parce qu'il n ’y a
jamais de faits sans cause, c'est-à-dire, sans être le pro
duit d'une loi de la nature et que les lois de la nature
sont universelles.
C’est la chute d’une pomme qui a donné à Newton la
première idée de la gravitation ;
C’esten voyant se soulever le couvercle d’une marmite
que le marquis de Worcester conçut 1 idée de la force et
de l’élasticité de la vapeur ;
C’est en observant la condensation de la vapeur qui
s’échappait d’une théière que James W att inventa le
condenseur de la machine à vapeur pour l’épuisement.
C’est un jeu d’enfant qui a fait découvrir une espèce
de greffe très utile.
Tous les faits même bien observés ne trouvent pas leur
application immédiate ; mais ils sont acquis à la science
et demeurent, dans cet immense magasin, à la disposi
tion du plus habile.
11 se rencontre de temps à autre un de ces génies dont
la perspicacité égale la persévérance, qui trouve l’appli
cation d’une de ces lois de la nature que d'autres ou lui
ont observée, et qui accroit ainsi les richesses et le bien
être du genre humain tout entier.
La propriété qu’à l’aimant de se diriger vers le pôle
était connue depuis longtemps. Les anciens en parlent;
mais cette loi de la nature restait sans application et
sans utilité. L’aimant, qui a aussi la propriété d’attirer le
1er, servait à la fabrication de quelques jouets d’enfants
ou à quelques récréations de physique propres à étonner
le vulgaire.
Enfin, dans le XIII0 siècle, un homme de génie, dont
le nom n’est pas même arrivé jusqu’à nous, pensa àappliquer l’aimant à la navigation et trouva, dans cette
l’a cuité qu’il a de se tourner vers le pôle ,un moyen de
diriger la marche des navires.
Envisagez, si vous le pouvez, dans toutes ses consé
quences, cette invention en apparence si modeste; em
brassez tous les changements qu’une seule idée a opérés
sur le globe; jusques-là on ne connaissait que le petit
cabotage fait à la vue des côtes ; la fiction des colonnes
d’Hercule atteste ce qu'était la navigation des peuples de
la Méditerranée; aussi Homère et Virgile placent-ils
au nombre des grands travaux et des grands périls d'U
lysse et d’Ennée des navigations qui sont de nos jours
des voyages d’agréments.
Celui qui a inventé la boussole a créé la grande navi
gation. La découverte d’un nouveau monde aussi grand
que l’ancien, d’innombrables produits jusques alors in-
�!G —
connus livrés aii commerce , d’immenses débouchés
ouverts à nos manufactures, la civilisation de l’Europe
importée sur tous les points du globe, en ont été les
résultats immédiats.
Et s’il est devenu possible à l’homme de pénétrer dans
les entrailles de la terre à des profondeurs qui effraient
l’imagination, de préserver les mines des inondations et
de leur arracher d’inépuisables richesses minérales ;
Si nos navires, mus par la vapeur, peuvent braver les
calmes et les vents contraires;
Si enfin, la machine à vapeur traîne sur des chemins
de fer des milliers de voyageurs avec une vitesse quenos
pères ne connaissaient que dans les mille et une nuits;
À quoi le devons-nous?
L histoire de la machine à vapeur remonte à deux siè
cles environ ; c'est une série de perfectionnement curieux
à étudier. Si je vous la racontais, vous y verriez que,
depuis les observations élémentaires de Salomon de Caus
ou du marquis de Worceslerjusques aux rondelles fusi
bles, chaque progrès de celle admirable invention est
dû à l’étude des lois de la nature, c’est-à-dire, à la
science.
11 en est de même pour toutes les machines et dans
toutes les industries.
Quels admirables travaux, par exemple, et quels ré
sultats obtenus dans l’optique !
La lentille qui grossit et projette à plusieurs lieues la
lumière du phare ;
Les verres concaves ou convexes qui remédient à la
conformation des yeux myopes ou presbytes ;
17
Le microscope qui nous rend visibles les corps que
leur exiguïté dérobe à notre vue;
Toutes les espèces de lunettes qui suppriment pour
nous les plus grandes distances ;
Le télescope qui nous permet d’examiner les astres.
Imaginez encore ce qu’il a fallu d’observations pour
arriver de la grossière horloge à poids à un chronomètre
et des premiers phénomènes électriques découverts sur
l'ambre jaune au paratonnerre, à la dorure par l’électri
cité et au miraculeux télégraphe électrique.
Ce n’est pas à Marseille si renommée pour la fabrica
tion du savon, des produits chimiques, du soutire, du
sucre, et, par ses établissements métallurgiques que j’ai
besoin de parler de l’importance de la chimie.
L ’histoire naturelle a aussi une utilité qui n ’a pas
besoin d’être démontrée. Le règne organique et le règne
inorganique nous fournissent tous les produits qui sont,
l’objet d'une consommation immédiate, et toutes les ma
tières premières qui sont la base de toute espèce de fabri
cation.
Étudier dans leurs moindres détails tous les êtres, est
le moyen évident de savoir s ’ils peuvent nous servir ou
nous nuire, d’accroître incessamment nos richesses et de
diminuer les maux auxquels nous sommes exposés.
Nous devons aux études de cette nature tous les
animaux domestiques, qui nous fournissent des aliments,
des vêtements ou nous aident dans nos travaux agricoles.
Cette source de richesses n ’est pas tarie; nous sommes
loin de posséder tous les animaux qui peuvent être réduits
à la domesticité.
�18 —
Si nous avons de si beaux fruits et s'ils est possible de
conserver les belles espèces toujours identiques, c’est à
la greffe que nous le devons ; c'est un fait de végétation
extraordinaire bien étudié et imité qui a amené celte
admirable invention. •
Les observations faites sur la manière dont les œufs
de poissons sont fécondés ont fait naître un art nouveau
qui ne peut manquer d’acquérir une grande importance,
la pisciculture qui repeuplera nos étangs, nos rivières et
même nos mers, des espèces les plus précieuses, et dont
on craignait la complète disparition.
La gutta-percha , cette gomme inaltérable et d’une
complète imperméabilité, importée de Sumatra en Eu
rope, il y a peu d’années, a complété les merveilles du
télégraphe électrique en permettant de l’établir dans les
profondeurs de la mer.
Je pourrais multiplier ces exemples si je ne craignais
d’abuser de votre patience.
Quant à la géologie, ne la considérant que sous le
rapport de son utilité industrielle, ne doit-on pas à la
science de pouvoir juger à l’aspect de la couche supé
rieure du sol s’il y existe des richesses m inérales, de
quelle nature elles sont, à quelle profondeur elles gisent,
et de régler sur ces données ses recherches ou son ex
ploitation.
C’est la science, en un mot, qui est la base de toutes
nos industries, la source de toutes nos richesses, la
cause première et permanente de notre civilisation. Nous
avons vu des découvertes bien inattendues et bien mer
veilleuses, l’éclairage au gaz, les chemins de fer, la
19 —
dorure par l’électricité, le télégraphe électrique ; mais
la science n ’a pas dit son dernier mot. Ses découvertes
n ’ont d’autres limites que la nature, et qui sait ce que
verront nos neveux ?
Dans un avenir prochain, je ne doute pas que les
grandes machines ne soient appliquées à l’agriculture ;
(jue la vapeur ne défonce profondément en quelques
heures un champ que l’homme arrosait de ses sueurs
pendant des mois entiers; qu’une active moissonneuse
ne remplace bientôt la faucille ou la faux si lentes et si
pénibles à manier sous les ardeurs du soleil d’été.
L’exposition universelle à laquelle nous avons convié
le monde entier, nous montrera bien des merveilles, et
les amis de la science auront lieu de se glorifier.
Je me trompe, messieurs, ce n’est pas à nous que la
gloire est due; nous ne créons rien: la matière pre
mière, les forces que nous employons, c'est Dieu qui
lésa créées. Notre intelligence qui les met en œuvre,
nous vient de lui; c’est son plus bel ouvrage; mais
elle n’est pas même à nous; il peut nous en priver quant
il lui plaît; Newton, ce sublime inventeur, perdit un
moment la raison, et Pascal avait des hallucinations.
Les sentiments que les sciences et leurs découvertes
doivent nous inspirer, sont une admiration sans bornes
des œuvres de Dieu et une profonde reconnaissance pour
les biens qu’il nous prodigue.
Rien ne doit exciter dans l’homme les sentiments re
ligieux comme l’étude de la nature. Si les cieux , sui
vant l’expression du psalm iste, racontent la gloire de
.Dieu , quelle admiration doit ravir ceux à qui il a donné
�—
20
J’en mesurer 1 immensité et J en connaître les lois!
Mais les astronomes e sont pas les seuls cjni aient à
contempler des merveilles : tout est merveille dans la
création ; le grain Je sable comme la plus liante monta
gne , le brin J’herbe et l’insecte microscopique , comme
le cèdre et l’éléphant, sont dignes Je nos études et
commandent l’admiration ; partout sont présentes la
puissance et la bonté Je Dieu : les nuages qui répandent
une eau bienfaisante dans nos campagnes , ou qui amoncèlent la neige au sommet des plus hautes montagnes
pour alimenter les sources et les fleuves , les vents qui
assainissent nos plaines, ces variétés de végétaux et d’a
nimaux si infinies qu’après tant de siècles nous sommes
loin de les toutes connaître ; ces lois universel les immua
bles , qui modèrent toutes les forces , et assurent la con
servation de tous les êtres; tout enfin , dans l’ensemble
comme dans les détails, est d’une immensité sans bor
nes et d'une perfection à lasser notre admiration.
J assistais, en 1839, comme membre de la Chambre
des Députés, à une discussion sur l'instruction publi
que, et notre savant confrère Arago, qui demandait
alors l’enseignement des sciences tel que nous l’avons
aujourd’hui, nous raconta à la tribune cette anecdote:
Euler, grand géomètre et grand astronome, était
pieux. Un prédicateur se plaignait à lui de n ’avoir pu
fixer l’attention de son auditoire en lui parlant de la
grandeur et de la puissance de Dieu.
Parlez-leur, lui dit Euler, du Ciel de la Science ; ils
croient peut-être , comme Anaxagoras , que le soleil est
à peu près grand comme le Péloponèse ; ditcs-leur que,
11
21
d’après des mesures exactes et incontestables, notre
soleil est douze cent mille fois plus grand que la terre ;
cj ne les planètes sont des mondes; que Jupiter est qua
torze cents fois plus grand que la terre et Saturne neuf
cents fois; pour leur donner une idée de la distance des
étoiles , prenez pour échelle la vitesse de la lumière ; di
tes qu’elle parcourt quatre-vingt mille lieues par se
conde ; ajoutez qu’il n ’existc aucune étoile dont la lu
mière nous arrive en moins de trois ans, et qu’il en est
dont la lumière ne nous arrive qu’en trente ans.
Le prédicateur le crut et enthousiasma son auditoire.
Il y a mille fois plus de grandeur dans la réalité que dans
tout ce qu’aurait pu rêver l’imagination la plus auda
cieuse.
J’ai toujours été touché de l'invocation par laquelle
Bacon termine l'introduction à son grand ouvrage de la
Restauration des Sciences :
« Daigne donc , ô père de toute sagesse , qui donnas
« à la créature les prémices de la lumière visible, et
« qui, mettant la dernière main à tes œuvres , lis briller
« sur la face humaine la lumière intellectuelle , daigne
« favoriser et dirig3r cet ouvrage q u i, étant parti do ta
« bonté , doit retourner à ta propre gloire. »
Cesont ces sentiments, messieurs les professeurs, qui
doivent dominer dans votre enseignement ; il n’en sera
que plus goûté parla population à laquelle il est destiné
et qui est éminemment religieuse.
Vos cours auront deux classes d’auditeurs: les jeunes
gens qui voudront prendre leurs grades es sciences ou
qui seront élèves de l’École de Médecine. J’invite par
�parenthèse, ces derniers à les suivre assidûment, ils
y trouveront le complément des éludes spéciales qu’ils
font sous leurs habiles professeurs ; vos autres auditeurs
seront des industriels. Vous êtes dans un grand centre
commercial et industriel ; étudiez soigneusement ses
besoins ; les théories profondes et développées doivent
être la base de votre enseignement; mais ne perdez pas
de vue qu’il doit aussi être pratique et utile aux industries
locales. Connaissez-les en détail et venez-leur en aide.
Les savants sont, dans leur chaire, les conseillers des
manufacturiers ; indiquez et encouragez tous les genres
de perfectionnements des machines , des procédés,
des produits; faites connaître tout ce qui peut abréger
les fabrications ; les bénéfices de temps se résolvent en
moindre prix de revient, c’est-à-dire, en bénéfices. Ne
soyez pas moins soigneux d'enseigner tout ce qui peut
soulager les fatigues des ouvriers. S il est quelque indus
trie utile qui soit ignorée à Marseille, faites la naître.
Un de vos devanciers, membre de l’Institut, professeur
dechimie à la faculté de Montpellier, et plus tard ministre
de l’intérieur, sénateur et pairdeFrance, Chaplal fondait
aux environs de Marseille la première fabrique de pro
duits chimiques, et depuis, celle industrie a pris à
Marseille une grande importance. Si, comme lui, vous ne
fondez pas de vos mains ou par vos capitaux, vous fonde
rez par vos leçons.
Vous parlerez d’ailleurs à une population intelligente
et capable de vous comprendre.
Les Grecs, en fondant Marseille, y apportèrent leur
intelligence Gruïs mgcnium! Comme ville libre , elle
23 —
s’était donné des institutions qui excitaient l’admiration
des Romains. Tacite, dans Agricola, et Tite-Live en
parlent avec éloge; Cicéron les propose à toutes les
nations comme des œuvres de sagesse qu'il est plus
facile de louer que d’égaler: facitius laudare quam œmulari.
Son commerce florissant depuis 20 siècles n’a cessé
d'attirer dans son sein, de tous les points du globe, tou
tes les intelligences d’élite vouées au commerce ou à
1 industrie.
L’Académie des lettres de Marseille, fondée en 1726,
affiliée à l’Académie française, créait dans son sein, en
1766, une classe des sciences ; le Roi lui confia, en 1781,
l’observatoire de la marine royale.
Les marseillais prirent même l’initiative de l ’eneignement public des sciences. L ’Athénée fut autorisé en
1828 et nous y avons entendu de jeunes professeurs,
dont le nom a bien grandi depuis dans les lettres et dans
les sciences. Outre les chaires de belles-lettres, on y
créa des cours d’histoire naturelle, de physique, de chi
mie, de physiologie, d'hvgiène, d’économie industrielle
et de droit commercial.
Enfin, sous le titre modeste de Cours Communaux,
l’administration municipale, toujours soigneuse des vrais
intérêts de Marseille, et obéissant à l’impulsion générale
des esprits, créa en 1834, un enseignement public des
sciences qui a duré jusqu’à la création de cette Faculté
et qui a répandu en abondance les idées utiles et le goût
de la science. La Faculté continuera son œuvre en l'ag
randissant ; bornée au début aux quatre chaires qui
�sont (a base de tout enseignement scientifique, elle sera,
plus tard, j’en ai pour garant la sollicitude de S. M.
l’Empereur et du Ministre pour la prospérité de celte
grande cité , elle sera, dis-je, accrue de tout rensei
gnement scientifique qui peut venir en aide au commerce,
à l'industrie et à la marine. Comme chef de cette Aca
démie, je ne suis pas seulement chargé de la surveil
lance et de la direction des établissements supérieurs de
l’instruction publique, je suis aussi leur patron et celte
Faculté, comme les trois autres et comme l'Ecole de
Médecine, me trouveront toujours plein de zcle pour tout
ce qui pourra accroître leur importance et leur utilité.
3e ne puis terminer ce discours sans remercier celle
assemblée de son accueil bienveillant et empressé. La
Faculté des Sciences est libre de voir assister à son
installation , l ’administrateur éclairé du département,
les chefs des tribunaux, des administrations publiques,
des consistoires, des sociétés savantes, tant de respecta
bles prêtres et de notabilités industrielles et commercia
les; c’est un encouragement dont elle sent tout le prix.
Je n’ai rien dit encore du concours éclairé que nous
ont prêté M. le Maire et le conseil municipal. Je no
trouverai pas de paroles qui puissent leur exprimer
notre satisfaction et notre reconnaissance. Ils ont eu le
bon esprit déconsidérer notre Faculté comme un établis
sement tout marseillais, et ils veulent la rendre digne
de Marseille. Un beau local parfaitement approprié nonseulement à des cours théoriques, mais à des expé
riences et même à des expériences faites par les élèves ,
un cabinet de physique com plet, de belles collections
mie bibliothèque scientifique des mieux choisies , noua
leur devrons en peu de temps tout ee qui peut as
surer le succès de la Faculté ; et ce succès , c’est le goût
de la science propagé , c’est la diffusion dans les mas
ses des connaissances les plus utiles. Faire largement
des dépenses si profitables , se proposer un si noble but
que l’amélioration morale et matérielle de la population
par l’étude et l’instruction, c’est administrer comme
des hommes supérieurs , et s ’acquérir des droits impé
rissables à la reconnaissance publique.
M. le llecteur a ensuite donné la parole à M. Morren , doyen de la Faculté des Sciences, qui s'est ex
primé en ces termes :
Monsieur le R ecteur , Monsieur le M air e , Messieurs :
Vous pardonnerez une émotion vive et bien naturelle
à une voix étrangère qui, pour la première fois, se fait en
tendre parmi vous. Nous aurions dû nous rassurer ce
pendant et ne pas avoir la pensée de solliciter votre bien
veillance et les encouragements de votre sympathie; ne les
avez-vous pas accordés d’avancect avccemprcssementaux
fonctionnaires d’une Faculté que Marseille avait depuis
longtemps réclamée pour elle et qu elle a obtenue du
gouvernement , lorsqu’il a déterminé la position des
grands centres de renseignement supérieur eu France
�— 26 —
Veuillez recevoir, monsieur le Maire , l’expression de
notre gratitude particulière pour la gracieuse bienveil
lance de votre premier accueil et pour la pensée qui a
donné un caractère municipal à cette séance d’inaugu
ration de nos travaux dans votre ville.
Qu’il nous soit aussi permis , monsieur le Recteur ,
de vous adresser ici l’expression de notre respectueuse
reconnaissance pour votre sollicitude si active et si
éclairée ; les intérêts de la Faculté des Sciences sont
devenus les vôtres, et rien n’a coulé à votre dévoùment
pour elle. Daignez être notre interprète auprès de nos col
lègues des Facultés d’Aix; par leur présence empressée,
ils nous ont apporté, avec leurs sympathies, le précieux
appui de la haute position de considération et d’estime
qu’ils ont conquise dans ce pays. Nous les remercions
pour la bienvenue qu’ils nous souhaitent et pour la main
cordiale qu'ils sont venus présentera leur jeune sœur ,
la Faculté des Sciences.
Messieurs, nous aurions mauvaise grâce à vous cacher
notre pensée intime et personnelle; nous n’avons ni de
mandé, ni désiré l'honneur qui nous a été conféré lorsque
nous avonsété choisi pour diriger la Faculté de Marseille.
Des liens puissants et anciens , des affections profon
des nous rendaient chère la Bretagne oü, depuis quatorze
ans. notre enseignement était donné ; mais ce que nous
désirons vivement surtout vous laisser connaître , tout
en regrettant de ne pouvoir vous en présenter le charme,
c’est la séduction puissante , et qui nous a entraîné ,
avec laquelle un Ministre à qui cette ville et cette
province sont bien chères, nous faisait le tableau de la
27 —
situation présente de Marseille , de la magnificence de
ses destinées futures , et de la haute et nécessaire
importance qu’il voulait donner à la Faculté nouvelle.
Il serait difficile, téméraire peut-être à un étranger,
qui espère , il est vrai, se dépouiller promptement à vos
yeux de ce caractère, il serait difficile d’essayer devant,
vous de parler de vous-même ; mais cependant nous ne
pouvons nous défendre d’une admiration sans réserve
quand nous voyons que depuis 40 ans aucun événement
important ne s’est passé en Europe sans que , pour
votre ville, une influence heureuse, tutélaire, ne se soit
immédiatement produite. 11 est vrai que votre activité
jamais n’a fait défaut à l’occasion favorable. Ainsi par
exemple, lorsque, avant la restauration, dans les tristes
jours, jours glorieux mais de lutte inégale, qui termi
nèrent l’empire , votre commerce était anéanti, vos
vaisseaux désarmés, un rapide et sûr coup-d’œil vous fit
comprendre qu’il fallait appeler dans vos murs les
ressources de l’industrie. L’action fut vive, immédiate,
votre succès dépassa votre attente et quand le calme
et les jours de paix reparurent, quand vos vaisseaux
purent reprendre leurs courses lointaines , l'industrie
vous resta , elle était marseillaise.
Aujourd'hui, si nos yeux interrogent tous les rivages,
nous ne trouvons pas une autre cité, sur le front de
laquelle brille avec le même celât la double couronne
du commerce et de l’industrie. Tout, depuis lors, vous
a servi ; c’est pour vous que le bras de la France a
conquis l’Algérie et qu’il y a semé ses trésors. C’est
pour vous aujourd’hui encore, que le plus généreux
�sang du monde coule dans la Crimée. Ces soldais lie
roïques, cet appareil guerrier qui sans cesse traversent
vos murs, sans effrayer chez vous les intérêts ordinaire •
ment si craintifs du commerce, demain gagneront à
votre activité les rivages de l’Asie. C’est pour vous que
l’Isthme de Suez et tout l’Orient vont s ’ouvrir, et votre
cité, déjà si étonnante sous ce rapport, sera plus que
jamais le vaste caravansérail où toutes les nations vien
dront apporter et prendre les produits de la paix. Ah !
certes, les Grecs, vos aïeux, ces maîtres dans tous les arts
de la civilisation, ces maîtres si habiles surtout à fonder
les colonies, ne soupçonnaient pas, lorsqu’ils vous pla
cèrent sur les côtes éloignées de la Gaule encore bar
bare, quel avenir vous était promis ! Ils ne pouvaient
prévoir que derrière vous, naîtrait, grandirait la plus
sympathique et la plus brillante des nations modernes,
et que la civilisation et l’influence d'une religion régé
nératrice, portées par les ailes de vos navires, seraient
ramenées par les fils de l’antique Phocée, vers les lieux
aujourd’hui désolés, qui furent leur berceau.
Ces destinées si belles n’ont ni ébloui, ni rassasié votr e
ardente et noble ambition. Vous n’avez pu oublier de
quel éclat, de quelle renommée scientifique et littéraire
Je nom de vos pères fut autrefois entouré. Monsieur le
Recteur vient de vous l’exprimer : Marseille était la cité
de la sagesse, de la science et plus tard du yay savoir. Il
ne pouvait donc suffire à la Reine de la Méditerranée
que son phare attirât de tous côtés l’activité commercia
le des nations modernes; à l’aspect des progrès mer
veilleux que la science et ses applications ont réalisés de
— 29 —
nos jours, vous avez aussi voulu qu’un reflet de cette
splendide lumière brillât sur votre cité, et que vos fils
guidés, instruits par elle, fussent plus dignes encore
des dons que la Providence vous a prodigués.
Le gouvernement, si préoccupé, vous le savez, de tout
ce qui peut aider à la prospérité de notre patrie, a promp
tement répondu à votre demande, et nous venons au
jourd'hui, premiers et humbles pionniers de l'enseigne
ment supérieur, nous venons sur l’appel de l'habile
Ministre qui dirige l’instruction publique, commencer
parmi vous des travaux auxquels notre vie tout entière
a été et sera consacrée.
Nous aimerions, messieurs, si cela nous était permis,
vous parler des qualités de nos collaborateurs; mais
nous croyons devoir laisser leur enseignement et leur
zèle vous faire connaître et apprécier nos éminents collè
gues. Un mot cependant est nécessaire et ici je ne suis
que 1 interprète des communications officielles qui m’ont
été faites: M. le Ministre en les choisissant a voulu
donner à Marseille des hommes déjà formés par l'habi
tude et l’expérience de l’enseigement supérieur. L’un
d’eux, toutefois, vous est connu, c’est le fils de votre
cité, cl l’Institut La déjà décoré de ses couronnes.
Aujourd’hui, messieurs, un de nos devoirs les plus
importants nous oblige à vous indiquer quels seront la
direction et l’esprit de notre enseignement.
Marseille est, avant tout, une ville industrielle et
commerçante ; nos leçons, en se proposant la reproduc
tion substantielle et précise des théories de la science
pure, devront aussi se préoccuper des applications qui,
�30 —
île nos jours, ont donné aux sciences modernes leur glo
rieuse popularité. L’application sera d’ailleurs pour
nous le moyen de loucher aux intérêts les plus saisissants
de 1 industrie. Par elle, il nous sera plus facile de con
quérir parmi vous noire droit de cité et de rencontrer
un plus sympathique auditoire. Dans cette voie, nous
ne nous lasserons jamais de répéter aux fabricants, aux
industriels, dans 1 intérêt le plus vital de leur fabrication
et de leur fortune, un langage qui devra toujours être
présent à leur pensée.
Nous leur dirons : lors même que vous ne verriez
autour de vous, ni concurrents sérieux , ni industrie
rivale menaçante, disposez-vous cependant , par l’é
tude et de continuels progrès, disposez-vous pour les
jours de concurrence avec la même énergie que si une
lutte sourde, incessante, se préparait à vos côtés. Appe
lez à vous les ressources et les secrets delà science, et
tout en ménageant les intérêts de l'ouvrier, cherchez ,
préparez-vous sans cesse, et des produits plus beaux et
un prix de revient plus faible, afin que si la concurrence
arrive, éclate, elle vous trouve sur pied, plus forts et
mieux armés quelle.
Nous sommes, messieurs, à une époque vraiment
heureuse pour les sciences; elles ont favorisé tant d in
térêts, rendu des services si divers et si populaires, qu’il
n’est personne qui ne soit séduit, intéressé par elles.
Tout, aujourd’hui encore, commande leur étude, même
pour celui qui semble en apparence avoir le moins be
soin de leur inspiration. Dans le siècle où nous vivons,
et où ses progrès ont été si merveilleux, les étudier c’est
se préparer à un charme extrême pour tout le cours de
notre vie. En effet, vers quoi tendent, pour le bonheur
d’ici bas, nos efforts et notre espoir? Vers la conquête
d’un reposentouré de douces et convenables jouissances.
Les richesses donnent-elles tout cela? Non, certaine
ment; elles forment sans nul doute un bien énergique
auxiliaire, mais elles sont impuissantes à procurer les
nobles délassements, les sensations précieuses, goûtées
par un esprit qui a été nourri de suffisantes études. Quel
charme, en effet, lorsque retiré du tumulte des affaires,
on peut, spectateur intelligent, comprendre et admirer
le beau spectacle présenté par les sciences modernes !
Les leçons de faculté seront pour beaucoup sous ce rap
port des richesses amassées et des ressources préparées
pour l’avenir. Au lieu déliré avec la même avidité le
bulletin habituel du commerce et de 1 industrie, plus tard
on reprendra, non sans de vives jouissances, les habitudes
contractées près du professeur de Faculté , qui , de son
cabinet, sentinelle attentive, écoutait, épiait tous les
événements, toutes les applications de la science, et
venait, chaque jour, exposer, discuter et contrôler, par
l 'expérience, les faits qui se produisaient de toutes parts,
faisant de son enseignement le bulletin quotidien et fi
dèle des conquêtes scientifiques les plus récentes. Ainsi,
en dehors des étudiants que les spécialités de leur avenir
dirigent vers nous, nos leçons appellent deux classes
différentes d’auditeurs, ceux qui ont besoin de nos cours
pour trouver dans les conseils et les secrets de la science
les secrets de la richesse, et ceux qui, l’ayant conquise,
veulent donner de nobles occupations à leurs loisirs.
�— 32 —
La haute pensée des causes finales préoccupera sans
cesse notre enseignement, qui ne laissera jamais passer
l'occasion de manifester son admiration et sa profonde
reconnaissance pour les immenses sagesses de la création
cl pour la bonté, la prévoyance infinie dont le créateur
donne à l’homme de toute part la preuve incessante. En
effet, pour qui sait le connaître avec simplicité, l ’homme
est partout et toujours 1 enfant de la Providence ; conduit
par elle, il peut voir continuellement devant lui un divin
et tutélaire flambeau qui éclaire et dirige tous les actes
accomplis par sa liberté. Suivez avec patience 1 histoire
des découvertes et vous verrez clairement la main pro
tectrice qui les fait naître, en employant souvent pour
l’homme l’aiguillon même de la douleur, et l’humanité ,
cette personnalité souffrante et glorieuse qui, elle aussi,
doit en ce monde toujours marcher, est poussée sans
cesse de cette manière vers le bien-être.
Pour citer un exemple, l’éclair qui brille et enflamme
l’arbre foudroyé apprend même au sauvage que le feu est
un précieux et fécond auxiliaire. Mais I bommedont tout
l’univers est le domaine verra bientôt, surtout sous des
climats plus hostiles, les forêts faire defaut à des popu
lations sans cesse croissantes. Poursuivi par le besoin, il
ira demander, rechercher partout 1 indispensable com
bustible, jusqu’à ce que, dans les entrailles de la terre,
il parvienne vers ces trésors qu’y préparèrent ayant les
temps, les adorables prévisions du créateur.
L’histoire des ustensiles, des armes humaines et des
métaux (pii, successivement, ont servi à leur fabrication
est plus curieuse encore. Mais, nous nous arrêtons, car
— 33 —
le professeur oublie que cette séance est déjà trop pro
longée et qu'il lui reste quelques importants détails à
vous laisser connaître.
Quand ouvriront les cours de la Faculté des Sciences ?
Le local que l'on dispose etquel'on approprie aujour
d’hui à cette destination peut seul répondre. Ce n ’est que
lorsqu’il sera prêt, que les collections et les instruments
pourront y arriver à leur tour. Nos vœux, le besoin de
travaux qui sont toute notre vie, ainsi que la bienveillance
municipale et l’infatigable activité de l architecte, en
hâteront le moment avec une continuelle sollicitude. En
attendant, la Faculté désire établir des conférences pour
ceux qui se destinent plus spécialement à l’étude des
sciences, et que nous appelons vivement à nous. Par
nos conseils et nos leçons, nous voulons commencer, dès
aujourd’hui, à leur être utile.
Permettez-moi, messieurs, en me le pardonnant tou
tefois, un dernier mot encore, malgré le caractère tout
personnel qu’il pourra présenter : par un singulier et
bien rare concours de circonstances, nous avons été
conduit à nous occuper de l’installation de deux facultés,
et à développer les enseignements de la science dans les
deux provinces de France qui présentent peut-être le
plus opposé contraste par leurs qualités et leurs disposi
tions natives, et, rapprochement curieux: ces deux pro
vinces sont peut-être les seules en France qui présentent
cette communauté remarquable d'avoir autrefois, sur
leurs rivages, donné l’hospitalité aux émigrants des co
lonies antiques. Toutes deux offrent aussi ce curieux
rapprochement d’être les plus religieuses de France.
�— 34 —
La Bretagne est comme son passé , héroïque et austère
sérieuse et sévère comme les nuages qui la couvrent
Malgré l'appel empressé de l’édilité Rennaise , c’est
avec défiance et réserve qu'elle a d’abord écouté le
nouvel enseignement, mais ses sympathies, une fois
données, ont été fermes et solides comme le granit de
ses rivages.
Les fils de la Provence sont les plus favorisés aq
contraire sous le rapport de 1 intelligence vive et facile.
Devant une bonne pensée une belle inspiration , leur
cœur et leur esprit sont pleins d’entraînement. Leur
intelligence qui a l’éclat de leur beau ciel devine au
premier mot la vérité qu’on leur expose , et , celle-ci
se pare aussitôt pour eux de tous les charmes d'une
heureuse imagination. Ces qualités si brillantes , mes
sieurs, nous osons à peine vous le dire , ont un danger
qui nous met en vive défiance de nous même et des
exigences auxquelles nous sommes obligés. La science,
en effet, a ses lenteurs méthodiques et sages ; il faut en
étudier avec soin tous les anneaux , si on veut que la
chaîne soit forte et durable. Pour arriver à son b u t, il
lui faut marcher avec une prudence sage et retenue ,
moins vite sans doute que ne l’on fait déjà vos sympa
thies et vos espérances. Pourra-t-elle complètement
répondre à ce que , sans doute , vous vous êtes déjà
promis d’elle, nous le désirons vivement, et nous osons
même l’espérer , forts de nos soins et de notre active
persévérance.
Permettez-nous donc , de vous adresser une instante
prière, c’est de nous accorder le temps comme auxiliaire
dans les liens que nous avons mutuellement à former,
nous sommes la goutte d'eau qui a besoin de tomber
sans cesse et longtemps pour tracer sa profonde
empreinte.
Ces aveux et ces craintes, messieurs , votre bienveil
lance nous en pardonnera la franchise , elle est inspirée
par le désir même d’être plus dignes de vous, dans la
voie que nous avons à suivre vous nous verrez tous
chercher à mériter la bonne hospitalité marseillaise par
un dévoùment absolu à nos devoirs et aux intérêts les
plus chers de votre cité qui, dès aujourd hui, est devenue
la nôtre.
M. le Recteur a ensuite donne la parole h M. le
Maire , qui a prononcé le discours suivant :
Messieurs ,
J’avais cru n’avoir pas à prendre la parole dans cette
cérémonie. L’honneur de la présider revenait de droit à
M. le Recteur de l’Académie. Il appartenait d'un autre
côté à M. le Doyen de la nouvelle Faculté d’indiquer pu
bliquement les vues de ses collègues et les siennes sur
le système d’enseignement qu'ils se proposent d inau
gurer parmi nous ; cependant l’administration municipale
pouvait-elle rester muette dans une circonstance aussi
�I
— 30 —
solennelle pour la cité, alors surtout que 1 installation
de la Faculté a lien dans la salle même de nos réunions?
Ne doit-elle pas exprimer toute la satisfaction qu’elle
éprouve de voir enfin, réaliser une de ses plus chères
espérances ?
L’établissement d’une Faculté des Sciences à Marseille
a toujours vivement préoccupé les esprits et depuis une
douzaine d’années surtout, les administrations locales
n’ont pas cessé d'adresser au gouvernement les sollicita
tions les plus empressées pour 1 obtenir.
L honneur de 1 initiative est dû au conseil général du
département, qui, dans sa session de 1842, fit de la créa”
tion de la Faculté l’objet d’un vœu spécial, et le repro
duisitavec plus d'instance dans sa session de 184-3.
Le conseil municipal se joignit bientôt au conseil du
département, et pria le gouvernement, le 11 janvier
1845, de vouloir bien établir à Marseille une Faculté
des Sciences pour relier ensemble les établissements
scientifiques déjà existants, et diriger le mouvement in
dustriel qui se développait de plus en plus au sein de
notre intelligente population.
M. Reynard, alors maire de Marseille, rendit compte
à M. le Ministre des efforts que ferait la ville pour se
donner une institution scientifique digne d’elle, et le
détermina à les seconder.
Les circonstances calamiteuses de 1848 prolongèrent
à la fois la bonne volonté de la municipalité marseillaise
et les intentions bienveillantes du gouvernement. L ’ad
ministration municipale se vit réduite à épuiser, dans les
ateliers nationaux, toutes ses ressources financières cl
37
de son côté le Ministre de l’intérieur déclara, le 22m ars
1848, qu’il lui était impossible de donner suite au projet
d’établissement d’une Faculté des Sciences à Marseille.
Il appartenait au gouvernement actuel de combler
enfin la regrettable lacune qui existait dans notre ensei
gnement scientifique, et de le mettre au niveau du déve
loppement commercial de notre cité. Grâces en soient
rendues à l’Empereur qui nous a déjà donné tant de
preuves éclatantes de sa haute sollicitude et qui s’applique
chaque jour à satisfaire à la fois les intérêts matériels et
les exigences intellectuelles du pays.
Nous devons aussi adresser l’hommage de notre re
connaissance à M. le Ministre de l’instruction publique,
non-seulement pour la persévérance qu’il a mise à doter
enfin Marseille d’une institution qui lui manquait, mais
aussi pour le choix de l’homme éminent auquel il en a
confié la direction. Nous savons , messieurs , tout ce que
le Doyen de la Faculté des Sciences de Marseille a déjà
lait dans une autre faculté , et nous ne doutons pas que
ses soins intelligents et son habile impulsion n’assurent
bientôt un rang distingué à la nôtre. M. le Doyen et scs
savants collaborateurs peuvent compter sur le concours
de tous nos concitoyens. Notre ville, malgré la haute
position qu elle occupe dans le monde commercial , n’est
pas tellement absorbée par ce qu’on appelle vulgaire
ment les affaires , qu elle ne se rattache aussi volontiers
au culte des éludes morales et intellectuelles. D’ailleurs
la science, de nos jours, a cessé d’être purement spécu
lative et elle est devenue l’auxiliaire indispensable du
mouvement général qui rapproche toutes les nations. Il
�— 38 —
n est personne à Marseille qui ne comprenne les lieureuses conséquences que l’établissement, dans son sein,
d’une Faculté des Sciences ne peut manquer d'avoir pour
son avenir, et qui ne considère comme un événement
des plus heureux l'inauguration qui a lieu aujourd’hui.
Je m’en voudrais , messieurs, de ne pas rendre, en
finissant, un public témoignage de mes sentiments de
gratitude pour M. le Recteur de l’Académie , q u i, de
puis son avènement à ses nouvelles fonctions, a voué
tous ses soins à l’établissement de notre Faculté , et est
si heureusement parvenu à aplanir les difficultés de dé
tail, qui auraient pu en retarder encore l’ouverture.
M. le Ministre ne pouvait choisir un intermédiaire d’un
esprit plus conciliant et qui fût plus sympathique à la
population marseillaise au milieu de laquelle M. le Rec
teur avait laissé de si bons souvenirs.
Quant a moi, messieurs, je me félicite du rôle que
ma position m'a permis de prendre dans cette solennité ,
et, en rendant un faible, mais sincère hommage à la
science, dont je vois réunis autour de moi tant de nobles
représentants, je crois avoir été le fidèle interprète de
I administration à la tcte de laquelle les circonstances
m’ont momentanément placé.
M. le Recteur a annoncé que les jours et heures des
cours de la Faculté des Sciences seraient ultérieure
ment annoncés par des affiches, et il a levé la
séance.
��
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1856-1857.pdf
6b74e2033b51f8fef4b3dc99c68fc807
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SEANCE DE RENTREE
DES FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
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»
1856-1857
ET DES SCIENCES
DE M A R SEILLE.
AIX,
PARDICON, IMPRIMEUR DE l ’ a CADÉMIE, RUE D ITALIE,
\ 856.
9.
�SEANCE DE RENTREE
DES FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
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ET DES SCIENCES
DE M A R SEILLE.
AIX,
PARDICON, IMPRIMEUR DE l ’ a CADÉMIE, RUE D ITALIE,
\ 856.
9.
�SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
nas,
ET DES SCIENCES
DE M A R SE IL L E .
--------- --------------------------------------
La séance solennelle de rentrée des l acuités de Théo
logie, de Droit et des Lettres d'Aix, de la Faculté des
Sciences et de l’École préparatoire de Médecine et de
Pharmacie de Marseille, a eu lieu le samedi 15 novembre
185G, dans la grand’salle de la Faculté de Droit, sous
la présidence de M. Ch. Zevort, inspecteur de FAcadémie,
en l'absence de M. le Recteur, empêché.
Un grand nombre de magistrats d’ecclésiastiques et
d’autres personnes notables de la ville assistaient à celte
cérémonie, qui a été précédée de la messe du Saint-Esprit,
et honorée de la présence de M. le premier président
Poulie-Emmanuel, de Mgr Darcimoles, archevêque d’Aix,
d’Arles et d’Embrun, de Mgr Rev, ancien évêque de Di~
jon, chanoine-évêque de Saint-Denis, deM. le procureur
�i—
général Du Beux, île M. Delmas, sous-prcfet de l’arron
dissement, de M. Poilroux, président du tribunal civil,
et de M. Barges, l'un des adjoints à la Mairie.
M. Zevort, inspecteur de l’Académie d’Aix, a ouvert
la séance par le discours suivant :
Messeigxeurs
et
Messieurs,
Quelque orgueil que j’éprouve à porter la parole
devant celle illustre assemblée, je ne puis medéfendre
d’une émotion douloureuse en songeant à la cruelle
affliction qui sépare aujourd’hui le chef éminent de
celte Académie d’un auditoire si bien fait pour ap
précier ses qualités aimables, sa bienveillance et son
talent. Aussi, ai-je la certitude de répondre à vos
tristes préoccupations en rappelant, dans celte cir
constance solennelle, un deuil de famille dont votre
affection a fait un deuil public, et en me faisant
l’interprète de ces vives et universelles sympathies
qui, tout en ravivant la douleur, aident pourtant à
en supporter le fardeau.
Chargé de représenter auprès de vous le digne
chef dont vous aimez a entendre la voix et les
conseils, j'éprouve quelque embarras en présence de
tant de maîtres habiles, chez lesquels la maturité de
l’expérience s’unit à l’éclat du talent. Je ne saurais,
je le sens, parler dignement de vos travaux, et je dois
meme m’interdiredesélogesqui empruntent tout leur
prix à l’autorité de celui qui les décerne. Qu’il me
soit permis du moins de-vous dire, pendant que les
impressions que j ’apporte du dehors conservent
toute leur vivacité, quel rang vous occupez , quel
rang occupe celte ville dans l’estime de la France
savante; combien on vous envie et cet esprit litté
raire devenu un privilège trop rare aujourd'hui, et
cette riche organisation scientifique qui vous assigne
une place à part parmi les cités les plus favorisées.
Je me plais d’autant plus à vous rendre ce témoi
gnage, qu'il est devenu nécessaire de lutter avec
énergie contre l’entraînement irréfléchi qui porte les
jeunes gens à dédaigner nos sérieuses études provin
ciales, si prisées autrefois , pour aller chercher
loin de toute surveillance efficace des maîtres et
de la famille, des enseignements qu’ils ont sous la
main, qu’ils ne trouveront nulle part associés à plus
de dévouement, à plus de sollicitude pour leurs
véritables intérêts.
Quel milieu plus favorable, en effet, aux grandes et
saines études qu’une ville où le culte des lettres se
transmet et se propage, comme ailleurs le génie de
la spéculation et de l'industrie? Tandis que quelques
cités, emportées par le mouvement irrésistible de
notre époque, s’abandonnent à ce moderne esprit
d’entreprise qui mène à la richesse et à l’opulence,
d’autres, gardiennes des anciennes traditions, dans
ce qu’elles ont de salutaire, d’applicable à tous les
temps, s’attachent avec prédilection à ces labeurs de
l’intelligence, qui ont bien aussi leur dignité et leur
grandeur. Il faut s’incliner avec respect devant celle
fidélité ii l’une de nos gloires les plus pures; car,
�—
fi —
quand ou possède un pareil patrimoine, c’est déjà
un mérite assez rare d’en sentir tout le prix, de cher
cher à le développer et à l’agrandir.
Ce sont la des titres que personne ne songe à vous
contester, auxquels ne saurait être indifférente la
jeunesse vraiment studieuse, et qui, à travers toutes
les vicissitudes, assurent une existence durable à vos
grands établissements d'instruction supérieure.
Pendant qu’à vos portes une Faculté des Sciences,
assise sur les plus larges bases, va ouvrir à votre
populeuse voisine les nombreux trésors qu elle lient
en réserve, vous continuerez à vous recommander
aux prédilections intelligentes des familles par des
avantages mieux appréciés chaque jour. Près de
vous, les jeunes gens, au lieu de se confondre oubliés
dans la foule indifférente d’une ville immense ,
puisent sans efforts, dans des rapports journaliers
avec leurs maîtres, l’amour des études calmes et
sévères. Les exemples au milieu desquels ils vivent
leur enseignent, avec un sentiment plus vif du
devoir , cette honnêteté provinciale , pour parler
comme Tacite, celte urbanité, que l’historien romain
aimait à signaler dans les écoles de l’antique Mar
seille. Placés en quelque sorte sous vos yeux, ils sont
à chaque instant soutenus, encouragés, paternelle
ment avertis de leurs devoirs. Ce frein salutaire peut
bien quelquefois irriter leur impatience; mais ils
s'applaudiront plus tard d’y avoir été soumis.
Au point de vue de la science, la variété des ensei
gnements qu’une prévoyante pensée a groupés dans
vos murs, pour se compléter et se prêter un mutuel
*h
appui, satisfait largement à tous les besoins intellec
tuels de la province, et ne laisse rien à désirer même
à la curiosité la plus exigeante.
Tandis que la Faculté de Théologie initie le futur
ministre des autels à ces profondes convictions, fruit
de la science, à ces hautes et solides démonstrations
qui doivent protéger le dépôt de la foi confié à son
active et infatigable vigilance, l’École de Droit, non
moins dévouée, lutte avec une persévérance que ré
compense le succès contre la force attractive de la
capitale, et dispute heureusement son mobile audi
toire aux séductions d’une liberté sans contrôle.
La Faculté des Lettres, rivale heureuse de ses
aînées, forte de la faveur croissante qui l’entoure, a
déjà opéré bien des conversions parmi les plus rebel
les au charme de ses leçons; elle fera comprendre de
plus en plus à ses jeunes auditeurs que si les connais
sances spéciales sont indispensables, elles demeurent
à jamais stériles quand elles restent isolées; qu’on ne
peut être, en un mot, ni un avocat habile, ni un savant
magistrat, si l'on ne connaît les fondements de nos
lois, l'histoire qui en donne le sens, les principes
éternels de justice sur lesquels elles reposent, et qui
doivent présidera leur interprétation.
Énumérer les difficultés contre lesquelles vous avez
eu à lutter, MM., c’est dire en même temps le zèle, les
efforts de dévouement et de talent qui en ont triom
phé. Du moins ces efforts ont trouvé leur récom
pense dans la constante bienveillance du public
d’élite que vous savez réunir autour de vous. En
présence d’une assemblée instruite, amoureuse de la
�— 9—
science, dévouée à quiconque lui en facilite les
abords, la pensée s’élève naturellement ; les ques
tions s’agrandissent; l’auditoire stimule, seconde
l'inspiration ; il devient ainsi l’un des premiers élé
ments du succès, qu’il rehausse par son su ti rage.
Messieurs
les
É tudiants,
J’en ai dit assez pour vous faire comprendre la
nature et l’étendue de vos devoirs. Vous entendez
répéter autour de vous qu’aujourd’hui la carrière
est ouverte a tous, que chacun peut prétendre aux
plus brillantes destinées; et, comme pour justifier
ce banal axiome, on se hâte, on se précipite vers le
succès; on n’oublie qu’une chose, ce qui le prépare
et l’assure; ce qui lui concilie la faveur universelle:
le savoir, et bien plus que le savoir, un attachement
inaltérable aux grands principes de justice et de
vertu. Apprenez de bonne heure ( il y va de votre
intérêt et de votre avenir ), apprenez qu’il n’y a de
véritables succès que ceux qui ont été longuement
élaborés, ceux qui se fondent non sur les élans d’une
ambition prématurée, sur les illusions d’une préci
pitation juvénile, mais sur de sévères et patientes
méditations.
Jetez les yeux autour de vous ; interrogez les hom
mes qui vous paraissent s’élever au-dessus des rangs
de la foule; vous vous convaincrez qu’ils ne se sont
point renfermés dans les limites étroites de leur art,
qu’ilsonldii leur supériorité à ces études plus géné
rales, que les règlements vous imposent avec une sage
défiance et qui, loin d’être un simple accessoire, con
tiennent le principe, la raison d’être de toutes les
autres. Le talent et la réussite ont été au même prix
dans tous les siècles. Les conditions sociales ont beau
changer, il est une loi que vous ne changerez point,
celle qui a attaché la prééminence intellectuelle à
de vastes et continuels labeurs. Je craindrais de vous
effrayer, si je voulais seulement énumérer les con
naissances que le plus grand des orateurs romains
exigeait de ceux qui se vouent à la noble profession
<pie vous ambitionnez. J’aime mieux proposer à vos
méditations un exemple récent qui sera en même
temps la sanction des conseils de vos maîtres et le
meilleur stimulant pour votre ardeur :
Un éloquent magistrat, que les admirateurs des
lettres anciennes ont vil avec orgueil se mêler à
leurs rangs et descendre dans leur arène, l’habile
interprète des plus belles pages de Démosihène ,
me disait un jour , avec l’accent d’une profonde
conviction: « Si je vaux quelque chose, je le dois
« surtout a l’étude des lettres ; elles ont été pour moi
« bien plus qu’un délassement, elles ont été une
« initiation ; à elles seules je dois d’avoir compris ce
« qu’est l’éloquence vraiment digne de ce nom ; en
« propageant leur culte, je ne fais qu’acquitter une
« dette de reconnaissance. »
Ce qu’ont recherché avec ardeur les esprits les plus
heureusement doués, ne le repoussez pas, ne le lais
sez point échapper par une coupable indifférence r
�10 —
La science s'offre à vous dépouillée de celte antique
aridité qui, pourtant, n’eflrayail pas nos pères; elle va
vous trouver en quelque sorte; elle se pare pour vous
de toutes les séductions du talent, de tout l’attrait dœ
la nouveauté; elle ne vous laisse pas même un pré
texte pour rester sourds à ses appels.
Que la science pourtant ne vous inspire point une
confiance présomptueuse ; car, livrée h elle-même
elle est peu de chose. C’est une arme, et une arme
puissante; mais elle a besoin d’un principe supérieur
qui la dirige. Pour défendre les intérêts de vos conci
toyens, pour siéger sur les bancs de la magistrature,
il vous faut avant tout la droiture du cœur et de l'in
telligence; il vous faut cet esprit d’équité, ce senti
ment profond du vrai et du juste, que n’enseignent
pas les livres, mais qui devient une habitude, une
nécessité de l’existence quand on a vécu dans l'inti
mité des grands exemples et des nobles pensées.
Àije besoin d’ajouter que celle honnêteté rigide,
véritable auréole du talent, est elle-même un des
éléments, et l’élément le plus certain du succès? Pré
cieuse et honorée dans tous les temps, elle se fait sur
tout estimer au sortir des agitations qui énervent et
corrompent la moralité publique. Plus que toute
autre qualité, elle vous aplanira la voie, elle vous dé
signera aux choix prévoyants du Prince auguste
auquel la Providence a remis nos destinées, et qui
s’est imposé pour première loi de n’appeler à secon
der ses desseins que des hommes pénétrés de la sain
teté de leur mission, capables de comprendre les
grandes pensées de régénération sociale, objet de scs
préoccupations constantes et son premier litre à la
reconnaissance du pays.
Jamais celte haute pensée ne s’est manifestée avec
plus d’évidence que dans le choix récent du ministre
éclairé et intègre auquel la sagesse de l’Empereur a
confié la mission si importante, si délicate en même
temps, de diriger les jeunes générations dans les
voies de l’avenir. Je n’apprendrai rien aux magis
trats, qui l’ont vu avec regret enlevé du milieu de
leurs rangs, en rappelant celte lucidité d’intelligence
et cette incomparable puissance de travail, capable
de tout aborder, de tout approfondir, qui lui ont fait
parcourir avec éclat les divers degrés de la magistra
ture, toujours regretté dans le poste qu’il abandon
nait, toujours supérieur à celui qu’il venait de con
quérir. Quand ces rares qualités se trouvent unies à
une fermeté inébranlable de caractère, a une droiture
inflexible, elles prédestinent, en quelque sorte, à
l’honneur de concourir activement et de plus près à
une œuvre toute de moralisation et de droiture.
Pour vous rendre dignes, jeunes gens, d’être asso
ciés à cette œuvre dans la limite de vos forces, vous
n’avez qu’à subir l’ascendant des exemples qui vous
entourent, qu’à vous montrer dociles aux enseigne
ments de la religion et de la conscience, qui fécon
dent la science et lui donnent tout son prix.
M. l’Inspecteur de l’Académie a ensuite successivement
accordé la parole à MM. les Doyens des Facultés de
Théologie, de Droit, des Sciences et des Lettres et à M.
�le Directeur de l’École de Médecine qui ont rendu
compte des travaux des Facultés durant l’année expirée
et développé le programme des éludes pour la présente
année.
ita p p o rl «le IL le D oyen de la I<'actiHé
«le T h é o lo gie .
Messeigxeurs
et
Messieurs,
Pendant l’année dont nous avons à vous rendre
compte, plusieurs candidats se sont présentés aux
épreuves du baccalauréat. Reçus bacheliers, ils vont
nous revenir pour la licence, et nous pensonsque,
s’il est certains points qui aient laissé quelque chose
à désirer, ce sera sans restriction qu’ils aurontalors
nos éloges. Nous les en croirons d’autant plus di
gnes, quedans leurs études et leurs succès, ils n’ont
en vue que la science et le bien qu’elle leur per
mettra de faire parmi les peuples; nous aimons à le
constater.
Mais avec des pensées aussi élevées, que ne peuton pas espérer, lorsque, autorisés par une sanction
auguste, nous pourrons leuroffrirlcs encouragements
qu’ils méritent et que la religion et l’État réclament?
Ce temps n’est pas éloigné. L’œuvré du ministre
tant regretté, cette œuvre qu’il croyait digne de son
zèle tout chrétien, est devenue celle de son succes
seur; et nous pouvons compter sur cet amour du
bien qui le distingue, et sur ces qualités éminentes
qui lui ont mérité une haute confiance.
Nos cours ont besoin de celle pensée. Les Facultés
sont comme les lois, il leur faut une sanction.
Malgré tout, les professeurs ont fait leur devoir;
voici leurs études de l’année:
Le cours de Dogme a pris pour sujet ; VAvenir du
christianisme. Il a fait voir (pie cet avenir, qui peut
quelquefois être terrible, sera toujours glorieux. Et
pour cela,il s’estservi des raisons mêmesur lesquel
les nos adversaires s’appuient. Ainsi, c’est d’après
les besoins de notre siècle et l’état actuel du chris
tianisme qu’ils annoncent sa fin; cl c’est la préci
sément où nous avons vu sa durée et le gage d'un
bel avenir.
Quels sont ces besoins? On veut que l’homme soit
grand et respecté; que les peuples soient libres ; que
les sciences fleurissent; que toutes les gloires bril
lent dans la patrie, et qu’en fin, après tant de trou
bles et d’agitations, les Étals jouissent d’un peu de
tranquillité.
Nous avons félicité notre siècle de cet amour des
grandes choses. Terlullien aurait dit qu’avec cela on
est naturellement chrétien, comme le siècle qui l’a
précédé, étant la lie des siècles par ses pensées et
ses affections , devait être nécessairement impie.
Oui, notre siècle tiendra au christianisme, parce que
lorsqu’il s’agit de choses grandes et glorieuses, nul
n’est aussi puissant, aussi magnifique.
Et qui ne sait que c’est à lui et non à la philoso-
�plue, que l'homme doit de connaître sa grandeur et
ses belles destinées ; la liberté n’existe que par lui ;
les sciences avouent qu’elles lui doivent tout : la vie
d’abord et ensuite leur plus bel éclat; ami de toutes
les gloires, il les possède toutes, et lui seul sait les
rendre vraiment solides et brillantes; et les États,
après avoir essayé de tout, conviennent que lui seul
peut les rendre heureux et florissants.
Les bornes de ce rapport ne nous permettent pas
des développements. Un mot seulement pour vous
dire comment le christianisme comprend la gran
deur de l'homme. « Soyez saints comme votre père
céleste est saint, et parfaits comme il est parfait. »
Voilà notre grandeur et nos titres de noblesse;
et ces paroles étonnantes ont été dites à tous;
le plus grand d’entre nous est celui qui approche
le plus de la perfection divine. Mais quelle ad
mirable philosophie, que de belles vies, que d’àmes
sublimes elle devait léguer au monde! Comme elle
laisse loin les phrases cmpoulées de Sénèque et la
république immorale de Platon! Il la connaissait
bien cet excellent prince qui, voulant faire de son
fils un chrétien pour en faire un grand roi, met sous
scs yeux le registre où étaient écrits les baptêmes
de sa paroisse : « Voilà le vôtre, lui dit-il, et remar
quez que vous venez après le fds d’un meunier,
et quàaprès vous, c’est le fds d’un laboureur. Ainsi,
vous le voyez ; nous sommes tous égaux : les vertus
seules donnent les rangs, leur véritable grandeur
n’est que là. »
Passant ensuite à l’étal actuel du christianisme,
nous l’avons trouvé prospère et au sein de belles
espérances. Après les preuves et les documents qui
démontrent cette vérité importante, nous avons dit
ceci à ces hommes, qui s’imaginent que le monde
n’a plus de foi, parce qu’elle a péri dans leur cœur :
Il y a bien des siècles que l’on prophétisait, comme
vous aujourd’hui, la fin du christianisme ; on écri
vait même sur des monuments qui existent encore,
cette inscription insolente: A Dioclétien César,
pour avoir aboli le nom chrétien. Mais les fidèles
n’en étaient nullement émus. Pendant qu'on gravait
l’épitaphe, ils portaient leurs regards plus loin, et
souriaient en voyant que le mort mettait à ses pieds
le monde.
Le sujet de nos leçons sera, celle année, les Gran
deurs de la religion chrétienne. Puissions-nous, en
les rappelant à nos élèves, laisser leur empreinte
dans leur àme, dans leurs actions, dans leurs dis
cours. Hélas! Tant d’efforts sont légués contre ces
existences si précieuses et si haut placées. Il faut
bien, au milieu de tant de maximes qui dégradent et
de temps d’exemples qui rampent, il faut bien que
nous leur fassions entendre des vérités qiii ennoblis
sent et qui élèvent !
Le cours de Morale a traité la grave question du
divorce; il a fait voir que le mariage devait être un
et indissoluble, et que l’Église, en mettant un frein
à l’inconstance et aux passions, se montrait émi
nemment sociale. Que serait devenu l’État, où en
serait l’Europe, si quelques-uns de nos philosophes
ou de nos législateurs leur avaient fait adopter leurs
�IG
scandaleuses théories? Il faut le demander à ces
peuples enfants de l'Asie, si connus par leurs dépra
vations, les seuls au inonde, comme on le remarquait
naguère, qui n'aient pas connu la pudeur.
C'est un malheur pour les partisans du divorce
d'être obligés de convenir, dès le premier pas, que les
cris en sa faveur ne se font entendre que lorsque la
société se dissout et a cessé d’être croyante. Une so
ciété saine, forte, religieuse l’a toujours repoussé. Un
législateur aussi savant que chrétien, voulant en dé
livrer ses concitoyens, leur disait: « Tolérer le di
vorce, c’est conspirer avec les passions de l’homme
contre la raison, et avec l’homme même contre la
société. Le territoire de la France s’csl accru, mais
sa dignité, le premier moyen de sa puissance, fondée
sur la décence de ses mœurs et la sévérité de ses lois,
s’est éclipsée. »
« Des le commencement, ce n’était point ainsi. »
Le Sauveur voulait par là ramener le monde à ce lien
que la mort seule dissout, et replacer la société sur
ses fondements primitifs. La science d’une politique
habile consiste à savoir les respecter.
Ainsi, tout nous ramène au christianisme: lorsque
ce ne sont pas les’ biens célestes qui nous parlent,
c’est la voix des biens d’ici-bas ; et s’ils ne suffisent
pas, les troubles dans les familles, les calamités
dans l’État disent à leur manière qu’il faut se con
former à ses décrets.
Pendant l'année qui commence, le cours de Morale
s’occupera des moyens de réabilitation pour l’hom
me déchu, et traitera des Sacrements en général.
17 —
De nouvelles éludes sur l'OE uvre des six jours ont
valu au professeur d’Écriture sainte des résultats dans
lesquels il y a honneur pour la religion et profit pour
ses élèves. Ce sont de nouveaux suffrages que les
sciences viennent apporter à celle de l’écrivain sacré,
possédant, il y a 30 siècles, des connaissances que la
géologie, la physique, l’astronomie, aidées de toutes
les ressources du génie et de l’expérience, n’ont
acquises que dans ces derniers temps.
On conçoit que notre collègue revienne volon
tiers sur ces grandes questions, qui font à la religion
line place si honorable, et qu’il aime à voir les esprits
les plus prévenus avouer que l’on gagne peu pour les
sciences et pour la gloire, à méconnaître l'autorité
des livres saints. Ainsi, les Voltaire, les Dupui, les
Lalande, ont assez compromis leur science, assez de
livres peu dignes de leurs auteurs et de leurs pays;
il faut que l'on sache que dans la recherche de la
vérité, l’impiété est un mauvais guide, et qu’il en est
un autre que Ton doit suivre, si l’on veut marcher
ferme et ne pas s’égarer.
Cependant, malgré tout l’intérêt qu’offre l’étude
de la Genèse à M. l’abbé Reynaud. il n’oublie pas
que les autres livres de l’Écriture font partie de son
domaine, et que les enseignements et toutes les
richesses qu’ils renferment, il les doit à ses élèves.
Pour lui c’est une dette sacrée que ne tarderont pas
à payer d’excellentes leçons.
L’histoire du grand schisme d’Occident a été
l’objet du cours d’Histoire ecclésiastique, la plus
intéressante de toutes, parce qu'elle est l’histoire de
�18
—
la vérité éclairant le monde, l’enrichissant de scs
biens, nous montrant toujours Dieu gouvernant les
nations avec sagesse et amour, pour sa gloire et le
bonheur des hommes.
L’Église a ici une place à part, et les prodiges sont
multipliés pour qu’elle puisse toujours remplir sa
grande mission, être toujours elle-même, plus forte
que les hérésies, les schismes, la tyrannie. C’est
pourquoi les épreuves qui lui sont ménagées sont
les plus beaux cotés de sa gloire. Cette altitude calme
qu’elle conserve toujours sans jamais être effrayée ni
de ses combats, ni de ses périls, fait penser les têtes
sérieuses, surtout quand elles savent qu’il y a deux
mille ans que le monde assiste à ce spectacle su
blime.
Au temps des persécutions, quand le signal était
donné, on entendait, d’un bout de l’univers à l’autre,
un ‘long cri de joie et d’espérance. C’est que les
grandes épreuves vont bien aux grandes destinées.
Telle est l'Église ; et on a pour elle plus d’admiration
et plus d’amour, lorsqu’au moment suprême, on la
voit se relever, comme dit. Bossuet, par un de ces
grands coups qui étonnent le monde; et seule, sans
appui, sans armée continuer ses avertissements aux
rois, ses flétrissures aux erreurs même appuyées
par le pouvoir et le génie, et ses instructions aux
peuples, jusqu’aux extrémités de la terre.
On reconnaît là le mandat divin dans lequel il est
écrit qu'elle se doit à tous, comme le disait St. Paul ;
et personne ne sera à l’abri de ses remontrances, ni
étranger à son amour. Oh! permetlez-nous de nous
complaire dans cette vérité, il n’y a que cela qui soit
grand dans l’univers!
Dans ses leçons de Discipline ecclésiastique, le
professeur a pris pour sujet la Pragmatique sanc
tion’, il en a exposé les principes et développé les
conséquences.
L’histoire du concile deBàle fera, cette année, la
matière du cours dTIistoire ecclésiastique. Le cours
de discipline traitera de l’origine et de la légitimité
des concordats, il donnera l’explication du concordat
de François Ier et de Léon X.
Après des études grammaticales, le cours dTIébreu
a expliqué le livre de Josué et plusieurs prophéties
concernant le Rédempteur. 11 fera celte année des
études de langue comparée sur l’hébreu et les autres
langues sémitiques.
Le cours d’Éloquence sacrée a donné les règles que
l’orateur doit suivre dans la composition de ses
discours, il lui a offert des modèles. En traitant cette
année de l’homélie, il en tracera les caractères, il
étudiera les beaux monuments que les pères de
l’Église grecque et latine nous ont laissés en ce
genre.
Il est bien regrettable que des sujets aussi impor
tants n’aient pour eux qu’une heure par semaine.
Pourtant il s’agit de former des hommes qui conti
nuent dignement cette belle suite d’orateurs chré
tiens que tous les peuples nous envient, et qui ont
porté si haut la gloire de notre Église de France.
Nous faisons des vœux pour qu’un professeur, plein
de ces pensées, soit chargé exclusivement de la chaire
�—
20
d’éloquence sacrée, une des plus importantes de
noire Faculté. Nous voudrions que dans notre en
seignement rien ne fût omis de ce qui peut ins
pirer à nos élèves les sentiments que la religion
mérite, afin qu’ils les portassent un jour dans le
cœur des peuples. Car, pour elle, être connue c’est
régner.
C’était la pensée de Terlullien parlant de certains
hommes qui refusaient de l’écouter, parce qu’ils
savent bien, disait-il, qu'ils ne pourraient plus
Vaccuser, s’ils l'uvaient une fois entendue.
Ce n’est pas qu’elle ait besoin des hommes: fille
du ciel, ajoute Tertullien, c’est là qu’elle a son trône,
ses espérances, son crédit et sa gloire. Aussi, nous
avons une autre pensée : c’est nous qui avons besoin
d’elle. Privé de ses lumières, l’homme ne sait plus ce
qu'il est, ce qu’il vaut; personne ne le comprend, il
est seul dans l’univers.
Mais dans ce délaissement, que fera-t-il de son
cœur plus grand que le monde, de son ambition qui
ne dit jamais : c’est assez ! de ce besoin d'immorta
lité si vivace devant même la poussière du sépulcre?
La religion est nécessaire à tous ces désirs qui mon
tent toujours pour lui dire qu’il lui faut le ciel. Elle
seule est assez riche pour lui donner ce qu’il deman
de, plus qu'il ne demande. Oh ! laissez-la lui , ou
vous le faites mourir de misère et de dégoût; car
Dieu ne se remplace pas !
Ces vérités, qu’appuient tant de tristes exemples,
méritent l’attention de tous, mais surtout celle de la
jeunesse, pareequ’ayant à fournir une carrière plus
—
21
—
longue, elle a plus à pleurer et plus à souffrir, si elle
n’est pas chrétienne.
Nous avons devant nous l’élite des élèves du
ressort, amenés par une pensée vraiment française;
car elle a voulu encourager les talents et préparer ,
peut-être, à la France des gloires nouvelles. Per
sonne n’applaudit plus volontiers que nous à tout
ce qui agrandit l'homme et illustre la patrie. Mais il
faut qu’on nous permette de dire à ces heureux
élèves qu’une munificence digne de tous les éloges
va couronner: Ce ne serait pas assez que vos
maîtres, vos familles, votre pays fussent contents de
vous; vous devez vous préoccuper d’une ambition
encore plus noble : faites que la religion, aussi con
tente de vous sourie à vos couronnes, et marque sur
vos fronts la place d’un diadème immortel. Oui,
que les vérités que vous venez d’entendre soient les
compagnes de votre vie. Chrétiens avant tout, rem
plissez les devoirs que ce beau nom vous impose;
c’est par là, vous dit l’Esprit-Sainl, que vous acquer
rez une gloire vraiment grande et que vous vous ferez
un nom qui ne mourra jamais: Et accipielisgloriam
viagnam et nomen œternum.
Un jeune conquérant, parlant pour une expédition
glorieuse, distribua tout ce qu’il avait de précieux à
ses amis, à ses courtisans; et maintenant, seigneur,
lui dit l’un d’entr eux, que vous reste-t-il? Il me reste
l’espérance, répond le conquérant.
Celle réponse que vous avez plusieurs fois admi
rée, messieurs, sera bien autrement belle, autrement
sensée dans votre bouche, si vous dites au monde,
�qui vous offre ses faveurs en échangeYl’une faiblesse,
d’une faute : Je vous laisse tout, et je n'ai rien perdu,
car il me reste l’espérance: le ciel et Dieu !
R ap p o rt (le II. le D o yen (le la F a c u l t é
(le D ro it.
Messieurs ,
En venant, chaque année, dérouler devant vous le
tableau fidèle et consciencieux de tout ce qui se passe
dans l’intérieur de notre Faculté, j’obéis avec d'autant
plus d’empressement aux prescriptions des règle
ments universitaires , que cette circonstance me
fournit l’occasion de donner d’utiles encouragements
aux uns et une salutaire leçon aux autres.
C’est ainsi, en effet, que l’enseignement supérieur
s’honore en quelque sorte lui-même, en assurant,
d’un côté, le progrès des études par la proclamation
des succès obtenus, et en stimulant d’un puissant
aiguillon, de l’autre, ceux dont l’indifférence et la
tiédeur pour le travail, provoqueraient de notre part
un blâme public et sévère.
Hàtons-nousd’ajouler, messieurs, que la solennité
périodique, servant d’inauguration à la reprise de
nos travaux, et dans laquelle votre présence témoi
gne si hautement de l’intérêt et de la sollicitude qui
s’attachent à la jeunesse de nos écoles, a pour nous
— 23
encore le précieux avantage d’exciter des sympathies
qui, en animant notre zèle, rehaussent singulière
ment l'importance de notre mission, en même temps
qu’elles doublent la valeur des récompenses décer
nées à nos élèves.
Pour retarder le moins possible le moment impa
tiemment attendu où leurs noms vont retentir dans
cette enceinte, je vais faire connaître, dans un rapide
exposé, la marche et la force relative de nos études,
pendant l’année qui vient de s’écouler, comparati
vement à celles de la précédente, sans omettre pour
tant quelques détails de statistique exigés parles rè
glements.
Dans mes rapports antérieurs, je signalais quel
ques différences en moins sur le nombre de nos élè
ves, ainsi que cela s’était réalisé d’ailleurs dans toutes
les autres facultés de province, où il avait diminué
d'une manière encore plus sensible5 cette réduc
tion a été progressive, puisque les quatre derniers
trimestres n’ont donné que 706 inscriptions, tandis
qu’auparavant on en comptait 95 de plus.
Bien que le chiffre ci-dessus soit encore satisfai
sant, au point de vue de la prospérité et du bien
être matériel de notre école, il n’est pas moins re
grettable de voir plusieurs jeunes gens, séduits par
l’attrait irrésistible des distractions de toute espèce
que leur offre la capitale, profiter de la faiblesse et
de la trop facile condescendance des parents à leurs
volontés, pour aller commencer ou continuer h Paris
des études que la plupart n’y font pas, et n’en revenir
le plus souvent qu’avec toutes les amères déceptions
�qui sont inséparables du mauvais emploi du temps,
et l’amour-propre froissé par quelque échec inévitatable, encouru à l’occasion d’une épreuve mal sou
tenue, parce qu’elle avait été incomplètement prépa
rée.
Celles subies devant notre Faculté, dans le cours
de l’année dernière, ont dû naturellement décroître
proportionnément au nombre de nos élèves et n’ont
présenté qu’un total de 2G8, d'où résulte une diffé
rence en moins de 127 sur la précédente. Mais, cette
disproportion, énorme en apparence, ne l’est pas
précisément en réalité et s’explique par la circons
tance que les épreuves subies en 1855 n’étaient re
lativement plus nombreuses, que par suite de l’im
possibilité où s’étaient trouvés beaucoup d’étudiants
de s’y faire admettre à la session d’août 1854, à cause
du fléau qui désolait alors nos contrées.
Voici les différentes catégories de ceux d'entr’eux
qui se sont présentés pour des examens ou actes
publics.
15 sollicitaient l’obtention du certificat de capacité;
63 s’étaient inscrits pour le premier examen de
bachelier ;
66 pour le second ; sur 115 aspirants à la licence,
40 ont été admis au premier examen ; 40 au deu
xième et 35 a la thèse; en quatrième année, 3 se
sont présentés pour le premier examen de doctorat;
2, pour le second, et 3, pour l’acte public.
Les résultats de ces diverses épreuves, sans être,
en général, aussi satisfaisants qu’on aurait pu le dé
sirer, ont néanmoins prouvé que nos études avaient
atteint un niveau supérieur, ainsi que vous pourrez,
messieurs, facilement vous en convaincre par le ta
bleau comparatif qui sera bientôt mis sous vos yeux.
Une circonstance, en effet, que je me plais à rele
ver, parce qu’elle ne s’était pas encore réalisée, c’est
que les réceptions avec éloge, c’est-à-dire, a boules
toutes blanches, dont la Faculté n’est certainement
pas prodigue, ont dépassé, celte année, le chiffre des
ajournements: les premières étant au nombre de 13,
et les secondes n’ayant pas été au delà de 12 .
Bien que l’inégalité qui les distingue soit peu ini—
portante en apparence, elle n’en est pas moins trèssignificative, en ce qu’elle atteste d’une part que, si
la Faculté se montre toujours sobre de réceptions
élogieuses, elle doit cependant se féliciter de voir les
insuccès diminuer d’une manière tellement progres
sive qu’il n’y aura bientôt plus, entr’eux et les admis
sions honorables, la fâcheuse disproportion qu’on y
remarquait auparavant. Car, l’année précédente,
sur 395 élèves inscrits pour des examens ou actes
publics, on en comptait seulement 15 reçus avec
éloge, tandis que 25 avaient encouru le rejet.
Un autre fait viendrait témoigner au besoin d’une
amélioration sensible dans la marche de nos études.
En effet, sur les 245 autres élèves inscrits dans les
quatre sessions antérieures, 181 ont obtenu l’una
nimité des suffrages, et 66 seulement ont vu leur
admission ternie par une boule noire.
Il a été délivré 15 certificats de capacité ; 61 certi
ficats d’aptitude au grade de bachelier; 34, à celui
de licencié, et 3, au grade de docteur.
�Voici maintenant de quelle manière se sont repar
tis les succès et les échecs entre les étudiants de
chaque année :
Dans la première, où figuraient G3 candidats ,
l’éloge a été décerné à quatre; l’ajournement a été
prononcé contre 5 , et sur les 54 restants, 46 ont eu
des suffrages unanimes, et 8, la simple majorité.
Ces résultats, il faut le reconnaître, ne sont pas
identiques a ceux de l’année dernière pour cette
classe d’élèves, quant aux réceptions avec éloge, qui
étaient au nombre de 10; mais, celte différence dans
le chiffre des admissions honorables est balancée par
la diminution de celles suivies d’un ajournement ou
accompagnées d’une boule noire, et qui sont infini
ment moindres.
En deuxième année où l’on comptait 15 aspirants
au certificat de capacité, et 06, au grade de bachelier,
ce qui donnait un total de81,6 de ces derniers n’ont
eu que des boules blanches; 49 ont été admis à
l’unanimité; 21 par trois boules rouges et une noire;
5 ont été ajournés.
Celte catégorie d’élèves ne se distingue de celle
de l’année précédente, au point de vue de la force
relative de leurs études, que par deux réceptions
élogieuses, d’un coté, et deux ajournements de
l’autre, qu’on remarque de plus dans le relevé des
épreuves soutenues pendant les quatre dernières
sessions d’examens.
Sans vouloir décourager ceux qui, dès le début,
avaient figuré au premier rang, et dont les succès
semblaient devoir nous en promettre d’autres, puisse
le,regret que j ’éprouve de ne plus les y retrouver
aujourd'hui, stimuler leur zèle auquel je m’étais
empressé d’applaudir, et rallumer le foyer de celle
émulation dont les premières étincelles m’avaient
fait concevoir tant d’espérances , ne pouvant me
résoudre à croire qu’elles soient pour toujours entiè
rement éteintes.
La troisième année, dans le cours de laquelle les
aspirants à la licence ont à subir trois épreuves
différentes, en a compté seulement 115, dont 40,
pour le premier examen, un nombre égal pour le
second et 35 pour la thèse.
Si j’en excepte un ajournement prononcé à l'occa
sion de l’un de ces actes publics et deux éloges
décernés à M. Costa, lors de son deuxième examen
et de sa thèse de licence, les résultats des autres
épreuves ont été à peu près identiques pour ces
diverses catégories de candidats , le nombre des
boules noires ayant été de 11 dans la première et de
13, dans chacune des deux dernières ; et les admis
sions à l’unanimité des suffrages, dont le chiffre s’est
élevé à 77, ayant suivi la même proportion.
Hàtons-nous de faire remarquer ici une tendance
bien prononcée vers le progrès, que la Faculté se
félicite d’avoir provoquée par une juste sévérité dans
l’appréciation des épreuves de la licence, qui avaient
toujours laissé beaucoup à désirer, et parmi les
quelles on ne rencontre plus aujourd’hui qu’un seul
rejet, tandis que j’en signalais encore quinze, dans
mon rapport précédent.
La quatrième année vient aussi nous fournir une
�28 —
nouvelle preuve des heureux résultats produits par
nos exhortations à mieux faire, et le désir si souvent
exprimé devoir arriver les études du doctorat au
véritable niveau qu’elles doivent atteindre.
Eu effet, sur 9 élèves inscrits, savoir: 3 pour le
premier examen ; 2, pour le second, et 4 pour la
thèse, un seul de ces derniers a échoué; 7 autres
ont été admis à la majorité de boules blanches, et le
neuvième a eu le rare avantage d’obtenir la collation
du grade de docteur à l’unaminilé, ou soit avec
éloge.
Ce succès honore trop à la fois le candidat et la
Faculté elle-même pour qu’il me soit permis de taire
le nom de celui qui en a été jugé digne.
C’est M. Ilippolyle Soulier, juge de paix à Anduze
(Gard), qui, à l’aide d’une volonté ferme et persévé
rante, sans faire perdre à ses justiciables un seul des
moments consacrés à l’exercice de ses fonctions ma
gistrales, a courageusement abordé et franchi les rudes
aspérités de la science des lois, a su trouver encore
assez de temps pour en sonder les profondeurs, et
prouvé que le travail triomphe de tous lesobstacles,
en présentant une dissertation enrichie de détails
extrêmement intéressants, au point de vue histori
que, littéraire et philosophique, et dans laquelle la
saine interprétation des textes, jointe à la logique des
déductions , témoignait d’explorations laborieuses
aux sources intarissables de l’antiquité.
Ce qui viendra couronner dignement ce tableau
de la marche progressive de nos études, ce sont
les bons résultats du concours entre les aspirants
au baccalauréat et à la licence, dont M. Cabanlous,
professeur fera bientôt connaître les détails, et dans
lequel les élèves de première et de deuxième année,
en très-grand nombre, se sont disputé avec chaleur
les palmes offertes à leur émulation.
Mais, c’est surtout en second lieu, le brillant
succès obtenu par M. Gide, d'Uzès, ancien élève de
la Faculté, à qui la médaille d or a été accordée pour
le mémoire remarquable par lui présenté au con
cours spécial ouvert entre les docteurs et les aspi
rants au doctorat.
Espérons que de si nobles exemples trouveront
bientôt de nombreux imitateurs! et le retentissement
de leurs triomphes dans cette enceinte sera pour
eux, comme pour nous tous, la plus flatteuse récom
pense qui puisse être décernée à nos communs
efforts.
Après ce Compte-rendu de la situation de notre
enseignement, je ne dois pas vous laisser ignorer,
messieurs, un changement dans le personnel delà Fa
culté, auquel ne sauraient rester indifférents tous ceux
qui veulent bien s’intéresser à sa prospérité et à son
bien-être à venir: je veux parler de la décision toute
récente de M. leminislre de l’instruction publique,
qui vient d’appeler M. Jalabert à celle de Grenoble,
pour y faire un cours de Code Napoléon.
Aurai-je besoin de vous dire, messieurs, combien
sont sincères et unanimes les regrets que laisse au
milieu de nous tous l’éloignement de cet honorable
et affectionné collègue dont le savoir profond , les
connaissances aussi étendues que variées, le zèle à
�toute épreuve et le concours empressé, qui ne
nous fil jamais défaut, rendaient l'enseignement si
fructueux, la collaboration si utile, et avaient si
puissamment contribué à élever sans cesse le niveau
de nos études, en prévenant leur relâchement par la
sévérité avec laquelle il accomplissait sa double
lâche de professeur et déjugé; sévérité persévérante,
mais juste, dont on aurait en d’autant moins le droit
de se plaindre, qu’elle prenait sa source dans des
scrupules de conscience toujours respectables.
Puisse la réalisation prochaine de l’espoir que
nous avons de voir rémunérer tant de services par
sa nomination définitive à une chaire, si dignement
occupée, diminuer pour lui le regret d’être séparé
de ceux qu’il honora autant par ses succès, comme
élève, que par la lutte glorieuse a la suite de laquelle
il vint prendre dans leurs rangs la place réservée à
son mérite.
Vous vous rappellerez sans doute, messieurs, qu’à
semblable époque de l’année dernière, nous accom
pagnions aussi de nos communes sympathies un de
nos autres collègues, M. Grellaud, qu’une délégation
spéciale chargeait, dans la même faculté de Greno
ble, de l’enseignement du Droit Romain auquel il
avaitsu donner ici tant d’éclat.
Eli, bien ! félicitons-nous aujourd’hui de le possé
der encore, et remercions M. le ministre de l'avoir
rendu à nos vœux et à ceux de tous ses anciens
élèves qui salueront, j’en suis sûr, son retour avec
acclamation.
Rapport «le 11. le Doyen «le la Facilite
«les Lettres.
Messieurs,
Toutes les solennités universitaires, à la fin de la
précédente année classique, ont été attristées par
l’événement funeste qui a privé l’Empereur du plus
jeune de ses ministres. La Faculté des Lettres d'Aix
a particulièrement ressenti cette perte; et la première
fois qu’il lui est donné déporter la parole en public
depuis la mort de M. Fortoul, c’est pour elle un
besoin de cœur, plus encore qu’un devoir de conve
nance et de circonstance, de commencer par payer
son tribut de regrets à la mémoire de l’administra
teur habile qui, après l’avoir servie de son talent
durant plusieurs années, n’a jamais cessé de veiller
sur elle avec sollicitude. Il l’appelait sa Faculté.
N’est-ce pas lui qui en avait été le premier doyen?
lui qui l’avait organisée? lui dont vous avez entendu
plusieurs fois à celte même place la parole si pleine
d’onction et de charme, si sympathique? Au nom
de cette même Faculté, sa création pour ainsi dire,
une voix qui lui fut connue offre ici à son souvenir,
avec l’adieu suprême de l’amitié , l’hommage de
sentiments impérissables, qui se témoigneront sur
tout par la continuation de son œuvre et l imitation
de son exemple dans la carrière où il guida nos
premiers pas.
�Doyen honoraire de la Faculté des Lettres d’Aix ,
M. Forloul s’y rattachait par un autre lien qu'il ne
rompit qu’avec beaucoup de peine et comme à la
dernière extrémité. Il y conserva pendant des années
le titre de professeur de littérature française. Et
quand, il y a moins d’un an, il consentit enfin à
pourvoir à celle longue vacance, son choix fit voir
combien il avait à cœur de se faire dignement rem
placer dans cette chaire où il avait été déjà si digne
ment suppléé par par un de ses anciens collègues.
Si , contre l’attente générale et malgré les plus
légitimes espérances, il ne maintint pas dans cette
place M. Bonafous qui l’avait méritée par une habileté
longuement éprouvée et par d’éminents services,
au moins, en se donnant pour successeur un jeune
lauréat de l’Académie française, plein d’ardeur et
d’avenir, il montra tout l’intérêt qu’il portait à sa
Faculté, comme il l’avait fait deux années aupara
vant en confiant la chaire d’histoire au beau talent
deM. Zeller et à son dévouement sans bornes.
Grâce à ce double bienfait, la Faculté, dont je suis
l’organe,a vu, l’année dernière, ses cours suivis avec
un renouvellement de zèle et par un plus grand
nombre d’auditeurs. La faveur publique nous est
revenue et restée ; notre enseignement a repris son
ancien éclat; et dans cet établissement, unique en
son genre pour avoir fourni à la France un Minis
tre de l’Instruction publique, on a vu refleurir la
prospérité des premiers jours. Les dames surtout
ont pris part à celte renaissance du goût pour les
lettres, à ce retour des esprits vers les hautes études.
— 33
Jamais elles n’avaient fréquenté, plus nombreuses et
plus persévérantes, nos cours d’histoire et de littéra
ture française dont elles ont été l’ornementet l’exem
ple. L’exemple avait été aussi donné de plus haut. En
se faisant un devoir d’assister à la plupart de nos le
çons de toutes sortes, en témoignant qu’ily trouvaitun
véritable intérêt, M. le Recteur lésa puissamment
recommandées auprès du publie; et sa présence, je
pourrais presque dire son assiduité, a été pour nos
efforts le plus honorable comme le plus flatteur des
encouragements.
Coque nous avons fait, nous professeurs, pour cor
respondre à ces dispositions bienveillantes, je dois,
messieurs , vous l’indiquer brièvement, en même
temps que je dois vous annoncer ce que nous comp
tons faire l’année prochaine pour ne pas déchoir.
Le professeur de Littérature ancienne a exposé
la vie politique et littéraire de Cicéron. Étudiant
simultanément les œuvres du grand orateur et les
événements de l'histoire, il a taché d’éclairer les
unes par les autres, et de mettre en relief non-seule
ment un des plus beaux caractères de l’antiquité,
mais encore une de ces intelligences d’élite qui
touchent à tout pour tout orner et tout agrandir.
Orateur , philosophe , historien , rhéteur , poète
même, Cicéron offre à tous les esprits sérieux un
sujet d'études intéressantes et variées qui séduisent
l'esprit et élèvent le cœur. — Celte année-ci, M.
Bonafous traitera des poésies homériques, insistant
sur les détails qui peuvent éclairer l'histoire de la
civilisation antique, et notant avec soin les légendes
3.
�— 34 —
et les traditions qui fournirent à la tragédie grecque
les sujets les plus intéressants. Il recherchera la ma
nière dont ces poésies furent recueillies, et il étudiera
les diversités qui se trouvent entre les traditions
d’Homère et celles des anciens poètes, notamment
celles d'Hésiode et de Pindare. — Parallèlement à ses
études sur la poésie grecque, le professeur fera
l’histoire de la poésie latine en expliquant, dans ses
leçons du mardi, les deux livres des Êpilres et YArt
poétique d’Horace.
En Littérature française, M. Prévost a étudié, l’an
née dernière, les œuvres des principaux moralistes
français, depuis Montaigne jusqu’à Vauvenargues ; il
a exposé et souvent discuté leurs doctrines; il a ap
précié et commenté leurs écrits. —Les chefs-d’œuvre
delà poésie française au XVIIe siècle seront, cette
année, le sujet de ses leçons. Le théâtre, la satire, la
fable, représentés par les plus grands noms de notre
histoire littéraire, offriront une ample et intéressante
matière à ses études.
Après avoir examiné, l’année dernière, la littéra
ture anglaise et la littérature allemande, au point de
vue dramatique, le professeurde Littérature étrangère
va retourner en Italie, où il retrouvera un champ déjà
deux fois parcouru. Renonçant à une élude géné
rale, il se renfermera dans le XVIe siècle. Ce siècle a
moins de spontanéité et d’originalité que celui de
Dante; mais il nous touche de plus près, non-seule
ment par sa date, mais surtout par des principes
communs de recherches et d’inspirations. Il est la
transition du moyen âge aux époques modernes, il
est le lien brillant entre l’antiquité complètement
ressuscitée cl les temps actuels. Le professeur s’atta
chera à mettre dans tout son jour, puisque le cercle
circonscrit de ses études n’embrasse que le XVIe
siècle, une époque où la langue vulgaire, maîtresse
enfin d’elle-même, assura sa durée et sa renommée.
Le professeur d’Histoire qui, pendant l’année pré
cédente, a exposé les divers événements du XVIe
siècle, se trouve ramené aujourd’hui, par les règle
ments, d’un sujet si moderne à l’élude et à l’ensei
gnement de l’histoire ancienne.— Il y a trois ans, M.
Zeller, s’occupant déjà de l’antiquité, avait surtout
étudié, dans Rome républicaine, l’histoire de la
liberté, ses faibles, mais généreux commencements,
ses prospérités et ses grandeurs , ses excès et ses
infortunes, sa chute. Celte année, dans l’histoire de
Rome impériale il fera l’histoire du pouvoir qui
reçoit des mains mourantes de la liberté le monde
qu’elle a su conquérir, qu’elle ne sait ni gouverner
ni conserver. Il retracera le portrait des principaux
dépositaires de cette puissance la plus formidable qui
fut jamais pour le bien et pour le mal. 11 en étudiera
la véritable nature, ses transformations, scs vicissi
tudes: il tâchera de pénétrer le secret des moyens
dont elle s’est servie pour prolonger sa durée de
quatre siècles.
Le cours de Philosophie, pendant l’année qui vient
de s’écouler, a fait suite à ceux des deux années
précédentes. Il en a été le complément. Après avoir
établi, dans un premier enseignement, la doctrine
psychologique du spiritualisme , puis , dans un
�— 3G —
second, la doctrine morale correspondante, c’est-àdire celle du devoir désintéressé, le professeur, dans
ses leçons de l'an passé, a confirmé par l’histoire ces
résultats dogmatiques. — A présent qu’il s’agit de
commencer pour trois nouvelles années un cercle
d’idées et de recherches différent du premier, le
professeur reviendra à la psychologie qui, en philo
sophie, est la science primordiale, la source de tout
savoir, la condition de tout progrès, la clef de toutes
les découvertes, et il étudiera cette science de la
manière la plus générale. Au lieu de s’attacher,
comme autrefois, à l’unique question de la nature de
l ame, de son immatérialité, de sa distinction d’avec
le corps, il en considérera la vie, les opérations, les
facultés. Recherches purement théoriques et stériles,
ce semble, mais en réalité les plus fécondes et les
plus riches en conséquences, puisque, selon les es
pérances contenues dans le précepte de l’antique
sagesse : Connais-toi toi-même, c’est d’elles que
doivent résulter, pour toutes les sciences philosophi
ques, des lumières et des éléments de solution qu’on
chercherait vainement ailleurs.
Voilà pour le public, voici pour la jeunesse. A
l’égard de l’un, nous sommes corps enseignant; à
l’égard de l’autre, juges. Je vous ai rendu compte,
messieurs, de nos travaux de professeurs; je passeaux
résultats que nous avons obtenus l’année dernière,
comme juges, dans les examens.
Je commence par le grade le plus élevé de tous,
celui de docteur ès-leltres. Il est peu demandé en
province. A cet égard, comme sous tant d’autres
J
37 —
rapports, Paris s’est arrogé une sorte de monopole,
il n’est donc pas étonnant qu’aucun candidat ne
se soit présenté devant nous pendant tout le cours
de l’année \ 855-1856; d’autant moins étonnant que,
l’année précédente, nous en avions reçu deux. Après
un tel effort, notre Académie paraît s’être reposée et
devoir se reposer encore quelque temps.
Pour la licence, l’année a été moyenne, même
plutôt abondante que stérile. Chacune de nos deux
sessions a réuni cinq concurrents. Deux ont été
reçus en novembre, deux en juillet. De ces derniers,
celui qui a obtenu le premier rang, est un jeune
étudiant en droit, M. Silvestre. lia recueilli le fruit
de sa persévérance exemplaire. Ajourné une pre
mière fois, il a tenu à honneur de réparer cet échec
uniquement dû à son inexpérience. Puisse-t-il être
imité par un grand nombre de ses condisciples ! Sans
leur concours, s’ils ne songent sérieusement aux
moyens de donner à leurs études littéraires une
consécration supérieure à celle du baccalauréat, en
d’autres termes s’ils ne se décident à suivre nos
conférences ouvertes cette année même pour la pré
paration au grade de licencié, celte institution ne
portera pas tout le fruit que nous voudrions lui voir
produire. Au moins,si le collège d’Aix avait été érigé
en Lycée, comme nous en avions conçu l’espérance,
des aspirants-répétiteurs seraient venus en plus
grand nombre prendre part à ces cours accessoires.
Mais cette transformation si désirable n’a pu s’effec
tuer encore, malgré les efforts persévérants du chef
de la cité, dont il ne peut venir à l’esprit de personne
�•le mettre en doute le dévouement aux intérêts du
pays, à ses intérêts littéraires surtout que nul ne
sait mieux apprécier.
Le baccalauréat réclame plus de détails. Il n’est
rien de si important dans nos annales; car c’est
par le baccalauréat que nous exerçons sur le sort des
études et l'avenir de la jeunesse une influence consi
dérable.
Or, pour ce qui concerne d’abord le nombre des
examens, il a diminué celle fois d’une manière sen
sible. Nous n’en avons compté que 181 l'année
dernière, au lieu de 225, chiffre de l’année d’aupa
ravant. La moyenne des réceptions a été satisfai
sante ; car elle a presque atteint 47 pour cent. Ce
n'est pas a dire qu’elle ait satisfait tout le monde,
chose impossible. On trouvera toujours que ne pas
admettre la moitié au moins des jeunes gens qui
subissent les épreuves, c’est être d’une sévérité ex
cessive.
Mais sait-on quels candidats nous arrivent, de
quelles classes, à quel âge, comment préparés? Cer
tains récits nous représentent, ceux d’entre nous
surtout qui ont coutume de faire expliquer le grec,
comme des gens atrabilaires, armés d’une rigueur
systématique, soulevant des difficultés à plaisir,
dressant des pièges au trouble et à l’inexpérience,
cherchant à intimider, à déconcerter le candidat, à
lui enlever une partie de ses ressources intellec
tuelles. Mais quelle fiction! Hélas! notre embarras
n’est pas de savoir qui nous refuserons, mais qui
nous recevrons. Tous ceux qui ont assisté à nos
— 39 —
opérations savent combien cette peinture est ima
ginaire. Ils ont été témoins de nos efforts pour ras^
surer la timidité réelle, pour aplanir la voie et la
rendre à tous également facile autant qu’il dépend
de nous. Et, si le public pouvait être admis à nos
délibérations, il verrait la peine que nous nous don
nons pour grossir à nos propres yeux le peu de
mérite que nous avons constaté, et avec quel scru
pule, au dernier moment, nous reprenons la balance
pour peser de nouveau la valeur des réponses qui
nousontétéfaites. Quede mères crédules, qui frisson
nent quand ellesentcndenl seulement prononcer nos
noms , seraient surprises au dernier point de la
réputation à nous faite, dans les écoles, par nos
malicieux justiciables, qui n’attendent pas, pour
maudire leurs juges ou pour en médire, la sentence
inévitable que leur font pressentir leur conscience
et leur sagacité !
Non, messieurs,ce n’est pas aux examinateurs qu’il
faut s’en prendre si les admissions n’ont pas été plus
nombreuses. lia faute en est aux candidats seuls.
Pour être admis il faut savoir, et on n’a pas encore
trouvé le secret de savoir sans apprendre. Or, on
n’apprend pas assez, ou on apprend mal. Par la
suppression du certificat d’études a été rompue la
barrière qui arrêtait sagement une foule de candida
tures prématurées , et la faculté de se présenter
devant notre tribunal a été donnée à desenfants soidisant très timides, qui n’ont pas encore achevé leur
philosophie, même leur rhétorique ou même leur
seconde. Quant à la manière ordinaire d’apprendre,
�— 40 —
elle est connue et déplorée par tous les amis de
l'instruction sérieuse. Elle consiste à laisser là les
maîtres et les livres pour puiser tout savoir dans des
résumés très bien faits peut-être et d’une certaine
utilité pour ceux qui ont su déjà, mais d’une parfaite
insignifiance, faute de développements, pour quicon
que les considère comme un répertoire universel se
suffisant à lui-même et capable de suppléer à tous les
autres moyens d’instruction.
Ce double mal, signalé à l’autorité supérieure, a
déjà provoqué de sa part des mesures destinées à le
réprimer. Mais elles n’ont fait encore que l’affaiblir.
Tant qu’elles ne seront pas plus décisives et plus
efficaces, tant qu’elles ne seront pas parvenues à
obliger les élèves à ne se présenter devant nous
qu’après avoir fait des études complètes, régulières
et sérieuses, les candidats continueront à échouer en
grand nombre malgré nos dispositions les plus lar
gement bienveillantes.
La diminution extraordinaire du chiffre de nos
examens, pendant la précédente année, s’explique
naturellement. Elle tient à la prédilection plus ou
moins réfléchie de la jeunesse, dans ces derniers
temps, pou ries carrières dont l’entrée est ouverte par
le titre de bachelier ès-sciences. Désormais, battrait
de la nouveauté cessant avec l’espérance de trouver à
Marseille des juges plus indulgents qu’à Aix, l 'entraî
nement parait devoir se ralentir. Il a été très-fort
aux deux petites sessions de décembre et d'avril,
remarquables l’une et l’autre par la supériorité de
nombre des candidats scientifiques sur les candidats
41
littéraires. Mais, à la grande session du mois d’août,
les lettres ont repris l’avantage, et compté un nombre
de candidats presque double. A présent que les
programmes pour le baccalauréat ès-sciences sont
complets, les difficultés qu’ils renferment font refluer
vers les lettres tous ceux qui se précipitaient vers
les carrières scientifiques par de tout autres raisons
qu’une aptitude véritable.
Comme professeurs, nous avons des rapports avec
le public ; comme juges, nous en avons avec la jeu
nesse qui quitte les bancs. Nous en avons aussi avec
une autre partie de la jeunesse qui tient le milieu
entre le monde et l’école. Je veux parler des étu
diants en droit. Mêlés au public, ils assistent à nos
cours et forment le seul élément de nos auditoires
qui se renouvelle d’année en année. Or, nous leur
devons et leur rendons bien volontiers le témoignage
qu’en général ils remplissent avec zèle l’obligation
qui les appelle autour de nos chaires. Plus de résis
tance comme dans les commencements; plus de
parti pris de fermer l’oreille à nos leçons, de les
subir sans y prendre aucun intérêt: à force de nous
faire entendre, nous avons fini par nous faire écou
ter. Reste pourtant encore une certaine masse ré
fractaire qui a apporté du collège l’habitude de
n’obéir qu’à la crainte servile du châtiment. Le régi
me de son choix lui a été et lui sera appliqué avec
discrétion , mais sans faiblesse. Nous regrettons
sincèrement d’être obligés de sévir là où il nous
serait si doux de n’employer que la persuasion; mais
le règlement existe, et tant qu’on y contreviendra,
�malgré nos continuels avertissements, nous devons
à de futurs légistes l’exemple de le faire respecter:
Dura lex, scd lex.
Après la lecture de ces divers Comptes rendus, M.
l'Inspecteur de l’Académie a accordé la parole à M. Cabantous, pour la lecture de son Rapport sur les prix
décernés par la Faculté de Droit.
R a p p o rt de M. C aliaiito n s su r les c o n
co u rs en tre le s É tu d ia n ts eu D r o it.
Messieurs ,
Je dois à une circonstance imprévue l’honneur
d’avoir k vous entretenir des concours ouverts entre
nos étudiants. M. Jalabert, qui était chargé d’en
faire le rapport, m’a prié d’accepter cette mission,
dès qu’il eut appris que le ministre 1 appelait k
Grenoble, en même temps que M. Grellaud venait
reprendre k Aix des fonctions remplies depuis treize
ans avec tant de zèle et de talent, et rentrait au sein
d’une Faculté qui attendait impatiemment son
retour. En déférant au voeu de mon jeune collègue,
j ai été heureux de lui donner ce témoignage per
sonnel d estime et d’affection , au moment où il
allait se séparer de nous, sans cesser de nous appar
tenir par les liens du cœur et par le souvenir d’une
longue et honorable collaboration.
Dans 1 exposé que j’aurai k vous présenter des
— 43 —
jugements portés par la Faculté, je sens qu’il est de
mon devoir comme de l’intérêt des lauréats, de
retenir le moins de temps possible une attention qu’a
du captiver le mérite des discours que vous venez
d’entendre, mais qu’auraient bientôt lassée l’insuffi
sance de ma parole et l’austérité des sujets que j’ai
k traiter. Je m’appliquerai constamment k concilier
la brièveté avec la clarté; mais si je ne pouvais attein
dre ce but au gré de mes désirs, je réclamerais votre
indulgence en considération du nombre et de la
variété des épreuves dont je dois rendre compte.
Indépendamment des quatre concours habituels de
l’année scolaire qui vient d’expirer, j’ai aussi k vous
parler du concours de doctorat de l’année précé
dente, qui n’était pas encore clos lors de la dernière
séance de rentrée, le délai fixé pour le dépôt des
mémoires ayant dû être prorogé au-delà du terme
ordinaire, k raison delà terrible épidémie qui avait
pesé sur la France.
Je commencerai par le concoursenlre les étudiants
de première année, début des jeunes légistes dans
une science que la plus longue vie saurait k peine
embrasser, et m’élèverai graduellement jusqu’aux
concours de doctorat, couronnement de la carrière
académique et titre sérieux pour toutes les profes
sions civiles.
Le sujet donné aux étudiants de première année
était la reconnaissancedes enfants naturels, ce moyen
ouvert par l’humanité du législateur en faveur des
fruitsd’une union illégitime, pour les rattacher k leurs
parents par un lien légal, sans toutefois leur confé-
�44 —
rer le rang et les droits d’enfants issus du mariage.
Vingt-six candidats ont traité celte question avec plus
ou moins de succès ; six compositions ont seules été
jugées dignes de récompense. Le premier prix a été
décerné, sans hésitation, à M. Soubrat qui a su ratta
cher tous les points controversés à un plan judicieu
sement conçu, se montrer complet sans obscurité et
diffusion, et dont le travail laisse seulement à désirer
des transitions mieux ménagées des principes aux
conséquences. Le second prix a été partagé entre
M. Milanla dont la méthode est défectueuse, mais qui
n’a négligé aucune partie du sujet, et M. Poilroux
qui l’emporte par l’ordre et la clarté; mais qui,
pressé par le temps, n’a souvent fait qu’indiquer ce
qu’il eût du développer. M. Léon Roussel a obtenu
la première mention, et aurait pu même aspirer à
une distinction supérieure, si d’assez graves inexac
titudes et un peu d’embarras dans le plan ne dépa
raient sa composition, d ailleurs estimable et h peu
près sans lacunes. MM. Ponlier et Rigaud ont mérité
la deuxième mention au même degré et au même
rang, le premier par plus de dialectique, le second
par plus de lucidité, et tous deux n’ont pu être
mieux classés, à raison d’une omission considérable
quoique différente chez chacun, le premier n’ayant
rien dit de la possession d’Élat,et le second ayant
gardé le même silence sur les contestations dont la
reconnaissance est susceptible.
Les étudiants de seconde année avaient à traiter de
la garantie en matière de partage, conséquence et
sanction de l’égalité entre copartageants. Seize candi
dats ont concouru : cinq l’ont fait avec succès.
M. Mange s’est aisément placé au premier rang par
la clarté de la méthode, par la vigueur de la discus
sion et par la correction du style; qualités rares et
précieuses qui ne lui ont fait défaut qu’en un point:
le cumul de l'action en garantie avec celle en resci
sion pour lésion. M. Bodin, qui a obtenu le second
prix, aurait balancé les suffrages pour le premier s’il
n’avait eu une sensible infériorité par la forme,
n’ayant su éviter ni un peu d’embarras dans la dis
cussion, ni un peu d’emphase dans le style. Ces
défauts de forme sont encore plus saillants dans la
composition de M. Contencin qui n’a mérité, par
suite, que la première mention, malgré la sagesse de
son plan et l’exactitude générale de ses solutions.
Enfin , il n’a pu être accordé qu’une seconde
mention à MM. Portai et Poulie, tous deux ayant
assez complètement parcouru les nombreuses ques
tions que renfermait le sujet, mais les ayant plutôt
indiquées que traitées; et cette récompense a dû leur
être attribuée en commun, le premier rachetant
l’absence de méthode par plus d’aptitude à dévelop
per, et le second ayant eu l'art de couvrir, par un
ordre bien tracé et bien suivi, les lacunes que pré
sente son travail.
En troisième année, M. Florens est le seul candi
dat qui ait composé ; mais il ne partageait qu’avec un
autre de ses condisciples, M. Costa, le difficile avan
tage de pouvoir concourir, cet honneur étant subor
donné en troisième année à la condition d’avoir
réuni majorité de boules blanches dans tout l’en-
�semble des examens du cours triennal d'études. Le
sujet de Droit Romain était le Commodat ou prêt à
usage ; la question de Droit Français était l’Hypothè
que légale de la femme mariée, du mineur et de
l'interdit. M. Florens a présenté sur l’une et l’autre
matière un exposé judicieux, méthodique et parfai
tement clair; maison regrette qu’il ail trop négligé
la controverse et trop peu approfondi les difficultés.
C’est ce qui explique comment la Faculté n’a pu lui
décerner que des récompenses secondaires, malgré
le désir qu’elle éprouvait d’honorer en lui la plus
persévérante assiduité aux leçons des professeurs, le
zèle le mieux soutenu et une conduite exemplaire.
La composition de Droit Français complète, exacte
et bien écrite, a été jugée digne d’un second prix, et
celle de Droit Romain, moins développée, entachée
de quelques incorrections de style et d'une assez
grave méprise touchant la prestation des fautes,
n’a dû obtenir qu’une mention honorable.
J’ai eu hâte d’épuiser les concours de licence pour
arriver plus lût à ceux de doctorat, désirant donner
à l’analyse de mémoires longs et approfondis le
temps que j’ai pu gagner sur le compte-rendu de
compositions , nécessairement courtes et superfi
cielles.
Le sujet assigné pour le concours de l’année
1854-4855 était la Théorie des statuts personnels et
des statuts réels, ou, en d’autres termes, l’indication
des caractères auxquels on reconnaît les lois qui
suivent l’étranger hors de son pays, et celles que lui
impose le territoire qu’il habile. Deux mémoires ont
47 —
été présentés sur cette question si vivement débattue
en théorie, et dont l’intérêt pratique s’accroît de
jour en jour avec la rapidité et la fréquence des
relations internationales.
Le Mémoire N° 1 est conçu dans un esprit ouver
tement hostile aux opinions les plus accréditées.
L’auteur, négligeant h dessein les distinctions con
sacrées par l’ancienne doctrine, leur substitue un
principe unique et qu’il croit fécond. D’après lui les
lois que l’étranger conserve en tous lieux, sont celles
qui n’intéressent pas l’ordre public des pays qu’il
habile; les lois que ces pays lui font subir malgré
son extranéité, sont celles où cet ordre public est
engagé. Idée simple sans doute dans son expression
théorique, mais fort complexe dans ses applications
pratiques ; car, il faut toujours en venir a déterminer
le sens et la nature des lois d'ordre public, et les
distinctions traditionnelles sont du plus grand se
cours dans celte étude.
Quoi qu’il en soit, l’auteur suit résolument la
pensée dont il a fait son point de départ. Il s’en sert
à la fois pour juger le passé, pour critiquer le pré
sent et conseiller l’avenir. Son travail est divisé en
trois grandes parties: 1 histoire, la législation actuel
le, les changements désirables. Dans la première, le
Droit Romain, les lois des peuples barbares, les
institutions féodales, les discussions préparatoires du
Code Napoléon sont successivement passés en revue;
mais aucune de ces sources n’est creusée avec assez
de soin, les textes originaux sont peu explorés, et de
vagues généralités remplacent trop souvent les ré-
�sultals positifs et précis qu'auraient pu fournir des
recherches plus approfondies.
La législation actuelle est étudiée avec plus de
développement. L’auteur en ramène l’examen à
trois chefs essentiels: les principes, les espèces
particulières, l’état des lois étrangères. Les princi
pes se réduisent au principe unique déjà signalé et
qui est brièvement mis en regard des systèmes con
traires, sans une suffisante réfutation de ces der
niers. Les espèces particulières sont groupées sous
une nomenclature assez arbitraire , consistant à
distinguer les droits généraux, c’est-à-dire ceux de
créances et de propriété, les droits de famille, le droit
pénal et les droits fiscaux. Sur chacun de ces points
on regrette que l’auteur, qui semble avoir exacte
ment compris la portée du sujet, se soit presque
toujours borné à exposer au lieu de discuter, par
suite d'un mépris excessif pour la controverse et
d’une confiance non moins exagérée dans l’excel
lence de son système. Quant aux lois étrangères, le
mémoire que j’analyse n’en présente même pas un
aperçu sommaire, et ne contient que l’expression
d’un vœu sur l’utilité et l’importance non contes
tées des études internationales.
Enfin , relativement aux réformes à faire , il
suffirait à peu près, selon l’auteur, d’abroger les
deux derniers paragraphes de l’art. 3 du Cod. Nap. ,
qui servent de base à la distinction des statuts réels
et des statuts personnels, pour ne maintenir que le
premier qui concerne les lois d’ordre public. Ce
serait, en d’antres termes, donner gain de cause au
49 —
système du principe unique et en assurer le triom
phe définitif.
Comme on le voit, le Mémoire N° 1 est empreint
d'un remarquable caractère d’unité, auquel manque
malheureusement l’appui de la démonstration. Il
accuse un plan fortement conçu; mais dont l’exé
cution est à peine ébauchée. L’originalité s’y trouve
plutôt dans la forme que dans le fond, dans le
dédain systématique des opinions reçues plutôt que
dans l’élaboration patiente et complète d’une nou
velle théorie. Le style a les mêmes qualités et les
mêmes défauts. Quelque chose de saccadé et d’a
gressif en dépare l’énergie et la netteté. En résumé,
la Faculté, tout en reconnaissant les louables efforts
qu’atteste ce mémoire, et en rendant hommage à la
vigueur de conception qui s’y montre, n'a pu lui
décerner de récompense , le sujet y étant trop
imparfaitement traité. C’est une esquisse qui témoi
gne d’une véritable aptitude ; mais c’est une esquisse
trop inachevée, même pour une palme secondaire.
Le Mémoire N° 2 est beaucoup moins incomplet.
L’auteur, après un exposé historique habituelle
ment exact , mais trop superficiel , et où rien
n’indique l’exploration attentive des sources, traite
successivement de la réalité et de la personnalité
des lois en général, des principes fondamentaux
sur le conflit de la loi française avec les lois étran
gères , du statut personnel en particulier , du statut
réel en particulier, du concours des deux statuts en
matière d’actes volontaires de l’homme, du concours
des deux statuts en matière d’actes judiciaires, des
�50
lois de police et de sûreté, et, enlin, à titre de résumé
et de conclusion , de la condition de l’étranger en
France. De ces huit divisions , la dernière est un
hors-d’œuvre, et les deux premières rentrent évi
demment l’une dans l’autre. Ce vice de méthode a
naturellement amené de fréquentes involutions d’i
dées et de nombreuses répétitions. Il en résulte
quelquefois une sorte d’obscurité qu’un meilleur
ordre eût aisément prévenue. En outre, l’auteur ne
s’est pas assez pénétré de la nécessité d’attribuer à
chaque expression technique un sens rigoureuse
ment précis et toujours identique, ce qui donne
par fois un peu d'incertitude à la pensée , un peu de
confusion au langage.
Ce sont là, sans doute, de regrettables défauts, mais
qui, tenant surtout au plan et à l’ensemble de la dis
position , n’atténuent que faiblement la valeur de
chaque chapitre considéré en particulier. La part
faite à la critique, on aime à reconnaître que le Mé
moire N° 2 contient, sur la législation française
actuellcmenten vigueur, une élude judicieuse, appro
fondie et complète. Toutes les questions controver
sées sont prévues, discutées avec mesure et résolues
avec sagesse. Le style est habituellement clair , d’une
simplicité de bon goût et sans aucune nuance d’aflectation ; on y voudrait seulement plus de Irait, plus
d’énergie et d’originalité. Qualités et défauts com
pensés, la Faculté a jugé ce Mémoire digne d’une
mention honorable, et lui aurait même décerné un
second prix, si l’évidente faiblesse de la partie histo
rique n’eût nui au mérite de la partie pratique.
En ouvrant le pli cacheté qui renfermait le nom
de l’auteur, la Faculté s’est félicitée d’avoir à donner
un dernier et solennel témoignage d’estime et de sa
tisfaction à M. Just Guigou , avocat à la Cour impé
riale d’Aix et docteur en droit, l’un de ses anciens
disciples les plus studieux et les plus dévoués, lau
réat de tous ses concours, esprit modeste, laborieux,
exact, et qui pourra trouver une sérieuse et féconde
originalité en remontant aux sources historiques de
la grande science dont il a embrassé l’étude , et à
laquelle nous espérons bien qu’il continuera de con
sacrer toutes les forces que procurent l’amour du
travail et l’indépendance de position.
J’arrive maintenant au concours de doctorat de
l’année scolaire qui vient de finir. Le sujet choisi par
le Ministre était l’étude historique et pratique des
divers moyens de publicité pour la transmission de
la propriété immobilière , e t, en particulier, de la
transcription. Ce sujet , auquel la loi récente du
23 mars 1855 donnait un caractère tout spécial
d’actualité, était bien fait pour tenter l’émulation
et provoquer les recherches des jeunes légistes. Deux
Mémoires nous ont été adressés.
Le N° 2 est plutôt un projet de révision législative
qu’un examen comparatif des lois passées et présen
tes. L’auteur, après avoir placé son travail sous le pa
tronage de la mémoire de deux jurisconsultes con
nus par leurs ouvrages sur la réforme hypothécaire,
et prématurément enlevés à la science , Jourdan ,
l’un des fondateurs de la Thémis , et Alban d’Hauthuille, que cette Faculté s'honorera toujours d’avoir
�compté parmi ses membres , donne un exposé som
maire de ses idées dans un avant-propos écrit avec
chaleur, et où la singularité de la forme est rachetée
par un sincère et profond enthousiasme pour les
progrès du droit, ainsi que pour les hommes qui
consacrent et usent leur vie à celte grande oeuvre.
Puis, par une division à la fois simple et hardie, il
annonce qu’il examinera ce qui a été, ce qui est, ce
qui devrait être , relativement à la publicité des
transmissions immobilières. La partie rétrospective
est déduite avec clarté et méthode ; mais beaucoup
trop sommairement présentée, le sujet à traiter con
sistant expressément dans une étude historique aussi
bien que pratique. La partie exégétique est un com
mentaire judicieux delà loi du 23 mars 1855,où l’on
regrette seulement l’absence de discussion sur les
points susceptibles de controverse et un silence ab
solu sur les motifs dont le législateur s’est inspiré. La
partie réformatrice , assez peu respectueuse pour le
présent et trop confiante aux douteuses prévisions
de l’avenir, se résume en un exposé fort clair du
système allemand , dont les deux bases essentielles
sont la suppression de toute hypothèque occulte et
la création d’un livre foncier dressé contradictoire
ment avec tous les intéressés, et indiquant , pour
chaque parcelle de propriété , tous les droits réels
qui la grèvent, toutes les transmissions successives
dont elle a été l’objet.
L’auteur, en mettant au service de ce système une
ardeur de conviction et une vivacité d’espérance qui
plaisent chez un jeune homme, n’a pas assez compté
53 —
avec les difficultés d’exécution , e t, ce qui est plas
sérieux , avec les principes sacrés de la liberté des
conventions et de l’assistance due aux incapables. Il
semble, d’ailleurs, avoir perdu de vue les raisons
supérieures qui s’opposent à ce que le régime cadas
tral, dont l'origine remonte à la féodalité, et qui a sa
patrie naturelle dans les contrées de vastes domaines,
aristocratiquement constitués et à peu près immobi
lisés par les lois aux mains des familles qui les possè
dent , puisse aisément s’acclimater en France , pays
d’égalité, où la loi des partages favorise le morcelle
ment des propriétés , et où les mutations en sont de
jour en jour plus fréquentes.
Malgré ces défauts et ces lacunes , le Mémoire N° 2
n’en est pas moins une œuvre remarquable à plus
d’un titre, révélant des qualités précieuses, quoique
incomplètes, et témoignant d’une généreuse ardeur
qui a plutôt besoin de frein que d’aiguillon. La Fa
culté lui a décerné une mention honorable, comme
récompense de l’effort accompli et surtout comme
encouragement pour l’avenir. L’ouverture du pli ca
cheté a fait connaître le nom de l’auteur, M. Charles
Verne, avocat au tribunal de Marseille et aspirant au
doctoral. Si, comme autorisent à le penser l’analogie
du plan , l’identité d’esprit et la ressemblance du
style, M. Verne est aussi l’auteur du Mémoire pré
senté au précédent concours sous le N° 1 , en le féli
citant des progrès qu’atteste son second travail, et en
l’exhortant vivement à persévérer dans celte voie
d’études sérieuses et approfondies où il s’est engagé,
nous lui dirons, sous la seule inspiration de l’intérêt
�que nous lui portons et du désir que nous avons de
ses succès futurs, qu'il ne doit pas confondre la juste
aversion pour la routine avec la téméraire aspiration
en faveur du nouveau et de l’inconnu ; que la me
sure dans la vigueur est la plus haute des qualités, et
que la grande originalité, celle qui mérite et obtient
le respect de tous, consiste a fonder et non pas à dé
truire, s’appuie sur l’aptitude à organiser, bien plus
que sur un goût immodéré de critique.
Le Mémoire N° 1 est le plus étendu de beaucoup et
le mieux, rempli de tous ceux dont j’avais à vous ren
dre compte. Ce Mémoire débute par une introduc
tion bien pensée et bien écrite , qui met en relief
l’importance de la publicité pour les droits réels ,
e’est-à-dire opposables à toute personne, dont les
biens peuvent être l’objet, et qui présente à grands
traits les transformations successives de cette publi
cité , depuis la prise de possession et le symbolisme
religieux des peuples primitifs jusqu’à l’inscription
sur des registres publics, soit par le système alle
mand, qui n’obtient une sécurité complète pour les
tiers qu’en négligeant les vices clandestins dont le
consentement des parties a pu être entaché, soit par
la méthode française, qui, ne s’attachant qu’à rendre
public le fait de la mutation lui-même , laisse peser
sur les tiers le péril des actions en nullité ou en res
cision.
Ap rès ce préambule , l’auteur, voulant traiter le
sujet sous le double aspect qu’indiquait le pro
gramme, divise son travail en deux grandes parties :
la première, destinée à être l’étude historique , et
devant comprendre les systèmes de publicité des
mutations immobilières, sous toutes les législations
autres que la législation française actuellement en
vigueur ; la seconde ayant pour objet, en vue de
satisfaire aux conditions d’une étude pratique, l’ana
lyse approfondie des dispositions du Code Napoléon
et des lois postérieures sur la transcription et 1 ins
cription hypothécaire.
La première partie, conçue dans les plus vastes
proportions, montre la suite et l’enchaînement des
nombreux systèmes de publicité , usités pour le
transfert des droits réels, sous les législations an
ciennes autres que le Droit Romain, aux diverses
époques du Droit Romain, sous les lois des Barbares,
sous l’empire des institutions féodales, aux diverses
époques du Droit Coutumier, en vertu des ordon
nances de nos rois, durant l’époque intermédiaire
entre la révolution française et la promulgation du
Code Napoléon, enfin, d’après les législations actuel
les des peuples étrangers. Cet immense champ est
parcouru avec fermeté et souvent avec succès. Tout
ce qui concerne le Droit Romain et le Droit Coutu
mier est traité d’une manière supérieure. Les autres
législations sont moins profondément étudiées, ce
qui s’explique pour quelques-unes , telles que celles
de l’antiquité antérieure à Rome, par l’absènce de
documents; pour d’autres, comme la législation féo
dale, parce que la sagacité du légiste ne peut y
suppléer l’aptitude de l’historien. Mais nous devons
signaler une lacune considérable qui nousa surpris,
et pour laquelle nous n’admettons pas l’excuse allé-
�guée par l’auteur. Nous voulons parler du droit
canonique, sur lequel on ne trouve, dans le mémoire,
qu’une courte note annonçant qu'il est passé sous
silence, parce qu’il ne présente rien de particulier en
cette matière. C’est là une grave méprise; et si
l’auteur eût appliqué à l’analyse et à la comparaison
des textes du droit canonique, la fécondité d’aperçus
et la patience d’investigation dont il a fait preuve sur
d’autres points , il eût certainement obtenu des
résultats non moins intéressants que ceux qu’il a
puisés dans l’étude du Droit Romain et du Droit
Coutumier. Sauf la réserve que nous venons de
faire, nous ne saurions donner trop d’éloges à la
partie historique du Mémoire N° 1 .
La partie pratique s’ouvre par un préambule court
et substantiel, où la loi du 23 mars 1855 est présentée
comme ayant rétabli, dans l’ensemble du Cod. Nap.,
l’harmonie qu’y avait troublé le rejet irréfléchi de la
transcription, en tant que moyen obligatoire de con
solider la propriété immobilière vis-à-vis des tiers.
Puis la transcription prescrite par la loi de 1855 est
successivement étudiée dans les actes auxquels elle
s’applique, dans ses effets et dans sa forme. Enfin, la
transcription en matière de donations, l’inscription
hypothécaire et la conservation des privilèges sur
les immeubles font l’objet de trois dernières divi
sions, qui complètent l’étude de tous les modes de
publicité des droits réels sous l’empire de notre
législation actuelle. Dans toute l’étendue de ce ca
dre, les questions sont habilement amenées, discu
tées avec vigueur et résolues en général de la
57 —
manière la plus saine. On regrette toutefois que la
transcription des baux à ferme ou à loyer n’ait pas
été expliquée dans ses motifs, et que ses conséquen
ces n’aient pas reçu tout le développement qu’elles
comportaient.
Nonobstant cette lacune et quelques défectuosités
de raisonnement qu’il serait possible de relever çà
et là, le Mémoire N° l , écrit avec clarté et précision,
reste un très remarquable travail sous tous les
rapports. La Faculté n’a pas hésité à lui décerner la
grande médaille d’or, la plus haute des récompenses
dont elle dispose, et dont elle sait se montrer avare,
puisqu’elle ne l’avait point accordée depuis dix ans,
quoique durant ce long intervalle plusieurs mémoi
res lui eussent été périodiquement soumis. Il y a dix
ans, M. Martin de Lyon, actuellement substitut du
procureur général près la cour impériale de Dijon ,
remportait le prix qu’obtient aujourd’hui, ainsi que
l’a révélé l’ouverture du pli cacheté, M. Paul Gide,
avocat au tribunal d’Uzès et docteur en droit.
En proclamant ce nom, la Faculté reconnaît avec
bonheur un de ses meilleurs élèves, souvent couron
né par elle, et sur qui elle se croit autorisée à fonder
de belles espérances. Fils de magistrat, et pouvant
facilement entrer dans la carrière paternelle, M.
Gide, par le libre choix de sa volonté et sous l’empire
d’une vocation réfléchie, a préféré la profession plus
modeste, et peut-être aussi plus laborieuse, de l’ensei
gnement juridique. Déjà engagé dans la grande lutte
ouverte à Paris pour l’agrégation, il peut être sûr
que nos vœux les plus vifs l’accompagneront durant
�toute la suite des épreuves, et que nous applaudi
rons unanimement à son triomphe si le succès
récompense ses eiïorts. Qu’il me soit permis, en par
lant de ce concours central dont le résultat intéresse
toutes les Facultés de Droit, de rappeler que la nôtre
en attend l’issue avec une pleine confiance. Elle
espère que celle issue lui rendra le plus jeune de ses
membres, M. Pison qui lui est cher à tant de titres ,
pourvu d’une nomination définitive, aguerri aux
combats de l’intelligence et investi officiellement de
l'autorité qu’il a su conquérir d’avance par la recti
tude de son esprit, le mérite de son enseignement et
la dignité de son caractère.
La séance s’est terminée par la lecture des Rapports
de MM. l’abbé Aoust et Zeller, sur le concours général
institué par M. le Recteur entre tous les Lycées et Col
lèges de l’Academie. A la suite de ces Rapports, M.
l’Inspecteur a proclamé les prix et accessits.
R a p p o rt (le 11 . l’i l i l i é A onst, p r o fe s s e u r à
la F a c u lt é «les S c ie n c e s «le M a r s e ille .
Messieurs,
L’institution du concours général des Lycées im
périaux et des collèges de Paris et de Versailles , est
déjà ancienne ; l’on a pu en apprécier les résultats
heureux. C’est à elle que nous devons la force des
études universitaires , un niveau régulateur de l’en-
59 —
seignement. C’est elle qui a donné aux différentes
carrières tant d’hommes distingués, et à l’Université
ses professeurs éminents, dont une partie se compose
d’anciens lauréats du concours , et l’autre partie, de
ceux qui, dans les épreuves sévères de l’agrégation ,
se sont mesurés avec bonheur avec les lauréats euxmêmes.
C’était une idée heureuse d’établir un semblable
concours dans les académies des provinces. Un ar
rêté du Recteur d'Aix, de date récente, a institué un
concours général dans notre circonscription acadé
mique pour les classes de Rhétorique et de Logique
entre tous les élèves des Lycées impériaux et des
Collèges communaux. La Faculté des Sciences a été
chargée de la correction et du classement des copies
de la Logique et de la Rhétorique scientifiques.
L ogique scientifique. — Le sujet proposé aux
concurrents était la Cosmographie de la Lune. Dé
crire quels sont, pour un observateur placé à la sur
face de la lune , l’aspect du ciel, la durée du jour
sidéral, du joui1solaire, les particularités des saisons,
l'aspect de la terre, ses phases , les éclipses du soleil
et de la terre , tel était le but qu’il fallait remplir.
Ces questions , qui ne se trouvent pas dans le pro
gramme classique, présentent sans doute des dif
ficultés ; mais le principe mécanique qui lie les
mouvements apparents aux mouvements réels, est
donné ; une première application de ce principe a
été faite, dans le cours scolaire, aux apparences cé
lestes résultant du mouvement de la terre. Les con
currents pouvaient faire facilement l'application du
�GO —
même principe aux apparences célestes pour un ob
servateur placé sur la lune, apparences résultant du
mouvement de cet astre. Ces questions n’étaient pas
de pure curiosité, car notre satellite est tellement lié
avec la planète que nous habitons , que , pour ces
deux astres, les phénomènes sont complémentaires
ou réciproques ; la connaissance des uns entraîne la
connaissance des autres.
Parmi les quinze copies qui ont été remises une
seule est remarquable : c’est la copie de M. Boucherie
(Jean-Henri), élève externe du Lycée d’Avignon. Les
questions y sont résolues d’une manière satisfaisante.
Les démonstrations sont exactes , la rédaction est
précise. Certaines particularités délicates, difficiles h
entrevoir, sont décrites avec soin. Telles sont celles
relatives aux phases de la terre, aux éclipses du so
leil et de la terre, pour 1habitant de la lune. Ce tra
vail a été jugé digne du premier prix.
Une seconde copie, quoique très distante delà précé
dente, n’est pas dénuée de mérite. Plusieurs questions
y sont résolues avec exactitude. Le phénomène singu
lier du lever et du coucher de la terre du même coté
de l’horizon , pour l’observateur placé dans les seg
ments de la lune alternativement visibles ou invisi
bles a la terre par suite de la libration lunaire , a été
saisi et décrit avec vigueur. C’est la copie de M. de
Blottefièrc (Henri), élève interne du Lycée de Mar
seille. La Faculté l'a jugé digne de l’accessit.
R hétorique scientifique. — Le sujet proposé
était le Calendrier, les réformes qu’il a subies , une
application faite a un exemple numérique. Ce sujet,
61
puisé dans le programme des cours, développé dans
l’enseignement scolaire , était bien plus accessible
que le précédent; mais il y a un mérite incontestable
à saisir les vrais caractères d’une théorie déjà expo
sée, à les décrire d’une manière précise, à présenter
en corps de doctrine des faits épars, en signalant
leur connexité.
Trente-huit copies ont été remises ; parmi ces
trente-huit, la Faculté en a trouvé une excellente et
deux bonnes. La première est la copie de M. Toucas
(Fortuné), élève externe du Collège de Toulon ; cet
élève mérite le premier prix. Les deux autres sont
les copies de M. Tallen (Louis-Eugène), élève interne
du Lycée d’Avignon, premier accessit, et de M. Granet (Marie-Léonce), élève interne du Collège de Tou
lon, deuxième accessit. Elles contiennent la solution
complète de la question, mais elles manquent, l’une
de simplicité, et l’autre de précision, qualités essen
tielles du style scientifique.
La Faculté est heureuse de constater les résultats
déjà satisfaisants de l’enseignement scientifique orga
nisé depuis peu dans nos Collèges et nos Lycées. Les
commencements sont ordinairement difficiles, mais
il est aisé de prévoir tout ce que cet enseignement
produira d’utile lorsqu’il aura ses livres élémentai
res, ses traditions. Depuis un demi-siècle, l’ensei
gnement mathématique a été tellement perfectionné
dans nos établissements secondaires, qu’il n’a point
d'égal en Europe. Les étrangers nous l’envient ; ils
nous empruntent nos traités élémentaires, mais ils
ne peuvent nous emprunter nos professeurs. On peut
�affirmer qu’il en sera de même des autres sciences :
cosmographie, mécanique, chimie, histoire naturelle.
La solution des questions proposées dans ce premier
concours restera comme donnant la mesure de nos
débuts scientifiques.
R a p p o rt de II. Z c lle r , p ro fe sse n r À la
F a c u lt é îles L e ttr e s .
Messieurs ,
C’est pour les lettres surtout que l’institution d’un
concours entre les Lycées et les Collèges de l’Acadé
mie par M. le Recteur, nous a paru une pensée
heureuse. La jeunesse elle-même, que dis-je, l’en
fance, gagnée aussi prématurément par la fièvre des
intérêts positifs, ne croit pas pouvoir quitter assez
vite ce qu’elle eût appelé jadis en vers latins (quand
elle faisait des vers), le lait de ses divines nourrices.
Les lettres, dans nos établissements publics, n’ont pas
à regretter seulement ceux que gagnent au moins les
sciences, mais l’inconstance même de ceux qui di
sent leur rester fidèles, et qui délaissent leurs leçons
lorsqu’elles, leur deviendraient le plus utiles. Espé
rons que les récompenses proposées par M. le Recteur
aideront à retenir, dans les classes de Rhétorique et
de Logique, ceux que l’attrait d’un parchemin, gagné
h grand renfort de mémoire, tente plus que celui
d apprendre a bien penser et à bien dire.
C’est peut-être, Messieurs, à cette défaveur passa
gère dans laquelle sont tombées les lettres, aux
yeux de la jeunesse même, qu’il faut attribuer aussi
la faiblesse du concours littéraire dont nous avons à
vous rendre compte. Les compositions, dont M. le
Recteur nous a fait juges, portent la trace d’études
trop sommaires et trop vagues, d’opinions ou de
connaissances rapidement imposées à l’élève plutôt
que mûrement acquises par lui. S’il y a quelques
idées en philosophie, quelque savoir en histoire, ce
sont des idées, un savoir qui ne tiendront peut-être
pas bien longtemps. On remarque surtout, dans le
plus grand nombre des compositions, une grande
inexpérience à disposer des connaissances acquises,
à les exposer avec clarté, et trop souvent, Messieurs,
chose plus affligeante ! un oubli, j allais dire une
ignorance des règles de la grammaire et de l 'ortho
graphe qui, je le crains, dureront longtemps; car,
c’est le propre des qualités de se perdre quelquefois,
et celui des défauts de persévérer presque toujours.
Dans la composition française de logique, il s’agis
sait d’exposer une théorie du jugement, sujet difficile
pour des jeunes gens, il faut l’avouer, parce qu’il était
technique et précis. Quarante-huit copies ont été
remises à la Faculté des Lettres. Sur ce nombre assez
restreint, puisqu’il est fourni par les classes de trois
Lycées et de quinze Collèges, vingt copies qui prou
vaient trop clairement, sans compter les défauts dont
nous parlions tout-à-l’heure, que leurs auteurs n’a-
�(V i
vaient guère la pratique de ce dont on leur demandait
la théorie, ont formé une catégorie dont nous ne vous
rendrons de compte qu’en lui assignant le dernier
rang. Les concurrents qui, sans avoir traité le sujet
d’une manière sérieuse, ont laissé cependant entre
voir quelques marques d’intelligence ou de logique
naturelle, ou quelques réminiscences des leçons qu’ils
ont dû recevoir, ont formé une seconde et moyenne
catégorie. C’est celle dont parle Dante d’une manière
un peu trop sévère, il est vrai, pour la médiocrité;
celle qui ne mérite ni trop d’éloges, ni trop de
blâme.
Restaient, après ces éliminations préparatoires, sept
copies de choix composant une première catégorie
et méritant cet honneur à des litres divers. Toutes se
recommandaient, ou par une heureuse solution de la
question, ou par des efforts dignes d’éloges, ou par
des preuves certaines d’une assiduité intelligente à
un cours de philosophie, fait avec talent et suivi
avec succès.
Deux surtout nous ont paru avoir une véritable
valeur; l’une, quoique incomplète sur plusieurs
points, se distinguait par une grande netteté d’expo
sition, une heureuse fermeté de style, un sens tou
jours droit, une suite dans les idées rarement
démentie. L’auteur de l’autre copie était le seul qui
eût traité la question pertinemment et dans toutes
ses parties; muni, du reste, d’une érudition philoso
phique variée, il avait eu le bonheur d’avoir présent
à la mémoire, sur le même sujet, une excellente leçon
de l’illustre M. Cousin; il avait largement, heureu
— 05 —
sement, profité deses souvenirs. Mais la première co
pie était marquée au coin d’une originalité plus réelle
et plus vraie; ajoutons, Messieurs, que, pour la for
me, elle était sans contredit la plus parfaite, tandis que
la seconde était, sous ce rapport, déparée par quel
ques-unes de ces taches, qui offusquaient singulière
ment sur le fond où on les rencontrait; et vous aurez
les principales raisons qui ont déterminé notre choix.
La question mise au concours entre les classes de
Rhétorique était une question d'histoire; le sujet
était : le tableau politique et littéraire de l'Italie au
commencement du XVIe siècle, sujet fécond, at
trayant, s’il en fut, que l’opposition qui se rencontre
alors, dans l’histoire de celte belle et malheureuse
contrée, entre l’éclatante prospérité des lettres et
des arts, et celte décadence politique qui aboutitàune
servitude qui dure encore! Malheureusement, le
savoir ou le talent, et trop souvent l’un et l’autre, ont
fait défaut au plus grand nombre des concurrents.
Sur les soixante-quatre que la Faculté a dû juger,
quarante-quatre ont étalé dans une affligeante égalité
non pas les gloires et les malheurs de l’Italie, mais leurs
propres fautes et leur insuffisance; dix, plus heureux,
se sont essayés, d’une main plus ou moins habile, à
retracer quelques souvenirs cependant trop inexacts
ou trop confus pour former quelque chose de com
plet. Il n'en est resté que dix qui, par une connais
sance suffisante du sujet et quelques germes de
talent, ne se soient pas trop éloignés du but.
Après un consciencieux examen de ces dix com
positions, deux encore se disputaient le premier rang.
�66
Au premier coup d’œil, l’une, fort étendue., parais
sait renfermer beaucoup plus de détails sur les
différentes parties de la question, tandis que l’autre
plus courte, et complète pour la partie politique,
laissait trop à désirer pour ce qui regarde les lettres
et les arts. A y regarder de près cependant, la copie
la plus courte renfermait souvent davantage dans sa
concision que l’autre où sc trouvaient des répétitions
et des longueurs; enfin, Messieurs, et c’est ce qui
nous a déterminés , nous avions en présence l’in
telligence qui sait disposer et faire valoir ses maté
riaux, qui écrit avec netteté, parfois avec élégance,
et la mémoire qui laisse échapper ses richesses sans
ordre et avec une prodigalité quelquefois inféconde.
En désignant la composition qui méritait le prix,
nous avons regretté cependant qu’un peu plus
d’abondance et de chaleur ne nous ait pas permis
de la présenter comme vraiment distinguée et faisant
honneur au concours.
Si la Faculté éprouve le regret de ne point vous
taire entendre un rapport complètement favorable
sur le concours de cette année, elle n’en regarde pas
moins l’institution du concours comme bonne en
elle-même et méritant de durer. Outre l’avantage
qu’elle aura sans doute de combattre dans les jeunes
gens, en faveur des classes de Rhétorique et de Logi
que, les calculs d’un intérêt mal entendu par les
espérances d’une ambition légitime, elle deviendra
pour les professeurs de nos Lycées et Collèges une
source de renseignements où puisera leur zèle tou
jours si éclairé; elle sera pour l’Académie un moyen
— 67
d’enquête annuelle tout à fait exact et véridique,
sur l’état des études dans les établissements de
l’État; la Faculté des Lettres, enfin, y verra toujours
avec joie une occasion , dont elle remercie M. le
Recteur de l’Académie, de décerner une juste récom
pense aux jeunes gens les plus distingués de la
Provence, devant le sympathique auditoire de son
véritable chef-lieu littéraire.
L is te (les P r ix .
LOGIQUÈ.— Section
Prix.
Accessit.
des Sciences.
M. Boucherie, Jean-Henri, de Challignac, externe du
Lycée Impérial d'Avignon.
M. De Blottefière, Henri-Marie-Louis-Ulysse, de
Chomérac, élève interne du Lycée Impérial de
Marseille.
RHÉTORIQUE. — Section
des Sciences.
Prix.
M. Toucas, Fortuné-Hippolyte-Lange, d’Hyères ,
externe du Collège de Toulon.
1*r Accessit. M. Tallet, Louis-Eugène , du Tlior , élève interne
du Lycée Impérial d’Avignon.
V " Accessit. M. Granet, Marie-Léonce, du Caire, élève interne du
Collège de Toulon.
LOGIQUE.— Section
Prix.
Lettres.
M. Maurel, Jules-Antoine, de Marseille, élève interne
du Lycée Impérial de Marseille.
des
�68
1 Accessit. M. Avon, Camille, de Cabrièrcs, élève interne du Col
lège de Carpentras.
Accessit. M. Caslels, Charles-Ferdinand, de Bordeaux, élève
interne du Lycée Impérial de Marseille.
-V" Accessit. M. Chauvot, Charles-Antoine, d’Oran, élève interne
du Lycée Impérial de Marseille.
—
—
RHÉTORIQUE. — Section
L ettres .
4*r Prix. M. Vlasto-Ralli, Théodore, de Salonique , élève
externe du Lycée Impérial de Marseille.
Ir' Accessit. M. Piot, Michel-Ange, de Marseille, élève interne du
Lycée Impérial de Marseille.
5 Accessit. M. Coste, Alfred-Joseph, de Castellane, élève interne
du Collège d’Àix.
3“‘ Accessit. M. Béraud, Antoine-Alphonse , de Cassis , élève
interne du Collège de Digne.
A”1' Accessit. M. Barlalier, Josepli-Frédéric-Emile, de Marseille,
élève interne du Lycée Impérial de Marseille.
des
* *
DES FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE M A R SEILLE.
Les Prix décerné» sont :
Les Œuvres de La Place, 7 volumes in-i°.
Le Dictionnaire universel des Sciences, des Lettres et des
Arts, de Bouillet, et le Dictionnaire universel d’Histoire et de
Géographie, du même auteur, i volumes grand in-8°, reliés.
Les OEuvres complètes de Villemain, \ 0 volumes in-8", reliés.
Le Dictionnaire de l’Académie Française, sixième édition et
son Complément, 3 volumes in-4°, reliés.
AIX,
PARD1GON, IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE
RUE D ITALIE ,
9.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1857-1858.pdf
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Text
—
68
—
Accessit. M. Avon. Camille, de Cabrières, élève interne du Col
lège de Carpentras.
? " Accessit. M. Castels, Charles-Ferdinand, de Bordeaux, élève
interne du Lycée Impérial de Marseille.
V Accessit. M. Chauvot, Charles-Antoine, d O ran, élève interne
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RHÉTORIQUE. — Section des L ettres .
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1" Accessit.
?“* Accessit.
3*" Accessit.
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M. Ylasto-Ralli, Théodore, de Salonique , élève
externe du Lycée Impérial de Marseille.
M. Piot, Michel-Ange, de Marseille, élève interne du
Lycée Impérial de Marseille.
M. Coste, Alfred-Joseph, de Caslellane, élève interne
du Collège d;Aix.
M. Béraud, Antoine-Alphonse , de Cassis , élève
interne du Collège de Digne.
M. Barlalier, Joseph-FrédéTic-Emile, de Marseille,
élève interne du Lycée Impérial de Marseille.
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
fltï,
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
1857-1858
ET DE L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE M A R S E I L L E .
L e s P r ix d é c e r n é s sont ï
Les Œuvres de La Place, 7 volumes in-4°.
Le Dictionnaire universel des Sciences, des Lettres et des
Arts , de Bouillet, et le Dictionnaire universel d'Histoire et de
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AIX,
PARD1GON, IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE ,
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1857.
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lège de Carpentras.
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DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DE L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE
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THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
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DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DE L ECOLE PRÉPARATOIRE
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DE M A R S E I L L E .
Là séance solennelle de re n tré e des Facultés de
T h é o l o g i e , d e D r o i t e t d e s L e t t r e s d ’A i x , d e la F a c u l t é
d e s S c i e n c e s e t d e l ’É c o l e p r é p a r a t o i r e d e M é d e c i n e
e t d e P h a r m a c i e d e M a r s e i l l e , a e n lie u le l u n d i 16
n o v e m b r e 1 8 5 7 , d a n s la g r a n d ’s a l l e d e la F a c u l t é d e
D r o i t , s o u s la p r é s i d e n c e d e M. M o t t e t , R e c t e u r d e
l ’A c a d é m i e .
U n g r a n d n o m b r e d e m a g i s t r a t s , d ’e c c l é s i a s t i q u e s
e t d ’a u t r e s p e r s o n n e s n o t a b l e s d e la v il le a s s i s t a i e n t
à c e t t e c é r é m o n i e , q u i a é t é p r é c é d é e d e la m e s s e d u
S a i n t - E s p r i t , e t h o n o r é e d e la p r é s e n c e d e M. le
p r e m i e r p r é s i d e n t P o u l i e - E m m a n u e l , d e Mgr. R e y ,
�ancien évêque de D ijon, c h a n o in e -é v ê q u e de SaintD e n i s , d e M. le p r o c u r e u r g é n é r a l D u B e u x , d e M .
B e d a r r i d e s , p r é s i d e n t d e c h a m b r e , d e M. P o i l r o u x ,
p r é s i d e n t d u t r i b u n a l c i v i l , d e M. R i g a u d , m a i r e
d ’A ix, m e m b r e d u c o r p s l é g i s l a ti f , e t d e MM. P. R o u x
e t B a r g e s , a d j o i n t s à la M a i r i e .
M. M o t t e t , R e c t e u r d e l ’A c a d é m i e d ’A ix , a o u v e r t
la s é a n c e p a r le d i s c o u r s s u i v a n t :
Monseigneur et Messieurs,
Je n ' a i q u ’une fois l ’a n n é e l ’occasion d ' a d r e s s e r la
parole à la j e u n e s s e de nos écoles. Ce n ' e s t p a s u n e
dissertation a c a d é m i q u e s u r un s u j e t q u e l c o n q u e q u e
je lui d o is; ce sont des conseils, et des conseils, je le
dis à r e g r e t , m êlés de q u e l q u e s r e p r o c h e s . La j e u n e s s e
a besoin d ’être s o u v e n t avertie et r a p p e lé e à son devoir;
j e m ’efforcerai de le faire avec u n e bienveillance t o u t e
p a t e r n e l l e ; m e s conseils d ’a i l l e u r s - e m p r u n t e r o n t u n e
p l u s g r a n d e a u t o r i té de la p r é s e n c e de ce v é n é r a b le
p r é l a t , des chefs h o n o r é s de la m a g i s t r a t u r e et de
l ’a d m in i s tr a t io n et de t a n t d ’h o m m e s é m i n e n t s q u e
r é u n i t cette as sem blée. Cette j e u n e s s e n ’a q u ’à j e t e r
les y e u x s u r eux p o u r voir à q u e l le s p o s iti o n s élevées on
a rrive p a r la sa g e s s e et le savoir, e t de qu e ll e c o n s i d é
rat io n s o n t e n t o u r é s ceux qui on t su d o m i n e r l e u r s
pas sio n s p o u r se s o u m e t t r e toute leur vie à la loi du
devoir.
Messieurs les É tudiants ,
C ' e s t do n c u n i q u e m e n t de vous q u e je vais m ’o c c u p e r .
Je veux, p o u r vous faire s e n tir la nécessité d ’é t u d e s
s é r i e u s e s et d ’u n e c o n d u i t e i r r é p r o c h a b l e , fixer v otr e
a t te n t io n s u r l ’objet m ê m e de vos é l u d e s : vous é t u d i e z
le dr oit, c ’e s t - à - d i r e la p l u s belle des œ u v r e s h u m a i
n e s ! Les r o m a i n s le d éfinissaient, ars œqui et boni, a r t
p r e s q u e divin, car c ’est la m ise en p r a t i q u e , l ’a p p l i c a
tion a u x in té r ê ts publics et privés de ces r ègles i n n é e s
du ju s t e , q u e Dieu, d a n s sa b o n t é , a i m p r i m é e s d a n s n o s
c œ u r s ; la p r o p r ié t é , la société ne p e u v e n t e x i s te r s a n s
le droit ; l ' a b s e n c e du dr oit s e r a it le r è g n e de la force
b r u t a l e ; la n a t io n la plus civilisée est celle où les in té
rêts publics et privés sont le p l u s u n i v e r s e l l e m e n t et le
p lu s u t i l e m e n t pr o t é g é s, c ’e s t - à - d i r e celle d o n t les lois
s o n t les plu s j u s t e s et les plus p u i s s a n t e s .
L es lois, en g é n é r a l , sous le r a p p o r t h i s t o r i q u e , poli
tique, m or al ou judiciaire, o n t été de to u t t e m p s l ’é t u d e
de prédilection des intell igences s u p é r i e u r e s et m é r i t e n t
d ’êtr e é t udi ées s p é c u l a t i v e m e n t e t p o u r e ll e s - m ê m e s .
E t vous qui étu d ie z les lois de n o t r e pays , q u e p l u s i e u r s
n a t io n s s ’a p p r o p r i e n t et q u e t o u t e s a d m i r e n t , v o u s
auriez besoin d ’ê t r e e xcités ! N ous d e v r i o n s n ’avoir
d ’a u t r e soin q u e de m o d é r e r votre a r d e u r . Quoi de p l u s
b e a u , en effet, c o m m e science, q u e n o t r e d r o it a d m i n i s
t r a t i f , n o t r e droit civil et n o t r e d r o i t p é n a l ; j ’o m e t s ,
p o u r a b r é g e r , t o u t le r est e ; n o t r e droit a d m i n i s t r a t i f
au q u el il ne m a n q u e q u e d ’être codifié, m ais qui satis-
�— G —
fait à tous les besoins de la société et qui a si bien o r
ganisé la puissance p u b l i q u e q u e n o u s av o n s pu r é s i s t e r
à toutes nos com m otions politiques, et é c h a p p e r , c o m m e
par miracle, à l ’a n a r c h i e ; n o tr e droit civil, ce f ru it de
la sagesse de p lusieur s siècles, où s ’est f o n d u t o u t ce
q u e le droit r om ain avait de p lus sage et d ap p li cab le à
nos m œ u r s , dont le g én ie de N apoléon a f o rm é u n si
magnifique e n s e m b l e ; n o tr e droit pénal enfin, q u e n o t r e
glorieux E m p e r e u r c om plète si h e u r e u s e m e n t p o u r l ’a r
mée et pour la m a r i n e , et qui a réalisé, s a n s d a n g e r p o u r
la société, les plus p h i l a n t r o p i q u e s théories. C e u x q u ’u n e
pareil le science laisserait indifférents ne s o n t p a s n é s
p o u r l ’étude.
Ce n ’est pas d ' a il l e u r s p a r a m o u r de la s c ience q u e
vous é t u d i e z ; c ’est p o u r vous faire u n e c a r r i è r e . Q u e l l e s
carrières vous ouvre le d r o i t ? L es plus élevées, les plu s
h o nor abl es et, p o u r ne p a r l e r q u e de celles q u e v o u s avez
i m m é d i a t e m e n t en vue, le b a r r e a u et la m a g i s t r a t u r e .
O r, songez à ce q u ’e x i g e n t d ’in s t r u c ti o n ces n o b l e s
professions. Cicéron a défini l ’a v o c a t : vir bonus cliccndi
peritus. L ’h o m m e de bien habile d a n s l ’a r t de la p ar ole.
Ces deux qual i tés lui sont e s s e n t i e l l e s ; m a i s la défini
tion est bien i ncom plèt e. De nos jo u r s le plu s h o n n ê t e
h o m m e disert et m ê m e él o q u en t ne s e r a i t pas un avo
cat et se rait i m p u i s s a n t à satisfaire aux devoirs de sa
profession. L ’avocat n ’était pas, q u a n d écrivait C i c é r o n ,
ce q u ’il est a u j o u r d ’h ui ; la science du d r o it n ’e xis ta it
p a s ; d a n s R o m e r é p ublicaine, le pouvoir a b s o l u é tait
la base s u r laquelle la famille était c ons tituée . La p u i s
sance d u pè r e de famille s u r les esclaves et les e n f a n t s
était p r e s q u e i l lim itée ; il acquérait tout ce q u ’il l e u r
i
advenait, s a u f les p écu les ; il conservait la p u i s s a n c e
p a te r n e lle j u s q u ’à la m o r t ou l ’é m a n c i p a t i o n ; il d i s p o
sait de sa succession c o m m e il lui plaisait; uli legassit ilà
jus cslo. Le droit civil était bien simplifié par cet é t a t
de choses, l ’é q u it é suffisant d ’a i lle u r s au j u g e m e n t des
pr o c è s nés à l ’occasion des c o n t r a t s . Ce n ’é tait pas
l ’avocat des c a u s e s privées q u ’avait en vue C i c é r o n ;
c ’était l ’o r a t e u r politique qui se faisait l ' a c c u s a t e u r de
q u e l q u e g r a n d c o u p a b l e ; il n ' e x i s t a i t pas de m i n i s
tèr e public et c h a q u e citoyen pou v ai t i n t e n t e r u n e a c c u
s a t i o n ; c ’était aus si l ’o r a t e u r qui d é f e n d a i t l ’accus é.
V ous connaissez to u s son a ccus ation c o n tr e V e r r è s .
D a n s les caus es de cette n a t u r e , à peu p r è s toutes en
fait, il suffisait d ' ê t r e h o m m e de bien p o u r d o n n e r de
1 autorité à sa p ar ole et é l o q u e n t p o u r e m p o r t e r la co n v ic
tion des j u g e s . C icéron faisait m ê m e à l ’é l o q u e n c e u n e
p l u s la r g e p a r t q u e n o u s , p a r c e q u e les j u g e s n ’é t a i e n t
pas ce q u e s o n t nos m a g i s t r a t s , d ’i m p a s s i b l e s m i n i s t r e s
de la loi ; c ’était des c itoyens , a y a n t s o u v e n t des p a s
sions de parti, se c o n s i d é r a n t du m o i n s p l u t ô t c o m m e
des h o m m e s politiques q u e c o m m e des m a g i s t r a t s .
Cicéron p o u r t a n t conseillait à l ’avocat de n e pas
nég l ig e r l ’é t u d e des lois, m a i s il en p a r l e c o m m e d ’u n e
chose accessoire : negue legum aut juris civilis scimtia
negligenda est. N ous ne diso n s p a s c o m m e lui, q u e la
science des lois n ’est pas à n é g l i g e r , m a i s q u ’elle est
i n d i s p e n s a b l e à l ’avocat. Oui, M e s s ie u r s , il v ous f a u t
i n d i s p e n s a b l e m e n t u n e i n s t r u c t i o n solide, é t e n d u e , e m
b r a s s a n t toutes les lois qui r è g l e n t les i n t é r ê t s de t o u t e
n a t u r e de n o t r e société m o d e r n e . Il n e s ’a g it pas s e u l e
m e n t du dr oit civil p r o p r e m e n t dit et de la p r o c é d u r e ,
�vous devez c o n n a ît r e à fond le droit c o m m e r c i a l , le
droit pénal et le droit a d m i n i s tr a tif . Les p a r t i c u l i e r s
sont a u j o u r d ’h ui en contact continuel avec la c o m m u
ne, le d é p a r t e m e n t et l ' É t a t , n o n - s e u l e m e n t à raison
des im pôts, m ais à raison des i n n o m b r a b le s e n t r e p r i s e s
de travaux publics, des concessions de m i n e s , des é t a
bl iss em en ts i n s a l u b r e s , des s e rv i tu d e s m i l i t a i r e s , des
c h e m i n s de fer. J ' a b r è g e cette é n u m é r a t i o n .
Q u a n d vous a u r ez appr i s le droit en th é o r ie , il vous
faudra l ' a p p r e n d r e d a n s la p r a t i q u e , ce q u e vous ferez
en f r é q u e n t a n t a s s i d û m e n t les a u d ie n c e s et en s u i v a n t la
m a r c h e des affaires d a n s u n e é t u d e d ' a v o u é . C e tt e d e r
nière occupation p o u r r a vous p a r a î t r e t r è s - p r o s a ï q u e ,
mais c ’est le seul m oyen d ' a p p r e n d r e les affaires.
Vous en serez bien d é d o m m a g é s un jour en vous
t r o u v a n t capables de diriger l’affaire la p lu s c o m p l i q u é e .
La plus h e u r e u s e position d ' u n h o m m e est d ’ê t r e s u
p é r i e u r à sa profession , c ’e s t - à - d i r e d ’en sa voir plu s
q u ’il ne serait r i g o u r e u s e m e n t né c e s s a i r e p o u r l ' e x e r c e r ,
m ê m e avec éclat. T o u t alors lui est facile ; le t e m p s lui
suffit toujours, il n ’a j a m a i s de f a u s s e s d é m a r c h e s à r e
g r e t t e r , et le public, si bon j u g e en t o u t ce qui to u c h e
ses i ntérêts, lui accorde u n e confiance illimitée.
La position de l ' o r a t e u r d o n t parle C i c é r o n é t a i t s a n s
do u t e t r è s - é l e v é e , m ais de nos jo u r s celle de l ’avocat,
p r o fo n d j u r i s c o n s u lt e , a y a n t la p r a t i q u e éclairée des
affaires, a u n e bien a u t r e i m p o r t a n c e , et est à j u s t e titre
e n t o u r é e de la plus g r a n d e con s i d é ra ti o n . N o t r e société
agricole, i n d u s t r i e l l e , c o m m e r ç a n t e , c u l tiv a n t les a r t s ,
p o u s s a n t à l ’excès le goût du lu x e et des c o m m o d i t é s de
la vie, toujours p r ê t e à (enter les p lu s colossales e n t r e
prises, f o r m a n t d ’i m m e n s e s associations, r e m u a n t des
c a p i t a u x é n o r m e s , qui est c o n s t itu é e d ’a illeur s s u r le
principe de l ’égalité d e v a n t la loi, a à d é b a t t r e des i n
té r ê t s plus n o m b r e u x et p l u s co m p li q u é s q u e n ’avait un
p e u p l e l a b o u r e u r et c o n q u é r a n t . Nos a d m ir a b le s lois
sulf ise nt à r é g l e r ces in t é r ê ts ; mais il faut les c o n n a îtr e
à fond et p o u r cela avoir passé to u te sa j e u n e s s e à les
é t u d i e r , ce qui n ’est possible q u ’à ceux qui font d u
d r oit leur profession.
A us si l ’avocat est-il le conseil de to u te s les familles
n o n - s e u l e m e n t d a n s les procès, m ais d a n s to u te s les
affaires i m p o r t a n t e s , et ce n ' e s t pas la m o in s h o n o r a b l e
de ses a t t r ib u t i o n s . Il est le confident, l ’a m i, l ’a n g e
p r o t e c t e u r de ses clients. Q u e d ’occasions de faire le
b ie n , de p r é v e n i r des pr ocès r u i n e u x , de réconcilier des
familles, d ’e m p ê c h e r u n e injustice, de d é t o u r n e r d ’u n e
e n t r e p r i s e h a s a r d e u s e , et d a n s les occasions, où, c o m m e
le p r a t i q u e n t g é n é r a l e m e n t les avocats, c ’est g r a t u i t e
m e n t e t a u x in t é r ê ts des p a u v r e s q u ’ils d o n n e n t leu r s
soins : quelle utile et a b o n d a n t e char it é !
P o u r p r e n d r e ce rôle h o n o r a b l e d a n s le m o n d e , il faut
ê t r e t r è s - i n s t r u i t , c ’e s t - à - d i r e avoir l o n g t e m p s et
s o i g n e u s e m e n t étu d i é . L ’h o n n ê t e t é et le t a l e n t de la
par o le n ’y suffiraient pas.
Il en est de m ê m e d a n s les procès : Q u a n d on a p o u r
c l ient le d e m a n d e u r , on a d ’a b o r d à r é s o u d r e la q u e s tio n
de savoir s ’il f a u t i n t e n t e r l'actio n , q u e s t io n t r è s - g r a v e ,
qui e n g a g e la r e s p o n s a b i lité m o r a l e de l ’a v o c a t; il y a
d a n s tous les cas à diriger l ’affaire et à tenir l ' a u
dience.
C ’est là q ue le ta le n t de la parole a toute son u t i l i t é ;
�10 —
mais ne v o u s y t r o m p e z pas : la p r e m i è r e c ondi ti on p o u r
bien p a r l e r à la b a r r e , c ’e s t de savoir le d r o it, c ’est là
que s ont les v é r itables, les s e u le s re s s o u rc e s . V o u s avez
q uelquef ois e n t e n d u dire d ’un avocat : // ne savait pas
son affaire ; ce qui signifie, il n avait pas assez s o i g n e u
s e m e n t r e c h e r c h é t outes les r e ss o u rc e s q u e le d r oit
pouvait lui offrir. Dieu vous g a r d e de m é r i t e r j a m a i s un
tel r e p ro c h e ! et p o u r cela, faites a m p l e provision de c o n
n a is s a n c e s dès a u j o u r d ’hui ; étudiez. C ' e s t à l ’é t u d e q u e
la j e u n e s s e doit être cons acré e. P l u s ta r d q u a n d vous s e
rez accablés d ’affaires, vous a p p l i q u e r e z les c o n n a i s s a n c e s
q u e vous a u r e z a cqui s es, m ai s vous n ’a u r e z pas le t e m p s
d ' e n a c q u é r i r de nouvelles.
E t P a r t de la parole m ê m e , cr o y e z - v o u s n ' a v o i r rien
à. faire p o u r vous y r e n d r e h a b i l e ? Le ta lent n e suffit
p a s ; le t a lent ne crée pas, ne devine r i e n , il m e t en
œ u v r e ; il faut lui f o u r n i r la m a t i è r e p r e m i è r e , c ’e s t - à dire u n e m asse iné p u i sa b le de faits et d ' i d é e s * on n ’y
par v i e n t q u e par un travail opin iâ tre . C o n n a i s s a n c e a p
profondie des l a n g u e s et des l i t t é r a t u r e s a n c i e n n e et
m o d e r n e , i n s t r u c ti o n des pl u s var i é e s, l e c tu r e a s s i d u e
des g r a n d s écrivains. T o u t ce qui form e le g o û t , éclaire
l ’e s p r i t et élève l ’â m e , est i n d i s p e n s a b l e à l ’o r a t e u r . Ce
n ’est q u ’à ce prix q u ’on a c q u ie r t u n e élocution c o r r e c te ,
simple, facile, a p p r o p r i é e à c h a q u e s u j e t ; q u ' o n r e n
c o n tr e ces h e u r e u x r a p p r o c h e m e n t s qu i ré v e i lle n t l ’a t
t e n t i o n ; q u ’on place avec c o n v e n a n c e et q u ’on m e s u r e
ces m o u v e m e n t s qui p a r t e n t du c œ u r et qui r a v i s s e n t
une assemblée.
Cicéron voulait q u e l ' o r a t e u r eut la science des a r t s
et de toutes les g r a n d e s choses omnium magnarum rerum
et artium. A d é f a u t de quoi, il trouvait la par o l e vide et
p r e s q u e puér ile inancm cl pœne puerilcm.
Vous devez à la sa g e s s e de M. F o r to u l d ’êtr e obligés
d e s u iv r e deu x co u r s ou m o i n s de la F a c u l t é des L e t t r e s .
P l u s i e u r s d ’e n t r e vous sa t is f o n t à peine à cette obligation
d o n t a p p a r e m m e n t ils ne s e n t e n t pas l ’utilité, et n o u s
s o m m e s s o u v e n t forcés, à n o t r e g r a n d r e g r e t , de sévir
c o n t r e celte né g l ig e n c e . J ’a i m e r a is bien m i e u x avoir à
c o n s t a t e r d e v a n t cette bienv e i lla n t e a s s e m b l é e q u e , d é
p a s s a n t les p r e s c r ip ti o n s du r è g l e m e n t , vous suivez
a s s i d û m e n t les cinq c o u r s de la F a c u l t é ; ce s e r a i e n t
dix h e u r e s p a r s e m a i n e a g r é a b l e m e n t et u t i l e m e n t
em p lo y é e s et tout a u t a n t de r e t r a n c h é à ces d é p l o r a b l e s
h a b i t u d e s de c a f é , d o n t , m a l g r é mes c o n s e i l s , vous
n ’avez e n c o r e pu vous se vrer .
Je ne vous par le pas de l ’in s tr u c tio n i n d i s p e n s a b l e à
l'avocat l o r s q u ’il est a r b i t r e ; il r e m plit alors les fonc
tions d é j u g é , et ce q u e je vais dire de la m a g i s t r a t u r e
lui est applicable.
Je vais t â c h e r de vous in d iq u e r les nécessités de cette
no b le carrière.
Q u a n d on parle de la m a g i s t r a t u r e en F r a n c e , il faut
s ’in c li n e r avec respect. S on in t é g r it é , son i n d é p e n d a n c e ,
ses l u m i è r e s , son a m o u r de la ju stice s o n t les s a u v e
g a r d e s de tous n o s i n té r ê ts publics et privés, et s ont,
c o m m e nos lois, l ’u n e des g lo ire s de la F r a n c e . Vous
d o n c qui aspirez à e n t r e r d a n s ce corps r espectabl e ,
travaillez avec a r d e u r à vous en r e n d r e d ignes . U n e i n s
tr u c t io n solide et qui e m b r a s s e toutes les parties d u
d r o it en est la condition p r e m i è r e . J u g e r , c ’est e x e r c e r
u n e portion de la s o u v e r a i n e t é , c ’est dire à son s e m b la b le :
�Ce c h a m p 11c t a p p a r t i e n t p l u s ; celle c r é a n c e , d o n t tu
pou r su i s le p a i e m e n t , est é t e i n t e ; ce t e s t a m e n t qui
t ' e n r i c h i t , je l ’a n n u l e ; ou b i e n ; Je te d éclar e c o u p a b l e
de tel délit, je te prive de ta liberté, de tes dr oits civils
et de c i t o y e n , de ton h o n n e u r ! E t cette décision est
r é p u t é e la vérité, quod judicalum pro verilate habetur; et
p o u r en a s s u r e r l ' e x é c u ti o n , la société p r è l e to u te son
a utor ité , toute sa force m a té r i e lle m ê m e !
11 faudrait, p o u r r e m p l i r d i g n e m e n t de si r e d o u t a b l e s
fonctions, être d ’u n e n a t u r e s u p é r i e u r e , ê t r e infaillible.
Mais p u i s q u e c ’est à no u s p a u v r e s m o r te ls q u ’elles i n
c o m b e n t , à n o u s si encl i ns au d o u t e , si suje ts à l ’e r r e u r ,
faisons effort de t outes nos f acu l tés p o u r a c q u é r i r to u te s
les l u m i è r e s possibles. N oir e probité m ê m e y est in
t é r e s s é e ; celui qui ju g e r a les justi ces n o u s p a r d o n n e r a
l ’e r r e u r involontaire, m ais il ne n o u s p a r d o n n e r a pas
celle qui sera r é s u l té e de n otr e i g n o r a n c e , c a r n o t r e
i g n o r a n c e tient t o u j o u rs à n o t r e p a r e s s e ou à n o t r e
insouc ia nce du devoir. Pesez bien to u t e s ces c o n s i d é r a
tions, j e u n e s gens , vous y t r o u v e re z de n o u v e a u x m otifs
d ’être l abor i eux et d ’a c q u é r i r u n e i n s t r u c t i o n solide.
Vous y tr o u v erez a u s s i les motifs d ’u n e b o n n e c o n
duite. Si l ’avocat doit ê tr e un h o m m e de b i e n , à c o m b i e n
plus forte r a i s o n le m a g i s t r a t . Si l ’un a besoin de d o n n e r
de l ’aut or ité à sa parole, l’a u t r e doit en d o n n e r à ses
actes. Il exerce d ' a i l l e u r s u n e espèce de s a c e r d o c e , et il
est de son devoir étroit de d o n n e r l ’e x e m p l e de t o u t e s
les v e r t u s . 11 n ’e s t p e r s o n n e p a r m i vous q u i n ’e n soit
co n v ai n cu et q ui ne se p r o m e t te d ’êtr e u n h o m m e de
bien ; m ai s c om bien peu r éfléchissent a u x d evoi r s q u e
ce bon d e s se i n l e u r i m pose dès a u j o u r d ’h u i . Le p r e
m i e r p r é c e p te du droit q u ’on m et s u r la m ê m e ligne
q u e le devoir de ne n u i r e à p e r s o n n e et de r e n d r e
à c h a c u n ce qui lui est d û , c ’est de vivre h o n n ê t e m e n t :
Jurisprœceptasurit hœc: honeslèvivere, alterumnonlœdere ,
suum cuir/uc tribucre. C e ux qui se v o u e n t à l ’é t u d e du
droit doivent en p r a t i q u e r les p r é c e p t e s . Or, Messieurs,
e s t-ce vivre h o n n ê t e m e n t ( j e n e m ’a d r e s s e à c h a c u n de
v ous q u e d a n s la m e s u r e de ses t o r ts ; j u g e z - v o u s v o u sm ê m e , et pu is s e le plus g r a n d n o m b r e n ’avoir point de
r e p r o c h e s à se f a i r e ) ; e s t- c e vivre h o n n ê t e m e n t q u e de
ne pas r e m p l ir les devoirs de son état, de vivre d a n s
l ’oisiveté au lieu d ’é t u d i e r , de laisser s ’é t e i n d r e d a n s
son c œ u r to u t s e n t i m e n t relig ie u x , de faire des d é p e n s e s
excessives, de c o n t r a c t e r des dettes s a n s savoir c o m m e n t
on les a c q u i t t e r a , de s ’a d o n n e r au je u , au jeu cette école
de p a r e s s e et d ’i m p r o b i t é ? Vous c o m p lé t e r e z a i s é m e n t
cette triste é n u m é r a t i o n . A p r è s u n e j e u n e s s e passée
d a n s cette d é p l o r a b l e dissipation, il est bien difficile de
d e v e n ir un h o m m e d e bien. On a a lt é r é à son in su son
s e n s m o r a l ; on ne d is tin g u e plus q u e v a g u e m e n t les
limites d u j u s t e et de l ’injuste; on ne devient pas t o u j o u r s
un m a l h o n n ê t e h o m m e ; mais on r e s te s o u v e n t d a n s la
foule des g e n s s a n s convictions, q u i, d a n s les affaires,
n ’e s t i m e n t q u e le succès, et qui, d a n s le u r vie privée, font
l e u r dieu du plaisir. Ce n ’est pas p a r m i de tels h o m m e s
q u e p e u v e n t se r e c r u t e r h o n o r a b l e m e n t le b a r r e a u et la
magistrature.
V ous se n t ez tout cela c o m m e moi, vous avez en c o r e
le c œ u r droit et les b o n s i n s t i n c t s de la j e u n e s s e . Je ne
d o u t e m ê m e pas q u e , p o u r v ous r a s s u r e r , vous ne
fassiez s o u v e n t des projets de r é f o r m e ; mais tous ceux
�U —
qui ont p as sé leur vie e n t i è r e d a n s le d é s o r d r e e n o n t
fait aussi. Ce ne s o n t pas des projets q u e je vo u s d e m a n
de, c ’est u n e r é fo r m e radicale et actuel le, et vous le
pouvez si vous le voulez.
Il ne d é p e n d pas de toi, dit u n a n c ie n p h il o s o p h e ,
d ’ê t r e p l u s é l o q u e n t q u ’un a u t r e , m ais il d é p e n d de toi
d ’être j u s t e , l a b o r i e u x , b i e n f a i s a n t , p i e u x , m o d é r é ,
tempérant.
Oui, M essieurs, Dieu a mis d a n s nos c œ u r s le g e r m e
de t outes les v e r t u s , il d é p e n d de n o u s de les p r a t i q u e r .
U n e c o n d u i t e i r r é p r o c h a b l e vous r e n d r a p l u s facile
l ’accès de votr e c a r r i è r e et vous y a s s u r e r a d e s su c c è s .
E t q u a n d vous a u r e z plus d ' e x p é r i e n c e de ce m o n d e et
des m isères de la vie, vous ne c h e r c h e r e z le b o n h e u r ou
d u m oins des consolations q u e d a n s la v e r t u , l ’e s t im e
des h o n n ê t e s g e n s et votre p r o p r e e s tim e .
R a p p o r t d e 11. le D o y e n «le la F a c u l t é
d e T h é o lo g ie .
Monseigneur , Messieurs ,
Dans la position qui est faite a u x facultés de th é ologie,
l e u r d e m a n d e r un r a p p o r t s u r l e u r s e x a m e n s , l e u r s g r a
des, c ’est faire de nos j e u n e s p r ê t r e s un éloge q u e n o u s
savons a p p r é c i e r . On s u p p o s e do n c q u e , b i e n q u ’il n ’v
ait pour e u x a u c u n e obligation de s u b i r nos é p r e u v e s ,
elles n o u s so n t c e p e n d a n t d e m a n d é e s . N ous s o m m e s bien
aise q u e cette belle c o n d u ite , q u ’on ne voit p o int ailleurs,
soit r e m a r q u é e , m a is elle ne n o u s é t o n n e pas. C ’est u n
devoir sa cré p o u r le p r ê t r e d ’être i n s tr u it, et d e v a n t cette
p e n s é e , tous les ob s t a c le s s o n t s u r m o n t é s ; ni le travail,
ni les sa crif ices, ni les d ist an c es ne les a r r ê t e n t . P l u s i e u r s
d e m a n d e s n o u s s o n t v e n u e s de T o u l o u s e , et l ’on n ’a pas
oublié q u e le cler gé de P a r is n o u s a envoyé, il y a q u e l q u e
t e m p s , un de ses m e m b r e s les p l u s d i s t i n g u é s .
L ’a n n é e qui vient de s ’é couler n o u s a offert a u s s j
q u e l q u e s - u n s de ces b r a v e s , qui font leur devoir s a n s
r e g a r d e r d e v a n t eux ; et, si d a n s nos d e u x d e r n i è r e s s e s
sions , tous n ’o n t pas eu les m ê m e s succès, n o u s av o n s
t r o u v é d a n s tous l a m o u r de l ’é t u d e et des tr a v a u x qui
les h o n o r e n t . Un de nos licenciés n o u s é t a i t c o n n u p a r
son t a l e n t d ’écrivain, p a r sa ré p u t a t i o n d ’o r a t e u r c h r é t i e n ,
et n o u s n ’avons pas été s u r p r i s de lui voir c o n q u é r i r
h o n o r a b l e m e n t son g r a d e . La m a n i è r e s u p é r i e u r e avec
laq u ell e u n j e u n e p r ê t r e a o b t e n u le g r a d e de ba c h e lie r ,
d o i t a u s s i êtr e sig n a lé e. Ce c a n d i d a t qui, d a n s son e x a m e n
c o m m e d a n s sa thèse, a m ér i te la m e n t i o n très-bien, est
M. l ' a b b é C u i s s a r d , vicaire à S a i n t - M a x i m i n . N o u s d e
vons d e s r e m e r c î m c n t s au diocèse de F r é j u s : ce n ’e s t
p a s le p r e m i e r sujet d ’élite q ui n o u s vient en son n o m .
De g r a v e s q u e s t i o n s o n t fait la m a tiè r e de nos cours.
D a n s la partie dogmatirjue, n o u s avons c o m m e n c é l ’e x
position des g r a n d e u r s de la religion c h r é t i e n n e , sujet
bien d ig n e d ’êtr e c o n s i d é r é p a r les h o m m e s , do n t tous
les b i e n s et toute la gloire, d a n s le m o n d e , se r é s u m e n t
e n d e u x ou trois lettre s q u ’on se hâte de g r a v e r s u r la
to m b e des p l u s favorisés, p o u r r a p p e l e r a u x p a s s a n t s
�/
oublieux q u e ces g r a n d s , ces i ll u s t r e s o nt existé. L a Cité
de Dieu est p lu s riche p o u r les sie n s, p lu s m a g n i f iq u e .
Chez elle, l e s b i e n s , les g r a n d e u r s s ’é l è v e n t p lu s h a u t q u e
l ’a m b i t i o n , q u e tous les d é s i r s , et tout cela est i m m o r t e l .
Aussi, c ' e s t de ce côté q u e se t o u r n e n t les g r a n d e s
â m e s ; la sa gess e a n t i q u e est délaissée p a r ses p l u s n o
bles r e p r é s e n t a n t s ; et f e r m a n t ses livres vides de la vraie
science, les J u s t i n , l e s O r i g è n e , les A r n o b e , les A u g u s t i n ,
d e v e n u s les disciples de l ’É v a n g ile , n e v e u l e n t p l u s vivre
q u e d a n s son admirable lumière, c o m m e saint P i e r r e le l e u r
a dit. Ce t r i o m p h e de la science é v a n g é l i q u e e s t u n e des
g r a n d e u r s de la religion c h r é t i e n n e , et il f au t la n o t e r .
Il n ’est pas c o m m u n de faire de q u e l q u e s b a te li e r s i g n o
r a n t s les l u m i è r e s d u m o n d e , et n o u s les m o n t r e r suivis
avec u n e a d m i r a t i o n s a n s e x e m p l e par la p lu s h a u t e
science et les pl u s b e a u x génies.
L a science et le génie n e se s o n t point r e p e n t i s d ’avoir
été dociles. La doc t r i n e des p é c h e u r s a fait des s a i n ts de
ces habiles et de ces sa v a n t s ; et c ’est alo r s q u ’ils on t été
v r a i m e n t g r a n d s , car a u x y e u x de tous la s a i n te té e s t la
vraie g r a n d e u r , la reine de t o u t e s les g l o i re s. Du m o i n s ,
je vois q u e l ’e m p i r e q u ’elle exe r c e est tel q u e t o u t ce q u e
le m o n d e estim e et v é n è r e le p l u s se s e n t é m u ou se
p r o s t e r n e d e v a n t elle. Ainsi, le p r é f e t r o m a i n , e n v i r o n n é
de to u t l ’appareil de la t y r a n n i e , s ’avoue vaincu p a r sa i nt
Basile qui n ’est fort q u e de ses v e r t u s ; Attila a b a i s s e
d e v a n t s a i n t Léon cette épée qui v ient de t u e r t a n t de
r o y a u m e s ; T h é o d o s e est a u x pieds de s a i n t A m b r o i s e ; et
p o u r faire voir q u e cet a s c e n d a n t n e s ’use p o in t p a r les
siècles qu i u s e n t tout, la P r o v i d e n c e e nvoie de n o s j o u r s
à Borne le plus p u i s s a n t p r ince de ) E u r o p e b a i s e r,
m a l g r é ses e r r e u r s et scs p r é j u g é s , la pouss ière du t o m
b e a u d ’un pa u v r e p é c h e u r .
Bien d ’a u t r e s g r a n d e u r s on t été e x a m i n é e s , d ’a u t r e s
le s e r o n t cette a n n é e , je ne n o m m e q u e la science et la
s a i n te té . A u j o u r d ’hui, cela suffît p o u r la gloire de la
religion c h r é t i e n n e .
D a n s ses é t u d e s s u r les m o y e n s de r éhabil ita tion de
l ’h o m m e t o m b é , le p r o f e s s e u r de morale a dù r é s o u d r e
les q u e s t io n s qui i n t é r e s s e n t le plu s l ’h u m a n i t é , le vrai
p h i l o s o p h e n t le politique habile. De cette c h u t e f u n e ste
s o n t sor tis tous les m a u x de l ’h o m m e , tous les m a l h e u r s
de la société. Il est donc bien i m p o r t a n t de t r o u v e r les
m o y e n s qui n o u s s o n t offerts p o u r so r tir de cet état si
d é p l o r a b l e , p o u r r e c o u v r e r l ’a m o u r de Dieu, et avec lui,
les b ie n s et la gloire q u e le péché n ous a ravis.
La volonté seule ne s a u r a i t a r r i v e r à ces g r a n d s
r é s u lt a ts ; il n o u s faut la grâce. De là la n éces sité des s a
c r e m e n t s , ces g r a n d s r é p a r a t e u r s n é s de la divine i m m o
lation du C a lva ir e, q u e l ’a p ô t r e ravi d ’a d m i r a t io n crie à
t r a v e r s le m o n d e avec ces p ar oles qui élè v e n t si h a u t
l ’h o m m e t o m b é : Sic Deus dilexit inundum ; et il se ra dit
q u e n o u s n ’avons ja m a i s été plus g r a n d s , p ar ce qu 'il n o u s
était im p o ss ib le d ’ê t r e plus a i m é s .
C e t a m o u r a été c o m p r i s : la n a t u r e h u m a i n e a t r e s
sailli au s o u v e n i r de ce q u ' e l l e a coûté ; et l ’on voit a p
p a r a î t r e ces â m e s de f eu, ces c œ u r s q u e l ’a m o u r c o n s u m e
et q u i c r o i e n t n ’avoir ja m a i s fait a s s e z ; lutte s u b l i m e
d o n t le m o n d e n ’avait pas l ’idée, d e v a n t laquelle le p a
g a n i s m e é t o n n é s ’écrie : « Q u e l l e est do n c cette no u v elle
es pèce d ’h o m m e s ! » L à , tous ces traits si b e a u x e t si
t o u c h a n t s qui p o r t e n t si h a u t la foi qui les i n s p i r e et
�!S
qui dise n t si bien à l ' h o m m e ce q u ' i l est et ce q u ’il doit
être.
C ’est un g r a n d pri n c i p e en morale, q u ’il faut a p p r e n d r e
aux h o m m e s à s ’e s t i m e r , pa r c e q u ' a l o r s ils se r e s p e c t e n t
et r e s p e c t e n t leurs s e m b l a b le s , et l ’on a é p a r g n é à la
société bien des c r i m e s et bien des m a u x . Si cela e s t
vrai, c'est un bel h o m m a g e r e n d u à l ' É g l i s e , la p l u s
g r a n d e école de respect q u i soit a u m o n d e ( ces p a r o l e s
s ont de M. G u iz o t ) , et l’on voit dès lors ce q u e l ’on p e u t
en a t t e n d r e . C o m m e n t voulez-vous être traité? d e m a n d e
A l e x a n d r e à un roi v aincu : en roi, r é p o n d le b a r b a r e .
(Jette r é p o n s e , on la trouve s u b l i m e ; m ais l ’E g lis e n o u s
r e c o m m a n d e plus é l o q u e m m e n t e n c o r e , q u a n d elle v e u t
q u ’on n o u s traite en e n f a n t s de Dieu.
Le p r o fe s s e u r d 'écriture sainlc a eu p lu s d ’u n e fois
occasion de faire r e m a r q u e r , d a n s ses no u v el les e x p l i
cations de la Genèse, cette vérité i m p o r t a n t e : D a n s l ’é t u d e
d u m o n d e p h y s i q u e , c o m m e d a n s l ’é t u d e du m o n d e m o
ral, il faut lire les Livres sa ints. El telle est la conviction
de la science profonde. A r r ê t é e t o u t c o u r t d e v a n t un g r a i n
de sable, elle convient q u ’elle ne s a u r a i t e x p l i q u e r l ’u n i
ver s. Voyez l ’orgueil qui p e n s e q u e rien n ’é c h a p p e à son
g é n i e ! son c h â t i m e n t est t e r r i b l e , et un m o t suffit: E h
bien ! faites , dit celui s a n s lequel on ne sait rien ; et ce
m aît re s a n s science, souillé de to u te s les e r r e u r s , fait
pitié, q u a n d il n ’é p o u v a n t e pas. C ’est l ’o r i g in e d u p a g a
n i s m e avec ses c r im e s et ses folies: Dieu b a n n i , l ' h o m m e
m é c o n n u , et le m o n d e s a n s lois, s a n s m œ u r s , s a n s bo n
sens.
P a s loin de n o u s , on a vu un p e u p l e q u i , à force d e
p r o g r è s , était d e v e n u p a y e n . Ce t u n iv e r s q u i fait voir à
19 —
c h a q u e pas l ’e m p r e i n t e d ’u n e s a g e s s e infinie, n ’est p o u r
lui q u ’un effet s a n s c a u s e , un édifice s a n s f o n d e m e n t,
r e p r o d u i s a n t ainsi ces i g n o r a n t s I n d i e n s avec le u r élé
p h a n t p o r t a n t le m o n d e , et d é d a i g n a n t de r é p o n d r e q u a n d
on leu r d e m a n d e s u r quoi ils font r e p o s e r l ’é l é p h a n t .
A u s s i, 1 h i s t o i r e , qui a ses f l é t r i s s u r e s et ses gib et s,
m o n t r e r a a u x g é n é r a t i o n s à venir le p e u p l e le plu s poli,
le p lu s s a v a n t, le plus respecté de l ’u n i v e r s , t e l l e m e n t
d é c h u , t e l le m e n t d é g r a d é , qu il a été a m e n é à faire
l ’a p o t h é o s e du vice et de l ’im p ié té qu i l ’avait avili.
A p r è s avoir fait l ’histoire du concile de Bâle, et d o n n é
u n e ju ste ap p r é c ia t io n de ses vues et de ses tr a v a u x , le
p r o f e s s e u r d'hisloire e t de discipline ecclésiastiques s ’e s t
occ u p é de l ’origine des co n c o r d a t s et de l ’e x p lic a tio n du
c o n c o r d a t de F r a n ç o i s Ier et de L éon X. D a n s l ’e x a m e n
de ces q u e s t i o n s , on aime à voir les p r i n c e s , si l o n g t e m p s
hosti les à l ’É glis e, venir lui d e m a n d e r l ’h o n n e u r de la
se r v i r d a n s sa divine m iss ion. S a n s d o u te , elle qui s ’est
établie m a l g r é les e m p e r e u r s , et qui ne les a r eçu s q u e
p a r g r âce, c o m m e pa r l e saint A m b r o i s e , avec des p a r o le s
q u ’on a p p e l l e r a i t a u j o u r d ’hui h a u t a i n e s , n ’a pas b e
soin de l e u r s faibles s e c o u rs ; m a is elle a i m e à h o n o r e r
c e u x qui s ’h o n o r e n t en t r a v a illa n t p o u r le r o y a u m e de
Dieu ; et le b e a u no m d ’é v êq u es d u d e h o r s , d o n n é p u x
rois, à ca u s e de le u r zèle e t d e le u r s services, s e r a p o u r
e u x la plu s n oble r é c o m p e n s e , la plus d i g n e d ’e u x .
M a lg ré c e r ta i n s e s p r i t s c h a g r i n s , qui o n t p r e s q u e des
b l â m e s p o u r les s o u v e r a i n s p o n t i f e s , a c c e p t a n t p o u r
q u e l q u e s g r a n d s bénéfices, p o u r l ’épis c o p a t les suje ts
qui leur s o n t p r é s e n t é s p a r les rois, on p e u t dire q u e les
r o y a u m e s qui ont été l ’objet de cette c o n d e s c e n d a n c e
�—
«20
—
n ' o n t pas eu à s ' e n pl a in d r e ; n o t r e F r a n c e en p a r t i c u l ie r ,
fière ne son épis copat, a béni le choix de ses p r i n c e s , et
l ’église d ’A i x . a u m o m e n t où je parle, n ’a q u e des a c ti o n s
de gr âces p o u r la m ain a u g u s t e qui a su si bien r é p a r e r
une g r a n d e p e r t e réc e n t e .
Le p r o f e s s e u r d éloquence sacrée et de langue hébraïque,
qui avait a n n o n c é des é t u d e s de l a n g u e c o m p a r é e s u r
l ' h é b r e u et les a u t r e s l a n g u e s s é m i t i q u e s , a bien r e m p li
son p r o g r a m m e .
L ’H om élie et les b e a u x m odèles q u ’elle a i n s p i r é s a u x
p èr es de l ’Eglise lui ont offert, p o u r l ’é l o q u e n c e s a c r é e ,
un c h a m p riche, i n é p u i s a b le ; car nos s a i n t s d o c t e u r s
s a v a ie n t fout. T r a n s f u g e s du p a g a n i s m e , ils a v a i e n t
brillé d a n s les chair es les pl u s cé l è b r e s par l e u r sa voir
et leur é loquence. La s e n s a t i o n q u ’ils a v a i e n t p r o d u i te à
A t h è n e s , à C a r t h a g e , à A l e x a n d r i e , à Milan, à R o m e ,
n ’est i g n o r é e de p e r s o n n e . Or, ces b e a u x t a l e n t s , r é
h au s sés , a g r a n d i s p a r la foi nou v el le, qui ajoute la s a i n
teté au génie, dev ai en t faire e n t e n d r e au m o n d e u n e
é lo q u e n c e i n c o n n u e .
C hose r e m a r q u a b l e , celte é l o q u e n c e ne se t r o u v e p oint
en d e h o r s de n otr e foi c h r é t i e n n e . O n a u r a de b e a u x
discours, toujours avec ces grands creux q u e r e m a r q u e
B o s s u e t d a n s les œ u v r e s des h o m m e s , m ais j a m a i s le
s u b l i m e c h r é ti e n . Le ciseau de P r a x i tè le a s u é s u r le
m a r b r e , il en est sorti u n e œ u v r e a d m i r a b l e ; m a i s l ’i n s
p iration céleste a m a n q u é au g é n i e , et les d ie u x du P a r t h é n o n n ’o n t rien du ciel.
U n l i t t é r a t e u r h a b i l e , ancien m i n i s t r e d e l ’i n s t r u c t i o n
p u b l i q u e , c o m p a r a n t B o s s u e t à P i n d a r e , a d m i r a i t la
poésie de n o t r e g r a n d é vêque; n o u s s o m m e s de son avis.
S e u l e m e n t no u s a u r i o n s voulu q u ’il nous dit q u e B ossuet
était p l u s g r a n d poète, parce qu'il s ’était in s p ir é des
p r o p h è t e s et q u ’il était, p r o f o n d é m e n t c h r é t i e n .
C e tt e vérité, n o u s la r e c o m m a n d o n s c o m m e u n e leçon
p r o fo n d e a u x élèves s t u d i e u x qui on t le noble d é s ir de
se d i s t i n g u e r p a r l e u r s p r o g r è s d a n s la science.
C e t t e vérité vous dir a, M e ss ie urs , q u e la religion est
l ’am ie du g é n i e , q u e c ’est à elle q u ’il doit ses plus belles
i n s p i r a t i o n s et ses é la n s les p l u s s u b l i m e s , et q u ’en lui
s i g n a l a n t les e r r e u r s qui le d é c o n s i d è r e n t , en lui a p p r e
n a n t à t r i o m p h e r des pas sio n s qui l ’a viliss ent, elle 1 ho
n o r e et l ’a g r a n d i t .
Elle aime les sciences; a u c u n roi, a u c u n e m p i r e ne les
a t r a i té e s plu s n o b l e m e n t , ne l e u r a r e n d u d ’aussi g r a n d s
s e r v i c e s ; vous en savez la raison : c ' e s t q u ’elles e n n o
b li s s e n t l ’h o m m e , i l l u s t r e n t les n a t i o n s , l e u r o f f r e n t plus
de m o y e n s de la c o n n a î t r e ; et c ’est là sa gloire ; car plus
on la c o n n a ît , et p l u s on l ’a d m i r e , et p l u s on l' a i m e ,
c o m m e vous le dit ce m a g n if iq u e c o r tè g e qui 1 e n v i r o n n e
d a n s tous les siècles, où les ph il o so p h es les p l u s cé l è b r e s ,
les sa v a n t s les plus p r o fo n d s , les g é n i e s le9 p lus s u b l i m e s
a i m e n t à b é n i r son influence, e t à lui faire h o m m a g e de
le u r s c h e f s - d ’œ u v r e et de l e u r r e n o m m é e .
R e te n e z u n e place p a r m i ces il l u s t r a t i o n s , M e s s ie u r s ,
et vous lui ferez p l a is ir ; car elle est p o u r vous a m b i
tieuse , mais a m b i t i e u s e de la b o n n e s o r t e , c o m m e p a r le
B o s s u e t . E ll e v e u t q u e vous soyez g r a n d s ; m a is elle vous
p r é v i e n t q u e le vrai m o y e n d ’ê t r e g r a n d s p a r m i les
h o m m e s , c ’est de l ’êtr e d e v a n t Dieu. Ce n ’est pas as sez
de c h e r c h e r la gloire, il faut la bien pla c e r , c ’e s t C icéron
q u i vous le d i t : Gloria et quœrenda, cl coUocanda ratione
�_ »
est. Vous savez le mot d u g u e r r i e r illustre q u i reçoit s u r
son lit de m o r t le bâton de m a r é c h a l , ne l ’ou b li ez p a s , ce
m o t v o u s dira où se t r ouve la véritable gloire. E lle savait
aussi où elle se trouve, cette m è r e h é r o ï q u e q ui d i s a it à
son fils, a l l a n t au m a r t y r e : O mon fils, regarde le ciel !
C ’est ainsi q u e l ’on parle a ux j e u n e s g e n s q u a n d on les
ai m e . E h bien ! n ous la d é p o s o n s d a n s votre c œ u r cette
parole ; q u e l l e vous suive p a r t o u t ; é c o u t e z - l a , et s o u v e
nez- v o u s q u e vous n ’e n t e n d r e z j a m a i s rien d ’a u s si utile,
rien qui vous soit plus glo r ie u x .
R a p p o r t «le 11. le D o y e n «le la F a c u l t é
«le D r o it.
Messieurs .
L ’i n a u g u r a t i o n de c h a q u e a n n é e scolaire d e v a n t être
p r écédée, c o m m e vous le savez, d ' u n c o m p t e r e n d u s u r
les t r a v a u x de la F a c u l t é de D r o i t, l ’état de ses é t u d e s
et le r é s u l t a t des é p r e u v e s s o u t e n u e s d e v a n t elle, d a n s
le c o u r a n t de celle qui vient de finir, j ’ai à vous p r é s e n
ter le ta b le a u de n o tr e s i tuation, à ces différents point s
de v u e .
L e s m a t i è r e s qui font l ’objet de l ’e n s e i g n e m e n t j u r i
di q u e é t a n t fixées p a r les r è g l e m e n t s u n i v e r s i ta i r e s et
n ’a y a n t d ’a u t r e s modifications à s u b i r q u e c e l l e s a m e n é e s
p a r des i n n o v a t i o n s législatives, les p r o f e s s e u r s on t u n e
r ègle de con d u it e bien s im ple à suivr e et à laquelle ils
se co n f o r m e n t e x a c t e m e n t , en ayant soin de m e t t r e l e u r
d o c t r i n e en parfaite h a r m o n i e avec les textes , les c h a n
g e m e n t s qui s o n t s u r v e n u s et la saine i n t e r p r é t a t i o n
q u ' e n a faite la j u r i s p r u d e n c e .
A u s s i, m ’a b s t i e n d r a i - j e de tout détail au s u j e t des
divers co u r s qui s o n t o b l igatoires , et me c o n te n te r a i- je
de dire, à la l o u a n g e des p r o f e s s e u r s , q u ’ils y a p p o r t e n t
tous u n e e xacti tude r i g o u r e u s e , un zèle et un d é v o u e m e n t
s a n s b o r n e s , cha c u n d ’eux s ’a c q u i t t a n t c o n s c i e n c i e u s e
m e n t de la tâche qui lui est im posée .
Q u a n t à l ’état de nos é t u d e s , p o u r c o n n a î t r e le
vér i ta b le niveau q u ’elles o n t a tte i n t et j u g e r de leu r
force relative, il sera essentiel de les c o m p a r e r à celles
de l ’a n n é e p r é c é d e n t e ; m ais, c o m m e je ne dois vous
la is s e r r ie n i g n o r e r de ce qui se r a t t a c h e à la p r o s p é r i t é
de n o tr e école, p e r m e t t e z - m o i de vo u s s i g n a l e r a v a n t
tout u n e c i r c o n s t a n c e bien p r o p r e à n o u s r a s s u r e r s u r
s o n b i e n - ê t r e a v e n ir : Je veu x p a r l e r du n o m b r e to u jo u rs
s a t i s f a i s a n t des élèves qui la f r é q u e n t e n t et d a n s lequel
v o u s allez r e m a r q u e r u n e a u g m e n t a t i o n as sez n o
ta b l e .
E n effet, les insc riptions prises en 1 8 5 5 - 1 8 5 6 a r
r i v a i e n t s e u l e m e n t au chiffre de 7 0 6 , ta n d is q u e celles
de la d e r n i è r e a n n é e scolaire se s o n t élevées à 7 69, ce
q u i d o n n e u n e différence en plus de 63.
U n e des prin ci p ales c a u s e s de cette a u g m e n t a t i o n
nouvelle, qui m ’en fait p r é s a g e r u n e plu s g r a n d e en c o r e
est s a n s d o u te le d é s a p p o i n t e m e n t d a n s lequel o n t été la
p l u p a r t des familles d o n t les e n f a n t s a v a ie n t a b a n d o n n é
la c u l t u r e des le t tre s p o u r celle des s c i e n c e s , d a n s
l ’e s p o ir q u e ces d e r n i è r e s l e u r o u v r ir a ie n t un accès
�— 24 —
plus facile a une foule de c a r r i è r e s au s s i h o n o r a b l e s et
s u r t o u t plus lucratives.
Mais, c o m m e peu d ' a n n é e s o n t suffi p o u r d i s s i p e r
l eu r illusion, n o u s n o u s pl ai sons à c roire q u e l ’i m p o r
tance réelle des é t u d e s j u r i d i q u e s é t a n t m i e u x c o m p r i s e
et a p p r é c i é e , tout r e n t r e r a bien tô t d a n s son é t a t n o r
m al.
Le n o m b r e des e x a m e n s et actes publics a d ù , par
la m ê m e ra i so n , n a t u r e l l e m e n t s ’accroître, et il a d é
liassé de b e a u c o u p le chiffre des p r é c é d e n t s , p u i s q u ’il y
en a eu 3 2 0 , au lieu de 2GS q u ’on en c o m p t a i t l ’a n n é e
a n t é r i e u r e , ce qui porte en c o r e la différence en p l u s à 6 2 .
Voici à quelles catégories d ’élèves a p p a r t e n a i e n t c e u x
qui o n t été a d m i s à ces d i ver ses é p r e u v e s :
11 s ’é t a i e n t i nscrits p o u r l ’e x a m e n de capacité ;
6 8 p o u r le p r e m i e r de b a c h e l ie r ;
5 6 p o u r le d e u x i è m e ;
5 5 p o u r le p r e m i e r de licence ;
60 p o u r le second ;
66 p o u r l'acte public.
L es a s p i r a n t s au doctorat é t a i e n t s e u l e m e n t a u n o m b r e
de q u a t r e , do n t d e u x se p r é s e n t a i e n t p o u r le p r e m i e r
e x a m e n ; u n , p o u r le d e u x i è m e , et le d e r n i e r , p o u r la
t hès e.
La F a c u l t é a délivré 9 certificats de c a pacité, et c o n f éré
5 3 d ip l ô m e s de b a c h e l i e r ; 6 4 , de licencié et i de
docteur.
S u r les 3 2 0 c a n d i d a t s insc rits p o u r ces differents
g e n r e s d ’é p r e u v e s , 2 4 o n t été a j o u r n é s et 2 0 j u g é s
di g n e s d ’éloges ; 2 2 0 a u t r e s , s a n s o b t e n i r u n e r é c e p t i o n
aus si h o n o r a b l e , ont r é p o n d u c e p e n d a n t de m a n i è r e à
25 —
m é r i t e r l ' u n a n i m i t é des suffrages, et 36 s e u l e m e n t on t
vu l e u r a d m is s io n te r n i e p a r u n e bo u l e noire.
Ces r é s u l t a t s ne d if fèr ent pas b e a u c o u p d a n s l e u r
e n s e m b l e de ceux de l ’a u t r e a n n é e s c o l a i r e , où l ’on
c o m p t a i t 6 2 c a n d i d a t s de m o i n s ; car , si les i n s u c c è s ,
qu i s ’é t a ie n t alors r é d u its à 12 , o n t a t t e i n t cette fois la
p r o p o r t i o n du dou b l e , ils sont a m p l e m e n t c o n t r e b a l a n c é s
p a r se pt réceptions avec éloge et 39 avec des s u f f ra g e s
u n a n i m e s de p lus, à quoi il faut ajo u ter u n e d i m i n u t io n
de 10 d a n s celles a c c o m p a g n é e s d ’u n e boule n o i r e ;
de sorte q u e les 20 a d m i s s i o n s à b o u l e s to u te s b l a n c h e s ,
d ’u n e par t, et les 2 2 0 é g a l e m e n t sa tis f a isa n te s , de l ' a u
tre, a t t e s te r a i e n t s u f f i s a m m e n t q u e nos é t u d e s o n t suivi
u n e m a r c h e pr ogres sive, plutôt q u e de d e s c e n d r e à u n
niv e a u in f é r ie u r .
Ce qu i le justifierait a u besoin, c ’est q u ’a u n o m b r e
d e s échecs s i g n a lé s ci-dessus, et d o n t le total est de 2 4 ,
1 2 ont été e n c o u r u s p a r des élèves de p r e m i è r e a n n é e
s u r 6 8 , d ’e n t r ’e u x , ta n d is q u ’on n ’en tr o u v e q u e 5 p a r m i
c e u x de la d e u x i è m e qui étaient 6 7 , en y c o m p r e n a n t
les é t u d i a n t s en capacité; 6, s u r -181 p r e m i è r e s é p r e u v e s
s o u t e n u e s p a r des a s p i r a n t s à la licence, et u n , p o u r le
p r e m i e r e x a m e n de doctorat.
H â t o n s - n o u s d ’ajo u ter q u ’en trois ièm e a n n é e , où u n
seul éloge avait été o b t e n u a u p a r a v a n t , à l ’occasion
d ’u n e thès e, il y en a eu 10 de p lus d a n s le c o u r a n t de
celle qui vie n t de s ’é c o u l e r , et q u ’un acte public de
doctorat a été j u g é dig n e de la m ô m e distinction.
P o u r ac h e v e r de d é m o n t r e r j u s q u ’à qu e l p o i n t ces
suc cès n o u s p e r m e t t e n t d ’en e s p é r e r d ’a u t r e s et d ’a u
g u r e r f a v o r a b l e m e n t des g é n é r e u x efforts de nos élèves,
3.
�il me suffira de faire r e m a r q u e r qu e , d a n s les divers
concours o uver ts à l eu r é m u l a t i o n , il n ’est a u c u n e p a l m e
qui n ' a i t été c h a l e u r e u s e m e n t d i s p u t é e , et q u ’à la diffé
rence de l ’a n n é e p r é c é d e n t e , où u n seul p r i x , a c c o m p a g n é
d ’u n e m e n t i o n h o n o r a b l e , f u t o b t e n u par u n a s p i r a n t à la
licence, cinq de ces d e r n i è r e s distinctions o n t é té d é
c e r n é e s p a r la F a c u l t é , i n d é p e n d a m m e n t de q u a t r e
médailles accordées à d e u x a u t r e s p o u r les p r e m i e r s
et les seconds pr ix de droit r o m a i n et de d r o i t f r a n
çais.
L es bons e x e m p le s p a r eux d o n n é s , de v a n t se rvir d ’e n
c o u r a g e m e n t à tous ceux qui s e r a i e n t ja lo u x de m a r c h e r
s u r leurs traces, b â t o n s - n o u s d ’i m p r i m e r à l e u r s succès
le relief q u ’ils doivent avoir, en p r o c l a m a n t ici l e u r s
n o m s q ue chacun de vous, Me ss ie urs , e s t s a n s d o u t e
im pat i ent de connaître.
E n pr e m i è re ligne, v i e n n e n t se p l a c e r MM. M a n g e et
C ontenc in, to u s d e u x l a u r é a t s de tr o is iè m e a n n é e , et
M. O r a b o n a , qui ont eu le r a re a v a n t a g e d ’ê t r e a d m i s à
t outes l eu r s é p r euves avec éloge, c ’e s t - à - d i r e à b o u le s
t o u t e s b lanches .
Au d e u x i è m e r a n g , f i g u r e n t d ’u n e m a n i è r e é g a l e m e n t
h o n o r a b l e MM. Bellissen, P o rt a i et P o u l i e , q u i o n t o b
t e n u p l u s i e u r s m e n t i o n s d a n s les c o n c o u r s , et d o n t les
adm iss ions a u x e x a m e n s o n t g é n é r a l e m e n t eu lieu avec
des boules bl a n c h e s en majorité.
E n d e u x i è m e a n n é e , se s o n t a u s s i d i s t i n g u é s , p a r m i
les élèves c o m p o s a n t l'élite de n o tr e j e u n e s s e s t u d i e u s e ,
MM. Milanta, S o u b r a t , R i g a u d , Delueil et P o n t i e r ; et en
p r e m i è r e a n n é e , MM. M a u rel, S il b e r t , D u m a y e t E s t o r ,
qui, d ’a p r è s l e u r m ér ite relatif, on t o b t e n u d e s d i s t i n c
tions plu s ou moins b a t t e u s e s , en r é m u n é r a t i o n de leurs
lo u a b l e s efforts.
A côté de ce t a b le a u sa tis f aisan t de la m a r c h e de n o s
é t u d e s , je l ’avoue à r e g r e t p o u r c eux a u x q u e l s je suis
forcé de faire a ll usion, vient m a l h e u r e u s e m e n t r e s s o r t i r
u n e s o m b r e et f âcheuse n u a n c e e n t r e la g é n é r a l i t é des
é p r e u v e s s o u t e n u e s en p r e m i è r e a n n é e e t celles s u b i e s
p a r les élèves a p p a r t e n a n t a u x d e u x a u t r e s . Voici q u el s
o n t été , en effet, les r é s u l ta ts p l u s q u e m é d io c r e s des
a s p i r a n t s a u p r e m i e r e x a m e n d u ba c c a la u r é a t.
S u r 68 d ’e n t r ’e u x , d e u x s e u l e m e n t o n t é té j u g é s
d i g n e s d ’u n e a d m i s s i o n à bo u l e s b l a n c h e s , et 3 7 , de
suffrages u n a n i m e s ; 17 a u t r e s n ’o n t e u q u e la m a j o r ité
s i m p l e , e t 12 o n t é c h o u é c o m p l è t e m e n t .
P o u r q u o i f aut-il q u ’a u lieu d ’avoir à l e u r p r o d i g u e r
des éloges c o m m u n s à c e u x des d e u x a u t r e s a n n é e s et à
p a r t a g e r avec e u x la satisfaction qu i a c c o m p a g n e le
suc cès et les r é c o m p e n s e s bien m é r i té e s , u n e i m p é r i e u s e
né c e s sité , celle de l ’a c c o m p l i s s e m e n t d u devoir, m ’oblige
à r a p p e l e r e n c o r e ici les n o m b r e u x échecs p a r e u x e n
c o u r u s et q ui o n t p r o f o n d é m e n t affligé les p r o f e s s e u r s
a u t a n t q u e le u r s f a m i l l e s ?
Q u e l q u e d u r e q u e soit cette v é r ité , il faut c e p e n d a n t
o s e r la dire, n e f ù t - c e q u e p o u r p r é v e n i r le r e t o u r d u
r e l â c h e m e n t d a n s les é t u d e s q u i s ' e s t m a n i f e s t é p r é c i s é
m e n t p a r m i c eux de la p a r t de qui on devait n a t u r e l l e
m e n t a t t e n d r e p l u s d ’a m o u r d u travail, d o n t ils éta i e n t
c e n s é s n ’avoir pas p e r d u l ’h a b i t u d e , et p l u s de d é s ir de
s ’i n s t r u i r e , p u i s q u ’ils a b o r d a i e n t u n n o u v e a u g e n r e
d ’é t u d e s et de c o n n a i s s a n c e s a u x q u e l l e s ils ne p o uvaient
ê t r e initiés q u e p a r la par o l e d u m aître .
�— 28 —
Mais m a l h e u r e u s e m e n t il n ’e n a pas été a i n s i , et
ceux-là m ê m e , à qui u n e intelligence p e u c o m m u n e
p rom etta it des succès p r e s q u e certains, ont s e m b l é v o u
loir renier les dons q u ’ils av a i e n t reçus d u Ciel, plutôt
que de les em p lo y er au d é v e l o p p e m e n t de l e u r in s t r u c
tion, en vivant d ans l'indifférence la p lus c o m p l è t e pour
le travail et en s ’a b a n d o n n a n t à ce d é p l o r a b l e d é s œ u
v r e m e n t , p r é c u r s e u r infaillible du dé g o û t de l ’é tu d e , qui
éner ve le corps, paralyse t outes les facultés de l ’àm e et
de l ’esprit, et éteint d a n s le c œ u r de l ’h o m m e j u s q u ’à la
dernière étincelle de cette noble é m u l a t i o n , s o u r c e de
t o u t progrès et de son b i e n - ê t r e à venir.
S o r t e z , j e u n e s é l è v e s , sortez au p lu s tô t de cet état
d ’apathie; r é v e il l e z - v o u s de ce lour d e n g o u r d i s s e m e n t ,
principale cause de vos revers et des r e g r e t s q u ’ils vous
font sa ns doute ép r o u v e r a u j o u r d ' h u i ; r e g r e t s d o n t vos
p a r e n t s , j ’en suis s û r , r e s s e n t e n t en c o r e la vive a m e r
t u m e ; en é change des sacrifices é n o r m e s q u e vous leur
imposez, hâtez-vous de leur d o n n e r l ' e s p é r a n c e ou plutôt
la certitude q u ’ils ne se ro n t p e r d u s ni p o u r e u x ni pour
vous, en p r o u v a n t, p a r votre con d u it e et v o tr e applica
tion, que vous en connais sez tout le prix ;
Suivez les nobles inspirations q u e v o u s v e n e z de re
cevoir de la h au te bienveillance et de la p a t e r n e l l e solli
citude dont le chef j u s t e m e n t vé n é r é de c e t te académ ie
ne cesse de vous e n t o u r e r ;
Imitez l ’exem ple des louables é m u l e s de vos travaux
dont l e s l a u r i e r s o n t p o r t é la j o i e a u sein de l e u r s familles;
Mettez enfin plus d ’e m p r e s s e m e n t à v e n i r é c o u t e r les
conseils et les leçons de tant d ’h abiles m a î t r e s qui, par
d ’é m i n e n t e s qual i tés ou d a n s des lu tt e s p é r i l le u s e s et
h o nor ables, ont acquis le droit de vous les d o n n e r .
i
— 29 —
E t alors, m ais s e u l e m e n t alors, vous p o u r r e z l e u r dire
avec orgueil et b o n h e u r : Je m a r c h e m a i n t e n a n t vers la
d es tiné e q u e Dieu m ’avait app e l é à r em plir .
R a p p o r t «le 11. l e D o y e n «le l a F a c n l t é
«les S c i e n c e s .
Monsieur le R ecteur , Messieurs ,
Le c o m p t e r e n d u de nos tr a v a u x p e n d a n t l ’a n n é e qui
v ient de s ’é c o u le r e s t p o u r n o u s , a u j o u r d ’h ui, la ca u s e
d ’u n e satisfaction légitime et dé s iré e ; n o u s p o u v o n s p o u r
la p r e m i è r e fois ne p l u s n o u s b o r n e r a u x e x a m e n s su b is
d e v a n t la F a c u l t é , et vous p a r l e r enfin de n o t r e e n s e i g n e
m e n t et de nos co u r s. C e p e n d a n t , M e s s i e u r s , il faut
l ’a v o u e r encore, m a l g r é les s y m p a t h i e s et l ’e m p r e s s e
m e n t q u e nos efforts ont vu n a î t r e , m a l g r é les é t u d e s q u e
la F a c u l té a été a p p e l é e à d ir ig e r et à s o u t e n i r de ses
conseils, n o u s devons r e g a r d e r cette a n n é e c o m m e u n
essai, c o m m e u n e p r e m i è r e é p r e u v e . C o m m e n c é e d e u x
mois a p r è s l ’o u v e r t u r e h a b itu e lle des co u r s de l ’e n s e i
g n e m e n t s u p é r i e u r , elle ne n o u s a pas p e r m i s de d é v e
l opper , d a n s l e u r en ti e r , la série des tr a v a u x q u e nos
p r o g r a m m e s i n d i q u e n t ; de p lu s , p o u r l ’école a n n e x e ,
l ’insuffisance d ’un m atér iel long et difficile à r a s s e m b l e r ,
q u e l q u e s tr av au x d ’a p p r o p r i a t i o n à t e r m i n e r en c o r e n o u s
o n t forcé de laisser d a n s le cadre de nos o c c u p a tio n s des
l a c u n e s q u e cette a n n é e v erra c e r t a i n e m e n t d i s p a r a î tr e ;
n o u s avons à c œ u r de ne plus r e f u s e r les j e u n e s g e n s
qui d é s i r e n t s ' i n s c r i r e p o u r f o r m e r le p e r s o n n e l d ’u n e
école q u ’il n o u s i m p o rt e à tous de voir p r o s p é r e r .
�— 31
— 30 —
L es t r a v a u x de la F a c u l t é des Sciences se p a r t a g e n t en
deux p a r t i e s : la collation des g r a d e s et l ’e n s e i g n e m e n t .
L a p r e m i è r e n ’a offert, p o u r ce qui c o n c e r n e les é p r e u
ves de la licence, rien qui m é r ite de vous ê t r e si g n a lé ;
d e u x can d i d at s s e u l e m e n t se sont p r é s e n t é s d e v a n t n o u s
p o u r ob t en i r : l' u n , le g r a d e de la licence ès sciences
n a t u r e l l e s ; l ’a u t r e , celui de la licence ès sciences m a
t h é m a t i q u e s ; t ous les deu x a p r è s avoir satisfait suffi
s a m m e n t a ux é p r e u v e s n o m b r e u s e s et difficiles, q u e le
r è g l e m e n t im pose, on t été a d m i s à l ’é p r e u v e or a le , à la
suite de l a q u e l l e l ’un et l ’a u t r e o n t o b t e n u le certificat
d ’a p t i t u d e avec la m e n t io n assez bien. M ê m e d a n s ces
conditions m o d e s te s , ce g r a d e p o u r lequel la F a c u l t é se
m o n t r e e x i g e a n t e et sévère es t u n e glo r ie u se c o n q u ê t e ,
et t é m o i g n e de c o n n a i s s a n c e s v a r ié e s et ap p r o f o n d i e s .
L e b a c c a l a u r é a t ès sciences a a m e n é d e v a n t n o u s
1 8 5 c a ndidats , l e u r r é p a rti t i o n d a n s les diverses s e s s io n s ,
le n o m b r e des a d m i s et des a j o u r n é s se t r o u v e n t i n d i
q u é s d a n s le t a b l e a u c i - d e s s o u s :
EXERCICE
1 8 5 6 —1 8 5 3 .
NOMBRE DES CANDIDATS.
l SESSIONS DIVERSES.
PRESENTES
ADMISSIONS
6ur 100.
ADMIS.
A JO U R N É S .
32
13
19
40
Avril 1 8 5 7 ....
42
17
25
40
Août 1857, à Marseille
82
41
41
50
à Ajaccio.
16
8
8
50
à A lger..
13
5
8
CO
T ot ai ...........
185
84
101
i
%
00
10 décembre 1857.
45 7 0
|
Si on c o m p a r e ces chiffres à c eux des e x er cices p r é
cé d e n ts , on r e c o n n a î t q u e c ' e s t to u jo u r s la se ss ion d ’a o û t
qui p r é s e n t e le chiffre d ’a d m i s s i o n s le p l u s élevé. L e s
c a n d id a t s , à cette é p o q u e de l ’a n n é e , v i e n n e n t d e t e r m i
n e r des é t u d e s r é g u l i è r e s e t g é n é r a l e m e n t c o m p l è t e s ;
p o u r e u x le succès a p l u s de c e r t i t u d e , l e u r a t t i t u d e à
l ’e x a m e n , la f e r m e t é de le u r s r é p o n s e s , n o u s les r é v è l e n t
d ’a b o r d et m o n t r e n t ce q u e p e u t d o n n e r de confiance a u
c a n d i d a t u n e p r é p a r a ti o n c o n s c ie n c ie u s e et bie n suivie.
L e s a u t r e s sessions s o n t o r d i n a i r e m e n t , a u c o n t r a i r e , le
r é f u g e des c a n d i d a t s p l u s craintifs, m o i n s s û r s d ’e u x m ê m e s , et p r é c é d e m m e n t a j o u r n é s .
Ce q u e n o u s d e v o n s faire r e m a r q u e r en f a v e u r de
l ’exercice a ctuel c ’est u n e différence c o n s i d é r a b l e r e l a t i
v e m e n t au chiffre des c a n d i d a t s a d m i s , il e s t de 45 °/0 a u
lieu de 38 % , q u e p r é s e n t a i t l ’a n n é e 4 8 5 3 - 1 8 5 6 . C e ll e
différence est s u r t o u t se nsible p o u r la se s s io n d ’a o û t
1 8 5 7 qui, p o u r Marseille et Ajaccio, a f o u r n i le chiffre le
p lu s élevé q u e n o u s ayons e n co r e v u , celui de 50 °/0.I l y
a u r a i t u n e g r a n d e e r r e u r à c h e r c h e r l ’explication d e ce
r é s u l t a t d a n s u n e facilité p lus g r a n d e de la p a r t des
j u g e s . Loin de là, les é p r e u v e s écrites o n t été to u t a u s s i
élevées, to u t a u s s i s é r i e u s e s , et les exig e n c e s d u j u r y
plus g r a n d e s e n co r e q u e p a r le passé. Il e s t d o n c n é c e s
saire de c o n c lu r e q u e les c a n d i d a t s bien p r é p a r é s o n t été
p l u s n o m b r e u x celte a n n é e , et si n o u s a j o u t o n s q u e cette
d e r n i è r e se ss ion a vu t r è s - p e u de j e u n e s g e n s é c h o u e r à
l ’é p r e u v e or ale, n o u s s e r o n s n a t u r e l l e m e n t a m e n é s à
a t t r i b u e r à d e u x c a u s e s ces r é s u l t a t s s a tis f aisants .
D ’a b o r d , les c a n d i d a t s qui se s o n t p r é s e n t é s en a o û t
d e r n i e r s a vaient d e p u is l o n g t e m p s q u ’ils n ’a u r a i e n t p l u s
�— 32 —
— 33 —
à com pter s u r les a d o u c i s s e m e n t s des p r o g r a m m e s p r o
visoires, l ’é p r e u v e p o u r eux avait toutes ses ex i g en ces ,
il a donc fallu s'y p r é p a r e r de lo n g u e m ain; il est e n s u i t e
u n e raison p u i s s a n te de plus g r a n d succès q u ’il faut faire
r e m o n t e r à la bienveillante sollicitude du Ministre. — L e
r e m a n i e m e n t de nos p r o g r a m m e s , fait d a n s ces d e r n i e r s
t e m p s , d o n n e a ux j u g e s u n e la titude d ’i n t e r r o g a t i o n
b e a u c o u p pl u s vaste, les h a s a r d s et le caprice du s o r t
d a n s le choix des ques t io n s ont été d i m i n u é s , et ces d i s
positions nouvelles, e m p r e i n t e s d ’a u t a n t d e bienveillance
p o u r les c a n d i d a t s q u e d ’e s p r i t d ’é quité, p e r m e t t e n t a u x
j u g e s de r e c o n n a î t r e plus facilement les p r é p a r a t i o n s soi
g n é e s et les ét u d es bien c o n d u i te s . C ’e s t s u r t o u t à c e s m e s u r e s q u ’il faut a t t r i b u e r les r é s u l t a t s p l u s h e u r e u x de
l ’e x a m e n oral. L o r s q u e la F a c u l t é y a u r a joint les m o d i
fications q u ’un a r r ê t é r é c e n t vient de p r e s c r ir e , et qu i
s o n t des tiné es à ajouter enc o r e , avec raison, à la p a r t et
à l ’influence des ét u d es littéraires d a n s l ' e x a m e n d u
b a c c a l a u r é a t ès sciences, les b o n s e s p r i ts r e c o n n a î t r o n t ,
avec u n e satisfaction légitime, c o m b ie n d ’a m é li o r a tio n s
p r é c ie u s e s v i e n n e n t d ’être r éalisées p a r le c h e f a c t u e l de
l ' I n s t r u c t i o n publ i q u e, d a n s ce qui c o n c e r n e u n d i p l ô m e
a u q u e l t a n t de soins et de sollicitude on t d é s o r m a i s a s
s u r é u n e i m p o r t a n t e val e u r .
Bien q u e cette a n n é e le n o m b r e d e s c a n d i d a t s a d m i s
soit p lu s élevé q u e celui de l ’exercice p r é c é d e n t , n o u s
d e v o n s r e c o n n a î t r e que nul élève e x c e p ti o n n e l n ’a r é u s s i
à c o n q u é r i r d e v a n t n o u s la m e n t i o n très-bien qui r é s u l t e
d ’un e x a m e n a y a n t o b t e n u q u a t r e bo u le s b l a n c h e s au
m oins, s a n s u n e boule noire. L a F a c u l t é se m o n t r e t r è s attentive et t r è s - r é s e r v é e d a n s la m a n i f e s ta tio n de ce
t é m o i g n a g e de sa h a u t e s a t i s f a c t i o n . Six j e u n e s g e n s
s e u l e m e n t o n t o b t e n u , d a n s l ’exercice 18 5 G - 1S 5 7 , la
m e n t i o n bien qui s ’accorde à l ’e x a m e n d a n s lequel le
c a n d i d a t a o b t e n u trois b la n c h e s et d e u x r o u g e s , ce
sont :
MM. R o u q u e r o l J e a m A i m é - A r i s t i d e ,
de T o u lo n .
C la p p ie r M a r i e - J o s e p h ,
Gai H e n r i , de M a rs eille,
P hil ippe J a c q u e s - J o s e p h , d ’A n tib e s ,
R o c c a s e r r a A n t o i n e , de P o r to - V e c c h io ,
S antelli J e a n - R a p l i s l e , de B astia.
L a d e u x i è m e partie de nos t r a v a u x a p r é s e n t e des
r é s u l t a t s q u e n o u s s o m m e s h e u r e u x , M e ss ie urs , de v o u s
faire c o n n a î t r e . N o t r e e n s e i g n e m e n t a été accueilli, à
Marseille, avec u n e m p r e s s e m e n t s y m p a t h i q u e q u i , to u t e
l ’a n n é e , n o u s a fait r e c o n n a î t r e com bien vifs é t a i e n t ces
b e s o in s et ces g o û t s d ' é t u d e de n o t r e cité. N o u s s o m m e s
obligés de dire q u e cet e m p r e s s e m e n t , cette a s s i d u i t é
e x t r ê m e s o n t été portés q u e lq u e f o i s , p o u r n o u s , j u s q u ’à
l ’e m b a r r a s , n o u s a v o u e r o n s m ê m e p r e s q u e j u s q u ' à l ’é
m e u t e ; il a fallu des dispositions in t e l l i g e n t e s et f e r m e s
p o u r ar river à voir se r e m p l ir , avec calm e et d i g n i té , nos
a m p h i t h é â t r e s q u e ne t r o u v a i e n t pas a s sez v a s te s e n c o r e
ceux qui, c h a q u e j o u r n ’avaient pu y t r o u v e r place.
N ous c r oyons su p e rf lu de p a r l e r avec détail d e v a n t
v ous, Messieurs, de l ' e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r de la
F a c u l t é , r e p r é s e n t é p ar des co u r s de m a t h é m a t i q u e s ,
d ’a s t r o n o m i e , de p h y s i q u e , de chimie e t d ’histo ir e n a
tu r e l le s . Il n o u s suffira de vo u s dire q u e , confié à d e s
h o m m e s qui o n t d epuis l o n g t e m p s fait l e u r p r e u v e , il a
d o n n é to u jo u rs l ' e x e m p l e de la r é g u l a r i t é , de l ’e x a c t i t u d e
�35 —
el d ’u ne s o u m is s i o n s a n s r é se r v e a u x sa ges p r e s c r i p t i o n s
de nos p r o g r a m m e s .
N ous m é n a g e r o n s d o n c vos m o m e n t s , en p a s s a n t
sous silence l ’analyse de ces leçons d a n s les quelle s, p o u r
éclairer la théor ie et les p r é c e p t e s de la science, les
p r o fe s s e u r s ont mis tous l e u r s soins à e x p o s e r les p a r t i e s
les pl u s s a i si ss a n t e s des ap p li c a ti o n s et des d é c o u v e r te s
c o n t e m p o r a i n e s . N o u s d e vons , toutefois, p a y e r d e v a n t
vous et p o r t e r d e v a n t S. E . le j u s t e t r i b u t de n o t r e r e
c o n nai s sance et de nos éloges p o u r le p r o f e s s e u r é m i n e n t
de notr e École de Médecine, qui a bie n voulu s u p p l é e r
n o tr e digne collègue, le p r o f e s s e u r d ' h is t o ir e n a t u r e l l e ,
a tt e i n t si i n o p i n é m e n t p a r la m a la d ie . M. le d o c t e u r
R obe rty a re t ro u v é d a n s nos a m p h i t h é â t r e s les a d h é s i o n s
e t les a p p l a u d i s s e m e n t s q u ’il avait déjà s u c o n q u é r i r a u
pr ès de la s y m p a t h i q u e j e u n e s s e de l ’École de M é decine.
L a g r a t i t u d e de la F a c u l t é lui est j u s t e m e n t acquis e.
A u milieu des t r a v a u x et des p r é o c c u p a t i o n s s a n s
n o m b r e q u ’un p r e m i e r é t a b l i s s e m e n t e n t r a î n e , q u e l q u e s
r e c h e r c h e s p e r s o n n e l l e s ont été publiées p a r les p r o f e s
seurs.
Le pr o fe s se u r d ' h is t o i r e n a t u r e l l e , M. D e r b è s , a fait
c o nnaîtr e ses t r a v a u x s u r u n e F l o r i d é e d e v a n t f o r m e r u n
g e n r e n o u v e a u , le g e n r e R i ca rd ia et des o b s e r v a t i o n s
diverses s u r les A u l h é r i d i e s des A l gues .
L e p r o f e s s e u r de chimie, M. F a v r e , a p r é s e n t é à l ’Aca
d é m i e des Sciences des r e c h e r c h e s s u r les c o u r a n t s h y
d r o é l e c t r i q u e s f o r m a n t la troisième p a r t i e d e s t r a v a u x
qu'il a déjà p ubl iés.
L e p r o f e s s e u r de p h y s i q u e a p r é s e n t é a u s s i le r é
su lt a t de ses t r a v a u x s u r la c o n s tru c ti o n des piles t h e r -
m o - é le c triq u c s , et s u r les e m p r e i n t e s i n s t a n t a n é e s q u e
l ’électricité et la c h a l e u r p e u v e n t p r o d u i r e .
L ’u n des p r o fe s s e u r s de l ’école a n n e x e , M. Vals on, a
fait c o n n a î t r e à l ’I n s t i t u t le r é s u l t a t de ses t r a v a u x et de
ses ex p é r i e n c e s s u r la capillarité.
A v a n t de q u i t t e r ce qui c o n c e r n e l ' e n s e i g n e m e n t s u
p é r i e u r , p e r m e t t e z - n o u s , M e s s ie u r s , de p o r t e r à v otr e
c o n n a i s s a n c e l ’initiative b ienveillante q u ’a prise à l ’é g a r d
de la F a c u l t é u n e des p l u s h o n o r a b l e s familles de M a r
seille. P a r elle les richesses scientifiques de n o s collec
tions o nt r eçu u n e a u g m e n t a t i o n la plus p r é c i e u s e . M.
P i a g e t - I m e r avait e m pl oyé la sollicitude de to u t e sa vie à
f o r m e r des collections d ’histoire n a t u r e l l e d ’u n e g r a n d e
i m p o r t a n c e ; dès l ’arrivée de la F a c u l t é à M a rs eille, M.
P i a g e t avait voulu se lier d'affection avec la p l u p a r t d e s
p r o fe s se u r s , il se p r o m e t t a i t u n bénéfice h e u r e u x p o u r
ses é t u d e s chéries d a n s des r e la tio n s q u i le m e t t a i e n t e n
contact avec des h o m m e s v o u é s a u culte de la sc ience.
Déjà, d ’affectueux é c h a n g e s de b o n s offices av a i e n t fait
n a î t r e u n e estime et u n a t t a c h e m e n t m u t u e l s , la m o r t
vint b r i s e r ces e s p é r a n c e s ; et la famille P i a g e t c r u t se
c o n f o r m e r p i e u s e m e n t a u x d e r n i è r e s volo n tés de celui
q u ’elle avait p e r d u , en m e t t a n t , s o u s la s a u v e g a r d e d e la
F a c u l t é , des r ichess es q u e M. P i a g e t avait r a s s e m b l é e s
avec u n e p e r s é v é r a n c e et u n e science bie n r a r e s . S. E . le
Ministre a n o n - s e u l e m e n t a u t o r i s é la F a c u l t é à a c c e p t e r
le legs p r é c ie u x , m ais il a pris à sa c h a r g e les frais de
t r a n s p o r t et d ’a m é n a g e m e n t q u e ces collections r é c l a
m a i e n t ; de p lus, il a v o u lu q u ’u n e salle spéciale, p o r t a n t
le no m de la famille d u d o n a t e u r , f û t d i s p o s é e p o u r c o n
te n i r le dé p ô t scientifique.
�37 —
Lu partie principale de ce q u e n o u s a p p e l l e r o n s
désormais le Musée P i a g e t , est un h e r b i e r a u q u e l on
po u r rai t d o n n e r le nom de F l o r e M é d i te r r a n é e n n e p a r
le g r a n d e n s e m b l e des p l a n t e s qui le c o m p o s e n t ; cet
herbier, fait avec un soin qui é to n n e , r e m p l it 1 2 5 c a r tons, p o u r les p h a n é r o g a m e s , et 13 c a r io n s , p o u r les
c r y p to g a m e s . De plus, par u n e attention délicate, et q u i
a u g m e n t e encor e n otr e r e co n n aiss an ce p o u r Mmc P i a g e t ,
l h er b i er est a c c o m p a g n é des livres r a r e s et i m p o r t a n t s
qui ont servi à le classer.
Une collection de Fossiles f o rm e la d e u x i è m e partie
de ce Musée qui contient aussi des oiseaux, d e s c r u s t a cées, des coquilles et des m i n é r a u x classés to u s de la
m êm e manière.
Si le t em p s qui n o u s pr e s s e n o u s le p e r m e t t a i t ,
Messieurs, n o u s ai m er i o n s vous d o n n e r q u e l q u e s détails
s u r ce qui concerne n o t r e école a n n e x e . T oute fois
c ' e s t un besoin p o u r nous de s i g n a l e r à votre h a u t e
s y m p a th ie les h o m m e s d'élite qui o nt cons enti avec
le plus g r a n d d é v o u e m e n t à n o u s p r ê t e r le c o n c o u r s de
leurs lu m i è re s et de l e u r zèle. C o m m e n o u s , M e s s ie u rs ,
vous n ’avez pas été s u r p r i s d ’a p p r e n d r e q u e le succès
de l e u r e n s e i g n e m e n t a p o u r tous été com plet. N o u s
devons m ê m e a v o u e r q u e , p o u r q u e l q u e s co u r s d o n t
l ’e n s e i g n e m e n t est t r è s - a u s t è r e , n o t r e a t t e n t e a été de
b e a u c o u p d é pas sée. Ainsi, le cours de g é o m é t r i e a p p l i
q u é e , p a r e x e m p l e , a t oujours eu, j u s q u ' à la fin, p l u s de
100 a u d i t e u r s ; et m ê m e le p r o f e s s e u r , voyant l ’a s s i d u i té
qui r é p o n d a i t à son zèle, a d e m a n d é , p o u r é p u i s e r u n
p r o g r a m m e fi d è l e m e n t suivi, à c o n t i n u e r d e u x m o i s
encore p e n d a n t l ’été, les leçons du s e m e s t r e d ’h i v e r .
Ce p r o f e s s e u r s ’est d ' a b o r d occupé des o p é r a tio n s
s u r le t e r r a i n , il a fait c o n n a î t r e les prin ci p ales m é t h o
des en usa ge p o u r lever des p la n s , l ' a r p e n t a g e et le
n i v ellem ent. L ’é t u d e des c o u r b e s usu e lle s et de l e u r s
diver ses p r o p rié té s a été faite au m o y e n des c o n s i d é r a
tions g é o m é t r i q u e s les plus sim ples . Il s ’est a t t a c h é à
faire voir c o m m e n t , en p a r t a n t de la définition de la
c o u r b e , on pouvait ainsi a r r i v e r p r e s q u e s a n s i n t e r m é
diaire à l ’intelligence de ses p r o p r i é té s les p l u s r e m a r
q u a b l e s , et à la solution d ’un g r a n d n o m b r e d ’i n t é r e s
sants problèmes.
L e s p r incipes de la g é o m é t r i e des c ri p tiv e o n t été
e x p o s é s avec tous les d é v e l o p p e m e n t s q u e réc la m a it le
sujet. Le p r o fe s s e u r s ' e s t occupé à m e t t r e en évidence
les m é th o d e s g é n é r a l e s , celle des r a b a t t e m e n t s , des r o
tat ions, des d i v e r g e m e n t s de plan d e projection, etc.
L ’exposé de c h a q u e m é t h o d e était a c c o m p a g n é de la
solution des qu e s tio n s les p l u s p r o p r e s à en é c la ir e r les
difficultés et à en faire saisir 1 e s prit. Les p r o c é d é s de la
g é o m é t r ie descriptive c e s s a n t d ’ê t r e applicabl es d a n s
les q u e s tio n s g é o d é s i q u e s , le p r o f e s s e u r a é t é n a t u r e l l e
m e n t conduit à p a r l e r des p r o c é d é s en u s a g e d a n s cette
b r a n c h e de la g é o m é t r i e a p p l i q u é e . A p r è s avoir e x p o s é
la théorie des figures cotées, il a fait c o n n a î t r e les p r i n
cipes dont on fait u s a g e en to p o g r a p h ie p o u r r e p r é s e n
t e r u n te r ra in q u e l c o n q u e et p o u r r é s o u d r e les divers
p r o b l è m e s qui se r a p p o r t e n t à cette q u e s t i o n . L e c o u r s
de des sin n ’é t a n t pas e ncor e o r g a n isé cette a n n é e , le
p r o f e s s e u r a v oulu faire e x é c u t e r u n cer tai n n o m b r e
d ’é p u r e s , e t il a pu c o n s t a t e r q u e p l u s i e u r s d ’e n t r ’elles,
faites avec intelligence, laissaient peu à d é s i r e r s o u s le
r a p p o r t de l ’exécution.
�—
38
—
Le cours de m é c a n i q u e a p p l i q u é e a eu lieu p e n d a n t
le s e m e s t r e d ' é t é . Le p r o f e s s e u r , fidèle à l'e s p r i t du
p r o g r a m m e qui a réglé cet e n s e i g n e m e n t , s ’est a tt a c h é
à éviter l ' em ploi de l ' a l g è b r e , et à r e c o u r i r soit a u
r a i s o n n e m e n t , soit à des c o n s t r u c t i o n s g r a p h i q u e s . Il a
s u p p o s é s e u l e m e n t , chez ses a u d i t e u r s , q u e l q u e s c o n
n a is s a n c e s d ’a r i t h m é t i q u e et de g é o m é t r i e , le niveau d u
co u r s n ’a pas dù êt r e abaissé p o u r cela. Le p r o f e s s e u r
a cru devoir a j o u t e r au p r o g r a m m e p l u s ie u r s des th éo
r è m e s relatifs à la com position des r o t a tio n s a u t o u r de
p l u s i e u r s axes, t h é o r è m e s d ’u n e g r a n d e utilité d a n s
l ’é tu d e des m o u v e m e n t s des pièces des m a c h i n e s . II a
traité s o m m a i r e m e n t des p r o p r i é t é s des axes de r o t a t io n
et, p a r suite, des m o m e n t s d ’inertie . L ’é t u d e de ces
théories si es sentielles s u p p o s e d ’o r d in a ire le se c o u r s
d ’u n e a n a l y s e élevée, m ai s le p r o f e s s e u r a y a n t été c o n
d u i t d a n s son cours à l ’École des Mines de P a r i s , à en
simplifier l ’exposition, a fait profiter son a u d i to i re de
ces é tu d e s a n t é r i e u r e s .
Il a insisté s u r le b u t réel des m a c h i n e s et s u r ce
q u ’on doit en a t t e n d r e . O n sait avec q uelle facilité
certains e s p r i t s se l aiss ent e n t r a î n e r à la r e c h e r c h e
d ’a p p a r e i ls i m a g i n a i r e s , s u s c e p tib l e s de p r o d u i r e des
effets pr o d i g ie u x , il e s t utile de c o m b a t t r e cette t e n
d a n c e par u n e exposition, s i m p l e a v a n t t o u t , d u p r i n
cipe de la t r a n s m i s s i o n d u travail.
U n e n s e i g n e m e n t de science a p p l i q u é e exige d e s
e x p é r i e n c e s o u t o u t au m o i n s la vue d e s m o d è l e s ,
d e s si n s ou a p p a r e i ls p r o p r e s à faciliter l ’in te lligence d e s
t h é o r i e s et d e l e u r s applications. P ri v é a u c o m m e n c e
m e n t de son co u r s des m o y e n s de satisfaire à cette c o n
I
—
39
—
dition, d a n s l ’a m p h i t h é â t r e m ê m e , le p r o f e s s e u r y a
s u p p l é é p ar q u e l q u e s t o u r n é e s d a n s les us in e s de M a r
seille. Q u a t r e ateliers de c o n s t r u c t i o n de m a c h i n e s o n t
été visités, celui de MM. Midasse et G r a n i e r , celui de
MM. F u n e l e t G o u i r a n d , le vaste a te lie r des forges et
c h a n t i e r s de la M é d i te r r a n é e , et, enfin, les c h a n t i e r s et
a t e l ie r s marseillais. Ces visites o n t e u p r i n c i p a l e m e n t
p o u r b u t l ’é t u d e des o r g a n e s de t r a n s m i s s i o n de m o u v e
ment. Les nombreuses m achines-outils quecontiennent
ces é t a b l i s s e m e n t s o n t p r é s e n t é d ’ex c e lle n t s m o d è l e s à
étudier.
L e co u r s de géologie n ’a eu lieu p a r e i l l e m e n t q u e
d a n s le d e u x i è m e s e m e s t r e . L e p r o f e s s e u r , d a n s u n e n
s e i g n e m e n t d o n t la m é t h o d e é t a it in s p ir é e p a r les
b o n n e s écoles et les b o n s m a î t r e s , s ’est a p p l i q u é à
su i v r e pas à pas la r o u t e tr acée p a r les p r o g r a m m e s , se
faisant u n devoir de se c o n f o r m e r à la s a g e s s e d e se s
p r e s c r i p ti o n s et d ’e x p o s e r les a p p li c a tio n s qui s ’y t r o u
vaient signalées. U ne par o l e vive et facile d o n n a i t p l u s
de relief en c o r e a u savoir d u p r o f e s s e u r .
P o u r t e r m i n e r ce lo n g e xpos é re la tif à n o t r e e n s e i
g n e m e n t , il n o u s r e s t e , M e s s i e u r s , à v o u s d o n n e r
q u e l q u e s détails s u r les co u r s d ’h istoir e et de l i t t é r a
t u r e ; vous p o u r r e z , p a r c ett e e s qui sse r a p i d e , sa isir le
c h e m i n qui a été p a r c o u r u p a r les d e u x p r o f e s s e u r s .
Ces d e u x co u r s o n t a p p e l é a u t o u r de MM. D elibes et
R o n d e l e t u n public n o m b r e u x et fidèle , d o n t n o u s
d e v o n s vous faire c o n n a îtr e l ’e m p r e s s e m e n t e x t r ê m e .
Dès l ’o u v e r t u r e de s o n c o u r s , le p r o f e s s e u r d ’h istoir e
a -précisé la n a t u r e et les limites de l ’e n s e i g n e m e n t q u e
lui im p o sait le p r o g r a m m e officiel, et il s ’est a t ta c h é
�— 40 —
j u s q u ’au d er n i er j o u r à en s u i v r e l ’o r d r e et les divisions
essentielles.
C o m m e cet e n s e i g n e m e n t devait s u r t o u t s ’a d r e s s e r a u x
j e u n e s g e n s do n t l ' i n s t r u c t i o n était in c o m p l è t e , le p r o
fesseur s ’est efforcé d ’être assez clair et assez s u b s t a n
tiel d a n s ses e x p o s i t i o n s , p o u r p r é s e n t e r un véritable
e n s e m b l e de n o t r e histoire n a t io n a l e . 11 s ’est i n t e r d i t
toute digression qui a u r a i t pu r a l e n t i r sa m a r c h e , et
qui n ’avait pas p o u r b u t de r é p a n d r e u n e nouvelle
l um ière s u r les é v é n e m e n t s , ou de justifier l ’ap p r é c ia ti o n
d ’un caractère.
T o u t en d e m e u r a n t s u r le t e r r a i n des faits, il a m ê lé
«à son récit les a p e r ç u s et les ob se rv a ti o n s qui lui s e m
blaient p r o p r e s à d o n n e r de l ’i n t é r ê t a u x é v é n e m e n t s ,
à faire r e s s o rti r l e u r p o r t é e p olitique ou m o r a l e et à
p r o v o q u e r q u e l q u e s - u n s de ces s e n t i m e n t s g é n é r e u x ,
q u e t o u t e n s e i g n e m e n t doit d é v e lo p p e r s o u s p e i n e
d ’êtr e stérile.
A la faveur de ces a p e r ç u s , tirés h a b i t u e l l e m e n t des
en tr a i lle s du sujet, le p r o f e s s e u r a su forcer l ’atte n t io n
à lui être t oujours fidèle et faire a ccept er , s a n s t r o p de
fatigue, l ’e xpos é des p r e m i è r e s pér i o d es de l ' h i s t o i r e de
l ’an c i e n n e F r a n c e , s o u v e n t si a r id e s et si co n f u s e s .
Q u a n t aux doctrines h i s t o r i q u e s , le p r o f e s s e u r n ’a pas
v oulu se p e r m e t t r e d ’i n n o v e r , il a cr u q u ’un pareil co u r s
devait p lu t ô t servir à m e t t r e en c i r culation les opin io n s
les plus g é n é r a l e m e n t a u t o r i s é e s d a n s la science et
couvertes des n o m s de MM. G uizot, A u g u s t e T h i e r r y ,
O z a n a m , etc. — Tel est l ’e s p r i t d a n s lequel a é t é co n çu
et fait le co u r s d ’histoire. Le p r o f e s s e u r s ’e s t efforcé
d ’allier t o u t à la fois u n e parfaite i n d é p e n d a n c e d a n s ses
j u g e m e n t s et une g r a n d e r é se r v e d a n s la f o r m e p o u r n e
b l e s s e r j a m a i s u n e opinion r e s p e c t a b l e .
L a sy m p a th i e c o n s t a n te d ’u n n o m b r e u x a u d ito ire lui a
p r o u v é q u ’il ne s ’était pas t r o m p é d a n s cette r ègle de
conduite.
L e p r o f e s s e u r de l i t t é r a t u r e a c h e r c h é à s ’i n s p i r e r
de l ’esprit qui a dicté nos p r o g r a m m e s officiels. Voici
l ’indication précise de là r o u te q u ’il a suivie :
D e u x leçons o n t été c o n s a c r é e s a u x p r i n cip es g é n é
r a u x de l ’a r t d écrire, à la définition de la prose et de la
poésie, et à la classification des g e n r e s ; h u i t a u g e n r e
h istor ique et dix à la poésie d r a m a t i q u e .
L e g e n r e h ist o r iq u e c o m p r e n d cinq es pèces d ’h i s
toire q u e le pr o fe s se u r a ainsi définies et é t u d i é e s :
1® L ’histoire p e r s o n n e l l e , c h r o n i q u e s , m é m o i r e s ,
qui ne d épas se g u è r e les s o u v e n i r s p e r s o n n e l s de l ’a u
t e u r et l ’é p o q u e qui lui est c o n t e m p o r a i n e . L es m o d è l e s
cités ont été: L e sire de Joinville, F r o i s s a r t , C o m m i n e s ,
S a in t - S im o n .
2° L ’histoire n ar rat iv e qui p r e n d u n c a r a c tè r e i m p e r
so n n e l e t d e m a n d e les q u a l i t é s d ’u n e n a r r a t i o n li t t é
r aires. Modèles : La vie de C h a rle s XII et le siècle de
L o u is XIV.
3° L ’histoire m or al e qui s u b o r d o n n e l ’effet, c o m m e
la p ens ée de ses récits, à l ’action q u ’elle v e u t p r o d u i r e
s u r l ’âm e . Rollin a été cité c o m m e m o d è le .
4° L ’histoire politique, qu i r e c h e r c h e les caus es e t
les lois h u m a i n e s des faits. Modèles : M o n t e s q u i e u ,
g r a n d e u r et d é c a d e n c e des R o m a i n s , e s p r i t d e s lois.
5° Histoire philosophique, qui c h e r c h e les ca u s e s et
�les lois p r e m i è r e s des faits a u - d e s s u s de l ' h o m m e .
Modèle : B o s s u e t , di scours s u r 1 histoire u ni ver sel le.
Le R o m a n h i s t o r i q u e a été i n d iq u é c o m m e épisode
d a n s la leçon s u r 1 histoire na r ra ti v e .
D a n s l ’é t u d e de la poésie d r a m a t i q u e , le p r o f e s s e u r a
cons acré cinq leçons à la t r agédie et cinq à la c o m é d i e .
D a n s l une et l ' a u t r e sé ries, le p r o fe s s e u r a e m p r u n t é
ses m o d è l e s à C orneille, R a c i n e , Aol taire et M o l iè r e ,
a p p u y a n t s u r t o u t ses p r écep t es s u r les c h e f s - d ’œ u v r e
de ces g én ies classiques.
Telle a été, Messieurs, p o u r la F a c u l t é des S ciences,
l ' a n n é e dont n o u s avions à vous r e n d r e com p te . N ous
devons la r e g a r d e r c o m m e u n e p r e m i è r e é p r e u v e ,
pleine p o u r n o u s d ' e n c o u r a g e m e n t s et d ’e s p é ra n c e . Si
n o u s n ' a v o n s pas r e n c o n t r é ces difficultés spé ciales q u e
toute œ u v r e à son d é b u t a m è n e avec e l l e , n o u s le
devons c e r t a i n e m e n t à l ' e x p é r i e n c e et a u x sa ges conseils
du ch ef v énéré de cette a c adém ie, sa b i e n v e i lla n c e et
les e n c o u r a g e m e n t s étaient touj ours a u p r è s de c h a c u n
de d o u s . Ce serait p o u r n o u s u n e douce satisfaction de
dire ici tout ce q u e n o u s de v o n s à ses l u m i è r e s et à sa
sollicitude, et nous r e g r e t t o n s q u ' u n e r e s p e c t u e u s e d é f é
rence ne n o u s p e r m e t t e pas de laisser s o r t i r de nos
lèvres l'eloge qui est d a n s nos c œ u r s .
P e r m e t t e z - n o u s m a i n t e n a n t , M e ss ie urs , u n e d e r n i è r e
p e n s é e s ’a d r e s s a n t à la s y m p a t h i q u e je u n e s s e qui n o u s
e n t o u r e et qui r e g a r d e les r e s s o u rc e s et les b i en f aits de
l ' e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r c o m m e un d o m a i n e créé s u r - ,
t o u t p o u r elle; n o u s ne pouvons n o u s c a c h e r c e p e n d a n t ,
q u ' i c i . d a n s cette ville, la situation p e r s o n n e l l e d u doyen
de la F a c u l t é de Marseille a ses difficultés et ses d é l i c a
t e s s e s : les d o yens , mes collègues , p a r l e n t a u j o u r d ' h u i
de v a n t des a u d i t e u r s , d e v a n t u n e j e u n e s s e q u e l e u r
p ar ole à déjà su de p u is l o n g t e m p s captiver. N o u s a u c o n
tr a ir e , n o u s avons p o u r devoir de p a r l e r d e v a n t v ous de
ce qui concerne et favorise les i n t é r ê t s d ’u n e cité qu i
n ’est pas la votre, mais osons c e p e n d a n t n o u s r a s s u r e r .
Mais, ne s o m m e s - n o u s pas d a n s u n e ville d o n t n o s
collègues des lettre s ont, avec ra iso n , célébré si s o u v e n t
l ’atticisme, le b on g o û t et le tact intelli g en t. V o u s n o u s
p e r m e t t r e z d o nc, M e s s ie u r s , de vous p a r l e r c o m m e à
n o t r e j e u n e s s e de Marseille et de lui a d r e s s e r p a r votre
in t e r m é d ia ir e les conseils de n o t r e affection: n ’avez-vous
pas d ' a i l l e u r s avec elle les liens les plu s i n tim e s , c o m m e
ell e aussi n ’êtes -v o u s pas les d e s c e n d a n t s d e ces colonies
a n t i q u e s qui a p p o r t e n t s u r vos b o r d s les c o n q u ê t e s de
l ’esprit g r ec et r o m a i n , n o u s p o u r r o n s do n c lui dire d e
vant vous :
D a n s le m o u v e m e n t a d m i r a b l e q u e la civilisation i m
p r i m e à n o t r e époque, à n o t r e patrie, vous profitez tous
de toutes les d é c o u v e r te s de vos dev a n c ie r s; à v otr e
e n t r é e d a n s la vie, vous recevez de g r a n d s b ienf aits,
vous g oûtez de vives jo u i s s a n c e s , vous a u r e z d o n c , à
v o t r e to u r , vous au r e z des devoirs i m p é r i e u x , i m p o r t a n t s
à r e m p l ir .
R e g a r d e z a u t o u r de vous, q u e de nobles g lo ire s o n t
é t é faites d a n s cette patrie qui doit aussi être h è r e de
vous un j o u r ! Avec les forces q u e les l u m i è r e s nouvelles
vous a p p o r t e n t , vous a u r e z l ’obligation d ’en acc o m p lir
de plus nobles encor e si vous voulez r e s t e r d ig n e s de la
f o r t u n e de Marseille.
Vos p è r e s , p a r u n e initiative et des t r a v a u x d o n t l ' é -
�— 44 —
nergie rappelle les t r a v a u x a n t i q u e s , o n t a p p e lé au h a u t
de l ’a m p h i t h é â t r e de vos m o n t a g n e s le fleuve fécond qu i
vient de toutes p a r t s couler s u r vos rivages a p r è s avoir
fertilisé vos c a m p a g n e s , m é t a m o r p h o s é vos i n n o m b r a b l e s
et o p u l e n t e s villas, et porté p a r t o u t d a n s votre cité ses
on d es p r écieuses. Ces efforts g i g a n t e s q u e s vous i m p o s e n t
aussi d ’a u t r e s efforts à votre t o u r . P r e n e z dès ce m o m e n t ,
p o u r a r ri v e r au b u t , les a r m e s les p lus s û r e s , p r é p a r e z vous dès a u j o u r d ’h ui, par u n l a b e u r i n t e ll ig e n t , p a r u n e
j e u n e s s e initiée à t outes les merveilles des sciences et de
l ’activité h u m a i n e s , vous s u r t o u t q u e les f av eu rs de la
richesse et de l ’intelligence a p p e l l e n t à d e v e n i r les s o u
tiens et les conseillers de votre cité, p r é p a r e z - v o u s à
c o n q u é r i r p o u r elle le n o b l e fleuron q u e les plus intelli
g e n t e s reines du c o m m e r c e o n t to u jo u r s v oul u voir b r i lle r
d a n s l e u r c o u r o n n e , cherchez p o u r l ’h o n n e u r de v o t r e
vie à faire a i m e r , à faire é p a n o u i r a u t o u r de vous les
délicieuses merveilles de l ’intelligence et du g o û t , d a n s
la litté ra t u r e , d a n s les sciences, d a n s les a r t s ; et r a p
pelez-vous q u e les i n d u s t r i e u x c o m m e r ç a n t s qui firent
la pro sp ér i t é de F l o r e n c e , votre n oble voisine, p r é p a r è
r e n t et virent briller s u r elle la gloire de M i c h e l - A n g e
et les s p l e n d e u r s des Médicis.
R a p p o r t (le II. le D o y e n d e l a f a c u l t é
d c« l e t t r e s .
Messieurs ,
Si la F a c u l t é des L ettr es d Aix n ’a plu s p o u r plaire
le p u i s s a n t a t t r a i t de la j e u n e s s e , elle a du m o i n s l ’a
v a n t a g e d ’avoir u n e r é p u t a t i o n faite et d ’êtr e r e c o m
m a n d é e p a r u n p a s s é b r i l l a n t a u q u e l elle s ’efforce de
r e s t e r fidèle. Aussi j o u it-e l le , d a n s le public, d ’u n e
f a v e u r c o n s t a n t e , et, à dire le vr ai, je n e vois rien
q u ’elle puisse e n v ie r à ses s œ u r s p u î n é e s , m ê m e p o u r
l ’éclat des suc cès. S o u s ce r a p p o r t , la d e r n i è r e a n n é e
classique ne l ’a p o i n t cédé à la p r é c é d e n t e , q u i c o m p t e
d a n s nos a n n a l e s p a r m i les m e i l l e u r e s . L ’e m p r e s s e m e n t
à suivre nos leçons s ’est s o u t e n u ; on p o u r r a i t m ê m e
dire q u ’il s ’est a c c r u , si on n ’avait é g a r d q u ’à c e r t a i n s
co u r s et à u n e c e r ta in e p a r tie de nos a u d i t o i r e s .
11 était à c r a i n d r e q u e le c o n t r a i r e n ’a r r i v â t , a u
m o i n s p o u r la l i t t é r a t u r e fra n ç a is e . E n q u i t t a n t sa
chaire où il é tait si g o û t é , p o u r c o u r i r la m e r o r a g e u s e
de la p r e s s e , M. P r é v o s t - P a r a d o l avait laissé à son s u c
c e s s e u r u n e tâche difficile, celle de r é u s s i r a p r è s lui.
N a t u r e d ’élite, e s prit d ’u n e distinction et d ’u n e éléva
tion r a r e s , plein d ’a r d e u r et de vivacité, servi d ’ailleurs
p a r u n s i n g u l i e r don de parole, il avait c o n q u i s de n o m
b r e u s e s s y m p a t h i e s to u te s a t t a c h é e s à sa p e r s o n n e et
i n t r a n s m i s s i b l e s . Mais l'U n iv e rs ité est fertile en s u j e ts
de talent q u e sait d i s c e r n e r avec u n e c la ir voyante solli
citude M. le Ministre actuel de l ’I n s t r u c t i o n p u b l i q u e .
L ’un d ’eu x , app e l é à o c c u p e r la place r e d o u t a b l e , l ’a
fait avec un zèle et u n e m o d e s tie de d é b u t qui o n t d o n
n é le p lu s g r a n d relief à ses q u a li té s p a r t i c u l iè r e s , q u a
lités a u t r e s q u e celles de son p r é d é c e s s e u r , m a i s é g a l e
m e n t r e c o m m a n d a b l e s et non m o i n s a p p l a u d i e s d a n s la
chaire p r i m i t i v e m e n t r e m p l ie p a r M. F o r t o n l .
Q u a n t a u x succès d ’e s tim e , à ceux qui s ’o b t i e n n e n t
�— 47
4G —
sur tout par la solidité de l ’e n s e i g n e m e n t et d o n t on
p a r l e m o i n s , q u o iq u ' i ls ai e n t aus si l e u r prix, ils o n t été
tels d a n s n o t r e F a c u l t é l ’a n n é e p r é c é d e n t e , q u e to u s nos
v œ u x p o u r l ’a venir se b o r n e n t p r e s q u e à en s o u h a i t e r
la c o n t i n u a t i o n . N o u s v o u d r i o n s s e u l e m e n t c o m p t e r
p a r m i ceux qui en font cas plus d ’é t u d i a n t s en droit, e t
t r o u v e r d a n s cette d e r n i è r e partie de n o t r e clientèle u n e
diversité de go û ts qui fût en r a p p o r t avec la variété de
n o s cours.
Au s u r p l u s , M essieurs, voici en a b r é g é q u e l s s e r o n t
p o u r l ’a n n é e p r ochaine les sujets de nos différents c o u r s .
Vous r a p p e l e r en m ê m e t e m p s c e u x des leçons q u e
n o u s avons faites l ' a n n é e d e r n i è r e , ce s e r a v ous d o n n e r
le moven d é j u g e r si les u n s ne s e r o n t pas aussi i n t é r e s
s a n t s q u e l 'o n t été les a u t r e s , aus si d i g n e s de l ’a t t e n
tion et de la bienveillance do n t n o u s e s p é r o n s ê t r e
h o n o r é s encore d a n s cette cité paisible, asile de l ’é t u d e
et du r ecu eil l em en t, où n o u s s o m m e s c h a r g é s d ’e n t r e
t e n i r le feu sacré des lettres.
D a n s l ’a n n é e classique 1S 5 6 - 1 8 5 7 , le p r o f e s s e u r de
l i t té r a tu r e a n c i e n n e a traité des poésies h o m é r i q u e s . Il
a analysé l ’Iliade, en y c h e r c h a n t s u r t o u t 1 hist o i r e de la
civilisation an t iq u e , et il a c o n s t a t é l ’influence q u e ce
p o è m e a e u e s u r les siècles s u i v a n ts . 11 a en m ê m e t e m p s
d a n s sa leçon du m a r d i e s quissé l' histoire de la poésie
l a t in e j u s q u ' à A u g u s t e , en e x p l i q u a n t le IIme livre des
É p î t r e s et l ’A r t poétique d ’Horace. Le r è g l e m e n t s u r la
t r i e n n a l i t é a m è n e cette a n n é e - c i les d e u x siècles de
P ér i cl ès et d ’A u g u s t e . P o u r s ’y c o n f o r m e r , le p r o f e s s e u r
d a n s sa leçon du lundi fera 1 histoire de la poésie latine
au siècle d ’A u g u s t e , de p u i s L u c r è c e j u s q u ' à P h è d r e
inclusivem ent. D a n s la leçon du m a r d i , il i n t e r p r é t e r a
Y Antigone de Sophocle.
L e p r o f e s s e u r de l i t t é r a t u r e f ran ça is e, M. W e i s s , d a n s
sa p r e m i è r e a n n é e d ’e n s e i g n e m e n t , a e x p o s é 1 h istoir e
de la com édie en F r a n c e d e p u is Molière j u s q u ’à B e a u
m a r c h a i s . E n su i v a n t les vicissitudes litt é ra ir e s q u ’a
t r a v e r s é e s le g e n r e , il a suivi é g a l e m e n t les vicissitudes
des m œ u r s e x p r i m é e s p ar la comédie. Il é t u d i e r a l ’a n
n é e p r o c h a i n e les p r i n c i p a u x m o n u m e n t s de p r o s e h i s
t o r iq u e q u e n o u s a l é g u é s le XV I I e siècle. S a i n t - R é a l ,
Mézerai, B o s s u e t , avec l e u r g én i e si différent, Bayle,
avec sa cr it iq u e t é m é r a i r e , s u r t o u t cette n o m b r e u s e
r é u n i o n d ’écrivains de talent qui o n t r a c o n t é , p o u r a in s i
dire j o u r p ar jo u r , des é v é n e m e n t s a u x q u e l s ils p r e
n a i e n t par t, et qu i ont laissé, s o u s le t i tr e m o d e s te de
Lcllrcs ou de Mémoires, de v é r ita b l e s m o d è l e s de n a r r a
tion h is to r iq u e . Retz, Mme de Motteville, Mine de S é v ig n é , Louis XIV, S a i n t - S i m o n , o c c u p e r o n t le p r o f e s s e u r ,
ch acu n selon son i m p o r t a n c e .
E n l i t t é r a t u r e é t r a n g è r e , M. Mé ry, p e n d a n t l ' a n n é e
qui vient de s ’écouler, a . r e n f e r m é ses é t u d e s d a n s l ’h i s
toire des lettres italiennes au X V I e siècle. C e lte a n n é e ,
le d r a m e espagnol c o m p lé te r a les a n c i e n n e s é t u d e s c o n
sa c ré e s à la l i t t é r a t u r e de nos voisins, de l ’a u t r e côté
des P y r é n é e s . E n se pla ç a n t d a n s un cercle p l u s
r e s t r e i n t e ! en c h o is is s a n t p o u r sujet de ses leçons un
seul g e n r e l i tté ra i r e , le p r o f e s s e u r fera p l u s a i s é m e n t
r e s s o r t i r le véritable c a r a c t è r e d ’u n e l i t t é r a t u r e qui ,
s ’affr a n c h is sa n t du j o u g de l ’imitation, d e m e u r a é m i
n e m m e n t es p ag n o le, c 'e s t - à - d i r e c h e v a l e r e s q u e et c h r é
ti e n n e .
�— 48 —
— 40 —
R a m e n é celte a n n é e de l ’h istoir e de l ’e m p i r e r o m a i n
à l ’ét u d e d u m o y e n âge, M. Z elle r fera l ’hist o i r e d e s
r a p p o r t s de l ’Occident avec l ’O r i e n t , des p r in c ip a l e s
n a ti o n s de l ’E u r o p e , françaises, a l l e m a n d e s et i t a l i e n n e s ,
avec l ’e m p i r e g r e c et les A r a b e s , p r i n c i p a l e m e n t p e n d a n t
les cr oisades. Au m oyen â g e la q u e s t io n d ' O r i e n t se
p r é s e n t e sous la form e religie use d ’u ne lu t t e du c h r i s
t i a n i s m e et du m a h o m é t i s m e ; m a i s , d e r r i è r e s ' a g i t e n t
des i n t é r ê t s politiques et s o c i a u x , e t , q u a n d elle e s t
t e r m in é e , de n o u v e a u x r a p p o r t s poli ti ques, d e s é c h a n
ges de c o m m e r c e , de r é c i p r o q u e s e m p r u n t s d a n s les
Mais, o u t r e nos fonctions de p r o f e s s e u r s , n o u s ex e r ç o n s
aussi, vous le savez, Me ss ie urs , celles d ' e x a m i n a t e u r s
p o u r la collation des g r a d e s . O r , les r é s u l t a t s o b t e n u s
l ’a n n é e d e r n i è r e d a n s cette par ti e de n o t r e service n ’o n t
eu rien q u e de sim p le et de c o n f o r m e à la m a r c h e n a t u
relle des choses. P o u r vous en d o n n e r u n e idée il suffira
d ’un court e x p o s é où les chiffres n ’i n t e r v i e n d r o n t q u e le
m o i n s possible.
Je c o m m e n c e p a r le plus c o n n u de ces g r a d e s , le
b a c c a la u r é a t . L es é p r e u v e s en ont été s u b ie s p a r 199
c a n d i d a t s , 18 de plu s q u e l ’a n n é e d ’a u p a r a v a n t . 90 o n t
é té adm is, et 109 ajo u r n é s ; ce qui d o n n e p o u r m o y e n n e
des r é c e p tio n s 45 p o u r °/0, plu s u n e fraction i n s i g n i
fiante. O r, 45 p o u r °/0 est en q u e l q u e so r t e la m o y e n n e
n o r m a l e ; c ’est celle qui a été o b t e n u e p o u r t o u s les
e x a m e n s s e m b la b le s , faits en F r a n c e p e n d a n t l ’a n n é e
1 8 5 5 . D ’où il r é s u l t e q u e n o u s av o n s été d ’u n e m o d é
ration e x e m p l a i r e , n o u s t e n a n t à é g a le d i s t a n c e et de
l ’excessive i n d u l g e n c e et de l ’excessive sévérité.
P a s u n des c a n d i d a t s a d m i s n ’a m é r i té la m e n t i o n
très-bien ; 4 s e u l e m e n t o n t été r e ç u s avec la no te bien,
sa voi r: MM. W l a s t o - R a l l i , Gimelli, de C a p d e v i lle et
G r i m aldi. Le r este, c ’e s t - à - d i r e la p r e s q u e totalité, n e
s ’est pas élevé a u - d e s s u s du m o d e s te assez bien.
S u r les 109 a j o u r n é s 8 9 ont éch o u é à ca u s e de la fai
blesse de leurs c o m p o s itio n s , et 2 0 à la s u ite des é p r e u
ves orales. Il est à p r é s u m e r q u ’à l ’a v e n i r le n o m b r e
d e s a j o u r n e m e n t s p o u r les c o m p o s itio n s l ’e m p o r t e r a
d a v a n t a g e encore s u r celui des a j o u r n e m e n t s p o u r l ’e x a
m e n oral, l ’u n e des d e u x c o m p o s it i o n s d e v a n t ê t r e
lettres et les a r t s , modifient les p e u p l e s c h r é t i e n s et
m u s u l m a n s : ce sont là les p r i n c i p a u x p o i n t s de v u e q u e
le p r o f e s s e u r c h e r c h e r a à faire r e s s o r t i r en r e t r a ç a n t les
différents épisodes de 1 histoire des c r o i s a d e s .
L e co u r s de philosophie, con s a c ré l ’a n n é e d e r n i è r e à
l ' e n s e i g n e m e n t de la psychologie, a u r a p o u r objet cette
a n n é e la morale. Il c o n t i n u e r a , d u r e s t e , à t e n d r e au
m ê m e b u t , à être a n i m é du m ê m e esprit. A u x d o c tr i n e s
vivaces du m a t é r i a l is m e , telles s u r t o u t q u ’elles se t r o u
ven t e x pos ées d a n s les écrits des écoles socialistes et
c o m m u n i s t e s , h é r i t iè r e s d É p i c u r e et d ’H e l v é t i u s , il
o p p o se ra en c o r e les s a i n e s idées de la p h ilosophie s p i r i
t ualiste , de cette phil o so p h ie p a r t o u t p r o f e s s é e en
F r a n c e de p u i s un d e m i - s iè c l e a u n o m de l ’É ta t et s o u s
s o n contrôle. C ’est dire assez q u ’il se r é d u i r a p r e s q u e
u n i q u e m e n t à établir com b ie n , s o u s tous les r a p p o r t s , la
m o r a l e d u devoir l ’e m p o r t e s u r les m o r a l e s d u plaisir et
de l ’i n t é r ê t , les se u l e s c o n s é q u e n t e s à la p h il o so p h i e de
la m a t i è r e ou de la se n s a t i o n , les se u l e s co n c e v a b le s et
les seules p r é c o n i s é e s d a n s les u t opies du socialisme.
�— 50
d é s o rm a i s , n o n plus l a tine ou française au g r é d u s o r t ,
mais n é c e s s a i r e m e n t latine.
Les can d i d at s pour les lettres o n t été cette fois e n co r e
en m ajorité par r a p p o r t a u x candidats p o u r les s c ien ces;
m ais la différence a été e x t r ê m e m e n t petite. E lle a u r a i t
d û être, selon toute a p p a r e n c e , en faveur des sciences
qui g a g n e n t de plus en plus d a n s l ’opinion. La b a l a n c e
a c ontinué n é a n m o i n s à p e n c h e r du côté des lett re s, et
ce qui en a été caus e, c ’est le c o n t i n g e n t f ourni p a r la
Corse. Cette île, plus fertile q u e j a m a i s en j e u n e s a s p i
r a n t s aux car ri èr es libérales et a d m i n is t r a ti v e s , n o u s a
p r é s e n t é 32 c a n d i d a t s à l ’u n i q u e session locale du mois
d ' a o û t , t andis q u ’elle n ’en a p r é s e n t é q u e IG p o u r le
g r a d e scientifique c o r r e s p o n d a n t .
Le doctorat è s -lettr es n ’a d o n n é lieu chez n o u s , cette
a n n é e , à au c u n e x a m e n . Et cela ne doit pas s u r p r e n d r e ;
car un e x a m e n de cette sorte, ho r s de la F a c u l t é des
L e t t r e s de P ar is, est devenu c o m m e un idéal qu i se
r éalise bien r a r e m e n t . Toutefois un can d id a t, u n seul,
n o u s a fait r e m e t t r e des thèses, mais elles o n t été j u g é e s
insuffisantes sous le r a p p o r t de l ’originalité p r i n c i p a l e
m e n t . Un travail de celte i m p o r t a n c e doit êtr e, n o n pas
u n e com pilation s a n s caractère qui p r o u v e t o u t au p lus
des r e ch er ch es et q u e l q u e s efforts d ’é r u d i t io n , ce doit
ê t r e u n e espèce de c h e f - d ' œ u v r e l o n g u e m e n t et s é r i e u
s e m e n t élaboré qui fasse con n a ît r e to u te la v a l e u r p e r
so n n e l l e de celui qui en est l ’a u t e u r . C ’est p o u r q u o i , à
le bien p r e n d r e , il est de l ’i n t é r ê t des c a n d i d a t s q u e
n o u s n o u s m o n t r i o n s peu faciles s u r ce q u ’ils vont
d o n n e r a u public c o m m e l’éc h a n t ill o n le p lu s p arfait, le
ncc plus ultra de l e u r talent.
A u - d e s s o u s du doctorat et c o m m e u n d e g r é p o u r y
p a r v e n i r se trouve placée la licence. Elle n ’a été d e m a n
dée, à la session de n o v e m b r e , q u e p ar u n seul c a n d i d a t ,
M. D r eu ilh e, m a î t r e - r é p é t i t e u r au lycée de Marseille,
qui avait été a jo u r n é au p r é c é d e n t c o n c o u r s , mais q ui a
r éuss i cette fois. A la session de juillet se sont p r é s e n t é s
deu x fo n c ti o n n a i re s de l ’U niver si té et d e u x é t u d i a n t s
en droit. Un seul de ces q u a t r e c o n c u r r e n t s a vu c o u r o n
n e r ses efforts, c ’e s t M. F e r r y , s o u s - p r i n c i p a l au collège
d ’Aix. C o m m e il était le p r e m i e r des a s p i r a n t s à la
licence qui e û t suivi nos c o n f é re n c e s d e s tin é e s à les p r é
p a r e r , et m ê m e le seul qui les e û t suivies avec u n e
as siduité réelle, son succès n o u s a c a u s é u n e satisfac
tion particulière. P u is s e son e x e m p l e t r o u v e r des i m i t a
te u r s ! P uisse, d ’a u t r e part, l ’échec des d e u x é t u d i a n t s
ne pas d é c o u r a g e r ceux de leu r s condisciple s qui p r é t e n
de n t au m ê m e g r a d e ! La difficulté de l ’o b t e n i r doit en
d o u b l e r le prix à leurs y e u x , c o m m e a u x y e u x de t o u t
s é r ie u x a p p r é c i a t e u r elle d o u b l e r a le u r m é r i t e , q u a n d
ils a u r o n t atteint le b u t . Le fait seul d ’a m b i t i o n n e r c e t t e
distinction littéraire les r e n d r e c o m m a n d a b l e s e n t r e
tous. S a n s doute elle p e u t par aît re vaine p o u r de f u t u r s
légistes à qui elle ne s e r t de rien i m m é d i a t e m e n t ; m a i s ,
s ’ils p e n s e n t g r a n d e m e n t et vise nt h a u t , q u ’ils ne c r a i
g n e n t pas de trop a p p r e n d r e ; e n tr e le né c e s s a i r e et le
supe rf lu, en fait d ’instruction, il n ’y a pas p o u r e u x de
limites a s sig n a b le s .
�ltu p |»ort d e II. l* iso n s u r l e s c o n c o u r s
e n t r e le s É t u d ia n t s e n D r o it.
Messieurs ,
La composition a n n u e l l e d é t e r m i n e la m e s u r e des
co nnaissances acquises p a r c h a q u e c a n d i d a t ; c o m m e les
e x a m e n s , elle précise le d e g r é d ’i n s tr u c ti o n p u i s é p a r
l ’élève d a n s l ’e n s e i g n e m e n t du m a î t r e ; m ais en o u t r e le
c o m p t e r e n d u , qui en est le c o m p l é m e n t et la su it e,
p e r m e t de d o n n e r a tous d ’u n e m a n i è r e officielle de s a g e s
avis et d ’utiles conseils. Celte tâche se ra celte a n n é e
sim ple et facile, a u c u n m é m o i r e n ’a y a n t été d é p o s é d a n s
le délai des r è g l e m e n t s p o u r le c o n c o u r s de d o c t o r a t ;
n o u s n ’avons donc q u ’à n ous o c cuper des divers c o n c o u r s
o uver t s e n t r e les é t u d i a n t s p o u r la licence.
En p r e m i è r e a n n é e , les élèves a v aient à t r a i t e r u n e
ques tion de droit r o m a i n : De iusucapion et des conditions
reguises pour iaccomplir . C ’est là u n e m a t i è r e v a s t e et
féconde, à laquelle se r a t t a c h e , d ’u n e m a n i è r e i n t i m e ,
l ’i m p o r t a n t e théorie de la poss es sion.
S u r vingt candidats q u a t r e ont m ér ité d ' ê t r e d i s t i n g u é s
p a r la F a c u l té , qui l e u r accorde un p r e m i e r prix e x œquo
et d e u x m e n t i o n s h o n o r a b le s.
L e p r e m i e r prix a été p a r t a g é e n t r e MM. M a u r e l et
Silbert, d o n t le travail se r e c o m m a n d e p a r des q u a l i t é s
es tim ables , m ais différentes. M. M a urel c o n n a î t bien son
sujet, q u ’il e xpos e d a n s tous ses détails, avec o r d r e et
lucidité, m o n t r a n t q u ’il a su m e t t r e à profit la l e c tu r e
des textes. C o n s e illo n s - lu i s e u l e m e n t , d a n s l ’in t é r ê t de
ses succès à venir, de ne j a m a i s rien écrire, s a n s l ’avoir
m û r e m e n t pes é ; c ’est p o u r n ’avoir pas to u jo u rs suivi ce
pré c e p te , q u ’il a c om m is q u e l q u e s e r r e u r s fort r e g r e t t a
bles d a n s u n bon travail c o m m e le sie n.
La composition de M. S ilbert , s a n s êtr e p l e i n e m e n t
d é g a g é e d ’in e x a c t i t u d e s , est c e p e n d a n t peu r é p r é h e n
sible à cet é g a r d . E s p r i t s é r i e u x et réfléchi, M. S ilb e r t
n ’avance o r d i n a i r e m e n t rien qui ne soit s t r i c t e m e n t c o n
form e a ux p r incipes. Si, n é a n m o i n s , sa c o m p o s iti o n n ’a
p u q u ’é g a l e r celle de M. M aurel, s a n s la s u r p a s s e r , c ’est
q u ’elle e s t tout à la fois m o in s c o m p lè te et m o i n s bien
ordonnée.
E n troisième ligne, m a i s à u n e g r a n d e d i s t a n c e des
d e u x p r é c é d e n t s , se place M. D u m a y , qu i a o b t e n u la
p r e m iè r e m e n t i o n , a u c u n des c a n d i d a t s n ’a y a n t été j u g é
digne d ’un second prix. Un style facile, u n e b o n n e d i s
t r ib u t io n des m a ti è r e s , des n oti ons assez d é v e lo p p é e s
s u r les points es sen t iels , c ’est ce q u ’il y a de plus sa il
la n t chez M. D u m a y . Mais, o u t r e p l u s i e u r s e r r e u r s , l ’e n
s e m b le de la com position s e m b le i n d i q u e r chez s o n
a u t e u r un travail m o i n s ap p r o f o n d i q u e celui des d e u x
p r e m ie rs , u n e c o n n a i s s a n c e du sujet p lus supe rf ici elle.
M. E s t o r , à q u i ' a été d é c e r n é e la s e c o n d e m e n t i o n ,
n e c o m m e t pas d ’omission i m p o r t a n t e , traite m ê m e u n e
q u e s tio n négligée p a r ses condis ciple s, p r o u v e e n u n m o t,
q u ’il a su m e t t r e à profit ce q u ’il a lu e t e n t e n d u . Mais
des d i g r e s s i o n s inutiles, et s u r t o u t des e r r e u r s de p r i n
cipes, p l u s n o m b r e u s e s et p l u s g r a v e s q u e chez M.
D u m a y , ont dû le r ejeter au q u a t r i è m e r a n g .
�—
P o u r la d e u x i è m e a n n é e l a ques tion était ainsi c o n ç u e :
De l'action en nullité ou rescision appliquée spécialement
au mineur et à l'interdit. Ce lle m a t i è r e , qui a d o n n é lieu
d a n s n o i r e droit à de n o m b r e u s e s c o n t r o v e r s e s , offrait en
o u t r e des r a p p r o c h e m e n t s dig n e s d ' i n t é r ê t , soit avec les
reslitutiones in integrum du droit romain, soit avec les
actions en nullité et les actions en rescision de n o tr e
ancien dr oi t français.
S u r vingt c o n c u r r e n t s , qui ont pris p a î t à la l u ll e , M.
Milanta, qui obtint l ’a n n é e d e r n i è r e le se cond p r i x , oc
cupe cette a n n é e la p r e m i è r e place. Sa c o m p o s iti o n est à
peu près ir ré p r o c h a b l e p a r le fond et p a r la f o r m e , si ce
n ’est q u e son style m a n q u e parfois de c et te sévérité
c o m m a n d é e par la l a n g u e du droit. S age et bien conçue,
exacte p r e s q u e s u r tous les points, sa d i s s e r t a t i o n , sans
offrir rien de sa i siss ant , révèle un travail s é r i e u x et s o u
t e n u , une inst r u ct i o n puisée plus encore d a n s l ’e n s e i g n e
m e n t oral, q ue d a n s la l e c t u r e des c o m m e n t a i r e s .
M. S ou b ra t , qui celte a n n é e n ’a q u e le s e c o n d prix,
suit c e p e n d a n t d'assez p r ès M. M i lanta, p o u r q u e la
question de priorité puisse p a r a î t r e u n i n s t a n t d o u t e u s e ;
p r e s q u e aussi co m p let q u e son c o n c u r r e n t , il e s t m ôm e
plus incisif et plus original d a n s la discussion et d a n s le
d é v e lo p p e m e n t des q u e s t io n s c o n tr o v e rs é e s . M a l h e u r e u
s e m e n t u n e moins g r a n d e n e tte té d ' e x p r e s s i o n , q u e l q u e s
i n e x a c t i t u d e s , u n e lacune f âcheuse s u r l ’a r t. 1 3 3 8 , n ’ont
p e r m is à la F a c u l t é q u e de lui a s s i g n e r le s e c o n d r a n g .
M. R i g a u d a m é r i té la p r e m i è r e m e n t i o n , q u ’il doit à
son style facile, à u n e exposition m é t h o d i q u e d u sujet, à
u n r i g o u r e u x e n c h a î n e m e n t d ’idées d a n s la d isc ussion;
sa composition, qui accuse d ’ail leu r s u n e m é m o i r e des
;»o —
plu s h e u r e u s e s , n ’a d û c e p e n d a n t tr o u v e r sa place
q u ‘après les d e u x p r é c é d e n t e s . U ne gr a v e e r r e u r en
m a ti è r e d i n t e r d ic t i o n , des dig r ess io n s t o u t —à —fait oi
s e u s e s , et q u e lq u e s om iss ions r e g r e t t a b l e s , telles s o n t
les causes de cette infériorité relative.
La d e u x iè m e m e n t i o n a été p a r t a g é e cxœ quo e n t r e MM.
Delueil et P o n t i c r , tous d e u x b o n s élèves, t r è s - a s s i d u s
a u x cours, et d o n t la com pos ition révèle les h a b i t u d e s
labor ieuses . Mais le p r e m i e r , M. Delueil, s ’écar te q u e l
quefois e n t i è r e m e n t de son sujet, s ' é t e n d trop s u r c e r
taines m ati èr es au d é t r i m e n t d ’a u t r e s n on m o i n s i m p o r
t a n t e s et q u ’il l a i s s e d a n s l ’o m b r e . Le se c o n d , M. P o n t i c r ,
se r e s t r e i n t au c o n tr a ir e b e a u c o u p trop : la br ièv eté, avec
laquelle les q u e s tio n s f o n d a m e n t a l e s s o n t i n d i q u é e s
plutôt que d éveloppées , fait de sa com pos ition bien p l u s
un bon c ad r e de d i s s e r t a t i o n , q u ’u n e d is s e r ta t io n p r o
p r e m e n t dite.
E n troisième a n n é e , le droit r o m a in et le droit f r a n
çais s ont l ’objet de d e u x co n c o u r s d i s t i n c t s , qui on t
c h a c u n , c o m m e on le sait, leurs prix sp é c ia u x . P o u r le
d r o it r o m a in le s o r t avait d é s ig n é la q u e s t i o n s u i v a n t e :
Des diverses espèces de pécules et des droits, qui compétent
à leur occasion aux esclaves, aux fils de famille et a u x pères
de famille.
M. Mange, qui de p u is le c o m m e n c e m e n t de ses é l u d e s
s ’est c o n s t a m m e n t t e n u à la m ô m e h a u t e u r , figure cette
a n n é e - c i encor e en p r e m i è r e ligne. U c o m m e n c e par
i n d i q u e r , d a n s u n e c o u r t e i n t r o d u c t i o n , c o m m e n t à la
c o n s t itu tio n de la famille r o m a i n e se r a t t a c h e l ’é t a b l i s
s e m e n t des pécules. P u i s , s a n s e n t r e r d a n s des détails
i n u t il e s , il e nvis age son sujet s o u s toutes ses faces, y
�r a m e n a n t avec soin tous les textes, qui s 'y r a p p o r t e n t ,
et qui s o n t é p a r s d a n s les I n s l i t u t e s . C o n s t a t o n s t o u t e
fois, q u ’i ncom plet au point de vue h is to r iq u e , il oublie
de n o u s a p p r e n d r e à q uelle é p o q u e r e m o n t e n t les
diverses p h a s e s de 1 institution q u ’il étudie.
M. C o n te n c in , le seeond s u r la liste des l a u r é a t s , se
dist i ngue par u n e con n a i s sa n c e é t e n d u e de son s u j e t et
s u r t o u t par un cachet d ’originalité, qui m a n q u e u n peu
à M. Ma nge. Mais o u t r e q u ' i l est b e a u c o u p m o in s m é t h o
dique, on peu t lui r e p r o c h e r un laconisme trop f r é q u e n t ,
ce qui a s s u r e la s u p é rio r i té à son condisciple.
M. Bellissen, qui a été j u g é digne de la p r e m i è r e
m e n t i o n , es t u n elève m o d e s te et la b o r ie u x , qu i sa it
b e a u c o u p de choses, ainsi q u e l ’a ttes te sa c o m p o s iti o n ,
s e u l e m e n t ce q u'il sait a besoin d ’être m û r i , s ’il v e u t à
l ’avenir m ieux c o o r d o n n e r ce q u ’il écrit et s u r t o u t é v i te r
les e r r e u r s de principes, du g e n r e de celle q u il a c o m
mise s u r le pécule adventice.
M. Portai a fait u n travail sa g e et judicieux, où t o u t
se lie et s ’enchaîne, mais qui m a n q u e de d é v e l o p p e m e n t s
suffisants et offre q u e l q u e s l acu n es s u r des p o i n t s e s s e n
tiels. Les l ouables efforts de M. P o r t a i o n t été r é c o m
p e n s é s par la d e u x i è m e m e n t i o n .
E n droit français, p a r u n e s i n g u la r i té assez r e m a r q u a
ble, no u s r e t r o u v o n s r a n g é s d a n s le m ê m e o r d r e les n o m s
de MM. M a n g e , C on t e n c in , Be llissen et P o r t a i; ce d e r n i e r
s e u l e m e n t p a r t a g e la d e u x i è m e m e n t i o n avec M. P o u l ie .
L e suj e t q u ’avaient à t r a i te r les c a n d i d a t s é t a it c o n ç u
de la m a n i è r e s u i v a n te : Quelles sont les dettes nées pen
dant le mariage, qui tombent dans la communauté légale, et
comment y tombent-elles?
M. M a nge est complet s u r t o u s les points, clair e t
précis c o m m e d a n s sa com position de droit r o m a i n .
Q u e l q u e s critiques d u lég isl ateu r mal f o n d é e s , u n e re
p r o d u c t i o n quelquefois trop servile d e ce q u ’il a lu ,
telles so n t les se ules imperfections q u e n o u s a y o n s à
relever d a n s sa diss e r ta tio n .
M. C o n te n c in t ouj ours avec des a l l u r e s p l u s i n d é p e n
d a n te s , avec des idées p e r s o n n e ll e s p l u s a r r ê t é e s , a fait
u n bon travail, fruit d ’é t u d e s c o n s cien cieu ses ; m a is il a
bes oin de m e t t r ^ p l u s d ’o r d r e d a n s ce q u ’il écrit, il fera
bien é g a l e m e n t de m ie u x se p é n é t r e r de l ’e s p r i t de la loi
do n t quelquefois il ne d o n n e pas le vrai motif.
M. Bellissen est ici b e a u c o u p plus exact et b e a u c o u p
plus m é t h o d i q u e q u e d a n s sa p r e m i è r e com p o s it io n .
N ous devons l ’en féliciter, m ais r e g r e t t e r en m ê m e t e m p s
q u ’il ait r ésolu la p l u p a r t des q u e s t io n s s a n s d is c u s s io n
suffisante, ce qui le place a u - d e s s o u s des deu x p r e m i e r s .
La composition de M. P o rta i p r é s e n t e à peu p r è s les
m ê m e s car actèr es q u e celle de M. B e ll i s s e a , toutefois
p l u s ie u r s omissions et q u e l q u e s a s s e r t io n s e r r o n n é e s o n t
d u le rejeter à un r a n g i n f é rie u r .
M. P ouli e se c o n te n te d ’e x p o s e r son suje t, 3vec e x a c
titude du reste, mais avec un laconisme, qu i ne souffre
le plus so u v e n t a u c u n e espèce de discussion ni de d é v e
lo p p e m e n t s . S'il pa r t a g e avec M. P o rta i la d e u x i è m e
m e n t i o n , il le doit à un essai de classification assez
h e u r e u x et qui d é n o t e u n travail p e r s o n n e l bien d i g n e de
récompense.
E n t e r m i n a n t n o tr e t ache, faisons u n e s i m p le o b s e r
vation s u r les compositions, qui n ’a y a n t point été l ’objet
�59 —
d ' u n e distinction spéciale, n ' o n l pas du figurer d a n s ce
compte r e n d u . Elles décèlent, en g é n é r a l , chez l e u r s
au te u r s de l ’intelligence et du j u g e m e n t ; m ais d is o n s -l e ,
bien q u ’à regret, si d a n s le n o m b r e il e n est q u e l q u e s u n e s d ’assez b o n n e s , d a n s p l u s ie u r s a u t r e s au s s i l ’a b
sence d ’un travail sé ri eu x se laisse apercevoir. F a i s o n s
des vœ u x p o u r q u ’il en soit a u t r e m e n t à l ’a veni r . P u i s
s i o n s - n o u s désorm ais n ’avoir q u e des éloges à d é c e r n e r
à tous, s ’il est possible! P uissiez-vous tous, M e ss ie urs ,
c o m p r e n a n t m ieux enfin le prix de l ’étiîde, y c o n s a c r e r
s é r i e u s e m e n t u n t e m p s aussi p r écieu x q u e fugitif !
R a p p o r t (le II. C o s t e , d ir e c t e u r d e l ’éc o le p r é p a r a to ir e d e M é d e c in e e t
d e P h a r m a c ie , à M a r s e ille .
Monsieur le Recteur, Messieurs ,
Un fait des plus i m p o r t a n t s s ’est accompli, au c o m
m e n c e m e n t de la d er nière a n n é e scolaire, p o u r l ’école
p r é p a r a to i r e de Médecine et de P h a r m a c i e de M a rs eil le;
elle a été r éorganis ée p a r un d é c r e t de S. M. l ’E m
p e r e u r , d u 24 n o v e m b r e 1856, et par u n a r r ê t é de S. E .
le Ministre de l ’I n s t r u c ti o n p u b li q u e , du 12 d é c e m b r e .
L ’he u r e du r e p o s était v e n u e p o u r q u e l q u e s - u n s de
nos collègues. L ’âge ou la m a la d ie avait r e n d u i n d i s
p e n s a b l e leu r é lo i g n e m e n t du profes sorat. N ous av o n s
dû n o u s s é p a r e r bien à r e g r e t de ces h o n o r é s c oll abo
r a t e u r s , mais toutes nos s y m p a t h i e s les suivent d a n s leur
r e t r a i t e , et no u s ne p e r d r o n s ja m a is le sou v e n ir de leurs
utiles services.
Je vais avoir l ’h o n n e u r , Me ss ie urs , de vous expos er
la situation de l ’école p e n d a n t l ’a n n é e scolaire q u i
vient de finir.
P e r m e l te z - m o i d ’a b o r d de r e n d r e à mes collègues et
à nos élèves la j u stice q u ’ils m é r i te n t.
Il s e r a it trop lo n g et, je crois, sa n s in t é r ê t p o u r l ’h o
n o r a b l e as sista nce d ’i n d i q u e r ici en détail toutes les
m a tiè r e s qui o n t été d é m o n t r é e s cette a n n é e ; q u ’il me
suffise de dire q u e l ’e n s e i g n e m e n t a m a r c h é , d a n s ses
diverses parties, d ’u n e m a n i è r e c o m p l è t e m e n t satisfai
sa n te .
Bien p é n é t r é s de l ’i m p o r t a n c e de leurs devoirs, tous
les p r o f e s s e u r s , a n ci en s et n o u v e a u x , o n t fait l e u r s
cours avec le plus g r a n d soin et la plu s parfaite ex a c ti
tude.
Les é t u d i a n t s ont r é p o n d u a u x efforts de leurs m a î
tres en as sista n t t r è s - a s s i d u m e n t aux leçons. L es co u r s
n ’ont jamais été m ieux suivis q u e cette a n n é e .
Aussi, les e x a m e n s du mois d ’août o n t- il s été trèssatisfaisants. L es élèves, c o m p r e n a n t bien q u e l ’e x a
m e n de fin d ’a n n é e est r i g o u r e u s e m e n t exigé p o u r
pouvoir p r e n d r e de n ouvelles in s c r i p t i o n s ou p o u r
é c h a n g e r celle d ’une école p r é p a r a to i r e c o n tr e des i n s
criptions de faculté, n ’ont pas m a n q u é de se p r é s e n t e r à
cette ép r e u v e et l ’ont subie, p o u r la p l u p a r t , avec b o n -
�— 61
neu r . 11 n ' v a eu que cinq a j o u r n e m e n t s en m é d e c i n e ;
un seul a été prononcé en p h a r m a c ie .
Une m u t u e l l e bienveillance a c o n s t a m m e n t r é g n é
d a n s nos r a p p o r t s avec la Com m is sion adm i n i str a ti v e des
h ô p i t a u x ; il ne sa urait en être a u t r e m e n t e n t r e d e u x
institutions qui m a r c h e n t , en définitive, vers un b u t
c o m m u n . La Com m ission c o m p r e n d tr è s- b ie n l ’étroite
solidarité qui lie les i n tér êt s de l ' h u m a n i t é à ceux de la
science ; elle sait q u ’il n ' e s t pas de plus s u r m o y e n de
réaliser ses vues p h il a n tr o p iq u e s q u e de t r a v a i lle r à
faire de bons m édecins .
Notre école a reçu, p e n d a n t l ' a n n é e scolaire 1 8 5 6 1 8 5 7 , 436 inscriptions. Les élèves en m é d e c i n e en o n t
pris 2 7 9 et les élèves en p h a r m a c ie 1 57. L es i n s c r i p
tions p o u r la m edecine se d é c o m p o s e n t a i n s i : 8 5 p o u r
le doctorat, les a u t r e s p o u r le g r a d e d ’officier de s a n t é .
Des 157 inscriptions de p h a r m a c i e , 48 ont été prises
p o u r le titre de p h a r m a c i e n de p r e m i è r e c l as se, les
a u t r e s p o u r celui de p h a r m a c ie n de d e u x i è m e classe.
T o u te s ces inscriptions ont p r o d u i t à la caisse m u n i
cipale 1 0,900 fr., et au t r é s o r 2 , 0 0 0 fr. e n v i r o n .
L ’école a fonctionné une troisième fois, p e n d a n t le
der nier exercice scolaire, co m m e jury d ' e x a m e n , s o u s la
présidence de MM. les professeurs D upr é e t P l n n c h o n ,
de Montpellier, pour la collation des g r a d e s d'officier de
s a n t é , pharm acien et s a g e - f e m m e .
2 8 candidats se s o n t p r é s e n t é s a u x e x a m e n s d ’offi
cier de sa nté. T ous, m oins u n , o nt été a dm i s.
19 as p i ran t s au titre de p h a r m a c i e n o n t été e x a m i n é s .
14 ont o b t e n u leur diplôme, et 5 o n t été a jo u r n é s .
18 s a g e s - f e m m e s ont subi l ’é p r euve r é g l e m e n t a i r e .
16 ont été j u g é e s dignes d u certificat de capacité, et 2
ajour nées.
J ’ai hâte de faire r e m a r q u e r , p o u r r e n d r e h o m m a g e
à la vérité, q u e , p a r m i les c andidats r eçu s officiers de
s a n t é ou p h a r m a c i e n s , les élèves de n o tr e École o n t
o b t e n u les m e i l l e u r e s no te s ; et c ’était ju stice, car ils se
s o n t m o n t r é s r é e l l e m e n t s u p é r i e u r s p a r le u r in s tr uction
t h é o r iq u e et pr ati q u e. Je dois faire la m e m e o b s e r v a
tion, p o u r les s a g e s - f e m m e s , en faveur des élèves de la
m a t e r n i t é de Marseille.
Il faut q u e je signale ici, à l ’occasion des e x a m e n s des
p h a r m a c i e n s , u n fait des plus r e g r e t ta b l e s , r é s u l t a n t de
l ’insuffisance de n o t r e local.
Nous n ’avons pas de laboratoire, car on ne p e u t don n e r ce n o m à un p etit r é d u i t p r e s q u e s o u t e r r a i n et
c o n s é q u e m m e n t t r è s - o b s c u r , qui est au fond de l ’a m p h ith é à tr e des cours. Dès lors, o u t r e q u e le p r o fe s se u r
de p h a r m a c i e et de toxicologie ne p e u t faire, m a l g r é
to u t son zèle, q u ’un cours p u r e m e n t t h é o r i q u e , il est
im possible q u e l ’ép r e u v e p r a t i q u e p o u r la r éception des
p h a r m a c i e n s ait lieu, c o m m e cela devrait être, au siège
m ê m e de l ’école. E n p r é s e n c e de cet e m b a r r a s , j ’ai dû
r e c o u r i r à l ’obligeance de M. le doyen de la F a c u l t é des
Sciences, qui, de c oncer t avec Je p r o f e s s e u r de c h i m i e ,
n o t r e co llèg u e à l ’École, a eu la b o n té de m e t t r e à ma
disposition son laboratoire de chimie p r a tiq u e .
Q u e M. M o r r en et M. F a v r e veuill ent bien accepter
tous m es r e m e r c î m e n t s .
Les e x a m e n s des officiers de sa n t é o n t p r o d u i t pour la
ville 5 0 9 0 fr. et ceux des p h a r m a c i e n s , 4730 fr. Il faut
d é d u ir e du total de ces deu x s o m m e s , c ’est-à-dire de 9 8 2 0
�— 62
fr., les frais des e x a m e n s , qui c o m p r e n n e n t la d é p e n s e
faite p ar les p r é s i d e n t s p o u r l e u r voyage et le u r séjour,
les dr oits de pr é se n c e qui l e u r s o n t d u s ainsi q u ’a u x
a u t r e s e x a m i n a t e u r s , p l u s l ’ach at d e s s u b s t a n c e s n é c e s
sa ires p o u r les é p r e u v e s p r a t i q u e s des p h a r m a c i e n s ; ces
frais se s o n t élevés à u n e s o m m e de 3 8 5 0 f r ., r e s t e
n e t p o u r la c o m m u n e 5 9 7 0 .
E n j o i g n a n t à cette s o m m e le p r o d u i t des i n s c r i p
tions, soit 1 0 ,9 0 0 fr., on voit q n e les recettes de l ’École
on t versé d a n s la caisse m u n ic i p a le 1G, 8 7 0 fr.
O r , le b u d g e t de l ’École é ta n t, p o u r 1 8 5 7 , de 2 1 , 1 0 0
f r ., le sacrifice q u e la ville a d û faire, p o u r c o m b l e r la
différence e n t r e nos recettes et nos d é p e n s e s , s ’est lim i
té a u chiffre t r è s - m i n im e de 4 2 3 0 fr.
L ’É t a t a reçu p o u r t ous les e x a m e n s de fin d ’é t u d e s
9 , 0 1 0 fr.
N otr e a r s e n a l de m é d e c i n e op ér at o i re, déjà t r è s - c o n
s i d é r a b l e par les addi t ions q u e n o u s y faisons c h a q u e
a n n é e , vient de s ’e nr ichir d ’une belle collection d ' i n s
t r u m e n t s de ch i r u rg i e q u e n o u s a d o n n é s M. M a r t i n ,
p r o f e s s e u r h o n o r a i re . Ce di g n e collègue, q u e n o u s c o m p
tions n a g u è r e s encore p ar m i nos p r o f e s s e u r s les plus
d év o u és à l e u r tâche et qui n ’a pas cessé de n o u s a p p a r
t e n i r par les s e n t i m e n t s de la p lu s loyale c o n f r a t e r n i t é ;
ce c ollègue v é n é r é de tous , a u q u e l n o u s u n i s s e n t
t o u j o u r s les liens du plus affectueux a t t a c h e m e n t , a
v o u l u , p ar ce don g é n é r e u x , p e r p é t u e r p a r m i n o u s le
s o u v e n i r de ses longs services d a n s l ’e n s e i g n e m e n t .
Q u ’il m e p e r m e t t e de lui e x p r i m e r , a u n o m de to u s les
m e m b r e s de l ’École et au m ie n , n o t r e vive r e c o n n a i s
sance.
— 63 —
L e conseil m u n i cip al, sous la bienveillante impulsion
de M. le Maire, a bien voulu ajouter, cette a n n é e , c o m
m e l ’a n n é e p r é c é d e n t e , au chiffre o r d in a i re de n o t r e
b u d g e t u n e s o m m e de 400 fr. destiné e à l ’achat de
b e a u x et bons livres q u e n o u s d o n n o n s en prix à ceux
de nos élèves qui se sont le plu s disti n g u és par le u r
as siduité a u x co u r s et qui o n t o b t e n u les m e il le u re s
notes a u x e x a m e n s de fin d ’a n n é e .
N ous avons été h e u r e u x , mes collègues et moi, d ’ho n o r e r p u b l i q u e m e n t le m é r i t e de ces j e u n e s g e n s .
L e s élèves qui ont reçu, il y a q u e l q u e s jours, à la
sé a n c e sole nnelle de r e n t r é e , les r é c o m p e n s e s de le u r
zèle, s o n t : MM. D a u v e r g n e , é t u d i a n t en m édecine de
p r e m i è r e a n n é e , M a u rin , é t u d i a n t de d e u x iè m e a nnée,
et Nicolas, é t u d i a n t de trois ièm e a n n é e . Le prix de p h a r
macie a été p a r t a g é e n t r e MM. Coste et P assebois.
Nos l a u r é a t s tr o u v e r o n t , j ’en ai l ’a s s u r a n c e , d a n s la
v a l e u r m o r a le de ces prix, bien p l u s q u e d a n s leur
v a l e u r matérielle , u n e n c o u r a g e m e n t à m é r i te r u n
n o u v e a u x succès. L e u r s condisciples, m oins h e u r e u x
cette fois, y v e r r o n t au s s i un aiguillon tr è s - p r o p r e à
s t i m u l e r le u r zèle et à les r e n d r e dig n e s de la m ê m e
distinction.
Q u ’il m e soit p e r m i s , en t e r m i n a n t ce compte r e n d u ,
de r e n o u v e l e r le v œ u , déjà e x p r i m é p a r moi d e v a n t u n e
a u t r e a s s e m b l é e , q u e l ’École de Médecine et de P h a r
m acie de Marseille reçoive, d a n s un avenir prochain,
u n e installation plu s c o n f o rm e à son i m p o rta n c e et
m i e u x a p p r o p r i é e à ses besoins.
Alors notr e École, déjà t r è s - p r o s p è r e , s u r t o u t depuis
i
sa r é o r g a n i s a t i o n , p r e n d r a un essort plus g r a n d e n c o r e .
�64 —
Les é t u d i a n t s , s u r s de t r o u v e r chez n o u s les m o y e n s
d ’instruction les plus efficaces, d e v ie n d r o n t p l u s n o m
b r e u x ; et, n o s r e s s o u rc e s s ’accroissant ainsi, n o u s p o u r
r o n s , j ' e n ai la ferm e e s p é r a n c e , p r é s e n t e r u n b u d g e t en
é qui l i bre , un b u d g e t où les recettes de l ’École couvri
r o n t ses frais. L a ville recueillera les fruits des sacrifices
q u e l l e a u r a dû s ’i m p o s e r , c a r elle sera d é s o r m a i s
e x o n é r é e de toute c h a r g e p o u r nous.
L ’École voit la r éalisation p lu s ou m o i n s p r o c h a in e
d u v œ u q u e je forme d a n s les libéralités de la c o m m u n e
p o u r la F a c u l t é des Sciences, do n t Marseille a été si
h e u r e u s e m e n t dotée. Cette in tel li g en t e m u nifice nce e n
vers u n é t a b l i s s e m e n t qui en était si dig n e, n o u s ne
s a u r i o n s t r o p s i n c è r e m e n t y a p p l a u d i r . O u t r e q u ’elle
d o n n e satisfaction à de h a u t e s c o n v e n a n c e s , o u t r e
q u ’elle est u n h o m m a g e r e n d u à la sollicitude d u g o u
v e r n e m e n t p o u r les besoins intellectuels de la cité, elle
est u n g age ce r ta i n , je l ’es p ère, de f u t u r e g é n é r o s i t é p o u r
l ' É c o l e de Médecine et de P h a r m a c i e . L ’a r t m édi cal, en
effet, ne tient-il pas le p r e m i e r r a n g ? n ' e s t - i l pas la
p r e m i è r e de t outes les sciences qui e n s e ig n e les m o y e n s
de c o n s e rv e r le t r é s o r le p lus p r é c i e u x à l ’h o m m e , la
santé?
Oui, Marseille v o udr a faire p o u r son École m édi cale
ce q u ’elle a fait p o u r sa F a c u l t é . E ll e fera c o m m e les
g r a n d e s villes de la province, L y o n , B o r d e a u x , T o u l o u s e ,
Lille, R e n n e s et d ’a u t r e s en c o r e d ’u n o r d r e i n f é r i e u r *
qui o n t t e n u à h o n n e u r d ’i n s ta l le r d i g n e m e n t l e u r s
écoles de m éd e c i n e .
N o u s plaçons, p o u r la s a t is f a c tio n d e n o s b e s o i n s ,
n otr e confiance e n ti è r e d a n s l ’i n t é r ê t si v i g i l a n t q u e
65 —
n o u s porte M. le R e c t e u r , d a n s les s y m p a th ie s , ta n t de
fois ép r o u v é e s déjà, de M. le Maire de Marseille et d a n s
l ’in ter vention de l ’é m i n e n t m a g i s tr a t qui dirige a u j o u r
d ’hui l ’a d m in is t r a tio n de n o t r e d é p a r t e m e n t .
La s é a n c e d e r e n t r é e d e l ’É c o l e p r é p a r a t o i r e d e
M é d e c i n e e t d e P h a r m a c i e d e M a r s e i l l e a e u lieu le
8 n o v e m b r e 1 8 5 7 , d a n s l ’a m p h i t h é â t r e d e l T I ô l e l D ieu d e M a r s e ill e .
C e tte s o l e n n i t é , c o n s a c r é e a u s s i à la d i s t r i b u t i o n
d e s p r i x e t h l a q u e l l e o n t a s s i s t é M. le M a i r e d e
M a r s e i l l e , MM. les m e m b r e s d e l ’a d m i n i s t r a t i o n d e s
h ô p i t a u x , M. le d o y e n d e la F a c u l t é d e s S c i e n c e s
e t d ’a u t r e s n o t a b i l i t é s a p p a r t e n a n t à l ’a d m i n i s t r a
t i o n , à l ’e n s e i g n e m e n t e t h la m é d e c i n e , é t a i t p r é
s i d é e p a r M. H . C o m b e s , I n s p e c t e u r d ’a c a d é m i e e n
r é s i d e n c e h A ix, p r o f e s s e u r h o n o r a i r e d e l ’é c o l e d e
m é d e c i n e d e T o u l o u s e , d é l é g u é p a r M. le R e c l e u r r
empêché.
M. H . C o m b e s a p r o n o n c é le d i s c o u r s s u i v a n t :
Messieurs ,
Je dois à la h a u t e bienveillance de M. le R e c t e u r d e
l ’A cadémie d ’Aix et a u x s e n t i m e n t s de b o n n e , f r a n c h e
et cordiale confraternité, qui m ’u n i s s e n t déjà à M. f i n s -
�—
66
—
p e c t e u r d ’A cadém ie de Marseille, 1 h o n n e u r insigne de
p r e n d r e la parole d a n s cette solennité.
Je n'ai pas re c u l é d e v a n t cet h o n n e u r qui es t v e n u m e
c h er ch er à l ’improviste, parce que, s ’il co n s t itu a it u n
péril, il r e p ré s e n t a i t aussi un devoir. J ’ai d ’a i lle u r s e s
p é r é q u e vous m ' é p a r g n e r i e z u n e c o m p a r a i s o n i m p o s s i
ble, déclinée d ’avance par le cri d ’un a m o u r - p r o p r e bien
convaincu, qui sait au m oins r e c o n n a î t r e des s u p é r io r ité s
p a r t o u t où elles se p r o d u i s e n t .
Vous me tiendrez c om pte, j ’ose du m oins me le p r o
m e t t r e , de ce co u r a g e et de cette b o n n e volonté. V ous
d a i g n e r e z ne pas ou b li er q u e je m e p r é s e n t e à vous s o u s
le p a t r o n a g e de 1 U n iver sité, qui m e confie la mission
délicate de r e p r é s e n t e r le principe d ’u n e a u t o r i t é f e rm e
et t u t é l a ire , si bien personnifiée par S. E . M. le Ministre
de l ’I nst r uct i on p u b l i q u e , et, plus près de n o u s , p a r le
c h e f é m i n e n t de l ’A cadém ie d ' À i x , ces p u i s s a n t e s r é v é
lations du m ér ite p e r s o n n e l l o n g t e m p s é p r o u v é d a n s
cette g r a n d e car ri èr e de la m a g i s t r a t u r e , si d i g n e , si
h o n o r a b l e et si h o n o r é e , ces d e u x g l o r ie u x e n c o u r a g e
m e n t s p o u r le corps e n s e i g n a n t , qui s ’est se nt i g r a n d i r
à l e u r contact, ces deu x g r a n d s e x e m p l e s p o u r c eux à
qui ils c o m m a n d e n t , et p o u r ces j e u n e s h o m m e s qui se
p r é p a r e n t à l ’avenir.
Bien p é n é t r é de ma faiblesse, j ’ai r e c h e r c h é to u te s les
c i r c o n s t a n c e s qu i po u v ai en t m ’être s e c o u r a b l e s . J ’ai eu
la b o n n e f o r t u n e de tr ouver un p oint d ’ap p u i d a n s le
suj e t m ê m e , n on de ce d i sc ours ( c e t e r m e se rait tr op
a m b i ti e u x p o u r u n e i m provis ation), m a i s de cet e n t r e
tien q u e j ’a d r e s s e en c o r e p lu s à vos s e n t i m e n t s les p l u s
intim es et les pl u s chers, q u ’a ux l u m i è r e s de votre rai-
— 67
son. Je m e suis d e m a n d é et je viens vous dire p o ur quoi
selon moi le G o u v e r n e m e n t de l ’E m p e r e u r , si g r a n d
d a n s sa m a gni f ique un it é, placé n é a n m o i n s au point de
vue d ’u n e d é c e n tr a l is a ti o n relative , n éces sair e parce
qu elle est é q u i t a b l e , s ’est d o n n é la mission de r é o r g a
nise r cette Ecole de Médecine, de co n s ta te r toutes ses
t e n d a n c e s pr ogressives, et de pr ofiter des m agnifiques
r e s s o u r c e s i n h é r e n t e s à votre P r o v e n c e , à cette grande,
riche et la bor ieuse Cité, et s u s c e p tib le s de dev en i r la
b a s e solide d ’u n e b o n n e et forte instruction profession
nelle. 11 me sera possible de vous p r o u v e r q u ’elles
suffisent à toutes les nécessités de la science des m a l a
dies , é tu d ié e s i m u l t a n é m e n t c o m m e u n e science et
c o m m e u n art, au double point de vue d o g m a t i q u e et
pratique.
Je ne sais si vous avez été frappés p a r cette o b s e r v a
tion a u j o u r d ' h u i in co n tes té e q u e , si au X V I I e siècle
l ’é d ucation pouvait être individuelle, si l ’on se b o r n a i t
a l o r s à p o u r s u i v r e p a r elle l ’application du yvoxi csauxov
de S o cr ate, il n ’en s a u r a i t ê t r e de m ê m e des sociétés
m o d e r n e s , q ui, en raison m ê m e de leur o r igine , c o m
m a n d e n t q u e l ’on développe l ’h o m m e être politique et
social, et qui, d a n s ce b u t , l ’a c c o m p a g n e n t de p u is la
salle d ’asile et l ’école p r im a ir e j u s q u ’a u sein des lycées,
des collèges c o m m u n a u x et des é t a b l i s s e m e n t s c o n s a
crés à l ’e n s e i g n e m e n t s u p é r i e u r . C ’est là la signification
d e l à p ens ée de d e u x g r a n d s e m p e r e u r s : d e N u p o lé o n Ier,
qui fonda l ’U niver si té, et de Nap o léo n III, qui ne cesse
de lui i m p r i m e r de fécondes et p u i s s a n t e s réform es.
L ’Ecole p r é p a r a to i r e de Mé decine et de P h a r m a c i e de
Marseille s ’est établie, à l ’état r u d i m e n t a i r e d ’a b o r d , d e
�—
68
—
1808 à 1820 ; elle a g r a n d i de 1820 à 1841 ; elle s ’est
développée de 1841 j u s q u ’à sa r é o r g a n i s a t i o n , où elle a
m o n t r é toute la v ig u e u r et toute la v i r tu a li té de son
économie, parce q u e , p o u r m e se rvi r d ’u n t e r m e e m
p r u n t é à notre vocabulaire médical, elle était n é e d a n s
des conditions viables, ou, p o u r r e n d r e a u t r e m e n t la
m ê m e pensée, parce q u ’elle d o n n a i t satisfaction à u ne
nécessité sociale.
Une école de m édecine est, en effet, u n p u i s s a n t moyen
d ’assistance publ i q u e. Grâce à elle, la classe m a l h e u
r e u s e reçoit, dans les salles de clinique, les soins de
l ’h o m m e de l’ar t , do n t le no m a acquis de l ’é cl at d a n s la
car rièr e de l ' e n s e i g n e m e n t , et qui a p r o u v é e n m ê m e
t em p s q u ’il possédait u n e g r a n d e e x p é r i e n c e p r a t i q u e .
L à, p o u r nos p r o f e s s e u r s , d i s p a r a i s s e n t les c o n s i d é r a
tions de f o r t u n e et de position, et nos élèves s ’i n s t r u i
s e n t au double point de vue m oral et p r ofes sionnel.
Us d o n n e n t aux m a l a d e s des se co u rs i n t e l lig e n t s ,
q u ’a u c u n a u t r e n ’a ja m a i s su r e m p l a c e r , et ils s ’h a b i
t u e n t à e x e r c e r la p r e m i è r e des v e r t u s civiques, parce
q u ’elle est la p r e m i è r e des v e r tu s c h r é t i e n n e s : la c h a
rité.
C ’est é v i d e m m e n t cette p e n s é e qui a e n g a g é les a d
m i n i s t r a t i o n s d u d é p a r t e m e n t , de la ville et des h ô p i t a u x
à s ' i m p o s e r des sacrifices qui s o n t si bien justifiés ; c ’est
elle qui les e n c o u r a g e r a à les a g r a n d i r lo r s q u e l e u r n é
cessité sera d é m o n t r é e . D a n s un pays qu i a u n e si g r a n d e
h a b i t u d e des affaires, on a p p r e n d vite q u ’il exis te des
d é p e n s e s productives, et q u e le p r é s e n t doit s o u v e n t
p r ê t e r à l ’avenir.
Je tiens d ’a i ll e u r s à p r o c l a m e r q u e , g r â c e à ces te n
— G9 —
d an ces libér ales, les indications p r é s e n t é e s d ' a b o r d p ar
le C h e f de l ’Académie c o m m e des dés irs ou des e s p é
ra n c e s , n ’ont jam ais t a r d é à devenir des réalités.
C e tte es tim e si effective, inspirée par cette École de
Médecine au G o u v e r n e m e n t et à la Cité, se justifie d ’ail
l e u r s à bien d ’a u t r e s titres encore.
Elle se r a t ta c h e à la nécessité de f o u rn ir les m o y e n s
de s ’i n s t r u i r e à ces j e u n e s g e n s , à qui il est réservé de
r e n d r e des services publics s u r le seuil m ê m e de la
ca r riè r e q u ’ils e m b r a s s e n t ; à I o p p o r tu n ité de favoriser
u n é t a b l i s s e m e n t , qui sert de tran sit io n e n t r e la r i g u e u r
d e la discipline du collège ou la s ur veillance si t e n d r e ,
p eut-être tr op te n d r e du père et de la m è r e , et l ’é m a n
cipation intellectuelle et morale, q u e su p p o s e la f ré
q u e n t a t i o n d u n e f a c u l t é ; a u besoin de m ultipli e r les
p o in ts de contacts e n t r e ceux qui d o n n e n t l ’instr u ctio n
e t ceux qui la reçoivent, à l ’u r g e n c e de plus en plus
m otivée d ’a m o i n d r ir les c h a r g e s qui p è s e n t s u r les
familles, enfin, à cette cir constance p eu t - être accidentelle
q u e le r e c r u t e m e n t du co r p s médical ne s'effectue
a u j o u r d ’hui q u e difficilement, ainsi q u e le d é m o n t r e n t l e s
vides de plu s en plus n o m b r e u x p r é s e n t é s p a r les cadres
de la Médecine militaire, qui a p r ouvé t a n t de fois, et
si r é c e m m e n t encore ( j e liens à le c o n s t a t e r p a r u n
s e n t i m e n t de justice, et p o u r l ’édification de nos élèves),
q u ’elle savait allier l ’é r u d itio n e t l ’e x p ér ien ce du sa vant
à la r é s ig n a ti o n et a u co u r a g e d u soldat.
A i - j e besoin d ’ajouter q u ’il convient aussi d ’a t t r i b u e r
la considération tém o ig n ée à votre É cole, au zèle et à la
distinction des m a î t r e s qu i m ’e n t o u r e n t . O b s e r v a t e u r s
r i g o u r e u x de la r èg l e, qui a de si im p é r ie u se s exigences,
�70 —
r em arquables par un e s prit d ' a b n é g a t i o n , q u i ne se
lasse pas, ils se croient, je le sais, s u f f i s a m m e n t r é c o m
pensés par la r eco n n ai ss an ce de le u r s disciples et des
populations.
Je m ’applaudis , toutefois, d ’avoir été mis en position
de pr o clam er leurs services, et de p ouvoir m ’honor er
p u b l i q u e m e n t d ’avoir l o n g t e m p s a p p a r t e n u et d ' a p p a r
tenir encore par le bénéfice du diplôme, de l'agréga tion
et de l ’honorariat, mais p r i n c i p a l e m e n t p a r u n e longue
habitude de c œ u r et d'espr it. Ces d e r n i e r s m o t s d o n n e n t
leur véritable signification et aux s e n t i m e n t s dont je
suis pé n é t r é et à ceux q u e je d é s i re o b t e n i r de mes
confrères et collègues marseillais.
Messieurs les É tu d i a n t s , p e r m e tte z - r n o i de m ’adres
ser plus par t i cu l iè rem en t à vous, afin q u e c el te solen
nité vous profite et affecte de plus en p l u s le caractère
d ’un véritable e n s e ig n e m e n t.
Le b o n h e u r vous était réservé d ’être élevés dans une
école qui p r é se n t e u n cachet parti c u lie r, u n e véritable
originalité, au point de vue de la mission q u i lui est
confiée.
Sans clinique, dit avec raison, l ’o r d o n n a n c e de 1841,
il n existe pas, il ne peut pas exister d'enseignement médi
cal. C ’est, en effet, au lit du m a l a d e q u e v i e n n e n t aboutir
toutes les spécialités de la science de l ’h o m m e ; c ’est là
q u ’elles t r ouvent leur r é s u l t a t et l e u r cons é c ra tio n . 11
m ’est bien facile de deviner qu e ll e s doivent ê t r e , à Mar
seille la variété et la m ultiplicité des cas de m aladie. Sa
population indigène, sa po p u la tio n f lottante, le u r s habi
tudes l aborieuses et si diverses, i m p r i m e n t n écessaire
m en t au cadre nosologique u n e i m p o r t a n c e et u n e variété
q u ’on ch er ch er ai t v a i n e m e n t ailleurs, parce que sous le
m ê m e toit, d a n s la m ê m e salle d ’h ô p ita l , se tr o u v e n t t o u
jo u r s c ô t e à c ô t e l ’h a b i t a n t du N ord et l ’h a b i t a n t du Midi,
l ’h o m m e de te r r e et l ’h o m m e de m er . Les individualités
m o r b id e s se p r é s e n t e n t donc n é c e s s a i r e m e n t aussi diffé
re n te s q u e le u r s c o s t u m e s , q u e le u r s m œ u r s , q u e leurs
clim ats, q u e le milieu où ils ont vécu.
L ’histoire des ép id ém ies a, d ’a illeurs, confirmé cette
c o n s t a n t e et la m e n t a b l e su p é rio r it é . N ’e s t - e l l e pas en
q u e l q u e sorte c o n s a c r é e par la r e c o n n a is s a n c e de tout un
p euple s u r u n e de vos places p u b l i q u e s ?
L a m ê m e considération s ' a p p l i q u e aussi à la pathologie
interne et externe, q u ’il faut r e g a r d e r c o m m e l ’exposition
t héor i que et c o m m e la g é n é r a lis a tio n des faits fournis
p a r la clinique.
La physiologie elle - m ê m e ac c u s e r a i t ce c a r a c t è r e d a n s
la fonction, c o m m e on le c ons tate d a n s la m a l a d i e ; mais
il est plus difficile à sa isir et p a r t a n t peut- être plu s
c u r ie u x et non m o in s utile à é t u d i e r .
Je serais m ieux compris en a ffirm ant q u e la thérapeu
tique d o n n e lieu à des indications a n a l o g u e s ; la matière
médicale et la pharmacie à l ’u sa ge q u o ti d ie n des m é t h o
des et des m o y e n s m é d i c a m e n t e u x les plus r e m a r q u a b l e s
aussi p a r le u r n o m b r e e t le u r variété, p a r la qu ali té et
la q u a n t i t é .
Q u a n t à l’anatomie descriptive et pathologique, je m e
souviens d ’u n e é p o q u e déjà a n c i e n n e , où les élèves de
celte É c o l e ,'s i im par faite alors, se faisaient déjà r e m a r
q u e r d a n s les e x a m e n s d ’u n e célèbre et a nti que F a c u l t é ,
p a r la co n n a i s s a n c e ap p r o f o n d ie des o r g a n e s et de leu r s
lésions. A ce point de vue, v ous sa u r e z pr ofiter encore
�—
75
—
mieux que vos devanciers de ces é l é m e n t s qui v i e n n e n t
s'offrir si n a t u r e l l e m e n t à vous au sein de vos a m p h i
théâtres de dissection.
E n me r é s u m a n t , M essieurs, et d ’a p r è s cette expos i
tion si incomplète, m ais p e u t - ê t r e trop l o n g u e , parce
q ue je n ’ai pas eu le t e m p s d ’ê tr e co u r t , je dois co n clu r e
que cette i nstitution d o n t le n o m b r e de c h a ir e s r é s u m e
en réalité cette encyclopédie qui s ’ap p e l le la Science des
Maladies, revêt d ’u ne m a n i è r e bien o s t e n s i b l e , bien
ac c e n t u é e , un caractère positif et e x p é r i m e n t a l , que
j a t tr ib u e s u r t o u t au n o m b r e et à la v ar iét é de ses
richesses cliniques et a n a t o m i q u e s .
C ’est à cette situation q u e je r a t t a c h e p a r t i c u l i è r e
m e n t son i m p o r t a n c e , son origina lité. E n o u t r e , celle-ci
r e s s o r t encore au m ê m e titre d ’un a u t r e e x e m p l e e m
p r u n t é à l ’obstétrique, à l ’a r t des a c c o u c h e m e n t s .
M. le R e c t e u r de l ’A cadém ie d ’Aix l ’avait bien c o m
pris, l or sque d a n s sa sollicitude si p e r s é v é r a n t e e t si
éclairée, il a e x p r i m é , r e l a t iv e m e n t à cette cha i r e , un
x œ u bien t ô t accueilli p a r la m unifice nce de vos m a g i s
trats m u n i c i p a u x . N ous dev o n s les r e m e r c i e r e n s e m b l e
d ’avoir accordé de n o u v e a u x f onds p o u r r é t r i b u e r un
p r o f e s s e u r adjoint au cours d ’a c c o u c h e m e n t s ; ils o nt
ainsi com plété u n e n s e i g n e m e n t , qui n ’affecte tr op s o u
ve n t q u e des t e n d a n c e s spé culatives, m ais q u i est déjà
u n e des s u p é r i o r i t é s de l ’École de M édecine de M a r
seille, où l ’on p e u t si bien, d a n s to u te s les d irections,
é t u d i e r et e xer cer .
T o u t e b o n n e p r a t i q u e ne r elève-t-elle p a s d ’ailleurs
d ’u n e b o n n e théorie; l ’observation des faits n e se lie-t-elle
pas i n t i m é m e n t a v e c l e u r i n t e r p r é t a t i o n , avec la réflexion?
73
Ce tte d e r n i è r e considération m ' a m è n e n a t u r e l l e m e n t
c o m m e m e m b r e de l ’a d m i n i s t r a t i o n a c a d é m i q u e , et
c o m m e p r o f e s s e u r h o n o r a i r e d ’u n e école de m édeci ne à
laq u el le je serais to u jo u r s fier d ’a p p a r t e n i r , à v ous
r a p p e l e r u n e r e c o m m a n d a t i o n , q u e j ’ai tr ouvée s o u s la
p l u m e d ’un de vos a n c i e n s m aître s, le d o c te u r C a uviè re,
d o n t l ’illu str a ti o n , c o m m e celle des D elp e c h et des
C h r é ti e n de Montpellier, des Y ig u er ie de T o u lo u s e , des
B r e t o n n e a u de T o u r s , e s t n é e et s ’est d é vel oppée en
p r ovince, m ais e s t p a r t o u t r e c o n n u e c o m m e u n e gloire
nationale. Je v e u x p a r l e r de la nécessité im p o s é e à celui
q u i , c o m m e vous, e s t a p p e lé au privilège d ’u n e pr o fes
sion libérale, e t d e n e l ’a b o r d e r , q u ’a u t a n t qu'il s ’y t r o u
vera p r é p a r é p a r de b o n n e s é t u d e s c l a s s i q u e s , à la fois
littéraires, p h ilo s o p h iq u e s et scientifiques.
N ’avez-vous pas e n c o r e été placés à cet é g a r d d a n s les
c o n d it io n s les plus p r o p i c e s ? Ne p u i s - j e p a s s u r t o u t
p r é d i r e a u x g é n é r a t i o n s qu i a r r i v e n t et qui vous s u c c é
d e r o n t s u r ces b a n c s , u n bel av en ir g a r a n t i p a r les
r é s u l t a t s d u p a s s é , p a r les r éali tés d u p r é s e n t .
S o u s la d o u b l e im p u l s io n de M. le P ré fe t des B o u c h e s d u - R h ô n e , q u i sa it si bien c o m p r e n d r e et faire a ccepter
les i n s p i r a t i o n s d u p ouvoir central et de l ’a u t o r i té
u n iv e r s ita ir e , l ’I n s t r u c t i o n p r i m a ir e , qui suffit a u plus
g r a n d n o m b r e , m a is qui e s t in d i s p e n s a b l e à t o u t e s les
classes, a acq u i s d a n s v otr e ville u n n i v e a u i n e s p é ré .
Un des lycées les p l u s f lorissants de l ’E m p i r e y dis
t r ib u e , gr â c e à la direction la pl u s i n t e l lig e n te , l ' i n s t r u c
tion s e c o n d a ire d ’u n e m a n i è r e glo r ie u se e t complète.
E n f in , u n e F a c u l t é des Sciences, j e u n e en c o r e p a r son
6.
�—
74
—
origine, mais qui a déjà fourni ses p r e u v e s et conquis
dés J abord ses titres de noblesse, se trouve p r ê t e à vous
expliquer toutes ces i nventions, toutes ces d é c o u v e r t e s ,
qui n aissent au sein de nos Académies et de n o s laboratoires, et se r é p a n d e n t e n s u i t e s u r le m o n d e . Elle
vous d é m o n t r e r a c o m m e n t les sciences m a t h é m a t i q u e s ,
physiques, chim iques et nat u r e lle s sont p r o p r e s à c o m
b a tt r e et à dét r uire ces préjugés, cette rou t in e , q ui ont
trop l ongtem ps pesé s u r notre a g r i c u l t u r e , s u r n o tr e
industrie, s u r ce com m er ce, qui fait Marseille si g r a n d e ,
et qui n ’a a u j o u r d 'h u i d ' a u t r e patrie q u e l ’u n i v e r s ,
N ous savez d ’ailleurs, aussi bien q u e moi, c o m m e n t la
m édecine e l le - m ê m e s ’est p erfectionnée de p u i s d e u x siè
cles grâce à l ’é l é m e n t scientifique. Ne v ous a - t - o n pas
appr i s à quelle é poque et par qui a été créée la toxicologie
chimique. Ne vous a - t - o n pas dit c o m m e n t s ’é t a i e n t c o n duits les i m m e n s e s progrès de la p h a r m a c i e ? N ’a l lez- vous
p a s être familiarisés avec les m o y en s p h ysique s de d i a g
nostic, et avec ces a d m i r a b le s i n s t r u m e n t s q u e la m é c a
n i q u e m o d e r n e a i n t r o d u i t s d a n s l ’a r t chir urgical ?
L a F a c u l t é des Sciences a donc a u s s i le droit de
c o m p te r s u r vous et de vous r e g a r d e r c o m m e sa p o p u l a
tion natu r e l l e . N 'e st - c e pas, d ’aill eu r s, à elle q u e l ’é t u
di a n t en m édecine va d e m a n d e r ce d iplôm e de b achelier ,
qui doit t é m o i g n e r q u ’il est r e l a t i v e m e n t m a t h é m a t i c i e n ,
physicien, c h i m i s t e , n a t u r a l i s t e , et q u ’il a m é d i té en
m ê m e t e m p s les c h e f s - d ’œ u v r e des poètes, des o r a t e u r s ,
des h i s t o r i e n s , des philosophes, qui font ta n t d ’h o n n e u r
à l ’e s prit h u m a i n et à la F r a n c e en p a r t i c u l i e r ?
C ’est ainsi q u e vous êtes appelés à c o n f irm e r la v é r i
té du p r o g r a m m e q u e M. le Ministre de 1 I n s t r u c t i o n
—
75
—
p u blique m e s e m b le avoir a d m i r a b l e m e n t r é s u m é d a n s
un discours réc e n t, en p r é s e n t a n t l ’e n s e i g n e m e n t officiel,
non c o m m e u n e opposition, c o m m e u n a n t a g o n i s m e ,
m ais c o m m e u n e n s e m b l e , c o m m e u n e h a r m o n i e , e n
affirmant q u e la F r a n c e doit d e v e n i r de p l u s e n p l u s à
la fois sa v an te et lettré e.
Arrivé au te r m e de cette a l lo c u t io n , je m e d e m a n d e si
j ’ai eu la b o n n e f o r t u n e de vous en faire c o m p r e n d r e la
véritable portée. S a n s p r é t e n d r e rien n é g l i g e r de ce qu i
se r a tt a c h e à la notion de l ’utile, je te n a is s u r t o u t à vous
d é m o n t r e r la s u p é r io r ité , la p r é d o m i n a n c e de t o u t ce
qui est b e a u , g r a n d et h o n n ê t e .
C ’est p o u r q u o i je vous ai dit q u e la cr éati o n et la
r é o r g a n i s a t i o n de c ett e école ont été i n s p i r é e s p a r u n e
p e n s é e de respect p o u r l ’h u m a n i t é . P o u r v ous m o n t r e r
dig n e s d ’elle, il i m p o r t e q u e v o u s d e veni ez des d o c
t e u r s , des officiers de s a n t é , des p h a r m a c i e n s i n s t r u i t s ,
m ais vous devez ê t r e s u r t o u t p r é p a r é s à a c c o m p lir tous
vos devoirs. C o m p t e z s u r le g o u v e r n e m e n t de l ’E m p e
r e u r qui a la volonté et la p u i s s a n c e de g a r a n t i r to u s les
dr oi ts , de s a u v e g a r d e r tous les i n t é r ê t s , a u d e d a n s , a u
d e h o r s , s u r t o u t e la surface d u t e r r i t o i r e ; a i m e z v o t r e
p a tr ie , et plus p a r t i c u l iè r e m e n t celte Cité e t ces m a g i s
t r a t s qui vous a c c o r d e n t e u x - m ê m e s u n e t e n d r e s s e p r i
vilégiée ; m o n t r e z - v o u s r e c o n n a i s s a n t s à l ’é g a r d de vos
m a î t r e s , m é d it e z le u r s l eçons , imitez l e u r s e x e m p l e s , et
plu s p a r t i c u l i è r e m e n t le u r s a n g -f ro id , l e u r a b n é g a t i o n
q u ’ils o n t s u élever à la h a u t e u r d ’u n e action d ’éclat,
le j o u r où u n e g r a n d e é p id é m ie a fait à e u x e t à l e u r s
disciples, vos c a m a r a d e s d ’hier , u n c h a m p de bataille
dig n e de le u r co u r a g e et de l e u r g é n é r o s i t é .
�— 76
E n s uiva nt ces conseils, q u e vous a u r a i t m i e u x fait
apprécier u n e voix plus c o n n u e et plus e x er cée q u e la
m ie n n e , vous ne tar d e re z pas à a c q u é r i r la véritable
sauté m or ale et intellectuelle.
Messieurs, je ne dois pas oublier q u e cette s o le n n ité
est s u r t o u t destiné e à la distr ib u t io n des r é c o m p e n s e s
m érité es p a r q u e l q u e s - u n s d ’e n tr e vous. P o u r n e plus
a b u s e r d ’une impatience bien lé gitim e, je m e b o r n e à
féliciter ces h e u r e u x l a u r é a t s , au no m de l ’U n i v e r s i t é et
de M. le R e c t e u r de cette a c adém ie, à le u r r a p p e l e r cette
devise toute française : Noblesse oblige, et à l e u r r é p é t e r ,
ainsi q u ’à vous tous , ces trois m o t s insc rits p a r les
sociétés m o d e r n e s s u r le d r a p e a u de la civilisation :
Honneur, courage et travail !
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
*
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ETT BE L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE
LE M É D E C I N E ET DE P H A R M A C I E
DE M A R S E I L L E .
A p r è s c e d i s c o u r s , M. C o s t e , d i r e c t e u r , a d o n n é
lecture de son co m p te r e n d u des tra v a u x d u r a n t
l ’a n n é e e x p i r é e e t a p r o c l a m é les p r i x o b t e n u s p a r
les é l è v e s d e l ’É c o l e .
L iste des P r ix .
É tudiants en Médecine.
Prix de 1” année : M. Dauvergne, Anatole.
Prix de 2ae année: M. Maurin, Ernest.
Prix de 3°' année: M. Nicolas, Louis-Émile.
É tudiants en P harmacie,
Le prix a été partagé entre MM. Passebois, Paul et Coste,
Samuel-François,
AIX,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE,
RUB D ’i T A L I E ,
1860.
9.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1858-1859.pdf
c1442b9d36a369fa786a49c26e76e05c
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u s e d ’I m p r i m e r i e e ï d e
SÉANCE DE RENTRÉE
L ibrairie
L ibrairie L ecènë , O udin et G ie
DIX-NEUVIÈME AI
DES FACULTÉS
Première Série
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
B A LA MÊME LIBRAIRIE
®’M 2 ,
Bibliothèque littéraire
.
R E V L Ë dbsCO
1858-1859
ET
sme. — Un vol.in-18jésus, broché 3 50
gés nécessaires.
CONFËRENC.
— Un volume in-18
esus, broché......................................................
3 50
im es et Procès politiq ues sous L ouis XIV.
- Un volume in-18 jésus, broché .
DE TA FACULTÉ DES SCIENCES
. . .
Abonncmcnl : 20 fr. pi
Numéro : 60 ccntim
3 3 5 2 3 3 3 3 3 S J3 3 3 3 3 5>3 3 3 3 2 3 3 2 3
DE M A RSEILLE.
3 50
B arberina C am panini (1721-1799). Une
toile (le la danse au X V IIIe siècle.
6T 06 L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE
■
— Un volume
r
rand in-8°jésus, illustré de vingt gravures d’après
es documents de l’époque, broché.
M oulin des A m oureux.
.
.
.
20 »
— Un volume in-18
;sus, broché.........................................................2
»
PREMIÈRE SÉRIE BRU
1 0 fr.
AIX,
rs l’A n gleterre et l’A m érique du N ord.
.'Interprète pratique.
brochure
in-8»
arré........................................................................2
—
Une
»
B iarritz à Préfailles. Une pagede Psychologie
diyieusc contemporaine.
— Un volume
RUE D ITALIE, N 9.
1 9 1 0 -1 9 1 1
185&
in-8“
roche....................................
1
lerinage à N ohant. —1Jne piqûre in-16.
0 75
lisan t Em ile F agu et.
PARDIGON, IMPRIMEUR DE i/ aCADÉMIE,
»
— Une brochure in-18
I
îrran rrïiiV
wi \
�u s e d ’I m p r i m e r i e e ï d e
SÉANCE DE RENTRÉE
L ibrairie
L ibrairie L ecènë , O udin et G ie
DIX-NEUVIÈME AI
DES FACULTÉS
Première Série
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
B A LA MÊME LIBRAIRIE
®’M 2 ,
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R E V L Ë dbsCO
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sme. — Un vol.in-18jésus, broché 3 50
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im es et Procès politiq ues sous L ouis XIV.
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Abonncmcnl : 20 fr. pi
Numéro : 60 ccntim
6T 06 L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE
3 3 5 2 3 3 3 3 3 S J3 3 3 3 3 5>3 3 3 3 2 3 3 2 3
DE M A RSEILLE.
3 50
B arberina C am panini (1721-1799). Une
toile (le la danse au X V IIIe siècle.
DE TA FACULTÉ DES SCIENCES
■
— Un volume
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M oulin des A m oureux.
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AIX,
rs l’A n gleterre et l’A m érique du N ord.
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diyieusc contemporaine.
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RUE D ITALIE, N 9.
1 9 1 0 -1 9 1 1
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lerinage à N ohant. —1Jne piqûre in-16.
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lisan t Em ile F agu et.
PARDIGON, IMPRIMEUR DE i/ aCADÉMIE,
»
— Une brochure in-18
I
îrran rrïiiV
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�SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DE L'ECOLE PRÉPARATOIRE
3 3 5a33232SÎ3 3 3 3 3
DE M A RSEILLE.
Lu séance solennelle île rentrée des Facultés de
Théologie, de Droit et des Lettres d’Aix, de la Faculté
des Sciences et de l’École préparatoire de Médecine
et de Pharmacie de Marseille, a eu lieu le samedi *20
novembre 1858, dans la grand’salle de la Faculté de
Droit, sous la présidence de M. Mondot, Inspecteui
de l’Académie, en l’absence de M. le Recteur, empê
ché.
Un grand nombre de magistrats, d ecclesiastiques
et d’autres personnes notables de la ville assistaient
à celle cérémonie, qui a été précédée de la messe
«lu Saint-Esprit, et honorée «le h» présence «le
M. le premier président Poulie-Emmanuel, de Mgr
�Chalandon, archevêque d ’Aix, d ’A rles et d E m b ru n ,
de M. le procureur général Du B eux, de M. Delm as,
sous-préfet de l’arro n d issem en t, de M. P o ilro u x ,
président du tribunal civil, et de M. Barges, l’un des
adjoints à la M airie.
M. M ondot, inspecteur de l'A cadém ie d ’A ix, a
ouvert la séance par le discours su iv an t:
Messieurs,
L ’honneur de prendre le prem ier la parole dans cette
réunion, en présence de personnes d ’un rang si élevé,
plus distinguées encore par le caractère et par l'intelli
gence, m'a inspiré des craintes, et n excitait pas mon
ambition. Je sens trop tout ce qui me manque pour
remplacer, en celte occasion, le chef vénéré que vous
aimez à voir présider celte assemblée: sa haute bienveil
lance, son exquise aménité, sa parole q u ’inspirent si
heureusement les ém inentes qualités de son esprit, sont
trop profondément em preintes dans vos souvenirs et
gravées dans vos cœurs, pour ne pas rendre ma tâche
bien périlleuse , si votre indulgence et sa volonté
ne m ’absolvaient auprès de vous. Pour l’appréciation
des travaux de celte dernière année scolaire, la parole
du digne chef de l’Académie eut donné de l'éclat et
du prix aux éloges; ses conseils à MM. les étudiants
eussent emprunté de son caractère et de son expérience
une autorité qui ne se transm et point.
Aussi, M essieurs, ne vous parlerai-je de l'enseigne
ment supérieur, si fortement organisé et si dignement
représenté dans ce centre d ’études, que pour faire re
m arquer la constante sollicitude du Ministre dans le
choix des professeurs qu'il désigne. En peu de temps,
dans quelques chaires de la Faculté des Lettres, vous
avez entendu des voix différentes, mais toutes heureuse
ment inspirées ; toujours vous avez accompagné de vos
regrets le titulaire qui s ’éloignait de vous, et en allant
entendre son successeur pour juger de la manière dont
il prenait possession d ’un héritage onéreux, vous vous
sentiez gagnés et sympathiques, vous sortiez en applau
dissant à son succès. Vous n’oubliez point la voix que
vous n ’entendez plus, mais vous écoutez avec plaisir
une voix grave et différente, en vous promettant de ne
pas vous déshabituer d ’aller faire cercle autour de la
chaire oh vous appelle battrait des âmes délicates: je
veux dire le goût de revenir sur des connaissances*
acquises, mais présentées avec des aperçus nouveaux, le
besoin de les étendre ou du moins de les mieux appré
cier.
Pour l'enseignem ent de la littérature et de 1 histoire
annexé à la Faculté des Sciences de Marseille, Son
Excellence a voulu donner une organisation qui établit
une connexion plus intime avec l'enseignement de la
Faculté des Lettres, et eu charger les mêmes profes
seurs. Elle a voulu que le centre si important d’une
incessante activité commerciale empruntât d ’une ville
moins populeuse, mais plus calme et plus richement
dotée pour les travaux de l’esprit, les moyens de salis-
�6
faire à ces aspirations île culture intellectuelle que
rappellent à Marseille les traditions d ’une antique et
glorieuse origine. La colonie grecque devenue française
doit à sa double filiation cette vitalité d ’instincts prati
ques si largement développés et ce goût pour les lettres
qui ne demande qu'à être satisfait. Ce goût a été heu
reusement excité et dirigé par les deux professeurs du
lycée qui ont rempli leur mission avec distinction et
talent ; ils y ont acquis une notoriété solide et flatteuse,
et eussent continué avec honneur l’œuvre q u ’ils avaient
commencée avec éclat. Mais l’Université peut équita
blement répartir les charges: elle entretient dans son
sein, elle excite, par le niveau des examens et par la
condition des grades, l’obligation et la continuité des
sérieuses et patientes éludes. C ’est là q u ’est sa force;
de là vient sa gloire; aussi, à tous les degrés, dans
l’elile du professorat, on peut substituer une personne
à une autre et I on trouve toujours à constater des traits
de parenté morale avec ceux que la nature a m arqués
du sceau de famille des heureuses organisations intel
lectuelles.
Messieurs
les
Étudiants,
En vous parlant des patientes et fortes éludes de vos
maîtres, je vous traçais indirectem ent la voie qui est
ouverte devant vous. Il n ’y en a point d ’autre qui con
duise au but que la société et vos familles vous dem an
dent d ’atteindre. La société, par l’action tutélaire du
gouvernement , multiplie autour de vous les moyens
d'instruction ; vos familles vous donnent la possibilité
d’en user ; sachez, Messieurs, tirer profit de tels avan
tages. Toutes les générations qui vous ont précédés
dans les écoles, n ’ont pas eu les mêmes facilités qui
vous sont offertes. Mais alors le travail personnel, la
réflexion étaient particulièrem ent en honneur dans
l’élite de la jeunesse qui, plus tard, a laissé dans les
annales de la Provence des noms si dignement inscrits
dans les lettres, dans les sciences et dans la science du
droit. Ces traditions ne doivent-elles pas être perpé
tuées ; form ent-elles un héritage que vous soyez inha
biles à recueillir. Ne devez-vous pas plutôt l’agrandir,
ou du moins le féconder et le transm ettre dans son
intégralité?
Regardez devant vous, vous trouvez les honorables
représentants des noms respectés auxquels je viens de
faire allusion. Leur mission, leur préoccupation la plus
constante est de diriger vos pas dans la carrière des
études, où une louable émulation doit vous porter à
vous devancer les uns les autres. Cette rivalité, la seule
qui convienne à votre âge,est le signe des nobles ins
tincts. Résistez aux entraînem ents dont la conséquence
certaine serait la déception et de tardifs regrets:
Ulcumque dcfccêre mores,
Dedeeorant benè nota culpœ.
Cet adage, em prunté à un auteur classique du siècle
littéraire de Rome est dans votre mémoire à tous ; qu’il
vous serve de règle. Horace n ’a pas toujours le rigoris
�me d'un philosophe, parfois il sommeille sur les prin
cipes ; mais souvent, par une inspiration féconde, il se
relève avec éclat ; sa pensée vive cl bien formulée ne
s’impose jamais et reçoit meilleur accueil. Aussi, ne
craindrai-je point de vous dire, à vous qui venez d ’être
émancipés d ’une tutelle que vous trouviez rigide parce
que vos heures de repos étaient parcim onieusem ent
comptées et que vos délassem ents consistaient dans la
variété des occupations; je ne craindrai pas de vous
dire : aujourd’hui que vous réglez vous-mêmes le plan
de votre journée, interrompez vos loisirs par quelques
heures d’étude ; soyez assidus aux cours de vos profes
seurs, allez entendre leurs leçons par devoir d'abord,
bientôt vous irez volontiers, et vous referez pratique
ment, sans vous en douter, un plan de votre journée
qui conviendra mieux aux circonstances. Le travail sera
alors votre plus sure sauvegarde, cl cet autre adage
trouvera son application :
Hectique cultus pcctora roborant.
Chez certains peuples de l’antiquité, l'hom m e, à la lin
de sa carrière, était soumis à l’éloge ou au blâme pour
les actes de sa vie. Mais vous, Messieurs, c’est pendant
votre noviciat aux professions libérales, que nous
venons, utilement pour vous, constater annuellem ent
quelles espérances vous faites concevoir; quelles ha
bitudes , quelles connaissances acquises servent de
fondement à ces espérances. L ’exposé de cet examen
critique, mais essentiellem ent bienveillant, va nous
être présenté par MM. les Doyens des Facultés. Ils
nous feront connaître les résultats obtenus pendant
l’année et traceront le cadre de l’enseignement pour la
nouvelle période scolaire. Quelle plus haute sanction,
quel plus puissant encouragement pourriez-vous am
bitionner, q u ’une réunion aussi distinguée où la pré
sence de tant d’ém inents personnages et de haut fonc
tionnaires témoigne de leurs sympathies pour vous, et
de leur intérêt pour vos études.
Cette solennité annuelle justifiera complètement dé
sormais le titre de fête des études, si nous y recueillons
la pleine satisfaction, vous tous, d’y mériter des éloges,
nous, d’applaudir à vos heureux efforts.
Ayez à cœ ur, vous, Messieurs, qui, placés au chef-lieu
de l'académ ie, vous destinez au barreau ou à la magis
trature, depuis tant de siècles une des gloires de la
France, et si honorablem ent représentés ici, ayez à
cœur de prendre dans cette fêle le rang auquel vous
êtes tenus. Surtout q u ’il n ’y ait plus, je ne veux pas
laisser échapper le mot de blâme, qu’il n’y ait plus de
restriction contre certains, toujours en trop grand nom
bre, qui tendent à compromettre leur avenir en mécon
naissant les exigences qui le préparent et l’assurent.
L ’assujettissem ent au devoir, c’est Inappréciable
privilège de l’homme ; c’est son titre de noblesse
morale qui le distingue et lui donne son rang dans la
création. Obéir à la loi du devoir en pliant une volonté
libre et éclairée à celte dépendance, c’est le principe de
la recherche du vrai, des élans vers le beau, des inspi
rations vers le bien ; en un mot, de notre tendance à
nous unir à Dieu qui doit être le but de notre activité.
�10
Celle loi est en nous, se développe avec nous; l'éveil du
sens moral csl sa prom ulgation intérieure, et la cons
cience y donne une sanction im prescriptible.
Les lois civiles que vous étudiez, em pruntent leur
valeur intrinsèque de leur conformité avec cette loi
primordiale qui ne dépend ni du tem ps, ni des lieux.
Si elles n’en sont point une déduction plus ou moins
directe, ce sont de simples réglem entations que I inté
rêt a dictées, que la force fait prévaloir, aussi instables
dès lors que la persistance de leur cause est peu assu
rée. Une pénalité peut leur donner appui ; le vrai
caractère de sanction y reste étranger; on les subit,
elles ne commandent pas le respect.
Ainsi, Messieurs, l'étude des lois doit être vivifiée
par vos réflexions sur celte loi fondamentale que vous
trouvez en vous-même. En rem ontant au principe vous
saisissez mieux l'enchaînement des conséquences ; leur
ensemble constitue alors une doctrine, mais une doctrine
éminemment philosophique, aussi im portante pour la
conduite des affaires qu essentiel le au gouvernem ent de
la vie. Dirigé d ’après ces inspirations le travail est plus
assuré, parce que l'obligation du travail et les résultats
en sont appréciés sainement.
Ces motifs, moins par déduction logique peut-être
que par une heureuse impulsion instinctive, ont déter
miné tous ceux qui ont pris part au concours. Q u’ils
reçoivent nos félicitations pour avoir répondu à la
clairvoyante sollicitude du conseil général cl du minis
tère qui ont voulu, par des prix librem ent disputés,
donner un but à plus d'efforts, exciter le m érite à se
révéler lui-m êm e. Les lauréats à qui nous allons, avec
bonheur, décerner des récompenses en ont une plus
grande encore à attendre: par leur travail, par leur
succès, ils s’inscrivent eux-mêmes sur une liste de
candidature où plus tard leurs concitoyens, pour les
grandes causes du barreau ; où le gouvernement, pour
la m agistrature, se m ontreront également empressés de
choisir les noms de ceux qui ne démentiront point les
espérances qu'ils donnent.
A l’avenir, que les concurrents entrent plus nombreux
dans la lice ; q u ’ils s'y présentent encore avec une ar
mure plus complète et mieux trempée. Les spectateurs
et les juges de la joute ne décident pas du mérite uni
quement d’après la bonne fortune de l'événement. C'est
un honneur de prétendre à la palme ; il y a gloire à la
disputer, et, en la donnant au vainqueur, nous applau
dissons à la lutte, nous applaudissons aux combattants.
Celui qui a m aintenu son rang dans le combat n’est pas
compris dans la défaite; il a parta la victoire que scs
efforts ont rendue plus difficile, à laquelle ils ont donné
plus d ’éclat.
M. l'In sp ecteu r de l’Académie a ensuite successi
vem ent accordé la parole a MM. les Doyens des Fa
cultés de Théologie, de D roit, des Sciences et des
L ettres, à M. le D irecteur de l’École de Médecine et à
M. de F rcsquet, pour son R apport sur les concours
entre les étudiants en droit.
�Nous aimions à applaudir, l'année dernière, à l’amour
de nos jeunes prêtres pour l’élude, parce que c’est ici
surtout que la science agrandit l’homme. Pour ceux qui
l'ont comprise, celte science, il n ’y a plus ni petits, ni
pauvres, tout est riche et grand, car vous ne voyez que
des enfants de Dieu, des héritiers de ses biens et de sa
gloire. Et qu’importe q u ’ils s ’asseoient un peu plus
haut, un peu plus bas au court banquet de la vie, au
banquet éternel il n ’y a que des rois.
Or, cet amour pour la science qui nous fait si grands
ne s'est point ralenti. Des candidats de M arseille, de
Fréjus, de Digne, de Montpellier, nous ont demandé de
faire devant nous leurs preuves. Nous aurions voulu que
le diocèse d ’Aix fut représenté dans ces luttes saintes
et glorieuses ; il nous sem blait que sa place était de
droit partout oii le sacerdoce peut recevoir quelque
honneur. Ainsi l’avaient compris ces hommes de cœur
et d’étude, qui sont venus à nous malgré les obstacles,
et parmi lesquels nous avions distingué M. l’abbé Michel
qu’une mort prém aturée a récemment enlevé à l’afl'ection de la paroisse Ste-Magdeleine. Reçu bachelier, il se
préparait à la licence, qui nous eût fourni une nouvelle
occasion de le féliciter de ses succès.
Dans son enseignem ent la Faculté a choisi les ma
tières qui lui ont paru les plus importantes. Le cours de
Dogme s ’est encore occupé des grandeurs de la religion
chrétienne, sujet admirable, parce que là tout est plein
de la sagesse et de la puissance de Dieu. Et qui ne se
sent ému, par exemple, lorsque, descendant du calvaire,
encore toute m eurtrie de la scène terrible, celle religion
née d’hier ose dire qu ’elle va s’emparer du monde? Elle
n’ignore pas qu elle a contre elle les rois, les peuples,
les savants, les passions, les siècles, l'univers. Toute
fois elle est sûre de sa conquête ; et la raison qu’elle en
donne, c’est la parole qu’elle vient d’entendre de la
bouche du crucifié : « Ciim eocaltalas fueroà terra, omnia
Iraharn ad mcipsum. » Un crucifié qui dispose de 1’uni
vers Cela est étrange; et pourtant il lient parole. La
religion nouvelle entraîne tout ; et la croix, hier si
méprisée, voit aujourd’hui le monde à genoux devant
elle.
Ce sont les religions qui font les peuples. On voit ici
un beau com m entaire de celte vérité capitale; et c’est
dans saint Paul que je le trouve. Ecrivant aux premiers
fidèles, l’apôtre dit ; Aux saints d’Ephèse, aux saints
de Corinthe, etc... Tous ces peuples sont transformés.
Pour eux, les plaisirs, les richesses, les honneurs ne
sont rien ; mais la mort est un gain ; et, lorsque la ty
rannie poussée à b o u t,s’écrie; A la mort, les chrétiens!
Vous entendez ces âmes célestes répondre: A la gloire!
Pour ceux qui aiment à voir la nature humaine élevée,
ennoblie, c’est là un progrès, une grandeur. De là cette
magnifique conquête qui devrait gagner à la religion
�toutes les âmes généreuses, et que vous trouvez dans
ces quelques mots de la plus belle proclamation que
l'univers ait jamais entendue: « Rachetés par le sang
« de Jésus-Christ, vous n ’êtcs plus esclaves; voilà
« l'arrêt qui avait été porté contre vous, que le fils de
« Dieu a déchiré et attaché à la croix, en signe de son
« triomphe. » Telle est la vraie liberté: elle commence
par l'affranchissement des âmes. En effet, quand les
hommes sont ainsi aimés de Dieu, tous ses enfants, ne
serait-ce pas manquer à son amour que de laisser vivre
l’esclavage? Ce sang-là est trop beau pour porter des
fers.
Et lorsqu’elle sauve notre Europe de la barbarie,
rallume au milieu d’elle le flambeau éteint des sciences
humaines, forme ces grands hommes qui furent si
célèbres par leurs vertus, leur génie, leur vaillance, et
fonde ces royaumes que l’on a appelés les plus beaux
après celui du ciel, la religion chrétienne est-elle sans
grandeur? Et n ’a-t-elle pas prouvé que si elle pense
d ’abord au salut des âmes, elle n ’est point étrangère à
la gloire des empires ?
On n ’a point oublié que plus d ’une fois, quand la
société était menacée, Dieu chargeait les papes de la
défendre, et l'on sait s'ils ont bien rempli celle sainte
mission. Ce n ’est pas sans admiration que l’on entend
Pie il dire aux cardinaux qu'il vient de rassem bler à
l’approche des Turcs : « Frères, le moment de m ourir
« est arrivé. Ne disons plus aux princes, en avant !
« Disons-lcur, venez! Quand ils verront le vicaire de
« Jésus-Christ, vieux et infirme, partir pour la guerre
« sainte , ils rougiront de rester chez eux ; allons
« mourir ! » Dieu bénit cet admirable dévouement.
D’après les écrivains protestants, l'Europe lui doit de ne
pas être une province turque, ou, comme dit Ilerder,
un désert mongolien.
Encore un mot pour tant de gloire. Qui ne partage la
noble indignation du Tasse à la vue de la Grèce sous la
tente, et souriant d'aise en voyant la défaite et les mal
heurs des croisés? Si la Grèce eût écouté la grande voix
de Rome, qui était celle de la justice, de la civilisation,
de la liberté, elle eût voulu sanctifier son épée, en
secondant l’élan sublime que la papauté venait de faire
prendre à l’Europe, et la Grèce n ’eût point péri, l’em
pire du grand Constantin serait debout, et le royaume
de Jérusalem serait un fief de la France.
Le professeur de Morale a été bien inspiré en faisant
de 1 explication des sacrem ents le sujet de scs leçons.
Les saints docteurs trouvaient là des trésors de doctrine
qui, en élevant les âmes, changeaient les cœurs, et
m ontraient au monde, par des vies toutes saintes, ce
que la religion nouvelle avait fait pour la nature
humaine en attendant le ciel. Ainsi, les élèves de M.
l'abbé Bonneville auront puisé dans son enseignement
cette science bien étendue qui est la mère de la piété
et du zèle, laquelle, pénétrant l’âme du pasteur, se
communique aux fidèles, et en fait, par les sentiments
(ju’elle leur inspire, des chrétiens dignes d’un si grand
nom.
Devant cette morale chrétienne, qui nous otïre dans
tous les temps et partout des vertus auxquelles le
�momie ne pense pas, mais qui le sauvent, que sont tous
ces parleurs Je morale , qui depuis trois mille ans
prêchent les hommes sans avoir pu les corriger d'un
vice ou leur faire pratiquer une vertu ? Mais tant de
nullité d’un côté et de puissance d e l’autre parlent haut,
et pour nous servir d ’un mot de G rotius: il faut être
content, la divinité du christianism e est prouvée.
Il y a plus, quelque chose de sa gloire est promise à
ceux qui, entrant dans ses pensées, le secondent de
leurs efforts. Un écrivain illustre disait dernièrem ent
cette belle parole : « Il faut laisser quelques traces de
notre passage sur la terre. » C ’était à propos d ’ouvrages
qui devaient lui faire un nom im m ortel. Nous ne lui
dirons pas qu’il a fait fausse route ; nous aimons à nous
incliner devant le génie ; c'est un don de Dieu, gloire «à
lui ! Mais nous lui rappellerons que le vrai moyen de se
faire un nom illustre, de laisser des traces qui ne
s ’ellacent point, c’est d ’écouler 1 E sprit-S aint nous
recommandant le règne de la justice sur la terre. Ses
paroles sont belles, et lui aussi, M essieurs, est pour la
gloire: « Qui ad justitiam erudiunt multos, quasi stcllœ
« in perpétuas œternitates. » Partout ailleurs on nous
trompe ; et malgré toutes les promesses le savant passe
ra , un silence éternel se fera sur ces œuvres qui
devaient occuper la renom m ée; le monde q u ’il avait
choisi pour être le théâtre de sa gloire ne sera plus ;
mais le disciple de l’Évangile, celui qui en aura été
l'apôtre brilleront d’un éclat immortel. Ce qui fait dire
au grave Tertullien ce mot tranchant : « Point de sage
« que le fidèle, point de grand homme que le chrétien. »
Prouver la divinité de ims livres saints, montrer qu’ils
nous viennent de Dieu pour être la règle de notre foi et
de nos m œ urs, les défendre contre les attaques de
l’hérésie et de l ’incrédulité, telle a été la tâche du
professeur d ’Écriture sainte. Parement on traita d ’aussi
grands intérêts, on eut à remuer tant de gloire. M.
l’abbé Reynaud le savait: aussi n ’a-t-il laissé dans ses
discussions aucun côté faible, pas l’ombre du doute.
Que répondre seulem ent à cette fameuse déposition de
témoins, dont les uns ont vécu avec les apôtres, et les
autres peu après? Et quels témoins que saint Clément,
saint Ignace, saint Polycarpe, saint Justin, Athénagore,
Tertul lien, Origène, Minutius Félix, Àrnobe, Lactance?
Des membres de 1"Institut, s ’occupant dans des ou
vrages récents de ces hautes questions,ont tiré un grand
parti de cette liste glorieuse; et lorsqu’on les a entendus,
on est forcé de convenir qu ’on ne peut rien leur objecter
de raisonnable. Nous rappelons volontiers cet hommage
qui nous m ontre un corps illustre réparant les torts
d’une autre époque et rentrant dans la ligne si belle
où les lettres et les sciences florissaient sans péril pour
leur gloire.
Parm i les dépositions si graves, si imposantes en
faveur de nos livres saints, celle de toutes les nations
chrétiennes qui, dans tous les temps, auraient voulu la
sceller de leur sang, n ’est point oubliée. Or, pour les
esprits les plus difficiles, pour tous les hommes com
pétents, c’est une démonstration. Ils ne veulent pas
q u ’on argum ente contre des témoins qui se font égorger.
Les œuvres de Virgile et d ’Homère sont-elles mieux
2.
�18
défendues? El pourtant le doute n ’en approcha jamais ;
à moins que l'on ne veuille citer ce savant du siècle
dernier, dont on a fait justice par une plaisanterie qui
l’accusait de se lever à quatre heures du matin pour
rêver toute la journée. Nos livres saints sont donc dans
une position assez respectable. Avant de les attaquer, il
faut se séparer de l'univers et abjurer la raison humaine.
M. l’abbé Bicheron, professeur cl Histoire et de D is
cipline ecclésiastiques, a traité, en faisant 1 histoire du
Concile de Trente, un sujet bien cher à la Religion et à
tous ceux qui aiment à applaudir à ses triom phes. On
sait ce qu’avaient dit certains hommes : La papauté et
l’épiscopat ne sont plus la lumière et l’exemple des
peuples : à nous de relever l'Eglise en ruine.
C'était hardi, mais peu habile, car on accusait Dieu
de mensonge ou d'im puissance : la Religion, qu'il avait
déclarée éternelle, avait péri ! Le professeur a fait con
naître la réponse de Dieu ; e 11e est claire et sans réplique.
Les papes du XYIme siècle sont, par leur science et leur
sainteté, dignes des Léon et des Grégoire. À leur voix
vénérée arrivent, de toutes les parties du monde, do
saints et illustres évêques qui n ’ont rien perdu de la foi
et du zèle des Cyprien, des Ambroise et des C hrysostôme, et ils am ènent avec eux des docteurs dont saint
Jérôme et saint Augustin auraient adm iré les lumières.
Enfin, l'univers chrétien a vu à Trente une assemblée
aussi vénérable que celle de Nicée et de Calcédoine.
AVilà Dieu, il se sert de l’erreur pour publier la foi et
la gloire de celle Église dont elle venait de chanter
l’apostasie et la ruine.
19 —
Celte manière grande de répondre à certaines accu
sations, se reproduisant de temps en temps, confirme
cette vérité assez glorieuse pour la religion chrétienne:
un peu de guerre lui va bien. Elle a fait son temps,
disait-on naguères; éclairés m aintenant,nousnevoulons
d’autre guide que la raison. Un instant Dieu laisse faire.
Enfin, fatigué de pareilles attaques, il en finit par un
coup d ’éclat. Il en appelle à l’ancienne foi; et notre
France, répondant par des troupes de confesseurs et de
m artyrs, prouve, après 18 siècles, qu’elle mérite encore
le plus beau nom q u ’une nation puisse porter, celui de
très-chrétienne. « Le Seigneur a voulu éprouver ses
troupes, disait saint Cyprien ù son Égliseque la persécu
tion venait de décim er, et il les a réveillées par le bruit
delà guerre. Vous avez vaillamment combattu, braves
soldats de Jésus-C hrist, » et le reste de ces félicitations
sublimes. Et bien, à nous ces félicitations : l’Église de
France et l’Église d’Afrique peuvent se donner la main,
ceindre leur front de la même couronne, elles l’ont
toutes deux égalem ent méritée.
Le professeur de Langue hébraïque a examiné le sys
tème gram m atical des langues sémitiques et de l’hébreu
en particulier. Après des dissertations pleines de science
et d ’intérêt sur le génie de ccs langues, sur leur esprit,
leur caractère, M. l’abbé Diouloufct a expliqué le
prophète Jouas et une partie d'Isaïe. On voit tout ce
qu’il faut de recherches, de travaux, de temps pour bien
rem plir de semblables programmes. Aussi, nous n ’avons
pas été surpris, lorsque, ses forces trahissant son cou
rage, le professeur s ’est vu obligé de demander l’autori-
�—
20
sation de suspendre ses leçons d ’éloquence sacrée et de
se borner au cours d’hébreu.
Tout en respectant la prédilection de notre collègue
pour une langue qui est d ’un puissant secours pour
l’interprétation du texte sacré, nous ne pouvons taire
nos regrets en voyant notre chaire d ’éloquence, une des
plus importantes de la Faculté, rester vacante. Rien de
grand, en effet, comme de former et de léguer à l’Église
de vrais ministres de la parole sainte, de ces hommes
dont l’esprit saint a tant célébré les œuvres. Notre bienaimé Archevêque, qui sait mieux que personne ce que
peut l’éloquence chrétienne , fortem ent nourrie de
l’écriture, des Pères, de nos grands modèles, ne per
mettra pas que se taise plus longtem ps un enseigne
ment qui peut tant pour la gloire de Dieu, le bien de
l'Église et l’honneur de la France, honneur que toutes
les nations lui envient, quand elles lisent seulem ent
nos orateurs chrétiens.
I t a p p o r t «le i l . l e D o y e n «le l a ■ « 'a cu ité
«le D r « iit.
Monseigneur
et
Messieurs ,
En venant périodiquement toutes les années dérouler
devant vous le tableau de la situation intérieure de la
— 21
Faculté de Droit, il me serait difficile, j ’en conviens, de
captiver votre attention par l’attrait de la nouveauté.
Mais, je me sens néanmoins encouragé dans l’accom
plissement de cette mission par le bienveillant intérêt
que vous avez toujours daigné prendre au progrès de
nos études, et surtout par les vives sympathies dont
vous entourez constam m ent ceux de nos élèves à qui
de brillants succès ont valu des distinctions honorables
et vos applaudissem ents bien plus flatteurs encore.
Comment pouvoir rester, en effet, indifférent à la
proclamation des noms des lauréats et de ceux de leurs
émules, dans une enceinte où la réunion de tout ce que
notre cité compte d éminent par le savoir et la haute
position sociale, nous rappelle ces véritables fêtes de
famille dans lesquelles, la joie dans le cœur et les
larmes aux yeux, des mères ceignent le front de leurs
enfants des couronnes décernées aux louables elTorts de
ces jeunes intelligences.
Bien que notre solennité ait un caractère plus grave
et plus im posant, puisqu’elle est également consacrée
à vous entretenir du résultat de nos travaux, de ceux
de nos élèves, et de leur conduite privée, elle n’éveille
pas moins d ’émotions légitimes et provoque an plus haut
degré I incessante sollicitude de l’autorité supérieure,
justem ent désireuse d ’assigner à chacun le rang qui lui
convient dans les carrières plus ou moins élevées qu’elle
réserve au m érite.
A la faveur de ces considérations, je vais donc faire
le résum é prescrit par les règlements, avec toute la
brièveté q u ’exigent les convenances et que commande
�rait d ailleurs la sécheresse des détails de statistique
dans lesquels je ne puis me dispenser d ’entrer.
La première circonstance qui m érite d'être relevée,
est celle d ’une diminution dans le chiffre des inscrip
tions, qui ne s ’est élevé, l’année dernière, q u ’à 694, au
lieu de 769 q u ’on en com ptait aux quatre trim estres
précédents, ce qui établit une différence en moins de
75, ou soit, de \9 élèves L
Sans vouloir rechercher quelles peuvent en avoir été
les causes, elles n ’ont pas exercé une grande influence
sur la prospérité m atérielle de notre école, puisqu’elle
n ’a jamais cessé d ’occuper le troisièm e rang, une dé
croissance encore plus forte ayant eu lieu dans toutes
les autres facultés de l’Em pire.
Le seul résultat significatif q u ’elle ait produit, et
auquel il fallait nécessairem ent s ’attendre, a été une
réduction à peu près identique sur le nom bre des épreu
ves soutenues, et dont le total n'a pas dépassé 258,
tandis que 320 candidats s'étaient présentés pour des
examens ou actes publics dans les quatre sessions
antérieures.
Hàtons-nous d ’ajouter toutefois, pour être dans le
vrai, que la disproportion n ’aurait pas été si forte, sans
les refus de certificats d ’assiduité vainem ent sollicités
par certains de nos élèves q u ’une inflexible, mais juste
sévérité a dû frapper de déchéance.
1 Cette diminution n’aura été, du reste, que momentanée, puis
que les inscriptions dn 1er trimestre ont atteint, cette année, le
chiffre de 214, tandis qu’on en comptait seulement 170 en novem
bre 1857.
— 23 —
Parmi ceux qui les ont obtenus, il s'en était inscrit :
4, pour l ’examen de capacité ;
00, pour le 1er de bachelier ;
41, pour le 2me ;
43, pour le Ier de licence ;
52, pour le 2rne ;
51, pour l'acte public ;
5, pour le 1er de doctorat ;
\ , pour le 2mc ;
et 1, pour la thèse.
Voici quels ont été, dans leur ensemble, les résultats
de ces différentes épreuves :
Sur 258 candidats, 2 4 1 ont été admis et 17 ajournés.
Parmi les prem iers, il y en a eu un nombre égal reçu
avec éloge ; 167, à l’unanim ité des suffrages et 57, à la
majorité, c’est-a-dire, dont l’admission a été ternie par
une liouIe noire.
Ces résultats généraux sembleraient témoigner, au
premier coup d'œ il, d ’une amélioration notable dans les
études et d ’une certaine supériorité sur ceux signales
dans mon précédent rapport, où figuraient 24 ajourne
m ents. M a is - ,je fais remarquer qu’il y avait alors 62
candidats de plus, et-que les réceptions avec une boule
noire étaient seulem ent de 36 , tandis qu elles ont
atteint, cette année, le chiffre de 57, il faudra nécessai
rem ent reconnaître que, s'il y a eu progrès, d ’un côté,
il y a eu aussi assez grande médiocrité, de l’autre.
Je serai néanm oins heureux d ’avoir bientôt à cons
tater que la m arche de nos études a été réellement
ascendante, en faisant l’énumération des récompenses
décernées dans les concours.
«un
�Pour mieux apprécier leur force relative, voyons
m aintenant de quelle m anière se sont répartis les suc
cès et les revers entre les élèves de chaque année.
Dans la l re qui en com ptait GO, 5 ont eu des boules
toutes blanches ; 44 ont été admis d ’une m anière trèssatisfaisante; 7 avec une boule noire, et 4 ont échoué
complètement.
En 2me année, sur 45 candidats, parm i lesquels figu
raient 4 aspirants au certificat de capacité, un seul a été
jugé digne de l'éloge, et 3 1 d ’une réception à l’unani
mité des suffrages; 12 ont eu une houle noire, et le
dernier a été ajourné.
Les admissions honorables se réduisant ici à une
seule, et celle* à la simple majorité ayant atteint le
chiffre de 12, bien que les secondes épreuves du bacca
lauréat fussent moins nombreuses, on serait autorisé à
en conclure q u ’elles présentent une infériorité assez
marquée sur les premières.
Mais, s ’il est vrai de dire que plusieurs élèves de la
2me année, au lieu de m ettre à profit les avertissem ents
à eux donnés, ne se sont distingués des autres que par
leur indifférence pour le travail, leur inassiduité cons
tante aux cours et une conduite irrégulière, il y aurait
injustice à déverser le même blâme sur ceux qui ontété
admis à l’examen.
La médiocrité de leurs épreuves, comparativement à
celles de la 1re année, se fait rem arquer, en effet, non
dans l’ensemble, mais seulement dans quelques-unes
d ’entr’elles ; de sorte q u ’elle existerait plutôt en appa
rence q u ’en réalité, si j ’ajoute surtout que ces épreuves
sont bien autrem ent difficiles, à raison de la multiplicité
des matières qui forment le programme du 2,nc exa
men et de l’appréciation plus rigoureuse qu’en font les
professeurs naturellem ent désireux d ’élever successi
vement le niveau des études, à mesure qu’elles devien
nent plus sérieuses et plus approfondies.
Parmi les aspirants à la licence, dont 43 s ciaient
inscrits pour le 1er exam en; 52, pour le 2me, et 51
pour l’acte public (en tout 1 4G), il y a eu 135 admis
sions sur lesquelles 11 ont été suivies de 1 éloge ; 8G
reconnues généralem ent satisfaisantes, et 38 avec une
boule noire ; les onze derniers ont encouru le rejet.
Ces résultats sont à peu près les mêmes que ceux
indiqués dans mon rapport antérieur, si j ’en excepte
cinq ajournem ents de plus que l’on comptait cette
année sur la totalité, mais dont le nombre est contre
balancé par autant de réceptions élogieuses.
Ajoutons, à la louange de celle catégorie d ’élèves,
que la m ajeure partie des thèses par eux rédigées avec
beaucoup plus de soin qu ’auparavant, témoignaient, en
général, d’études consciencieusement faites, d’explo
rations laborieuses et intelligentes , en même temps
qu’elles révélaient une saine interprétation des textes
sur lesquels devait rouler l’argumentation.
Aussi, ont-elles été soutenues par quelques-uns de
ces candidats d élite avec cette présence d ’esprit et
celle assurance que peuvent seules donner les connais
sances acquises par un travail persévérant et de longues
méditations.
Je me reprocherais, Messieurs, d ’ajouter à l'impatience
�20
bien naturelle que vous detfez avoir do connaître dos
élèves aussi distingués par leurs succès que par de
louables antécédents, si je ne me hâtais de proclamer
les noms de chacun d ’eux.
A leur tète, figure: M. Soubrat, de M ontpellier,
lauréat des deux années précédentes, qui, après avoir eu
le rare avantage de subir toutes ses épreuves à boules
blanches, a dignement couronné une œuvre si bien
commencée, en rem portant les deux palmes d'honneur
disputées au concours de 3mo année, c’est-à-diro, les
deux premiers prix en Droit Domain et en Droit F ran
çais.
Au deuxième rang, viennent se placer : M. Milanta,
de Marseille, également lauréat pour la troisième fois, et
M. Rigaud, d ’Aix, jugé digne de trois m entions hono
rables, dont les thèses aussi rem arquables en la forme
q u ’au fond leur ont valu la réception avec éloge.
Nous ne saurions passer sous silence celles de quel
ques autres élèves que divers succès ont aussi recom
mandés à la bienveillance de leurs professeurs, et qui
doivent trouver un encouragement dans leur affectueux
souvenir, si, comme je me plais à le croire, am bition
nant avec raison le grade de docteur et les prérogatives
qui y sont attachées, ils abordent résolum ent cette nou
velle carrière de labeur, pour entrer plus tard dans
la lutte encore plus glorieuse que la munificence du
gouvernem ent ouvre, toutes les années, à une noble et
généreuse ém ulation.
De ce nombre, sont: M. Delueil, de M arseille, qui a
obtenu le 2me prix de Droit Romain; MM. Donlicr et
Poilroux, d ’Aix, jugés dignes d une mention honora
ble ; M. Fabry, d ’Aix et M. Roussel (Léon), de Nîmes,
il qui il n ’a m anqué q u ’une boule blanche pour une
réception élogieuse.
En 4me année, où 7 aspirants au doctorat se sont
présentés, savoir : 5, pour le 1er examen, 1, pour le
2,neet un autre pour l’acte public, la Faculté a prononcé
six adm issions et l’ajournement contre un de ceux
appartenant à la l r0 catégorie.
Je ne saurais mieux term iner ce compte-rendu de la
marche de nos études et vous prouver jusqu’à quel
point elle a été progressive, qu’en signalant ici le bril
lant résultat obtenu par M. lcard, de Draguignan, à qui
la Faculté a décerné le Ier prix, médaille d’or, dans le
concours ouvert entre les docteurs.
Quant à la collation des grades, la Faculté a délivré
4 certificats de capacité, et il a été conféié par elle 40
diplômes de bachelier, 46 de licencié et t de docteur.
En ce qui touche la conduite privée des étudiants, en
dehors de l ’école, je voudrais bien pouvoir dire qu’elle
a été entièrem ent irréprochable; mais malheureusement
il n ’en a pas été ainsi ; car, indépendamment d’une con
damnation à des peines de simple police, prononcée
contre trois d ’en lr’eux qui s ’étaient permis des tapages
nocturnes, tous les professeurs ont eu plus ou moins à
se plaindre de 1 inassiduité d'un grand nombre d autres
aux différents cours, et dont la fréquentation des cafés
a été la principale cause.
A ussi, ai-je sollicité avec les plus vives instances
de M. le P réfet, qui a bien voulu me promettre son
�—
28
—
concours, 1 adoption des m esures les plus propres à
faire cesser les graves inconvénients résultant de celle
vie de désœuvrement et de désordre qui prend sa source
et son aliment dans la dangereuse facilité qu’ont les
étudiants de se procurer des sommes plus ou moins
considérables pour satisfaire toutes leurs mauvaises
passions au moyen d ’em prunts ruineux q u ’ils font aux
entrepreneurs de ces établissem ents.
Déjà l’année dernière, à pareille époque, j’essayais
de réveiller, par de salutaires avertissem ents, leur ém u
lation et leur am our-propre, dans la persuasion oii j ’é
tais que mes exhortations paternelles auraient quelque
retentissem ent auprès d ’eux. Vaine espérance ! Ceux-là
même à qui elles s ’adressaient plus spécialem ent ont
encore cédé à l’entraînem ent des mauvais exemples.
Serai-je plus heureux aujourd’h u i, en faisant un
appel à leur amour filial?
Le doute ne saurait être possible.
M’identifiant donc avec leurs parents qui me perm et
tront d ’être ici leur organe, rappelez-vous, dirai-je à
ceux d ’en tr’eux qui m ’écoulent, quelles ont été les
émotions delà famille, nu sein de laquelle votre retour
devait apporter la joie et l’allégresse, lorsqu’au lieu de
succès obtenus à l'examen ou au concours, dont ils
étaient justem ent impatients d ’apprendre le résultat
de votre propre bouche, un silence profond , ou le
pénible aveu d une défaite, qui vous a été peut-être
arraché, est venu répandre la tristesse au milieu d ’elle,
en prévision surtout des charges nouvelles que de folles
prodigalités allaient ajoutera tant d’autres.
—
20
—
Eh! bien, si ce souvenir, ainsi que je le supppose,
est encore présent à votre pensée, pourquoi ne révo
querais-je pas, quelle qu’en soit l’am ertum e, comme
un stim ulant puissant pour'vous porter désormais à
mieux faire?
Quel plus noble but pourrais-je proposer à votre ému
lation que celui d’alléger autant que possible par une
bonne conduite, par de sévères économies et l’utile
emploi d ’un temps dont la perle est toujours irrépara
ble, le poids de celle vie d ’abnégation et de sacrifices
que la constante préoccupation de votre avenir impose
à la paternelle sollicitude dont j’emprunte en ce mo
ment l’autorité et le langage.
Devenez donc à nous avec la ferme résolution
d’etfacer des souvenirs qui vous importunent ; la bien
veillante indulgence de vos professeurs ne fera jamais
défaut à un repentir sincère. Mais , si contre toute
attente, quelques-uns d'enlre-vous persistaient dans
leurs funestes tendances, nous serions obligés, à regret,
de suivre invariablem ent, à leur égard, le précepte que
tout père de famille devrait prendre pour règle de con
duite: Qui bene canal, bene casligal.
�R apport tic i l . le D oyen <lc la F a c u lté
d e* L e ttre s .
Messieurs ,
Au moment où m ’est accordé, à mon tour, l’honneur
de prendre devant vous la parole, ma pensée naturelle
ment se porte d'abord, avec vos regards, vers mes
nouveaux collègues. La Faculté des Lettres d ’Aix, vous
le voyez, a éprouvé dans son personnel, pendant la
précédente année scholaire, un changem ent considéra
ble qui l'a presque à moitié renouvelée: deux de ses
professeurs sur cinq l’ont quittée pour aller porter
dans d ’autres chaires leur beau talent de parole dont il
est resté ici un souvenir durable. Q ue, par un juste
avancement, ils aient été récompensés de leur zèle et de
leurs succès, il faut en rem ercier et j ’en rem ercie sincè
rement pour ma part la bienveillance du chef vénéré de
cette Academie, bienveillance éclairée non moins q u ’a
gissante et constamment appliquée à distinguer tous les
mérites afin d ’appeler sur eux 1 attention et les bien
faits du pouvoir.
Mais ce changem ent, survenu tandis que nos cours
étaient en plein exercice, ne devait pas en favoriser le
succès. Il surprenait les auditeurs et trom pait leur
attente en substituant tout à coup d'autres program m es
à ceux dont on avait commencé à entendre le dévelop
pement de la bouche de professeurs connus, aimés,
recommandés par l’accoutumance et plus encore par
l’expérience de leur talent. C’est chose délicate qu’un
auditoire libre, chose qui demande d’incroyables ména
gements. Heureusem ent que nos nouveaux collègues
avaient été choisis avec le plus habile discernement
parmi les jeunes professeurs qui avaient fait leurs
preuves de la m anière la plus brillante dans les con
cours de l’agrégation et du doctorat et au premier rang
de l’enseignem ent secondaire. Grâce à celle circons
tance , la transition s ’est opérée à la satisfaction
générale. MM. Ouvré et Joly ont su, en ramenant à eux
les esprits prévenus, regagner la faveur d'un public
trop éclairé pour ne pas apprécier leurs qualités émi
nentes, et trop équitable pour leur imputer les inconvé
nients d ’une situation pour eux-mêmes désavantageuse
et qu’ils avaient trouvée toute faite.
Leur nom ination a été l’occasion d’un autre fait de
grande conséquence et qui mérite, Messieurs, de vous
être particulièrem ent signalé. MM. Ouvré et Joly n’ont
pas seulem ent succédé à leurs prédécesseurs; mais,
de plus, ils ont été chargés des Cours d Histoire et de
L ittérature Française annexés à la Faculté des Sciences
de Marseille et qui avaient été faits jusqu’alors par deux
professeurs du lycée. Ainsi a cessé une anomalie à
laquelle des circonstances purement transitoires avaient
obligé de recourir : puisque les Facultés sont auxiliaires
les unes des autres pour les examens, il faut bien qu’il
en soit de même pour l’enseignement, à moins de
graves difficultés d ’exécution qui avaient été en trèsgrande partie levées, dans le cas spécial dont il s'agit,
�— 82
p.ar l'établissem ent du chemin de fer d'Aix à Marseille.
De quelle manière nos jeunes collègues onl commence
à remplir celle mission m algré des obslacles provenant
là aussi des succès obtenus avant eux dans les mêmes
chaires, M. le Doyen de la Faculté des Sciences vient de
vous l’apprendre, M essieurs; et son bon témoignage
aura causé une joie sans surprise à ceux de leurs audi
teurs qui sont ici présents ainsi q u ’à toute la Faculté
des Lettres qu'ils représentent dignem ent dans la capi
tale, ou plutôt (pour respecter toutes les prétentions)
dans l’autre capitale de la Provence.
Pendant que nous gagnions de ce côté, nous per
dions d'un autre, je ne dois pas le dissim uler. Des
conférences , péniblement organisées près de notre
Faculté au commencement de I85G pour préparer les
aspirants au grade de la licence, n ’ont pu continuer
l’année dernière faute d ’élèves. Institution à laquelle le
fondateur attachait les plus belles espérances, mais qui
n ’a eu à Aix ju sq u ’à présent et n ’aura jam ais, il y a
tout lieu de le craindre, q u ’une existence languissante.
La raison en est facile à concevoir. Comme la ville ne
possède, au lieu d’un lycée, q u ’un simple collège com
munal avec un petit nombre de maîtres répétiteurs, qui
encore étudient en droit pour la plupart, il s ’en trouve
rarem ent parmi eux qui aient besoin de venir puiser
l’instruction à cette source. Q uanta des élèves, venus
d ’ailleurs et s ’offrant pour être admis à ces conférences
de payer la rétribution exigée par le décret du 22 août
18 ü i, il ne s ’en est jamais présenté.
Déduits donc à nos leçons publiques, nous les avons
faites devant des auditoires, qui, pour le nombre, ont
beaucoup varié avec les saisons et suivant d’autres
circonstances trop longues à énumérer. Tous nos cours,
en général, se sont ressentis de l’ébranlement causé par
le brusque rem placem ent de MM. Zeller et >Veiss, et par
l’interruption nécessaire pour que leurs successeurs,
subitem ent nom m és, aient pu préparer les matières de
leur enseignem ent. Il en est résulté, dans les habitudes
de notre public le plus fidèle, un dérangement dont
nous avons eu tous à souffrir. Il en est résulté en par
ticulier pour nos disciples de l’École de Droit un pré
texte de relâchem ent vraiment peu nécessaire. Nous
étant m ontrés envers eux moins exigeants que de cou
tume en raison des événements, ils en ont très-large
ment abusé, comme vous pensez bien, Messieurs; en
sorte que, si vous nous demandez comment la plupart
ont assisté à nos cours, nous vous répondrons d'une
manière ausssi véritable que laconique, en disant : ou
point, ou peu, ou mal.
Nous espérons mieux pour l’année qui va commencer.
Du m oins, nous n ’épargnerons rien, nous redoublerons
d ’efforts, afin de redoubler l'intérêt, afin de ranimer
autour de nous la vie littéraire en réveillant le goût des
hautes études. Voici, du reste, les sujets de nos pro
chains cours. Perm ellez-m oi, M essieurs, de vous les
annoncer som m airem ent après que je vous aurai rap
pelé d ’une façon non moins abrégée ceux de nos leçons
de l’année dernière.
Le professeur de Littérature Ancienne a étudié l’année
dernière les poètes du siècle d Auguste, et il a particu3
�Fièrement insisté sur Virgile et sur Horace, qui sont
l’honneur des lettres latines. Celle année-ci il traitera
des historiens postérieurs au siècle d ’A uguste, et su r
tout de Tacite cl de Suétone. Il exam inera ces deux
historiens au double point de vue du style et du fond,
et signalera les graves modifications que subissent à la
fois, sous les em pereurs, la langue, les idées et les
m œurs. Dans ses leçons de littérature grecque le pro
fesseur a expliqué la tragédie d Antigone de Sophocle;
il expliquera et commentera celte année-ci la \te de
Cicéron par Plutarque.
Le professeur de Littérature Française s ’est occupé de
la renaissance des lettres en France sous les derniers
Valois. Après avoir esquissé à grands traits les carac
tères généraux-de cette partie du XVIe siècle, il s ’est
attaché à tracer les portraits des principaux écrivains
du temps, passant en revue les diverses classes de cette
curieuse société, et considérant de préférence les hom
mes dans les œuvres et la vie desquels se m arque le
mieux l'originalité puissante qui distingue celle époque
entre toutes. Celte année il fera I histoire de la poésie
et de la critique au siècle dernier, l'histoire de ce q u ’a
fait et rêvé l’imagination de la France depuis Voltaire
jusqu’à André Chénier et jusqu’au début de notre siècle.
Le XVIIIe n ’a pas été l’âge d'or de la poésie française.
Mais là où m anqueront les belles œuvres il y aura
profit et intérêt à chercher les causes de cette infé
riorité, à les dem ander, par exem ple, à l’étude de
la société elle-même qui rabaissait la poésie à sou usage,
et la voulait élégante et frivole comme elle. La tragédie
— 35 —
occupera nécessairem ent une large place dans ces re
cherches. Le dram e sérieux, en effet, indique le plus
haut idéal conçu par l’imagination d’un peuple. A côté
des œuvres poétiques vient se placer naturellement la
critique, qui les prépare ou les juge. Dans cette revue
du XVIII0 siècle elle se présentera sous des points de
vue singulièrem ent différents, selon qu’elle se récla
mera de L aln rp e, de Marmontel, de Chamfort, de
Grimm ou de Diderot: régulière et timide, chez les
prem iers; originale, aventureuse chez les autres, élar
gissant son domaine et recherchant le beau dans ses
expressions et ses tranformations les plus diverses ,
dans les arts comme dans les lettres.
Pendant l’année qui vient de s’écouler le professeur
de L ittérature Étrangère s’est renfermé dans 1 exposi
tion du dram e espagnol. Il s ’est appliqué 5 montrer
que l’Espagne, en créant le drame avant les autres
nations m odernes, I avait empreint du double caractère
religieux et chevaleresque. De là il a pris occasion de
com parer entre eux les divers théâtres des peuples
civilisés de l’Europe et d ’indiquer par oii celui de
l’Espagne se rapproche des autres et par où il s’en éloi
gne. Cette année il donnera pour point de départ à
ses études sur la Littérature Anglaise la fin du XVIIe
siècle, et, quand il arrivera aux auteurs contemporains,
il fera voir dans les œuvres récentes du génie anglais
un retour vers l’esprit philosophique et vers l’observa
tion des beautés de la nature. Ce cours sera terminé
par uu examen du drame allemand, à l’époque où il
prétendit se donner une physionomie originale, quoi-
�qu’il subit bien des influences, quoiqu'il s ’inspirât,
tantôt du génie grec comme on le voit dans YIphigénie
de Gœihe, cl tantôt de Shakespeare comme on le voit
aussi dans les œuvres de Schiller.
Le professeur d’Histoire, reprenant la suite du cours
de son prédécesseur, a raconté le grand m ouvem ent
des Croisades en s ’attachant à en faire com prendre les
causes diverses et les résultats vrais. Il s'est efforcé de
mettre en relief les caractères q u ’elles ont suscités et
de faire ressortir les principaux traits de ces deux
génies de l'Orient et de l’Occident qui commencent
par se heurter violemment cl finissent par se pénétrer
l ’un l’autre. Cette année, il se propose d ’étudier l'his
toire du XVIIe siècle. Henri IV et ses elîorls intel
ligents pour fonder une d y n astie, Richelieu et sa
politique royale, la révolution d ’A ngleterre aboutissant
après bien des crises à un gouvernem ent régulier et
durable, la guerre de trente ans am enant enfin le
catholicisme et le protestantism e à se tolérer, Mazarin
rachetant par l’éclat de sa politique au dehors les
faiblesses et les fautes de son adm inistration intérieure,
Louis XIV entraînant avec lui toute 1 E urope, soit
comme ennemie, soit comme alliée: telle sera la suc
cession de ces récits oii une place sera donnée, à côté
des événements politiques, au progrès de l ’esprit de
société, aux conquêtes du commerce, au développem ent
des lettres et des ails.
En Philosophie le prochain cours aura pour objet de
confirmer par l’histoire les résultats obtenus les deux
années précédentes ; de telle sorte q u ’entre les leçons
des trois années qui, aux termes de l’arrêté du 7 mars
1853, doivent form er un tout, se trouvera, en effet, un
lien naturel. Le spiritualism e en psychologie ou en
métaphysique a pour conséquence en morale le devoir
désintéressé: après avoir enseigné l un et la u lre ,
après avoir été de l’un à l’autre, le professeur cher
chera celte année à m ontrer la supériorité de l’un et
de l’autre sur les doctrines contraires en exposant et
en critiquant les principaux systèmes de la philosophie,
tels qu ’ils ont été successivement professés dans les
écoles depuis Thaïes jusqu’à nos jours.
Voilà, M essieurs, ce que nous avons fait et ce que
nous nous pr oposons de faire comme professeurs. Reste
m aintenant à vous rendre compte des résultats que
nous avons obtenus l'an passé comme juges dans les
examens.
Vous parlerai-je du doctorat? J ’hésite, car je n’ai
rien à vous en dire, sinon qu'aucun candidat n ’en a
proprem ent subi devant nous les épreuves. Vous en
serez peu surpris quand vous saurez qu’un docteur
ès-letlres qui n ’a pas pris son degré en Sorbonne
devient un phénom ène de plus en plus rare, et qu’en
1836, par exem ple, pas un seul examen de cette sorte
n'a eu lieu dans les 13 facultés de province. La décen
tralisation n'est pas en voie de progrès sous ce rapport.
Paris nous écrase. Ce n ’est pas que les candidatures
m anquent ; il s ’en est encore produit plusieurs eette
année dans notre académie. Mais les thèses soumises
à 1 appréciation préalable des examinateurs n ’ont pas
paru avoir un caractère assez marqué de force, d’origi-
�— 3S —
milité et de distinction pour m ériter le plus élevé des
grades , celui qui ouvre l’accès de l’enseignem ent
supérieur. Loin de nous, M essieurs, la pensée d ’abdi
quer, le parti pris de rebuter, ou, ce qui revient au
même, d ’éconduire indéfinim ent toutes les ambitions
locales, quelles qu elles soient ! Mais qu elles sachent
bien que le désir de conférer, nous aussi, le grade
suprême ne nous déterm inera jam ais à l’avilir en en
abaissant le niveau, à faire en sorte, pour notre part,
qu’il s’établisse en province un doctoral de m oindre
aloi, et, pour em prunter une expression à nos rém inis
cences et à notre vocabulaire classiques, un doctorat
minorum (jenlium.
Les examens de la licence n ’ont donné lieu à aucune
remarque importante. Cinq aspirants se sont présentés
en novembre, trois en juillet. Deux ont été reçus à la
première session, deux à la seconde, savoir: d ’une
part, M. Nirascou, régent au collège de Toulon, et M.
Galle, régent au collège d’Àix ; d ’autre p art, M. Brunie,
régent au collège d ’Aix, et M. H erm ann, aspirant
répétiteur du lycée impérial de Marseille. Tous ces huit
candidats , tant les quatre ajournés que les quatre
admis, appartenaient à l’enseignem ent. Parm i les pré
tendants à ce grade nous avions compté plusieurs
années de suite des étudiants en droit; mais nous avons
eu cette fois le regret de n ’en trouver aucun. N’est-ce
qu'un accident? Nous aimons à le croire ; nous verrions
avec une véritable peine se briser ou seulem ent se
relâcher les liens intellectuels par lesquels se rattache
— 39 —
à nous la fleur de la jeunesse sortie des établissements
littéraires de la Provence.
J arrive enfin au baccalauréat , à celui des grades
universitaires qui excite tant d ’espérances et tant de
craintes, qui intéresse tant de familles et qui est dans
le système de notre enseignement secondaire comme la
clé de voûte de l’édifice. Ce que j ’ai à en dire diffère
peu d e c e q u e j'e n ai dit l’année dernière. Le nombre
des candidats, en somme, continue à augmenter. En
1855-1850, époque de Ja plus grande diminution, nous
avions eu 1SI examens seulement; en 1850-1857,
199; et dans l 'année dont j ’ai l'honneur de vous entre
tenir, M essieurs, c’est-à-dire en 1857-1858, nous
nous sommes élevés au chiffre de 215. Pour ce qui
regarde la valeur des épreuves, il ne paraît pas y avoir
eu de progrès. Nous avons compté 119 ajournements
contre ,90 adm issions ; ce qui donne pour moyenne des
réceptions moins de 45 pour °/„. Un peu plus de 45
pour °/0 avait été la moyenne de l’année précédente.
Cependant il faut rem arquer à l’avantage des dernières
sessions, qu elles ont fourni quelques exemples d ’exa
mens brillants et que la mention très-bien, qui nous sem
blait pour jam ais tombée en désuétude, a pu y être
accordée deux fois.
C ’est, avec l'augm entation successive du nombre des
candidats, une raison d ’espérer que les éludes littérai
res ne tarderont pas à refleurir en Provence et dans
tout l’em pire, comme il convient chez un peuple placé
par sa littérature, non moins que par ses armes, au
prem ier rang des nations civilisées. Grand et inappré-
�ciable résultat que lentlenl à produire les m esures les
plus applaudies de M onsieur le Minisire acluel de l'Ins
truction publique en ce qui concerne le baccalauréat et
par conséquent l'enseignem ent secondaire. La part des
lettres y est augm entée en proportion de leur importance
incom parable; l’instruction professionnelle s ’y trouve
subordonnée à l’éducation générale et essentielle, à
celle qui forme le cœur et le caractère par ce q u ’on
appelle si justem ent les hum anités ; le litre de bachelier
ès-letlres est désormais exigé pour étudier en m éde
cine ; et, si la même condition n ’est pas déclarée néces
saire pour entrer dans les autres carrières auxquelles
l’étude des sciences prépare spécialem ent, au moins
elle est proposée comme un très-grand avantage, com
me un moyen de succès presque im m anquable, aux
jeunes gens qui aspirent au baccalauréat ès-sciences:
tous ceux d ’entre eux qui s ’y présentent pourvus déjà
du diplôme de bachelier ès-lettres sont assurés de 4
sulfrages sur 10. En un m ot, tout notre systèm e
d'enseignem ent, quoique restant le même au fond, a
été vivifié par un plus grand développement de l’esprit
littéraire et par des modifications q u ’avait recom m an
dées en quelque sorte l’Em pereur Napoléon Ier en
disant avec un sens adm irable : « Les sciences sont les
plus bcdles applications de l’esprit humain ; les lettres,
c’est l’esprit humain lui-m êm e. »
L ’effet salutaire de ces réformes commence à se faire
sentir, ou, plus exactem ent, pressentir dans nos exa
m ens. Mais ce n ’est q u ’avec le temps que leur influence
bienfaisante pourra devenir générale et m anifeste.
41
D’ailleurs, si elle est secondée, d'un côté, par le con
cours dévoué des m aîtres, elle rencontre, de l’autre, un
obstacle presque insurm ontable dans les dispositions
d une jeunesse faite à l’image du siècle auquel elle
doit succéder , siècle immodérément enclin à ne se
soucier que des intérêts positifs de la vie. 11 faut bien
en convenir, jeunes et vieux, petits et grands, le positif
nous dévore ; c’est au point que, si la religion et l’en
seignement ne s ’attachaient et ne réussissaient à y
pourvoir, nous courrions bientôt le risque de désap
prendre à vivre de la vie de l'esprit. Nous n’estimons
l’instruction, comme tout le reste, que par le profit.
Aussi, qu arriv e-t-il dans les écoles? ^ éludie-t-on
pour savoir? Point. Ce (pi on s’y propose dès 1 âge de
la naïveté et île la candeur, dès cette époque de la vie
oit l’âm e, éprise d ’adm iration pour tout ce qu’elle
trouve de beau dans les chefs-d'œuvre de la littérature,
delà poésie surtout, ne devrait s’ouvrir qu'aux senti
ments généreux , et ou il s'agit uniquement de se
faire homme par une culture de l'esprit générale et
désintéressée, ce qu'on s’y propose, c’est de conquérir
avec le moins de travail possible la position sociale où
l’on aura le plus de fruits à recueillir. Il n’y a plus
d ’enfants ; ce n ’est plus par goût et par une curiosité
toute spontanée, mais par calcul, que l’enfance étudie.
C’est à quoi faisait dernièrem ent allusion, avec l'accent
delà plus touchante sollicitude, M. le Ministre de l’Ins
truction publique, lorsqu’il disait, dans une occasion
solennelle, à l’élito des enfants élevés dans les lycées
de Paris : « N ’essayez pas d'être vieux avant le temps,
�4*2
et «le vouloir loucher trop tôt aux intérêts de In vie
réelle. »
C’est aux parents à joindre leurs efforts à ceux de
l ’adm inistration et des m aîtres afin de retenir les en
fants le plus longtemps possible dans cette noble et
indispensable indifférence à l’égard de l’avenir. Pour
en com prendre la nécessité faut-il de longues ré
flexions?
dit Lafontaine,
Dieu prodigue ses biens,
A ceux qui font vœu d'être siens.
Il en est de même de la vertu; il en est de même
aussi et des lettres et des sciences: elles exigent du
dévouement. On ne les cultive utilem ent q u ’aulant
qu’on les cultive gratuitem ent, sans aucune vue pré
sente d ’utilité, sans plaindre sa peine, sans être retenu
à chaque instant par la crainte de faire plus q u ’il ne
faut pour son besoin particulier. Du reste, le prem ier
des besoins, le premier des intérêts, n est-il pas de
former en soi une personne intellectuellem ent et mo
ralem ent distinguée en exerçant longtem ps, en forti
fiant et en élevant, pour en jouir un jour dans toute
leur plénitude, les nobles facultés de sa nature? N ’estce pas là pour arriver à tout la préparation la plus
essentielle ? Or, quels enfants parviendront à acquérir
un si précieux avantage? Ceux qui visent haut sans
viser encore à rien; ceux pour qui l’étude n ’est pas
un apprentissage mercenaire ; ceux qui, sans entrer ou
avant d entrer dans les écoles spéciales, achèvent leurs
— 43 —
humanités par goût, parce qu ’ils y trouvent des char
mes indépendam m ent des applications auxquelles ils
ne songent point. Le nombre en est petit, très-petit,
soit ; mais il commence à s’augmenter, l’expérience de
l’année qui vient de finir l’atteste, et il s’augmentera
de plus en plus à m esure que les dernières modifica
tions apportées au règlem ent et aux programmes des
deux baccalauréats feront sentir leur intluence sur
l’enseignem ent, et que l’esprit qui lésa dictées rectifiera
celui qui règne d ’une manière si fâcheuse dans les
familles et dans les écoles.
ltu|»|>ort «le I I . «le l r c s i | n e t s u r
c o n c o u r s e n t r e le » É t u d i a n t s
e n D r o it .
le»
Messieurs ,
La Faculté de Droit a pu distribuer , cette année, à
peu près toutes les récompenses dont elle dispose, et
nous venons vous exposer en peu de mots, les raisons
qui ont déterm iné scs jugem ents.
Les docteurs et aspirants au doctorat étaient appelés
à faire l’histoire des libéralités entre époux chez les
Humains et dans notre pays. Ce sujet prêtait à de
larges développem ents, tant au point de vue philoso-
�phique, q u ’au point de vue de la législation. En effet, à
toutes les époques on a compris la puissance du lien
qui unit le mari et la femme ; les Romains appelaient le
mariage : consortium omnis vitœ , divini et hurnani juris
communicalio. L ’em pereur Napoléon disait: dans le
mariage il y a autre chose que l'union de noms et de
biens, il y a échange d'âm e; il sem blerait donc en
résulter que les libéralités entre époux, même de leur
vivant, sont vues avec faveur, et cependant il n ’en est
rien. La nature humaine est telle, que nous trouvons
presque toujours le mal à côté du bien : l’un des epoux
peut abuser de l’affection q u ’il inspire à l’autre, pour
lui vendre un sem blant de tendresse, voilà pourquoi
les lois romaines avaient d'abord absolum ent défendu
la donation entre mari et femme : ne mutualo amore invicem spoliarenlur; plus tard, lorsqu’elles perm irent ces
libéralités, elles les déclarèrent essentiellem ent révo
cables. Dans notre législation, depuis l’époque germ a
nique jusque dans le Code Napoléon , on retrouve
également une série de restrictions dont l’expérience
démontre tous les jours la triste nécessité.
Un seul mémoire a été déposé, par M. Icard, de
Draguignan. Le sujet y est traité d'une m anière suffi
samment profonde, pour que la Faculté ail cru devoir
lui décerner une première médaille d ’or.
L ’auteur écrit dans un style simple mais très net ;
son esprit semble plus porté à 1Exposition analytique ,
q u ’aux aperçus philosophiques, mais il a su tirer un
très-bon parti de tout ce qui a été écrit sur la m atière
dont il s ’occupait. Plusieurs parties de son travail ont
— i5 —
même un certain caractère d’originalité; ainsi , le
chapitre consacré au droit coutumier contient un ré
sumé très-rem arquable de l’ancienne doctrine.
En somme, le Mémoire de M. Icard, dénote une
puissance de travail qui n ’est pas commune et une
aptitude incontestable pour la science du droit.
En troisièm e année, la lutte, comme on le sait, est
circonscrite entre les quelques élèves qui ont obtenu la
majorité de boules blanches dans leurs examens. Chez
tous les concurrents la Faculté a constaté avec plaisir
des qualités diverses, qui font bien augurer de leur
avenir; mais, nous devons une mention toute spéciale
à M. Soubrat, dont les compositions sont de beaucoup
supérieures à celles de ses condisciples. Si ce jeune
homme continue à développer, par le travail, les dons
qu’il tient de la nature, on peut lui prédire de brillants
succès dans la carrière qu’il compte parcourir.
Pour le concours de Droit Romain, la question était
ainsi form ulée: De la distinction des contrats, des
contrats innommés, et des pactes. Il fallait faire un peu
<1 histoire pour traiter ce sujet et montrer comment les
vieilles form alités quii itaires s’étaient peu à peu effa
cées devant le droit prétorien et la pratique journalière,
la disputatio fori. M. Soubrat s’est acquitté de celte
tâche avec assez de bonheur; il a bien laissé échapper
quelques erreurs, mais sa composition n on est pas
moins rem arquable pour un élève de 3mc année, car,
c’est tout dire en un mot, il cite le Digeste, et il le cite à
propos. Le prem ier prix lui appartient sans hésitation.
M. Delueil, qui vient au second rang, a fait une
�4G —
composition longue, mais où l’on trouve trop de choses
étrangères à la question. Que cet élève, dont le travail
et la conduite ne sauraient être trop loués, s ’applique
à donner à sa pensée une forme plus concise; qu'il
évite les épisodes, chers à juste titre aux poètes épi
ques, mais qui coupent d ’une m anière m alheureuse la
suite du raisonnem ent, dans les com positions de droit.
La Faculté a, enfin, décerné une mention honorable
à M. Ponticr, pour un travail un peu court, mais qui
n ’est pas sans mérite.
Les candidats étaient venus en plus grand nombre
pour la composition de Droit Français, car il y a déjà
dans les écoles un certain nom bre d ’esprits qui croient
se m ontrer positifs en dem andant gravem ent: à quoi
bon le Droit Romain? Ils prennent la loi telle q u ’elle
est aujourd’hui sans se préoccuper de son origine;
c ’est un petit travers que nous devons signaler, sans
espérer le faire disparaître. Quoi q u ’il en soit, la dis
sertation demandée aux élèves portait sur des articles
éminemment français ; il fallait déterm iner les récom
penses dues par la com m unauté aux époux, et récipro
quement par les époux à la com m unauté.
M. Soubrat a su garder encore la prem ière’ place :
il a rappelé tous les cas prévus par le Code Napoléon,
et sa discussion est presque toujours basée sur les
vrais principes. On peut lui reprocher cependant une
omission assez grave, il n ’a point parlé du cas où il y
a conversion des propres viagers en propres perpétuels,
et réciproquem ent. Dans la rédaction, quelques phrases
incorrectes m ontrent que M. Soubrat n ’a pas eu le
— 47 —
temps de relire les 10 pages in-folio, écrites dans les
six heures accordées par le règlement.
Le travail de M. M ilanla, auquel est décerné le 2m0
prix, nous sem ble bien loin de celui de M. Soubrat,
tant pour la m éthode que pour l’exactitude. On pourrait
signaler plusieurs omissions portant sur des points im
portants ; ce qui a fait le succès de M Milanta, c’est qu’il
est assez ordinairem ent exact dans ses assertions.
Si l’intervalle est grand entre M. Soubrat et M. Mi
lanta, il n ’en est pas de même, à notre avis, entre ce
dernier et M. Paul Rigaud, qui a eu la première men
tion honorable.
L’hésitation était permise entre ces deux composi
tions; quelques erreurs de moins chez M. Rigaud, et il
aurait conquis le second rang; car, dans son exposition
il y a des qualités q u ’on ne retrouve point chez M.
Milanla à un degré aussi remarquable.
La seconde mention honorable appartient à M. Poilroux, dont la composition, assez exacte sur certains
points, est trop incomplète sous beaucoup d’a utres.
En seconde année, il y avait peu de bons élevés;
sept ou huit au plus; seulement, hâtons-nous de le
dire, parmi ce petit nombre d ’auditeurs assidus il y a
des travailleurs et des penseuis hors ligne. Certes, les
élèves auxquels nous faisons allusion ont encore beau
coup à apprendre ; on reconnaît dans leurs compositions
que ce q u ’ils entrevoient dans les matières à venir, les
gène pourexposer ce qu ’ils ont déjà appris ; mais vienne
l ’époque du doctorat, et leur esprit prendra un essor
aussi ferme que rapide.
�Les candidats avaient à exposer les principes : De
possession pour prescrire cl des nc(io)is possessoires.
la
Trois compositions se présentaient au prem ier abord
à peu près sur la même ligne , c’ctaient celles de
MM. M aurel, Silbert et Marcaggi , cependant elles
avaient chacune des m érites différents.
Chez M. Maurel on trouvait une exposition plus
lucide et une exactitude plus grande que chez ses con
currents, mais le plan tracé d ’une main moins ferme,
montrait peut-être plus de mémoire que d ’invention.
Cependant la Faculté lui a donné le prem ier prix, parce
que MM. Silbert et Marcaggi ont émis des opinions qu'on
pourrait sans doute considérer comme des lapsus
calami, mais qui n ’en sont pas moins des erreurs. Le
second prix a été partagé entre ces deux élèves, un
classement à faire aurait présenté trop de difficulté.
Vient enfin une quatrièm e composition , la plus
curieuse de toutes celles que nous ayons eues à
exam iner; elle a pour auteur, un grec, M. FounloulakiGuikas , qui apprend en même temps le droit et le
français. Aussi, l’orthographe et le tour des phrases
excitent-ils involontairem ent un sourire , mais la
pensée est vigoureuse, la doctrine sûre, les aperçus
ingénieux. M. Guikas n ’est pas une intelligence ordi
naire ; lui aussi, comme M aurocordato, notre ancien
condisciple, il fera profiler la Grèce renaissante des
lum ières q u ’il vient chercher dans l’Occident. La
Faculté n'a pas hésité à lui donner une m ention hono
rable; pour nous, la forme ne l'a pas em porté sur le
— 40 —
Nous term inons, M essieurs, par l'examen des com
positions de prem ière année. Vous comprenez que
nous trouvons ici plutôt des espérances que des résul
tats acquis ; c ’est la catégorie à laquelle on peut dire :
tu Marccllus cris-, m alheureusement il y a plus d ’un
élève, que les événem ents empêchent d’arriver au bout
de la carrière.
Du mariage pulalif et de ses effets : tel était l’inti
tulé de la question. Les élèves ne pouvaient embrasser
que les principes élém entaires, expliqués en pre
mière année ; la partie qui louche aux liquidations des
com m unautés, quand il y a bigamie et bonne foi du
second conjoint, leur est encore inconnue.
Il ne nous paraît pas q u ’il y ait une différence bien
sensible entre les quatre compositions couronnées.
M. Georges, le prem ier prix, a énuméré d’une ma
nière courte, mais exacte, les conditions nécessaires
pour qu ’il y ait m ariage putatif et les effets principaux
qui y sont attachés.
MM. G uillibert et Sarrus ont le second prix ex œguo;
sous certains points de vue ils sont moins laconiques
que M. G eorges, mais leur énumération des effets
du mariage putatif laisse à désirer.
Enfin, M. Camoin de Vence a mérité une mention
honorable; sa composition commence très-bien, mais
il ne conclut pas.
Tel est, M essieurs, le rapport très-sommaire que
nous devions vous présenter. Espérons que les succès
de nos lauréats donneront un peu d ’émulation à leurs
condisciples; il faut que tous les élèves comprennent
4.
�bien que le travail à l'école est le point de départ
nécessaire d ’une carrière honorable. Ici, comme par
tout, le temps perdu est bien difficile à réparer;lorsque,
pendant trois années, on s ’est laissé aller à des habi
tudes de paresse et de dissipation, on devient presque
toujours incapable de rem plir dignem ent ses devoirs
d ’homme cl de citoyen. Que les étudiants ne l’oublient
pas : e’est en prenant la vie au sérieux dès sa jeunesse,
q u ’on se prépare un avenir solide, et q u ’en s ’estim ant
soi-même, on arrive à m ériter l’estim e des autres.
S é a n ce «le ren trée «le la F a c u lt é «les
S cie n ce s et «le l’F c o lc p ré p a ra to ire
«le llétleein e.
Le 25 novembre 1858 a eu lieu, à Marseille, dans
l’une des salles de la Faculté des Sciences, la rentrée
de la Faculté des Sciences et de l’École préparatoire
de Médecine et de Pharmacie. Celte cérémonie avait
attiré un public nombreux et était honorée de la
présence de M. Lafont de Villiers, lieutenant-géné
ral, commandant la division, de M. Besson, préfet
du département, de Mgr. Jeancard , évêque de
Cérame, de M Luce, président du tribunal civil,
de M. Ilonnorat, maire de Marseille et de toutes
les autres principales autorités. Elle était présidée
par M. le Recteur de l’Académie d’Aix, h coté de
qui siégeaient M. Zevorl, Inspecteur d’Académie
— 51
en résidence à Marseille, MM. les Doyen et Pro
fesseurs de la Faculté des Sciences et MM. les
Directeur et Professeurs de l’École préparatoire de
Médecine et de Pharmacie.
M. le Recteur a ouvert la séance par l’allocution
suivante et a donné ensuite la parole a M. le Doyen
de la Faculté des Sciences et à M. le Directeur de
l’École de Médecine pour leurs rapports sur les
travaux de la Faculté et de l’École. Ces mêmes
rapports avaient déjà été lus à la séance de rentrée
des Facultés, à Aix.
Monseigneur
et
Messieurs,
Il existe à Paris un établissement fondé sous le
patronage des hommes les plus éminents dans les
sciences, l’une des plus utiles créations qu’on ait faites
depuis 30 ans, qui fournit aux départements, aux com
munes et aux compagnies industrielles des ingénieurs
pour toutes les branches de l’industrie et pour toutes
les entreprises d ’utilité publique, l’école centrale des
Arts et M anufactures, qui, depuis 1857, est devenue un
établissem ent de l’État et relève du Ministre de l’Agri
culture , du Commerce et des Travaux publics; sa
réputation est européenne, et tout grand industriel
regarde l’instruction donnée dans cette école comme
le com plément indispensable d ’une éducation soignée
et d ’une instruction spéciale. C’est un externat, et la
rétribution scolaire y est fixée à 800 fr. environ.
Eh bien, Messieurs, cette école qui ne peut suffire
�52
aux nombreux élèves qui s'y présente!)!, et qui ne les
reçoit q u a près un concours, vous l’avez à votre portée,
dans vos m urs, et il dépend de vous d ’en faire profiler
vos enfants, sans déplacem ent et avec de bien m oindres
sacrifices. Le M inistre de l'Instruction publique et des
Cultes, voyant les succès de l'école centrale, et con
vaincu de l'utilité de son enseignem ent, a organisé
sous un autre nom le même enseignem ent, dans les
villes les plus considérables des départem ents et entr'autres à Marseille; c’est de l’école annexe des Sciences
appliquées queje veux parler, et c’est l ’inauguration de
celte école qui est l’objet principal de cette cérém onie.
Quelques modifications à faire au local, quelques
additions au personnel enseignant nous ont forcés
jusqu’ici d ’ajourner cette inauguration. A ujourd’hui
tout est prêt ; le Conseil Municipal dont la munificence
envers la Faculté est inépuisable , et je saisis avec
bonheur l'occasion de lui en exprim er notre reconnais
sance, a voté tous les supplém ents de crédit nécessaires;
S. E. le Ministre a accru le personnel ; tous les profes
seurs sont prêts à rem plir leur tâche avec zèle ; c’est
au public à s ’acquitter de la sien n e,c'est-à-d ire,à nous
fournir des élèves.
L ’enseignem ent de la Faculté et de l'école annexe
comprend toutes les sciences et leurs applications. Un
program m e soigneusem ent rédigé a réduit les cours
spéciaux de l’école annexe aux notions indispensables
à 1 industrie. L'école centrale ne peut avoir et n'a pas
un enseignem ent plus complet et plus spécial. Les
élèves qui auront pris le nombre d'inscriptions régle
mentaires, auront d'ailleurs ici le très-grand avantage
qu’ils n ’auraient pas à l’école centrale, de prolonger,
sans nouveaux frais, leurs éludes durant plusieurs mois
et même plusieurs années, suivant que l’exigeront
l’instruction qu'ils auront acquise et la carrière à la
quelle ils se destineront. C’est donc avec toute con
fiance q u eje dem ande des élèves au public.
Par élèves, j ’entends des auditeurs immatriculés et
inscrits, considérant leur assiduité comme une obliga
tion, voulant s ’instruire et obtenir le brevet de capacité
que délivrera l’école après des examens subis.
L’intérêt des élèves est de prendre des inscriptions;
ils ne travailleront, il n ’acquerront les connaissances
qu’on leur prom et, et qui, je le confesse, exigent un
travail très-assidu, que s ’ils sont inscrits. S’ils n étaient
qu’atiditeurs bénévoles, la moindre affaire, le moindre
plaisir les entraîneraient loin du cours, et le moindre
dégoût (il y en a toujours quelqu’un dans les éludes
sérieuses), leur ferait abandonner l’école annexe. Les
inscriptions sont d’ailleurs la condition sine qvâ non de
l’admission aux examens et de l’obtention du certificat
de capacité, certificat qui n ’est pas un titre sans valeur.
Partout en France et même à l’étranger, le certificat de
capacité de l’école centrale des Arts et Manufactures
assure au titulaire de très-bonnes positions publiques
ou privées, et il doit en être de même du certificat de
capacité des écoles des Sciences appliquées.
Je désire encore des élèves immatriculés et inscrits
dans l’intérêt de l’école même, et pour que Marseille
conserve un établissem ent précieux pour toutes scs
�— ho —
industries, dont elle a, en fait, le monopole pour tout le
ressort de l’Académie, et qui peut avoir un grand avenir.
Les leçons de la Faculté, c’est-à-dire, les cours de
mathém atiques, de physique, de chimie et d'histoire
naturelle sont publics et gratuits ; mais les cours de
l’école annexe, c'est-à-dire, les cours de géométrie et
de géométrie descriptive, de mécanique appliquée, de
littérature et d ’histoire, de dessin, les conférences de
physique, de chimie, d ’histoire naturelle, les applica
tions de ces sciences et les m anipulations ne sont dus
q u ’aux élèves inscrits. La bienveillance du professeur
ouvre la porte à tous les auditeurs indistinctem ent ;
mais s’il n ’avait que des auditeurs bénévoles, il sen
tirait que ses efforts n ’atteignent pas le but; son zèle
s'attiédirait à son insu, et cet enseignem ent finirait par
être amoindri et plus lard abandonné.
Je n ’ai pas besoin de vous exposer les avantages pour
les industriels de l’élude sérieuse des sciences ; per
sonne ne les nie ; toute industrie s ’occupant des modi
fications de la matière, tout industriel a évidemment
besoin de connaître les propriétés des corps, l'action
des uns sur les autres, les phénomènes de la chaleur,
de l’électricité, de la lum ière, la composition des corps,
les combinaisons chimiques, les gaz, les m étaux, etc.,
et, après avoir étudié avec méthode les causes et les
effets constatés dans la nature, de connaître les appli
cations si variées et si utiles q u ’en a faites le génie de
l’homme. Savoir c’est pouvoir, a dit Bacon. L ’on peut
retourner l’axiome et dire: ïgnorerc’est être im puissant.
Vous avez sans doute entendu vanter la pratique en
opposition à la science. On a raison si I on parle d une
pratique éclairée, c est-à-dire, dirigée par la science,
car elle réunit les conseils de la théorie et ceux de
l’expérience.
Mais on a tort quand on parle de la pratique qui n'est
que de la routine, c’est-à-dire, de celle que l’on suit par
pure im itation, sans se rendre compte des principes qui
l’ont établie. Car évidemment si elle est mauvaise on
est hors d'état de la modifier, et lorsqu’elle est bonne,
l’ignorance à laquelle on se condamne rend tout progrès
impossible. On ne raffine plus le sucre comme au XIIInie
siècle, où les Vénitiens le livraient au commerce sous la
forme de sucre candi ; il en est de même dans toutes les
industries; la routine n'a fait de progrès qu’en se sou
m ettant à la science.
Au reste, ce qui suffit quelquefois à l’homme déjà
avancé dans sa carrière ne doit pas suffire aux jeunes
gens. Quand on est jeune, qu ’on a toute la vie devant
soi et q u ’on a le moyen de s ’instruire, pourquoi ne
s’instruirait-on pas? La science a par elle-même des
charmes qui doivent séduire. Pourquoi des jeunes gens
renonceraient-ils à développer leurs plus nobles facultés,
à orner leur esprit de ces théories fécondes et même de
ces détails si curieux , sources inépuisables d idées
utiles qui trouvent têt ou tard leur application? La
science a d'ailleurs ses avantages positifs et directs.
Les carrières du barreau et de la médecine, qui exigent
aussi des études bien sérieuses, sont encombrées;
1 industrie offre des carrières sans nombre non moins
honorables et certainem ent plus lucratives. Long-
�temps les industries sont restées peu nom breuses, et
nul établissement d ’instruction publique ne donnait
l'enseignem ent spécial qu elles exigeaient ; on n'y
entrait guères que quand on était fils de m aître et
q u ’on avait grandi dans une usine. Mais aujourd’hui la
science domine l 'industrie ; elle en a m ultiplié les
branches et les ressources; elle fait plus, elle offre à
tous ceux qui sont capables d ’application, l’instruction
nécessaire pour s ’y faire une position honorable. Que
ceux qui se plaignent de n’avoir pas de carrière consi
dèrent l’immense variété des industries que la science a
créées depuis 30 ans, et q u ’ils se m ettent à l’œuvre,
c’est-à-dire, qu'ils étudient. S ’ils profitent des moyens
d ’instruction que leur offre notre école des Sciences
appliquées, ils n ’auront plus à s’inquiéter de leur
avenir. Arago a dit, en parlant de l'industrie : Quelque
faible que soit la capacité d ’un homme, il y trouve un
travail à sa portée ; quelque vaste que soit son génie, il
n ’y manquera jamais d ’un alim ent digne de lui.
On pourra vous dire et je vous dirai moi-même que les
écoles des Sciences appliquées n ’ont, en général, que
médiocrement réussi. C ’est q u ’on ne les a pas encore
comprises. L'école centrale des Arts cl M anufactures
n ’a pas eu des débuts plus brillants, quoique patronnée
par les savants les plus ém inents ; mais aujourd’hui
q u ’on l’a vue à l’œuvre, q u ’on a pu apprécier les ré
sultats de son enseignem ent, elle ne peut suffire au
nombre de ses élèves. Ce qui n ’a pas réussi ailleurs
peut et doit réussir à M arseille, car oii trouverait-on
dans les départem ents une population plus nom breuse,
plus assurée d ’un grand et prochain accroissement, plus
intelligente, plus propre à l’industrie? c’est une place
libre, il faut l’occuper. Que Marseille vise à faire de
son école des Sciences appliquées, pour le midi et le
milieu de laF rance, ce que l’école centrale est pourParis
et le nord. Elle le peut avec les professeurs à qui l’en
seignement de l ’école est confié, dont le zèle égale le
profond savoir. Q uant à moi, je serai'heureux et fier de
patronner une si utile entreprise et d’appeler sur elle
la protection et les faveurs du gouvernement.
MM. 1es élèves de l’École de Médecine, à vous aussi,
la Faculté des sciences offre de grands moyens d'ins
truction ; ne les négligez pas; ne vous bornez pas à
suivre les cours obligatoires; et, lorsque vos éludes
spéciales vous en laisseront le loisir, assistez aux con
férences et aux m anipulations de l’école des Sciences
appliquées. Le décret du 23 août dernier qui a rendu
obligatoire pour les aspirants au doctorat le diplôme
de bachelier ès-lettres est un honneur fait au corps
médical ; le M inistre, conformément aux demandes des
Facultés de Médecine et à l’avis du Conseil Impérial et
du Conseil d ’État, a pensé que ce n ’était pas trop d’une
instruction littéraire complète pour préparer les médecins
aux fortes études spéciales qu'ils doivent faire et pour
leur donner dans le monde l’autorité qu’on n ’accorde
qu’aux supériorités intellectuelles; mais Son Excellence
n ’a pas voulu vous éloigner de l’étude des sciences ;
loin de là, il exige des aspirants au doctorat, outre le
diplôme de bachelier ès-lettres, le diplôme de bachelier
ès-scionccs restreint pour la partie mathématique. C’est
�— 58
donc utilem ent que vous suivrez les cours et confé
rences des sciences physiques et naturelles.
Vous avez eu la semaine dernière un concours à
l'Hôtel-Dieu pour une place d ’interne qui a fait le plus
grand honneur à l’école; les cinq concurrents étaient
élèves de l'école, et ils ont soutenu leurs épreuves d ’une
manière si brillante que la Commission adm inistrative,
avec une munificence aussi intelligente que digne d ’une
grande ville, lésa récom pensés tous cinq. Le prem ier,
M. Combalat a été fait interne, le second a eu une
médaille d ’or, le troisième une médaille d ’argent, les
quatrième et cinquième ex œquo, chacun une médaille
d ’argent.
Ce concours a du être pour vous tous un spectacle
plein d ’intérêt; q u ’il soit aussi pour vous un sujet
d ’émulation et une excitation au travail. Ce que MM.
Combalat, Lebas, Hornbostel, Nicolas et Laugier ont
fait, vous pouvez le faire; la position ou les récompenses
honorifiques q u ’ils ont obtenues, vous pouvez les ob
tenir. Vous devez tous aspirera une place d ’interne;
c’est la manière la plus honorable et la plus prom pte
d ’entrer en carrière. On n ’est interne que par un con
cours, que parce qu'on a fait preuve d ’une instruction
étendue et solide; en rem plissant ses fondions d ’interne,
on complète son instruction et on acquiert en peu de
temps une grande expérience. Tous les grands médecins
ont commencé par être internes.
Au reste, que vous suiviez cette voie ou que vous en
preniez une autre, rappelez-vous, chers élèves, que
dans l'art de guérir si honorable, mais si difficile, on
— 50 —
ne parvient que par un travail obstiné. Jetez les yeux
autour de vous, si vos m aîtres sont entourés de tant de
considération, s ’ils ont acquis de si belles clientèles,
s’ils sont devenus des professeur» éminents, c’est qu’ils
ont toujours travaillé avec ardeur, c’est qu’ils, travail
lent encore.
Et le D irecteur honoraire de cette école, que nous
avons eu récem m ent le malheur de perdre, et que toute
la ville regrette si vivement quoiqu il soit mort dans un
âge avancé, à quoi devait-il cette grande réputation de
savoir, cette confiance universelle de ses concitoyens,
qui, chez le plus grand nombre, était devenue une véri
table affection? A son ardeur pour le travail, ardeur
qui, de son enfance, a duré jusqu’à l’extrême vieillesse.
Plusieurs d'entre nous l’avons entendu dans sa chaire,
et nous n ’avons pu oublier la variété infinie de ses con
naissances, l’élégance de sa parole, la netteté de son
esprit, la séduction de son enseignem ent; voilà, jeunes
gens, les hommes que vous devez vous proposer pour
modèles. Vous n ’êtes sans doute pas tous aussi heureu
sem ent doués que lui ; mais tous vous pouvez vous
imposer les mêmes habitudes de travail et faire valoir,
à votre grand avantage, et pour le bien de vos conci
toyens, les dons que vous tenez de Dieu.
Ce vénérable et bien-aimè docteur, après avoir été
une des célébrités de notre école, qu il a pour ainsi dire
fondée, a voulu lui laisser un souvenir de sa bienveil
lance et lui a légué 25,000 fr. La jeunesse doit lui en
conserver une éternelle reconnaissance, car elle lui
devra l’accroissem ent des collections scientifiques de
l’école, c’est-à-dire, de ses moyens d'instruction.
»»»«i
« ■«
�Il a meme recommandé à la Commission adm inistra
tive des Hospices, auxquels il a fait un legs plus considé
rable, de ne pas oublier l’école dans les reconstructions
auxquelles ce legs sera employé.
Je ne rappelle celte dernière disposition que pour ne
rien om ettre de ce que doit l’école à M. Cauvière ; mais
c’est surtout de la bienveillance de l’autorité municipale
et du prem ier m agistrat du départem ent que l’école
attend un local convenable pour ses cours et ses collec
tions. Le local actuel, je le dis à regret, est un obstacle
à l’accroissement de l’école et à de nom breuses amélio
rations.
R ap p o rt tic f l. le Doyen tic la F a c u lt é
tics S cie n ce s.
Monsieur
le II ecteur,
Messieurs,
Nous avons à exposer devant vous le résum é des
actes de la Faculté des Sciences pendant l ’année sco
laire qui vient de finir. Ses travaux ont présenté sans
cesse l'ordre et la régularité que nos règlem ents et nos
program m es leur fmposent; nos paroles, pour vous en
rendre compte, seront donc faciles, simples et rapides,
nous demandons et nous espérons pour elles vos bien
veillantes sym pathies.
Les actes de la Faculté, relatifs à la collation des
grades, ont été l'objet de soins et de sollicitudes con
tinuels. Nous sentons combien d interets se rattachent
à ces im portantes opérations qui doivent être le cou
ronnement et la sanction d ’études régulières et suivies,
et de connaissances réelles bien classées. Dans l’exercice
de ces délicats devoirs, la Faculté a toujours pensé
qu elle ne pouvait se montrer trop attentive, trop
consciencieuse et, j ’ajouterai trop bienveillante ( lors
même q u ’elle avait un verdict sévère à prononcer ) ; en
écoutant les candidats avec l’indulgence du bon accueil,
elle lient à ce que ses actes fassent penser d’elle qu’elle
n’est ni facile, ni sévère.
Nous n ’avons eu celle année, pour le doctorat et la
licence, aucune épreuve publique. En province aujour
d'hui, les juges, pour ces examens, sont difficiles et
rigoureux, et ces épreuves y deviennent très-rares.
Cependant, nous devons dire que plusieurs candidats,
presque tous appartenant à l'enseignement, se sont, à
diverses reprises,présentés devant nous, en nous laissant
officieusement connaître des études et des travaux fort
respectables sans doute, mais qui, pour conduire certai
nement au succès, nous ont semblé devoir être continués
encore. Nos conseils ont donc remis aux sessions de
l’année prochaine, des jeunes gens que uous voulons
voir affronter dignem ent ces difficiles épreuves.
Le nom bre des candidats au baccalauréat ès-sciences
a été, cette année, considérable. Dans les trois sessions
de l’année, 222 candidats se sont fait inscrire. Le
tableau suivant fait connaître comment se sont répartis
les succès et les revers.
�— 62 —
EXERCICE
N O M B R E D ES C A N D ID A T S
DATE
ET LIE U DES SE SSIO N S.
I"r décem bre 1 8 6 7 ,
à M arseille
17 avril 1868, »
2 0 ju illet »
»
Ier août, » à A jaccio
2 3 août, » à A lg er..
T
otaux.
1 8 5 9 —1858.
..
A D M I S S IO N S
su r 100.
PRESENTES
A D M IS .
A JOU R NÉS.
60
IG
18
34
32 0/,
38
31
47
95
32
29
63
11
5
G
45
19
9
11
42
222
79
143
36 •/.
Le chiffre des admissions sur 100 a été, cette année,
de 36 °/0, il était, l’année dernière, de 45 0/°- Cette
différence est grande, inattendue; elle contraste d ’une
manière fâcheuse avec la marche ascendante, chaque
année, du nombre des candidats. Après avoir cherché
avec soin à nous en rendre compte, nous avouerons que
nous n ’avons pu [trouver aucune cause, aucun motif
qui put nous expliquer celte marche rétrograde vers des
résultats que nous avions cru pour jam ais loin de nous.
Beaucoup de candidats, nous le savons, se présentent
avant le tem ps, avant une préparation suffisante, sans
craindre le démérite qui s ’attache à un insuccès, et con
duits par une pensée qui s ’est généralem ent répandue
cetle année, que les juges devaient à l’avenir se m ontrer
plus indulgents, plus faciles, ils interrom pent d ’une
manière funeste le cercle régulier de leurs études.
Favorisés quelquefois par le so rt, aidés aussi par
une nature plus intelligente que l’on voit à regret
lancée dans ces aventures, quelques jeunes gens par
viennent avec peine à atteindre le succès, et ces rares et
Iristesexceplions sont le déplorable exemple qui entraîne
un grand nom bre de jeunes candidats à leur suite. En
général, et trop souvent dans la vie on prend pour règle
de conduite les exceptions, les réussites exceptionnelles.
On se ffatte toujours d ’être au nombre des heureux.
De là, pour beaucoup, et en toutes choses,(les plus durs
mécomptes. Nous aurons toujours de semblables résul
tats à déplorer dans les examens, tant que la durée du
temps et des années consacrés à l’étude ne sera pas
l'objet d ’un juste contrôle. On n ’étudie plus aujourd'hui
comme ont étudié nos pères, comme nous avons vu
étudier autrefois. C ’était pour la science elle-même, pour
son culte désintéressé q u ’on se livrait sans réserve au
travail, et le travail récompensait alors par des résultats
solides, précieuse richesse pour la vie entière. Aujour
d’hui, on travaille à la hâte, non pas pour savoir; c’est
un souci dont on s ’em barrasse peu, mais pour charger
ses épaules du léger bagage qui pourra suffire au jour
de l’épreuve; le lendem ain tout est jeté à l’oubli.
Voulant autant que possible porter remède à celte
erreur d’un grand nombre d ’esprits et diminuer les
chances aléatoires que toute épreuve, même l’épreuve
écrite entraîne après elle, nous avons fait, dans 1 esprit
même de nos règlem ents, consister l ’épreuve de la com
position en deux questions: l une, théorique, extraite
textuellem ent d'un des nos des programmes de mathé-
�Ci —
matiqucs et de physique (celle prem ière qucslion est la
plus importante); l’autre, consistant en une application
toujours simple et facile. De cette m anière le candidat
qui a préparé avec un soin consciencieux tous les n 08
de son examen est à peu près sur de réussir dans
la composition scientifique, très-dangereuse au con
traire pour une préparation superficielle et trop rapide.
Bien que les candidats admis aient été moins nom
breux celle année, les exam ens cependant nous ont
présenté des résultats rem arquables et q u ’il est de
notre devoir de vous signaler.
Dans la session de 185G-1857, aucun candidat excep
tionnel n'avait obtenu la mention très-bien, difficile du
reste à conquérir, et que la Faculté n ’accorde que trèsrarem ent. Cette année, cette mention a été conquise
deux fois,
par MM. Toselli, de Marseille.
et Cliorrel, d’Orange.
I/an née dernière, six candidats seulem ent avaient
obtenu la mention bien, huit cette année l 'ont m éritée :
MM. Barlalier, de M arseille.
Rousset, d ’Apt.
Ruinât Alphonse, de M arseille.
Raynaud Jules, de Marseille.
De Jacquet de Boulliers, d ’Avignon.
Segonzac, d ’Avignon.
Fontaine, d Alger.
Loppès, d ’Alger.
Après ces détails sur nos examens, il nous reste,
Messieurs, à vous entretenir de notre enseignem ent.
— G5 —
M. le Ministre a bien voulu, sur la proposition de
M. le R ecteur, porter à six le nombre des professeurs
de la Faculté des Sciences; deux hommes éminents nous
ont été adjoints : MM. Sentis et Valson, le premier, ingé
nieur en chef des mines du départem ent, le second, pro
fesseur de m athém atiques spéciales au lycée impérial de
Marseille. Si nous ajoutons àce nombre les quatre pro
fesseurs chargés de cours annexes, le personnel ensei
gnant de la Faculté a été composé, cette année, de dix
professeurs. Rien q u ’il y ait parmi nous des santés fort
délicates, aucune m aladie, aucun empêchement n ’ont
interrompu cette année les travaux de la Faculté.
Notre enseignem ent a présenté le même aspect que
les années précédentes. Nous avons vu, surtout dans le
semestre d ’hiver, le même empressement remplir nos
am phithéâtres, sans aller toutefois, comme l’année der
nière, jusqu’à l ’em barras et même jusqu’à l'émeute.
Les cours réglem entaires de mathématiques, d ’astro
nomie, de physique, de chimie, d histoire naturelle ont,
dans leur succession régulière, suivi avec un soin
ponctuel les sages prescriptions de nos programmes; les
conquêtes les plus récentes de la science ont jeté leur
saisissant intérêt sur des leçons toujours graves et
austères de leur nature; les professeurs n ’ont jamais
oublié que leur prem ier devoir était de faire connaître
les m éthodes, les procédés et les lois de la science pure,
avant de chercher à intéresser et à captiver leur au
ditoire par l’exposé des applications nombreuses et
variées qui font la grandeur de notre époque.
Pour ce qui concerne nos cours annexes, nous serons,
�celte année, très-rapides ; nous craindrions, M essieurs,
d'allonger sans mesure notre compte rendu, si nous
entrions à cet égard dans les détails de l’année dernière.
Vous savez, Messieurs, q u ’ils em brassent des ensei
gnements variés. La mécanique appliquée, la géométrie
descriptive, la coupe des pierres, la physique et la
chimie appliquée, la géologie, I histoire et la géographie,
la littérature française et le dessin. Quelques-uns de ces
cours ont eu lieu non - seulem ent dans le sem estre
d’hiver, comme le règlem ent I indique; mais se sont
encore prolongés au-delà ; ainsi, le professeur de géométrie descriptive, voyant encore de quatre-vingts à cent
auditeurs à ses dernières leçons du prem ier sem estre, a
demandé à les continuer jusqu’à la fin du sem estre d ’été.
Dans le cours de chimie appliquée, le professeur a
exposé avec détail tout ce qui se rapporte à l ’une des
industries les plus développées à Marseille. L ’étude du
soufre, l’exposé des procédés qui se rattachent à sa
purification, à ses différents emplois dans l’industrie,
ont été l'objet de leçons nom breuses préparées avec un
soin extrême, et qui ont fait honneur à notre collègue.
Le professeur se dispose cette année à donner, à cette
partie de son enseignem ent, tous les développements
que comportent et appellent les diverses industries de
notre cité.
Les conférences de physique ont eu lieu toute l’an
née ; elles ont em brassé, avec l'exposé des parties qui
n'avaient pu être suffisamment approfondies dans le
cours, l’étude détaillée des instrum ents et appareils de
physique. Ceux ci ont été, pour la plupart, dém ontés
sous les yeux des auditeurs, qui souvent, et autant que
cela était possible, les ont fait fonctionner eux-mêmes,
sous la surveillance et la direction du professeur. Qua
rante-neuf auditeurs assistaient encore, en juillet, à la
dernière des conférences hebdomadaires de l’année.
Ce n ’est que dans le courant du deuxième semestre
que les leçons de dessin ont été données. Les appro
priations du local n ’ayant pas pu être terminées avant
cette époque. Ces leçons seront suivies, à l’avenir, avec
un em pressem ent et un succès , que leur utilité et la
science du professeur promettent avec certitude.
L ’enseignem ent de la littérature et de l'histoire,
donné dans la prem ière partie de l’année par deux pro
fesseurs du lycée de Marseille, MM. Delibes et Rondelet,
a été, dans la seconde, confié à deux professeurs nou
veaux de la Faculté des Lettres d ’Aix. Nous devons ici,
Messieurs, et c’est une obligation douce pour nous,
exprimer devant vous notre sympathie reconnaissante
pour les deux jeunes professeurs de notre lycée qui
nous ont prêté le concours de leur activité et de leur
savoir. Une m esure réglementaire, qui a dû les attein
dre, confie désorm ais les leçons annexes faites dans les
Facultés des Sciences à des hommes qui doivent appar
tenir aux Facultés elles-mêmes. MM. Rondelet et Delibes
n ’ont donc pu continuer leur œuvre parmi nous, mais
nous ne pouvons oublier qu’ils ont été avec nous les
ouvriers de la prem ière heure, et qu’ils ont partagé nos
premiers travaux. Nous sommes heureux d inscrire leur
souvenir et nos rem ercîm ents dans l’histoire des pre
miers jours de la Faculté.
�G8 —
Dans des leçons, où s ’est produit un savoir rare, et
de suite apprécié, où s ’est m ontrée une méthode ex
cellente, soutenue par l’éclat d ’une parole élégante et
facile, les deux nouveaux professeurs, MM. Joly et
O uvré, ont noblement abordé une tâche délicate et
difficile, celle de recueillir l’héritage de succès q u ’a
vaient gagné leurs devanciers. Une réussite complète
a accueilli leurs efforts. La littérature et l'histoire ont
trouvé en eux de dignes interprètes,et l’année nouvelle,
qui perm ettra de les mieux connaître encore et de les
apprécier davantage, continuera à rendre populaires, à
Marseille, le succès et la sympathie qui se sont attachés
à ces deux cours.
Il nous reste, Messieurs, un devoir doux à rem plir,
nous avons à remercier M. le Ministre pour la distinction
exceptionnelle accordée à notre professeur de chimie, M.
Favre, qui, au mois d’août dernier, a reçu la décoration
de la Légion-d’IIonneur. La Faculté est heureuse d ’un
honneur qui rejaillit sur elle. Elle remercie le Chef de
l’État pour la récompense accordée aux longs, cons
ciencieux et surtout im portants travaux qui, depuis
longtemps, ont fait connaître dans la science le nom de
notre honorable collègue.
Perm ettez-nous, en finissant, Messieurs, de profiter de
votre présencepouradresser quelques conseils, quelques
paroles affectueuses aux jeunes gens de notre cité, l’éclat
de celte réunion, le concours de tant d ’hommes ém inents
donneront à nos paroles une autorité que nous désirons
pour elles auprès d ’une jeunesse amie.
Nous lui dirons : voyez; jetez les yeux autour de vous.
Que de grandes choses ont été accomplies dans votre
pays, dans votre cité ! Certes, nous le savons, la Provi
dence a beaucoup fait pour Marseille ; tout a été donné
à cette ville favorisée du ciel. L’admirable situation
géographique , le concours toujours heureux des évé
nements de la politique humaine, la conquête, la guerre,
la disette même, tous ces accidents qui portent ailleurs
la souffrance et la désolation, amènent dans vos murs
des conditions de prospérité croissante. Mais ce que vous
devez surtout voir dans 1 histoire de notre antique cité,
c’est que par leur intelligence et par leur activité sou
tenue, vos devanciers, vos pères ont été toujours à la
hauteur de cette heureuse fortune que leur faisait la
Providence; en présence des circonstances les plus
imprévues, de toutes les demandes du commerce, de
l’industrie, on les voyait toujours prêts et habiles.
Vous me répondiez sans doute : nous serons dignes
d’eux; l’esprit, l’intelligence qu’ils onteus, noussaurons
les m ontrer à notre tour. Mais c’est ici précisément que
j'ai besoin de vous dire que, pour vous, la situation
change sans cesse; il vous faut des forces nouvelles pour
répondre aux conditions nouvelles qui se font autour
de vous chaque jour. Permeltez-moi, pour mieux rendre
ma pensée, une comparaison rapide.
Au moyen âge, la force et l’adresse du corps suffisaient
à donner de puissants privilèges; les développer avec
soin était le principal but de l’éducation; mais quand
vinrent l’im prim erie, la poudre à canon, tout fut change ;
une force nouvelle, celle de l’esprit entrait plus puis
sam m ent dans la lice; l’éducation de la jeunesse dut
�donc alors mettre au plus tôt devant elle d ’autres buts,
d’autres perspectives.
Vous êtes aujourd’hui, mes amis, à une époque qui,
elle aussi, a ses nécessités et ses forces nouvelles. La
science pénètre de tous côtés dans le monde ; le com
merce, 1 industrie savent surtout sa puissance. Voyez
ce q u ’à leur début et dans la paix et dans la guerre ont
fait déjà, en quelques jours, la vapeur et l’électricité ; on
citait autrefois, on citera longtemps encore vos pères,
non-seulem ent pour leur probité, mais pour leur en
tente habile, fine et prom pte des affaires; un marché
de l’Europe n ’avait pas un besoin, une dem ande qu’ils
n ’eussent à l’avance pressentis ; et soudain leurs vais
seaux , leurs ordres arrivaient rapides sur le point
observé. Mais aujourd'hui, il y a désormais quelqu’un
qui sera toujours plus sûr, plus habile q u ’eux encore.
Le télégraphe électrique vient chaquejourdireà l’oreille
du négociant ce qui est produit, ce qui est dem andé sur
tous les marchés européens.
Bientôt, car la science ne sera pas vaincue dans
l’Océan Atlantique, bientôt tous les poiuts du globe
seront sous le contrôle de l’agent m ystérieux, docile
et prompt comme la pensée; avec lui, vous le voyez,
des conditions toutes différentes dans la conduite des
affaires. Voilà pour un point seulement; mais jetez les
yeux de toutes parts, regardez. La science arrive avec
son arm ée de forces nouvelles, q u ’il vous faudra, jeunes
gens, bien connaître pour les bien conduire.
Voyez déjà combien vos rivaux des villes commer
çantes du nord m archent dans celte voie avec une vive
intelligence; là ce n ’est pas le contre-maître seul qui est
plus ou moins habile,'c’est le chef de la maison dont le
savoir profond éclaire et guide tout. Autour de lui, que
d’améliorations dans les procédés, que de découvertes
précieuses sont dues à la science et à sa pratique in
dustrielle ; que de noms pourraient nous offrir les villes
seules de Lille et de Mulhouse. Là, depuis longtemps
l’on a com pris le devoir impérieux dont nous vous
parlons aujourd’hui. Prenez donc les armes que votre
époque réclam e ; dem andez-les à l’étude, à la science,
et rappelez-vous que c ’est dans ce but, que c’est pour
vous rendre la tâche facile et prompte, que les res
sources du haut enseignem ent ont été placées dans
votre cité par un gouvernement qui a souci de toutes
les prospérités de la France.
R apport fie 11 C oste . tlircoten r fie
l’É co le p r ép a r a to ir e fie llé flc e in e
et fie l* lia rm a o ic, à M arseille
Monsieur le Kecteur, Messieurs,
J ’accomplis un des devoirs de ma charge en vous
présentant le compte rendu des travaux de J École
préparatoire de Médecine et de Pharmacie de Marseille
pendant l’année scolaire 1807-1858.
Les professeurs ont fait très-assidûment et Irès-soi-
�— 71 —
gneusem ent leur cours. Je leur en exprime ici loule ma
satisfaction.
L'enseignem ent a été donné conform ém ent au règle
ment d ’études du 2 avril 1837.
Une leçon d ’Anatomie a été faite chaque jour pendant
le semestre d'hiver. Pourtant toute l’anatom ie descrip
tive n ’a pu être dém ontrée. Le zèle des deux profes
seurs, adjoint et suppléant, le concours dévoué du chef
des travaux anatomiques, du prosecteur et de l’aide
d ’anatomie n ’ont pu suffire à l'entier accom plissem ent
de cette lâche, qui demande, je crois, pour être bien
remplie, un plus long espace que les cinq mois d ’un
semestre.
Les parties de l’anatomie descriptive qui ont dù,
faute de temps, être laissées en arrière, sont l’étude
des veines et du système sympathique, celle des organes
des sens, des nerfs rachidiens et du grand sym pathi
que.
Il serait à souhaiter q u ’une période de deux années
fut désormais assignées la durée totale du cours d ’a
natom ie, science qui est la hase, on Je sait, d ’une bonne
éducation médicale et chirurgicale.
291 sujets ont été fournis à l’am phithéâtre de dis
section pour les travaux anatom iques. Ce chiffre est
assurém ent très-considérable et plus que suffisant à
l ’instruction de nos élèves. M alheureusem ent, et je
regrette beaucoup de le dire, ccs jeunes gens n ’ont pas
toujours profité, comme ils auraient dû le faire, de ces
précieuses ressources, oflertes à l’une de leurs études
les plus im portantes.
M. le professeur de Pathologie interne a traité,
pendant le sem estre d ’hiver, des maladies provenant
d'un trouble de l’excitabilité; de celles qui résultent
d’une lésion fonctionnelle de la sensibilité ; de celles
qu’amène une perturbation de la contractilité; des
affections m entales. Des subdivisions méthodiques ont
facilité l’examen de toutes ces parties de la pathologie
médicale. Pour com pléter l'étude des m aladies nerveu
ses, le professeur a exam iné le délire, le sommeil
pathologique et les névroses mixtes. Enfin, notre collè
gue s’est occupé des pyxnées et des affections algides,
sans négliger les états pathologiques généraux qui
compliquent souvent les m aladies.
M. le professeur d ’Accouchements a dém ontré toutes
les parties de 1 obstétrique : anatom ie et physiologie du
bassin; détroits, excavation et diam ètres ; différences
du bassin suivant les sexes et suivant les races ; anato
mie du fœtus ; étude de la grossesse, son diagnostic par
l’auscultation, la palpation abdominale et le toucher
vaginal; phénom ènes physiologiques de l’accouche
ment ; présentations et positions du fœtus ; conduite du
chirurgien dans les différents cas ; délivrance naturelle.
Les cours du sem estre d ’hiver ont dù être quelque
fois suspendus à cause de plusieurs concours qui ont eu
lieu dans notre am phithéâtre des leçons, pour la
nomination de chirurgiens ou médecins agrégés des
hôpitaux, d ’élèves internes et externes. En l’état de
notre installation , cet inconvénient est absolum ent
inévitable.
Dans le sem estre d ’été, les prem ières leçons de M.
�le professeur de Matière Médicale et de Thérapeutique,
ont été consacrées à des notions prélim inaires sur ces
deux branches im portantes des connaissances que doit
acquérir le médecin. Le professeur a ensuite étudié les
médications astringente, irritante et antispasm odique.
Pour la médication astringente, il a décrit en particulier
tous les astringents m inéraux et végétaux; puis il a
passé en revue les diverses maladies dans lesquelles
les astringents sont utiles. La médication irritante a
été divisée en caustique, substitutive, révulsive, spoliative et excitative. Les agents de chacune de ces
divisions ont été soigneusem ent étudiés dans leur ap
plication aux affections qui les réclam ent. La meme
marche a été suivie pour la médication antispasm odi
que.
En étudiant chaque substance de la m anière la
plus complète , le professeur s'est surtout attaché à
dém ontrer son action physiologique, son action théra
peutique, son mode d ’adm inistration et ses doses.
M le professeur de Pharm acie et de Toxicologie s ’est
occupé des m anipulations pharm aceutiques en général.
Il a examiné divers ordres de préparations, et en a
donné des exemples. Il a étudié , au point de vue
chimique, les principales substances m édicam enteuses
et leur préparation. Enfin, il a fait assez de toxicologie
pour en m ontrer les difficultés et indiquer le besoin
d'une élude toute spéciale de celte partie de la science
pour celui qui veut en faire des applications.
M. le professeur de Pathologie externe et de Méde
cine opératoire, après avoir exposé les généralités
relatives à son enseigem ent et les affections des diffé
rents tissus, a étudié les plaies par instrum ents piquants,
tranchants et contondants, les plaies par arm es à feu,
et les opérations q u ’elles nécessitent. Il a fait les prin
cipales am putations des m em bres dans la continuité et
dans la contiguïté. Il a exam iné les maladies des artères,
notamment l’anévrism e et fait les ligatures de ces
vaisseaux. Il s ’est occupé enfin des affections des veines,
des vaisseaux lym phatiques, des nerfs et des opéra
tions qu’elles peuvent exiger.
M. le professeur de Physiologie a présenté les prolé
gomènes de cette science, des considérations générales
sur l'organisation, sur la vie chez les êtres organisés,
mais en particulier chez l'hom m e. Il a traité ensuite de
la vie de nutrition et de toutes les fonctions qui s ’y
rattachent.
Les deux Cliniques de m édecine et de chirurgie ont
été faites pendant toute l’année sans un jour d ’in ter
ruption.
Je n ’entrerai pas ici dans des détails qui pourraient
paraître fastidieux à l’assistance; je me bornerai à dire
que la clinique m édicale a m ontré aux élèves à peu près
toutes les m aladies internes qui constituent le cadre
nosologique de la m édecine. L ’auscultation, pour les
affections thoraciques, a été l'objet d'un soin particu
lier. On a fait aussi beaucoup d'autopsies; les deux
professeurs, titulaire et adjoint, n'ont pas manqué de
faire profiter les étudiants de cet excellent moyen
d’instruction.
La Clinique chirurgicale a aussi complètement atteint
�son but. Le professeur de cette chaire, avec l'active
collaboration de son adjoint, a fait passer sous les yeux
des élèves presque toutes les affections externes qui
peuvent atteindre l’homme. Je n ’en donnerai pas l'é
numération ; je veux épargner cet ennui à l’honorable
assistance. Je dirai seulem ent, pour donner une idée
de l’intérêt pratique q u ’a offert cette partie de l’ensei
gnement , que 30 opérations, la plupart de grande
chirurgie, ont été faites avec des résultats, en général,
satisfaisants, 25 à la clinique des hom m es, 5 à la
clinique des femmes.
Les étudiants, sauf quelques exceptions encore trop
nombreuses, ont fréquenté assidûm ent les cours.
Les examens de fin d ’année ont été généralem ent
bons.
Mes rapports avec la Commission adm inistrative des
hôpitaux ont été, comme toujours, em preints d ’une
mutuelle bienveillance.
L ’Ecole a reçu, pendant l’année scolaire 1857-1858,
31G inscriptions: 202 pour la médecine, 114 pour la
pharmacie. En médecine, 82 inscriptions ont été prises
pour le doctorat et 120 pour le grade d ’officier de
santé. En pharmacie, il y a eu 37 inscriptions pour le
titre de pharmacien de première classe, et 77 pour celui
de pharmacien de deuxième classe.
Le produit de ces inscriptions a été de 7800 fr. pour
la caisse municipale, et de 1 420 fr. pour l’État.
Notre institution a fonctionné une quatrièm e fois,
pendant le dernier exercice scolaire, comme jury d ’exa
men, sous la présidence de MM. les professeurs Marlins
etCauvy, de M ontpellier, pour la réception des officiers
de santé, sages-fem m es, pharm aciens et herboristes.
Onze candidats se sont présentés aux exam ens d 'o f
ficiers de santé ; neuf ont été admis.
Vingt et une sages-fem m es ont subi l’épreuve exigée;
une seule a été ajournée.
Quatorze aspirants au titre de pharm acien ont été
soumis aux épreuves réglem entaires ; douze ont obtenu
leur diplôme.
Deux herboristes se sont présentés ; ils ont été adm is.
Les examens des officiers de santé ont produit pour
la ville.................................................. 18G0 fr. — c.
Ceux des pharm aciens et des herbo
ristes........................................... 3950
—
T o ta l... 5810 fr. —
Les frais des exam ens etdes épreuves
pratiques ont été d e ............................. 2475 fr. 35 c.
11 reste n e t........................................ 3334 G5
L’État a reçu......................... 5180
fr. —
En réunissant au produit des.e xam ens celui des ins
criptions, c’est pour la v ille,
11,134 fr. 65 c.
et pour l’É tat........................... G.G00
fr. —
Notre personnel s ’est accru, cette année, d'une dou
ble nomination. D ans sa sollicitude pour les bonnes
études, Son Excellence le M inistre de l’Instruction pu
blique et des Cultes a bien voulu attacher un professeuradjoint, hors cadre, à la chaire d ’accouchem ents, des
maladies des femmes et des enfants. Ainsi constitué, cet
�enseignem ent ne peut m anquer d'offrir à nos élèves
toutes les garanties désirables d ’instruction théorique
et pratique. M. Alexandre Magail, depuis longtemps
professeur-suppléant, que ses connaissances spéciales
et ses bons services désignaient à la bienveillance du
M inistre, a été promu à cette position. M. Robert, chi
rurgien-adjoint de 1 H otel-D icu, a rem placé M. Magail
dans son grade de professeur-suppléant.
Les choix du chef de l’U niversité ne pouvaient être
plus équitables ni plus heureux.
Je ne veux pas aller plus loin dans cet exposé de la
situation de l’École sans rem ercier bien sincèrement
M. le Maire et le Conseil de la com m une pour l’empres
sement qu’ils ont mis à ajouter à notre budget les 1000
fr. destinés à faire le traitem ent du nouveau professeuradjoint. Que notre m unicipalité veuille bien agréer aussi
l’expression de toute ma reconnaissance du bon vouloir
q u ’elle met, chaque année, à voter la subvention né
cessaire pour combler la différence inévitable entre nos
recettes et nos dépenses.
La générosité de la Commune nous perm et encore de
stim uler le zèle des étudiants en donnant des prix à
ceux qui se sont le plus distingués par leur assiduité
aux cours, aux travaux de dissection, et qui ont obtenu
les meilleures notes aux exam ens de fin d'année.
D’après la délibération de l’École, qui a pesé avec
soin le m érite de chacun, M. Lauzet, déjà couronné
pour la 110 année en médecine, a obtenu le prix de 3ID0
année ; M. Dauvergnc, lauréat de l'an dernier, a gagné
le prix de <2TC année ; une mention honorable a été ac
cordée à M. Anlonini-Pierre Bonacorsa. L ’École n'a
pas décerné de prix aux étudiants de 1re année ; l 'élève
Seux a été jugé digne d ’une mention honorable.
Pour la pharmacie, M. Morel a obtenu un premier
prix et M. Sudu, Jacques un second prix.
L’École vient de perdre un de ses membres honoraires
les plus distingués, M. Cauvière, ancien professeur de
clinique externe et directeur.
M. Cauvière, qui avait été l’une des gloires de notre
institution, a voulu encore, par un acte de libéralité,
perpétuer son souvenir parmi nous. Il nous a légué, par
son testam ent, une somme de 25,000 fr., sans destina
tion spéciale. Quand l'École aura été autorisée par le
gouvernem ent à accepter ce legs, elle aura à déterminer
l’emploi le plus utile qu’il conviendra de faire du don
généreux de notre illustre et bien regretté collègue.
M. Cauvière a aussi légué à la Commission adminis
trative des hôpitaux une somme de 50,000 fr., avec une
clause qui perm ettra à la Commission d’améliorer trèsprochainem ent notre aménagement actuel, si déplorablement insuffisant.
Je suis conduit par une transition toute naturelle à
renouveler des demandes déjà anciennes et qui méritent
bien, j'ose le dire, d’être promptement satisfaites.
En attendant q u ’il soit donné à notre École un local
spécial, digne de son importance, et qui réponde à tous
ses besoins, il est extrêmement urgent défaire à notre
installation présente quelques additions de toule néces
sité.
Je n ’exige pas trop, je pense, en demandant d'abord
�—
80
—
un laboratoire, sans lequel le cours île pharmacie et de
toxicologie ne saurait avoir ce caractère pratique qui
fait sa principale utilité. Un laboratoire nous est encore
indispensable pour les m anipulations pharmaceutiques
dans les examens de fin d ’études. Il nous faut aussi un
vestiaire et au moins une salle qui puisse servir en
même temps de bibliothèque et de lieu de réunion pour
les assemblées des professeurs.
Nous pouvons trouver cela en arrière et au-dessus
de notre am phithéâtre des cours, qui constitue seul,
toute notre installation.
Enfin, nous pouvons avoir, dans une petite salle,
voisine de celle des protestants et désignée, à 1 HôtelDieu , sous le nom de salle neuve, un lieu assez propice
pour les préparations anatom iques.
Avec la bienveillante intervention de M. le Recteur,
le concours de l'adm inistration des hôpitaux et un
faible sacrifice pécuniaire de la part de la municipalité,
il sera facile de donner satisfaction à ces besoins.
Je désire encore que l'entrée de l’École soit changée,
q u ’elle soit placée sur la rue M ontée du S t.-E sprit, au
lieu d’être, ce qui la rend invisible, sous la voûte du
vestibule de l ’IIôtcl-Dieu.
E-9C-
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1859-1860.pdf
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SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DK
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LE T T R E S
F M I»
DE LA FA C U LT É DES SCIENCES
1859-1860
6TT QE L ’ ÉGÔLE PRÉPARATOIRE
3 ï? 0)3 S>S ia i^ S a ^ (S 23
DE M A R SEILLE.
AIX,
PAHDIGON
IMPRIMEUR DE 1. ACADÉMIE,
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n 'iT A I . I F ,
N"
9.
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33
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5)2 5>S2&2Sa&(323
DE M A R SE ILL E .
L a séance solennelle do rentrée des Facultés de
rhéologie, de D ro it et des Lettres d ’A ix , de la Faculté
des Sciences et de l ’École préparatoire de Médecine
et de Pharm acie de M arseille, a eu lien le 19 no
vembre 1859, dans la grande salle de la Faculté de
Droit, sous la présidence de M. M ondol, Inspecteur
de l ’Académie, en l ’absence de M. le Recteur, empê
ché.
Un grand nom bre de m agistrats, d'ecclesiastiques
et d ’autres personnes notables de la v ille assistaient
a cette cérém onie, qui a été précédée do la messe
du Saint - E sprit , et honorée de la présence de
�M. le prem ier piésùIont P oulie-E m m anuel, de Mgr.
Chalandon, archevêque d ’A ix , d ’A rles et (l’Embrun,
de M. Rigaud, m aire d ’A ix, m em bre du corps législa lif, de MM. Bédarrides et C lappier, presidents de
proposer d ’atteindre dans la carrière de la vie. Poser le
but est aussi une manière souvent heureuse de tracer
la voie.
MM. les Étudiants sont à cet Age où les conseils trop
chambre, et de MM. P. Roux et J. Barges, adjoints
à la Mairie.
directs peuvent paraître dictés par une humeur cha
M. Mondot, inspecteur de l'A cadém ie d ’A ix , a
grine, à cet âge où le précepte est moins puissant que
ouvert la séance par l'a llo cu tio n suivante :
l ’exemple, où l ’exemple, parfois, paraît une critique et
n’est pas toujours accepté comme une incitation au
mieux. Cependant, le précepte et l ’exemple sont la
Monseigneur et Messieurs ,
Dans celte séance, où nous venons inaugurer une
nouvelle période du haut enseignement universitaire,
j hésite à reporter spécialement vos vues sur l ’année
qui vient de s’écouler. Elle a été calme en elle-même,
féconde assurément par les résultats d'un enseignement
dont rien n ’a modifié la régularité dans les cadres du
professorat. Ces résultats ont-ils été assez généralement
recherchés et obtenus par celte partie de l ’auditoire des
divers cours, pour laquelle l ’assiduité serait un devoir,
alors même qu’elle ne serait point une obligation régle
mentaire? Cette question pourrait être utilement traitée;
l ’examen n ’en serait pas déplacé dans la circonstance
actuelle. Mais les théories les plus opportunes n ’ont pas
toujours pour conséquence immédiate d ’améliorer ou
condition du progrès.
Dans les sciences, comme pour les arts, par cela
même que les aptitudes sont différentes, les voies sont
diverses ; mais aucune n ’a été définitivement ouverte
sans qu’elle n ’ait été préalablement jalonnée, tracée,
redressée , par des essais nombreux. Beaucoup de
navigateurs avaient sillonné les mers , rencontré des
terres inconnues, avant q u ’un navigateur plus hardi ait
pu abordera un nouveau continent ; avant Descartes,
avant Newton, Leibnitz, Lavoisier..., dont les immortels
travaux ont ouvert de nouveaux horisons
dans les
sciences, il y avait eu des efforts heureux, des théories
posées, des problèmes résolus qui rendaient possibles
ces vues générales qui fondent une science en subs
tituant des principes surs aux notions souvent trèsingénieuses, mais partielles, qui la préparent.
de changer la pratique. MM. les Doyens, d ’ailleurs, en
La famille des juristes et des magistrats français compte
parleront dans le compte rendu de leurs travaux. Il
des noms célèbres avant ceux de Domat et de d’Agues
seau. En lisant et commentant leurs écrits, en étudiant
me suffira de donner quelques conseils à MM. les
étudiants, en leur désignant le but qu ’ils doivent se
les législations anciennes, les Siméon, les Portalis avaient
formé en eux ce fonds d ’idées véritablement françaises
�7
et par là même sociales qui animaient et éclairaient les
discussions du Conseil d'État, lors de la préparation de
nos Codes.
Le travail personnel sur des travaux antérieurs a
de s’élever, c’est faire preuve d'intelligence, c’est cons
tater l ’aptitude à les im iter. Les im iter réellement serait
faire acte de volonté, ce serait concourir au progrès.
L ’intelligence
et
la volonté
sous le contrôle et
toujours inspiré des transformations heureuses , des
l ’empire de la raison , sont les nobles facultés de
idées qui sont moins des idees nouvelles que des con
l’homme. Il se déclasse, s’ il les laisse inactives ; il fait
séquences ; c'est la loi de l'hum anité, c'est la loi du
fausse route, s’il ne les développe point dans une con
progrès; loi féconde à laquelle nous ne pouvons nous
venable concordance de proportion et d ’harmonie. Tout
soustraire, que nous ne pouvons mettre en oubli, sans
ce qui est extérieur à nous sert d ’exercice à l ’intel
faire halte dans la marche ascendante des générations
ligence, l ’excite, la développe ; la volonté et la raison
vers une situation améliorée.
Cette loi, Messieurs les Étudiants, je l ’énonce, elle
n’est pas nouvelle ; vous la reconnaissez tous instinc
dépendent plus particulièrement d ’ une impulsion in
tivement, pratiquement vous la formulez lorsque vous
plan, et semblent se perdre dans un lointain où tous les
distinguez et désignez parmi vous ces sujets d ’élite qui
tons s’affaiblissent.
térieure, personnelle, d ’une action sur nous-même. Ces
deux dernières facultés restent parfois sur un arrière
savent se dégager des entraves du moment, et vous font
Lorsqu’un peuple grandit, lorsque dans sa marche
présager, à vous, leurs condisciples, le rang où ils
s’élèveront plus lard. Pourquoi le plus grand nombre
ascendante il marque et prend le rang que l ’histoire
d ’entre vous, dont l ’appréciation et le jugement sont
guidées par de fortes individualités chez qui la volonté
toujours perspicaces et sûrs, pourquoi le plus grand
domine.
devra lui assigner, les générations qui se succèdent sont
nombre ne forme-t-il pas corps pour marcher dans la
Plus tard, les entreprises heureusement conduites,
voie que ces élus ouvrent et tracent à vos côtes. Si vous
les résultats obtenus ont donné plus d ’éléments au
les laissez trop isolés, si vous ne leur aidez point à
travail de l ’intelligence ; elle est plus occupée de la
déblayer la route par des efforts moins puissants que les
réalité. Elle a souvent trop vu et trop appris, parce
leurs peut-être, mais utiles, indispensables même, quel
qu’elle a mal vu, parce q u ’elle n'a pas bien appris, et
ques-uns faibliront, leur phalange se réduira, l ’amour
de l ’étude et le goût de la science tendront à disparaître;
la préoccupation du bien-être se substitue aux nobles
tendances de l ’e sp rit, la recherche des intérêts m a
il y aurait déchéance alors pour cette École de D roit,
tériels remplace les aspirations libérales du cœur. Il y
dont vous devez, au contraire, continuer les précieuses
a affaissement des caractères, dégénérescence morale
traditions. Prévoir le rang auquel d ’autres m ériteront
de l'homme : il ne discute plus les moyens d ’action,
�ions lui paraissent bons, s ’ils lui procurent un avantage
dans leurs lois, et dont l ’application plus complète sou
déposition. Il s’agite vers la fortune et n ’agit point pour
tiendra et fera grandir le nom de la France parmi les
mériter l ’estime. On oublie que la considération vaut
nations modernes.
mieux que la renommée, que la gloire même est au-
Ouvriers ou architectes dans ce travail progressif de
dessous de l ’honneur, et l ’amour de la vertu diminue
civilisation et de perfectionnement , nous trouverons
à mesure que le prix du talent augmente.
solides encore les fondations creusées par nos pères ;
Dire ce qu’ont été à diverses époques les peuples
nous pourrons placer une nouvelle assise sur I édifice,
d’Athènes et de Rome, avec lesquels nous nous plaisons
et même , par ce poids nouveau , en consolider la
souvent à nous mettre en parallèle, est-ce faire le
stabilité. La pierre q u ’y poseront nos mains, bien
tableau de notre âge? Faut-il avec un de nos anciens
qu’elle soit extraite d ’une carrière nouvelle, ou seule
hommes d’État: regarder noire temps at'ec des yeux un
ment tirée d ’une autre couche, si elle s’adapte à I 'har
peu fatigués et tristes ?
Le mal est grand aujourd'hui, nous ne saurions en
disconvenir; mais il date d ’hier, que chaque jour ait sa
propre responsabilité.
Toutefois, mesurons-en l ’étendue, reconnaissons
qu’on s’est montré plus occupé à faire l'histoire des
grandes époques, à donner la biographie des grands
hommes, à leur dresser des statues, q u ’à im iter ce que
nous louons en eux ; nous avons été moins touché de
leur grandeur, que désireux de b rille ra leur occasion.
Un sentiment rapetissé, personnel, égoïste a décoloré
les grandes idées de famille et de patrie. Renouons les
saines traditions en étudiant l ’unité sociale, la famille ;
en remontant aux lois naturelles et par conséquent
divines de son origine, suivons-en le développement
soit chez nous, soit dans notre entourage, là où elle se
montre digne, grandie ou illustrée, et nous ne mécon
naîtrons plus, dans la hiérarchie sociale, ccs principes
de dévouement que les sociétés anciennes inscrivaient
monie d ’ensemble et y donne du relief, fera vivre le
nom de l ’ouvrier par son œuvre, ou du moins con
tribuera à rappeler le souvenir de notre époque. Mais,
tout nom inscrit sur une feuille volante est emporté par
le moindre souffle ; les témoins qui en ont vu tracer les
signes n ’en conservent même pas le souvenir. Aussi,
est-ce une tache futile et triste que celle des auteurs,
nombreux
aujourd’hui , qui
ont
pour unique but
d’abuser des loisirs d ’une classe inactive. Qu’ils obser
vent les signes du temps, et sachent mieux employer
leurs veilles : l ’horison s’élargit; partout en Europe des
aspirations ou des craintes font tourner les regards sur
la France. Il n ’est pas de marque plus éclatante de la
mission qui nous est assignée par la Providence, de
preuves plus concluantes du noble rôle que nous ont
légué nos pères. Marchons sur leurs traces , soyons
dignes d eux par l’idée, comme l'ont été par les armes
nos frères, nos compagnons de la veille, tous sortis des
rangs mêlés de celle société nouvelle qui n'admet en
�—
principe d'autre distinction que le mérite. Ils ont montré,
dans les camps et sur les champs de bataille, cette
austère et forte virilité des plus belles époques qu’ait eu
à célébrer I histoire. Déjà nous n ’avions plus à deman
der des exemples à l'antiquité, nos annales pouvaient
amplement nous suffire, si tout ce qui est grand ne
restait pas éternellement beau , digne d ’admiration ,
propre à élever l ’homme, et n ’était à la fois l ’origine et
le moyen de nouveaux progrès.
La France, car notre armée mieux q u ’aucune autre
de nos institutions la représente, la France n ’a pas
failli à ses propres traditions, même sur cette terre
d'Italie, où, après Napoléon Ier, il était dangereux de
reparaître. Nos soldats avec un instinct admirable de
cette situation ont fièrement porté leurs drapeaux ,
moins contre un ennemi nombreux, préparé, discipliné,
habile dans la tactique, digne en un mot de les com
battre, que pour surpasser des faits qu ’il était noble
ment téméraire de tenter d ’égaler. Tout a été grand
danscette campagne, qu ’il était généreux d ’entreprendre
pour soutenir des peuples de même origine que nous,
nos alliés naturels, et pour établir avec eux une soli
darité qui deviendra la base d’un nouveau droit des
nations. Ce droit déjà consacré par les victoires de
Napoléon III sera peut-être encore controversé, discuté,
combattu, mais il prévaudra par une politique jalouse
11
dos efforts et de la persévérance, du courage en bien
des circonstances difficiles, et toujours cette constante
dignité de caractère qui est la manifestation de convic
tions réfléchies.
Ces qualités plus précieuses, plus rares que le talent,
sont celles qui s’ improvisent le moins. C'est la droiture
de cœur, la fermeté, l ’indépendance de l ’esprit et non
le rang ni les prérogatives qui les développent. Vaine
ment l ’ambitieux en revêt les apparences; approchez,
louchez ses reins , vous trouvez que le costume ne
s'adapte à sa taille que par artifice, et vous réservez cet
assentiment de déférence plus flatteur pour celui qui en
est digne, que de fastueux triomphes.
Jeunes gens, vous si heureusement impressionnables,
efforcez-vous d ’acquérir et de fortifier en vous ces
qualités. N ’admettez point que la civilisation puisse
uniquement consister dans l'amélioration du bien-être,
le progrès des arts, le perfectionnement de l industrie.
De grands, d'admirables résultats ont été obtenus dans
ce sens, c’est beaucoup sans doute ; mais ce n ’est que
l'homme tourné vers la matière, asservi même à cette
matière qu’il façonne et dont il use à son gré; c'est peu,
s’il perd la foi au droit et à la justice. Celte foi est
l ’apanage de la jeunesse, fécondez-la par une forte cul
ture intellectuelle, et restez jeunes, sous ce rapport,
même dans l ’âge mûr.
d ’en assurera la France la glorieuse initiative devant
la postérité.
Applaudissons à nos gloires m ilitaires, mais n'en
soyons pas éblouis. Les carrières civiles exigent aussi
M. l ’ Inspecteur de F Académie a ensuite succes
sivement accordé la parole à MM. les Doyens des
�13 —
très. » Or, se m ontrer docile aux leçons de ce grand
homme, c’est emporter tous les suffrages. Nous ne
pouvons omettre celui de M. Du Beux, notre ancien pro
cureur général. « Je voudrais, nous disait-il à cette
occasion, que tous nos substituts fussent bacheliers en
théologie. »
On croit voir là quelque chose de la noble envie qui
s’empara du cœur d ’un homme illustre, lorsque assis
tante une thèse brillam m ent soutenue, il ne put résis
ter au plaisir que lui fit éprouver ce combat si nouveau
pour lui. Les attaques furent si habiles et si puissantes,
la défense lui parut si savante et si décisive, q u ’il
aurait voulu être à la place du candidat et ajouter cette
gloire à celle de ses victoires, qui avaient fait de son
Les grades dans les Facultés de Théologie n ’étant
point obligatoires, nos rapports doivent être nécessai
rement fort courts. Nous n’avons pas à nous arrêter à
ces détails qui nous intéressent si vivement ailleurs par
le nombre des élèves, parleurs succès, qui sont pour les
maîtres un encouragement et pour l ’État une espé
rance.
Cependant, bien que privés de ces puissants mobiles
qui font la fortune des Facultés, nous voyons toujours
un certain nombre de candidats de bonne volonté
nous demander de subir nos épreuves. Parmi ces âmes
élevées que l ’amour seul de la science nous amène,
nous aimons à compter deux substituts, docteurs de la
Faculté de Paris. Ces jeunes magistrats ont retenu ces
paroles de d'Aguesseau: « L ’élude de la religion doit
être le fondement, le motif, la règle de toutes les au-
nom le plus beau de la France.
Cette admiration dont savait s’environner Bossuet
n’est pas commune. Toutefois, nous avons de temps en
temps des thèses qui m éritent d ’être louées, et il y a
quelques mois à peine, que 5 boules blanches ont fait
voir dans M. l ’abbé Conil, supérieurdu Petit Séminaire,
depuis vicaire-général, ce que l ’on pouvait attendre de
nos jeunes prêtres avec des encouragements et du tra
vail.
Et pourquoi donc oublier q u ’il n ’est rien de grand
comme d’être savant dans la science sainte, comme
d'exposersavamment les preuves de notre foi, et réduire
au silence les difficultés q u ’on lui oppose? Et en atta chant tant de prix à ces triom phes, nous en donnons
la raison ; c’est que la vérité est le plus grand bien de
I homme, et que les peuples, comme les individus, ne
�U
l îi —
—
sont malheureux que par l ’erreur, qui n ’est puissante
que lorsqu'elle n'est pas connue. C ’est ce Dieu de l'E
gypte, craint et vénéré au fond de son sanctuaire, mais
un objet de dégoût et d'horreur, lorsqu’une main ferme
l'a saisi au milieu de ses ténèbres qui font sa gloire, et la
jette aux pieds de ses stupides adorateurs.
Ces idées nous ont préoccupé pendant l'année qui
vient de s'écouler. Nous aurions voulu inspirer à nos
élèves quelque amour pour des éludes si honorables
pour tous les hommes, mais qui sont surtout l'honneur
et la vraie
richesse du prêtre.
Q u'il borne là son
ambition, celle-là est la plus noble, la plus féconde.
Plus on est savant dans la connaissance de la vérité,
plus on l ’admire et plus on l ’aime, et toujours elle laisse
dans Pâme quelque chose de sa grandeur, comme nous
le disent si bien les prophètes, les apôtres, les martyrs.
Or, agrandir ainsi les âmes, les sanctifier, c'est un
secret que les académies et les savants ne remplacent
pas, et pourtant les États, pas plus que les particuliers,
ne peuvent s’en passer, car là seulement est la raison
des devoirs et la nécessité de les rem plir. Cette politique
est la bonne, tous les coups qu'on lui porte répondent
aux fondements de la société, cl demain c'est le désor
dre et la barbarie.
Il n ’y a pas longtemps, dans un royaume fait par des
évêques, selon l ’expression de Gibbon, et dont le monde
entier enviait les prospérités, des hommes disent à celle
religion à laquelle on devait tout: Nous n ’avons plus
besoin de loi, la raison nous suffit, laissc-nous! on sait
le reste ; heureusement notre France comprit la leçon
que la Providence, qui l ’aime, venait de lui donner, elle
vint frapper à la porte de ses temples et redemander sa
religion bannie. Q u’elle ne l ’oublie pas ; elle allait être
rayée de la liste des nations civilisées.
Ces choses, nous les disions à ces jeunes hommes qui
bientôt doivent, apôtres nouveaux, se vouer à tout ce
qui est grand, à tout ce qui intéresse Dieu, le salut des
âmes et aussi la patrie. Ils voyaient là ce que valait
leur vocation, ce que devaient être leurs études, leurs
prières.
Nous allons cesser d ’appeler leur attention sur ces
graves sujets. Mais M. l ’abbé Espieux, que, sur la pro
position de Mgr. l ’Archevêque et l ’avis de M. le Recteur,
M. le Ministre a bien voulu nommer pour continuer nos
leçons, saura par sa science, son amour pour l ’étude,
son zèle, se montrer digne d ’une haute confiance. Il
se dira quelquefois que la chaire qui lu i est confiée est
la première de la Faculté; et, si elle l ’honore, il voudra
aussi lui faire honneur.
Pendant que nous rappelions l ’influence de la religion
chrétienne sur les particuliers et les nations, M. l ’abbé
Bonneville disait quelque chose de plus à sa gloire, il
parlait de l ’E ucharistie; il prenait à témoin tous les
siècles de la foi de l ’Église en ce mystère, il donnait
l’historique de ses luttes contre les novateurs qui vou
laient attaquer sa croyance, et m ontrait combien les
fidèles se sont toujours crus riches et heureux à la Table
Sainte; car, c’est alors que Dieu, par un amour qui
n’aura jamais assez d ’adm iration, se donne à eux, ne
demandant en retour que la piété et l ’innocence, et
�17 —
apprenant au monde par un enseignement mémorable
Nos livres saints, pleins de nos grandeurs et de nos
que ce sont les vertus et non les distinctions humaines
espérances, sont authentiques et inspirés. Ces deux
qui font les hommes vraiment grands.
points ont été examinés et prouvés par le professeur
Cette vérité est importante pour ceux qui tiennent à
la dignité de l ’homme, qui aiment à le voir elevé, plein
(l’Écriture Sainte.
Pour l ’authenticité, M. l ’abbé Reynaud a démontré
de liantes pensées, cherchant avant tout les biens
que ces livres sont véritablem ent des auteurs dont ils
réels. Avec celle théologie, le nom chrétien b rillait
portent les noms ; que toutes les preuves que I on peut
d ’une illustration inouïe. Le paganisme en convenait,
apporter en faveur de 1 authenticité des livre sd ’Hcrodote,
lorsque en voyant ces hommes transformés et ces âmes
par exemple, de Salluste, de Tacite, il pouvait les donner,
sublimes, il s’écriait : Quelle est donc cette nouvelle es
et d’autres encore pour les Livres saints. Si donc elles
pèce d ’hommes? oh, qu’il est grand le Dieu des chrétiens!
prouvent pour les uns, elles doivent prouver pour les au
Vous dirai-je, Messieurs, que devant cette grandeur de
tres.La m oindreobjeclionserait une partialité, uneinjus-
nos pères venaient se briser toutes les forces de l'empire,
tieeque rien n ’autorise, et vous effacez toute 1 histoire,
et que le dernier de la religion nouvelle était [ilus grand
il ne vous est plus permis, ni d ’attaquer, ni de vous dé
que l ’empereur? On n ’a pas oublié ce mot d ’un préfet
fendre, et vous, hommes de progrès, hommes de science,
romain : « Seigneur, nous sommes vaincus ! » En effet,
vous couvrez de ténèbres l ’univers.
que pouvaient-ils avec toute leur puissance? E xiler? Il
L ’inspiration n ’est pas moins évidente. Les auteurs
y a toujours de la place pour le fidèle sous le ciel de
des saints Livres reçoivent le S aint-Esprit, qui leur ap
Dieu, et tant qu ’on est avec Dieu, il » y a pas d ’e xil!
prend toute vérité. Le fils de Dieu leur promet d ’être
Abattez les temples, brisez les autels, la divine persécu
avec eux enseignant les nations. Quand ils seront tra
tée aura toujours un peu de pain, un peu devin pour son
duits devant les tribunaux, l ’Esprit-S aint parlera par
sacrifice, et les anges seront là autour du rocher couvert
leur bouche; assemblés en concile, ils disent : il a semblé
de mousse qui lui sert d ’autel, et les peuples et les rois
bon au Saint-Esprit et à nous. Et les miracles opérés et
se prosterneront devant sa majesté et sa puissance. La
l ’univers converti par ces hommes qui se disent inspi
mort même, partout ailleurs si redoutée, est ici douce
rés! ici Dieu est mis en cause: Seigneur, vous avez
et bénie. Cela doit être, car pendant que l'adulation écrit
sur la tombe de ce grand, de ce ro i: cy g ît , il est là
boue ou poussière, une autre voix se fait entendre pour
le fidèle, c’est celle de l ’ange qui l ’accompagne au ciel1
en chantant sa gloire: Beali qui in Domino moriwUur.
converti le monde par le mensonge !
Mais, non, là est la vérité. Vérité dans cette recom
mandation à laquelle tous les siècles ont applaudi:
« Lisez l ’Écriture Sainte, lisez-la le jo u r, lisez-la la
nuit; et, quand votre tête fatiguée tombera de sommeil,
2.
�19 —
qu’elle tombe sur la page sacrée; » Vérité dans ces
maintenant ces belles contrées, autrefois si fières de leur
Grecs et ces Humains qui préfèrent, dit Bossuet, une
Origène, de leur Chrysoslôme, de leur Augustin, de tous
ëpilre de Paul aux plus belles harangues deleurDémos-
ces docteurs, de tous ces saints qui ont porté si haut les
thène et de leur Cicéron ; Vérité dans ces anathèmes
bienfaits de celte foi qui n ’est plus? L ’ignorance, l ’escla
terribles de la primitive Église, qui marquaient d ’ un op
vage, toutes les hontes payennes, voilà ce qui leur reste!
probre éternel la lâcheté impie qui avait livré l ’Écriture
et l ’on appellerait cela un triom phe!
Sainte à la persécution ; Vérité dans tous ces fidèles qui,
Dans notre Europe, des nations, jadis heureuses de
en mourant, demandaient que l ’Évangile fut mis avec
leur foi, ont voulu aussi passer à l ’hérésie. Mais on sait
eux dans la tombe, pour dire à Dieu qu'ils avaient eu foi
leurs erreurs qui ne s’arrêtent plus; leur dégradation
en sa parole, et que malgré les destructions de la mort
est telle, dit le m inistre Stark, que I on y fait des vœux,
ds étaient immortels.
pour le rappel du bon pacjanisme! Il faut donc faire I his
L ’histoire des hérésies, qui a occupé M. l ’abbé Biche
toire des hérésies; ceux qui s’intéressent à la nature
ron , est un sujet bien glorieux à l ’Église. Si l ’on déplore
humaine, les peuples qui veulent vivre,
que certains esprits soient assez aveuglés pour mécon
digne de ce nom doivent la méditer.
la politique
naître la vérité, on éprouve une bien grande satisfaction
En traitant des conciles et des synodes le professeur
en voyant que toujours la vérité l ’emporte, parce q u ’il
a dit combien ces assemblées sont désirables, et tout le
faut que tous les ennemis de Dieu soient vaincus. Les
zèle qui devait les seconder. C'est la guerre aux erreurs,
hérésiarques peuvent mettre dans leurs intérêts
les
aux abus, au relâchement; on veut ranim er la foi, la
passions, les ressources de la science, la puissance des
piété, la charité parmi les fidèles; on voit leur im por
rois, c’est préparer à la vérité de plus beaux triomphes.
tance.
Que s’il arrive que les peuples ne soient plus dignes de
Le professeur d Hébreu a prouvé par le texte p rim itif
ses biens; si l ’Église est forcée de les reprendre, de se
la vérité du sens catholique dans les divers passages de
couer la poussière de ses pieds, et d ’aller éclairer et
la Bible, contestés par les juifs modernes et par les
sanctifier des peuples plus fidèles, oh ! c’est alors q u ’ils
rationalistes. C ’est une grande avance que de posséder
sont vraiment vaincus, ceux qui parlent de leurs victoi
la langue hébraïque ; avec elle M. l ’abbé Diouloufet a
res; alors ils comprennent ce que valait l ’influence de
bientôt dissipé tous les doutes qui s’élèvent sur I in te r
l ’Église, combien grandeétait la place qu ’elle occupait
prétation de l'É criture. Le texte divin a parlé, il n ’est plus
dans les moeurs, dans la législation, dans le bien-être
de discussion, plus de commentaire, ce serait plaider
général. Les anges de Dieu s'en vont en faisant entendre
contre Dieu, vouloir le corriger, ou dire q u ’il n ’a pas su
-ces mots terribles: Malheur! Malheur! Que nous offrent
s’expliquer, et dans ce cas, œuvre toute humaine, quels
�respects, quels sacrifices méritent les Livres saints? Et ce
seraient eux-mêmes qui parlent tant de leur amour plus
fort que la mort, qui les auraient dépouillés de tous leurs
R ap p o rt d e 11. le D oy cu <lc la F a c u l t é
d e D ro it.
honneurs, et rangés parmi les œuvres fautives et men
songères des hommes! Mais alors'que devient la gloire
d Israël, l'amour particulier que Dieu avait pour lui,
Monseigneur et Messieurs ,
le beau nom de son peuple dont il était si fier? Ses
prophètes le trompaient en l ’entretenant d ’une si haute
fortune, de si magnifiques destinées.
La revue annuelle q u ’exigent les règlements de la
marche ascendante ou décroissante des éludes dans
Quant aux rationalistes et à leurs explications, s'il
l'enseignement supérieur, au jour de l ’inauguration de
faut les prendre au sérieux, il n ’est plus d ’annales, plus
la reprise de nos travaux, présentant rarement de nota
d historien qui méritent quelque confiance. Grâces à
bles différences avec celles qui l ’ont précédée, ne sau
eux, les faits les plus im portants, ceux auxquels la
rait par cela même exciter d’autre intérêt que celui qui
science, les nations, tous les monuments donnaient une
se rattache naturellem ent aux succès obtenus par l ’élite
si grande autorité n ’ont plus aucune valeur, ne disent
de nos élèves, soit dans les épreuves par eux soutenues,
plus rien, et l ’on a fait sur le monde des intelligences la
soit dans les concours ouverts à leur émulation.
nuit et le chaos. Si le grand ennemi de nosLivres saints,
Aussi, pour retarder le moins possible le moment de
trouvant plus commode de plaisanter que de s'instruire.
la proclamation de leurs triomphes, m ’imposerai-je la
n ’a pas su s’arrêter devant cette conséquence, il en a été
plus grande concision dans le résumé obligatoire de la
cruellement puni; convaincu en mille endroits de men
situation intérieure de notre Faculté.
songe et d'ignorance par le savant abbé Guénée, il a
Au point de vue de sa prospérité matérielle, je me
fait voir combien le talent et le génie descendent et se
félicite d ’avoir à signaler une augmentation très-sensi
déshonorent en donnant la main à l ’impiété.
ble dans le chiffre des inscriptions de l ’année dernière,
qui s’est élevé à 765 et a dépassé de 71 celui de la
précédente, arrivé seulement à 694.
La proportion dans laquelle a également augmenté le
nombre des examens et actes publics a été relativement
plus forte, puisqu’au lieu de 258 qu ’on en comptait aux
trimestres antérieurs, ils ont atteint celui de 289 dans
les quatre suivants.
�_ 22 __
Parmi ceux qui ont été admis à ces différentes épreu
ves r
0 se sont présentes pour l ’examen de capacité ;
—
23 —
Quant aux autres, qu elles veuillent bien, la main sur
la conscience, l'in te rro g e r de bonne foi, et elles seront
forcées de reconnaître que, si de louables efforts don
CO, pour le 1er de bachelier ;
nent des droits à l ’indulgence des professeurs, ils ne
61, pour le 2,ne ;
pourraient, sans violer toutes les règles de la justice
55, pour le 1er de licence ;
distributive, l ’accordera ceux qui n ’ont rien fait pour
50, pour le 2m®;
s’en rendre dignes.
Toutefois, comme ce blâme ne saurait rejaillir sur la
43, pour I acte public ;
2, p o u rle 2 m°,
majeure partie de nos élèves et doit retomber unique
ment sur ceux qui l ’ont mérité (qui habent auresaudianl),
et 2, pour la thèse.
hâtons-nous d’atténuer les mauvaises impressions q u 'il
Sur ces 289 candidats, il y a eu 31 ajournements et
aurait pu produire en attribuant à chacun la part qui lui
258 admissions, dont 18 avec éloge ; 152, à l ’ unanimité
des suffrages, et 88, à la simple majorité.
revient dans les succès ou les revers ci-dessus constatés.
En première année, sur 60 candidats, 9 ont été reçus
Ces résultatsgénéraux, comparés à ceux de I 857, pla
avec éloge; 3 1 , d ’une manière très-satisfaisante; 14, à
ceraient la dernière année dans un état d ’infériorité bien
la simple majorité des suffrages, et G ont encouru le rejet.
marquée; car, outre que les réceptions élogieuses n ’ont
Les admissions honorables se trouvent ici, comme on
dépasséque d uneseule le nombre des précédentes, bien
le voit, en trop grande disproportion avec le petit nom
qu’il y eût 31 candidats de plus, les boules noires ont
bre des ajournements qui sont seulement du dixième
atteint le chiffre de 88, et les ajournements, celui de 31.
sur la totalité, pour q u ’il ne soit pas permis de les ou
A quoi faut-il attribuer cette médiocrité dans certai
blier un instant et d ’augurer on ne peut plus favorable
7, pour le I er examen de doctorat;
nes épreuves et les regrettables échecs dont quelques
ment des progrès à venir de celte classe d ’étudiants, qui
autres ont été suivies?
s’est distinguée en général des deux autres par une
Est-ce à la tiédeur et à l ’indifférence pour le travail
de ceux qui figurent dans cette fâcheuse catégorie, ou
bien à la plus grande sévérité que leurs examinateurs
auraient déployée contre eux?
conduite irréprochable , une assiduité constante aux
cours et une ardeur infatigable pour le travail.
Aussi, ceux qui en formaient l ’élite se sont-ils dispu
té si chaleureusement les palmes du concours, que la
Le problème, Messieurs, n'est pas difficile à résoudre
Faculté, après les avoir épuisées, n ’a eu qu’un seul
pour les personnes entièrement désintéressées dans fa
question.
regret, celui de ne pouvoir distribuer plus de couronnes
qui eussent été bien méritées.
�—
2b —
n
Jeunes Elèves, dont les débuts ont été si glorieux cl si
exemplaires que je ne saurais'trop y applaudir, conti
nuez à suivre résolument et avec persévérance la voie
honorable que vous a tracée une noble émulation ;
conservez religieusement le souvenir des lionnes tradi
tions de la famille au sein de laquelle vos succès ont
cours où toutes les récompenses réservées aux plus
dignes leur ont été décernées.
One ne puis-je en dire autant des aspirants à la
licence, qui devraient ordinairement servir de modèles à
ceux qu’ils ont devancés dans l ’élude de 1a science ju r i
dique! Mais, malheureusement ici la vétérance ou I an
répandu naguères la joie et l ’allégresse; et que leur
cienneté du grade n'est pas, comme dans d ’autres
retentissement dans cette enceinte soit un encourage
carrières, un titre de recommandation; et, bien rare
ment d ’autant plus précieux à vos yeux, q u 'il est en
ment, au contraire, elle établit une présomption de
même temps pour vos professeurs la plus douce et la
savoir, de bonne conduite et de régularité dans la mar
plus flatteuse récompense de leur commun dévouement
che des éludes.
à vous instruire et à vous rendre meilleurs.
Sur 148 candidats appartenant à cette catégorie, et
En 2,ne année où se présentaient 70 candidats, dont
parmi lesquels 55 s’étaient inscrits pour le I er examen
9 pour l ’examen de capacité et 61 pour le 2 mc de bache
de licence, 50 pour le 2me et 48 pour la thèse, il y a eu
lier, la Faculté n'a prononcé que 4 ajournements; et, sur
seulement 5 réceptions à boules toutes blanches ; 71 à
66 qui restaient, 4 ont été jugés dignes de l'éloge; il n 'a
l’unanimité des suffrages; 52 à la majorité simple, et 20
manqué qu'une boule blanche à six autres pour pouvoir
ajournements, dont G afférents à chacun des 1ers et 2mes
participer à la même distinction ; 34 ont obtenu des
examens, et 8 à l ’acte public.
suffrages unanimes, et 22 ont vu leur admission ternie
par une boule noire.
Ces résultats sont, dans leur ensemble, infinim ent
moins satisfaisants que ceux obtenus en 1857, où le
Ces résultats, sans être aussi satisfaisants que ceux
nombre des candidats étant à peu près le même (146 au
de la première année, ne témoigneraient cependant pas
lieu de I 48), on comptait en plus six admissions avec
d'une infériorité sensible, si l ’on remarque surtout que
éloge, 15 ayant réuni tous les suffrages, et en moins, 11
le programme de la 2IU0 épreuve du baccalauréat em
houles noires et 7 échecs définitifs.
brasse des matières beaucoup plus étendues, plus abs
Heureusement, à côté de ce tableau comparatif, et si
traites, et dont la variété augmente singulièrement les
peu à l ’avantage des élèves de la dernière année, vien
embarras et les difficultés de la préparation.
nent se placer, sur une liste d ’honneur, quelques-uns
J’ajouterai d ’ailleurs, que les élèves de cette 2,m>
année ont également [iris une honorable part au con-
d’entre eux qui m éritent une désignation individuelle,
au double point de vue de la supériorité dont ils ont fait
preuve dans la difficile épreuve de l ’acte public dp
�—
licence et dans celle plus périlleuse du concours où
leurs efforts ont été couronnés de succès.
27 —
bles antécédents, et qu’il s’est en quelque sorte surpassé
La 4n‘* année a compté I I aspirants au doctorat parmi
lesquels 7 avaient à subir le I er examen. 2 le second, et
tin nombre égal se présentait pour la thèse.
L ’ajournement a été prononcé contre un seul d ’entre
eux de la t re catégorie, et tous les autres ont été reçus
avec majorité de boules blanches.
Des deux thèses qui ont été soutenues, il en est une que
je ne puis laisser passer inaperçue. C ’est celle de M. Ciappier, qui a pleinement justifié le titre de licencié ès-lettres
dont il était pourvu. par le talent de rédaction, l’élégance
du style et la richesse des aperçus historiques qui dis
tingue ce travail sérieux et de très-longue haleine.
lui-même au terme de ses travaux en rem portant le ,1er
Aussi, lui a-t-on tenu compte de ses patientes et
prix de Droit Romain et le second de D roit Français,
infatigables recherches, en l ’admettant par quatre boules
c’est-à-dire, les flatteuses rémunérations, à la faveur
blanches sur 5, c’est-à-dire, avec une mention voisine
desquelles la munificence du gouvernement appelle les
licenciés lauréats à conquérir gratuitement le grade plus
de l ’éloge.
Outre la satisfaction que j ’éprouve à constater ces
élevé de docteur et toutes les prérogatives attachées à
heureux résultats, la Faculté ne saurait trop se féliciter
ce titre.
elle-même de voir ainsi s’accroître sensiblement le
Au I er rang figure M. Si/b e r t, lauréat des deux
années précédentes qui, voulant ju stifie r sans doute les
dictinclions dont il avait été l'objet, a rédigé et soutenu
sa thèse d'une manière tellement remarquable que ses
examinateurs n'ont pas bésité un instant, ce qui est
extrêmement rare, à lui conférer le grade de licencié
avec une mention élogieuse.
Ajoutons, à la louange de cet élève d ’élite, que, sous
aucun rapport, il n ’est resté en arrière de tant de loua
Deux autres thèses rédigées également avec le plus
nombre des aspirants au doctorat.
gand soin sont celles de MM. de Tourtoulon et Jalabert,
Comment pourrait-elle, en effet, ne pas favoriser de
dont l ’argumentation n ’o rien laissé à désirer, et a été
tousses vœux le développement de ces nobles inspira
aussi suivie d’une admission avec éloge.
tions qui poussent les esprits cultivés et les intelligences
Après eux se présente M. Estor, jugé digne d ’une
mention honorable en 1r0 année, à qui il n ’a manqué
d’élite à ce perfectionnement des études.
Sans doute, il ne leur est permis aujourd’hui d ’arriver
qu’une seule boule blanche pour mériter la même dis
au grade de docteur q u ’à l ’aide d ’un travail persévérant
tinction à une semblable épreuve.
et consciencieux, des méditations les plus sérieuses, de
longues et profondes explorations aux différentes sour
Mais il a trouvé une large compensation avec ce léger
froissement de son amour-propre dans l 'obtention d u 2 m0
prix à lui accordé pour sa composition en D roit Romain.
ces du droit, je dirai plus, si l ’on veut, au prix d ’une
abnégation presque entière d ’eux-mèmes.
�—
29 —
Mais, ne trouveront-ils pas un ample dédommagement
le croire, aujourd'hui surtout q u ’un nouvel élément
des sacrifices momentanés qu elle impose dans la b ril
d’instruction vous est offert par la sollicitude éclairée et
lante perspective offerte à leur ambition légitime, lors
incessante du chef éminent de l'enseignement supérieur.
qu’ils verront s’ouvrir devant eux toutes les carrières
Je veux parler des conférences établies dans toutes
honorables où le mérite supérieur attire à lui l ’estime
les Facultés, et à l ’occasion desquelles le professeur, en
générale, la considération publique et la reconnaissance
rapport plus intime avec ses élèves, élucide les dispo
du pays !
sitions de loi obscures ou équivoques, leur en indique le
Eh! qu'on ne regarde pas ces prévisions de ma part
véritable sens, en facilite l ’application par des exemples,
comme irréalisables; car, je pourrais fo u rn ir de nom
et acquiert la certitude, en les interrogeant, que sa
breux exemples du contraire, en rappelant les noms de
parole a été parfaitement comprise, ou bien il éclaircit
la plupart de nos docteurs ou lauréats, dont les uns, à
les doutes q u ’elle aurait pu faire naître dans leur esprit.
peine sortis du sanctuaire de la science juridique, y sont
Aurai-je besoin de démontrer jusqu’à quel point ces
rentrés, le front ceint de lauriers, pour venir s’asseoir à
entretiens pour ainsi dire fam iliers, sans rien enlever
coté de leurs maîtres et partager avec eux le sacerdoce
au professeur de son autorité morale, donnent plus de
de l ’enseignement, tandis que d ’autres ont été appelés
liberté d’action à la pensée de ceux qui l ’écoulent et lui
par la confiance du souverain dans les rangs élevés de
soumettent à leur tour les difficultés qui les arrêtent?
la magistrature ou à des fonctions administratives plus
ou moins importantes.
Mais, je me contenterai d’en citer un que de rares
qualités ont recommandé à notre affectueux souvenir et
Aurai-je besoin d ’ajouter que ces exercices répétés
deux fois par semaine seront, en outre, un puissant
auxiliaire pour la préparation à toutes les épreuves du
baccalauréat et de la licence?
dont nous avons appris avec un légitime orgueil le triom
Bien évidemment non, car il n'est aucun de vous,
phe éclatant, «à la suite d’une lutte où il a figuré de la
j ’en suis sûr, qui n'en reconnaisse toute l ’u tilité et l ’im
manière la plus glorieuse.
C’est M. Gide, d’Uzès, docteur lauréat de notre Fa
portance.
Espérons donc q u ’à l ’avenir les pères de famille
culté, qui a remporté la première palme d ’honneur au
comprenant mieux leurs véritables intérêts, ne recule
concours pour l ’agrégation ouvert dernièrement à Paris.
ront plus devant le léger sacrifice pécuniaire qu ’une
Ce brillant succès, qui nous honore, ne serait-il pas,
pensée éminemment libérale a mis récemment en par
jeunes Elèves, un stimulant assez puissant pour élec
faite harmonie avec tous les besoins et toutes les exigen
triser votre zèle et le diriger vers le but qu’a si rapide
ces légitimes.
Et alors, oubliant entièrement les revers qui ont
ment atteint ce jeune adepte de la science?.le ne pourrais
�—
30 —
contristé leurs cœurs et les noires, ils n ’auront plus
peu de temps, ont été occupées enfin d ’une manière fixe,
désormais qu'à se réjouir avec leurs enfants des succès
auxquels les auront préparés des maîtres devenus leurs
amis.
et il y a tout lieu d'espérer que MM. Ouvré et Joly ob
tiendront bientôt le titre d é fin itif q u 'ils ont mérité par
leurs succès dans les deux villes où il leur est donné de
se faire entendre.
L'année dernière étant donc de celles qui n ’ont été
marquées par aucun changement, par aucun événement
extérieur digne de vous être signalé, Messieurs, ma tâche
R a p p o r t d e 11. le D o y e n (le l a F a c i l i t é
des l e t t r e s .
se réduit à vous donner une idée de nos travaux en vous
faisant connaître brièvement quels ont été les sujets de
nos leçons. J’y joindrai l 'indication également sommaire
de ce que nous nous proposons de traiter dans nos pro
Messieurs >
chains cours. Puisse celte simple annonce, en excitant la
curiosité d’un public aussi bienveillant que désireux de
s’instruire, ranimer l'a rd e u r de nos auditeurs accoutu
L ’enseignement supérieur des lettres en Provence,
mes et en faire augmenter le nombre! car enfin, nos
pendant l'année qui vient de s’écouler, n ’a éprouvé de
succès passés, particulièrem ent ceux de l ’année dont je
modifications importantes, ni quant au personnel, nisous
rends compte, ne nous satisfont pas pleinement: nous
aucun autre rapport. Continuant à se développer et à
avons l’ambition d ’aspirer à mieux avec la résolution de
Aix, où il est déjà ancien, et en partie à Marseille, où ses
débuts ne datent que de l ’année précédente, il a fourni
faire beaucoup pour y parvenir, surtout si nous nous
sa carrière annuelle régulièrement et sans interruption,
réunissant par le seul attrait du savoir et de la parole
fait une partie de notre force comme elle fait une partie
une assemblée de personnes distinguées entre toutes par
Le professeur deLittéraluieA neienne, chargé du dou
leur goût pour les choses de l ’esprit, et employant tous
les moyens de persuasion et de discipline pour attirer
ble enseignement des deux langues classiques de l'a n ti
les jeunes étudiants qui ne savent que faire de leurs lo i
sirs ou qui en font un abus déplorable à- tous égards.
Les chaires d Histoire et de Littérature Française, qui
leçon par semaine à la litté rature grecque et une autre
jusque-là avaient changé de maîtres plusieurs fois en
cipalement son attention sur Tacite , qui m érite cet
sentons encouragés par une continuation de faveur qui
de notre récompense.
quité, a continué, comme p a rle passé, à consacrer une
à la littérature latine. L ’année dernière il a étudié les
historiens latins postérieurs à Auguste et il a porté p rin
�32 —
33
honneur huit pour l'excellence du fond <]ue pour la supé
littérature toute française. A côté des grandes composi
riorité de la forme. Dans son cours de littérature grecque
tions religieuses et chevaleresques viendront se placer
il a expliqué la Vie de Cicéron par Piutnrque, les deux
les poèmes demi - sérieux ou railleurs, les fabliaux
premiers livres de I Odyssée et le discours de St. Basile
populaires, la bouffonne épopée de Renart et les chan
sur l'u tilité que les jeunes gens peuvent retirer de la
sons des princes et des ménestrels, et les essais de la
lecture des auteurs païens. Cette année-ci, le profes
poésie dramatique, bien incomplets encore, mais in
seur, ramené par le programme sur la triennalité de
téressants par leur naïveté même.
l ’enseignement aux commencements de la littérature
Après avoir, dans son cours de l'année précédente,
latine, se propose de faire l'histoire de la tragédie et de
étudié le développement des lettres en Angleterre depuis
la comédie avant le siècle d ’ Auguste. Comme il ne nous
la fin du X V IIe siècle, le professeur de Littérature É tran
reste que des fragments des tragédies qui excitaient
gère va rentrer en Ita lie : il traitera cette année de
l ’admiration de Cicéron, le professeur se hâtera d ’arri
l’épopée et du drame chez nos voisins d ’a u -d e là des
ver à Piaule et à Térence, qui ont fourni à Molière et
monts. L'épopée moderne y est véritablem ent née avec
aux autres poètes comiques des peintures intéressantes
Dante. La Divine comédie , ce m iroir profond où se
de caractères et de mœurs, en même temps que des
reflète tout le moyen âge, tient à la chevalerie par le
détails précieux sur la vie privée des Romains. Dans ses
rôle sublime que le poêle y donne à Beatrix, 5 la vision
leçons de littérature grecque il commentera VAntigone
de Sophocle.
parla contexture même de l ’œuvre, à la religion par
En Littérature Française, le professeur a fait Lan passé
de St. Thomas d’Aquin, et à l ’histoire par la peinture
J histoire de la poésie et de la critique au X V IIIe siècle.
Cette année il se propose de retracer l 'état des lettres et
des arts et le développement des esprits en France au
moment le plus glorieux du moyen âge, au X IIIe siècle,
pendant les règnes de Philippe - Auguste et de Saint
Louis. Il étudiera cette curieuse époque dans ses divers
monuments si nombreux et si originaux. Il ira entendre
les prédications de ses saints ; il ira s’asseoir dans ses
écoles; il écoulera les récits de ses chroniqueurs et les
chants de ses troubadours et de ses trouvères ; il es
saiera de faire revivre un instant les œuvres de cette
un théologique écho des œuvres de St. Bonavenlure et
animée de ces passions qui, pendant si longtemps, firent
de l ’Italie le champ clos des deux partis, les Gibelins et
les Guelfes, représentants des deux grandes idées qui
ont dominé le moyen âge et qui animent toute l ’œuvre
de Dante, l ’empire et la papauté. Cette Italie, plus
épique que dramatique, a pu inscrire à la suite de la
Divine comédie la Jérusalem délivrée et le Roland furieuœ,
c’est-à-dire, les brillantes et poétiques inspirations nées
du souvenir des croisades et de celui de la chevalerie
errante. Les études sur l ’épopée italienne seront suivies
d’ un aperçu sur le drame italien.
Il comprendra la
3.
�—
31 —
tragédie, qui n ’a eu un caractère bien saisissant que
sous la plume d ’Alfiéri, et la comédie, où l ’imagination
prend trop souvent la place de l ’observation sérieuse.
Le professeur d Histoire a raconté la première partie
du X V II0 siècle, dans laquelle se prolongent et expirent
les agitations politiques et religieuses de l ’âge précédent.
Cette année il se propose d’étudier la période qui com
mence à la prise de Constantinople par les Turcs pour
aboutir à la réforme. La centralisation progressive des
peuples et des gouvernements en Europe ; hors de
de l ’Europe, le grand mouvement de découvertes, de
conquêtes et de colonisation, qui manifeste avec tant
d’éclat, en Orient et en Amérique, la supériorité de la
race occidentale ; les guerres d'Italie , ce perpétuel
champ de bataille entre la France et la maison d ’A u
triche; tels sont les trois grands faits qui l ’occuperont
dans celte période remarquable entre toutes les époques
de transition par un caractère particulier de jeunesse,
d ’héroïsme aventureux, <J inquiétude, de mouvement et
de vie. C ’est elle en effet qui enfante la société moderne,
dont les institutions, les opinions, les mœurs, ont cessé
en partie d’être celles de la France, mais sont demeurées
celles de presque toute l ’Europe.
En Philosophie, le professeur a puisé le sujet de ses
leçons dans l ’histoire de la philosophie, à laquelle il a
demandé la confirmation des résultats dogmatiques qu ’il
avait obtenus dans son enseignement des deux années
précédentes. Ramené par l ’ordre des temps au com
mencement d ’une nouvelle période triennale et obligé
d ’entrer dans un nouveau cercle d ’idées et de recher
ches à parcourir pendant trois années, il reviendra dans
son prochain cours à la psychologie qui est en philoso
phie le point de départ nécessaire, la source ou la con
dition de tout savoir, en un mot la science fondamentale.
Mais, au lieu de l ’embrasser tout entière dans le cadre
de ses études, il n’en traitera q u ’ une partie, la plus
importante de toutes, celle qui regarde la spiritualité
de l’âme. Métaphysiquement parlant, il n ’y a et ne
saurait y avoir que deux sortes de philosophie, la phi
losophie de la raison et celle des sens, la philosophie de
Platon ou de Descaries, et celle d ’Épicure ou de Condillac. Travailler au triomphe de l ’ une et à la ruine de
l ’autre, ce doit être toujours et à tous les dégrés le
devoir de l ’enseignement. Vainement on s’im aginerait
que la tâche est désormais épuisée, que le matérialisme
n a plus de partisans, q u ’il n ’est plus nécessaire de
combattre de vieilles erreurs m ille fois réfutées : ces
erreurs sont vivaces et indestructibles, la litté rature
philosophique contemporaine en donnerait aisément la
preuve. Si donc on peut regretter que le sujet ne soit pas
neuf, on ne saurait nier q u ’il ne soit d ’ un haut intérêt
et approprié à des besoins réels, à des besoins de tous
les temps, et particulièrem ent du nôtre.
Voilà, Messieurs, quels ont été et quels seront les
objets de nos cours, ce que nous avons fait et ce que
nous nous proposons de faire comme professeurs. Voici
maintenant les résultats que nous avons obtenus l ’an
passé comme juges dans les examens.
Matière infertile et petite,
matière rebattue, hérissée de chiffres, dénuée d intérêt
�—
36 —
par conséquent. Encore si en la traitant, après l ’avoir
déjà fait tant de fois, je pouvais, à l ’exemple de Simonide, me jeter à côté, me mettre sur le propos de Castor
et Pollux. Mais c'est une ressource qui m'est interdite :
tout me fait un devoir d ’être précis et bref.
Le premier des grades que nous conférons, celui de
docteur, ne nous a point été demandé. Celui de la licen
ce, qui vient ensuite, n ’a été recherché, à la session de
novembre, que par un seul candidat. Mais la session de
juillet en a réuni jusqu’à six. Le candidat de novembre
n ’a point été reçu, et des six qui se sont présentés en
juillet deux seulement sont parvenus au but de leurs
—
37
toutes les autres, ont en quelque sorte souffert une
éclipse facile à prévoir et à prédire, laquelle s’est fait
sentir surtout par un affaiblissement du chiffre des can
didats au baccalauréat es lettres. De 4851-1852 à 18551856 la diminution a été chez nous de près de moitié.
Mais à partir de 1855-1856, c’est-à-dire depuis quatre
ans, les lettres reprennent progressivement leur éclat.
De 181, les examens faits par nous dans une année se
sont élevés à 199, puis à 2 15, et enfin à 240 pendant le
dernier exercice. Il est juste de dire que cette réaction
lente et modérée, mais sûre, s’opère sans grand dom
efforts. Ce sont MM. Boucher et Laurin : le premier,
mage pour les sciences. En effet, parmi nos candidats
d’aujourd’hui s’ en trouvent un certain nombre qui sont
maître-d’études au collège d ’Aix, celui-là même qui
déjà bacheliers ès sciences ou qui se proposent de le
avait échoue en novembre ; le second, étudiant en droit,
qui a réussi du premier coup, et dont le nom va être pro
devenir, et si un décret récent rétablit le baccalauréat ès
lettres pour les aspirants au doctorat en médecine, il ne
clamé dans un instant parmi ceux des élèves de l ’école
les exempte cependant pas de l ’obligation du bacca
de droit qui ont remporté des prix au dernier concours.
lauréat ès sciences restreint et accommodé à leurs besoins
Ainsi, pour M. Laurin, une distinction en a appelé une
particuliers.
autre, et toutes deux se justifient et se confirment mu
Dans le chiffre total de 240 aspirants examinés par
nous l ’année dernière, le contingent fourni par la session
tuellement.
Mais, la principale attention étant due au baccalauréat,
à celui des grades universitaires, dont le nom, quoique
tenue à Ajaccio à la fin de l ’année scholaire compte pour
19. Celui de la sessiou extraordinaire d ’Alger a été aussi
un peu hétéroclite, est le plus souvent prononcé dans le
modeste que possible; car il s ’est réduit à 1. Et voici en
monde, à cause du grand nombre d ’intérêts qui s’y rap
peu de mots quel a été le sort de nos 240 candidats. Il
portent, je me hâte d ’y arriver.
En conséquence du nouveau plan d'études, qui, en
y en a eu 108 de reçus et 132 d ’ajournés. C ’est-à-dire
que la moyenne des admissions a été juste 45 °/0. Or,
établissant le système de la bifurcation, a fait aux
43 °/0 paraît être la moyenne normale ; c’est celle qui
sciences une plus large part dans I instruction de la
nous a été expressément recommandée en IS56 comme
jeunesse, les lettres, dans cette Académie comme dans
marquant le milieu entre la sévérité outrée et l ’exces-
�—
38 —
sive indulgence; c’est celle qui ü été effectivement
obtenue pour tous les examens du baccalauréat ès
lettres faits en France pendant l ’année 1855 et pendant
l'année 1856. D’où vous voyez, Messieurs, combien sont
peu fondées les plaintes de nos justiciables qui nous ac
cusent d'incliner vers la rigueur, et avec quelle exactitude
nous pratiquons le précepte de la modération :
Inter ulrumque lene.
.39 —
surtout, ont incontestablement gagné depuis qu elles
portent sur des textes plus courts. Si donc la moyenne
des admissions n ’a presque pas varié, c'est, non pas
parce que les études sont faibles là où on en fait, mais
parce qu'il est permis de se présenter devant nous sans
en avoir fait, et que le nombre des jeunes gens qui usent
de la permission est loin d ’aller en dim inuant d ’une
année à l ’autre.
D’ailleurs, comme le nombre des admissions dépend
Les ajournés pour les compositions ont continué à
moins encore des dispositions des juges, toujours bien
être beaucoup plus nombreux que les ajournés pour
veillants et secourables pour tous, que de la force des
l’épreuve orale : sur les 132 candidats que nous n avons
candidats, une autre conséquence peut être tirée, ce
pu recevoir, 105 ont dû leur échec à la faiblesse de leurs
semble, de la proportion qui se trouve entre les récep
compositions, et 27 seulement, environ un cinquièm e, à
tions et les ajournements de l ’année dernière : c’est
l’insuffisance de leurs explications et de leurs réponses
qu’en ce moment l ’instruction secondaire dans l ’acadé
aux questions des programmes. Augm enter davantage
mie d’Aix n ’est, à en juger par les résultats, ni bonne
encore l ’importance de l ’épreuve écrite en en faisant
ni mauvaise absolument, c’est qu’on y fait des études
dépendre à peu près tous les ajournements, ce serait, à
d’une valeur ordinaire, sinon médiocre. Eh bien, non,
notre avis, l ’exagérer. Q u ’on soit capable d ’écrire en
Messieurs; c'est une erreur; pour la dissiper, distin
latin et de traduire du latin en français avec une certaine
guons: les chiffres ne disent pas toujours ce qu ’ils sem
exactitude, c’est beaucoup; mais il reste à savoir, et
blent dire ou tout ce qu’ il faut dire.
c’est de quoi il faut aussi tenir grand compte, si on est
Entre notre moyenne d ’admission de l ’année dernière
également in stru it en grec, en histoire, en philosophie
et celles des années immédiatement précédentes la d if
férence est nulle ou très-petite. Et cependant nous
et dans les sciences mathématiques et physiques. A u tre
fois la mémoire seule jouait un rôle dans l'examen
avons et nous ne craignons pas de donner l'assurance
du baccalauréat ; s e ra it-il sage de vouloir l ’en bannir
que les études se sont améliorées. Les examens brillants
aujourd’hui?
sont devenus moins rares; nous en avons compté plus
de dix de novembre 1858 à novembre 1839. De son
Jeunes gens, qui êtes témoins et qui peut-être avez
eu à souffrir de notre attention à ne conférer le grade
côté, le discours latin a pris une physionomie plus con
qu’à ceux qui s’en m ontrent véritablem ent dignes ,
forme à son nom, et les explications, celles du latin
n’allez pas nous en vouloir, à nous et aux lettres,
�d'une sévérité, hélas! si légitime et tempérée par tant de
l'habitude des choses relevées, si, même avant d ’entrer
bienveillance. C’est, je le suppose, avec une sorte de
dans la carrière, vous rompez avec les études qui, en
courroux que vous avez quitté notre faculté pour entrer
vous entretenant des grands intérêts de l ’hum anité, sont
dans celle-ci. Soyez plus raisonnables et plus justes,
seules propres à garantir votre esprit d ’ un honteux abais
comme il convient à des lauréats qui portent désormais
sement. La gloire n ’est pas donnée à tous, ni celle des
la robe virile. La connaissance de vous-mêmes est une
champs de bataille,
de celles que vous avez dû acquérir : faites-vous donc à
moyens pacifiques; mais l'élévation des pensées, la
vous-mêmes l ’aveu de Socrate, l ’aveu de votre igno
distinction des sentiments, l ’enthousiasme des choses
rance. Jetez loin de vous, brûlez même, si bon vous
honnêtes et grandes, sont de tous les états, et c'est à
semble, un livre qui pendant longtemps a été pour vous
quoi tous les hommes doivent tendre sans cesse, p a rti
le livre par excellence, livre que vous avez eu con
culièrement ceux qui ont reçu le bienfait d ’ une éduca
tinuellement entre les mains, et que pour cela on appelle
tion libérale, et qui sont exposés à en perdre le fru it, à
un manuel. Mais grâce pour les autres. Venez apprendre
dégénérer, dans les assujettissements et les misères de
à les connaître sans préoccupations, venez vous récon
la vie pratique.
ni celle qui s ’acquiert par des
cilier avec eux sous la direction de vos juges devenus
vos maîtres, des maîtres qui savent vos besoins autant
que vous-mêmes, peut-être mieux. Vous vous êtes
trompés, si vous avez cru que l’élude des lettres, de la
philosophie et de 1 histoire n ’était bonne que pour le
premier âge, et que vous pouviez impunément y renon
Rapport de 11. le D o y en «le l a F a c u l t é
«les S c i e n c e s .
cer en passant à celle du droit. Non ; c’est une étude de
toute la vie, parce que c’est celle qui humanise, qui fait
homme, qui peut le plus pour l ’éducation des esprits et
M essie m s,
des âmes. Continuer à cultiver en vous l ’homme, l ’hom
me intellectuel et moral, est pour vous une condition de
dignité et un préservatif nécessaire contre les dangers
iNous venons soumettre à votre appréciation le compte
de votre profession future. Destinés la plupart à ne vous
rendu des travaux de la Faculté des Sciences pendant
occuper un jour que d’intérêts positifs et particuliers,
l ’année qui vient de s’écouler. En relisant avec soin la
il est à craindre que vous ne perdiez dans la routine des
dernière circulaire m inistérielle qui a tracé les devoirs
affaires, qui vous absorberont p e u t-ê tre , le goût et
des doyens à cet égard, nous avons vu que ce n ’était pas
�un discours qui nous était demandé, mais q u ’il nous
bée sur une terre heureuse, a donné une suffisante
fallait, dans un exposé d'une simplicité austère, vous
moisson. Nous semons sans cesse, et la moisson ne
faire nettement connaître la situation de l ’enseignement
mûrit pas, n ’apparaît pas pour nous.
et des études. Nous vous prions donc, Messieurs, de
Nos devoirs, Messieurs, sont de trois sortes: l ’ensei
nous accorder de nouveau votre bienveillance et votre
attention; malgré le cadre précis qui leur est tracé, nos
gnement, les examens et les travaux personnels.
Dans leur enseignement, les professeurs de la Faculté
paroles ont encore pour nous, dans quelques parties, des
ont toujours suivi avec une fidélité sévère la ligne tracée
embarras et des difficultés. En effet, pour vous donner
par les programmes que de sages règlements nous im
une idée nette et suffisante de notre enseignement, du
posent.
cercle qu ’il embrasse, de l ’esprit qui l ’anime et de la
Les leçons d'analyse infinitésimale, d ’astronomie, de
pensée d ’actualité qui le dirige dans le choix des appli
physique, de chimie, d’histoire naturelle, ont été don
cations scientifiques à exposer à nos auditeurs, il fau
nées avec une exactitude et un zèle soutenus. Chaque
d ra it, Messieurs, une analyse substantielle que vos
professeur a toujours été à son poste, s’acquittant avec
instants à ménager ne me permettent pas. Nous nous bor
dévouement de la tâche qui lui était confiée. Un seul,
nerons à vous dire que la Faculté des Sciences a cherché
M. Sentis, a été forcé, par une santé un instant chance
à faire de ses leçons et de son enseignement le reflet
lante, de demander quelques mois de repos. Espérons
fidèle du grand mouvement scientifique qui distingue
qu’une santé meilleure rendra, à son enseignement,
notre époque. Elle a toujours voulu placer à côté des
plus délicates théories de la science, le tableau de ses
notre digne et distingué collègue.
Nous commençons pour nos laboratoires à reconnaî
plus saisissantes applications.
tre que nos appels réitérés se font entendre. De toutes
Un de nos embarras devant vous, Messieurs, ou plutôt
parts on vient nous demander aide et conseil ; nous
un de nos regrets, c’est de ne pouvoir mettre sous vos
pensons que le temps n’est pas éloigné, où notre Faculté
yeux les fruits de notre enseignement.
Nous n ’avons que des auditeurs bénévoles qui, avec
des aptitudes et des préparations diverses, reçoivent
verra de tout le littoral de la Méditerranée affluer vers
elle une jeunesse avide de science et empressée à puiser
aux bonnes traditions de l ’école française.
plus ou moins heureusement la parole et les ensei
Les cours publics de l ’école annexe ont été, cette
gnements du m aître, sans que c e lu i-c i, moins favo
année, suivis encore avec tout l ’empressement des pre
risé en cela que ses collègues de l ’enseignement se
miers jours, et n ’ont rien à envier sous ce rapport aux
condaire, puisse savoir jamais si les résultats qu’il
obtient sont dignes de ses efforts, et si la semence, tom
autres cours delà Faculté. Nous sommes heureux sur
tout d ’avoir à signaler le succès avec lequel nos deux
�éminents collègues Je la Faculté des Lettres, MM. Joly
ques des jeunes gens qui se présentent devant nous. —
et Ouvré, ont su captiver et retenir jusqu’au dernier
L'épreuve écrite est très-redoulée des candidats, c’est
jour le public d ’élite qui remplissait leur amphithéâtre,
la partie qui appelle tous leurs soins, elle est regardée
et qui ne se plaignait que de la rapidité des heures pas
avec raison comme une des difficultés les plus sérieuses
sées à les entendre.
de l ’examen. Pour donner, sous ce rapport, aux efforts
Les Conférences réglementaires pour la licence et
des jeunes gens une direction nette, précise et surtout
pour les sciences appliquées, les séances d ’interroga
très-utile, nous avons voulu que la composition scienti
tions spéciales pour les mathématiques, ont réuni de
nombreux candidats ; elles nous ont donné et nous assu
fique contînt toujours une question théorique extraite
rent pour l ’avenir d ’importants résultats.
l ’examen oral, de manière que bien préparer celui-ci
Douze Élèves ont suivi, avec une assiduité et un véri
table succès, les leçons de dessin données avec un zèle
était un moyen certain d’affronter avec succès une des
digne de tout éloge par l'éminent professeur M. Belliard.
élevé sans cesse les exigences de la composition, nous
Les examens n ’ont amené devant nous de candidats
avons vu avec plaisir à chaque session, les résultats
que pour la licence et le baccalauréat. Aucune thèse
devenir meilleurs, les jeunes gens se présenter mieux
pour le doctorat ne nous a été soumise.
préparés, et le nombre des admissions devenir par là
Six candidats, six jeunes professeurs, se sont présen
textuellement d'un des numéros du programme pour
difficultés de la composition écrite. Bien que nous ayons
même plus considérable.
tés pour subir les épreuves de la licence. Quatre seule
Le baccalauréat ès-sciences a amené devant nous 251
ment ont été admis. La mention assez bien est la seule
candidats; 124 ayant réussi dans les épreuves écrites
que la Faculté ait cru devoir accorder; mais ces épreuves
ont été admis à l ’épreuve orale, qui n’a été favorable
sont longues et difficiles; pour elles, la Faculté se montre
qu’à I I I seulement, 44 pour% . Voici le tableau des
à bon droit sévère; avoir réussi est déjà pour le candi
résultats donnés par chaque session.
dat un suffisant éloge, et nous regardons comme un
devoir de leur accorder l ’honneur de citer leurs noms
devant vous. Ce sont: MM. Mentasti, Julien, Bédos,
pour les sciences physiques, et M. Pujade pour les scien
ces naturelles.
Le baccalauréat ès-sciencesa présenté, cette année, des
résultats que nous signalerons avec plaisir. Ils indiquent
une amélioration remarquable dans les études scientifi
�—
47 —
Les candidats qui ont obtenu la mention parfaitement
bien, si difficile à conquérir puisqu’elle n’est donnée
qu’à la suite de dix boules blanches, ne sont au nombre
que de deux,
MM. Bérard
et Rolland.
Ceux qui ont eu la mention très-bien , donnée à 8
boules blanches sans noire, sont.
MM. Cosle
BACCALAURÉAT ÈS-SC1ENCES.
et Lambert.
La mention bien qui exige six boules blanches a été
obtenue,
par MM. Lambelin.
Chauvot.
Arréat.
Voici les résultats présentés par les épreuves pour le
baccalauréat ès-sciences restreint.
NOM DU F.
des
S E S S IO N S .
session d’avril 1859.
»
juillet 1859.
T
o ta l
. ..
A D M IS
AD M IS
il la s u ite
il la su ite
de l'épreuve de l’épreuve
A JO U R N É S .
candidats
é c rite .
o ra le .
5
5
4
1
3
\
t
2
8
<5
5
3
�—
19 —
Huit candidats se sont présentés, deux ont été rejetés
-révolution du second ordre, dont les axes sont orthogo
par l'épreuve écrite, et un à la suite de l ’épreuve orale.
naux. Au moyen de ce théorème, la géométrie si riche
A l ’exception d ’un seul, ces candidats étaient faibles
des sections coniques appartient tout entière aux lignes
et mal préparés. — Celle épreuve spéciale, dans les
de courbure des sur faces du second ordre, et ces belles
quelles les conditions de savoir ont été adoucies par la
recherches, qui viennent compléter si heureusement les
bienveillance de M. le Ministre, n ’a amené devant nous
travaux de Monge sur les lignes de courbure, ont trouvé
qu'un très-petit nombre de candidats, généralement
à leur apparition une approbation générale, dont la
d'un âge plus avancé.
Faculté a le droit d être fière.
Il ne me reste plus, Messieurs, qu ’à vous parler des
Le professeur de physique a présenté à l'Institut un
éludes et des travaux particuliers des professeurs de la
travail sur la stratification de la lumière électrique et
Faculté des Sciences. Ici, Messieurs, je ne puis résister
sur la synthèse, sous I influence de I électricité, de plu
à vous laisser connaître le légitime sentiment d ’orgueil
sieurs composés gazeux, l ’ammoniaque, le cyanogène et
que j'éprouve à voir les travaux de mes collègues digne
I hydrogène carboné.
ment appréciés aussi bien en France q u ’à l'étranger.
Le mois dernier nous avons été heureux d ’entendre des
savants étrangers qui revenaient de la réunion scientifi
que d’Aberdeen, parler avec une haute
estime cl de
précieux éloges, des recherches mathématiques de notre
professeur, M. l'abbé Aonst, et des travaux sur la cha
leur de notre professeur de chim ie,
M. Favre.
Ils
louaient hautement l ’esprit judicieux et l ’initiative re
marquable qui classent ces travaux au premier rang.
M. Fahbé Aoust a présenté cette année deux Mémoires
à I Institut, le premier concerne les coordonnées curvi
lignes qui se coupent sous un angle quelconque , le
L ’année qui vient de s’écouler a été pour tous, nonseulement consacrée aux travaux du professorat, mais
livrée tout entière aussi à l ’élude et aux recherches
patientes; nous savons que de consciencieux travaux se
préparent et payeront dignement la dette de travail de
notre jeune Faculté.
Permettez-nous en finissant, Messieurs, d émettre un
vœu d ’affection personnelle, c’est que la santé de notre
digne collègue, M. Derbès, qui avait été si vivement
atteinte , continue son amelioration progressive, et lui
permette de reprendre la suite des travaux qui lui ont
conquis une des glorieuses palmes de l ’Institut.
second est relatif aux lignes de courbure des surfaces
du second ordre.
Un théorème simple et fécond y a été énoncé et dé
montré pour la première fois, c’est que par une seule
et même ligne de courbure, passent trois surfaces de
4.
�—
50 —
18 élèves se sont présentés pour traiter la question,
Itap p ori «le i l . C a r ie s s u r le s co n co u rs
e n tre les É tu d ia n ts en D ro it.
12 ont fait un travail convenable, 6 un travail distin
gué.
MM. Laurin et Reboul ont obtenu le premier prix ex
vieille réputation de supériorité, c'est celui qui louche
a>quo par des qualités différentes. M. Laurin est le plus
complet dans son exposé, il est le plus fort par les choses.
Il est moins heureux dans la forme. Et pourtant, à la
même époque, presque le même jour, M. Laurin ob
tenait d ’ une manière honorable le grade peu commun
de licencié è3 lettres. A -t-il cru inutile de montrer ici
son talent d ’écrire, tandis qu’il donnait ailleurs une
preuve plus caractéristique de sa force littéraire? Ou
bien a - t- il pensé que dans les matières juridiques il
suffisait de soigner le fond, en négligeant la forme?Nous
lui rappellerions dans ce dernier cas que l'art de bien
dire peut et doit s'allier aux discussions les plus sévè
res; et que s’il est bon d’associer les lettres aux scien
ces, c’est précisément pour que celles-ci empruntent
aux premières le mérite de la forme, en l ’appropriant à
aux conditions du mariage. Aucune législation ancienne
leur nature spéciale. Personne ne peut mieux que
ne comprit aussi bien, entre autres, les raisons d ’hon
M. Laurin comprendre et réaliser I alliance dans ces
nêteté morale et sociale qui ont fait établir certainès
prohibitions, nées de la parenté et de l ’alliance. Pour
conditions.
M. Reboul l ’a déjà comprise. Il plaît par un style net,
faire l elogc du Droit Romain à cet égard, en un seul
animé, semé d ’aperçus philosophiques. Son exposition
mot, il suffit de dire que la pratique chrétienne, formu
doctrinale a été moins complète que celle de M. Laurin.
lée dans le droit canonique, consacra les prohibitions
Il fera bien aussi de renoncer à I hypothèse «l’une vie
romaines en en exagérant quelques-unes. Et le Code
sauvage, comme avant été l 'étal prim itif de l'humanité,
Napoléon n ’a pas cru pouvoir mieux faire que de repro
et dont il a fait le préambule de son travail. La société
duire, à très-peu d’exceptions près, le Droit Romain
est essentielle à l ’homme, il y naît, il s’y développe. Un
prim itif, sans y rien ajouter ni retrancher.
étal contraire n ’a jamais existé pour lui, seulemeht le
Me s s i e u r s ,
Les examens, dont le tableau vient de vous être pré
senté, sont un moyen déjuger de la force des études,
mais les dissertations écrites, dont il me reste «à vous
parler, offrent une donnée plus sûre encore. Les exa
mens doivent plus ou moins à la mémoire; dans les
compositions écrites, la science véritable de l'élève, sa
force personrielle, éclatent mieux
Le sujet donné en première année était: Des conditions
requises en Droit Romain pour contracter de justes noces.
S'il est un point où le Droit Romain ait mérité sa
�milieu social où il a vécu peut avoir été plus ou moins
imparfait.
M. Bernard, qui rappelle un nom vénéré dans la
Faculté
montre à peu près les mêmes qualités que
M. Rebowl. Vif, saisissant dans ses tournures, il aime à
présenter des tableaux d ’ensemble,
oubliant que la
science du droit vit de détails. Celte méthode l ’a rendu
plus incomplet encore que M. Beboul, et l ’a réduit à
n ’avoir que le second p rix.
M. Bonnefoy a mérité la première mention honorable
par un résumé sage et plein de mesure, il en a même
trop, il manque d ’ampleur. Nous l ’engageons à oser un
peu plus.
MM. Ilelm e et Vacher, qui partagent ex œquo la se
conde mention, sont de force l ’un et l ’autre à mieux faire
une antre fois. Ils auront à prendre leur revanche. Le
à le favoriser. Nous voulons parler de la donation cumu
lative des biens présents et à venir, faite par contrat de
mariage (C. N. art. 1084).
Cette institution, qui est d’origine toute française et
qui n'emprunte rien au Droit Romain dans le fond, s’en
rapproche en quelque sorte par la forme, en ce sens
qu’elle n ’a pas la simplicité de la plupart de nos autres
dispositions législatives. Elle se fait remarquer au con
traire, par une puissance laborieuse de combinaison, qui
la fait ressembler un peu à certaines créations romaines,
dites subtiles, et qui, comme elles, se justifie par l ’utilité
du résultat. Exposer d’une manière nette et complète
l ’économie de l ’article 1084 n’était pas chose facile.
Beaucoup d ’auteurs, surtout parmi ceux qui commentè
rent les premiers le Code Napoléon, y ont échoué.
travail de M. Vacher est un peu maigre, et M. Heline a
M. George, le lauréat de deuxième année, a montré
commis la grave erreur d écrire que le mariage romain,
qu ’il comprenait la difficulté, et qu’il était de force à la
contracté sans le consentement du chef de fam ille, était
résoudre. Il a bien saisi la nature exceptionnelle de cette
néanmoins valable. Il a oublié que la toute-puissance
donation cumulative, qu’on appellerait mieux encore
du pal erfami lias, qui n ’avait son égale chez aucun autre
alternative, de biens présents et à venir. Il a développé
peuple, comme le dit Gains en s'en félicitant, rendait
avec une grande lucidité les principes et les corollaires
le mariage contracté sans son assentiment nul, radica
admis par tout le monde. Arrivé ensuite aux questions
lement nul. Ncc vir, nec u x or , nec matrimonium, nec dos
controversées qui devaient faire le couronnement de son
inlelligitur, dit Justinien aux Inst i tu tes.
Les élèves de deuxième année avaient aussi à s'occu
travail, prêt à attaquer ce qu’il y a de plus ardu dans la
matière, il s’est vu arrêté par l ’expiration de la durée
per du mariage, non plus en traitant de ses conditions,
que les règlements accordent pour ces sortes de compo
mais en analysant une des dispositions les plus propres
sitions. Le temps a manqué à son œuvre, comme il
manque souvent à d ’autres plus importantes. M. George
Il est le petit-fds de l’aneien doyen.
en livrant à regret un travail qu’il déclarait incomplet,
semblait prier ses juges de l ’excuser.
�—
55
Les juges onI mieux foit que d'accorder l 'indulgence
de son sujet, sait mettre les détails à leur place, en les
demandée. Ils ont donné le premier prix à l ’auteur, pour
faisant dominer par les principes; et l'on sent, en le
récompenser la justesse de vues et la netteté de rédaction
lisant, non pas l ’effort d’une mémoire qui se souvient,
dont il avait fait preuve dans la partie traitée, qui est
mais une précoce maturité de raison qui coordonne
sans contredit la plus importante.
sagement tout ce dont elle s’occupe.
M. Sarrus est presque aussi complet et aussi exact
Nous regrettons qu’il ait seulement mentionné en
que M. George dans le développement des principes,
note l ’application de l ’action publicienne aux agri vecti-
mais il est moins net et moins ferme. Il s'est plaint, lui
gales. Il eût été intéressant d’expliquer comment ces
terres, qui échappaient à la propriété parfaite des parti
culiers , recevaient cependant l application de l ’action
publicienne qui suppose cette propriété, le dominium ex
aussi, que l'heure trop tôt sonnée ne lui permît pas de
discuter à fond les questions controversées II avait
commencé à en dénouer quelques-unes par le. mauvais
cété.
M. Guillibert n ’a pas pénétré aussi profondément que
les deux premiers au cœur de la matière. 11 s'est con
tenté d’exposer les règles élémentaires avec une aisance
et une facilité qui, si elles n ’étaient contenues, devien
draient prolixes.
M. de GreJing n ’a presque tracé q u ’ une table des ma
tières et un programme. Cette esquisse ne manque pas
de vigueur, mais il s’y est glissé plusieurs inexacti
tudes.
18 élèves en première année et 15 en deuxième
jure quirilium.
M. Estor a fait preuve aussi de connaissances solides
et d ’une bonne méthode. Il sait et réfléchit. Il a trop dé
veloppé les généralités de fanion ficliee et de l ’action
réelle, pas assez les spécialités de l ’action publicienne.
Il n ’a l ien dit non pins de la publicienne contraire ou
rescisoire.
Le sujet proposé en Droit Français élait : De l'extinc
tion des privilèges et hypothèques. Les mêmes candidats
se sont présentés pour la traiter. M. Silbert seul a reçu
un prix, et ce n ’a été que le second.
avaient pris paî t à la lutte. Les conditions rigoureuses
La Faculté avait ici à disposer de deux prix comme
mises au concours de troisième année réduisent toujours
dans le D roit Romain. En réservant le premier, et ne
plus ou moins le nombre des candidats. Il est regretta
donnant que le deuxième, elle a montré qu’elle ne pro
ble que deux seulement se soient présentés celte année:
diguait pas ces récompenses comme des moyens d’en
MM. Silbert (Alban) et Estor.
couragement, mais qu elle les attribuait par justice et
M. Silbert, qui a obtenu le premier p rix de Droit
avec appréciation. Un premier et un deuxième prix
Romain en traitant de l ’action publicienne, a présenté
obtenus dans ces conditions font autant et plus d’hon
un travail judicieux et complet. Il saisit bien l ’ensemble
neur que deux premiers prix trop facilement accordés.
�—
5f> —
57 —
M. Silbert s’est vu réduit au deuxième prix pour avoir
Rien n’ échappe à sa verve chagrine, souvent mêlée d i-
trop insisté sur l'anéantissement de l ’hypothèque par la
ronie. Tant de hardiesse ne sied pas à une plume qui dé
nullité de I inscription, qui n ’est pas une cause d ’ex
bute, on pourrait appeler cela de la témérité et quelquefois
tinction proprement dite, et pour avoir été trop bref sur
de l'inconvenance. Que l ’auteur ne s’y trompe pas :
la prescription appliquée directement et principalement
blâmer beaucoup n ’est pas prouver que l'on sait beaii'
à l'hypothèque. Il y avait là une série de propositions
coup , c’est plus souvent donner la preuve du contraire.
intéressantes à émettre, toute une théorie à établir par
Il en est des lois comme de la religion : si un peu de
comparaison avec la prescription de la propriété. Ces
science nous pousse à la critique, beaucoup de science
points n’ont été qu’effleurés.
nous ramène au respect.
La quatrième année, ou concours entre les docteurs
C ’était d ’ailleurs mal choisir son temps que d’adres
et aspirants au doctorat, ne nous a pas offert de mémoire
ser des reproches aussi vifs qu'immérités à nas lois
à couronner. Un seul a été présenté, ou les citations
civiles, au moment où des peuples voisins les adoptent
d’auteurs et d ’arrêts abondent, mais la mise en œuvre
ou demandent à les adopter, comme l ’expression la plus
manque. Tous les matériaux même n'ont pas été assem
vraie de la justice et d ’une sage égalité. Chose curieuse!
blés. Le sujet à traiter était : De la co7i}pensation en Droit
I Italie, qui nous envoya autrefois le Corpus juris romani,
Romain et en Droit Français ancien et moderne. L ’auteur
reçoit aujourd’hui ou appelle de ses vœux le Code Na
ne s'est occupé dans le Droit Français que de l ’époque
poléon, cet autre Corpus juris qui a résumé la substance
tout à fait moderne; il a laissé dans l'om bre le moyen
de l ’ancien, et l ’a si bien approprié aux besoins de la
âge et toute la période antérieure au Code Napoléon. La
civilisation moderne.
partie traitée olïre des erreurs graves. L ’auteur paraît,
Désormais, à côté de nos récentes victoires qui, sœurs
entre autres, n'avoir pas une idée juste de la compensa
et égales des anciennes, forcent l ’Europe à reconnaître
tion facultative. Hâtons - nous d ’ajouter que quelques
de nouveau la supériorité de nos armes, il y aura un
pages, heureusement, sont comme toutes auraient dû
autre fait non moins flatteur pour notre gloire nationale,
être. Elles suffisent à montrer que l ’auteur, en précipi
ce sera de voir les peuples rendre un hommage spontané
tant moins son travail et en ne pas reculant devant la
à la sagesse de nos lois, en les adoptant.
peine, pourra bien faire, s’il rentre un jour dans la lice.
Un dernier conseil à lui donner, dans ce cas, c’est de
se prémunir avec le plus grand soin contre nne tendance
qui paraît lui être naturelle et qui le porte à tout c riti
quer, auteurs et législateurs, textes et commentaires.
�—
59 —
ville qui a de si glorieuses destinées et une importance
qui va s’accroissant tous les jours avec une merveilleuse
S é a n c e «le r e n t r é e «le l’ilcoKe p r é p a r a
to ir e «le llé « le c in e .
rapidité, sous l ’impulsion active et vivifiante des magis
trats qui dirigent le département et la cité.
Dans cette période de temps marquante pour l ’histoire
où le gouvernement de laFraneea tant lait à l’extérieur,
Le 14 novem bre 1859 a eu lieu à M arseille, dans
rien n ’est négligé de ce qui peut embellir ou faire pros
l'u n e des salles de l ’a d m in istra tio n des hospices, la
rentrée de l ’École préparatoire de Médecine et de
pérer cette ville qui se posait autrefois comme l ’égale de
Pharmacie. Celte solennité avait ré u n i tous les Élè
l ’ancienne Rome, et qui aujourd'hui, loin de déchoir,
grandit en tendant à imiter par des travaux prodigieux,
ves de l ’École et un grand nom bre de n o tabilités,
parfaitement appropriés à son admirable position sur la
parm i lesquelles on re m a rq u a it M. le Président du
T rib u n a l C ivil, M. le Doyen de la Faculté des Sciences
Méditerranée, ceux qui, dans un autre genre, ont re
et MM. les A d m in istra te u rs des Hospices.
d ’une époque, restent comme le langage d'une généra
M. M ondot, Inspecteur de l ’Académ ie, a ouve rt la
séance par l ’a llo cu tio n suivante, et a donné ensuite
tion qui parle aux générations qui doivent la suivre.
Mais ce qui est propre à l ’esprit français, au génie
la parole à M. le D ire cte u r de 1 École p ou r la lecture
national si vif, si heureusement impressionnable dans
de son R apport sur les travaux de l ’École pendant
nos contrées méridionales, c’est d ’être complet et de ne
l ’année expirée.
pus se contenter de grands travaux mécaniques, ni de
nouvelé Paris. Les grands travaux d'art, les monuments
vastes entreprises commerciales. La science trouve par
tout en France ses clignes représentants ; sous ce
M essieurs ,
rapport, Marseille n’est certes pas déshéritée. Aussi, les
chaires de haut enseignement, dès leur création encore
toute récente, y ont pris une importance marquée. Ce
I! y a deux jours à peine, je ne m ’attendais point à
succès est dù au choix des professeurs désignés par le
l ’honneur de présider cette séance de rentrée de l ’École
Ministre si heureusement secondé par l ’administration
de Médecine. C ’est un honneur dont je sens bien tout le
de notre Académie, par notre excellent et digue Recteur,
prix, puisqu’il me donne occasion de me trouver au
milieu d'un personnel de professeurs aussi distingués,
que des circonstances impérieuses empêchent en ce
en présence d ’un auditoire aussi imposant, dans cette
parole qui emprunte tant d’autorité d ’une longue ex-
moment de se faire entendre dans celte enceinte. Sa
�—
60
—
vous conserviez à ses vœux et à son amour une mère ou
périence et Je ce lad exquis que le contact des hommes
un père, dont la perte est le deuil le plus cruel, le plus
dans les positions les plus élevées et le maniement des
accablant !
affaires font toujours acquérir aux natures d ’élite, eut
C ’est par votre travail actuel, Messieurs les Étudiants,
dignement, dans eette solennité, réparti les éloges a M.
c’est par votre assiduité aux leçons de vos maîtres, par
votre docilité à les suivre dans la voie où ils marchent
le Directeur et à MM. les Professeurs de l'École de Mé
decine. C’est une lacune que je n ’oserais entreprendre
de combler ; il me suffit d ’exprimer le regret que vous
si honorablement, que vous commencez à former ce
trésor de connaissances théoriques et pratiques que vous
éprouvez tous, Messieurs, à ce sujet, et que je partage
devez ensuite accroître par vous-mêmes. La science est
pleinement avec vous, moi surtout qui connais d’une
comme la richesse : celui qui commence trop tard à
manière plus intime ce qu’il y a de richesse de bienveil
acquérir, ne parvient que par exception au degré auquel
lance et de justesse d'appréciation dans l ’esprit et le
on est désireux d atteindre. Mais la richesse n’est pas
caractère de M. Mollet.
Messieurs les Étudiants, le travail est la loi de ce
nécessaire ; c’est parfois même un danger dans la vie.
monde, a dit un des anciens ministres de l'Instruction
La science est indispensable, surtout au médecin. Aussi
tous les moyens d’instruction sont réunis autour de vous:
publique, dans une solennité universitaire. Je vous ré
l ’instruction qui se rapporte directement à l’art médical
pète ces paroles qui, dans toutes les positions sociales,
vous est donnée par des professeurs nombreux dont
doivent être la règle de l'homme. Mais comme la vie est
l ’autorité et le talent sont justement appréciés. Les
la condition première de la société, la carrière médicale,
sciences accessoires qui viennent étendre par un utile,
dont le but est l ’entretien normal et régulier de la vie, a
je dirais presque par un concours nécessaire, les con
une importance toute spéciale, exige des efforts plus
naissances spéciales que vous devez avoir, sont ensei
persévérants pour dégager celui qui s ’adonne à celte
gnées, à la Faculté des Sciences, par des hommes
difficile et honorable profession, d'une responsabilité
éminents qui rivalisent de dévouement pour vous avec
morale qui renaît tous les jours avec des incidents nou
les professeurs de celte Ecole. Entendez-les tous, for
veaux. Quel fonds de connaissances variées et sûres
mez avec persévérance cette instruction première que
vous devez posséder pour être au niveau de votre tâche!
vous accroîtrez ensuite naturellement par l'heureuse
Quel stimulant au travail que la responsabilité qui
habitude acquise par l ’esprit , comme un trésor va
pèsera sur vous, lorsqu’une mère inquiète, anxieuse
s’augmentant de lui-m êm e, lorsque les revenus qu’il
vous demandera de lui conserver son enfant, ou lors
procure dépassent les exigences des nécessités jour
qu’une famille pieusement rangée autour d'un lit vous
nalières.
fera appeler pour que vous rendiez à la santé, pour que
�—
63
VôoS aVéJÊ, depuis quelques années déjà, une preuve
nouvelle de l'in té rê t que les autorités de I ü ville atta
pelez-vous toujours les conseils qui ont été donnés, à
chent aux bonnes et fortes études. Elles ont voulu que
celle-ci, par M. le Recteur lui-même. Cette citation vous
des prix, annuellement décernés, excitent vos efforts,
laissera sous l ’impression de la paternelle bienveillance
récompensent vos succès. Ces mentions, ces récompen
de notre chef vénéré ; bienveillance pour vous, jeunes
ses auxquelles nous allons applaudir avec bonheur, à la
gens, que je partage avec lu i, mais dont ses propres
désignation des noms de ceux d ’entre vous qui les
paroles conserveront toute la valeur :
obtiennent, n'occasionnent point un vain retentissement,
vos prédécesseurs , dans une circonstance analogue à
« Vous habitez une belle et grande ville qui a été,
pas seulement satisfaction à un intérêt
« avec raison, choisie pour être le siège d’une École de
d ’amour-propre, ce qui serait déjà une source précieuse
d ’émulation ; c’est une sanction du mérite que la justice
« Médecine; mais toute grande ville a, pour la jeunesse,
de vos maîtres décerne à ceux qui, parmi vous, se sont
« m eilleur moyen de vous en préserver, c’est l ’étude.
placés au premier rang. Ces distinctions vous désignent
« Ayez toujours présent à l ’esprit que vous êtes à
à l ’assentiment de cette réunion empressée à vous don
« Marseille pour vous instruire, et non pour y mener
ner des encouragements, et resteront pour vous comme
u une vie de plaisir et de dissipation. Tenez à honneur
une première garantie de la confiance que vous avez à
« d ’être bons élèves, d ’être renommés pour votre bonne
obtenir dans votre honorable carrière. Formez le projet
« conduite et votre application. Efforcez-vous d’être la
de prétendre à ces récompenses, vous tous qui n ’êtes
« gloire de vos professeurs. » Ainsi, vous répondrez
pas, cette année, à la fin de la période scolaire de vos
dignement à leurs soins, à la sollicitude de vos familles,
études. Cette louable ambition assurera la continuité
à l ’attente de la société.
ne donnent
de vos efforts, et vous léguerez à vos successeurs, aux
nouveaux disciples de vos maîtres, des traditions qui
feront la gloire de celle École. Vous n ’atteindrez point
tous au succès que vous aurez ambitionné,mais la bonne
fortune de l ’événement n ’est pas la seule constatation
du mérite, ni sa récompense unique. Il est un juge en
vous, c’est la conscience, qui donne toujours la récom
pense de l ’œuvre m éritoire, du devoir accompli. Craignez
lêg arrêts sévères de ce juge impartial, rarement mal
informé. Pour m ériter sa décision en votre faveur, rap
a ses dangers qu’on ne peut trop vous signaler. Le
�plétée
R a p p o r t (le i l . CosCe, D i r e c t e u r de l 'É
c o le p r é p a r a t o i r e d e M é d e cin e e t
d e P h a r m a c i e , à M a rs e ille .
par la création d'un baccalauréat ès-sciences
restreint, permettant aux étudiants de diriger la ma
jeure partie de leurs efforts vers l ’élude des sciences
dont les applications à la médecine sont les plus impor
tantes.
Le progrès intellectuel que je rappelle en ce moment
est un hommage rendu à la profession médicale par le
Monsieur l 'I nspecteur , Me s s i eurs ,
Ministre éminent qui dirige aujourd’hui le département
de 1 instruction publique.
Son Excellence, en rétablissant l ’heureuse influence
Nous venions, depuis quelques mois à peine, de per
dre la première illu stra lio n médicale de Marseille, noire
savant et vénéré doyen, M. Cauvière, quand la mort
des lettres sur les études médicales, a cédé tout à la fois
à ses propres inspirations et à des vœux souvent ex
primés. Je dois dire aussi qu’une voix chaleureuse et
nous a enlevé M. Ducros, l ’un de nos professeurs hono
très- autorisée s'est élevée, au sein du conseil impérial de
raires. Cet estimable collègue n ’a point, sans doute,
l ’instruction publique, en faveur du rétablissement du
dans sa carrière universitaire, laissé cette trace lum i
baccalauréat ès lettres pour les étudiants en médecine.
neuse qui a marqué si profondément le passage de M.
Le corps médical sait bien, indépendamment de la haute
Cauvière parmi nous. Toutefois, par ses longs et utiles
initiative du M inistre, toute la part qui revient, dans
services, autant que par sa parfaite honorabilité, M.
l ’adoption de cette mesure, au nouvel inspecteur général
Ducros avait droit à tous nos regrets, et sa mémoire nous
des écoles, à M. le professeur Denonvilliers.
sera toujours chère !
Maîtres et élèves doivent donc, pour cet important
Le dernier exercice scolaire, à I ’École de Médecine et
service rendu à la profession, leur entière reconnais
de Pharmacie de Marseille, s’est ouvert sous l'heureuse
sance au grand-maître de l ’université et au savant ins
impression qu'a répandue dans tous les établissements
pecteur général des écoles de médecine.
d'enseignement médical la promulgation du décret du
Les travaux de notre École ont marché, cette année,
23 août 1858, qui rétablit le baccalauréat ès-lettres
comme condition prélim inaire des éludes en vue du
avec leur régularité habituelle.
do cto ra l.
Cette mesure réparatrice, dès longtemps désirée par
leçons les élèves
examens de fin d ’année ont-ils été généralement satis
tous ceux qui ont à cœur l ’éclat de notre art, a été com
faisants. La note: très-bien a été obtenue par plusieurs
Les professeurs ont eu la satisfaction de voir à leurs
empressés et attentifs. Aussi, les
�—
66
—
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—
étudiants en médecine et en pharmacie. Deux ajourne
ments seulement ont été prononcés parmi les élèves en
médecine de première année.
Nos collections se sont enrichies de quelques nou
velles acquisitions en pièces d ’anatomie, instruments
de chirurgie et livres. Nous avons reçu aussi de M. le
Ministre de l ’instruction publique un grand nombre de
thèses soutenues, celte année, devant la Faculté de
Médecine de Paris.
L ’École a eu, pendant l ’année scolaire qui vientde fin ir,
294 inscriptions pour la médecine; 123 ont été prises
pour le doctorat et 17 I pour le grade d'officier de santé.
Les élèves en pharmacie ont pris 71 inscriptions,
toutes pour le titre de pharmacien de deuxième classe.
Ces inscriptions réunies forment un total de 365, et
un excédant sur l ’année dernière de 49. Elles ont pro
d u it pour la ville 9 , 123 fr. ; les droits afférents à l'É ta t
ont été de 1,825 fr.
Seize candidats se sont présentés, cette année, dans
le courant de septembre aux examens ayant pour but
l ’obtention du titre d'officier de santé. Il s’agissait pour
quatre d 'e n tr’eux d ’un échange de diplôme. Les autres,
moins deux chirurgiens de marine, venaient de terminer
leurs études. Tous ont subi, d ’une manière plus ou
Le reliquat pour la commune a été de 1,786 fr.; cette
somme jointe à celle de 9,125 fr. provenant des incriptions, donne le chiffre assez important de 10,911 fr.
versés à la caisse municipale.
Les droits perçus par l ’État pour les certificats d’ap
titude et les diplômes des officiers de santé ont été de
3,240 fr.
V in g t aspirantes au titre de sage-femme ont subi
leur examen avec succès. L une d’elles, élève de la ma
ternité de Marseille, s’est fait remarquer par la supé
riorité de son instruction.
Cinq autres ont été ajournées : de ce nombre sont
deux sages-femmes déjà pourvues d ’un diplôme.
L ’État a touché, pour les droits de diplôme des sagesfemmes, la somme de 500 fr.
Au mois d ’octobre ont eu lieu les examens pour les
prétendants au grade de pharmacien de deuxième classe.
Di x candidats se sont présentés. Cinq d’entr’eux, seu
lement, ont obtenu leur diplôme. Parmi les candidats
ajournés, deux l ’ont été au premier examen, un au
deuxième, un autre au troisième, et le dernier s’est
retiré, sur le conseil du ju ry, après avoir été admis au
deuxième examen
Les droits acquis à la ville, pour les épreuves des
moins satisfaisante, les deux premières épreuves; deux
pharmaciens, ont été de 2,120 fr. Les frais s’étant
ont été ajournés à la troisième, et, chose fo rt regrettable,
élevés à 1,029 fr. 85 c., le reliquat n ’a pu être que de
l'u n
4,090 fr.
de ces derniers avait été antérieurement reçu
officier de santé pour un autre département.
Les droits de ces examens ont produit 3,200 fr.; les
frais se sont élevés à T, 4f 4 fr.
15 c. Cette somme ajoutée au reliquat des
officiers de santé et au produit
des inscriptions de
l ’année, montant ensemble à 10,911 fr.. fait, pour les
finances de la commune, un total de 12,001 fr. 15c.,
�—
69 —
c’est-à-dire, un chiffre à peu près conforme aux prévi
de deuxième année. M. Dauvergne est fils d'un hono
sions de noire budget.
rable confrère qui exerce avec distinction dans un dé
partement voisin.
Les examens des pharmaciens ont rendu à l ’Etat
1,220 fr.; en y joignant les droits acquis pour les ins
M. Fériaud, aussi interne de l ’Hôtel-Dieu, a gagné
criptions, pour les examens des officiers de santé et des
un deuxième prix pour la troisième année. Ce jeune
sages-femmes, nous arrivons à la somme de 6,785 f r . ,
homme s’est fait remarquer de tous les professeurs par
qui, pour le compte du trésor, a été versée à fa recette
son intelligence et son application.
générale. Celte somme se décompose ainsi : 1,825 fr.
M. Seux, fils de notre distingué collègue, après avoir
pour les inscriptions. 3,240 fr. pour les officiers de
été jugé digne d ’une mention honorable en première
santé, 500 fr. pour les sages-femmes, 1,220 fr. pour
année, obtient aujourd'hui, à l ’unanimité des suffrages,
les pharmaciens.
le prix de deuxième annee.
Nos deux sessions d ’examens de fin d ’études ont été
Pour M. Dauvergne, comme pour M. Seux, l'amour
présidées par MM. les professeurs Bérard et Benoit. Ces
du travail et le succès qui vient toujours le couronner
honorés collègues ont , comme leurs prédécesseurs ,
laissé parmi nous les meilleurs souvenirs.
sont une noble tradition de famille.
L ’Ecole médicale de Marseille possède des profes
Messieurs, les noms des lauréats de l ’école viennent
seurs instruits et entièrement dévoués à leur tâche.
d ’être proclamés à la séance solennelle de rentrée. Ceux
Nos élèves en médecine ont accès dans de grands
de nos élèves qui ont montré le plus d ’assiduité aux
hôpitaux où la pratique vient confirmer les leçons de la
cours et obtenu les meilleures notes aux examens de
théorie, où l ’exemple est à côté du précepte ; ils peuvent
fin d ’année, ont reçu publiquement la récompense de
aussi, de même que les étudiants en pharmacie, puiser
leur zèle. Q u’ils soient heureux de leur triomphe, com
à notre Faculté des Sciences, si parfaitement organisée
me nous en sommes heureux nous-mêmes. Tous ont
au double point de vue du personnel et du matériel,
droit aux sympathies et aux encouragements de leurs
maîtres. Mais c’est un devoir pour moi de citer parti
les connaissances complémentaires de leur éducation
culièrement trois d'entr eux et de les proposer pour
La situation de notre port, rendez-vous de toutes les
exemple à leurs condisciples.
professionnelle.
nations du globe, nous permet d’observer les affections
M. Dauvergne, interne de I H ôtel-Dieu, doit à son
les plus diverses. D un autre côté, les travaux qui
mérite le rare honneur d ’obtenir, à celte heure, un
s’exécutent incessamment dans la ville ou ses environs,
premier p rix de troisième année, après avoir conquis
inséparables d ’accidents de tout genre, offrent à la chi
successivement et sans partage les prix de première et
rurgie des cas nombreux de graves lésions traumatiques.
�—
70
Sur cet autre champ de bataille le pacifique et obscur
donner satisfaction à un très-urgent besoin de notre
soldat de l'industrie court, peut-être, plus de dangers
enseignement. Nous nous adresserons, pour cela, à la
que l ’homme exposé aux chances des luttes années.
L ’humanité a, sans doute, à gémir de ces m utila
bienveillance éclairée de la commission administrative
des hospices, qui, dans la réalisation d’un vœu où sont
tions, de ces déplorables misères dont notre mission
engagés les plus chers intérêts de nos Élèves en méde
nous rend témoins dans les hôpitaux; mais l ’art de
cine, saura toujours, on peut en être sûr, convenable
guérir n ’en profite pas moins, dans un but de philan
ment allier ses devoirs envers les pauvres aux nécessités
thropie et de perfectionnement,
de la science.
Marseille procure donc aux jeunes
gens studieux
d ’abondantes ressources, notamment pour les études
anatomiques et cliniques. Pourquoi faut-il que, par une
malheureuse exception, son École de Médecine, à la
quelle de si précieux éléments réservent nécessairement
un avenir prospère, soit réduite à une installation ma
térielle tellement insuffisante que tout développement
lui est forcément impossible?
Cet état de choses, qui nous place bien au-dessous
du rang que nous devons avoir, ne saurait durer long
temps encore. Notre excellent M inistre, notre vénérable
R ecteur, nos autorités locales, tous nos protecteurs
naturels enfin, se préoccupent sérieusement de nos
intérêts, et prochainement peut-être, nous l ’espérons
fermement, justice nous sera faite; nous aurons un
local approprié à nos besoins, et qui puisse répondre à
l ’importance de notre in stitu tio n . Quand nous ne voyons
autour de nous que bon vouloir et sympathie, pourquoi
n'espérerions-nous pas?
Nous sommes fondés à croire aussi, mes collègues et
moi, que, dans un temps peu éloigné, une clinique d ’ac
couchements , établie à l 'H ôtel—Dieu même, viendra
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1860-1861.pdf
73fc051c33b4c80a9dd2fd6ce76535cc
PDF Text
Text
En suivant ces conseils, que vous aurait mieux fait
apprécier une voix plus connue et plus exercée que la
mienne, vous ne tarderez pas à acquérir la véritable
santé morale et intellectuelle.
Messieurs, je ne dois pas oublier que cette solennité
est surtout destinée à la distribution des récompenses
méritées par quelques-uns d ’entre vous. Pour ne plus
abuser d ’une impatience bien légitime, je me borne à
féliciter ces heureux lauréats, au nom de l’Université et
de M. le Recteur de cette académie, à leur rappeler cette
devise toute française : Noblesse oblige, et à leur répéter,
ainsi qu’à vous tous , ces trois mots inscrits par les
sociétés modernes sur le drapeau de la civilisation :
Honneur, courage et travail !
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
s '& a a ,
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
1860-1861
'A p rè s ce discours, M. Coste, d irecteur, a d o n n é
lecture de son com pte r e n d u des trav au x d u ra n t
l’a n n é e expirée et a p roclam é les prix ob ten u s par
les élèves de l'École.
ET 06 t ’ ÉCOe.6 PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE M A R SE IL L E .
L is te des P r ix .
É t u d ia n t s ex M é d e c in e .
Prix de l re année : M. IJauvergne, Anatole.
Prix de 2“° année : M. Maurin, Ernest.
Prix de 3“' année: M. Nicolas, Louis-Ém ile.
É t u d ia n t s en P h a r m a c ie .
Le prix a été partagé entre MM. Passebois, Paul et Coste
Samuel-François.
A IX ,
,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE,
ruk d ’italie , 9.
1860 .
�En suivant ces conseils, que vous aurait mieux fait
apprécier une voix plus connue et plus exercée que la
mienne, vous ne tarderez pas à acquérir la véritable
santé morale et intellectuelle.
Messieurs, je ne dois pas oublier que cette solennité
est surtout destinée à la distribution des récompenses
méritées par quelques-uns d ’entre vous. Pour ne plus
abuser d ’une impatience bien légitime, je me borne à
féliciter ces heureux lauréats, au nom de l’Université et
de M. le Recteur de cette académie, à leur rappeler cette
devise toute française : Noblesse oblige, et à leur répéter,
ainsi qu’à vous tous , ces trois mots inscrits par les
sociétés modernes sur le drapeau de la civilisation :
Honneur, courage et travail !
'A p rè s ce discours, M. Coste, d irecteur, a d o n n é
lecture de son com pte r e n d u des trav au x d u ra n t
l’a n n é e expirée et a p roclam é les prix ob ten u s par
les élèves de l'École.
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
s '& a a ,
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET 06 t ’ ÉCOe.6 PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE M A R SE IL L E .
L is te des P r ix .
É t u d ia n t s ex M é d e c in e .
Prix de l re année : M. IJauvergne, Anatole.
Prix de 2“° année : M. Maurin, Ernest.
Prix de 3“' année: M. Nicolas, Louis-Ém ile.
É t u d ia n t s en P h a r m a c ie .
Le prix a été partagé entre MM. Passebois, Paul et Coste
Samuel-François.
A IX ,
,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE,
ruk d ’italie , 9.
1860 .
�SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE
THEOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET QE L'ÊCÔLE PRÉ.PARAT’ôtftE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE M A R SEILLE.
La séance so lennelle de re n tré e des Facultés de
Théologie, de D roit et des Lettres d ’Aix, a eu lieu le
22 n o v e m b re 1 8 6 0 ,d an s la g ran d e salle de la Faculté
de D ro it, sous la présidence de M. D esclo zeaux ,
R ecteur de l ’A cadém ie.
U n g ran d n o m b r e de m agistrats, d ’ecclésiastiques
et d 'a u tre s p erso n n e s notables de la ville assistaient
à celte c é ré m o n ie , qui a été p récédée de la messe
du S a in t-E sp rit, et h o n o ré e de la présence de Mgr.
C h alan do n , arch e v ê q u e d ’Aix, d ’Arles et d ’E m b r u n ,
de M. S ig au d y , p ro c u re u r g é n é r a l , de M. Rigaud,
m aire d ’Aix, m e m b r e du corps législatif, de MM.
�Bédarrides et Clappler, présidents de c h a m b re , et
de MM. P. Roux el J. Barges, adjoints à la Mairie.
M. le Recteur a d o n n é la parole à M. Bonafous,
professeur à la Faculté des Lettres, qui s ’est e x p rim é
eu ces term es :
Messieurs ,
Appelé «à prendre la parole devant une assemblée qui
réunit l’élite de notre population à la jeunesse intelli
gente de nos écoles, je comprends tout l’honneur, mais
aussi tout le péril de ma tâche. Si votre bienveillance me
rassure, je sens d ’un autre côté que la délicatesse de
votre goût et la distinction de votre esprit vous donnent
le droit d ’être difficiles ; et je ne reprends confiance que
dans l’espoir que vous viendrez en aide à la faiblesse
de l’orateur, et que vous le rendiez suffisant à force
d ’indulgence.
M. leRecteurMottet, qui, dans une retraiteque lui seul
a jugée nécessaire, a été suivi de nos regrets les plus vifs,
avait songé à donner un nouvel attrait à celte réunion
solennelle, afin de la rendre plus digne de votre assis
tance, et d ’inaugurer notre enseignement par une séance
qui n ’eût pas un caractère trop administratif. Il savait
que dans l’Académie de Caen cet usage avait été déjà
établi par un Recteur doué d ’une haute sagesse et d ’une
initiative féconde, q u ’un long séjour parmi nous et de
sympathiques liens nous avaient appris à connaître, et
que nos vœux appelaient déjà, avant que le choix de
S. M. l’Empereur et la confiance de S. E. M. le Ministre
de l’Instruction publique l ’eussent placé à notre tête.
M. Desclozeaux vient aujourd'hui présider à celte nou
velle institution, de sorte que sa présence parmi nous a
été, pour ainsi dire, précédée par ses actes, el que je me
présente à vous sous le patronage de deux des fonction
naires les plus éminents et les plus éclairés de l’Uni
versité de France.
Ces considérations sont pour vous, Messieurs, des
garanties de l’opportunité de cette institution ; mais
elles aggravent ma responsabilité, et m ’imposent la
nécessité des plus grands efforts, de peur que je ne dis
crédite du premier coup un usage sanctionné déjà dans
votre pensée par l ’autorité de ceux qui l’ont établi, et
par le succès q u ’il a obtenu ailleurs. Mais comment
répondre à votre attente? Dois-je traiter une question
littéraire, vous parler des Grecs et des Latins, ou de
ces auteurs des deux siècles derniers, qui méritent déjà,
par la puissance de leurs créations ou par 1 originalité
de leurs imitations, l’honneur d ’ètre comptés parmi les
anciens? Je le ferais volontiers, si je ne savais que je
parle devant des maîtres, et q u ’en faisant appel à leurs
souvenirs, je ne pourrais me faire écouter q u ’en éclai
rant ce q u ’ils savent déjà par la hauteur des vues ou par
l’élégance de la diction. J ’aime mieux imiter le poète
Simonide, qui, découragé par les difficultés du sujet, se
rejeta sur l’éloge de Castor et de Pollux. Simonide trouva
son salut dans la protection des Dioscures. Puissé-je
trouver le mien dans les sympathies que doivent exciter
�—
6
—
dans vos cœurs les souvenirs d ’une des plus célèbres
institutions de la ville d ’Aix. Je me propose de vous
parler de son ancienne Université, et dans un temps où
la loi prescrit une sévère révision des titres de noblesse,
je ne crains pas de vous exposer les nôtres, qui sont
aussi ceux de votre ville, et par conséquent les vôtres.
La ville d ’Aix dut à son titre de colonie romaine et à
l'influence de Marseille sa voisine un heureux mélange
de politesse et d ’urbanité. Elle fut un des plus beaux
ornements de celte Province Narbonaise, à laquelle,
selon Pline (III, 4), une agriculture avancée, la dignité
des mœurs et les vertus des habitants, avaient fait don
ner le nom de seconde Italie. Devenue plus tard la capi
tale de tout le pays situé entre les Alpes-M aritimes, la
Durance et le Rhône, elle soutint avec honneur l’éclat
de sa nouvelle dignité, et jusqu'à la Révolution de
1789, elle se maintint au premier rang par les vertus et
les lumières de son clergé, la science du droit et de la
médecine, la culture des lettres et des beaux-arts.
On ne saurait douter que bien avant la fondation de
son Université, elle n ’ait eu des écoles publiques, dont
la renommée attirait des provinces éloignées les enfants
des plus nobles familles. I ldefonse Ier, comte de P ro
venue, y avait établi en 1 100 une académie générale des
sciences, où St. Jean de Matha, le saint fondateur de
l’ordre des Trinitaires, vint étudier les belles-lettres.
Le'savant canoniste Durand, évêque de Mende, y prit
le grade de docteur en 1200, et un des jurisconsultes
les plus éminents du moyen âge , Rellevue, en 1300.
L ’un des syndics de la ville, Durand Giraudi, lsn ard -
Isnard et Bérenger Thibaut, ces deux derniers portant
le titre d 'avocats cm conseil, y reçurent le bonnet de doc
teur en droit, de 1320 à 1332. Nos archives ont aussi
conservé les noms de quelques professeurs antérieurs
à l'Université, de sorte q u ’il nous serait facile , si le
temps et la circonstance nous permettaient quelques
recherches d ’érudition, de rétablir les annales de ces
anciennes écoles, ju sq u ’au jour où Louis II, roi de Sicile
et de Jérusalem et comte de Provence, vint leur donner
une constitution définitive et organiser l’Université.
Quelques nuages cependant couvrent les origines de
cette institution. Dans l’année 1536, l ’armée de CharlesQuint envahit la Provenee, et vint occuper la ville d ’Aix.
Le rival de François Iür fut même sacré roi de Provence,
dans l’église métropolitaine de Saint-Sauveur. Pendant
le séjour de cette armée, dont l’indiscipline devait b ien
tôt causer la ruine, les archives de 1 Université furent
pillées et détruites, et ce fut par un hasard providentiel
que la copie de ses deux diplômes les plus précieux fut
sauvée de la destruction générale. Nous possédons e n
core, ou manuscrites dans les archives de la ville, ou
imprimées en tète des anciens statuts, les copies a u
thentiques de la bulle du pape Alexandre Y, en date de
l’année 1409, et une charte de Louis II, comte de P ro
vence, en d a te d e l’année 1413, relatives l’une et l’autre
à la fondation de l'Université d ’Aix.
De la comparaison de ces deux titres il résulte, ainsi
que l’a fort bien remarqué M. H eniucy , auteur d ’une
excellente notice sur notre Université , que la première
pensée de cette institution doit être attribuée à Louis IL
�8
—
Le pape Alexandre V le dit expressément dans sa bulle
de confirmation, en termes trop honorables pour la ville
d ’Aix pour ne pas être rapportés ici : « Et comme ledit
« roi nous a exposé depuis longtemps que la ville d ’Aix,
« soumise à sa puissance est une ville illustre, po pu « leuse et abondante en vivres, eminens, populosa et
« abundans in victualibus, et propre aux études géné« raies; que d'ailleurs elle possède quelques profes« seurs en écriture sacrée et un grand nombre de
« docteurs et d ’ecoliers en droit canonique et civil, etc.,
« nous avons voulu donner aux actes dudit Roi l'appui
« et la force de la confirmation apostolique. »
Les statuts et les privilèges de l 'Université d ’Aix fu
rent absolument semblables à ceux de l ’Université de
Paris et de Toulouse. C ’étaient les deux plus célèbres
Universités du royaume de F ran ce, et l'Université
d ’Aix, placée au troisième rang, suivit de près ces
illustres rivales, par le nombre de ses disciples et le
savoir de ses maîtres. C'est par elle que les études se
soutinrent toujours à un niveau élevé dans notre belle
Provence, et que la patrie des troubadours ne brilla pas
seulement par la poésie et les charmes d ’une imagina
tion délicate et fleurie, mais aussi par l’honneur d ’une
culture profonde des sciences les plus nécessaires à la
société civile.
L ’Université, avant, pourvu par de sages règlements
aux intérêts des études et de la discipline, fut établie
par le conseil municipal dans une maison que la ville
possédait devant l’église métropolitaine de St.-Sauveur.
C ’est ici, dans le local même oii j ’ai l'honneur de parler,
9 —
que fut inaugurée, il y a déjà 44G ans, une institution
dont les destinées devaient être si brillantes, et qui fit de
notre cité la maîtresse des études de toute la Provence.
Alors, comme aujourd'hui, la séance d ’installation fut
honorée de la présence de Mgr. l’Archevêque d ’Aix et
des membres les plus éminents du clergé; des magistrats
de la Cour souveraine de justice, qui tempéraient la
gravité de leurs fonctions par le culte des lettres et des
sciences ; des officiers royaux délégués d ’un prince ami
des nobles études ; des syndics de la ville et des con
seillers municipaux qui pourvurent avec générosité
aux besoins de l ’Université naissante; des nombreux
écoliers qui venaient de tous les points du pays, de. la
Bourgogne, du Poitou, de l’Anjou et même de la Cata
logne, pour écouter les savantes lectures des professeurs
et des docteurs ; enfin de tout ce que la ville d ’Aix ren
fermait d'hommes éclairés, avocats habiles ou profonds
jurisconsultes, médecins renommés, artistes et poètes,
tous animés d ’un même esprit de bienveillance et de
sympathie , tous convaincus de cette vérité que la
culture des lettres élève les âmes, fortifie les courages
et prépare les grands citoyens.
Le premier chancelier de l 'Université fut l’archevêque
Thomas de Pupio, savant distingué dans l ’un et l’autre
droit. Le chancelier, élu à vie par les libres suffrages
de l’Université, en était le représentant éminent dans
les circonstances les plus solennelles. C ’était en son
nom que se faisait la collation des grades ; c’était entre
ses mains que les nouveaux gradués venaient prêter le
serment professionnel. Depuis la fondation de l’Uni-
�—
10
—
versité jusqu’à la révolution de 1789, les archevêques
d ’Aix ont presque toujours obtenu la dignité de chan
celier. Les catalogues des docteurs, publiés à diverses
époques , ne présentent que trois ou quatre laïques
promus à ces hautes fonctions. L'Université, en mettant
librement à sa tête le pasteur métropolitain, faisait acte
de discernement et de piété : d ’un seul coup elle mani
festait la pureté de sa foi religieuse, et elle s ’assurait
un arbitre puissant, un conciliateur éclairé dans les
querelles qui divisaient quelquefois le clergé et le corps
universitaire.
C’est ainsi, sous l ’influence d ’une foi vive et d ’une
pensée profondément religieuse, que l’Université s était
chargée de l’entretien de la chapelle Sainte-Catherine
à la métropole. C ’est là qu elle faisait l’élection de ses
officiers et suppôts, et q u ’elle procédait à leur installa
tion solennelle; q u ’elle tirait les points ou questions sur
lesquels devait porter l ’argumentation des candidats;
q u ’elle assistait à la messe tous les dimanches et jours
de fêles, et que se trouvait la sépulture commune de
tous les docteurs et écoliers qui n ’avaient pas de tombeau
de famille.
Les anciens statuts et privilèges accordés à l ’Université
d ’Aix par Louis II, son fo nd ateu r, présentent un carac
tère étrange de haute raison , de bon sens pratique et de
naïveté. A coté des sages institutions empruntées aux
statuts des Universités de Paris et de Toulouse, se trou
vent des usages singuliers, sanctionnés par l ’autorité
du Prince, qui font sourire notre gravité un peu gour
mée, et dont le rétablissement pourrait compromettre
la dignité de nos robes et la sévérité de notre maintien.
Je ne parlerai pas des collations et salades que le rec
te u r, les professeurs et les écoliers devaient payer en
mainte occasion ; des mimes et menestriers gravement
introduits dans la chapelle de Sainte-Catherine pour
procurer à l’assemblée d ’agréables, mais peu chrétiennes
distractions ; des danses que les écoliers étaient tenus,
sous peine de mulcte et de châtiment, de donner aux
dames de la ville. Je vous demande seulement la p er
mission de vous lire le tilre intitulé : De Charivarino
fiendo dominis sludenlibus ducenlibiis vxorcm :
« Nous ordonnons et statuons que si M. le Recteur
« se marie dans le temps de son rectorat, il paie deux
« cierges en l'honneur de Dieu et pour le service de la
« messe, du poids de deux livres chacun; et s ’il prend
« une veuve, il payera le double, afin que Dieu ait les
« époux en sa sainte garde. »
Suit l’énumération des droits que doivent payer, en
cas do mariage, les professeurs, docteurs, licenciés,
bacheliers, ju squ ’au bedeau qui doit payer un florin, et
deux, s ’il prend une veuve.
Mais une loi, un règlement n ’ont de force q u ’autant
q u ’ils sont soutenus par une sanction pénale. Louis II
ne l’avait pas oublié, et il ajoutait: De même, nous
statuons et ordonnons que si quelqu’un des susdits
refusait de payer les droits de charivari établis pour
droits de messe, il soit fait contre lui une exécution
ainsi que le veut l’usage, et comme il fut fait à M. Jour
dan d ’Abrici, juge-m age de Provence, qui refusait de
payer, car en pareille matière, il n'y a exception pour
�personne ; et que M. le promoleur fasse ces exécutions
avec MM. les étudiants, sur l’ordre de M. le recteur, au
moyen de poêles, casseroles, conques et cornets, cum
sartaginibus, bassinis et cornuis clamantibus sive corneis;
et q u ’ils fassent beaucoup de bruit, sans faire tort aux
voisins; et facianl multum tumdlum non ferendo injuriam
viciais.
Ces usages nous paraissent bien surannés, pour ne
rien dire de plus. Ils trouvent leur excuse dans les in
tentions de Louis II, qui, en multipliant les privilèges
et les obligations réciproques des maîtres et des disci
ples, voulait fondre en un seul corps tous les membres
de la famille universitaire, et les faire, pour ainsi dire,
vivre d ’une vie commune. Avouons-le d ’ailleurs, nos
habitudes plus graves et plus dignes séparent un peu
trop les élèves de leur professeur ; le corps universitaire
manque de cohésion ; et c’est pour remédier à cet i n
convénient que la sagesse du Ministre de l ’Instruction
publique a institué, auprès des diverses Facultés, des
conférences qui établissent, entre les professeurs et les
élèves, des rapports plus intimes,et diminuent la dis
tance qui sépare les bancs de la chaire.
Les statuts de l’Université dépouillèrent peu à peu
leur antique rudesse. Des réformes , qui laissaient
subsister les dispositions essentielles et fondamentales,
amenèrent insensiblement, dans les usages et dans les
règlements, une politesse plus élégante, une instruc
tion plus utile et plus étendue. Les deux anciennes
Facultés de Théologie et de Droit virent successivement
augm enter le nombre de leurs professeurs ; et en 11G2,
— 13 —
1 institution d ’une chaire d ’anatomie annonça la création
d ’une Faculté de Médecine , qui ne fut néanmoins
établie q u ’en 1510. Plus tard, en 1557, les chirurgiens
et les pharmaciens furent aussi agrégés à l'Université.
Les professeurs, suffisamment rétrib u és, grâce aux
fondations royales et à la munificence de la ville, riva
lisèrent de zèle, et jetèrent un grand éclat sur la com
pagnie par la profondeur de leur enseignement et les
qualités des ouvrages q u ’ils publièrent.
Il me reste, Messieurs, à vous faire connaître l ’orga
nisation de cette Université, dont nous nous efforçons
de continuer les honorables traditions. Je vais décrire
l’institution telle q u ’elle était vers la fin du XVIIme
siècle, au moment où les réformes faites sous l ’admini
stration du cardinal Grimaldi venaient d ’améliorer d ’une
manière notable l’ancien statut et de développer les
différentes branches de l’enseignement.
Sous l’éminente autorité du Chancelier, l’Université
était dirigée par un Recteur, qui avait joint à son titre
celui de Primicier, et qui n ’était plus, comme autrefois
un simple écolier, mais un Docteur agrégé en la Faculté
de Droit. À la suite du Recteur venaient, dans l ’ordre
suivant, un syndic ou acteur, un trésorier, un greffier,
trois bedeaux, un notaire et un imprimeur. Un Conseil,
présidé par le Chancelier, remplissait â peu près les
fonctions de notre Conseil académique. Il se composait
des officiers que je viens de nommer, des douze anciens
de chaque Faculté, de tous les professeurs et des dix
derniers Recteurs Primiciers sortis de charge. Ce corps
nombreux interprétait les statuts , délibérait sur les
�procès ou affaires de l’Université, el jugeait toutes les
querelles survenues entre les Docteurs et les élèves,
qui ne pouvaient décliner sa juridiction, sous peine
d'amende et de radiation de la matricule. Le nombre
des Conseillers nécessaires pour valider une délibération
était au moins de cinquante.
Le mode el le temps de l’élection des officiers, leurs
attributions, leurs devoirs et privilèges, étaient définis
avec une sagesse que nous pourrions encore aujourd’hui
utilement consulter. La vie circulait dans ce corps si
vigoureusement organisé. La discipline était ferme,
mais paternelle. La jeunesse des écoles , turbulente
mais studieuse, n ’allait pas chercher ailleurs des dis
tractions énervantes. Les fêles de l’Université, le mou
vement des études, la multiplicité des examens et des
grades à conquérir, absorbaient toute son activité ; et la
ville d ’Aix elle-même, aujourd'hui un peu trop calme,
et où domine un peu trop la gravité romaine, se mêlait
à I agitation des écoles, et prenait part à ces luttes
ardentes q u ’amenaient la discussion d un point de
doctrine ou le maintien d ’un privilège. Le Parlem ent
intervenait à son tour, et de là résultaient à la fois une
animation plus grande dans notre cité, et des études
plus florissantes; car dans la vie des peuples, comme
dans celle des institutions, le mouvement, c ’est la vie.
L ’Université se composait des trois Facultés de
Théologie, de Droit et de Médecine. Sous le règne de
Henri IV, en 1603, la création du Collège Bourbon, qui
ne fut définitivement agrégé à l’Université q u ’en 1764,
prépara la création d ’une quatrième Faculté, celle des
15 —
Arts, représentée aujourd’hui par la Faculté des Lettres.
Celle-ci, avec la Faculté des Sciences, dont elle s ’est
séparée, en conservant pour elle l’affection qu'on doit
à une sœur, peut être regardée comme le couronnement
de l’enseignement secondaire, et la porte par laquelle
doivent passer tous ceux qui se destinent à des études
spéciales et supérieures.
La Faculté de Théologie avait deux professeurs ,
chargés, l’un d ’enseigner la positive sur le vieux et le
nouveau Testament, suivant les notes et expositions des
Saints Pères, l’autre d ’expliquer la scolastique dans le
sens du Maistre des Sentences. Les professeurs de la
Faculté de Jurisprudence ou de Droit étaient au nombre
de six : trois devaient lire les quatre livres des Inslitutes de Justinien, expliquer tous les litres du Digeste,
comme aussi ceux du Code, et les Nouvelles. Les trois
autres expliquaient les Institutes du Droit Canon, les
distinctions, causes el questions du décret de Gratien,
les titres des décrétales de Grégoire IX, et les aulres
livres du Droit Canon. Ces deux Facultés se sont pro
fondément modifiées de nos jours. D'un côté la Faculté
de Droit a perdu l ’enseignement du DroitCanon, qui est
passé en partie à la Faculté de Théologie ; et celle-ci,
par un heureux accroissement , a vu augmenter le
nombre de ses chaires, et s ’est enrichie du double en
seignement de l’histoire ecclésiastique et de la langue
sacrée.
Est-ce par inadvertance ou par mépris de la vie des
hommes que les cours de la Faculté de Médecine ne du
raient que deux ans, tandis que ceux des autres Facultés
�IG —
en exigeaient qua(re?Ou bien la science de l ’arl de guérir
était-elle moins avancée que de nos jours? Je le croirais
volontiers, quoique la médecine moderne n'ait pas pro
longé d ’une manière notable la vie humaine. Mais une
nourriture plus sobre, des habitudes plus frugales, ve
naient en aide à la science, et l'insuffisance de l’art de
guérir trouvait sa compensation dans l’hygiène d ’une
vie réglée et vertueuse.
Les professeurs étaient au nombre de sept. Un d ’eux
professait la théorie, un autre la pratique , noms suffi
sants alors, et que nous avons remplacés par les appella
tions plus savantes de pathologie et de clinique. Le troi
sième s ’occupait des maladies en particulier, le qua
trième faisait un cours sur les fièvres , qui devaient alors
à leur fréquence l’honneur d ’un enseignement spécial.
Les trois derniers professeurs enseignaient l’anatomie,la
botanique et la chimie, le tout, ajoute le statut, suivant la
doctrine du divin Hippocrate et de Galien, Le professeur
d ’anatomie avait sous ses ordres un arckidiaconus, ou
bachelier, qui répétait en français les traités aux garçons
de pharmacie et à ceux de chirurgie. De plus, quatre fois
par an , il était fait des dissections de corps humain, ou,
à défaut de sujet, de corps d ’animaux. Le public était
invité par des affiches à venir assister à la séance, et le
professeur expliquait l ’organisation du corps à mesure
que le dissecteur opérait.
Les professeurs et le doyen de la Faculté de Médecine
étaient tenus deux fois par an, savoir la semaine des
Rameaux, et le premier du mois de septembre, d ’aller
visiter les boutiques des apothicaires ( si je ne parlais
17
d ’après le statut, je dirais les officines des pharmaciens),
pour voir si elles étaient pourvues des médicaments sim
ples , et des compositions nécessaires et en usage. Le
procureur général du roi et les consuls de la ville de
vaient être avertis de ces visites, pour y assister s ’ils le
jugeaient convenable.
Parmi les obligations communes aux professeurs des
différentes facultés , il en est une q u ’il n ’est pas permis
d ’oublier en ce moment. Je cite les propres paroles du
statut : « Les professeurs seront tenus en chaque faculté
de faire la harangue pour l ’ouverture des classes, cha
cun à tour de rôle , commençant par le plus ancien , sans
aussi pouvoir substituer aucun simple docteur pour la
faire. » Tout en félicitant la sagesse deM. leRecleur d ’a
voir fait revivre et d ’inaugurer aujourd’hui un usage si
respectable, permettez-moi de regretter que le règle
ment ait été modifié en ce qui concerne la prérogative de
l’âge. Vous auriez enten d u, Messieurs, des voix plus
éloquentes et plus autorisées que la mienne , et au lieu du
périlleux honneur de p arle r, j ’aurais eu , comme vous ,
le plaisir de les entendre.
La collation des grades dans les différentes facultés
se faisait alors, à peu de chose près , de la même
manière q u ’aujourd’hui ; mais les épreuves étaient plus
solennelles et plus difficiles. Elles attiraient un grand
concours d ’argum entants et de curieux, et les grades
étaient conquis, on peut le dire, à la pointe de l ’épée.
Nos candidats , qui se plaignent tous les jours de la
difficulté des examens et de la sévérité des professeurs,
seraient effrayés, si j ’avais le temps de leur faire con2,
—
—
�— 18 —
naître les tentatives, examens, disputes, recollions de
points, visites, harangues, cérémonies religieuses, enfin
toute cette série d ’épreuves, ces nombreuses redoutes
que leurs devanciers étaient obligés d'emporter avant
de pénétrer dans le corps de la place, et d ’obtenir ces
couronnes et ces palmes vivement disputées. Les
épreuves étaient alors un véritable combat, et la salle
des examens une arène publique, oii argum entants et
argumentés se disputaient chaudement la possession du
drapeau. Aujourd’hui, nos salles d ’examens ne sont
plus une arène, mais une espèce de champ clos, où le
candidat ne se trouve plus en présence que de ses juges
et de quelques rares curieux, dont la plupart viennent
s ’aguerrir pour un combat prochain par le spectacle de la
lutte. Si nos grades universitaires ne se confèrent plus
avec autant de solennité q n ’autrefois, les épreuves n ’en
sont pas moins sérieuses. Les dernières modifications
du programme du baccalauréat sont toutes faites dans
le but de constater et de récompenser les études ré
gulières et complètes. Nous en éprouvons déjà les
heureux effets. La proportion des candidats admis aug
mente depuis quelquesannées, et des examens brillants,
de plus en plus nombreux , viennent tempérer les
fatigues de notre ministère.
Le nombre de ceux qui succombent est sans doute
encore bien grand. Ce n'est pas sans un sentiment de
douleur et de pitié profonde que nous comptons les morts
après chaque session , et ceux qui sont tombés au
premier choc, sous le feu des épreuves écrites, et ceux
qui sont restés sur la brèche des épreuves orales. Il
19 —
n'en était pas ainsi autrefois ; les décès, que par eu
phémisme nous appelons ajournements, étaient beau
coup plus rares, tandis q u ’aujourd hui la vie et la mort
se font une part égale.
Est-ce à dire que l’instruction soit de nos jours audessous de ce q u ’elle était alors? Non, Messieurs, et je
ne voudrais pas, pour mon compte, calomnier un siècle
qui a produit et voit naître tous les jours tant de mer
veilles dans la science et dans la politique, et où, sous
l’heureuse influence d ’une religion sainte et de bonnes
lois, la société civile est plus digue, plus heureuse et
plus solidement établie q u ’elle ne la jamais été. Mais les
progrès rapides des connaissances humaines; les rap
ports se multipliant entre les peuples et les fondant peu
à peu en une seule et grande famille; l’histoire, à
laquelle les travaux de l’érudition et les événements
contemporains ajoutent chaque année des pages nou
velles; la géographie, dont le domaine est sans cesse
agrandi par des voyageurs intrépides; cet élan vigoureux
de la science, qui semble ne vouloir laisser à la nature
aucun do ses secrets; enfin, ce grand mouvement des
choses et des idées , ont considérablement élargi le
programme de nos études, et rendu les grades univer
sitaires plus difficiles à conquérir. L ’instruction générale
a gagné en étendue ce q u ’elle a perdu en profondeur.
Les élèves de l’ancienne Université savaient moins de
choses que les nôtres ; mais celles q u ’ils étudiaient, ils
les savaient mieux ; ils combattaient sur un terrain plus
circonscrit, mais plus solide.
Aussi les candidats ne cherchaient pas à cacher la
�—
20
—
houle d ’une défaite dans une université lointaine.
D'ailleurs, cela ne leur était pas permis. Un édit du roi
René, en date du 17 novembre 1460, obligeait les
jeunes gens de ses états à recevoir l’enseignement dans
l’université d ’Àix, à peine contre ceux qui ne s ’y ren
draient pas, de cent marcs d ’argent fin pour les laïques,
et de la perle du temporel pour les ecclésiastiques. Il
n ’y avait donc pas alors de ces candidats voyageurs, qui,
les yeux tournés vers tous les points de l ’horizon,
suivent avec intérêt les statistiques des admissions et
des rejets, espérant découvrir quelque faculté plus in
dulgente, pour aller y présenter le mince bagage de
leur instruction superficielle: chevaliers e rra n ts, qui
veulent bien disputer le prix du combat, à condition
que la belle princesse ne sera pas entourée de tours et
de dragons terribles, c'est-à-dire, que le diplôme ne
sera pas protégé par trop de boules noires, menaçantes
seulement pour la paresse. Mais ils trouvent partout
bonne et égale justice. Ce sont des malades qui chan
gent de position sans en éprouver du soulagement ;
tandis que le candidat, qui a fait des études sérieuses,
n ’a pas besoin de changer d ’air, et s ’accommode de tous
les régimes.
L ’Université d ’Àix fut fermée au commencement de
la révolution française, non par un décret spécial, mais
par les malheurs du temps. Dans le long et douloureux
enfantement d ’un nouvel ordre de choses , et de ces
institutions civiles qui font aujourd’hui notre honneur
et notre sécurité, les lettres gardèrent un morne silence,
bien sûres de reprendre leur rang et leur parole aimée,
— 21
dans des temps meilleurs, et lorsque la tempête aurait
cessé de gronder. Elles trouvèrent un asile dans les
écoles centrales, et dans le zèle individuel de quelques
hommes instruits, vénérables débris des anciens corps
enseignants.
Mais la main puissante qui releva toutes les ruines, et
qui reconstruisit l ’édifice social, rétablit l’Université
dans son ancien lustre, le nouveau C harlem agne,
Napoléon Ier, rendit à la France l’empire par la victoire,
l’exercice de la religion par le concordat, les droits de
fous et à la garantie de toutes les propriétés par un
Code qui çert de modèle à celles des nations étrangères
qui ne l ’empruntent pas en entier, et à l’instruction
publique une organisation puissante et féconde par des
décrets, j ’ai presque dit des capitulaires, qui firent de
nouveau circuler la vie dans le corps enseignant. Il
rendit, ainsi, aux m œurs leur dignité, à l’esprit sa pa
rure, et à la société française le premier rang dans la
civilisation du monde. Autour de l’université de Paris,
gravitèrent des universités provinciales , satellites
lumineux, éclairés des rayons de ce foyer ardent, et
continuant, sous le nom d ’académ ies, l’œuvre des
écoles illustres q u ’elles étaient appelées à remplacer.
L'académied’Aix fut immédiatement dotée de deux de
ses anciennes facultés , la Faculté deThéologie et la F a
culté de Droit. Elle perdit-sa Faculté de Médecine. Une
haute prévoyance, et des considérations q u ’il serait trop
long de développer ici, placèrent les écoles de l’art de
guérir dans des villes q u ’une antique renommée, l’im
portance de la population , ou des convenances locales
�—
22
désignèrent au choix du gouvernement. La Faculté des
Arts fut remplacée par une Commission des lettres,établie
au lycée de Marseille,pour mettre le baccalauréat à la por
tée des élèves de la Provence. Mais sous 1 habile et féconde
administration deM.deSalvandy,dont lenom sera toujours
en honneur dans 1 Université de France, la cité d'Aix vit
reparaître son ancienne Faculté des Arts; elle rentra dans
ses foyers sous un nom nouveau , et reçut de cette ville
généreuse un accueil sympathique, dont le souvenir vit
dans nos cœurs, car votre bienveillance l'entretient et le
renouvelle tous les jours.
L ’Université a eu à traverser naguère des jours d ’orage
et de tourmente. On la menaçait de la désaffection des
pères de famille; mais; forte de ses intentions et de
la confiance de ses chefs, elle n'a jamais douté d'ellemême, et elle a répondu à des attaques faites de bonne
foi, mais le plus souvent injustes , par de sages réformes
et par des efforts nouveaux. Sous le règne de Napoléon III,
autour duquel se sont groupées toutes les espérances du
pays , qui a pacifié les esprits et rendu à la France le
premier rang q u ’on commençait à lui contester, une ère
nouvelle de force et de prospérité commence pour l’U ni
versité. Nos lycées sont peuplés d ’élèves, nos Facultés
sont florissantes; nous vivons en paix avec les Pontifes et
les ministres d ’une religion vénérée, et notre conscience
rassurée n ’a plus que les préoccupations du devoir et de
la dignité de nos fondions. Le ministre, qui préside à
nos destinées, veille sur nous et sur nos institutions. Sa
providence est partout présente, et l’Académie d ’Aix a
déjà reçu des preuves de sa bienveillance libérale. La Fa-
23 —
culte des Sciences de Marseille a vu un enfant de la ville
d ’Aix appelé à propager, dans une chaire nouvelle, une
science qui le compte au nombre de ses maîtres. L’École
préparatoire de Médecine et de Pharmacie a reçu une or
ganisation nouvelle et de plus larges attributions, de
sorte q u ’elle n ’a plus à désirer que le nom de Faculté.
L ’Académie d ’Aix n ’a donc rien à envier aux seize aca
demies ses rivales et ses sœurs, et sous l 'heureuse direc
tion du fonctionnaire éminent qui 1 éclaire de sa sagesse
et de son expérience des plus hautes affaires, sa dignité
ne peut que grandir de jour en jour. Dans une ville rem
plie des souvenirs de notre ancienne Université, nous
nous sentons pleins de force et de sécurité. A l’œuvre
donc, maîtres et disciples , et que ces glorieuses tradi
tions , qui sont l’objet de notre culte , soient aussi le sou
tien de notre émulation.
A près le discours de M. Bonafous, M. le R ecteur
s’esl e x p rim é ainsi :
M essieurs ,
Vous venez d ’entendre une histoire intéressante et
bien dite de la vieille Université d'Aix. Le récit des ins
titutions anciennes , comme celui de tous les faits
passés, est plein de charme et de sérieuse instruction.
C ’est un goût de notre siècle de se plaire dans le sou
venir des âges qui ne sont plus. Autrefois, on respectait
�— 24 —
ce qui était vieux , aujourd'hui no n-seulem en t on
vénère, mais on aime le passé, ses m onuments, ses
traditions et ses légendes. 11 semble, en effet, q u ’il
appartienne au temps, qui toujours fuit, de m arquer
cependant d ’un sceau indélébile ce qui doit durer. H
couvre nos vieux édifices de ces couleurs poétiques qui
les embellissent et nous font rêver; il donne je ne sais
quoi d ’achevé aux œuvres du génie. On se plaît surtout
aux vieilles mœurs, aux habitudes de nos pères ; mais
ces récits qui plaisent, instruisent en même temps. En
faisant revivre le passé, on éclaire le présent. Les
hommes de notre génération ont surtout besoin de
se rappeler ce qui n ’est plus. Les révolutions ont
toujours cet effet, de creuser comme un abyme entre
les temps anciens et les temps nouveaux. L ’ignorance
croit que tout date de l’instant où ces crises sociales
se sont accomplies. Tout ce qui les précède est inconnu.
Aussi c’est l’instinct des révolutions, pour arriver à ce
but, de détruire jusqu’aux tombeaux. Cependant, la con
naissance de ce qui régnait dans la société, avant que
cette société fût bouleversée, est utile à tous ceux qui
réfléchissent. Il n ’y a d institutions sages que celles qui
ont duré, il n ’y a d'institutions fécondes que celles qui
ont de vieilles et fortes racines dans le passé. Aussitôt
que le calme s ’est fait dans la société française, à la voix
du génie, voyez comme ont reparu ces deux grandes
forces du pays, la magistrature et 1 université. (Je ne
parle pas de la religion, elle est d ’institution divine, elle
ne revit pas, elle vit toujours ). Malgré le changem ent
des mœurs, malgré, disons-le, le progrès des lumières,
— 25 —
le vieil esprit anime les magistrats et ceux qui ensei
gnent la jeunesse: à travers bien des bouleversements
et des crises, s ’est conservé chez eux le goût pour la
simplicité, la sévérité des mœurs, et un dévouement
tout particulier aux devoirs. Cette simplicité des
premiers temps, que l’élégance de nos mœurs a dû
effacer, a cependant inspiré une certaine austérité qui
se conserve encore. Le procureur général ne va plus,
comme autrefois, dans les parquets des parlements,
prendre dès quatre heures du matin sa lanterne, afin de
chercher au barreau un avocat pour le roi; mais nous
savons avec quelle vigilance les procureurs généraux
veillent à ce que dans le sein du ministère public les
intérêts de l’E m pereur et de la société soient dignement
représentés. Enfin, si l’Université d'Aix ne tolère plus
les charivaris, que notre excellent orateur a presque
élevés au r a n g d ’institution; il reste, de celte trop grande
familiarité entre les maîtres et les élèves un sentiment
d ’union entre tous, et ce q u ’on nous donne en déférence,
nous le rendons en affection.
Suivons donc les anciens errements, Messieurs, dans
ce q u ’ils avaient de bon et de noble. Inspirons-nous des
traditions du vieux tem ps; elles étaient fortes et origi
nales, mais il faut les adoucir, en les mettant d ’accord
avec une civilisation plus avancée.
Pendant l ’année qui vient de s ’écouler, et sous un
Recteur dont le souvenir vivra longtemps parmi vous,
les Facultés de l’Académie d ’Aix ont dignement répondu
à ce que devaient faire attendre d ’elles les professeurs
qui les composent. Au zèle, à l’assiduité, ils ont joint
�—
20
l'éclat de la parole et la sûreté de l'enseignement.
Aussi cette Académie a-t-elle pris dans l’Université de
France le rang qui lui appartient; et je savais, quand la
bienveillance de l’Empereur m a placé à sa tète, je
savais ce que j ’y trouverais de talent, et, ce que j ’estime
encore plus, de dévouement au devoir.
La Faculté de Théologie a continué son enseignement
avec l’autorité qui lui appartient et que je voudrais
encore voir augmentée. Un enseignement élevé et sûr a
prouvé l'habileté et la sagesse des professeurs, soit que
l ’un d ’eux ait convaincu les hérésies d ’être des instru
ments d ’erreur et de révolution ; que l’autre ait expliqué
et assuré les droits du Souverain Pontife ; que le
professeur d ’hébreu ait doctement enseigné cette lan
gue, dont l’étude est aussi nécessaire à la religion q u ’à
la philologie ; soit q u ’enfm la science ait été interrogée
avec autorité, et ait fait ces réponses que le monde
instruit connaît maintenant, et qui prouvent que Dieu
a révélé la science aussi bien que la religion.
Dans le sein du conseil académique, AJ. le doyen de
la Faculté de Théologie a émis un vœu que je partage.
Une chaire d ’éloquence sacrée devrait être créée dans le
sein de cette Faculté. Combien il est nécessaire, en effet,
que les jeunes prêtres apprennent à bien dire, et s ’ins
pirent de ces grands orateurs chrétiens qui font la gloire
de la France.1' Le vénérable prélat qui préside au gou
vernement de ce diocèse montre par un illustre exemple
quelle est l’autorité de la parole sacrée, et quels fruits
retirent les fidèles de l’éloquence de leur pasteur.
La Faculté des Sciences de Marseille s ’est fait re
marquer, comme l’année qui a précédé, par l’éclat de
ses cours et par l’assiduité avec laquelle ils sont suivis.
La création de la nouvelle chaire de géologie a été,
grâce à l’habileté du professeur, accueillie avec grande
faveur. Conduit par l ’amour de la science, M. Coquand
a été en Algérie demander au désert, non sans fatigue
et sans danger, des trésors qui sont les véritables con
quêtes de la paix. JJ a montré aux tribus étonnées
quelle était la bravoure des pionniers de la science, qui
s ’avancent sans peur , et demandent à la nature ce
q u ’elle refuse aux timides et aux ignorants. Le courage
du professeur a été récompensé. Une vaste collection
géologique a été donnée à la Faculté des Sciences de
Afarseille, par un ancien conseiller d ’Etat, AI. Carteret,
qui a dispose généreusement, au profit de la Faculté,
d ’un legs qui lui avait été fait par M. Regley, prépara
teur au Muséum d ’histoire naturelle. Que les noms de
ces deux bienfaiteurs de la science soient proclamés
avec reconnaissance! Us trouveront leur récompense
dans le redoublement de zèle des professeurs, dont ils
aident ainsi les travaux.
Les professeurs de la Faculté des Sciences ne se sont
pas contentés de leur enseignement : en se maintenant
par l’envoi fréquent de mémoires en communication
avec l’Institut de France, ils ont montré quelle était
leur ardeur pour le savoir, et ils ont subi heureusement
une influence illustre et féconde.
I^a valeur moyenne des candidats qui se sont pré
sentés aux épreuves du baccalauréat ès-sciences s ’est
élevée. C ’est là, sans nul doute, la preuve do prépara-
�—
28
—
tions plus complètes et plus consciencieuses. En com
parant le chiffre actuel des admissions avec celui des
antres facultés, la Faculté des Sciences de Marseille
paraît plus sévère. Mais je la loue, ainsi que la Faculté
des Lettres de celte juste sévérité. À chacun son œuvre,
à chacun sa responsabilité.
A Marseille, la dernière année d ’études à l ’École de
Médecine a été bien remplie. L ’enseignement théori
que et pratique n ’a rien laissé à désirer. Tous les cours
ont été faits très-régulièrement, et l'assiduité des élèves
a répondu au zèle des professeurs. Les examens de
fin d ’année et ceux beaucoup plus importants qui ont
pour résultat la collation de grades, ont été très-satis
faisants, soit par l’empressement des élèves à se pré
senter aux premiers de ces examens, soit par les notes
obtenues.
L ’École de Médecine de Marseille a des éléments sûrs
de prospérité. Les élèves sont nombreux, et vont s ’aug
menter encore des étudiants venant de Nice.
La ville de Marseille si peuplée, si remplie d ’étran
gers , et où l’on abonde de tous les points du globe, sem
ble devoir être plutôt le siège d ’une Faculté de Médecine
que d ’une École préparatoire. Des hôpitaux si remplis ne
peuvent q u ’attirer des étudiants studieux. C ’est en in
terrogeant toutes les calamités humaines q u ’on apprend
à les combattre. J ’ai lieu d ’espérer que la munificence de
la ville de Marseille et la sagesse de son conseil m uni
cipal comprendront la nécessité d ’élever un édifice con
venable pour y placer l’École de Médecine, et la mettre
dans des conditions qui répondent à son importance.
29 —
Les professeurs de la Faculté des Lettres ont traité
l’année dernière des sujets dignes d ’attirer l’attention et
d ’exciter vivement la curiosité de la jeunesse. Le profes
seur de Littérature ancienne s ’est occupé du théâtre des
Latins, il a très-bien établi que le théâtre n ’a pas été
chez les Romains une institution nationale: le peuple
roi le dédaignait. Une autre cause d ’infériorité (et permetlez-moi ici une courte digression littéraire: on ne
peut trop parler de l’art dramatique, du premier des
arts), une autre cause d infériorité résultait de la ma
gnificence des fêtes publiques , où figuraient les repré
sentations théâtrales, que cette magnificence accablait
loin de les faire vivre. Dès Cicéron , ou était arrivé à ce
réalisme dans les représentations du théâtre qui nous ga
gne m aintenant en France , et qui est si contraire à l’art.
Le drame vit surtout par l’imagination, il doit n ’em
prunter sa réalité q u ’à l’illusion du spectateur. Mieux
valaient les tréteaux de Thespis que les magnificences du
théâtre de Pompée sur lequel défilaient six cents mulets
portant les bagages d ’A gam em non, où se dressait le
cheval de Troie, les flancs remplis de trois mille com
parses, qui avaient vaincu avec le triomphateur. Cicé
ron, qui était p rése n ta ces belles choses, s ’en raillait
avec Marius , homme d ’un goût éclairé qui avait fui tout
ce tapage , et Cicéron portait sur ces représentations à
fracas ce jugem ent si fin: Le spectacle de toutes ces pom
pes nuisait au plaisir. « Apparalus enim spécialio toilebat omnem hilarilalem.»
Le professeur étudiera cette année Horace c'est-àdire, la perfection dans le style, et il expliquera celte
�30 —
tragédie de Philoctète , que Fenélon a traduite avec tant
d ’amour dans son Télémaque.
Le professeur de Littérature Française a fait l’histoire
des mœurs et des lettres en France sous le règne de
Philippe-Auguste et de Saint Louis. II s ’occupera cette
année de la littérature provençale: sujet heureux qui
rappelle les titres de ce pays à la gloire littéraire, et
qui éclaire l ’histoire de la littérature française.
L ’épopée et le drame en Italie ont été le sujet des leçons
des professeursdeLittérature Étrangère,pendant l’année
qui vient de s'écouler. Le cours de cette année aura pour
objet l ’Espagne conteuse, chevaleresque et chrétienne.
II n ’est plus permis d ’ignorer cette grande et belle lit
térature espagnole sur laquelle un écrivain américain,
M. Ticknor, vient de publier d ’excellents travaux, et l’on
doit sourire avec quelque dédain à ce bon mot si connu
de Voltaire: « Je n ’aime pas la littérature espagnole,
parce q u ’il n'y a pour la composer q u ’un seul bon livre
(le Don Quichotte) qui se moque de tous les autres. «
Le professeur d Histoire continuera «à s ’occuper du
XVe siècle, peut-être le plus fécond des siècles, et il en
dira les inventions et les découvertes. Le cours fera
ressortir cette grande et touchante figure d'un homme
bon et simple qui a découvert un monde.
Quant au professeur de Philosophie, après s'être oc
cupé l'année dernière de l’esprit, de sa nature spéciale,
de ce qui le distingue du corps, faisant application de ses
principes, il donnera les hases de la morale spiritualiste.
Ainsi sera complété un enseignement fécond qui éclaire
l'âme et l’améliore.
Je fais connaître ainsi le programme.des coins de
l’année prochaine à nos élèves de l’École de Droit, cl je
leur adresserai ici quelques reproches que me donnent
le droit de leur faire l'autorité dont je suis revêtu et
l’affection paternelle que je leur porte. Je sais qu'ils- ne
suivent pas avec l’assiduité que je désirerais les cours
de la Faculté des Lettres. Je cherche, sans pouvoir la
trouver, la cause de cet éloignement. Je ne puis la trou
ver dans une paresse coupable qui préférerait des dis
tractions puériles et dangereuses à l’immense avantage
de s’entretenir avec les lettrés et les sages. J ’aime mieux
croire q u ’absorbés dans l'étude du droit, ils croient que
tous leurs travaux y doivent tendre. J ’approuve cette
préoccupation qui fait q u ’on consacre presque tous scs
moments à préparer des examens, mais il en est qu'on
peut dérober à l ’ardeur de ses travaux. Les lettres
n’ont jamais été étrangères à l ’élude véritable et ap
profondie du droit. La philosophie, quand on 1 étudie
avec soin, rend plus facile et plus attachante la lecture
des lois romaines. Peut-on bien comprendre l’histoire
du Droit Romain, sans connaître l’esprit de celle philo
sophie stoïcienne qui est entrée dans cette législation
admirable, comme pour ouvrir la voie au christianisme.
Quant à l’histoire, un grand écrivain n'a-t-il pas dit: Il
faut éclairer les lois par I histoire. L ’étude de la littéra
ture peut-elle être étrangère au jurisconsulte? La com
munication avec les lettres, donne le goût de ce qui est
beau, façonne noblement l a m e , et quand vous serez,
mes jeunes amis, appelés plus tard à conseiller vos sem
blables, à leur dire ce qui est juste et bien, vous vous
�— 32
applaudirez devoir acquis celle éducation iotellecluelle
et morale que donnent les lettres, ces bienfaitrices du
genre humain.
L augmentation du nombre des candidats au bacca
laureat ès-leltres constale une réaction heureuse, pré
vue au reste par tous les gens d ’expérience, réaction
tout au profit des lettres. Ajoutons que si un plus grand
nombre de candidats se sont présentés, il y en a aussi
plus d'admis, toute proportion gardée. Et comme la F a
culté des Lettres est juste sans être trop sé \è re , nous
avons la preuve d ’un véritable progrès. Le jury a pu
sortir, dans ses jugements de cette égalité monotone
dans les suffrages qui indique la médiocrité des admis ,
sur 136 candidats reçus, 13 l’ont été avec la mention
assez bien: 8, avec la mention bien, et enfin le très-bien
a été accordé à i candidats.
Quelle que soit l’amélioration obtenue, il faut encore
qu’elle devienne plus sensible ; et, pour arriver à ce ré
sultat. je m ’adresse au bon esprit des pères de familles.
Comme tous ceux qui sont voués à l’instruction publi
que, je me suis très-préoccupé de la différence extrême
qui a existé dans la force des études à diverses époques
de notre histoire. Certainement l’instruction publique
subit plus d ’une espèce d influence. Elle profite de la
paix et de la tranquillité publiques ; tombée pendant la
Révolution, elle a repris sa force, quand l’Université est
sortie de ses ruines. Elle grandit aussi, quand les ques
tions importantes qui se rattachent au sort de l ’homme,
dans cette vie et dans l’autre, se débattent dans la
société ; et l ’on comprend la force des études au XVIe
33
siècle. Mais il est cependant utile de rechercher quelles
méthodes ont été suivies dans divers temps, caro n peut
certainement remplacer une influence salutaire , en
repousser une contraire à l’aide d ’une méthode ration
nelle.
Un livre peu sérieux quant à la forme, mais au fond
duquel est plus d ’un enseignement, nous fait connaître
la cause de la force des études au XVIe siècle. C ’est un
chapitre de Rabelais qui raconte quelle éducation rece
vait son héros par les soins de Ponocrates. La méthode
du précepteur consistait à mêler l’élude à tous les actes
de la vie. Elle tendait aussi à ce q u ’aucune distraction ne
vînt en détourner, ou plutôt à ce que toutes les distrac
tions y ramenassent. On vivait dans l ’étude, elle n ’était
étrangère à rien de ce q u ’on faisait. Lors même q u ’on
allait en promenade dans les prairies, et que le prince
se livrait à la plus grande liesse q u ’on puisse imaginer ,
l’auteur ajoute: « Mais encore q u ’ycelle journée fût
passée sans livres ni lectures, pas elle n ’était passée
sans profit, car en ce beau pré (écoutez ce langage du
XVI0 siècle, c ’est déjà du Malherbe), ils recolloyent par
cœur quelques plaisants vers de l’agriculture de Virgile,
de Késiode..., descrivaient quelques plaisans épigrammes en latin, puis les mettaient par rondeaulx et ballades
en langue française. »
Ainsi l’étude s ’emparait de toute la vie. Que faut-il
conclure de là? C ’est q u ’au XIXe comme au XVIe siècle
les jeunes gens doivent, pour s ’instruire, vivre dans un
milieu studieux. L ’interruptiCn des études, les longues
vacances, les mollesses de la vie domestique ne valent
3.
—
�rien. Il faut les habitudes du lycée, la suite dans les
études, c’est à ce prix seulement, et en suivant les
classes jusqu’à la fin, q u ’on arrive avec calme el avec
fruit aux épreuves du baccalauréat. Sans cela, il n ’y a
qu ’hésita lion, ardeur fiévreuse, mauvaise pour l'esprit,
q u ’elle fatigue. On s'aperçoit immédiatement aux
examens si un élève a fait de bonnes éludes. Ses ré
ponses sont claires, on sent qu'il n ’est ni troublé, ni
surpris, tandis que ceux dont les éludes ont été inter
rompues, el qui ont voulu réparer le temps perdu,
c’est-à-dire, réparer ce qui est irréparable, balbutient,
et font partager aux examinateurs le supplice qu'ils
endurent.
Des professeurs de la Faculté des Lettres iront, cetle
année comme l’année dernière, faire chaque semaine
un cours près la Faculté des Sciences, à Marseille. Cet
enseignement est très-suivi. Grâce aux efforts de l’édililé
intelligente et dévouée qui administre la ville d ’Aix, il
est probable que bientôt un échange d'enseignement
aura lieu entre Aix et Marseille, et que des professeurs
de la Faculté des Sciences de cette dernière ville vien
dront faire des cours à Aix. C ’est une chose très-in
téressante pour l'enseignement supérieur que celte
heureuse rivalité entre deux villes, célèbres à différents
titres. L ’enseignement est toujours modifié par le milieu
dans lequel il est placé. Les auditeurs font ju sq u ’à un
certain point les professeurs. Tout se compense dans
celle double influence. Si la ville d ’Aix est un peu trop
calme, la ville de Marseille est un peu trop tumultueuse.
Ici, plus de goût, là, plus d ’entrain et d'imagination.
— 35
A Aix, un auditoire moins nombreux et dès lors plus
choisi; à Marseille, un auditoire plus nombreux, trèssympathique, et où l'enthousiasme a de l’écho. Le con
traste fait la force, et celle noble émulation ne peut
qu’èlre favorable au développement de l’enseignement
supérieur dans celte Académie.
Les résultats obtenus par l’École de Droit, pendant
le cours de l’année dernière, ont été aussi satisfaisants
que possible. Les professeurs ont pu constater avec une
vive satisfaction que leur enseignement portait ses
fruits. Les examens ont été subis avec distinction. Des
mentions honorables ont été souvent accordées. Le
Doyen, dans le sein du conseil académique, a fait con
naître que l'acte public, couronnement des étu d es,
avait été subi souvent avec éclat el sûreté. Cet heureux
résultat est dû surtout aux conférences, institutions
longtemps négligées dans la plupart des Facultés, et qui
maintenant, à Aix, sont assidûment suivies. Il y a dans
ces entretiens plus familiers, entre le maître et l’élève,
une source certaine d ’instruction, et la garantie que
tout est sû et expliqué.
Le nombre des inscriptions a notam ment augm enté
cette année; cela provient d ’abord du bon renom de la
Faculté, et ensuite de la présence à Aix de jeunes
étudiants de Nice, qui viennent avec empressem ent
puiser aux sources vives de la science. C ’est, j ’en suis
sû r, avec une fraternité affectueuse que nos élèves
accueilleront ces nouveaux venus sur le sol de France
qui, je n ’en doute pas, se montreront dignes de la patrie
qui les adopte. La bienveillance des professeurs leur est
�aussi acquise. Elle leur rendra facile l’aplanissement de
quelques difficultés. Ils trouveront parmi nous indul
gence et justice. C ’est ainsi, Messieurs, que nous con
tribuerons pour notre part à réaliser les intentions
toutes paternelles de l’Empereur, et que nous saurons
faire aimer la France à ses nouveaux enfants.
Le zèle des professeurs de la Faculté de Droit n’a pas
besoin de récompense; nous savons combien il est noble
et désintéressé. Mais l’enseignement du Droit Romain
n ’est pas régularisé dans celte Faculté, une seconde
chaire doit être créée, et nous sommes surs que les
professeurs de l’École de Droit se trouveront bien
récompensés de leurs travaux, s ’ils voient l ’excellent
professeur qu’ils estiment obtenir enfin la situation
définitive q u ’il mérite si bien.
Je ne puis mieux finir, Messieurs, q u ’en appelant le
moment où nos jeunes lauréats vont recevoir leurs prix,
et q u ’en donnant la parole à l’excellent professeur qui
va dire leurs efforts, expliquer et juger leurs travaux.
M. le Recteur a ensuite invité M. Pison, professeursuppléant à la Faculté de D r o i t , à d o n n e r lecture
de son rapport sur les com positions du concours
de 1860.
Monseigneur , M essieurs ,
La Faculté m'a chargé de vous présenter le compte
rendu des concours ouverts entre les étudiants, pour
— 37 —
l’année scolaire 1859-1860. Signaler d ’une manière
sommaire et rapide les mérites et les défauts de chaque
composition , faire entendre de sages conseils à d é je u
nes intelligences désireuses de s ’instruire, donner à
leurs premiers essais des encouragements plutôt que des
éloges, telle est l’utilité , tel est le but principal de ce
rapport.
Aucun mémoire ne nous a été présenté pour le doc
torat. Pour les trois années de licence, vingt dissertations
ont obtenu des prix ou des mentions honorables.
En premièreannée.la question désignéeparlesortétait
ainsi conçue : De la forme et des effets de Vémancipation en
Droit Romain et en Droit Français.
Quatorze étudiants ont pris part au concours. La F a
culté a décerné le premier prix à M. De Laget, de Mar
seille. C ’est sans contredit de tous les candidats celui
qui possède le mieux son sujet et qui le présente de la
manière la plus complète. Il retrouve et sait grouper en-*
semble divers textes épars dans les Institutes et qui con
cernent l’émancipation. S ’il est encore trop nouveau
dans la science pour discuter et approfondir les questions
controversées, il prouve du moins q u ’il les eon n a ît, en
exposant succinctement ce qui fait l 'objet de la difficulté.
Nous regrettons seulement q u ’il n ’ait pas dit un mot de
la constitution de la famille à Rome pour expliquer les
différences, qui séparent la législation Romaine de la
législation Française en matière d ’émancipation. Nous
aurions voulu encore que dans la partie consacrée au
DroitFrançais il précisât m ie u x q u ’il ne l’a fait le double
caractère de l'émancipation, comme mode d'affranchis-
�senient de la puissance paternelle ou de la tutelle , et
comme moyen d ’accroître la capacité du mineur. Mais
même avec ces imperfections la composition de M. De
Laget est encore très-bonne, et suppose des connais
sances acquises par un travail sérieux.
Une exposition claire et méthodique, un style aisé et
correct, une connaissance assez étendue de la matière
ont valu à M. Lepeylre l'honneur du second rang. On
doit encore le louer d ’avoir constamment rapproché les
deux législations, pour faire mieux sentir, à l aide de
ce parallèle continu , en quoi l’émancipation Romaine
diffère de l’émancipation Française. Mais il est inférieur
à M. De Laget sous un double point de vue ; on peut lui
reprocher tout à la fois d ’avoir traité trop superficielle
ment certaines parties de la question et d'avoir laissé
échapper plusieurs erreurs. Sons ce dernier rapport, M.
De La get lui-même n ’est pas irréprochable; mais ici les
inexactitudes sont plus nombreuses, et touchent davan
tage aux principes.
La première mention a été partagée entre MM. Baret
et Bastide, qui se distinguent par des qualités differentes.
Le premier a bien traité surtout la partie du Droit F ran
çais, où, non content d'indiquer les règles générales de
la matière, il aborde certaines questions controversées,
q u ’il d iscute avec assez de verve. Le second au contraire
se recommande principalement par son exposition du
Droit Romain , où les textes de Gaïus et cl ‘Ulpien sont
fréquemment cités et toujours à propos. Le mérite réel
de ces deux compositions fait regretter plus encore les
imperfections que l’on y rencontre. Outre plusieurs
39 —
omissions dans l une et dans l’autre , outre une erreur
commune à toutes deux et qui consiste à faire intervenir
le magistrat dans la mancipation , il faut relever chez M.
Baret une assez longue digression et chez M. Bastide
quelques appréciations erronnées des motifs du législa
teur.
MM. Fa’s sin et Mille ont obtenu la seconde mention ex
œquo. L ’œuvre de M. Fassin est sage et bien ordonnée;
elle décèle en général chez son auteur une saine intel
ligence des principes, qui sont bien mis en lumière,
mais sans aucun développement: c ’est plutôt un bon
cadre de dissertation q u ’une dissertation véritable.
M. Mille au contraire est parfois d ’une prolixité fâ
cheuse, qui jette du désordre dans les détails. Du reste,
on sent, en le lisant, q u ’il a étudié la question avec
assez de soin ; nous avons surtout remarqué un bon
parallèle des deux législations, qui termine son travail
et qui lui sert en même temps de résum é. MM. Fassin
et Mille nous ont prouvé qu'ils sont capables de bien
faire. Puissent-ils par des efforts persévérants s ’assurer
cette année un succès plus complet !
Les candidats de seconde année, au nombre de dixhuit, avaient à traiter: De l'action en réduction.
M. Laurin occupe la première place, q u ’il partageait
l’an dernier avecM. Reboul Maurice, et q u ’il conserve
seul celte année. 11 divise son sujet d une manière in
telligente, l’examine sous toutes ses faces, étudie et
discute les principales questions controversées, qui en
naissent. Il ne se contente pas d ’expliquer la lettre de
la loi avec sagacité; il nous fuit connaître encore les
�— 40 —
motifs et la pensée du législateur. Des négligences de
style, de temps en temps un peu d ’obscurité dans l'ex
pression, une erreur sur le droit de lester d ’après la
législation coutumière, telles sont les seules taches que
nous ayons à signaler dans le travail de M. Laurin.
La composition de M. Vacher, qui a mérité le second
prix, est peu inférieure a la précédente : la forme même
en est meilleure, et quant au fond elle est à peu près
aussi complète et aussi exacte. L ’omission de l’art. 866
et plus encore l’explication imparfaite d ’un texte im
portant, l’art. 921, ont empêché M. Vacher de partager
le premier prix avec M. Laurin. 11 n ’avait obtenu, en
première année que la deuxième mention ; il s ’élève
presque au premier rang cette année ; q u ’il nous soit
permis de le féliciter d ’un tel succès uniquement du à
des habitudes laborieuses , qui ne se sont jamais
démenties.
A peine trouve-t-on quelques nuances entre les deux
dissertations précédentes et celles de MM. Bernard et
Bonnefoy, à qui la première mention a été décernée ex
œquo. Aussi a-t-il fallu un examen attentif aux juges du
concours pour pouvoir établir entre ces diverses com
positions un classement définitif. Les élèves couronnés
en deuxième année se sont fait remarquer tous par un
vif et sincère désir de s’instruire, par leur constante
assiduité et leur bonne tenue aux cours et aux confé
rences. Il ne faut donc pas s ’étonner si chacun d eux a
traité la question d’une manière presque également
satisfaisante. C ’est ainsi que MM. Bernard et Bonnefoy
ont creusé la matière et en ont abordé les difficultés
— 41
tout comme leurs concurrents plus heureux. Le premier
seulement s’est laissé entraîner à une longue digression
sur les héritiers réservataires, au préjudice de certains
points, qui touchaient directement à son sujet et q u ’il
laisse dans l’ombre. Le second, M. Bonnefoy, n ’a pres
que pas de lacunes ; mais en revanche il n ’est pas
toujours dans la démonstration d ’une rigoureuse exac
titude.
Avec un plan bien conçu, avec un style incisif et ori
ginal, M. Iieboul Maurice, est un peu superficiel et com
met plusieurs erreurs, qui l’ont rejeté au quatrième
rang. Sur l’art. 922 notamment, pour ne pas consulter
l’esprit de la loi, pour ne tenir compte que de la lettre,
sans avoir soin de la combiner avec les principes géné
raux , il dénature la pensée du législateur et se rend
ainsi coupable d ’une grave hérésie. Quœ le x , a dit
Cicéron , quod senatoconsullum, quod magistratus edictum. . . . . . . non infirmari aut convelli potest, si ad verba
rem deflectere velimus : cons ilium autem eorum qui scripsenmt, et raiioncm et auctoritatem relinquamus? (P ro
Cæcinâ, § 18).
M. Reboul est un excellent élève ; mais, s ’il veut
reprendre sa place au premier ra n g , il fera bien à
l’avenir de se méfier un peu plus de ses propres forces
et d ’accepter plus docilement la direction de ses maîtres.
Il devra se garder surtout de substituer, sous prétexte
d ’indépendance, son appréciation personnelle à celle de
ses professeurs, son inexpérience à leur autorité, dans
des questions, qui ne sont ni controversées, ni suscep
tibles de l’être. M. Reboul nous saura gré, nous n ’en
�42
doutons point, d ’un conseil tout bienveillant, dicté par
l’intérêt sincère et vrai, que nous lui portons et q u ’il
mérite à si juste titre.
Avec des allures plus modestes, M. Gui11ibert Hippol y te est beaucoup plus exact. Sa composition, sans
offrir rien de bien saillant, est du reste bien conçue et
sagement ordonnée ; elle dénoté un esprit judicieux, qui
a su mettre à profit les enseignements de l'École. M.
Goilhbert partage avec M. Reboul la deuxième mention.
En troisième année, un double concours est ouvert,
l'un sur le Droit Romain, l'autre sur le Droit Français,
entre les élèves seulement, qui ont obtenu dans tous
leurs examens la majorité de boules blanches. Les six
candidats inscrits pour le Droit Romain avaient à traiter:
De l'obligation des fidejussores comparée à celle des fidepromissores, des sponsores, des mandalores pecvniœ credendœ, et à celle résultant du conslitulum debili alieni.
M. George a fait une œuvre remarquable sous tous
les rapports. Sa plume est élégante et facile, sa diction
pure et châtiée. Maître de son sujet jusque dans les
moindres détails, il le traite à fond et l’épuise, sans
digressions, sans inutiles longueurs. Il ne borne point
ses efforts à commenter les textes : envisageant la
question de plus liant, il s’applique à faire ressortir
l'importance et l’utilité du cautionnement , à recher
cher les causes qui ont préparé et facilité les modifica
tions successivement apportées à celle partie de la
législation. Une seule inexactitude mérite d ’être relevée
dans ce travail. M. George nous dit que l'obligation des
sponsores se divise de plein droit entre tous après deux
—
43 —
ans, quand le texte de Gains porte expressément q u ’à
l’expiration de ce terme, en Italie du moins, le caution
nement est éteint, biennio liberanlvr (Comment. 3 , §
121). Mais nous ne serons pas plus sévère pour celte
inadvertance, que ne l’était Horace pour des négligences
du même genre dans les œuvres poétiques:
...... Ubi plura nitent in carminé, non ego paucis,
Offendar maculis, quas aut incuria fudit,
Aut Humana parùm cavit natu ra,......
Habitué depuis longtemps à de pareils succès, M.
George a obtenu le premier prix.
M. Sarrus vient ensuite, mais à une assez grande
distance. Le temps lui a manqué pour parler du constilut, et même dans la partie qu'il a traitée, il est moins
érudit et moins serré que M. George. Du reste, il n ’omet
rien d ’important, met bien en saillie les principales dif
férences entre chaque espèce de cautionnement, et
présente d’une manière intéressante 1 historique de la
législation romaine sur ce point. Cette dissertation bien
supérieure à celles qui suivent a été jugée digne du
second prix.
Une mention unique a été accordée ex œguo à MM.
De Greling et De Lapommeraye. Ils se sont attaches l'un
et l’autre à faire le parallèle de la sponsio, de la fxdcpromissio et de la fidejussio; et celte partie de leur com
position, qui est assez étendue, mérite des eloges. Mais
M. De Lap. mimernye est à peu près nul sur le constitut,
M. De Greling sur le constitut et sur le mandatum
�H —
pecuniœ credendœ. Aucun des deux en outre n ’a indiqué
ni l'ordre historique dans lequel ont été établies les
trois formules q u ’ils étudient, ni les nécessités juridi
ques en vue desquelles elles ont été successivement
créées.
Les sept candidats inscrits pour le concours de Droit
Français ont eu à s ’occuper Des différents droits accordés
par la loi au vendeur d'effets mobiliers non payés.
Ici les rangs sont changés: M. Sarrus prend place au
premier; M. George n a que le second. Leurs deux
compositions ont une valeur incontestable ; tout y est
traité d ’une manière large et complète; le droit de re
vendication surtout y est l’objet de développements
très-étendus; comparaison du droit actuel avec la lé
gislation ancienne , examen et discussion des divers
systèmes, qui se sont produits sur le § 4 de l’art. 2102,
tout concourt à rendre cette partie du travail des deux
candidats aussi intéressante que bien conduite. Quant
au reste de la dissertation, M. Sarrus l’emporte sur M.
George. En effet, ce dernier ne s ’est pas toujours
strictement renfermé dans les bornes de la matière:
quelques notions sur les privilèges, des détails sur le
droit de rétention et le droit de résolution par rapport
aux immeubles lui font perdre de vue parfois l ’objet
essentiel de la question, q u ’il envisage d ’une manière
trop générale et ne spécialise pas assez.
M. Sarrus au contraire observe davantage les vraies
limites du sujet, dont il est mieux nourri ; le sujet luimême est plus fortement saisi et les textes du Code
Napoléon sont plus soigneusement cités et étudiés. Mais
— 45 —
comme il faut que la critique ait toujours sa place dans
le compte rendu, nous dirons que la méthode de M.
Sarrus n ’est peut-être pas aussi irréprochable que celle
de M. George; léger reproche, qui n ’enlève rien d ’ail
leurs au mérite de ces pages si bien remplies.
M. Guillibert, Ernest écrit avec beaucoup d ’ordre et
de netteté ; il a des notions exactes sur tous les points ;
tout est indiqué dans sa composition, mais trop som
mairement ; en général, il ne donne pas à ses idées le
développement convenable. Il faut lui adresser ce re
proche plus particulièrement en ce qui concerne le droit
de revendication, q u ’il ne caractérise pas d ’une façon
assez précise et de manière à faire comprendre en quoi
il diffère de la revendication ordinaire.
Comme M. Guillibert, M. De Lapommeraye présente
avec fidélité les principes ; il y a même un peu plus de
choses dans certaines parties de son travail; mais en
revanche son plan est moins bien conçu et son exposition
n ’est pas toujours exempte d une certaine confusion.
Les compositions de MM, Guillibert et De L apom
meraye , un peu pâles «à côté des deux précédentes ,
méritaient néanmoins une distinction, que la Faculté
leur accorde en leur décernant ex œquo une mention
honorable.
Pour résumer l’impression produite sur nous par la
lecture des dissertations, que nous venons d ’analyser,
nous constatons avec plaisir que toutes témoignent des
plus louables efforts. Sans doute, on ne doit point
s ’attendre à rencontrer des aperçus nouveaux, des vues
originales, dans ces pages écrites en quelques heures,
�sans d'aulres secours que les textes et par des jeunes
gens, qui font leurs premiers pas dans la science. Mais
on y trouve la trace évidente d'un travail soutenu, d ’une
lecture intelligente des commentaires, d'une attention
religieuse prêtée à la parole du maître. Que pouvonsnous demander de plus à nos étudiants? Si tous ne
répondent pas d une manière également satisfaisante
au zèle de leurs professeurs, aux sacrifices que s'im
posent leurs familles, il en est certainement un grand
nombre pour lesquels l'étude du droit est chose vrai
ment sérieuse. Les bonnes traditions se conservent dans
notre Faculté, qui peut se féliciter de posséder une
jeunesse studieuse, digne émule de celle à qui Justinien
dédiait jadis ses Institutes ; Cupidœ Irgum juventuli ;
jeunesse avide de science, qui, après avoir apporté sur
les bancs de l’école l'amour du travail, apportera au
sein de la société l'amour du devoir, le respect de
toutes les choses grandes et nobles, le dévouement à la
famille et à la patrie.
R ap p o rt (le II. le D oyen «le la F a c ilité
de T h é o lo g ie .
Monseigneur , M essieurs ,
Malgré la position que l’on a faite aux Facultés de
Théologie, position qui lasserait les plus intrépides, les
professeurs n ’en ont pas moins fait leur devoir: voici,
d ’après l'ordre des matières, le résumé de leurs travaux.
M. l’abbé Espieux a établi, dans ses leçons dogmati
ques, la Divinité de/’Église contre la fausse philosophie el
l'hérésie. Magnifique sujet, toujours bien cher aux cœurs
chrétiens. Qui ne sait que rappeler les épreuves de
l'Église, c ’est rappeler sa gloire; toujours un peu de
guerre lui va bien. Le paganisme gagnait peu avec ses
violences; il rendait la Religion plus illustre en donnant
un plus grand éclat à son héroïsme. « Le sang des
martyrs, s ’écria Tertulien, est une semence de chré
tiens, » en voulant tuer la foi nouvelle on lui livrait le
monde.
Quelque chose de semblable est arrivé dans les der
nières attaques de la fausse philosophie ; fière des
maux q u ’elle avait causés, elle croyait avoir vaincu, et
ne faisait que montrer la force, la puissance de l ’Église.
Le siècle dernier est digne des plus beaux tem ps; lui
aussi a ses grandes âmes, qui savent dire quand on les
mène à la mort : à la gloire ! Voilà tout ce q u ’a produit
l’impiété: elle conviait ses amis à assister aux derniers
moments de l’Église, el ils la voient renaître sous le
glaive, toujours héroïque et toujours immortelle.
C ’est donc une bonne pensée d ’avoir montré à nos
élèves l’Église triomphant de l’impiété. En la voyant
dans ce grand combat user tous les glaives et tous les
marteaux, selon l’expression d ’un protestant célèbre,
ils reconnaissent en elle la vérité, la protégée de Dieu,
et ils lui vouent plus d ’amour et plus de zèle.
Je regrette que les bornes d ’un rapport ne me per-
�— 48 —
mettent pas de suivre le professeur aux prises avec
l’hérésie. Deux mots seulement. Lorsque l ’hérésie s ’est
montrée pour la première fois , l'Église était là au
milieu des respects et de l’amour de l’univers. Entendez
ce beau chant de St. Jean Chrysoslôme et de Bossuet :
« Rien n ’est plus ferme que l'Église ; que l'Église soit
notre espérance , que l'Église soit notre salut, que
l'Église soit notre refuge; elle est plus haute que le
ciel, plus étendue que la terre; elle ne vieillit jamais,
sa jeunesse est perpétuelle. »
Penser autrement, c’est faire mentir Dieu qui assure
que l’Église ne peut périr, ce qui est une difficulté. On
veut la remplacer par une autre ! mais tout le monde
ayant le même droit, il y aura autant d ’Églises que
d ’individus, que de passions; et l’Église qui doit être le
chef-d'œuvre du Tout-Puissant par l’ordre, la sagesse,
les vertus, ne sera q u ’un assemblage d ’erreurs, de
folies, digne tout au plus d ’un misérable ou d ’un in
sensé ! Pour nous, c’est encore une difficulté. Afin de la
résoudre, les peuples, laissant toutes ces religions faites
de main d ’homme, ont passé à l ’indifférence ou à l ’in
crédulité, voilà l’œuvre de l’hérésie: et l’on appellerait
cela l ’Église !
II. Le cours de morale a eu pour objet le sacrifice
Eucharistique. M. l ’abbé Bonneville ne pouvait trouver
des leçons plus hautes, plus fécondes, plus dignes
d ’être méditées. Heureux ceux qui les auront écoutées
avec les dispositions que l’on doit apporter à tout ce
q u ’il y a de plus auguste, et qui dit si bien l’amour de
Dieu pour les hommes, la dignité du prêtre, ses devoirs.
C ’est de là que partent ces dévoûments sublimes qui
vont à travers tous les sacrifices et tous les périls, faire
connaître et aimer ju s q u ’au bout de l’univers ce Dieu
qui nous a tant aimés. Ceux même qui ne croient pas
bénissent cetle foi qui civilise les peuples, les instruit,
les forme aux vertus les plus héroïques. Donc, en bonne
politique et pour l’honneur de la nature humaine, il
faudrait être croyant; n ’est-ce donc rien que de faire
des saints et des héros !
Mais il est des hommes zélés pour abattre, comme
s’ils pouvaient mettre quelque chose sur les ruines
qu’ils ont faites ; ils vont toujours sans s ’inquiéter des
progrès du mal , de la faiblesse humaine , de ses
besoins. Le Fils de Dieu l’estimait un peu plus, et il a
voulu descendre jusqu'à elle, l’encourager, la soutenir
par sa présence. Oh! ne me parlez pas de l ’hérésie;
dès lors q u ’elle s ’oppose au bonheur de l ’humanité, elle
a livré ses titres, elle s ’est déclarée son ennemie, et ce
n ’est pas elle que Dieu a chargée de l’instruire et de la
sauver.
Que notre collègue continue de s ’occuper de ces
grandes questions, elles conviennent à ces jeunes hom
mes qui sont appelés à un ministère auguste, elles leur
sont nécessaires. Si on exige beaucoup de celui qui doit
élever le jeune prince destiné à gouverner un grand em
pire, que ne faut-il pas dem ander à ceux qui sont
appelés à former les enfants de Dieu et à les rendre
dignes du royaume de leurs pères? Elles sont donc bien
importantes ces leçons qui doivent avoir ces résultats
magnifiques. C ’est un encouragement pour le maître et
4.
�— «SO —
un motif puissant pour les élèves ; ils aimeront un en
seignement qui doit être si fécond, si glorieux.
Ilï. M. 1 abbé Reynaud, professeur d'Écriture sainte,
continuant son commentaire sur V OEuvre des six jours,
a examiné les opinions des anciens et des modernes, et
a établi que ses explications sont les plus conformes au
texte sacré et à la science. On aime à entendre le pro
fesseur interrogeant les savants, en appelant à leurs
recherches, à leurs méditations sur ces graves sujets
et mettant sous nos yeux les résultats de leurs travaux.
Ainsi, c’est l’étude profonde, c’est la science qui sont
amenés à cet aveu, qui répond si bien à tant de miséra
bles accusations : La Genèse a bien dit.
En effet, ce livre est étonnant par sa science, par les
vérités q u ’il nous révèle et que les habiles n ’ont connus
qu'après des siècles d ’étude. L’étonnement est profond
lorsque Moïse montre « le passage du néant à l’être,
Ja naissance et le développement de toute la nature, la
cause de sa fécondité et de ses progrès. Tout cela est
exprimé avec une simplicité et une force que l’éloquence
humaine ne peut atteindre. Les hypothèses physiques
les plus accréditées ne paraissent à un esprit solide que
des rêves à côté du récit de Moïse. Ce livre explique
tout, rend raison de tout, nous apprend plus que toutes
les spéculations des philosophes. On y voit la véritable
dignité de l’homme et sa grandeur, puisque c’est l’image
vivante de Dieu par son âme spirituelle, intelligente et
immortelle; son domaine universel sur toutes les créa
tures visibles, parce que s ’il est comme elle tiré du
néant, il les surpasse infiniment par le soufle de Dieu
qu’il reçoit, par la divine origine de son âme ; on y dé
couvre la raison de l’union et de l’amour qui doivent
régner parmi les hommes, qui sont tous frères, ne for
mant sur la terre q u ’une même famille; enfin, l ’on y
apprend les saints devoirs de la religion, le culte,
l’adoration, la reconnaissance, l’amour envers le créa'
teur, puisque l’homme lui doit tout ce qui le distingue
par tant de bienfaits, de privilèges et d ’amour. »
Mais où donc Moïse a puisé des vérités si hautes, si
précieuses, si bien faites pour l’homme, si nécessaires à
son bonheur? Ailleurs elles étaient ignorées,les philoso
phes, les rois de la science ne les soupçonnaient pas. Il
y a donc ici révélation et Moïse est inspiré. C ’est la con
clusion de tout homme instruit et de bonne foi. Hélas !
on ne blasphème généralement que parce q u ’on ignore.
Si les passions sont désastreuses dans la foi, il faut
aussi accuser l’ignorance, qui a ses dupes et ses impies.
Quand la religion est étudiée de bonne foi , elle a
vaincu. CertesI c ’est une belle cause que celle qui ne
demande que le grand jo u r, et qui depuis dix-huit
siècles en appelle à la science et au génie.
IV. Le pouvoir du Souverain Pontife a fait la matière
du cours d ’histoire et de discipline ecclésiastiques. Ce
sujet mérite l’attention de tous les hommes graves.
Voyez-vous ce pauvre pêcheur qui ne sait que raccom
moder ses filets. Eh bien, c ’est cet homme que le Fils de
Dieu choisit pour être le chef de son Église, pour
éclairer et sanctifier le monde. « Vous êtes pierre et
sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Les rois comme
les peuples, les brebis comme les pasteurs, il est chargé
�de les instruire et de les sauver. C'est pourquoi lorsqu'il
parle, sa parole retentit dans tout l’univers; quand il
est dans la douleur, c’est le monde entier qui souffre ;
si quelque danger le menace, la terre entière est dans les
alarm es; lorsqu’il étend la main pour bénir, tout
fléchit le genoux, tout se prosterne comme si Dieu luimême eut béni : Or, croyez-vous que ce soit là une
œuvre humaine?
Il y a bientôt deux mille ans que cela dure, et rien
n ’annonce q u ’il y sera changé quelque chose, au con
traire, de tous côtés des témoignages d ’amour et de
dévouement vont trouver le Souverain Pontife pour lui
dire que ces sentiments, rien ne saurait les affaiblir.
Ceux qui demandent des miracles n ’ont pas vu cette
merveille, ils auraient vu là le fait le plus mémorable
de l’histoire, et en dehors de noire foi il est impossible
de l’expliquer. Hélas 1 le temps a manqué à certains
hommes pour examiner cette question qui offre pourtant
un si grand intérêt. Mais les souverains Pontifes connais
sent leur mission, c’est pourquoi ils sont si tranquilles;
tous diraient aux puissances qui les menacent, et si vous
voulez à l’impiété triomphante ce que Pie YI disait au
général victorieux qui lui parlait des maux q u ’il traî
nait après lui: «Pillez les temples, abattez les m onu
ments, mais rappelez-vous que la religion a existé avant
vous, et qu'elle existera encore après vous. »
La liste des ennemis du Saint Siège est déjà bien lon
gue et parle haut, c'est un commentaire important de
ces mots devant lesquels les parties intéressées devraient
s ’arrêter : Posilus est, hic iti ruinamet resurrcctionem rnul-
— 53
torum. Ces paroles ont été dites du Fils de Dieu et aussi
de son Vicaire ; et les siècles sont là qui disent pourquoi
certains peuples et certains princes ont été malheureux.
Movebo candelabmm de loco suo. C ’est la grande menace
et bientôt les erreurs les plus grossières, des révolutions
sans nom déshonorent ces royaumes que l’Église ne
défend plus. Jamais de semblables calamités ! Vous
savez ce qui a remplacé le trône de Constantin, ce que
vous trouvez après le grand Alfred , sans parler des
autres; voilà les peuples séparés de Rome, l’histoire a
tout dit, elle est ici bien éloquente !
V. M. l'abbé Diouloufet a donné à ses élèves les
règles grammaticales de la langue hébraïque, il a fait
l’application de ces règles et a continué l’explication
d'Isaïe. Volontiers, nous applaudissons au zèle du pro
fesseur pour faire connaître et aimer la langue sainte,
qui offre tant de ressources pour l’intelligence des
Livres Saints; avec elle il semble que l’on est plus près
de Dieu, et il reste dans le langage du prêtre, dans sa
vie comme une impression céleste. Notre cœur brûlait,
disaient les apôtres, quand notre Maître nous parlait.
De là l’éloquence des prophètes, la majesté de Moïse;
transformés par la parole du Seigneur ils avaient quel
que chose de sa gloire et de sa puissance.
Ces beaux résultats et la savante explication d ’Isaïe
augmentent nos regrets en voyant notre chaire d ’élo
quence sacrée toujours muette. Tout le monde sait
combien ce cours est important, et l’on n ’oubliera jamais
les services, la gloire dont notre pays est redevable à
ses orateurs chrétiens. Sous ce rapport, comme sous
�tant d ’autres, notre France est la première des nations.
Or, c'est là un bel héritage, il faudrait le conserver. Le
professeur qui aurait formé des hommes semblables
à ceux que nous avons vus et à ceux que nous voyons,
aurait bien mérité de la religion et de la patrie.
Notre Prélatdonttant de diocèses bénissent l’éloquen
ce, et le bien q u ’elle leur a fait, joindra, nous en sommes
sûrs, ses vœux aux nôtres ; et qui sait s ’il n ’est pas là
tout près de nous de jeunes talents qui n ’attendent que
des leçons pour paraître avec honneur dans nos chaires
les plus illustres et continuer cette longue suite d ’ora
teurs sacrés dont les travaux furent la gloire de l’Église
et aussi l’honneur de la France.
R ap p o rt de i l . le D oyen de la F a c u lt é
île D ro it.
Monsieur le R ecteur, Monseigneur
et Messieurs,
En mettant sous vos yeux le tableau de la situation
intérieure de notre Faculté, pendant la dernière année
scolaire, je m'estime heureux de pouvoir vous dire q u ’au
point de vue des succès obtenus par nos élèves dans les
différentes épreuves par eux soutenues, elle a été géné
ralement plus satisfaisante que celle constatée à mon
précédent rapport.
— 55 —
Aussi, les détails circonstanciés dans lesquels j'e n
trerai bientôt serviront-ils d ’ample compensation au dé
croissement q u ’a subi le nombre des inscriptions prises
durant le môme intervalle de temps, leur chiffre s ’étant
élevé seulement à 681, tandis q u ’on en comptait 765
en 1859, ce qui présenterait en moins une différence
de 84.
Tant s ’en faut cependant que les examens et actes
publics aient diminué dans la même proportion; car,
au lieu de 289 sur lesquels la Faculté avait eu à pro
noncer, l'année précédente, 317 candidats se sont
présentés pour les subir, pendant les quatre derniers
trimestres, d ’où ressortirait un excédant de 28, nonobs
tant la réduction assez notable des inscriptions ci-dessus
indiquée.
Voici les diverses catégories auxquelles appartenaient
les élèves admis à ces épreuves:
15 étaient inscrits pour l'examen de capacité ;
57 pour le premier examen de bachelier;
62 pour le deuxième ;
55 pour le premier de licence ;
61 pour le deuxième ;
58 pour l’acte public ;
2 pour le premier examen de doctorat ;
5 pour le deuxième ;
2 pour la thèse.
Sur ces 317 candidats, 39 ont été ajournés, et les
278 autres jugés dignes de l'admission, savoir: 25 avec
éloge ; 173 à l ’unanimité des suffrages et 80 à la m a
jorité simple, ou soit avec une boule noire.
�— 56
Tel sont les résultats généraux considérés dans leur
ensemble.
Voyons maintenant de quelle manière se sont répartis
les succès et les revers entre les élèves de chaque année.
Dans la première où il s ’en présentait 57 , six ont été
reçus à boules toutes blanches, et il n ’en a manqué
q u ’une à neuf autres pour participer à la même distinc
tion ; 23 ont obtenu des snlfrages unanim es; 14 la
simple majorité et cinq seulement ont encouru le rejet.
Les insuccès, comme ont le voit, n ’ayant été que dans
la proportion d ’un douzième environ sur la totalité,
tandis q u ’ils étaient du dixième l’année précédente, il y
a eu, sinon progrès notable dans ces éludes, du moins
une amélioration qui mérite d ’être remarquée.
Dans la deuxième année qui comptait 77 candidats,
dont 15 pour la capacité et 62 pour le deuxième examen
de bachelier, 13 élèves de cette dernière catégorie et un
seul de la première ont subi l'ajournement. Mais, ces
échecs, quoique plus nombreux, relativement à ceux
de l’année antérieure, où ils se réduisaient à quatre,
ont été largement contrebalancés par 41 réceptions élogieuses ; 39 prononcées à l’unanimité des suffrages et
seulement 13 à la simple majorité, au lieu de 22 que
signalait mon précédent rapport comme placés à ce
rang d ’infériorité.
Si j ’ajoute que les admissions à boules toutes blanches
s ’y trouvaient réduites à 4 sur 70 candidats, il fau
dra reconnaître encore que les études de la deuxième
année ont suivi une marche ascendante, comme celles
de la première, ainsi que l’ont suffisamment attesté
d ’ailleurs les brillants résultats du concours où les
élèves de chacune d ’elles se sont disputé si chaleureu
sement les palmes offertes à leur émulation, que la
Faculté a éprouvé le regret de ne pouvoir en décerner un
plus grand nombre.
En troisième année, où 174 s ’étaient inscrits, savoir:
55 pour le premier examen de licence; 61 pour le
deuxième, et 58 pour la thèse, c’est-à-dire, 26 de plus
qu’en 1859, il y a eu également progrès, puisque,
malgré cette augmentation dans le nombre des can
didats, le chiffre des ajournements a été moindre, et
celui des admissions avec éloge, supérieur
Les quatre dernières sessions présentent, en effet,
dans leur ensemble, pour cette classe d ’élèves, 8 récep
tions à boules toutes blanches, 5 autres auxquelles
il en a manqué une seule pour être jugées dignes de
celte flatteuse distinction ; 90 ayant réuni tous les suf
frages ; 52 déparées par une boule noire et *19 ajour
nements, sur lesquels 6 ont été encourus au premier
examen de licence, 11 au deuxième et 2 seulement à la
thèse, tandis que mon rapport antérieur en signalait 8
prononcés à l’occasion de cet acte public.
Aussi, ne puis-je que me féliciter des heureux résul
tats produits par les sévères admonestations adressées
l’année dernière aux élèves qui, arrivés au terme de
leurs éludes, les avaient provoquées de ma part, en se
montrant si peu soucieux de justifier, à cette épreuve
solennelle, d ’études consciencieusement faites pour
l’obtention du grade auquel ils aspiraient.
Telle n ’est pas, du reste, la seule amélioration qui se
�— 58 —
soit produite dans celles des aspirants à la licence, la
Faculté ayant remarqué avec une véritable satisfaction
que leurs thèses étaient généralement rédigées avec
beaucoup plus de soin qu auparavant, et q u ’une assez
grande partie d’en tr’elles se distinguaient autant par le
style et la lucidité de la pensée que par la justesse du
raisonnement et la saine interprétation des textes.
Dans cette classe d ’élite figurent aux premiers rangs
celles de MM. George, de Maçon, etSarrus, d ’Aix, tous
deux quatre fois lauréats ; de MM. de Lapommeraye, de
Naples, de Greling, de Marseille, et Guillibert Ernest,
d ’Aix, ayant obtenu tous les trois des mentions au
concours; et au deuxième rang, viennent se placer
d ’une manière encore fort honorable, MM. Thibon, de
Chandolas (Ardèche), et Gendarme de Bevolte, d'Aix,
dont les thèses remarquables, aussi bien rédigées que
disertement soutenues, ont été jugées dignes: la pre
mière, de l’éloge, et la seconde, d ’une réception presque
identique, c’est-à-dire, avec 4 boules blanches et une
rouge.
En quatrième année , où se sont présentés 9 as
pirants au doctorat, dont 2 pour le premier examen ;
5 pour le deuxième et 2 pour la thèse, l’un de la
première catégorie, dont l’admission avait été ternie
par une boule noire, à échoué complètement, lors de
la soutenance de sa thèse. Sur les 7 autres, qui ont
réuni l ’unanimité des suffrages, il en est 4 reçus presque
élogieusement, puisqu’il ne leur a manqué q u ’une
boule blanche, ce qui témoignerait encore ici d ’un
progrès marqué dans ces études dont la Faculté tient
— 59 —
essentiellement à élever de plus en plus le niveau, la
sévérité q u ’elle apporte à l'appréciation de l’aptitude
des candidats pouvant donner la juste mesure de la
valeur attachée à une admission si honorable.
Je ne puis mieux terminer ce compte rendu que par
une observation d ’une haute portée. C ’est que les succès
assez nombreux dont il contient l’énumération et qui
peuvent être revendiqués, à bon droit, par les élèves de
chacune des trois premières années, sont dus en grande
partie à l’utile institution des conférences récemment
établies dans toutes les facultés ; car, il n ’est aucun de
ceux inscrits sur la liste d ’honneur qui ne les ait exacte
ment suivies et dont les généreux et louables efforts
n ’aient été couronnés par une rémunération propor
tionnée à son mérite.
Aussi, est il permis d ’espérer, conformément à mes
prévisions de l’année dernière, que les pères de famille
ainsi mis à portée d ’apprécier la salutaire influence que
peuvent exercer sur la marche progressive des études
ces entretiens du maître avec ses élèves, applaudiront,
comme nous, à l’éminente pensée qui, en créant ce
nouveau moyen d'instruction, a voulu les moraliser par
le travail et assurer ainsi leur bien-être à venir dans
toutes les carrières ouvertes à une ambition légitime.
�— GO —
R ap p o rt de XV. le D oyeu de la F a c a l t é
«les L e ttre s.
Messieurs ,
J ’ai l’honneur de vous présenter sur la Faculté des
Lettres d ’Aix le rapport destiné à en faire connaître la
situation pendant la dernière année scholaire.
Voici d'abord pour ce qui regarde les examens.
Aucune thèse ne nous a été soumise pour le doctorat,
le plus élevé des grades que nous puissions conférer.
La Faculté des Lettres d'Aix n ’a fait encore que 4
docteurs depuisqualorze ans q u ’elle existe. Il ne s ’en fait
guère plus ailleurs, si ce n’est à la Faculté des Lettres
deParis, à laquelle s ’adressent toutes les ambitions bien
avisées, un préjugé qui n ’est pas près de finir ri 'attachant
presque aucune valeur à ce grade quand il est pris en
province.
Les aspirants à la licence n ’ont été par rapport à ceux
des années précédentes ni peu ni très-nombreux. Il s ’en
est présenté 4 en novembre 1859 et 4 en juillet 1860.
Les admissions n ’ont eu également rien que d ’ordinaire
pour la qualité comme pour la quantité : deux des can
didats de novembre ont été reçus ; un seul a réussi en
juillet, encore n ’était-ce ni pour la première fois ni pour
la seconde q u ’il subissait cette épreuve. Nous avons eu
de nouveau à regretter que la licence soit recherchée par
— 61
un fort petit nombre d ’aspirants répétiteurs des lycées,
quoique ce grade soit pour eux une condition d ’avance
ment indispensable. Pas un de nos trois candidats reçus
n ’appartient à celle catégorie : l’un est un avocat,
l’autre un régent, et le troisième enseigne les humanités
dans un pensionnat tenu par son père à Marseille.
Même désertion, désertion plus complète encore de la
part des étudiants en droit, dont plusieurs autrefois ne
dédaignaient pas de joindre à tous leurs autres titres
de recommandation pour l’avenir celui de licencié èslettres.
Il en a été autrem ent du baccalauréat : il a continué à
attirer beaucoup de candidats, et les résultats auxquels
il a donné lieu ont été en général satisfaisants. Le nombre
des examens pour ce grade qui se sont faits dans l ’année,
tant à Aix q u ’à Ajaccio et à Alger, a atteint le chiffre de
281, au lieu que celui de l’année d ’auparavant n ’avait
été que de 240. Depuis cinq ans, depuis l'époque de la
plus grande diminution causée par l’établissement du
système de la bifurcation, qui a fait aux sciences une
plus large part dans l’instruction de la jeunesse, les
aspirants au baccalauréat ès-lettres n ’ont pas cessé de
devenir plus nombreux d ’année en année. C est dire
assez que, après un engouement de peu de durée pour
les sciences, l’étude des lettres a repris faveur en Pro
vence, comme il devait arriver nécessairement dans un
pays aussi essentiellement littéraire. Les choses en sont
venues au point, que les inscriptions prises pour le
baccalauréat ès-lettres dans notre Académie l’année
dernière égalent en nombre, ou peu s ’en faut, celles
�02
qui s ’y prenaient annuellement aux époques de notre
existence les plus florissantes sous ce rapport.
La moyenne des admissions, de son côté, s'est un peu
élevée : après avoir été de 45 °/0 pendant les trois années
précédentes, nous l'avons vue monter jusqu’au-dessus
de 48 en 1859-18G0.
Quant à la valeur des candidats admis, il y a eu
également progrès: 27 sur 136 ont obtenu une mention
honorable, savoir: 15 assez bien, 8 bien, et 4 très-bien.
Cette dernière note est la plus distinguée que nous
ayons pu décerner jusqu’à présent, et nous nous faisons
un devoir et un plaisir de proclamer les noms des
jeunes gens qui l’ont méritée: ce sont MM. de Salve
Penjon, Jannet et Petrocochino.
La plupart des ajournements ont été causés comme
d ’ordinaire par la faiblesse des compositions. Toutefois
le discours latin est devenu, à tout prendre, moins
généralement mauvais, et il est à remarquer que plus
du quart des candidats ajournés, savoir 39 sur 1 45, ont
du leur échec à l'insuffisance de leur examen oral.
Enfin, pour ne rien omettre de ce qui a rapport à celte
partie de nos candidats, digne aussi d'intérêt si son
malheur n ’était pas le plus souvent mérité, deux d ’entre
eux se sont fait exclure de l’examen pour avoir contre
venu au règlement qui interdit aux concurrents toute
communication pendant q u ’ils composent.
Mais, outre q u ’elles confèrent des grades, les Facultés
des Lettres, vous le savez, Messieurs, font des cours
publics sur 1 histoire, la philosophie et les différentes
parties de la littérature. Pour vous donner une idée de
—
— 63 —
ceux qui ont été faits l’année dernière par la Faculté
des Lettres d ’Àix, mon premier soin doit être de vous
en rappeler les sujets particuliers. J ’y joindrai par
occasion, afin de ranimer l ’ardeur de nos habitués et
d ’en augmenter le nombre, s ’il est possible, un aperçu
de ce que nous nous proposons de traiter dans nos
prochains cours.
Le professeur de Littérature ancienne a étudié le
théâtre latin avant Auguste. Remontant aux origines
de l'art dramatique chez les romains, il a traité d ’abord
des satyres, des mimes et des fables Atellanes qui, chez
un peuple encore grossier, précédèrent l’imitation des
poètes célèbres de la Grèce inaugurée à Rome par
Livius Andronicus. Passant ensuite aux comédies qui
nous restent de Plaute et de Térence, il les a examinées
au triple point de vue des mœurs, de la littérature et de
la philologie. Il est arrivé à cette conclusion que le
théâtre n ’a jamais été une institution nationale chez les
Romains, la gaieté de l’art dramatique étant incompatible
avec la gravité de ce grand peuple. Le cours de Littéra
ture ancienne, pendant l’année qui s ’ouvre aujourd’hui,
sera consacré à un commentaire approfondi des œuvres
d’Horace. De tous les poètes de l ’antiquité il n ’en est
aucun qui ait enseigné une morale plus douce, plus
élégante, plus conforme à l ’humanité considérée dans
tous les temps et dans tous les lieux. Aussi le recueil de
ses poésies a-t-il reçu d ’un grand moraliste français le
nom de Code des honnêtes gens. Dans la seconde de
ses leçons, le professeur expliquera chaque semaine le
Philoctète de Sophocle, une des plus belles productions
�6i
de l’art grec pour la sim plicité du plan, la beauté des
détails et le développem ent des passions.
En L ittérature française, le professeur a fait l'histoire
des m œ urs et des lettres en France sous les règnes de
Philippe-A uguste et de saint Louis. Celle année il se
propose d aborder un sujet plus restreint. Il pense que,
s'il convient en général d ’exposer le com plet dévelop
pem ent de notre génie national, il est bon aussi parfois
de réveiller les souvenirs locaux. C ’est le moyen de
donneraux leçons un intérêt plus particulier, aux détails
plus de nouveauté, le moyen d ’entretenir en même
tem ps l’am our de la petite et de la grande patrie. Nul
pays ne se prête mieux que celui-ci à cette histoire à la
fois provinciale et française. P arler de ses grands hom
m es, c’est rappeler autant de gloires nationales. Les
nom s de M assillon, de B arthélem y, de d ’Urfé, de V auvenargues, de Siéyès, de M irabeau, de Vanloo, de Vernet, de Puget, et de tant d ’autres encore illustres à tant
de titres, ces noms chers à la Provence, sont de ceux
que la France tout entière répète avec orgueil. Le pro
fesseur retracera donc la vie et étudiera les œ uvres des
écrivains et des artistes nés en Provence pendant les
trois derniers siècles.
L ’épopée et le dram e en Italie ont été le sujet des
leçons du professeur de L ittérature étrangère pendant
l’année qui vient de s’écouler. Avec D ante, l’Arioste et
le T asse pour la poésie épique, Alfieri et Goldoni pour
la poésie dram atique, M. Méry a pu expliquer les
origines de l’épopée et du dram e chez nos voisins et
signaler ensuite l’action exercée sur les écrivains par
— 65
leurs siècles, par les idées de leur pays et les m œ urs
contem poraines. Le prochain coursde L ittérature étran
gère aura pour objet l ’Espagne conteuse, chevaleresque
et chrétienne. Le conte est né en Espagne en même
temps que la nationalité de ce pays, dès qu'il la m arqua
du sceau du christianism e, et q u ’il s ’arm a pour dé
fendre son sol contre l’étran g er et contre l’infidèle.
Épique et abondant dans les rom ances et le romancero,
sentencieux dans le comte Lucanor, recherché et alam bi
qué dans les rom ans de chevalerie, le conte en Espagne
devient ensuite avec Lazarillc de Tormès le tableau
réjouissant des m œ urs nationales et prépare ainsi le
grand triom phe de Don Quichotte.
Le professeur d'H istoire achèvera dans le cours de
l’année qui com m ence le tableau de la fin du XVme
siècle dont il avait tracé une partie en racontant les
progrès du pouvoir royal en F rance, en A ngleterre, en
Espagne et en A llem agne. Le triom phe de la royauté,
fécond pour l ’avenir en résultats utiles, ne change rien
d ’abord à l’état m oral de l’Europe. Le changem ent vient
d ’ailleurs: de l'an tiq u ité retrouvée, et du génie des
inventions et des découvertes qui secoue son flambeau en
mille étincelles su r le m onde m oderne. La poudre à
canon modifie cà la fois les conditions de la guerre et
celles de la société; la boussole en dirigeant la naviga
tion lui donne une audace inouïe ; l’im prim erie fait plus
encore, elle prépare la royauté de la raison hum aine.
Ces inventions sont elles-m êm es couronnées par les
découvertes: aux portugais qui trouvent un passage
aux Indes Colom b répond en trouvant un m onde. Ce
�— 67
vaste m ouvem ent des découvertes sera étudié dans son
ensem ble et dans ses conséquences prochaines ou
éloignées sans que la sym pathie du professeur pour
l’expansion légitim e de la race et du génie de l’O ccident
lui ferm e les yeux sur les erreu rs et les excès de cette
grande époque.
Enfin, le cours de Philosophie a eu pour objet l'an n ée
dernière l’esprit, son existence, sa nature spéciale, sa
distinction d ’avec le corps, ses instincts de grandeur et
d ’im m ortalité, tout ce qui élève l ’homm e au-dessus de
la brute, tout ce qui est propre à lui rappeler son origine
et ses hautes destinées. Cette année-ci le professeur
établira les fondem ents de la m orale du devoir, de la
morale qui correspond à la doctrine psychologique du
spiritualism e et qui en dérive. Comme la philosophie de
la m atière ou de la sensation a pour conséquence p rati
que le culte du plaisir, de même la philosophie de
l’esprit ou de la raison conduit à reconnaître pour loi de
la volonté le bien en soi, le bien conçu d ’une m anière
im personnelle et indépendam m ent de notre intérêt
particulier. C ’est proprem ent à la dém onstration de
cette loi m orale que sera consacré le prochain cours de
philosophie, étroitem ent lié, comme on le voit, à celui
de l'année précédente, puisqu’il ne fera q u ’en p résen
ter une des applications les plus im portantes.
Voilà, M essieurs, quels ont été nos divers enseigne
m ents, et quels ils seront. Reste à connaître leur sort,
non pas leur sort pour l’année à parcourir, nous l’igno
rons, m ais celui q u ’ils ont eu l’an passé.
Ils n ’ont rien laissé à désirer, du côté des professeurs,
pour l'exactitude. Chacun de nous a fourni sa carrière
conform ém ent à son program m e, avec zèle, non pas
sans éprouver de fatigue, mais sans s ’en laisser abattre
et sans interruption. Nous avons donné tous nos soins
à entretenir le feu sacré des lettres dans celte ville de
Provence où en a été placé le foyer principal. Mais il
nous est arrivé quelquefois de rester presque isolés,
comme dans un sanctuaire où ne pénètre q u ’un petit
nombre d ’initiés. Nos leçons n ’ont pas été en général
suffisamm ent suivies, quoique nous n ’ayons rien épar
gné pour exciter l'in térêt du public et pour le retenir.
Les étudiants, il est vrai, sem blent avoir fait exception :
ils ont form é, vers la tin de l’année surtout, la m ajeure
partie de plusieurs de nos auditoires. C ependant chacun
d’eux, je parle du com m un, n ’a paru devant nous que
le nombre de fois strictem ent nécessaire pour constituer
une sorte d ’assiduité, pas m oins, et su rto u t pas plus,
conformém ent à cette m axim e peu généreuse :
Si non culpabor, sat mihi laudis erit.
D’ailleurs, ils n ’ont pas tous été, il s ’en faut bien,
des auditeurs en esprit et en vérité, ou, pour le dire en
d'autres term es, ils n ’ont point assisté à nos cours, ils
y ont été p résents.
�—
DE
68
LA F A C U L T É D E S S C I E N C E S
ET DE É’ÈCQÉE PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE M A R SEILLE.
L ’an 1860 , le 27 n o v em b re, d an s la g ra n d e sa llc
de l’H ô tel-d e-V ille, à M arseille, a eu lieu la re n tré e
d e là F acu lté des Sciences et de l’École p rép a ra to ire
de M édecine et de P h arm acie , sous la p résid en ce
de M. D esclo zeau x , R ecteur de l’A cadém ie. A coté
de lui avaient pris place M. M o ët, in sp ecteu r d ’a
c a d é m ie , en résid en ce à M arseille,, M. le doyen de
la F acu lté des S cien ces, M. le d ire c te u r de l’É cole
p ré p a ra to ire de M édecine, MM. les p rofesseu rs de
la F aculté des S ciences et de l’É cole se co n d aire ;
d e rriè re et a d ro ite de l’e s tra d e , M. le p ro v iseu r et
MM. les p rofesseu rs du lycée im p érial. D ans l'a s
sista n c e , au p rem ier ran g des in v ité s, se tro u v a ien t
M. le g én éral d ’A urclle de P alad in es, co m m an d a n t
la division m ilitaire, M. L uce, p résid en t du trib u n a l
civ il, M. M ou rier, p ro c u re u r im p é ria l, M. L agarde,
m aire de M arseille, M. l’in te n d a n t m ilita ire , M.
— 69 —
C an ap le, d ép u té de la v ille , M. le p résid en t du
trib u n al de c o m m e rc e , et diverses au tres perso n nes
de d istin ctio n em p ressées de c o n c o u rir par le u r p ré
sence à l’é cla t de la ré u n io n . E nfin v en aien t les é lè
ves de l’É cole se co n d aire , et u n e division d ’élèves du
lycée im p érial ap p elés p ar la b ien v eillan ce de M. le
R ecteur, à e n te n d re , p ar an ticip atio n , la parole des
m aîtres, que p resq u e to us a u ro n t p o u r juges à la fin
de leurs é tu d e s classiq ues , et d o n t q u elq u es-u n s su i
vront p e u t-ê tre b ien tô t l’en seig n em en t éclairé.
La séan ce s ’est o u v erte à onze h eu res ; elle a com
m encé p ar le d isco u rs de M. le R ecteu r, qui s’est ex
prim é en ces te rm e s:
M essieurs ,
C’est un grand honneur pour moi que de présider la
solennité qui inaugure les cours de la Faculté des
Sciences, de l ’École de M édecine. Je dois rem ercier d ’a
bord tant de fonctionnaires d ’un ordre élevé, de per
sonnes notables, qui viennent encourager nos travaux
et tém oigner leurs sym pathies pour les nobles études qui
se cultivent dans nos écoles. L ’aftluence que je rem arque
ici avec reconnaissance nous assure que cette année
comme pendant celle qui vient de s ’écouler un grand
nombre d ’aud iteurs suivront les cours.
Une erreu r trop com m uném ent partagée est de voir
seulem ent dans M arseille une cité com m erciale, et d ’en
rabaisser les tendances et les aspirations. L 'histoire est
�— 70
là pour répondre. De tout tem ps les lettres et les
sciences ont été en honneur dans cette ville. Sous les
Rom ains ses écoles recevaient la jeunesse de la province.
Un grand historien a rem arqué q u ’elle offrait aux hom
mes intelligents l’hospitalité de la G rèce, et q u ’une
certaine sévérité provinciale venait y corriger ce q u ’il
pouvait y avoir de trop mol et de trop abandonné dans
la civilisation grecque, M arseille appartenait au parti
aristocratique de Rom e, de là des sentim ents élevés, des
penchants littéraires, une certaine noblesse de m œ urs.
Ce fut aussi l’asile des proscrits. Ceux qui avaient été
vaincus dans ces terribles m êlées politiques de Rom e,
dans ces dissensions qui ébranlaient le m onde venaient
trouver dans l'antique cité des Phocéens, des loisirs,
des consolations. Ces homm es y apportaient la force et
1 originalité.
Le goût des sciences et des lettres n ’a jam ais aban
donné M arseille, et lorqu’elle se sent grandir chaque
jour, lorsqu’elle est en présence d ’une prospérité in
calculable, elle cultive avec encore plus d ’ardeur les
sciences, et comme un instrum ent actif de progrès et
par reconnaissance.
E n effet, M essieurs, au X lX me siècle, les hom m es
de la science en élevant si haut la théorie, n ’ont pas
tardé à com prendre l ’utilité de son application aux
grands intérêts de l'industrie et du com m erce. Il y a
eu à cette époque comme un certain trouble et une
certaine hésitation. Q uelques esprits ont sem blé d ’abord
dédaigner la pratique, c ’était à leur avis comme une
hérésie de dem ander à la science de sortir de la sphère
— 71
sereine où elle dom ine, mais en définitive il a fallu que
la m atière cédât à l’intelligence hum aine.
Quelles découvertes accomplies de nos jours, aussi
utiles q u ’adm irables!
À la fin du siècle dernier, un savant professeur de
physique des écoles de Paris, s ’occupant de l’électricité,
qui à cette époque ne servait, pour ainsi dire, que de
jouet à la curiosité de ceux qui l’étudiaient, dit un jour
à ses auditeurs qui l’applaudirent : « P endant que nous
jouons avec cette électricité qui nous am use, une voix
puissante (celle de Franklin,), nous crie des bords de
l’A tlantique, prenez garde, prenez garde, vous jouez
avec le tonnerre. » Et si le regard du professeur avait
percé ces horisons de la science qui toujours s ’élargis
sent , il aurait dit : Nous avons dans les mains un
instrum ent de 1 intelligence hum aine. Ce fluide traver
sant les d éserts, courant à travers les tem pêtes q u ’il
dédaigne, sans souci du tem ps et de l ’espace, et
cependant esclave de l’hom m e, obéit à sa pensée et la
transm et aux confins de l’univers.
M essieurs, s ’il est une ville à laquelle aient profité
les grandes inventions de notre siècle, c’est sans aucun
doute M arseille.
Les fils électriques lui transm ettent pour ainsi dire la
prospérité, en activant dans une proportion incalculable
les relations com m erciales. La vapeur lui apporte les
richesses du m onde. Les voies ferrées lui am ènent les
produits de l’in d u strie, et sem blent s ’arrêter pour ne
pas perm ettre à la concurrence de lui nuire. Enfin, l’art
de ( ingénieur porté si haut de notre tem ps, va ouvrir
�à ce grand port, une voie facile et prom pte vers l ’ancien
m onde, et ses vaisseaux sillonneront dans peu d ’années
la m er des Pharaons : g randeur vraim ent fabuleuse, et
dont l’im agination s ’étonne.
H âtons-nous de dire que si cette ville doit beaucoup
aux sciences, elle paie noblem ent sa dette. La sagesse
du gouvernem ent a créé une Faculté des Sciences dans
ce grand centre de population et de lum ières. M arseille
a accueilli celte institution avec une m unificence digne
d ’elle. Nous n ’avons que des rem ercîm ents à lui faire,
mais avec sa générosité croissent nos exigences. L ’en
seignem ent se développe, et ses besoins augm entent.
Une chaire de Géologie a été créée (vous savez quel a été
son succès), mais tout m anque au professeur, échan
tillons, instrum ents, et ju sq u ’à un lieu de travail. Il a
été résolum ent chercher en A lgérie ce qui lui m anquait
ici; il a été com poser son cabinet dans le d ésert, et pen
dan t q u ’il s ’était avancé, pionnier intrépide à la rech er
che de la science, un hom m e généreux dotait cette
Faculté des Sciences d ’une riche collection géologique.
Le doyen va vous dire la reconnaissance de l ’U niversité.
J ’ai cru, M essieurs, répondre à une pensée m arseil
laise en réunissant la F aculté des Sciences et l ’École
de M édecine dans une solennité com m une. Nous avons
voulu même dem ander un lieu de réunion à l’H ôtel-deV ille, constatant ainsi l’hospitalité que la cité nous a
donnée.
J ’ai désiré aussi que la voix d ’un de nos professeurs
se fit entendre dans cette enceinte, pour rom pre la
m onotonie d'une solennité qui se répète. A ujourd’hui
— 73 —
la Faculté des Sciences va vous parler par l’organe d ’un
de ses m em bres, l ’année prochaine une orateur rep ré
sentera l’École de M édecine.
Il faut, en effet, que cette École se m anifeste ici au sein
d’une ville aussi populeuse, rem plie d ’étrangers, etsu r
les rivages de laquelle, avec les richesses du m onde vien
nent descendre des calam ités cruelles, mais instructives;
il semble plutôt y avoir place pour une faculté que pour
une école préparatoire. C ’est pour les instructions et
pour les hom m es une chose excellente, que d ’avoir un
but à atteindre. On peut dire que le sort de l’École de
Médecine est entre ses m ains. Le zèle et les talents des
professeurs nous donnent grande confiance dans l’ave
nir. Le nom bre des élèves s'augm ente celte année
d’élèves qui viennent de Nice, dem ander à celte École
une science sûre et des connaissances élevées: la bien
veillance des professeurs leur est acquise.
M archons donc avec résolution, M essieurs, dans la
voie large qui nous est ouverte. Répondons à la pensée
de l'E m pereur qui veut partout le progrès, et applau
dissons-nous d ’être dans une ville qui sait ce q u ’elle
doit aux sciences, et qui ne leur a jam ais refusé un
intelligent appui.
M. le R ecteu r a d o n n é en su ite la parole à M. l'ab b é
A oust, ch arg é du d isco u rs de re n tré e , et qui a pris
pour sujet le trav ail scien tifiq u e.
�— 74 —
D isco u rs de II. l ’ab b é Aonst.
Monsieur
le
R ecteu r , M essieu rs ,
Appelé à l'honneur de porter la parole dans cette
solennité scientifique, en présence d ’hom m es ém inents
qui accordent aux sciences une noble et sym pathique
protection, o u .q u i les cultivent par devoir, p u is-je
choisir une étude plus digne de cette réunion que celle
du travail scientifique. C ’est une grande et belle chose
que le travail accompli par les sciences. C ’est lui qui
donne à l’hom m e l ’intelligence et la conquête de la
nature. La nature est le systèm e des forces établies par
le créateur pour l’existence et la succession des phéno
m ènes qui tom bent sous nos sens. O bserver attentive
m ent ces phénom ènes pour connaître les lois auxquelles
ils sont soum is, rem onter des phénom ènes observés aux
forces qui les produisent ; et, quand ces forces sont
connues, le faire servir à nos besoins : telle est la triple
tâche que rem plissent les sciences. M ontrer de quelle
m anière elles l’accom plissent, c'est exposer, dans toutes
ses parties, le travail scientifique.
D ire, M essieurs, que, dans l ’étude de la nature, il
faut com m encer par observer les faits dans leur totalité
et dans leurs détails pour acquérir la connaissance des
lois qui les régissent et, par ce m oyen, s ’élever à 1 es
timation des forces qui les produisent, n ’e s t- c e pas
énoncer une m éthode sim ple, qui se présente à l’esprit
en quelque sorte d ’elle-m êm e. Néanm oins cette m éthode
si naturelle est toute nouvelle; du m oins n ’a-t-elle été
appliquée que dans les tem ps m odernes. Vouée spécia
lem ent au culte de la logique , l’antiquité dédaigna
l’élude m inutieuse des faits. Ne s ’appuyant que sur
quelques principes adm is à priori sans discussion, et
longuem ent exercée dans l’art du raisonnem ent, elle
crut pouvoir p én étrer par les seules forces de la déduc
tion les secrets les plus intim es des phénom ènes n a
turels. Mais les leçons de l’expérience ne se rejettent
pas en vain. L ’explication que l’antiquité nous donna
de ce m onde physique fut brillante, ingénieuse mais
dénuée de rigu eu r et de solidité. Pour connaître la
nature, il ne faut pas la deviner, il faut l’apprendre.
Ces adm irables pages, tracées de la main de Dieu pen
dant la création, ne peuvent être lues que par ceux qui
en ont étudié les caractères. Q uelque puissante que soit
la déduction, si, elle rejette l’observation, si elle veut
tout expliquer par ses propres forces elle ressem ble, dit
Bacon, à l'araig n ée qui voulant tout extraire d ’ellemême ne produit q u ’un tissu fragile et inextricable.
Telle est l’im age des résu ltats de la m éthode scientifi
que suivie par les anciens. E t cependant l’em pire de
celte m éthode fût de longue durée. Sous l’autorité d ’un
grand nom , elle jeta des racines profondes, et l ’on vit
des esprits distingués s ’abriter sous les ram eaux de cet
arbre stérile. Qui eut osé porter le fer sur ce tronc
objet du culte des siècles !
Gloire au génie et au courage de K épler, de Galilée,
�— 7G —
de Bacon! P a rle u rs efforts com binés, ils parvinrent à
déraciner une m éthode antiq u e, vénérée m algré son
infécondité, et à y su bstitu er cette m éthode sage et
fructueuse qui repose entièrem ent sur l’observation.
Quels sont les caractères de cette m éthode? Solide
dans son principe, elle rejette comme arbitraires toutes
les spéculations hypothétiques , et n ’adm et que ce
q u ’elle a observé. A ttentive, et patiente quand elle ob
serve, elle se courbe péniblem ent sur les faits ju sq u ’à
ce q u ’elle ait pénétré dans leur nature intim e, et q u ’elle
ait apprécié leurs détails les plus variés ; prudente et
circonspecte en présence des faits com plexes, elle les
dissèque et les analyse, elle n'est point satisfaite
ju sq u ’à ce que par des procédés sûrs et délicats elle ait
effectué le travail de séparation. Enfin , toujours pro
gressive dans sa m arche m algré ses lenteurs, elle aug
m ente sans cesse le nom bre de ses observations, et
compose ainsi un précieux dépôt où l ien n ’est perdu
pour la science, où tout contribue à l’enrichir.
L ’observation persévérante des phénom ènes fait con
naître enfin les lois auxquelles ces phénom ènes sont
sujets. T ant que ces lois ne sont pas connues, l’on peut
dire que les phénom ènes n ’ont pas été observés d ’une
m anière com plète. Ainsi la cliûle des graves à la s u r
face de la terre est un fait antérieur à G alilée, mais cet
illustre physicien est le prem ier qui l’ait com plètem ent
observé, puisque, le prem ier, il a rem arqué la loi des
vitesses, la loi des espaces que suivent les corps en
tom bant.
C ’est une tâche bien utile, M essieurs, que l’accom
plissem ent de ce prem ier travail • de toute science qui
consiste à observer et à bien observer. Parm i ce grand
nombre d ’industrieux travailleurs qui explorent la na
ture avec tant de persévérance, heureux ceux qui par
viennent à signaler des faits nouveaux, à préciser les lois
qui les régissent! m ais plus heureux ceux qui savent re
m onter de ces lois aux forces qui produisent les phéno
mènes observés !
Telle est, M essieurs, la seconde partie de tout travail
scientifique: de couvrir par l’induction les forces sous
l’action desquelles s ’accom plissent les phénom ènes. Je
ne connais pas d ’étude qui fasse plus d ’honneur à l’in
telligence hum aine que la déterm ination des forces de la
nature.
Galilée avait trouvé les lois de la chute des corps; de
ces lois il conclut que la force qui les sollicite est cons
tante, et toujours dirigée vers le centre de la terre. La
découverte de la pesanteur dont il donne la m esure et
décrit les effets , reste pour lui un titre im périssable de
gloire.
H uyghens arriva par l’observation à la connaissance
des lois du m ouvem ent circulaire et uniform e, il rem onte
des lois de ce m ouvem ent à la nature de la force qui le
produit: elle a son siège dans le centre de la circonfé
rence décrite, et pour m esure le rapport du carré de la
vitesse au rayon. C ette m esure de la force centrifuge,
im m ortalise son au teu r. Elle constitue, conjointem ent
avec la m esure de la pesanteur, le fondem ent d ’une des
plus belles sciences des tem ps m odernes la m écanique
rationnelle.
�Un des pins grands astronom es, K épler, découvre les
trois adm irables lois du m ouvem ent des planètes, et son
existence s ’écoule sans q u ’il ait découvert la force,
cause unique de ce m ouvem ent. La gloire de cette dé
couverte à laquelle il avait tant de droits lui est ravie
par N ew ton.
C ’est une chose bien digne de la m éditation des hom
mes voués au culte de la science que l’induction
laborieuse de Newton pour s'élever du m ouvem ent des
planètes ju sq u ’à la force de l’attraction. Rien n ’est plus
instructif que l’histoire de cette m arche inductive.
Pourquoi la lune circule-t-elle autour de la te rre ?
Si, à un instant elle était dénuée de vitesse, elle se pré
cipiterait, sous l’influence de la pesanteur, vers le centre
de notre planète. O r, pendant un tem ps très-p etit, elle
se m eut autour de la terre d ’un m ouvem ent circulaire et
uniform e; elle est donc soum ise, pendant oe tem ps, à
une force centrale. Cette force m esurée d ’après les lois
d ’H uyghens est à celle qui fait tom ber un corps à la
surface de la terre dans le rapport inverse du carré des
distances de la lune et du corps au centre de la terre.
Telle est donc l ’expression de la force qui retient notre
satellite dans son orbite. L ’attraction solaire agissant
égalem ent dans le rapport inverse du carré des distances
est aussi la force qui retient les planètes dans leurs tro jecto ires, car elle les soum et aux lois de K épler.
La nature de ces questions, leur ordre, leur solution
offre sans doute à l’esprit quelque chose de sim ple et de
didactique; m ais est-il rien de plus m erveilleux que ce
travail intérieur par lequel l ’esprit hum ain parvient à
— 79 —
pénétrer les m ystères des cieux. Quelle habileté pour
saisir les vrais principes de la science, pour les appli
quer à propos aux phénom ènes observés, pour les com
biner e n tre u x afin de faire jaillir de celle com binaison,
comme un trait de lum ière, le principe de la gravitation.
Admirable leçon qui doit être à jam ais présente à l’esprit
de ceux qui cherchent à pénétrer les secrets de la nature!
Ces étonnants succès du travail de 1 induction sont-ils
le privilège exclusif de la science astronom ique? Non,
M essieurs. Les autres sciences visent toutes au même
but qui est la connaissance des forces, et souvent elles
ont eu la gloire de l’atteindre.
Qui ignore les belles recherches d ’Arnpère sur la force
électro-m agnétique, les illustres travaux de Fourier et
de Poisson su r la chaleur? S ’il est quelque chose qui
doive nous saisir d ’adm iration n ’est-ce pas la belle
théorie de la lum ière de F resnel et de Cauchy, où se
trouve si bien caractérisée la force qui produit les phé
nomènes lum ineux, et dont les effets sont pourtant si
nom breux, si variés, si im prévus ? A pplaudissons aussi,
M essieurs, aux travaux que poursuit la chimie m oderne
sur la constitution de la m atière élém entaire, et qui je t
tent déjà tant de jo ur sur les forces m oléculaires.
Dans la science des êtres vivants, le phénom ène de la
vie est d ’une com plication si élevée que pour le produire
il faut le concours de forces m ultiples. Les unes sont
propres à la n ature inorganique, les autres appartien
nent spécialem ent à la nature organisée, o r, toutes
ces forces se surajoutent sans se détruire, se com binent
sans se neu traliser. C ’est ce qui explique pourquoi cette
�80
—
science qui rem onte si haut dans l'antiquité n ’a pas
m arché d ’un pas aussi rapide dans l’étude des forces.
C ependant elle n ’est pas restée stationnaire dans ses
recherches dans le problèm e de la vie, problèm e sublim e
dont la solution com plète est certainem ent placée audessus des forces de l’hom m e.
Lorsque la science est en possession des forces qui
président aux phénom ènes, son devoir est de les faire
servir aux besoins de 1 homm e. O r, c ’est dans celle
troisièm e partie de son travail que la science a produit
des résultats m erveilleux qui ont contribué au bien-être
des peuples, à la puissance, à la grandeur des nations.
Voyez-vous cette m asse d ’eau qui, m ue par la pesan
teur, se précipite avec fracas en suivant une pente rapide.
C ’est là une puissance que le savant utilise d ’une façon
singulière; lui com m uniquant en quelque sorte son in
telligence, il l’oblige à un travail assidu et régulier. Les
produits de ce travail sont tantôt les tissus les plus fins,
les étoffes les plus ornées, tantôt les outils les plus
délicats, les instrum ents les plus perfectionnés. Il y a
une grande distance entre les m atières prem ières livrées
à l’industrie et les produits que 1 industrie nous donne.
O uvrière ingénieuse et docile, la pesanteur s ’est livrée
à tous les details de l’ouvrage le plus com plexe, et n ’en
a négligé aucun. Depuis q u ’elle est assujettie par la
science, la pesanteur nous rend les services les plus
précieux. C ’est elle qui partage le tem ps avec une ad
m irable précision. Si elle fournit les heures aux cités,
elle donne à l’astronom e les secondes et les fractions de
seconde. C ’est elle qui forge le fer, travaille le cuivre,
purifie l’argent. C ’est elle qui élève les fleuves su r les
m ontagnes pour les besoins des villes et la fertilisation
des cam pagnes.
Une autre force non m oins puissante c’est la chaleur.
Quand elle agit su r un liquide, elle le transform e en
vapeur. La science em prisonne la vapeur, et, en lui ren
dant la liberté, en retire les services les plus étonnants.
La plus belle conquête que l’homm e ait jam ais faite,
disait un savant naturaliste du dernier siècle en parlant
du cheval , c ’est celle de ce fier et fougeux anim al qui
partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des
combats. S ’il vivait encore, Buffon dirait aujourd’hui :
La plus belle conquête que l’homme ait jam ais faite c’est
celle de cette puissance appelée vapeur. Si le cri de guerre
s’est fait entendre, coursier d ’une nouvelle espèce, la
locomotive im pétueuse s ’est élancée. Ce n ’est pas un
soldat q u ’elle porte avec elle , m ais des m illiers de
soldats. Sur elle ne reten tissen t pas une seule lance et
un seul bouclier com m e su r le cheval belliqueux de Job
super ipsum vibrabit hasta et clypeus. S ur elle reten tis
sent tous les instrum ents de m ort et de destruction
capables de dém olir en un instant les villes, et de raser
les forteresses. R ien ne l ’arrêtera dans sa course rapide.
Bouillonnante, frém issan te, elle dévore l’espace ardetis
et fremens sorbet lerram.
Quand les chants de paix ont succédé aux cris de
guerre, la vapeur rend à l’hom m e des services pacifiques.
Elle trace dans la terre des sillons profonds qui la ferti
lisent, elle élève des fardeaux sur le som m et des édi
fices, transporte les m archandises d ’une frontière à
�— 82 —
l'au tre, elle creuse les m ines, applanit les m ontagnes,
obéissante et résignée tant q u ’elle est esclave, elle sait
travailler pour son m aître.
S ’il ne fallait se borner dans un sujet si é ten d u , que
n ’aurions-nous pas à dire des conquêtes que toutes les
sciences ont faites sur les forces de la nature ! La chim ie
a créé de toutes pièces des corps qui n ’avaient pas leurs
analogues dans la création. La physique a fixé la
lum ière, donné un corps perm anent à l’im age fugitive,
elle a transm is à l'électricité des ordres que cette m es
sagère fidèle et rapide a portée, en un in stan t, d ’un pôle
à l’autre. La m édecine par l’éthérisation a assoupi la
sensibilité de l’hom m e, et endorm i sa douleur!
Adm irable puissance des sciences ! elles rendent à
l ’homme sa royale suprém atie, et lui font partager en
quelque sorte avec Dieu la dom ination et le gouverne
m ent des forces de la nature et sont pour lui une source
intarissable de biens.
Au point de vue m até riel, les sciences satisfont à
tous ses besoins, répondent à toutes les exigences de sa
nature perfectionnée, lui livrent des richesses intim es,
d ’inépuisables trésors.
Au point de vue intellectuel, les sciences ennoblissent
l ’homme par la connaissance des grandes vérités qu elles
lui révèlent. L ’étude de la nature n ’est-elle pas l’étude
du vrai, du beau,tels que les a réalisés le suprêm e artis
te. Le savant ne fait-il donc que rem uer des atom es?Sous
ehaque atom e n ’y a-t-il pas une idée éternelle suivant la
belle philosophie du Platon chrétien , du divin Paul ut
ex invisibilibus visibilia færenl? Un livre écrit en langage
— 83 —
hum ain épure le goût, perfectionne les m œ urs, et le li
vre écrit de la m ain de Dieu serait im puissant à form er
l’esprit, à m oraliser le cœ ur, ouvrons ce livre et lisons
attentivem ent !
Au point de vue religieux, l’étude des sciences élève
l’âme ju sq u ’à Dieu. Q uand vous étudiez la nature, disait
Sénèque, vous n ’êtes pas seul, Dieu est près de vous,
Dieu est avec vous, Dieu est en vous prope est, tecum est,
intus est. Si vous jetez un sim ple coup d ’œil sur la nature,
vous aurez le sentim ent de la divinité cachée derrière
les voiles de la création, les apparences si harm onieuses
des choses finies vous parleront de l’infini; mais si vous
avez recours à la science, si vous la priez de soulever le
voile, de dissiper les apparences; elle vous m ontrera les
belles propriétés de la n atu re , vous découvrira ses ad
mirables lo is, m ettra e n je u la puissance de ses forces,
alors vous verrez Dieu face à face, vous contem plerez
les splendeurs de sa m ajesté, de sa sagesse, vous serez
ébloui par l ’éclat de sa bonté et de son am our.
R apport d e i l . le D o yen de la F a c n lté
d es S c ie n c e s .
Monsieur
le
R ecteur , M essieurs ,
Nous venons, suivant les prescriptions de nos règle
m ents, vous p résen ter le com pte rendu des travaux de
�- 84 —
la Faculté des Sciences pendant V année qui vient de
s ’écouler.
P erm etlez-nous d ’abord de vous laisser connaître les
changem ents survenus dans la F acu lté. Une chaire
nouvelle, la chaire de G éologie et de M inéralogie, a été
créée, et S. E. le M inistre de l’Instruction publique a
choisi pour l’occuper un des hom m es ém inents de la
science. Nous aurions à exprim er les rem ercîm ents de
la Faculté pour cette double faveur, m ais Son Excellence
nous a donné cette année les preuves les plus nom
breuses de sa haute bienveillance, nous aurons à vous
les faire connaître et il nous sera plus facile, en vous
les signalant, d ’exprim er notre reconnaissance pour
cette continuelle sollicitude.
Nos obligations comme p rofesseurs, M essieurs, sont
de plusieurs sortes, nous avons à rép an dre par la parole
un enseignem ent dont la direction et la m arche nous
sont tracées par des program m es officiels ; nous devons
en outre procéder aux exam ens, à la suite desquels sont
conférés, par le M inistre, les différents diplôm es univer
sitaires. D éplus, un autre devoir tout aussi im périeux et
sacré nous est encore im posé ; nous devons, sentinelles
attentives, suivre et signaler les progrès de la science,
contrôler par l’expérience les découvertes nouvelles, et
tendre sans cesse, par nos travaux personnels, à aug
m enter le précieux trésor.
Com m ent avons-nous répondu à ces diverses exi
gences, telle est la question que nous avons aujour
d’hui à traiter devant vous?
Autrefois, M essieurs, l’enseignem ent supérieur, dans
— 85 —
chaque faculté, em pruntait son caractère principal aux
dispositions et aux études particulières des divers pro
fesseurs qui en étaient chargés. On y rem arquait une
variété souvent extrêm e dans les m éthodes, dans les
tendances, et m êm e aussi dans les développem ents
spéciaux préférés par le professeur. On conçoit dès
lors q u ’il était indispensable d ’exposer avec soin, avec
détail l’enseignem ent de chacun pour q u ’il fut connu et
apprécié.
A ujourd’hui l’autorité a tracé des lim ites plus nettes
et une route plus précise à des leçons qui, partout dans
les facultés françaises, doivent présenter une précieuse
unité.
Ces sages exigences lim itent beaucoup pour nous,
Messieurs, la prem ière partie de notre tâche , et nous
n ’avons plus q u ’à signaler l ’exactitude et le zèle avec
lesquels, tout entier à des leçons que rien n ’est venu
interrom pre un seul jour, chaque professeur a suivi la
route qui lui était indiquée.
Nous vous d isio n sq ue l ’année dernière, l’un de nous,
arrêté par les exigences d ’une santé un instant chan
celante, avait vu suspendre le cours de ses leçons. Nous
avons à vous faire connaître q u ’à partir du deuxièm e
sem estre, M. Sentis a pu reprendre le cours de Méca
nique appliquée, et nous som m es heureux d ’annoncer
que cette année, dès le prem ier sem estre, comme ses
collègues, M. Sentis exposera son enseignem ent com
plet, en com m ençant le cours de M écanique rationnelle.
Il est un point essentiel, M essieurs, su r lequel je
désire vivem ent appeler votre attention et qu'il est de
�mon devoir de signaler. Les prescriptions du règlem ent
n ’ont pas suffi à nos dignes collègues, dans le désir qui
les anim e, de faire produire à leur enseignem ent tous les
résultats et les fruits que réclam ent les industries et les
divers besoins de notre Cité. Bien que chacun d ’eux ait
réussi à faire entrer dans le cadre de l ’enseignem ent
norm al les plus im portantes applications de la science,
cependant tous ont reconnu que le tem ps et le nombre
réglem entaires des leçons ne suffisaient pas à leur zèle,
ils ont voulu recourir à des leçons et à des mesures
supplém entaires. Ainsi, le professeur de M athématiques
a consacré un jour par sem aine à s ’assu rer par des in
terrogations réitérées que sa parole et ses leçons obte
naient des résultats heureux chez ses zélés auditeurs.
Dans des conférences spéciales, le professeur de Physi
que a exposé les applications de la chaleur et fait résou
dre par les étudiants eux-m êm es les plus im portantes
questions que cette étude soulève. De m êm e, le profes
seur d ’Histoire naturelle a donné avec plus de détails et
avec le secours des pièces anatom iques l’explication des
divers organes du corps hum ain. E nfin, le professeur de
Chimie à consacré une leçon spéciale du jeudi à l’exposé
des théories et des procédés des diverses industries qui
existent à M arseille. Nous nous faisons un devoir d ’a
jouter que ce cours de chimie appliquée, qui n ’avait lieu
précédem m ent que dans le deuxièm e sem estre, sera dé
sorm ais exposé dans les deux parties de l’année.
Nous n ’avons rien dit, M essieurs, du cours de Géologie
et nous l’avons fait à dessein pour vous p résenter d ’une
m anière plus m arquée ce qui concerne cet enseigne-
— 87 —
m ent. En créant une chaire nouvelle, en choisissant un
savant distingué pour l’occuper, Son Excellence a ac
compli tout ce qui dépendait d ’elle. Elle ne pouvait
d ’un m ot créer et im proviser les collections et les resressources scientifiques que le nouvel enseignem ent
réclame et qui doivent, comme prem ière dépense, être
fournies par la Cité.
Précédé par une réputation que ses travaux lui ont
justem ent conquise, le professeur avait devant lui une
tâche difficile et que peu de professeurs auraient eu le
courage d ’accepter. Il avait à m onter dans sa chaire
sans avoir auprès de lui les richesses scientifiques qui
seules peuvent perm ettre les préparations patientes, les
recherches consciencieuses et fécondes sans lesquelles
un cours de faculté n ’est pas longtem ps possible.
Notre collègue a accom pli à son honneur cette tâche
laborieuse, m ais un tel effort ne peut, ne doit pas être
plus longtem ps prolongé, et il nous suffira, nous le
pensons,d’exposer cette situation anorm ale, pleine d'im
possibilités, pour que la ville de M arseille, qui nous a
m ontré com m ent elle accom plit les prom esses données,
tienne à term iner au plus tôt, tout ce qui concerne la
Faculté des Sciences, établissem ent scientifique, consi
déré déjà com m e un des plus beaux de l’Em pire.
Nous avons à vous parler actuellem ent, M essieurs,
des divers grades conférés par la Faculté.
Pour le doctorat, aucune thèse ne nous a été soum ise.
Pour la licence, deux candidats à ce grade difficile se
sont présentés devant nous. Le prem ier, m algré des
connaissances réelles,qui ont été appréciées avec intérêt
�88
par la Faculté, n ’a pas été trouvé suffisant dans la com
position écrite, prem ière des trois épreuves imposées.
Le second, après avoir réussi dans les deux prem ières
épreuvesT a été jugé insuffisant à l ’exam en oral. La
Faculté a cru devoir donner à ces candidats des encou
ragem ents et des conseils qui les ram èneront préparés
d ’une m anière plus com plète pour toutes les exigences
de ces exam ens difficiles.
Pour les épreuves du baccalauréat, 264 candidats se
sont présentés devant la F aculté. Ce nom bre s ’est
réparti de la m anière suivante entre les diverses caté
gories d ’exam ens :
—
NOMBRE
NATURE
des candidats
qui se
sont présentés.
de
l’épreuve.
194
Baccalauréat complet
56
14
«
«
scindé.
restreint
NOMERE
MOYENNE
79.
40, 7.
30.
11.
46, 4.
78 a
de candidats des admissions
admis.
P- 7 .
Nous n ’avons que quelques m ots à dire relativem ent
au baccalauréat com plet. Le chiffre de 40, 7 °/0 est plus
élevé que la m oyenne de l’année dernière, il est sans
89 —
nul doute la preuve de préparations plus com plètes et
plus consciencieuses. En com parant ce dernier chiffre à
celui des autres F acultés, on pourrait nous accuser
d ’être sévères, m ais la F aculté de M arseille est trop
profondém ent convaincue de l’im portance des devoirs
qui lui sont, sous ce rapport, confiés, elle sait combien
la force et la prospérité des études sont liées aux exi
gences dont les jurys d ’exam en donnent la preuve,
elle veut dès lors m ettre tous ses soins à m aintenir à un
niveau sérieux et élevé les diverses épreuves scienti
fiques qui reposent su r elle, et dès qu elle aperçoit
qu’une partie des études se présente plus faible et
moins bien préparée, c’est aussitôt vers elle q u ’elle
dirige ses exigences et ses rigueurs. A ussi, elle croit
devoir cette année signaler la version latine comme une
des parties de l’épreuve sur laquelle les candidats, en
général, ont le plus laissé à désirer.
Nous avons à faire rem arquer que pour l ’Algérie les
résultats ont été cette fois moins satisfaisants que les
années précédentes. La m oyenne, relative au nom bre
d ’adm issions spéciale à l’A lgérie, n ’a été que de 31,
5 °/o, m algré une indulgence m arquée de la part des
juges, puisque beaucoup de candidats, acceptés après
l’épreuve écrite, ont échoué devant les exigences sé
rieuses et plus diverses de l’épreuve orale.
La m oyenne spéciale à la Corse est, au contraire, trèsélevée, elle est de 46 °/0 et ce chiffre tém oigne nette
ment en faveur des études et du travail des jeunes gens
de ce pays.
Nous vous d em an do n s, M essieurs, de citer devant
�— 90 —
vous le nom des candidats qui se sont le plus distin
gués dans nos épreuves. Nous donnerons ainsi à leurs
efforts et à leurs succès une haute sanction et un pré
cieux encouragem ent. Dix boules, dans chaque examen,
font connaître l’opinion des juges su r chaque candidat.
Il est extrêm em ent rare de voir accorder dix boules blan
ches, ce sont des exceptions qui font époque dans la
Faculté et que nous avons vu provoquer, dans l’assis
tance, d ’unanim es applaudissem ents ; m ais c’est encore
un grand éloge que d'approcher de ce résu ltat sans que
l’examen soit déparé par des boules n o ires.— Nous cite
rons donc: MM. Chapelle et D ubernad, qui ont obtenu
8 blanches, M. Padovani 7, M. Toucas 6, et MM. Jouve,
R oustan, Bourges, C om bes, Ju ste t, Percie, qui ont
obtenu 5 blanches.
Pour le baccalauréat scindé, le chiffre d ’admission,
46, 4 °/0, ne doit pas être regardé com m e exact et défi
nitif, puisque, sur les 30 adm issions prononcées, il y en a
un grand nom bre (27) qui n ’en traîn en t pas la conquête
définitive du certificat d ’aptitude, puisque, pour ces 27
candidats, il y a encore une deuxièm e épreuve à subir.
Le nom bre de 78 adm issions % , que nou trouvons
pour les 14 candidats au baccalauréat restrein t, s’ex
plique facilem ent, d’abord par l’âge généralem ent plus
avancé et dès lors par les efforts plus sérieux des can
didats qui désirent ce grade, et qui presque tous appar
tiennent à la m édecine.
Ces candidats cherchent, au m oyen de cet exam en, à
se m ettre à l’abri de l’effet rétro actif pour eux des
décisions qui ont modifié une épreuve q u ’ils avaient
— 91
négligé de subir dans un âge plus jeune. Tel q u ’il est,
ce grade est un véritable bienfait pour les étudiants at
tardés de l ’art m édical, et la F aculté s ’est fait un devoir
de s ’associer à la pensée bienveillante qui avait dicté
la m esure de M. le M inistre.
Il est une partie de nos travaux su r laquelle nous
avons à insister particulièrem ent, c’est celle, nous le
pensons, dont la F aculté doit le plus être fière.
En dehors des travaux de l’enseignem ent et en pro
fitant, avec un soin continuel, des instants que les obli
gations du professorat ne réclam ait pas, chacun de nous
s ’est livré à des recherches spéciales qui ont entretenu
dans la vie intim e de la Faculté une précieuse ém ulation
de travail. N ulle année, sous ce rapport, n ’a été pour
nous m ieux rem plie.
L ’Institut, ce juge souverain de tous les travaux
scientifiques, a reçu les com m unications répétées et les
mém oires de la F aculté, qui souvent aussi a eu recours
soit à l ’im pression im m édiate, soit à la publicité des
journaux scientifiques, les moyens de répandre les re
cherches sorties de son sein.
Nous les énum érerons avec rapidité.
Le professeur de M athém atique a présenté â l'In stitu t
les m ém oires suivants :
1° S ur les lignes de courbures des surfaces du second
degré ;
2° S ur une form e de l’équation de la ligne géodésique ellipsoïdale et su r ses usages pour trouver les pro
priétés com m unes aux lignes ellipsoïdales et aux lignes
planes correspondantes ;
�—
02
—
3° Construction géom étrique des rayons de courbure
principaux des surfaces du second ordre.
Le professeur de chimie a publié, soit seul, soit en
collaboration :
1° Recherches sur les courants hy dro -électriq u es:
influence des courants induits, su r l ’intensité des cou
rants discontinus, par MM. F avre et L aurent ;
2° Recherches sur l’affinité chim ique, par MM. Favre
et du Queylard ;
3° Recherches sur l’affinité chim ique, par M. Favre
seul.
4° et 5° Influence de la pression su r les phénom ènes
physiques et chim iques, par M. F avre seul.
Le professeur de Géologie a publié, de son côté :
1° La carte géologique de la C harente, im prim ée par
ordre du M inistre des travaux publics, par l ’im prim erie
im périale. Ce travail résum e neuf années d ’études ;
2° Un mémoire m entionnant la découverte de l’étage
lacustre de Purheck au-dessus des terrains m arins ju
rassiques dans le sud-ouest de la F rance ;
3° Un mémoire sur la répartition des anim aux et des
végétaux fossiles recueillis dans les sept étages qu'il a
établis dans la form ation crétacée du su d-o u est de la
France.
Nous voudrions pouvoir citer et faire connaître en
outre les autres travaux de longue haleine qui se pré
parent avec zèle et persévérance dans nos laboratoires
et dont quelques résultats sont déjà con n u s; ils vien
dront à leur tour ajouter à la réputation de notre jeune
et laborieuse Faculté.
— 93 —
Ces efforts, M essieurs, ne sont pas restés sans ré
com pense, ils ont obtenu de S. E. le M inistre de l’Ins
truction publique des tém oignages de satisfaction dont
la Faculté est heureuse et pour lesquels elle doit
exprim er hautem ent sa profonde gratitude.
M. l’abbé A oust avait été proposé pour une noble ré
com pense, et au m om ent où leurs M ajestés, l’Em pereur
et l’Im pératrice, sont venus recevoir parm i nous l’accueil
et les ovations dont nous garderons longtem ps le sou
venir, la m ain auguste du chef de l 'E tat, qui conférait au
digne chef de notre Académ ie la haute distinction de
com m andeur de la L égion-d’H o n n eu r, plaçait le ruban
de Chevalier su r la poitrine de notre distingué collègue,
donnant ainsi une valeur nouvelle à des récom penses
bien m éritées.
La sollicitude de S. E. le M inistre de I n stru c tio n
publique s ’est étendue encore à des détails pleins d ’in
térêt pour notre enseignem ent.
Un conseiller d ’E tat, M. C arteret, s ’adressait à M. le
M inistre, le 20 mai dernier, pour lui faire savoir q u 'u n tes
tam ent m ettait entre ses m ains une collection géologique
d’une haute valeur et q u ’il regrettait, à cause de la direc
tion toute différente de ses études et de ses occupations,
de voir ainsi un instrum ent scientifique, d une grande
im portance scientifique, dem eurer stérile et im productif.
J'ai l’honneur, disait M. C arteret, de m ’adresser à
V. E. pour la prier de trouver à cette collection un
emploi digne d ’elle et de l ’hom m e excellent qui l ’a for
mée. M. T héophile Régley la tenait ouverte à tous;
placée par vos soins dans un établissem ent consacré aux
�94
sciences, elle sérail rendue à sa prem ière et véritable
destination. Je la m ets donc à la disposition de Y. E.
sans conditions, sauf une seule que me com m andent la
reconnaissance et le respect que je porte à son auteur,
c’est q u ’elle conservera le nom de M. T héophile Régley,
et qu elle ne sera jam ais dissém inée.
M. le M inistre a décidé que la collection serait en
voyée à la Faculté des Sciences de M arseille et q u ’elle
se placerait à côté des richesses scientifiques déjà
réunies dans cet établissem ent par la ville de Marseille.
Nous sommes heureux d'ajouter, M essieurs, que M. le
Maire, apprenant le don fait à la F acu lté, a voulu, par
une noble initiative, rem ercier Son E xcellence, de la
pensée qui lui avait fait choisir notre cité, et sur sa
proposition, le conseil m unicipal à résolu de prendre à
la charge de la com m une les frais que nécessiteraient
l’arrivée de la collection R égley et son installation,
suivant les désirs du donateur.
La Faculté des Sciences, par une délibération spé
ciale , m ’a chargé d ’être aujourd’hui son organe et
d ’exprim er sa vive g ratitu d e, d ’abord pour la haute
bienveillance de M. le M inistre, ensuite pour le nouveau
tém oignage de sym pathie que M. le m aire de Marseille
et MM. les m em bres du conseil m unicipal ont bien
voulu lui accorder. Ainsi com m ence sous d ’heureux
auspices la collection de géologie et de m inéralogie que
nous avons la mission de form er.
Nous devons ajouter que déjà notre digne collègue, le
professeur de Géologie, s ’est préoccupé de cette tâche
laborieuse.
—
—
95
N on-seulem ent les départem ents voisins, la Corse et
les côtes d ’Italie, reçoivent ses dem andes et lui envoyenl
des richesses destinées à nos collections, mais l’A lgérie
a été pour lui l’objet de préoccupations, de recherches
et de travaux q u ’il est de mon devoir de vous faire
connaître, et dans lesquels ni les dépenses personnelles,
ni les périls ne l ’ont un instant arrêté. M. Coquand
avait déjà parcouru le Maroc et la partie occidentale de
l’A lgérie. Il avait com m encé su r la géologie de l’Atlas
des publications justem ent appréciées; il a voulu, com
me l’ont déjà fait ses collègues, m ettre au profit de la
science, la m ission d ’exam en confiée à la F aculté de
M arseille, qui tous les ans se rend en A lgérie, et il s’est
préparé avec soin à de nouvelles courses dans les parties
les moins connues de notre conquête africaine.
Une exploration géologique, c ’est-à-dire, une explo
ration m inutieuse et patiente d ’un pays devient une
chose ardue et réellem ent difficile quand il s ’agit d ’une
nation à peine soum ise par la France, quand il faut
parcourir les cim es abruptes et sauvages de l’A tlas, chez
des tribus pour qui le contact de l’européen est une
souillure, et qui ne voient en lui q u ’un oppresseur et un
infidèle.
En présence de ces difficultés, de ces dangers m êm es,
il fallait recourir à l’autorité m ilitaire française et lui
dem ander à voyager sous son égide. Ici, M essieurs, car
nous avons assisté à A lger, aux prélim inaires de cette
difficile entrep rise, q u ’il me soit perm is d’exprim er nos
vifs rem ercîm ents et notre reconnaissance pour M. le
G ouverneur m ilitaire de l ’A lgérie. M. le G énéral de
—
—
�— 96
M artimprey, après avoir donné à la F aculté toute entière
des preuves de uelte et cordiale sym pathie, s ’est em
pressé de fournir à notre collègue les sauf-conduits et
la protection puissante de l ’épée française. P artout ainsi
ont été assurés le succès et la m arche facile du voyage
entrepris. Après ces prem ières bienveillances, nous
devons dire tout ce que M. C oquand doit de chaleureux
appui et de bonne hospitalité à M. le G énéral de division
Desvaux, com m andant la province de C onstantine, et à
MM. Delestre et Forgem olle, com m andants supérieurs
des cercles de Tibessa et de B iskra. N ous savons qu'au
milieu de la récolte heureuse que lui ont fournie les
richesses géologiques de l’A tlas, notre collègue se pré
pare à rendre plus durable le souvenir de notre recon
naissance, en attachant scientifiquem ent à des espèces
nouvelles, les noms de ceux qui, dans ce lointain pèle
rinage, lui ont si cordialem ent tendu une m ain amie.
Nous ne vous cacherons pas, M essieurs, que malgré
ces prom esses si loyales, et dès lors ces certitudes d ’un
concours et d ’une protection énergique, nous étions
pleins d ’une vive inquiétude, et ce ne fut pas sans une
émotion profonde que nous serrâm es une dernière fois
la main à notre collègue laissé par nous sur une terre
que nous sentions toute frém issante encore devant
l’image des m assacres exécutés par les m usulm ans de
Syrie, laissé chez un peuple qui voyait avec une haine
concentrée, nos soldats quitter en ce m om ent et sous nos
yeux l’A lgérie, pour aller châtier les fanatiques du Liban
et de Damas. Nos craintes ont été vaines et notre collè
gue est de retour, après avoir parcouru des contrées que
— 97 —
que le pied de nul européen n ’avait encore foulées. Nous
somm es heureux d ’ajouter que la science reconnaissante
sait apprécier et récom penser le dévouem ent que l’on a
pour elle, puisqu’aujourd’hui même M. Coquand apprend
que, dans sa dernière séance, l'In stitu t a placé son nom
parmi les candidats au titre de m em bre correspondant.
R a p p o rt d e M. le D ir e c te n r de l’É co le
de M éd ecin e.
Monsieur
le
R ecteur , Messieurs ,
La dernière année d ’études à notre École, a été bien
rem plie. L ’enseignem ent théorique et pratique n ’a rien
laissé à d ésirer; tous les cours ont été faits très-rég u
lièrem ent, et l’assiduité des élèves a parfaitem ent ré
pondu au zèle des professeurs. A ussi, j ’ai hâte de le
d ire, les exam ens de fin d ’année et ceux, beaucoup
plus im portants , qui ont pour résultats la collation des
grades o n t-ils été très-satisfaisants , soit par l’em pres
sem ent des élèves à se présenter aux prem iers de ces
exam ens, soit par les notes obtenues aux uns et aux au
tres.
L ’exam en de fin d ’année est un acte extrêm em ent
utile puisqu'il a pour but de m ontrer si les étudiants
ont profité des leçons de leurs m aîtres , et pourtant cet
7.
�— 98 —
examen était autrefois fort négligé, fort délaissé par les
élèves. Dès le jour où j ’ai eu l’honneur d 'être chargé de
la direction de l’École j'ai soigneusem unt veillé à l’exé
cution ponctuelle de cette partie du règ lem en t; je suis
heureux d ’y avoir réussi.
Les exam ens de fin d ’année ont com m encé le 16 août
pour les étudiants en pharm acie; tous ces jeunes gens se
sont présentés, sauf un seul, qui était absent pour cause
de m aladie.
Les élèves en m édecine ont été exam inés à partir du
17 août jusqu'au 22 inclusivem ent. P resque tous ont
répondu à l’appel; deux seulem ent en prem ière année,
trois en deuzième année et trois aussi en troisième
année ont fait défaut.
Deux ajournem ents seulem ent ont été prononcés
pour les étudiants en pharm acie ; un seul peur les élè
ves en médecine de prem ière année et cinq pour ceux de
deuxième année. Tous les élèves de troisièm e année ont
été admis. Ces ajournem ents so n t, sans d o ute, regret
tables, mais ils sont relativem ent peu nom breux. La
plupart des élèves absents on ajournés viennent de ré
gulariser leur position en se présentant, il y a quelques
jour, à la session extraordinaire de la rentrée.
Toutefois, quatre ajournem ents ont dû être prononcés
parm i les étudiants de deuxièm e année. 11 y a eu , en
o u tre , deux absents.
En somme, les exam ens de fin d ’année ont eu géné
ralem ent de bons résultats.
Du reste, ces actes, tout en donnant satisfaction
complète au règ lem en t, constituent a u s s i, d ’après une
— 99 —
très-sage décision de l’École, une sorte de concours, un
champ ouvert à l'ém ulation de nos élèves pour l’obten
tion des prix.
L ’École a reçu, pendant l’année scolaire 1859-1860,
411 inscriptions, ainsi réparties:
140 pour le d o cto rat, 173 pour le grade d ’officier de
santé, 4 pour le titre de pharm acien de prem ière classe,
94 pour celui de pharm acien de deuxièm e classe.
La session d ’exam ens pour les aspirants au titre
d ’officier de santé et pour les aspirantes au titre de sagefemme s ’est ouverte, le 24 septem bre, sous la pré
sidence de M. le professeur Courty, de la Faculté de
Médecine de M ontpellier. Les prem iers étaient au nom
bre de 10 ; les secondes, au nom bre de 20. Celles-ci ont
été toutes adm ises. Parm i les aspirants au titre d ’offi
cier de santé, trois ont été ajournés au prem ier exam en
et un au second. Six ont donc été reçus à toutes les
épreuves.
M. le professeur Planchon, directeur de lÉcole supé
rieure de Pharm acie de M ontpellier, est venu présider,
cette année, la session d ’exam ens pour les candidats au
grade de pharm acien et d ’herboriste. Nous avons eu
23 prétendants au grade de pharm acien et trois au titre
d ’herboriste. Ceux-ci ont tous été reçus. Des autres
candidats, dont la p lu p art, élèves de l’École, ont eu de
très-bonnes n o tes, 22 ont été jugés dignes d ’obtenir
leur diplôm e, un seul a été ajourné.
Les droits acquis à la ville pour les inscriptions ont
été de 10,275 fr. Le reliquat pour les officiers de santé,
c’est-à-dire, la som m e nette à verser, déduction faite de
�—
100
tous les frais, a été de 638 fr. Le reliquat des phar
maciens et des herboristes a été de 4,530 fr. 75 c.
T o tal........................1 5 ,4 4 3 fr. 75 c.
L ’État a perçu pour les inscriptions, 2 ,0 7 5 ; pour les
officier de santé , 1,200 fr. ; pour les sages-fem m es ,
500 fr. ; pour les pharm aciens , 4,760 fr. ; pour les
herboristes, 1 5 0fr.
T o tal........................ 8 ,6 8 5 fr.
Le chiffre des dépenses de l’École est de 22,500 fr.
elles prévisions de notre budget, pour les recettes or
d in a ire s, étaient de 11,500 fr.
La caisse m unicipale ayant fait recette de 15,443 fr.
75 c. , il en résulte que ces prévisions ont été dépassées
de 3,943 fr. 75 c.
Cette situation prospère et ex cep tio n n els est due au
grand nombre des candidats qui, cette année, se sont
présentés pour l'obtention du titre de pharm acien et qui,
sauf un seul, ont tous été reçus.
Nous avons fait, en collection d ’anatom ie, instrum ents
et livres, quelques acquisitions dans la faible m esure
que comporte l ’exiguité de notre local.
M. le M inistre de l’Instruction publique a bien voulu
nous adresser encore un grand nom bre de thèses de
doctorat et de concours pour l’agrégation. Son Excel
lence a droit à toute notre reconnaissance pour un don
aussi utile. Les thèses de l’an dernier ont été, par mes
soins, reliées en beaux volum es qui p o urro nt être facile
m ent et très-avantageusem ent consultés. Il en sera de
même pour les thèses de la présente année. Ces livres
occuperont une bonne place dans notre bibliothèque,
quand il nous sera possible d’en avoir une.
Les chiffres de recettes que je viens d ’exposer dans
ce rapport attestent l’im portance de l ’École m édicale de
M arseille et lui assignent l’un des prem iers rangs parm i
les institutions du m ême ordre. Cela est ainsi parce
que, chez nous, les m oyens d ’instruction abondent et
attirent forcém ent les élèves. En effet, si les cours dog
matiques sont faits par des hom m es dont le savoir ju s
tifie pleinem ent la confiance qui s ’attache à leur nom ,
les études anatom iques et cliniques offrent ici des
élém ents qu'on trouverait difficilem ent ailleurs plus
nombreux et plus com plets. A insi, pour ne parler que
de l’enseignem ent clinique, quelle diversité d'affections
internes et externes à observer dans une cité com
merciale comme la nôtre, vers laquelle viennent con
verger toutes les nations du globe! Que d ’exem ples de
grandes lésions pour la chirurgie pratique dans un
centre de population où une activité industrielle toujours
croissante alim ente tant de travaux ! L ’École de Méde
cine de M arseille est donc, à tous les points de vue,
l’une des prem ières de l’E m pire, si l’on en juge par les
résultats q u ’elle donne dans l ’état actuel de son ins
tallation. Mais une situation bien m eilleure encore lui
est nécessairem ent réservée du m om ent où un local, où
elle puisse convenablem ent s ’établir, lui aura été con
cédé, le besoin si légitim e, surtout après ce que la ville
a très-justem ent fait pour la Faculté des Sciences ne sau
rait tarder à être satisfait.
M essieurs, il m ’est doux m aintenant de proclam er
�102 —
devant vous les noms de nos lauréats. Ces jeunes gens,
en récompense de leur assiduité aux cours et des bonnes
notes obtenues aux exam ens de fin d ’année , vont
recevoir très-prochainem ent, dans notre séance solen
nelle de rentrée, de beaux et bons livres, qui, plus tard,
au milieu des soucis et des préoccupations de la prati
que, leur rappelleront avec bonheur les luttes et les
succès de l’École.
Étudiants en Médecine.
I
Ier
Ilme
p r ix
:
p r ix
r0
an n ée
M. A udibert.
: M. R eynaud.
H me
P rix : M. Vaysse.
Ire
IIme
:
m entio n
h o norable
m entio n
:
h o no ra ble
année
:
M. Pissi-Ferraudy.
: M. M ellan.
ïllm0 A N N É E :
Ier
: M . Seux.
IIme
: M. D usilliet.
M
: M . M éric.
Étudiants en Pharmacie.
1er
: M. M artin.
Ilmo : M. Mancini.
M
: MM. Chaix et Royère.
Q u’ils sachent bien, ces cbers élèves, que nous nous
associons de tout cœ ur, m es collègues et m oi, à la joie
de leur triom phe.
p r ix
p r ix
en tio n
h o no ra ble
prix
prix
en tio n s
honorables
— 103 —
Ils ont tous droit, vraim ent à nos plus vives sym
pathies. Mais la justice me fait un devoir d ’accorder une
mention spéciale à M. Seux, fils de notre distingué
collègue. En accom plissant cet acte d ’équité, j ’oublie
un instant les sentim ents de vieille am itié qui m ’unis
sent au père et mon affection sincère pour le fils ; je ne
suis que l’interprète rigoureusem ent im partial de mes
collaborateurs, qui ont voulu qu'à un zèle véritablem ent
exceptionnel fut réservée une m ention aussi exception
nelle.
Celte m ention sera le prix d ’honneur de l’élève Seux
au m om ent où il nous quitte pour aller à Paris, suivre
la glorieuse et difficile carrière du concours. Les con
disciples de M. Seux ratifieront, j ’en suis s u r, ce
témoignage particulier de la satisfaction de ses m aîtres.
A près la d istrib u tio n des p rix , qui a été faite p ar
M. le R ec te u r, la séan ce a été levée.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1861-1862.pdf
ac615025e25f7a5aa312f810156cb778
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SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D 'A li:,
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
1861-1862
E T DE L'ÉCOLE PR É PA R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
»K
M A R S E IL L E »
AIX,
PARDIGON , IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE >
rus d' itàlie
I8GK
, 9.
�SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D 'A li:,
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
E T DE L'ÉCOLE PR É PA R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
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M A R S E IL L E »
AIX,
PARDIGON , IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE >
rus d' itàlie
I8GK
, 9.
�so u s-in ten d a n t militaire, MM. P. Roux et de Philip,
adjoints du Maire.
Le Conseil acad ém iq u e était présent.
M. le Recteur, a yan t déclaré la séance o uverte, a
d o n n é la parole h M. de F resq u et, professeur de droit
ro m a in à la Faculté de droit d ’Aix, qui s ’est e x p rim é
en ces term es :
Messieurs ,
Investi du périlleux honneur de porter la parole de
vant cette grave assemblée, et d’inaugurer ainsi les
travaux de nos Facultés, j ’éprouverais une vive ap
préhension, si je n ’avais la conscience que j ’accomplis
un devoir sérieux. Je ne vous dirai donc point, com
bien de voix plus autorisées que la mienne auraient pu
se faire entendre aujourd’hui et j ’arrive immédiatement
au sujet que j ’ai essayé de traiter en quelques pages:
Quelle a clé l'influence des doctrines philosophiques sur le
Droit Français, depuis le YImc siècle de l ère chrétienne
jusqu'à la rédaction de nos Codes.
A toutes les périodes de 1 histoire des peuples, la
philosophie et la science du droit ont marché d ’un pas
correspondant; ces deux branches des connaissances
humaines ont eu ensemble leurs jours de gloire, comme
leurs moments de décadence, et cela se comprend. Dans
la partie des études philosophiques, désignée sous le
nom de morale, on recherche surtout les principes qui
doivent régir les rapports des hommes entre eux ; le
o
législateur n ’a pas d ’autre but que d ’appliquer ces
données, de les faire passer, de l’abstraction théorique,
dans les applications de la vie pratique; et dès lors
n ’est-il pas évident q u ’il arrivera à des résultats tout
opposés suivant la doctrine à laquelle il obéira. Une loi
rédigée par des Stoïciens, sera bien autre que celle pro
mulguée par les disciples d ’Epicure. Quand une école
écrit sur sa bannière les mots d ’égoïsme et de sensualité;
quand une autre prend pour devise : accomplissement
du devoir et respect des droits d ’autrui, il est certain
que les lois faites sous leur inspiration seront diamétra
lement opposées. On comprend dès lors Cicéron, le
plus grand orateur philosophe de Rome, écrivant à
Trébatius qui venait de se proclamer Epicurien : « O
« castra præclara ! sed quo modo jus civile defendes,
« quum omnia tui causa facias non civium, ubi porro
« ilia eril formula fiduciæ: ut inter bonos bene agier
« oportet, etc.? (Epist., liv. 7, ch. 12). »
En France, ce développement simultané du droit et
de la philosophie a existé depuis le moyen âge ju sq u ’à
notre époque. La scolastique a pour correspondant le
travail patient mais borné des glossatcurs. L esprit de
libre examen de la renaissance développe le génie de
nos plus grands jurisconsultes Cujas, Donneau, D u
moulin. Plus tard, les travaux de Descartes, de Pascal,
de Leibnitz, de Montesquieu et des philosophes du
XVIllme siècle exerceront une influence incontestable
sur le droit civil ou politique. Et enfin, de nos jours,
n ’est-ce pas dans les principes du spiritualisme le plus
éclairé que les législateurs ont cherché des inspirations
�— 6
pour améliorer les dispositions laissées imparfaites par
les rédacteurs de nos Codes?
L ’influence de la philosophie se montrera quelquefois
d ’une manière directe quand un auteur s ’occupera tout
à la fois de morale et de législation ; ainsi, Bentham en
est un exemple frappant. Quelquefois, au contraire, cette
influence, bien que tout aussi réelle, sera moins appa
rente. En effet, dans la rédaction des lois, dans leur
application, dans leur enseignement, le législateur, le
magistral, le professeur, sont inspirés par des piincipes
que la philosophie a vulgarisés et que tout le monde
accepte comme des vérités sur lesquelles il faut régler
sa conduite. Disons-le, MM., c'est la q u e se manifeste
surtout l’influence pratique de la philosophie. Bien des
personnes, en France, n ’ont jamais ouvert les œuvres de
nos plus illustres publicistes, et cependant on ne discute
plus les théories de la souveraineté nationale, de l’égalité
civile et politique, de la liberté des cultes ; ce que l ’on ne
sait pas c’est q u ’il a fallu des siècles aux philosophes
et aux jurisconsultes pour vulgariser ces grandes
vérités.
Je n ’ai pas l ’intention, MM., de m ’occuper de ce
qui eut lieu à Rome. On sait que les Romains n ’étu
dièrent la philosophie q u ’après la conquête de la Grèce,
et alors deux écoles reçurent chez eux le droit de cité.
D un côté l’épicuréisme, avec sa morale qui fait du
plaisir le souverain bien de l’homme, fut adopté par un
grand nombre de citoyens.
Le stoïcisme, au contraire, ne se répandit que parmi
les hommes éclairés et surtout parmi les jurisconsultes.
Ce qui avait déterminé leur préférence, ce q u ’ils avaient
étudié avec ardeur, c’est la morale du stoïcisme, qui
prend pour notion fondamentale, le devoir, ce saint nom
qui est à lui seul une religion dans le cœur de l’homme.
Cependant, il y a encore des traces de matérialisme
dans les travaux des stoïciens, comme dans les écrits des
jurisconsultes de Rome ; mais le christianisme viendra
donner à l ’élément spirituel sa place véritable, en pro
clamant la liberté, l égalité et la fraternité de tous les
hommes; en faisant de la charité , le complément insé
parable du devoir.
Vous savez comment le christianisme, après s ’être
d'abord recruté parmi les pauvres et les petits, finit par
compter dans les rangs de ses néophytes, les savants les
plus renommés. Ces hommes déjà versés dans les
études philosophiques s ’en servirent, soit pour mettre
de l’unité dans les solutions que provoquaient chaque
jour les questions nouvelles, soit pour s ’en faire une
arme contre les attaques des écrivains païens. De là une
sorte de philosophie propre au christianisme, et dans
laquelle les Pères de l’Eglise firent rentrer toutes les
doctrines qui pouvaient s ’adapter aux controverses re
ligieuses. Mais une remarque importante à faire, c’est
que pour les auteurs chrétiens la seule source certaine
des connaissances dans le monde intellectuel, ce fut
toujours la théologie ; quant à la philosophie , que
Tertulien appelait scienlia mundana, elle lui était subor
donnée, de là une expression restée célèbre : philosophia
ancilla Ihcologiœ.
Dans les Gaules, celle philosophie théologique est
�connue sous le nom de scolastique; elle a dominé de
puis le VIm® siècle jusqu’à la fin du XVine, mais il ne
faut pas croire que pendant celte longue suite d ’années
il y ait eu une activité égale dans les travaux de l'in
telligence humaine.
Du Vlm0 au IXmo siècle, les études semblent dispa
raître ; c'est le moment de la fusion des peuples
barbares établis dans les Gaules et qui doivent former la
nation Française.
Cependant, au milieu même de ce désordre passager,
on retrouve toujours l’idée chrétienne; aussi, lorsque
les investigations philosophiques recommenceront à
l’époque de Charlemagne, on cherchera à réaliser, ce
qui avait si fortement préoccupé les Pères de l ’Église,
e’est-à-dire, l’alliance de la foi révélée, avec le désir
d ’arriver par la raison à la certitude de ces vérités.
Ce sera seulement au Xlll1'10 siècle que des esprits
d'élite, comme Occam, Buridan, Roger Bacon et le
cardinal Pierre d ’Ailly,chercheront à séparer la philoso
phie de la théologie.
L ’influence de la scolastique, sur le développement
de la science du droit, est difficile à constater ju squ ’au
XIIe siècle, mais à ce moment on voit se former une
école, dont la méthode fut pour la jurisprudence ce que
la dialectique avait été pour la philosophie. Les glossateurs furent les scolastiques du droit. Comme les phi
losophes, ils commencèrent par des travaux utiles et
finirent par des questions puériles ou ridicules. Ainsi,
d'un côté on se demandait gravement : An homo possit
baptizari a diabolo ? ad quod respondendum : Aon. Un
— 9 —
homme peut-il être baptisé par le diable? à quoi il faut
répondre: Non. De l’autre, on discutait non moins sé
rieusement la question que voici : Un âne entre dans un
bateau et ronge la corde de sparteriequi le retient attaché
au rivage ; le courant emporte le bateau et l’âne sous les
roues d ’un moulin. Le bateau est brisé, l’âne noyé,
à qui faut-il demander des dommages et intérêts ? Sans
l'âne le bateau serait resté le long de la rive, mais sans
le bateau l’animal n ’aurait pas été amené sous le moulin,
et enfin, sans le moulin la catastrophe ne se serait pas
réalisée. Vous le voyez, MM., il n ’y a plus rien de sérieux
dans celte manière d ’envisager le droit. Cependant,
il faut le répéter; avant d ’en venir là, les glossateurs
avaient rendu des services éminents par la publication et
la correction des textes du Droit Romain ; ils ont eu, au
point de vue de la critique littéraire, un mérite réel, au
quel on n ’a pas toujours rendu justice. Rabelais qualifie
la grande glose de sale, infâme et punaise, mais Cujas,
mais Pasquier en font un très-grand cas. Accurse est
pour Cujas au-dessus de tous les interprètes Grecs et
Latins. La vérité se trouve entre ces deux extrêmes, et
M. de Savigny a très-bien établi, dans son histoire du
Droit Romain an moyen âge, la part q u ’il faut faire à
l’éloge comme au blâme.
An point de vue du droit public, les philosophes sco
lastiques et les jurisconsultes commencent à agiter les
plus grandes questions; c’est alors que l’on met en op
position la doctrine de la souveraineté nationale avec la
théorie du droit divin. St. Thomas d ’Aquin déclare, au
XIIIme siècle, dans son Traité de legibus, que les rois ne
�sont pas responsables de leurs actes vis-à-vis de leurs
sujets; ils n'en doivent compte q u ’à Dieu de qui ils
tiennent leur pouvoir. Bientôt après, Occam combat
cette thèse et soutient la souveraineté de la nation.
Enfin, au XVe siècle, dans le concile de Bàle, le cardinal
Æ uéas Silvius, qui fût pape depuis, sous le nom d eP ielï,
développa le principe delà responsabilité des souverains,
en le poussant jusqu’à ses limites extrêmes.
Quant à la législation positive, l’influence des idées
théologiques se retrouve partout. C ’est là ce qui expli
que la conservation pendant trop longtemps des ordalies,
et du duel judiciaire. Le législateur croit que Dieu fera
un miracle, plutôt que de laisser condamner un inno
cent. Obéissant au même point de vue : St-Louis con
damne au feu les hérétiques et les incrédules ; nos rois
bannissent les juifs ; le bras séculier exécute les sen
tences mortelles de l’inquisition; à ce moment, la loi
comme la philosophie, est devenue: ancilla theologiœ.
Le spectacle change entièrement au XVIe siècle ; la
scolastique déjà ébranlée par lescoups de ses adversaires,
tombe malgré les efforts de ses défenseurs; et l’on se
trouve pour la philosophie et pour le droit, comme pour
les arts et pour les lettres en pleine renaissance.
Celte révolution est due à des événements qui ont
puissamment influé sur les destinées de la science.
Les croisades, qui ont révéle aux occidentaux tout un
monde inconnu; la prise de Constantinople, qui a été
suivie de l‘arrivée en Europe d ’une colonie de philoso
phes grecs ; l’invention de l’imprimerie, l’instrument le
plus puissant que Dieu ait donné à l’homme pour ré
pandre les lumières et favoriser le progrès. Enfin, la
lutte qui s'établit entre l’esprit de libre examen et le
principe d ’autorité, dans l’ordre scientifique, comme
dans l’ordre religieux.
Tous les systèmes de philosophie, si longtemps pros
crits, reparaissent. On veut ajouter aux dogmes chré
tiens, non-seulement les doctrines grecques, mais encore
toutes celles que l’on peut emprunter aux orientaux et
à la législation mosaïque.
La philosophiedePlatonseretrouve dans la théosophie
de Paracelse, mais compliquée de principes cabalistiques
et mosaïstes. D’autres, sont surtout aristotéliciens, et
ils adoptent en même temps la philosophie atomistique
d Épicure.
Au milieu de ces systèmes et par suite même de
leurs contradictions , le scepticisme reparaît à son
tour, non-plus absolu et niant toutes les existences,
mais modéré, bien qu'en restant railleur et s ’attaquant
seulement aux vérités spéculatives. Il eut pour repré
sentant parmi nos compatriotes: Michel Montaigne, cet
écrivain si fin et si profond ; Laboëtie, esprit singulière
ment républicain pour son époque; Pierre Charron, et
enfin, Rabelais qui a dit tant de choses sérieuses sous
une forme bouflbnne.
Cette liberté d ’examen et cette variété de méthodes
appliquées au droit, ont produit les résultats les plus
féconds. Les études juridiques vont prendre dans notre
pays un essort inconnu ju sq u ’alors.
L ’école française se partage à ce moment en deux
�—
12
—
branches, les romanistes et les jurisconsultes qui s ’ap
pliquent surtout à l’étude du droit national.
Les romanistes commencèrent avecÀlciat, que F r a n
çois Ier avait fait venir de Milan, pour professera Bourges.
Après lui on vît paraître Cujas le plus admirable de tous
les exégétistes, et dont les œuvres seront toujours une
des gloires de notre patrie. En même temps Donneau,
le rival et peut-être l’égal de Cujas, appliquait la syn
thèse à l’explication du Droit Romain. A côté de ces
grands hommes, il faut citer: Duaren le maître de Donneau ; le president Faber ; Uoltmann ; Charrond3s-LeCharron, Brissonnius et Denis Godefroy dont l’édition
du Corpus juris est encore si estimée.
Ceux qui étudiaient le Droit Français ne Turent pas
au-dessous des Romanistes. A leur tête se présente Du
moulin, d ’abord avocat au parlement de Paris , travail
leur ardent, praticien infatigable; mais comme il était
calviniste convaincu, les persécutions religieuses l’obli
gèrent à quitter la France pour aller professer à l’étran
ger. Après lui viennent : Guy-Coquille, Loyseau, Choppin, Pasquier, les deux Séguier, Achille de Harlay,
Pierre et François Pithou, et tant d’autres que le temps
ne me permet pas de mentionner.
Ce qui a fait la gloire de cette école, c ’est q u ’elle a su,
la première, allier la pratique à la théorie. On voit alors
l’érudition s'appliquer aux affaires, et les affaires ne pas
mépriser l’érudition. El quand on se rappelle que ces
hommes vivaient au milieu des orages suscités par les
passions politiques et religieuses; quand on songe que
plusieurs d'entre e u x , ont été obligés de mener une vie
— 13 —
errante, on se demande comment ils ont eu la force et
le temps d'écrire ces immenses ouvrages qui font notre
admiration? C'est qu'ils comprenaient bien que le travail
est la loi de l’homme, et q u ’à cette époque, comme le dit
Montesquieu, les amusements continuels n ’étaient pas
même l ’attribut des femmes.
Au point de vue de la législation civile, l’influence
théorique de la philosophie ne peut guère se séparer de
l'influence pratique, à cause du caractère de l’école
Française. Il ne faut pas l'oublier, presque tous les hom
mes que je vous ai cités, professaient, plaidaient et ju
geaient. Le résultat de leurs méditations avait donc une
application journalière; il faudrait parcourir la Coutume
de Paris, par Dumoulin, celle du Nivernais, par GuyCoquille, les Pandectes Françaises, de Charrondas-LeCharron, pour voir sur chaque principe comment ils
combinaient la philosophie et les textes; mais cela est
impossible ici ; constatons seulement que de nos jours
encore, à l’école comme au palais, on cite Dumoulin et
ses contemporains pour éclairer les points obscurs de
notre législation.
Quant au droit public, les écrivains de cette époque
développent déjà les théories adoptées dans les constitu
tions modernes. François Uoltmann, dans son Traité
Franco-Gallia, veut que la royauté soit représentative;
il proclame la souveraineté nationale et il établit dogma
tiquement que la liberté religieuse est de droit naturel.
Bodin, dans sa République, considère le roi comme un
mandataire du peuple. Laboëtie, dans son livre sur la
Servitude volontaire, enseigne que tous les hommes sont
�14
frères et, partant, tous égaux devant la loi. « La nature,
a dit-il, nousa tous logés auculnement dans une même
« maison, nous a tous figurés en une même poste, afin
« que chacun se pust mirer et quasi reconnaisse l ’un
« dans l’autre......pour nous acquointer et fraterniser
« d ’abvantage. »
Voilà les théories ; en fait, dans celte période les liber
tés communales sont confisquées au profit de la royauté ;
les états généraux et provinciaux abandonnés; les par
lements amoindris; il y a donc deux caractères bien
opposés. Dans l’ordre scientifique et intellectuel, des
idées larges et nombreuses de liberté ; dans l’ordre poli
tique, tendance marquée du pouvoir à l'absolutisme et
renversement de tous les obstacles qui pouvaient entra
ver les empiétements de la royauté. L'influence de la
philosophie est surtout théorique, mais les germes
q u ’elle a déposés ne seront pas toujours stériles, nous
le verrons bientôt.
Nous arrivons, MM., au XVIIme et au XVIIIme siècle ;
que de temps ne faudrait-il pas pour indiquer les doc
trines des philosophes qui ont alors écrit ? Laissons donc
de côté, Descartes, Spinoza, M allebranche, Locke,
Pascal, Arnaud, etc. Un mol seulement sur les hommes
qui se sont voués plus spécialement à l’étude du droit.
A l ’étranger, il y a Bacon, ce grand chancelier d A n
gleterre, dont les aphorismes sont si connus; Grotius
qui a fondé le droit des gens modernes ; Leibnitz qui
est aussi jurisconsulte par sa Nova melhodus düccndœ
doccndce que jurisprudcnliœ.
Quant à l’école française, il faut l’avouer, elle languit
pendant le XVIIe siècle tout rempli par le règne de
Louis XIV. Les questions de droit public ne sont agitées
que par les théologiens; tout le monde connaît la
grande polémique établie entre Bossuet et le ministre
protestant Jurieu, sur l’étendue du pouvoir royal et sur
l’établissement du gouvernement populaire.
Le seul représentant du droit philosophique c'est
Domat, les autres jurisconsultes sont exclusivement
praticiens.
Domat est un écrivain janséniste, élève de PortRoyal. Ce qui donne à ses ouvrages un caractère tout
particulier, c ’est q u ’il présente comme venant de la
religion, même les maximes que le stoïcisme avait en
seignées aux jurisconsultes romains. Pour lui,la première
loi de l'homme c’est la religion ; la seconde,c est la cha
rité et la fraternité ; tout son traité des lois est appuyé
sur des citations tirées soit de l'Écriture Sainte, soit des
Pères de l'Église.
En politique, Domat est pour la monarchie absolue,
avec la théorie du droit divin ; toutefois, dans son Traité
du Droit Public, il admet la légitimité des autres formes
de gouvernement, même des républiques: «Puisque,
« dit-il, Dieu n ’a apporté aucun changement à celles
« qu’il a éclairées des lumières de l’Évangile. »
Le XVIII0 siècle est certainement l'époque de notre
histoire oii la philosophie a joué le rôle le plus éclatant;
elle prend pour devise ces trois mots . tolérance, lumière,
humanité. Les philosophes ne font aucun mystère du
but auquel ils veulent arriver: les vieilles institutions
ont fait leur temps, il faut créer une société nouvelle.
�Alors on attaque tout sans distinction; la religion
comme la royauté, l’organisation politique comme les
lois civiles et pénales. Toutes les armes sont bonnes:
l ’encyclopédie, le roman, le livre sérieux, le conte
badin, si bien que jamais on n ’a vu des disparates aussi
étranges; des chefs-d'œuvre à côté de pamphlets im
mondes, des extravagances impossibles à côté de vérités
incontestables.
Dans l’ordre politique le gouvernement est sans force,
le peuple sans lib erté, les finances sont dilapidées, la
misère envahit les provinces, et une dépravation inouïe
pénètre dans tous les rangs de la société.
Cependant l’œil fatigué par ce spectacle déplorable,
peut se reposer sur des hommes qui sont restés fidèles
aux saines doctrines philosophiques. En Italie on trouve
Gravina, Beccaria, Filangieri, Vico ; en Allemagne,
K ant; en France, Daguesseau, Turgot, Necker, etc. Il
y a surtout trois noms que je dois mentionner spéciale
ment, à cause de l'influence q u ’ils ont exercé sur le
droit, je veux parler de Montesquieu, de Jean-Jacques
Rousseau et de Pothier.
Montesquieu, c’est l ’auteur de l’Esprit des Lois, de cet
ouvrage q u ’on ne peut jamais se lasser de lire et d'ad
mirer. Je n ’ai pas l’intention , M M ., d ’analyser ce
chef-d’œuvre, je veux seulement constater que, soit en
1789, soit depuis le commencement du XIXme siècle,
toutes les constitutions ont cherché à réaliser les prin
cipes politiques de ce publiciste. Vous savez q u ’après
avoir posé le fondement du droit naturel dans la néces
sité , pour l’homme libre et intelligent de vivre en
17 —
société, et d ’accomplir la loi morale, il établit quel est le vrai caractère de la liberté, quelle est la forme du
gouvernement qui peut en garantir l’exercice. Comme
conclusion, il arrive à la séparation des pouvoirs, parce
q u ’alors il y a équilibre, I oppression devient impossible.
On peut le dire, jamais les doctrines philosophiques d ’un
homme n’ont influé d ’une manière plus directe sur les
faits qui se sont réalisés.
Quant à Jean-Jacques Rousseau, la société n ’est pour
lui que le résultat d'une convention intervenue entre
les hommes qui vivaient auparavant isolés et à l’état
sauvage; elle existe mais on aurait pu s ’en passer.
En politique , il donne la souveraineté à tous les
individus : ils doivent l’exercer directement et sans
délégation. Ce que le peuple fait est bien fait: « Si le
* peuple,dit-il, veut se faire du m al,qui est-ce qui a le
« droit de l'en empêcher? la volonté du peuple est in« faillible, et lors même q u ’il se tromperait, on doit lui
« obéir. » Il n ’admet pas la liberté religieuse ; quand
l’État à adopte un culte , tout individu qui n ’y croit pas
doit être banni, non comme impie, mais comme in
sociable. Le pouvoir spirituel doit donc être absorbé
dans le pouvoir temporel.
Voilà ce que l’on répétera plus lard à la tribune de la
Convention; voilà comment celui que l’on a proclamé
un grand émancipateur, arrive à nier la liberté; aussi,
Benjamin Constant, disait-il, avec raison, en parlant de
Rousseau: « Je ne connais aucun système de servitude
« qui ait enfanté des erreurs plus funestes que l’éter* nellc métaphysique du contrat social. »
�— 18 —
Pothier s ’est surtout occupé du droit civil ; il appar
tient à la même école que Domat ; c’est aussi un
jurisconsulte chrétien examinant tous les rapports juri
diques, tant au point de vue du for-intérieur, de la
conscience, que du for-extérieur, comme il appelle la
loi positive. Ce qui charme surtout dans ses écrits, c’est
la bonne foi avec laquelle il recherche le bien et les
saines doctrines.
Quant à son influence sur le développement du droit,
il suffit de rappeler les innombrables emprunts que lui
ont fait les rédacteurs du Code Napoléon.
Et maintenant, MM., les doctrines de liberté et de
progrès ont-elles produit des résultats bien marqués
jusqu'à la révolution de 1789? Non; la lutte commence,
mais l’avantage reste longtemps encore aux adversaires
du mouvement. Le croiriez-vous? les parlements euxmêmes, qui avaient lutté pendant des siècles contre le
despotisme royal, sont souvent à la tête de la résistance.
Ces grandes compagnies, effrayées, sans doute, par le
débordement des idées, croyaient devoir se rattacher au
présent, plutôt que de se jeter dans des innovations qui
leur semblaient périlleuses.
Daguesseau veut continuer la série des grandes or
donnances royales, qui préparaient l’unité de législation,
il trouve dans la haute magistrature une vive opposition.
« On ne vit point, écrivait le président H én au lt, à
a Dunkerque comme à Toulouse, à Marseille comme à
« P a r i s . . . Les bourgeois, la noblesse, les'marchands
« doivent être régis différemment. . . »
Turgot fait attaquer dans un livre, la féodalité, le
parlement de Palis condamne l’ouvrage à être brûlé par
la main du bourreau.
Le même ministre veut abolir les maîtrises et les
jurandes, les parlements s ’associent au parti de la ré
sistance, forcent Turgot à se retirer, et les édits sont
révoqués.
Louis XVI permet aux protestants d ’exercer libre
ment leur religion, et de jouir de leurs biens. Grande
rumeur au palais; le parlement de Paris fait d ’énergi
ques remontrances, et d ’Espremenil s ’écrie, au moment
de l’enregistrement, que la magistrature va crucifier le
Christ une seconde fois.
Dans la législation civile et pénale, même immobilité;
c ’est à peine si Louis XVI parvient à abolir la torture
préparatoire et préalable en 1788; c’est en 1779, et
uniquement dans les domaines du roi, que le servage
disparaît. Dans les seigneuries féodales, des milliers de
français restent attachés à la glèbe, serfs, hommes de
corps, privés de la liberté de leurs personnes et incapa
bles de rien posséder en propre.
Mais alors, MM., la thèse que j ’ai posée devientelle une erreu r? la philosophie a marché, le droit va-til s'arrêter? Non; il est vrai que pendant bien des années
l’idée philosophique a seule régné, les germes déposés
dans la société ont mis longtemps à fructifier, mais en
revanche, quelle magnifique moisson dans une seule
année, et comme 1789 va faire oublier cette période de
lutte et d ’attente !
En quelques mois les principes du droit moderne
vont être formulés; et ne l’oublions pas, MM., lors
�q u ’en 1851, noire Empereur a fait avec la nation le
pacte solennel qui nous régit encore, il a dit: « La
« constitution reconnaît , confirme et garantit les
« grands principes proclamés en 1789 et qui sont la
« base du droit publie des Français. »
A ce moment le progrès se réalise avec une rapidité
qui tient du prodige. La féodalité durait depuis des
siècles; dans une nuit, dans la nuit du 4 août 1789,
elle disparaît, et parmi les plus ardents promoteurs de
cette bienfaisante révolution, le Moniteur cite les députés
de la Provence. Le 23 août, on proclame la liberté de
conscience et l'inviolabilité des personnes. La France
était divisée en une multitude de juridictions où toutes
les fonctions étaient vénales, on décrète: l’uniformité
dans l’organisation judiciaire; l’établissement du jury en
matière criminelle; on annonce la réforme des lois péna
les et la rédaction d ’un Code Civil unique, pour remplacer
les centaines de coutumes qui existaient dans notre pays.
Quant à l’esprit qui animait la constituante, ses
orateurs le proclament. Charles de Lamelh disait :
« L’assemblée a fonde la constitution sur celle consolante
« égalité si recommandée par 1’Évangile; sur la frater« nitc et l'amour des hommes. »
Voilà quelle est la philosophie de l’assemblée consti
tuante : la liberté, l’égalité et la justice.
Dans le droit politique, elle a cherché à réaliser les
principes de Montesquieu ; dans le droi t civil, elle abolit:
les droits d ’aînesse et de masculinité, la distinction
des biens nobles et roturiers, etc...;elle décrète Légalité
du partage dans les successions, etc...
Pour résumer la premièrepériode de la révolution fran
çaise, on peut dire que son caractère général, c’est la réac
tion contre les anciennes institutions, mais en respectant
toujours le principe de justice. Pour les législateurs de
l’assemblée nationale, la liberté n ’est pas une tyrannie
déguisée; Légalité n ’est pas autre chose, que la faculté
pour chacun de développer son génie; ce n ’est pas un
niveau, écrasant tout ce qui tend à s ’élever au-dessus des
intelligences vulgaires.
Malheureusement tout change dans la périodcsuivanle:
Les hommes qui avaient fait la constitution de 1791,
s'interdirent le droit de figurer dans l’assemblée législa
tive. Ils oublièrent q u ’après avoir créé, ils avaient encore
le devoir de conserver; ils se retirèrent et ceux qui vin
rent après e u x , loin de marcher sur leurs traces obéirent
à des principes philosophiques tout à fait opposés.
Les discours prononcés à la tribune ne sont, le plus
souvent,que des amplifications des doctrines de Hobbes
et de Rousseau ; sous le prétexte de liberté, on organise
la plus sanglante tyrannie qui ait jamais existé,et que l'his
toire a déjà slygmalisée du nom sinistre de la terreur.
Sansdoute,ily eut, à cette époque, demagnifiques élans
de patriotisme, des prodiges de valeur et d ’énergie pour
repousser l’étranger du sol de la patrie; mais au point
de vue législatif, l’esprit des deux assemblées qui forment
cette période, fut celui d'une réaction violente non-seu
lement contre les restes de la monarchie, mais encore
contre les idées de 1789.
Radicalisme matérialiste en face du présent et de l’a
venir, telle est la philosophie de la fin de la législative et
�—
22
—
du commencement de la convention. St. Just proclamait
que le monde avait ses bornes, au delà desquelles étaient
la mort et le néant. Robespierre disait en parlant des
testaments : « L ’homme peut-il disposer de cette terre
« qu'il a cultivée lorsqu’il est lui-même réduit en pous« sière? » Q u ’importe, q u ’il vienne après cela brûler
solennellement au champs de Mars l’imagede l’aihéïsmc
en proclamant l’existence de l’être suprême et l'immor
talité de l’âme ; les doctrines q u ’il avait émises n ’en
produisaient pas moins leurs elïets désastreux, et 1eeuIte
delà déesse Raison, inaugure à Notre-Dame, le 20 bru
maire an II, montre à quel degré d'aberration peut ar
river l’esprit de l’homme quand il s'engage dans la voie
de l’erreur.
Le droit publie, résume dans la constitution du 24
juin 1793, reproduit les principes de Rousseau. La
souveraineté nationale est exercée directement par le
peuple lui-même. Il faut le dire, au lieu de chercher à
faire dominer cette raison q u ’on déifiait, on voulait don
ner la prépondérance aux masses armées et passionnées.
N ’insistons pas, MM., sur les lois et les actes de celte
lugubre époque de notre histoire, il y aurait trop à dire.
Vous vous rappelez comment la constitution de 1793 fut
suspendue ; comment la tyrannie de la terreur s'épuisa et
comment la réaction thermidorienne vint faire disparaître
les hommes qui opprimaient l'assemblée et le pays.
Depuis l'an III jusqu’à l’an VIII on revient peu à peu
aux vrais principes philosophiques; nous en trouvons un
exemple remarquable dans la constitution du 5 fructidor
an III.
23 —
Après avoir exposé les droits de l ’homme, le législa
teur rappelle quels sont ses devoirs, et voici les termes
dont il se sert : « Tous les devoirs de l’homme et du
« citoyen dérivent de ces deux principes : Ne faites pas
« à autrui ce que vous ne voudriez pas q u ’on vous fit ;
« faites constamment aux autres le bien que vous vou« driez en recevoir. » La véritable doctrine reparaît, on
est rentré dans la voie du progrès.
Cependant , on trouve encore dans la législation tran
sitoire de celte époque, un mélange de matérialisme et
de spiritualisme; il faudra des années pour faire oublier
les idées qui avaient pris cours en 1793.
Mais pourquoi insisterai -je sur cette dernière partie
dém on sujet ? Lisez, MM., les pages éloquentes de ce
compatriote illustre, décoré aujourd’hui du titre d his
torien national de la France, c ’est là que vous pourrez
suivre cette lutte entre le bien et le mal qui amena for
cément le 18 brumaire et l’intervention de Ronaparte.
Alors la révolution est finie; la nation est une, il ne
reste plus q u ’à prendre, dans toutes les idées émises,
dans toutes les lois promulguées, les dispositions néces
saires pour composer une législation rationnelle en
harmonie avec les instincts et les besoins nouveaux.
C ’est là ce qui a été réalisé par la rédaction de nos
Codes, dont le système philosophique est essentiellement
spiritualiste et progressif.
%
M essieurs
les
É tudiants,
Vous êtes appelés tous les jours à constater la vérité
�— 24 —
decctfe assertion, mois vous apprenez aussi, que depuis
la promulgation de nos Codes de grandes améliorations
ont été réalisées dans la législation. N ’oubliez pas que le
progrès est infini; bien des problèmes d ’économie sociale
sont à l’élude; le gouvernement qui préside aux desti
nées de notre pays, apporte à ces questions un intérêt
tout spécial, mettez-vous à même de lui prêter un con
cours utile, en donnant à vos travaux une direction
large et raisonnée. Depuis le commencement du XIXe
siècle le droit philosophique a eu chez nous d'illustres
représentants: les Merlin, les Toullier, les Dupin, les
Duranton, les Laferrière, les Troplong, les Oudot, les
Demolombe et tant d ’autres; qu'une noble émulation
vous enflamme. Le jurisconsulte sert son pays comme
l’ingénieur, comme l’homme de guerre ; faisons en sorte
d ’ajouter, nous aussi, une page à cette grande histoire
q u ’on a appelée : les gesta Dci per Francos.
Apres le discours de M. de F resquct, M. le R ecteur
a pris la parole en ces term es :
Messieurs ,
L ’ensemble des travaux des Facultés et de l’École de
Médecine, que nous ont fait connaître au sein du Conseil
académique, MM. les Doyens et M. le Directeur, est trèssatisfaisant. C ’est dans une autre enceinte q u ’il sera
parlé, avec quelque détail, des résultats obtenus par la
Faculté des Sciences et par l’Écolede Médecine. Qu'il me
suffise de dire ici que les résultats ont été bons, que
l'enseignement donné à la Faculté et à l’École, par des
professeurs excellents, a porté ses fruits. Il règne une
noble émulation entre Marseille et Àix, ces deux grands
centres de l’instruction supérieure. Celte émulation sert
à élever le niveau des études.
La Faculté de Théologie d'Aix continue un enseigne
ment élevé et sur. Quelques jeunes prêtres ont demandé
et obtenu des grades. Il est à désirer, sans doute, que
les facultés de théologie soient réorganisées, et à cet
égard, l’Épiscopat de France et l’Université feront ce que
comportent la prudence et la culture nécessaire de la
science sacrée. Mais en attendant, nous n ’avons q u ’à
nous louer du zèle des professeurs et de la pureté de
leurs doctrines.
La Faculté de Droit est en progrès pour ses éludes et
pour sa prospérité matérielle.
Le chiffre des inscriptions s'est élevé, pour les quatre
trimestres, à 845, et dépasse de I 6 i celui de l’année
dernière.
Les examens et actes publics soutenus dans le même
intervalle de temps n ’ont pas augmenté dans la même
proportion; il y a 331 candidats inscrits, c’est-à-dire, 14
seulement de plus q u ’aux sessions de 1859-1800.
Mais ce que j ’aurai encore la satisfaction de signaler
en m ’occupan t de la Faculté des Lettres, les résultats des
épreuves ont été à la Faculté de Droit très-satisfaisants.
Les admissions avec éloge y figurent dans la proportion
d'un dixième, tandis q u ’antéricurement,elles s’élevaient
�— 2G —
à peine au douzième; et d ’un autre côté, on compte six
ajournements de moins malgré l’augmentation du n o m
bre des candidats.
Mais je dois dire ici que la part du succès a été trèsinégale dans les quatre années.
C'est avec peine que je constate que les examens
passés par les étudiants de première année ont généra
lement été faibles. Cette première année, il faut le dire,
à quelques heureuses exceptions près, n ’a pas travaillé.
J ’espère que les jeunes gens qui la composent, avertis
par la juste sévérité de la Faculté, et désireux de satis
faire leurs maîtres et leurs familles, se décideront à mieux
faire, ce que j ’aurai à signaler l’année prochaine des ré
sultats sérieux de leurs efforts. Je sais que dans cette
première^année si près du lycée ( on ne vient que de lui
échapper J, on se livre à une joie de l ’indépendance,
à un enivrement dangereux; mais ces jeunes tètes se
calmeront, et l’amour de l’étude succédera à un goût
trop vif peut-être pour les plaisirs.
Les épreuves qui ont été subies pour obtenir le titre
de docteur, ont été solides et brillantes. La Faculté a
aussi remarqué quelques thèses pour la licence heureu
sement soutenues, parce q u ’elles avaient été préparées
avec soin. Dans le rapport que M. le Doyen a fait au
Conseil académique, il a cité des noms que nous avons
saisis avec un vif contentement, parce q u ’ils appartien
nent à la magistrature d ’Aix et à l’université. Ces noms
vont vous être répétés tout à l’heure.
J ’ai fait un appel au zèle de MM. les Professeurs dans
1 intérêt de la science, appel auquel ils ont généreusement
—
2?
—
répondu. Des cours facultatifs de doctorat ont été établis
au sein de l'École. Vous savez avec quelle ardeur ils ont
été suivis, nvecquel éclat ils ont été fuits. L ’Frôle a pensé
q u ’il était impossible que ces cours comprissent toutes
les matières du doctorat, que cela même était inutile. Ce
qu’il faut surtout aux jeunes gens qui abordent sérieu
sement le droit, c’est qu'on leur donne une méthode. 11 a
donc paru à l 'École que dans ces cours quelques questions
importantes devaient être traitées d'une manière déve
loppée, pour que ces jeunes esprits se formassent aux
discussions complètes, et apprissent cette parole tempé
rée, précise, qui convient seule aux débats juridiques
comme à l’explication des lois. Les élèves ont reconnu
les efforts de leurs professeurs par une assiduité respec
tueuse, et des amis de la science du droit sont venus
encourager par leur présence une innovation qui a déjà
porté scs fruits. Quant à moi, selon mon usage, je suis
venu m ’asseoir avec les élèves à ces cours, comme je le
fais souvent dans les classes des lycées ; heureux de voir
des talents si distingués, briller dans une arène plus
vaste, ouverte à la science ; heureux, surtout si j ’attirais
sur ces cours l'attention bienveillante du jurisconsulte
éminent qui dirige l’instruction publique, et si, comme
récompense des travaux de l’École ( et je sais que ce
serait la véritable), j ’obtenais q u ’au sein decette Faculté
chacun prit la place q u ’il mérite.
Nous avons constaté que les cours de la Faculté des
Lettres avaient été suivis celte année par un plus grand
nombre d ’élèves en droit que l’année dernière : soit que
l’amour de la règle se manifeste de plus en plus dans la
�Faculté de Droit, grâce aux meilleures influences, soit
que les jeunes gens aient compris l’avantage q u ’il y avait
pour leur éducation de jurisconsulte à ne point aban
donner la culture des lettres. Nous ne reviendrons pas
sur le sujet, peut-être trop souvent traité par nous, de
l’union nécessaire entre la science du droit et les belleslettres. Que si notre voix a été écoutée, c’est la plus
douce récompense de notre labeur.
La Faculté des Lettres a vu cette année comme prix
de ses travaux, MM Joly et Ouvré, deux d esesm em b res
si distingués, nommés professeurs titulaires. Ils avaient
été présentés au Ministre, à l'unanimité, par le Conseil
académique et la Faculté elle-même, et le Conseil et la
Faculté se sont applaudis d ’avoir fait des choix approuvés
par le Ministre ; et je ne crains pas d ’être démenti en
ajoutant q u ’ils l'ont été hautement par l’opinion publi
que.
La Faculté d ’Aix a vu s ’augmenter le nombre des dé
partements où le Ministre l’envoie faire des examens. À
l’Algérie, à la Corse, a été joint le département des
Alpes Maritimes. Nous n ’avons eu q u ’à npus louer des
résultats de la session qui s ’est tenue à Nice. Les profes
seurs de la Faculté y ont été l’objet d ’une déférence
marquée, et ces examens, suivis avec une vive curiosité
et une assiduité singulière, ont, il ne faut pas en douter,
contribué à la fusion entre Nice et le reste de la France,
fusion à laquelle a servi l’organisation de l'instruc
tion publique. Un lycée, ouvert sous de favorables aus
pices, dirigé avec vigueur et intelligence, a donné aux
examens du baccalauréat des candidats instruits. Je dois
— 29 —
ici remercier publiquement MM. les professeurs de la
manière dont ont été conduits les examens: Pas de fai
blesse, pas de complaisance, mais une bienveillance plus
marquée, s’il est possible, q u ’à l’ordinaire, et qui sem
blait dire à ces nouveaux Français: venez à nous.
La Faculté des Lettres n ’allait ordinairement q u ’à
Ajaccio, la sagesse du Ministre a voulu que les examens
eussent en outre lieu à Bastia. Ces villes sont en effet
dans deux parties de la Corse séparées par un long tra
jet. Le nombre des candidats avait augmenté, et les can
didats de la Corse se sont distingués par les bonnes notes
q u ’ils ont obtenues. Il y a à côté de beaucoup d'imagi
nation chez les Corses , une certaine vigueur d intelli
gence , et de l’amour pour le travail. Je me rappellerai
toujours quelle a été ma satisfaction, lorsque, visitant la
Corse, j ’ai inspecté le collège Paoli. Vous savez que le
général Paoli a voulu fonder en Corse une institution
où l’enseignement supérieur fut réuni à l'enseignement
secondaire. Paoli, doué d ’un sens administratif trèsjuste (il était par là le précurseur de Napoléon), avait
compris que les bonnes institutions font les nobles pays.
Peu de temps avant de mourir, dans l’exil, il dota la
ville de Corte de cette institution. Cortc est situé dans
un pays pauvre et agreste, c’était là que s ’agitaient le
plus vivement autrefois, ces passions qui chaque jour
s ’apaisent. Au pied de montagnes élevées, dans celle
ville où il existe peu de monuments de la civilisation,
mais que domine un château féodal (et quel triste rôle
a joué la féodalité en Corse)! dans un établissement,
qui occupe le même bâtiment que la prison, j ’ai trouvé
�des élèves assidus, des maîtres éclairés, et un assez vif
mouvement dans les esprits. J'ai été touché de voir ces
pauvres et laborieux enfants, comme protégés par l’om
bre d ’un grand homme.
Ce que j ’ai dit des candidats de la Corse, je voudrais
pouvoir le dire des élèves qui se présentent en Algérie.
Les examens sont faibles, les préparations incomplètes.
Il ne faut ni s ’en étonner, ni en concevoir de sérieuses
inquiétudes. Tout est nouveau dans cette France non velle. Quant la hiérarchie sociale n ’est pas complètement
établie, on ne doit pas s ’attendre à ce que le feu de
l’intelligence se manifeste. Il faut q u ’une société soit
bien assise pour devenir lettrée.
Les candidats au baccalauréat ès-lettres deviennent
de plus en plus nombreux. Après être descendu jusqu'à
181 en 1855-1856, le nombre des candidats n ’a pas
cessé de se relever. Il a été de 237, l’année dernière,
n ’ayant été que de 181, l’année précédente, ce qui
donne pour l’année dont je rends compte une augm en
tation la plus forte q u ’il y ait eu jusqu'à présent. Sur
ces 237 examens, il y a eu 146 admissions et 181
ajournements; d'où il résulte que la moyenne des réccp *
lions n ’a pas varié par rapport à celle des années
précédentes, mais il y a progrès pour les admissions
avec des mentions honorables, dont la Faculté n ’est
cependant pas prodigue. Si des 146 candidats admis,
115 l’ont été tous juste, n ’ayant satisfait que passa
blement, 18 ont obtenu la note assez-bien et 4 le trèsbien. Quant au parfaitement-bien, personne ne l’a eû,
c'est chose de luxe, comme nous a très-bien dit le doyen,
— 31 —
au sein du Conseil académique. Cette parcimonie que
j'approuve, révèle cependant un état de choses auquel
on doit remédier. 11 faut que nos candidats se persua
dent que le talent n ’est pas du superflu, ou q u ’il faut
appliquer à ce superflu le vers de Voltaire :
Le superflu, chose très-nécessaire.
Cette absence de talent, d ’où peut-elle venir en
France, et dans cette province où l’imagination est si
vive ? Elle vient de l'insuffisance de la préparation, après
des études manquées. Le talent ne se forme que par
des éludes complètes , que par une communication
assidue, avec les grands esprits de tout les temps. Mais
comment avoir du talent, quand on lit Racine et La
fontaine, à la hâte, pour la première fois, en vue, comme
on dit, de l’examen ? Lorsqu'on répond (je l’ai entendu)
que le personnage principal de la mort de Pompée, est
Pompée lui-même. Gens à plaindre, qui ne savent par
cœur ni le Paysan du Danube, ni l’Art Poétique, et des
lèvres desquels ne découlent pas facilement les vers
d ’Athalie et de Cinna. Je sais que les interrogations sur
les auteurs français sont difficiles à répondre, que dans
la causerie littéraire qui s ’établit, l’examinateur met
toujours beaucoup trop du sien. Je sais aussi (et je fais
tout ce que je puis pour y remédier), que les grands
auteurs français ne sont pas assez expliqués dans les
lycées. Les auteurs du XVIImo siècle devraient au moins
être traités comme les auteurs latins, car cette langue
du XVIIme siècle s ’élèvera bientôt, grâce au penchant
de notre littérature actuelle, à la dignité de langue
�— 33 —
morte. Mais que les jeunes gens luttent courageusement
contre ce triste penchant. Le talent, quoiqu’on dise,
s ’acquiert ; c ’est le jeu heureux des facultés de l’esprit;
il s ’agit de les bien diriger.
Les aspirants à la licence sont moins nombreux que
ceux au baccalauréat. On ne demande, en général, ce
grade que pour entrer dans l’enseignement public.
Sur 7 candidats à la licence, 4 ont été admis, dont 3
universitaires. L eR e cte u rs’est déjà fait un devoir de don*
ner à ces derniers une situation. Le quatrième, licencié,
est un étudiant en droit, qui se destine à l'administration
si instruite de l'enregistrement, et nous ne pouvons pas
trop applaudir au courage qui lui a valu ce succès.
Les sujets qui ont été traités par les professeurs dans
leur cours, celle année, l’ont été avec une grande élé
vation. Rien ne remue les idées comme la parole im
provisée : c’est là l’avantage de l’enseignement supé
rieur, il apprend à sortir des routes battues, et ces livres
qui parlent ont une bien plus grande action sur l’esprit
que les livres cpion lit.
Pendant le courant de l’année qui vient de s ’écouler,
un des professeurs distingués de cette Faculté, a été
éloigné de sa chaire par la maladie, qui ne lui permet
tait pas la fatigue de l’enseignement. Notre cher collègue
a été rendu à la santé, c’est-à-dire, à la plénitude de
son talent, et cette voix, si aimée de la jeunesse, va se
faire encore entendre parmi nous.
Je donne la parole à M. le professeur Martin qui va
parler du concours ouvert à l ’École de Droit entre
les élèves qui aspiraient aux prix q u ’on va décerner.
R ap p ort d e II. lla r iin , p ro fesseu r à la
I^ acultc «le D roit.
Messieurs ,
L’Université ne s ’est pas contentée d ’établir des
concours pour entretenir une louable émulation entre les
élèves des facultés de droit ; elle a voulu de plus, q u ’un
Rapport sur les résultats fût présenté chaque année, en
séance publique. Elle a pensé que c ’était rehausser le
prix des dislinctious accordées par les facultés que de
proclamer le nom des lauréats devant leurs condisciples
en présence d ’une assemblée distinguée qui leur accorde
toujours celte sympathie bienveillante, dont l’àge mûr
entoure les travaux et les succès de la jeunesse. Un
Rapport doit accompagner cette proclamation, non pas
pour donner aux lauréats des conseils et des encoura
gements qui sont adressés à chacun en particulier avec
plus d ’utilité et de convenance par les professeurs , mais
afin de mieux préciser la valeur de chacune de ces ré
compenses, en faisant connaître exactement le mérite de
chacune des compositions, mérite qui peut varier d ’un
concours à l'autre, quoique la récompense soit la même,
et d ’arriver ainsi par une juste sévérité à obtenir des élè
ves des travaux de plus en plus distingués. Peu de mots
me paraissent suffire pour lo but que ce Rapport se pro3.
�— 34 —
pose d'atteindre, et je me reprocherais, MM., de fati
guer votre attention par des détails qui ne seraient
pas nécessaires.
Les élèves île première année avaient à expliquer:
Comment les servitudes s'éteignent en Droit Français ; 24
compositions ont été remises : sur ce nombre, quelquesunes prouvent plus de bonne volonté que de savoir et
d'expérience ; mais la plupart attestent le travail des
élèves; 5 ont paru à la Faculté bien supérieures à toutes
les autres et méritent des distinctions: elle a décerné le
premier prix à M. Jannet (Claudio), de Paris, et le se
cond ex œquo à M. Chamonlin (Octave), de l’Àrgentière,
et à M. Montamat (Edmond), de Marseille. Ces trois bon
nes compositions, q u ’une assez faible distance sépare, se
recommandent par les mêmes genres de mérite. Le su
jet y est traité dans tous ses détails avec beaucoup
d'exactitude et un style convenable. Les deux autres
bonnes aussi auxquelles la Faculté a accordé des men
tions honorables,sont cependant de beaucoup inférieures
aux trois premières et se distinguent entre elles par des
mérites différents. M. Hostand(Eugène), de Marseille,qui
a obtenu la première mention,a fait une composition qui
est certainement la plus remarquable par la netteté et la
fermeté du style et qui ne manque pas d'exactitude;
mais il a compris à tort dans son travail , l'extinction
de l'usufruit, de l'usage et de l'habitation, qui, dans le
langage du législateur français, ne sont pas des ser
vitudes, et par conséquent, ne rentraient pas dans le
sujet proposé : cela l’a empêché de donner des déve
loppements suffisants au sujet véritable. M. Eslrangin
— 35 —
( Eugène ) , de Marseille, plus complet, laisse à dé
sirer du côté du style et a quelques légères inexac
titudes.
En seconde année, les élèves avaient traité: Des qua
lités requises pour succéder ; sur les 15 compositions qui
ont été présentées à l’appréciation de la Faculté, 5, qui
s'élèvent au-dessus des autres, lui ont paru, comme en
première année, mériter des distinctions. M. Bastide
(Émile), de Marseille, qui a obtenu lepremier prix, a su
présenter avec autant d ’ordre que de clarté les nom
breux détails de ce vaste sujet et en faire un ensemble
bien lié dans toutes ses parties. On peut seulement re
gretter que le désir d ’être complet l’ail engagé à traiter
un ou deux points qui ne se rattachent que de très- loin
à cette matière et nuisent à la régularité de la composi
tion. Quelques détails utiles omis, un peu moins d ’or
dre et de clarté dans le style, et une inexactitude font
que M. Bar-et (Paul), de Gardanne, a obtenu seulement le
second prix. Les compositions de AI. deLayel (Henri), de
Marseille, et de M. Jacob (Jules), de Forcalquier, qui ont
obtenu la première mention ex œquo, ainsi que celle de
AL Mille (Louis), d ’Aix, qui a mérité la seconde, sont loin
de manquer de mérite ; mais elles ne sont ni aussi com
plètes, ni aussi exactes, ni aussi bien présentées que
celles des deux premiers lauréats.
Eu troisième année, les concurrents sont nécessaire
ment moins nombreux, parce que la première condition
pour être admis au concours est d ’avoir obtenu, dans
l’ensemble de tous les examens subis, la majorité de
boules blanches: de sorte que c’est déjà un honneur de
�— 36 —
pouvoir concourir. 5 ont traité le sujet de Droit Romain,
4 seulement le sujet de Droit Français.
En Droit Romain, la compensation était l'objet de la
composition. Le travail de M. Laurin (A uguste), de
Gardanne, qui a une supériorité marquée sur celui des
autres concurrents, a obtenu le premier prix. M. Laurin
n'a négligé aucun des détails de ce sujet difficile; il a
montré q u ’il connaissait les textes, et exposé avec netteté
des solutions en général exactes. M. Bernard (Charles),
d ’Aix, a mérité le second prix par un travail presque
aussi complet; mais où les solutions sont moins exactes
et moins bien présentées. Les compositions de M.
Clappier (Joseph), de Toulon, qui a obtenu la première
mention, et de M. Guillibert(Hyppolitc), d ’Aix.qui a ob
tenu la seconde, moins complètes, laissent un peu plus
à désirer soit pour le fond, soit pour la forme.
La question de Droit Français était ainsi conçue:
Motifs, sens et effets de larègle : La vente de la chose d ’au
trui est nulle. Sur une question aussi controversée et
qui divise les meilleurs esprits, il y aurait de l 'intolérance
à vouloir imposer une solution aux élèves; c ’est donc
moins par la solution que chacun croit devoir adopter
que par la manière dont il l’expose et la défend, qu'il
faut décider du mérite de la composition. Ce point de
vue justifie complètement la décision de la Faculté,
même aux yeux des personnes qui n'admettent pas la
solution présentée par les lauréats. M. Laurin, qui, du
reste, dans ses deux premières années de droit, a toujours
eu le premier prix, ici encore a mérité en Droit Français
le premier prix q u ’il a déjà en Droit Romain, et avec la
— 3'
même supériorité. Dans une composition bien faite, il
a exposé les différents systèmes proposés, donné les
raisons sur lesquelles s ’appuie celui q u ’il adopte, et in*
cliqué les différentes conséquences qui en découlent.
M. Bonnefoy (R ay m o n d ), de Marseille, a obtenu le
second prix par un travail moins bien écrit, et dans le
quel se rencontre un certain nombre d ’inexactitudes,
quelquefois plutôt dans l’expression que dans la pensée
de l'élève. La composition de M. Bernard déjà nommé,
qui a obtenu la première mention, est peut-être mieux
présentée et offrirait moins d ’inexactitudes dans les
détails, mais elle pêche par un point capital, c’est de
paraître confondre constamment une action en nullité
avec une action en résolution. Sous le rapport de la
forme et du fond, la composition de M. Guillibert déjà
nommé, a paru mériter seulement la seconde mention.
En résumé, MM., ces différents concours présentent
dans leur ensemble uu résultat satisfaisant et attestent
e travail soutenu de nos meilleurs élèves. La Faculté
regrette seulement que les docteurs récemment reçus
et les aspirants au doctorat ne lui aient remis aucun
Mémoire, et q u ’ainsi, elle n ’ait pas de jugement à pro
noncer cette année sur ce concours.
�Ton ne remplacera jamais, on voit ce que gagnent les
familles, les empires, ce que vaut une religion qui, en
rendant les sujets vraiment chrétiens, travaille plus effi
cacement pour l’État que toute la politique des hommes.
On voit alors ces grands exemples dont le souvenir
fait tressaillir l'âme, en pensant que tant de parents
oublient leur mission et leur puissance. Le père d ’Origène s’en souvint et il aime à baiser le cœ ur de son fils
pendant son sommeil, parce q u ’il y voit le sanctuaire de
la divinité ; et tontes ces mères qui encouragent ellesmêmes leurs enfants au martyre, parce que c ’est pour
elles le véritable honneur, et cettegrande reine qui aima
à prendre son fils entre ses bras en lui adressant ces
paroles les plus belles de notre histoire et qui font la
mère plus grande que la reine.
Voilà le mariage chrétien : sa grandeur, son influence,
ce qui pouvaient y gagner la religion et la patrie. Notre
collègue a été bien inspiré en offrant un semblable sujet
à la méditation de ses élèves ; qu ils s ’en pénètrent bien,
et leur ministère sera fécond; ici l’ambition est belle,
les travaux qu'elle compte sont glorieux. Rien ne vaut
le dévouement qui s'immole pour la gloire de Dieu et le
salut de nos frères. Le monde qui ne comprend rien ne
parlera pas de vous; que vous importe? Il est quelque
chose qui vaut mieux : les anges sont là, et c'est à Dieu
qu'ils vont dire vos efforts et le prix qu'ils ont mérité.
III. Da ns son cours d ’Écriture Sainte, M. l’abbé Reynaud, qui a une juste admiration pour Moïse, a parlé
à son auditoire de Yœuvre des six jours. Faire connaître
le grand législateur des H ébreux, sa mission divine et
les prodiges qui éclatent sur son passage, tout cela est
plein d intérêt; la divinité est ici manifeste, la mission de
Moïse ainsi accompagnée par tant de choses extraor
dinaires naît d’en haut, Moïse est l’homme deDieu, car
il en a la puissance.
Mais à côté des livres de Moïse il en est d ’autres qui
ont aussi leur importance, leur utilité. Nos élèves ont
besoin de les connaître, ils suivent nos cours pour s'en
pénétrer, afin d ’aller ensuite porter les leçons, les en
seignements qu'ils renferment aux peuples qui leur
seront confiés. O r , peut-être est-il à regretter que leur
professeur ne leur en ait rien dit. I! comblera cette
lacune fâcheuse dans notre enseignement, fâcheuse dans
le cœur des fidèles qui seraient privés des lumières dont
ils ont besoin et auxquelles ils ont droit?
M. l’abbé Reynaud fera , à ses auditeurs, le plus
grand bien en appelant leur attention sur l ’étude des
autres livres de l'Écriture Sainte, sur ces œuvres ma
gnifiques qui ont valu tant de gloire à nos saints Doc
teurs et que les savants ne cesseront d'admirer. Notre
collègue a là une noble mission, et dans son travail, il
sera en bonne compagnie.
IV. M. l ’abbé Bicheron a fait l’histoire de la discipline
ecclésiastique. Il ne pouvait rien dire de plus glorieux
pour l’Église, rien de plus capable de donner à ses
élèves une haute idée de leur foi et des grands motifs
de lui être toujours plus soumis et plus fidèles. En
effet, rien n ’est beau, rien n ’est grand comme l’Église,
toujours les yeux ouverts sur les abus, les erreurs q u ’elle
condamne, conservant ainsi le saint dépôt entouré de
�élèves sur Dieu et ses attributs. Sujet admirable pour les
hommes qui aiment à se livrer aux plus sublimes et aux
plus douces méditations. En effet, que de lumières, que
de joies ineffables nous viennent du ciel par une pensce
de Dieu, par la méditation d un seul de ses attributs I
Concevez-vous tout ce q u ’il y a de bonheur dans cette
parole: Dieu est amour, Dieu nous aime! il nous appelle
ses enfants, et il veut que nous l’appelions tons les jours
noire Père. Et c ’est le plus petit d ’entre les chrétiens qui
peut dire ces paroles. Donc parmi ceux qui croient, plus
de délaissés, plus de malheureux. Entendez les fidèles
que la tyrannie croit punir en les envoyant à la mort :
adieu, disent-ils à leurs parents, à leurs amis q u ’ils
rencontrent sur leur passage, felicitez-nous, nous allons
au ciel.
Une pareille transformation de la nature humaine est
quelque chose, et si les sentiments font I homme, il n v
aura parmi ceux qui se seront pénétrés de nos vérités
saintes que de grandes âmes. Dieu était glorifié par ces
fidèles transformés, et I on entendit les peuples s ’écrier :
Oh! q u ’il est grand le Dieu des chrétiens ! MM., la
grande gloire est de faire louer Dieu !
Notre collègue a été bien inspiré en appelant l'atten
tion de ses élèves sur ce sujet ; s ’ils en sont bien péné
trés, quelles pensées iront leur monter au cœur, quelles
actions rempliront leur vie ! Le prêtre alors est digne de
sa mission, et tous les pas qu'il fait sur cette terre sont
glorieux. Vous figurez-vous l’apôtre saint Paul sortant
de l'école de son maître et chargé par lui de transformer
le monde! Quelle magnifique existence! Saint Jean-
Chrysostôme a tout dit d ’un seul mot: « Le cœur de
Paul c’est le cœur de Jésus-Christ ! »
Certains hommes ont osé dire que la religion chré
tienne rapetissait les âmes! Ceux-là n ont jamais pensé
à son héroïsme, à ses grands hommes, à ses martyrs.
Cette gloire a rempli l'Univers, elle s ’élève jusqu’au
ciel rendant à Dieu l’honneur qui lui est du. Encore une
fois, c’est de la grandeur; la véritable illustration est là.
Jamais il ne fut plus nécessaire de faire entendre
ces vérités importantes; les peuples qui les ont connues
les oublient. Or, que voulez-vous attendre d’hommes
dont tous les intérêts sont renfermés ici-bas? tout est
misérable comme leurs pensées. Oh! notre foi est am
bitieuse, voilà pourquoi elle a tanta cœur de faire des
saints, qui sont les premiers des hommes parce q u ’ils
sont les plus sages.
II. Le professeur de Morale a traité un sujet d ’un grand
intérêt: Le mariage chrétien. Notre religion est admirable
quand elle parle aux n ou vaux époux. Elle leur rappelle
l'union du fils de Dieu et de l’Eglise, et ils doivent la
reproduire par leur amour, leur dévouement, leur fidé
lité. Aussi, le mariage est g ran d ; les époux qui com
prennent leur vocation sont vraiment augustes. Voyez,
donc cet enfant qui vient de naître; ses parents l'en
tourent de baisers et d ’am our; mais ce n ’est pas assez,
il faut q u ’ils pensent à sa dignité, à sa grandeur. Le
ministre sacré est là ; Dieu vient de l’envoyer pour
leur dire ce q u ’il est , ce quil doit devenir. Par le
baptême, il le fait enfant de Dieu, frère de JésusChrist, heritier du royaume du ciel. Avec ces vérités que
�— 40 —
l’on ne remplacera jamais, on voit ce que gagnent les
familles, les empires, ce que vaut une religion qui, en
rendant les sujets vraiment chrétiens, travaille plus effi
cacement pour l’État que toute la politique des hommes.
On voit alors ces grands exemples dont le souvenir
fait tressaillir l'âme, en pensant que tant de parents
oublient leur mission et leur puissance. Le père d ’Origène s ’en souvint et il aime à baiser le cœ ur de son fils
pendant son sommeil, parce q u ’il y voit le sanctuaire de
la divinité ; et toutes ces mères qui encouragent ellesmêmes leurs enfants au martyre, parce que c ’est pour
elles le véritable honneur, cl cettegrande reine qui aima
à prendre son fils entre ses bras en lui adressant ces
paroles les plus belles de notre histoire et qui font la
mère plus grande que la reine.
Voilà le mariage chrétien : sa grandeur, son influence,
ce qui pouvaient y gagner la religion et la patrie. Notre
collègue a été bien inspiré en offrant un semblable sujet
à la méditation de ses élèves ; qu ils s ’en pénétrent bien,
et leur ministère sera fécond; ici l’ambition est belle,
les travaux q u ’elle compte sont glorieux. Rien ne vaut
le dévouement qui s ’immole pour la gloire de Dieu et le
salut de nos frères. Le monde qui ne comprend rien ne
parlera pas de vous ; que vous importe ? Il est quelque
chose qui vaut mieux : les anges sont là, et c’est à Dieu
qu'ils vont dire vos efforts et le prix qu'ils ont mérité.
III. Da ns son cours d ’Écriture Sainte, M. l’abbé Reynaud, qui a une juste admiration pour Moïse, a parlé
à son auditoire de I œuvre des sioc jours. Faire connaître
le grand législateur des H ébreux, sa mission divine et
— 41
les prodiges qui éclatent sur son passage, tout cela est
plein d intérêt; la divinité est ici manifeste, la mission de
Moïse ainsi accompagnée par tant de choses extraor
dinaires naît d ’en haut, Moïse est l’homme deDieu, car
il en a la puissance.
Mais à côté des livres de Moïse il en est d ’autres qui
ont aussi leur importance, leur utilité. Nos élèves ont
besoin de les connaître, ils suivent nos cours pour s'en
pénétrer, afin d ’aller ensuite porter les leçons, les en
seignements qu'ils renferment aux peuples qui leur
seront confiés. O r , peut-être est-il à regretter que leur
professeur ne leur en ait rien dit. Il comblera cette
lacune fâcheuse dans notre enseignement, fâcheuse dans
le cœur des fidèles qui seraient privés des lumières dont
ils ont besoin et auxquelles ils ont droit?
M. l'abbé Reynaud fera , à ses auditeurs, le plus
grand bien en appelant leur attention sur l’étude des
autres livres de l Écriture Sainte, sur ces œuvres ma
gnifiques qui ont valu tant de gloire à nos saints Doc
teurs et que les savants ne cesseront d'admirer. Notre
collègue a là une noble mission, et dans son travail, il
sera en bonne compagnie.
IV. M. l’abbé Bicheron a fait l’histoire de la discipline
ecclésiastique. Il ne pouvait rien dire de plus glorieux
pour l’Église, rien de plus capable de donner à ses
élèves une haute idée de leur foi et des grands motifs
de lui être toujours plus soumis et plus fidèles. En
effet, rien n ’est beau, rien n ’est grand comme l’Église,
toujours les yeux ouverts sur les abus, les erreurs q u ’elle
condamne, conservant ainsi le saint dépôt entouré de
�42 —
respect et d'admiration. Ni les passions, ni l’amour de
la nouveauté, ni l’enfer jaloux n'ont pu pénétrer chez
elle, et notre foi a travaillé 18 siècles sans avoir reçu
aucune atteinte. C ’est le grand miracle. On est accou
tumé à tant de changements, de variations dans les œ u
vres des hommes ! Les erreurs qui se sont élevées contre
l’Église, sont depuis longtemps méconnaissables par
les changements continuels q u ’elles ont subis. On no
voit rien chez elles qui rappelle la religion chrétienne.
En Allemagne, en Angleterre, il y a en tant de destruc
tions que les protestants de bonne foi ne voient plus rien
chez elles du christianisme. Leurs plaintes et leurs re
grets ne sont ignorés de personne, et apprennent au
monde que ce n ’est que dans l'Église catholique q u ’il
faut chercher la religion du Christ.
Devant ce fait lamentable, l’erreur a voulu imiter
l ’Église, s'élever contre les abus, forcer les sectes aux
quelles elle avait donné le jour et qui la démolissaient,
à fléchir devant les arrêts; mais sa voix toute humaine
n ’était pas écoutée ; ce mal emportait tout, tandis que
l’Église toujours pure, toujours digne de son auteur,
s'avançait à travers les siècles au milieu des respects et
de l’admiration de l'Univers.
Or, les hommes ne sont pas si puissants, leur voix
est trop faible pour se faire obéir; et si quelquefois
ils font un peu de bruit, entraînant avec eux quelques
victimes, on sait que leurs succès n ’ont rien de glorieux.
Pauvres peuples et pauvres siècles qui se laissent sé
duire et entraîner par des hommes que rien ne recom
mande que des passions.
— 43 —
Il y avait ici un beau rôle, c’était de se ranger sous
l’ctendard de l'Église, la gloire était là. Mais l’erreur ne
peut rien faire de grand. Bossuet a pu la prendre cette
gloire, et jamais il n’a été si illustre que lorsqu’il écrivait
dans un livre immortel, les variations des églises pro
testantes, à côté de l’église catholique toujours ferme
comme le ciel et ne changeant pas plus que Dieu !
V. Le professeur d ’Hébreu a continué avec zèle et
science ses éludes grammaticales sur la langue Sainte.
Nous voudrions q u ’un plus grand nombre d ’élèves profi
tassent de ces éludes qui les rendraient habiles dans l‘in
terprétation du texte sacré, science précieuse surtout
pour les hommes obligés de bien connaître la sainte écri
ture. d'en faire remarquer les beautés, la puissance, les
lumières, qui ont fait le bonheur, la gloire de tant de
saints, de tant d ’hommes de génie. Ce serait honorable
pour le sacerdoce s ’il se montrait ici savant. En dehors de
notre foi, des hommes aiment à faire parade de leur science
à cet égard, malheur à nous si nous étions trouvés moins
habiles. Il suffit quelquefois de l’explication d’un mot
pour détruire des assertions qui en imposeraient à la
médiocrité ou à I ignorance. C ’est le but que s ’est pro
posé notre collègue ; il veut rendre ses élèves savants,
capables de repondre dans l’occasion aux difficultés de
la science. C ’est alors que le prêtre occupe dignement le
poste honorable que la religion lui confie. (> La piété est
chose excellente, c’est la plus belle et la pins noble des
dignités pour l’homme, disait saint Grégoire de Nazianee, » mais quand on y ajoute la science, les peuples
en sont fiers, et l’on est pour le pasteur plus dévoué et
�plus docile. Ces résultats que l'on est sûr d ’obtenir avec
une bonne volonté paient bien des travaux.
Sur l’état des études nous ne dirons q u ’un mot: sans
nous satisfaire pleinement, elles méritent d ’être encou
ragées.
Plusieurs candidats des diocèses de Montpellier, de
Nîmes, de Marseille, d ’Aix, ont demandé à la Faculté de
subir ses épreuves. Ont été reçus bacheliers : M. l ’abbé
Espieux. suppléant à la Faculté d ’Aix, avec la mention
parfaitement bien ; M. l’abbé Figuières, professeur au
Petit Séminaire d ’Aix, avec la mention très-bien; M.
I abbé Ricard, de Marseille, avec la mention bien.
Nous espérons beaucoup de nos voisins de Marseille.
Mgr de Mazenod, qui nous a laissé tant de regrets, et
qui savait, comme tous lesgrands évêques, encourager la
science, voyait avec plaisir ses jeunes prêtres s ’occuper
de prendre leurs grades ; son successeur déjà si cher à la
religion par son beau collège des hautes études, voudra
seconder ce zèle, véritable honneur des hommes d’élite.
Gloire oblige; dans notre pays cela ne s'oublie pas.
R ap p ort «le II. le D oyen «le la F a c u lté
«le D roit.
Messieurs ,
Si quelque chose pouvait distraire un instant votre
attention de l’aridité des détails et des redites inévitables
d ’un compte rendu que je présente pour la vingtième
fois sur la situation intérieure et morale de notre F a
culté, ce serait assurément la constatation des progrès
que je vais signaler dans la marche de nos études et
l’accroissement de sa prospérité matérielle, qui distin
guent particulièrement la dernière année scolaire de
toutes les précédentes.
La première des circonstances, qui mérite d ’être
relevée, est celle du chiffre des inscriptions dont le total
s ’esl élevé, pour les quatre trimestres, à 845 et dépasse
de 164 celui indiqué dans mon rapport antérieur, oü il
était seulement de G81.
Les examens et actes publics soutenus dans le même
intervalle de temps n ’ont pas augmenté néanmoins dans
une proportion identique, n'y ayant eu que 331 can
didats inscrits, c ’est-à-dire, I 4 de plus q u ’aux sessions
de 1859-1860.
Voici les différentes catégories auxquelles ils appar
tenaient :
7 se sont présentés pour obtenir le certiücal de ca
pacité ;
77 pour le premier examen du baccalauréat ;
57 pour le deuxième ;
60 pour le premier de licence ;
6 1 pour le second ;
36 pour la thèse ;
6 pour le premier examen de doctorat ;
2 pour le deuxième ;
3 pour l ’acte public.
�Les résultats de ces diverses éprouvés, comparés à
ceux de l ’année precedente, uni été infiniment plus sa
tisfaisants, les adtnisions avec éloge y figurant dans les
proportion d un dixième, tandis qu auparavant elles
s'élevaient a peme au douzième, et d ’un autre cote,
on y compte dix ajournements de moins, maigre l'aug
mentation du nombre des candidats, dont l’excédant
était de I 4.
Sur les 331 inscrits pour des examens ou actes
publics, 33 ont eu des boules toutes blanches; 173
l’unanimité des suffrages ; 94 la simple majorité et 29
ont encouru le rejet.
Pour juger maintenant de la force relative des éludes
et assigner aux elèves de chacune des quatre années la
part distributive qui leur revient sur les succès ou les
échecs ci-dessus indiques, il est indispensable de donner
ici quelques details circonstanciés.
Dans la première oü il s ’en présentait 7T, 5 ont etc
jugés dignes d ’une réception elogieuse.et il n ’a manqué
q u ’une boule blanche à 8 autres pour obtenir la même
distinction ; sur 4 i qui ont eu des suffrages unanimes,
22 ont vu leur admission ternie par une boule noire et
6 ont échoué complètement.
Il est à regretter que cette catégorie de candidats, la
plus nombreuse de toutes, ne se soit distinguée des autres
que par sa médiocrité, et n ’ait pas mieux répondu au
zèle et aux efforts incessants des professeurs qui n ’ont
rien négligé, je puis le dire, soit dans le cours, soit dans
les conférences, pour faciliter à ces jeunes gens l ’intel
ligence des matières un peu abstraites que présente, dans
le principe, l’étude de la science du droit et les initier
ainsi progressivement à toutes les connaissances théori
ques, sans lesquelles la saine entente et l’exacte appli
cation des lois seraient toujours pour eux une chose
impossible.
Espérons que la juste sévérité avec laquelle la F a
culté s'est prononcée contre cette malheureuse tendance
au désœuvrement, de la part de ceux qui auraient dû se
montrer plus jaloux d ’imiter les bons exemples et la
conduite des autres, ne lardera pas à porter les fruits
et à prévenir surtout le retour de quelques-uns de cas
fâcheux écarts, qui ont provoqué contre deux d'entre
eux l’application d ’une grave mesure disciplinaire: la
perte de deux inscriptions.
En deuxième année, où 7 candidats s'étaient inscrits
pour l’examen de capacité et 57 pour la deuxième de
bachelier, l’éloge a été décerné à 0 de cette dernière
'catégorie; et, sur 40, dont les réponses ont été trèssatisfaisantes, une seule boule rouge en a empêché 14
d’obtenir une réception aussi honorable; celle de 12
autres a été déparée par une boule noire et G ont été
ajournés.
La généralité des épreuves soutenues par cette classe
d ’éléves a témoigné, comme on le voit, d ’une supériorité
marquée sur les précédentes, comparativement surtout
au succès du petit nombre d ’étudiants dont elle se com
posait, grâce, il faut le dire, à la constante exactitude
avec laquelle les plus laborieux d ’entre eux, inscrits pour
les conférences, ont assisté à ccs exercices salutaires oit
les germes d instruction que la parole du maître avait
�déjà fait naître dans leur esprit, ont pris chaque jour de
plus profondes racines et acquis un plus grand dévelop
pement.
Que ne puis-je en dire autant à la louange de ceux de
la première année, dont la plupart, portés sur la liste
uniquement pour la forme, ont à la fois négligé de met
tre à profit renseignement fructueux q u ’ils en auraient
recueilli et méconnu, à leur grand détriment, les sacri
fices pécuniaires par eux imposés à la sollicitude
paternelle.
Heureusement, MM., à côté de ce blâme justement
infligé à ceux qui le méritent, va se dérouler un tableau
sur lequel vous verrez figurer avec beaucoup plus
d'honneur et de distinction les aspirants à la licence et
au doctoral dont un bon nombre aurait pu servir de
modèle aux autres, au double point de vue de l’amour
du travail et de la régularité de la conduite.
Parmi les élèves de la troisième année, 177 s ’étaient
inscrits, savoir: 00 pour le premier examen de licence;
61 pour le deuxième et 36 pour la thèse.
Sur ce nombre, à peu près égal à celui de l'année
précédente qui en comptait 174, c’est-à-dire , 3 de
moins seulement, je me félicite d'avoir à constater une
diminution dans le nombre des insuccès et beaucoup
plus d'admissions honorables.
II n ’y a eu, en effet, que 17 ajournements, au lieu de
19 signalés dans mon rapport antérieur, tandis que les
réceptions élogieuses décernées à 21 élèves ont dépassé
de 13 celles obtenues l’année dernière par 8 d'entre eux.
Deux autres circonstances viendraient ici attester en
49 —
outre un progrès bien sensible dans la marche de ces
études vraiment sérieuses et une supériorité très-mar
quée dans les épreuves difficiles dont elles sont suivies;
car 7 d ’e n tr’elles ont été encore admises par 4 boules
blanches sur 5, ou soit presque avec éloge ; et, chose
extrêmement rare, 8 actes publics ont été jugés dignes
de cette distinction, par la manière remarquable dont
les dissertations avaient été rédigées, autant que par la
justesse et la solidité de l’argumentation de chacun des
candidats.
Sur cette liste d'honneur composée de l’élite de notre
jeunesse studieuse, depuis longtemps connue par les plus
louables antécédents, figurent en première ligne: M.
Laurin, de Gardanne, qui, après avoir obtenu les deux
premiers prix du baccalauréat, a continué de marcher de
succès en succès, en remportant les deux premières pal
mes du concours ouvert en Droit Romain et en Droit
Français. Entre les élèves de 3me année, M. Bernard
(Charles), d'Aix, petit-fils de l’ancien doyen de notre
Faculté, mon honorable prédécesseur qui, fidèle aux
bonnes traditions de sa famille dont il se montre re
ligieux observateur, nous rappelle par son goût pour
l’étude de la science juridique le nom et toutes les qua
lités d ’un collègue qui nous fût cher à tant de titres et
dont l’ardeur infatigable pour le travail avança mal
heureusement le terme d une existence précieuse à ses
collaborateurs, à ses nombreux amis et à tous ses élèves.
A côté de M. Bernard, lauréat des deux années précé
dentes, qui a mérité le deuxième prix de Droit Romain,
dans la troisième, et la première mention en Droit
4.
�— 50
Français, vient se placer M. Bonnefoy, de Marseille,
jugé digne d ’une première mention l’an dernier, et qui,
encouragé par ce succès, y a trouvé un stimulant assez
puissant pour disputer le deuxième prix de Droit F ran
çais que lui ont valu sa persévérance dans le travail et
le désir bien naturel de voir couronner ses généreux
efforts.
Au deuxième rang figurent d ’une manière encore
•honorable : MM. Reboul (Maurice), de Marseille ; Vacher,
de Givors; Gimelli, de Toulon, tous trois également
lauréats des années précédentes; M. Guillibert ( Hippolyte), d ’Aix , et M. Clappier, de Toulon, qui ont
obtenu des mentions au concours de troisième année,
et dont toutes les épreuves pour la licence ont été suivies
d ’une réception élogieuse.
Il en est enfin trois autres qui auraient participé à la
même distinction, lors de la soutenance de leur thèse,
si une boule blanche de plus ne leur avait fait défaut, la
Faculté s ’en montrant très-sohre afin d ’en rehausser
le prix et d ’élever par là les études au niveau q u ’elles
doivent atteindre. Ce sont: MM. Gibhert, de Nancy, de
l ’Estang, de Camps (Var) et Faraudi (Alexandre), de
Nice, dont les thèses ne laissaient rien à désirer sous le
rapport de l’exposition méthodique des principes et de
l’ampleur avec laquelle ils avaient respectivement traité
leur sujet.
Dans la quatrième année qui comptait 13 aspirants
au doctorat, au lieu de 9 inscrits pendant les quatre
sessions antérieures, G se sont présentés pour le pre
mier examen ; 2 pour le second ; o pour la thèse.
— 51
Outre l ’augmentation progressive du nombre des can
didats actuellement désireux de conquérir le grade de
docteur, circonstance dont l’enseignement supérieur ne
saurait trop se féliciter, puisqu’elle annonce une ten
dance plus prononcée vers ses hautes études, complé
ment presque obligé des autres, il y a eu, celte année,
une grande amélioration dans celles de notre Faculté,
ainsi que vous allez bientôt, MM., le reconnaître vousmêmes.
En effet, sur les 9 candidats de l’année dernière, 8
seulement furent reçus par trois boules blanches et deux
rouges, résultat rigoureusement exigé d'après les rè
glements pour la collation du certificat d ’aptitude à
chaque épreuve; et le dernier encourut l’ajournement,
à l’occasion de son acte public, tandis que parmi les 13
récemment admis à soutenir les leurs, M. George, l'un
d eux, qui a remporté trois premiers prix et un second
pendant son cours triennal , a eu le rare avantage
d ’obtenir l’éloge à son deuxième examen de quatrième
année et quatre boules blanches sur cinq, comme M.
Estor, au premier et M. de Ribbe à sa thèse, fous les
autres ayant également mérité des suffrages unanimes.
Ce progrès, hâtons-nous de le dire, doit être princi
palement attribué à la création de différents cours
spéciaux pour les aspirants au doctorat, dans lesquels
les trois professeurs, MM. Cabantous , Martin et de
Fresquet, qui ont bénévolement accepté cette tâche, ont
donné tant de relief et d ’intérêt à ce haut enseignement
par leurs savantes leçons et la richesse des aperçus his
toriques et philosophiques dont elles étaient accom-
�— 52 —
pagnées, que leur auditoire a été souvent composé nonseulement des élèves de troisième et de quatrième
année accueillant avec empressement ces nouveaux et
inappréciables éléments d ’instruction, mais encore de
magistrats et autres personnes notables vouées au culte
delà science juridique.
Puissent ces estimables collègues, au zèle infatigable
desquels je ne saurais trop applaudir, trouver dans
l'hommage public que je me plais ici à leur rendre, la
seule récompense que leur généreux dévouement ait
voulu ambitionner, en rallumant ainsi le foyer d ’une
noble émulation au milieu de la jeunesse intelligente et
laborieuse confiée à nos soins et en lui ouvrant l’accès
de toutes les carrières honorables : gage certain d ’un
avenir de gloire et de bonheur dont elle leur conservera
comme nous une profonde reconnaissance!
R ap p ort de i l . le Doyen de la F a c ilité
d e » L ettres.
Messieurs ,
Les cours de la Faculté des Lettres ont été suivis l’an
née dernière avec un redoublement de faveur. Ils ont
ressenti pour leur part l’influence exercée sur le mouve
ment général des études dans toute cette Académie par
— 53 —
son nouveau chef. Depuis q u ’il est venu prendre eu
main l’administration de 1 instruction publique en Pro
vence, un souffle de vie a paru pénétrer et ranimer
l ’enseignement supérieur, objet dès lors d une attention
particulière et d ’une constante sollicitude. Avec le goût
et la curiosité littéraires, nous avons vu de nouveau
s ’accroître d ’une manière, si non considérable, du moins
certaine, le nombre de nos auditeurs, et de ceux qu’on
nomme bénévoles, et de ceux qui nous viennent de
l’École de Droit parce q u ’ils y sont obligés, ce qui ne
les empêche pas néanmoins, nous nous en flattons,
d ’être bénévoles, c ’est-à-dire d ’écouter nos leçons vo
lontiers, avec intérêt et des dispositions manifestement
sympathiques.
Du côté des maîtres tout s ’est passé comme de coutume,
régulièrement et sans aucun incident de grande impor
tance. Seulement il y a eu à regretter que la santé de
M. Méry, heureusement rétablie à présent, l’ait contraint
deux fois de prendre un long con g é, qui a rendu
muette pendant une bonne partie de l’année la chaire de
littérature étrangère. Un autre événement, également
relatif au personnel, mais auquel ne se rattache aucun
souvenir pénible, a signalé l’exercice en question. A la
tin de 18G0, MM. Ouvré et Joly sont devenus profes
seurs titulaires de chargés de cours qu'ils avaient été
près de trois ans. Longuement préparé par de signalés
succès, universellement prévu et souhaité, ce fait a fixé
davantage parmi nous des collègues aimés de tous, qui,
à tous les degrés de la hiérarchie, ont fait toutes leurs
preuves de la manière la plus éclatante, et qui continuent
�îi représenter
avec honneur la Faculté des Lettres d ’Aix
à Marseille devant un public q u ’on peut appeler n o m
breux, non pas par comparaison seulement, mais abso
lument et sans hyperbole.
Les examens q u ’a faits la Faculté dans l’espace de
temps dont il s ’agit, se rapportent uniquement à la
licence et au baccalauréat. Il ne s ’est présenté pour le
doctorat aucun aspirant, et aucune thèse n ’a été soumise
à notre examen préalable, en vue de parvenir à ce degré
universitaire le plus élevé de tous mais le moins géné
ralement recherché.
Étant donc mis à part le doctorat, qui en effet ne compte
désormais pour les facultés de province que comme un
accident très-rare, reste la licence pour le plus important
des grades que nous pouvons conférer et que nous avons
effectivement conférés l'année dernière, (yest celui qui
nous met directement en rapport avec les maîtres de
l’enseignement secondaire, pourvus la plupart du di
plôme de licencié et qui devraient l’être tous. Or, aucun
aspirant à la licence ne s ’est présenté à la session de
novembre. Mais, à celle de juillet, nous en avons eu à
examiner jusqu’à 7. De sorte q u ’en somme l’année n ’a
pas été sous ce rapport la plus stérile que nous ayons
vue. A quoi il faut ajouter que dans le nombre se trou
vait un étudiant en droit, postulant surnum éraire de
l ’enregistrement, lequel a su utiliser ses loisirs comme
devraient le faire tous ses condisciples, c’est-à-dire,
pour parler comme autrefois, en fréquentant les Muses,
et non pas en hantant des lieux consacrés à de tout autres
divinités. Le résultat de l’examen a été bon : sur les 7
candidats 4 ont été reçus, savoir : 1 étudiant en droit,
M. Griolet, et trois jeunes fonclionnairesde 1 Université,
MM Chabrier, Béraud et Benoist, pour lesquels leur
nouveau titre, laborieusement gagné, à été un encoura
gement et sera pour leur avancement plus ou moins
prochain une recommandation.
Le baccalauréat continue à redevenir aussi florissant
q u ’avant l'établissement de la bifurcation. Après être
descendu ju sq u ’à 181 en 1855-1856, époque de la plus
grande diminution, le nombre des candidats n ’a pas
cessé de se relever. Il a été de 327 l'année dernière,
n ’ayant été que de 281 l'année d ’auparavant; ce qui
donne pour l’année dont je rends compte une augmen
tation de 46, la plus forte qui ait eu lieu jusqu’à présent.
Sur ces 327 examens il y a eu I 46 admissions et 181
ajournements; d ’où il résulte que la moyenne des ré
ceptions a presque atteint 45 p. % , c’est-à-dire q u ’elle
a peu varié par rapport à celle des années précédentes.
Mais il y a eu progrès pour les admissions avec mentions
honorables, dont nous ne sommes point prodigues, il
s'en faut beaucoup. Si des 146 candidats reçus 115
l’ont été à la rigueur, ne nous ayant satisfaits que pas
sablement, 18 ont obtenu la note assez-bien, 9 la note
bien et 4 le très-bien. Quant au parfaitement bien, c’est
pour nous ju squ ’à présent une mention de luxe que
nous n ’avons jamais eu occasion d ’appliquer, ce q u ’il
faut attribuer surtout à la rareté des compositions ex
cellentes. En attendant le héros encore imaginaire, qui
peut-être un jour réalisera cet idéal, je vous demande,
MM., pour les 4 candidats auxquels a été décernée la
�mention très-bien, l'honneur d ’être nommés devant vous.
Ce sont - MM. Seney, Blanchet, Seta et Giraud, exa
minés, les deux premiers à Aix, le troisième en Corse
et le dernier b Nice.
La Corse, Nice, avec l’Algérie, rappellent la partie
de nos examens du baccalauréat la plus digne d ’être
connue parce q u ’elle est la moins commune et q u ’elle
regarde des pays éloignés, curieux, les derniers ou des
derniers réunis à la France. Tous les ans la Faculté des
Lettres d'Aix et la Faculté des Sciences de Marseille
reçoivent la mission d ’aller conférer le grade de bache
lier et ouvrir ainsi les carrières libérales dans ce q u ’on
peut appeler l'Université d ’au-delà de la mer ; tous les
ans, nouveaux missi dominici, d ’un rang modeste, nous
parcourons en divers sens cette Méditerranée si belle
quand elle est calme, si riche en souvenirs classiques,
et devenue de nos jours si française, emportant avec
nous l’urne fatale et toutes les autres choses nécessaires
pour établir notre tribunal dans les différents lieux qui
nous sont désignés.
De ces lieux la Corse est le premier où nous ayons été
appelés à exercer notre juridiction. La Faculté des
Lettres d’Aix y envoya une commission d ’examen pour
le baccalauréat dès 1847, sous la conduite deM . Fortoul, son doyen d ’alors. Le siège de nos opérations fut
d ’abord Ajaccio, puis Bastia. Plus tard des considéra
tions que nous n ’avons point à juger nous ramenèrent
à Ajaccio. Enfin, l’année dernière, chacune des deux
villes rivales obtint sa session à part; moyen décisif,
sinon simple, de lés contenter l’une et l ’autre et de con
cilier sur ce point leurs prétentions respectives. Or, la
session de Bastia et celle d ’Ajaccio nous ont donné
l ’année dernière à peu près les mêmes résultats, qui
diffèrent très-peu d ’ailleurs de ceux que nous avons
toujours constatés en Corse. Ce qui nous y a frappé
d ’abord, c ’est le grand nombre des candidats: il y en a
eu 28 l’année dernière, il y en avait eu jusqu’à 32 une
des années précédentes, sans compter ceux du bacca
lauréat ès-sciences à peu près aussi nombreux. Comme
l’agriculture, l’industrie et le commerce n ’ont dans l’île
q u ’une existence languissante, toutes les ambitions s ’y
tournent vers les fonctions publiques, dont la plupart,
vous le savez, MM., exigent pour condition essentielle
qu’on soit bachelier. Ceux des jeunes Corses qui aspirent
à le devenir s ’y préparent de longue main et lentement,
sans grandes ressources d ’aucune sorte, goûtant fort
peu et fuyant autant que possible la discipline, qui est
pourtant la condition sans laquelle on ne s ’instruit ni
promptement ni bien. Aussi quand ils se présentent
devant nous ont-ils généralement 20 ans pour le moins,
et il est sans exemple q u ’un candidat de ce pays ait
démandé pour venir subir les épreuves une dispense
d ’âge, c’esl-à-dire q u ’il les ait affrontées avant 16 ans.
Du reste, mûri par l 'âge, leur esprit naturellement ju
dicieux sait à l'heure de l’examen tirer de son propre
fonds de quoi suppléer à l’acquis qui trop souvent leur
manque faute d ’études sérieuses.
Dans l’établissement français de l'Algérie tout com
mence. C ’est pourquoi il est difficile d ’en parler d ’une
maniéré précise sous quelque rapport que ce soit. Pour
�— 58 —
nous, nous ne connaissons pas l’Algérie comme la
Corse, sous le point de vue qui nous intéresse, par une
expérience déjà longue. C ’est en 1855 seulement que
nous avons commencé à y envoyer un jury d ’examen à
la place de la Faculté des Lettres de Montpellier ; et
depuis lors les candidats ont été trop peu nombreux
chaque année pour donner lieu à des inductions cer
taines et de quelque portée relativement au caractère et
à l’état de l'instruction classique dans la colonie. Toute
fois il est arrivé par exception q u ’à notre dernière
session d ’Afrique nous avons eu ju sq u ’à 21 candidats,
et q u ’il nous a été possible par conséquent de nous
faire quelque idée de la manière dont les études litté
raires sont cultivées dans ce pays de conquête où rien
n ’a pris encore une assiette ferme et une consistance
assurée. Venus de différentes écoles, et chacun d ’eux
ayant presque toujours étudié dans différents lieux de
l ’un ou de l’autre continent, ces 21 candidats nous ont
paru avoir une instruction inégale , décousue, tourmentée pour ainsi dire, et trop souvent superficielle.
Il nous a paru aussi q u ’en Algérie comme partout, plus
que partout peut-être, on cherchait à apprendre d une
manière étroite cl servilement positive, sans prendre
intérêt aux choses étudiées, sans goût et uniquement
en vue de savoir juste ce q u ’il n ’est pas permis d ignorer
quand on veut réussir à l’examen. Les candidats algé
riens manquent surtout de curiosité et de lecture clas
siques. Ils ne connaissent pas par e u x - m ê m e s mais
seulement par des abrégés et des notices les auteurs sur
lesquels ils ont à répondre. Que si quelques-uns recou
rent aux textes mêmes, ils n'ent voient que ce qui est
exigé à la rigueur, et sont sur tout le reste, sur le
dessein de chaque ouvrage, sur la totalité des œuvres
et le talent caractéristique de chaque auteur d ’une igno
rance presque absolue. Nous voudrions pouvoir ajouter,
par compensation, que nous avons remarqué pour notre
part que la civilisation française, héritière de la romaine,
commence à se faire sentir par l’instruction secondaire
sur les enfants de l’Afrique. Mais avant tout il faut être
vrai : le fait est que nous n ’avons rien constaté de sem
blable ju sq u ’à présent. Dans notre clientèle d au-delà de
la Méditerranée n ’a point encore peru l’élément indi
gène proprement dit ; ou, pour parler avec une parfaite
exactitude, deux candidats d ’origine africaine, deux seu
lement, se sont déjà présentés devant nous, afin d ’obte
nir le diplôme de bachelier ès-let très ; mais ils apparte
naient l’un et l’autre à la race israélite, qui, dans celte
œuvre de rapprochement et d ’assimilation plus ou moins
complète, paraît destinée à servir d’intermédiaire entre
le peuple civilisateur et les populations Musulmanes,
rendues naturellement défiantes par un attachement jus
q u ’ici invincible à leur religion nationale.
Nice a été la dernière comprise dans nos tournées
d ’examens. (Test cette année seulement, et ce ne pou
vait être plus tôt, q u ’un arrêté ministériel a chargé notre
Faculté d ’aller initier aux institutions de laFrance parle
baccalauréat les jeunes compatriotes que l’Italie recon
naissante nous a depuis peu, non pas donnés, mais ren
dus. Tâche délicate, au moins cette première fois, à
cause des conditions dans lesquelles se trouvaient la plu
�—
part des candidats .Ils avaient fait presque toutes leurs
études, non pas en vue du baccalauréat q u ’ils ne con
naissaient pas même de nom et dont ils ne pouvaient pas
prévoir q u ’on leur ferait un jour une obligation, mais en
vue de la maîtrise ès-arts qui n ’est point la même chose.
Il s ’agissait donc pour leurs nouveaux juges de mé
nager la transition entre les deux régimes, conformé
ment à l’équité, en usant d'indulgence sans doute,
mais non pas jusqu’à l’excès. Si les examinateurs, en
conscience, avaient à glisser sur les parties de l’examen
qui ne figuraient pas dans l’ancien programme des aspi
rants au titre de maître ès-arts, ils devaient aussi ne
pas abaisser leur niveau, tous les bacheliers de l'Empi
re devant être égaux pour le mérite, comme ils le sont
pour les avantages attachés à leur grade. Satisfaire à
cette double exigence a été le but de nos efforts. Que
nous l’ayons atteint, que nous ayons réussi à contenir
l’indulgence dans de justes bornes, c’est ce que semble
attester le résultat amené par le cours des épreuves
naturellement et sans parti pris d ’avance. Parmi les
«ajournés s ’est trouvé un des candidats appartenant à
l'annexion et qui n ’avaient pu se préparer spéciale
ment au baccalauréat e s-lettres que depuis un peu
plus d ’un an. Les autres ont obUuu le certificat d ’ap
titude parce q u ’ils l’ont mérité, et nul doute q u ’ils
n ’eussent obtenu de même le titre correspondant de
maître ès-arts, s ’ils eussent subi les épreuves qui s’y
rapportent. Il nous a été doux, pourquoi le dissimuler?
de pouvoir contribuer ainsi, pour une part si petite q u ’elle
fut, à faire aimer la France à ses nouveaux enfants en
61
—
leur ouvrant ses carrières libérales sans préjudicier aux
intérêts sacrés de la justice, ennemie de la faveur, et sans
porter atteinte au principe selon lequel tous les français,
anciens ou nouveaux, sont égaux devant la loi ainsi que
devant les juges qui l’appliquent.
�général du d ép artem ent, M. le Président du tribunal
de c om m erce. Les élèves de l'École de Médecine
é taien t aussi présents.
La séance s’étant ouverte à m idi, la parole a été
donn ée, par M. le Recteur, à M. Girard, professeur à
l’École de Médecine, chargé de pron o n cer l ’éloge de
M. le d o cteu r Cauvière. M. Girard s’est exp rim é en
ces term es :
Messieurs ,
nu
h a r h e il l k
;.
Le 20 novem bre 1861, d an s le g ran d a m p h ith é â tre
de la Faculté des Sciences, à Marseille, a eu lieu la
rentrée de la Faculté des Sciences et de l’École p ré
paratoire de M édecine et de P harm acie, sous la p ré
sidence de M. Desclozeaux, R ecteur de l’A cadémie.
A côté de lui avaient pris place M. L cscœ ur, inspecteur
d ’académ ie, en résidence à Marseille, M. le doyen de
la Faculté des Sciences, M. le D irecteu r de l ’École
préparatoire de M édecine, MM. les Professeurs de la
Faculté des Sciences et de l'École seco n d aire; à droite
de l’estrade se trouvaient M. le P roviseur et MM.
les Professeurs du lycée im périal, d e rriè re e u x une
division des élèves du lycée. On re m a rq u e dans
l’auditoire M. le P ro c u reu r im périal, M. le Receveur
L’École de Médecine dont M. Cauvière a été pendant
plusieurs années le directeur, et toujours l’honneur et
la gloire, devait à la mémoire de ce grand médecin, de
prononcer dans une séance solennelle de rentrée son
éloge historique.
Cette dette était d ’autant plus impérieuse que M.
Cauvière avait par ses dispositions testamentaires doté
notre École d ’un généreux souvenir. Et cependant plu
sieurs années se sont écoulées, depuis que la pierre du
tombeau a été scellée sur la froide dépouille de notre
directeur regretté, sans q u ’aucune voix ait retenti dans
cette enceinte pour vous raconter sa vie, pour vous dire
ce q u ’il fût comme grand médecin et comme habile pro
fesseur.
N ’attribuez pas celte omission, MM., à un manque de
cœur ou à l'indifférence. Oh non, l'École n ’est pas in
grate! elle est et sera toujours tière d ’avoir compté
parmi ses professeurs, celui dont la noble intelligence a
jeté sur elle un si vif éclat. Ce sont des circonstances
�particulières qui ont fait remettre d ’année en année l’ac
complissement de cette précieuse obligation.
Aujourd’hui, le moment est venu de rendre hommage
à sa mémoire et c’est à moi q u ’écheoit ce difficile honneur.
Je tremble et j’hésite en présence d ’une pareilleœuvre,
car le souvenir de Cauvière est encore si vivant dans
notre cité, tant de foyers domestiques redisent encore
ses contes charmants et pleins d'esprit, tant de cœurs
bénissent encore sa mémoire pour une épouse, un père,
un fils rendus par lui à la santé ou conservés à la vie,
que je ne vois plus q u ’une chose, la grandeur du sujet et
mon insuffisance. J ’entreprends pourtant ma pénible
tâcbe, soutenu que je suis par le souvenir reconnaissant
d e l’amitiédonl il m ’a honoré, et puis, vous l’avoucrai-je,
je trouve un charme infini à évoquer ce grand esprit;
car, en vous entretenant de lui, je me laisse aller à une
douce illusion, et je crois entendre encore sa conversation
si spirituelle et si instructive.
André-Léger Cauvière, fils de Guillaume Cauvière et
d ’Élisabeth Dejean, est né à Marseille, le 13 novembre
1780. On peut dire aussi de lui q u ’il ne fut pas berce
sur les genoux d ’une duchesse, car son père, maître cor
donnier, tenait alors boutique rue du Cheval-Blanc.
Mais ce père valut pour lui mieux q u ’une duchesse, car
il sut comprendre et développer les facultés que le Ciel
avait données à son fils.
Son enfance s ’écoula dans une gêne voisine de la
pauvreté; mais le père Cauvière, que son intelligence
avait fait nommer prieur de sa corporation, comprit
toute l'importance de l’éducation dans un moment sur
— Go —
tout ou la France sentait tressaillir dans ses flancs, cette
Révolution qui devait proclamer la supériorité du mérite
individuel, sur le mérite que donnait le hasard de la
naissance. Il lui apprit donc à lire et à écrire, et celte
première éducation de Cauvière qui se fit près de l’é
choppe paternelle, fut merveilleusement aidée par un
goût très-vif de lecture q u ’avait déjà le jeune enfant.
A l’àge de 9 ans il entra au collège des Oratoriens ;
c ’était en 1 789, son esprit commença à s ’ouvrirà l’étude
en même temps que la France s ’ouvrait aux idées libé
rales, et nous retrouvons chez lui jusqu’à son dernier
jour, l’amour de l’élude et l’amour des idées libérales, les
deux seules passions qui aient vraiment fait battre son
cœur. Cependant, le jeune écolier faisait de rapides pro
grès, son intelligence aidée par une mémoire puissante,
s ’assimilait tout ce qui lui était enseigné; aussi, ses
maîtres, malgré son indiscipline et son dédain pour la
règle, le trouvant trop fort pour la classe q u ’il suivait, le
firent, au milieu de l’année, monter de 4m® en 3m0.
Son père se réjouissait de ces progrès; il voulait pour
son fils de plus hautes destinées q u ’un salaire quotidien
et mercenaire. Il voulut d ’abord en faire un sculpteur,
d ’où lui venait ce désir? Le jeune Cauvière avait-il, de
ses mains enfantines, pétri un peu de terre glaise avec
assez d ’habileté pour que le père, glorieux déjà de son
fils, rêvât pour lui la gloire de Michel-Ange ou de Puget.
Ne serait-ce pas plutôt que l’ouvrier intelligent qui,
par l’effet des conditions sociales du temps, se débattait
sans pouvoir en sortir dans un milieu infime, rêvait pour
5.
�— GG —
son fils une carrière qui, tout en promettant à celui-ci
gloire et fortune, pouvait l’élever ju sq u ’au haut de la
société, d'où sa naissance l’excluait à jamais.
Plus tard, lorsque par les progrès de la Révolution,
l’égalité des citoyens entre eux cessa d’être pour lui
autre chose q u ’une vague aspiration et devint une réa
lité, il abandonna cette idée, et voulut pousser son fils
dans les carrières où l’étude des mathématiques était
nécessaire. Le jeune homme étudia cette science avec
goût et profit, mais son éducalion faillit être arrêtée. La
Révolution avait marché, le vent de liberté qui avait
soufflé sur la France, était devenu un ouragan qui avait
tout renversé sur son passage; les universités étaient
fermées, les Oratoriens fuyaient dispersés et proscrits.
Le jeune Cauvière dut quitter ce collège, théâtre de ses
premiers succès, et rentrer à la maison paternelle. Mais
un de ses maîtres, un des plus instruits, le père Camoin,
n ’avait pas fui. Passionné pour les idées nouvelles, il
avait pu ne pas quitter Marseille; ce fut à lui que fut
confiée la fin de l’éducation du jeune homme.
Étudiant les mathématiques sous l’ancien Oraiorien,
s'intéressant avec son père aux progrès de la Révolution,
cette double influence s ’est fait ressentir toute sa vie.
Les mathématiques lui ont donné cet esprit rigoureux,
positif, ennemi des choses superflues que nous lui avons
tous connu, le milieu révolutionnaire dans lequel il a
été élevé a augmenté en lui l’esprit de libre examen,
son peu de déférence pour les croyances accréditées et
l’amour des choses hardies et radicales dans l’ordre
politique.
— 07 —
Cependant, son père tout orateur disert et influent
q u ’il était, sans doute même à cause de cela, ne fut pas
à l’abri de la proscription, il fut obligé de fuir, emm e
nant avec lui son jeune fils ; il alla à Seillans, petit vil
lage du Var, cacher son patriotisme trop ardent et laisser
passer l’orage qui le menaçait.
Singulier mystère de la destinée ! Cette fuite que le
père Cauvière accomplissait avec l’angoisse du proscrit,
l’incertitude de trouver le pain du lendemain, et la
douleur de voir interrompre les éludes si bien commen
cées de son fils, devait être pour ce dernier l’occasion
d ’arriver à la renommée et à la fortune. Ce jeune homme
que ses lectures avaient mis en rapport avec les grands
esprit des temps passés, se trouva fort dépaysé au milieu
des gens illettrés de ce pauvre village, mais son goût
pour l’instruction aussi bien que le caractère de son
esprit, qui le poussait à demander aux livres et aux
hommes ce q u ’ils pouvaient avoir d ’utile pour lui, le
porta à se lier avec le seul homme du pays avec lequel
il put échanger quelques pensées, le médecin du village.
Celui-ci lui proposa la seule distraction q u ’il fut en
état de lui offrir, celle de visiter ses malades avec lui.
Ce pauvre Esculape rural ne se doutait guère q u ’il
ouvrait ainsi une carrière à une des plus grandes illus
trations médicales du midi.
Le parti qui avait proscrit le père de Cauvière ayant
été proscrit à son tour, celui-ci revint à Marseille, et son
fils entra à l'Hotel-Dieu comme élève externe; lâ, il étu
diait l’anatomie sous un ancien élève de Desault, Odran,
dont il aimait à rappeler le souvenir, et son aptitude
�aussi bien que 1 originalité de ses réponses, le firent
distinguer parmi tous ses camarades.
Quelques temps après, profitant d'une de ces secous
ses révolutionnaires si fréquentes alors, son père lui fit
obtenir la place d ’élève interne, gagnant pension qui lui
donnait la table et le logement à l'Hotel-Dieu.
Dans ce temps de trouble, les chefs de l'hôpital ne
devaient pas toujours leur position à leur savoir et à
leur considération, mais bien à leur civisme. Combien
de fois avons-nous entendu Cauvière s ’égayer sur le
compte de ce chapelier improvisé médecin en chef,
et qui nous disait-il, avec l’ironie qui lui était fami
lière quand il parlait de sa profession, ne perdait pas
plus de malades q u ’un autre. Cependant, de pareils
maîtres ne devaient pas inspirer beaucoup de respect à
son esprit frondeur; et là comme au collège, s ’il se faisait
remarquer par son aptitude, il était aussi à la tête de
toutes les petites insurrections qui troublaient de temps
en temps la paix de l'hôpital.
L ’expédition d ’Égypte se préparait, notre jeune étu
diant voulut en faire partie, sans doute la gloire militaire
le touchait peu, mais il était entraîné par l’attrait de
l ’inconnu et il était comme tout le monde, sous le pres
tige q u ’exerçait le commandant en chef de cette expédi
tion, le jeune et glorieux vainqueur de l’Ital ie, qui
voulait dans cette campagne ajouter aux conquêtes que
faisait son épée, les conquêtes non moins importantes
de la science.
Cauvière se présenta donc à Desgencttes, venu à
Marseille pour recruter des officiers de santé, il fut
nommé officier de santé de 3mc classe et dirigé sur
Toulon, mais retenu par les vents contraires il ne put
s ’embarquer, et fut envoyé à l’armée d ’Italie, commandée
par Schérer. Là, avec la grandes facilité q u ’il avait pour
les langues, il apprit l’Italien et se familiarisa avec les
grands poètes de l'Italie.
Il sc serait peut-être laissé aller à cette existence fa
cile du médecin militaire sans une circonstance parti
culière qui vint le ramener à Marseille.
Cauvière n'a pa.s toujours été cet homme retiré, se
couchant à huit heures, fuyant les plaisirs du monde,
que nous avons tous connu ; il était dans sa jeunesse
plein d ’ardeur pour l'élude comme pour les plaisirs, il
jouait avec succèsfla comédie bourgeoise, il adressait
volontiers ses hommages à la beauté, il ne détestait pas
les émotions du jeu.
Un jour, en Italie, il joua et gagna même une somme
assez importante , quelques amis en avertirent le père,
qui, désireux depuis longtemps de le voir revenir, partit
aussitôt pour le sauvegarder de sa passion du jeu direDt
quelques-uns, pourque la somme follement gagnée ne
fut pas follement dépensée dirent quelques autres ; quoi
q u ’il en soit, il le ramena à Marseille.
Mais que faire dans ce pays dont les ressources scien
tifiques étaient si bornées alors, comment satisfaire ce
besoin d'études qui| le dévorait, et que son voyage et
les relations qu'il avait eues avec des hommes éclairés
n ’avaient fait q u ’augmenter.
Paris avec la grande clinique que Desault avait fondée,
Paris avec Bichat, dont les travaux avaient un si grand
�retentissement, Paris dis-je, l’attirait; il obtint de son
père d aller achever ses études dans celte ville : ce n ’é
tait pas chose facile et usitée alors qu'un pareil voyage,
on ne s ’en fait pas une idée, aujourd’hui que Marseille
est si rapproché de Paris ; mais à cette époque on met
tait 25 jours pour franchir cette distance, et le voyage
était semé d ’accidents et même de dangers.
Lejeune Cauvière alla donc à Paris avec une pension
de 500 fr. par an que lui faisait son père, et Dieu sait
au prix de quelles privations ; ce chiffre vous fait peutêtre sourire de pitié, MM. les élèves, et cependant celte
somme aurait été l’opulence pour quelques étudiants
d ’alors. Thénard, qui devait être baron, qui fut un des
plus grands chimistes connus, et qui laissa à sa mort
une fortune immense, n ’avait pour vivre, quand il était
étudiant, que 17 sols par jour.
Oh ! la pauvreté, MM., les esprits vigoureux doivent la
bénir, car elle est pour eux une fée bienfaisante et pro
tectrice. Cauvière en fut un exemple, afin d ’augmenter
son mince budget, il ouvrit des cours dans lesquels il
enseignait l’Italien, et commentait les auteurs qui ont
illustré cette langue. Il ne négligeait pas cependant ses
études médicales, il travaillait au contraire avec ardeur.
A cette époque, il n ’y avait pas comme aujourd’hui une
école organisée, où des couis de toutes sortes sont faits
par les hommes les plus célèbres, où des muséums, des
collections, des bibliothèques, des cours public vous sont
généreusement ouverts. Alors tous les cours étaient par
ticuliers et non gratuits. Le jeune Cauvière fit connais
sance d'un de ces professeurs particuliers d'anatomie et
— 71
d ’accouchements, M. Maygrier, dont le nom n’a pas été
sans éclat, et devint bientôt son prosecteur. Il étudia
l’anatomie avec un zèle opiniâtre et fut bientôt en état
d ’aider comme répétiteur le professeur dans son ensei
gnement.
Il put acquérir dans cette occasion la preuve q u ’il était
né pour la chaire du professeur. Son élocution claire et fa
cile attira les élèves, et les leçons du professeur Maygrier
furent bientôt délaissées pour les siennes. Profitant de
sa position de répétiteur d ’anatomie, il devint très-ins
truit dans cette science, et menant de front les autres
parties de la médecine, il fut bientôt un des meilleurs
élèves de Paris. Il concourut alors pour l’école pratique,
et ses connaissances réelles plus encore que sa facilité
d ’exposition, lui firent obtenir une place d ’emblée.
A la fin de l’année il concourut pour le prix de celte
école, et là, avec des rivaux tels que Marjolin, Brescbet,
il obtint une médaille d ’or; il envoya cette médaille à son
père comme témoignage de ses succès. Celui-ci par une
fierté bien naturelle la fit placer sur sa tabatière, et la
montrait à chacun, de sorte que bien avant que le jeune
docteur vint s ’établir à Marseille sa réputation commen
çait, et on parlait de ce jeune homme à qui l’école de
Paris donnait pour récompenser son mérite une si belle
médaille.
Les brillants concours dont il était sorti vainqueur le
firent désigner pour aller à Rouen auprès de M. Laumonier, anatomiste et chirurgien distingué de cette ville
et dont vous pouvez voir encore les pièces anatomiques
conservées au muséum de Paris. Il y passa une année en
�qualité de chef interne, y fit son éducation pratique par
son séjour dans les hôpitaux, et continua à augmenter
ses connaissances anatomiques déjà fort étendues. L aumonier, qui comprenait toute la valeur de Cauvière,
voulait se l’attacher. Mais les étudiants, menacés par une
loi qui allait avoir son effet, la loi de ventôse an XI, se
hâtaient de prendre le titre de docteur. Cauvière fut de
ce nombre, et on le vit un jour arriver à Paris avec une
thèse sur Vexlraction des calculs vésicaux par l'appareil
latéral. Dans celte thèse écrite d'un style sobre et concis,
il commence par rechercher l’origine française de ce
procédé opératoire, puis donnant la préférence à la
modification que Laumonier y avait apportée, il paie
ainsi à celui-ci la dette de la reconnaissance.
Ses examens subis, il était docteur. Mais que faire
alors? Paris était là avec ses séductions scientifiques,
avec des amis qui sont tous devenus des princes de la
science, avec un avenir presque certain de fortune et
de gloire. Mais là-bas, au loin, étaient un vieux père qui
l’appelait tous les jours de ses vœux, une mère qui, après
le labeur de la journée, consacrait les heures de la nuit
à subvenir, par un travail manuel, aux frais que néces
sitait le séjour de Paris , il y avait enfin les souvenirs de
l’enfance, il y avait le pays, que faire? Si l’amour de la
science le retenait à Paris, des devoirs plus doux l’ap
pelaient à Marseille. Le cœur l’emporta, et il revint
près de son père, en juillet 1803, accompagné d ’un de
ses amis, avec un mince bagage, un bâton à la main et la
gaîté que lui donnaient ses 23 ans. Il fit à pied, en quatre
jours, le trajet de Paris à Chalons, là, le coche de nos
aïeux le descendit jusqu'à Avignon où il prit la ddigence,
arriva dans sa ville natale, et tomba dans les bras de
son père qui ne devait pas jouir longtemps des succès de
son fils: cinq ans après son arrivée, celui-ci lui fermait
les yeux. Sa mère vécut plus longtemps; elle le vit à
l'apogée de sa réputation , elle ne mourut q u ’en 1833.
Il fut pour elle plein de soins, quoiqu’elle eût un carac
tère dominateur et difficile ; n'oublions pas de dire que
dès q u ’il fût en position de le faire, il acheta à sa mère
et en son nom une maison de campagne.
Quelques cures heureuses, quelques faits qui firent du
bruit, où le coup d ’œil déjà exercé de Cauvière lui per
mirent, en rectifiant un diagnostic erroné, de guérir
promptement le malade, le firent, au direde ses contem
porains, proclamer le premier médecin de Marseille. Mais
cela ne lui suffisait pas, il sentait sa puissance. Comme
professeur, il voulait établir son autorité en faisant ap
précier publiquement sa valeur.
Il fit, avec l ’agrément du préfet Thibaudeau, un cours
de Physiologie dans une des salles de la préfecture. Un
cours public et scientifique était une nouveauté à Mar
seille. Il eut pour auditeurs le préfet et tous les hommes
instruits de la ville. Là, avec son élocution élégante,
correcte, claire, parfaitement appropriée au sujet, il
vulgarisa les connaissances physiologiques du temps; il
fit quelques expériences galvaniques sur des cadavres ;
ces expériences alors peu connues frappèrent vivement
l’attention. Chacun parlait de ce jeune professeur, ra
contait les faits étranges de cadavres ouvrant les yeux,
remuant les bras ; la foule se portait à ses leçons, elle
�74 —
en sortait captivée; dès lors, il lut considéré par tous
comme un homme éminent ; les médecins eux-m êm es
qui n'étaient presque tous que d'honorables praticiens,
ne purent songer à contester la supériorité du jeune pro
fesseur venant de Paris, et contribuèrent à fonder sa ré
putation.
Celle-ci s'établit ainsi sur des bases solides et il n ’eût
plus q u ’à parcourir la voie large et facile qui s ’ouvrait
devant lui. Il obtint bientôt après de faire un cours pu
blic d ’anatomie, et là encore il prouva les connaissances
profondes q u ’il avait de celte science sans laquelle il n ’y
a pas d'habile médecin. Le préfet Thibaudeau le fit
nommer chirurgien en second à 1 Hôtel -Dieu dont Moulaud était le chirurgien en chef. Il ne tarda pas à y ob
tenir le premier rang, si non officiel, du moins réel et
pendant longtemps il a tenu, à Marseille, le sceptre de la
chirurgie. Les jaloux, ne pouvant contester sa supério
rité, contestèrent son titre; il voulut donc ajouter au
diplôme de docteur en médecine celui de docteur en chi
rurgie.
Il se rendit à Montpellier, en 1807, pour l’obtenir, il
soutint une thèse ayant pour litre : Observations sur
quelques maladies scrofuleuses des articulations et sur les
abcès par congestion. Cette œuvre de Cauvière est rem
plie de vues justes, éminemment pratiques, et qui le
sont tout autant aujourd’hui q u ’il y a ans. Quelques
temps après il quitta son poste de chirurgien en chef
pour celui de médecin en chef, poste q u ’il a conservé
pendant de longues années.
L'École de Médecine fut établie et il en fil nécessai
rement partie; il occupa successivement presque tontes
les chaires, l’anatomie, la physiologie, les accouchements,
la pathologie interne, la chirurgie chirurgicale. Il fut
nommé, en 1840, directeur de l’École réorganisée, et
ne donna sa démission que peu d’années avant sa mort.
En 1814 il s ’était marié avec Mlle Belleville, issue
d’une ancienne famille deMarseille. La mort vint rompre
celle union après peu d ’années; il garda avec lui son
vieux beau-père q u ’il entourait de soins, car lui, cet
homme que nous avons tous connu détestant ce qui
dérangeait ses habitudes.il rentrait tous les soirs pour
faire le piquet du vieillard.
La révolution de 1830 avait porté au pouvoir les idées
dont Cauvière avait été le fervent apôtre; il fut bientôt
après nommé chevalier de la Légion-d’Honneur, et les
suffrages de ses concitoyens le portèrent au conseil m u
nicipal; il fut ensuite nommé administrateur des hôpi
taux, mais il ne tarda pas à résigner ces diverses fonc
tions soit que les obligations q u ’elles lui imposaient
fussent pour lui un fardeau trop lourd, soit que son
habitude de domination souffrit de voir que les bril
lantes théories et la pratique des affaires ne vont pas
toujours d ’accord.
Cependant, tous les membres de sa famille étaient
morts, il reporta toutes ses pensées d ’avenir sur son fils.
L ejeune homme intelligent comme son père, ayant de
grandes dispositions pour les mathématiques, entra à l'é
cole polytechnique et en sortit dans l’artillerie ; il se dis
tingua au siège de Rome ; fut nommé capitaine, chevalier
de la Légion-d Honneur, et mourut cnCrimée du choléra.
�Cette mort brisn Cauvière, il était seul au m onde; il
ne lui restait plus que ses livres, il s ’y replongea avec
ardeur , mais une légère attaque d ’apoplexie vint ‘l’in
quiéter sur sa santé jusqu’alors si robuste. Fatigué et
ennuyé, il abandonna la clientèle qui l’occupait encore
beaucoup, passa la plus grande partie de l’année dans
une campagne éloignée, et là, loin de ses amis, entouré
d ’une barrière difficile à franchir, il fut atteint d ’une
pneumonie, vit venir la mort sans effroi et s ’éteignit le
2 octobre 1858.
Voilà, MM., la vie rie Cauvière, vous l’avez vu arriver
par son intelligence, par son travail opiniâtre à la fortune
aux honneurs, à la renommée la plus étendue. Mais je
ne veux pas le quitter sans vous le faire connaître sous
des rapports plus détaillés, plus intimes, sans en faire
une sorte d ’autopsie morale qui serve d’enseignement à
la jeunesse pour lui faire éviter les défauts qu'il pouvait
avoir, et imiter les grandes qualités q u ’il possédait. Le
sujet en vaut la peine, car son influence a été immense,
elle a duré sans contestation autant que lui, elle lui
survit encore, ses arrêts étaient sans appel dans les
familles, on n ’était rassuré ou sérieusement alarmé que
quand il s ’était prononcé ; aussi, n ’y avait-il pas «à Mar
seille une seule consultation sans le docteur Cauvière.
Cette influence vous l’avez vue naître le jour de son
arrivée à Marseille, depuis elle n ’a cessé de s’accroître;
comme un chêne vigoureux elle a poussé de profondes
racines, et l’arbre est devenu un géant. Mais Cauvière
ne s’est pas endormi paresseusement sur l’oreiller du
succès, sa vie a été un travail incessant pour maintenir
et accroître sa réputation, il a mis au service de ce vouloir
toutes les grandes qualités dont il était doué, médecin
éminent dès son début dans la carrière, il fallait pour
maintenir celle supériorité se tenir constamment au
niveau de la science. Aucun effort ne lui a coûté. Par la
lecture attentive des livres, par l’examen sagace des
malades, par la fécondité de sa reflexion il a atteint ce
but, et quand l’étude seule ne pouvait lui livrer certains
procédés de la science moderne, il se les appropriait par
la fréquentation de ceux à qui leur position avait permis
de connaître ces procédés mieux que lui.
Je n ’oublierai jamais les premiers temps de mon arrivée
à Marseille : ayant appris dans les hôpitaux de Paris,
Vauscultation sous des maîtres habiles, la tradition et
l’exercice m ’avaient donné une habitude que ne pou
vaient lui donner ses études isolées. Il me conduisait
chaque matin à l'hôpital à sa leçon de clinique, et là,
me priant de faire connaître aux élèves les faits princi
paux d ’auscultation que présentaient les malades con
fiés à ses soins, il profilait de cette occasion pour con
firmer ou infirmer ce que ses études sans guide lui
avaient appris.
Si, je rappelle celte circonstance, ce n ’est pas au profit
d ’une puérile vanité, mais c’est pour vous montrer
comment une nature intelligente et qui veut s ’instruire
sait trouver les moyens d ’instruction. C ’est que Cau
vière n ’était pas l'esclave d ’une idée ou d ’un système,
avant tout et pour tout il était l’homme du progrès. 11
était dans les premiers temps de sa carrière exact, assidu
auprès de ses malades, cherchant à soulager leurs souf
�frances ou à soutenir leur moral. Causeur aimable, il
savait s ’emparer de leur esprit et trouver dans son iné
puisable mémoire l'anecdote gaie ou sérieuse qui allait
à la circonstance, si l’on ajoute à cela le privilège d ’avoir
vu et bien vu beaucoup de faits divers, un jugement sain
qui devait tirer des analogies légitimes, un coup d ’œil
médical justement renommé, on comprend sans peine
que Cauvière a dû être et a été le premier médecin de sa
ville natale et un des médecins distingués de son temps.
Mais il était une faculté dont le ciel l avait doué à
un haut degré, et qui devait accroître sa réputation
parmi ceux-là même qui étaient les plus aptes à le juger
parmi ses confrères, c’était son merveilleux talent pour
l'enseignement.
Il fallait le voir et l’entendre à I Hôtel-Dieu, à son
cours de clinique, entouré et suivi par de nombreux
élèves et par des médecins, faisant une rapide visite des
malades, mais portant un diagnostic très-sûr, allant de là
à l’amphithéâtre faire avec bonhomie une leçon tou
jours instructive sur les malades q u ’il avait examinés.
Vous auriez vainement cherché dans celle leçon des
mouvements oratoires, on ne les trouvait pas, c ’était
simple comme tout ce qui est vrai, c’était riche de logique
et de clarté, c’était orné d'une érudition de bon goût et
entremêlé d ’historiettes venant à-propos et qui gravaient
dans 1 esprit des élèves ce q u ’il voulait leur faire com
prendre. Il se plaisait à interroger ceux-ci et à s’assurer
de leurs progrès ; il mettait un art infini dans ses inter
rogations et conduisait l élève du simple au composé, et
lui faisait dire ce que celui-ci croyait ignorer ; aussi,
disait-il, quelquefois en parlant de lui, qu’il était comme
Socrate, accoucheur des idées.
Son talent pour condenser et faire comprendre en
quelques mots un ouvrage important était merveilleux, il
le prouva dans une circonstance. Geoffroy Saint-Hilaire,
le père, vint à Marseille, Cauvière crut être agréable à
ses élèves en le priant de faire connaître dans une leçon
ses admirables travaux. Le savant professeur du muséum
fit sa leçon sur une tète de crocodile que Cauvière s ’é
tait procurée à grand peine. Mais, si Geoffroy était un
des plusgrands talents dont la France s ’honore, il n ’avait
pas le mérite de la clarté dans le discours, croyant que
chacun comprenait aussi bien que lui, il laissait ses
phrases en suspens ; aussi, les élèves sortirent de celte
leçon sans l’avoir comprise. Cauvière étudia le sujet
traité par le grand naturaliste, et avec son remarquable
talent d ’exposition et d ’analyse, dans une leçon concise
mais parfaitement claire, il fit comprendre aux élèves
ce que le savant professeur n'avait pas réussi à leur
expliquer.
Mais on se tromperait si on croyait que Cauvière,
même à un âge avancé, laissât aller ses leçons au
hasard de l’improvisation et de la mémoire. Ce qui
paraissait à l'auditoire si simple et si facile était pres
que toujours le résultat de lectures attentives, fécon
dées par sa réflexion et son expérience. Vous comprenez,
MM., comment 40 ans d ’un enseignement semblable ont
dû augmenter sa réputation et son influence; tous ses élè
ves devenus plus tard docteurs se plaisaient dans les rap
ports de clientèle à le reconnaître toujours pourun maître.
�Mais la chaire de professeur de médecine ne lui
suffisait pas, le génie de l’enseignement le poussait vers
une autre plus retentissante; l'Athénée avait été créé,
des professeurs tels que Brizeux, Moquin-Tandon, Am
père, rendaient la littérature ou la science familière à un
auditoire nombreux. Le nom de Cauvière vint s ’ajouter
avec éclat à ces noms illustres, et dans des leçons qui
lui coûtèrent beaucoup de travail, mais qui eurent
un grand retentissement, il vulgarisa les connaissances
d ’alors sur les révolutions du globe et sur les races
humaines.
Ses immenses cl profitables lectures lui avaient fait
acquérir des notions fort étendues dans presque toutes
les branches des connaissances humaines. En litté
rature française et étrangère, en histoire, en philosophie,
sa conversation était celle d'un homme supérieur, et
tous ceux qui l'approchaient le jugeaient vite ainsi;
il avait du reste un talent particulier pour amener la
conversation sur les sujets qui lui plaisaient, cela se
remarquait surtout quand il était en relation avec quel
que homme distingué, il savait avec beaucoup d ’art
l’entretenir sur l’objet de ses éludes, ressource qui
lui était fournie par sa mémoire et dans quelques cas,
par une préparation spéciale. Sa connaissance trèsétendue en langue et en littérature anglaises le met
tait en rapport avec les hommes distingués de celle
nation et il leur montrait souvent q u ’il connaissait
Shakespeare mieux q u ’eux-même.
Aussi, la réputation de Cauvière s ’étendait bien loin,
au delà de nos murs. Pas un homme de valeur ne passait
81
par Marseille sans q u ’une de ses visites ne fut pour
Cauvière.
Son esprit était très-fin, très-délié, il connaissait
parfaitement les hommes et savait les utiliser à son
profit; il voyait d ’un coup d ’œil les dispositions d'esprit
de chacun et savait approprier la conversation au
genre d ’esprit de son interlocuteur; mais ne croyez
pas que dans un vil intérêt il dissimulât ses opinions
ou affectât celle q u ’il n ’avait pas, il a toujours avoué
les siennes à liante voix. La seule chose q u ’il aimait
peu, c ’était la discussion et la lutte.
Il y avait dans sa nature d ’étranges mélanges ; ainsi,
il tenait à sa haute position à Marseille, il aurait été trèsfâché si quelque grand personnage malade se fut adressé
à un autre q u ’à lui, il eût trouvé fort mauvais q u ’un
journaliste n ’eût pas parlé en termes élogieux d ’un
discours ou d une leçon q u ’il venait de faire, il eût
regretté que tout le bruit qui s ’attachait à son nom
se fut éteint avant lui, et cependant une gloire plus
durable, il la dédaignait; il n ’a voulu à aucun prix
laisser quelque chose sortant de sa plume; il déchirait
chez un de ses amis le seul exemplaire de sa thèse
qui restât encore; il n ’avait pas l’amour de la pos
térité. Lorsque je déplorais devant lui q u ’il ne laissât
aucune trace de son passage dans la science, lors
que je m ’offrais de l’aider à combler cette lacune, il
me répondait; A quoi bon, que m ’importe q u ’on parle
de moi après ma mort! Quelle est la gloire qui ré
siste à quelques années de tombeau? et c’est pour
ce mince résultat que je me donnerais une peine quel6.
�—
$2
—
conque! Et voilà pourquoi il est mort sans que rien
ne parle de lui, sans que les connaissances q u ’il avait
acquises, l’expérience qu'il avait amassée aient servi
à éclairer la science ; il a fait comme ces avares qui
entassent des trésors pour le plaisir de les contempler et
qui meurent sans révéler le lieu où ils les ont enfouis.
Dédaigner la gloire est chose triste quand celui qui la
dédaigne pouvait l’obtenir; déplorons que Cauvière ait
eu ce sentiment, car il eut pu creuser un large sillon
scientifique qui serait suivi, tandis q u ’il n ’a ouvert
q u ’une voie d ’indifférence et délaisser aller, dans la
quelle son immense influence a poussé le monde médical
de notre ville.
Uu des caractères dominants de Cauvière a été son
amour ardent de savoir ; lire, apprendre était tout pour
lui. Un livre nouveau causait sur son esprit une séduc
tion infinie, il ne le quittait q u ’achevé, et quand quelque
objet de ses études n ’était pas clair dans son esprit, il
fallait voir avec quelle ténacité il faisait des recherches
soit dans les livres, soit auprès des personnes qui pou
vaient éclairer ses doutes.
Nous l’avons vu quelques années avant sa mort ap
prendre seul l’Allemand, nous avons tous douté de son
succès, et nous avons tous applaudi quand nous l’avons
vu connaître à fond celte langue difficile, et dévorer avec
une joie d ’enfant les produits de son immense et magni
fique littérature.
Cette ardeur a duré ju squ ’à son dernier jour, ni la
froide vieillesse, ni la maladie ne l’ont éteinte ; sur son
lit de mort, il avait cncoro des livres à portée de sa main.
Pour tout ce qui n ’était pas intelligence il était d ’une
grande incurie, celle incurie s'étendait aux soins maté
riels de sa personne et aux actes ordinaires de la vie; ne
l’ai-je pas vu ne lire q u ’à moitié la lettre d ’un de ses
amis de Paris, ne rien comprendre ensuite aux reproches
qui lui étaient adressés dans une seconde missive, à
propos d ’une commission dont il était question dans la
première, et que, par cette négligence, il n ’avait pas
remplie.
Mais le portrait de Cauvière resterait inachevé si je
laissais dans l’ombre un côté saillant de mon modèle, je
veux parler de son scepticisme médical, scepticisme au
quel on a donné de trop fortes proportions et qui, au fond,
était plus apparent que réel. Si nous nous rappelons en
effet le chaos dans lequel était la thérapeutique des
maladies, chaos que l’observation exacte commence à
peine à dissiper, nous comprendrons comment un esprit
élevé et rigoureux comme le sien, peu soumis aux opi
nions toutes faites et qui avait vu dans sa longue carrière
tant de systèmes médicaux naître et mourir, fut plus
disposé à attendre un résultat de la force médicatrice de
la nature, force q u ’il avait si souvent constatée, que d'un
remède dont l’effet pour lui était douteux. Les gens à
courte vue prenaient cela pour un scepticisme de parti
pris ; mais ceux qui l’ont approché de près, se rappellent
q u ’auprès d ’une maladie grave il agissait autant q u ’un
autre médecin, mais dans des limites tracées par la rai
son et par l ’expérience.
Et cependant ce reproche de scepticisme s’est attaché
à lui; il est vrai q u ’il n ’a rien fait pour le repousser, il
�a contribué même à 1 accréditer par ses railleries à l'é
gard des choses de la médecine.
Je termine, MM., j ’aurais pu étendre davantage cette
étude, vous faire connaître Cauvière sous des rapports
plus intimes encore ou plus étrangers au sujet qui nous
rassemble, mais j ’aurai rempli mon butsi, en réussissant
à vous le faire connaître tel q u ’il a été, j ’ai excité en
vous ce désir de lui ressembler dans ce qu'il avait de bon :
son esprit juste et ami du progrès, son zèle opiniâtre
pour le travail et ses connaissances solides, variées et
profondes, et alors Cauvière qui a été si utile à vos de
vanciers pendant sa vie, le sera encore pour vous après
sa mort.
M. le Recteur a pris la parole en ces term es :
Messieurs ,
Vous venez d ’entendre l ’éloge d ’un homme distingué
que vous avez tous connu et qui est présent dans vos
souvenirs comme dans vos entretiens. M. Cauvière me
paraît avoir été représenté, dans l’éloge que vous venez
d ’entendre, avec une grande vérité. Je crois avoir vécu
avec lui. Né dans la pauvreté, habitué aux luttes, que
cependant il n ’aimait pas, on peut dire de lui ce que
Fontenelle disait de Chirac : « Il dominait dans les
consultations, comme aurait fait Hippocrate; on l’aurait
presque dispensé de raisonner; son autorité seule suf
fisait. »
Q u ’on me permette de dire ce que je pense: la
science en médecine est bonne sans doute; mais il
est rare q u ’on devienne grand médecin, sans avoir
une connaissance parfaite des hommes, et beaucoup
d ’esprit. On est, au reste, à une bonne école pour
apprendre à connaître ses semblables et pour exercer
son intelligence. Voir des malades, c ’est voir l’humanité
dans ces moments critiques, où la m e se trahit, où
les plus forts défaillent, où souvent se manifestent
les passions endormies, où se révèlent les secrets du
cœur. Quand on tâte le pouls d ’un malade, souvent
on tâte sa conscience. Un homme en santé vit sous
un masque. Il est entouré d ’une prudence naturelle,
et il faut un grand soin pour saisir les sentiments qui
l’agitent.
Mais, quand la maladie arrive, la dissimulation s ’enva. On peut, si j ’ose m ’exprimer a in si, prendre son
homme en traître, et c ’est gagner beaucoup de temps
pour connaître ceux q u ’on étudie, que de pouvoir les
approcher quand ils souffrent.
On comprendrait peut-être par là pourquoi Molière
en a tant voulu aux médecins; c ’est affaire de ja
lousie: il leur enviait ces bonnes occasions de connaître
les hommes, et de pouvoir saisir toujours le drame
à la péripétie. Si cette idée, un peu paradoxale, je
l’avoue, était vraie, il y aurait de quoi consoler l’amourpropre des médecins.
�On a dit très-bien, que l’esprit ne s ’apprend pas,
mais il se cultive, et aucune profession n ’est plus
favorable à son développement.
Que de choses à découvrir, que d ’égarements à
constater et quelles contradictions à saisir! Souvent
le malade deviné est guéri. On se forme par l'h a
bitude d ’observer: quand on voit beaucoup on a beaucoup
à dire. Aussi, les grands médecins savaient presque
tous raconter comme le faisait M. Cauvière. Quels
récits vifs et enjoués nous avons entendu sortir de
bouches graves, et quelles révélations piquantes arra
chées à la discrétion des médecins! Le maître du
monde, qui se plaisait tant aux bons entretiens, aimait
la conversation de son médecin, et l’on redit ce que
disaient Napoléon et Corvisart: Que si l’esprit du
médecin fait du bien au malade, le contraire lui
fait du mal. Comme dit Fontenelle, que je cite encore,
parce qu'il a beaucoup vécu avec les médecins: « Il ne
faut pas laisser voir aux malades l’idée désobligeante,
quoique souvent vraie, q u ’il y a de la fantaisie ou de
la vision dans leurs infirmités , et leur nier leurs
sentiments. Combien les femmes surtout en seraientelles choquées! »
Et puis, il n ’y a que 1 intelligence de la douleur
qui puisse faire asseoir, auprès du lit du malade,
la charité qui console. La pitié, cette belle vertu du
christianisme, s’appuie sur la science, qui lui indique
les plaies du corps et de l’âme, sur lesquelles il faut
verser les prières et les larmes.
M. Cauvière avait beaucoup d ’esprit, c’était donc
— 87 —
un bon médecin. Mais cet esprit était un peu dou
teur et le conduisait au scepticisme.
Le scepticisme en médecine! L ’orateur s ’en est
plaint! Avec l’autorité qui lui appartient, il a engagé
les étudiants à ne point affecter le scepticisme, et leur
a recommandé de croire à la science q u ’ils cultivent : ce
qui est assez naturel.
A Dieu ne plaise que je combatte cette doctrine
qui fait les esprits résolus; et je blâme, en effet,
quelques paroles imprudentes de M. Cauvière. Il
faudrait nier toute évidence scientifique pour ne pas
reconnaître q u ’une profonde connaissance de l’or
ganisation humaine et q u ’une série d ’observations
faites par des esprits justes puissent combatre les
maux du corps. Et cependant, nous avons souvent vu
les hommes éminents dans la science, se laisser aller
comme M. Cauvière à des paroles imprudentes, se
railler de leur savoir et se livrer au doute de Mon
taigne ce grand ennemi des médecins. C ’est le dé
couragement qui se trahit par le sarcasme.
Ce sarcasme ne prouve qu'une chose, malheu
reusement trop certaine ; l’homme n ’est pas immortel.
Mais on peut apaiser la douleur, retarder le moment
fatal, disputer une ville à une épidémie, expulser
du monde les fléaux qui le ravagent. Jenner a dé
couvert la vaccine. Et puis, à quelles belles études
se livre celui qui étudie la médecine ! Il faut s ’a
dresser à la plus noble des sciences, à l'anatomie, qui
semble demander ses secrets à la Providence, qui
découvre à chaque instant quelque habileté de Dieu
�(si j ’osais me servir de ces termes profanes), et
qui mène, quoi q u ’on dise, à la certitude religieuse
à travers la matière si savamment organisée. Le doigt
de LÉtre tout’ puissant a laissé dans le corps humain
une empreinte si fine et si sure !
Quelle nourriture pour l’esprit que la méditation
des grands ouvrages qui ont traité des maux de
l'humanité? Quelle satisfaction éprouve l’intelligence
à relire les observations de tant d'hommes illustres,
chaîne immense mais qui se rejoint, et se continue
à travers tous les bons esprits. Ce qui faisait sou
vent dire à un grand médecin de notre temps: «H ip
pocrate a dit et je vous répète... » Non, il n ’est pas possibleque de telles éludes soient inutiles ; un but existe,
quand de si excellents instruments sont préparés pour
l’atteindre: ce but est encore assez beau pour q u ’on
veuille y toucher, c ’est le soulagement de l ’humanité
souffrante.
Quelle conséquence universitaire tirerons-nous, MM.,
de cette causerie un peu trop longue? La voici: Puisque
les médecins sont condamnés à avoir de l’esprit, l’é
tude des lettres leur est nécessaire. Ainsi, l’on a bien
fait d ’exiger des aspirants au doctorat en médecine le
baccalauréat ès-lettres.
Oui, dans cette belle profession, il est nécessaire
de pouvoir s ’entretenir dans leurs langues, avec les
esprits distingués de tout les temps, et l’on peut dire,
comme dans la comédie :
Que, même avec du grec, on ne peut rien gâter ,
non pour épeler plus facilement les noms des dro
gues, mais pour converser avec les esprits les plus
judicieux, les plus profonds, les plus charmants qui
aient jamais existé. Les lettres, en outre, ces con
solatrices, délassent de travaux souvent pénibles.
Montesquieu a dit q u ’il n ’avait jamais ressenti de
contrariété, q u ’une demi-heure de lecture n ’eut fait
disparaître. Aussi, le docteur Cauvière aimait les li
vres, on vous l’a dit. C ’est un exemple q u ’il a don
né et q u ’il faut suivre.
M. le Doyen de la Faculté des Sciences et M. le Direc
teur de l’École de Médecine vont donner lecture de
leurs rapports faits au Conseil académique, sur les tra
vaux de la Faculté et de l’École. Les règlements de l'U
niversité ont voulu avec raison, que ces rapports lus dans
cette solennité de la rentrée, subissent pour ainsi dire
un contrôle public. Je ne doute pas que vous ne partagiez
l’opinion du Conseil qui a loué les effoi ts des professeurs
des deux établissements d’enseignement supérieur qui
sont représentés ici. Un public nombreux a suivi les
cours de la Faculté des Sciences et ces cours de lettres
faits par des professeurs d'Aix, qui ont été accueillis
avec tant de faveur, et qui ont pris, j ’espère droit de
cité à Marseille. Celte affluence a été méritée parle zèle
et la science des maîtres. Tous prouvent par des travaux
scientifiques qui ont beaucoup d ’éclat, q u ’ils s ’occupent
sans cesse de ce q u ’ils enseignent : garantie d’un pro
grès toujours croissant.
Dans les examens, ils montrent une juste impartialité,
de la bienveillance, tout en maintenant cette fermeté
�— DO —
sans laquelle on verrait baisser le niveau de l'instruction
en France. M. le Doyen vous fera connaître les résultats
des examens, ils sont généralement satisfaisants.
L ’École de Médecine a continué ses cours avec autant
de zèle que de distinction.
Son Directeur vous dira le juste espoir que nous avons
conçu, de voir enfin ce grand établissement placé dans
un local convenable. Ce sera le résultat du bon vouloir
de l’administration des hôpitaux de Marseille, et de
la haute inlerventien de M. le Sénateur de Maupas,
mais la reconnaissance de ce bienfait doit remonter
jusqu’à la mémoire de M. Cauvière, car rien n ’aurait
pu s ’accomplir sans la générosité de ses dispositions
dernières.
Il me reste à remercier ceux dont la présence a honoré
celte solennité. Hauts fonctionnaires, magistrats, tous
sympathisent avee celle Université qui repose sur des
bases antiques et chrétiennes ; c’est l’Université de
Gerson et de Rollin. Napoléon l’a rétablie, et l’Empe
reur la protège de sa pensée généreuse.
R a p p o r t <lc i l . le D o y e n «le la F a c n K c
«les S c ie n c e s .
M.
le Recteur
, Messieurs ,
Les travaux de la Faculté des Sciences de Marseille
dont nos règlements m ’imposent le devoir de vous rendre
compte, se sont accomplis cette année avec l'ordre et la
régularité de tous les jours, qui assurent à nos efforts et
à nos études le succès et des résultats heureux.
L ’année dernière nous vous disions que les obli
gations du professeur de faculté étaient de plusieurs
sortes: répandre et vulgariser l’enseignement des
sciences par l'expérience et la parole, procéder avec
soin et vigilance aux examens qui permettent à l’au
torité de conférer les diplômes universitaires, enfin,
signaler en sentinelles attentives, les conquêtes et
les progrès de la science, augmenter même par des
efforts personnels ce précieux trésor; tels sont nos
devoirs, comment cette année ont-ils été accomplis?
Nous entrerons dans peu de détails sur la pre
mière de ces obligations, le Ministre a tracé à nos
leçons des limites précises qui en donnant, partout
en France, une unité salutaire à l’enseignement su
périeur rendent presque superflu d ’exposer le cadre
dans lequel chacun s ’est placé. Nous nous bornerons
à dire, que dans les diverses branches de notre en
seignement, nulle lacune, nulle interruption, pas
même celles que la santé quelquefois impose, ne se
sont présentées cette année à l’exactitude et au zèle
de nos collègues. Nous avons vu nos auditeurs ré
pondre par une exactitude et un zèle plus soutenus
et plus vifs encore que les premiers jours.
Comme dans les autres facultés, notre enseigne
ment a conservé celte année son double caractère.
Dans notre cité, la plus laborieuse entre les villes
�les plus occupées, les cours du soir ont eu le pri
vilège q u ’ils ont ailleurs, celui de réunir autour de
nous un public, dégagé à cette heure des labeurs et
des préoccupations de la journée, et par conséquent,
toujours très-nombreux. Les leçons données dans le
jour, ayant au contraire à faire concurrence aux exi
gences si vives au tour de nous, du travail et des af
faires, ont attiré près d ’elles les esprits que nul obstacle
n ’arrête et qui savent, au milieu d ’une vie très-occupée,
faire la part de l’étude et des besoins demandent aussi de
l’intelligence. Cette phalange a été moins nombreuse,
mais en mnrchanldans cette double voie, l’enseignement
de la Faculté a cru répondre aux nécessités que produit
autour de nous, la vie active et si remplie de Marseille.
Les cours de Littérature et d ’Hisloire, cependant, ont
vu même dans la journée un public empressé et nom
breux remplir aussi nos amphithéâtres. Nous aimons à
rendre hommage à la science, à l'esprit méthodique, et
à la parole élégante et facile qui distingue nos deux
collègues d ’Àix, MM. Joly et Ouvré.Ces deux professeurs
ont attiré près d ’eux un auditoire d ’élite, tout spécial et
différent de celui qui fréquente nos cours scientifiques.
Cet empressement qui est un éloge pour les professeurs,
témoigne en même temps pour la cité , de goûts litté
raires aussi vifs q u ’incontestables.
Nous n ’ajouterons plus q u ’un seul mot pour ce
qui concerne nos cours, nous devons dire que chaque
professeur dans ses leçons a fidèlement présenté le
tableau des découvertes et de la marche de la science.
Les applications q u ’il a exposées ont été l’appui et
— 93 —
la consécration de sa parole; c’est ainsi q u ’il a vou
lu montrer dans son enseignement le reflet du grand
mouvement scientifique qui distingue notre époque.
Les examens de cette année, dont nous avons à
rendre compte, ont présenté quelques détails dignes
d ’intérêts.
255 candidats se sont fait inscrire et ont subi leur
épreuve. L ’année dernière, la Faculté s ’était montrée
justement sévère dans les épreuves de la licence èsscience. Avertis par ces exigences et par les échecs de
leurs devanciers, les candidats qui se sont présentés
cette fois devant nous, ont fait preuve de connaissances
plus complètes et plus sûres. Nous avions vu d ’ailleurs,
dès le commencement de l’année, les jeunes gens qui
se préparent de longue main à cette redoutable épreuve
recourir près de nous aux conseils fréquents, aux soins
particuliers et aux visites réitérées faites à nos col
lections et à nos appareils. Ces auxiliaires étaient les
plus surs moyens d ’aplanir les graves difficultés de la
route.
Sur 6 candidats â la licence, 5 ont été jugés dignes du
certificat d ’aptitude. Parmi eux, il n ’y en a eu q u ’un
seul, M. Patru, qui, dans la licence mathématique, ait
pu obtenir de ses juges S boules blanches et une rouge
pour les trois séries d ’épreuves. La mention très-bien
lui a été accordée. M. Roux, pour la licence ès-sciences
physiques, a obtenu à l’examen oral la mention bien.
Les examens pour les divers baccalauréats ès-scien
ces ont présenté, dans l’annce scolaire 1860-1801, les
résultats suivants :
�— 94 —
nom bre
CAND ID ATS
CA ND ID ATS
ad m is.
ajournés.
B a c c a la u ré a t c o m p le t.
66
91
46
1rc p a r t . id .
scin d é.
25
21
24
2'
id .
12
5
20
B a c c a la u ré a t r e s t r e i n t .
17
3
2
E x a m e n c o m p l é m " du
b accalauréat re strein t.
1
1
NATURE
des
c a n d id ats
sc
qui
de
l ’e x a m e n .
sont p résen tés.
157
id .
.
Le baccalauréat complet sans mériter de mention
spéciale, nous a montré cependant, chez les candidats
de cette catégorie, des efforts réels et une amélioration
très-notable dans les études, surtout celles qui concer
nent les épreuves écrites. Toutefois, bâtons-nous d ’a
jouter que les candidats ne travaillent tout juste que
pour éviter un verdict défavorable des juges, et non
pour mériter les éloges qui s ’adressent aux préparations
consciencieuses et aux éludes bien mûries.
Sur 157 candidats, G6 ont été admis, ce qui établit le
chiffre d ’admission de 48 p. °/0, chiffre beaucoup plus
élevé que celui des années précédentes.
Les opérations relatives au baccalauréat scindé doi
vent être cette année l’objet d ’une étude attentive.
Cette épreuve, due à la bienveillance deM. le Ministre,
est destinée à favoriser surtout les jeunes gens qui se
destinent aux écoles du gouvernement, elle leur per
met de scinder l’examen en deux épreuves successives,
éloignées l ’une de l’autre d ’an moins trois mois, mais
habituellement, d ’un intervalle plus long. Les jeunes
gens peuventainsi, dans une première épreuve, présenter
à leur juges les connaissances les moins nécessaires
pour les exigences des écoles spéciales auxquelles ils se
destinent, et réserver pour la seconde les matières qui
se rapprochent le plus des spécialités de leur future
carrière. Nous avons craint^ et sous ce rapport nos
craintes sont presque entières, que les jeunes gens qui
ôtudienl les sciences physiques sans avoir des notions
suffisantes de mathématiques, ne fussent placés dans
des conditions défavorables, qui nous obligeaient à
abaisser pour eux le niveau de la composition de phy
sique, tout en nous laissant la pensée de devenir plus
exigeants à la deuxième épreuve écrite. Les résultats
que nous a présentés la session de Marseille et de Bastia
celte année, semblent combattre nos craintes, mais cette
année scolaire n ’est encore que la première, qui per
mette de connaître dans quelles mesure et avec quels
résultats les jeunes gens ont profité des dispositions
nouvelles, prises en leur faveur. Cette question a besoin
d'être éclairée encore par une plus longue expérience.
4G candidats se sont présentés à cette épreuve pour la
première partie. Sur ce nombre, 25 ont été déclarés
admissibles à la deuxième partie de l'examen, et sur
ces 25 candidats, 24 sont revenus devant nous ter
miner l’épreuve commencée. 19 ont été jugés dignes
du certificat d ’aptitude. Ces nombres donnent le chiffre
�— 06 —
de i3 p . °/0 dans les admissions, c ’est à très-peu de chose
près le chiffre habituel du baccalauréat complet, qui
cette année, pour la première fois, s ’est élevé à 48 p°/oLa session du mois de juillet et d ’août est la seule
qui nous permette de comparer les résultats présentés
par les examens de Marseille, Bastia, Ajaccio et Alger,
puisque ce n ’est qu'à ces époques de l'année que la
Faculté se rend dans ces différents centres d ’examen.
Nous avons pour les candidats d ’Alger à signaler une
circonstance flatteuse, relative aux derniers examens.
Les épreuves de l’année dernière, surtout pour la
partie qui concerne les mathématiques, avaient présenté
des résultats peu satisfaisants, et le jury avait exposé
ses plaintes et ses regrets dans le rapport adressé M. le
Recteur de l'Algérie. Cette année une éclatante revanche
a été prise, le nombre des boules blanches obtenues à
la suite des diverses épreuves a été relativement consi
dérable, et si l’on ne considérait que cet élément d ’ap
préciation, Alger serait au premier rang; en ayant égard
toutefois, comme c'est notre habitude de le faire, au
nombre relatifd’admissions, les candidats de celte loca
lité n'occupent que le second rang, et les divers centres
d ’examen sont pour cette année placés dans l’ordre
suivant :
Marseille où le nombre des candidats a été de 51 p. °/0.
Alger.............................................................. 50
Bastia............................................................. 40
Ajaccio........................................................... 40
Ces résultats ne concernent que le baccalauréat com
plet.
— 97 —
Pour le baccalauréat scindé première et deuxième
partie, Bastia nous a offert un résultat heureux et rare,
6 candidats se sont présentés à ces deux épreuves et
tous ont été admis.
Les travaux personnels des professeurs de la Faculté
ont présenté cette année la même activité que par le
passé.
Le professeur de Botanique, s ’occupe en ce moment
d ’une Flore du département des Bouches-du-Rhône, qui
contiendra le fruit de ses recherches et de ses explora
tions : cet ouvrage est sous presse.
M. Derbès fera connaître dans quelles circonstances
de publication il s’est trouvé placé, et le devoir sacré q u ’il
accomplit par suite d’un legs scientifique qui lui a été
fait par M. Castagne, homme aussi distingué par le
cœur que par l intelligence et le véritable savoir.
Le professeur de Géologie a continué, aux mois de
septembre et octobre, ses laborieuses recherches dans
l’Atlas et le Sud de l’Algérie. Il a publié cette année un
travail sur les diverses séries du terrain tertiaire.
Le professeur de Chimie s ’est occupé pendant cette
année d ’un ouvrage concernant la science q u ’il professe.
Le professseur de Physique a publié des travaux sur
la phosphorescence dans les gaz raréfiés, pendant que
l’électricité les traverse, et sur les spectres des gaz.
Le professeur de Mathématiques a envoyé à l’Institut
un mémoire sur la description des lignes de courbure
du second ordre. Ce travail présenté en même temps à
S. E. le Ministre, et soumis à l’examen d ’une commis
sion, a été l’objet d'u n rapport très-favorable, à la suite
2.
�98 —
duquel la commission a décidé que le travail serait publié
dans les Annales de ïObservatoire.
L ’année a été ainsi heureusement remplie par ce dou
ble et continuel labeur de l’enseignement et des travaux
personnels.
R ap p ort de M. le D ire c te u r de l'É cole
de M édecin e.
Monsieur
le
R ecteur , Messieurs,
Au moment de reprendre nos travaux, j ’ai l'honneur
de vous rendre compte de la situation de l'École de Mé
decine et de Pharmacie pendant la dernière année clas
sique.
L ’enseignement a marché régulièrement et a donné
de très-bons résultats. Chaque professeur s ’est dévoué
consciencieusement à sa tâche; les étudiants, sauf quel
ques exceptions, ont répondu par leur exactitude au
zèle et au talent des maîtres.
Aussi, les examens de fin d ’année, ce Critérium de
l ’instruction des élèves, ont-ils été pour la session nor
male généralement satisfaisants.
Commencés le 17 août, ils ont été terminés le 24.
Celte im portante prescription du règlem ent est, chez
nous, fidèlement observée, l’administration de l’École
veille avec le plus grand soin à son exécution.
58 élèves ont subi l’examen ; 20 n'ont pas répondu à
l ’appel de leurs noms, et3 ont demandé, pour des motifs
plausibles, la faveur de ne se présenter q u ’à la session
extraordinaire de la rentrée.
9 ajournements ont été prononcés : 6 en médecine et
3 en pharmacie.
Ont été obtenues, pour les deux catégories d'étu
diants, 6 notes: très-satisfait, et 8 notes : bien satisfait.
Les examens de fin d ’année, pour la session extraor
dinaire de la rentrée, ont eu lieu du 5 au 8 novembre.
34 étudiants en médecine et 4 en pharmacie, ajournés
ou absents à la session du mois d ’août, devaient se pré
senter à l’examen. Les résultats de cette session, je le
constate avec la plus vive peine, ont été déplorables. 14
élèves seulement sont venus à l’examen ; ils ont été
reçus, mais avec d ’assez mauvaises notes. Tous les
autres, c’est-à-dire les deux tiers environ ont fait défaut,
sans songer que par cet acte inconcevable de négligence,
ils s ’exposaient à briser leur carrière.
II est vraiment fort à regretter que ces jeunes gens
aient oublié à ce point leurs devoirs et leurs intérêts,
car ils devront subir la loi du règlement en perdant le
droit de prendre de nouvelles inscriptions.
Nous continuons à recevoir de Son Excellence, M. le
Ministre de de l’Instruction publique* de nombreuses
thèses de doctorat, dont la collection formera des vo
lumes très-utiles à conserver.
352 inscriptions ont été prises pendant l’année sco-
�—
100
—
/aire 18G0-61. Ces inscriptions se divisent ainsi: 27$
en médecine, 74 en pharmacie. Pour les premières, 168
avaient pour but le doctorat et 4 10 le titre d ’officier de
santé. Des autres inscriptions, 3 ont été prises en vue du
grade de pharmacien de première classe, et 71 pour celui
de pharmacien du second ordre.
Le produit de toutes nos inscriptions, versé à la caisse
municipale, a été de 8,800 fr., l’État a perçu 1,760 fr.
La session d’examens de fin d'études pour les officiers
de santé et les sages-femmes s’est ouverte, sous la pré
sidence de M. le professeur Béchamp, le 5 septembre
et a été close le 9.
10 candidats ont subi leurs épreuves pour l’abtenlion
de diplôme d'officier de santé. Ils ont, la plupart du
moins, satisfait leurs juges : l’un d ’eux seulement a
été ajourné au premier examen. Un autre, qui avait
obtenu, l an dernier, le certificat d'aptitude pour le pre
mier examen, a été ajourné au troisième.
Ces examens ont produit 1,800 fr., les frais s ’etant
élevés au chiffre de 765 fr., le reliquat pour la ville a
été de 1,035 fr.
Les droits afférents à l’État, pour Tes certificats d ’a p
titude et les diplômes des officiers de santé ont été de
1,800 fr., en ajoutant à ces droits ceux des certificats
des sages-femmes, et qui montent à 400 fr., nous avons
un total de 2,200 fr.
Parmi les 18 aspirantes au brevet de sage-femme, il
n ’y a eu que deux ajournements. Comme toujours, les
élèves de l’école d'accouchement de notre maternité,
si habilement dirigée, se sont distinguées par la supé
riorité de leur instruction théorique et pratique.
Le jury, chargé de la collation des grades de pharma
cien et d'herboriste, présidé par M. le professeur Cauvy,
a commencé ses opérations le 10 octobre et lésa termi
nées le 17.
14 candidats se sont présentés pour l'exercice de la
pharmacie. 2 ont échoué à la seconde épreuve. Tous
les autres ont été admis.
2 aspirants au titre d ’herboriste ont subi avec succès
leur examen.
Le produit de ces divers examens, déduction faite des
frais, constituant une somme de 1,568 fr., a été de
2,481 fr. en joignant cette somme et le reliquat des offi
ciers de santé, soit 1035 fr., à la somme de 8.800 fr.
résultant du tribut des inscriptions nous avons une
recette totale de 12,316 fr. versés à la caisse de la
commune.
L ’État a perçu, pour les pharmaciens et les herboristes,
la somme de 2,780 fr. Si nous ajoutons à ce chiffre les
1,760 fr. provenant des inscriptions et les 2,200 fr.
q u ’ont produit les examens des officiers de santé et des
sages-femmes, nous arrivons à une somme totale, en
faveur du trésor, de 6,740 fr.
Nous devons nos plus sincères remercîments au con
seil municipal, pour l’intelligente libéralité avec laquelle
il vote chaque année l’allocation propre à combler la
différence entre nos recettes et nos dépenses. Permetlezmoi, MM., de faire observer, à cet égard, que l’École
préparatoire de Médecine la plus prospère serait incapa
�—
102
—
ble de présenter jamais un budget en équilibre. Delà,,
pour assurer la marche du service, la nécessité d ’un'
sacrifice plus ou moins important de la part des munici
palités, et celle de Marseille a droit à toute notre recon
naissance pour son généreux concours.
«l’arrive maintenant, MM., et c’est la partie la plus
douce de ma tâche, à proclamer les noms des lauréats
de l’École. Nos élèves les plus méritants, soit par l'as
siduité aux cours, soit par les bonnes notes obtenues
aux examens de fin d ’année, vont recevoir, dans la séance
solennelle de rentrée, la récompense de leur zèle. L ’École
a voulu cette année encore donner en prix des livres soi
gneusement choisis, préférablement à des médailles.
Étudiants en Médecine.
P rix
IIIme ANNÉE :
unique : M. Faury.
IIme année :
P rix unique: M. Reynaud, lauréat de l’année der^
nière.
Ire ANNÉE :
Ier prix : M. Roustan.
Ilme prix : M. Giraud (Marcel).
Mention honorable : MM. de Capdeville et Rouzan.
Étudiants en Pharmacie.
Ier prix : M. Cornille.
Hme PRIX . partagé entre MM. Rarthélemy et Lavolle.
Mention honorable: MM. Taxil et Girard.
Parmi ces jeunes gens, tous dignes de nos plus chau
des sympathies, c’est un devoir pour moi de signaler
plus particulièrement M. Roustan. Ce jeune homme n ’a
commencé ses études médicales q u ’au mois de février,
c’est-à-dire presque vers le milieu de l’année scolaire;
pourtant, malgré ce désavantage sur ses condisciples, il
a pu, par la constance du travail, gagner le premier prix
de première année. C’est d'un excellent augure pour son
avenir, et je suis heureux de l’en féliciter.
Veuillez me permettre, MM., en terminant ce compte
rendu de nos derniers travaux, d'émettre une espérance
qui ne peut manquer d ’être satisfaite, et dans un temps
vraisemblablement prochain, relativement à la conces
sion d ’un nouveau local où notre École puisse être con
venablement installée.
Il nous faut pour cela, de toute nécessité, un certain
nombre de pièces d ’une dimension appropriée à la
destination de chacune d ’elles :
1° Un grand amphithéâtre pour les cours et les actes
publics (séances de rentrée, examens de fin d ’année et
de fin d ’études, concours).
2° Un petit cabinet où le professeur puisse se recueillir
avant sa leçon ;
3° Un laboratoire de chimie et de pharmacie, assez
vaste pour contenir un petit amphitéâtre ;
4° Un cabinet pour le Directeur ;
5° Une salle du Conseil ;
6° Une salle pour une bibliothèque ;
7° Une salle de collections ;
8° Un vestiaire ;
9° Un logement pour le concierge.
�— lOi
Cette importante affaire est en bonne voie. Par les
soins et la haute vigilance de notre très-honoré Recteur,
dont la sollicitude nous sera toujours si propice, une
combinaison se prépare, qui, selon toutes probabilités,
amènera pour nous une solution parfaitement satisfai
sante.
Confions-nous encore à la puissante intervention de
M. le Ministre de l’Instruction publique. Son Excellence
connaît les besoins de l’École, la défense de nos intérêts
ne saurait être en de meilleures mains.
Espérons fermement dans l’appui de M. le Sénateur
qui dirige d ’une manière si remarquable l’administration
du département. Espérons aussi dans le bienveillant
concours de notre édililé et de son digne chef, qui com
prennent bien q u ’une École préparatoire de Médecine,
institution tout à la fois universitaire et communale, a
droit à toutes leurs sympathies.
Enfin, nous pouvons sûrement compter sur les dispo
sitions les plus bienveillantes de l’administration des
hôpitaux. Les honorables membres qui la composent
apprécient à sa véritable valeur la solidarité qui existe
entre une administration d ’assistance publique et un
établissement d ’enseignement médical. Puis, indépen
damment de ce premier motif, la commission des hospices
est liée envers nous par une clause de testament de M.
Cauvière, par une des conditions du legs q u ’il lui a fait
et dans lequel l’éminent professeur n ’a point oublié
l ’institution qui fut témoin de ses succès.
Grâce à tous ces dévouements, la grande affaire de
notre local, qui nous intérsse à un si haut point, après
— 105 —
avoir été longtemps une promesse, pourra devenir une
réalité. L ’École de Médecine et de Pharmacie de Marseille
recevra une installation en harmonie avec son impor
tance, et, cette transformation matérielle permettra les
développements auxquels elle aspire si légitimement.
��
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1862-1863.pdf
78cbb11a4a2fa1bf2a3ac8f8772566d3
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Text
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’A I X ,
DE LA F A C U L T É DES SCI ENCES
1862-1863
E T DE L ’ÉC O L E P R É P A R A T O IR E
DE
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACIE
DE M A R S E IL L E .
AIX,
PA R D IG O N , IMPRIMEUR DE L ’A CADEMIE,
RUE
n ’iTALIE,
1862.
9.
�SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’A I X ,
DE LA F A C U L T É DES SCI ENCES
E T DE L ’ÉC O L E P R É P A R A T O IR E
DE
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACIE
DE M A R S E IL L E .
AIX,
PA R D IG O N , IMPRIMEUR DE L ’A CADEMIE,
RUE
n ’iTALIE,
1862.
9.
�SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
I)E
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX.
A m idi, le 22 novem bre 1862, après la messe du
S t.-E s p rit, la re n tré e des F acultés de Théologie, de
D roit et des L ettres, s’est faite h Aix, dans la salle des
actes de l’École de D roit, sous la présidence de M.
D esclozeaux, R ecteur de l’Académ ie.
Parm i les p erso n n es présentes à cette cérém onie
on rem a rq u ait Mgr. C halandon, archevêque d Aix,
d ’A rles et d 'E m b ru n , M. l ’abbé R eynaud, grandvicaire, M. le Sous-Préfet, M. le Maire de la ville
d ’Aix, M. S audbrcuil, prem ier avocat-général, M. le
p résid en t M arquézy, M. le sou s-in ten d an t m ilitaire
D ’A m oreux, M. le P rincipal du Collège, et d ’autres
p erso n n es notables de la ville.
La séance ayant été ouverte par M. le R ccteui,
�il a d o n n é la parole à M. O uvré, professeur d'H istoire
à la Faculté des L ettres, chargé du d isco u rs de re n
tré e , qui s’est ex p rim é en ces term es :
Monsieur
le
R ecteur , M essieu rs ,
Chargé par une autorité bienveillante et éclairée de
prendre la parole à mon tour dans cette solennité modeste
qui marque chaque année la reprise de nos travaux, j'ai
cru ne pouvoir mieux faire, pour mettre mon discours en
harmonie avec le caractère de cette réunion, que de vous en
tretenir d'un sujet qui attire habituellement nos réflexions,
et pour lequel nous avons une prédilection bien naturelle,
je veux dire d’écoles, de professorat, d’enseignement. Il y a
toujours, je le sais, quelque danger à parler de soi, et c'est
une illusion dont on se défend mal que de supposer aux idées
qui nous sont familières un intérêt qu’on est quelquefois à
peu près seul à leur prêter. Ce qui m'encourage pourtant,
c’est la faveur avec laquelle vous accueilliez, il y a deux ans,
la peinture élégante et fidèle de votre vieille université pro
vinciale. Cette bienveillance, Messieurs, je me permets de
la demander, sans y avoir les mêmes titres, pour un sujet
plus restreint par un côté, plus étendu par l’autre, pour une
esquisse des Facultés des Lettres. Je voudrais déterminer
leur origine, la nature de leur enseignement, le genre d’uti
lité qu elles peuvent offrir. Comme elles vivent surtout de
publicité, que cette publicité est en quelque façon l'air même
qu'elles respirent, rien de ce qui les fait mieux connaître ne
leur est indifférent; et, il faut le dire, ainsi que pour beau
coup d’institutions modernes, où les personnes empêchent
de songer aux choses, il est plus facile d’en disserter vague
ment que de les apprécier en pleine connaissance de cause.
Parlant dans une ville qui réunit trois Facultés sur cinq,
et qui leur doit une part considérable de son importance, je
n’apprendrai rien à la plupart d'entre-vous en disant que les
Facultés des Lettres forment avec celles de Théologie, de
Droit, de Médecine et des Sciences, ce qu’on appelle en
France l’enseignement supérieur. Quand un jeune homme a
acquis, n'importe où et dans quelle limite de temps, telle est
aujourd’hui la tolérance de la loi, une certaine somme de
connaissances, et qu il l’a fait constater officiellement devant
des juges choisis par l'État, quand il est bachelier en un mot,
il s inscrit, s'il le désire, parmi les auditeurs des Facultés,
et sollicite d’elles les grades qui lui ouvrent la carrière qu’il
a choisie. II en est ainsi dans tous les États de l’Europe. La
nature, le nom des établissements d'instruction supérieure
ne sont pas partout les mêmes, et ce qui s’appelle Facultés
en France porte ailleurs le nom d’Universités. Mais partout,
pour les fonctions dites libérales, et spécialement pour la
médecine, le droit et le professorat, la société exige des
garanties particulières, et ces garanties, c’est l’enseignement
supérieur qui en a le dépôt, et qui les donne.
La forme de ces établissements, l'idée de leur faire con
férer des grades ne sont pas très-anciennes, et leur origine
la plus lointaine ne remonte guère qu’à 700 ans environ.
Rien dans l'antiquité ne peut en donner une idée complète
et exacte. Il est bien entendu que je pense seulement à
l’Europe; car si je m’enfonçais au delà, je verrais au con
traire, qu’à l’extrémité de l'Orient, en Chine, les fonctions,
�—
(y
—
les dignités ont été de tout temps le prix des concours, des
grades, du mérite, sans condition de naissance. Malgré ce
que cette égalité peut avoir de satisfaisant, et cette régularité
d'imposant en apparence, l’exemple d’un tel pays est plus
propre à effrayer qu'à séduire. La Chine semble avoir exis
té pour montrer le danger auquel conduit, clans l'ordre
matériel comme dans l’ordre moral, l’abus des meilleures
institutions quand on les pousse à outraice, pour prouver
que si trop de laisser aller nuit à un état, trop de logique
l’écrase, qu’il faut un air respirable aux choses comme aux
corps organisés, un certain mouvement aux hommes, un
certain jeu aux institutions, afin que les hommes puissent
agir, les institutions se perfectionner, et qu'une tentative de
changement ne soit pas condamnée fatalement à devenir une
révolution. Mais je laisse, Messieurs, la Chine à son bonheur
administratif, je parle seulement de nous, de notre antiquité
occidentale.
Rien, par exemple, n’est plus connu par ses résultats que
l’enseignement des Grecs. Nulle part la philosophie et les
lettres n’ont un air plus aimable, plus naturel et plus grand
tout ensemble. Et rien pourtant n’est plus simple que le
mécanisme de cet enseignement ; ou plutôt, ce mécanisme
n’existe pas. Un sophiste, un philosophe , ouvraient une
école; il suffisait pour la faire prospérer, qu'ils eussent du
talent. On venait apprendre auprès d ’eux à penser, à parler,
chose essentielle dans une société où la parole gouvernait
tout; mais l’État ne s’engageait pas plus envers l'élève qu'il
ne demandait de garanties au maître. Quand Socrate courait
les rues et arrêtait les passants pour leur poser des questions
d’une si malicieuse bonhomie et d’une finesse si pénétrante,
quand Platon, Aristote, qui étaient des professeurs plus
réguliers, réunissaient des jeunes gens dans un jardin public,
sous les ombrages dn Lycée ou de l’Académie, et qu'ils avaient
avec eux ces belles conversations morales dont le souvenir
revit avec tant de grâce dans les dialogues platoniciens, ils
agissaient dans leur indépendance de citoyen ; et la répu
blique, qui ne leur accordait ni traitement, ni protection,
ni privilège, ne les forçait pas non plus à solliciter auprès
d'elle une autorisation préalable.
Telle était une des formes de la liberté des Grecs. Chose
faite pour étonner, nous voyons leurs législateurs porter un
œil curieux ou une main hardie sur le sanctuaire le plus inti
me de la vie privée, et il ne vint jamais à la pensée d’aucun
d’eux que le droit d’enseigner dut être réglé par les lois :
il en était de ce droit comme d’un autre qui l'enveloppe, celui
de se réunir. Despotiques pour l’homme, les législateurs
grecs accordent tout au citoyen. Les tyrans même, ces souve
rains de hasard qu’un coup de main élevait au-dessus de
leurs concitoyens, de leurs égaux, qui devaient redouter la
parole, et qui la redoutaient, lui étaient sans doute plus hos
tiles que les républiques, mais ne se montraient pas sur ce point
plus prévoyants qu’elles. l Tn philosophe leur portait ombrage
par ses théories, ils le chassaient , exactement comme les ma
gistrats d’Athènes expulsaient Epieure ou faisaient boire la
cigiieà Socrate. Mais en frappant l'homme, on ne contestait
pas son droit. Une école était fermée, non comme illégalement
ouverte, mais comme incommode, immorale ou dangereuse.
Liberté absolue d'enseigner, Messieurs, liberté absolue de se
réunir, il y a là de quoi déconcerter nos habitudes de régulari
té administrative. Il suffit cependant pour les expliquer de se
�— 0
rappeler le caractère urbain, le peu d étendue de ces sociétés
grecques. On permet beaucoup quand on peut tout étouffer
dans son germe, quand chacun est sous l'œil de tous. Lors
qu'on juge les lois et les théories des Grecs, comme plus tard
celles des républiques de Suisse, de Hollande et d ’Italie,
qu'il s'agisse d’Athènes ou de Genève, de Berne ou de Sparte,
d'Amsterdam ou de Florence, comme d ’Aristote, de Machiavel
ou de Rousseau, il est un point qu’il ne faut pas perdre de
vue, c'est que ces lois, ces théories sont celles non-seulement
d’États républicains, mais d’États de peu d’étendue, sinon
de médiocre importance.
Une république d'un autre genre, bornée à l’enceinte d'une
ville avant de devenir un monde , Rome , n ’eut pas plus
qu’Athènes l’idée de soumettre à une autorisation préalable
l’exercice de l’enseignement. Ses précepteurs étaient les
Grecs , et plusieurs fois elle les chassa en les accusant de la
corrompre au lieu de la civiliser. Mais jamais les plus austères
et les plus défiants de ses censeurs ne pensèrent à proposer
une loi générale qui restreignit une fois pour tontes une
liberté dont ils avaient reconnu et même exagéré le danger.
L’Empire, Messieurs, finit par songer à ce que la répu
blique romaine n ’avait pas fait. Et il eût été bien étrange, en
effet, que celte administration savante, dont elle a donné le
modèle, plus durableque sa puissance, laissât l’enseignement
tout à fait en dehors de son action. C'est le propre de la cen
tralisation d ’être insatiable de sa nature, de tout envahir
lentement et sans bruit, mais avec la fatalité d ’un élément ;
il faut plus que des digues de Hollande pour arrêter son cours.
Aussi les codes impériaux mentionnent-ilsdesécoles publiques
établies dans la plupart des villes, des examens, des corpo
rations de professeurs nommés par l’État, payés par lui,
inspectés par lui. Cen est pourtant que dans les derniers temps
de l’Empire, quand la lutte entre les deux religions devenait
plus ardente en touchant à sa fin, que cette inspection se
changea en une surveillance inquiète et jalouse; que ces écoles,
devenues les asiles du paganisme expirant , furent inquiétées
dans leurs doctrines, puis, quand elles ne tombèrent pas
d’elles-mêmes, irrévocablement fermées. Auparavant, l’ins
pection paraît avoir été uniquement d'ordre public, de police
générale. Ne nous hâtons pas, Messieurs, d'en faire honneur
à la largeur d'esprit des fonctionnaires impériaux. Si chez les
Romains la direction des esprits est toujours restée bien en
arrière de la science du gouvernement et de l’administration
proprement dite, c’est qu’aussi elle était moins nécessaire.
Quand on compare au monde moderne le monde romain
et en général toute l’antiquité, on peut dire qu’alors la
puissance de l’esprit n’était pas née. Je sais toute l'action
exercée dans les républiques anciennes par la parole politique
tombant en traits de feu, du haut de la tribune, sur une
foule passionnée et libre; mais où trouver, je vous prie,
ces théories religieuses, politiques, philosophiques, sociales,
comme l’histoire en compte tant depuis quelques siècles, qui
à peine nées dans le monde des idées, réclament impatiemment
leur place dans le monde des faits, et tiennent les gouverne
ments en échec en même temps que les esprits en haleine?
Si gouverner a été de tout temps chose difficile, on peut dire que
cette difficulté est plus grande aujourd’hui qu’autrefois. La
masse d'idées introduites dans le monde par le christianisme,
plus tard, le sentiment d indépendance apporté par la race
germanique, plus tard encore, l’imprimerie, la presse, la
�10 —
naissance et les progrès de l'opinion publique , les luttes
religieuses, la diffusion des connaissances pénétrant de proche
en proche les diverses couches sociales, tant de révolutions
jetées les unes sur les autres, tout cela a singulièrement délié
les langues et éveillé les esprits. La sollicitude des gouverne
ments s’est éveillée eu même temps, et elle leur a dicté des
précautions qu’ils se sont elïorcés de rendre de plus en plus
efficaces. C'est une nécessité de politique comme de mécani
que, que la résistance soit toujours en raison du mouvement,
ou si vous aimez mieux, les moyens de faire taire en proportion
du danger qu'on trouve à laisser parler.
Mais revenons, Messieurs. Rome tombe, et son adminis
tration, ses écoles, sa littérature et sa langue même étaient
tombées avant elle. La reine du monde se vit mourir, non
frappée au coeur, et arrangeant pour expirer avec dignité
les plis de sa robe, mais incurablement gangrenée et s’en
allant par lambeaux. Cette grande révolution eut tous les
caractères d'une inondation graduelle; chaque jour le Ilot
gagnant, atteignant après les terres basses les lieux les plus
élevés, jusqu'à ce qu’il ne restât plus debout, de ce monde
détruit, que deux choses : une idée, la civilisation urbaine,
et un corps, le clergé chrétien.
Un clergé debout, Messieurs, sur les ruines d ’une société
morte, et triomphant de sa chute, voilà ce que l'histoire
n’avait pas vu ; et ce qui ne fut pas moins nouveau, c’est le
rôle immense que ce clergé allait jouer dans l’enseignement.
Ce n ’est pas que les religions antérieures eussent entière
ment méconnu ce rôle. Qui dit religion dit enseignement,
qui dit prêtre, dit maître. Les lévites juifs, les mages per
sans, les prêtres de l'Égypte cl de la Grèce, les pontifes de
Home, les druides gaulois, comme les bonzes elles brahmes
de l’Orient, avaient entre les mains le dépôt de la science
de leur pays et de leur temps. Mais cette science se com
muniquait peu. C’est vraiment au clergé chrétien qu'il appar
tenait de donner le premier 1’exemple d'un enseignement
simple, élevé , qui non-seulement ne se refusait à personne,
mais cherchait avec ardeur l’oreille de tous, qui au lieu
de chuchoter des mystères devant quelques initiés, à l'ombre
du sanctuaire d’Isis, sous les chênes de la Gaule, ou au fond
des souterrains d’Eleusis, parlait librement, en plein soleil,
ne rebutant ni les petits, ni les faibles d’esprit, ne recher
chant ni l'aristocratie des intelligences, ni l’aristocratie des
conditions, comme il sied à une religion franche, à une
morale pure et à un dogme net. Quand arriva le Y,np siècle,
et que ce nouveau rôle vint inviter le clergé chrétien, il se
trouvait prêt à le remplir. A ce moment, l'enseignement
était par terre, tombé des mains défaillantes du paganisme ;
il le ramassa, et qui le lui eût disputé alors ? 11 s'en empara
comme la féodalité, deux siècles plus tard, s'emparait du
pouvoir et du sol, et au même titre quelle, au nom delà
nécessité. Ce sol, balayé par l’invasion, dépeuplé par la
misère, attendait le premier occupant ; on vit quelques
hommes plus hardis que d’autres s’y établir, le cultiver,
réunir la population autour d’eux, la défendre : l’ombre des
tours féodales, si pesante plus tard, était alors rassurante et
joyeuse. Et l'esprit humain, lui aussi, il gisait sans abri,
comme un enfant abandonné, revenant presque aux vagisse
ments du premier âge; le clergé le serra, le réchauffa contre
son sein. Les écoles furent relevées, non plus dans les palais
qu'avait bâtis pour elles la munificence des empereurs, il
�13 —
n y avait plus ni empereurs, ni palais, mais à l'ombre des
couvents, des églises cathédrales. II n'est pas un ami des
lettres, disons mieux, de la civilisation, qui ne doive être
heureux de saluer respectueusement ce lointain souvenir.
C’est d’une deces écoles épiscopales, de cellede Notre-Dame,
qu'est née l'Universitéde Paris. Comment, voilà ce qu’on ne
peut dire avec exactitude. Ellen’a pas jailli tout d ’un coup de
la tête d’un souverain ou de la volonté d’une assemblée, elle
est sortie lentement des entrailles même des choses. Il en
est d’elle comme des communes, de la royauté, du parle
ment ; elle ne devint une institution qu'après avoir été
d’abord un germe qui se développa obscurément et peu à
peu. Vers la fin du XIraQsiècle, un maître, après avoir profes
sé dans une église cathédrale, élève en face de cette église un
enseignement indépendant ; son exemple et son succès sus
citent d'autres écoles. Des corporations se forment, diverses
branches d'enseignement croissent et s’entrelacent, des règle
ments sont adoptés: et peu à peu, une nouvelle institution a
pris place dans le monde. Aucun pouvoir n’assiste à sa
naissance. Et si elle a un fondateur, ce n'est pas Charle
magne, jadis si cher à la vanité universitaire. Qu’est-ce en
effet que Charlemagne? un éclair entre deux périodes de
ténèbres, qui ne fait que rendre par contraste la nuit plus
épaisse avant et après lui. C’est plutôt ce jeune homme
élégant et hardi, ce poète, ce musicien, et plus que tout
cela, cet érudit, ce logicien invincible qui avait préféré, nous
dit-il, à l'escrime des armes celle d elà parole, ce vulgari
sateur enfin, pour employer un mol de notre temps, qui
devait attacher une si populaire renommée au nom d'Abé
lard. Ou pour être exacts, Messieurs, ne parlons pas plus
d ’Abélard que de Charlemagne. Le vrai*fondateur de 1U ni
versité, c’est le mouvement d’esprit qui travailla le XIImo
siècle et a fait sortir de son liane le moyen âge. Si le moyen
âge n’est pas un chaos, mais une forme particulière de
société; s’il a, comme je le crois, un art à lui, une littéra
ture, des institutions qui lui sont propres, son berceau est
loX Ilme siècle. L’Université se trouve dans ce berceau avec
l’art ogival , les communes, les corporations de métiers:
c’est dire que ses origines sont obscures, comme toutes les
origines (1).
L’Université avait été couvée sous l’aile de l'épiscopat ;
elle s’en échappa, dès qu’elle eût grandi, mais en gardant
de sa première forme une forte empreinte ecclésiastique.
Quoiqu'elle n’ait pas voulu en convenir au XYInic siècle,
dans un temps où elle avait intérêt à se dire laïque, ce
caractère est évident pendant le moyen âge. 11 est vrai que
toutes les Facultés, sauf celles de Théologie, admettaient
dans leur sein des laïques à côté du clergé séculier, mais
l'esprit de ces laïques les rattachait à l'église. Une preuve
qu’on peut indiquer entre plusieurs autres, c’est que le
mariage leur était interdit. Les médecins eux-mêmes, dont
la corporation, par une exception facile à comprendre, se
composait exclusivement de laïques, n’obtinrent qu’au milieu
du XVme siècle, l'autorisation de se marier. Dans les autres
Facultés , bien qu’à partir du XVIImo siècle, l’Université fût
généralement traitée comme un corps laïque, le célibat sub(I) Je suis heureux de reconnailre que je dois beaucoup, pour
celle esquisse de notre vieille Université, fi l’excellent travail de mon
ami, M. Charles T h urot: De l'organisation de l'enseignement
dans iUniversité de Paris au moyen âge.
�— In
sistait. Qui n’a gardé , même dans le changement de mœurs
de la nouvelle Université, ce souvenir de l'ancienne, des
habitudes régulières et pieuses de ses maîtres, étrangers
aux intérêts et aux distractions de la société, n’ayant d’autre
famille que la classe et d’autre patrie que le collège ? Je ne
sais pourquoi leur existence dans son obscurité et sa mono
tone douceur, mêlait penser à un petit jardin entre quatre
grands murs, dans le voisinage d’une église, avec un peu de
soleil, quelques espaliers et une allée bordée de buis. Ceux
même qui pourraient lui trouver quelque tristesse peuvent
la louer sans crainte de la voir recommencer. Rollin ne
reviendra plus ; et s’il revenait, où donc trouverait-il des
élèves selon son cœur? Mais, jusqu'à notre révolution,
sans rencontrer dans les collèges des types aussi accom
plis que le sien, il n'était pas rare d’y voir des maîtres
qui faisaient penser à lu i, disant leur bréviaire, étudiant
l’antiquité, sinon dans son fonds, du moins dans sa morale,
fidèles au célibat plus encore par goût que par obéissance.
Quand le Premier Consul, au commencement du siècle, son
gea à réparer l'Université écroulée ou plutôt à la reconstruire
sur un plan nouveau, il fut un moment question de lui im
poser le célibat, qui aurait fait d’elle une corporation mixte,
laïque par son recrutement , ecclésiastique par ses habitudes.
Nos premiers réglements même, sans interdire absolument
le mariage, y mettent des entraves dans beaucoup de cas et
semblent ne le tolérer qu'avec répugnance. Ce reste de dureté
n’a pas tardé à fondre sous le souille du temps, qui a dé
tendu peu à peu tout le système de l’éducation. Aujourd’hui
la sécularisation de l’Université est complète. Si elle ouvre
volontiers ses rangs aux prêtres et si elle est heureuse d’en
— 15 —
trouver aux divers degrés de son enseignement et de son ad
ministration, elle n’est plus cependant ecclésiastique; elle
n'a plus besoin d'une plaidoirie d’avocat pour l'établir, ni
d’un arrêt du parlement pour le décider.
Je reviens au temps où elle l'était, c’est-à-dire au moyen
âge. Si nous cherchons ce qu’on peut appeler alors le fond de
l’enseignement universitaire, c’était la théologie. Le droit l’a
remplacée anjourd’hui, comme vous savez. Trois facultés
suffisent à l'enseignement supérieur de la médecine, il a fallu
neuf écoles de droit. Qu’au sortir des bancs on se soit fixé
ou non sur le choix d'une carrière, on n’hésite pas; on fait
son droit. C’est à tout prendre une halte entre le collège et la
vie, égayée du plaisir de se sentir jeune et libre, de cueillir
la fleur de ses dix-huit ans, de secouer ses épaules un peu
engourdies par une salutaire contrainte, dont on ne sentira
que plus tard toute l’utilité. Et puis, le droit mène à tout.
Les tribunaux, le barreau, les assemblées délibérantes, nos
administrations si nombreuses et si variées, exigent, ou si
vous voulez, supposent la connaissance sérieuse du droit.
Cette faveur, ou plutôt cette nécessité des études juridiques
caractérise bien une époque où le soin des affaires, comme
dans toute société compliquée, a pris le pas sur la science
désintéressée et sur le culte des idées pures.
Eh bien, Messieurs, ce que le droit est aujourd'hui, la
théologie l’était au moyen âge, et des traits de ce genre
expriment nettement la différence des deux époques. La
théologie souffrait à son côté d’autres enseignements que le
sien ; mais quelle figure faisaient auprès d'elle la médecine,
le droit civil et la littérature du temps, la logique? La médedecine était dans l’enfance; le droit civil, cet ennemi né de
�17
qu’à Bologne ; la logique ne faisait que préparer à l'étude
de la théologie. Toujours, en elî'et, la foule de ceux qui étu
dient se portera du coté où sont, avec le profit, la considé
ration et l'influence. Or, profit, considération, influence, ap
partenaient à la théologie, et à elle seule. Quel était l'avenir
de l’étudiant laborieux et pauvre ? pas autre que de parvenir
à un bénéfice, de s’asseoir dans une cure, dans un prieuré,
dans un évêché. Ce rêve caressait le logicien dans ses veillées
solitaires, il soutenait tous les gradués sans exception, jus
qu’aux médecins eux-mêmes. Après le profit, est-il besoin
de parler de l'influence? On sait la souveraineté, le mot
n’est qu’exact, de la faculté de théologie de Paris ? Elle était
la régulatrice du dogme : elle prétendait au droit de le définir,
comme à celui de le défendre. C’est du moins le système qui
fut soutenu en plein XIVe siècle par un universitaire devant
un pape. Et après cela, comparerons-nous l’état actuel avec
l’état ancien? Le coeur des études théologiques n ’est plus à
Paris, mais à Rome, comme le gouvernement de l’Église.
L'Église a suivi la pente de tous les États qui l’entouraient;
c’est la monarchie pure qui a remplacé la monarchie tempérée
par des assemblées, qui la régissait au moyen âge.
Voulez-vous que maintenant, de la nature de l’enseigne
ment, nous passions à celle de 1 Université elle-même? Cela
est beaucoup moins aisé. Vous avez vu de ces amas de
constructions disparates, déposées plutôt qu’élevées par les
siècles, ruelles, cours, chapelles, maisons de tout âge et de
tout style, qui n’ont d’autre harmonie qu’une couche de vétusté
laissée par le temps, ensemble équivoque et bizarre, solide
—
pourtant dans sa bizarrerie ; je ne trouve pas d’image plus
exacte de l’Université. Au moyen âge et jusqu’au XVe siècle,
elle existe sans doute comme être moral, mais non comme
corps. Un corps a un chef réel, des ofliciers, des finances, une
administration commune; dans l'Université rien de pareil.
S’il faut absolument lui donner un nom, c'est une confédé
ration, et encore, une confédération imparfaite. Les quatre
Facultés se montraient ensemble à certaines solennités, pré
cédées du Recteur, accompagnées de leurs suppôts et de leurs
bedeaux, puis chacune rentrait chez soi pour reprendre ses
habitudes et vivre de sa vie propre.
Vous n’attendez pas de moi, Messieurs, que je les y ac
compagne, que j'entre dans les détails de cette vie, quelque
curieux qu’ils puissent être. Je n’en veux dégager que deux
traits généraux qu'on peut dire communs à toutes les
Facultés.
L’un est l’extrême liberté de leur régime intérieur. Une
Faculté, c’est une république, nommant elle-même ses chefs,
comme ses membres, et se gouvernant à la majorité des
voix. Cette liberté , que du reste, vous trouvez partout au
moyen âge, avait pour garantie la réunion du professorat
et de l’administration. Le même homme était à la fois ou
tour à tour, maître et chef: ou plutôt, au-dessus des fonc
tions administratives, toujours éphémères et transitoires,
planait en permanence le professorat. C’est ainsi que la
vieille Université avait résolu un problème qui ne laisse pas
que de préoccuper quelquefois la nouvelle, faire vivre en
semble l'administration et l’enseignement, depuis que ces
deux éléments sont devenus distincts, comme ils devaient
nécessairement le devenir. L'administration universitaire,
�19
tous ceux qui y ont pris part le reconnaissent, sera toujours
particulièrement délicate. Il faut manier, sans les froisser,
des esprits fiers, un peu ombrageux, parce qu’ils vivent
moins dans le monde que dans les livres, plus disposés à
juger les hommes par ce qu’ils valent que par ce qu’ils sont,
ne se donnant guère qu’à ceux qui les comprennent et les
estiment, et portant de libres allures jusque dans l’obéis
sance. Au moins l'enseignement supérieur a-t-il pu concilier
avec la régularité moderne, quelque chose du caractère qu'il
avait autrefois. Dans ces petites et inoffensives compagnies,
le président, le doyen, est professeur comme ses collègues.
Participant à tous leurs travaux , il les dirige d ’une main
douce et fraternelle, et il aime à n'user que de son influence,
même quand il pourrait invoquer son autorité. Ce détail
d’organisation méritait d’être signalé, non comme une cri
tique, même légère, du présent, car chaque époque a ses
exigences légitimes, mais comme vestige et comme témoin
d’un passé disparu sans retour.
Un second caractère de l’Université était son indépendance
vis-à-vis du pouvoir civil. Non-seulement ce pouvoir n'inter
venait qu'à peine et de loin en loin dans ses élections, son
enseignement et ses méthodes, mais il souffrait qu’elle eût
contre lui des privilèges ; bien mieux, il les lui avait octroyés
lui-même. Ces privilèges étaient d’ailleurs pour un corps
la condition absolue de l’existence. Dans le néant du droit
commun, il fallait bien aux corporations un droit particulier.
Chacune d’elles avait le sien, comme chaque homme d’armes
portait à son côté son épée pour se défendre. Laisser l’Univer
sité désarmée, c'eût été la condamner à disparaître, à être
dévorée comme une brebis au milieu des loups. Elle avait
donc sa charte ; et dans ce temps où tout revêtait la forme
féodale, celte charte prenait le caractère d une seigneurie
sous le vasselage immédiat de la couronne.
Tels sont, Messieurs, les deux traits essentiels del’Université
du moyen âge ; pleine liberté chez elle, large indépendance au
dehors. Loin de moi la pensée d’en faire un éloge absolu.
Que l’anarchie ait été habituellement la conséquence de son
régime fédératif imparfait et de la prééminence du professorat
sur l’administration, on le conçoit sans peine. Et que, malgré
la reconnaissance qu elle devait à la royauté, cette fille des
rois, comme elle s’appelait, ait souvent manqué de respect à
son père, c’est ce que nous apprend toute l’histoire de ce
temps. Plusieurs fois on la vit disputer à la justice du prévôt
des écoliers, ou plutôt des criminels qui ne mériteraient au
jourd’hui que la sévérité de la loi. Et si on ne lui faisait pas
droit, elle déclarait qu elle allait chercher un autre asile. En
attendant, elle suspendait ses cours, laissant ses écoliers oisifs
troubler l'ordre public, et venger ainsi son offense. C’est par
cette insubordination imprudente qu elle prêta le flanc aux
coups de la royauté, comme les communes par leursdésordres,
et la noblesse par ses violences. N’oublions pas que le pouvoir
royal, dans ses premiers accroissements, ne fut qu'une reprise
légitime des privilèges particuliers au profit du droit de tous,
et une répression de la turbulence de quelques-uns pour
assurer la tranquillité de tout le monde.
Je ne fais pas, Messieurs, l’histoire de l’Université. Je laisse
de côté les changements qu'amena dans ses libertés l 'extension
du pouvoir royal, dans son enseignement, l'introduction des
lettres anciennes et la décadence de la théologie, dans le régime
de ses étudiants, jadis entièrement libres, l’établissement des
�20
collèges, sorte de couvents destinés dans l’origine aux écoliers
pauvres, et qui furent bâtis pour la plupart dans le cours du
XVe siècle. Je me transporte de latin de ce XV0 siècle au com
mencement du XIXe, de Louis XI à Napoléon , de cette
agrégation confuse que je vous dépeignais tout à l'heure à
cet édifice régulier qu’on appelle l'Université impériale de
France. Si dans cette Université j ’examine l’enseignement
supérieur, je vois qu'il a changé comme le reste. L’action
de l’État sur les Facultés est plus forte; leur liberté intérieure,
moindre; la faveur a quitté certaines parties de l’enseignement
pour se porter sur d’autres. Au fond cependant l’enseignement
de la théologie, de la médecine et du droit n'a pas subi de
changements dans son essence ; mais ce qui a été modifié de
fond en comble, c'est l’enseignement littéraire; on peut même
dire qu’il est entièrement nouveau. Si c’est une infériorité
que de n’avoir pas une longue suite d’ancêtres, il faut nous
y résigner, car nous sommes d ’hier, et c’est par un fil
très-léger que nous tenons au passé.
Au premier coup d’œil, il ne semble pas qu’il en soit ainsi.
Traditionnellement, la Faculté oies Lettres continue celle
des arts ; vous allez juger si cette tradition correspond exac
tement à la réalité. Qu’était-ce que la faculté des arts? la
sœur des autres, mais leur sœur cadette. Elle avait seule
le droit d’élire le Recteur, mais la médecine, le droit et la
théologie reprenaient l’avantage en se disant supérieures, et
elles l’étaient. Les arts ne donnaient qu’une préparation élé
mentaire à des enseignements spéciaux, et tenaient la place
de nos humanités, des classes supérieures de nos collèges:
seulement les humanités du moyen âge se bornaient à la
logique. Si la morale, la rhétorique veulent se faire entendre,
-
21
ilfautqu’ellesaillentdemanderasileauxleçonsextraordinaires>
La logique s’étale seule fièrement dans les leçons ordinaires,
et elle regarde de haut sa sœur la littérature, la grammaire,
comme elle l'appelle: « Bon grammairien, mauvais logicien, »
c’est un adage au moyen âge.
Voulez-vous maintenant une idée de ces leçons ordinaires ?
Le maître dicte un texte; il le faut bien dans l’absence de
livres: l’ouvrage suivi d’ordinaire est l Organon d’Aristote,
consacré à l’art du raisonnement. Ce texte, il le commente-,
non pour en tirer des considérations littéraires ou morales,
mais à un strict point de vue logique, épelant chaque phrase,
détachant chaque mot, comme on étalerait un filet pour en
compter les mailles, et faire admirer, non la beauté, mais
la régularité
et la solidité du réseau. Première méthode
0
d’enseignement, toute sèche et toute géométrique, comme
vous voyez; mais il en est une autre plus vivante, plus re
muante et (pion préfère: la dispute. Lemaître extrait du
texte de Fauteur toutes les propositions qu'on peut discuter
en deux sens contraires. Chacune reçoit deux champions qui
se lancent l’un contre l'autre, comme dans un tournoi. Leurs
camarades ne tardent pas à prendre part au combat, et la
mêlée devient générale. Pendant ce temps, le professeur
applaudit, encourage, modère, dirige, s’il peut se faire
entendre. Une autre fois le maître lui-même sera pris à partie
par ses élèves: c’est, ainsi qu' Abélard avait vaincu Guillaume de
Champeaux, le forçant à descendre de sa chaire, au milieu des
rires, pour prendre sa place. Un autre jour encore, les maîtres
donneront aux écoliers le régal de les voir disputer entr’eux;
ainsi le veut le règlement. Voilà bien des disputes ; et l'anti
quité, qui les pratiquait aussi, ne les avait pas poussées à
�— n
eeparoxisme. Juvénal parle quelque part des cris deTécoIe:
qu’aurait-il dit. s'il eût traversé la rue du Fouarre ou la place
Maubert à l'heure de la leçon ? L’école la mieux tenue au
moyen âge, et je n’exagère rien, même dans les termes, est
celle où l’on dispute le plus fort et où l’on fait le plus de bruit.
Cette fougue, cet acharnement, sont des signes de jeu
nesse. Et en effet tout ce monde de disputeurs, maîtres et
écoliers, était fort jeune. On pouvait devenir étudiant à treize
ans. La plupart des maîtres ne dépassaient pas la trentaine. Si
on n'en trouve guère de plus âgés, ce n’est pas qu’ils mou
russent de bonne heure à la peine, épuisés par l’abus du
syllogisme, c’est que l’enseignement des arts n’était qu’un
passage. On voyait fréquemment le maître de logique étu
dier en même temps en théologie. Le matin, il enseignait
dans sa chaire; une heure après, vous l’auriez trouvé sur
les bancs, s’instruisant dans la science lucrative, dans la
science des sciences. Devenu docteur en théologie, pourvu
d’un bénéfice, il quittait l’Université. De là dans la Faculté
des arts, un va et vient perpétuel, et comme un courant de
maîtres. On pourrait l’appeler la Faculté de l’attente et de
l’espoir. L’ardente et famélique jeunesse qui la remplissait
formait la démocratie de l’enseignement. Ce sont les Quatre
Nations qui poussèrent l’Université en avant dans les luttes
politiques du XVmc siècle; c’est à elles qu’il faut attribuer
les désordres qui la mettaient souvent en conflit avec le
prévôt royal. Quand l’écolier était au cachot, pour tapage
nocturne, le maître venait le réclamer, indulgent pour des
fautes qu’il avait commises, qu’il commettait quelquefois
encore. Le règlement avait prévu que le maître pourrait être
mis en prison ; on y lit du moins que l’emprisonnement est,
—
comme la maladie, une excuse suffisante pour ne pas faire’
son cours.
Tels étaient les artistes, et ce serait là notre portrait ! Les
différences abondent. Mais sans y insister, car elles se
sentent d'elles-mêmes, il en est une qui saute aux yeux.
S’il est dans 1ancienne Université une faculté particulière
ment scolaire, et vouée à la pédagogie, c’est celle des arts.
Parmi tant de maîtres, les artistes sont les plus professeurs
de tous. C’est nous, au contraire, qui le sommes le moins,
et ce serait une illusion que d’y prétendre, car il nous fau
drait avouer que nous sommes des professeurs sans élèves.
Entendons-nous là-dessus, Messieurs. Les facultés de
Droit veuleut bien nous prêter leurs écoliers , et nous som
mes heureux de leur présence. Cette présence, même com
mandée par les règlements, il nous plait de la regarder
comme volontaire, d’y voir une preuve de leur amour de
la science, une conquête faite sur l’esprit de spécialité au
profit des études générales. Mais ces jeunes gens ne sont
pas nos élèves. Avoir des élèves, ce n’est pas seulement les
convier à s’asseoir sur nos bancs, les y contraindre douce
ment; c’est aussi les connaître, leur parler familièrement,
faire de mille façons le siège de leur esprit jusqu’à ce qu’on y
soit entré, insister, se répéter, tout subordonner au besoin
d’être compris ; c’est se rendre compte de leurs progrès et
constater, sanctionner ce progrès par des examens. Il n’y a
de professorat qu’à ce prix. Plaisir très-vif, pour qui sait le
goûter, et je sais beaucoup d'esprits distingués qui n’en
veulent pas d’autre.
Faut-il y renoncer absolument quand on accepte l’hon
neur déporter la parole dans une faculté des lettres? non
�sans doute, mais il faut bien en rabattre, (le peur d'éprouver
quelque mécompte. Ces jeunes gens, qui viennent prendre
place dans nos amphithéâtres, ne nous sont pas inconnus.
Nous les avons vus, mais en passant, un peu soucieux, un
peu effrayés, et pourquoi? pour leur conférer un grade qui
leur donne le moyen de se passer de nous. On dit parfois
qu'enseigner est travailler à se rendre inutile ; à ce compte
nous pouvons réclamer la palme. Toutes les facultés ont des
élèves, toutes, excepté nous. Et la preuve que leur présence
n'est pas une des conditions absolues de notre existence, c'est
qu'un tiers des facultés des lettres, et dans ce nombre, les
plus récemment créées, Lyon, Bordeaux, Nancy, Douai,
Clermont, Besançon, Montpellier, sont privées du contingent
que les écoles de droit peuvent apporter à notre auditoire.
On peut voir là une lacune dans le système de l’enseigne
ment français, d'ailleurs si régulier et si robuste; mais elle
est sans doute plus facile à indiquer qu'à combler, puisqu’elle
existe dans toute l’Europe. Nulle part, à négliger le détail,
langage, je ne veux pas trop le dire. Si cependant j ’examinais
certaines universités étrangères, celles d Italie et d'Angle
terre, par exemple, on verrait, que l’amour du beau ne suffit
pas toujours à créer une institution, à la faire durer surtout,
et que là comme ailleurs, bon droit a besoin d'aide. Mais
pourquoi étaler ici la faiblesse du haut enseignement Italien,
le néant du haut enseignement d’Angleterre? un tel déve
loppement en pareil lieu, serait peut-être une maladresse et
pourrait passer pour peu charitable.
II est d’ailleurs des pays plus favorisés, comme la Suisse,
l’Ecosse, la Hollande, où la philosophie morale, les lettres,
la grammaire même ne sont pas exposées à parler dans le
désert: on citerait encore aujourd'hui à Leyde, tel cours de
grec, professé en latin, qui réunit jusqu'à cent auditeurs.
Ces heureux pays universitaires sont de peu d étendue, ce
qui indique clairement que l’ardeur scolaire, qui s’évapore
dans les distractions d’une grande ville, s’entretient en rai
son de la petitesse des centres où se donne l’enseignement.
l’enseignement supérieur des lettres n'est obligatoire, c’està-dire , soumis à une assiduité réelle, garantie par des
examens sérieux; nulle part, il n'a d’autre issue directe
que le professorat, carrière naturellement fort restreinte.
La loi l’a abandonné à sa propre vertu. Elle s'en est rap
portée, pour le faire réussir, aux mœurs, à 1 instinct, au
zèle désintéressé. Elle a dit aux lettres : « Vous êtes assez
belles pour plaire, montrez-vous, et vous séduirez; parlez,
et l'on vous écoutera : au surplus, un enseignement de luxe
n’a pas droit à une protection complète, il suffit que l'Etat
lui accorde son intérêt et sa sympathie. »
Ce que les mœurs et l’instinct ont répondu à ce spécieux
Sans vouloir, Messieurs, exagérer l'importance de cette
observation, elle sert à coup sûr à expliquer le succès de
l’enseignement supérieur en Allemagne. Dans les grands
Etats germaniques, comme LAutriche et la Prusse, la centra
lisation est encore imparfaite, et dans les petits, la vie reste
éparse ça et là au lieu d’affluer avec violence dans une capi
tale. En tout cas, l’Allemagne nous donne le spectacle d'un
pays où l'enseignement littéraire, sans être plus obligatoire
qu’ailleurs, a cependant des adeptes nombreux et sincères.
On y voit des écoliers s'inscrire avec empressement, même
au prix de sacrifices pécuniaires, à des leçons qui n’ont
pour eux aucune utilité directe, s’engager dans une voie qui
�ne mène à lien, pour le pur agrément du chemin, s'épren
dre, se passionner même, non-seulement pour un système
de philosophie ou d histoire, mais pour les aridités de la
philologie, et le vague des conjectures mythologiques.
« Il n'y a là qu’un résultat de l’amour bien connu des Alle
mands pour les distinctions de tout genre, » diront ceux qui
se contentent aisément. « On suit les cours pour avoir un grade
universitaire, et s’en parer au besoin. » C’est en effet une pa
rure au delà du Rhin qu’un bonnet de docteur, il compte
même dans 1apport d’un jeune homme qui veut s’établir.
S’il faut voir là un ridicule, je le pardonne volontiers en fa
veur de l’habitude dont il témoigne, celle d’attacher une
grande valeur aux choses de l’esprit. Et voilà tout simple
ment pourquoi nos voisins étudient. Ils étudient, parce que
la science leur plaît. On trouve des pays supérieurs à
l’Allemagne par l’action, la décision du caractère, la force
d’expansion ; on peut affirmer qu’il n’en existe aucun où l’on
rencontre plus de goût et une aptitude plus marquée pour
la science elle-même, en dehors de toute application, de
toute conclusion. Je ne donne pas l’écolier Allemand pour
un modèle, mais il emporte du gymnase une candeur d’in
telligence que les nôtres, hélas ! ont perdue souvent à la
rhétorique, quand ils font leur rhétorique. Aussi reste-t-il
sur les bancs plus longtemps, plus volontiers qu’on ne le fait
chez nous; il orne et nourrit son esprit sans songer à le met
tre en rapport ; et si, au sortir du gymnase, il n’a pas une cul
ture supérieure à celle qu’on reçoit dans nos lycées, il profite
trés-sérieusementdu complément d’éducation que lui offrent
les universités, et les années qu il y passe restent marquéesdans sa vie en traits ineffaçables.
Aussi, l'Allemagne est-elle le seul grand pays qui offre
des mœurs universitaires. Si vous voulez en juger pendant
qu’elles subsistent encore, car là aussi le temps fait son
œuvre, n allez pas à Vienne, à Munich, à Berlin, mais à
Heidelberg, à Bonn, à Giessen, àTubingue, à Erlangen,
dans ces petites villes de sept à huit mille habitants, qui
n’existent que par renseignement. Votre imagination reculera
sans effort de deux ou trois siècles. Voici le palais de 1univer
sité. Tout le monde vous l’indiquera, car sans lui, la ville
ne serait qu’un village. Cet homme à l’air débonnaire, qui
passe dans une mise négligée, avec des livres sous le bras,
et qui répond avec distraction aux saluts, c’est le professeur,
personnage important et instruit, malgré son apparence mo
deste. Suivez-le dans son cours, il aura une audace qui vous
étonnera, des familiarités qui vous feront sourire, il laissera
prendre à ses auditeurs des libertés qui vous scandaliseront;
mais vous êtes au moyen âge. Et il est presque du moyen
âge aussi, ce grand jeune homme blond, aux longs cheveux
surmontésd’une petite casquette; Teutomane intraitable, qui
prend feu pour le Rhin Allemand comme pour la philosophie
de Kant ou la mythologie de Creuzer, un peu tapageur, car
il ne faut pas trop le llatter, dédaigneux pour le bourgeois,
le philistin, comme il l’appelle. Mais tout cela n’aura qu’un
temps. On dirait que les Allemands prennent à tâche de dé
penser à l’Université la turbulence de toute leur vie, comme
un capital embarrassant dont il faut se défaire au plus vite;
puis, les études finies, ils rentrent chez eux, se marient de
bonne heure, deviennent d’excellents pères de famille, et les
meilleures gens du monde.
On pensera ce qu’on voudra de ce type, Messieurs, et
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peut-être les délicats le trouveront-ils un peu gothique;
il a du moins un caractère net, il est franchement scolaire.
C'estdu reste à peu près celui de toutes les universités d'Europe,
à la vie et à l’ardeur près ; mais en vain le chercherait-on dans
nos facultés des lettres. Par un côté, elles tiennent à l'école .
par un autre, elles se rattachent au monde. Ce n’est pas
cependant que la loi l’ait voulu : nous sommes un exemple des
changements que les mœurs peuvent faire subir peu à peu
à une institution, en dehors et comme à l’insu des lois. Preneznous dans les examens, nous continuons les professeurs du
moyen âge : dans nos cours, ceux qui veulent bien nous
écouter savent que c’est au public que nous nous adressons,
etque les écoliers ne sont à nos yeux qu’une partie de ce public
même.
Nouveauté réelle dans le professorat, Messieurs, et nou
veauté qui n’a pas même cinquante ans de date. Si nous
interrogeons l’antiquité, nous n’y trouvons rien de pareil.
1/enseignement Grec était-il public ou privé? on a beaucoup
discuté là-dessus sans rien résoudre: preuve qu’il n’était pas
public, car alors on trouverait une trace de son existence.
Quelquefois un sophiste, un philosophe faisaient annoncer d’a
vance par la ville un discours d’apparat;— à peu près comme
les privai docent allemands, qui sont des professeurs en exspectative, donnent gratuitement pour se faire connaître, deux
ou trois leçons publiques ; — puis le maître, ayant conquis des
élèves, enseignait pour eux, vivait pour eux et ne les quittait
pas. Quant au moyen âge, d’excellents critiques ont vanté la
généreuse publicité des cours, du moins de ceux de la faculté
des arts: on me permettra d’être d’un autre avis. Publicité
suppose gratuité, et cette gratuité n’existait pas. Comment l’U-
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niversité aurait-elle pu y suffire? elle ne recevait rien de l’État
et n’était pas riche par elle-même; il lui fallait pour vivre les
contr ibutions de ses élèves. La‘publicité exige aussi des condi
tions essentielles, certa inés convenances d’heures, de local, une
nature particulière d’enseignement. Où les trouver, dans ce
temps-là? Le moment de la leçon, c’était l’heure maussade
et froide du matin : en hiver, au petit jour, on voyait ar
river l’écolier transi, tenant à la main son chandelier de fer.
Le local,— chaque nation avait le sien, mais tous se ressem
blaient,— c’était une salle-basse où les auditeurs s’asseyaient
par terre ou sur la paille : le nom de la rue du Foùarre n'a
pas d’autre origine. Comment d’honnêtes bourgeois, même
logés dans le voisinage xle cette rue, auprès du Palais et de
la Sainte Chapelle, se seraient-ils risqués dans le pays latin,
au milieu de ces jeunes gens turbulents et incivils? Et pour
quoi? je vous prie. Pour entendre un professeur dictant ou
faisant dicter éternellement le même cahier, et des élèves
s’acharnant sur le même point aride ou obscur de logique !
Sans doute, ces exercices étaient dans le goût du temps, et
il n’en faudrait pas juger par l’ennui profond qu’ils ins
pireraient aujourd’hui. Certaines disputes d’apparat attiraient
même quelquefois des auditeurs distingués. Mais à part ces
tournois de dialectique, les cours ordinaires se bornaient à
des classes, faites uniquement pour les écoliers, et fréquentées
seulement par eux.
Vous m’attendez, peut-être, Messieurs, à la Renaissance
et au collège de France. En effet, il est créé, et contre
l’Université. L’Université est hostile aux sciences nouvelles-,
l’hébreu, le grec, seront enseignés à deux pas de la Sorbonne,
et en dépit d’elle. La publicité telle quelle des cours des
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arts a disparu au X Vp siècle par l'établissement des collèges;
les cours des lecteurs royaux, seront publics et gratuits. Fort
bien, seulement où les fera-t-on? Le bâtiment existe, mais
sur le papier; il faut que les nouveaux maîtres, sans asile,
demandent l'hospitalité des collèges. Ainsi la publicité est
bornée dans le moment même où on la proclame. C’est
dans un collège qu’on ira entendre la parole puissante et
colérique de Ramus, comme la parole honnête et calme de
Rollin: tous deux lecteurs royaux. Le collège de France,
bercé île la promesse d'un logement depuis François Ier,
n'a pu entrer chez lui que sous Louis XVI, ce qui vraiment
n'était guère la peine à la veille de la Révolution. Mais en cela
comme pour le reste, il a été surtout une promesse, une
espérance, un idéal, il a plutôt posé les principes qu’il ne
les a appliqués.
Ce même règne de Louis XVI qui acquittait la dette de
François Ier, voyait en matière d’enseignement une innovation
bien importante sous son air de frivolité: des dames, des
grands seigneurs, des honunesde lettres, toute une assemblée
brillante réunie le soir ou l’après-midi dans un salon élégant,
autour d une chaire ou un petit homme lisait en s’animant
des leçons soigneusement écrites sur les chefs-d’œuvre delà
littérature française au XVIIe siècle. Cet homme, à qui son
talent critique a fait pardonner ses drames, était La Harpe,
à l’orageuse renommée : ce salon, c’était le Lycée, d’où
sont sortis les Athénées, enfants gracieux et polis, mais qui
n’ont guère dépassé, sauf de rares exceptions, les gentillesses
du premier âge, et qui à coup-sûr, sont restés bien loin
de leur père. Le Lycée méritera toujours l'estime des gens
de goût et même quelque chose de plus, car c’est là qu’a
été inaugurée la manière moderne de professer. S'il nous
fallait un patron, ce serait plutôt La Harpe que tel docteur
du moyen âge, comme ce Siger de Brabant qui ressuscitait
avec une cape couverte de syllogismes. Mais La Harpe pro
fessait par accident; le Lycée n’était qu’un cercle où l’on jouait,
où |l’on causait, et qui ne vivait que par la mode et les
souscriptions particulières. Il eut d’ailleurs la mauvaise for
tune d’essuyer, en pleine prospérité, le choc de la Révolution,
qui emporta ainsi, avec les restes de l’Université, le premier
essai véritable d’enseignementpublicqu’on eût vu jusque-là en
dehors d’elle.
Quand Napoléon, qui dans sa sagesse, créait l’Univer
sité peu à peu, songea en 1811 à la frise de bédifice après
•en avoir assuré les bases, et couronna l’enseignement par
les facultés des lettres, ce n’était pas dans la pensée d’y
attirer les gens du monde. Donner des grades, préparer au
professorat, telle était leur mission ; mais quelque modeste
qu’elle fût, on ne peut vraiment dire qu elle ait été remplie.
L’esprit était ailleurs qu’aux lettres, la jeunesse sur les
champs de bataille, les élèves distraits autant que rares, et
les maîtres mal préparés. Le présent, d’ailleurs, accablait
l’enseignement, comme le reste, de sa gloire militaire, et
plus tard, hélas ! de ses malheurs. Jusqu’à la chute de l’Em
pire los facultés sommeillèrent. Celle de Paris essayait ses
forces : elle attendait son heure ; et quand cette heure sonna,
on la vit entrer dans la carrière avec un éclat incomparable.
Vous savez tous, Messieurs, que la Restauration fut le
véritable avènement littéraire du XIXe siècle. Le géuie des
armes avait occupé la scène; ce fut le tour de l’esprit, ra
fraîchi par un long silence et impatient de prendre la parole.
�C’est aux hommes de ce temps surtout qu'il appartient de
dire l’ardeur de la jeunesse de 1815, ses illusions et ses
espérances. Je ne sais si cette génération valait mieux que la
nôtre, mais peu sont entrées aussi résolument qu’elle dans
la bataille de la vie. Aujourd'hui encore, il est facile de la
reconnaître à une culture littéraire, à un goût du talent, qui
deviennent de plus en (dus rares. Beau privilège, Messieurs,
•que d'avoir été jeune, d'avoir eu, ne fùt-ce qu'un instant,
l'horizon infini devant soi et le ciel sur sa tète: sa lumière
persiste en s’adoucissant et prolonge ses rayons sur la vie
toute entière.
La faculté de Paris ne pouvait rester étrangère au mou
vement qui renouvelait alors la philosophie, la littérature et
l’histoire; elle s’y associa et ue tarda pas à Faccroître. Qui ne
connaît ces cours célébrés où trois talents rivaux luttaient
fraternellement devant un auditoire ému et charmé? La
forme de ces cours était aussi nouvelle que le fond ; aussi
entrait-il de la surprise et presque de la reconnaissance dans
l’admiration qu’ils inspiraient. Et quand la Restauration,
mal conseillée et infidèle à ses commencements, eut accru
leur popularité par une persécution aussi inefficace que ma
ladroite, ce fut une affluence, une passion, qui les enlevaient
à la sphère des événements littéraires. La vieille Sorbonne,
dont les murs n’avaient renvoyé pendant si longtemps que
l’écho des disputes théologiques, put s’étonner de pareils
hôtes et tressaillir de pareils accens : il lui fallut recevoir
malgré elle le baptême que lui donnait l’esprit moderne, et
devenir la capitale d’un enseignement qui abolissait celui
du moyen âge.
C’est, de là que cet enseignement partit à la lente et paci
fique conquête de la province. Aujourd’hui son tour de
France est achevé. Non-seulement nos facultés sont, avec
celles des sciences, les plus nombreuses de toutes, mais plu
sieurs villes ont demandé l’autorisation d’établir des cours
publics, et il ne parait pas qu’elles s'en repentent. Cet ensei
gnement est personnel avant tout, Messieurs ; dans sa liberté
féconde, il varie, il réussit selon les maîtres; il a pourtant ses
régies et pour ainsi parler, ses climats et ses saisons. Le di
rai-je aussi? comme il vit de l’opinion publique, une légère
excitation des esprits ne lui déplaît pas, et ce n'est pas tou
jours dans le silence qu'on l'entend le mieux. Quoiqu'il en
soit de ses conditions et de ses fortunes, ses preuves son)
faites, et notre pays a accordé droit de cité au nouveau genre
qu’il a créé.
Pour le définir d'un mot, c'est le genre oratoire. Le genre
oratoire tempéré par les nécessités de l'enseignement, cela
va de soi. Une chaire n'est pas une tribune, et qui l’oublie
s’exposerait non-seulement à blesser certaines convenances
administratives, qu'il n'est jamais prudent de méconnaître,
mais encore à pécher contre le goût. La science doit éviter
toutes les apparences de la passion, ou plutôt elle ne doit en
avoir qu’une, celle du beau et de la vérité. C'en est assez
pour animer un discours, pour lui donner une chaleur mo
dérée, pour lui dicter un accent qui ne soit ni celui de la so
lennité ni celui de la causerie. Joignez à cela des expositions
d’un caractère général, sobres de détails techniques, et même
d’analyses, revêtues d'une forme châtiée ; et vous aurez un
genre distinct, aussi éloigné de ces dialogues familiers, dans
lesquels se complaisait l’antiquité, et qu’imitait la Renais3.
�sance, que de la sèche et rebutante éristique dont l’esprit
humain s'était contenté pendant 500 ans.
Voilà le genre qu'a créé l'esprit français et qu’il a créé à
sonimage. L équilibre de l'intelligence, qui est un des traits
de notre caractère national, nous place entre les Allemands
et les Anglais ; plus précis que les uns, plus généralisateurs
que les autres, et par là spécialement propres au discours,
qui se nourrit d'idées générales, mais veut aussi une or
donnance exacte des détails et une distribution méthodique
des parties. Ajoutez que nous aimons la forme, et que la
rhétorique même ne nous fait pas peur. Un lieu commun
bien présenté nous plait mieux qu'une idée profonde gau
chement rendue. Je crois apprécier à sa valeur l'enseigne
ment germanique: il a des mérites incontestables d'origina
lité, d’érudition, de sérieux ; mais ceux qui le connaissent
avoueront que sa forme est souvent défectueuse, que son
élévation, sa finesse ingénieuse, car il a tout cela, sont trop
gâtées par le laisser aller, l’obscurité et la pesanteur, enfin
qu'un auditeur français supporterait difficilement ce qui ne
rebute pas l'amour vrai de la science, l’enthousiasme, la
patience de nos voisins. Le temps, du reste, commence à
introduire hors de France notre système d'enseignement ;
mais après le mérite de l'avoir créé, il nous reste encore
le don de le pratiquer avec plus d'aisance que personne. Les
universités de langue française qui sont sur notre frontière
nous empruntent volontiers des professeurs. Liège, Bruxelles,
Gand, Zurich, Lausanne, sans mauvaise honte, demandent
parfois notreconcours, et c’est encore aujourd'hui un Français
qui enseigne à Genève dans la chaire que fonda Calvin.
« Genre brillant, diront des esprits chagrins, genre digne
de la faconde gauloise; mais, à supposer qu'il réussisse, est-il
compatible avec la science? Vous avouez vous-mème qu'au
lieu d'élèves vous n’avez eu face de vous que cet être on
doyant et multiple qu’on appelle le public, aujourd hui ici,
demain ailleurs, que mille distractions, mille préoccupations
vous disputent : la science est-elle possible dans dépareilles
conditions ? » Je pourrais répondre qu'en matière de
professorat, l'érudition est encore moins essentielle que
Fouverture de l’esp rit, que le goût , et cette chaleur
communicative qui, se répandant sur toutes les choses belles,
les fait connaître rien qu’en les faisant aimer. Mais à quoi
bon une excuse quand nous n’en n’avons pas besoin? Notre
conviction est que nous servons la science à notre manière,
non-seulement en employant nos loisirs à l’accroitre, mais
en nous tenant au courant de ses progrès et en les populari
sant par la parole. Et croyez. Messieurs, que si cette tâche
nous parait douce, elle a cependant ses difficultés. La science,
depuis une cinquantaine d’années, marche si vite, et dans
tant de directions, qu’il n’est pas toujours aisé de la suivre,
et qu’il faut connaître la carte du pays pour ne pas s’y égarer.
Les résultats qu’elle obtient, nous les transmettons à qui veut
nous entendre ; mais nous ne sommes pas de simples secré
taires, rédigeant tontes les semaines la pensée d’autrui.
Être rapporteur d'une science, c’est faire œuvre de critique,
distinguer le vrai du faux, futile de l'oiseux, choisir, même
dans ce qui intéresse, rendre tout accessible sans rien efféminer, sans rien dénaturer. Tel est le rôle délicat que nous
nous efforçons de remplir. Combien d'idées justes, de consi
dérations neuves risqueraient sans nous de rester enfouies dans
des recueils où personne ne s’aviserait de les chercher? Entre
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la science technique du cabinet et le public, les facultés sont les
intermédiaires naturels ; comme des fontaines recueillent et
font jaillir des eaux souterraines. Le comble de l'art est de ne
pas laisser voir le temps et le travail qu’elles ont coûtés.
En d’autres termes, Messieurs, nous devons nous ins
pirer d une nécessité, celle de plaire Oui, de plaire, et je ne
m’en dédis pas. Où est le mal après tout, et chacun au
jourd’hui ne cherche-t-il pas à plaire, pour arracher un
moment, s il peut, à cette distraction générale, ou si vous
voulez, à cette attention sollicitée en tant de sens divers? Le
livre déploie toutes ses ressources pour surnager un instant
sur le gouffre de l'indifférence et de l’oubli, et les professeurs,
qui sont des livres vivants, ne craignent pas de les imiter.
Grand tort, si pour plaire, il fallait faire la cour au faux goût
ou à la frivolité; mais cette nécessité existe-t-elle, et qui
donc oserait la proclamer? Être clair, varié, sérieux sans
pédantisme, c’en est assez pour l’agrément sévère que ren
seignement comporte et que nous nous efforçons d’atteindre.
Pour vous paiier avec autorité de l’art de plaire, peut-être
me faudrait-il le posséder davantage ; mais d’ailleurs, est-il
utile d'en parler? Si cet art a des limites, on ne peut guère
dire qu'il ait des règles. C'est un vieux lieu commun que
chacun pris en son air est agréable en soi. Autrement dit,
la qualité essentielle est le naturel et la simplicité. J ’en veux
une autre pourtant, Messieurs, queje mets encore au-dessus,
parce qu elle relève moins de l’esprit que du caractère ; c’est
une sincérité modeste et résolue, qui ne provoquant personne,
respectant tout ce qui mérite le respect, demande sa place
au soleil, et revendique le droit de juger à sa façon. La sin
cérité est d’ailleurs la meilleure des habiletés, quand elle
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ne serait pas le premier des devoirs, car celui qui la prati
que y gagne encore autre chose que de l'attention. Lors
qu’au lieu de trouver un professeur , comme Montaigne le
disait des écrivains, on trouve un homme, et un homme
honnête, on prend confiance en lui, et la confiance appelle
aisément la bienveillance. Cette bienveillance, le professeur
la devine, il l’entend dans le silence même : c’est assez pour
qu'en descendant de sa chaire, il éprouve moins de regret
de n’avoir pas toujours réussi à peindre comme il a vu, à
juger comme il a senti.
C’est ainsi, Messieurs, qu’il s’établit peu à peu des rap
ports tacites, mais amicaux, entre celui qui parle et ceux
qui écoutent, et qu’à la longue, il naît de là une sorte de
collaboration où chacun apporte son contingent. La part
du public, ce n’est pas seulement cette sympathie sans
laquelle l’enseignement douterait à chaque instant de luimême ; c’est aussi le tact, le sens général de la vérité. Le
public est souvent juge peu compétent du détail, mais il se
trompe rarement sur l'ensemble. A quelque sûreté de juge
ment que prétende le professeur, on peut dire qu'il y a
quelqu’un qui en possède autant que lui, c’est son auditoire.
Ce que cet auditoire n'a pas au même dégré , c'est l’esprit
scientifique. L’instruction ne fait aujourd'hui absolument
défaut à personne; et si on compte moins d’érudits qu’autrefois, on trouve peut-être un plus grand nombre de gens
instruits. Seulement cette instruction est d’ordinaire éparse,
superficielle sur beaucoup de points, ici bornée par la
routine, là faussée par le préjugé, presque partout incer
taine par défaut de réflexion ou manque de méthode :
pardonnez-moi, Messieurs, ce portrait collectif, dans lequel
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je suis sûr d ailleurs que personne ne se reconnaîtra. C’est
sur ces points faibles que nous faisons porter tous nos
efforts. Il va sans dire que nous n’imposons rien: trop de
convenances nous le défendent. Et forcés que nous sommes
d’étendre chaque jour davantage notre ligne de bataille, de
juger infatigablement hommes et choses, car exposer sans
conclure serait puéril et indigne de vous, nous n’avons pas
la prétention de n’être vulnérables sur aucun détail de notre
savoir, ni infaillibles et inattaquables dans aucune partie de
nos jugements. Mais nous affirmons la vérité philosophique,
littéraire et historique telle que nous la concevons, la mé
thode telle que nous la pratiquons, et nous venons vous
dire: « Voici la vérité, à ce qu’il nous semble : adhérez-y
par une libre opération de votre esprit: arm ez-vous de
réflexion, de méthode, et servez-vous en, fùt-ce contre nous
mêmes! » Et si nous avons réussi à éclairer ou à satisfaire
votre goût, si nous avons ravivé chez vous des souvenirs
oubliés, montré à votre curiosité des aperçus nouveaux,
signalé à votre bonne foi des préjugés et des erreurs; si
seulement nous sommes parvenus à faire naître, ne fùt-ce
que pour un instant, cette excitation salutaire sans laquelle
l'esprit s’endort comme sur un oreiller dans la monotonie
des occupations journalières, nous sommes rassurés, nous
ne sommes pas inutiles.
Je ne veux pas insister, Messieurs, ni prouver laborieu
sement ce qu’il suffit de faire sentir, et je terminé ici ce
trop long discours. Laissez-moi seulement vous dire un mot
en finissant, jeunes gens, que nous connaissons à peine, mais
qui pourtant ne serez jamais pour nous des étrangers. Ce
ne sont pas les connaissances qui vous manquent : nos
lycées, toujours tenus en haleine par la vigilance de l'Étal,
valent mieux que les collèges d’Italie, d’Espagne et d’An
gleterre, et ne sont pas inférieurs aux gymnases allemands.
Votre défaut, c’est l’impatience, qui voudrait dévorer le
temps ; c’est cet. esprit positif, qui dans la science ne voit
que l’utilité. Cet esprit positif, je ne veux pas trop vous le
reprocher, car c’est nôtre péché à tous : je l’accepte même ;
mais à condition qu’il se justifie par le sérieux, qu’il de
mande ses résultats au travail, et qu’il ne se ravale pas à
poursuivre à petits pas, par un petit sentier, un but
rapproché et mesquin. Croyez d'ailleurs que le vrai moyen
d’arriver à un but, c’est de lui tourner le dos, ainsi que
font les bateliers, qui sans y voir, rament de confiance sur
la foi du pilote. Imitez-leset laissez-vous porter au fil de
l’eau ; il vous conduira à votre insu où vous devez aller.
Si vous réservez pour les études de droit, comme il est juste,
la meilleure part de votre temps, venez pourtant quePquefois
demander aux lettres ce qu’elles ne craignent pas de vous
promettre, parce qu’elles sont sûres de le tenir. Non-seu
lement elles sont belles, mais en assouplissant, en ornant,
en fécondant votre esprit, elles lui donneront plus de force,
une facilité plus grande à parcourir d’un pas ferme la car
rière que vous aurez choisie. Le jour viendra bientôt où
vous serez magistrats, avocats, fonctionnaires publics. Si
vous avez peu étudié, vous sentirez bientôt qu’une culture
libérale vous manque et vous empêche de tirer de vous ce
que la nature y avait mis. Peut-être aurez-vous le désir
de combler cette lacune; mais ce sera pour vous apercevoir
qu’il n’y a qu’un âge pour apprendre, et que le temps perdu
ne se répare pas. Si vous l’avez bien employé au contraire,
�Monseigneur , Messieurs ,
('/est fa première fois que nous sommes réunis dans
une solennité publique, depuis la mort de l'homme ex
cellent , qui a administré cette Académie avec tant de
distinction. J ’ai déposé nos regrets sur sa tombe. Mais le
silence ne doit pas se faire encore autour de sa dernière
demeure. Après les larmes versées, après l’expression de la
douleur de la famille et des amis, doit venir un jugement
calme et impartial sur celui qu’on a pleuré. Heureux ceux
qui survivent assez dans le coeur de leurs concitoyens, pour
qu’après l’adieu suprême, leur souvenir puisse dans un
entretien public, intéresser des auditeurs attentifs et émus.
Le tlot est si rapide, tout échappe. Mais l’oubli n’est pas
arrivé pour M. Mottet. J ’ai plus d'un titre pour vous
en parler: un Ministre éminent qui connaissait toute sa
valeur, et qui lui avait donné toute son estime, m’a appelé à
la tâche difficile de le remplacer. J’ai été son collègue dans
les assemblées du pays, au Conseil d’État. Dévoué pendant
plusieurs années aux intérêts de cette magistrature française
où je comptais tant d’amis, il était un des premiers. J’ai
donc pu apprécier et connaitreen lui le député, le magistrat
et le conseiller éclairé du prince. Vous avez pu, Messieurs,
l’apprécier sous d’autres points de vue. Ainsi se trouve
complète ici l’image d'un homme que nous avons tous
aimé.
Mes souvenirs me reportent avec un charme triste vers
l'époque où nous étions ensemble à la chambre des députés.
Tant de collègues l'ont précédé, l'ont suivi dans la tombe!
Aucun n’avait un esprit plus prompt, une conversation plus
agréable. Que d’heures passées dans les causeries les plus
spirituelles et les plus instructives! Ceux qui vivaient en ce
temps-là se rappellent tous ce petit jardin exposé au soleil
à l'extrémité du pont de la Concorde, agréable salle des pasperdus où l’été, il venait, disait-il, retrouver la Provence
tant regrettée. Il était conteur charmant comme presque tous
les Provençaux. Le public ne voit dans les assemblées
publiques que les héros de la tribune, à eux est toute la
gloire. A Dieu ne plaise que je leur envie ce noble partage,
si chèrement acheté; mais dans chaque parti, ils ne sont que
les organes d’opinions qui se forment dans les libres entretiens
de leurs collègues. On croit que ces orateurs éminents
n'arrêtent leurs yeux que sur le dehors; ils les fixent
souvent sur les bancs où ils épient avec inquiétude un
jugement favorable. Leur récompense est souvent dans un
�sourire approbateur d'un homme de mérite, plutôt que dans
les bruyants applaudissements de la foule. Corneille l’a dit:
.....................................C’est aux esprits bien farts
C’est d eux seuls qu’on reçoit la véritable gloire.
M. Mottet était de ceux dont on ambitionnait le suffrage,
auquel on demandait le mot décisif qu’il fallait dire ; véritable
autorité qui se manifestait par une bonhomie spirituelle. Nul
mauvais vouloir, nulle envie: de la finesse sans fausseté, et
si j ’osais le dire, une paresse d'esprit engageante qu’on
écoutait volontiers: car il n’y avait pas de traces d’effort dans
ses jugements.
Comme magistrat, à Marseille, en Corse, à Orléans, il a
toujours montré dans son administration un jugement équitableetdroit. LeMinistrepouvaitse fier aux présentations qu’il
faisait comme chef du parquet ; elles étaient toujours dictées
par une impartialité parfaite et par l'amour du vrai.
Le conseil d’État est une de ces institutions du Consulat,
(jue la France a conservée, et qui l'honoré. Comme toutes
les bonnes institutions , elle a ses racines dans le passé.
L’organisation est très-simple. La préparation des affaires
par des hommes spéciaux, la décision par des hommes d’une
grande expérience puisée dans les emplois supérieurs. Tout
le inonde est associé aux travaux du conseil. Dans les sections
où tous ses membres se trouvent répartis, les affaires s élabo
rent, et devant l’assemblée générale, espèce de jury, appelé
de toutes les sections, elles se décident avec sûreté. Il n’y
a pas là, ce qui souvent est la perte des grandes assemblées,
de la passion, et dès lors de divagation ; rien que de simple, de
décisif, et j’oserais même dire pas d’éloquence, si la concision
et le nerf d’une opinion bien émise, ne constituent pas
l’éloquence véritable. 11 fallait avant tout avoir un esprit
juste ; là excellait M. Mottet. Il savait trouver le joint
de la difficulté, aborder de front l’obstacle sans daigner le
tourner. Que de fois (son fauteuil était à côté du mien),après
avoir émisune opinion, j ’ai cherché à lire sur son visage si je
ne m’étais pas égaré! 11avait puisé dans les études de droit qu'il
avait faites à Aix, dans sa jeunesse, une connaissance appro
fondie des principes, sans lesquels il n’y a pas de discussion.
11ne se hâtait jamais et il arrivait toujours au but.
C’est à vous, Messieurs, à dire ce que M. Mottet a été
comme administrateur de cette ville, et quelles étaient ses
relations comme député avec ses concitoyens. Mais les souve
nirs que j’ai recueillis me le représentent veillant avec le
dévoùinentle plus entier aux intérêts de la Cité, et obligeant,
actif à faire valoir les droits légitimes qu’il était chargé de
protéger auprès du gouvernement.
Comme Recteur, il avait un tact exquis, de la mesure
et de l’autorité. 11 avait l’art d’éviter les difficultés, de calmer
les irritations. Il savait par une bonté parfaite se faire aimer
de la jeunesse, entretenir des relations faciles avec tous ses
collaborateurs. Il était difficile de lui succéder, Messieurs,
et celui qui a été appelé à ce difficile honneur n'a été sauvé (jue
par votre indulgence.
Un homme de ce pays a dit excellemment : les grandes
pensées viennent du cœur. Tout ce qui est bien en procède,
Messieurs; nous ne sommes rien en ce monde que par là. lin
penseur encore plus grand que celui queje viens de citer, en
�— 44 —
pariant d'une affection profonde, dit qu'il l’avait dam te
cœur de son cœur; connue s’il existait chez les âmes bien
nées des abimes de tendresse. On paie cher les dons qu'on
doit à cette sensibilité. M. Mottet l a bien prouvé. Sa vie
a été affligée des plus grandes douleurs: ceux qu’il a perdus
il les avait, connue dit Shakspeare, dans le cœur de son
cœur. Vous l'avez vu à cette place où je siège, récompensant
les efforts des jeuues gens studieux, foudre en larmes en se
rappelant qu il avait compté un fils parmi eux. C'est ainsi que
dans ce monde on souffre par ce qu'on vaut, et que les
plus généreux ont les plus rudes épreuves.
Les travaux de la Faculté de Théologie, qui s’accomplis
sent d’une manière utile et consciencieuse, ont besoin d’être
complétés et animés par la création d’une chaire nouvelle.
J’ai lieu d’espérer que M. le Ministre de FInstruction publi
que voudra bien, en créant la chaire d'Éloquence sacrée,
donner plus d ’éclat aux efforts de la Faculté. C'est le vœu
manifesté par l’éminent prélat, qui sait mieux qu’un autre
quelle est l'importance de cet enseignement. Les jeunes
prêtres s’animeront au feu de l’éloquence des Pères de
l'Église. Il faut que le clergé français, si respecté pour ses
vertus et pour sa doctrine, ne reste pas en arrière des
grands orateurs chrétiens auxquels la France a donné nais
sance. Certainement il n'appartient pas à tous ses membres
de donner des modèles de la grande parole chrétienne. Mais
tous peuvent apprendre à parler avec g o û t, simplicité,
correction, et à se mettre à la portée des intelligences les
plus humbles. Ce but si important pourra, j’espère, être
atteint.
La Faculté de Droit d'Aix continue dans la voie du pro
grès. Le 7.èle de MM. les professeurs ne se ralentit pas.
La largeur de leur enseignement, sa sûreté, sont de plus en
plus appréciés de tous, et l’École de Droit se maintient au
troisième rang parmi les écoles de l’Empire.
Nous avons constaté l’année dernière que le nombre des
inscriptions prises pendant les quatre trimestres s’était élevé
à 845 et dépassait de 164 celui de la précédente année.
Nous pouvons encore, au commencement de cette année
scolaire, constater une nouvelle et notable augmentation :
le chiffre des inscriptions a atteint, en 1861-1862, le chiffre
de 888, ce qui représente une différence en plus de 43.
J’ajoute que le trimestre actuel compte 255 inscriptions.
Les différentes épreuves auraient dû naturellement, ce
semble, suivre la même progression. Cependant il n’en a pas
été ainsi.
310 candidats seulement s’étaient inscrits pour des exa
mens ou actes publics, tandis qu’il yen avait 331 dans les
quatre sessions précédentes. Cette décroissance des chiffres
des candidats s’explique d’abord, par le refus du certifiait
d ’assiduité que plusieurs d’entr’eux n’ont pu obtenir à la
fin de l’année scolaire; ensuite, par cette circonstance qu'un
beaucoup trop grand nombre d’autres attachés à certaines
administrations, et dispensés à ce titre, de suivre les cours,
sont très-rarement en mesure de soutenir leurs épreuves
dans le temps opportun, et surtout d’une manière satisfai
sante.
Je veillerai à ce que cette tolérance regrettable ne devienne
pas un abus. Je me suis entendu avec les chefs d’administra
tion pour qu’ils se refusent à toutes les complaisances.
C’est un funeste présent à faire à un jeune homme que de
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le priver de suivre les cours. La parole du maître instruit
mieux que les livres. Au XVIme siècle, époque des grandes
études, on le savait bien, et l’on avait imité dans nos écoles
ces longs entretiens entre celui qui enseigne et ses] élèves,
qui avaient si largement développé l’esprit humain en Grèce.
D’ailleurs les explications bienveillantes qui partent de la
chaire éclaircissent à l'instant des difficultés qui résistent à
une lecture, quelque assidue et quelque attentive qu elle
soit.
Néanmoins, et c’est avec bonheur que je le proclame, nous
avons lieu de nous louer de nos élèves, de leur conduite, de
leur travail. Grâce à des influences salutaires, les habitudes
sont bonnes. Le soir, les élèves au lieu de la funeste fréquen
tation des lieux publics, réunis en cercle, causent et font
de bonnes lectures. Qu’ils soient bien avertis qu’ils sont à
une époque de la vie où ils ont, non-seulement la science du
droit, mais tout à apprendre. J'ai vu avec une vive satisfac
tion que les cours des Facultés étaient mieux suivis. C’est
un âge qui doit être plein d’ardeur. Rêver la science, rêver
la gloire, c’est comme une obligation de la jeunesse. Le
désappointement n’arrivera pas, croyez-moi ; la gloire non
plus peut-être, mais on aura progressé, et si l'on n’est pas
un philosophe comme Descartes, un jurisconsulte comme
Domat, on sera un bon notaire, un bon avocat, un bon
juge. On manque souvent le but quand on ne veut pas at
teindre plus loin. Heureux les élèves de rhétorique qui ont
écrit leurs tragédies! Il n’y a rien que je dédaigne comme
cette triste sagesse, qui accepte la médiocrité.
Mais je me hâte de le dire, il est parmi nos élèves des
jeunes gens distingués, et le nombre on augmente, qui prou
vent par le talent et la persistance avec lesquels ils poursui
vent le grade de docteur, qu'ils ont parfaitement compris la
nécessité d’un travail assidu dans la jeunesse. Ils ont suivi
l’exemple de leurs professeurs qui n’ont pas craint de dé
passer leur tâche, si lourde qu’elle soit déjà, et qui ont
montré, dans des cours supplémentaires, la voie à des jeunes
esprits, pour bien penser, et pour atteindre aux hauteurs
de l’enseignement.
Dans une autre solennité que celle où nous assistons, M.
le Doyen de la Faculté des Sciences et M. le Directeur de
l’Ecole de Médecine feront connaître les résultats satisfai
sants des travaux de la Faculté et de l’École.
L’année qui vient de s’écoulera été des meilleures pour
la Faculté des Lettres. Jamais ses examens n’avaient attiré
un si grand nombre de candidats, et jamais ses cours n'a
vaient été suivis par tant d’auditeurs.
Le baccalauréat és-lettres présente une augmentation
considérable. Le nombre des candidatures s’est accru cette
fois non plus d’une quarantaine seulement comme l’année
dernière, ce qui était déjà beaucoup, mais de 75, il s’est élevé
jusqu’au chiffre de 402, le plus fort qu'il ait jamais atteint.
En sorte que, si ce progrès continue, nous approcherons
bientôt du premier rang parmi les facultés de province.
Ainsi, pour l'Instruction comme pour tout le reste, la Pro
vence prend progressivement la place qui lui convient eu
égard à sa position dans l’Empire, et aux relations qui en
résultent pour elle, particulièrement avec Nice et avec l’A
frique. Tout irait pour le mieux si en devenant plus nombreux
les examens devenaient meilleurs. Il n'en est malheureuse
ment pas ainsi : La moyenne des admissions a été de 45 pour
�— 48
cent l’année dernière comme les précédentes. Les réceptions
avec mentions honorables n’ont gagné ni en nombre ni en
excellence. D’où il suit qu'en se répandant davantage,
l’instruction secondaire dans cette Académie et dans celle
d'Alger, garde le niveau qu’elle a atteint depuis plusieurs
années, qu elle ne s’élève ni ne s'abaisse. Cette absence de
progrès vient de la promptitude avec laquelle on quitte les
lycées et les collèges. A peine fait-on sa rhétorique. Si l’on
pouvait l’on fuirait dès la quatrième. On évite la logique,
cette classe si utile, où le jugement se forme et où se prend
l’habitude d’écrire avec sens. La médiocrité du succès est
en rapport avec la médiocrité des efforts. Quel remède ap
porter à cet état de choses ? Peut-être se trouverait-il dans
la modification des programmes, certainement dans l'exi
gence du certificat d’études. Tous les bons esprits se
rallieront à cette pensée, je n’en doute pas.
11 y a déjà plusieurs années que deux professeurs de la
Faculté des Lettres allaient chaque semaine à Marseille, en
seigner la littérature française et l’histoire. Les succès qu’ils
ont obtenus m’ont fait penser à compléter l’enseignement
des lettres dans cette ville, en demandant au Ministre d’y
autoriser l’envoi des autres membres de la Faculté. C’est
une pensée dont j ’ai suivi la réalisation avec persistance,
parce que je la crois sage.
La ville de Marseille, l’un des plus grands centres de
population de l’Empire, a sans contredit le droit qu’on sa
tisfasse ses intérêts les plus légitimes. Elle a manifesté
l’envie de compléter l’enseignement supérieur qui existe déjà
dans son sein, et elle s’est montrée digne de ce qu’elle pour
suivait comme un bienfait. Nos professeurs savent quel
concours d’auditeurs s’est porté à leurs leçons, et quels
encouragements ont récompensé leurs efforts.
Je voyais, en outre, dans cette mesure, réclamée par une
grande cité, le moyen d’augmenter encore l'influence et les for
ces d’une faculté déjàsi distinguée. Il nefaut pas, Messieurs, se
le dissimuler : les esprits les plus vigoureux se fatiguent d'un
long enseignement. Après un grand nombre d’années passées
dans une chaire, on voudrait souvent dire comme l’Entelle
de Virgile : Cestus artcmque repono. Mais qu’uue nouvelle
occasion de ranimer l’enseignement se présente, et ces vaillants
esprits reprennent la lutte avec plus de force. Les succès de
Marseille prouvent si j ’ai raison. Rare émulation de soi-même,
on cherchait à mieux faire à Marseille qu'à Aix, à Aix qu'à
Marseille.
Messieurs, c’est là ce qui établit que cet envoi de nos pro
fesseurs à Marseille, a été de la plus grande utilité à Aix. La
statistique est là pour le démontrer. A mesure que le nom
bre des auditeurs augmentait à Marseille, il augmentait ici
dans la même proportion, Et puis, quelle lutte pleine d'in
térêt pour ceux qui s’occupent des choses de l’esprit! Tout
professeur, tout orateur mesure son action à l’attention qu'on
lui porte; il subit l'influence de ceux qui l'écoutent. Ainsi
s’est agrandi notre enseignement de la double influence de
Marseille et d’Aix. Dans cette dernière ville, un goût éprouvé,
la tradition d’une attention intelligente et patiente ; la ville
des esprits sérieux et surs. A Marseille, l’animation, le feu,
la verve, la jeunesse de l’attention.
Les facultés verront-elles agrandir leur enseignement ?
Sera-t-il ajouté un nouveau chapitre à l’histoire si intéres
sante que vous venez d’entendre? Vous savez, Messieurs,
4.
�quelles sont à cet égard les préoccupations de M. le Ministre
de l'Instruction publique. Après les révolutions, on (atonne
souvent ; on cherche à trouver ce qui manquait aux besoins
de la société dans le régime qui tombe. On se trompe quel
quefois, surtout lorsqu'il s’agit de ces intérêts de la société
qui se rattachent à l'instruction publique où la législation est
éminemment changeante, parce qu elle doit suivre pas à pas
les mouvements et les progrès des esprits. On a cru que les
sciences n étaient pas suffisamment enseignées dans les lycées,
et il est permis de croire que, tout en améliorant l’instruction
sur ce point, et ce fut un grand bienfait, on aurait pu
peut-être respecter toute la force de l’enseignement des
lettres. Il est un besoin peut-être plus réel que celui qu’on
a voulu satisfaire. A côté d’une instruction classique, chaque
jour montre qu’il est nécessaire de s'occuper de Tinstruction
professionnelle. Nous tenons beaucoup des Grecs et des
Romains ; mais devons-nous rester toujours renfermés dans
ces traditions classiques? Si en France, l’influence de l’Église,
à une époque de notre histoire, et, plus tard, la Renaissance
ont fait revivre chez nous le goût, la passion de l’antiquité,
maintenant que se développe d’une manière admirable le
commerce et l’industrie, ne faut-il pas donner satisfaction à
des besoins nouveaux ? L’Instruction secondaire doit recevoir
des modifications ; mais faudra-t-il que l ’enseignement des
facultés en subisse ? (Lest là un sujet de méditation qu’a
indiqué le Ministre dans le remarquable discours qu’il a
prononcé à la distribution des prix du concours général et
auquel il convie tous les bons esprits. Ne verrons-nous
pas l’économie politique, l’histoire du commerce, de la na
vigation conquérir leur place dans nos facultés? Seront-elles
Les concours annuels entre les étudiants n’ont pas seulement
pour but.de récompenser les plus dignes. Ils tendent aussi à
exciter l’émulation de tous. Leur résultat immédiat est une
légitime satisfaction donnée au mérite dont la supériorité a
été constatée. Leur effet indirect, mais non moins certain,
est l’amélioration de l’ensemble des études, I élévation pro
gressive de leur niveau. C’est par là qu’ils justifient les en
couragements dont ils sont l’objet, la munificence généreuse
(pie veulent bien leur témoigner l’Université et le conseil
général du département.
Cette année, comme les précédentes, nous avons pu ap-
�précier cette favorable influence des concours sur le zèle des
étudiants et sur leurs progrès dans la science du droit. Si
peu d’entre eux ont obtenu l’honneur du triomphe, beau
coup se sont empressés de le disputer, et les vaincus, non
moins que les vainqueurs, ont gagné à la prévision de la lutte
dans laquelle ils devaient s’engager, une assiduité plus cons
tante aux leçons des professeurs, une préparation plus com
plète aux examens, une étude plus approfondie des principes,
une lecture plus attentive des textes. Il y a eu profit pour
tous, même pour ceux qui sont restés étrangers à ces pacifi
ques combats, et que l’exemple de leurs condisciples a néan
moins stimulés et soutenus. C’est ce que démontrera une fois
de plus le rapport que l'honorable confiance de mes collègues
m ’a chargé de vous présenter.
Le droit de propriété est, après les droits de famille, le
plus important de tous ceux qu’un législateur prévoyant peut
avoir à réglementer et à garantir. En même temps qu’il forme
une des bases les plus solides de l’ordre social, il est le point
de départ ou le but de tous les efforts individuels. Ces carac
tères appartiennent surtout à la propriété immobilière qui,
malgré les merveilleux accroissements que l’activité moderne
a donnés aux valeurs mobilières, reste toujours la suprême
aspiration de la plupart des particuliers, le symbole le plus
respecté de la personnalité humaine, l’appui le plus ferme
des gouvernements, la ressource la plus féconde et la plus
sûre de l’État dans les moments de crise et de calamité.
C’est de ces considérations que s’est inspirée la Faculté, en
faisant du droit de propriété foncière, examiné sous deux
aspects différents, l’objet du concours des deux premières
années d’études.
Les étudiants de première année avaient à rechercher com
ment sont constituées et acquises, en Droit Romain et en
Droit Français, les charges réelles qui peuvent grever la pro
priété foncière ; charges que les jurisconsultes romains dési
gnaient sous le nom de servitudes prédiales, et que le Code
Napoléon appelle seulement servitudes ou services fonciers.
Vingt-cinq compositions ont été soumises à la Faculté.
Quatre lui ont paru dignes de récompense; ce sont celles de
M. Blache, qui a obtenu le premier prix par l’exactitude de
ses solutions, la clarté de sa méthode et la correction de son
style ; de M. Ripert, qui a mérité le second prix, et dont le
travail n’est inférienr au précédent que par défaut d'abon
dance et de développement ; de M. Valabrègue qui, au con
traire, a fait preuve de beaucoup de fécondité, mais qui n’a
pu, néanmoins, remporter qu'une première mention, à rai
son de l’obscurité et de la confusion dont il n’a pas su tou
jours se préserver; de M. d’Hauthuille, enfin, dont le nom,
cher à la science et à la Faculté, est plein de promesses et
d’espérances, à qui une seconde mention a été décernée, et
qui aurait obtenu mieux, sans les hors-d’œuvre auxquels il
s’est laissé entraîner et les oublis qu’il a commis.
En deuxième année, le sujet du concours était la transla
tion de la propriété immobilière par l’effet des contrats à titre
onéreux, sous le Code Napoléon, et les changements intro
duits par la loi du 23 mars 1855. Peu de matières offrent
plus d’intérêt, soit.sous le rapport pratique, soit au point de
vue historique. Les plus belles théories, les plus curieuses
recherches d’érudition, les plus savantes controverses se rattahent, par un lien intime et nécessaire, à cette grande
question de la translation de la propriété immobilière, ques-
�{ion qui n'a cessé de préoccuper les législateurs et les juris
consultes de tous les temps et de tous les pays. Renfermée
dans les limites qui lui avait assignées la Faculté, pour plus
de précision et de clarté, elle formait le thème de très riches
développements, et donnait aux étudiants l'occasion de pleine
ment justifier de i'étendue et de l’exactitude de leurs con
naissances acquises.
Vingt-six candidats ont concouru. Cinq ont été jugés
dignes de récompenses. M. Jannet, déjà premier lauréat de
l'an passé, a obtenu encore cette année le premier prix. Son
travail, complet, judicieux et approfondi, laisse seulement à
désirer plus de clarté dans la méthode, plus de sobriété dans
les digressions, plus de concision dans le style. La composi
tion de M. Montamat n’a pas les défauts, mais a encore
moins les qualitésde la précédente. Quelques inexactitudes et
trop peu d'attention donnée à l’ancien droit, n’ont permis de
lui décerner que le second prix, malgré l'ordre et la netteté
qui la distinguent. MM. Chamontin et Rostand, l'un et l'autre,
moins complets et moins exacts que leurs deux condisciples,
classés avant eux,, se sont partagé la première mention,
méritée, pour le premier, par la manière remarquable dont
il a traité la question d’après les principes du Code Napoléon ;
pour le second, par l’ensemble plus satisfaisant de son tra
vail. Une deuxième mention a été accordée à M. Léon Estrangin, dont la composition, judicieusement ordonnée et
correctement écrite, n’est pas assez approfondie, et s’égare à
la fin dans une controverse étrangère au sujet.
La propriété mobilière, quoique issue du même principe,
et rationnellement assise sur la même base que la propriété
immobilière, a cependant été soumise, par la plupart des
législateurs, à des régies fort différentes, soit quant à sa ges
tion, soit relativement à sa transmission. La matière où la dis
semblance entre les deux natures de propriété se fait le plus
vivement sentir et présente le plus d’intérêt pratique, est le
régime de communauté, droit commun des époux, dans toute
la France, à défaut de conventions contraires ; droit libre
ment choisi et préféré par eux , dans les deux tiers de
l’Empire. C’est à la recherche et à l’analyse des points de
contact, si nombreux et si délicats, entre la propriété mobi
lière et. la propriété immobilière, que la Faculté a vouln
convier les étudiants de troisième année, en leur donnant,
pour sujet du concours de Droit Français, l’administration de
la communauté conjugale. Trois candidats ont concouru.
M. Lepeytre a mérité le premier prix par un travail complet
et habituellement exact, où l’on voudrait seulement un peu
moins d’inutiles répétitions, et un peu plus d'aperçus géné
raux. Le second prix a récompensé, dans la composition de
M. de Laget, une bonne méthode et un bon style, malheureu
sement déparés par d’assez graves omissions et par trop de
brièveté sur les points les plus importants. M. Bouteuil a
obtenu une mention honorable, pour la rectitude de ses solu
tions, malgré les défectuosités de sa rédaction et sa trop
grande timidité à l'endroit des théories d’ensemble.
En Droit Romain, les étudiants de troisième année avaient
à traiter du mandat et de ses diverses espèces. Des trois
compositions qui ont été présentées à la Faculté, aucune n’a
pleinement répondu à ses intentions. Elle a cru néanmoins
devoir accorder un premier prix à M. Bouteuil, pour la clarté
de sa méthode et l’exactitude de sa doctrine, dans les limites
trop restreintes où il s'est renfermé ; un deuxième prix à
�M. deLaget, pour ses eiïorts méritoires, mais trop peu cou
ronnés de succès, en vue d’embrasser tout le sujet et d'en
approfondir les parties les plus intéressantes.
Après ce rapide exposé des concours entre les aspirants au
baccalauréat ou à la licence, j'ai maintenant à parler de celui
beaucoup plus sérieux entre les aspirants au doctorat et les
docteurs. La question choisie par M. le Ministre de l’instruc
tion publique avait pour objet les nullités de mariage dans
l'ancien droit et dans le droit actuel. C'était une étude com
plète sur l'essence et les conditions de validité du mariage,
aux différentes époques‘de la législation, qui se trouvait ainsi
proposée à l’émulation des jeunes légistes.
Un seul mémoire a été déposé au secrétariat de ia Faculté.
Ce mémoire contient cent cinquante-neuf pages, grand for
mat et d’écriture très serrée.
L’auteur a commencé par une introduction, dans laquelle
il signale les origines rationnelles des nullités de mariage, et
indique les rapports qui existent entre les conditions de vali
dité de l’union conjugale et l’esprit général de la législation,
à ses diverses époques. Après cette sorte de préface histori
que et philosophique, il a successivement traité des conditions
essentielles du mariage; de l’action en nullité et des excep
tions qui peuvent y être opposées ; des tribunaux compétents
pour y statuer et des moyens de preuve admis devant eux en
cette matière; des effets de l’annulation judiciairement pro
noncée.
De ces quatre grandes divisions, la première, base et point
de départ des trois autres, devait naturellement être la plus
étendue. L’auteur y a séparément étudié les vices dont peut
être entaché le consentement personnel des parties ; les règles
concernant les consentements accessoires qu elles doivent
obtenir ; les différentes causes d’empêchement (pii peuvent
s’opposer à leur union : les conditions de forme et de publi
cité que doit réunir l’acte qui la constate.
Le second chapitre, consacré à l’étude de l’action en nullité,
se résume dans la distinction doctrinale et dans l’examen mé
thodique des nullités relatives et des nullités absolues, en
matière de mariage. Le troisième chapitre renferme un exposé
critique de la procédure suivie devant les officialités, sons
l’ancien régime. Le quatrième, enfin, a surtout pour objet les
effets de l'annulation, lorsqu’il y a eu bonne foi des deux
époux ou de l’un d’eux. En d’autres termes, le sujet qui s’y
trouve principalement traité, est le genre de mariage auquel
les jurisconsultes ont donné le nom de mariage putatif.
Telle est l’analyse succincte et fidèle du mémoire soumis à
la Faculté. C’est un travail considérable, bien ordonné, géné
ralement exact et convenablement écrit. Le style en est tou
jours clair et facile. Quelquefois il s’anime et dénote une cha
leur dam e, qui ne messied pas dans une question qui touche
aux plus hauts intérêts de l'ordre moral. Cequi manque, c'est
l’originalité des recherches, c’est la profondeur des discus
sions. L’auteur n’a pas assez exploré les sources primitives,
il s’est trop souvent contenté d’une érudition de seconde
main. Il a rempli le cadre, tel qu’on le trouve habituellement
tracé dans les ouvrages usuels, et a négligé d’en élargir les
proportions. Il n’a même pas épuisé toutes les controverses
soulevées par la doctrine et la jurisprudence, et l’on remar
que, dans son mémoire, d’assez graves omissions, surtout
en ce qui concerne le mariage putatif.
Ces imperfect ions ne permettaient pas à la Faculté de dé
�cerner la grande médaille d'or, la plus élevée de toutes les
récompenses dont elle dispose, et qu’il convient, dans l’in
térêt du progrès des études, de n accorder qu avec une ex
trême réserve. Mais si elle n'a pu donner la première de ses
couronnes, elle a été heureuse d'en avoir une seconde à dis
tribuer. Le mémoire qu elle était appelée à juger, lui a paru,
à tout égard, mériter une deuxième médaille : honneur déjà
rare, et qui doit être, pour celui qui l’obtient, un encourage
ment à tenter une nouvelle épreuve pour atteindre au som
met des succès académiques.
L’ouverture du pli cacheté, qui contenait le nom de l’au
teur, a été pour la Faculté l’occasion d’un vif sentiment de
satisfaction, en lui révélant que cet auteur était M. Charles
Bernard, petit-fils de son ancien doyen, dont le souvenir lui
sera toujours cher. Que ce jeune légiste trouve, dans la
récompense qu’il vient de conquérir, un motif de redouble
ment d’ardeur et un titre de plus à sou admission dans les
rangs de la magistrature. C’est le vœu que forment pour lui
les anciens collègues de son aïeul, heureux d’acquitter une
dette de cœur après avoir accompli un acte de justice.
Arrivé au terme de ce bulletin d’honneur et de victoire,
j’éprouve le besoin de m’adresser à la masse entière des
étudiants, et je leur dis à tous sans exception ni distinction :
aspirez aux prix ; mais attachez-vous surtout à faire ce qu’il
faut pour les mériter. Travaillez avec un zèle soutenu, et
préparez-vous, par de persévérants efforts, à occuper digne
ment les postes divers que la société vous réserve. En vous
honorant vous-mêmes, vous ferez la joie de vos familles et
l’orgueil de vos maîtres, dont la seule ambition est de vous
voir grandir en moralité et en science.
R a p p o r t «le 11. l e l l o y e n «le la E ^ a eu lté
«le T li«‘o l o £ i e .
Monsieur
ce
R ecteur ,
Le professeur de Üogme a traité du Mystère de la
Très-Sainte Trinité avec les développements que mérite
une aussi importante matière.
M. l’abbé Bonneville, professeur de Morale, a continué
l’exposition de l’intéressant sujet qu’il avait abordé l’année
précédente:, le mariage chrétien. Il a fixé 1attention de ses
élèves sur les deux grandes bases de la famille et de la société:
T unité et l’indissolubilité du mariage.
M. Reynaud, professeur déÉcriture Sa inte, a parlé des
diverses révolutions du globe constatées par la science, et il
a montré que loin de contredire le récit de Moïse, la science
au contraire, l’explique et le confirme.
M. l’abbé Bicheron, professeur à’Histoire et de disci
pline ecclésiastique, a donné Yhistorique du célibat ecclé
siastique et de la prière sacerdotale, l i a dit les origines,
les obligations, les bienfaits de ces deux grands devoirs
imposés au prêtre catholique et qui sont sa gloire en même
temps qu’ils révèlent le secret de sa puissance.
M. l’abbé Diouloufet, professeur d'Hébreu, a continué
ses études grammaticales mais savantes sur la langue sainte.
Dans le courant de l’année scolaire, quatre examens ont
été subis avec succès devant la Faculté de Théologie.
�—
l'n examen de baccalauréat.
Trois examens de licence.
M. l’abbé Louche, du diocèse de Marseille, a été reçu
bachelier.
Ont subi les épreuves de la licence :
M. l’abbé Ricard, du diocèse de Marseille, avec la men
tion bien ; M. l’abbé Figuières, professeur au Petit Sémi
naire d’Aix, avec éloge ; M. l’abbé Louche, à la majorité
des suffrages.
M. l’abbé Espieux, professeur-suppléant, ayant donné sa
démission, M. l’abbé Boyer, chanoine de la cathédrale d'Aix,
a été nommé, par arrêté du 27 octobre 1 8 6 2 , profes
seur-suppléant, pour la chaire de Dogme, à la Faculté de
Théologie d’Aix.
R a p p o r t (le I I . Ic D o y e n île la I^ a e u lté
«le D r o it.
Messieurs ,
Avant de mettre sous vos yeux le tableau fidèle de la
marche des études dans notre Faculté, dont la situation mo
rale n’a rien laissé à désirer, permettez-moi d’exprimer ici la
vive satisfaction que j’éprouve à voir sa prospérité toujours
croissante, et tous les membres dont elle se compose, jaloux
de soutenir sa bonne réputation par une louable rivalité de
61
zèle et de dévouement, qui leur attire depuis longtemps les
llatteuses sympathies et l’honorable confiance des pères de
famille.
Je me plaisais, en effet, à constater, l'année dernière,
que le nombre des inscriptions prises pendant les quatre tri
mestres s’était élevé à 845 et dépassait de 164 celui de la
précédente. Eh! bien, je puis signaler aujourd’hui une nou
velle augmentation assez notable, puisqu’elles ont atteint,
en 1861 -1862, le chiffre de 888, ce qui présente une diffé
rence en plus de 43.
Félicitons-nous donc des circonstances heureuses à la
faveur desquelles notre Faculté se maintient non - seulement
sans interruption au troisième rang des établissements du
même ordre, mais peut se promette encore un plus brillant
avenir, si j ’ajoute que le trimestre actuel compte déjà 264
inscriptions.
Les différentes épreuves subies auraient dù naturellement,
ce semble, suivre la même progression. Cependant il n’en a
pas été ainsi, et j ’en indiquerai bientôt la cause.
3 10 seulement s’étaient inscrits pour des examens ou
actes publics, tandis qu’il y en avait 331 dans les quatre
sessions précédentes.
Cette décroissance dans le chiffre des candidats s'explique
d ’abord par le refus du certificat d’assiduité que plusieurs
d’entr’eux n'ont pu obtenir à la fin de l'année scolaire, et,
en second lieu, par cette circonstance qu'un beaucoup trop
grand nombre d’autres, attachés à certaines administrations
et dispensés, à ce titre, de suivre les cours, sont très-rare
ment en mesure de soutenir leurs épreuves dans le temps
opportun, et surtout d'une manière satisfaisante.
�— 63 —
Aussi, 11e tarderons-nous pas à voir jusqu'à quel point
cette tolérance regrettable exerce une influence fâcheuse sur
leurs études.
Dans les diverses catégories de ceux admis à l'examen,
qui étaient, comme je l'ai dit. 310, on en comptait 90
appartenant à la première année et 79 à la deuxième, en
y comprenant 12 aspirants au certificat île capacité.
En troisième année, il s’en est présenté 39 pour le pre
mier examen de licence; 44 pour le deuxième, et 38 pour
l’acte public.
En quatrième année, sur 20 candidats, 14 ont été admis
à subir le premier examen ; 3 , le deuxième, et le dernier à
la soutenance de sa thèse.
Voici quels ont été les résultats de ces différentes épreuves
considérées dans leur ensemble.
23 d’entr'elles ont été jugées dignes d’une réception avec
éloge, et il n’a manqué qu’une boule blanche de plus à 32
autres pour mériter cette distinction ; 151 ont encore ob
tenu l’unanimité des suffrages; 70, la simple majorité, et
32 ont été suivies de l’ajournement
En comparant ces résultats à ceux de l'année dernière,
ou les réceptions honorables atteignirent le chiffre de 33,
supérieur de 4 à celui des rejets, ils témoigneraient aujour
d'hui, j’en conviens, d'une infériorité regrettable, puisque
les succès et les revers se seraient produits en sens inverse
de ceux que nous signalions dans notre précédent rap
port.
Mais, si 1inégalité est plus saillante, cette année, au double
point de vue de la faible diminution que les éloges ont subie
et de la légère augmentation constatée sur le nombre des
ajournements, elle est amplement balancée par la médiocrité
avec laquelle furent soutenues, dans les quatre sessions an
térieures, 94 épreuves ternies par une boule noire, tandis
que celles de 1861-1862 n'en comptent que 70 figurant
dans cette fâcheuse catégorie.
Ajoutons du reste que la Faculté regarde comme un devoir
de conscience celui de se montrer de plus en plus sobre
d'admissions élogieuses, pour leur donner plus de prix, et
d'apprécier surtout, avec 1 impartiale sévérité que commande
la justice distributive, l'aptitude des candidats qui croiraient
avoir des titres à une excessive indulgence , par cela même
que leur assiduité aux cours n’est pas rigoureusement
exigée, à cause d'une position qu'il leur plaît d’appeler
exceptionnelle.
Si elle l’est en réalité, c'est uniquement en ce sens que
leur qualité d’employés les exonère de l’obligation de les
suivre, mais, tant, s’en faut que cette faveur s'étende au point
«le leur conférer une immunité absolue, notamment celle
d’une capacité bien constatée et de connaissances acquises à
l'aide d’un travail sérieux.
Si les élèves auquel je fais allusion entendaient mieux
leurs véritables intérêts, ils rachèteraient par de plus longues
veilles et des études approfondies l’immense désavantage
qu’il y a pour eux à ne pouvoir profiter des leçons de leurs
maîtres, qui seuls ont la mission et les moyens de les initier
progressivement à toutes les notions de la science juridique.
Mais, jusqu’alors, disons-le sans détour, qu’on ne soit pas
surpris de voir accroître les insuccès en proportion du plus
ou moins grand nombre de ceux qui n'auront tenu aucun
compte de ces observations et des avertissements salutaires
�— 64 —
que M. le Recteur, dont la parole aura beaucoup plus d’au
torité et d’influence, voudra bien leur donner à ce sujet.
Examinons maintenant et en détail de quelle manière se
sont répartis les succès et les revers entre les élèves de
chaque année.
Dans la première, où il s’est présenté 90 candidats, par
mi lesquels figuraient 39 retardataires, l'éloge a été décerné
à8 d’entr’eux, dont je vais bientôt proclamer les noms, ne
fùt-ce <pie pour encourager ces jeunes adeptes de la science
qui, au début de leurs études, ont ainsi donné l’exemple
édifiant de l’amour du travail, d’une assiduité constante aux
cours de leurs professeurs et aux conférences , dont la
plupart ont déjà recueilli le prix dans le concours ouvert à
leur émulation.
Sur cette liste d’honneur viennent se placer en première
ligne, MM. Blacheet Ripert, premier et deuxième prix; MM.
Valabrègue et D'Hauthuille, première et deuxième mention;
MM. Royer, Ferreri, Jouve et Krasinski.
A un rang moins élevé , mais encore honorable se trou
vent 13 autres candidats dont les épreuves satisfaisantes ont
été admises par deux boules blanches et une rouge, récep
tion trop voisine de celle avec éloge, pour que l’amourpropre de ceux qui font obtenue n'en soit pas aiguillonné
au point de leur faire ambitionner cette dernière.
Des 67 candidats de la première année qui restaient, 40
ont eu f unanimité des suffrages; 11, la majorité simple et
10 ont été ajournés.
Je dois dire à la louange de cette catégorie d’élèves quo la
généralité de leurs épreuves a été loin de révéler l'insuffi
sance de préparation et l'infériorité bien marquée que je
signalais à regret dans mon rapport antérieur ; car le plus
grand nombre de ceux dont l’admission a ôté déparée par
une boule noire, ou qui ont échoué complètement, se com
pose de retardataires , puisque sur les 51 admis à l’examen
pendant la quatrième session, terme normal des études, on
n'en trouve qu'un seul reçu avec une boule noire et 5 autres
ajournés.
Dans la deuxième année, qui comptait 12 aspirants au
certificat de capacité et 67 au grade de bachelier, une ad
mission élogieuse a récompensé les efforts de 8 d'entr’eux,
dont un, M. Rocaserra, appartenait à la première de ces
catégories, et 7, à la seconde.
Ces derniers, parmi lesquels figurent 5 lauréats, sont :
MM. Jannet, Montamat et Chamontin, tous trois cou
ronnés pour la deuxième fois au concours ; MM. Rostand,
Estrangin Léon, Estrangin Eugène, qui y ont obtenu une
mention honorable, et M. Guibert.
39 autres, dont 4 admis par trois boules blanches et une
rouge, ont réuni les suffrages unanimes; 11, la majorité, et
un nombre égal a encouru le rejet.
Ici vient se reproduire l’observation faite au sujet des épreu
ves de la première année, que la plupart de ces derniers échecs
ont été subis par des élèves en retard de se présenter pour
l’examen auquel ils ne sont jamais préparés d'une manière
complète. En effet, sur 11 que nous venons de constater,
4 seulement se sont, produits à la quatrième session qui
amène la clôture des cours.
Parmi les aspirants à la licence, dont le nombre ne s’est
élevé qu’à 121 : ehiffre inférieur de 36 à celui de l'année
�précédente, 39 se sont inscrits pour le premier examen ;
44 pour le deuxième et 38 pour la thèse.
Les résultats de ces différentes épreuves ont attesté dans
leur ensemble une amélioration notable dans la marche de
ces études, et je me plais d’autant plus à la constater qu'elles
avaient souvent laissé beaucoup à désirer.
Je signalais, il est vrai, dans mon précédent rapport,
quelques progrès à cet égard, qui révélaient, d’un côté, une
certaine diminution dans le chiffre des insuccès , et, de
l'autre, une augmentation satisfaisante dans celui des récep
tions honorables.
Mais ces progrès ont été infiniment plus sensibles, cette
année, comparativement surtout au petit nombre de candi
dats admis à des examens ou à des actes publics. Car,
nonobstant la réduction considérable que ce nombre a subie,
les admissions avec éloge, qui se sont élevées à 8, n'en ont
éprouvé aucune, et la Faculté n'a prononcé que 7 ajourne
ments, lorsqu'on en comptait 10 de plus dans les quatre
sessions antérieures.
Ajoutons que trois thèses remarquables, rédigées avec le
plus grand soin et disertement soutenues, ont été suivies
d’une admission par cinq boules blanches. Ce sont celles de
MM. Boutueil, de Laget. et Bastide, tous trois lauréats du
concours de cette année, ou de la précédente, dans laquelle
fût également couronné, M. Baret, dont la réception aurait
été aussi élogieuse, sans une boule rouge qui l'a empêché de
participer à cette flatteuse distinction.
Quant aux épreuves du doctorat, dont le chiffre s’est
élevé jusqu’à 20 et présente en plus une différence de 7 sur
celles subies en 1860-1861, 16 ont été jugées dignes
d’admission et 4 ajournées.
Parmi les premières, il en est une qui se distingue de
toutes les autres, d’abord comme étant la seule qui roulât sur
l’acte public, et, en second lieu, par la manière on ne peut
plus satisfaisante dont elle a été soutenue.
La dissertation présentée par le candidat se faisait remar
quer autant par le mérite du style parfaitement approprié
à son sujet que par l'ampleur des développements et la
richesse des aperçus historiques. Aussi, la justesse de ses
réponses et la solidité de son argumentation n’ont-elles étonné
aucun de ses juges, car il avait en sa faveur des antécédents
trop honorables pour que l’on put révoquer en doute une
aptitude dont il avait déjà donné tant de preuves dans les
divers concours où la première palme lui avait été décernée
à quatre reprises différentes. Énumérer des succès si nom
breux et si rarement obtenus dans ces luttes glorieuses
ouvertes à l’intelligence fécondée par le travail, c’est rappeler
en quelque sorte un nom qui sera historique dans les annales
de la Faculté où il a laissé d'impérissables souvenirs.
Aussi, n’aurai-je pas besoin de vous dire, Messieurs, que
je veux parler de M. George, qui, à la suite de ces vérita
bles triomphes, a vu couronner ses généreux efforts par la
collation du grade de docteur à boules toutes blanches.
Il est encore trois candidats dont je ne puis également
passer sous silence les noms et la capacité bien reconnue. Ce
sont: MM. Clappicr, Reboul et Sarrus qui ont été reçus d’une
manière presque élogieuse, chacun d’eux ayant obtenu quatre
boules blanches et une rouge : le dernier, à la deuxième
épreuve du doctorat; les deux autres, à la première.
�~
Je nepuis mieux terminer, Messieurs, ce compte renduquven
t o u s signalant un nouveau succès de M. Charles Bernard,
petit-fils de mon honorable prédécesseur, qui, après avoir
obtenu un prix et deux mentions dans le cours des trois
années précédentes, a remporté la deuxième médaille pour le
mémoire par lui présenté au concours ouvert entre les doc
teurs et les aspirants à ce grade.
Ces résultats sont, comme on le voit, généralement satis
faisants, et témoigneraient de certains progrès dans la mar
che de nos études. Mais , je ne saurais dissimuler qu'ils
l’eussent été bien davantage, si les élèves de la quatrième
année, mieux pénétrés de cette vérité que la parole et la sage
direction du maître sont toujours inappréciables, même pour
les intelligences d’élite, avaient répondu par une exactitude
exemplaire au zèle infatigable et désintéressé des professeurs
qui s’étaient bénévolement imposé la pénible tâche de faire
des cours spéciaux pour le doctorat dont quelques élèves
trop peu nombreux ont connu tout le prix.
Espérons néanmoins qu’une fois éclairés sur leur propre
insuffisance, ils seront les premiers à solliciter la réouverture
de ces cours qui leur offraient tant d’éléments nouveaux
d'instruction qu’ils doivent certainement regretter aujour
d ’hui de n’avoir pas mis à profit.
69 ~
R a p p o r t d e AI. le D oyen de la F a c u lt é
des L e ttre s .
Messieurs ,
L’année passée a été des meilleures pour la Faculté des Let
tres: jamais nos examens n avaient attiré un si grand nombre
de candidats; et jamais, à tout prendre, nos cours n’avaient
été suivis partant d'auditeurs.
Quand je dis nos examens, il est bien entendu, Messieurs,
qu’il s’agit du baccalauréat principalement. Car le doctorat,
le plus élevé des grades que nous puissions conférer, conti
nue à n’exister plus pour nous qu’en puissance, la Faculté
des Lettres de Paris se trouvant en avoir en quelque sorte le
monopole; et, quant à la licence, grade tout universitaire,
qui n’est guère recherché que par les fonctionnaires du corps
enseignant, régents ou répétiteurs, notre clientèle est restée
à peu près la même. Trois candidats se sont présentés à la
session de novembre, sixàcelle de juillet: neufen toute l’année,
ce qui est un nombre ordinaire. Mais le résultat a été au-des
sous de l’ordinaire, ou, pour mieux dire, très-médiocre. Les
trois aspirants de novembre ont tous échoué dès la première
épreuve à cause de la faiblesse de leurs compositions. Les six
de la session de juillet sont parvenus à grand’peine à fournir
deux licenciés. Il faut ajouter toutefois que par compensation
1 un des deux était un étudiant en droit, ce que nous considé
�rons toujours comme une bonne fortune, et ce que nous avons
toujours soin de vous signaler, Messieurs, persuadé que vous
attachez comme nous le plus grand prix à tout ce qui resserre
ou parait resserrer l'alliance si désirable des lettres et de la
jurisprudence. Ce licencié de surérogation, pour ainsi dire,
estM. Rostand, de Marseille, le même qui avait déjà obtenu
une première mention au concours de l’École de Droit pour
les prix, le même dont le nom ligure encore honorablement
cette année parmi ceux de ses condisciples les plus distingués.
Ces deux avantages de différente sorte remportés presque coup
sur coup s'expliquent et se confirment l’un l'autre.
Le baccalauréat présente une augmentation considérable.
Le nombre des candidatures, accru cette fois, non plus d'une
quarantaine seulement comme l’année dernière, ce qui était
déjà beaucoup, mais de 75, s’est élevé jusqu’au chiffre de
402, le plus fort qu'il ait jamais atteint. En sorte que, si le
progrès continue, nous approcherons bientôt, sous ce rap
port, du premier rang parmi les Facultés de province, comme
l’a fait déjà dans cette Académie la Faculté de Droit, notre
aînée. Ainsi, pour l’instruction comme pour tout le reste, la
Provence prend peu à peu la place qui lui convient eu égard
à sa position dans l’Empire et aux relations qui en résultent
pour elle, particulièrement avec Nice et avec l’Afrique. Tout
irait pour le mieux si, en devenant plus nombreux, nos
examens devenaient meilleurs. Mais, quelque envie que j ’aie
de garder le ton de l’optimisme, la vérité plus puissante
m’oblige à déclarer que la force des épreuves est restée la
même : ce qui le prouve, c'est la moyenne des admissions qui
a été de 45 pour cent l’année dernière comme les précédentes;
joint que les réceptions avec mentions honorables n’ont guère
gagné non plus en nombre ni en excellence. D’où il suit que,
en se répandant davantage, l’instruction secondaire, dans
cette Académie et dans celle d’Alger, garde le niveau quelle
a atteint depuis plusieurs années, qu’elle ne s'élève ni ne
s’abaisse.
Permettez-moi, Messieurs, de m'en tenir à ces indications et
à ces conclusions générales, seules importantes et fondées sur
de suffisantes observations. Y ajouter des détails de statis
tique ou des comparaisons soit entre les différentes sessions
de l’année, soit avec celles des exercices précédents, en rap
portant d’une manière nécessairement peu éloquente les
boules de toutes couleurs obtenues dans tels ou tels cas,
serait un travail facile en vérité, mais qui n’est pas suscep
tible d’un grand intérêt. Je les supprime donc, avec la cer
titude de ne vous causer ni tort ni déplaisir, et de peur de
fatiguer inutilement votre bienveillante attention.
Pour ce qui regarde nos cours, même obligation d’être
bref, parce qu'il n'est pas possible d’être neuf. Il y a des
choses qui peuvent plaire encore quand on les redit, mais
non pas quand on les redit pour la cinquième ou sixième fois;
et c’est le cas où je me trouve. Sur nos leçons et sur les per
sonnes qui veulent bien venir les entendre ou qui y sont
tenues, les étudiants, sur l’augmentation et la diminution de
nos auditoires suivant les changements de professeurs ou
le choix de leurs sujets, suivant les variations des saisons ou
d’autres circonstances analogues, j'ai épuisé dans mes pré
cédents rapports toutes les ressources de langage contenues
dans le dictionnaire des synonymes, en me plaçant à tous
les points de vue que comporte la matière et en saisissant
curieusement toutes les particularités toujours peu nombreu-
�— 72 —
ses et peu variées que fournissaient les événements de
Fannée. Mais, pour Tannée dont j ai l'honneur de vous rendre
compte, Messieurs, un fait, un seul, mérite par sa nouveauté
et son importance de vous être signalé et même exposé avec
quelque étendue. C’est, pourquoi je m’y attache uniquement,
et j’ose espérer que vous voudrez bien y prêter l’oreille, en
faveur de ma discrétion sur tout le reste.
Jusque au commencement de cetle année, vous ne l'avez
pas oublié, Messieurs, la Faculté des Lettres d’Aix envoyait
deux de ses professeurs seulement faire des cours publics à la
Faculté des sciences de Marseille. Leur succès extraordinaire
tit naître la pensée de généraliser leur mission en l’étendant à
leurs trois antres collègues ; de telle sorte que, par un arran
gement unique dans LUniversité de France, notre Faculté tout
entière, sans cesser d’être Àixoise par la résidence et pour les
examens, irait faire des leçons à Marseille tout en continuant
à en faire à Aix. Depuis assez longtemps projeté et à la fin
résolu grâce aux pressantes démarches de M. le Recteur, à
la puissante intervention du haut fonctionnaire qui administre
le département, et au bon vouloir éclairé du Conseil Muni
cipal de la ville, cet essai fut mis à l’application dès le mois
de janvier. Quel en a été le succès? Comment ont été accueillies
à Marseille r à côté de Yhistoire et de la littérature française
qui nous avaient servi comme d’avant-garde, la littérature
ancienne, la littérature étrangère et la philosophie?
Vous savez déjà, Messieurs, et il n’est pas besoin de vous
rappeler combien avaient été goûtées à Marseille l’histoire et
la littérature française professées par nos deux plus jeunes
collègues, MM. Ouvré et Joly. C’est un sujet dont vous a
plusieurs fois entretenus ici M. le Doyen de la Faculté des
Sciences avec une habileté de plume et une élégance de style
que vous avez certainement appréciées. Mais, pour moi, je
l’avoue, j ’avais redouté le prestige de son talent sous ce
rapport : j ’avais craint que, usant largement d’une figure de
rhétorique qui semble expressément destinée à venir en
aide à l’orateur en pareille circonstance, et mû par un senti
ment très-louable d’affectueuse confraternité, il n’eût pré
senté la chose d’une manière extrêmement avantageuse tout
au moins. Jetais curieux de constater par moi-même ce qu'il
fallait au juste en penser. Eh bien ! Messieurs, je dois en
faire l’aveu, si pénible qu’il soit, la vérité est que j’avais
tort.
Situé au centre de la ville, non loin du lycée, du musée et
de la bibliothèque, au milieu d allées de platanes qui rappel
lent ceux de l’Académie sous lesquels enseignait Platon, le
lieu de nos séances est une sorte d’asile intellectuel où vien
nent se recueillir au sein des sciences et des lettres les esprits
cultivés qui ne se laissent point étourdir par le tumulte des
affaires. Or, pour ce qui concerne les lettres en particulier, à
moins d’avoir assisté à nos réunions, toujours nombreuses,
quoique ayant lieu presque au milieu du jour, on ne saurait
se faire une idée de la curiosité vive et empressée, de l'intel
ligence exquise et de la touchante bienveillance avec lesquelles
nos paroles ont été constamment écoutées. Devant ces visages
si sympathiquement attentifs et empreints d'un caractère
d’affectueuse déférence, il n’est personne de nous qui n'ait
reconnu dans des auditeurs ainsi disposés |de véritables
enfants de la Grèce, des descendants de cette nationsprivilégiée à qui le ciel avait accordé l’esprit, un goût particulier
�— U
pour les choses de l'esprit, avec l'amour et le talent de l'élo
quence :
Gratis ingcnium, Graiis dédit ore rotundo
Musa ioqui.
Je n’irai pourtant pas jusqu’à dire au sujet de ces modernes
représentants de la Grèce ce qu’ajoutait Horace en parlant
de leurs ancêtres, qu’ils n’ont d’autre souci et d’autre am
bition que d’acquérir de la gloire :
Procter laudem nul lias avaria.
Non; je ne fais point une peinture imaginaire, mais un
portrait aussi fidèle qu'il m’est possible : Marseille est
grecque, mars fille de Phocée ; le commerce est resté son
occupation principale, sa profession ; ce qui ne-l’empêche pas
néanmoins d’avoir le même caractère général que sa noble
race, dont elle a conservé les instincts intellectuels. C’est la
mal juger que de prétendre que, absorbée par les soins-du
négoce, elle est devenue indifférente aux choses du goût et de
l’imagination. Il n’en est rien vraiment. Nous pouvons, pour
notre part, en donner l'assurance. Dans cette population si
éprise des richesses, si ardente au gain, si attentive à en re
chercher et à en saisir toutes les occasions, les esprits d’élite,
et le nombre en est plus grand qu’on ne se l’imagine, ont
pour les lettres et pour tous les arts qui élèvent l’àme en
l’éclairant ou en l’émouvant autant d'estime que d ’aptitude.
C’est ainsi, du reste, que dans la Grèce ancienne, au premier
rang des peuples les plus puissants par le commerce, se
trouvent précisément ceux qui se sont immortalisés par leurs
chefs-d'œuvre dans les arts et en littérature. En général
même, l’histoire n autorise-t-elle pas à dire que, bien loin
qu'il y ait incompatibilité entre les deux choses, les époques
de grande culture intellectuelle ont été également celles où il
y a eu le plus de mouvement d’affaires et de prospérité com
merciale ; témoin , non-seulement en Grèce le siècle de
Périclès, mais encore en Italie celui des Médicis et celui de
Louis XIV en France? Toutes les Heurs s’épanouissent en
même temps dans le champ de la civilisation, ou, pour le dire
en termes plus simples et plus conformes à nos habitudes de
style, tous les développements de l’activité humaine, au lieu
de se nuire et de s'exclure, se prêtent un mutuel secours et
se produisent ensemble.
Vous concevez, Messieurs, combien mes deux collègues
et m oi, vieux serviteurs, nous avons été flattés de cet em
pressement du public à suivre nos leçons, et combien nous
avons dû faire d’efforts, afin de nous soutenir à la hauteur de
cette position nouvelle. Mais, s'il en est résulté pour notre
esprit une augmentation d'ardeur, si nous avons tous rajeuni
en quelque sorte intellectuellement au contact de cette ville de
mouvement et de progrès, où on se sent pénétré delà vie qui
y circule incessamment sous toutes les formes et dans tous les
sens, il en est résulté aussi des fatigues que nous n'avons pas
tous également supportées. Notre tâche de professeurs, ainsi
doublée, nous ayant imposé l’obligation de faire chaque
semaine le voyage de Marseille, je n'ai pu, pour ma part,
suffire à la peine. Les forces m’ont manqué au milieu delà
carrière, et pendant le semestre d’été, très-court, d’ailleurs,
j’ai eu le vif regret de ne pouvoir prendre part avec mes-
�collègues à ces excursions hebdomadaires, si attrayantes
d'abord, et auxquelles ma santé alïaiblie m’oblige de renoncer
pour un temps encore, sinon pour toujours.
L’année scliolaire terminée et la lin des vacances approchant r
est arrivée la nouvelle que notre Faculté perdait de la manière
la moins douloureuse, il est vrai, mais enfin perdait un de
DE LA FACULTE DES SCIENCES
ses membres, M. Joly, nommé, sur sa demande, professeur
de littérature française à la Faculté des Lettres de Caen.
Celle d’Aix, à laquelle il a fait honneur, on peut le dire en
E T D E L 'É C O L E P R É P A R A T O I R E
toute vérité, se trouve ainsi privée d’un maître éprouvé, non
moins recommandable comme humaniste par la variété et la
solidité de ses connaissances que comme professeur par la
distinction et bélégance de sa parole. En quittant la Provence,
M. Joly y laisse les meilleurs souvenirs, et il emporte avec
les regrets de ses anciens collaborateurs ceux du public lettré
dont il avait su gagner les suffrages dans la chaire qu’il a
dignement remplie, pendant prés de cinq ans, tant à Ai*
qu'à Marseille.
DE
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACIE
DE M A RSEILLE.
L e 2 5 n o v e m b r e 1 8 6 2 à M a r s e i l l e , a e u l i e u clans
le gi a n d a m p h i t h é â t r e d e la F a c u l t é d e s S c i e n c e s , la
r e n t r é e s o l e n n e l l e d e l a F a c u l t é d e s S c i e n c e s et d e
l ’É c o l e d e M é d e c i n e .
Celte s o l e n n i t é ,
que
p r é s i d a i t M.
Desclozeaux,
R e c t e u r d e l ’A c a d é m i e , a v a i t a t t i r é u n e g r a n d e af
f l u e n c e d ’a u d i t e u r s .
P a r m i les p e r s o n n e s n o ta b le s qui se tro u v a ie n t à
la s é a n c e o n r e m a r q u a i t M g r l ’É v ê q u e d e M a r s e i l l e ,
M. C r o î s , v i c a i r e - g é n é r a l ,
M.
le M a i r e d e M a r se i l l e ,
M. le p r o c u r e u r i m p é r i a l , e t p l u s i e u r s m e m b r e s d u
t r i b u n a l c iv i l e t d u t r i b u n a l d e c o m m e r c e , l ' I n t e n
d a n t m i l i t a i r e , M. le c o l o n e l , c o m m a n d a n t d u g é n i e ,
M. le c o l o n e l d e l a g e n d a r m e r i e , M. le P r o v i s e u r d u
�78 —
lycée im p é ria l, M. le C enseur. MM. les Professeurs
tlu lycée, une division des élèves.
Un grand no m b re d ’ecclésiastique, et p resq u e tout
le corps consulaire av aien t h o n o ré l'assem blée de
le u r présence.
M. le R ecteu r, ay an t d éclaré la séan ce o u v erte, a
d o n n é la parole à M. M orren, Doyen de la Faculté
-des Sciences, chargé du d isco u rs de re n tré e .
M onsieur i.e R ecteur , M essieurs ,
Les sciences ont fait depuis deux siècles des progrès si
rapides, leurs applications ont été si nombreuses, si variées,
si populaires, et ces dernières surtout ont donné à notre épo
que un caractère si spécial, que je me sens tout naturel
lement engagé à conduire vos esprits vers ce champ de
mes préoccupations habituelles, espérant d’une part exciter
plus aisément votre intérêt par le choix même du sujet qui
fera l’objet de ce discours, de l’autre adoucir sensiblement
pour moi les difficultés de la tâche qui m’est en ce moment
confiée.
Dans cette pensée, Messieurs, j ’essaierai de vous présenter
quelques considérations sur les applications modernes de la
science, et sur l'influence qu elles exercent déjà autour de
nous.
Le moyen le plus prompt, le plus facile d’entrer dans
mon sujet, serait de vous conduire à une de ces merveilleuses
fêtes de l’industrie moderne dont la dernière vient de se ter
miner il y a quelques jours à peine en Angleterre, et de vous
faire le tableau des incomparables richesses que les exposi
tions de Paris et de Londres ont offertes à leurs visiteurs.
L’Angleterre, à cause de l’immense étendue de son commerce
et de ses relations extérieures, a présenté un caractère parti
culier qui convient à ma pensée.
Fière à bon droit de sa grandeur politique, commerciale et
industrielle, l’Angleterre, dans un appel porté par ses vais
seaux d’un bout du monde à l'autre, a convié toutes les na
tions civilisées à venir exposer les produits les plus beaux et
les plus variés de leurs arts et de leur industrie. Sous les
dômes tlu palais qu'elle a construit dans ses parcs, assise
dans toute sa gloire, cette reine du commerce et des mers a
ouvert avec confiance, une libérale et pacifique arène où,
toutes les conquêtes de la science et de l'industrie étrangère
peuvent, venir lutter contre les prodiges réalisés par elle, et
recevoir de sa main la palme réservée au plus digne.
Ces expositions se sont d’elles-mêmes divisées pour nous
en deux parties parfaitement distinctes : d'une part, les pro
duits envoyés par l’Orient; de l'autre, les produits de la civili
sation occidentale.
Les premiers, malgré la longue distance qui pouvait ren
dre leur arrivée si pénible, si difficile, me causèrent et par
leur nombre et par leur beauté une surprise profonde. Je fus
séduit, charmé, à la vue du fini dans le travail, de la richesse
dans la matière et de la perfection dans les détails qu'un exa
men attentif révélait à chaque pas. Ici les tapis et les tissus
d’Orient, les soyeux cachemires, les brillantes étoffes brochées
d’or avec leurs harmonieuses couleurs et le caprice heureux
de leurs dessins ; là l’ivoire, le sandal, les métaux eux-mêmes
�—
8«
—
81
—
travaillés, ciselés avec une patience et une adresse infinies.
Les porcelaines, les laques japonaises et chinoises, les émaux
et toutes ces œuvres séduisantes, remarquables par l’ori
ginalité curieuse de la main qui les avait produits et du
pinceau facile et léger qui les avait ornés. Ces merveilles
d’adresse et de patience défiaient les doigts de fée les plus
habiles.
Chez les nations occidentales, un tableau d’un tout autre
aspect se présente anx yeux. On ne pense plus à s’arrêter
devant des prodiges semblables à ceux de l’Orient. On oublie,
on dédaigne presque le travail de la main humaine, tant sont
gigantesques, magnifiques et variées les œuvres qu’un agent
mystérieux a mises au jour et amoncelées avec une effrayante
profusion; il semble que l’Oocident a conquis et courbé sous
sa puissance un prodigieux esclave. Entrez dans la longue
galerie des machines qui s’animent sous son souffle ; là est
écrit son nom. Vous contemplerez son action infatigable qui
ne dort ni ne repose; son adresse que rien ne déconcerte, sa
patience que rien ne rebute, et sa puissance qui est sans
limite comme sa docile obéissance; la même action qui tisse et
brode, en Europe aussi, les étoffes les plus délicates, les plus
fines, les plus légères que l’œil de l’homme ait jamais con
templées, soulève avec aisance ces outils, ces marteaux gi
gantesques qui travaille et tourmente le bois, le fer, le bronze
et l’acier. Parmi ses œuvres accumulées on voit avec saisis
sement ces merveilleux engins qui sur les flots maintenant
asservis, poussent nos vaisseaux rapides , sans souci
désormais des vents et de la tempête et qui font voler comme
l ’oiseau, les multitudes sur les voies ferrées.
II semble que l’Occident aidé par ce magique travailleur a-
maintenant dompté, asservi la matière ; l'espace il le dévoie,
e temps il le multiplie par la fiévreuse continuité du travail
de son esclave; l’espace et le temps! Ces deux dons que la
Providence ne nous a donnés qu'avec la parcimonie la plus
extrême !
Ce n’est pas tout encore, les découvertes de la science por
tées sans réserve et dés quelles paraissent à la connaissance de
tous, font naître de toutes parts les plus ingénieuses applica
tions ; car c’est par les applications recherchées avec une
fiévreuse ardeur, que le fils de l’Occident établit et propage
son irrésistible empire. Rien n’échappe, rien ne se dérobe à
la poursuite de la race audacieuse de Japhet. Ici c'est l'élec
tricité, c’est la foudre qui porte sa pensée et ses ordres d'un
bout du monde à l'autre ; là c’est la lumière elle-même qui
malgré ses mystères et sa vitesse est asservie à son tour. An
photographe elle donne ces merveilles de reproduction fidèle
que vous connaissez tous ; à l’astronome, au moment même
ou je parlo, elle livre les moyens de mesurer avec une pré
cision inespérée la parallaxe du soleil en s’appuyant sur la
vitesse même de la lumière et de remanier ainsi en distance,
en volume et en masse, tous les éléments de notre système
solaire ; au chimiste elle révèle un moyen d’analyse sans égal
par sa promptitude et sa délicatesse; les réactions lumineuses
des flammes diversement colorées suffisent pour faire recon
naître la présence de la plus impondérable parcelle de matière
et pour demander aux flambeaux qui éclairent les cieux de
quelles substances ils sont formés.
La géologie née d’hier est cependant déjà à la hauteur de
ce mouvement admirable. S’appuyant sur les vérités con
quises par les sciences ses sœurs aînées, la géologie emprunte
6
.
�à la physique, à la chimie, à l’histoire naturelle, des leviers
énergiques avec lesquels elle se met résolument à l’œuvre.
Sa main soulève, son œil interroge les couches diverses qui
composent l’épiderme du globe. Quelques débris échappés
aux cataclysmes des anciens jours suffisent à sa pénétration.
Sa sagacité qui n’a d’égale que son activité sans borne, évo
que et ranime sous la poussière des âges et dans leurs formes
merveilleuses, les animaux et les plantes qui précédèrent
l’arrivée de l’homme sur la terre, et montrèrent à ces pre
mières et antiques journées de notre planète, la puissance et
les grandeurs infinies de la création. Mais la géologie est fille
de l’Occident; elle voit donc aussi s’ouvrir pour elle le champ
des applications heureuses; elle guide les pas du mineur,
autrefois si aventureux et désigne du doigt avec certitude,
les terrains où l’industrie trouvera ses ressources et ses
richesses.
Je m’arrête, Messieurs, car j’aurais à parler longtemps
encore si je voulais faire ici un résumé complet des découvertes
de la science. D’ailleurs, grâce à la dilfusion des lumières et
à la rapidité sans égale avec laquelle les faits scientifiques se
répandent en Europe, il n’est parmi ceux qui m’écoutent,
personne qui ne puisse ajouter à mes paroles et augmenter
sans mesure le tableau que je viens d’esquisser. Aussi, Mes
sieurs, au sein de ces expositions universelles, où tous les
produits du monde sont réunis et subissent une inévitable
comparaison, l’esprit se trouve invinciblement conduit à
des méditations saisissantes par les perspectives qu’elles
révèlent. Pour l’Occident la même main qui produit les mer
veilles réclamées par les arts delà paix, sait également fabri
quer avec une perfection terrible les armes de la domination
et de la guerre ; et en voyant cette supériorité écrasante pos
sédée d'une manière exclusive par les nations de l’Occident,
on s'inquiète, on s’enquiert de l'avenir qui se prépare-pour
notre globe.
Autrefois le barbare envahisseur du monde romain n’avait
pour lui que la force brutale ; maître des peuples qu’il avait
vaincus, il lui fallait à son tour s'incliner devant les lumières
et l’irrésistible pouvoir d'une civilisation qui le dominait
malgré lui. Mais aujourd'hui l'Orient n’a rien qui puisse le
protéger et le défendre, car l'Occident a pour lui et la puis
sance de l'esprit et la puissance de la force. N’est-ce pas à
bon droit qu’il nous faut voir les nations éperdues s’incliner
soumises devant cette double grandeur et se résigner à une
domination fatale. Voyez avec quelle rapidité déjà les faits se
produisent. Malgré les difficultés et les embarras de la po
litique intérieure en Europe, jamais peut-être les ardeurs de
la race et l’invincible discipline de l'association n’ont mieux
répondu aux exigences que placent devant nous ces croisades
nouvelles. En Amérique rien n'arrète la race Anglo-saxonne;
soutenue par le flot perpétuel de l'émigration européenne,
que ne rallentit pas une lutte déplorable et fratricide, elle
envahit sans relâche les profondeurs des solitudes du nouveau
inonde et refoule sans pitié devant elle les races indigènes. En
Afrique, de tous côtés, au nord, au sud, à l’ouest s’avancent
les drapeaux de la France et de l'Angleterre. En Asie, de
toutes parts le fils de l’Occident pénètre et impose sa puis
sance; en Chine, à Pékin même la cité impériale dépouillée par
une poignée de soldats de son antique et menteur prestige,
dans l’empire d'Annam, partout, l’Europe a montré ses
armes et dicté ses lois.
�—
Quel spectacle, Messieurs, et pour le monde quel moment
solennel! Combien on aimerait en ces circonstances suprêmes
à voir nettement tracés et dignement sentis les devoirs que
tant de puissance impose aux races chrétiennes aux mains
desquelles la Providence a remis à la fois la tutelle avec la
domination.
Sans vouloir comparer notre époque et surtout ses labeurs
scientifiques aux merveilles des temps passés, sans chercher
sous quels rapports nous pouvons l'emporter sur nos devan
ciers et sans vouloir ranimer cette vive question des anciens
et des modernes, il nous est impossible, cependant, de ne
pas indiquer en quelques mots, que l’édifice des sciences, si
magnifique aujourd’hui, n’a pas reçu du passé, dans toutes
les parties dont il se compose, un héritage d'égale valeur.
Celte différence est même pour quelques-uns très-profon
dément marquée ; ainsi le Chaldéen qui n’avait pour tout
auxiliaire que l’azur d’un beau ciel sur sa tête, a fait faire
cependant à l'astronomie des pas qu'il nous faut admirer.
Avec l’astronomie, les mathématiques, la mécanique, la
médecine, les sciences naturelles ont vu à presque toutes les
époques dans l’antiquité de grands génies assurer leur marche
et augmenter leur domaine. Mais pour quelques sciences,
pour les sciences physiques surtout, cherchez des hommes
illustres, des écoles éminentes, et vous reconnaîtrez que
malgré la renommée d’une secte célèbre, et à part quelques
noms de l’école d’Alexandrie, antérieurs à 1ère chrétienne,
jes anciens ont peu de chose à, nous léguer. Cependant la
nature dans ses manifestations a pour tous les hommes un
attrait séduisant. Chaqne fois qu’un phénomène se produit,
tous nous nous surprenons à l’examiner avec un soin cu
rieux et à en rechercher très-avidement les causes. Pourquoi
en présence de dispositions si faciles, si universelles, la phy
sique n’a-1 -elle pas commencé avec l’origine du monde?
Pourquoi les anciens, pourquoi les grecs surtout, ces maitres
incomparables en tant de choses, nous ont-ils sous ce rapport,
si peu laissé? Cette recherche a un intérêt qui séduit et attire.
Les grecs sont la seule nation qui nous ait livré des monu
ments écrits dans lesquels se révéle à nous la science antique;
nous n’avons, pour soupçonner ce que pouvait être le savoir
des autres peuples de l'antiquité, que les ruines souvent im
posantes de leurs édifices, ou les récits bien insuffisants de
l’histoire. Dans les lettres, et les arts, les œuvres grecques
épargnées par le temps resteront toujours pour nous de
merveilleux et inimitables modèles dégoût, d’élégance et de
sublime inspiration. Sous la poussière des siècles, et malgré
les mutilations du temps, ces chefs-d’œuvre du génie exer
cent encore sur nos âmes, un irrésistible empire, et cependant
nous sommes en dehors du milieu au sein duquel vivait et
sentait le peuple grec. Que de grandeur, que de charme pour
nous, cette seule circonstance leur enlève ! Pourquoi donc
avec des qualités si puissantes, leurs grands hommes sontils loin d’atteindre dans les sciences physiques, cette perfec
tion qui semble presque partout l’apanage du génie grec?
Les sciences, les sciences physiques surtout, sont les filles
de l’observation, de l’expérience et de la méditation, elles
naissent de l’étude patiente, attentive, désintéressée, et sans
parti pris des faits. La marche lente et méthodique est une
nécessité pour elles; le génie lui-même n'en est pas dispensé.
Le monde grec se développait sous un beau ciel, et sur une
terre fortunée ; ses premiers siècles représentent le genre lui-
�86
main dans une radieuse adolescence. À ceux qui croient que
dans les diverses phases des âges, les hommes ont présenté et
présentent encore des variétés de race produites par le climat,
les institutions elles mœurs, nous dirons que jamais facultés
plus belles, jamais plus heureux dons de l'imagination et du
goût ne furent donnés à l’homme ici-bas. Institutions politi
ques, croyances religieuses, dispositions natives, tout portait
cette race privilégiée vers les séductions délicieuses de la poésie
et des beaux-arts. Mais ces merveilleuses qualités qui per
mettaient d’atteindre dans cette voie, et d’un seul bond une
perfection presque idéale, devenait un danger, un obstacle
même dans l'étude austère des sciences. Les philosophes et
les écoles grecques en ont de toutes parts fourni la preuve, on
se contentait de quelques faits observés, de quelques vérités
incontestables, et l'imagination bien plus encore que l’expé
rience venaient combler les lacunes que les vérités laissaient
entre elles.
Dans tout système, l'argument, le maître l’a dit, était sans
réplique et dispensait le fidèle et respectueux disciple d in
terroger cà son tour les faits et la nature.
Une autre cause certainement la plus puissante de toutes,
et sur laquelle il est de mon devoir d insister vivement, venait
encore apporter à la marche de la science les difficultés le^
plus extrêmes.
Les riantes erreurs delà mythologie payenne et les licen
ces de créations si faciles à l’imagination antique, avaient
multiplié sans mesure le nombre des dieux et des déesses.
Il n’y avait pas un heu, pas un phénomène, il n’y avait pas
même un point du foyer domestique qui n’eut sa divinité
protectrice. Le tonnerre qui brille et gronde c’était Jupiter et
sa foudre ; le vent qui souffle c’était Eole et sa cohorte ; le
soleil, c’était Apollon avec son char et ses coursiers. Un des
pères des premiers temps de l'église a compté cinquantetrois divinités, dirigeant la croissance et la vie de l’épi
de blé. Dans les airs, sur les eaux, sur la terre, partout il y
avait des dieux occupés à conduire, à diriger les moindres
manifestations des forces de la nature, non pas suivant des lois
immuables, mais suivant leur gré, leurs caprices, et ces pas
sions sans nombre que les grecs accordaient avec une extrême
largesse à leurs divinités. Quand la récolte manquait, il y avait
eu distraction chez l’un des dieux qui avait oublié son office;
et s'il arrivait à un esprit méditatif de chercher à approfondir
les faits qui se passaient devant lui, s’il arrivait à Aristarque
de Samos, trois siècles avant Jésus-Christ, de pressentir le
système de Copernic, et d’émettre la pensée de la rotation de
la terre, sur son axe, et autour du soleil, on l’accusait de
troubler le repos des dieux, de violer leurs secrets réservés,
et les mystères respectables de la nature; souvent de rigou
reuses condamnations atteignaient et punissaient cruellement
les novateurs impies et téméraires. Le christianisme au con
traire, enseignant un Dieu unique et souverain, disait à tous
que le magnifique ensemble des choses créées, est l'œuvre d'un
seul acte de sa puissance. La sagesse du Tout-puissant qui
partout commande et conserve, a imposé à la matière obéis
sante des lois immua blés, sous l'action desquelles se produi
sent et se continuent les splendides et mystérieuses manifes
tations do cet univers, où l’homme doit lire son nom et sa
grandeur.
Le christianisme a le premier placé la science humaine,
dans la voie féconde et vraie, où l'observation, l'examen,
�—
88
—
fétude attentive ne sont plus un sacrilège, mais une obliga
tion sainte. Prométhée peut désormais sans crainte ravir le
l'eu du ciel. Dieu par le christianisme a brisé les cieu\ incor
ruptibles de la science antique, et dans tous les points de
l'espace livrant aux investigations humaines l'œuvre divine, il
a voulu que l'homme devint son sublime admirateur. Aussi
lorsque les misères des temps, et le torrent des invasions bar
bares eurent produit en Orient et en Occident le triste naufrage
des lettres, des arts et des sciences, c'est à la cour des évê
ques, c’est dans les cloîtres, que les derniers restes du feu
sacré se réfugièrent.
Nous sommes restés longtemps, Messieurs, devant le bril
lant et futile édifice de la mythologie payenne, mais les cro
yances et les idées dont elle avait imbu tous les esprits ont
longtemps dominé le monde et entravé, au moins dans les
sciences physiques, la marche de l’esprit humain. Combinées
avec quelques doctrines orientales, ces croyances ont pro
longé pendant longtemps la foi dans les causes occultes, la
plus ou moins subi l'empire. Enfin, grâces aux eiforts et aux
conquêtes du XVIe et du XVIIe siècle une aube nouvelle a
commencé. Il m’a sufïi de nommer cette époque pour amener
sur vos lèvres les noms immortels de Bacon, Descartes,
Galilée et Newton. Grâces aux bienfaits dune méthode féconde
qui est leur ouvrage et qui a guidé leurs travaux, fédifice
des connaissances humaines a été reconstruit sur des bases
solides et nouvelles. Pour les sciences, seule partie qui doive
nous occuper ici, c'est à l’expérience qu’il faudra désor
mais demander les faits et le contrôle. Les faits, toujours
les faits, voilà la pierre fondamentale; et si quelquefois l’hy
pothèse et les idées préconçues peuvent être provisoirement
acceptées pour diriger un système particulier d’expérimenta
tion, il faut dés que le fait a prononcé, dès que le flambeau
de l’observation a donné sa lumière, if faut que la science
chargé de lire l’avenir dans les entrailles du poulet sacré, à
ta fiole deCagliostro, il n’y a qu’un pas; tous descendent des
sources antiques ; et dans l’esprit du vulgaire le nom
de physicien rappelle aujourd’hui encore le magicien du mo
yen âge. Cependant les erreurs de l’astrologie sont pour tous
actuellement si puériles et si dédaigneusement condamnées,
que nous voyons avec surprise des hommes tels que Plolémée
le savant astronome, plus tard Roger Bacon et même le grand
docile s’avance à la clarté et fasse bon marché de l’hypothèse
même la plus séduisante, lorsqu’un seul fait la condamne et
ne marche plus avec elle. Enfin, il faut demander au calcul et
à l’analyse leur puissante lumière, et chercher à arriver à la
démonstration de la vérité nouvelle par les procédés les plus
divers.
A sa naissance cette méthode est le privilège de quelqnes
hommes de génie qui dotent la science des plus magnifiques
découvertes.
Mais les hommes, comme Descartes, Galilée, Newton, qui
font faire à l’esprit humain des pas qui tiennent du prodige,
n’apparaissent qu’à de rares intervalles, et il serait triste
de n’attendre le progrès que d ’eux seuls. On a dit et c’est
noire époque surtout qui a vérifié la justesse de cette vérité
Kepler, ne pouvoir se dérober à ces croyances dont ils ont
populaire, on a dit, il y a quelqu'un de plus habile encore
foi dans le pouvoir de quelques hommes,, de quelques initiés
sur les phénomènes naturels et surnaturels. Du devin Calchas,
au sorcier de quelques-unes de nos campagnes, de l’augure
�que l'homme de génie, c'est tout le monde. Or, précisément
les travaux qui seront accomplis grâces aux bienfaits de la
méthode nouvelle présentent ce remarquable caractère, 'que
le nombre de ceux qui ont contribué à faire marcher la science
a été en augmentant sans cesse et suivant une progression ra
pidement croissante. Depuis un siècle les esprits des savants
ont présenté moins souvent la profondeur et la puissance
souveraine du véritable génie, mais les découvertes inces
santes de cette nombreuse pléiade d’hommes distingués ont
plus fait pour la science que les actions d'éclat de leurs rares
et admirables devanciers. Du reste, tout se tient et s'explique
dans le mouvement que la science a suivi ; les rapports entre
les différents savants étaient à l'époque de Galilée et de New
ton lents et difficiles, les communications ne s'échangeaient
qu après un laps de temps considérable. Ainsi les doctrines
de F. Bacon, n’ont été connues en France qu’au milieu du
siècle dernier, par la publication des lettres anglaises de Vol
taire, après 100 ans d’attente.
Tandis que de nos jours l’imprimerie, la poste, les jour
naux, reproduisent les nouvelles et les écrits avec une activité
sans égale qui permet en quelque jours, quelquefois en quel
ques heures, déporter d’un bout de l’Europe à l’autre, la
connaissance d'une découverte. Celle-ci va trouver au loin un
esprit préparé par des éludes spéciales qui en tire aussitôt et
avec un succès inespéré des conséquences inattendues.
Ainsi donc par l’imprimerie, la locomotion rapide, la télé
graphie et les applications innombrables des sciences,l’homme
a non-seulement doublé sa puissance et sa vie, mais il a fait
du savoir un domaine auquel un plus grand nombre peut
désormais aspirer ; partout l'intelligence moyenne a vu rapi
dement s’élever son niveau, et les procédés de la méthode
expérimentale, qui d’abord ne s’étaient répandus qu'avec
lenteur, ne gagnant à la cause sacrée que le petit nombre des
esprits d’élite auxquels seulement elle était révélée,sontaucon
traire portés partout avec une magique rapidité. Les esprits les
moins familiarisés avec les procédés de la science, empruntent
à ses méthodes, souvent même sans qu'ils en aient conscience,
des habitudes de précision et de rigueur que les autres siècles
n'ont pas vu entrer comme monnaie courante dans les plus
simples relations de la vie. Ne nous y trompons pas, Mes
sieurs, l'influence est bien autrement profonde qn'on ne
pourrait le soupçonner d’abord et son effet ne tend rien
moins qu'à modifier les mœurs et l'esprit des nations mo
dernes.
Tout sera-t-il bénéfice dans ces modifications si grandes 1
Beaucoup de bons esprits voient de réels dangers dans la
progression excessive de la puissance humaine ; à les entendre,
les bienfaits même de la science, de ses applications surtout,
en produisant une masse énorme de travail et par conséquent
de richesses, ont fait naître de toutes parts une recherche
avide de la fortune, un amour excessif du bien-être et mie
préoccupation permanente des intérêts matériels, sans équi
libre aujourd'hui avec le culte de l'idéal et le développe
ment des plus beaux instincts de notre nature. Les arts, la
littérature, lapoésie, les dieux s’en vont, disent-ils, et jus
qu'aux mœurs si gracieuses et à b urbanité si connue de nos
pères, tout quitte peu à peu notre société moderne si fière
cependant des triomphes matériels qui s’accomplissent.
Nous nous agitons follement à la poursuite de décevantes
utilités, oubliant trop la meilleure part, celle qui se rattache
�— 03 —
aux plus intimes affections aux plus nobles besoins de l iutefligenee et du coeur.
Voilà, Messieurs, des plaintes bien vives; faut-il dans la
roule vers le mystérieux avenir où nous conduit la Providence*
que la science reste chargée de si lourds anathèmes, anathè
mes, disons-le en passant, qui n’ont pas manqué aussi, dans
leurs jours de splendeurs, aux lettres elles-mêmes les grandes
civilisatrices.
Ces plaintes, Messieurs, ont été depuis les plus anciens
temps formulées. L’amour excessif du bien-être, les recher
ches du luxe sont au nombre des plus vieux instincts de la
nature humaine ; nulle journée de son histoire n’en a été
exempte. Caton le censeur, dans les austères et grandes épo
ques de la république romaine, Caton faisait entendre des
reproches amers contre le luxe général et contre les exagéra
tions dispendieuses de la toilette des femmes; et Home alorsn’était certainement pas le sanctuaire des sciences.
D’ailleurs, Messieurs, les sciences appliquées, si belles au
jourd’hui peuvent aussi dés leur enfance recevoir les mêmes
reproches; ainsi le jour où après avoir appris à ses dépens que
le silex était dur, résistant et souvent d'un tranchant redou
table, le jour où l’homme tira de cette pierre, devenue dès
lors précieuse, ces couteaux, ces haches, ces bouts de llèche
que nous trouvons ça et là comme témoignage de l’industrie
de la race humaine dans sa première enfance et sa plus déso
lante pauvreté, dès ce jour la science appliquée prenait nais
sance. Plus tard les armes de cuivre, de bronze, de fer,
d’acier, sont des faits de même nature, dont l'origine et la
date se perdent dans la nuit des temps; que ces applications,
qui ont été pour l'homme les premiers et précieux moyens-
d attaque et de défense; qui ont augmenté sa sécurité, son
bien-être et adouci son existence, soient devenues trop sou
vent le brutal et douloureux auxiliaire de ses passions, de ses
mauvais instincts, nous ne pouvons le méconnaître, mais ces
méfaits reprochés ne sont pas inhérents à la science, ils appar
tiennent aux faiblesses et aux conditions d’existence de notre
nature.
Les meilleures choses entre les mains des hommes, ont
leurs abus et leurs dangers; la liberté elle-même a produit
Dieu des crimes, doit-on pour cela accuser et proscrire ce don
divin qui donne à nos actions et leur moralité et leur mérite.
L intelligence d’ailleurs ne peut embellir et augmenter son
domaine sans que le cœur ne s’élève et ne s’améliore à la vue
de ces nouveaux horizons. La science, Messieurs, impose
donc des obligations saintes. 11 faut de toute nécessité ponr
nous, à mesure que se développe notre puissance, et avec
elle le pouvoir de mal faire, il faut dans un juste équilibre,
que tout ce qui tend à nous faire rester fidèle aux saintes lois
du devoir, reçoive un développement égal dans nos âmes, an
grand profit de la moralité humaine. Laissons donc un libre
cours à des doléances qui ont leur côté utile et protecteur ;
nous aimons d’ailleurs ces cris d'alarme qui rappellent
vivement à l’ordre l'humanité quand elle fait fausse roule.
N’avons-nous pas à prendre courage en jetant un regard plus
attentif et plus ferme sur la société moderne? Dés qu'un
danger, dès qu’un ennemi est signalé, ne voyons-nous pas
des intelligences d’élite prêtes partout sur la brèche pour le
combat. La science de plus a cessé d ètre, comme au siècle
dernier, matérialiste et athée. Voyez l’Angleterre si positive,
si ardente à la poursuite des intérêts matériels, sur les deux
�— 95
dômes qui dominent son palais de l’exposition universelle,
u’a-t-elle pas gravé ces mots: Soli Deo honor et gloria,
Gloria in excelsis Deo et interrâ p ax. La.science de tous
côtés, au nom des prodiges qu’elle découvre, ramène les
esprits à l'admiration de celui qui a fait les merveilles sans
nombre de l’univers. Spiritualiste avant tout, et soucieuse
de répondre aux besoins les plus sacrés de notre âme, elle
incline nos fronts devant celui qui nous à placés en contem
plateurs et en rois au milieu des splendeurs de la création.
Voyons donc, Messieurs, dans l’augmentation de notre
puissance matérielle, les moyens d étendre et de fortifier le
règne de la vérité dont l’auguste dépôt a été remis à l'Occi
dent Nos locomotives, nos vaisseaux rapides, nos publications
sans nombre, sont encore plus les auxiliaires de nos idées et
de notre influence morale que les moyens de porter au loin
notre domination. Celle-ci passera, comme toute puissance
humaine; les vérités que nous aurons portées partout, péné
treront lés âmes qu elles ne quitteront plus.
Et nous, Messieurs et chers collègues, nous en ces lieux les
dépositaires et les gardiens du trésor sacré, n ’oublions pas la
mission qui nous est donnée au sein d’une ville où toutes les
prospérités du commerce, toutes les fortunes d’une position
incomparable, tendent à exalter sans mesure la préoccupation
souvent exclusive de la richesse et du bien-être. L’aniourde la
vérité pour elle-même et de la science pour la science, tels
sont les sentiments que nous avons à cultiver et à répandre.
Partout dans notre chère patrie une noble phalange combat
avec nous ; unissons-nous à elle, et tendons-lui de tous
côtés la main. La Providence remet en ce moment le sceptre
et la domination du monde aux nations de l’Occident, et la
France qui marche au premier rang parmi elles, saura se
montrer digne de ce glorieux mandat; elle conservera sa po
sition sainte en développant et en répandant à pleines mains,
au nom de la charité, non-seulement l’amélioration matérielle
qui est une des richesses de la science, mais aussi toutes les
lumières delà vérité, tous les trésors de la morale qui sont
les richesses de l’âme.
M. le R ecteu r a pris la parole en ces term es:
M onseigneur , M essieurs ,
On vient de vous dire, en termes heureux, les progrès
qu’ont fait les sciences de notre temps et l’utilité de leurs
applications. Ces progrès trouvent des détracteurs. Ces ap
plications brillantes inquiètent d’honnêtes esprits. Rassu
rons-nous: la marche des sciences n'en sera pas ralentie.
Elles ont la devise de Pierre-le-Grand : vires aequirit eundo.
Rien dans le monde ne s’arrête. Ces inquiétudes, notre ora
teur en a parlé; continuons un instant l’entretien; le sujet
le mérite, Messieurs.
Mais avant de parler de ceux que ces merveilleuses
applications de la science inquiètent, parlons de ceux qui les
dédaignent. Il est des hommes entièrement voués à la médi
tation, amoureux des principes, méprisant les conséquences
pratiques, qui pensent qne la science comme la vertu, doit
vivre éloignée du monde. Ils trouvent dans l'alliage du gain
�•
— 9G —
obtenu et de l'ambition satisfaite quelque chose qui altère le
type si pur de la science.
Cette fierté a sa noblesse. Mais n’y a-t-il pas une satisfac
tion réelle à faire le bien de ses semblables, à adoucir les
conditions de leur existence, et à prendre rang parmi les
bienfaiteurs d ef humanité? Au reste, que cette fierté se rassure.
Il est peu d’inventeurs qui aient atteint la fortune et qui aient
fui l’envie. Newton seul a pu jouir en ce monde d’une im
mortalité anticipée et tranquille. La pauvreté est en général
le lot de ceux qui ont consacré leurs efforts à améliorer le sort
de leurs semblables; et l’envie se charge d ’empoisonner les
jouissances de l’ambition. Quand Fulton, sur le premier
bateau cà vapeur qui sillonna f Hudson, reçut le premier
salaire du passage d ’un planteur américain, on raconte qu’il
laissa tomber des larmes. L’orgueil satisfait les versait-il, ou
bien le souvenir des épreuves si cruelles souffertes pour
arriver à doter son pays d’une des plus nobles inventions qui
aient changé la face du monde?
Passons à ceux qui, loin de dédaigner ces merveilleuses
applications des sciences, s’en épouvantent. Ils redoutent le
culte de la matière. N’est-elle pas devenue, grâce à une ad
mirable industrie, une nouvelle source de bien-être et de
plaisir? Ne semble-t-elle pas adoucir chaque jour ce qu’il
y a de rigoureux dans la vie des hommes? Elle fait voler
leur pensée ; elle dévore l’espace en leur faveur. Elle invente
mille ressources pour tromper l’ennui et pour leur rendre si
douce leur demeure ici-bas, que ce ne soit plus un temps
d ’epreuve. Ces inquiétudes ne sont pas sans fondement.
N’est-il pas à craindre qu’une désolante doctrine ne grandis
se de ce développement des forces de la matière? Ne semble-
t-il pas qu'un Dieu habite ces engins si perfectionnés, ces
individualités puissantes que l’homme a créées? Le panthéis
me n’a-t-il passes adeptes et ses poètes? Ne déifie-t-on pas
chaque jour les forces aveugles de la nature? Elles ont leurs
adorateurs et leurs poètes. Un poète anglais, Shelley, l’ami
deByron, dans une merveilleuse poésie, n’a-t-il pas demandé
à la matière, cette mélancolie qui jusqu’à présent coulait dune
source sacrée? N’a-t-il pas entendu dans le dernier séjour
des hommes, ce qu’il appelle l’œuvre harmonieuse de la
destruction ; et son oreille attentive et avide n’a-t-elle pas
saisi le bruit sourd et lent des os tombant en poussière?
Les erreurs de Virgile et de Lucrèce ne vont-elles pas s'em
parer des imaginations? Cette vie rendue facile n'est-elle pas
en outre, contraire à la pensée chrétienne? La vie du chré• tien doit-elle être sans sa couronne d’épines? Qu’on se ras
sure, il n'est pas si facile d’éviter la douleur. La Providence
a en réserve des soullrances pour l’àme et des épouvantes
pour l'esprit, que ni télégraphe électritjue, ni chemin de fer,
ni or facilement acquis, ne peuvent conjurer. Cette prospé
rité même inspire un trouble salutaire. Il est une maladie de
notre siècle, qui atteste qu’on ne peut vivre tranquille dans
le doute, et la question que s’adresse Hamlet se pose toujours
dans ce monde.
Allons plus loin; disons sans crainte que les sciences, en
découvrant les secrets de la nature physique, en nous initiant
à ses lois, raffermissent toutes les croyances. Des agents mi
raculeux ne viennent-ils pas nous dire les secrets du ciel?
Écoutez le langage que tient maintenant la lumière. Elle
nous apprend que ces mondes qui roulent dans l’espace sont
composés du même limon (jue nous. Les fantômes créés par
�la faiblesse de la superstition et d'audacieux systèmes dis
paraissent. Ces inondes, ils sont comme le nôtre; la même
matière les compose, la même immortalité doit les habiter.
Pourquoi rouleraient-ils inertes et déshérités dans l’espace?
Nous en avons des nouvelles! Nous sentons leur voisinage.
Aujourd'hui la mort emprunte à la science le moyen de redou
bler ses coups. L’incendie enveloppe les flottes américaines,
et cette guerre fratricide augmente sa fureur. Mais, comme
on vous l’a d it, le bien peut venir du mal. La rage de
l’homme s’apaisera en présence de son œuvre. La guerre fera
Le vide immense qui les séparait de nous est comblé. Si la
science s’élève dans l’espace, elle scrute aussi les secrets de
l’organisation humaine. On trouve là aussi la certitude. Le
scalpel mieux exercé rencontre les desseins de la Provi
encore plus d'horreur, mais est-elle prés de finir? Sans
s’arrêter aux sophismes de M. de Maistre, on est tenté de
douter, avec le sourire d’incrédulité de Voltaire, que nos
dence.
Napoléon Ier, hésitant entre la gloire résultant des armes,
du gouvernement des hommes, et la gloire de la science> avait
pensé à aller à l'immortalité qu’il lui fallait par l’étude des
infiniments petits. La science s’est de nos jours enfoncée plus
avant dans cet abime ; et elle a fortifié les arguments d’un •
célèbre auteur du XVII0 siècle, de Labruyère, qui a fait
sortir la grandeur de Dieu de la petitesse de ses œ u
temps voient établir:
« L’impraticable paix de l’abbé de St-Pierre. »
Laissons sur cette grande question le dernier mot à
l’avenir.
Mais en présence de la pesante réalité, que deviendra la
poésie, disent les amis du goût et des lettres? Où estsa place?
Elle a si longtemps embelli l’univers ! Ce charme, cette con
solation, vont-ils disparaître? Il est, Messieurs, un poème
charmant de Schiller, qui va répondre pour moi. Il feint
que Jupiter, après son monde créé, a envoyé les hommes
prendre chacun leur place sur la terre. Le laboureur s’est
vite emparé du champ, le navigateur de la rner, le pêcheur
vres.
Une série de faits jette encore l’alarme.
Ces engins de prospérité ne deviennent-ils pas des agents
de destruction? Ne frémit-on pas aux moyens que l’homme
a inventés pour la perte de son semblable? Il y a longtemps
que le perfectionnement des armes offensives a excité ces
plaintes. On y voyait la perte de la vertu militaire. Quand la
poudre a remplacé les armes de la chevalerie, cette chevalerie
a succombé à ce changement, et l’on regrettait sa bravoure.
Les héros ont-ils manqué? La science militaire s’est même
développée. Elle est née en France, dans la guerre de 30 ans,
faire, viens avec moi dans le ciel, je t’y recevrai volon
tiers.
Messieurs, dans ce monde toutes les places sont prises,
après la disparition définitive des armes de la chevalerie. Mais
quand finira la guerre, demandent les amis de l'humanité?
mais on peut s’en échapper, il est des trésors autre part et la
poésie saura les découvrir.
des lacs et des rivières. Le poète seul s’est attardé en chemin ;
il poursuivait sa rêverie. Il est chose légère, vous savez.
Quand il est arrivé, toutes les places étaient prises. Il revient
s’en plaindre à Jupiter. Celui-ci lui répond : Tu as perdu du
temps, tu n’as pas d’asile, mais quand tu n’auras rien à
�—
100
— f 01
—
des et de l'accomplissement de nos obligations, que le détail
Concluons, Messieurs ; nous assistons à une révolution
nécessaire et qui aura ses bienfaits. Arrivons à un résultat
pratique; loin de repousser ces changements dans le monde,
des leçons qu’elle a faites, des grades qu elle a conférés, que
il faut les adopter. 11 faut que l’éducation publique se trans
forme en certaines de ses parties. Respectons, aimons la
science pour elle-même, mais venons à l’aide à l’industrie,
au commerce. Cette grande ville, centre d’une civilisation
active et intelligente, l’a bien compris. C’est.elle quia attiré
l’attention du Ministre éminent qui est placé k la tète de l’U
niversité, sur la nécessité d'une haute école qui puisse former
le négociant et l’industriel. Suivons cette marche que l’état des
choses nous indique. Obéissons au mouvement irrésistible
des esprits, et reconcilions nous avec ce qui fait la grandeur
et la prospérité du pays.
.•
\
R a p p o r t (le il. le D o y e n d e la F a c u l t é
des» Sciences.
Messieurs ,
Nous venons présenter le compte rendu des travaux de
la Faculté des Sciences de Marseille, pendant l'année scolaire
1861-1862. Le règlement en nous imposant ce devoir au
retour de chaque session ne nous a pas obligés de vous pré
senter des idées nouvelles, mais nous pensons que le simple
exposé de la vio de la Faculté au milieu du calme de nos étu
l’énoncé des mémoires qu’elle a publiés et des travaux qui
les préoccupent encore suffiront pour exciter votre intérêt et
votre bienveillante sympathie.
Nos cours, cette année, ont été comme par le passé donnés
avec une régularité continuelle que rien, pas même des in
dispositions légères, n'a troublé; chaque professeur a été
assidu à son poste sans qu’aucune cause ne soit venue arrêter
un moment le cercle une fois commencé de son enseigne
ment. Nos amphithéâtres ont été fréquentés avec la même
faveur ; il y a même eu pour nous une bienveillance nouvelle
et nous aimons à vous dire que nous devons à nos collègues
de la Faculté des Lettres d'Aix une augmentation dans
l’empressement dont notre Faculté est l’objet à Marseille.
Depuis le 1er janvier, l’édilité marseillaise avait demandé
et la sollicitude de M. le Recteur avait obtenu de M. le Mi
nistre que la Faculté des Lettres d’Aix toute entière vint se
faire entendre dans notre ville ; nous avons vu un succès
complet accueillir l’enseignement de nos collègues, qui nous
ont largement payé leur dette de bonne hospitalité. Les
succès de la Faculté des Lettres dans nos amphithéâtres que
la Faculté des Sciences avait été heureuse de partager avec
elle, ont montré le chemin des cours des sciences à un plus
grand nombre encore des auditeurs d’élite que contient notre
ville.
Nous nous bornerons pour notre enseignement à vous
dire, que nos leçons ont toujours suivi avec une fidélité at
tentive l’ordre et l’esprit des programmes de f enseignement
des Facultés.
�— Î02 —
Nos examens, Messieurs, cette partie si importante de nos
devoirs ont été l'objet des préoccupations les plus constantes
de la Faculté. Nous aimons à vous faire connaître qu’il ‘y a
eu cette année une élévation sensible dans la valeur des
candidats qui se sont présentés devant nous. Les compo
sitions écrites ont été généralement mieux faites, l'examen
oral plus satisfaisant, et l’ensemble des préparations plus
digne d’éloges. Ces remarques concernent les différents
baccalauréats ès-sciences. Voici les résultats sur lesquels cette
appréciation s’appuye.
Candidats au baccalauréat és-sciences qui se sont présentés
devant la Faculté :
NOMBRE
NOMBRE
fies c a n d i d a t s
NATURE
q ui s e s o n t
d u b a ccalau réat.
ADMIS.
AJOURNÉS.
de s adm is
sur 100.
présentés.
Baccalauréat complet
65
s*
44
restreint
26
19
65
1
B ac.com pl" restreint
1
4
»
36
B a c . s c i n d é , 1 re p a r t i e
26
10
»
2* p a r t i e
24
14
»
149
45
35
»
»
Total, 266.
Pour le baccalauréat complet, le chiffre d ’admission sur
100 est à peu prés le même que les années précédentes, il
est de 14 p. °/0.
Le baccalauréat restreint est un grade établi avec une
grande bienveillance par M. le Ministre en faveur des can
didats, généralement âgés, qui ont commencé l’étude de la
médecine et qui presque tous sont bacheliers és-lettres. Les
exigences de l’examen sont moins sévères pour la partie qui
concerne les mathématiques. Le chiffre d’admission pour
ces candidats a été naturellement plus élevé, il a été de 65
p. °/0.
Le baccalauréat és-sciences divisé en deux épreuves con
sécutives, subies dans deux sessions différentes est toujours
favorable aux candidats, nous désirons qu’il le soit autant
aux études scientifiques. Seulement, nous ferons remarquer
que pour la première épreuve écrite, celle de physique,
nous avons été obligés, bien malgré nous, d'adoucir les sujets
de composition, car les candidats qui se présentent pour cette
épreuve n'ont pas eu le temps de recevoir et de s’approprier
dans le cours réglementaire des études scientifiques des
lycées, les connaissances mathématiques qui sont indispensa
bles pour que l’étude des sciences physiques soit aussi sé
rieuse qu’autrefois, et la deuxième partie de l’examen ne nous
permet pas de revenir sur cette lacune de la première épreuve.
Nous devons cependant ajouter à l’éloge des candidats qui
se présentent à la deuxième épreuve, que leur préparation
pour cette deuxième partie est généralement très-satisfai
sante ; ces jeunes gens mettent tous leurs soins à ne pas
perdre le bénéfice d’un premier succès qui les a encouragés.
Permettez-nous, Messieurs, d'accorder à quelques uns
de nos candidats dont les réponses ont été satisfaisantes, la
récompense qu’ils ambitionnent le plus, l’honneur de voir
leurs noms cités devant vous.
�105 —
Un seul candidat s’est présenté, cette année, pour les
épreuves si difficiles de la licence és-sciences. Les deux pre
mières journées 'lui ont été favorables, mais la Faculté n’a
pas trouvé suffisants les résultats de l’épreuve orale, et le
certificat d ’aptitude n’a pu lui être accordé.
Pour la première fois depuis sa création, la Faculté a ac
cordé cette année un diplôme de docteur. Le candidat pré
sentait à la Faculté, une thèse sur le synchronisme des
terrains crétacés. Ce travail, fruit d'une longue et patiente
étude était, nous le savons, depuis longtemps préparé par un
un jeune homme, habitué de longue main aux recherches
sérieuses, et déjà docteur en médecine. Des voyages vers les
diverses localités de France dont les terrains pouvaient
révéler des aperçus nouveaux, des coupes intéressantes, et
surtout propres à fixer des âges encore incertains ; des
visites aux collections géologiques, qui pouvaient le mieux
l’éclairer, ont permis au récépiendaire de nous présenter un
mémoire qui restera pour la science, comme un précieux
document à consulter.
Avant le jour de l’épreuve publique, de longs et intéres
sants débats avaient eu lieu déjà dans le sein de la Faculté
entre le candidat et notre collègue M. Coquand, qui est un
des maîtres de la science nouvelle, et nous savions déjà quel
était le savoir et les connaissances spéciales que la.soutenance
de la thèse mettrait en lumière. Le jour de l’épreuve, et mal
gré l’austérité sérieuse d’une séance dont on pouvait prévoir
le caractère tout spécial, l’amphithéâtre était rempli d’un pu
blic empressé qui a suivi ces débats avec un vif intérêt. M.
le Recteur avait voulu augmenter par sa présence la solennité
de cette épreuve. Les débats se sont d’abord engagés sur di-
�107
[06
verses propositions données par la Faculté : 1 influence de la
lumière sur les végétaux, les rapports entre la respiration des
animaux et des plantes; telles sont les questions qui ont précédé
la discussion de la thèse et qui ont avec elle permis à la Faculté
de prononcer son jugement. L’élocution du candidatest facile,
douce, sans être brillante. Comme talent d'exposition, il n'y a
peut-être en lui rien de saisissant par l'animation, l 'originalité
elle charme; mais la présence d'un nombreux auditoire,
composé de personnes très-distinguées et très-compétentes
devait certainement exercer une influence très-grande sur
le candidat qui précisément par deux qualités très-rem ar
quables, la réserve et la modestie, devait plus que tout autre
être atteint et amoindri par la timidité ; mais nous devons
nous hâter d’ajouter que le candidat, M. Keynès, auquel la
Faculté a accordé à l’unanimité le grade de docteur , a fait
preuve dans cette longue argumentation de qualités trèssérieuses et de connaissances profondes qui témoignent d’un
goût très-vif et d’une activité très-grande pour les sciences
naturelles. Il est impossible, que M. Reynès, surtout s’il
continue des études déjà si remarquables, ne soit pas cité pour
la distinction et la solidité de ses connaissances.
Nous avons encore, Messieurs, à vous dire en quelques
mots quels ont été les travaux personnels des professeurs de
la Faculté; c'est la tâche qui sera pour nous la plus facile;
cette partie de nos devoirs est celle vers laquelle, tous, nous
nous sommes portés avec, le plus d’empressement.
Au commencement de l’armée scolaire, Son Excellence
avait convié les professeurs de Faculté et les membres des
sociétés savantes de France, à venir exposer à Paris les plus
intéressants de leurs travaux dans des comités présidés par
des maîtres de la science. Quatre professeurs de la Faculté
des Sciences se sont présentés pour répondre à l’appel de
M. le Ministre ; trois seulement ont pu se rendre au congrès’
des sociétés savantes et faire devant un auditoire d’élite les
lectures et les expériences destinées à faire connaître les
travaux dont ils s ’occupent. Un des nôtres, retenu par une
indisposition, a dû se borner a envoyer le mémoire pour lequel
il avait été inscrit.
Le professeur de Mathématiques, M. l’abbé Aoust, a pré
senté dans le courant de l’année les recherches suivantes: 1°
les lignes de courbure des surfaces du deuxième ordre si cé
lèbres par les travaux de Monge, ont été pour notre collègue
un objet d’études approfondies qui l'ont conduit à signaler des
propriétés nouvelles et intéressantes de ces lignes remarqua
bles; 2°/e problème des coordonnées curvilignes, résolu par
M. Lamé, dans le cas où le système est orthogonal, récla
mait une solution, dans le cas où le système est quelconque.
M. l'abbé Aoust l’a donnée dans un mémoire présenté à
l’Institut, sous le titre: Théorie géométrique des coordonnées
curvilignes quelconques. L'ensemble de ces recherches a été
honoré d ’un prix spécial par son S. Exc. M. le Ministre de
l’Instruction publique.
Le professeur de Physique a présenté le résumé de ses
recherches sur les phénomènes lumineux auxquels donne
lieuTélectricité dans son passage à travers différents milieux
raréfiés. Il a fait connaître les procédés à suivre pour pro
duire les tubes les plus brillants et pour étudier avec facilité
les spectres des gaz et des lumières artificielles. 11 a pré
senté en même temps une machine pneumatique, ou plutôt
�rin aspirateur ii mercure qui rend très-faciles et très-promptes
ces belles préparations.
Ce même professeur a fait connaître à l'Institut les résul
tats de ses travaux sur la conductibilité électrique des
gaz.
Le professeur de Chimie, M. Favre, a communiqué au
congrès des sociétés savantes de nouvelles recherches sur les
phénomènes qui se produisent sous des pressions considé
rables, et il a, de plus, fait connaître d ’intéressants travaux
sur les phénomènes thermochimiques qui se produisent dans
les mélanges. Dans ces derniers jours il a présenté à l’Institut
un travail sur les moyens que fournit l’électricité pour re
connaître avec certitude la présence d’un projectile métallique
dans les plaies d’armes à feu. Il s’occupe en ce moment d’un
ouvrage didactique sur l’étude de la chimie.
Le professeur de Géologie, M. Coquand, a publié, dans le
courant de l'année le deuxième volume du texte explicatif de
la carte géologique de la Charente, qui complète la partie
purement descriptive, par l’indication des applications delà
science, pour l’amendement des terres, le drainage, les
matériaux utiles, etc.
Le professeur a publié en outre, deux mémoires qui ont,
l’un et l’autre, pour objet la création de deux nouveaux
étages dans le terrain crétacé; des études poursuivies avec
persévérance depuis plus de 12 ans par le professeur, lui
ont dévoilé l’existence de ces mêmes terrains dans les dé
partements qui constituent l’ancienne Provence.
Après vous avoir parlé de nos travaux, il me reste,
Messieurs, à vous dire quels vides se sont produits dans le
personnel de notre enseignement.
1 09 —
tin des professeurs de nos cours littéraires, M. Joly,
nous a quittés, pour une résidence que ses liens de famille
lui faisait désirer. Ce professeur a été, sur sa demande, af>pelé dans la Faculté des Lettres de Caen. M. Joly nous
permettra, même en présence de ses désirs réalisés, d’ex
primer ici les sentiments que son départ nous laisse, et de
nous faire l'interprète de tous ceux qui l’ont entendu à
Marseille.
On regrettera vivement le professeur élégant, dont la
parole facile, animée et spirituelle, dont les leçons préparées
avec tant de soin et de goût avaient conquis toutes les sym
pathies Marseillaises. L’auditoire qu’il savait charmer et
rendre si compact et si fidèle autour de lui, serait tout entier
. à ses regrets sans les espérances que donne et que soutiendra
son éminent successeur.
Enfin, Messieurs, j ’ai aussi à payer devant vous une
dette funèbre. La mort vient de frapper un de nos pré
parateurs les plus distingués. M. Giraudy, notre pré
parateur d’histoire naturelle, nous a été enlevé après
quelques jours d’une maladie, aussi cruelle que rapide.
Cet excellent homme était distingué par la variété de ses
connaissances et par son goût, je ne dis pas assez, par sa
passion pour les sciences naturelles. Cette étude a été le
charme et l’occupation de toute sa vie. Mais ce qui nous le
rend surtout profondément regrettable, c’est la douceur
et l’aménité de son caractère, la facilité rare de ses relations,
sa complaisance sans égale et surtout l’excellence de son
cœur. Il était parmi nous l’ami de tous, tous aussi l’ont re
gretté et pleuré comme un doux et excellent confrère, que
tous aimaient parce qu’il les avait tous aimés. Sa mémoire
�nous restera fidèle, elle nous laisse désolés par le vide que
son départ a fait parmi nous.
Ces derniers examens sont faits pour les élèves ajournés
ou absents au mois d’août. Ils ont eu lieu les 5, 6, 7 et 8
novembre. 28 étudiants en médecine et en pharmacie étaient
inscrits ; 14 seulement se sont présentés, ils ont tous été ad
R a p p o r t (le i l . le D i r e c t e u r (le l ’É c o le
d e M é d e c in e .
Monsieur
le
R ecteur , M essieu r s ,
Les travaux de l’École de Médecine et de Pharmacie de
Marseille ont marché, pendant la dernière année scolaire, avec
une parfaite régularité. Notre enseignement, donné confor
mément au règlement d’études du 2 avril 1857, a porté de
bons fruits, si l’on en juge par les résultats des examens de
fin d'année.
Ces épreuves, qui peuvent témoigner de l’exactitude des
maîtres et de l’assiduité des élèves à leurs leçons, ont été
généralement satisfaisantes.
La session normale s'est ouverte le 13 août et a été close le
22, il y a eu peu d’absents:— 14 seulement sur 74 élèves
inscrits pour la médecine et la pharmacie.
Les étudiants des deux ordres ont, la plupart, satisfait leurs
juges. Trois mentions très-bien ont été obtenues. II y a eu
quinze mentions bien. Les divers jurys n ’ont eu à prononcer
que cinq ajournements.
C’est, évidemment, une bonne situation ; mais elle a un
peu fléchi à la session extraordinaire de la rentrée.
mis avec des notes plus ou moins satisfaisantes.
L’autre moitié a fait défaut sans motifs légitimes. Cela est
vraiment déplorable ; les absents, par leur omission d’un
devoir impérieusement exigé, se sont, bien inconsidérément,
privés du droit de prendre de nouvelles inscriptions. Il est
fort à regretter que ces jeunes gens méconnaissent à ce point
leurs intérêts, et entravent ainsi leur scolarité régulière en se
dérobant, de propos délibéré, à l'obligation d’une épreuve
qui, certainement, n’a rien de redoutable.
Nous avons eu, cette année, 389 inscriptions pour les
quatre ordres de praticiens. Les inscriptions de docteur l'ont
emporté de beaucoup sur celles qui ont été prises en vue du
titre d’officier de santé ; il est satisfaisant de constater cette
différence.
Nos deux sessions d'examens pour la collation des grades
ont été ouvertes le 1er et le 24 octobre. La première a
été présidée par M. Denonvilliers, inspecteur général; la
seconde, parM . Planchon, directeur de l'École de Pharmacie
de Montpellier.
Dix-huit candidats au grade d'officier de santé se sont
présentés. Huit seulement ont obtenu leur diplôme. Six ont
été ajournés au premier examen, trois au second, un au
troisième.
Quatorze aspirantes au titre de sage-femme ont subi l’exa
men ; douze ont été reçues.
Les prétendants au grade de pharmacien étaient au nombre
�de treize. Neuf out été admis et quatre ajournés, deux au
premier examen, deux au second.
Ces divers examens, on le voit, ont été parfaitement à la
hauteur du but à atteindre. Les juges, sans cesser d’être
bienveillants, ont apporté dans leurs décisons une sévérité
qui, certes, n’a rien eu d’excessif.
Les recettes cumulées des inscriptions, du reliquat des
officiers de santé et des pharmaciens ont atteint le chiffre de
12,745 fr., versés à la caisse municipale.
Ces recettes ont réduit à une somme réellement assez
minime, 9,755 fr., l’allocation que nos honorables édiles
veulent bien voter, chaque année, pour maintenir l’équilibre
Le joui n’est pas bien loin. L’administration des Hospices
accomplit en ce moment une grande œuvre; elle fait marcher
de front, avec la plus louable activité, l’achèvement de
l’Hôpital de ITinmaculée-Conception et la restauration de
l’Hôtel-Dieu et de la Charité.
Indépendamment de la question humanitaire, ce fait a
pour nous, spécialement, une importance capitale, car, dans
l'un des côtés de lH ôtel-D ieu, totalement transformé,
l’École de Médecine pourra être parfaitement installée.
Au milieu du désordre inséparable des démolitions, la
du budget de l’École. Les^droits afférents au trésor pour les
commission administrative des hôpitaux a fort bien organisé
les divers services de médecine et de chirurgie. Tout en main
tenant à un cadre suffisant les services propres à LHôtel-
inscriptions et les examens de fin d ’études ont été de
Dieu, elle a mis le plus grand soin à laisser intactes les deux
6,025 fr.
Parmi les vingt-deux écoles préparatoires de médecine et
de pharmacie de l’Em pire, l’École de Marseille, par le
chiffre de ses recettes, c’est-à-dire, par le nombre des ins
criptions et celui des candidats qui viennent y postuler leurs
grades, est la seconde. Il n’y a avant elle que l’école de
importantes divisions qui sont destinées à l’enseignement
pratique de ( École.
Ainsi, la clinique interne, forcément diminuée de quelques
lits par l’amoindrissement de l’espace, est convenablement
Toulouse, qui a toujours eu la suprématie.
Notre École se maintient au deuxième rang depuis quatre
années, comme le constatent les relevés officiels du ministère
placée, partie dans la salle St.-Louis, partie dans la salle
Ste.-Elisabeth.
La clinique externe, dont le contingent réglementaire a
pu être intégralement conservé, est bien installée, pour les
hommes, dans la salle Cauvière, et pour les femmes, dans la
de l’Instruction publique.
S’il en est ainsi avec une installation matérielle complète
ment insuffisante, ne peut-elle prétendre marcher à la tète
salle Ste.-Ursule.
L’amphithéâtre des cours ayant été une des premières
des écoles médicales de la Province, du jour où un nouveau
local, approprié à tous les besoins de l’enseignement prati
mettre provisoirement à notre disposition le seul lieu qu elle
parties démolies, la commission des hospices a bien voulu
que et enrichi d’une clinique d’accouchements, lui permettra
put nous donner, son ancienne salle de délibérations.
Nous sommes là fort à l’étroit, sans doute; pourtant
les plus larges développements?
nous avons pu nous y établir assez convenablement jusqu’au
�moment; si désiré, deux ans environ, où 1 entier remanie
ment de 1 Hôtel-Dieu nous permettra de prendre posses
sion du beau local que la commission nous. destine dans
l’aile sud-ouest du nouvel édifice.
Nous pourrons avoir là tout ce qui est nécessaire à une
école de médecine et de pharmacie bien organisée; un grand
amphithéâtre pour les cours et les actes publics ( séances de
rentrée, examens, concours), un vestiaire, une bibliothèque,
un arsenal de médecine opératoire, une salle de collections
d’anatomie normale et pathologique, un droguier compre
nant tous les échantillons des substances de la matière
médicale et que leur exposition dans des vitrines rendra
facilement accessibles aux étudiants, enfin un laboratoire
où les élèves en pharmacie seront admis à manipuler.
La démolition d’une partie de f Hôtel-Dieu ayant aussi
supprimé le cabinet de préparations anatomiques, pièce
attenant à l’amphithéâtre et qui nous était indispensable, j ’ai
dû, pour les besoins de l’enseignement, en faire construire
un autre, dans les conditions de la plus stricte économie, à
côté de la salle de dissection. Cette construction coûte
1,000 fr. En votant, tout récemment, le budget de l’École
pour l'exercice prochain, notre édilité nous a fait la faveur
d’ajouter ces frais au chiiTre de la subvention municipale
qui nous est accordée, chaque année, pour maintenir l’équi
libre entre nos recettes et nos dépenses.
Nous l’en remercions bien sincèrement ; nous lui sommes
très-reconnaissants de ce nouveau sacrifice qu’elle a bien
voulu faire aux intérêts de la science.
Depuis l’arrivée parmi nous de M. le Sénateur de Maupas
pour diriger l’administration du département, grâce à l'irré
sistible impulsion d'une volontéaussiinlelligentequ'énergique,
la ville de Marseille marche rapidement à sa complète trans
formation. A d’importantes constructions déjà créées ou en
voie d’achèvement viennent s ajouter de magnifiques projets
d’utilité publique et d’embellissement. L École Médicale de
Marseille ne saurait être délaissée dans ce mouvement de ré
novation qui faittantd' honneur à nosautorités administratives.
Son importance, toujours croissante, commande 1 intérêt et
la sympathie.
Quand l’édification de notre nouveau local sera terminée
nous aurons, pour son aménagement, à demander à la ville
quelques libéralités, et nous espérons fermement dans son
généreux concours. Notre grande et belle cité ne voudra pas,
assurément, que son École de Médecine et de Pharmacie soit,
par son installation, dans un état d infériorité, comparative
ment aux établissements du même ordre placés dans des villes
d’une bien moindre importance que la nôtre. Il convient que
•l'Ecole de Médecine soit au niveau de tout ce qui se fait de
bien et de beau dans la ville.
En parlant ici de nos plus pressants besoins, me sera-t-il
permis d’adreser un vœu à M. le Sénateur et à M. le
Maire?
Oserai-je les prier de hâter, autant qu'il dépendra de leur
sollicitude pour les choses belles et utiles, l'établissement à
Marseille d ’un jardin botanique, en remplacement de celui que
le chemin de fer de Toulon nous a enlevé?
L’enseignement de la botanique à notre Faculté des Scien
ces est confié à un homme dont la modestie égale le talent. Cet
excellent professeur ne peut faire que de la théorie, théorie
impuissante, car, la démonstration pratique ne s'y joignant
�pas, le cours le mieux fait ne saurait graver dans la mémoire
des auditeurs une foule de détails que leurs yeux ne peuvent
saisir.
lien est de la botanique comme de l’anatomie.
Est-il possible d’enseigner cette dernière sans avoir sous
les yeux les organes du corps humain ? Peut-on comprendre
et retenir la description d'une plante, d'une fleur, sans les
voir, sans les toucher?
En fait, sans un jardin des plantes, la botanique n’est pas
enseignée, ne peut être enseignée à Marseille. Or, l'étude de
cette science est obligatoire pour nos étudiants en médecine
et en pharmacie. Il est d'une extrême importance de com
bler au plutôt cette lacune par la création d'un jardin bota
nique, situé le plus centralement possible, et dans lequel
serait ménagé un espace suffisant pour l’entretien des plantes
officinales, que nos élèves pourraient venir étudier seuls ou
sous la conduite de leurs professeurs.
Les choses se passent ainsi dans la plupart des villes,,
même d’une importance très-secondaire, qui possèdent une
École de Médecine et de Pharmacie.
L’École de Médecine et la Faculté des Sciences ont un
égal intérêt à cette création , devenue véritablement indis
pensable et de la dernière urgence. Deux hectares pourraient
suffire, pour une contenance d’environ 4,000 arbres ou
plantes. Sur ce nombre 500 espèces officinales, au moins,
devraient y être cultivées.
Un tel établissement, auquel pourrait être annexé un jardin
d’acclimatation, intéresse, d ’ailleurs, toutes les classes de la
population. Un jardin botanique est un lieu d ’agrément pour
les gens du monde, et les plantes médicinales qu'on y élève
n'ont pas seulement le don de guérir les infirmités humaines,
elles peuvent encore charmer les yeux.
Cela ne saurait échapper à la sagacité des hommes dévoués
qui sont placés à la tète du département et de la ville. Tou
tefois, bien qu'on doive avoir une entière confiance dans le
bon vouloir de ces éminents fonctionnaires, il est évident
qu’un établissement de ce genre ne s'improvise pas ; bien
des difficultés peuvent en retarder l’exécution. Or, pour
nous, le temps presse ; les présidents du jury chargé d’exa
miner les pharmaciens constatent malheureusement, à chaque
session, la faiblesse des candidats sous le rapport des con
naissances en botanique. Cela vient de ce que ces jeunes
gens ne peuvent étudier que dans les livres les plantes qu’il
leur importe tant de bien connaître.
Frappé de ce grave inconvénient, je me suis mis eu
mesure d’y remédier prochainement et j ’espère réussir, si
M. le Recteur de l’Académie, avec sa haute raison, veut bien
approuver mon idée.
Dans ce cas, j ’ai l'intention, aidé par l’expérience de mes
collègues, les professeurs de matière médicale et de pharma
cie, d'établir, sur un terrain disponible derrière la salle de
dissection, un petit jardin botanique médicinal, à l’usage de
nos élèves. Il y aura là, je pense, assez de place pour permettre
la culture d’une centaine d’espèces des plantes officinales les
plus usuelles.
Je crois que ce sera une sérieuse amélioration apportée à
notre enseignement et qui nous fera patiemment attendre
rétablissement, par la ville, d’un jardin botanique médicinal
sur une plus large échelle.
Une délibération de l’administration des hôpitaux, prise
�(18 —
sur ma demande et qui date déjà de quelques armées, nom*
accorde, sous la réserve des réclamations des familles, la
majeure partie des sujets de l’hôpital de la Conception.
Jusqu’ici nous n’avions pas eu besoin du bénélice de cette
délibération; les décès de l'Hôtel-Dieu suffisaient au* exi
gences de l’enseignement anatomique et des travaux de dis
section. Mais aujourd'hui, la population de malades de cet
hôpital étant considérablement réduite et, partant, la mor
talité forcément amoindrie, il y aurait désormais une pé
nurie de sujets très-préjudiciable aux études anatomiques et
aux exercices de la médecine opératoire.
Cette situation m’a sérieusement préoccupé et, afin
d'assurer à nos élèves les avantages qu'ils trouvent chez
nous pour ces travaux si importants, je me suis entendu
acquérir les étudiants avant même de prendre leurs grades
de docteur ou d'officier de santé.
On sait que l’ordonnance du 3 octobre 1841 n'imposait
qu’une année de stage dans les hôpitaux. Cette obligation a
été reconnue insuffisante. L’extension donnée aujourd'hui
aux conditions du stage est, tout à la fois, un bienfait pour
la société et pour les médecins ; pour la société, dont elle
sauvegarde les intérêts les plus chers ; pour les médecins,
dont elle rehausse la dignité, dont elle accroît la considéra
tion , en exigeant d’eux une solide instruction au point de
vue des connaissances pratiques.
Je termine, Messieurs, par la proclamation des noms de
nos lauréats, qui viennent de recevoir, à Marseille, dans la
séance solennelle de rentrée, la récompense de leur zèle.
avec la régie des inhumations, qui s'est chargée, à des condi
tions très-acceptables, du transport des sujets, de la Concep
tion au siège de l’École. Ce service fonctionne dès à présent.
Messieurs, avant de proclamer les noms de nos élèves qui.
par leur assiduité aux cours et les notes obtenues aux exa
mens de lin d’année, ont mérité les encouragements que nous
sommes heureux de leur donner, des prix ou des mentions
honorables, je remplis un devoir en exprimant ici toute la
satisfaction que nous a fait éprouver la promulgation du
décret du 18 juin dernier, relatif à l’accomplissement du
stage dans les hôpitaux.
Ce décret et l’arrêté ministériel qui l'accompagne sont des
actes extrêmement importants, et auxquels nous devons,
dans l’intérêt des bonnes études, rendre un juste hommage.
Ils constituent la condition essentielle, la garantie la plus
sure, de l’expérience et de Tinstruction pratique qqe doivent
Elèves en Médecine.
ï 11mo ANNÉE :
Ier Paix : M. Queyrel.
I ïmc P r ix : M. Reynaud, déjà lauréat de l’École.
l l mp ANNÉE:
Ier P r ix : M. Vesine-Larue,
IIrae P r ix : partagé entre MM. Giraud-Pontet et Roustan.
Ces deux élèves avaient aussi obteuu un prix l’an dernier.
Ire ANNÉE:
1er P r ix : M. Guichard-Choisity.
IIme P r ix : partagé entre MM. Brun et Mathieu. Une
mention honorable est accordée à MM. Agostini, Dubreuil,
Roque, Plantin et Marcorelles.
�Élèves en Pharmacie.
1er P rix : M. Reyre.
lime p RIX ex (zquQ • MM. Francou et Rémusat.
De ces trois élèves, deux, le premier et le troisième,
nent d’être jugés dignes du diplôme de pharmacien.
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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1863-1864.pdf
42121b9f03d9d8e6bd20c5b969e41aea
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Text
—
m
—
Élèves en Pharmacie.
1er Prix : M. Reyre.
IImo Prix ex æquo: MM. Francou et Rémusat.
De ces trois éléves, deux, le premier et le troisième, vien
nent d’être jugés dignes du diplôme de pharmacien.
1863-1864
AIX,
1SG3.
üÊimai
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L*ACADÉMIE, RUE D ITALIE, 9.
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—
Élèves en Pharmacie.
1er Prix : M. Reyre.
IImo Prix ex æquo: MM. Francou et Rémusat.
De ces trois éléves, deux, le premier et le troisième, vien
nent d’être jugés dignes du diplôme de pharmacien.
AIX,
1SG3.
üÊimai
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L*ACADÉMIE, RUE D ITALIE, 9.
�SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX.
L’an mil huit cent soixante-trois, le seizième jour
de novem bre, sous la présidence de M. le Recteur,
s’est accom plie, à Aix, à midi, dans la salle des
actes de l ’École de Droit, la solennité d e là rentrée
des Facultés de Théologie, de Droit et des Lettres.
La messe du St.-Esprit avait été célébrée dans la
cathéd raie.
Les m em bres du conseil académique réunis pour
la session de novembre, étaient présents.
M. le Doyen de la Faculté des Sciences de Mar
seille, M. le D irecteur de l'École de Médecine de
celte ville, avaient pris place sur les mêmes bancs
que MM. les Professeurs des Facultés, séant à Aix.
MM. les grands - vicaires accompagnaient Mgr.
1 Archevêque.
�Une division ilu College s était rendue à la céré
monie^ conduite par M. le Principal. M. le baron
de F arin cou rt, sous-préfet d ’A ix, avait pris place
auprès de MM. les membres du conseil académique.
Plusieurs personnes notables d ’Aix étaient pré
sentes.
M. Desclozeaux, Recteur de l’Académie, a pris
la parole en ces term es:
M onseigneur , Messieurs ,
Les rapports de MM. les Doyens dont vous allez enten
dre la lecture constatent que dans cette Académie, l'en
seignement supérieur fait des progrès remarquables. D’année
en année, à Aix comme à Marseille, les cours des Facultés
sont suivis avec plus d’assiduité, et le nombre des candidats
aux deux baccalauréats s’accroît.
A Marseille, les professeurs des Lettres, qui viennent
d’Aix y faire des cours, continuent à recevoir l’accueil le plus
sympathique ; la foule se presse autour de leurs chaires.
Si les aspirations littéraires de cette grande cité deman
dent des leçons qui forment le goût et donnent des modèles
d’éloquence, des études spéciales y sont rendues nécessaires
par les conditions industrielles et commerciales dans les
quelles elle se trouve.
C’est ce qui a déterminé le Ministre de l’Instruction pu
blique à autoriser l'ouverture de deux cours, l’un consacré
à l'enseignement du droit administratif appliqué à l’industrie,
— 5 —
et l’autre au droit commercial. J’ai dû, pour assurer l’utilité
de ces cours et leur donner l'importance et l’intérêt qu’ils
méritent, les confier à deux membres distingués de la Faculté
de Droit d’Aix.
C’est à Aix que la jeunesse studieuse qui se destine à la
magistrature, au barreau, à toutes les professions qui s’y
rattachent, viendra toujours chercher les connaissances qui
lui sont nécessaires. A côté du sanctuaire des lois, devaient
se trouver ceux qui les enseignent. La Cour Impériale et la
Faculté de Droit vivent à Aix au milieu des traditions qui
leur assurent le respect et commandent la confiance. L’Uni
versité et le Parlement sont encore debout, ici. Ils y reste
ront. Mais il est juste que cette grande ville de Marseille,,
dont la prospérité reçoit de si merveilleux développements,
emprunte à la cité voisine de l’aide pour accomplir ses
destinées. Il y a longtemps que la ville d’Aix rayonne de
l’éclat des lettres, et dans ce siècle, sous ce rapport, elle n’a
pas dérogé. Elle a été aussi la patrie d’éminents juriscon
sultes. Il ne faut pas être trop ménager de son bien.
Le succès des leçons faites par les professeurs de droit,
cà Marseille, prouve quelle en était la nécessité, L’empres
sement n’a jamais été plus grand à des cours publics. Ils
commencent à une heure très-avancée dans la soirée ; ils
sont néanmoins suivis, et on s’arrache pour les suivre à
l’intimité de la famille et aux distractions du monde.
Certainement ces succès sont dus à l’autorité qu’a donnée
aux professeurs leur titre de membres de la Faculté de
Droit d’Aix.
Cette Faculté continue à marcher dans la voie prospère
où depuis longtemps elle est entrée; elle est la seconde en
�— G—
importance des Facultés de Droit des départements. Chaque
année voit augmenter le nombre des élèves qui suivent les
cours ; et en même temps le zèle des professeurs leur per
met de faire face à un labeur incessant. Ils en sont récom
pensés par l’estime publique, et la confiance de leurs élèves.
Un changement important a eu lieu, cette année, dans le
personnel de la Faculté de Droit. Le respectable doyen,
M. Bouteuil, s’est retiré avec cette dignité de l’honnête hom
me qui accepte le repos avant l'époque où il lui est
nécessaire. Susceptibilité dans le devoir qui mérite toute
estime. Aussi, nos regrets ont été profonds, ceux de nos
élèves se sont manifestés par une démonstration, qui a ému
et celui qui partait et ceux qui restaient après lui. Soyez
félicités, jeunes gens, qui avez montré cette reconnaissance
pour les services rendus, cette sympathie pour une vieillesse
qui commençait par un acte de résignation au devoir. Heu
reuse la Faculté où toutes les démonstrations sont pacifiques
et dignes comme celle dont nous nous applaudissons aujour
d'hui. Soyez aussi remerciés de l’exemple que vous avez donné
à vos condisciples. L’attachement pour les maîtres fait les
bonnes études et la forte discipline. Votre âge mûr applau
dira à votre jeunesse , c’est ainsi qu’on se prépare à des
professions où l’on doit obtenir la confiance de ses conci
toyens.
La retraite si regrettable d'ailleurs de notre vénérable
Doyen a permis de récompenser les longs travaux d'un pro
fesseur qui a l’estime de tous, et que son attachement à cette
ville où il est si aimé a seul retardé dans sa carrière. Un
autre professeur que, dans cette circonstance, son nom re
commandait à la bienveillance du Ministre, a pris dans la
Faculté une position qui lui assure son avenir; nous insis
terons toujours pour que la seconde chaire de Droit Romain
soit définitivement créée. Nous espérons bien obtenir ici ce
que nous avons obtenu à la Faculté de Droit de Caen. Les
services du professeur actuel lui assureront le titulariat de
cette chaire ; car c’est beaucoup quand on a sa capacité,
son zélé , d’être comme indiqué d’avance au choix défi
nitif du Ministre.
M. Cabantous a succédé à M. Bouteuil. Sa modestie le
recommandait à cette haute situation aussi bien que ses
talents. On s’est rangé pour le laisser passer, et on a ap
plaudi, professeurs et élèves, à sa nomination.
En l’absence de M. le Doyen de la Faculté de Théologie,
retenu par la maladie hors de cette enceinte, on va vous
donner lecture de son rapport au conseil académique. Vous
y verrez que comme les autres Facultés, elle est en progrès.
Elle a conféré des grades à cinq ecclésiastiques.
Deux candidats ont été nommés docteurs. L'un d'eux,
M. l’abbé Boyer, reçu il y a peu de jours, a légitimé par la
distinction et l’ardeur, avec lesquels il a conquis ses grades,
la confiance du Ministre qui lui a confié la suppléance du
professeur de Dogme.Il serait bien à désirer que l’enseigne
ment de la Faculté de Théologie si savant et si consciencieux
fût complet, et que sous un Prélat qui montre chaque jour
la puissance de la parole évangélique, la chaire d'éloquence
sacrée fût créée.
�R a p p o rt tic II. le D o y en de la F a c u lté
de
R ecteur , M essieurs ,
R a p p o rt (le 11. le D oyen de la F a c u lté
d e D roit.
M essieurs ,
Les institutions les plus utiles sont presque toujours celles
qui ont leurs racines dans le passé. Rien ne s’improvise en
fait de gouvernement et d’administration. Ce qui parait nou
veau, l’est bien plus souvent par la forme que par le fond.
Des changements trop absolus durent peu, et l’avenir n’est
promis qu’aux perfectionnements mesurés et graduels.
* v J
Les cours de MM. les professeurs de la Faculté de
Théologie ont été faits trés-réguliéreinent et suivis avec
intérêt.
M. l’abbé Boyer, professeur (suppléant) de Dogme, a
traité du Mystère de /’Incarnation ; il en a montré les har
monies, les convenances, la nécessité.
M. l’abbé Bonneville, professeur de Morale, a parlé du
Sacrement de pénitence ; il a plus particulièrement fixé
l’attention de ses élèves sur la Confession, qu’il a envisagée
sous ses différents rapports.
M. l'abbé Reynaud , professeur d'Écriture Sainte, a
traité de la lliéodicée comparée de l’ancien peuple de Dieu,
d’après Moïse et tous les auteurs inspirés de l’Ancien Tes
tament.
M. l’abbé Bicheron, professeur d’Histoire et de discipli
ne ecclésiastiques, a donné l’histoire de la discipline du sa
crement de Baptême et du sacrement de Mariage.
M. l’abbé Diouloufet, professeur de Langue hébraïque,
a expliqué le livre historique de Josué ; il a présenté ensuite
la traduction littérale du livre d’Amos.
Dans le courant de l’année, six examens ont été subis
devant la Faculté de Théologie.
*
le
\ .Æ tfF \ rP
Monsieur
T h é o lo g ie .
�Ces réflexions s'appliquent, d’une manière spéciale, aux
facultés de droit. Elles ont été plutôt rétablies que créées
en l’an XII, et le puissant génie qui les restaura voulut
qu’elles rappelassent leur ancienne origine, par les villes où
elles siégeraient , par les règles de leur organisation intérieure
et même par les premiers choix dedeurs membres.
Telle fut, en particulier, l’Ecole de Droit d’Aix. Pour
aucune, peut-être, la chaîne des temps ne fut plus aisément
renouée. En reprenant existence, elle semblait continuer le
cours, à peine suspendu, de ses destinées. Elle retrouvait
une cité empressée à l’accueillir; un grand corps judiciaire
heureux de l’appuyer ; une jeunesse impatiente de recevoir
son enseignement. Tant les souvenirs, laissés par sa devan
cière, avaient été fidèlement gardés ! Tant sa place naturelle
était marquée ici et non ailleurs !
Appelé, pour la première fois, à l’honneur de parler en
public comme chef de cette Ecole, j'ai cru devoir d’abord
m’inspirer de son esprit, en remontant cà ses origines, en
étudiant ses développements successifs, en cherchant, dans
un passé qui ne fut pas sans gloire, le principe de sa pros
périté actuelle et le présage de ses accroissements futurs.
C’est le résultat de cette enquête rétrospective que je viens
vous offrir, avant de vous présenter le compte rendu de nos
travaux et de l’état des études durant la dernière année
scolaire.
Fondée au commencement du XVe siècle, l’ancienne Uni
versité d’Aix ne compta primitivement que deux facultés,
celle de Théologie et celle de Droit. La Faculté de Médecine
n’y fut instituée que près d'un siècle plus tard, et celle des Arts
n’y eut qu’une courte existence, à partir seulement de 1764.
Contemporaine de la Faculté de Théologie, la Faculté de
Droit avait, à Aix, certains avantages de situation, certaines
analogies avec l’esprit public, qui tendaient à en faire la faculté
prépondérante, la personnification même de l’Université.
Appuyée sur la juridiction d une Cour souveraine, entourée
des respects d’un vaste ressort, chargée d’un enseignement
qui ne se donnait point à Paris, elle pouvait avoir des égales
clans les autres universités du royaume, elle n’y reconnaissait
point de supérieure. Au contraire, la Faculté de Théologie,
à Aix, comme partout ailleurs en province, était dominée
par l'ascendant extraordinaire qu’avait pris la Sorbonne pa
risienne. Auprès de cette faculté, mère et maîtresse, conseil
lère des Rois, inspiratrice des évêques, toutes les autres
facultés du même ordre étaient de respectueuses filles et de
modestes disciples.
line autre circonstance contribuait encore à augmenter
l’importance de la Faculté de Droit d’Aix. Elle n’avait pas
seulement le privilège exclusif de la collation des grades;
elle avait, en outre, le monopole de l’enseignement du droit
clans toute l’étendue du ressort du Parlement. L'enseigne
ment de la jurisprudence, institué en 1603 au collège royal
Bourbon, y fut supprimé dès 1621, et avait à peine reçu,
durant ce court espace de temps, un commencement d’orga
nisation. Il en était autrement delà Faculté de Théologie.
A côté et en dehors d'elle, l'enseignement théologique était
donné, avec autorité et d'une manière permanente, à Mar
seille, (à Toulon et à Aix même, soit dans les dépendances
des églises cathédrales, soit dans les maisons de certains
ordres religieux.
Quant aux deux autres Facultés, celle de Médecine était
�amoindrie et, en quelque sorte, effacée par le voisinage de
Montpellier, dont l’enseignement médical avait alors un éclat
et un renom incomparables. Celle des Arts, tardivement
agrégée à l’Université , n’y occupa jamais qu’un rang
secondaire et subordonné par rapport aux trois facultés
plus anciennes, qui étaient officiellement qualifiées de facultéssupérieures.
En résumé, à Aix, la Faculté de Droit jouissait d'une
prééminence très-réelle que le temps avait consacrée. C’était
en elle que se concentrait l’intérêt universitaire. Et encore
aujourd’hui, dans le langage-populaire, fidèle expression des
souvenirs du passé, l’Université n’est pas l’académie, l’en
semble des Facultés. C’est la Faculté de Droit, toute seule,
qui porte traditionnellement le nom du corps dont elle fait
partie.
Cette Faculté, durant les quatre siècles de sa première
existence, eut bien des vicissitudes, et traversa bien des ora
ges ; mais elle se maintint toujours forte et respectée, et ses
cours ne cessèrent pas d’être suivis par une jeunesse nom
breuse et empressée. Elle se gouverna constamment ellemême, sous l’autorité du recteur ou primicier de l’Université,
élu annuellement par l’assemblée générale des Fucultés. Ses
professeurs avaient le titre de professeurs royaux. Ils étaient
nommés au concours, sauf le droit d’option réservé, à chaque
vacance de chaire, en faveur des titulaires d’autres chaires.
Le nombre des chaires de la Faculté de Droit avait varié
suivant les temps. 11 avait d’abord été de six. L’édit royal
de 4758 le réduisit à cinq. Sur ce nombre, la ville en avait
longtemps payé deux; à partir de 1695, elle n’en paya
plus qu’une.
Ce concours pécuniaire de la ville aux frais de l’ensei
gnement avait souvent donné lieu, entre elle et l’Université,
à des rivalités et à des discussions. Une espèce de transaction,
passée devant notaires, le 31 décembre 1568, avait même
stipulé, en échange d’engagements financiers contractés par
la ville, que désormais la nomination des professeurs de droit
appartiendrait au conseil municipal. Mais cette transaction
ne fut jamais entièrement exécutée, et, ultérieurement, l’U
niversité recouvra la libre institution de tous ses professeurs,
par l’effet de l’arrêt du conseil de 1712, qui renouvela et
confirma tous ses anciens privilèges.
Entre les prétentions de la ville et les actes du pouvoir
royal, l’Université d’Aix, forte de sa double origine cano
nique et civile, de son existence séculaire et des sympathies
traditionnelles de la population, maintenait avec énergie son
indépendance et son autonomie. Elle avait elle-même re
nouvelé ses statuts en 1620, les avait fait confirmer par
arrêt du Parlement, et, dans la suite des temps, elle n’admit
les changements qu’y apportèrent les édits royaux, qu’après
vérification et enregistrement.
La Faculté de Droit, en particulier, était régie en dernier
lieu par l’édit de 1679, qui avait eu pour but d établir, dans
l'enseignement du droit de toutes les facultés du royaume, le
degré d’uniformité compatible avec les prérogatives et les
statuts des diverses universités. Voici quelles étaient les
principales dispositions de cet édit, combinées avec les rè
glements spéciaux de l’Université d’Aix.
L’enseignement du droit durait quatre ans. Le grade de
bachelier ne pouvait être obtenu qu’aprês deux ans d études,
celui de licencié après trois, et celui de docteur après quatre.
�L'acte public, pour chacun de ces grades, avait une durée de
deux heures pour le premier, de trois pour le second et de
quatre pour le troisième. Chacune de ces épreuves était sou
tenue devant douze docteurs, appelés successivement à inter
roger et argumenter le candidat.
Nous insistons sur ces détails, très-curieux et très-intéres
sants par leur rapprochement avec les règlements actuels.
Cette comparaison justifie nos réflexions préliminaires sur
les caractères auxquels se reconnaissent les innovations du
rables, et témoigne de l'heureux et habile accord qui se fit,
sous l’inspiration du premier Consul, entre les leçons de
l’expérience et les besoins des temps nouveaux. On conserva,
des anciens usages, la durée du cours d’études, la distribution
et la succession des grades. On en retrancha la longueur dé
mesurée , la solennité exagérée des épreuves publiques.
C’étaient là des spectacles, dont l’apparat quelque peu puéril
plaisait à nos aïeux et flattait leur goût pour les disputes
scholastiques; mais qui conviennent de moins en moins, à
notre époque positive et précise, à nos habitudes de brièveté
et de simplicité, à notre désir de gagner en sérieux moyens
de vérification et de contrôle ce que nous perdons en vaine
ostentation.
Il est un autre point par lequel le présent l’emporte
de beaucoup sur le passé. Chacune des anciennes universités
se renfermait en elle-même et refusait de reconnaître les
grades obtenus dans les universités voisines. Il fallut un
arrêt du conseil, rendu en 1676, pour, qu’entre les deux
universités d’Aix et d’Avignon, et à raison de leur extrême
proximité, il y eût réciprocité d’admission des docteurs et
gradués de chacune d’elles. Qu’il y a loin de cet exclusivisme
\o —
jaloux au large et libéral appel, fait à toutes les nationalités ;
de ces privilèges ombrageux au sentiment d’européenne
solidarité, qui, non content de l’égalité d’attributions entre
toutes les facultés de l’Empire, y convie même les universités
étrangères par l'équipollence des grades !
Toutefois, en nous applaudissant de l’heureuse atténuation
qu’a subie l’esprit de corps, sachons reconnaître l’utilité de
sa puissance dans le passé. C’est, grâce à cet esprit, qu'à
défaut de l’action incontestée du pouvoir central, et au milieu
de conflits incessants entre les pouvoirs locaux, les anciennes
institutions se soutenaient, se développaient et grandissaient
d'une manière et dans une direction conformes à leur première
origine.
Ainsi l’Université d’Aix, et, dans son sein, la Faculté de
Droit, demeuraient invariablement fidèles à leurs traditions.
Chaque année, le 1er mai, l'assemblée générale de l’Université
élisait ses trois officiers : le primicier ou recteur, l’acteur ou
agent judiciaire, le questeur ou trésorier. Chaque année,
les cours s’ouvraient le 18 octobre et se fermaient le 24 juin
suivant.
Ces vieux usages furent constamment suivis, et il y a
quelque chose de touchant à constater leur retour périodique
et leurs formes toujours les mêmes, dans les archives de
l'Université, déposées à la Faculté de Droit. On admire
l’espèce de naïveté patriarcale qui les faisait scrupuleusement
conserver, malgré le zèle novateur et les vagues aspirations
d’avenir qui agitèrent la seconde moitié du dix-huitième
siècle.
Cependant, vint le jour, où l'esprit des temps nouveaux
frappa si violemment aux portes de l'antique Université,
�— IG —
qu’elles durent céder à ses efforts. Déjà, lors de l'ouverture
des cours en 1790, le Directoire du département avait notifié
à l’Université que les qualifications d’eœcellentissimus et de
nobilissimus, qu’elle donnait dans ses affiches à ses officiers
supérieurs, devaient être supprimées, comme contraires aux
institutions récemment décrétées. Le Directoire ajoutait que,
chargé de la surveillance de l’enseignement public dans
tout le département, il prescrivait la suspension des cours
jusqu’à la prochaine session du conseil général. L’Université
résista cette fois, et résista même avec succès. Le 21 octobre
1790, elle prit une délibération fortement motivée, où
elle démontrait que les qualifications traditionnelles de ses
officiers étaient entièrement étrangères à toute distinction
de naissance, et où elle soutenait que, jusqu’à la nouvelle
organisation de l’enseignement public, elle avait le droit
de continuer ses leçons, sauf la surveillance des autorités
administratives. Ces réclamations furent accueillies, et les
cours se firent comme à l’ordinaire.
Mais une épreuve plus sérieuse et plus décisive attendait
les membres de la vieille Université. Le serment civique
prescrit par la nouvelle constitution, leur fut demandé.
Le procès-verbal de la séance du 28 mai 1791 fait foi
des hésitations, des luttes intérieures, sous l'empire desquelles
chacun dut se déterminer. Des trois Facultés supérieures
qui seules assistaient à cette mémorable séance, celle de
Théologie refusa le serment en masse; dans celle de Droit,
quatre membres le refusèrent, quatre le prêtèrent; dans
celle de Médecine, tous le prêtèrent, sauf deux. Tous les
officiers de l’Université le refusèrent, Al est à remarquer
que tous les refus, sans exception, furent motivés par des
scrupules religieux, à raison de la constitution civile du
clergé, qui était considérée comme comprise dans la constitu
tion générale de l’État.
Les membres qui avaient refusé le serment étant légalement
réputés démissionnaires, il fallut pourvoir à leur rem
placement. De nouveaux professeurs furent nommés. Un
nouveau Recteur fut élu. Ce fut un simple docteur agrégé
à la Faculté de Droit. Ainsi, la Faculté de Droit qui
remontait au berceau de l'ancienne Université, eut le triste
honneur de la conduire au tombeau. Chargé de diriger
une comgagnie mutilée, veuve de ses membres les plus
distingués, et que ne soutenait plus Fesprit public , le
Recteur récemment élu voulut au moins qu elle succombât
avec convenance et dignité. 11 maintint jusqu’à la fin
l'observation des coutumes traditionnelles. Le i juillet 1791,
il reçut le serment universitaire des prêtres de la doctrine
chrétienne, professeurs régents au collège Bourbon et formant
à ce titre, la Faculté des Arts, qui avait séparément prêté
le serment civique entre les mains de la municipalité. Le
18 octobre 1792, il présida, dans la forme accoutumée,
à l'ouverture sollennelle des cours, après assistance à la
messe et avec les harangues d'usage. Cette ouverture des
cours fut la dernière. Le peu qui restait de l’Université
s’éteignit et disparut au bruit des discordes publiques ,
et au retentissement lointain du canon de nos armées
qui luttaient héroïquement contre l’invasion étrangère.
L'enseignement du droit répondait à des besoins si
généraux et si urgents, qu’il ne pouvait tarder à être
rétabli. Aussi, dès 1795, entra-t-il, sous le nom de
cours de législation, dans le plan d’études des écoles centrales
�—
18
de département. Mais c'était là un simple essai, auquel
manquaient les vues d’ensemble, et qui tendait à faire
de la jurisprudence une science superficielle et accessoire,
en la réduisant à n’être que le complément d’une éducation
libérale.
C’était au premier Consul, au régénérateur de la société
française qu’était réservée la gloire de rendre aux études
juridiques leur dignité et leur grandeur. La même main
qui rouvrait les temples, qui posait les bases d’une lé
gislation uniforme et d’une administration régulière, releva
les chaires des facultés de droit. La loi du 22 ventôse
an XII et le décret du 4e jour complémentaire de la
même année, instituèrent pour toute la France, douze écoles
de droit. Le siège d’une de ces écoles fut fixé dans la
ville d’Aix.
L’École de Droit d’Àix, au début , comme toutes les
autres, n'eut que cinq chaires: une de Droit Romain ,
trois de Code Napoléon, une de Procédure Civile et de
Législation Criminelle. Ce nombre, égal d’ailleurs à celui
dont elle était en possession dans les derniers temps de
l’ancienne Université, a été successivement accru d’une
chaire de Droit Commercial en 1832, d’une chaire de
Droit Administratif en 1835. Il lui manque, pour être
complètement au niveau des écoles les plus favorisées, une
deuxième chaire de Droit Romain, dont l’enseignement
est provisoirement donné par un agrégé; mais dont la
création définitive répondrait aux vœux les plus ardents
des professeurs, comme à I intérêt bien entendu d’une
population d’étudiants, chaque jour croissante.
Depuis son rétablissement en l’an Xlï, et sauf l’ac-
19 —
croissement progressif du nombre de ses chaires, l'Ecole
de Droit d’Aix n’a subi aucun changement considérable.
A l’exemple des écoles ses sœurs, elle a été heureuse ,
en 1808, de reprendre ce nom de Faculté qui lui rap
pelait un passé séculaire, et de retrouver dans l’Université
impériale, dont elle dut désormais faire partie, limage
agrandie de l’Université provençale qu elle avait tant contri
bué à soutenir et à honorer.
Ainsi régénérée et transformée, la nouvelle Faculté de
Droit d’Aix n’a rien à envier à sa devancière. Elle peut
être justement fièrc de ses lointaines origines ; mais c’est
de son rétablissement en l'an XII que date sa véritable
importance. Jamais avant 1789, elle n’avait possédé le
nombre de chaires quelle possède aujourd’hui. Jamais
elle n’avait vu une telle affluence à ses cours, un tel
empressement à conquérir ses grades. La ville d'Aix,
qui sous d’autres rapports, a perdu au changement de
régime, y a, au contraire, gagné et beaucoup gagné quant
à l’enseignement juridique. Sa Faculté de Droit est, depuis
plusieurs années, la troisième de l’Empire. Elle est peutêtre appelée, dans un temps assez rapproché, à en devenir
la seconde.
Placée, comme elle l'est, par sa proximité de Marseille,
entre l’Occident et l'Orient et à portée de l'Algérie, elle
a un caractère, en quelque sorte international et cosmopolite,
qu’aucune autre, dans les départements, ne possède au
même dégré. Déjà ses cours sont fréquentés par des sujets
Grecs et Russes. 11 en sera déplus en plus ainsi, à mesure
que la politique puissante et les armes victorieuses de
l’Empereur étendront, jusqu’à l’extrême Orient, l’action
�et l'influence de la France. Ce caractère exceptionnel de
la Faculté de Droit d’Aix, ajouté au nombre croissant
de ses élèves, nous est un sûr garant du complément
si désiré et si nécessaire de son enseignement. Les chaires
qui lui manquent pour répondre à ses destinées agrandies
par l’apparition triomphante du drapeau français en Italie,
en Asie et en Amérique , ne peuvent manquer d’être
prochainement créées. La pensée qui inspira Napoléon Ier,
lorsqu’il rétablit l’École de Droit d’Aix, sera poursuivie
et complétée par son glorieux successeur.
Arrivé au terme de l’exposé historique que je vous
avais promis, je n'ai plus maintenant qu'à vous présenter,
pour justifier notre satisfaction du présent et notre con
fiance en l’avenir, le compte rendu analytique et succinct
des résultats de notre enseignement public et de notre
juridiction universitaire, durant l'année scolaire qui vient de
s'écouler.
Le nombre de nos étudiants a continué à s’accroître.
Le chiffre total des inscriptions, qui avait été de 888
pendant l'année scolaire 1801-1862, s’est élevé à 082
pour l’année 1862-1863. C’est une augmentation de prés
de cent, qui représente, en moyenne, 25 étudiants déplus
par trimestre.
Le nombre total des examens et thèses, durant l’exercice
1862, c’est-à-dire, du 1er janvier au 31 décembre de l’année
précitée, a été de 305.
Ce nombre s’est ainsi réparti: 12 examens de capacité;
79 premiers de bachelier ; 76 deuxièmes de bachelier ;
40 premiers de licence; 44 deuxièmes de licence; 35
thèses de licence; 12 premiers de doctorat; 6 deuxièmes
de doctorat ; une thèse de doctorat.
Si, au lieu de compter les examens par exercice, ou
les compte par année scolaire, on arrive aux résultats
suivants pour les quatre trimestres de l’année 1862*1863.
397 examens et thèses, ainsi répartis: 48 dans la session
de novembre; 78 dans celle de janvier; 54 dans celle
d’avril; 2 12 dans celle de juillet et août; 5 hors session,
en vertu d’autorisations spéciales de M. le Recteur. 4
examens de capacité; 80 premiers de bachelier; 90 deuxiè
mes de bachelier; 76 premiers de liceuce; 68 deuxièmes
de licence ; 56 thèses de licence ; 5 premiers de doctorat ;
6 deuxièmes de doctorat ; 4 thèses de doctorat.
Si l’on compare ce tableau au précédent, on remarque
une diminution sensible dans le nombre des examens de
capacité, tandis que celui des épreuves de doctorat continue
à être très-satisfaisant. Il n’y a qu’à s’applaudir de ce
double fait, qui témoigne de deux tendances également
favorables à l’élévation progressive du niveau des études
juridiques.
Quant aux résultats que les examens ont amenés pour
les candidats, durant l'année scolaire 1862-1863, ils ont
été les suivants: 347 réceptions et 50 ajournements. Le
nombre proportionnel d’ajournements, beaucoup plus élevé
que dans les années précédentes, est dû à 1énergique
intention de la Faculté de tenir haute et ferme la balance de
ses jugements.
Sur les 347 réceptions, 22 seulement ont eu lieu avec
éloge, c’est-à-dire, avec totalité de boules blanches. C'est
�encore là une preuve de la juste et salutaire sévérité (jue
la Faculté apporte dans ses décisions.
Le nombre des ajournements et celui des admissions
avec éloge se sont à peu près également répartis entre
les diverses natures d’examens et de thèses. Toutefois, pour
les premiers examens de bachelier, le chiffre proportionnel
des ajournements est sensiblement supérieur, et celui des
admissions avec éloge, sensiblement inférieur à la moyenne
générale. Double résultat où les étudiants de première
année doivent voir non un motif de découragement, mais
une significative invitation à redoubler de travail pour
satisfaire aux légitimes exigences de la Faculté.
11 ne me reste plus qu’à vous entretenir de notre en
seignement. Comme toujours, les professeurs ont rivalisé
de zèle pour rendre leurs leçons intéressantes et fructueuses.
Il est à désirer que les étudiants répondent à de si constants
efforts par une assiduité plus grande aux cours, par une
attention plus soutenue aux leçons. Qu’ils se persuadent
bien que ce sont là les vrais moyens, non-seulement de
s’assurer le succès de leurs épreuves scolaires; mais, ce
qui vaut mieux encore, d’acquérir lentement et par dégrés
une instruction sérieuse et durable. L’habitude de suivre
les cours est un préservatif efficace contre les excitations
dangereuses et contre la tendance à l’oisiveté. L’enseignement
oral de chaque professeur, résumé d’immenses lectures
et de longues méditations, supplée à l’inexpérience de
l’étudiant, et lui sert de guide nécessaire au milieu des
textes et des commentaires dont, à défaut de ce secours,
la multiplicité et la fréquente incohérence l’égareraient au
lieu de le diriger, l’éblouiraient au lieu de l’éclairer.
Des changements considérables se sont accomplis dans
le personnel de la Faculté. M. Grellaud a élé appelé à
la chaire de Procédure Civile et de Législation Criminelle*
obtenant ainsi la juste récompense du concours si utile
et si dévoué qu'il nous prêtait en qualité de suppléant
depuis près de vingt ans. M. Pison, agrégé de la Faculté,
lui a succédé, comme chargé de cours, dans la deuxième
chaire de Droit Romain, dont la création définitive, en
sa faveur, comblerait nos vœux les plus chers, et rémunérerait
un mérite aussi solide que modeste, un talent parfaitement
mûr pour le haut enseignement et dix années d’excellents
services.
Ces deux promotions ont été le résultat de la détermination
prise par M. le doyen Bouteuil, de se donner le repos
si bien dû à ses longs et honorables travaux. En des
cendant de la chaire qu'il occupait depuis 37 ans, M.
Bouteuil y a laissé des souvenirs de science, d’exactitude
et de zèle, que son successeur a pieusement recueillis et
auxquels il sera toujours heureux de se montrer fidèle.
En quittant le décanat qu'il avait exercé depuis plus de
20 ans, il s’est démis d’une autorité qu’il savait rendre
aussi douce à ses collègues que paternelle et affectueuse
aux étudiants.
Appelé au difficile honneur de lui succéder dans les
fonctions de doyen, mon premier sentiment est un sentiment
de gratitude pour le chef de l Université qui a bien voulu
m’eu investir, pour le chef de cette Académie et pour
l’inspecteur général des écoles de droit, qui m’ont proposé
à son choix, pour mes collègues qui y ont témoigné
l’assentiment le plus généreux et le plus empressé, pour
�le publie culin qui a manifesté le favorable accueil qu’il
faisait à ma promotion. Puis, ce tribut de reconnaissance
payé, je sens et je sentirai de plus en plus le besoin
de m'inspirer des traditions de mon vénéré et bien-aimé
prédécesseur.
Puissé-je, comme lui, conserver toujours les meilleurs
rapports avec les représentants de l’autorité publique ,
maintenir aisément la dignité et les droits de la Faculté,
assurer le progrès des études par un rare mélange de
sévérité et de bienveillance, mériter l’affectueuse estime de
mes collègues et la respectueuse déférence des étudiants !
Dans mes efforts pour atteindre ce but, ce qui me rassure
et me soutient , c’est la douce et consolante pensée que je
ne serai pas réduit à m’inspirer de ses exmples. Je
pourrai aussi m’aider de ses conseils, et il me les donnera
d’autant plus volontiers qu’il n’a pas cessé d’appartenir à
la Faculté, et que son titre de doyen honoraire l’intéresse
à la bonne direction d’une école qui a entouré sa retraite
des plus affectueux hommages, et qui lui gardera un
impérissable souvenir.
R a p p o rt «le 11. le R oy en «le la f a c u l t é
«les L e ttre s.
Messieurs ,
J’ai l’honneur de vous présenter sur la Faculté des
Lettres d’Aix le rapport destiné à en faire connaître la
situation pendant la dernière année scholaire.
Si la prospérité d’un établissement d’instruction supé
rieure s’estime par le nombre d’examens auxquels il procède
dans l’espace d’une année, jamais celui dont je suis en ce
moment l’organe ne s’est trouvé dans un état plus floris
sant. Les trois sessions qu’il a tenues pour le baccalauréat
en 1862-1863 ont réuni 146 candidats, c’est-à-dire 44
de plus que l’année d’auparavant, qui déjà avait surpassé
sous ce rapport tous les exercices antérieurs.
Que cette augmentation ne soit pas absolument un avan
tage, un signe certain de progrès, attendu qu elle peut être
attribuée à plusieurs causes différentes, nous le savons. Mais
c’est tout au moins, il faut aussi qu’on en convienne, un
indice favorable, qui par lui-même et surtout joint à d’autres
ne saurait s’interpréter qu’en bonne part. Au reste, le fait
que je signale n’est point particulier, mais général. Le der
nier Exposé de la situation de l'Empire constate dans toutes
les facultés des lettres de France le même mouvement as
censionnel, et dans les facultés des sciences un mouvement
contraire. Ainsi, à Aix, quoi qu’on en dise, nous sommes
de notre temps, nous marchons avec le siècle, et même, vous
le voyez, d'un pas accéléré.
En devenant plus nombreux, nos examens sont-ils deve
nus meilleurs? Non, Messieurs, et c’est ce qui empêche
notre satisfaction d’être complète. La vérité est que la force
des candidats a peu varié, ou, si on peut dire qu’elle abaissé,
c’est d'une quantité en quelque sorte inappréciable. Ce qui le
prouve, c’est que la moyenne des admissions a presque at
teint le chiffre que nous obtenons d'ordinaire, savoir: 45
�— 26 —
p. 100. Sur les 446 candidats examinés il y en a eu 209
de reçus et 237 d’ajournés. Que si les réceptions ont laissé
quelque chose à désirer pour le nombre, elles se sont rele
vées par les mentions honorables. Trois des candidats
reçus ont mérité la mention très-bien, 17 la mention bien,
et 40 la mention assez bien. En tout, 60 bacheliers distin
gués contre 149 dont la plupart ne le sont point du tout,
je vous en suis garant, n’est-ce pas là un résultat dont il est
permis de se féliciter à tous égards ?
Au-dessus du baccalauréat, dans l'ordre des grades que
nous conférons, est placée la licence, bien moins recherchée,
parce qu’elle n’est pas pour entrer ou pour avancer dans uu
grand nombre de carrières une condition sine quâ non,
parce qu’elle n’est exigée que des aspirants au professorat.
Un seul candidat s’est trouvé inscrit à la session de novem
bre. C’était une vieille connaissance. Il se présentait pour
la cinquième fois. Le succès a enfin couronné ses efforts
obstinés et récompensé sa persévérance édifiante. — A la ses
sion de juillet six concurrents sont venus prendre part aux
épreuves. Et parmi eux nous avons eu le regret de ne
remarquer aucun étudiant en droit. Les élèves de pre
mière année n’étaient pas gens à se permettre un pareil excès
de zèle. Vous avez pu en juger, Messieurs, par le rapport
si véridique et si consciencieux de M. le Doyen de la Facul
té de Droit. L’exemple cette fois est venu d’ailleurs. 11 est
venu, qui s’en serait douté ? de l’Angleterre. Oui, Messieurs,
de la patrie d’Alcuin, de Scot Erigène et d’autres célèbres
instituteurs dont la France n’a pas perdu le souvenir. Un
jeune anglais de 18 ans, M. Markheim, né à Smyrne, élevé
au lycée de Marseille, précédemment reçu bachelier avec la
mention très-bien , s’est représenté devant nous quelques
mois après parmi les aspirants à la licence; titre pour lui
d’autant plus glorieux , s’il l’obtenait, que, n’en ayant nul
besoin, son ambition à cet égard était toute désintéressée.
Il l’a obtenu en effet, et de manière à emporter tous les suf
frages, à satisfaire pleinement tous ses juges. Esprit d’élite
et passionné pour le savoir, l'espérance de sa famille, dont
il est déjà la joie et l’orgueil, il étudie à présent le droit à
l’Université d’Oxford, où il conservera sûrement, avec le
souvenir de la France, des sentiments d’estime et de sym
pathie intellectuelle que n’altéreront ni les dissentiments
politiques ni les rivalités nationales d’aucune sorte. Avec lui,
ou plutôt après lui, mais honorablement encore, a été re
connu apte au grade un de ses concurrents, M. St.-Hilaire,
aspirant-répétiteur au lycée de Nice. Les quatre autres ont
échoué.
Voilà pour la licence. Voici pour le doctorat, le plus élevé
des grades universitaires. Il ne nous a été demandé que par
un seul aspirant. Sa tentative n’a point eu de succès. Elle a
dû être repoussée par la question préalable; c’est-à-dire que
l’examen des thèses manuscrites qui nous avaient été sou
mises a eu pour résultat une déclaration d’insuffisance. Que
s’ensuivra-t-il? Un désistement ou un redoublement d’efforts?
Nous l’ignorons, et nous attendons.
J’arrive à notre enseignement. Il a été l’année dernière
aussi suivi que jamais, tant à Aix, où nous résidons, qu’à
Marseille, où nous allons donner des leçons concurremment
avec la Faculté des Sciences et dans le même local. La fré
quentation de nos cours, dans les deux villes, est aujour
d’hui passée en habitude chez un certain nombre de personnes
�auxquelles ne suiïit pas, pour exercer leur pensée et nourrir
leurs sentiments, la lecture des journaux et des livres. Ainsi
nous continuons à remplir avec un succès que je ne crois
pas exagérer eu l'appelant soutenu la partie de nos fonctions
la plus .relevée , celle qui consiste, sinon à faire naître, du
moins à entretenir ou à ranimer dans le public le goût des
choses de l’esprit ; ainsi nous avons eu encore la satisfac
tion de sentir notre utilité, en voyant se grouper de nouveau
autour de nos chaires avec un zèle persévérant une élite de
personnes que les préoccupations de la vie positive n’ont
point rendues insensibles aux nobles jouissances de la vie
intellectuelle et morale.
De tous nos auditeurs ceux qui nous inspirent le plus
d intérêt (soit dit sans exciter de jalousie dans l'esprit des
autres), ce sont les étudiants en droit, parce que ce sont
ceux qui pourraient retirer de nos leçons le plus de profit,
s'ils le voulaient. Mais, hélas ! notre prédilection pour eux
a tout l’air d’ètre une passion malheureuse. Du moins s’ils
avaient, comme Socrate, la science qui consiste à savoir qu'on
ne sait rien, avec le désir d’apprendre ce qu’ils ignorent!
Mais il est incroyable combien peu d’entre eux sentent le
besoin de ne pas rompre avec les études classiques, avec ce
qu’on appelle si justement les humanités. Cette nécessité
pourtant est facile à concevoir. M. le Ministre de l’Instruc
tion publique l’a proclamée dernièrement dans une circons
tance solennelle avec un rare bonheur d’expression. « Ne
« laissez pas, a-t-il dit aux maîtres de la jeunesse, ne laissez
« pas l’écolier se cantonner dans un coin de nos études....
« Assurez-lui la culture de l’esprit la plus large et la plus
« féconde. » Il avait déjà dit ailleurs et devant un autre
auditoire, qui avait particulièrement besoin, comme celui
qui nous vient de la Faculté de Droit, d’être mis en garde
contre la préoccupation des études exclusives, que « l’idéal
« d’une bonne éducation de Fintelligence serait qu'on pût
« se rendre universel au profit d’une spécialité. »
Or, ce qui est vrai, à cet égard, de l’écolier sur les bancs
du lycée, et de l’élève d’une école qui se prépare par la
culture approfondie des sciences à exercer un jour une pro
fession utile, s’applique avec une égale justesse à l’étudiant
en droit. S’il se spécialise dès l’école, il se mutile. Etudier
le droit et s’y réduire, s’y livrer uniquement, c’est l'étudier
mal ; car c’est se priver des secours que cette étude peut
recevoir de celles qui y touchent de plus près ; c'est déve
lopper une aptitude de l'intelligence au préjudice de sa
capacité ; c’est s’exposer à n ôtre dans la suite qu'un pra
ticien subalterne, ou tout au moins un esprit incomplètement
cultivé, un esprit borné, étroit, qui a perdu en étendue et en
élévation ce qu’il a gagné ou plutôt ce qu'il semble avoir
gagné en force. Quels magistrats éminents, quels avocats
signalés, quels jurisconsultes célèbres n'ont pas été formés
à l’école des grands écrivains de tous les temps, n’ont pas
vécu avec eux dans un intime et continuel commerce? Et
comment s’imaginer que nos leçons, si médiocres que les
suppose notre modestie, soient inutiles à des jeunes gens qui
doivent se distinguer un jour, dans une carrière libérale,
par la connaissance de l'homme et des hommes, par la
variété du savoir, et la plupart par la facilité ou la puissance
de la parole? Non, Messieurs, l’enseignement supérieur des
lettres n’est point par rapport à celui du droit une super
fluité; c’en est l’accompagnement le plus naturel, on pourrait
�;}()
même dire sans trop d'exagération le complément néces
saire.
Dans l'existence très-peu variée de notre Faculté je n’ai
à signaler pour l'année dont il est question qu’un seul fait
important, un changement de personne. A M. Joly, rappelé
à Caen par des convenances de famille, a succédé, dans la
chaire de Littérature française, M. de Suckau, ancien élève
de LÉcole Normale, universitaire de naissance, pour ainsi
dire, ainsi que de vocation. Préparé au ministère public de
la parole par de fortes études, par les rudes épreuves de
l'agrégation, et enfin par une longue pratique de l’enseigne
ment dans les lycées, notre nouveau collègue a su gagner les
suffrages et les sympathies d'un auditoire difficile à satisfaire,
quoique bienveillant. Je ne saurais rien dire de plus ; sa
présence le met à couvert de mes éloges. J’ajouterai seule
ment, pour ce qui regarde ses qualités personnelles, qu elles
ont rendu faciles son admission et son intimité dans un corps,
où il se présentait d’ailleurs recommandé par un de ses pré
décesseurs les plus aimés, et dont le souvenir nous est resté,
à nous, ses anciens collègues, particulièrement cher.
—
—
«le II. l»ison, i»r«»fcs»sciii*-sup
p lé a n t a la f a c u l t é «le llr o h .
M essieurs ,
C’est pour la quatrième fois que, dans l’espace de quelques
années, la Faculté nous confie la rédaction du rapport sur
les compositions. Nous la remercions d'avoir ainsi rendu
plus fréquentes pour nous ces relations, que le maître est
toujours heureux d’entretenir avec ses éléves. Nous aimons
d’autant plus ce genre de communications que, suivant
nous, le compte rendu doit faire à l’éloge une assez large
part. Sans doute la critique trouverait facilement à s’exer
cer sur ces premiers et timides essais ; mais tout imparfaits
qu’ils soient, ils ont droit à l’approbation et aux encourage
ments, que méritent dans tous les cas le travail et la bonne
volonté. La Faculté ne saurait demander davantage à ses
jeunes lauréats.
Quand, plus tard, l’élève devenu familier avec l’étude du
droit abordera les épreuves du doctorat, on se montrera plus
exigeant à son égard. La récompense ne sera décernée qu'à une
œuvre sérieuse,mûrie à loisir,et se distinguant non moins par
le mérite de la forme, que par la valeur du fond. Ajoutons
avec regret, que cette année, malgré l’intérêt de la question
choisie par M. le Ministre, aucun Mémoire ne nous a été
présenté. C’est donc à l’examen des compositions de licence
que devra se borner cette rapide appréciation.
Pour la première année, les candidats avaient à traiter
de l’exhérédation des enfants en Droit Romain. Le choix
de la Faculté pour le premier prix n’a pas été douteux. Tous
les suffrages se sont réunis sur M. Baret Félix, de Gardanne, dont le succès ne surprendra aucun de ceux qui con
naissent ses habitudes laborieuses. On sent qu'il a étudié
son sujet d’une manière intelligente ; aussi le développet-il avec sagacité, empruntant de fréquentes citations à
Gaïus et même au Digeste, ce qui est digne de remarque chez
�— 32 —
un étudiant île première année. Du reste, il connaît bien les
principes ; mais il a le tort de ne pas mettre assez en lumière
quelques-uns des plus essentiels. Succès oblige ; M. Baret
ne l'ignore pas ; puisse-t-il donc trouver dans cette première
victoire un acheminement à des triomphes nouveaux.
En seconde ligne se placent MM. Bédarrides Lucien,
d’Aix, et Padoa, de Marseille. La Faculté leur décerne la se
conde médaille ex œquo. Ils sont l'un et l'autre moins com
plets et moins rigoureusement exacts que M. Baret; de là, au
profit de celui-ci, une supériorité marquée. Mais d’ailleurs
les pages écrites par MM. Bédarrides et Padoa sont loin
d’être sans mérite: l’ancien Droit Civil, le Droit Prétorien,
la législation de Justinien y sont l'objet d'un examen trésconsciencieux.
De même, dans la dissertation de M. Alphandéry Albert,
de Salon, on retrouve les divers textes des Institutes passés
successivement en revue,mais avec moins de développements;
d’un autre côté, sa doctrine n’est pas toujours sûre; aussi,
malgré d’incontestables qualités, son travail n'obtient-il
qu’une mention honorable.
En deuxième année le concours j>orte toujours sur une
question de Droit Français. Elle était ainsi formulée cette
année : En faveur de qui est établie une réserve et sur quelle
masse de bien est-elle calculée?
La Faculté a tout d'abord mis hors ligne deux composi
tions, celles de MM. Blache, de Toulon, et Jouve, de Marseille.
Mais fallait-il placer l’une avant l’autre, et laquelle ? Fallaitil, au contraire, les mettre toutes doux sur le môme rang \
Le doute était permis ; car, avec des qualités tout à fait dif
férentes, toutes deux sont vraiment bonnes.
33 —
L’un, M. Blache, est un esprit original, incisif, agressif
même à l’encontre de ceux qui ne partagent pas ses opi
nions. Il sait beaucoup et bien ; son argumentation est solides
il discute volontiers et avec chaleur, citant, tantôt pour les
invoquer , tantôt pour les combattre, de nombreuses au
torités doctrinales. Il est à regretter seulement qu’un désir
exagéré de ne rien omettre l’entraîne quelquefois hors des
limites de son sujet.
L’autre, M. Jouve, a des allures beaucoup moins indé
pendantes. Plus modeste, il est prudent et n’aime guère à
quitter les sentiers battus. Mais c’est un esprit judicieux,
méthodique, sachant se renfermer strictement dans le cadre
qui lui est tracé, s’attachant du reste à traiter la question
dans tous ses détails, et réussissant à former un ensemble,
où tout se tient et s'enchaîne.
Après quelques hésitations, en présence de mérites si divers
mais également recommandables, la Faculté décide que le
premier prix sera partagé entre les deux candidats.
Aucune autre composition n’ayant paru digne d'un second
prix, il a fallu se borner à décerner des mentions honorables.
La première est accordéeexæquo à MM. d’Hauthuille, d’Aix,
et de Lajudie Joseph, de Montpellier. Us se font lire avec
intérêt, même après MM. Blache et Jouve, leurs rivaux plus
heureux. M. d’Hauthuille a généralement de l'ordre et de la
clarté ; son style est simple et facile, mais il est moins nourri,
moins serré que M. de Lajudie, et de son côté, celui-ci man
que assez souvent de méthode et de netteté.
La deuxième mention se divise entre MM. Ripert,de Cadenet, et Valabrégue, de Carpentras, qui, dans le dernier con
cours, occupaient l’un et l'autre un meilleur rang. Constante
3.
�assiduité aux cours, application exemplaire, travail jinfatigable, tout semblait leur présager cette année encore le même
succès. Pourquoi faut-il que M. Ripert s’égare presque
toujours sur des matières étrangères à son sujet? Les solides
connaissances, dont il a fait preuve, lui ont été de la sorte à
peu prés inutiles. Pourquoi M. Yalabrègue,à son lour,eiïleure-t-il à peine la seconde partie de la question? C'est d’autant
plus regrettable, que dans la première on rencontre des
pages bien remplies, celles notamment qu’il consacre au
Droit ancien. Puisse du moins l’estime de leurs maîtres con
soler ces bons jeunes gens de n’avoir pas obtenu un résultat
plus heureux.
En troisième année,la Faculté a vu avec non moins de sur
prise que de regrets plusieurs de ses meilleurs élèves ne pas
se présenter au concours. Deux d’entre eux seulement y ont
[tris part, MM. Jannet, de Paris, et Montamal, de Marseille.
Serait-ce le renom de ces deux intrépides champions qui
aurait écarté de la lice les autres concurrents? Nous aimons
à nous persuader le contraire. Quoiqu’il en soit, restés seuls
maîtres du terrain, MM. Jannet et Montamal se le sont
vaillamment disputé. Aussi se suivent-ils l’un l'autre de fort
près, surtouten Droit Romain, où ilsavaient à faire connaître
la division des stipulations.
Lesdeux dissertations se ressemblent parla méthode. C’est
qu’ici le cadre est tout tracé par le texte même des Institutes,
qui donne la division de la matière et cite d’une manière som
maire les exemples les plus remarquables. Il s’agit seulement
de les développer ; or, ce développement lui-même est aussi
entier, aussi heureux chez l’un des candidats que chez
l’autre. Un examen attentif a cependant révélé chez M. Mon-
— 35 —
tamat quelques inexactitudes de détails, qu’on ne trouve point
chez M. Jannet. Cette dilférence, quoique bien légère, a valu
à ce dernier la première médaille. En conséquence, M. Montamat n’obtient que la seconde. Mais perdre ainsi le premier
prix n’est pas une défaite; ou, si c’en est une, elle est de celles
dont on peut dire avec Montaigne (Essais, liv. I , chap. 30),
qu’il est des pertes triomphantes à l’envi des victoires.
En Droit Français l’ordre est le même : M. Jannet est
encore le premier, M. Montamat le second. Ilsavaient à re
chercher: Comment se règle le rang entre créanciers hypothé
caires, soit pour le capital, soit pour les intérêts de leurs
créances, lorsque ces hypothèques sont soumises à une ins
cription pour la conservation du droit de préférence.
Après une courte introduction historique, M. Jannet établit
avec-soin la règle de l’art. 2134; puis il donne une idée
sommaire des principales difficultés que soulèvent les ques
tions de rang hypothécaire. Nous n’aurions que des éloges à
donner à cet excellent travail si trop d’abondance ne le gâtait
un peu, à notre avis : les notes, les additions, les interlignes
s’y multiplient, en rendent la lecture difficile'et nuisent singu
lièrement à la clarté de l’ensemble.
Sous la plume de M. Montamat rex|x>sition se déroule
plus nette, plus dégagée. Elle embrasse d’ailleurs, comme
celle dcM. Jannet, l'histoire, les principes, la controverse.
Pourquoi donc n’obtient-il pas un triomphe complet? C’est
qu’il a commis une importante omission, ayant négligé de
traiter la question de concours entre les hypothèques géné
rales et les hypothèques spéciales.
Puissions - nous retrouver cette année MM. Jannet et
�Montamat dans les luttes plus sérieuses, plus ditïiciles,
mais en même temps plus brillantes du doctorat.
Notre tâche estmaintenant terminée. Qu’il nous soit permis
en finissant d’adresser une simple recommandation à ces
nouveaux venus, élèves de première année, que la science
réclame, mais que le désœuvrement et les passions sollicitent
non moins vivement. Qu'ils sachent dés les premiers jours
s’astreindre à un travail régulier, soutenu ; de là dépend tout
le succès de leurs études ; de là peut-être même leur avenir
tout entier. Des habitudes d’oisiveté contractées à leur âge
non-seulement se conservent à l’école, mais encore se gardent
souvent toute la vie. On les porte avec soi dans le monde.
Faut-il s’en étonner? S’afïranchit-on aisément de ce que l’on
aime? Et ne finit-on pas par aimer une mollesse, une négli
gence qu’on a peut-être haïe dabord? Tacite l’a fort bien re
marqué: Invisa primà desidia, postremô amatur (Agricolœ
vita^C. IIIJ. Gardez-vous donc, jeunes gens, gardez-vous
avec soin de l’oisiveté et des dangers qu’elle entraîne. Croyezen la voix amie qui vous parle; mettez-vous à l’œuvre cou
rageusement, avec ardeur et sans retard. Vous en serez
amplement récompensés par l’approbation devos maîtres, par
la satisfaction de vos familles, et ce qui vaut mieux encore,
par le témoignage de votre propre conscience.
DE LA FACULTE DES SCIENCES
ET DE L’ÉCO LE P R É PA R A T O IR E
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE.
DE M A R S E IL L E .
L’an 1863, le 28 novembre, à deux heures de
relevée, a eu lieu, à Marseille, dans la grande salle
de la Faculté des Sciences, la rentrée solennelle de
la Faculté des Sciences et de l’École préparatoire de
Médecine et de Pharmacie, sous la présidence de M.
Desclozeaux, Recteur de l’Académie d ’Aix.
Assistaient a code séance M. de Mau pas, Sénateur,,
chargé de l'adm inistration du départem ent des Bou
ches-du-R hône, M. d Aurelle de Paladines, com
m andant la division, M. le Maire de Marseille, M. le
Secrétaire-Général de la Préfecture, M. le ReceveurGénéral. On rem arquait dans l'enceinte un grand
nom bre de personnes notables de la ville, enlr’autres
M .Gim m ig, ancien président du tribunal de corn-
�— 38 —
nierce, M. le Proviseur du lycée impérial, des Pro
fesseurs du lycée et plusieurs ecclésiastiques. Une
division du lycée impérial était présente,
M. le Recteur a donné la parole à M. Roux, pro
fesseur à l’École de Médecine, chargé du discours de
rentrée, qui s'est exprimé ainsi :
Monsieur
le
R ecteur , Messieurs ,
Un homme fort versé clans l’étude des lettres entrait un
jour, avec moi, clans un lieu où étaient entassées sans ordre
une foule de choses curieuses et où nous trouvâmes le buste
de l’un des plus grands génies de l’antiquité, celui d’Hippo
crate, placé eu face de celui de Molière.
Ce rapprochement fit sourire mon ami qui se livra à quel
ques plaisanteries de bon goût et qui attribua à fauteur
comique une influence beaucoup trop grande sur les progrès
des études médicales.
Le livre si remarquable de M. Maurice Raynaud, intitulé:
Les médecins du temps de Molière, n’avait pas encore paru
et cependant il était facile de comprendre que le but de
Molière n’avait été qu’une attaque vigoureuse contre la sco
lastique et ses puériles subtilités ; qu’en mettant en scène
les médecins de son temps si entichés des pratiques surannées
et des vieilles erreurs, il avait obtenu par ses plaisantes ex
hibitions et le fou rire delà France entière, ce que Rabelais,
Descartes et Pascal avaient vainement tenté sur l’esprit hu
main.
Molière, l’un des meilleurs disciples de Gassendi, inspiré
par les docteurs Lienard, Bernier et Mauvillain, dans les
joyeuses réunions de Mme de la Sablière auxquelles assis
taient Lafontaine, Boileau et la spirituelle Ninon de Lenclos,
a, dans sa pathologie burlesque, attaqué la méthode et le
langage de quelques docteurs de son temps, et par le latin
macaronique qu’il leur a prêté, a voulu les ramqpcr à
l’emploi delà langue française dans l’étude des sciences.
Ce serait, en effet, une grave erreur si on prenait pour de
vrais portraits les types des médecins produits sur la scène
dans les comédies du sublime penseur, ils le sont moins que
ceux des femmes savantes, des marquis beaux esprits, et des
bourgeois vaniteux qui cherchaient à parer leur roture de
titres d’autant, plus ridicules qu’ils étaient plus ambitieux.
Ces observations si justes de mon interlocuteur, n’étaient
pourtant pas suffisantes à mes yeux et en m’inclinant de
vant le génie de la scène française, je lui promis de lui
faire connaître, un jour, le véritable état de la médecine
au XVIIe siècle, de lui signaler ses importantes découvertes
elles hommes remarquables à qui elles furent attribuées...
Qu’il me soit permis de raconter aujourd’hui quelle fut la
médecine dès son origine, d’en suivre les progrès chez les
divers peuples jusqu’au règne de Louis XIV, et d’étudier
quelles furent les véritables causes qui inspirèrent Molière
et les critiques de son temps.
L’origine de la médecine comme celle de plusieurs autres
sciences remonte à l’antiquité la plus reculée. On peut en
elïet conjecturer que l’art de guérir est né avec le genre
humain, c’est-à-dire, au moment où l’homme a été en proie
à la douleur, et lorsque par un sentiment naturel il a corn-
�— il
muuiquéà ses semblables souffrants les moyens dont il avait
éprouvé lui-même les bons effets.
Dans ces temps primitifs les malades étaient exposés sur
la voie publique où les passants leurs donnaient les conseils
dictés par leur expérience personnelle.
Les connaissances se propagèrent par la tradition et s’ac
crurent par l’observation, mais ces notions imparfaites ne
pouvaient constituer la vraie science. Ce n’est qu’à une
époque plus avancée, en Grèce, dans le seul pays de l’anti
quité où les institutions sociales ont laissé à l’esprit humain
tout son essor, qu’elles prirent la forme de doctrine.
Dans ces temps reculés la médecine devait être en grand
honneur , car nous voyons les rois, les héros , les poètes et
les prêtres surtout, exercer un art qui ajoutait à leur puis
sance et à leur considération. Consultez les livres anciens,
vous verrez que Linus, Hésiode, le roi Salomon, la reine
Isis, ne furent pas étrangers aux sciences et aux pratiques
médicales de leur époque. Les prêtres s’emparèrent bientôt
exclusivement de l’art de guérir, comme des autres sciences,
et il leur fut d’autant plus facile de l’exercer, que dans ces
temps les maladies étaient regardées comme des punitions
des dieux, comme des signes de leur colère et de leur ven
geance, que les prêtres pouvaient seuls apaiser.
Mais, sans insister sur des temps où nous ne pouvons
découvrir encore aucune trace de doctrine systématique,
examinons les progrès de la médecine chez les Grecs et chez
les Romains, voyons ce qu’elle devint dans les ténèbres du
moyen âge, comment les Arabes nous transmirent la connais
sance des auteurs conservés dans quelques bibliothèques de
l'Orient. Nous arriverons «à la fondation des Écoles de Mont
pellier et de Paris, et aux rivalités que leurs doctrines firent
naître dans ce XVIIe siècle dont nous voulons surtout cons
tater le véritable esprit de progrès.
Les éléments des connaissances médicales furent appor
tés en Grèce par des colonies étrangères et par des philoso
phes qui avaient voyagé en Egypte et dans l’Inde. Mais la
Grèce eut l'honneur insigne d’avoir donné à ces notions les
plus importants développements, d’avoir fourni ces docu
ments traditionnels et historiques dont on peut suivre les
progrès et la filiation continue avec notre science moderne.
Dans l°s temps héroïques, la médecine était bornée à l’art
de panser les plaies et les ulcères. Ce fut la science de Pélée,
de Télamon, du centaure Chiron, précepteur d’Achille, e
dont Esculape avait pris des leçons.
Machaon et Podalyre, fds de ce dernier, héritèrent de son
habileté dont ils donnèrent des preuves pendant la durée di
siège de Troie.
Les maladies internes tout à fait inconnues, étaient regar
dées comme des signes de la colère céleste et n’étaient
traitées que par des pratiques superstitieuses, par des vœux,
des prières ou des charmes.
Cependant, les Asclépiades accumulèrent dans le secret
des temples les observations qui devaient être la véritable
base de la science médicale. C’est là qu'Hippocrate puisa les
matériaux de ses immortels écrits, et à dater de cette épo
que, l’art se popularisa.
Les écoles de Guide et de Cos furent les plus célèbres
parmi celles qui furent fondées par les Asclépiades. La
dernière, représentée par Hippocrate, né 460 ans avant 1ère
chrétienne, avait acquis une juste célébrité sur sa rivale.
�Ses principes recueillis et transmis jusqu a nous, d'àge en
âge, consistèrent à rechercher avec le plus grand soin les
causes des maladies, à les étudier sous le rapport des signes
qui peuvent en faire prévoir la marche et les différentes
terminaisons.
Quant à la chirurgie, les livres du divin vieillard de Cos,
qui concernent cette branche de l'art, prouvent qu’alors elle
était cultivée avec ardeur et intelligence. On pratiquait des
opérations importantes, telles que le trépan, l’empyéme, la
réduction des luxations et des fractures, et la cautérisation par
le feu. . . ; l’un des plus beaux titres de gloire d’Hippocrate
est d’avoir tracé, par une expérience à laquelle on a peu
ajouté depuis deux mille ans, des préceptes sur le régime à
suivre dans les maladies aiguës ; mais ses fils, en voulant
continuer son œuvre, altérèrent l’esprit et la pureté de ses
doctrines.
Bientôt après, Platon répandait un vif éclat sur la philoso
phie. L’ancienne hypothèse des quatre éléments lui servait à
expliquer les fonctions physiologiques et les maladies.
Aristote,ce puissant législateur de la pensée, qui possédait
aussi des connaissances étendues en médecine, créait l’anato
mie compa rée, et offrait dans sa zoologie le plus beau modèle
de la méthode expérimentale. Ses travaux anatomiques furent
continués par les médecins de l'École d’Alexandrie.
Cette école dut son origine et sa célébrité au roi Ptolémée
Philadelphe, fils deLagus, l’un des successeurs d’Alexandre,
qui fonda le musée et la bibliothèque de cette ville devenue
le centre des connaissances humaines, comme elle l'était déjà
du commerce du monde entier.
La période qui s’étend d Hippocrate à Galien, est de plus
de Güü ans. Elle comprend les époques les plus importantes
de l’antiquité scientifique. Pendant ce temps la médecine fit
des progrès plus grands que ceux des autres sciences physi
ques et naturelles ; mais l'influence des diverses sectes philo
sophiques qui régnèrent alors, imprima une fausse direction
aux recherches physiologiques et médicales et en arrêta le
complet développement.
Les Romains plus occupés de l’agrandissement de leur
puissance que de celui des sciences, étaient restés dans l’igno
rance des connaissances médicales ; mais après la conquête
de la Grèce et de l’Orient, la médecine fut chez eux en hon
neur. Des étrangers, parmi lesquels nous citerons l’un des
enfants de notre cité phocéenne, Antonius Musa et Asclépiade, de l’École d'Alexandrie, vinrent à Rome, et y jetèrent
les fondements du système méthodique, développé plus tard
par Thémison.
Sous les règnes de Trajan et d'Adrien, Soranus et Arétée
écrivirent des traités de médecine qui sont venus jusqu'à
nous et qui sont basés sur des recherches d’anatomie patholo
gique fort remarquables.
Enfin, au H0 siècle, Galien, né à Pergame, quitta l'école
d’Alexandrie et vint à Rome où il eut le bonheur de guérir
Marc-Aurèle d’une maladie fort grave. Profond observateur,
doué d’une vaste conception et d’une immense érudition, il
tira la médecine de l’anarchie où il la trouva, et lui imposa le
joug d’un nouveau dogmatisme; il se présenta comme le con
tinuateur de la doctrine d’Hippocrate, fort négligée de son
temps, et s’écarta cependant complètement de cette doctrine,
substituant au naturisme l’éclectisme et une polypharmacie
absurde.
�Galien est reconnu connue l'un des plus savants anatomistes
de son temps, et nous le retrouvons au même rang comme
physiologiste, pathologiste, hygiéniste et praticien. Aussi,
fut-il pendant I 400 ans le dieu de la médecine, et pendant
cette longue période de temps, son autorité fut-elle absolue.
Après la chute de l’empire Romain et la prise d’Alexandrie
par les Sarrasins, les Arabes recueillirent de précieux débris
de la littérature et des sciences des Grecs. Bagdad devint sous
les Califes ce qu’avait été Alexandrie sous les Ptolémées.
Cordoue attira en Espagne, sans distinction de croyance,
ceux qui voulurent s’instruire dans l'art de guérir. Les Arabes
y conservèrent le feu sacré de la science qui semblait près
de s’éteindre ; mais leur vive imagination les éloigna de la
grave et sage observation des médecins Grecs et Latins.
Pendant le moyen âge la médecine redevint ce qu’elle avait
été à son origine ; abandonnée à des moines ignorants, elle ne
fut qu’un empirisme grossier, dénué de tout caractère de
système scientifique.
De cette époque, date la séparation de la médecine pro
prement dite et de la chirurgie, que ces praticiens cénobites
ne purent cultiver avec succès, pour obéir aux prescriptions
des conciles qui leur défendaient de répandre le sang dans les
opérations.
Le XVe siècle vit enfin, avec la renaissance des lettres,
fleurir de nouveau la médecine, favorisée qu'elle était par
l’imprimerie récemment découverte. On publia les œuvres
des grands maîtres de l’antiquité et on put les étudier dans
les textes originaux.
Le Galénisme était encore dans toute sa vigueur lorsque
Paracelse parut. La fougue de son caractère, le ton d’assu
rance et d’emphase avec lequel il parla de ses cures merveil
leuses, son langage mystique, sa vie aventureuse frappèrent
la foule et l’entraînèrent vers un système médical et philoso
phique qui n’était que la réunion incohérente d'idées chimi
ques et vitalistes, accolées aux opinions astrologiques et
cabalistiques qui avaient eu tant de cours et qui reprirent alors
une nouvelle vogue.
Les esprits exaltés par le mysticisme et la parole de ce
novateur se jetèrent dans la nouvelle doctrine. Elle se dévelop
pa plus tard par les travaux de deux sociétés d'illuminés, qui,
sous le nom de Rose-croix et de Rosiens, se formèrent au
commencement du XVIIe siècle pour se continuer jusqu’à nos
jours par le mesmérisme.
Mais s’il propagea des erreur s, Paracelse a le mérite d’avoir
contribué au renversement du galénisme, d’avoir déblayé la
thérapeutique de ces médicaments informes que nous avait
transmis la polv-pharmacie de Galien et des Arabes, d’avoir
introduit l’usage de plusieurs composés minéraux utiles et
présenté la chimie comme science indispensable pour la pré
paration des médicaments.
Au milieu des luttes produites par les doctrines de Para
celse et de Van-Helmont, les connaissances médicales ne pu
rent faire de grands progrès, malgré les efforts de quelques
médecins du XVIe siècle qui voulurent faire revivre les prin
cipes hippocratiques, et qui donnèrent aux connaissances
anatomiques une impulsion inespérée. Les noms de Bâillon,
de Vésale, d'Eustachi, de Varole, de Fabrice d’Aquapendente, sont encore trop honorés parmi nous, pour qu'on
puisse les passer sous silence.
Vers le même temps et sous le régne de François Ier,
�Ambroise Paré,assisté de ses disciples Pigray et Guilleraeau,
opérait en France une révolution complète dans la chirurgie,
et donnait à cette branche de l’art de guérir un éclat qui ne
devait plus s’éteindre.
Nous arrivons enfin, dans cet exposé rapide, au XVII0
siècle dont on a beaucoup trop méconnu les importantes
découvertes.
Noustrouvonsà cette époque deux systèmes bien différents
l’un de l’autre, enseignés dans les facultés françaises. Celle de
Paris, composée d hommes versés dans les langues grecqueet
latine, était pénétrée des nombreux commentaires qui avaient
été publiés sur les œuvres d’Hippocrate et de Galien. Elle
devint le foyer de la médecine galénique régénérée. Celle
de Montpellier, héritière directe des écoles arabes, avait été
élevée dans leur pratique, elle propagea la médecine chimi
que.
Cette divergence de doctrines fut l’origine de graves contes
tations qui s’élevèrent entre les deux écoles et dans lesquelles
les médecins delà Cour joueront un rôle important.
D’après des règlements qu’on trouverait aujourd’hui
tyranniques, nul ne pouvait exercer la médecine dans la
capitale, s’il n'y avait pris ses grades universitaires. Cepen
dant, bon nombre de médecins des autres écoles du royaume
et surtout de celle de Montpellier, s’y étaient établis sans
opposition. De ce nombre fut Henaudot, homme douéde rares
qualités d’esprit et de caractère, qui devint l’un des médecins
de Louis XIII et le favori du cardinal de Richelieu.
Ce puissant protecteur lui facilita les moyens de fonder le
premier journal qui ait paru en France : La Gazette, dont le
premier numéro, imprimé, parut en 1 631.
Ainsi, la presse devenue de nos jours bépouvantail des mi
nistres de tous les pays, eut pour soutien le plus terrible
champion du pouvoir absolu; parce que Richelieu, qui ne
craignait rien, vit là un moyen déplus de disposera son gré
de l’opinion publique.
A ces titres si recommandables de médecin du liai et de
Gazettier, Renaudot ajouta bientôt celui de commissaire
général des pauvres et d intendant général du bureau d’a
dresses de France, parce qu’il avait aussi fondé le premier
Mont de Piété et un bureau où l’on pouvait, sans frais, se
procurer toute sorte de renseignements utiles.
Ce qui doit surtout commander notre admiration pour
cet esprit entreprenant, c’est que dans la même maison,
située rue de la Calandre, il ouvrit des consultations gratuites
et attira auprès de lui les élèves en médecine de la Faculté
par des conférences cliniques fort attrayantes.
Aujourd’hui, nous tresserions des couronnes pour celui
qui réunirait tant de titres à notre reconnaissance. Dans le
XVIIe siècle, on ne trouva pour Renaudot que des injures
virulentes. Guy-Patin lui-même, cet esprit si ouvert, si
cultivé, mais sceptique et railleur, désirait lui faire un bon
procès criminel au bout du quel il y aurait, disait-il, un
tombereau, un bourreau, et tout au moins une amende
honorable.
La Faculté de Montpellier soutint les prétentions des
médecins sortis de son sein, et Courtaut, son doyen, publia
une satire contre la Faculté de Paris, qui fut défendue par
Riolan.
La querelle s’envenima entre les deux écoles ; des procès
furent plaidés à la Cour du Châtelet, et cependant, au titre
�si glorieux et si ambitionné de médecin du Roi que Cousinot,
de la Faculté de Paris, avait porté avec honneur, on vit suc
céder Vaultier, d'Arles, et Vallot, son compatriote, tous deux
docteurs de la Faculté de Montpellier. Ceux-ci furent à leur
tour suivis de d’Aquin et de Fagon, de la Faculté de Paris ;
parce que, malgré les disputes scientifiques, un monarque
éclairé, comme l’était Louis XIV, sait toujours distinguer
le vrai mérite et le mettre en lumière.
Le grand roi qui chargeait Colbert de fonder une aca
démie des sciences, qui réorganisait l’enseignement de l’ana
tomie et conférait à Dionis celui de la chirurgie ; qui attirait
en France Cassini, d’Italie ; Huygens, de Hollande ; Rœmer,
de Danemark ; sous le règne duquel Tournefort enrichissait
le jardin royal ; auquel l’Observatoire devait sa création, et
la bibliothèque royale un accroissement de 150,000 volumes,
ne pouvait prendre part à de vaines disputes de système ou
à des rivalités mal fondées.
Aussi, voyons-nous ce XVII0 siècle assister à des décou
vertes médicales fort importantes et bien capables de faire
oublier des épigrammes qui ne pouvaient être dirigées que
contre l’ignorance routinière.
Par les progrès récents de l’anatomie, une grande révo
lution s'opéra dans les idées généralement acceptées depuis
Galien sur la circulation du sang. Harvey découvrit les fonc
tions du cœur, des artères et des veines, et renversa les
vieilles théories sur l’importance du foie comme organe de
la sanguification.
Presque dans le même temps, les vaisseaux lactés, observés
par Gaspard Aselli et mieux étudiés par Pecquet, complétè
rent la démonstration des idées d’Harvey.
— 49 —
Ces belles découvertes donnèrent lieu à des essais fort
curieux. On pensa que la transfusion d’un sang pur et jeune
dans les veines d’un malade épuisé ou d’un vieillard cassé
par I âge, pourrait rendre la vigueur et la jeunesse perdues.
Denis osa le premier faire cette opération sur un jeune
homme de 15 à 16 ans amaigri par une longue maladie,
et eut le bonheur de le rendre complètement à la santé. Le
même médecin fit d’autres expériences qui furent suivies de
nouveaux succès et qui firent naitre chez le public un engoue
ment extraordinaire et fort exagéré, jusqu’à ce qu’un arrêt
de la Cour du Châtelet, rendu le 17 avril 1668, vint défendre
la pratique de la transfusion, destinée pourtant de nos jours
à rendre des services réels entre les mains des médecins
éclaiiés et seuls juges de son opportunité.
Le XVIIe siècle fut encore l’époque où la chimie, sortant
des voies ténébreuses du mysticisme pour entrer dans celles
de la vraie science, venait, au nom des services qu’elle se
croyait appelée à rendre, réclamer sa place dans la médecine
malgré l’opposition de la Faculté de Paris.
L’antimoine, découvert par un moine bénédictin, alchi
miste fort savant, mais qui avait fait de ce métal une appli
cation malheureuse à l’art de guérir, fut alors tiré de l’oubli
pour entrer définitivement dans le domaine de la thérapeu
tique. Louis XIV en éprouva les bons effets dans une maladie
qui avait mis ses jours en danger pendant la campagne de
1658. Son premier médecin Valo avoua que cette maladie
du Roi fut un grand bonheur pour l’Europe entière, en
consacrant par uu exemple éclatant les merveilleuses pro
priétés de l’antimoine.
En 1638, un jésuite passant parle village de Malacatos,
i.
�— 50 —
au Pérou, eut un accès île fièvre dont il fut guéri par un
cacique indien, qui lui donna en décoction une écorce qu'il
alla chercher dans la montagne. On donna à ce remède le
nom de poudre des jésuites, et plus tard, celui de quinquina.
L’usage s'en répandit dans l’ancien continent. Louis XIV,
dont la santé avait passé par tant d'épreuves, lui dut la gué
rison d une fièvre rebelle contractée pendant qu’il surveillait,
lui-même, la construction du beau palais de Versailles. L’im
portante découverte de Lipécacuanha suivit celle du quin
quina. Un marchand Français, nommé Grenier, en apporta
une certaine quantité qu’il remit à un médecin Hollandais,
nommé Helvétius, alors établi à Paris, qui guérit le Dauphin
d’un flux de sang et qui reçut pour cela une large récompense
et de grands honneurs.
Il existe dans la bibliothèque impériale de Paris un do
cument fort curieux, connu aujourd’hui sous le titre de
Journal de la sanlé du Roi, dans lequel les trois médecins
qui se sont succédé dans la confiance de Louis XIV, nous
ont montré à quelles nombreuses épreuves cette santé si
précieuse à la France fut exposée.
Si le grand Roi contribua par son exemple à répandre l'u
sage de substances qui enrichirent la matière médicale, il
n’encouragea pas moins les progrès de la médecine opératoire,
cette branche de l’art que nous avons vue au moyen âge
séparée de la médecine proprement dite et abandonnée à des
mains ignorantes.
Tourmenté par une infirmité fâcheuse, Louis XIV
éprouva, pour lui-même, le besoin de relever l’art
chirurgical, et il le fit en s’abandonnaut avec confiance à
i habileté de Félix, son premier chirurgien, et surtout en
fondant, comme nous l’avons dit, des chaires d’anatomie et
de chirurgie. Aussi, dès ce moment, la chirurgie française,
restaurée peu auparavant par A. Paré, reçut-telle un nouvel
éclat des travaux et de l’expérience de Félix, Clément, I)ionis, Mareschal et Lapeyronie.
Ainsi, au XVII0 sièle, la médecine pouvait s’éclairer des
notions exactes de la chimie et de l’histoire naturelle, et s'ap
puyer avec confiance sur la chirurgie devenue sa compagne
inséparable.
Mais quelles furent donc les causes qui animèrent contre
les médecins des écrivains justement célèbres ? L’examen de
ces causes devrait frapper tous les esprits.
La division que nous avons signalée dans les doctrines des
deux facultés françaises avait faussé l'instruction de cette
classe nombreuse de praticiens dominée par le besoin et la
routine.
Dans un rang plus élevé, la vénalité des charges et la
protection intéressée des ministres et des favorites du Roi,
avaient altéré le prestige attaché aux positions les plus ambi
tionnées. On devait être scandalisé, avec juste raison, en
voyant Séguin vendre à Cureau, moyennant 22,000 écus,
la place de médecin des Princes, qui lui en avait coûté 15,000 ;
Valot succédera Vautier, en qualité de premier médecin du
Roi, et payer au cardinal de Mazarin 30,000 écus; d'Aquin,
son successeur, type du médecin courtisan, devoir sou éléva
tion cà Mmo de Montespan, et céder, malgré lui, sa place à
Fagon, son rival et l’ami de M,uo de Maintenon !
Cependant, Cureau, Valot, Fagon, possédaient une pro
fonde instruction rehaussée par une diction séduisante, ca
pable de les faire arriver au faite des honneurs médicaux.
�Une dernière cause, enfin, la plus puissante, peut-être,
fut celle que nous trouvons toujours dans le fond du cœur
humain : j’allais dire, la faiblesse de l’homme !
M. Maurice Reynaud, appréciant dans son livre, l’influence
de la santé de Molière sur ses jugements, a exprimé en ter
mes élégants le sentiment personnel et humain à la fois qu’il
retrouve dans le Malade imaginaire : « C’est là, dit-il,
« l'œuvre d'un homme qui chérit la vie, qui voit bien qu’elle
« lui échappe et qui voudrait la retenir ; qui se sent homme,
« en un mot, et qui gémit de sa faiblesse... Quand on songe
« que celui qui joue ce rôle de moribond est déjà frappé et
« porte en lui le trait fatal, on se prend à tressaillir; on est
« partagé entre un invincible plaisir et une profonde pitié. »
D’autres philosophes et d’autres moralistes ont comme
Molière condamné la médecine sans la connaître. Ils ont
pris constamment l'impuissance de l’art pour son incertitude.
Tls se sont livrés à des déclamations que l’on répète tous les
jours. Chez quelques-uns on découvre facilement la cause de
ce faux jugement. Montaigne et Rousseau étaient, comme
Molière,atteints de maladies incurables. Il est curieux de voir
le sceptique auteur des Essais, après avoir montré la vanité
de la médecine, ajouter foi aux pratiques les plus absurdes,
à la vertu des remèdes les plus insignifiants.
C’est là l'histoire de tous les hommes. La philosophie, la
logique sont oubliées quand il s’agit de l’intérêt de la santé
et de la vie : c’est là aussi le succès du charlatanisme !
Ces erreurs dureront autant que l’espèce humaine. Le
médecin qui étudie constamment le cœur de l’homme, pos
sède dans cette connaissance l’indulgence avec laquelle doivent
être envisagées toutes ces faiblesses. Tant que l’espérance
l’accompagnera, il verra tout soumis à sa volonté ; ruais, il
excusera les plaintes et les injustices arrachées par la douleur,
à ceux qui sont l’objet constant de sa sollicitude et de ses
labeurs !
Apres ce discours, M. le Recteur a pris la parole:
Messie ni s ,
On vient de vous dire, avec élégance et concision, l’his
toire de l’art médical. L’orateur a pensé que l’attention
des auditeurs serait bientôt lasse, s’il les conduisait dans
les détails de ce vaste sujet. Il s’est surtout placé dans un
cercle assez restreint, où abondent les faits qui éveillent
et piquent l’attention. Il a défendu les médecins du temps
de Molière, que le grand homme avait attaqués.
Les auteurs comiques ont toujours choisi pour but spécial
de leurs railleries une classe particulière de la société, tout
en ne ménageant pas les autres. Juges, philosophes, savants,
ont été privilégiés. Socrate a péri sous les coups d’Aristo
phane. Les médecins sont, comme on voit, en bonne com
pagnie; ils sont loin d’être morts, et sérieusement ils n’ont
pas besoin d’être défendus.
Comme enfin l’homme doit mourir, le but de l’art médical
ne peut pas être de le rendre immortel. Mais la médecine
peut soulager ses misères, et retarder l'instant fatal. Pour
y arriver, il faut savoir son organisation si compliquée et si
merveilleuse, c’est-à-dire, qu'il faut exceller dans les sciences
qui font l’honneur de l’esprit humain. Mais s’il faut connaître
son corps, il faut aussi, dans les épreuves qu’il subit, soulager
�son âme, ménager ses passions, les sonder souvent. De là
vient la nécessité pour les médecins d’être des gens d’esprit.
Ne voilà-t-il pas bien des raisons pour se consoler d’avoir
été raillés par un grand homme?
Mais ce qu’il peut être curieux d'étudier, c’est la cause
qui pousse certaines hautes intelligences à s’attaquer ainsi à
une classe de la société plus particulièrement qu’à une autre.
Il y a là une question à résoudre qui touche à Thistoire
du cœur humain et à celle du premier de tous les arts, l’art
dramatique. Pour Molière, votre orateur a cru trouver dans
L’amour de la vie une raison pour haïr les médecins. Molière,
frappé mortellement, s'irrite contre ceux qui ne peuvent
pas le guérir. On vous a fait un tableau saisissant de la der
nière représentation du Malade imaginaire, où s’accomplit,
comme on l’a dit à cette époque, la vengeance des médecins.
Molière est mort presque sur le théâtre et en raillant, ce
qui était la profession d’un auteur comique. Et puis, voyezle, non pas dans les coulisses qu'il a quittées, mais dans
sa maison abandonnée. 11 est secouru par deux sœurs de
charité, qui viennent entourer de leur calme celui qui avait
trop donné aux passions. 11 a fini, appaisé par des soins
que ne lui donnait pas celle à qui il avait sacrifié le bonheur
de ses jours.
Pourquoi en aurait-il voulu aux médecins? De l’avoir lais
sé mourir avant le temps? De quoi se plaignait-il, le grand
homme? Il est mort au même âge que Shakspeare. Descartes
n’a vécu que trois ans de plus que lui. Pascal était moins
avancé dans la vie lorsqu’il l’a quittée. Quand il a été donné
au génie, selon l’expression de Montesquieu, de déballer
ses marchandises, peu importe la durée de l’exposition. Et
pour un auteur dramatique il vaut mieux s’éteindre avant
sa verve et ne pas entendre, comme Corneille vieilli, le dur
flolal de Boileau.
Ne faut-il pas que des attaques si vives, si persistantes
proviennent ou d’une conviction arrêtée, ou du désir de
moissonner le ridicule où l’on peut le saisir.
Si l’on étudie bien Molière, on voit qu’il est très-positif
dans les leçons qu'il donne sur la vie. Il hait avant tout les
chimères ! Et ce qu’il a cru voir de problématique dans la
médecine, la lui a fait attaquer.
Auteur comique, grand dénicheur de ridicules, il n’a pas
craint de se moquer des grand canons des marquis, et de leurs
turlupinades. Pourquoi ne se serait-il pas amusé de la robe
des médecins, et de leur pédantisme? Certaines professions du
XVII0 siècle avaient hérité de la rudesse du XVIe. Les phi
losophes et les médecins étaient du nombre. Il s’est moqué des
uns et des autres. Il s’est raillé des amans, des jaloux de la
Cour et de la ville, de nous tous enfin, de ceux qui vivaient
alors, de ceux qui ont vécu depuis, car tout ridicule qui surgit
dans ce monde a été moqué d’avance par Molière.
Pourquoi les médecins se plaindraient-ils et voudraient-ils
être exceptés? Mais ils ne se plaignent pas véritablement, et
comme des gens d’esprit qu’ils sont, je suis sûr qu’ils lui
pardonnent tous en riant à ses pièces.
Quant à moi. je sens que j'ai trop parlé de Molière, et qu’un
plus sévère entretien me réclame, mais c'est le bonheur de la
France d’avoir eu dans le XVII0 siècle, de grands hommes
que, non-seulement elle admire, mais qu'elle aime. On ne
peut les quitter, on en parle toujours, et trop longtemps, je
m’en aperçois.
�Au Conseil Académique, les rapports de MM. les Doyens
ont établi que dans ce vaste ressort, renseignement supérieur
était en grand progrès. La Faculté de Théologie elle-même
qui, malgré son enseignement consciencieux et savant, atti
rait peu d’auditeurs, a cette année conféré plusieurs grades
et reçu des docteurs. C'est là un fait que nous sommes heu
reux de signaler.
L'Ecole de Droit, qui a envoyé dans cette ville des profes
seurs distingués qui y portent un enseignement si goûté et si
utile, est dans une situation très-prospère. Elle maintient le
deuxième rang en importance dans les départements. Elle
ne s’arrêtera pas là, elle est associée au sort de Marseille. 11
est impossible que le voisinage d'une ville où tant d’étrangers
abondent, ne lui attire pas un nombre considérable d’élèves
et qu’elle ne devienne pas comme une espèce d'École de
Droit de l’Orient, où les étrangers viendront apprendre cette
admirable législation française, modèle de toutes les législa
tions. Aussi, lie puis-je que m'applaudir d'avoir obtenu du
Ministre de l’Instruction publique, la venue à Marseille de
jurisconsultes, qui ont fait connaître la supériorité de cette
École, dans cette ville, d’où l'on peut apprendre aux étrangers
la sûreté et l’élévation de son enseignement.
Si Marseille connaît maintenant l’École de Droit d’Aix, la
Faculté des Lettres ne lui est pas inconnue. Il fallait satisfaire
ce goût des choses de l’esprit qui depuislongtemps règne dans
cette ville, et je dois vous remercier de l’accueil sympathique
qu’ont trouvé ici les professeurs de la Faculté des Lettres.
N’est-il pas vrai qu'il y a dans ces leçons d’éloquence quelque
chose qui charme et attire? Cette parole puissante et impro
visée qui, comme le dit M. Villemain, donne tant d’émotion
et de gloire, doit être applaudie dans cette province, qui a
vu naître Mirabeau, et où chez tous se remarque une singu
lière aptitude à parler avec facilité et avec grâce.
Ainsi, tout se centralise à Marseille; et le faisceau des con
naissances humaines s’établit ici.
La Faculté des Sciences qui a si bien accueilli ses sœurs,
n’est pas la dernière dans cette marche ascendante que nous
venons de signaler. Le compte rendu de l’état de la France,
devant le Corps Législatif, signale, il est vrai, que les études
littéraires reprennent leur force et leur importance.
Mais cela ne fait que mettre fin à un état factice, fruit de la
bifurcation. Si les sciences n’accueillent plus autant de dégoûtés
des lettres, ses véritables amis viennent à elles. Les auditeurs
sont assidus et les professeurs donnent chaque jour des preu
ves de leur zèle et de leur talent.
Les membres des Facultés se signalent de deux sortes, et
par leur enseignement ; ils s’adressent à leurs éléves, et par
leurs travaux personnels, leurs conquêtes dans la science; ils
s’adressent au monde savant. Le Doyen de cette Faculté va
vous faire connaître ce double résultat. Mais il m’appartient
de dire ici que l’Institut, en s’associant un des professeurs de
cette Faculté, lui a donné un témoignage de juste estime qui
honore tout le corps des professeurs autant que celui de ses
membres qui l’a mérité!
M. le Directeur de l’École de Médecine vous fera connaître
ses travaux ; les prix que nous allons décerner, prouvent que
les éléves ont su profiter des excellentes leçons qu’ils ont
reçues.
�— 58 —
R a p p o rt de 11. le D oyen de la F a c u lt é
«les S c ie n c e s.
M essieurs ,
Nos réglements me font un devoir de vous présenter le
résumé des travaux de la Faculté des Sciences pendant
l’année cjui vient de s’écouler.
Partout, et je suis heureux de le signaler, ont régnél ’ordre,
l'exactitude et la marche régulière sans lesquels renseigne
ment et les travaux qui nous sont imposés ne conduisent
qu'à des résultats incomplets. Notre tâche aujourd'hui est
donc très-douce ; aussi, pour vous rendre compte de nos
opérations, nos paroles seront faciles et rapides. Nous deman
dons et nous espérons pour elles la bienveillance et la sympathie
que tout ce qui touche à notre enseignement vous inspire.
Les obligations des professeurs de la Faculté peuvent se
résumer en quelques mots: les cours, la collation des grades,
et les travaux personnels. Tels sont nos devoirs, MM. ,
qu’avons-nous fait pour les remplir dignement ?
Les cours réglementaires de la Faculté, c'est-à-dire, les
cours de Mathématiques pures et appliquées, d’Astronomie,
de Physique, de Chimie, de Zoologie, de Botanique et de
Géologie ont été faits avec une régularité ponctuelle. Cette
année a été particulièrement heureuse puisque nous n’avons
jamais vu, une seule cause, même les exigences de quel
ques santés fort délicates, interrompre une seule fois le
cours régulier de nos leçons.
Nous n'entrerons dans aucun détail particulier au sujet
de notre enseignement, nous nous bornerons à dire que tout
en obéissant rigoureusement aux prescriptions de nos pro
grammes, nous avons voulu faire entrer dans le cadre de
nos leçons et à mesure que le sujet nous y conviait, l'exposé
des conquêtes et des applications les plus récentes de la
science. Ces points de repos dans nos cours sont une consé
cration des principes que nous avons à établir, ils donnent
un intérêt saisissant à des leçons graves et austères de leur
nature. Nous ne pouvons et nous ne voulons pas rester
étrangers à ces applications si heureuses et si belles des scien
ces qui sont un des traits les plus saillants de notre époque.
Les différents cours annexés à notre Faculté n'entrent pas
dans le domaine du doyen des sciences ; aussi, je me bornerai
à signaler seulement devant vous le succès continuel qui les
accueille. Ils n’ont donné lieu pour nous qu’à une seule dif
ficulté, celle de concilier les exigences du service avec les
dispositions d’heures que tant de cours successifs réclament.
Le public quitte à peine un amphithéâtre que déjà de nou
veaux auditeurs, recherchant une autre parole, se présen
tent pour le remplir. Nous ajouterons, comme trait caractéris
tique du public de Marseille, de cette ville où l'activité est
si grande, où la journée de travail est si longue et où est
si vif le désir de s’instruire, nous ajouterons que faute d'une
heure laissée libre dans la journée , les deux cours de droit
commercial et administratif ont été placés dans la soirée, de
9 et demie à 10 heures et demie, souvent ils se terminaient
à I I heures et le nombre des auditeurs, même dans les der
nières leçons de l’année, était encore de plus de 400.
Nous n'avons pas eu cette année d’épreuves pour le doc
torat. Pour la licence, au contraire, les candidats ont été
nombreux. Cette épreuve est surtout tentée par les jeunes
maîtres qui se destinent à la carrière de l’enseignement.
�Presque tous les candidats, non-seulement avaient suivi nos
leçons, mais encore nous étaient connus par le zèle et la con
tinuité de leurs travaux. Presque tous avaient assisté pendant
plusieurs années aux conférences spéciales ouvertes à cet
effet dans la Faculté. Sept candidats se sont présentés pour
obtenir le diplôme de licencié ès-sciences mathématiques.
Cinq seulement sont parvenus à surmonter,les difficultés des
diverses épreuves. Nous demandons à citer leurs noms devant
vous, et à leur accorder de cette manière une haute récom
pense méritée par les efforts qu’exigent ces difficiles concours.
Ce sont MM. Sauvage, Cabrolier, Soulier, Martin etReynaud.
Ce dernier a obtenu au dernier jour de l’examen, et c’est un
grand éloge, deux boules blanches pour la netteté de ses répon
ses et pour l’éclat que sa parole prompte et facile a donné à
l’épreuve orale.
Trois candidats se sont présentés pour la licence és-sciences
physiques ; profitant d'une liberté que donne le règlement,
ces jeunes gens ont voulu dans l’épreuve orale ne répondre
que sur la physique, ajournant à trois mois le reste de l’exa
men. Ils adoucissaient ainsi les exigences d’une épreuve dans
laquelle les meilleurschancellent. Tous les trois ont été admis
avec éloge à la deuxième partie de l’examen. Ce sont MM.
Bonnard, Lacourrége et Lafont.
Les divers baccalauréats, complet, scindé et restreint, ont
amené devant nous cette année 269 candidats. Nous ne ferons
aucune observation aujourd’hui sur ces diverses séries de nos
grades, dont l’une a déjà été atteinte et condamnée par les
premiers actes de M. le Ministre. Sur 269 candidats, 167
ont réussi dans leurs épreuves et 102 ont été ajournés. Nous
devons faire remarquer ici que 91 de ces candidats étaient
déjà bacheliers ès-lettres et que cette circonstance qui les dis
— 61
pense de ( épreuve littéraire écrite, leur apporte déjà en outre
quatre houles blanches sur les dix boules qu’ils ont à conqué
rir. Pour ces jeunes gens, l’epreuve du baccalauréat ès-sciences
est donc beaucoup plus facile, et c’est à cette particularité
spéciale qu'il faut attribuer le chiffre plus élevé pour les admissionsque présentent depuis deux ans nos comptes rendus.
L’année dernière, 266 jeunes gens s'étaient présentés, sur ce
nombre 124 avaient été heureux et 142 avaient échoué.
L’année 1 863 est donc, on le voit, un peu inférieure à l’an
née précédente. La diversité des baccalauréats que nous
conférons, rend difficiles les vues d’ensemble qui seules pour
raient exciter votre intérêt. On peut cependant faire ressortir
quelques renseignements précieux de la comparaison des
résultats obtenus cette année dans les divers centres d’examen
de l’Académie. Nous choisissons de préférence la session
d’août parce qu’à la fin de l’année classique, elle amène vers
nous les jeunes gens qui viennent de terminer le cercle ré
gulier de leurs études.
Quelques mots feront comprendre comment il est possible
de comparer la force relative des candidats qui se présentent
dans diverses localités.
Les boules blanches obtenues à la suite de l’examen témoi
gnent non-seulement d'une bonne préparation ; mais aussi de la
présence de candidats heureusement doués sous le rapport de
l’intelligence et qui doivent leurs succès autant à leurs moyens
naturels qu'à leur travail énergique. Les boules rouges indi
quent une préparation suffisante, les boules noires enfin sont
un signe de mécontentement du juge, elles témoignent de la
faiblesse du candidat, et elles indiquent une préparation et des
études incomplètes et insuffisantes; ces boules sont, sous ce
rapport, extrêmement significatives «t elles vont nous éclairer.
�rto —
Presque tous les candidats, non-seulement avaient suivi nos
leçons, mais encore nous étaient connus par le zèle et la con
tinuité de leurs travaux. Presque tous avaient assisté pendant
plusieurs années aux conférences spéciales ouvertes à cet
effet dans la Faculté. Sept candidats se sont présentés pour
obtenir le diplôme de licencié ès-sciences mathématiques.
Cinq seulement sont parvenus à surmonter, les difficultés des
diverses épreuves. Nous demandons à citer leurs noms devant
vous, et à leur accorder de cette manière une haute récom
pense méritée par les efforts qu’exigent ces difficiles concours.
Ce sont MM. Sauvage, Cabrolier, Soulier, Martin et Reynaud.
Ce dernier a obtenu au dernier jour de l’examen, et c’est un
grand éloge, deux boules blanches pour la netteté de ses répon
ses et pour l’éclat que sa parole prompte et facile a donné à
l’épreuve orale.
Trois candidats se sont présentés pour la licence ès-sciences
physiques ; profitant d’une liberté que donne le règlement,
ces jeunes gens ont voulu dans l’épreuve orale ne répondre
que sur la physique, ajournant à trois mois le reste de l’exa
men. Ils adoucissaient ainsi les exigences d'une épreuve dans
laquelle les meilleurs chancellent. Tous les trois ont été admis
avec éloge à la deuxième partie de l’examen. Ce sont MM.
Bonnard, Lacourrégeet Lafont.
Les divers baccalauréats, complet, scindé et restreint, ont
amené devant nous cette année 269 candidats. Nous ne ferons
aucune observation aujourd’hui sur ces diverses séries de nos
grades, dont l’une a déjà été atteinte et condamnée par les
premiers actes de M. le Ministre. Sur 269 candidats, 167
ont réussi dans leurs épreuves et 102 ont été ajournés. Nous
devons faire remarquer ici que 91 de ces candidats étaient
déjà bacheliers ès-lettres et que cette circonstance qui les dis
— 61
pense de l'épreuve littéraire écrite, leur apporte déjà en outre
quatre boules blanches sur les dix boules qu’ils ont à conqué
rir. Pour ces jeunes gens, l’epreuve du baccalauréat és-sciences
est donc beaucoup plus facile, et c’est à cette particularité
spéciale qu'il faut attribuer le chiffre plus élevé pour les admissionsque présentent depuis deux ans nos comptes rendus.
L'année dernière, 266 jeunes gens s'étaient présentés, sur ce
nombre 124 avaient été heureux et 142 avaient échoué.
L’année 1 863 est donc, on le voit, un peu inférieure à l’an
née précédente. La diversité des baccalauréats que nous
conférons, rend difficiles les vues d’ensemble qui seules pour
raient exciter votre intérêt. On peut cependant faire ressortir
quelques renseignements précieux de la comparaison des
résultats obtenus cette année dans les divers centres d'examen
de l’Académie. Nous choisissons de préférence la session
d’août parce qu’à la fin de l’année classique, elle amène vers
nous les jeunes gens qui viennent de terminer le cercle régulierde leurs études.
Quelques mots feront comprendre comment il est possible
de comparer la force relative des candidats qui se présentent
dans diverses localités.
Les boules blanches obtenues à la suite de l'examen témoi
gnent non-seulement d’une bonne préparation; mais aussi de la
présence de candidats heureusement doués sous le rapport de
l'intelligence et qui doivent leurs succès autant à leurs moyens
naturels qu’à leur travail énergique. Les boules rouges indi
quent une préparation suffisante, les boules noires enfin sont
un signe de mécontentement du juge, elles témoignent de la
faiblesse du candidat, et elles indiquent une préparation et des
études incomplètes et insuffisantes; ces boules sont, sous ce
rapport, extrêmement significatives et elles vont nous éclairer.
�Expliquons ccs résultats:
On voit d’abord que, sous tous les rapports, Bastia est le
centre le moins bien partagé.
Pour le nombre le plus grand de boules blanches obtenues,
Marseille est de beaucoup à la tête. Pour le plus petit nombre
de boules noires c’est Nice, au contraire, qui occupe le
premier rang, et la différence est ici très-considérable. Qu'en
conclure? C’est que : 1° les candidats d'origine très-diverse
qui se sont présentés devant nous, à Marseille, ont été plus
qu'ailleurs brillants et distingués, aussi bien par leur intelli
gence que par leur bonne préparation ; 2°àNice la préparation
suffisante a été beaucoup plus générale, très-peu de parties
du programme ont été négligées. Aussi ne sera-t-on pas sur
pris de nous voir ajouter que dans ce centre d’examen, notre
satisfaction a été très-vive et que nulle part dans notre longue
carrière d’examinateur, nous n'avons trouvé des jeunes gens
mieux préparés et possédant aussi bien l'ensemble de l’exa
men. Dès les premiers jours de l’annexion nous avions du,
obéissant aux prescriptions qui nous avaient été données,
témoigner une bienveillance plus indulgente à des candidats
qui avaient dù se plier aux exigences d'une langue et d'uu
enseignement nouveaux et inopinés pour eux. Mais cette année
les bonnes réponses et la préparation remarquable nous ont
obligé à dire à ces jeunes gens, à ces nouveaux Français : vos
succès ont mis fin à toute concession de la part de vos juges ,
vous avez pris rang parmi les meilleurs candidats qui viennent
devant nous ; que cette victoire d’aujourd’hui soit un ensei
gnement et une obligation pour vos successeurs.
Il me reste à vous parler maintenant, MM., des travaux
personnels des professeurs de la Faculté des Sciences. Le
�professeur de Mathématiques a publié plusieurs Mémoires :
1° une Théorie géométrique des coordonnées curvilignes
quelconques; 2° un Travail sur la transformation dans les
figures géométriques; 3° un Mémoire sur la courbure des
surfaces en général. Le professeur de Physique a fait connaî
tre le résultat de ses recherches sur la conductibilité électrique
des gaz et sur les phénomènes lumineux que présentent les
flammes des gaz carburés.
Le professeur de Géologie a publié les travaux suivants :
^Établissement d’un nouvel étage dans la série crétacée
entre les étages provencien et angoumien ;
2° Sur l’existence de l’infra-lias dans la Basse-Provence ;
3° Description géologique et paléontologique du sud de
laprovincedeConstantine, 1 vol. avec un atlas de35 planches.
Les travaux de ces divers professeurs ont été présentés a.
l'Académie des Sciences et insérés dans ses comptes rendus,
ou publiés dans divers recueils scientifiques.
Le professeur de Botanique s’est occupé de la révision
d'un travail du docteur Castagne, et a fait une édition du
catalogue des plantes de notre département. Ce livre est
accompagné d'une préface, d’une introduction et de la vie de
Castagne, par M. Derbès.
Le professeur de Chimie a reçu, pour ses nombreux et
importants travaux, la récompense la plus grande que puisse
ambitionner un savant et que puisse désirer la Faculté pour
undeses membres. Notre collègue a eu l'honneur d’être nom
mé membre correspondant de l’Institut.
—
65
—
R a p p o rt de 11. le D ire c te u r de l’École
de M édecine.
M e s s d e L'Hs ..
En vous rendant compte de nos travaux pendant la (ki-*niére année classique, je n’entrerai pas dans les détails de
l’enseignement de chacun de mes honorés collègues. Je veux
épargner à votre attention ces développements techniques,
forcément arides, qui la fatigueraient bientôt.
Je me bornerai à vous dire que tous les professeurs ont
rempli consciencieusement leur tâche. La conduite de nos
étudiants a été, en général, bonne, et n’a donné lieu à aucune
mesure disciplinaire.
Toutefois, le zèle de quelques élèves en médecine, notant
ment parmi ceux de deuxième année, a laissé beaucoup à
désirer. Leur inassiduité à des cours qui sont pour eux
obligatoires, et, partant, l’insuffisance de leur instruction,
ont été les causes très-naturelles des nombreux ajournements
que le jury du deuxième examen de fin d’année a dû pronon
cer dans la session normale. En effet, 19 éléves de cette
catégorie ont subi l’examen réglementaire ; 10 ont été reçus
et 9, dont les réponses avaient été d’une extrême faiblesse,
ont été ajournés à la session de novembre.
5.
�-
GO
Les examens Je première et de troisième années, je le
constate avec plaisir, ont bien marché.
La session supplémentaire de la rentrée vient d'être close.
19 étudiants étaient inscrits, 14 pour la médecine et 5 pour
la pharmacie. 3 seulement ne se sont pas présentés ; tous
les élèves examinés ont été admis ; mais, à l'exception de
trois à quatre d’entr’eux, les notes obtenues ont été médio
crement satisfaisantes. L’échec du mois d’août n’a donc été
qu’imparfaitement réparé.
Que cet euseignement ne soit point perdu ; que nos étu
diants travaillent avec ardeur et persévérance ; qu'ils suivent
exactement les visites des cliniques, où ils feront fort bien de
recueillir des observations écrites ; qu’ils fréquentent assidû
ment les cours, même ceux que le réglement ne leur impose
pas, et qu’ils ne négligent point d’y prendre des notes. En
écoutant mes conseils, ils peuvent être sûrs cpi'ils subiront
de bons examens de fin d’année.
Que ces jeunes gens le sachent bien, enfin ; dans les car
rières libérales et surtout dans la nôtre, si hérissée de
difficultés, ce n’est que par le travail, source de toute supé
riorité , que l’on conquiert une bonne position, un rang
distingué.
Les examens de tin d’année pour les étudiants en phar
macie, à la session d’août, nous auraient pleinement satis
faits, car aucun ajournement n’y a été prononcé ; malheu
reusement 7 élèves, sur 19 inscrits, ont été absents. Ces
MM., du reste, ainsi qu’il résulte des feuilles d’appel,
ne paraissaient jamais aux cours qu’ils étaient tenus de
suivre. Ils ont été, on le voit, très-persistants dans leur
inexactitude ; ils n’ont rempli aucun des devoirs de leur
— 67
scolarité. Il sera juste de s’en .souvenir à l’épreuve décisive
des examens de fin d’études.
74 élèves en médecine et en pharmacie ont suivi, cette
année, nos cours. Ils ont pris 297 inscriptions, qui ont
produit, pour la ville, 7,425 fr., et, pour l’État, 1,485 fr.
Voici maintenant, pour la collation des grades, les actes
accomplis par l’École médicale de Marseille :
1 0 candidats se sont présentés pour le diplôme d'officier
de santé, 10 aussi pour celui de pharmacien, il y a eu 12
aspirantes au titre de sage-femme.
Les examens d’officier de santé ont été faibles. Le jury,
sans être trop sévère, n’a pu prononcer que trois admis
sions. Les candidats ont été, notamment, très-insuffisants
dans l’épreuve clinique.
10 sages-femmes ont été reçues avec d’assez bonnes notes
et deux ont été ajournées.
Les examens des pharmaciens ont donné les meilleurs
résultats. Un seul postulant a été refusé à la troisième
épreuve.
La ville a touché, pour ces divers examens, 2,38't fr., et
le trésor, 3,050 fr.
La situation matérielle de l'École s’est fort améliorée de
puis l’an dernier.
La grande affaire de notre local, après de nombreux obs
tacles et, conséquemment, de constants efforts, est enfin
entrée dans une phase décisive. Par suite de l’active inter
vention do notre honoré Recteur auprès de l’autorité Muni-
�C>8
cîpale; grâce aussi au puissant appui de M. le Sénateur de
Maupas et à la bienvaillance dont notre institution a toujours
été honorée par M. le Maire de Marseille, nous venons de
sortir de la crise où nous avaient jetés les travaux de réno
vation qui s’exécutent, en ce moment, à l’Hôtel-Dieu.
L'École, dépossédée de son ancien et pauvre local, par
les démolitions d’une partie de cet édifice, a trouvé provi
soirement un réfuge en face même de l’Hôpital, dans l’an
cien Palais de Justice, propriété départementale et aujour
d’hui disponible.
Il y a là, sur le devant, la grande salle d'audience qui
servira d’amphithéâtre pour les cours, et , tout près de
cette salle, sur le même carré, trois pièces pourront recevoir
nos collections et notre bibliothèque.
Quelques travaux superficiels d’appropriation dont la
municipalité a bien voulu faire les frais, nous permettront
d’attendre assez convenablement, dans ce lieu, à proximité
de nos services de clinique et de notre salle de dissection, que
nous puissions nous installer, d’ici à moins d'un an, d’une
manière plus conforme à nos besoins, dans le local que la
Commission administrative des Hospices nous destine au rezde-chaussée de l’aile sud-ouest du nouvel Hôtel-Dieu.
Nous devons toute notre reconnaissance à cette intelligente
Administration, car rien ne l’obligeait à la faveur qu’elle
nous accorde, si ce n’est son désir de nous prouver ses
sympathies, en nous montrant aussi qu’elle comprend par
faitement bien l’étroite solidarité qui unit l’assistance
publique et l’enseignement de la médecine.
La ville de Marseille n’a pas, en ce moment, de jardin
botanique. En cet état des choses, j’ai cm devoir utiliser
09 —
quelques parcelles de terrain situées derrière notre salle de
dissection, en y faisant établir un petit jardin où sont
cultivées, dans des dispositions très-convenables, 230 plantes
médicinales soigneusement choisies parmi les plus usuelles.
Cette création sera, je l’espère, fort avantageuse pour
nos élèves, surtout pour ceux qui se destinent à la phar
macie.
Je termine, MM., en proclamant le nom des étudiants
qui, par leur bonne conduite scolaire, je veux dire, par
leur assiduité aux cours, et les notes obtenues aux examens
de fin d’année, ont mérité des prix et des mentions.
L’un de nos lauréats est absent pour ne revenir jamais.
Dieu, dans ses impénétrables desseins, lui a refusé les joies
du triomphe. L’élève Rivière, dont nous avions pu, mes
collaborateurs et moi, apprécier tout le mérite, a succombé,
récemment aux atteintes d’une affection contractée dans
le service de l’hôpital. Cet excellent jeune homme est mort
au champ d’honneur, victime du devoir accompli.
Ce triste événement, qui nous a tous profondément affectés,
ne saurait, j’en suis sûr, refroidir le zèle de nos élèves.
Ces jeunes gens, au début même de la vie médicale ,
savent bien que notre profession est une longue suite de
sacrifices, une œuvre incessante de dévouement, depuis
les premiers actes de l’étudiant, jusqu’à la dernière heure
du praticien.
Élèves en Médecine.
lre ANNÉE :
Ier Prix: M. d’Hurlaborde.
jP»*? prjx: m . Rivière.
>
���
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1864-1865.pdf
384aa503e861c6e67bf533bdc2e61fb5
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SÉANCES DE RENTRÉE
DES
FA CU LTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’A IX ,
DE LA F A C U L T É D E S S C I E N C E S
1864-1865
E T DE L’É C O L E P R É P A R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
DK
M A R SE IL L E .
AIX,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE, RUE D ITALIE,
1864.
9.
�SÉANCES DE RENTRÉE
DES
FA CU LTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’A IX ,
DE LA F A C U L T É D E S S C I E N C E S
E T DE L’É C O L E P R É P A R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
DK
M A R SE IL L E .
AIX,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE, RUE D ITALIE,
1864.
9.
�p m M H B n n
SÉANCE DE RENTRÉE
DES FA C U LTÉS
UK
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX.
L ’an m il h u it c e n t s o ix a n te -q u a tre , le q u in z ièm e
jo u r de n o v e m b re , s ’est a c co m p lie à A ix , d an s la salle
d es a c te s de l’É c o le de D ro it, la so le n n ité de la re n tr é e
des F a c u lté s de T h é o lo g ie , de D ro it et des L e ttre s .
La m esse du S t.-E s p r it avait é té c é lé b ré e à 11 h eu
res d an s la ca th é d ra le .
La plus g ran d e p artie des m em b res du co n seil a ca
d ém iq u e, ré u n is p ou r la sessio n de n o v e m b re , M. le
P re m ie r P ré sid e n t, M gr. F A rch ev êq u e .d ’A ix , M gr.
l ’É v êq u e de M a r s e ille , M. le P ro c u re u r G é n é r a l,
é ta ie n t p résen ts.
MM. les In sp e c te u rs de l ’A cad ém ie, M. le D oyen de
la F a c u lté des S c ie n c e s de M a rseille, M. le D ire c te u r
de l'É c o le de M éd ecin e de c e tte v ille av aien t p ris p la ce
su r l ’estrad e d’h o n n e u r avec MM. les P rofesseu rs des
F a c u lté s séan t à A ix.
�MM. les G rands - V icaires a cco m p a g n a ie n t Mgr.
l ’A rch ev êq u e.
U ne division du C ollege s ’était ren d u e à la c é r é
m o n ie, co n d u ite par M. le P rin c ip a l, au qu el s ’é ta ie n t
jo in ts les P rofesseu rs du C ollège.
M. L o c ré , so u s-p réfet d ’A ix , avait pris p lace au p rès
de MM. les m em b res du C onseil a cad ém iq u e.
É taien t p résen ts p lu sieu rs m em b res de la C our Im
p ériale d ’A ix , M. A n d ra c, p ro cu re u r im p é ria l, des
o c c lé s ia s liq u e s , d ’a u tre s p erso n n es n o tab les de la
v ille, et un certa in n o m b re d 'é tu d ian ts.
M. l’ab bé B ic h e ro n , p ro fesseu r de la F a c u lté de
T h éo lo g ie, a p ro n o n cé en ces term es le d isco u rs d ’u
sage :
Monsieur le R e c t e u r , Messeigneurs , M e s s i e u r s ,
Nous nous sommes proposés de faire l'histoire de la dis
cipline qui présidait autrefois à nos études théologiques et
donnait les règles pour la collation des bénéfices. Une étude
de ce genre intéresse particulièrement une faculté de théo
logie, à cause des grades qui étaient la récompense du talent
et des labeurs et que l’Église exigeait comme condition indis
pensable pour mériter d’être promu à la plupart des charges
ecclésiastiques. Cette discipline, vous le verrez, remonte assez
haut dans l’histoire de l’Église, elle est restée en vigueur
dans tous les pays de la chrétienté à peu prés, mais chez nous
elle est passée à l’état de souvenir.
Nous vous prions de croire, Messieurs, qu’en nous livrant
à une étude qui est un peu de notre charge, nous n’avons
cédé à aucune idée critique du présent, ni n’avons été séduit
par aucune prétention vaniteuse d’indiquer de meilleures
voies. Messieurs, nous avons été élevé à l’école du respect,
l’âge des idées avantureuses et des fougueuses présomptions
est passé pour nous ; d’ailleurs, nous est-il permis d’ignorer
tout ce qui se rencontre de difficultés dans le gouvernement des
hommes quels qu'ils soient, et pouvons-nous regretter l’ab
sence de certaines règles dont l’étroite ohsevance seraient en
maintes conjonctures, un obstacle fâcheux pour ceux que la
Providence a placé â notre tête. Nous sommes habitués dans
notre Église, à compter beaucoup sur l’assistance divine, et
jusqu’à présent, certes, elle nous a assez bien servi en nous
donnant des pasteurs, que le zèle, la sagesse, la douce piété
ont toujours si heureusement inspirés dans leur adminis
tration.
Donc, Messieurs, si nous aimons à reporter nos regards
vers un passé glorieux, ce n’est pas que nous pensions que
les institutions qui firent l’honneur de notre ordre autrefois,
pussent être appliquées aujourd'hui avec un plein succès ;
les éléments qui composent notre clergé diffèrent beaucoup
de ceux qui le constituaient jadis, nous vivons dans un milieu
qui ne ressemble en rien à celui où vécurent nos pères, tout
a changé autour de nous, pouvons-nous donc croire qu'il n'y
ait pas eu de motif suffisant d'opérer dans notre discipli
ne de changements même considérables. Quoiqu'il en soit,
notre entière conviction est, qu’en l’état nous sommes tout
�—
6
ce que nous pouvons être. Dieu seul sait l’avenir qu'il nous
réserve. Ce que cependant nous ponvons entrevoir, c’est que
nous ne sommes point près de renouer la chaîne des temps
à l’endroit de la discipline dont j ’ai à vous raconter les vi
cissitudes.
Notre étude sera donc, Messieurs, purement littéraire ; elle
remettra sous nos yeux des temps dont il ne faut pas perdre
le souvenir parce que nous pouvons, nous prêtres, en re
cueillir plus d’une leçon. En analysantes motifs qui porteront
l’Eglise à édicter les grandes lois disciplinaires, nous recon
naîtrons, qu’à la pensée d’honorer, de relever aux yeux des
populations l’ordre sacerdotal, se joignait celle du respect pour
les populations elles-mêmes, vers lesquelles on ne voulait en
voyer que des hommes d’une capacité constatée. Mais je
devance mon sujet.
Messieurs, vous ne partagerez pas cette idée qui commence
à paraître attardée, à savoir que l’Eglise catholique n’a pu ré
gner sur les intelligences qu’en les comprimant et les vouant
à l'ignorance. Non, Messieurs, vous n’acceptez pas cette
ignoble calomnie parce que vous savez que nulle institution
ne fit autant que l’Église pour la diffusion des lumières et
pour le développement intellectuel de ceux qui lui furent
soumis, jamais institution n'obtint en ce genre un succès pa
reil au sien, jamais aussi institution ne produisit un plus
grand nombre d’hommes illustres par le génie et le savoir;
nulle part on ne remarqua un plus vif, un plus vaste mou
vement intellectuel. C’est la constatation des efforts incessants
de cette mère de la doctrine pour remplir la mission quelle a
reçue d’enseigner le monde.
Nous l’avouons sans peine, Messisurs, aux premiers âges
de l’Église, tout à fait au commencement, quand Jésus en
voya ses apôtres à la conquête du monde, leur ordonnant de
porter au loin la lumière évangélique, il ne fut point d’abord
question de lutter de savoir et d’éloquence avec la portion in
telligente de ce monde païen qu’on venait attaquer avec une
telle résolution, l’apôtre St. Paul se vanta même d’ignorer les
ressources de la science humaine. On avait dans ce moment
autre chose à faire qu’à fonder des chaires de haut enseigne
ment, il fallait édifier par l'héroïsme des vertus, faire con
naître et faire aimer Jésus crucifié, il fallait savoir mourir sous
lahâche du bourreau ; que si les populations résistaient à ces
puissantes iniluences il fallait les terrasser par l’éclat de pro
diges sans nombre.
Vous savez, Messieurs, si les populations résistèrent ; en
peu d’années les pêcheurs du lac de Génézareth, ces hommes
sans lettres eurent conquis le monde et l’eurent soumis au
joug de l’Évangile.
Mais, lorsque à la persécution atroce que les tirans de l'é
poque livraient aux adorateurs du Christ, vinrent se joindre
les séductions intellectuelles des sophistes qui croyaient
continuer les antiques écoles philosophiques, lorsqu’aux bû
chers, aux chevalets, aux tortures à la hache vinrent en aide
les sophismes et toutes les ressources que pouvaient fournir
la science de l’époque; l'Église comprit qu’il fallait opposer
l’idée à l'idée, le savoir au savoir, l’éloquence à l'éloquence,
en un mot, qu’il fallait bien se garder de déserter la lutte in
tellectuelle. Elle qui portait en son sein le Verbe de Dieu,
c’est-à-dire, la science, lasagesse, l'idée divine, elle qui avait
en ses mains le flambeau destiné à éclairer le m onde, elle
qui pouvait montrer au calvaire le foyer éternel de la lumière»
�— 9
pouvait-elle refuser un combat d'où elle était sûre de sorti;
aussi glorieuse que de la lutte sanglante où par l’effusion de
son sang elle avait si noblement vaincu.
Alors, Messieurs, et sous le feu de la persécution qui durait
encore, s ’établirent comme par enchantement des écoles
glorieuses qui bientôt par la célébrité de leurs maîtres et le
nombre de leurs auditeurs, firent oublier les ecoles rivales
devenues désertes ; et pour ne citer que celle d'Alexandrie
qui ne s’incline aux grands noms des Pantliéne, des Clément,
des Origéne, maîtres à jamais illustres, aux leçons desquels
se formèrent tant de saints évêques et tant de m artyrs: car
ces hommes si puissants par leur doctrine, en communiquant
la science qu'ils possédaient, apprenaient aussi à leurs audi
teurs à bien vivre, ils leur apprenaient aussi à mourir pour
la fo i: les sophistes Alexandrins nepouvaient pas beaucoup
contre un enseignement que couronnaient de semblables con
clusions : la sainteté et le martyre.
Partout, sur tous les points du grand empire, partout où
se (rouvait quelque influence intellectuelle, partout où s’élevait
une chaire ennemie, s’éleva une chaire chrétienne, s’établit
une école évangélique : Ainsi, à Antioche, à Edesse, à Cons
tantinople, à Athènes, à Milan, à Rome et dans notre Gaule,
à Lyon, à Trêves, à Poitiers.
Cependant, la paix avait été rendue à l'Église. Le chris
tianisme était monté sur le trône, mais l’esprit d’erreur cl de
mensonge ne se reposait pas, lui, et ne s’avouaitpas vaincu.
Les attaques contre la doctrine évangélique se renouvelèrent
sans cesse, et sans cesse aussi une foule de docteurs se levè
rent et se tinrent constamment sur la brèche, d’une main
repoussant les assaillants et de l’autre, travaillant à l’édifice
mystérieux dont les fondements posés par la main de Dieu
reposaient sur le roc. Les noms de ces hommes ont traversé
glorieusement les siècles, leurs écrits nous les possédons et
sont une de nos richesses inappréciables ; et je le demande,
que sont devenus les noms de leurs antagonistes? qui les connit
aujourd’hui, et si quelques pages de leurs nombreux écrits
ont pu échapper à l’oubli, qui songea jam aisày aller cher
cher la vérité, c’est à peine s’ils servent à défrayer l’oisive
curiosité de quelque archéologue. Mais passons.
Ces siècles d’immortelle mémoire, ces temps des Augustins, des Chrysostôme, des Athanase, des Basile, des Gré
goire, des Ambroise, des Hilaire, pour ne citer que les plus
illustres, seront à jamais bénis des chrétiens, et pourtant
ce ne fut pas précisément à cette grande époque que l'Église
déploya le plus d'énergie, fit preuve de plus de fécondité
pour sauver les peuples du mensonge, pour leur conserver
la lumière, et les ramener à la vérité. Les siècles suivant lui
réservèrent des labeurs bien plus austères, plus longs et
plus difficiles.
Descendons dans l'ordre des temps. L ’empire romain
depuis longues années luttait avec une fortune douteuse con
tre les dangers qui le menaçait de toutes parts. Les barbares
pesaient de toutes leurs forces sur la digue qui avait été éle
vée contre l’immanante invasion. Mais les brèches sont
enfin pratiquées en mille endroits et livrent passage au tor
rent dévastateur qui roule avec un fracas épouvantable et
couvre bientôt de ses eaux toute la surface de l’empire. Que
de ruines ! que de débris ! que devinrent les institutions? que
devint la science? que devinrent les écoles fameuses, les
chaires illustrées par tant de m aîtres? Vous le savez, Mes
�40 —
sieurs, le lamentable tableau en a été tracé mille fois, nous
n’avons pas à le refaire. Alors régna et régna seule la force
brutale, et de cette sauvage domination découlèrent les consé
quences que vous connaissez : La lumière disparut, la civi
lisation la plus raffinée fit place à la grossièreté la plus ab
jecte, l'idée avait péri, alors se fit la nuit et quelle nuit !
L ’Église cependant n’avait pas eu grande peine à ranger
sous le joug de la foi les barbares qui n'avaient point à oppo
ser à la simplicité évangélique des mœurs corrompues, mais
le contact avec eux faillit lui devenir fatal et n’eut été le ger
me divin qu’elle porte en son sein, elle eut subi une transfor
mation hideuse, en s'adaptant aux barbares croyances de
ses nouveaux maitres, elle fut devenue une nouvelle forme de
leur brutal polythéisme. Avouons-le, Messieurs, sa beauté fut
un instant altérée, un instant le sanctuaire fut souillé.
Eh! bien, ce fut au moment où tout semblait devoir s’a
bîmer dans ce cahos, alors que tout devait s’éteindre dans
ces épaisses ténèbres, alors que l’arche du salut était près de
sombrer dans ce déluge d'inouïes calamités, que l'Église ma
nifesta avec le plus d’éclat l'énergie et la fécondité dont l’avait
douée son divin auteur, elle possédait la lumière, en agitant
son flambeau sacré elle devait faire renaître le jour le plus
splendide.
Qu'il est intéressant, Messieurs, d’étudier cette sollicitude
qui la porta à tenter tous les efforts pour communiquer les
richesses célestes dont elle était dépositaire ; elle ordonne
qu’auprés de tous les évêchés, de toutes les cathédrales, il se
forme des écoles pour apprendre les saintes lettres ; elle ac
cueille, elle bénit tous les essais en ce genre ; partout où son
œil vigilant découvre un germe d’intelligence, elle se l’ap
11
proprie et le féconde, elle prend les précautions les plus heu
reuses pour sauver de la destruction les livres dépôts sacrés
de la science, elle les recueille dans les monastères, en éta
blit pour gardiens les religieux, compte au nombre des œu
vres méritoires les transcriptions qui ont tant contribué à leur
conservation.
Que si parfois un prince séculier, un grand de la terre de
vançant les âges et entrevoyant l’empire futur de la pensée,
essaye une fondation libérale, elle se garde bien de détourner
ses regards bienveillants de dessus l’enfant qu elle n’a pas
porté ; elle se hâte de le faire sien en l’adoptant et en lui
prodiguant des soins. Bientôt elle communique son esprit à
la jeune institution, elle l’inspire, lui donne un développe
ment admirable et le rend en peu de temps un foyer de
lumière, elle en fait cette université de Paris, mère et maî
tresse de toutes les autres universités, dontles commencements
furent si faibles, si obscurs, mais qui grandit sous la protec
tion des souverains pontifes, et dont la gloire remplit l’univers
comme a dit un grand pape.
Les uns veulent qu’elle ait pris naissance au temps de
Charlemagne, d’autres attribuent à Philippe-Auguste sa
première organisation. Quoiqu’il en soit, aussitôt que ce fo
yer si peu lumineux d’abord, mais nnique en Occident, a pu
attirer le regard des souverains pontifes, qu’ils se hâtèrent
d’alimenter le feu sacré. Ils y ont vu l’espoir de l’Eglise pour
la diffusion au loin de la lumière évangélique et la naissante
université devient bientôt leur œuvre, on dirait l’œuvre de
leur prédilection, l’œuvre certainement de leur plus teudre
intérêt.
Certes, les maîtres, les écoliers grossiers méconnurent bien
J
II
1
�souvent la main bienvaillante qui les protégeait, ils donnèrent
aux papes bien des ennuis; mais quoi ? ils possédaient le germe
de la secience, ils portaient en leur sein la lumière, et c ’est
pourquoi on sera faible pour eux, on leur pardonnera tous
les écarts, on les ramènera avec douceur. Tels qu’ils sont, ils
sont les pères futurs de la pensée, l’Église le sait et de laces
ménagements que nous comprenons à peine aujourd’hui
pour des hommes qui semblaient le mériter si peu.
Pour faire comprendre complètement cette sollicitude,
j ’allais dire cette faiblesse de l’Église à l'égard de l’Université,
il faudrait citer tous les conciles qui se tinrent au moyen âge,
citer toutes les bulles de tous les grands pontifes qu’en ces
temps mémorables sauvèrent la chrétienté par la vigueur de
leurs bras ; pendant qu’ils portaient un fer vigoureux sur tous
les abus si nombreux, si criants ; pendant qu’ils organisaient
la société, ils défendaient en même temps cette université ,
leur espoir pour la civilisation, contre l’ennemi du dehors et
contre ses propres excès, ils faisaient pleuvoir sur elle toutes
les grâces, tous les privilèges.
Nous ne résistons pas au plaisir de rappeler une époque
qui ne fut pas unique à son histoire, mais qui prouve de la
manière la plus touchante le puissant intérêt que l’Église lui
portait.
C’était en 1 2 2 8 , sous le régne de St. Louis et la régence de
la reine Blanche, sa mère. Les écoliers de l’université fort
turbulents de leur nature et amis de la sédition avaient com
mis des excès dans la ville, insulté le légat du pape, le sang
même avait coulé, chose assez peu rare en ces temps malheu
reux. La régente avait ordonné et fait exécuter une sévère
repression sur ces bandes indisciplinées. Les maîtres aussi
raisonnables que les écoliers, fiers de leurs privilèges, pren
nent fait et cause pour les coupables ; ils cessent leurs leçons,
ferment les écoles et se dispersent. On put croire un instant
que c'en était fait, de cet asile de la science, de ce théâtre
des travaux intellectuels. Le pape régnant c'était Grégoire IX ,
de si chère mémoire à l'université, informé de l’affaire, prend
l’alarme et la croit assez importante pour mériter son inter
vention, et quelle interventon, juste ciel ! Dans le seul mois
d’avril 1 2 3 1 , il écrivait pour l’apaisement de ces graves
dissensions, neuf bulles ( c ’est tout un bullaire ), il y presse
de toutes manières le retour des maîtres et la réouverture
des cours; ces bulles sont adressées au ro i, à la régente, à l'é
vêque de Paris, au doyen de St. Marcel et autres. Déjà une
autre bulle de décembre 1 2 2 9 , adressée au roi, constate la
douleur du pontife à la vue de la dispersion des maitres et des
disciples. C’est là qu’il compare la doctrine de la sagesse éter
nelle à un grand fleuve qui, de Paris, se répand dans toutes
lesparties non-seulement du royaume, mais encoredel'Église
universelle. L ’affaire fut enfin arrangée après de longues et
pénibles négociations. Dans une dernière bulle du o m ai, il lève
les censures et les excommunications encourues et méritées
par les maîtres et les écoliers, ce qui prouve que l’excellent
pontife ne se méprenait pas sur le mérite de ses protégés,
mais il fallait sauver l'institution.
Rien n’est curieux et j ’ose dire touchant, connue la lecture
de ces bulles. On y voit le saint pontife s'appliquer à garantir
et étendre les grâces et les privilèges accordés à l’université
par ses prédécesseurs, et entr’autres, par Innocent III. Il va
jusqu’à permetre en cas de leur violation de la part de la
puissance séculière, aux maîtres, de fermer les écoles. Il
�règle l'ordre des cours, indique les auteurs à expliquer, rien
n est trop bas ni trop vil poursa bonté ; il s ’occupe des loyers
que paient les pauvres étudiants, pose un maximum de prix,
etc. Cette bulle du 13 avril, devint comme la grande Charte de
cette illustre corporation.
Peu d’années après, Innocent IV enchérit encore sur les
libéralités de Grégoire IX ; il confirme les grâces déjà reçues
et en ajoute de nouvelles, établit un conservateur de ces pri
vilèges ( l’institution dura de longs siècles). Il règle que
maîtres et écoliers soient à l’abri de toute censure qui éma
nerait d’une autre autorité que celles des souvereins pontifes.
Il descend lui aussi aux détails les plus infimes et qui signi
fient la plus tendre sollicitude, c’est ainsi qu’il exempte de tout
péage pendant leur longues routes, les écoliers qui arrivaient
de tous les points de l'Europe ; enfin, dans sa bulle du 13
mai 1215, il étend les grâces et les privilèges des maîtres et
des écoliers, jusqu’aux serviteurs de l’université, jusqu’aux
massiers et bédeaux.
Cependant des écoles nouvelles se sont formées au loin :
l'amour de la patrie, l’esprit d'aventure, les dispersions vio
lentes, ont porté dans le restant du royaume, dans les autres
états, au delà des monts, au delà des mers, des maîtres qui
ouvrent des cours et confèrent des grades. Les souverains
pontifes toujours attentifs, aperçoivent ces germes jetés par
le vent qui poussent et se développent; ils les bénissent, les
fécondent, leur donnent l’accroissement et puis organisent les
nouvelles institutions, les élévent au rang d’universités avec
les privilèges y attachés. Ainsi s'établirent au dehors, Oxford,
Bologne, Salamanque, mentionnées déjà avec honneur au
concile général de Vienne en 1312. Plus anciennement, celle
de Toulouse, organisée par Grégoire IX , en 1 2 3 3 , celle
d’Orléans, en 1 3 0 6 , par Clément V qui y avait étudié; celle
de Caen, par Eugène IV , en 1 3 3 7 , de Montpellier, par Nicolas
IV , en 1 2 8 9 , d’Avignon, par Boniface V III, en 1 3 0 7 , d’An
gers, de Valence, de Rreim s, de Bordeaux et autres, toutes
organisées ou approuvées par divers souverains pontifes.
Aix possédait aussi une école célèbre dès avant le X IIIe siè
cle, elle avait des chaires de théologie, de droit civil et de
droit canon. Au rapport de l'historien Bouche qui en cite des
exemples, cette école conférait le doctorat. Sur la demande
de L ou isII, comte de Provence, le pape Alexandre V III l’é
rigea en université en 1 4 0 9 .
Et maintenant examinons sommairement, quel était le
but de l’Église en déployant une si grande sollicitude dans
l’établissement, le développement et l’organisation de l’en
seignement public. C’était, sans doute, de donner une plus
forte impulsion aux études, d’en assurer le succès afin de
préparer et d’amener dans un temps donné l’empire de la
pensée et surtout de la pensée chrétienne, sur la force bru
tale qui pesait alors de tout son poids sur la société et fai
sait sentir son influence avilissante sur les affaires ecclésias
tiques. Mais l’Église voulait aussi se fortifier, elle qui ne
vit que par l’intelligence et la doctrine, et sa force devait
résulter de la sage dispensation des moyens dont elle dispose
en organisant convenablement sa milice, distribuant les
postes et les dignités suivant la valeur et l'aptitude, il fallait
qu’elle arriva à éliminer de ses rangs sacrés ceux qui ne
représentaient que l'influence m atérielle, que ses évêchés,
ses abbayes, ses grands bénéfices, ses fonctions élevées, ne
fussent plus en proie aux barons bardés de fer, ni soumis
�10 —
à leur action désordonnée, il fallait par conséquent exiger
de ceux qui en seraient revêtus, un tel éclat de science, de
telles garanties detudes, un tel développement intellectuel,
que par eux l’esprit s’éleva au-dessus de la matière, et le
domina complètement. De là cette progression dans les
études indiquée dans tant de bulles, lettres-patentes et char
tes des universités ; de là ces grandes et solennelles luttes
de l’esprit, dans les thèses publiques ; de là ces grades à con
quérir après des interstices de labeur et de veilles. Grâces
à cette puissante organisation, l’ordre et l'harmonie s’éta
blirent insensiblement dans ce cahos, les éléments grossiers
tombèrent au bas-fond de la société, la pensée se débarras
sa des entraves qui la retenaient captive, s’éleva et plana
sur le monde qu elle inspira désormais et qu’elle conduisit.
Cette discipline qui obligea tout candidat aux fonctions
élevées dans l’ordre ecclésiastique, d’être gradué dans quelque
université, naquit donc de la nécessité. On ne saurait en fixer
les commencements, mais on la voit établie aussitôt que
l’ordre commence à remplacer l’anarchie, et si l’on y fait bien
attention, les conciles, les constitutions apostoliques ne firent
que confirmer ce qui était déjà partout en vigueur. Et l’on
conçoit facilement le parti que l’Église sut tirer de cette or
ganisation qui sortait ainsi toute faite de la nature des choses.
En exigeant des grades de ses hauts fonctionnaires, elle ho
norait la mission apostolique, témoignait de son respect et
de son amour pour les peuples dont elle ne confiait la direction
qu’à des hommes dont le mérite avait reçu une constatation
publique et solennelle, et puis par cette puissante émulation,
par ces efforts, par cette constance d’études, par ces luttes
intellectuelles qu’elle provoquait, qu’elle ordonnait, qu elle
17 —
récompensait, quelle couronnait, elle entretenait et fomentait
le feu sacré. Jamais plus d’ardeur, jamais plus de zèle n’avait
animé l’ordre ecclésiastique, mais aussi jamais succès plus
glorieux. Des hommes sortirent de ces combats aussi grands,
aussi illustres, aussi précieux à la science ecclésiastique, que
tout ce qu’avait eu de plus grand, de plus illustre, de plus
précieux l’Eglise en ce quatrième siècle si fécond en sublimes
docteurs.
Plusieurs, sans doute, purent être mus par un sentiment
d'ambition peu louable, mais la plupart ne voulurent que
remplir un devoir, honorer l'ordre sacerdotal et seconder
les grands desseins de l’Église. Et l'on vit les ordres men
diants tout pleins encore de l’esprit d'humilité et d’abnégation
inspiré par leurs saints fondateurs, ne pas croire manquer à
leur vocation, en sollicitant avec une insistance remarquable,
l'honneur des grades universitaires. L'Université les refusait
obstinément, mais les souverains pontifes pensèrent comme
les ordres mendiants ; et de haute lutte les firent admettre
dans la savante corporation ; et alors saint Thomas et saint
Bouaventure, l’honneur éternel de la doctrine ecclésiastique,
purent après deux ans d'inutiles sollicitations, recevoir les
insignes du doctorat. C'était toute une conquête pour leur
ordre respectif.
Si nous voulions apporter ici toutes les autorités qui recon
nurent et confirmèrent cette discipline, non-seulement dans
la France mais dans tous les lieux où l'Église pouvait libre
ment développer sa pensée et exercer son action, il faudrait
produire tous les conciles tant généraux que particuliers qui
se tinrent pendant ces siècles de renaissance, produire toutes
les constitutions apostoliques organisatrices, rappeler le con-
3.
�18
cordât de François Ier et de Léon X formellement approuvé
parle concile général de Latran. Nous nous contentons pour
abréger, d’indiquer les dispositions du d ro it, relatives à
quelques-unes des hautes fonctions ecclésiastiques. Voici ce
que demande des évêques le concile de Trente dans le chapitre
II de la session 22 de ref., tenue le 17 septembre 1552 :
Ânteàin wiiversitate studiorum, magister, sive doctor, aut
licentiatus in sacra Theologid, vel jure canonico, mérita sit
promotus, aut alicujus academiœ testimonio idoneus, ad
alios docendos ostendatur.
Pour les archidiacres et autres dignités, écoutons ce qu'il
dit en sa session 2 4 , chapitre II de ref. : Archidiaconi
qui oculi dicuntur episcopi, sint in o-mnibus ecclesiis, ubi
fieri potest, magistri in theologid seu doclores aut licentiati
injure canonico... Hortatur etiam synodus, ut in provinciis,
ubi commode fieri potest, ut saltem dim idia pars canonica
tuum, in cathedralibus ecclesiis et collegialis insignibus,
conferatur tantum magistris, vel doctor ibus aut etiam
licentiatis in theologid vel jure canonico.
Le concile porte un décret pour l’olhce de la dignité
d’Écolâtre: De cœtero, o/feia vel dignitates illœ quœ scholiastrœ dicuntur, non nisi doctoribus vel magistris aut
licenciatis in sacra pagina , aut in jure canonico conferalur. Voici le Pénitencier : In omnibus cathedralibus,
pœnitentiarius aliquis instituatur, qui magister sit, vel
doctor aut licentiatus in theologid vel jure canonico.
Le saint concile ne dit point si le théologal doit être
gradué, mais le pape Innocent III y a pourvu dans le quatriè
me concile général de Latran, il veut que le théologal soit
maître, magister, le concile de Bâde le veut docteur, ainsi
le concile de Rouen, en 1 5 8 1 , celui de Narbonne, en 1 0 0 9
et plusieurs autres. Pour ce qui regarde les cures des villes
principales (ce qu’on appelait en droit, villes murées), le
concile de Bàde voulait des grades théologiques, celui de
Trente n’en parle pas, mais il est bien plus exigeant, car i\
établit un concours public, solennel et qu’il entoure de garan
ties sévères, et cela pour toutes les cures indistinctement.
Il emploit le chapitre X V III de la 2 4 me session cà poser la
loi et les règles. Cette discipline a été reçue et s’est maintenue
partout où le saint concile de Trente a été publié, même en
plusieurs provinces de notre ancienne France, qui furent
autrefois sous la dénomination espagnole, elle était prati
quée en sauvegardant les droits des gradués simples et
nommés qu’avait établi le concordat de François Ier et de
Léon X .
L ’Église n'a pas besoin que nous justifiions son immo
rtelle législation, mais il nous sera permis d’en admirer
la suprême sagesse : par ce concours , non-seulem ent,
elle inspirait une heureuse émulation mais en outre elle
montrait une immense sollicitude pour le bien des âmes en
s’assurant avec tant de soin de la capacité de ceux qu elle
envoyait. Si, comme le Sauveur bien-aimé, elle ne pouvait
leur dire, allez, marchez sur les serpents, ils ne vous nui
ront pas, guérissez les malades, ressuscitez les m orts, s'il
ne lui était pas donné de communiquer une semblable
puissance, elle leur donnait ce qu elle pouvait, elle les revê
tait de l’autorité de la science et de la vertu. C’était inviter
les esprits et les cœurs à s’incliner devant ses envoyés, c'était
les préparer à recevoir leurs paroles avec respect, c'était
encore un moyen évangélique.
�Aussi, les papes qui, par le droit et leur haute juridiction,
avaient le pouvoir de dispenser des grades ou des concours
d’examen pour l’obtention des bénéfices, ne le firent jam ais
dès qu'il s’agissait île bénéfices à charge d’âmes. Cela sc
conçoit, ils auraient comme dispensé de la capacité, c’était
contre l’ordre divin.
Telle quelle, cette discipline a disparu dans la tempête
comme tant d’autres institutions infiniment utiles , nous
l'avons rappelée, nous en avons fait l'histoire, nous en
avons dit la pensée, pour montrer que c’est à elle, sans
doute, qu’était due la restauration de la science ecclésiasti
que, qu’était du le mouvement heureux qui produisit tant
et de si savants théologiens, tant et de si illustres écrivains
de notre ordre, qui seront l’éternelle consolation de l’Église
de France, s’il ne lui était plus donné d’en reproduire de
semblables.
Nous n'ignorons pas que celle discipline était sujette à
des abus, beaucoup moins peut-être qu’on ne croit. Mais
enfin l’Église les connaissait, elle en gémissait sans doute,
et tachait d’y parer ; et toutefois, elle ne croyait point devoir
couper l’arbre à cause de quelques mauvais fruits ou de
quelques fleurs desséchées. Des abus ! mais de quoi n’a-t-on
pas abusé? Faudra-t-il abolir l’ordre sacerdotal, l’ordre
épiscopal, la papauté même, parce que on en a abusé ?
Avant de détruire, le premier devoir est d’examiner si
l’abrogation d’une discipline ne sera pas plus nuisible à l'in
térêt général que ne le sont les abus auxquels on a toujours
mission et moyen d’obvier, et dans la question actuelle, il
faudrait, avant de condamner une discipline, donnée et ap
prouvée par tant de conciles généraux ou particuliers, par
tant et de si grands pontifes, une discipline sanctionnée par la
pratique générale de huit à neuf siècles, il faudrait, dis-je,
indiquer un moyen autre de restauration pour nos études :
Mais hélas ! ceux qui portèrent la dévastation chez nous
s’embarrassaient assez par des conséquences fatales pour
notre ordre.
A l’encontre du vœu souvent exprimé du rétablissement
des grades théologiques comine titre obligé pour l’obtention
des bénéfices, on a élevé une difficulté que, si elle était fon
dée, refoulerait dans le cœur de tout prêtre, des désirs que
nous avons toujours crus légitimes et éminemment salu
taires. On nous a dit souvent : mais vous voulez limiter le
choix des évêques, vous le restreignez, vous portez atteinte
à leurs droits. Nous ne limitons rien et ne portons atteinte
à aucun droit. Nous attendons tout de l'Église, c’est-à-dire,
des évêques et rien que d’eux comme seuls et suprêmes
régulateurs de la discipline. Que s’ils voulaient ressusciter
l’ancienne discipline, s'ils exigeaient désormais les grades
canoniques, ce seraient eux-mêmes qui, dans leur sagesse,
poseraient des bornes à leur action, et dans cette hypothèse,
quelle injure leur ferait une semblable loi? Ils seraient
obligés de choisir, non pas des indignes, car sous toutes les
disciplines possibles, ils ont toujours eu le droit et le devoir
de les repousser, mais de choisir des capables. Eh ! quoi,
voudrait-on leur attribuer le droit de confier les âmes à
l’aveugle qui ne peut se conduire lui-même. Ce droit est
inconnu dans l’Église de Dieu, les évêques en ont horreur,
car ce ne serait pas un droit de vie, mais un droit de mort.
Du reste, en tout ceci l’Église sentait bien moins le besoin
de ménager aux évêques un moyen de se garantir d'erreurs
�_
II
infiniment déplorables , mais qui seront heureusement
toujours rares, quoique possibles, comme elle sentait celui,
ainsi que nous l'avons remarqué, d’honorer le ministère
ecclésiastique, de décorer le prêtre d’un titre qui lui donnât
autorité, d'imprimer un grand mouvement aux études et de
restaurer la science sacrée.
Béni soit Dieu ! ses efforts furent couronnés d’un plein
succès, et ce sont ces palmes, ces succès obtenus par nos pères,
qui ontfait regretter à plusieurs de n’êtreplus sous la même
discipline et de ne pouvoir soutenir dignement l'héritage de
gloire qu’ils nous ont transmis.
Pour nous, Messieurs, nous finissons comme nous avons
commencé, en exprimant la même conviction qui sortait de
notre cœur dès l’ouverture de ce discours. Nous sommes
tout ce que nous pouvons être dans la situation qui a été
faite au clergé ; et tels que nous sommes, nous pouvons
encore, sous l’heureuse direction de nos évêques, remplir
avec succès notre mission.
S ’il doit croire aux témoignages d’estime et d’encourage
ment qui lui arrivent de bien des côtés, le clergé français,
par le zèle, la pureté des mœurs, la régularité de vie et même
par la science, peut se flatter de n’avoir pas tout à fait
dégénéré de ses glorieux pères.
Messeigneurs , M e s sieu rs ,
MM. les Doyens vont vous donner lecture de leurs
rapports au Conseil académique. Ils rendront compte de
tous les faits importants qui se sont accomplis cette année
dans l’enseignement supérieur. Je ne dirai pas d’avance ce
que vous allez entendre. Je ne pourrais que répéter les
paroles que des voix que vous aimez à écouter vont pronon
cer. Je me contenterai dans quelques paroles de dire adieu
au collaborateur vénéré qui nous quitte, de saluer ceux qui
viennent à nous. J ’indiquerai aussi rapidement les besoins
de l’enseignement supérieur qui ont été signalés au Conseil,
et enfin, je donnerai quelques avis à nos étudiants.
M. l’abbé Polge, après de longs services, a quitté la
Faculté de Théologie. Ses forces trahissaient ses efforts. Il
laisse une mémoire vénérée. Sa doctrine était sure ; il avait
une grande ardeur pour la science sacrée, et une bienveil
lance pour ses collègues, dont ils étaient reconnaissants.
Qu’il goûte un repos bien mérité ! Il est parti entouré de
uotre estime et de nos regrets.
M. l’abbé Bonneville, qui a été désigné par notre émi
nent Prélat au choix du Ministre, et dont j ’ai accepté la
collaboration avec une vive satisfaction, joint à l’habitude
d’un long enseignement, cette aménité dans les mœurs ,
cette douceur dans le commerce de la vie, qui rendent si
faciles et si utiles les fonctions d’un doyen.
M. l’abbé Boyer a remplacé M. l’abbé Polge comme pro
�fesseur de dogme. Il a vaillamment combattu pour obtenir
îa situation, qu’il doit surtout au courage et au talent qu’il
a montrés dans les épreuves qu’il a subies pour obtenir ses
grades. Dans le choix de ce professeur la Faculté a puisé lin
nouvel élément de force et de succès.
M. Jourdan, nommé professeur agrégé à la Faculté de
Droit d’Aix, est aussi le fruit de ses œuvres. Le concours a
prouvé que nous avions agi sagement en l’appelant comme
auxiliaire au sein de l’École de Droit ; il n’a fait que ju s
tifier notre choix. Nous savons que nous pouvons compter
sur son zèle et sur son savoir.
La Faculté de Théologie a émis un vœu, par l’organe de
son doyen , que nous souhaitons de voir réaliser. Cette
Faculté se complétera. L’éloquence sacrée doit y être ensei
gnée. Il faut que les jeunes prêtres apprennent qu'elle est
la puissance de la parole sur les âmes ; qu’ils puissent
suivre l’exemple de leur illustre chef. L eloipience, qu'on
considère souvent à tort comme un fruit spontané de l'in
telligence, est peut-être ce qu’on a le plus besoin d’appren
dre. II appartient surtout aux membres du clergé de parler
avec autorité, et cette autorité ne s’acquiert que par une
grande sobriété de diction. La sobriété dans la diction est le
comble de l’art de bien dire. La force se puise dans la
simplicité.
L ’enseignement ainsi fortifié augmentera l'émulation qui
se manifeste pour l’obtention des grades. Si, comme vous
l’a appris le remarquable discours que vous venez d’enten
dre, ils ne donnent aucune prérogative dans la carrière
ecclésiastique, ils appellent sur ceux qui les méritent
l’attention des évêques qui président, avec l’Université, aux
travaux des Facultés de Théologie. Par là on acquiert un
droit précieux, celui qu’on a à leur estime.
L ’école de Droit a émis un vœu que je désire vivement
voir réaliser, la création de la seconde chaire de Droit Ro
main. Jo ie désire, parce que l’enseignement de la Faculté
sera ainsi officiellement complété, et que cette création, je
l’espère, permettra de récompenser de bons services. Le
doyen a exprimé en outre un regret ; il voit avec peine di
minuer le nombre des aspirants au doctorat. Ce grade est,
en effet, le couronnement des éludes de droit, ou plutôt il
offre seul la garantie que ces études ont été complètes. Nous
avons fait appel au zèle bien connu de MM. les professeurs.
Des cours de doctorat facultatifs avaient été créés, et ceux
qui, comme moi, les ont écoutés, savent quelle érudition y
a été déployée. En vain, des magistrats donnaient l’exem
ple de l’assiduité à des cours qu’ils se plaisaient à entendre,
aimant à se faire écoliers, et à repasser dans la voie où
s’est formé leur profond savoir. Ils n’ont entraîné aucun
élève de troisième année. Ceux qui avaient besoin des cours
sont les seuls qui ne les ont pas suivis. Malheureuse déser
tion qui nous a forcés à supprimer ces leçons.
Il y a eu dans les rapports de MM. les Doyens des Facul
tés des Sciences et des Lettres des faits intéressants à cons
tater.
M. le Doyen de la Faculté des Sciences a relevé avec
peine et avec quelque anxiété ce fait, que les épreuves du
baccalauréat ès-sciences avaient été plus faibles cette année
que pendant celles qui viennent de s’écouler. Certainement
on ne peut attribuer cette faiblesse aux cours faits à la
Faculté des Sciences avec tant d’éclat, aux épreuves dirigées
�—
26
—
avec fermeté et sagesse. Le goût des sciences diminueraitil ? Y aurait-il une défaillance dans cette partie de rensei
gnement? Cela n’est pas possible à une époque où les
sciences reçoivent un aussi noble développement, où elles
fout la gloire de la nation, où leur application sert à la pros
périté publique. N’ayons pas cette crainte. Mais peut-être
l’hésitation dans les programmes , une réaction peutêtre trop forte contre une mesure, la bifurcation, critiquée,
je crois, avec justice, mais avec un certain emportement,
sont la cause de ce temps d’arrêt dont s’est plaint avec rai
son M. le Doyen. Les choses reprendront leurs cours nor
mal ; les sciences garderont le rang élevé qui leur appar
tient, et, avec les lettres, leurs sœurs, elles continueront à
faire l'orgueil de la France.
J'ai promis à nos étudiants quelques conseils.
M. le Doyen de la Faculté de Droit s’est plaint de leur
manque d’assiduité. C'est à moi, sans doute, de veiller à ce
que les appels soient exactement faits, et je ne manquerai
pas à ce devoir. Mais je prie les étudiants au nom de ce
qu’ils se doivent à eux-mêmes et à leurs familles , de bien
comprendre que l’assiduité aux leçons est la seule manière
de bien se pénétrer de l’enseignement qu’on leur donne,
et qu’en même temps le goût pour le travail quelle suppose
les garantits seuls des funestes égarements qu’entraîne
l’oisiveté. J'ajouterai qu’ils doivent penser aux sacrifices que
leurs familles font pour leur éducation, et à ne pas les
augmenter par suite des retards qu’apporterai dans leurs
études la perte de leurs inscriptions.
Je n’ai malheureusement pas fini sur ce point.
m
M. le Doyen de la Faculté des Lettres a signalé un état
de choses auquel il faut remédier.
Nos règlements veulent que les élèves en Droit suivent
les cours de la Faculté des Lettres. Est-il rien de plus sage?
Est-il rien qui prouve mieux notre préoccupation de donner
un enseignement com pléta nos élèves? Eh bien, ces cours ne
sont pas assidûment suivis! Il y a p lu s: lorsque les pro
fesseurs se résignent à faire des appels (ce qui leur coûte,
je le sais), les élèves arrivent juste pour cet appel, et dis
paraissent aussitôt qu’il est fini. Ils troublent ainsi le pro
fesseur et la tranquillité de son auditoire. C’est comme s’ils
lui disaient : nous en savons assez ; vous n’avez plus rien à
nous apprendre. Et quels sont, de grâce, les travaux qui
remplaceront les leçons de la Faculté des Lettres ? Où v a-ton méditer ce qu'en fait on dédaigne d’apprendre? Quelles
sont les profondes études qu'on est obligé de quitter pour
aller au cours ? Je fais un appel au bon sens de nos élèves,
je dis plus, je fais un appel à ces notions de politesse que
n ’ignore aucun homme bien élevé. Ce dédain , non pas
offensant, mais ridicule, cessera, et la tranquillité des cours
qui sera d'ailleurs maintenue par mon autorité, ne sera plus
inquiétée.
Mais je veux cesser ces reproches, qui ne s’adressent pas
cà tous, par les éloges mérités qui sont dus à l’École, à la
masse des étudiants. Les résultats des concours qui vont
être proclamés dans cette enceinte prouvent que le goût du
travail règne dans cette École, et le goût pour le travail
donne des élèves amis de l’ordre et d’une bonne discipline.
La jeunesse doit, en effet, s’associer à ce mouvement que
reçoit partout l’enseignement supérieur, grâce à l’impulsion
�MHWüWm
régulièrement leurs cours pendant l’année scolaire qui vient
de s’écouler. Pénétrés de la haute importance de leur mis
sion, ils n’ont rien négligé pour initier leurs auditeurs à
tout ce qu'il y a de riche, de grand et d’élevé dans la scien
ce sacrée. Ils sentent que maintenant plus que jamais il
est nécessaire de fortifier les âm es, et de les pénétrer de
_____ i
rr— i
ces vérités qui produisent les grandes vertus; mais ils
savent surtout que c'est du ciel que doivent venir ces lu
mières vivifiantes qui ouvrent aux intelligences d’immenses
horizons, qui guident les pas du sav an t, le mettent en
garde contre les surprises de l'erreur, et le placent d une
manière assurée sur la route du progrès véritable.
Ce ne sera pas nous, Messieurs, qui nierons les progrès
de la science de notre époque ; loin de là, nous proclamons
avec bonheur toutes les gloires du siècle où la Providence
nous a placés. La science a enfanté plus de prodiges que
l'imagination n'aurait osé le concevoir ; Lhistoire rivalise
»
avec la science, et tous les jours, comme on l'a dit, elle fait
jaillir la lumière de chaque ru in e, de chaque débris du
passé. Le culte de l’antiquité est plus répandu, plus éclairé
qu’au siècle précédent ; mais à côté de ces progrès incon
testables, que des défaillances, que d’écarts on pourrait
signaler ! Que faut-il donc faire pour relever, par exemple,
la littérature qui si souvent s’abaisse, se matérialise ; pour
replacer la science de la critique sur une autre base que
sur celle du roman ; pour contenir la pensée dans les limites
du v rai? Que faut-il enfin pour faire de notre siècle, avec
toutes les forces vives dont il peut disposer, un siècle vrai
ment grand? Il lui faut, Messieurs, tout ce qui a fait les
grandes époques de notre histoire, les divines inspirations
de la science sacrée.
Ce n’est donc pas seulement servir la Religion et l’Église,
mais encore la société que de répandre le goût et l’étude
des sciences religieuses, c'est rendre les cœurs et les in
telligences à leur élément naturel. Mais hâtons-nous de le
dire, notre pays semble avoir compris ce qui lui manque
�sous ce rapport, et ou voit tous les jours des privilégiés du
savoir tourner leurs regards vers la source de la lumière,
de la chaleur et de la vie.
De son côté, le clergé comprend la nécessité d'une com
plète restauration de la science qui, par son importance,
domine toutes les autres ; il sait que le dépôt de la doctrine
ne lui a pas seulement été confié pour éclairer et fortifier
les âmes dans la vie ordinaire de chaque jour, et que la
mission du théologien, sans être plus divine, devient quel
quefois aussi nécessaire que celle de l'homme apostolique.
Après avoir consacré un demi siècle à l'action et à la prière
au milieu des populations souffrantes, il espère qu'il lui
restera désormais un peu de temps pour revenir à ses
études, à ses méditations savantes, à ces grands travaux qui
ont si fort honoré les docteurs des siècles précédents ; il
sait, enfin, que rien n'oblige comme une antique et glo
rieuse noblesse, et dans 1 histoire de la science quelle plus
illustre descendance que celle du sacerdoce chrétien ?
Il est une autre considération qui doit porter le clergé à
se livrer avec une ardeur nouvelle aux travaux sérieux des
choses de l'esprit, c'est le mouvement intellectuel qui se fait
sentir autour de lui. Pendant les longues années que le
prêtre a été obligé de consacrer presque entièrement à un
ministère d’action et de dévouaient, l’esprit humain n'est
pas resté stationnaire, des progrès sans nombre ont été faits
dans tout ce qui se rattache à l’ordre intellectuel. Le clergé ne
peut rester étranger à ce mouvement d'idées auquel nous
assistons, il faut qu’il se livre à une étude approfondie de la
science sacrée et qu'il lui donne tous les merveilleux déve
loppements dont elle est susceptible. Cela seul, Messieurs,
ne sulïirait-il pas pour nous prouver la nécessité de ces
grands centres d’études dans lesquels le haut enseignement
viendrait compléter et couronner les études ordinaires des
écoles ecclésiastiques? et cette nécessité dont nous parlons,
qui l’a mieux comprise que l’éminent Prélat (#) qui vient ici
prendre part à la solemnité qui nous réunit en ce moment,
et dont le nom figurera toujours avec honneur parmi ceux
des savants évêques qui ont le plus contribué à la restau
ration des hautes études, aux progrès de la science sacrée?
Quant à nous, Messieurs, nous ferons ce qui dépendra de
nous, dans la sphère qui nous est tracée, pour répondre à
ces besoins de notre époque, en attendant le jour où le
Pontife suprême répandra sur nos Facultés cette bénédic
tion apostolique dont nous avons toujours proclamé la
nécessité. C’est en ces termes que s’exprimait^**) il y a deux
années, dans une rentrée solennelle , le prélat qui est l'or
nement de la Faculté de Théologie de Paris, comme il est une
des gloires de la science contemporaine.
Plusieurs candidats, Messieurs, ont demandé cette année
à la Faculté de subir leurs épreuves pour les grades théo
loques. Ce sont MM. B ern ard , D andaille, tous deux
prêtres de ce diocèse , et M. l’abbé Henoux, prêtre du
diocèse de Digne. Les deux premiers se sont présentés poul
ies épreuves de la licence, le troisième, pour le baccalauréat
et la licence. MM. B ern ard et Dandaille, ont été admis à
l’unanimité ; quant à M. l'abbé Henoux, la Faculté, qui
l’a admis pour le baccalauréat et la licence, n’a qu’à expri(*) Mgr. l’Évêque de Marseille.
(* •) Mgr. Marel, évêque de Sura.
�— 33
mer un regret, c’est qu’un sujet aussi distingué n’appar
tienne pas au diocèse d'Aix.
Nous ne nous dissimulons pas, Messieurs, avec Mgr.
levêque de Sura , tout ce qui manque à nos grades qui ne
confèrent pas de privilèges ecclésiastiques, mais ajouteronsnous avec l’éminent prélat (*) qui présidait, l’année dernière,
la rentrée solennelle de la Faculté de Théologie de Paris, ces
grades sont au moins le signe et la récompense du savoir ,
en attendant qu'ils jouissent de tous les privilèges que
l'Eglise peut leur accorder ?
Voici en peu de mots qu’elle a été la matière de l’ensei
gnement de MM. les Professeurs pendant l'année scolaire.
M. le Professeur de Dogme, a traité du Mystère de
l’Incarnation. Après avoir étudié les prophéties qui l’an
nonçaient, il a fait connaître les adversaires que ce mystère
a rencontrés dans les différents siècles chrétiens, les erreurs
(pii se sont produites à son sujet, et aux dénégations de
l’hérésie et du monde païen, il a opposé le langage ferme
et précis de l’Écriture et de la tradition.
M. le Professeur de Morale, a traité du pouvoir des
clés, c’est-à-dire, du pouvoir de lier ou de délier les cons
ciences; il a établi que>ce pouvoir avait été donné par Jésu sChrist à son Église ; les erreurs de Montan et de Novatien
sont également réprouvées et par la parole divine et par les
données de la raison.
M. le Professeur d 'Écriture Sainte, a traité de l’homme
au point de vue de la théologie de Moïse ; il a parlé de sa
création et des merveilles qui l’accompagnèrent, de sa
nature, primitive, de ses privilèges surnaturels, ensuite il
(*) Mgr. l’Archevêque de Paris.
est arrivé à la question de la déchéance dont il a apprécié
les effets funestes, et a établi la vérité catholique contre les
systèmes hétérodoxes.
M. le Professeur (YHistoire ecclésiastique, a traité des
antiquités bibliques ; il a prouvé l’authenticité et la vérité
du Pcntateuque, et a fait connaître Moïse comme historien,
législateur, prophète, et chef du peuple de Dieu.
Le même Professeur de Discipline a établi la distinction
des deux puissances, l’indépendapce de l'Église dans l’ordre
des choses spirituelles, et l’indépendance du pouvoir tem
porel dans le but social pour lequel il a été constitué.
M. le Professeur d'Hébreu a consacré une partie de ses
travaux à enseigner la méthode de lire le texte sacré dans
les bibles hébraïques où ne sont pas figurés les points
voyelles. Mettant de côté les divers systèmes de vocalisation
inventés arbitrairement par les grammairiens récents, le
Professeur à suivi exactement dans la lecture les règles
traditionnelles de la Massore. Les premiers chapitres de
YExode ont servi pour l’essai de cette méthode utile.
Plusieurs changements , Messieurs , ont eu lieu tout ré
cemment au sein de notre Faculté.
M. l'abbé Polge était, depuis quelques années, dans un
état de santé qui réclamait du repos. Ce repos bien mérité
vient de lui être accordé par Son Excellence Monsieur le
Ministre de l’Instruction publique. M. Polge s’était livré
d’abord au ministère de la prédication, et, il avait paru avec
succès dans les chaires de nos grandes cités ; ce fut par suite
de ces succès que le Prélat qui entreprit la réorganisation
de la Faculté de Théologie d’Aix , jeta les yeux sur lui pour
une chaire de l’enseignement supérieur. M. Polge a répon3.
�du dignement à la mission qui lui avait été confiée , et il
a trouvé encore, malgré les travaux que demande un cours
important, le temps de publier plusieurs ouvrages qui té
moignent tout à la fois du talent de l'écrivain, de sa foi
vive, de ses convictions profondes. M. Polge va donc jouir
du repos de (a retraite, et elle est honorable, Messieurs,
une retraite quand elle .est le couronnement d’une vie si
bien remplie, la récompense d'aussi nobles travaux.
Puisse celui qui lui succède dans le décanat justifier la
confiance dont on vient de fhonorer! Tout ce qu’il peut
dire, c ’est qu'il fera tous ces efforts pour s ’acquitter aussi
dignement qu'il lui sera possible, de ces nouvelles fonctions
auxquelles il vient d’être appelé par la bienveillance de son
Excellence M. le Ministre de l’Instruction publique, sur la
présentation de Mgr. l’Archevêque, et de M. le Recteur de
l'Académie.
La chaire de Dogme devenait aussi vacante par la retraite
accordée à M. l’abbé Polge. M. l’abbé Boyer, suppléant
d’abord, vient d’être nommé définitivement à cette chaire.
La modestie de notre jeune collègue ne nous permet pas
l'éloge que nous pourrions en faire ; disons seulement
que le choix de Mgr. l’Archevêque, la confiance dont il
l’honorait depuis déjà plusieurs années, nous montrent
assez tout ce que l’enseignement supérieur peut attendre de
son intelligence et de son travail.
Enfin, dirons-nous en terminant, il y a une chaire qui
devrait figurer dans ce rapport, et qui pourtant, depuis plu
sieurs années, est condamnée à un silence absolu ; cette .
chaire, Messieurs, c’est la chaire d’éloquence sacrée. Elle
est d’une importance qu'on ne saurait contester, et il sufii-
rait pour s’en convaincre de prêter 1 oreille à. la voix élo
quente de cesavant professeur (*) qui, à la Faculté deThéologie
de Paris, déroule devant une nombreuse jeunesse, heureuse
de l’entendre, toutes les richesses de la patrologie chrétienne.
Cette chaire nous sera assurément rendue, si notre premier
Pasteur qui a déjà sollicité, veut bien insister de nouveau,
de concert avec M. le Recteur de T Académie , auprès de
Son Excellence Monsieur le Ministre de l’Instruction pu
blique. L ’éloquence elle-même semble la réclamer, cette
chaire, comme un bien qui lui est p ropre, et ses vœux,
n’en doutons pas, seront entendus, s’ils ont pour organe
un Prélat qui est l’une de ses gloires, un de ses plus nobles
représentants.
(*) M. l’abbé Freppel, professeur d’éloquence sacrée.
K a p p o r t «le i l . le D o y en «le In l^ n c n lté
«le D r o it.
M essie u r s ,
La prospérité de la Faculté de*D roit d’Aix suit une
progression constante et rapide. Dans l’espace de deux
ans, le nombre des inscriptions s’y est accru de plus de
1 5 0 . Durant l’année scolaire 1 8 6 1 -1 8 6 2 , ce nombre était
de 8 8 8 , il s’est élevé à 9 8 2 , en 1 8 6 2 -1 8 6 3 , et à 1042 en
1 8 6 3 -1 8 6 4 . Ce dernier chiffre est le plus haut qui ait été at-
�ijwibm»!nmy
jip p p p » *
■
— 36 —
teint depuis la création de l'École. Notre Faculté se main
tient ainsi de plus en plus au troisième rang parmi les dix
Facultés de Droit de l'Empire, et se rapproche chaque année
davantage de celle de Toulouse, qui la précède immédiate
ment.
Le nombre des examens s’est naturellement accru avec
celui des étudiants. Durant l’année scolaire qui vient de
finir, il a été de 4 38, tandis qu'il n’avait été que de 3 9 7 ,
dans l'année précédente. C’est une augmentation de plus de
40.
Ce nombre total de 438 examens s’est ainsi réparti entre
les quatre sessions de l’année: 78 dans la session de no
vembre; 83 dans celle de janvier ; 77 dans celle d’avril ;
199 dans celle de juillet et août. Il n’y a eu, hors session,
qu’une thèse de doctorat, par application de l’arrêté m inis
tériel qui autorise cet ordre d’épreuve à toute époque de
l’année scolaire.
La répartition entre les diverses natures d’épreuves a
présenté les résultats suivants : 4 examens de capacité ;
117 premiers de baccalauréat ; 83 deuxièmes de baccalau
réat ; 83 premiers de licence ; G8 deuxièmes de licence ; 71
thèses de licence ; G premiers examens de doctorat ; 2 deu
xièmes de doctorat ; 2 thèses de doctorat.
Ces résultats, comparés à ceux de l’année antérieure,
donnent lieu à quelques réflexions que je crois utile de vous
soumettre. L'augmentation a été générale, sauf pour les
examens de capacité et pour les deuxièmes de licence, dont
Je chiffre est resté le même ; sauf aussi pour les deuxièmes
examens de baccalauréat et pour l'ensemble des épreuves de
doctorat, où il y a eu diminution.
b M
M
U M
— 37
Le nombre stationnaire des deuxièmes examens de li
cence est purement accidentel, et n’a pour cause que la
détermination prise par plusieurs étudiants de renvoyer
leurs épreuves finales à l’année scolaire qui va s’ouvrir.
Quant aux examens de capacité, leur chiffre annuel tend
constamment à décroître dans toutes les Facultés de Droit, et
il convient de s’en féliciter, dans l’intérêt des études plus
sérieuses et plus complètes que suppose le grade de licencie,
qui est au contraire, de plus en plus recherché.
La diminution des deuxièmes examens de baccalauréat
s’explique par le nombre, rekitivement moindre, des étu
diants de deuxième année. Mais, pour les épreuves de doc
torat, la réduction qui s’est produite est vivement regret
table. C’était déjà trop peu que 15 examens et thèses de
doctorat, durant l’année 1 8 6 2 -1 8 6 3 . Que dire de l’abais
sement de ce chiffre à 10, pendant l’année scolaire qui vient
de finir? Il y a là, pour l'honneur delà Faculté d’Aix, et,
à un point de vue plus général, pour 1 honneur de l'esprit
méridional lui-même, une lacune que nous voudrions pou
voir combler au plutôt. Les Facultés de Caën et de Stras
bourg, si inférieures à la nôtre pour le nombre des aspirants
à la licence, lui sont très supérieures pour celui des aspirants
au doctorat. Il serait temps que les jeunes légistes des con
trées méridionales fissent enfin un effort généreux pour se
relever du reproche, qui leur est si souvent adressé, de
savoir tout effleurer et de ne pouvoir rien approfondir.
Mes collègues et moi, nous avons déjà prouvé que nous
étions disposés à n’épargner ni temps ni travail pour les
aider à poursuivre un si noble but ; mais un nouvel essai
ne pourrait être tenté qu’avec des garanties sérieuses de
�— 38 —
39 —
nombre, de présence àA ix et de persévérante assiduité, de
la part des aspirants au doctorat.
J'arrive maintenant aux résultats que les diverses épreuves
ont amenés pour les candidats. Sur le nombre total de 438examens et thèses, il y a eu 392 admissions et 46 ajournements.
Parmi les admissions, 13 seulement ont eu lieu avec
éloge, c'est-à-dire, avec totalité de boules blanches, 43 ont.
été prononcées avec majorité de boules blanches ; 198, avec
égalité ou minorité de boules blanches, ou avec totalité de
boules rouges; 138, enfin, avec une boule noire.
Ces résultats ne différent pas beaucoup de ceux de l’année
précédente, où, pour ne prendre que les deux termes ex
trêmes, il y avait eu 22 admissions avec éloge et 50 ajour
nements. Ce rapprochement démontre que nous persévérons
dans une juste sévérité, surfont pour décerner l’éloge.
Parmi les chiffres qui ont été relevés plus haut, il en est
deux qui provoquent une pénible réflexion. Sans doute,
quels que soient nos efforts, nous ne pouvons guère espérer
une amélioration notable dans le nombre comparatif des
notes bien ou très-bien, mal ou très-mal. Mais pourquoi
faut-il que la bonne médiocrité l’emporte seulement sur la
mauvaise, dans le rapport de 198 à 1 3 8 ? La volonté,
le travail ne suffisent pas toujours pour atteindre aux
premiers rangs; mais leur efficacité est toute puissante pour
élever jusqu’au niveau moyen, jusqu’à cette aurea mediocritas, vantée par le poète, que nous serions si heureux de
rencontrer chez la plupart de nos étudiants, et au lieu de
laquelle nous avons trop souvent le regret de constater une
médiocrité de mauvais aloi, méritant à peine la qualification
de ferrea.
Le nombre total de 46 ajournements s’est à peu prés
également réparti entre les divers ordres d'épreuves ; la
proportion en a été, toutefois, beaucoup plus considérable
pour les examens de capacité, où il y a eu trois rejets
contre une seule admission, et pour les épreuves de doc
torat, qui ont abouti à trois rejets contre 7 admissions.
Double exception qu’explique, en ce qui concerne le docto
rat, la nécessité de maintenir très-haut le niveau de ce
grade ; en ce qui concerne le certificat de capacité, 1 infério
rité relative des conditions intellectuelles où se trouvent
placés la plupart de ceux qui y aspirent.
Dans les Facultés de Droit, le nombre et les résultats des
examens forment la seule partie annuellement variable de
la mission des professeurs. L’enseignement en constitue le
fond fixe et permanent. Destinés à des étudiants, beaucoup
plus qu’à des auditeurs fibres, les cours ont un objet précis
et périodiquemennt le même, circonscrit d'avance per les
règlements et en rapport constant avec la durée légale des
études. Je suis heureux d’avoir à constater que fe zèle des
professeurs n’a rien laissé à désirer, que tous ont rivalisé
d’efforts et d’activité pour rendre leurs leçons intéressantes
et fécondes.
Malheureusement, l’assiduité des étudiants n’a pas tou
jours répondu aux désirs et aux encouragements de leurs
maîtres. Si quelques-uns ont montré une exactitude exem
plaire, la plupart ou ont absolument négligé de fréquenter
les cours, ou ue s’y sont présentés qu'irrégulièrement et
par intermittence. Et cependant, à défaut du sentiment du
devoir, l’intérêt bien entendu leur conseillerait l’assiduité.
On apprend plus aisément et plus sûrement sous la diree-
�-
40 —
non du professeur, qu’on ne peut le faire dans les meilleurs
livres. Espérons que ces avis, si souvent répétés, finiront
par triompher de l’inertie et de l’indifférence, et qu’un jour
viendra où le nombre des étudiants présents aux cours rem
portera de beaucoup sur celui des défaillants.
Un seül changement s’est accompli dans le personnel de
la Faculté, durant la dernière année scolaire. L ’agrégé, qui
nous manquait, nous a été donné. M. Jourdan, qui nous
appartenait déjà par une délégation provisoire, a conquis
dans nos rangs un titre définitif, à la suite d’un concours
remarquable où il a déployé les qualités solides et l’instruc
tion sérieuse que nous lui connaissions. Nous remercions
Son Excellence, Monsieur le Ministre de l’Instruction pu
blique, de ne pas l’avoir attaché à une autre Faculté , et de
nous avoir conservé, en sa personne, un collaborateur que
nous aimons et estimons. Nos vœux seraient pleinement
satisfaits si notre premier agrégé, M. Pison, obtenait enfin,
la juste récompense de son mérite éprouvé et de ses longs
services, par son institution définitive dans la seconde chaire
de Droit Romain, dont il distribue l’enseignement avec tant
de talent et de succès.
Il ne me reste plus qu a exprimer les remerciments bien
sentis de la Faculté tout entière envers la municipalité de
cette ville, qui pourvoit avec intelligence et générosité aux
réparations et améliorations qu’exigeait l’état de nos bâti
ments. Désormais, l’École de Droit d’Aix sera installée
d’une manière digne d’elle et de la cité où elle siège. Que
M. le Maire en reçoive le public témoignage de notre vive
gratitude.
_____._________
R a p p o r t d e 11. le D oyen «le la F a c ilit é
«les L e ttre s .
M essie u r s ,
Diversité, c’est ma devise,
dit quelque part Lafontaine. Cette devise ne saurait être
la nôtre. Le su je t, dont nous avons l’honneur de vous
entretenir ici chaque année, étant le même, nous expose à
d’inévitables répétitions. Contre cet inconvénient un remède
facile, et ici recommandé par la politesse, est la brièveté.
J ’en userai, quant à moi, je serai court.
La situation de notre Faculté a continué à être bonne pen
dant l’année qui vient de s’écouler. Elle n’a même jamais
été meilleure, pécuniairement parlant ; et c’est là un point de
vue qui mérite aussi d’être mis par nous en ligne de compte :
Mercure, le dieu de l'éloquence en Grèce, n’était-il pas
en même temps le dieu des finances et du commerce ? Pour
la première fois depuis que la Faculté existe, elle a vu, l’an
née dernière, ses recettes, non pas égaler, mais surpasser
notablement ses dépenses. Résultat facile à expliquer : quoi
que d’une modicité à peine croyable pour un service public
qualifié de supérieur (vous savez que nous appartenons à
l’Enseignement supérieur), nos dépenses sont restées les
mêmes, tandis que nos recettes se sont accrues d’année en
année par l’augmentation du nombre des examens et par
�— i3 —
celle du nombre des inscriptions que prennent chez nous le s
étudiants en droit. Supposé donc que nous soyons un éta
blissement de luxe, comme on semble le croire dans un cer
tain monde, au moins nous n’aurions pas le tort d’être une
charge pour les contribuables, nous aurions le mérite de te
nir ouverte pour le Trésor une source de revenus, si petite
qu’elle soit.
Mais hâtons-nous de sortir de cette hypothèse toute gra
tuite et pour nous peu llatteuse. Une preuve de l’utilité de
nos cours est la faveur dont ils jouissent toujours dans le pu
blic. Bien qu’ils n'aient plus l’attrait de la nouveauté, ils ne
laissent pas d’être suivis encore par un certain nombre d’au
diteurs fidèles, que ne rebutent ni nos voix et nos méthodes
depuis longtemps connues, ni les intempéries des saisons,
ni la distance et 1 état du lieu où se tiennent nos séances, ni
le voisinage vraiment fort incommode de la partie de nos au
ditoires qu'on nous a imposée sans nous donner le moyen de
la retenir et surtout de la contenir.
Un mot sur ce dernier point. Nous aimons la jeu n esse;
elle ne l’ignore pas, elle connaît notre empressement à lui
venir en aide toutes les fois qu’elle en a besoin et que nous
en avons le pouvoir. Mais nous ne sommes pas d’humeur à
la souffrir indisciplinée et turbulente ; l’ordre nous 1 interdit,
et pour nous l’ordre est chose sacrée en lui-même, chose
nécessaire comme condition de succès. Que la partie raison
nable et saine de l’École de Droit vienne librement nous en
tendre, si elle trouve à cela, comme nous l’espérons, plaisir
et profit, nous nous en réjouirons comme d’une conquête.
Quant à l’autre partie, car il y en a une autre, sa présence, en
vérité, conviendra mieux ailleurs ; pour nous, elle nous (latte
très-peu, et nous gêne très-fort. Et puisque nous sommes en
veine de franchise, nous ne ferons pas difficulté d’avouer que
c’est là une clientèle que nous ne regretterons dans aucun
cas et que nous promettons bien de ne disputer à per
sonne.
A Marseille, nos leçons n’ont pas cessé d’attirer, sinon,
toutes, la foule, au moins l’élite de la population lettrée. Ce
qui n’était d’abord que goût de nouveauté, qu’ardeur de néo
phyte, est devenu habitude. Ainsi notre Provence, l’ancienne
initiatrice des Gaules à la civilisation et particulièrement à tout
ce qui regarde les choses de I esprit, aura de nos jours don
né l’exemple non-seulement de réclamer la diffusion de l'E n
seignement supérieur, mais encore d’en recueillir partout
les leçons avec persévérance. A elle I honneur d’avoir donné
l’impulsion, et de prendre, depuis des années, au mouvement
de curiosité intellectuelle qu’elle a commencé et que favorise
si activement la haute intelligence de M. le Ministre de l'In s
truction publique, une part soutenue.
Pour la collation des grades, il ne s’est rien produit de
bien remarquable dans toute l'année. Il n’y a point eu d'exa
men de docteur. Deux sessions pour la licence ont été tenues
aux époques fixées par le réglement, lu n e en novem bre,
l’autre en juillet. À celle de novembre se sont présentés
quatre concurrents, dont deux ont été jugés dignes de
recevoir le diplôme, savoir: M. Arène, aspirant répétiteur
au lycée de Marseille, et M. Larroque, aspirant répétiteur
au lycée Napoléon, en congé. La session de juillet a réuni
jusqu’à sept candidats. Ils ont tous échoué, à l’exception d'un
seul, M. Armand, maître répétiteur au lycée de Marseille;
encore était-ce pour la seconde fois qu’il se présentait.
�H —
Oq aurait tort assurément de s ’en prendre de ce résultat à
notre sévérité. Elle n’a été que ce quelle doit être quand il
s’agit d'un tel grade. Mais les candidats ne se font pas de ce
grade une assez haute idée et ne s’y préparent pas assez sé
rieusement. Voilà la cause, la véritable et l’unique cause de
leurs nombreux échecs.
Reste le baccalauréat, objet de tant de jeunes ambitions,
de tant de craintes et d’espérances, et dans ce moment sujet
de tant de réflexions et de projets, mais dont je n’ai à parler
ici, comme"du reste, que d'une manière toute historique et
très-succincte. Depuis huit ans, le nombre des candidatures,
à Aix, n’a jamais cessé d'aller en augmentant. Il s’est élevé,
dans cet espace de temps, de 181, chiffre de 18 5 5 - 185G, à
4 8 5 , chiffre de l’année dernière. C'est là le signe d’une gran
de et incontestable prospérité matérielle. Mais les candidatures
ne doivent pas seulement se compter ; il faut aussi rechercher
à quoi elles ont abouti. Or, notre moyenne d’admission dans
l’année dont je rends compte a sensiblement baissé, et les ré
ceptions distinguées sont devenues moins nombreuses. Au
lieu que nous recevons d’ordinaire 45 aspirants sur 1 0 0 ,
nous en avons reçu moins de 42 l’année dernière, et le mé
rite des candidats reçus n’a eu, en somme, rien d’éclatant.
Il faut ajouter toutefois que trois d’entre eux ont obtenu la
mention très-bien. Ce sont MM. Gaudin, de Marseille, Bou
chet, de Montpellier, et Granier, de Bastia. J ’ai pensé, Mes
sieurs, que, en me permettant de proclamer leurs noms devantvous, vous voudriez bien leur accorder un honneur dont
sûrement ils sentiront tout le prix. C’est unedes idées les plus
généreuses du Ministre qui actuellement préside en France
aux destinées des études, savoir que la distinction et l’excel
lence y sont devenues si rares, qu’il importe de les relever
par toutes sortes de récompenses. Nous ne faisons que nous
y conformer en publiant les noms des héros du baccalauréat,
et en faisant en sorte qu’on puisse dire véritablement au sujet
de cette partie de nos institutions scholaires :
Sunt hic etiam sua prœmia laudi.
R a p p o r t de i l . J o u r d a n , p ro fe s s e u r-s u p
p lé a n t à la F a c u lt é «le Hlroit.
Me s s i e u r s ,
Au nom de la Faculté de Droit, j'ai l’honneur de vous pré
senter les résultats du concours ouvert, au mois d’août
dernier, entre les élèves des différentes années. Les noms
des lauréats sont déjà connus: m ais, outre que nous leur
devons cette légitime satisfaction de s’entendre proclamer
solenellement aujourd’hui devant un public d’élite, c’est pour
nous une occasion d’apprécier rapidement le mérite des com
positions qui, à des degrés divers, ont obtenu les suffrages
de la Faculté, et de donner ainsi à nos élèves des conseils et
des encouragements qui rendent le triomphe de quelques-uns
profitable à tous.
Les élèves de première année avaient à traiter : Des droits
du possesseur do bonne ou de mauvaise foi d’un immeuble à
�V6 —
l'égard du véritable propriétaire, en ce (pii concerne les
fruits et les constructions et plantations.
Le premier prix a été accordé à M. Henry Bernard. Sa
composition est bien écrite, le cadre en est bon ; les principes
sont nettement formulés, et les solutions sur les questions
plus ou moins controversées, généralement exactes. Je me plais
surtout à signaler dans ce premier essai le ton de la discussion
qui décèle un esprit juridique. M. Bernard n’a qu’à vouloir,
c’est-à-dire, à travailler avec ardeur, pour faire très-bien.
Qu'il se souvienne que les succès de la première année ne sont
rien, s ’ils ne sont la promesse et le gage de l’avenir.
M. Brochier a obtenu le second prix. En comparant son
travail à celui de M. Bernard, on le trouve un peu moins
complet , moins net dans l’exposition des principes ; son argu
mentation est moins ferme, sadoctrine n’est pas toujours sûre.
Toutefois, avec du travail et de la réflexion, il pourra devenir
pour son heureux rival un concurrent redoutable.
M. Tassy, honoré d'une première mention, suit de près
M. Brochier. C’est un esprit judicieux, mais un peu timide.
11 conservera et développera par l’exercice cette précieuse
qualité, et se défera facilement de ce que j ’ose à peine appeler
un défaut dans un débutant .
Enfin, deux compositions, celles de MM. Guérin et Sivan,
ont paru mériter un encouragement : la Faculté leur a accordé
ex œguo la deuxième mention. Elles présentent, en effet, à
peu prés le même caractère. Dans l'une comme dans l’autre,
quelques détails, qui attestent une certaine connaissance de
la question, prennent presque toute la place: il aurait fallu
en réserver un peu plus aux principes. Que MM. Guérin et
Sivan ne l’oublient donc pas ; il doivent avoir à cœur de ju s
tifier les espérances que leurs premiers et un peu faibles es
sais ont fait concevoir d’eux.
Les élèves de deuxième année avaient à traiter : De la
prescription par 10 et 2 0 ans.
M. Baret, qui a obtenu le premier prix, a fait preuve de
beaucoup de savoir. Sa réputation d’élève laborieux et in
telligent est si bien établie à l'école, qu’on peut avec lui se
permettre d’être bref sur le chapitre des éloges et en venir
tout de suite à la critique. M. Baret a eu le tort de nous don
ner plus que nous ne lui demandions, c’est-à-dire, un traité
complet de la prescription. Ce n'est point là une véritable
composition. Une composition, comme le dit le mot, c'est
avant tout un arrangement ; c’est, aussi bien dans une œuvre
de science que dans une œuvre d’art, une bonne ordonnance
des diverses parties, qui suppose qu’on est maître de son su
jet parce qu'on a, non-seulement la connaissance des détails,
mais encore la vue générale de l’ensemble, ce qui permet de
dire tout ce qu’il faut et rien que ce qu'il faut, d'être à la fois
court et clair. L'oracle du goût et du bon sens, Horace l’a
dit.
Cui lecta potenter erit res,
Nec facundia descret hune, nec lucidus ordo.
Ordinis hæc virtus erit
Ut jam nunc dicat jam mine debentia dici,
Pleraque différât et prœsens in tempus homitat.
Aussi, je sais g ré à M . Padoa de s'être tenu strictement
dans les limites deson sujet. Mais il est incomplet; quelques
erreurs déparent sa composition, et malgré les qualités qui la
distinguent et que j ’apprécie fort, aucune hésitation n'était
�18 —
possible entre M. Baret et lui : la Faculté n ’a pu lui décerner
que le deuxième prix.
Après MM. Baret et Padoa, et, il faut bien le dire, à une
assez grande distance, viennent MM. Bozzo et Clément, qui
ont obtenu la première et la deuxième mention. Il y a entre
eux à peu près le même rapport qu’entre le premier et le
deuxième prix. M. Bozzo, lui aussi, a eu le tort de traiter de
la prescription en général, tort qu’il a aggravé en ne donnant
pas, dans son travail, à la prescription par 10 et 2 0 ans,
l’importance qui lui appartient. M. Clément, de son côté, a
le mérite que j ’ai loué dans M. Padoa, de s’être un
peu mieux restreint dans les limites du sujet, mais sa compo
sition se réduit à des proportions par trop exiguës.
J ’arrive en concours de troisième annee.
En Droit Romain, il s’agissait d’exposer : Les effets de l'a
doption et de Vadrogation.
M. d’Hauthuille a très-bien compris le caractère de cette
institution toute romaine et la place qu’elle devait occuper
dans la législation d’un peuple pour qui l’ordre social était
basé sur une forte mais un peu artificielle organisation de la
famille, et qui tenait plus compte des rapports purement ci
vils et politiques que peuvent créer ou détruire la loi et la vo
lonté des citoyens que des liens du sang et de l’affection na
turelle. M. d’Hauthuille, du reste, ne s’en tient point aux gé
néralités, il entre dans tous [les détails de la question, et la
développe avec beaucoup d'ordre et de méthode, au point de
vue dogmatique et historique.
M. Yalabrégue, quia obtenu le deuxième prix, a fait preu
ve de connaissances étendues ; mais on ne trouve pas chez
lui cette vue large de sujet et cette méthode que j ’ai louées
— 49 —
chezM . d’Hauthuille. La composition de M. Valabrègue res
semble un peu trop à des notes recueillies avec intelligence
sans doute, mais qu’on n’a pas eu le temps de mettre en
ordre.
Unemention honorable a étéjustement accordée à M. Jouve,
dont le travail est bien conçu. Sans quelques inexactitudes
qui s’y sont malheureusement glissées, peut-être eût-il dis
puté le deuxième prix à M. Valabrègue.
En somme, ces trois compositions se maintiennent à un
niveau satisfaisant.
La question de Droit Français mise au concours en troisiè
me année, était celle-ci : A quel moment une inscription^hy
pothèque ne peut-elle plus être prise utilement, soit au point
de vue du droit de suite, soit au point de vue du droit de
préférence ?
Le premier prix a été décerné à M. Ripert, qui se distingue
par une bonne exposition du sujet, une juste proportion des
diverses parties, une rédaction simple et facile, enfin, et com
me conséquence de tout cela, par une grande clarté. La clar
té, a dit Vauvenargues, orne les pensées profondes ! C’est
aussi le seul mais l'indispensable ornement que réclame l’aus
tère science du droit. L ’année dernière, à pareil jou r, M. Ri
pert obtenait à grand'peine une seconde mention, et on lui
reprochait de s’égarer presque toujours sur des matières
étrangères à son sujet. Je suis d’autant plus heureux de si
gnaler une transformation aussi complète et de constater le
prompt et salutaire effet des remontrances qui furent alors
adressées avec autant de bienveillance que d’autorité par le
meilleur des maîtres à un de nos plus laborieux et de nos plus
estimables élèves.
4.
�— ;>o —
On retrouve chez M. Jouve, q u ia obtenu le deuxième
prix, quelques-unes des qualités de M. Ripert. Le sujet est
suffisamment traité, cependant d’une manière moins com
plète, notamment en ce qui concerne la loi de 1 8 5 3 sur la
transcription.
Ici, comme dans sa composition de Droit Romain, M. Valabrègue a fait preuve de beaucoup de savoir, d’érudition
même, d'une saine intelligence des différentes questions de
détail ; mais il pèche par l’arrangement et par la rédaction :
la Faculté lui a accordé une mention honorable.
Nous avons essayé de distribuer équitablement la critique
et l’éloge, sans perdre de vue toutefois que nous ne devions
pas seulement tenir compte de la valeur absolue de l’œuvre,
mais beaucoup aussi du mérite relatif de la difficulté vaincue.
Qui denous, en effet, pourrait raisonnablement attendre une
œuvre parfaite de jeunes gens qui, sans autre secours que la
mémoire et la réflexion, n’ont que quelques heures pour
traiter une question souvent délicate et compliquée qui eut
exigé les méditations et les veilles d’un jurisconsulte con
sommé. Dans ces conditions, une ébaudie même im prfaite
ne peut-elle pas avoir son prix? Et puis encore, la science
du droit est, je ne dirai pas la plus difficile, car quel est celui
qui pourrait porter avec sûreté un pareil jugement, mais celle
qui demande peut-être le plus de maturité d’esprit. Considérée comme objet d’étude, elle a cela de particulier qu’on n'y
passe que rarement du connu à l’inconnu, et qu’elle suppose
à chaque moment la connaissance plus ou moins acquise de
ses diverses parties. Considérée en elle-même, c’est sans dou
te avant tout une science d’application qui se présente en
définitive dans nos codes, sous la forme d une synthèse sim
ple et sévère, et cependant elle nécessite l’examen des pro
blèmes les plus ardus que puisse offrir la spéculation pure,
et les recherches de la plus subtile analyse. Enfin, science
exacte et positive à certains égards, et empruntant parfois aux
sciences mathématiques leur méthode de déduction rigoureu
se, c’est aussi une science morale et politique, dans laquelle
pour réussir complètement, ce n ’est point assez de la vive
intelligence delà première jeunesse: il faut encore un peu de
cette expérience, de cette connaissance des choses et des hom
mes qu’apporte seule la pratique de la vie.
�DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
E T DE L ’ÉCOLE P R É P A R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
DE M A R S E IL L E .
La séance solennelle de rentrée de la Faculté des Sciences
et de l’École secondaire de Médecine et de Pharmacie de
Marseille, a eu lieu, hier, à deux heures de l’après-midi
dans le grand amphithéâtre de la Faculté. M. Desclozeaux,
Recteur de l’Académie d'Aix, a présidé cette séance à la
quelle ont assisté M. le Sénateur de M aupas, chargé de
l’administration du départem ent, M. Fanjoux, secrétairegénéral, M. Bernex, maire de Marseille, M. Julien Guigou,
adjoint, M. Lescœur, inspecteur de l’Académie d’Aix, en
résidence à Marseille, M. le Proviseur du Lycée impérial et
des Professeurs de cet établissement. Dans l’auditoire trèsnombreux qui avait occupé toute la salle, on remarquait
plusieurs dam es, une députation d’élèves du Lycée et les
élèves de l’École de Médecine.
�La séance a été ouverte par Je discours d'usage dont était
chargé M. Lespés, professeur de Géologie, à la Faculté des
Sciences.
Monsieur le R ecteur , Me s s i e u r s ,
Quand la science est en possession d une vérité bien éta
blie, il semble que rien n’a été facile comme sa découverte.
Ce qui constitue en effet le caractère essentiel des lois de la
nature, c’est qu’elles peuvent être formulées en une phrase
courte et simple que les intelligences les moins cultivées
saisissent sans peine. Mais avant d'arriver à cette formule
définitive, par combien de recherches ardues et compliquées
n ’a pas dû passer l’auteur de la découverte; voilà ce que ne
comprennent guère les personnes qui n’ont pas suivi pas à
pas ses travaux.
Combien de fois encore des difficultés étrangères au sujet
lui-même n’en viennent-elles pas rendre l’étude plus pé
nible, et quand enfin la vérité sort éclatante de ces entraves,
tout n’est pas fini; il reste à la faire admettre par des esprits
souvent prévenus. Elle renverse des théories établies, elle
choque les idées reçues, et ce n’est presque toujours qu’a près un temps fort long qu’elle est définitivement adoptée.
La découverte de la nature du corail plus que tout autre
pourra démontrer ce que j ’avance. Il y a un peu plus d’un
siècle qu’un Marseillais, Jean-André de Peyssonnel, a eu
l’honneur d’attacher son nom à cette découverte dont les
conséquences sont si considérables pour les sciences natu
relles. Ce n’est ni sans peine, ni sans luttes qu’il en a fait
admettre l’exactitude, mais un moment est venu ou nul
n’en a pu douter. Les curieuses expériences de Trembley
et depuis, bien d’autres travaux ont permis d’aller plus loin
qu’il ne l’avait fait dans la connaissance des polypes, sans
pourtant le contredire en rien d’essentiel.
Ainsi qu’un grand nombre de naturalistes, Peyssonnel
était médecin. Né en 4 6 9 4 , il avait 2 6 ans quand éclata la
terrible épidémie de peste qui a laissé des souvenirs si
vivants encore aujourd’hui dans la population de Marseille.
Son père, malgré son âge avancé (il avait 80 an s), donna
l’exemple du dévouement aux médecins de la ville ; et
mourut victime de son zèle à l’hôpital du St.-E sp rit où il
s’était enfermé pour soigner les malades. Jean-André, qui
l’avait accompagné, survécut au fléau et reçut pour ses ser
vices une pension de la munificence royale. En 1 7 22, il
publia sur la contagion de la peste et les moyens de s’en
préserver, un grand travail, fruit de ses périlleuses recher
ches. Cet ouvrage ne nous est point parvenu, mais son
mérite devait être considérable, car il lui valut le titre de
correspondant de l'Académie des Sciences. Un an plus tard,
il fut chargé par la même société d’aller étudier les produc
tions naturelles de la Barbarie.
La manière dont il comprit sa mission donne une idée de
la justesse et de la portée de son esprit. 11 écrivait de
Tunis, le I er juin 1 7 2 4 , à l’abbé Bignon, alors président
de l’Académie: « Vous trouverez, Monsieur, ce journal
suivant les vues de ma commission. Il sera mêlé d’histoire
naturelle, des descriptions des plantes et des animaux,
du progrès des maladies et des moyens de les guérir. Je
tâcherai même d’y faire entrer des observations sur la
�géographie tant ancienne que moderne. Je chercherai et je
noterai les manuscrits arabes, les inscriptions, les médailles
et les statues. Je ne négligerai point l’histoire des pays par
où je passerai, enfin ce sera un mélange de tout ce qui peut
concerner la physique, l’histoire et les belles lettres. » C’était
là le plan le plus parfait du voyage d’un homme instruit,
dans un pays presque entièrement inconnu. Peyssonnel par
courut une grande partie de la Tunisie, passa à la Calle où
il vit faire la pèche du corail et se rendit à Bône, à Constantine et à Alger. Il adressait de divers points des lettres
à l’Académie des Sciences, mais une partie seulement nous
en est parvenue ; et ce sont celles où l'histoire naturelle
tenait la plus grande place qui n’ont pu être retrouvées ; ces
dernières étaient adressées à Chirac, surintendant du jardin
du Roi. On doit s’en prendre probablement au désordre
de son administration si l’on ne retrouve aucune trace de
cette correspondance et des collections qui, sans doute, l’ac
compagnaient. La lettre qui contenait ses observations sur
le corail serait surtout intéressante.
Ce n’est même qu’en 1838 que le voyage de Peyssonnel
a été publié par les soins de M. Bureau de la Malle, qui a
réuni quatorze des dix-huit ou dix-neuf lettres ou rapports
qui le constituaient. On a reproché au voyageur naturaliste
quelques erreurs chronologiques commises dans la rédac
tion de ces rapports ; ne devrait-an pas les attribuer plutôt
au manque de livres et à la rapidité d’une rédaction faite
chaque jour sur les lieux-mêmes. Ce voyage fut si complè
tement oublié que Desfontaines pouvait écrire moins de
50 ans après : « Je formai, en 1 7 8 3 , le projet d’un voyage
aux côtes de Barbarie, pour y faire des observations sur la
géographie, les antiquités, les mœurs des habitants et par
ticulièrement sur l’histoire naturelle. Il me parut d’autant
plus intéressant que ces contrées n’avaient été visitées par
aucun naturaliste. »
Peu de temps après son reto u r, Peyssonnel annonça à
l’Académie sa découverte sur le corail. Tout le monde con
naît le corail ne serait-ce que pour avoir vu des objets taillés
dans cette belle substance rouge à laquelle on ne fait
qu’un reproche, celui de coûter trop peu. Aussi recherchet-on de préférence les variétés roses qui sont certainement
moins belles, mais plus rares. Nous savons aujourd’hui
que les mers des pays chauds renferment un grand nombre
d’animaux analogues, que la plupart des petites îles de
l’Océanie sont même uniquement produites par eux, qu'aux
époques anciennes de l’histoire de la terre, ils ont joué un
rôle immense, que bien des roches leur doivent leur origine
et qu'ils ont été pour une bonne part les architectes de nos
continents.
Mais revenons au corail. Nul corps peut-être n’a donné
lieu à des hypothèses plus nombreuses, à des opinions plus
singulières et à des erreurs plus profondes.
Dioscoride en fait un arbuste qui se solidifie au moment
où on le retire de l'eau et tous les anciens adoptent cette
fable.
Vers la fin du X V I0 siècle et dans le courant du X V IIe de
nouvelles idées plus justes furent émises par divers obser
vateurs. On arriva, enfin, à reconnaître que les rameaux
rouges et polis n’existent pas sous cette forme dans la mer,
que ce sont des axes solides recouverts d’une écorce molle.
C’est à ce moment que les véritables discussions devaient
�naître et l'on doit s'attendre à voir surgir des opinions
bien opposées. On ne peut rapporter un être qu’à trois grou
pes, il faut le faire minéral, plante ou animal : c ’est dans les
trois règnes que le corail a successivement pris place.
Boccone si sévère pour ceux qui croient encore à la soldification d’un arbuste « en s’arrêtant à la superficie, » ne tient
aucun compte de fécorce et accumule des raisons plus spé
cieuses que justes pour faire une pierre de ces rameaux rou
ges et solides dont il s'occupe exclusivement. Ils s’accroissent
par couches successives, ils n'ont « ny fleurs, ny feuilles, ny
chair, ny graines, ny racines. » C’est que déjà la nature vé
gétale du corail commence à avoir de nombreux partisants.
Qu’un naturaliste célèbre vienne donner à cette manière de
voir l'appui de son grand nom et de sa science elle réunira
tous les suffrages. Ce fut ce qui arriva: Tournefort prit la
parole et tout le monde se rangea à son opinion ; le corail
vint prendre place dans le groupe des plantes pierreuses.
C’était pourtant une plante bien singulière et ressemblant
bien peu aux végétaux connus, aussi quels raisonnements pour
faire admettre cette végétation anormale; Réaumur, lui-mê
me, l’observateur par excellence, se laisse aller au courant.
Pour lui, lecorce seule est végétale, l'axe, la partie dure, est
une pierre ; et de même que beaucoup d’animaux forment
une coquille externe qui est une pierre, de même certaines
plantes forment une pierre interne. Tout ceci n’est qu’une
vaine discussion de mots qui rappelle malheureusement celles
des commentateurs du moyen âge et qui est bien éloignée des
habitudes de l’illustre auteur de l’histoire des insectes.
Une observation importante bien que superficielle parut
donner alors gain de cause aux partisans de l’opinion de
— 59 —
Tournefort: le comte Marsigli annonça, en 1 706, qu’il avait
vu fleurir le corail. Il avait conservé dans l’eau de mer
quelques rameaux pour bien observer ce qui appartenait à
l’écorce. « Le lendemain matin, d it- il, je trouvai mes bran
ches de corail toutes couvertes de fleurs blanches de la lon
gueur d’une ligne et demie, soutenues d'un calice blanc d’où
partaient huit rayons de même couleur, égalements longs et
également distants les uns des autres, lesquels formaient une
très-belle étoile, semblable à la grosseur, à la grandeur et à la
couleur près au girofle. » Ces prétendues fleurs rentraient dans
l’écorce quand il retirait un rameau de l’eau. Ce fait seul au
rait du le tenir en garde, mais un esprit prévenu ne cherche
que ce qui est favorable aux idées qu’il a adoptées.
Peyssonnel avait vu cette remarquable floraison ; ’(des rela
tions d’amitié existaient entre sa famille et celle de Mar
sigli. Il est probable que le savant italien lui avait montré
lui-même l’objet de sa découverte. Aussi soutint-il d’abord
son opinion, mais au retour du voyage en Barbarie il avait
entièrement changé de manière de voir, et si nous avions la
lettre dans laquelle il parlait de ces observations faites à la
Calle, nous saurions tout le travail qu’un tel changement lui
avait coûté. Dès ce moment il était maître de la question et il
devait imposer sa découverte au monde savant, quelles que
fussent les préventions qu’elle soulèverait.
Ce qu’on croyait être une fleur est un animal, une petite
ortie, un pourpre, un insecte, un poisson, car il se sert
indistinctement de ces mots auxquels nous donnons aujour
d’hui une valeur bien différente. Seul, celui d'ortie, conservé
dans la langue des pêcheurs pour désigner les anémones de
mer, serait aujourd’hui presque exact. Plus tard seulement
�ces expressions devaient recevoir une valeur technique bien
arrêtée. Le fait principal, c’est que le corail est de nature
animale. L ecorce, seule partie végétale d’après Réaumur,
devient le gîte des orties.
Peyssonnel n’avait pas de microscope. Cet admirable ins
trument indispensable aux naturalistes de nos jours et qui a
joué un rôle si important dans les progrès des sciences natu
relles, n’a été pendant longtemps accessible qu a des fortunes
princières; etencore qu’était-il à cette époque? Un instrument
incommode et fatiguant, auquel on ne pouvait que trop re
procher ces illusions, toujours exagérées par l’ignorance ou
la mauvaise foi, et dont quelques personnes parlent encore
aujourd’hui. Ce qu’il pouvait voir, il l’a vu ; il a très - bien
su plus tard, pour rendre sa découverte plus importante et
l’appuyer sur des preuves nouvelles, étudier les êtres voisins
du corail, parexemple, les gorgones qu'il nomme lytophytons,
les caryophyllies qu’il appelé madrépores et bien d’autres qui
lui ont tous permis de voir les orties analogues.
Les observations de Peyssonnel furent mal accueillies de tous
les naturalistes ; l’hypothèse des plantes pierreuses était en
faveur. Réaumur, auquel l’abbé Bignon avait laissé le soin
de lui répondre, le fit sur un ton demi-plaisant, qui n ’était
pas fait pour encourager : « Je pense, comme vous, que per
sonne ne s’est avisé jusqu'à présent de regarder le corail et
les lythophytons comme l’ouvrage d’insectes. On ne peut
disputer à cette idée la nouveauté et la singularité... ; les
lythophytons et les coraux ne me paraîtront jam ais pouvoir
être construits par des orties ou des pourpres, de quelle façon
que vous vous y preniez pour les faire travailler. » Il y a ici
une singulière confusion d’idées : Réaumur avait étudié l’ar
chitecture des abeilles et des guêpes avec un succès remar
quable, plein de son sujet, il ne comprenait pas une autre
manière de produire le corail qu'un procédé analogue. Peys
sonnel, de son côté, n’avait jamais comparé un rameau de
corail à un gâteau de cire.
Bernard de Jussieu est bien moins entier : « Je ne sais,
dit-il, si vos raisons seront assez fortes pour nous faire aban
donner le préjugé où nous sommes touchant ces plantes ; » il
devait, comme Réaumur, apporter plus tard de nouvelles preuv esàl’appui de l’opinion qui lui paraissait alors si singulière.
Une discussion de ce genre' tiendrait aujourd’hui une bien
petite place dans les préoccupations du public, mais il n’en
était pas ainsi alors. Tout mal reçus qu’ils fussent, les travaux
de Peyssonnel occupaient les hommes instruits et la vérité
devait petit à petit s’imposer à tous.
Trembley venait de publier ses curieuses expériences sur
l’hydre d’eau douce, cet animal que l’on multiplie en le ha
chant en morceaux, que l’on retourne comme un doigt de gant
sans lui faire grand mal et qui prend bientôt l’habitude de
vivre dans ce nouvel état ; cet être singulier dont le corps se
couvre de bourgeons qui après quelques jours se séparent et
deviennent des animaux nouveaux.
Guettart et Bernard de Jussieu avaient enfin suivi le con
seil de Peyssonnel en allant étudier les corps marins vivants,
ils avaient vu des polypes et reconnu leur nature animale.
Réaumur lui-même, avec une bonne foi remarquable, avoua
son erreur : « J ’ai montré, dit-il, des doutes que je n ’aurais
peut-être pas dû avoir, ou au moins que je n'ai pas aujour
d’hui, sur la transformation faite par M. Peyssonnel, des
fleurs du corail en petits animaux. »
�Mais quand cette justice lui fut rendue, Peyssonnel avait
quitté définitivement la France, en acceptant le titre de mé
decin botaniste, entretenu par le Roi, dans file de la Guade
loupe. IJ semble aussi qu'il eût toujours quelques ressen
timents contre l'Académie des sciences, car il ne lui adressa
plus de Mémoire, et la société royale de Londres, dont il était
correspondant, publia seule quelques extraits de ses com
munications jusqu'en 1759. Son Mémoire sur le corail est
conservé à la bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle, il
en publia un extrait traduit de celui que renferment les tran
sactions philosophiques de Londres. Ce travail n'est connu
que par cet extrait et par une analyse de l’original due à la
plume élégante de M. Flourens.
A la découverte de Peyssonnel, il manquait bien quelque
chose, Réaumur ne s’y est pas laissé tromper ; c'est la ma
nière dont les polypes font le polypier et les rapport qui les
unissent les uns aux autres ; mais il u était pas donné au der
nier siècle de voir résoudre ces problèmes et d’arriver à la
notion d’animaux vivant d’une vie commune, se nourrissant
en commun, n’ayant pour toute une famille qu’un appareil
circulatoire, bien que chaque individu ait une sensibilité et
des volontés indépendantes ; et ce n’était pas là encore tout
ce qui manqait à la connaissance complète du corail. Heu
reusement aujourd'hui, après le livre si beau de M. LacazeDuthiers, peu de choses restent à ajouter à la découverte de
Peyssonnel.
Fontenelle parlant de l’opinion de Tournefort sur les
plantes pierreuses fait remarquer « qu’autant qu’il le pouvait,
il transformait tout en ce qu’il aimait le mieux. » Nous pour
rions justement dire la même chose de Peyssonnel. Après
G3
avoir démontré que le corail et ce que nous nommons au
jourd'hui les polypiers, sont formés par des orties, il veut
pousser la chose plus loin et il se trompe pour trois groupes
d’êtres marins : les tuyaux vermiculaires qui sont des serpules,
les éponges qui sont bien aussi de nature animale, mais bien
différentesdes polypes, et les corallines qui sont des végétaux.
Combien, en effet, est-il peu d’inventeurs qui n'exagèrent leurs
découvertes; et ne voit-on pas encore aujourd'hui, avec les
ressources immenses que le microscope met dans nos mains,
les botanistes et les zoologistes se disputer, si je puis m'ex
primer ainsi, les élégantes diatomées, dont les premiers feront
probablement la conquête définitive.
Peyssonnel était un esprit essentiellement méridional, ar
dent, vif et enthousiaste, ce qui n’excluait pas une modestie
d'autant plus aimable qu’il en faisait preuve au moment où
le triomphe de ses découvertes était assuré, après trente ans
de discussions ; voici dans quelle circonstance : il avait pris une
grande part à la création d’une académie des Belles-Lettres
à Marseille, mais il désirait voir les sciences prendre place
dans les travaux de ses compatriotes. Pour arriver à ce but,
il proposa à l’Académie de créer un prix annuel pour la meil
leure dissertation sur un point de l’histoire naturelle de la mer.
11 aurait voulu communiquer à ses concitoyens son goût pour
des études si intéressantes et transformer l'Académie des
Belles-Lettres en Académie des Sciences, ou tout au moins
voir les études scientifiques se joindre aux études littéraires.
C’était difficile, Marseille, aujourd’hui si grande et si géné
reuse dans l’hospitalité qu'elle donne aux sciences, était bien
moins avancée il y a un siècle ; la langue romane harmonieuse
et imaginée convenait à sa population, c'est tout au plus si
�Ci —
quelques personnes commençaient à l’abandonner. Les fon
dateurs de l’Académie avaient eu pour but principal d’intro
duire l'usage du français dans leur patrie.
L ’Académie refusa le prix que Peyssonnel voulait fonder,
alléguant son incompétence en pareille matière ; il avait vou
lu donner, il est vrai, à sa remise des formes solennelles
exagérées, mais ce n était évidemment que pour en augmen
ter la valeur.
Le refus de ses concitoyens le blessa profondément ; il s’en
plaignit dans une lettre adressée à Buffon et à Daubenton
qu’il imprima à la suite des extraits des transactions philoso
phiques et dans laquelle parlant de ses travaux, il dit : « Tout
homme les aurait pu faire comme moi, il n’a fallu qu’observer,
regarder avec attention, refaire les observations, s’assurer de
la vérité par un travail assidu. » Cela est vrai, mais observer,
regarder, refaire les observations n’est point chose si aisée,
et le petit nombre de naturalistes qui ont suivi Peyssonnel
dans cette voie qu’il trouve si simple, prouve combien elle est
en réalité difficile.
Après vous avoir parlé de la vie laborieuse et des rem ar
quables travaux de Peyssonnel, je devrais, Messieurs, vous
parler de sa mort : mais personne n’en sait la date exacte.
Depuis 1759 il n’a rien publié et tout ce que je puis vous
affirmer, c’est qu’il est mort.
Après ce d iscou rs, M. le R ecteu r a p ris la p a ro le :
Messieurs ,
Il y a, si je ne me trompe, un grand intérêt dans cette
vio de Peyssonnel, de cet homme parti du dévouement à
l’humanité pour aller au dévouement à la science. Il vécut
inconnu, ses travaux restèrent obscurs, aucun bruit ne se
lit entendre autour de sa tombe. Il fut de ces généreux ano
nymes, qui travaillent pour honorer leur siècle et que leur
siècle ignore. Leurs traits resteraient à jamais effacés, si
quelque ami de la science ou des lettres ne les ravivait, en
les faisant connaître à la reconnaissance de leur pays.
Savants, poètes méconnus , vous ressemblez à ces êtres
merveilleux découverts par Peyssonnel, qui travaillent sour
dement au fond des mers, meurent dans l’abime profond des
infiniment petits, et cependant créent un monde, et lais
sent une dépouille d’une éclatante beauté.
Si la ville de Marseille ne put, quand elle fut provoquée
par Peyssonnel, satisfaire à un vœu de la science, elle a
depuis glorieusement réparé ce tort. Cette cité antique se
montre chaque jour davantage amie des sciences et des
lettres, et fidèle à un glorieux passé. La ville de Pythéas
s’associe à tous les efforts de la science. Marseille si célè
bre du temps de Tacite, parce qu’il y régnait la politesse
grecque se plaît aux souvenirs de la poésie et s’en
chante des souvenirs homériques. Ce sera un fait remar
quable dans l’histoire de cette ville, au X I X me siècle,
que ce mouvement intellectuel, qui s ’y manifeste au milieu
des triomphes de l’industrie et de l’admirable développe
ment de ce commerce, qui rapproche et les intérêts et les
intelligences des peuples. Heureuse l’Université de France
de s’ôtre associée à ce mouvement, et de pouvoir réclamer
une part de l’honneur qui en rejaillit sur cette ville.
Si nous jetons les yeux autour de nous, comme nous
�—
()<;
voyons se déployer avec éclat les résultats de cette ten
dance généreuse ! Et d’abord ces enfants qu'aujourd'hui
nous accueillons avec bonheur parmi nous, paient large
ment leur dette dans ce remarquable progrès. Dans ces
concours qu’a institués avec succès un Ministre si ami du
progrès, ils ont honoré le lycée. On peut même les appeler
accapareurs. Dans la lutte académique , on cherche quel
prix leur a échappé. Continuez, chers enfants, à satisfaire
ainsi vos maîtres et vos familles. No dégénérez pas.
Vous avez d’illustres devanciers. Vous savez qu’on peut
dire que le beau-père de Tacite , le sage et vaillant
Agricola, avait fait sa rhétorique au lycée de Marseille,
quod statim parvulus sedem ac magistraux studiorum
Massiliam habuerit. « Dès son enfance il eût pour séjour
et pour école Marseille. » Parvulus, il entra en huitième.
Ne doutez pas qu'il n’ait redoublé ses classes , qu’il ait pris
ce glorieux titre de vétéran, que je voudrais voir en renom
dans votre lycée comme il l’était dans les armées romaines.
Je n’ai pas appris dans Tacite qu'Agricola eût sacrifié ses
nobles études à la précipitation qui veut obtenir trop tôt le
titre de bachelier. Il ne l’aura pas obtenu vite. Ce qui ne
l’a pas empêché d’être consul de Home et l’un des plus
grands hommes de son siècle.
Qu’il me soit permis ici d’appuyer sur les titres qu’ont à
la reconnaissance de Marseille, et l'homme éminent qui
dirige l’administration de ce département et le Maire de celte
ville et la chambre de commerce. Jamais nous n’avons
réclamé en vain, dans l’intérêt de l’instruction publique,
leur intérêt, leur concours. Qu’il me soit permis de dire
combien dans ces libres communications qui s’établissent
fi 7 —
entre des hommes animés d’une même ardeur [jour le bien,
j ’ai trouvé de largeur dans les idées et d’amour pour l’avan
cement des éludes.
Grâce à eux , les lettres et le droit sont venus s’associer
ici aux sciences pour éclairer cette population si passionnée
pour ce qui est beau et utile.
Grâce à eux, un local mieux approprié à sa destination
permet à l’École de Médecine de continuer dans des condi
tions plus convenables son si remarquable enseignement.
Que la chambre de commerce reçoive ici publiquement
mes remercîments pour la création d’un nouveau cours.
Sous peu de jours, l’un de nos professeurs des lettres les
plus écoutés, M. Ouvré, va enseigner dans cette salle même
la géographie commerciale. Ce cours unira à la science un
intérêt pratique qui n’échappera à personne. Car la géogra
phie, qui maintenant excite l’ardeur des savants par l’im
portance des découvertes, doit aussi éclairer le commerce
de cette ville sur l’utilité et la facilité de l’établissement des
relations avec les pays étrangers. Nous ne doutons pas de
l’intérêt avec lequel sera suivi ce cours, dont la pensée est
née dans les entretiens de M. le Sénateur avec les plus
dignes représentants du commerce de Marseille.
La Faculté des Sciences de cette ville va reprendre ses
cours. M. le Ministre de l’Instruction publique veut qu’ils
restent sérieux, que l’enseignement soit grave, et convienne
surtout aux jeunes gens qui prennent leurs grades univer
sitaires. Mais il désire aussi que toutes les aspirations soient
satisfaites, que la science soit mise, autant que possible, à la
portée de tous. Aussi essaierons-nous d’établir des confé
rences que tout le monde puisse suivre. Ces cours des
�— 00 —
sciences pourront disputer aux cours des lettres cette partie
aimable de l’auditoire, dont les applaudissements ne peuvent
être dédaignés par personne.
Comme à l’ordinaire, MM. les professeurs des sciences,
vous le verrez parle rapport de M. le Doyen, ont honoré la
Faculté par leurs travaux.
Dans ces efforts communs, il serait difficile de signaler
ceux qui ont le plus attiré l’attention du monde savant. Dans
cette Faculté, on se distingue dans les luttes de la science
pour ainsi dire à tour de rôle. Ça été le tour de M. l'abbé
Aoust, de votre Doyen, et de M. Favre, qui a obtenu une
médaille d'or du comité des sociétés savantes pour ses tra
vaux sur la thermochimie.
M. le Doyen de la Faculté, dans son rapport, a signalé
avec inquiétude quelque défaillance dans la manière dont on
a subi les examens du baccalauréat ès-sciences. Le nombre
des candidats diminuerait. Leur ardeur ne serait plus la
même.
Les sciences seraient-elles menacées? Reculeraient-elles
dans cette carrière où elles marchent ci grands pas? Ce
grand mouvement, qui honore le siècle et la nation, s’arrê
terait-il ?
Ne le craignons pas un seul instant, Messieurs. Autant
vaudrait dire que la civilisation recule. Elle va toujours et
entraîne avec elle tous les obstacles d’un jour qui peuvent
se dresser devant elle.
Mais, au moins, et ce serait encore un sujet suffisant
d'inquiétude, les cours ne seraient-ils plus suivis, les épreu
ves des examens ne sont-elles pas toujours dirigées avec
fermeté et intelligence ?
Je n’ai pas besoin de dire qu’il n’est rien de tout cela.
Ces cours n’ont rien perdu de leur utilité ni de leur éclat.
Les examens sont dirigés avec cette certitude et cette bien
veillance qui distinguent cette Faculté.
La raison de cette défaillance momentanée est claire
selon moi.
Une réaction s’opère maintenant contre une mesure qui
a été justement attaquée, mais avec un certain emportement .
La bifurcation sera bientôt à l’état d’une institution ,
qu’on se repentira peut-être d’avoir trop critiquée.
11 ne faut pas se plaindre d’une certaine fluctuation dans
la direction législative de l’enseignement public.
Ceux qui voudraient qu’on la rendit immobile, qu’on la
codifiât, me permettront de leur demander si l’on peut
arrêter l’esprit humain et codifier la pensée.
11 faut, en effet, que l’instruction d’un grand peuple suive
la marehe des événements qui l’agitent et le renouvellent.
Le grand mouvement politique dont nous suivons les
résultats, a conduit à un développement si vigoureux de
l’industrie et des arts, que l’attention s’est portée vers les
sciences (pii avaient été trop négligées dans l’Université.
Il y a eu peut-être trop de précipitation et d’impatience
dans ce qu’on a fait ; l’organisation de l’enseignement scien
tifique, dans les programmes des lycées, laissait à désirer.
11 appartient au Ministre éclairé qui dirige, en France,
l’Instruction publique, d’organiser de nouveau cette partie
de l’enseignement. Il le fera avec sagesse et saura tout
concilier.
Ne douions pas que des hésitations dans la modification
des programmes, hésitations bien légitimes, car il ne faut pas
�aller vite en matière si sérieuse, que des projets qu’on croit
trop près d’être réalisés, ne soient la cause de ce trouble
dans l’étude des sciences.
Tout se rétablira ; ce n’est qu’un embarras momentané.
Quant à la question si vaine et au fond, si frivole, celle
de la prééminence entre les lettres et les sciences, elle n’est
bonne qu'à amuser l’esprit.
Les sciences et les lettres constituent l’esprit humain. Je
ne sache pas qu’il puisse se décomposer et se classer. Il est
des époques où il brille davantage dans une de ses parties.
Les sciences paraissent avoir dans ce siècle plus d’impor
tance. Dans l’enseignement, l’éclipse est donc très-momen
tanée. Mais dans ce pays si b rillan t, sous cette main
puissante et sage du Souverain qui veille à ses destinées,
toutes les hautes inspirations seront écoutées , toutes
les idées auront leur place. Pour les lettres et les sciences
ce n’est qu’une question de degré, d’ordre , de temps.
Chacun aura son tour : ce qui éclaire l’esprit et ce qui le
console, ce qui le rectifie et ce qui l’élève.
Marchez donc, Messieurs, dans cette voie qui vous est
toujours ouverte ; le développement des sciences ne s'arrê
tera pas, et vous en serez toujours les dignes et respectés
interprètes.
R a p p o r t îl e 1ML l e D o y e n île l a F a c u l t é
île » S c i e n c e s .
Me s s i e u r s ,
Les prescriptions de nos règlements et nos habitudes
annuelles me ramènent encore devant vous, pour vous pré
senter le résumé des travaux de la Faculté des Sciences
pendant l’exercice 1 8 6 3 -1 8 6 4 .
Je sais combien pour moi ce devoir est sérieux et aus
tère, il no me permet pas de rechercher dans les ressources
habituelles du discours et d’un sujet préféré, les moyens
de séduire un moment et de captiver vos esprits ; mais je
sais que vos bienveillantes sympathies rendront ici notre
tâche facile et douce. Elles m'ont appris depuis longtemps
que ce qui vous p la ît, ce que vous préférez avant toute
chose, c’est l’examen sévère des faits accomplis. Vous
voulez, pour éclairer et mieux diriger l’avenir, que nous
demandions au passé les leçons de l'expérience. Aujour
d’hui mes obligations, Messieurs, sont diverses, comme les
devoirs imposés à chaque professeur dans nos différents
services.
Nos cours, nos travaux personnels et les grades conférés
par la Faculté des Sciences, tels sont les trois points sur
lesquels j'aurai à appeler votre attention.
Nous sommes d'ordinaire réservés et discrets quand nous
avons à vous parler de nos leçons de chaque jour et des tra-
�— 7i —
— 73 —
vaux particuliers de chacun de nous. Notre tâche sur ce point
est particuliérement délicate ; aussi me bornerai-je à vous
dire pour les premières que, maintenues et dirigées sans
cesse par la sagesse de nos programmes, elles se sont tou jours
efforcées de se tenir an niveau des plus récentes découvertes
de la science, en cherchant à étudier, à répandre et souvent
à discuter ses plus intéressantes applications. Nous ajouterons
que par son continuel empressement à nos cours, le public qui
nous juge aussi, a continué à nous donner un précieux en
couragement. La seconde partie, nos travaux personnels qui
sont cependant pour la Faculté un légitime sujet de fierté,
nous trouvera tout aussi succint. Nous nous bornerons à vous
faire connaître que, cette année, dans le congrès des sociétés
savantes, réuni en avril dernier, à la Sorbonne, par M. le
Ministre de l'Instruction publique, sur les six professeurs de
notre Faculté, quatre d’entre nous exposaient divers Mé
moires à l'imposant jury qui rassemble annuellement à Paris
félitede la science française. Une médaille d’or, récompense
la plus haute dont le jury puisse disposer, était même décer
née à l'un des quatre voyageurs de Marseille. Nous nous abs
tenons, Messieurs, de prononcer un seul nom, tous d’ailleurs
vous sont connus. Dans cette victoire quia été une joie com
mune, nous avons aimé réunir en faisceau les preuves de
l’activité continuelle de la Faculté des Sciences. Nous voulons
rassembler pour en jouir en commun, ces bénéfices du travail
et des recherches patientes de chacun de nous, comme le
soldat qui aime à voir inscrits sur son drapeau et dans les
archives de son régiment, les titres qui font la fierté de la fa
mille militaire.
Toutefois, Messieurs, mon devoir aujourd’hui me com-
mande une exception. Deux livres importants ont été publiés
par deux de mes collègues, et nous avons à les signaler aux
hommes éminents et à la jeunesse studieuse qui nous écou
tent. Notre professeur de Mathématiques a livré au public la
première partie de ses recherches sur les surfaces du second
ordre. Ce sujet si souvent et depuis si longtemps étudié a été
cependant pour notre collègue une mine encore féconde. Les
géomètres y ont trouvé des propriétés nouvelles et curieuses
qui rendent pleines d’intérêt la lecture de ce travail. Pour la
seconde publication dont nous avons à vous entretenir, nous
vous dirons, Messieurs : les sciences veulent surtout qu’on les
étudie avec ordre et méthode. L ’ordre et la méthode donnent
à l’esprit le plus sûr, le plus indispensable auxiliaire. Ils sont
comme un précieux fil d’Ariadne pour marcher sûrement et
à grand pas dans le domaine aujourd'hui si vaste de la science.
C’est beaucoup que d’avoir appris comment il faut apprendre.
La chimie surtout qui emprunte ses caractères les plus sai
sissants à l'observation fine et attentive de l’expérience et à
l’étude des réactions variées de la matière, la chimie exige
qu’à défaut de la pratique et des enseignements du laboratoire
une main sûre vienne nous guider et nous dire comment et
dans quel ordre il faut étudier et apprendre ; comment avant
tout il faut aider la mémoire pour choisir, retenir et grouper
avec une sévère précision, les faits les plus divers.
C’est ce qui a été accompli avec succès par notre professeur
de chimie dans le livre qu’il vient de publier et auquel il a
donné un nom trop modeste que nous voulons combattre,
notre collègue a appelé Aide Mémoire un livre que nous ap
pellerons un traité complet de chimie.
Nous voulons insister, Messieurs, nous voulons nous éten-
�(Ire d'avantage, sur ce qui forme une des parties les plus es
sentielles de nos devoirs, sur les examens subis devant la
Faculté de Marseille.
Nous aborderons de suite ce qui concerne le baccalauréat,
grade qui termine et couronne les études scientiliques et qui
a été l’objet de tant de préoccupations et de soins, de la part
deM. le Ministre.
S'il nous avait fallu vous exprimer notre jugement à la
fin du mois d’août dernier, la teinte de nos paroles eut été
plus sévére qu’aujourd’hui. Nousaurions avoué à cette époque
que nous avions au cœur des préoccupations pénibles et une
véritable tristesse. L année 1 8 6 4 , pour les résultats qu’elle
a fournis a été généralement mauvaise. La moyenne qu elle
a produite est certainement la plus faible que nous ayons
enregistrée. A. la vue des chiffres dont nous avons à vous
entretenir, nous serons forcés de reconnaître un trouble mar
qué dans les études scientifiques des candidats ; trouble dont
les effets se sont fait sentir pour nous dans les localités même
les plus éloignées. Quelle en a été la cause? cause certaine
ment générale et dont les autres Facultés des Sciences auront
dû comme nous ressentir plus ou moins l’influence. S ’est-il
produit quelque incertitude dans les programmes? Les mo
difications que la bifurcation des études a éprouvées ont-elles
produit quelque hésitation dans la direction scientifique des
établissements d’instruction publique? Est-il résulté de tout
cela quelque langueur ? Les résultats nous font incliner à le
croire, mais notre premier devoir ici est d’exposer avant tout
les faits que nous avons observés, sans avoir à découvrir les
causes qui les ont fait naître.
Toutes ces pensées, Messieurs, produites par les résultats
de nos épreuves avaient fait naître en nous l’émotion dont
nous avons parlé, mais une confiance plus calme nous est
revenue en voyant d'une part les résultats incomparablement
meilleurs présentés par les diverses séries des candidats au
baccalauréat complet qui ont passé devant nous dans le mois
même où nous sommes et qui d’ordinaire étaient moins
satisfaisants ; de l’autre, nous avons reconnu l’effet salutaire
de la direction plus ferme donnée à l 'épreuve de la com
position écrite par les modèles que la sollicitude de M. le
Ministre a envoyés le même jour à toutes les Facultés.
Nous espérons nous être alarmés à tort et nous voulons
penser que s’il y avait eu un moment d'arrêt dans le pro
grès des études scientifiques, leur marche qui depuis quel
ques années était ascendante, continuera non-seulement à
suivre son cours, mais deviendra plus satisfaisante encore
en présence des efforts et des soins que nous voyons aujour
d’hui pour elles. Jetons maintenant un coup d’œil sur les
examens de cette année.
Pour le baccalauréat complet, 1 3 4 candidats se sont pré
sentés devant nous cette année. Sur ce nombre 46 seulement
ont été admis, c’est donc seulement 3 4 admissions pour
cent. Jamais ce chiffre n’avait été vu dans la Faculté. À
notre grande surprise, les candidats déjà bacheliers èslettres, n’ont pas été sans concourir à ce regrettable résultat.
Ces jeunes gens qui se sont trop confiés aux extrêmes
avantages que ce diplôme leur assure d’avance, n ’ont point
assez bien préparé leurs épreuves scientifiques ; pour beau
coup d’entr’eux, cet échec était un enseignement qui a porté
ses fruits et dont ils devaient profiter à l’avenir , la session
do novembre 1864 vient de le prouver. Nous aurions pu
�— 76 —
avoir un dédommagement dans la qualité même des can
didats qui se sont présentés, mais là encore il y a eu pour
nous une déception complète, car jamais le nombre des
boules noires données, n’a été plus considérable. Voici pour
chacune des localités dans lesquelles a été envoyé le jury de
Marseille, comment se sont répartis les chiffres ci-dessous:
A Marseille, 98 candidats se sont présentés, sur lesquels
35 ont été admis, c'est-à-dire, 36 pourcent.
A Alger, 10 se sont présentés, 2 ont été admis, c’est-àdire, 20 pour cent.
A Nice, 6 se sont présentés, 2 ont été admis, c ’est-à-dire,
33 pour cent.
A Ajaccio, 12 se sont présentés, 5 ont été admis, c'est-àdire, 41 pourcent.
A Bastia, 8 se sont présentés, 2 ont été admis, c’est-à-di
re, 23 p. cent.
On voit que le dernier rang est occupé cette année par
Alger et le premier par Ajaccio, mais cette classification ne
peut avoir une grande importance n’étant basée que sur un
chiffre très-faible.
Les candidats au baccalauréat restreint se sont presque
tous présentés à Marseille. On sait que ces candidats pour
lesquels les exigences de l ’examen sont adoucies dans la par
tie mathématique, sont presque toujours munis du diplôme de
bachelier ès-lettres. En général, ils sont plus âgés et par
conséquent plus disposés, en présence des nécessités d’une
carrière spéciale, à mieux sentir toute l’importance d'une
bonne préparation. Aussi pour eux le chiffre d’admission
a-t-il été très-élevé, de 56 p. cent. Nous ne vous dirons rien
du baccalauréat scindé. Nous pensons qu’il est désormais
inutile de vous parler de ces diplômes, délivrés en deux actes,
et qui disparaissent enlinde nos programmes.
Après vous avoir présenté pour ce premier de nos grades
les chiffres de cette année, chiffres, nous l’avouons, peu sa
tisfaisants, permettez-nous, Messieurs, de jeter un coup d’œil
sur le passé de nos examens et de lui demander quelques
lumières qui éclaireront la situation présente. Quelle a été
pour Marseille la variation subie par le chiffre de nos épreuves
scientifiques depuis dix ans ? La faveur qui revient aux éludes
littéraires classiques, s ’est-elle faite au préjudice du nombre
des jeunes gens qui se dirigent vers les sciences ? Interrogeons
les faits à cet égard. Voici le nombre des candidats qui se sont
présentés devant nous, année par année, depuis notre arrivée
à Marseille.
Année.
1855
1856
1857
1858
1859
1860
1861
1862
1863
1864
Nombre.
162
155
202
162
242
253
236
204
257
254
Candidats déjà bacheliers ès-lettres.
2
3
1
3
14
30
14
86
113
117
Depuis l’année 1 8 6 0 , j ’ai dû prendre la moyenne du
nombre des candidats au baccalauréat ès-sciences scindé,
moyenne assez délicate, puisqu'il arrive que souvent un
jeune homme ne parvient à obtenir son diplôme définitif
�— 79 —
qu après trais et même cinq épreuves. La moyenne, on le
voit, est moins facile à dégager. Un simple coup d’œil suffit
pour montrer qu’à l’exception des années 1861 et 1 8 6 2 , qui
ont des chiffres moins régulièrement croissants, le nombre
des candidats a été s’augmentant sans cesse pour nous, mais
sans réaction vive, comme il en a été pour les lettres, après
les événements de la bifurcation. Une chose particulièrement
remarquable pour nous doit vous être signalée, elle semble
indiquer même l'avenir vers lequel tend le baccalauréat èssciences et nous serons loin de nous en plaindre. Le nombre
des candidats qui sont venus à nous ayant à la main le diplôme
de bachelier ès-lettres, a été toujours croissant d’une manière
régulière et rapide puisque après avoir été insignifiant jusqu’en
1858, il a été tout d’un coup de quatorze en 1 8 5 9 , puis s’est
élevé régulièrement ensuite jusqu’au chiffre de centdix-sept,
qu’il a atteint cette année. Nous regardons ce fait comme
digne de toute attention et conduisant inévitablement à ce
résultat que, désormais, l’examen sur la partie littéraire du
baccalauréat és-sciences sera très-rarement nécessaire et de
viendra l'exception dans nos épreuves qui se borneront ainsi
à la partie scientifique. C’est, sous bien des rapports, un ré
sultat heureux, mais n’a-t-on pas été trop loin dans le désir
de favoriser la possession du diplôme littéraire en dispensant
le candidat qui en est muni, d’avoir à nous répondre sur les
langues vivantes et, par conséquent, d’avoir moins àproduire
que le jeune homme qui subit devant nous l’épreuve complète
du baccalauréat.
Messieurs, si nous avons été peu satisfaits des examens
pour le baccalauréat dans l'année qui vient définir, nous avons
à tenir un tout aulre langage au sujet des épreuves du con
cours de la licence.
D’abord, commençons par dire aussi pour ce grade quel
a ôté, depuis l’origine à Marseille, le nombre des examens de
chaque année. En 1 8 5 5 , aucun candidat ne s’est présenté,
ensuite le nombre des candidats a offert les chiffres suivants.
2 en 1 8 5 6 , puis 3 , 3 , 4 , 5 , 4 , 4, 6 dans les années suivantes
et enfin 9 pour l’année où nous sommes. C’est donc, comme on
le voit, une marche régulièrement croissante. J ’ajouterai que
ces jeunes licenciés sont tous membres de l’Université, ap
partiennent les uns à la classe si digne d'intérêt des maîtresrépétiteurs, par laquelle nous avons nous-même commencé
notre carrière, les autres à celle des professeurs et des régents
de nos lycées et de nos collèges. Le nombre des licenciés est
pour nous d'importance secondaire, ce qui vaut beaucoup
mieux c’est la valeur des candidats, c’est le mérite de leurs
épreuves, et sur ces deux points, notre satisfaction a été tou
jours en augmentant. Ainsi cette année les deux concours de
licence ont amené devant nous des candidats remarquables.
Un grand nombre d’entr’eux, élèves distingués de notre ly
cée impérial, avaient occupé les meilleurs rang de l'école po
lytechnique; plusieurs d’entr’eux, dans des Mémoires et des
travaux trés-appréciés avaient déjà donné la preuve de leur
zèle et de leurs aptitudes scientifiques ; ces jeunes gens spé
ciaux ont trouvé des émules et des rivaux dignes d'eux dans
les concurrents sortis des rangs des maîtres-répétiteurs et des
professeurs. Les premières places ont été disputées et n’ont
pas toujours été le privilège de la première catégorie. Nous
devons ajouter que ces candidats avaient tous suivi et nos
cours et nos conférences spéciales.
�— si
Pour ccs jeunes gens, la préparation aux exigences do
l’examen avait été longue et sérieuse, aussi la tâche du jury
a été bien adoucie, puisqu’elle n’a eu à écarter aucun d’enIr’eux. Neuf se sont présentés devant nous, un seul s’est re
tiré de lui-même, effrayé par les difficultés de l'épreuve du
premier jour. Les huit autres ont été admis.
Permettez-nous, Messieurs, d'accorder à ces jeunes et
studieux candidats une haute récompense, celle de savoir
leur noms proclamés devant vous. Ce sont, pour les sciences
mathématiques, MM. Delon, Rouquet, Névières, Kraft.
Pour les sciences physiques, MM. Raynaud, Bayle, Gall
et Lafon.
Messieurs, après vous avoir entretenu longuement d elà
collation de nos grades, permettez-nous de redire encore ici :
dans l'exercice de ces délicats devoirs, la Faculté des Sciences
a toujours pensé qu’elle ne pouvait se montrer trop cons
ciencieuse et j ’ajouterai trop bienveillante, lors même quelle
avait un verdict sévère à rendre. En écoutant les candidats
avec l’indulgence du bon accueil, elle tient à ce que ses actes
fassent penser d’elle, qu elle n’est ni facile, ni sévére.
Un mot encore et pour terminer, Messieurs, on a parlé
dans ces derniers temps, on parlera sans doute beaucoup
cette année, des cours libres donnés par l'Enseignement su
périeur. Cette pensée généreuse et libérale de M. le Ministre
s’est répandue, comme une traînée d’inflammation rapide,
dans notre noble pays si prompt à tout ce qui est grand et utile.
Nous ne voulons pas, pour l’apprécier, jeter un coup d’œil
surtout ce qui a été tenté cette année ailleurs, et sur ce que
nous avons vu nous-même à Paris, mais permettez-moi
seulement une remarque à cet égard.
Loin de nous certes la pensée, qui ferait sourire de malins
esprits, de comparer Paris à Marseille (on l’a fait avec tant
de moquerie) et de dire à l'incomparable ville, à la ville qui
fait l’orgueil de la France, quelles sont parmi les splendeurs
dont la Providence, et dans ces dernier temps la main de
l’homme, a doté notre cité, quelles sont les merveilles- qui
embelliraient Paris lui-même. Mais ne nous est-il pas permis
de rappeler ici que depuis dix ans déjà, sur les demandes
réitérées de l’autorité municipale et de l’administration aca
démique, une noble, une féconde initiative, est partie de Mar
seille ; et si les cours les plus variés tendent à se répandre
partout, c’est parmi nous, c’est ici dans cette enceinte que
l’exemple en a été donné. Faut-il ajouter que si partout on
nous imite, partout on ne le fait qu'avec une prodigieuse
réserve et dans des conditions bien restreintes. En effet,
ailleurs, c’est à des époques éloignées, à des moments excep
tionnels que se produisent, avec un grand éclat, il est vrai,
des cours brillants mais éphémères, ici ces cours sont l'habi
tude et la règle.
Dans celte voie si intelligente et qui fait tant d honneur à
ceux qui l'ont ouverte, à ceux qui la dirigent, loin de s’arrêter,
loin de s’allanguir, on marche au contraire chaque jour d’une
manière plus rapide et plus sûre. Ainsi au début, et s’ajoutant
à nos cours scientifiques, deux cours littéraires dans lesquels
ont brillé deux des professeurs de notre lycée, plus tard cinq
cours donnés par la Faculté des Lettres d’Aix, auxquels sont
venus se joindre des cours de la Faculté de Droit, et enfin,
grâce à l’administrateur éminent qui nous écoute, un cours
de la plus importante utilité, dans une cité comme la nôtre,
un cours de géographie commerciale vient celte année s’a6.
�jouter à ses devanciers et conquérir comme eux le succès et
la popularité. A ceux donc qui croient qu'à Marseille l'ad
ministration ne se préoccupe que des grands, que des im
menses mouvements matériels dont nous sommes les témoins,
à ceux qui pourraient penser qu’elle relègue à un rang se
condaire ce qui se rattache aux intérêts scientifiques et litté
raires et aux plus nobles besoins de l’esprit, à ceux-là nous
dirons : voyez la marche prospère de tous les enseignements
qui chaque jour va s’augmentant parmi nous, lisez le pro
gramme si rempli des leçons qui se succèdent ici sans cesse;
leur universalité montre qu'à Marseille l’enseignement rivalise
avec celui des plus belles universités allemandes.
Tout cet ensemble, qui, nous l'espérons, s’augmentera
certainement encore, témoigne assez de l’empressement du
public Marseillais pour les études diverses qui lui sont pré
sentées, il manifeste surtout (et nous en témoignons ici notre
reconnaissance), la sollicitude incessante de ceux qui veillent
à tous les intérêts de notre chère cité.
R a p p o rt de il. le M irc c t e n r (le l'É c o le
(le M éd ecin e.
Me s s i e u r s ,
Ifusage veut que, chaque année, dans cette solennité, je
vous rende compte de la situation morale et matérielle de
l'École de Médecine et de Pharmacie de Marseille, pendant
la dernière année classique.
Je le ferai bien rapidement pour vous laisser sous le char
me des éloquentes paroles que vous venez d’entendre.
Ce court exposé vous montrera, je l’espére, que notre École
n’est point déchue du rang qu’elle occupe très-honorablement,
depuis plusieurs années, parmi les institutions du même
ordre.
Dans l'année scolaire qui vient de linir, 79 élèves en mé
decine et en pharmacie ont suivi nos cours. Ils ont pris 31 4
inscriptions, qui se divisent ainsi : 1 28 pour le doctorat ; 7 2
pour le grade d'officier de santé ; 1 \ pour le titre de phar
macien de première classe; 100 pour celui de deuxième
classe.
Les travaux d’une Ecole île médecine et de pharmacie, in
dépendamment des productions individuelles des professeurs,
comprennent les leçons faites aux étudiants, les examens de
lin d’année, qui servent à juger du degré d’assiduité et d'ins
truction deces jeunes gens, enfin, les examens defind’études,
ayant pour but la collation des grades de deuxième classe.
Ces travaux ont marché, comme toujours avec une sérieuse
régularité.
L ’enseignement a été donné conformément au réglement
d'études du 7 avril 1 8 3 9 et aux programmes délibérés en as
semblée des professeurs.
Je n’ai pas besoin de dire que mes honorés collaborateurs
ont dignement rempli leurs devoirs.
Je rends aussi bien volontiers justice à la grande majorité
de nos élèves, sauf quelques exceptions, malheureusement
difficiles à éviter, ils ont été assidus aux leçons de leurs mai-
�— 8*
très. Je serais très-satisfait de voir, désormais, les élèves in
ternes et externes, attachés au service de la Conception, mettre
plus d’empressement à suivre ces cours. Ils doivent com
prendre que 1 Hôpital ne dispense pas de l'École et que les
exigences d'un service hospitalier peuvent fort bien, dans
une juste mesure, s’accorder avec les obligations scolaires de
l'étudiant.
J ’attends des élèves placés dans ces conditions qu’ils s'arrêterontà une observation dont l’uniquemotifest leur intérêt.
Ils verront, je l’espère, que les cliniques médicale et chirur
gicale sont les seuls cours qu'il ne leur est pas possible de
suivre, ce qui est déjà bien regrettable ; mais ils peuvent,
avec un peu de bon vouloir , venir à tous les autres
cours.
Les examens de fin d’année, pour la session normale, ont
eu lieu du 16 au 23 août. Tous les étudiants y ont pris part,
à l’exception d’un élève en médecine de première année, qui
a fait défaut sans donner des motifs légitimes de son ab
sence.
Ces examens ont eu des résultats divers : parfaitement sa
tisfaisants pour la première année et surtout pour la troisiè
me, ils ont été faibles, très-faibles même, comme l’an dernier,
pour la deuxième année, où quatre ajournements ont été
prononcés. Les étudiants en pharmacie n’ont pas fait preuve,
cette année, des connaissances qu’ils avaient montrées dans
l’année précédente. Une seule note Bien a pu être donnée.
Un élève a été ajourné.
A la session extraordinaire de la rentrée, qui vient de se
term iner, huit étudiants ont été examinés ; tous ont été
reçus.
83 —
Dans le courant du mois d'octobre, l’École a fonctionné
comme jury d’examen pour conférer les grades aux praticiens
de seconde classe.
M. le professeur Denonvilliers, inspecteur-général de
l'enseignement supérieur, présidait le jury de médecine, et
M. Cauvy, professeur à l’École supérieure de pharmacie de
Montpellier, présidait le jury de pharmacie.
Nous avons eu 20 candidats au diplôme d’officier de santé.
12 ont été reçus et 8 ajournés: 3 au premier examen, 4 au
second, I au troisième.
Ces examens ont mieux marché que l’an dernier ; l'épreuve
clinique, notamment, a été bien meilleure.
10 prétendantes au grade de sage-femme ont subi l’exa
men. Le jury en a admis 7 et refusé 3. 11 aurait pu être plus
sévère ; en effet, parmi les élèves reçues, trois ont été faibles
et n ont dû leur succès qu’à l’extrême indulgence des juges.
11 y a eu 17 aspirants au titre de pharmacien. Ces examens
ont été généralement satisfaisants. 15 admissions et 2 ajour
nements ont été prononcés.
Deux femmes sont venues postuler le brevet d’herboriste.
Une seule a été reçue.
Le professeur de clinique chirurgicale a publié le résumé
de ICoopérations, dont 9 0 suivies de succès, pratiquées par
lui, dans son service, pendant les deux tiers environ de cha
cune des six dernières années scolaires.
Ce travail, présenté par son auteur à la société de chirurgie
de Paris, a reçu de la savante compagnie le plus favorable
accueil.
La position matérielle de l’École, nul ne l’ignore, laissait
depuis longtemps beaucoup à désirer ; je suis heureux de
�86
—
dire qa eHe est infiniment meilleure aujourd'hui grâce au hon
vouloir et aux efforts combinés de tous ceux qui s’intéressent
à notre prospérité.
Nous sommes enfin arrivés, pour notre nouveau local, à
une solution relativement satisfaisante.
C'est une affaire d une extrême importance ; aussi me
pardonnera-t-on, j ’espère, d'y revenir chaque année.
M. le Sénateur de Maupas, chargé de l’administration du
département, notre très-honoré Recteur etM . Denonvilliers,
inspecteur-général des Écoles de médecine, ont droit à nos
plus sincères remerciements, car tous trois nous ont puis
samment servis.
Je remplis donc un devoir de conscience en adressant à
ces hauts fonctionnaires la bien vive expression de notre gra
titude; nous ne saurions oublier, mes collègues et moi, tout
ce que nous devons à leur active intervention.
Les démolitions nécessitées par la transformation, si in
telligemment faite, de l'Hôtel-Dieu avaient, trés-heureusement, dépossédé l'École de médecine de ce triste logement
où elle était placée, la ville étant alors fort embarrassée pour
nous trouver quelque part un refuge, M. le Sénateur, sur la
proposition de M. le Recteur de l’Académie, a bien voulu
permettre notre installation provisoire dans une propriété du
département, au vieux palais de justice. Nous sommes là de
puis un an, et nous n’y demeurerons que peu de temps en
core ; le nouveau local de l’École, que nous devons à la bien
veillance de l'administration des hospices, est entièrement
terminé et prêt à recevoir son ameublement.
Ce local, situé au rez-de-chaussée de l’aile sud-ouest de
LHôtel-Dieu restauré, se compose d’un grand amphithéâtre
pour les cours et les actes publics, d’un cabinet pour le Di
recteur, d’une salle de collections et d’une bibliothèque. Ces
diverses pièces, notamment l’amphithéâtre, ont de fort bon
nes dimensions. On peut y ajouter un vestiaire et une loge de
concierge. De plus, une partie du sous-sol est réservée pour
le laboratoire de pharmacie.
Nous acceptons avec reconnaissance de l’administration la
généreuse hospitalité qu’elle nous accorde, jusqu’au moment
où des circonstances plus propices permettront à la Mairie de
Marseille de nous concéder un local définitif, en parfaite har
monie avec l’importance de notre École.
Mais il appartient, dés maintenant, à la Municipalité de
compléter, par un aménagement convenable, l’œuvre si bien
veillante de l’administration des hôpitaux.
Notre digne Maire voudra bien, nous l’espérons fermement,
inaugurer son avènement à la tête des affaires communales
par la proposition au conseil municipal d'un vote de crédits
suffisants pour une bonne installation de l’École médicale de
Marseille.
La prompte réalisation de nos vœux trouve toutes les ga
ranties désirables dans les sympathies bien connues de l’hono
rable M. Bernex pour tout ce qui touche aux intérêts scien
tifiques et artistiques.
J ’ai la satisfaction d’annoncer le prochain établissement
d’une clinique d’accouchements au siège même de l’École, à
l’Hôtel-Dieu, par délibération de la commission des hospices,
du 29 octobre dernier.
L ’idée de cette création, dont 1 importance est capitale,
m’occupait depuis longtemps. Je l’ai poursuivie avec persé
vérance, pour en vaincre les difficultés, et jesuis très-heureux
�— 89 —
d’avoir pu y réussir. Si jai atteint le but, je le dois, j'ai hâte
de le dire, à l’excellent esprit d'une administration hospi
talière qui. tout en remplissant avec un soin scrupuleux ses
devoirs d’assistance envers les malades, ne perd jam ais de
vue les besoins de la science.
Le Directeur de l’École de Médecine, appelé depuis deux ans
à l'honneur d’être membre de cette administration, a pu juger
de près de ses dispositions constamment favorables pour
l’institution; il remercie bien cordialement ses collègues de ce
nouveau témoignage de sympathie.
Félicitons-nous, Messieurs, de l’événement que j ’ai l'hon
neur de vous signaler. C'est un nouveau gage de prospérité
pour notre École. L'instruction de nos élèves qui nous est
tant à cœur, y gagnera beaucoup, en effet, car, désormais,
pour l’une des principales branches des connaissances médi
cales que ces jeunes gens viennent acquérir chez nous, l’en
seignement pratique, confié à l’expérience de deux maîtres
habiles, sera tout à fait à la hauteur d’un bon cours théorique,
très-consciencieusement fait.
Je vais avoir l'honneur de faire l’appel des lauréats de
l’École, des étudiants qui, par leur bonne conduite scolaire,
ont été jugés dignes d’obtenir des prix ou des mentions.
Que ces modestes récompenses, qui pourtant laissent une
trace ineffaçable dans la vie du médecin et préludent souvent
à des succès plus décisifs, réchauffent le zélé de nos élèves,
excitent en eux l’amour du travail. Que ces jeunes gens ne se
bornent pas à suivre soigneusement les visites des cliniques et
à examiner, sous l’œil de leurs professeurs, les malades avec
toute l’attention qu’exige l’observation des faits intéressants.
Qu'ils soient aussi constamment assidus aux cours, dog-
inaliques ou pratiques, et qu’ils cherchent à en recueillir tout
le fruit possible. Ce moyen est des plus simples ; il s'agit
seulement de prendre des notes sur les points qui frappent
le plus l’attention, puis de rédiger sommairement chaque le
çon. L’étudiant vraiment désireux de s’instruire doit en agir
ainsi, et cela lui profitera sûrement.
Malheureusement beaucoup d’éléves, tout en fréquentant
exactement les cours, négligent de faire ce que je conseille en
ce moment. Il en résulte ce fait assez ordinaire qui paraît
étrange d’abord, mais qui s’explique fort bien, que des étu
diants d’une assiduité reconnue n’en subissent pas moins de
mauvais examens et échouent dans les concours.
Le remède, on le voit, est k coté du mal ; il n'y a qu’à
savoir ou plutôt qu’à vouloir s’appliquer.
Elèves en Médecine.
I re ANNÉE.
1er Prix : M. Poucel.
Ilmc Prix : M. Nicolas.
(Point de prix pour la deuxième année).
IIP110 ANNEE.
M. Dubreuil.
Exæquo pour un premier prix.
M. Monnereau.
Une mention honorable à M. Isoard.
Elèves en Pharmacie.
Un second prix est accordé à M. Boubée.
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AMNhi
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FA C U L T É S
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX,
DE LA F A C U L T É DES S C I E N C E S
1865-1866
E T DE L ’ÉCOLE P R É P A R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
IDE
M ARSEILLE.
AIX,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE, RUE D ITALIE,
1865.
9.
�AMNhi
SÉANCES DE RENTRÉE
DES FA C U L T É S
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX,
DE LA F A C U L T É DES S C I E N C E S
E T DE L ’ÉCOLE P R É P A R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
IDE
M ARSEILLE.
AIX,
PARDIGON, IMPRIMEUR DE L ACADÉMIE, RUE D ITALIE,
1865.
9.
�SÉANCE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX.
La s é a n c e p u b liq u e d e r e n tr é e d es F a c u lté s de
T héologie, d e D ro it et d es L e ttre s d ’A ix , a eu lieu le
15 n o v em b re 18G5, d a n s la s a lle d es a c te s de la F a c u lté
de D ro it, so u s la p ré s id e n c e de M. D e sc lo z e a u x , R ec
teur de l'A c a d é m ie .
Celte s o le n n ité s ’e st a c c o m p lie , a p rè s la m e sse du
S t.-E sp rit, au m ilie u d ’u n n o m b r e u x c o n c o u rs d e
p erso n n es n o ta b le s , p a rm i le sq u e lle s o n r e m a rq u a it
M. R ig au d , p r e m ie r p r é s id e n t d e la C o u r I m p é ria le ,
M. M erville, p r o c u r e u r g é n é r a l, M. L o c ré , s o u s-p ré fe t
de l’a rro n d is s e m e n t d ’A ix , M. le M aire d ’A ix e t MM.
les A d jo in ts.
M. le R e c te u r a y a n t d é c la ré la s é a n c e o u v e rte , a
�THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D’AIX
La s é a n c e p u b liq u e d e r e n tr é e d es F a c u lté s de
T héologie, d e D ro it et d es L e ttre s d ’A ix , a eu lieu le
I o n o v em b re 1865, d a n s la s a lle d es a c te s d e la F a c u lté
de D ro it, so u s la p ré s id e n c e d e M. D e sc lo z e a u x , R ec
teu r de l ’A cad ém ie.
Celle s o le n n ité s ’e st a c c o m p lie , a p rè s la m e sse du
S t.-E sp rit, au m ilie u d ’u n n o m b r e u x c o n c o u rs d e
p erso n n es n o ta b le s , p a rm i le sq u e lle s o n r e m a rq u a it
M. R ig au d , p r e m ie r p r é s id e n t d e la C o u r Im p é ria le ,
M. M erville, p r o c u r e u r g é n é r a l, M. L o c ré , s o u s -p ré fe t
�d o n n é la p aro le à M. C ab a n to u s, d o y e n d e la F ac u lté
de D ro it, qui a lu le ra p p o rt s u iv a n t :
M o nsieur
le
R ecteur,
Me s s i e u r s ,
Deux puissances d’ordre intellectuel et m oral, les Uni
versités et les Parlements, ont contribué, plus que les
mouvements populaires et les édits des souverains, à préparer
l’avènement de la nouvelle société française par la transfor
mation de l'ancienne. Il m ’a paru intéressant et utile de
rechercher, à travers les siècles, et de peindre à grands traits
les rapports mutuels de ces deux pouvoirs, unis ou divisés
selon les temps et les circonstances. Nul sujet ne saurait
mieux convenir à une solennité universitaire, dans une ville
justement fière d’avoir été le siège d ’un illustre Parlem ent.
Les Universités eurent en France une origine antérieure
à celle des Parlements. L’Université de Paris rem ontait à
1180 ; celle de Montpellier, à 1230 ; celle de Toulouse, à
1233. Les trois plus anciens Parlem ents, ceux de Paris,
Toulouse et Rouen, ne furent institués qu ’en \ 302.
Les Parlements, détachés de l'ancien conseil du Roi pour
former des corps distincts et sédentaires, ém anaient exclusi
vement de la puissance royale. Les Universités, issues des
écoles capitulaires et claustrales, étaient l’œ uvre commune
de l'Église et de l’État. Aux débuts de chacune d ’elles, on
retrouve invariablement, à plus ou moins de distance l’un
de l’autre, deux actes se complétant m utuellem ent: une bulle
du Pape et un cdit du Roi.
L Église, qui présidait au gouvernem ent des Universités,
avait aussi une large part d ’influence dans les Parlem ents,
au sein desquels siégeait un certain nom bre de conseillers
clercs, à côté des conseillers laïques.
Les deux institutions étaient la fidèle expression des ori
gines de l’ancienne société française, qui avait du au clergé
la conservation des sciences et des lettres pendant les tro u
bles de b invasion barbare, et qui n ’était parvenue à triom
pher de l’anarchie féodale que par les efforts réunis de la
royauté, des canonistes et des légistes.
L’époque la plus brillante des U niversités fut le 16e siècle.
Jamais, jusqu’alors, la France n ’avait été le théâtre d ’un
mouvement d’idées aussi général et aussi puissant. En même
temps que la réforme religieuse m ettait aux prises le prin
cipe d'autorité et l’esprit de libre examen, l'ém igration hel
lénique, à la suite de la chute de Constantinople, apportait,
avec les manuscrits grecs dont elle était dépositaire, les types
les plus purs de la renaissance littéraire. Sous l’influence
d’illustres exilés, la vieille scholastique apprenait à connaître
Platon, et à dégager Aristote des travestissem ents que lui
avaient fait subir les Arabes. Les chefs-d'œ uvre de l’antiquité
Grecque et Latine étaient partent explorés, commentés, pu
bliés et. traduits. A leur éclatante lum ière pâlissaient les
timides et grossières ébauches de l'art du moyen âge, mais
s’enflammaient aussi le zèle à im iter et l’espoir d ’égaler
d’incomparables modèles.
C’étaient les Universités qui formaient le foyer de ce vaste
et fécond embrasement. De leur sein s’élançaient les érudits,
ardents à propager les découvertes littéraires ; les docteurs,
empressés à raviver les controverses théologiques. A utour
�(le leurs chaires se pressait une jeunesse avide et enthousiaste,
qui se préparait, par les luttes passionnées de l’école, aux
redoutables agitations de la vie publique.
Au milieu de cette rénovation générale de toutes les bran
ches des connaissances humaines, inspirée, dirigée et conte
nue par les Universités, la jurisprudence s’éleva au premier
rang par la rapidité de ses progrès et par l'illustration de ses
adeptes. Les Universités françaises produisirent à la fois les
trois plus grands jurisconsultes des temps m odernes : Cujas
qui rendit aux textes du droit romain leur signification his
torique et leur majestueuse simplicité, si étrangem ent défi
gurées par les Glossateurs et les Bartolistes ; Doncau qui lit
un ensemble méthodique et rationnel des innom brables déci
sions éparses dans les Pandectes ; Dumoulin qui débrouilla le
chaosdes coutumes si diverses de l’ancienne France, en éclaira
les obscurités, et en concilia les contradictions.
Ce vif éclat des Universités, au 1G® siècle, s’effaça peu à
peu, au 17e, devant la gloire militaire de Louis XIV et les
splendeurs des fêtes de Versailles. Il s’éteignit entièrement,
au 18e, entre les brillantes orgies d ’une société destinée
à périr et les sombres lueurs de la révolution qui devait la
détruire.
Tandis que les Universités déclinaient, les Parlements
grandissaient en popularité et en influence. Ils avaient exercé
une puissante action sur l’esprit de la nation et sur la politi
que du gouvernement, soit pendant les troubles profonds de
la ligue, soit au milieu des agitations superficielles de la
fronde. Mais, à aucune époque, leur empire n ’avait été aussi
efficace, leur prestige aussi grand que durant le 18° siècle.
Humiliés et abaissés par le pouvoir autocratique de Louis
XIV, ils s’étaient soudainement relevés à sa m ort, et avaient
pris leur revanche de ses dédains en cassant et annulant ses
dernières volontés.
Soutenus par l’opinion, qui déjà commençait à régner en
souveraine; forts de l’absence de tout contrôle national ; se
posant hardiment en continuateurs et remplaçants des États
généraux qu’on avait perdu l’habitude de convoquer, ils
engagèrent contre la royauté une lutte systématique et pro
longée, où les dehors du respect déguisaient mal l’hostilité
la plus dangereuse. P a rle droit de rem ontrances, ils s’im
misçaient dans la politique et les finances. P ar les involutions
de la procédure, habilement maniées, iis entravaient le droit
d’évocation au conseil du Roi. Si, pour briser leur résis
tance à l’enregistrem ent des édits, un lit de justice était
convoqué, les décisions de cette assemblée, quelle que fût
leur autorité légale, n’avaient aucune portée morale, et tom
baient promptement dans un discrédit universel.
Enfin, le jour vint où poussée à bout et lasse d ’expédients
inutiles, la royauté risqua un coup d ’État judiciaire, et fit
descendre de leurs sièges ces orgueilleux parlem entaires qui,
depuis si longtemps, lui tenaient tête. Mais tel était leur
ascendant sur l’esprit public, tels lurent les regrets suscités
par leur déchéance, que le pouvoir même qui les avait exilés
fut obligé de les rappeler à l’exercice de leurs fondions, aux
applaudissements enthousiastes de toute la nation.
Ce fut là le plus beau et le plus complet, mais aussi le der
nier triomphe des Parlem ents.
Ils venaient de vaincre la royauté ; mais cette victoire leur
fut aussi fatale qu’à la monarchie elle-même. Ils avaient, sans
le vouloir et sans le savoir, dém esurément accru les forces do
�la révolution qui se préparait dans les esprits, avant de s'ac
complir dans les faits. Cette puissance nouvelle, qui aspirait
à créer une sérieuse représentation nationale et un efficace
contrôle financier, devait nécessairement entrer en lutte avec
les Parlements, qui avaient eu la prétention de rem plir ce
double rôle. Abandonnés par l’opinion, tardivem ent ralliés
à la royauté qu’ils avaient tant contribué à ébranler, ils furent
emportés dans le commun naufrage, laissant leur nom aux
assemblées politiques et l’héritage de leurs souvenirs aux
grandes compagnies judiciaires.
Les Universités eurent un sort analogue. Elles avaient fait
cause commune avec les Parlements durant les 10e et 17°
siècles. Au 18°, elles s’appuyèrent sur la royauté, tandis
que les Parlements la combattaient ; mais elles n ’avaient plus
d’autorité sur les esprits ni d’attrait pour la jeunesse. Tout
leur prestige était passé aux académies, dont les libres allures
et les discussions indépendantes convenaient mieux au nou
veau courant d’idées. Leur suppression officielle, dés le début
de la révolution , ne fut que le terme naturel d ’une longue et
progressive décadence. Plus heureuses, toutefois, que les
Parlements, elles ont donné leur nom et la plupart de leurs
caractères distinctifs à la grande institution qui, après la
tourmente révolutionnaire, a été élevée sur leurs ruines.
Les Parlements avaient été créés pour consolider l’an
cienne royauté, et en rendre l’action plus prom pte et plus
directe sur tous les points du territoire. Par leurs luttes avec
le Pouvoir dont ils émanaient, ils contribuèrent beaucoup à
en amener le renversement. Us se croyaient appelés à être
les organes naturels des vœux et des griefs de la nation. Par
la stérilité et la tumultueuse incohérence de leurs efforts dans
ce but, ils préparèrent leur propre ruine et hâtèrent l’avène
ment de la vraie représentation nationale.
Les Universités, dans l’intention de leurs fondateurs, de
vaient servir à cimenter l’union de l’Église et de l’État pour
la formation et la direction des éeoles. P ar l’immense ébran
lement qu’elles donnèrent aux esprits, par la m ultitude d ’idées
qu’elles propagèrent , elles devinrent un des principaux ins
truments de la sécularisation de l’enseignement.
Ainsi, Dieu se joue des volontés hum aines, et les fait con
courir, malgré elles-mêmes, à l’accomplissement de ses im
pénétrables desseins.
Aujourd’hui, la représentation nationale est complètement
distincte des grands corps judiciaires, d ’autant plus respectés
qu’ils se renferment dans le cercle de leurs attributions léga
les. La Religion, entourée de justes hommages et assurée
d’obtenir dans l’éducation de la jeunesse, la grande place qui
lui est due, s’associe aux efforts de l’Université impériale
pour le développement complet et régulier de l’intelligence
des générations nouvelles.
Le zèleà s’instruire est partout excité, en même temps que
se multiplient et se perfectionnent les moyens d ’instruction.
Un Ministre actif et habile provoque et soutient une féconde
émulation entre les écoles de tout ordre et de tout degré. Le
chef de l’État donne l’exemple des travaux littéraires et trouve
le temps, au milieu des immenses labeurs du pouvoir suprê
me, d’ajouter à sa couronne impériale le triple fleuron d ’écri
vain éloquent, d ’historien érudit et de profond publiciste.
Dans ce mouvement général où, sous une auguste im pul
sion, chacun cherche à s’élever par la culture de l’esprit, les
établissements d ’instruction supérieure ont à rem plir une
�belle et difficile mission. C'est à eux qu’il appartient de rendre
la science de plus eu plus accessible à tous, sans en abaisser
le niveau.
Parmi ces établissements, les Facultés de Droit occupent
une place considérable, par leur n om bre, par l'affluence
croissante de leurs élèves, par l’importance de leur enseigne
ment, par le mérite de leurs professeurs. Parm i les Facultés
de Droit, celle d’Aix se maintient au rang d'honneur qu’ellea
conquis depuis plusieurs années, et j ’aime à reporter sur
mes collègues la distinction flatteuse qui, en ma personne,
leur a été décernée à eux tous, autant qu’à m oi-m êm e.
Durant l’année scolaire 1864-1865, le nom bre de nos
étudiants s’est encore accru. Le chiffre total des inscriptions
s’est élevé à 1199, au lieu de 1042 et de 9 8 2 , pour chacune
des deux années précédentes. Le progrès a été rapide et
continu.
Le nombre des examens suit aussi une progression crois
sante. De 438, chiffre de l’année antérieure, il est monté à
487.
Ces 487 examens ont été distribués de la manière suivante
entre les quatre sessions annuelles : 79 en novembre ; 87 en
janvier ; 73 en avril ; 246 en juillet et août. 11 n ’y a eu, hors
session, que deux thèses de doctorat.
Voici quel a été, dans le nombre total, le contingent de
chaque nature d'épreuves : 10 examens de capacité ; 117
premiers de baccalauréat ; 92 deuxièmes de baccalauréat ;
84 premiers de licence ; 92 deuxièmes de licence ; 75 thèses
de licence ; 9 premiers examens de doctorat ; 5 deuxièmes
de doctorat ; 3 thèses de doctorat.
Ce tableau, comparé à celui de l’année précédente, fait
ressortir une augm entation proportionnelle pour chaque
nature d'épreuves. La proportion e s t , toutefois, dépassée
pour les examens de capacité dont, le nombre s’est élevé de 4
à 10, et pour les épreuves de doctorat, qui sont montées de
10 à 17. Ce dernier résultat est très-satisfaisant, et il y a
lieu d'espérer que les aspirants au doctorat deviendront pro
portionnellement aussi nom breux à Aix que dans les autres
Facultés de Droit de l'Em pire. Je suis heureux de constater
que mes regrets exprimés l’an passé, au sujet de l’infériorité
relative de notre Faculté sous ce rapport, ont déjà produit un
mouvement favorable et réveillé le zèle de nos étudiants.
Les 487 examens ont donné lieu à 432 admissions et 55
ajournements. L ’année précédente, il y avait eu 392 adm is
sions et 46 ajournem ents. La proportion est à peu près la
même pour chacune des deux années. C’est environ un ajour
nement sur 8 examens.
Le nombre des admissions avec éloge a été de 27. Il
n’avait été que de 13 l’année précédente.
Les autres admissions ont eu lieu de la manière suivante:
47 avec majorité de boules blanches ; 2 3 7 avec égalité ou
minorité de boules blanches, ou avec totalité de boules rou
ges ; 121 avec une boule noire. Ces proportions se repro
duisent chaque année, sauf de légères différences.
Le nombre proportionnel des ajournem ents a été le même
pour toutes les catégories d ’épreuves, sauf pour celles de
doctorat, où il s’est élevé à 1 sur 4, au lieu d ’être seulement
de 1 sur 8. Nouvelle preuve de la juste et persévérante sévé
rité qu’apporte la Faculté, pour la collation du plus haut
grade dont elle dispose.
Je ne veux pas term iner ce rapide exposé sans m entionner,
�avec l’éloge qui leur est dû, les noms des deux licenciés qui
ont obtenu l’unanimité de boules blanches dans toute la série
de leurs épreuves scolaires. C'est d ’abord M. de Blarem berg,
ancien avocat général à la Cour de Cassation de Bucharest,
qui a désiré recevoir le grade de licencié en droit de T Uni
versité française, et qui, en quelques mois, a subi tous ses
examens avec un succès complet, faisant preuve d ’une con
naissance approfondie de nos lois et de notre langue.
C’est ensuite M. Baret, qui porte un nom cher à l’École,
et qui s’est montré digne de son nom en obtenant l’éloge dans
chacune de ses épreuves. Ce beau succès honore celui qui l’a
mérité, et fait pour la Faculté un sujet de juste orgueil, parce
qu elle a contribué à le préparer par son enseignement et par
ses conseils.
Les cours delà Faculté de Droit ont eu lieu, durant l’année
scolaire qui vient de finir, avec la plus parfaite régularité.
Chaque professeur a rivalisé de travail et de zélé, pour donner
à ses leçons les caractères d ’exactitude théorique et d’utilité
pratique, que nos auditeurs ont droit d ’attendre de nous. De
leur côté, les étudiants ont généralement m ontré plus d as
siduité que l’année précédente. Les conseils que je leur adres
sais publiquement à cet effet, il y a un an, n ’ont pas été
stériles. S ’ils persistent dans leurs bonnes résolutions, ils en
recueilleront prochainement les fruits dans les examens
qu’ils auront moins de peine à préparer, et plus de facilité à
subir avec succès.
R a p p o r t d e I I . l e D o y e n (le l a F a c u l t é
d e T h é o l o g ie .
Me s s ie u r s ,
L’année dernière, en vous faisant part des travaux de la
Faculté de Théologie et des grades q u ’elle avait conférés, je
formulais un vœu, j ’exprimais une espérance ; je faisais un
appel au jeune clergé, pour q u ’il se préparât, par des études
sérieuses, aux épreuves q u ’exigent les grades théologiques.
Cet appel, Messieurs, n ’a pas été entièrem ent stérile, et ces
vœux se sont déjà, en partie, réalisés. Pendant le cours de
l’année scolaire qui vient de s’écouler, six candidats se sont
présentés aux épreuves. L ’un d ’e u x , M. l’abbé Camoin,
professeur au collège de Grasse, a subi les épreuves pour la
licence, les cinq autres se présentaient pour le doctorat. C’é
tait : M. l’abbé B ernard, aum ônier de l’école normale d ’Àix,
M. l’abbé Ricard, chanoine de Carcassonne et de Marseille,
M. l’abbé Renoux, vicaire de Puymoisson, du diocèse de
Digne, M. Saurai, curé de Barjac, au diocèse de Pam iers,
puis, enfin, M. Dandaille, vicaire de l’une des paroisses de
riutre ville.
Les examens et les thèses portaient sur les différentes
branches de'la science sacrée, les sujets de thèse, en parti
culier, étaient pris dans ces doctrines, et ce courant d ’idées,
qui caractérisent notre époque, comme, par exemple, l’unité
�de l'espèce humaine, la question du surnaturel, l'unité de foi
et de gouvernement dans l'Église, etc. ; chacune de ces thèses
était précédée de deux examens. C'est vous dire, M essieurs,
que ces épreuves étaient sérieuses, et qu’il n ’était perm is de
les aborder qu'à ceux qui s’étaient préalablement livrés à de
longues et patientes études.
Je n’entrerai pas dans une appréciation détaillée du mérite
des diverses épreuves subies par nos candidats, et de la va
leur de chacune de leurs thèses écrites. Je dirai seulement
que les examens et les thèses ont répondu à l’attente de la
faculté, et ont mérité de sa part, toutefois à des degrés divers,
les palmes théologiques qu’elle leur a décernées. Sous ces
différents rapports, nous pouvons donc dire que l’année a
été bonne pour la Faculté de Théologie.
Il est bien vrai, Messieurs, que les lauréats que nous
avons couronnés, ne forment que le petit nombre parm i les
membres du jeune clergé qui pourraient aspirer aux grades
théologiques, mais si cependant on veut se rendre compte de
la position qui est faite à celte partie du clergé de France,
on conviendra avec nous que ce petit nombre a encore sa
signification et sa valeur.
Contrairement d’abord à ce qui a lieu au dehors, et à ce
qui s’est toujours fait dans notre patr:e jusqu'à la fin du siècle
dernier, les grades théologiques ne sont plus obligatoires
pour l’exercice des fonctions ecclésiastiques, et dés lors, a u
cun privilège ne leur étant attaché, l'am our seul de la science
peut déterminer un jeune candidat à se présenter aux épreu
ves sérieuses qu’il aura à subir. C’est, qu'en effet, pour en
sortir avec succès, il est indispensable pour lui de se livrer à
des études approfondies sur les différentes branches de l’en
seignement ecclésiastique, de p arcourir, en un mot, le champ
immense de la science sacrée. Ce candidat, il est vrai, avait
préludé par une éducation prem ière à ces travaux de l’intel
ligence ; mais, ces études théologiques devaient nécessaire
ment être restreintes ; elles devaient se borner à ce qu’il est
indispensable de savoir pour l’exercice des fonctions sacrées
et les emplois du ministère pastoral; c’était selon l'expression
d’un savant prélat , M onseigneur l'archevêque de Paris, l’en
seignement ecclésiastique au prem ier degré ( 1), enseignement
bien nécessaire sans aucun doute, et que l’on doit considérer
comme une base essentielle pour le vrai savoir, mais qui ne
saurait dispenser d ’un enseignement supérieur, quand il
s’agit de ceux que l’Église appelle, d ’une m anière spéciale, à
la défense de ses doctrines et de ses droits; car, il ne faut pas
seulement à l’Église des m inistres dévoués dont la vie tout
entière soit consacrée à des fonctions aussi honorables que
laborieuses, il lui faut encore, surtout dans les circonstances
où elle se trouve, des m inistres habiles qu'elle puisse opposer
avec succès aux ennemis de sa doctrine, des esprits, par
conséquent, qui aient été formés par de fortes études et
une haute culture intellectuelle à toutes les luttes de la pen
sée, initiés enfin à tous les secrets de la science.
Je dis à tous les secrets de la science, car aujourd’hui plus
que jamais, l’apologiste chrétien doit se placer sur le terrain
même des adversaires dont il a à com battre les erreurs, et il
ne remplirait q u ’im parfaitement sa mission, s'il n ’élargissait
le cercle de ses connaissances, et si, se bornant à la science
théologique, il restait entièrem ent-étranger à celles des scien(1) Allocution du 7 décembre 1863.
�—
16
—
ces humaines qui ont des rapports plus directs avec les doc
trines religieuses. Non, il n'est pas un bon esprit qui ne
reconnaisse que le Christianisme, qui exerce une action si
grande sur les cœurs par sa charité, son dévouement et ses
œ uvres, ne soit appelé à exercer une action plus grande
encore sur les esprits, par la manifestation de la vérité.
Mais quels sont les moyens qui pourraient nous perm ettre
d’obtenir ces heureux résultats ? Nous avons dans chaque
diocèse des écoles ecclésiastiques dont le but est de former
l’esprit de la jeunesse cléricale à ce degré de savoir que récla
me le ministère pastoral, et surtout de form er les cœ urs à la
vertu et à la piété. L ’enseignement que l’on y reçoit, suffi
sant pour le plus grand nombre des élèves, rem plit parfaite
ment le but qu’on se propose d ’atteindre, et on doit même
rendre à ces établissements ce témoignage que jam ais l’édu
cation des élèves du sanctuaire n ’y a été aussi florissante et
aussi bien dirigée. En un mot, nos sém inaires, œ uvre de
l’épiscopat, réalisation parfaite des décrets du Concile de
Trente, se montrent de plusen plus dignes de la haute confi
ance que leur accordent nos premiers pasteurs.
Mais, si l’enseignement de nos écoles ecclésiastiques répond
entièrement aux besoins ordinaires de l’Église, peut-on dire
qu’il n ’y a plus rien à désirer pour ceux qui seraient spécia
lement chargés de combattre les erreurs dominantes et d ’éta
blir la vérité des doctrines catholiques ? Non, sans doute ;
à ceux-là il leur faut instruction plus complète et, par consé
quent, des moyens d ’études plus assortis à la noble mission
qu'ils auront à remplir.
Et cela seul ne suffirait-il pas pour nous m ontrer combien
seraient nécessaires, en dehors de l’enseignement ordinaire,
ces grands centres d ’études où de jeunes ecclésiastiques, avi
des de connaissances supérieures, viendraient puiser, comme
à des sources fécondes, les trésors de la science. Ces grandes
écoles ecclésiastiques, notre France les possédait, elles fai
saient sa gloire , les nations étrangères nous les enviaient, et
c’était, pour elles, un besoin d ’envoyer à ces écoles ces géné
rations d’étudiants q u ’animait l’am our de la science.
Ces belles et fortes institutions, M essieurs, nous les voyons
déjà revivre et fleurir même dans plusieurs contrées voisines.
Serait-il dit que l’Église de France qui a toujours marché à
la tète du mouvement scientifique pour le diriger et le conte
nir, ne reverra plus ces beaux jours où elle exerçait un si
grand empire et une si salutaire influence ? Q u’il nous soit
permis d’espérer qu'il n ’en sera pas ainsi. Tout le monde
comprend aujourd'hui le besoin des hautes études pour le
clergé; et nos évêques dans leurs derniers Conciles provin
ciaux, ont exprimé le vœu de voir reporter les études ecclé
siastiques à la hauteur d ’où des époques malheureuses les
ont fait descendre. Oui, nous pouvons espérer que dans un
avenir peu éloigné, de grandes institutions ecclésiastiques
seront rendues, sous une forme ou sous une autre, à l'Église
de France. Il ne m ’appartient pas d ’entrer ici dans les mo
yens pratiques qui peuvent conduire à ce grand résultat,
mais ne nous sera-t-il pas perm is de dire q u ’une satisfaction
convenable serait déjà donnée à ce besoin généralement senti,
si nos Facultés recevaient une existence canonique, si le chef
suprême de l'Église, en laissant tom ber sur elles cette béné
diction si ardem m ent désirée, daignait les revêtir de cette
autorité sacrée qui com munique la vie à tout ce qu’elle tou
che, puis leur rendre ces privilèges anciens que nos grandes
.
2
�écoles ecclésiastiques se glorifiaient de tenir de la munificence
des Pontifes Romains.
Il y a peu d’années, nous étions sur le point de voir se
réaliser de si douces espérances, nous en avions pour garant
d’augustes paroles : « La rénovation des facultés de théolo« gie, disait le Prince-président, dans son message à l’as« semblée nationale du 6 juin 18 19, a également excité les
« préoccupations du Gouvernement ; une commission a éla« boré un projet sur cette délicate question qui touche aux
« intérêts les plus élevés de la religion, et, à ce titre, ne peut
« être utilement résolue sans la participation du pouvoir
« spirituel. »
Vous le voyez, Messieurs, ce noble langage ne fait qu’ex
primer ce que nous avancions nous-m êm es il n'y a qu ’un ins
tant, le besoin d'un enseignement théologique supérieur, et
la nécessité de donner pour base à cet enseignement l’auto
rité du pouvoir spirituel.
Nous sera-t-il permis d’ajouter ici qu'il serait digne d'un
Ministre qui déploie une activité si grande pour tout ce qui
se rattache à Linstruction de la jeunesse, et dont 1 intérêt
pour nos Facultés nous est connu, de donner suite, aussitôt
que les circonstances le perm ettront, à des tentatives dont
nous étions sur le point de voir le succès. Certes, il mériterait
autant de la religion que de la science, s'il obtenait du SaintSiège, pour le haut enseignement théologique, cette consé
cration et ce couronnement, et il assurerait p a rla à cet ensei
gnement un avenir qui ne serait pas sans avantages et sans
gloire.
Quoiqu’il en soit, tout nous porte à croire, M essieurs, que
les vœux que nous formulions il y a quelques instants, seront
entendus, et que, dans un temps peu éloigné, notre Patrie
sera dotée de ces grandes institutions, de ces écoles aux for
tes études qui nous rappelleront celles où l’on accourait
autrefois de toute part, comme à l’asile de la science, et
qu’on verra se renouer cette chaîne de docteurs dont les
lumières faisaient l’adm iration du monde entier. Car, c’est
un témoignage qu’on doit rendre à l’Église de France, que
jamais elle n’a séparé le savoir de la sainteté. Cette union elle
en a toujours proclamé la nécessité et dans ses Conciles et
par la bouche de ses Pontifes. Elle a fait plus encore, car
c’est à elle que nous devons la fondation de plusieurs de ces
écoles savantes que les Pontifes Romains se plaisaient à com
bler des privilèges les plus précieux. Oui, partout et toujours,
à quelque nation qu’ils appartinssent, les grands Évêques de
l’Église catholique ont voulu que leur clergé ne se distinguât
pas moins par la science que par la vertu. Et pour n’en citer
qu’un seul exemple em prunté aux siècles derniers, n 'a-t-o n
pas vu l’une des plus grandes figures du 16° siècle, l'honneur
de l’Église comme de la pourpre ro m ain e, Saint Charles
Borromée, proclamer dans ses Conciles et appuyer par son
exemple, cette vérité, que le M inistre sacré, avant de se pré
senter devant les peuples, doit se revêtir de ce double carac
tère, s’il veut assurer les succès de sa sainte mission? et pour
montrer à son clergé l'im portance qu'il attachait aux sciences
ecclésiastiques, ce grand prélat voulait déposer lui-m êm e le
bonnet de docteur sur la tète de ceux d’entre eux qui, par
leur science , s ’étaient rendus dignes d’occuper les positions
les plus élevées de son vaste diocèse de Milan.
Je parlais, Messieurs, il n ’y a q u ’un instant du bienveillant
intérêt de M. le Ministre de 1 Instruction publique pour nos
�Facultés. C’est qu'en effet, une circonstance particulière et
fort honorable pour n o u s, m ’autorisait à tenir ce lan
gage.
Un ouvrage d'une haute importance m anquait essentielle
ment à notre bibliothèque. Nommer les Acta sanctorum,
c’est dire tout le prix que nous devions y attacher ; la de
mande en avait été faite, il y a quelques années, au ministère
de l’instruction publique : cette demande était restée sans
résultats, mais cette année-même, un de nos collègues ayant
eu l'occasion d’exprimer à M. le M inistre nos désirs et nos
espérances, reçut à l’instant-raême de S. Exc. la promesse la
plus gracieuse à ce sujet; peu de jours après, on annonçait
du ministère au Doyen de la Faculté, que le savant ouvrage
des Bollandistes était mis à sa disposition. Que S. Exc. nous
permette de lui offrir ici nos remercîments et l'homm age de
notre profonde reconnaissance.
Un mot seulement, Messieurs, sur les différents sujets
qui ont été traités par MM. les professeurs pendant le cours
de cette année.
M. le professeur de Théologie dogmatique a traite du dog
me eucharistique. lien a montré les fondements dans l’Écri
ture et la tradition de tous les siècles, puis, il a fait ressortir
les harmonies de ce mystère avec les instincts et les senti
ments les plus intimes du cœur de l’homme.
M. le professeur de Théologie morale a traité des princi
paux moyens qui mettent l’homme en contact avec Dieu, avec
la grâce Divine, des sacrements en général. Après en avoir
démontré l’origine sacrée, il en a donné la vraie notion, et il
a fait voir combien ils répondent à la nature de l'hom m e, et
par eux-mêmes, et par les merveilleux effets qu’ils produisent.
Enfin, il a montré la haute raison du symbolisme qui accom
pagne leur adm inistration.
M. le professeur d ’Écriture Sainte a continué son commen
taire sur l’œuvre des six jours de la création, et, en parti
culier, sur le cinquième, période qui est celle de la prem ière
apparition de la vie sur notre globe.
M. le professeur d ’Histoire et de discipline écclésiastiquc
a continué, pour le cours d ’Iïistoire, l’exposition et la justi
fication des origines bibliques, puis, pour le cours de disci
pline, il a développé les vicissitudes de la concordance du
Sacerdoce et de l’Em pire.
M. le professeur de Langue hébraïque, conformément au
programme qu'il s’était tracé, a continué ses travaux sur le
livre de l’Exode et a commencé celui des Psaumes.
Je regrette de ne pas avoir à rendre compte ici du cours
(l’Éloquence sacrée ; mais, espérons que dans un avenir peu
éloigné S. Exc. M. le M inistre de l'Instruction publique nous
mettra dans le cas de pouvoir parler d ’un cours si im portant.
En attendant ce m om ent désiré, nous continuerons nos
cours a\rec le zèle que nous n ’avons cessé d ’y apporter. E n
couragés par l’intérêt tout spécial dont notre prem ier pasteur
honore la Faculté de Théologie, et placés sous cette autorité
paternelle dont la bienveillance nous est connue, nous som
mes autorisés à croire que nous pouvons faire quelque bien
dans les fonctions qui nous sont confiées. Et déjà on pourra
dire que notre enseignement a porté des fruits, si nous par
venons à faire bien com prendre à la jeunesse qui nous écoute,
que les travaux de l’intelligence, s’ils ont des difficultés et des
épines, offrent aussi de nobles com pensations, et, qu’en
dehors môme des immenses avantages attachés à l’étude ap -
�L'année qui vient de s'écouler a été pour la Faculté des
Lettres d'Aix peu variée, peu fertile en événements qui mé
ritent d'être signalés à votre attention. Point de changement
dans le personnel, point d’interruption ni d'innovation dans
les divers services, aucun succès éclatant dont nous puissions
nous féliciter, mais aussi rien de fâcheux dont nous ayons à
nous plaindre. Les choses ont suivi leur train ordinaire,
régulièrement, sans secousse et sans bruit, sans écart ni
défaillance.
Mais l’avenir, un prochain avenir, apportera à notre exis
tence, aujourd'hui uniforme, une modification importante.
Le bâtiment que nous occupons menaçait ruine depuis plu
sieurs années. Il va être, non pas comme nous l’avons craint
un moment, changé pour un autre pire encore à. quelques
égards, mais consolidé, restauré et embelli conformément à
nos vœux bien des fois exprimés ; en sorte que la Faculté des
Lettres n’aura presque plus rien à envier à la F: culte de D roit,
son ainée et sa voisine à l'avenir comme p arle passé. C’est
par l’explosion de notre reconnaissance que devait commen
cer ce rapport, c’est par un sincère hommage rendu à la sol
licitude d'une adm inistration municipale aussi bienveillante
qu'éclairée et non moins attentive aux intérêts intellectuels et
moraux du pays que préoccupée de son bien-être et de ses
moyens de prospérité matérielle. Quoique les travaux soient
encore peu avancés, nous avions hâte et il nous est doux de
témoigner d’abord publiquement notre satisfaction : nos ré
clamations enfin n’auront pas été vaines ; elles ne devaient
pas l’être, car, à parler proprem ent et sans exagération, il
y avait péril en la demeure.
Les cours faits à Marseille par notre Faculté, vous le savez,
Messieurs, ne tom bent plus sous mon appréciation. Depuis
que ma santé ne me perm et plus d’y prendre part, je n ’ai de
ce qui les regarde qu’une connaissance indirecte et vague.
Quant à ceux d ’Aix, ils se sont faits l'année dernière comme
de coutume, devant un auditoire choisi et plus ou moins
nombreux pour chaque chaire, suivant la nature des matières
qui y sont enseignées, suivant les saisons et diverses autres
circonstances. Après des vicissitudes qu'il est inutile de rap
peler, chaque cours a atteint un chiffre d’auditeurs à peu
près invariable, et ce chiffre est naturellem ent en rapportavec
celui de la population de la ville et avec l’ancienneté de notre
établissement. C’est dire assez qu’il est modeste. 11 l’est de
venu surtout dans l'année dont je rends compte par la déser
tion toujours croissante des étudiants en droit, retenus autre
fois par la crainte des punitions, mais désormais laissés libres
de venir ou de ne venir pas nous entendre. Franchem ent,
l’expérience n’a point été heureuse. Lorsque nos cours étaient
�obligatoires Je fait comme eu principe, nous obtenions une
certaine assiduité ; du moment qu'ils sont devenus en réalité
facultatifs, les étudiants ont disparu. Q u’on ne se le dissimule
pas, les étudiants ont vraiment peu de goûtpour ce qui est fa
cultatif en fait d’études ; témoin encore les conférences qui leur
sont offertes dans l’intérieur de l'École et dont ils pourraient
retirer tant de profit s ils étaient assez raisonnables pour les sui
vre. Oui, certes, la libertéest une belle et sainte chose; maisnon
pas pour tout le monde sans exception, mais non pas absolum ent,
sans mesure, sans conditions, et sous tous les rapports. La
liberté, il faut bien en convenir, est quelque chose d’inutile
ou de dangereux, si elle n ’a pour compagne et pour guide la
raison, laquelle, on le sait, n ’est et ne peut être que le fruit
des années et de l’expérience. C’est faute de cette condition
qu'on a vu dernièrement, en Belgique, aboutir à une affreuse
confusion un congrès d’étudiants qui, sous prétexte de traiter
des questions d'enseignement, ne se proposaient rien moins
que de réformer et de diriger l’esprit public sur toutes choses,
sciences, arts, morale, religion, politique. Du reste, il n’cst
personne qui n'eût pressenti ce résultat, même parmi les
coryphées du parti, et c’est pourquoi ils avaient cherché avec
tant de soin, non pas à écarter, comme on leur en avait
donné le singulier conseil, mais à s’associer quelques têtes
grises, des hommes mûris par lage et d ’une raison con
sommée.
Pour la collation des grades, tout s’est passé comme les
années immédiatement précédentes. Point de docteur, quel
ques licenciés, beaucoup de bacheliers, des bacheliers de plus
en plus, sans qu’on puisse assigner de term e à cette augmen
tation, à cette sorte de débordem ent ; voilà le résultat net de
nos examens.
Point de docteur ; partant rien à dire sur cet article.
Deux sessions pour la licence ont été tenues, comme le
veut le règlement, au commencement et à la fin de l’année
scholaire, l’une en novembre 18G4, l'autre en juillet 1865.
A la première se sont présentés six candidats, dont deux ont
été reçus définitivement, savoir : M. Igier, alors régent desecondeaucollégede D igne,etM .Jaubert,m aître-répétiteur chargédelaclassede huitièm e au lycée de Tournon. Celui-ci, àladifférence de celui-là, avait étéajo u rn éà un précédent concours.
A l i session de juillet, les épreuves ont été subies par sept
candidats. Trois sont parvenus à rem porter le diplôme :
d'une part, M. Chanal, aspirant-répétiteur au lycée de Nice,
qui se présentait pour la prem ière fois ; et, de l’autre, M.
Berlie, régent au collège d’Aix, etM . Coste, étudiant en
droit, lesquels ne s’étaient laissés décourager ni l’un ni l’au
tre par deux précédents échecs. On ne saurait trop louer,
principalement dans le jeune M. Coste, cette ardeur obstinée
et celte rare persévérance avec lesquelles, aujourd’hui comme
au temps de Virgile, on arrive à tout.
Labor omnia vincit
Improbus.
Le baccalauréat n ’a pas cessé d ’attirer la foule. A vraidire,
il n’a jamais été si recherché, du moins dans notre ressort.
De 485 le nombre des candidats s’est élevé dans le précédent
exercice à 526 ; ce qui donne d'une année à l’autre une aug
mentation de plus de 40. Ce n ’est pas que nous soyons deve
nus plus indulgents dans le jugement des épreuves. Non ;
�ce qui le prouve, c’est que notre moyenne d ’admission est
restée la même, 43 pour cent. De leur côté, les candidats se
sont-ils montrés plus forts ou plus faibles que de coutume ?
C'est ce qu'il serait difficile de décider. Toutefois il est permis
de dire à leur avantage que les réceptions avec mentions ho
norables n’ont jamais été si nombreuses. Ainsi, par exemple,
le très-bien n'avait été obtenu l'année d’avant que par trois
des candidats déclarés aptes au grade ; il a été accordé à six
l’année dernière. Distinction encore assez rare pour que je
puisse espérer de n’être pas trop indiscret en faisant à ceux
qui l'ont méritée l’honneur de proclamer leurs noms devant
vous. Ce sont MM. :
L’abbé Mingasson, de Cheniers (Creuse), professeur
au petit-séminaire de Bourges.
Gautier (Joseph), de Villedieu (Vaucluse).
Paoli (François-Xavier), de Fozzano (Corse).
Belgodere (André-Antoine),de Calvi.
Bligny-Bondurand (Alexis-Edouard), d ’Alger.
Déglise (Marie-Joseph-Ange), d ’Alger.
Et puisquej ai pris la liberté, Messieurs, de vous signaler
nos héros, laissez-moi vous en présenter un autre, qui n ’est
que du second ordre, car il n’a été reçu qu’avec la mention
bien, mais qui est digne néanmoins de toutes vos sympathies.
Jugez-en.
Vous avez pu remarquer que deux de nos six candidats
reçus de la manière la plus distinguée sont algériens de nais
sance. Alger, ce pays d'avenir, auquel l’Em pereur vient de
donner des marques si particulières de sollicitude, auquel se
rattachent tant d’espérances, et qui nous est si cher parce
qu'il nous a tant coûté, Alger commence à prendre dans l'ins
truction un rang éminent. Au dernier concours académique
ce sont deux élèves appartenant au lycée d ’Alger qui ont rem
porté, en réthorique, le prem ier prix de discours latin, et en
philosophie, le deuxième prix de dissertation française. Eh
bien, Alger a fait plus ; il a produit, en ce même genre, un
véritable phénomène.
Il y avait dans cette ville une jeune fille d ’une vingtaine
d’années, originaire d ’un de nos départem ents du nord, déjà
pourvue du brevet supérieur de capacité, mais à qui la pro
fession d’institutrice parut ce qu’elle est en effet, aussi in
grate que pénible. Tournant ses vues d ’un autre côté, elle se
livra aux études nécessaires pour arriver à obtenir le diplôme
de sage-femme. Mais bientôt la perspective s’étendit devant
elle, et l’idée lui vint d’aspirer au doctorat en médecine ;
projet fécond et d’une grande portée, car, en fait de méde
cins, il n’y a que des femmes qui puissent jamais pénétrer
dans les familles et auprès des femmes musulm anes. Une
situation nouvelle demande évidemment dans les institutions
quelque chose de nouveau et d’inusité jusque là.
Mlle Rengguer (tel est le nom de la laborieuse jeune fille),
a eu le courage de son ambi i ion. On n’est pas admis à étudier
en médecine sans être bachelier ès-lettres. Mais pour être
bachelier ès-lettres il faut apprendre le latin et le grec. Elle
se mit à apprendre le latin et le grec. Et combien de temps y
employa-t-elle, tout en préparant l’examen pour le diplôme de
sage-femme? Écoutez ceci pour votre instruction, ô candi
dats de formation lente, qui profitez si peu ou si mal des
longues années que vous passez sur les bancs au milieu de
toutes les ressourcesdel’enseignement soigneusement accom-
�modées à vos besoins. Elle y employa deux années. C'est au
bout de ce temps qu'elle est venue se présenter devant nous,
non pas avec cette timidité fondée en raison et de mauvais
augure, qu’on a la naïveté de nous alléguer comme un titre à
l’indulgence , mais avec cette légitime assurance qui n ’exclut
pas absolument la modestie et qui annonce une conscience en
règle. Vous l’eussiez vue manier le dictionnaire latin avec la
même aisance qu’elle aurait fait l’aiguille et qu’elle fera un
jour la lancette. Vous l'eussiez entendue expliquer Démosthènes d'une manière qui aurait édifié Mme Dacier et réjoui
le coeur de Mm<? de Staël.
Bref, le résultat a répondu à la générosité de l’effort. L ’as
pirante a été jugée digne du diplôme de bachelier, non pas,
comme il n’arriveque trop souvent, à peu près sans difficulté,
mais sans la moindre difficulté, avec surabondance de mérite,
la mention bien en fait foi. Maintenant la carrière est ouverte;
le premier pas, le moins facile, est fait ; le but, hautem ent
approuvé, je le sais, ne demande plus qu’à être poursuivi
pour être atteint. Il le sera, parce que celle qui se l’est pro
posé trouvera, nous l’espérons, nous le désirons vivement,
tous les encouragements et toutes les facilités que mérite son
entreprise, et parce que, pour sa part, elle joint à un vrai
talent une volonté ferme, deux conditions de succès im man-
La réunion annuelle des Facultés est toujours une occa
sion heureuse, qui met en présence des hommes, tous dévoués
au bien public, s’intéressant très-sérieusem ent, dés lors, au
succès de la jeunesse ; et qui appelle la plus sincère manifes
tation delà vérité sur ce qui importe tant au pays !
La Faculté de Droit m ’a imposé l'honneur de vous y faire
connaître les résultats du dernier concours ouvert entre les
étudiants et d ’y proclam er les noms des vainqueurs.
Bien des années se sont écoulées depuis le jour où fut,
pour la première fois, inaugurée cette fête du travail ; et des
communications périodiques, vous ouvrant, pour ainsi dire,
l’intérieur de l'École, vous ont perm is d ’apprécier, à la fois,
les améliorations réalisées dans son enseignement et les pro
grès de ses élèves.
11 serait donc superflu d’insister sur la sagesse d une ins
titution dont l’expérience, bien mieux que les apologies de
ses défenseurs, a, depuis longtemps, dém ontré les avantages.
Vous savez à quelles épreuves différentes sont soumis les
aspirants au doctorat et les élèves des autres années. — Aux
premiers, nous demandons le fruit de longues méditations,
de patientes recherches ; — aux seconds, le travail de quel-
�31
ques instants : il faut que chaque dissertation, sur un sujet
tiré au sort, soit immédiatement écrite dans l'espace de six
heures, sous la surveillance d’un professeur, sans autre se
cours que le corps du droit romain et le texte de nos Codes.
— Est-ce à dire que nous attachons moins de prix à ces
productions en quelque sorte im provisées? — Non, Mes
sieurs, et pour obtenir nos suffrages, ces œuvres si rapide
ment élaborées, n'en doivent pas moins porter l'empreinte
de fortes et persévérantes études.
En première année, où il faut un sujet dont la facilité
n'effraie pas une science au berceau, dont la d iffîcul té permette
d’apprécier le fruit retiré des leçons du professeur, les élèves
ont eu à exposer les droits de l’usufruitier. — C'est une des
rares matières qui les met en demeure de justifier, dans une
même composition, de leurs connaissances en droit romain
et en droit français.
Quatre compositions ont assez bien rempli les conditions
du programme.
La Faculté a placé au premier rang la plus complète, qui
contient même quelques détails inutiles et n’est pas tout-àfait exempte d'erreurs. Mais la richesse des développements
et leur exactitude ordinaire lui ont valu le prem ier prix. —
Elle est l’œuvre de M. Grimanelli Péricles, de Marseille.
Le deuxième prix a été donné à la composition de M.
Granet Alphonse, de St-Nazaire(Var).
C’est une analyse bien raisonnée des principes, avec des
conséquences justement déduites ; mais moins abondante que
le précédent travail, et généralement moins exacte.
Dans les compositions de MM. Coirard Paul, d ’Alais, et
Coste Jules, de Marseille, on trouve un peu moins des mêmes
qualités, un peu plus des mêmes défauts. La Faculté leur
décerne une mention honorable.
La prem ière à M. Coirard.
La deuxième à M. Coste.
En deuxième année, l’objet du concours était : « Com« ment s’opère la réduction des libéralités entre-vifs et tes—
« tamentaires, dans les limites de la quotité disponible, et
« quels en sont les effets. » — Le résultat a pleinement sa
tisfait la Faculté. — Tous les concurrents, malgré ladifliculté
du sujet, ont fourni des Mémoires d'une valeur réelle, et ont,
bien qu\à des degrés divers, fait preuve d ’intelligence et
d’instruction.
Le premier prix a été rem porté par M. Gautier Alfred,
d’Aix.
Le deuxième, par M. Bernard H enri, d’Aix, qui a, moins
bien que son heureux rival, compris et p ar cela même traité
la question proposée. — Après avoir occupé le prem ier rang
au précédent concours, M. Bernard descend au second, mais
sans déchoir ; il en retirera cet utile enseignement, qu’il est
moins aisé de conserver q u ed ’acquérir ; et qu’on n ’a rien fait,
tant qu'il reste quelque chose à faire.
M. Tassy Félix, de Marseille, vient en troisième ligne ; il
a le mérite de l'ordre et de la clarté dans les idées ; ses solu
tions sont généralement exactes, mais il ne les a pas toujours
très-bien motivées ; et pressé sans doute par le temps, il n 'a
pas consacré assez de développements à la seconde partie de
sa dissertation, où il parle des effets de la réduction.
La deuxième mention est partagée eœ œquo, entre MM.
Brochier Gustave, de Yensobres (Drôme), et Sivan François,
�de Nice, dont les compositions se distinguent par des qualités
opposées, mais également précieuses. — M. Brochier, net,
exact, méthodique, ne fouille pas suffisamment son sujet ; —
M. Sivan creuse davantage, mais perd quelquefois en clarté
ce qu'il gagne en profondeur. — Ces deux élèves déjà lau
réats en première année, n'ont pas, sans doute, réalisé les
espérances que leur début nous avait inspirées ; ils ont bien
fait, ils peuvent mieux faire encore ; — La Faculté en main
tenant leurs noms sur la liste d’honneur, est convaincue
qu’au prochain concours ils se souviendront que succès
oblige.
Les étudiants de troisième année, mais ceux-là seule
ment qui ont obtenu dans tous les examens pour la licence,
la majorité de boules blanches, appelés à une double épreuve,
l’une sur un sujet de droit romain, — l’autre sur un sujnt
de droit français, ont eu à traiter, en droit rom ain, de l’ac
croissement entre les légataires, et, en droit français, de
l’hypothèque judiciaire.
MM. Baret Félix, de Gardanne, et Padoa Albert, de Mar
seille, se sont vaillamment disputés les prix que la Faculté a
ainsi distribués : Le premier prix de droit romain à M. Pa
doa ; le deuxième à M. Baret ; — Le prem ier prix de droit
français à M. Baret, le deuxième à M. Padoa. — Ces deux
élèves couronnés dans les deux concours auxquels ils ont
précédemment pris part, obtiennent ainsi, au term e de leurs
études, la juste récompense de trois années d ’assiduité, d ’at
tention et de travail.
Les deux compositions de M. Bozzo Louis, de Constantine
(Algérie). La composition de droit français de M. Magnan
Louis, d’Aix, sont des travaux estimables. La Facultéaccordc
à M. Bozzo deux mentions honorables; à M. Magnan une
mention en droit français.
Les aspirants an doctoral et les jeunes docteurs étaient
conviés à l’étude du colonat partiaire en droit romain e f en
droit français, ce sujet aurait dû tenter les jeunes légistesqui,
dans notre école, se recom mandent par leur vocation pour les
études sérieuses. Il en a été autrem ent, aucun n ’a répondu à
l’appel, et, cette fois encore, nous n ’avons qu’à constater
une regrettable lacune.
Notre tàcheestrem plie, Messieurs, remplieavecconscience,
et, nous l’espérons, avec justice. — Ce devoir, que nous
impose la confiance de l’É tat et du Département, acquiert
par la grandeur même de ses résnltats, une immense im por
tance. Une opinion préém inente de nos jours, enseigne que
le gouvernement du monde appartient à 1 intelligence : S ’il
en est ainsi, ces concours ouverts à une jeunesse déjà épurée
par de sévères épreuves, et qui m ettent hors ligne quelques
privilégiés de l’intelligence et du travail,signalent à la société
ceux qui doivent être, dans un prochain avenir, ses appuis,
ses directeurs et ses m aîtres. Aussi les adm inistrations qui se
recrutent parmi nos jeunes lauréats se servent et s’honorent,
en faisant acte de justice.
Peut-être le jo u r n'est-il pas loin, où des institutions, plus
puissantes que les meilleures volontés, sauront assurer à
l’État tous ses droits ; à la m agistrature le maintien de sa
dignité ; à la moralité et au travail un avenir, et donner dans
la société, comme dans nos écoles, la certitude d ’une récom
pense au mérite.
Vous, cependant, jeunes hommes que nous aimons, dont
nous défendons les intérêts et les droits, mais que nous ne
3.
�— 35 —
3i —
flatterons jamais, travaillez, travaillez sans relâche. Plusieurs
d’entre-vous ont beaucoup fait ; il leurreste beaucoup à faire.
Gardez-vous d’accuser la société d ’ingratitude, si elle n’a
point encore récompensé des travaux qui ne sont, après tout,
que de belles espérances ; — évitez le découragement. Quelle
capacité constante dans le travail et le dévouement au devoir,
n’a pas vu luire enfin le jour de la justice ? Fils de vos œu
vres, vous parviendrez ; et si, par impossible, la place qui
vous appartient vous était ailleurs refusée, à la barre du moins
et dans ces chaires, jeunes hommes, vous la prendrez.
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DE L ’ÉCOLE P R É P A R A T O IR E
DE M É D E C I N E E T DE P H A R M A C I E
DIS
M A R SE IL L E .
P 1
h'r^
L e27 n o v e m b re 1 8 6 5 , d a n s le g ra n d a m p h ith é â tr e
delà F acu lté d es S c ie n c e s , à M arseille, a eu lieu la
rentrée de la F a c u lté d es S cie n ces e t d e l’É c o le p r é
paratoire de M éd ecin e e t d e P h a rm a c ie , so u s la p r é
sidence de M. D e sc lo z e a u x , R e c te u r d e l ’A cad ém ie.
A côté d elu i a v a ie n t p ris p la ceM .G a fT arel, in s p e c te u r
d ’académ ie, en ré s id e n c e à M a rseille, M. le d o y en de
la F aculté des S c ie n c e s, M. le D ire c te u r d e l ’É co le
p rép arato ire d e M é d e c in e , MM. les P ro fe sse u rs d e là
Faculté des S cien ces et d e fcl ’É co le s e c o n d a ire , M. le
Proviseur, et MM. les P ro fe s se u rs d u ly cée im p é r ia l,
�« I —I M J I M I I
Le compte rendu annuel des travaux de la Faculté des
Sciences que nos règlements me prescrivent de vous faire,
sera pour moi simple et facile. Notre année s’est écoulée
dans le calme de l’étude et dans l’observation attentive de la
règle et des devoirs qui nous sont imposés.
Je commencerai ma tâche par les détails qui concernent
les grades scientifiques et les examens auxquels ils donnent
lieu. Les règlements relatifs au doctorat et à la licence n’ont
pas, depuis longtemps, subi de modifications. Il n ’en est pas
de même du baccalauréat ès-sciences. Cette dernière épreuve
a vu, dans ces derniers temps, se produire des changements
considérables qui ont réagi d’une manière profonde sur les
études scolaires. Les programmes de ces examens qui, il y a
deux ans, étaient jeunes et récents, cèdent aujourd’hui la
place à des obligations nouvelles, qui vont, comme leurs de
vancières, se soumettre à leur tour au contrôle de l’expé
rience, ce grand juge, ce juge en dernier appel, de toute
chose ici-bas.
Ces changements, ces modifications, ne doivent pas nous
surprendre, Messieurs. (Nous sommes loin des pays im m o
biles où les examens des grands lettrés se font d ’après les
prescriptions séculaires et suivant les règles antiques établies
par les ancêtres). Nous n ’avons donc pas à nous étonner de
cette recherche active, incessante du mieux et du bien dans
une question qui touche, d ’ailleurs, de si près aux plus chers
intérêts des études. D ’une part elle témoigne de la sollicitude
profonde de l’adm inistration, et de l’autre, elle est en parfaite
harmonie avec les tendances de notre époque et de notre
race, dont le caractère le plus frappant est de vouloir et de
rechercher le progrès avec une -persévérance infatigable,
n’acceptant la pensée d ’un repos momentané que lorsque le
mieux est définitivement conquis.
L’année qui vient de s’écouler a cela de particulier quelle
a servi de transition d ’un program m e à l’autre. Les règles et
les programmes anciens ont, pendant les prem iers mois, di
rigé les candidats et les juges, tandis que les dernières ses
sions de l’année ont vu apparaître le bénéfice pour le candidat
d'une forme d’examen plus facile et plus douce. Ce ne sera
que dans l’année qui va s’ouvrir que les modifications seront
complètes, alors fond et forme de l’examen, tout sera changé.
L’année 1861-1865 a donc été véritablem ent hybride. Dès
lors, il nous sera plus difficile de la com parer aux années
précédentes sous le rapport des efforts, du travail et des
progrès accomplis. Qu'il me soit perm is de regretter que,
par là, notre compte rendu s’expose à perdre une partie de
l’intérêt que nous pouvions espérer faire naître dans vos
�— 39 —
esprits. Nous suivroas dans cette revue de nos examens l'ordre
indiqué par leurs plus difficiles exigeances. Nous commen
cerons donc par le doctorat.
Aucune thèse, pour ce grade, ne nous a été remise cette
année. C'est presque toujours à Paris que les candidats vont
présenter le résultat de leurs travaux. Les causes de cette
universelle préférence sont faciles à saisir. Paris est le centre
du mouvement intellectuel de la France, et les candidats
lorsqu’ils vont y présenter leurs thèses sous l’œil des maîtres
de la science, espèrent appeler sur leurs recherches une at
tention qui remonte plus facilement jusqu’à l’administration
et celle-ci peut devenir plus favorable à des espérances de
position et d’avenir qui animent et soutiennent toujours
les aspirants au doctorat. Pour la licence ès-sciences,
il en est tout autrement et sans parler des efforts particuliers
de l’administration cherchant à aider puissam m ent en pro
vince les travaux qui sont dirigés dans ce but, nous dirons
que les candidats à ce grade difficile , pendant tout le cours
de leur laborieuse préparation, ont un besoin continuel des
conseils du maître. Les collections, les appareils souvent
très-dispendieux leur sont indispensables, et dans les Fa
cultés de province le nombre des licenciés nécessairement
plus restreint, rend ces circonstances plus facilement réalisa
bles. Les candidats le savent et se sentent, d ’ailleurs, soute
nus par le professeur qui, à tout instant, les voit à l’œuvre,
suit leurs travaux, les encourage, et qui, au jour des épreu
ves, devient un juge déjà conquis à l’avance , mieux éclairé
sur la valeur du candidat et qui, pour assurer son jugement,
a moins besoin qu’un juge étranger, des diverses phases de
l’épreuve.
Le nombre des aspirants à la licence, qui est toujours allé
en augmentant depuis l’origine de la Faculté, s’est encore
augmenté cette année. Douze candidats se sont présentés de
vant nous. Six pour les sciences mathématiques et six pour
les sciences physiques. Sept seulement ont été admis avec des
nuances différentes. Nous nous faisons un devoir de citer
leurs noms devant vous et de leur accorder ainsi une pre
mière récompense de leurs longs et pénibles travaux, ce sont:
MM. Joly, Godard, pour les sciences m athématiques, et MM.
Baille, Brisset, Commaille, Sauvage et Toulangeon, pour les
sciences physiques.
Pendant l’année 18G4 -1 8 6 5 , 309 candidats au bacca
lauréat ès-sciences se sont fait inscrire dans les bureaux de
l’Académie, et 290 seulement ont subi l’épreuve. Ils ont été
répartis dans les trois sessions de la manière suivante :
69 candidats dans
84 id.
id.
137 id.
id.
la session de novembre 1864.
avril
1865.
août
Total
290.
L’épreuve écrite a fait ajourner 128 candidats, 24 ont suc
combé à la suite de l’épreuve orale, et 138 ont été admis.
Mais ces chiffres contiennent des candidats à des grades
différents : Baccalauréat complet, B. restreint et B. scindé,
2mc partie. Il est impossible d ’établir quelque vue d ’ensemble
déduite de chiffres qui exprim ent des choses différentes ; ils
appartiennent, d ’ailleurs, pour quelques-uns, à un passé
condamné, et com prennent des variétés de bacheliers qui ne
se reproduiront plus devant nous. Il nous faudra donc, pour
cette fois, nous borner à la seule session du mois d ’août.
■
■
■
�Elle amène généralement devant nous les candidats les mieux
préparés, et presque tous viennent de term iner des études
classiques régulières.
Dans cette session, 77 candidats pour le baccalauréat com
plet, inscrits dans les divers centres d ’examen, ont donné
lieu à 46 ajournements à la suite de l’épreuve écrite, 9 à la
suite de l’épreuve orale, 22 seulement ont été définitivement
admis. C’est le chiffre de 28 p. 0/0. Ici nous placerons une
remarque importante, c'est que ce chiffre eut été notablement
plus élevé si les candidats, trop préoccupés peut-être des
exigeancesde l’épreuve écrite qui leur demande impérieuse
ment une préparation consciencieuse pour la physique et les
mathématiques, n ’avaient presque tous considérablement
négligé l'étude de la chimie qui, pour les examens oraux, a
été souvent une Gause d echec. La chimie a des exigeances
égales à celles des sciences sur lesquelles repose l’épreuve
écrite.
Les résultats que nous avons indiqués perm ettent toute
fois une comparaison intéressante, si l'on veut prendre le soin
de rechercher comment les chiffres ci-dessus se sont répartis
dans les différents centres d ’examen.
)
NOMS
D ES
CENTRES.
MOYENNE
NOM BRE
OBTENUE.
d ’a d m i s s i o n
NOM BRE
.
d ’e x a m e n
10
A lger.
2 0 p. 0 /o
2
B astia.
25
2
8
Alarseille.
27
11
41
33
2
41
5
1 Nice.
Ajaccio.
1
su r
6
12
.
Ces moyennes seraient vivement significatives si, pour ces
différents centres, elles étaient, ce qui n ’a lieu que pour Mar
seille, établies sur des nombres suffisamment élevés.
Après cet exposé de la prem ière partie de nos obligations,
nous aurions à vous tracer, M essieurs, le précis des travaux
particuliers de chacun de nous pendant l’année qui vient de
s’écouler et à vous laisser pressentir ceux qui se préparent
pour l’année qui va s'ouvrir. La Faculté, fidèle aux devoirs
que le passé lui impose, sait qu'il lui faut sans cesse par des
travaux et des publications nouvelles, se m ontrer digne de
l’estime et de la réputation qu elle a conquises dans la science.
Les Mémoires que nous avons publiés sont connus de ceux
à qui 1 ur spécialité s'adresse, et il me serait difficile, en
égard à vos moments que je dois ménager, de les développer
ici avec une étendue suffisante pour en faire apprécier tout
l’intérêt. Je renverrai donc aux Mémoires eux-mêmes ceux
qui voudraient les mieux connaître.
Nous avons à ajouter quelques mots au sujet des cours
annexés à la Faculté des Sciences. Ils donnent à notre ensei
gnement un caractère spécial, exceptionnel, et nous savons
que le conseil écoute avec un grand intérêt les renseigne
ments qui les concernent. Nos am phithéâtres sont ouverts
aux leçons faites par nos éminents collègues des Facultés de
Droit et des Lettres. J ’aurais, pourle continuel succès qui les
accueille, à vous tenir toujours le même langage que par le
passé. Cet em pressem ent durable est un éloge à la fois et
pour les professeurs et pour un auditoire qui se montre tou
jours avide de ces ém inents et austères enseignements. Il y a
toutefois un détail d ’organisation que nous ne devons pas vous
laisser ignorer. P our tous ces cours, nous n ’avons que deux
�amphithéâtres et six jours par semaine. Et souvent, pour la
préparation expérimentale, pour le transport des appareils et
les tableaux à dessiner que la leçon réclame, il y a des pro
fesseurs qui ont impérieusement besoin de l’amphithéâtre
pendant les deux heures qui précèdent le cours. De plus, l’un
de ces amphithéâtres est un lieu de travail pour beaucoup, à
raison des appareils de manipulation qui s ’y trouvent fixés à
demeure. Déplus encore, toutes les heures de la journée à
Marseille, les heures des repas, par exemple, ne sont pas éga
lement acceptables. Il en résulte qu'il a fallu une peine et des
soins extrêmes pour rendre possible le service et faire vingt
et une leçons dans les six jours de travail. Aussi notre Fa
culté sans cesse ouverte depuis le matin jusqu’aux heures
avancées du soir, voit lepublicse succéder sans relâche, pour
des leçons qui se succèdent aussi sans cesse, le temps nous
restant à peine pour les soins de propreté indispensables.
Dans ces conditions et dans l’emploi de chacune des heures de
la journée, nous pensions avoir atteint la limite du possible.
Lorsqu’un nouveau cours, dû à l’initiative de M. le Recteur
et de la Chambre de Commerce de Marseille, est venu récla
mer encore de nous l’hospitalité. Chacun des professeurs
ayant accordé quelques instants et quelques complaisances,
qui réellement rencontraient des difficultés d ’exécution trèsgrandes, il a été possible d ’ouvrir nos rangs au cours de
géographie commerciale. Ce cours, confié à notre éminent
collègue, M. Ouvré, a conquis comme ses devanciers une po
pularité remarquable et jouit dans notre ville d ’une faveur
complète.
Il ne me reste plus, Messieurs, qu’à vous parler de notre
enseignement, un seul mot nous semble suffisant su r ce point.
Les professeurs se sont attachés à suivre, avec une exactitude
scrupuleuse, les program m es présentés au M inistre par cha
cun de nous. Tenir ces program m es au niveau des découver
tes et des applications de la science est notre préoccupation la
plus constante. C’est, non-seulem ent pendant les occupations
de l'exercice de l’enseignement, mais surtout pendant le repos
qui suit l’année classique, au milieu des lectures et de la mé
ditation que chacun de nous, jetant un coup d’œil sur l’en
seignement qui se donne ailleurs, sur l’enseignement qu’il a
lui-même donné, se préoccupe du soin de l’améliorer sans
cesse. Dans ces moments plus tranquilles, l’esprit se retrem
pe et se prépare avec plus d ’énergie à des études nouvelles,
il conquiert et s’approprie ainsi une méthode plus féconde à
la fois et plus sûre.
Vous le voyez, M essieurs, ainsi que je le disais en com
mençant, notre année a été calme et tranquille. Il y a peu à
dire sur elle comme sur ces époques paisibles de la vie h u
maine où tout marche suivant la règle et les lois, et dont
l’histoire n’enregistre ni agitation, ni orages, ni péripéties,
nous n’aurions pour elle que des paroles heureuses et de sa
tisfaction, si nous ne sentions pas nos cœurs douloureusem ent
émus encore de la perte d ’un collègue profondément regretté.
Nous avons dit, d ’ailleurs, au commencement de cette
année, au moment même où nous avons été frappés, combien
la mort de notre professeur de mécanique, de M. Sentis, de
notre ami à tous, avait été pour nous douloureuse et cruelle,
bien qu’elle fut depuis longtemps prévue. A toutes les qua
lités les plus éminentes de l’esprit et du cœ ur, à toute la soli
dité d ’une science profonde et sûre d'elle-inèm e, M. Sentis
joignait la plus parfaite distinction d’esprit et une douceur du
�relations sans égale. On pouvait lui trouver des égaux en
savoir et en connaissances acquises, mais il eût été impossible
de l’égaler pour la modestie et la dignité de caractère. Nous
admirions chez notre regrettéetdignecollègue, les qualités de
professeur les plus rares, une précision et une netteté d ’expo
sition extrêmes et surtout une clarté m éthodique, sévère mê
me, mais cependant toujours facile et persuasive. C'est donc
à la fois un excellent ami et un éminent collègue que nous
avons perdu, et la Faculté, pieusement fidèle à sa mémoire,
déplorera toujours le vide douloureux que sa m ort a laissé
dans nos rangs et dans nos cœurs. Elle appelle néfaste l’an
née où l’excellent Sentis nous a été ravi.
H ap p ort d e i l . le D i r e c t e u r «le l ’É c o le
«1e illé tle c iu e .
M e s s ie u r s ,
L’École de Médecine et de Pharm acie de Marseille se
maintient très-honorablement, par l’im portance de son en
seignement et par le nombre des élèves qui suivent ses cours
ou viennent y postuler les grades, h l’un des premiers
rangs parmi les écoles du même ordre.
Celte bonne situation, en dépit d ’une installation maté
rielle encore aujourd’hui si imparfaite, s’explique par les
raisons les plus plausibles. Les professeurs, je me fais un
devoir de rendre à mes collègues cette justice, ne m anquent,
dans l’accomplissement de leur tâche, ni de talent ni de zèle.
Les moyens d ’instruction théorique et pratique obondent
chez nous :
Sujets nom breux pour les travaux anatomiques ; grande
variété des maladies internes à étudier, vaste champ d ’ob
servation ouvert à la chirurgie traum atique par tous les
travaux publics qui s’exécutent à Marseille, et auxquels une
main aussi intelligente q u ’énergique donne la plus vigou
reuse impulsion.
Toutefois, il reste une lacune à combler pour que notre
enseignement pratique arrive au niveau q u ’il doit atteindre ;
une clinique d ’accouchements, à côté même de l’École, à
l’Hôtel-Dieu, m anque encore à nos élèves.
J'en ai fait la dem ande, vers la fin de l’an dernier, à la
Commission adm inistrative des Hospices. La Commission, à
laquelle je m ’honore d'appartenir, a très-bien compris cette
utile création, et, par une délibération motivée, l'a décidée
en principe.
M alheureusement, les travaux de l’IIôtel-Dieu, qui s’achè
vent à peine, ont forcément retardé l’exécution d ’un projet
qui nous intéresse à un si haut point ; mais l’affaire est en
bonne voie et touche à sa dernière solution. Nous aurons, je
l’espère bien, notre clinique obstétricale dans le courant de
la prochaine année scolaire.
Les inscriptions en médecine et en pharmacie prises l’an
dernier, à l’École de Marseille, ont été de 408. Elles repré
sentent 137 étudiants: 4 4 pour le doctorat ; 32 pour le grade
d’officier de santé ; 3 pour lo titre de parmacien de 1re classe ;
38 pour celui de pharm acien de 2 me classe.
�— 4G —
Nous avons une augmentation progressive sur les précé
dentes années.
C’est vraiment une excellente situation.
Le produit des inscriptions et des examens en vue de
la collation des grades a été de 13,821 fr. pour la ville et
de 6,790 fr. pour l’État.
Nos élèves ont suivi assidûment les cours et sont venus
avec empressement aux examens de fin d ’année. Ces examens
nous ont généralement satisfaits. M alheureusement la men
tion très- bien n’ayant pas été obtenue parm i les étudiants
en médecine de première et de troisième année, l’École
éprouve le regret de ne pouvoir donner de prix pour la
première année, et de n’accorder qu’un second prix pour la
troisième.
Les examens de fin d’études ont eu lieu à la fin d'octobre,
sous la présidence de MM. les professeurs Combal et Cauvy
de la Faculté de Médecine et de l’École supérieure de P har
macie de Montpellier.
I0 candidats étaient inscrits pour le diplôme d ’ofiicier de
santé. Il y a eu huit admissions et deux ajournem ents.
13 prétendantes au brevet de sage-femme ont subi l’examen. Douze ont été reçues et une refusée.
Le Jury des pharmaciens a eu à examiner quinze aspirants
à ce titre. Il a prononcé douze nominations et renvoyé à
une autre session trois élèves qui ne lui ont point paru dignes
d’obtenir leur diplôme.
Un herboriste s’est présenté; il a été admis avec la men
tion bien.
Voici quelle a été notre impression sur ces diverses
épreuves.
47
La plupart des candidats au grade d ’officier de santé ont
été passablement bien dans les deux examens théoriques ;
mais un fait que nous constatons, fort à regret, à chaque
session, s’est encore produit à celle-ci: dans l’épreuve cli
nique, la plus im portante, assurém ent, pour de futurs pra
ticiens, les candidats, en général, ne savent pas interroger
les malades dont ils vont avoir à rendre com pteau Jury ; ils les
examinent incomplètementet sans ordre. Comment, dès lors,
avec une investigation aussi im parfaite, arriver à un diagnostic
sur? Dans de telles conditions le hasard seul peut y con
duire.
Or, que ces jeunes gens ne l’oublient point, en médecine
et en chirurgie, le diagnostic est tout, car c’est uniquement
d'un diagnostic vrai, bien posé, que découle un traitem ent
rationnel ; tandis q u ’une fausse appréciation des symptômes
conduit forcément à l’erreu r, c’est-à-dire à une médication
illogique, qui ne peut atteindre son but. Dans le prem ier
cas, le malade peut tout espérer; dans le second, il a tout
à craindre.
Les examens des sages-femmes ont été généralem ent assez
bons. Comme toujours, les élèves de notre École d ’accou
chements ont brillé par la solidité de leurs connaissances, et
témoigné ainsi, une fois de plus, de l’excellence des leçons
que leur donnent leurs deux savants professeurs, MM. Vil
leneuve et Magail.
Le Jury, chargé d ’examiner les prétendants au titre de
pharmacien, a constaté de grandes inégalités dans l’ins
truction des candidats. Faibles en chimie et en physique, ces
jeunes gens ont été beaucoup plus forts sur la botanique,
notamment sur la connaissance des plantes médicinales, sur
�— 48 —
la pharmacie, la matière médicale et l’histoire naturelle mé
dicale.
Ces inégalités s’expliquent très-aisément.
Les élèves en pharmacie fréquentent, avec plus ou moins d ’as
siduité, les cours de chimie et de physique, professés à la Facultédes Sciences, cours très-bien faits, assurém ent, mais un
peu insuffisants,peut-être,en vue des études pharmaceutiques.
D'un autre côté, ces étudiants, tout en faisant chaque jour
de la pharmacie pratique dans les officines auxquelles ils
sont, pour la plupart, attachés, trouvent, dans de bons cours
faits à l’École, sur la matière médicale et la pharmacie, une
préparation fort cfiicace à leurs examens définitifs.
Le petit jardin botanique de l’École leur offre aussi les plus
précieux avantages pour l’étude des plantes employées en
médecine.
Ainsi que je viens de le dire en parlant des inscriptions et
des examens de fin d’études, nos recettes ont atteint, dans la
dernière année scolaire, une somme im portante qui ne peut,
sans doute, équilibrer notre budget, mais qui am oindrit nota
blement le chiffre de la subvention municipale.
Quelques vacances sont survenues parmi nos professeurssuppléants.
Indépendamment de la nomination de M. Ernest Rousset,
à la suppléance des chaires de matière médicale et de phar
macie, ces vacances ont changé avantageusement la position
de MM. Chapplain, Broquier et Combalat.
La promotion de ces zélés collaborateurs est un avance
ment hiérarchique et, conséquemment, bien m érité ; elle
s’appuie sur le droit acquis, car elle a pour base les aptitudes
reconnues, les services déjà rendus.
M. Rousset est un nouveau collègue qui nous est donné
en remplacement de notre honorable et regretté collègue, M.
Dufossé, arrivé à la limite de son exercice. Nous avons la
certitude d’obtenir de M. Rousset le plus utile concours, si
nous en jugeons par l’im portance des titres scientifiques qui
désignaient le choix de ce jeune homme à M. le Ministre.
Il me reste, Messieurs, à vous faire connaître les noms des
lauréats de l’École, de ceux de nos élévesqui, par leur bonne
conduite scolaire, je veux dire leur assiduité aux cours et les
notes obtenues aux examens de fin d ’année, ont mérité des
prix ou des mentions, récompenses toujours si chères au
cœur de l’étudiant.
Élèves en médecine, 2 me année. — Prem ier prix partagé
entre MM. Poucel, Nicolas et Boulian.
Une mention honorable à M. Dussau.
3,no année. — Un second prix à M. Revertegat.
Elèves en pharmacie. — Un prem ier prix à M. Coste Aug.
Un second prix à M. G ouiran.
Une mention honorable à MM. Massel et Blancard.
Par une exception heureusem ent rare, et qui, nous l’espé
rons bien, ne se reproduira point l'an prochain, les étudiants
de l rc année ne figurent pas sur ce tableau d ’honneur.
Ces mômes éléves s’appliqueront, j ’en suis sûr, dans leur
prochaine année d ’études, à réparer, par un surcroît de zèle,
l’échec d’aujourd’hui.
C’est, pour ces jeunes gens, une revanche à prendre.
Nous y applaudirons de tout cœur.
��
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1866-1867.pdf
2189a1f897e2ee18d1ddf20480904942
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Text
1866-1867
��SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE , DE
DROIT ET
DES LETTRES
D 'A I X
La séance publique de rentrée des Facultés de Théologie,
de Droit et des Lettres d’Aix, a eu lieu le 15 novembre 1866,
dans la grande salle des actes de la Faculté de Droit, sous la
présidence de M. Desclozeaux , Recteur de l’Académie.
Cette solennité s’est accomplie , après la messe du SaintFsprit, au milieu d’un très-nombreux concours de personnes
notables, parmi lesquelles on remarquait NIpr Chalandon , ar
chevêque d’Aix et ses Vicaires généraux; Mgr Dubreuil, arche
vêque d’Avignon ; Nï. Rigaud, premier président de la Cour
impériale ; M. Mervilie, procureur général ; NI. le Maire d Aix;
M. Borély, ancien procureur général; M. le Procureur impé-
�— 7 —
Mais j’ajoute aussitôt, pour votre consolation, Messieurs, que
je me suis efforcé d’être bref et d’être clair.— El afin d’être plus
clair sans être plus long, je vais essayer de vous indiquer l’idée
vraie que l’on peut se faire de la science théologique quand on la
compare aux saines notions de la science philosophique, puisque
l’une et l’autre sciences tendent au même but : la Vérité.—
Ce rapide discours ne sera ni une discussion, ni une thèse; il
demeurera ce qu’il doit être : une simple exposition.
I
H M k JO ra.1
En recevant l’honorable mission de porter la parole dans dos
circonstances comme celle-ci, la première difficulté qui se pré
sente est de trouver un sujet; et je vous avoue, Messieurs, que
cet embarras a été le mien et qu’il a été grand. L’enseignement
de la Faculté «à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir est grave,
on dit meme qu’il est austère, et pourtant je devais m’y renfer
mer et j’ai eu la témérité de croire que vous m’approuveriez de
n’en pas sortir. — C’est pourquoi je me suis arrêté à la pensée
peut-être bien audacieuse de vous parler Théologie, de vous
dire, Messieurs, ce que c’est que la T héologie.
On a d it, Messieurs , que les études philosophiques sont au
premier rang parmi celles destinées à faire l’éducation intellec
tuelle de l’homme L Et on a eu raison. Si chaque science, en
effet, a pour but de mettre celui qui l’étudie en possession de la
fraction de vérité qu’elle enseigne , la philosophie a la préten
tion légitime , parce qu’elle en a le pouvoir, de mettre l’intelli
gence humaine sinon en contact immédiat avec la vérité totale,
au moins sur le chemin qui y conduit.
Il est vrai que pour un très-grand nombre l’étude de la Phi
losophie se borne à l’étude du mécanisme du raisonnement, —
à la Logique.— Mais déjà c’est quelque chose et c’est beaucoup
que d’apprendre ainsi de bonne heure à bien raisonner pour
pouvoir ensuite bien penser et bien juger; pour savoir au be
soin, — et le besoin s’en fait sentir à une heure quelconque de
la vie, — pour savoir demander quelques conclusions à ces vé
rités essentielles, à ces idées primordiales que tout homme porte
1 Mgr Dupanloup,
la Philosophie.
�en lui, même à son insu, et qui constituent le fond, l’aliment de
notre raison. « J ’appelle Logique, disait Leibnitz , l’art d’em
ployer sa raison non-seulement à juger ce qui est donné, ce qui
est patent, car le cercle de l’évidence immédiate est bien res
treint autour de nous, mais encore à trouver ce qui est caché.
Et si un tel art existe, il est clair qu’il faut le considérer comme
la clef de la science.1 »
Or, Messieurs, cet art existe, et les éléments de cet art sont à
la disposition de tous. Oui, l’homme même le plus inculte, dès
qu’il est dans les conditions d’un être raisonnable, peut raison
ner, c’est-à-dire que sans qu’il soit besoin, sans qu’il soit même
possible qu’on le lui enseigne , il sait ce qu’il pense , il sait ce
qu’il veut; il connaît toute cette série de principes et de rapports
purement intelligibles qu’on appelle axiom es.. ., et lorsque sa
raison est saine et droite , il sait encore ajouter à ces notions
premières d’autres conclusions qu’il déduit lui - même par un
travail spontané de son intelligence. C’est en constatant ce fait
que M. Cousin, dans une de ses éloquentes leçons, bénissait la
Providence de ce que l’humanité possède ainsi un fonds com
mun de principes naturels, inébranlables , que nul philosophe
ne peut revendiquer comme sa propriété , qui n’appartient à
aucune école , à aucun siècle, mais qui sont au sens commun,
mais qui forment le patrimoine de l’esprit humain.2
Comme vous le savez, Messieurs, sur ces principes naturels,
immortels, on a fait des méditations, des démonstrations, on a
fait une doctrine suivie, on a fait une science : la science philo
sophique.
Mais quel est l’objet de cette science ? Quelles sont les choses
1 Leibnitz. Opéra philos.
2 M V. Cousin. — Du Vrai, du Beau el du Bien. — Existence tl
origine des principes.
cachées, comme dit Leibnitz, que cette science recherche et peut
atteindre par l’art du raisonnement, par la rigueur de la logi
que? Jusqu’où s’étend la sphère de ses investigations ?
Messieurs, dans l’ordre naturel , cette sphère s’étend le plus
loin possible. L’objet de ses recherches : c’est le Monde, c’est
l’Homme, c’est Dieu, ce sont les rapports et les lois qui les unis
sent; ou bien , comme on dit à l’Ecole : Ontologie , Théodicée,
Psychologie, Morale.
C’est Dieu, première et fondamentale idée de l’esprit humain;
Dieu, le moteur immobile des mondes, comme parlait Aristote.
Puis l’Homme, et au tour de l’homme toutes les questions vi
vaces qui s’agitent et que la sagesse des vieux âges avait résumées
en deux paroles fameuses inscrites sur le seuil des temples :
« Connais-toi toi-même! »
Enfin le Monde , le monde dans lequel nous sommes, et sur
lequel nous cherchons, pour le connaître et l’expliquer, les ves
tiges que le Créateur y a laissés de lui-même.
Quelquefois, Messieurs, on se représente la Philosophie com
me une science d’abstractions uniquement occupée à torturer
des chimères. On se trompe. Tel est au contraire l’attrait de ces
questions philosophiques qu’elles sollicitent perpétuellement
cette soif sublime de vérité que nous sentons en nous et qui est
l’apanage glorieux de notre nature. — Questions générales,
dit-on ; oui, mais pourtant questions précises et qui s’imposent,
— et s i, comme on l’a dit encore , il pouvait arriver quelque
jour que ces questions fussent négligées par les esprits plus ca
pables de les approfondir , le bon sens populaire demeurerait
pour elles comme un dédommagement, comme une protesta'tion.. . . Ce qui cependant, Messieurs, ne signifie pas que pour
l’espèce humaine en général, pour la foule qui vit au jour le
jour absorbée tout entière par des soins d’un autre ordre , ces
questions ne soient le plus souvent obscures, pressenties plutôt
qu’aperçues. Mais ce que personne n’oserait affirmer c’esl qu’il
�10 —
puisse y avoir un seul homme dans cette foule, même le moins
éclairé, qui, pour peu qu’il ait vécu, pour peu qu’il ait souffert,
n’ait entrevu un jour ou l’autre dans sa vie ces questions capi
tales et ressenti le besoin de les voir résolues. Il se peut qu’en
fait, cet homme par lui-même et par lui seul ne puisse se don
ner des convictions qui le satisfassent sur des points qui pour
tant. seraient du domaine naturel de sa raison; mais, en prin
cipe, la philosophie, la vraie philosophie peut se les donner ces
convictions, elle peut les acquérir avec certitude. Oui, aveccEiititüde, Messieurs b C’est là son privilège et c’est sa gloire;
gloire incontestable mais privilège logique. Autrement toute
Philosophie ne vaudrait pas un quart d’heure de peine, comme
disait Pascal, et il serait superflu de l’enseigner aux jeunes gens.
On nous accuse quelquefois d’être les ennemis de la certitude
rationnelle. Ah ! on oublie que celui qui le premier, en ce siè
cle , osa dénier à la raison humaine toute autorité et toute va
leur, est tombé depuis longtemps sous le double anathème delà
raison et de la foi. L’erreur a été extirpée comme on extirpe un
cancer2 ; et sous ce rapport, Messieurs, notre dignité et notre
honneur sont demeurés intacts, tels qu’ils avaient toujours été;
car il y avait déjà cinq siècles que l’Ange de l'Ecole,avait pro
clamé la dignité de la raison humaine, la certitude de ses prin
cipes 3; et avant lui, l’Evêque d’Hippone , ce Platonicien con
verti comme l’on sait, enivré du bonheur de croire mais pas
sionné toujours pour la recherche rationnelle de la vérité, l’E• « Plures veritatis naturalis ordinis quæ tauquam preambula fidei
» sperturi possunt alisque supematurali revelationis subsidio, recta ratio
» omnimodà certitudine cognoscere potest. » (Perrone , de analogia
ralionis el fidei, prop. 1).
* Gregor. P.P. XVI. Encvcl. vu kal. julii 1834 (portant condamna
tion de l’erreur de M. de Lamennais).
s S Thorn., cent, getiles. lib. i, c. xn et passim.
—
11
vêque d’Hipponc avait écrit dans son admirable livre de Mogistro : « La Philosophie digne de ce nom, malgré des défaillan
ces toujours possibles et des limites bientôt rencontrées, peut
néanmoins nous donner sur les grandes vérités qui sont de son
domaine des convictions sûres, mettre l’esprit dans une posses
sion certaine des vérités fondamentales, et c’est pourquoi la phi
losophie mérite le rang qu’elle occupe à la tête des plus nobles
et des plus nécessaires études.1 »
Mais on vient de nous avertir que la Philosophie a des limi
tes.
Qu’est-ce à dire?
Serait-ce que toutes vérités existant par delà cette limite as
signée à la raison seraient irrationnelles, seraient déraisonna
bles? Evidemment non. Mais c’est dire tout simplement, Mes
sieurs, que la raison ne peut pas l’impossible, — et vous allez
comprendre, du moins je l’espère, comment cette réponse s’ex
plique et se justifie. —
Nous affirmions tout-à-l’heure que par la Philosophie, c’està-dire avec les seules forces de notre raison nous pouvions ar
river à découvrir , à démontrer même avec certitude quelquesunes des vérités de l’ordre naturel, comme par exemple, P«jmtence de Dieu. Mais comment arrive-t-on à cette conclusion ?
On y arrive par le raisonnement. Mais que faut-il à un raison
nement? Il lui faut une donnée , il lui faut une base; et c’est
1 Traduit et cité par Mgr d’Orléans. — l.a Philosophie.
�précisément parce que nous avons cette base , c’est parce que
notre raison peut s’appuyer tout à la fois sur les données exté
rieures du monde physique, sur les données intérieures de l’â
me et sur ce troisième sens qu’un philosophe chrétien contem
porain1 appelle : un sens divin naturel, une certaine expérien
ce intime de Dieu, que notre raison, disions-nous, peut s'élever
ainsi jusqu’à la certitude de l’existence de Dieu, jusqu’à la con
naissance de ses perfections nécessaires..........Mais si nous vou
lons aller plus loin; si, de cette connaissance de Dieu purement
externe, je veux passer à une connaissance plus intime .'sa
voir , par exemple , si en Dieu il y a une ou plusieurs person
nes en l’unité d’une meme substance; si surtout je veux con
naître quelques-unes des intentions, des volontés libres de Dieu
soit à l’égard de la création, soit à mon endroit personnel, —
et cette volonté, ce désir, Messieurs, est plus naturel, plus inti
me, plus universel qu'on ne le pense, — si je veux, dis-je, sa
voir toutes ces choses, je ne le puis. Et pourquoi ne le puis-je
pas? Parce que, en ce monde, je n’ai à mon service que deux
moyens naturels de connaître : l’évidence et le raisonnement.
Et comme l’évidence me manque et que mon raisonnement n’a
plus une base suffisante, je n’ai plus rien. Si donc je veux aller
en avant, il me faut un point d’appui nouveau , il me faut une
majeure , il me faut une donnée nouvelle et positive puisque
j’aspire à connaître une volonté libre et positive , et tant que
cette base ne me sera pas gratuitement offerte ma raison demeu
rera impuissante et moi dans l’ignorance.
Absolument, Messieurs, comme je suis condamné à demeurer
ignorant des pensées, des volontés libres qui peuvent être les
vôtres à celte heure, quoique cependant votre présence ici ne
1 P. Gratry, Logtque, 1" vol.. ïss méthodes exclusives
— 13 —
soit pas pour moi une conclusion philosophique mais une heu
reuse évidence, tant que par un signe, un geste, une parole ré
vélatrice quelconque vous n’aurèz donné à ma raison de quoi
au moins asseoir un raisonnement, de quoi tirer une consé
quence.
Or, Messieurs, c’est précisément ce geste que Dieu a fait, c’est
cette parole qu’il a dite. Et c’est, la science de cette parole que
Dieu a dite ainsi non seulement sur lui-même mais sur l’Hom
me, mais sur le monde et qui est venue élargir, agrandir ce tri
ple et immense horizon de nos connaissances, c’est la science de
cette parole de Dieu qui s’appelle la science Théologique, la
Théologie, — Qîov \oyç>(.
Arrivés ainsi sur le seuil de la Théologie, il est une réflexion,
Messieurs, qui s’impose à nous et que nous ne pouvons remettre
à plus tard : c’est que, en aucun cas et pour aucun motif, il ne
peut y avoir conflit, lutte, contradiction entre les conclusions de
la saine philosophie et les enseignements de la théologie , puis
que l’une commence quand l’autre cesse, ou plutôt, et o’est plus
exact, puisque la Théologie dit d’abord tout ce que dit la Philo
sophie, seulement quand cette dernière s’arrête l’autre conti
nue.........elle achève, elle complète.
Chose étonnante , Messieurs, les anciens avaient connu cette
limite naturelle de la raison , ils l’avaient indiquée sans regret :
Platon parle quelque part de ces compléments de vérité qu’il se
rait bien important d’obtenir, mais qu’il n’est possible de con
naître qu’à la condition que quelqu’un les enseigne et que nul
ne peut enseigner si Dieu lui-même ne commence l. Et c’est ce
qui explique pourquoi toute cette partie de la Philosophie qui
s’occupe de l’Etre et qu’on nomme la Métaphysique ne fait plus
I P.Gratry, Connaissance de Dieu, torn.l, ?«part., ch.vi, 444.
�de progrès et depuis longtemps.. . . G’osl que depuis longtemps
elle a découvert ce qu’elle pouvait découvrir , elle a dit tout ce
qu’elle pouvait dire. — La remarque, Messieurs, n’est pas de
moi, elle a été faite par un des esprits éminents de notre épo
que. — L’année dernière, M. Yitet rendait compte des Médi
tations de M. Guizot sur l'essence de la Religion Chrétienne,
et il disait : « Les grands génies philosophiques des temps mo
dernes ont pu ajouter plus de forme , plus de clarté , plus de
méthode au fonds que leur ont laissé les grands génies des temps
anciens, mais ce fonds est resté le même. Qui oserait, en effet,
se vanter d’en savoir aujourd’hui en métaphysique plus que So
crate, Aristote, Platon ? Autant les sciences naturelles semblent
nées pour grandir, autant les sciences métaphysiques grandes à
leur naissance mais bientôt stationnaires, sont évidemment fai
tes pour ne jamais atteindre , quoique toujours actives, le but
complet qu’elles poursuivront toujours. Et si quelque chose achève de mettre en évidence cette immobilité nécessaire de la
métaphysique, c’est la constante réapparition des quatre ou cinq
grands systèmes qui résument à eux seuls tous les milliers d’au
tres systèmes qu’a jamais inventés et qu’inventera jamais l’es
prit humain.1 »
Cependant, Messieurs, nous venons d’établir que la Philoso
phie a le pouvoir de nous parler des problèmes naturels, de nous
dire même quelque chose de satisfaisant >wr Dieu, sur nous, nos
devoirs, nos espérances.. . . Aurions-nous donc eu tort de po
ser ces affirmations? — Non. — La raison a le droit de traiter
toutes ces questions, dit encore M. Yitet, le droit de les traiter
mais non pas le pouvoir de les résoudre. Elle éclaire les abords
i Vitet, la Science et la Foi. (Extrait de la Revue des Deux-Mondes.
1er juin 1865).
de l’abfme, mais elle ne peut le franchir. — Noble tâche , né
anmoins, Messieurs ! Une saine Philosophie qui donne tout ce
qu’elle peut donner, à savoir : la preuve manifeste que, par delà
tout ce que nous voyons, un ordre invisible existe ; que , der
rière tant de mystérieux problèmes qui nous inquiètent à bon
droit, il y a des réalités et que nous avons grande raison de vou
loir les connaître......... , cette philosophie-là, dis-je, n’est pas
d’un vulgaire service ni d’un médiocre secours pour le genre
humain. Aussi lorsque le spiritualisme fleurit quelque part , ne
fut-ce d’abord, comme chez nous, que dans un cercle de géné
reux esprits, peu-à-peu et bientôt une société entière en ressent
l’influence. Elle se ranime, elle se relève I
Depuis cinquante ans , Messieurs, la philosophie spiritualiste
combat avec nous le panthéisme allemand. Et ainsi qu’on le
constatait naguère l, elle a même rendu à la Philosophie chré
tienne un service que nous, nous ne pouvions pas lui rendre :
elle l’a maintenue sur le trône de l’éloquence devant deux géné
rations qui n’auraient point accepté sur nos lèvres la même dé
fense de la vérité. Aussi nous n’oublions pas cette page de son
histoire, et la Théologie tout en faisant ses réserves, l’accueille
cette philosophie spiritualiste comme un auxiliaire naturel, com
me une sorte d’avant-garde qui lui prépare les esprits, qui lui
applanit les voies.
Et c’est en ce sens, Messieurs , qu’il faut entendre la grande
thèse des Ecoles catholiques sur les rapports de la Philosophie
et de la Théologie, sur le rôle que cette dernière assigne à la
raison dans les choses de la Foi. 11 yen a qui n’ont pas compris
le sens dans lequel on appelait autrefois la raison la servante
de la Théologie et qui ont cru que nous ne donnions à ce mot
1 H Perreyre, Entretiens sur CEglise, ch. i, VI.
�qu’un sens vulgaire et dédaigneux. C’est une grave erreur. Pour
ma part, écrivait récemment quelqu’un de fort autorisé en ces
matières et'dont je m’arme encore dans cette circonstance com
me d’une autorité \ « pour ma part, disait-il, je ne consentirai
jamais à appeler la raison d’un tel nom si ce n’est dans le noble
sens qu’il comporte. Oui, la raison est au service de la Théolo
gie mais elle la sert admirablement et rien n’est plus noble que
de servir ainsi. »
C’est la Philosophie, en effèt, c’est, la raison qui prépare les
avenues de cette longue carrière que la Théologie doit ensuite
fournir.. . . non pas à travers l’imaginaire ou l’absurde , mais
toujours dans le raisonnable 2; car si la raison ne peut plus de
vancer, elle peut encore suivre, et elle suit.3
— « La raison n’a pas le rôle le plus sublime , mais elle a le
premier et le dernier. C’est elle qui commence , qui précède , et
c’est elle aussi qui cherche à se rendre compte des vérités supé
rieures que la foi lui a révélées.4 » —
III
D’abord, Messieurs, la Révélation est un fait, et, comme lait,
il repose sur l’autorité du témoignage. A la raison par consé
quent d’en vérifier la. valeur.
1 Dupauloup,. la Philosophie
2 a Rationabile sit obsequium. » (S. Paul ad Rom., 12, s.).
3 Sur cette intéressante question, on pourrait lire avec fruit dans le
bel ouvrage de Mgr Maret, Philosophie et Religion, les leçons 22, 23,24.
4 La Philosophie, 1re part., ibid.
— 17 —
Mais de plus, dans les détails comme dans l’ensemble des vé
rités révélées la raison garde son légitime privilège. Sans doute
il est des vérités et en grand nombre dont l’existence lui est atsestée et dont l’intelligence ne lui sera donnée que plus tard,
mais sur celles-là même elle conserve un certain droit de con
trôle , c’est-à-dire qu’elle peut encore en découvrir, en appré
cier la convenance, la rationnabilité, la logique. Car il n’y a pas
deux logiques en ce monde, Messieurs, et la Théologie pas plus
que la Philosophie n’empêche de penser qu’à ceux qui ne veu
lent ou ne savent ni raisonner ni penser.
En 1845 M. Damiron ouvrait son cours à la Faculté des Let
tres de Paris par un discours sur un sujet à peu près identique
à celui qui nous occupe à cette heure, et il disait : « La Théo
logie opère dans sa sphère comme la Philosophie dans la sienne,
car des croyances aux doctrines il n’y a pas deux logiques mais
une seule, la même qui, pour être ici moins ostensible , là plus
visible dans son point d’appui ne change pourtant ni d’essence
ni de nature, mais seulement d’expression. En veut-on un exem
ple? Le voici : qu’on énumère les principaux points de foi qu’en
seigne la Théologie et qu’on observe. .. Bien vite on alira re
connu comment de la création d’un être libre et faible à sa chute,
à sa punition après sa chute, aux avertissements des Prophètes,
e t, dans l’insuffisance de ces moyens, à sa rédemption par le
Christ, à la grâce, etc., comment, dis-je, et jusqu’à quel point
il y a en tout cela, liaison , déduction , vraie logique , bien que
l’esprit duquel émane cet ordre de conceptions ne soit pas celui
de la Philosophie mais celui de la Foi. Et quand il est arrivé,
ajoute-t-il encore, — et cette remarque , Messieurs , est d’au
tant plus décisive qu’elle est plus fondée, — quand il est arri
vé que sur tel ou tel de ces points des divisions se sont élevées,
la prétention de l’orthodoxie a été toujours de revendiquer pour
elle la constance, la conséquence, la logique; comme le grief con-
�1 M. Damiron, Rapports de la Foi et de la Raison, Hachette, 1$45.
2 a ........Rationis lumen quo principia sunt nobis nota, est nobis a
» Deo inditum quasi quædam similitudo increatæ veritatis in nobis re» sultantis. » (S. Thom.),
3 « ........ Ipsum naturale lumen rationis est qua^dam participatio di» vini luminis. » (S. Thom., p. i, q. xn, art. 11. ad 3).
« ---- Cum ambæ ab uno eodemque immutabilis æternæque veritan tis fonte Deo optimo maximo oriantur___ » (Pie IX, Ency. 1846).
4 « Ut quod fidei firmitata jam tenes, etiam rationis luce conspicias.»
(S. Aug., De magistro).
5 « ... Atque ita sibi mutuum opem ferant. .. « (Pie IX, Ency. 1846).
— 19 —
avant la foi, ou l’intelligence cherchant la foi : — Intellectus
qaœrens (idem.1 — Fuis, il rédigea la Somme théologique
dans laquelle « il traduisit en philosophie la simplicité de l’E
vangile,2 » c’était la philosophie après la foi, ou la foi cher
chant l’intelligence, — F ides intellectum quœrens, — phi
losophie chrétienne, vraie philosophie qui,recevant les données
de la foi, pénètre par elle dans un monde nouveau, en cherche
les grandes perspectives, en découvre les grandes harmonies et,
sans rien perdre de ses lumières naturelles 3, s’illuminede clar
tés supérieures ! Et l’œuvre que cette philosophie opère ainsi et
qui convient à tous les âges, convient surtout à ce temps de lan
gueur dans la raison et dans la foi. C’est pourquoi il y a quel
ques années, un de nos savants Evêques4, se faisait un devoir
de proclamer que l’enseignement apologitique le plus utile à no
ire époque serait bien celui qui résumant la tradition catholi
que, exposerait les dogmes avec toute l’exactitude de l’ortho
doxie, puis les éclairerait immédiatement de toutes les lumières
d(3 l’ordre naturel et surnaturel, et ainsi présenterait au monde
la plus belle synthèse de la Théologie.
Mais déjà, Messieurs, on peut dire que cet enseignement exis
te : dès l’aurore de ce siècle il a été offert aux intelligences, et
les intelligences éclairées l’ont accueilli avec faveur. Il fut com
me inauguré dans les belles pages du Génie du Christianisme;
il fut perfectionné, transfiguré dans les Conférences de M. Frayssinous si pleines de méthode et de clarté; continué dans celles
plus oratoires mais non moins logiques de ses illustres succes1 P. Gratry, Connaissance de Dieu, 2e vol., p. 197.
Araelotte, Vie du P. de Condren.
3 SIgf d’Orléans, — la Philosophie, — p. 300.
1Mgr Landriot, Evêque de La Rochelle, — Lettre sur l'enseignement
apologitique.
—
— 18
tre l’hérésie a toujours été la variation, l’inconséquence. C’est
qu’en effet tout se suit dans les développements de la Foi non
moins que dans ceux de la Raison et que réellement de l’une à
l’autre ce n’est pas l’essence mais seulement le mode d’exercice
et d’action qui diffèrent.1 »
On ne pouvait mieux dire , Messieurs : on ne pouvait mieux
commenter cette formule de nos pères et de nos maîtres : que la
Raison et la Foi sont les deux rayons d’une même lumière dont
l'un seulement est direct et l’autre indirect2; ni mieux établir
qu’entre ces deux rayons il n’exista jamais ni divergence radi
cale , ni rupture puisqu’ils s’échappent tous deux d’un même
centre lumineux 3. S. Augustin avait écrit : « Ce que vous pos» sédez par la Foi, apprenez à le voir dans la lumière de la Rai» son.1 » Et c’est en effet cette concordance , c’est l’union de
ces deux rayons, Science et Foi, que les grands philosophes et
les grands théologiens ont poursuivie et poursuivent encore pins
que jamais,afin que du foyer commun il résulte une plus grande
illumination pour l’esprit humain.5
Messieurs, le plus vaste génie métaphysique en qui la Raison
et la Foi ont été le mieux réunis, S. Thomas d’Aquin, avait re
cherché d’abord dans sa Somme philosophique , ce que la rai
son humaine peut découvrir de Dieu : c’était la philosophie
�—
20
—
seurs; il reçut sa forme pour ainsi dire didactique dans les Elu
des philosophiques sur le Christianisme deM. A. Nicolas \ ce
livre, dont on a dit que l’honneur de le posséder et le bonheur
de le lire n’étaient surpassés que par le bonheur et l’honneur de
l’avoir fait !
Messieurs, les besoins varient avec les siècles et ils demandent
l’application de la maxime de S. Vincent de Lérins : « Dicas
non nova sed nove. » C’est pourquoi de nos jours plus que ja
mais on a besoin de savoir que la Théologie n’a pas peur de la
raison, qu’elle rend hommage à sa grandeur, qu’elle la respecte
dans sa faiblesse et que « quand on examine bien les choses,
» tout est d’accord : la foi, la raison, le sentiment.9 »
IV
Mais quels seraient donc ces compléments de vérité, ou ces
vérités complètes que la Philosophie humaine peut ainsi pres
sentir et rechercher, dont la Philosophie Chrétienne examine la
concordance et la logique, que la Théologie seule enseigne?
Messieurs, le résumé en fut donné un jour à la Sorbonne,
dansune leçon demeurée célèbre, par un homme bien dévoué aux
sciences philosophiques, dévoué à leur progrès, à leur organi1 M. A. Nicolas publie en ce moment un nouvel ouvrage destiné à ser
vir de complément à ses Eludes philosophiques- Il est intitulé YArl de
croire ou Préparation philosophique à la foi chrétienne. Il porte en
épigraphe cette parole de Socrate : « J’offre mon ministère aux âmes qui
sont en travail ; je facilite la délivrance ; mais il n’y a que Dieu qui dé
livre. »
2 Fénélon, — Lettre 2mf sur la Religion, c 2
21
sation, dévoué, on peut le dire, jusqu’à la mort! À propos des
problèmes de la destinée humaine, Jouffroy disait: « 11 y a quel
que part dans le monde un petit livre qui donne la solution de
toutes les questions que j’ai posées, de toutes sans exception.
Demandez à ce livre d’où vient l’espèce humaine , il le dit; où
elle va, comment elle va, il le dit; demandez-lui comment le
monde a été créé et la terre peuplée ; pourquoi les hommes souf
frent, pourquoi ils se battent et comment tout cela finira, il le
dit. Origine du monde, origine de l’espèce , destinée de l’hom
me en cette vie et en l’autre , rapports de l’homme avec Dieu,
devoirs de l’homme avec ses semblables, droits de l’homme sur
la création , tout y est. Voilà ce que j’appelle une grande doc
trine et je la reconnais à ce signe qu’elle ne laisse sans réponse
aucune des questions qui intéressent l’humanité.1 »
Messieurs, tel est le vaste objet de notre enseignement ; tel
les sont les questions qu’il aborde , qu’il expose et qu’il résout:
— ces questions que M. Guizot appelle le grand fardeau des àmes ! —
On affirme, en effet, qu’il est plus grand qu’on ne le croit le
nombre des hommes d’intelligence qui se préoccupent de ces
questions et les examinent. Il se peut qu’ils n’ouvrent pas tous
ni toujours le petit livre dont parlait Jouffroy, mais aux heures
de solitude et de silence ils se recueillent et ils pensent...........
Aussi, dans notre siècle de grande publicité où non-seulement la
vie publique mais le travail intime de la pensée sont dévoilés,
mis à nu, on est surpris de voir jusqu’à quel point ces questions
captivent les préoccupations de l’esprit humain.
Qui de nous, par exemple, n’a feuilleté ou au moins n’a connu
* Th. Jouffroy, — Mélanges philosnphiq. du probl. de la destinée
humaine.
�|
ce Journal intime 1 rédigé par celui que M. Cousin a appelé:
« le premier métaphysicien de son temps, » duquel RoyerCollard disait: «c’est notre maître à tous,»— Maine de Biran?—
Dans ce journal on suit pour ainsi dire heure par heure l’his
toire de ce vigoureux esprit dans sa marche vers la Vérité. Le
sensualisme avait été son point de départ ; il n’en fut pas satis
fait, il passa outre. Mais il lui fallut trente ans pour traverser la
seconde phase philosophique. Esprit persévérant et sincère, tout
entier à l’observasion psychologique, à l’observation des faits de
conscience, il cherchait, comme il le dit lui-même : « une hase
. . . . un point d’appui.. . . un mobile constant... .9 » et il ne
le trouvait pas, « et il souffrait ; » et ce n’était qu’à la fin de
sa vie qu’il arrivait à cette conclusion qui est aussi la notre et
qu’il formulait ainsi : « . . . . A qui cherche le point d’appui
fixe, la Théologie seule donne une réponse... .3 la Théologie!
Je l’avais regardée comme un tissu de rêveries et de chimères,
je vois quelle est la science vraie.. . . 1 seule elle donne le der
nier mot du problème que la philosophie pose... ,5 »
Et il fallait bien qu'il en fût ainsi, Messieurs, puisque « le
surnaturel est la sphère naturelle de Famé , » comme le disait
si bien M. Ed. Scherer6 ; puisque sans cela c’est l’incertitude et
la pire de toutes, l’incertitude à l’endroit de ces vérités capitales
d’où dépend tout ici bas et « sans lesquelles, dit encore M. Cou
sin , l’homme n’est pas un homme et la société n’est qu’un cahos. »
1 Maine de Biran, — Sa vie, ses pensées, — par M. Ernest Naville.
2 Journal intime, Ier mai 1817.
3
id
29 août 1819.
4
id.
mai 1818.
5
id.
30 juin 1818.
6 Mélanges, p. 182.
Messieurs, le Génie réparateur qui, au commencement de ce
siècle,tira notre France du cahos politique et social,voulut aussi
débrouiller le cahos intellectuel et moral. Et vous savez com
ment au lendemain de ses victoires, désirant en donner la meilJeure part à sa chère France, il organisait ce système d’en
seignement destiné à élever une génération pour laquelle il rê*vait de grandes choses l — Il avait ouvert les Eglises, il rou
vrait les Séminaires. — Cela ne lui suffisait pas : lui qui n’aiinait pas les idéologues mais qui savait cependant que les idées
gouvernent le monde et qu’il en est qui sont un besoin pour
tout un peuple, il éleva la Théologie au rang d’enseignement
public afin qu’elle demeurât là non pas comme l’ombre d’un
grand nom, comme le souvenir d’une grande chose, mais pour
qu’elle y fût encore et toujours une réalité.
Et Celui qui , à cette heure, continue glorieusement sa tâche
et que l’on pourrait croire sous le rapport de l’enseignement
public, exclusivement préoccupé de la noble préoccupation
« d’arracher l’homme à la peine et à la souffrance, pour laisser
» la matière domptée gémir à sa place , 1 » n’oublie pas non
plus que l’homme et la nation ont encore d’autres exigences.
— Et vous, Monseigneur 3, qui êtes appelé dans les Conseils
• Discours de S E M. le Ministre de l’Instruction publ. à l’inaugura
lion du Lycée d’enseignement secondaire spécial de Mont-de-Marsan, 15
octobre 1866.
2 Mfir l’Archevêque d’Avignon , membre du Conseil Impérial de l’Ins
truction publique.
�— 24
Supérieurs de l’Enseignement, vous avez pu connaître sans
doute le secret de cette constante et patriotique sollicitude I—
En ce qui nous touche, Messieurs, on nous a manifesté le dé
sir que nous puissions joindre à nos Cours faits au Séminaire et
où ils gardent leur publicité légale, quelques autres leçons don
nées dans nos amphithéâtres et sous le bénéfice d’une publicité
plus grande. J ’ignore ce qui adviendra. Mais si quelques jours
nous venions à vous, Messieurs, ce serait avec confiance; et si,
en bien des matières, nous n’avions pas à vous offrir la science
et variée et profonde que nos vénérés confrères des autres Fa
cultés mettent à votre service , vous trouveriez toujours chez
nous comme chez eux , le même amour de la vérité , et pour
l’enseigner le même dévouement, le même cœur 1
— 25 —
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
de la F a cu lté de T liéologie.
Monsieur
le
R ecteur,
Messeigneurs,
Messieurs,
Les Cours de la Faculté de Théologie ont été faits , pendant
cette année scolaire , avec zèle et régularité. Messieurs les Pro
fesseurs en se renfermant dans les limites de leurs programmes,
ont donné à leur enseignement tous les développements que
comportaient les différentes matières dont ils avaient à s’occu
per.
Monsieur le Professeur de Théologie Dogmatique a pris pour
sujet de son cours le sacrifice eucharistique. Il a mis d’abord
en relief le coté philosophique de cette croyance répandue dans
le monde ancien, que sans effusion de sang, il ne pouvait y avoir
de rémission de péché; il a exposé ensuite comment celte croy
ance universelle et profonde se référait à une révélation primi
tive, et comment le sacrifice chrétien vint, à son heure, rendre
raison des sacrifices antiques, considérés soit en eux-mêmes, soit
dans leur triple élément constitutif, l’offrande, l’immolation, la
consommation de la victime.
�—
26
—
Cette année Monsieur le Professeur commencera Yexposition
du dogme catholique, et comme introduction, il parlera de Dieu
et de l’âme humaine.
Monsieur le Professeur de Théologie Morale a traité cette an
née de la régénération baptismale. Tl a exposé d’abord les usa
ges des peuples anciens relativement aux ablutions et aux puri
fications religieuses, et il a fait remarquer que celte universalité
de pratiques ne trouvait une explication satisfaisante que dans
la tradition d’une chute primitive, tradition répandue dans tout
l’ancien monde oü existait celte croyance, que l’enfant même a
bssoin d’expiation, dès son entrée dans la vie.
Après avoir traité des différentes parties du sacrement régé
nérateur , et de ses admirables effets, il a tenu surtout à faire
ressortir ses heureux résultats dans l’ordre social. Dans ce but,
il a exposé d’abord le sort malheureux qui était réservé à l’en
fant au sein des sociétés païennes, chez celles-là même dont on
nous vante tous les jours la civilisation; il a rappelé cet horrible
droit de vie ou de mort exercé par les pères de famille sur le
nouveau-né, droit monstrueux, a-t-il ajouté, consacré pourtant
par la philosophie antique, et que nous retrouvons chez les peu
ples que n’a pas éclairés le flambeau de l’Evangile. A ce mépris
pour l’enlânt, le Professeur a opposé le pieux respect dont l’en
vironne le Christianisme dès le berceau. Chez lui, l’enlant doit
être porté sans délais au bain sacré du baptême. L à, il reçoit
une vie nouvelle, des titres de noblesse chrétienne qui le ratta
chent à la cité des cieux , et placent sa vie sous la sauvegarde
de l’Eglise comme un dépôt sacré que nulle main barbare ne
pourra désormais lui ravir. Or , a dit le Professeur, d’où vient
chez les Chrétiens ce respect religieux pour l’enfant, respect in
connu partout ailleurs? Il est le fruit sans doute de l’ensemble
de nos doctrines, mais il vient surtout des grandes idées qui,
dans le Christianisme, sont attachées à la régénération baptismale.
Monsieur le Professeur traitera cette année du célibat dans
le Christianisme et en particulier du célibat ecclésiastique.
Monsieur le Professeur d’Ecriture Sainte a pris pour sujet de
son Cours du mardi l'intégrité du texte des Livres Saints. Il a
démontré par l’histoire critique qui en a été faite, que ce texte
véritablement sacré n’a jamais pu être notablement altéré. Il
parlera cette année de Yéloquence de la Bible.
Dans son Cours du vendredi, le même Professeur a continué
l’exposition de sa Théorie scientifique sur Tœuvre des six jours.
Celte année, il tâchera de concilier, par cette théorie, les diver
ses opinions des savants sur cette question.
Monsieur le Professeur d’Uistoire Ecclésiastique s’est occupé
de la législation mosaïque, et en a développé le caractère, sous
le rapport religieux, moral et politique. 11 en a justifié les dis
positions principales, celles surtout qui ont été l’objet des atta
ques des ennemis de la révélation. Le Professeur était amené en
conséquence à insister sur le but que Dieu s était proposé dans
l’établissement de la nation juive. La pensée divine devait attein
dre une fin qui intéressait l’humanité tout entière. Il s’agissait
de préserver la foi aux promesses faites par Dieu , qui avaient
pour objet la réhabilitation de l’homme par la rédemption. De
là, l’attente du Messie qui fut non-seulement le fondement de
la religion , mais même la base sur laquelle repose toute la lé
gislation de ce peuple.
Cette année Monsieur le Professeur s’occupera du développe
ment de cette législation dans les divers régimes de la nation
juive.
Le même Professeur dans son Cours de Discipline avait à faire
connaître Torigine, la nature et la nécessité des bénéfices ec
clésiastiques. Il ne lui a pas été difficile du démontrer que l’E
glise, pour la subsistance du ministère sacerdotal, et pour le suc
cès de l’œuvre évangélique, devait autoriser, consacrer ces biens-
�28 —
fonds dont les revenus étaient destinés premièrement aux pau
vres qu’elle a toujours regardés comme remis à sa spéciale sol
licitude, et en second lieu, à relever les pompes du culte divin.
Par ces fondations pieuses, le ministère pastoral devenait indé
pendant des populations qu’il avait à gouverner , dans l’ordre
religieux, et sa parole n’en avait que plus d’autorité.
Monsieur le Professeur traitera cette année dans ce cours de
l’origine et des motifs de la hiérarchie ecclésiastique.
Monsieur le Professeur de Langue Hébraïque a consacré la
première partie de son Cours à Yétude des règles grammatica
les. Il a cru devoir resserrer le mécanisme de la langue sainte
dans quelques notions courtes et faciles , afin d’initier rapide
ment les nouveaux élèves aux premiers éléments de l’idiome sa
cré, et les faire travailler ensuite parallèlement avec les anciens.
Dans la deuxième partie de son Cours, il a expliqué le second
livre historique de samuel qui renferme presque en entier le
règne de David, depuis son établissement, à la mort de Saül. 11
a commencé ensuite à traduire le 38e chapitre du livre de Job
conformément au programme qu’il s’était tracé.
Cette année Monsieur le Professeur après avoir développé les
principes de la langue sainte, expliquera le / er livre de Samuel
ainsi que le 39e chapitre du livre de Job et les suivants.
Plusieurs sujets s’étaient annoncés cette année pour les épreu
ves qu’exige la collation des grades théologiques. Des circons
tances tout à fait particulières les ont mis dans la nécessité de
renvoyer à une époque ultérieure la réalisation de leurs projets.
La Faculté cependant a conféré le grade supérieur , les palmes
du Doctorat à un prêtre du diocèse de Marseille, après lui avoir
fait subir, sur les diverses branches de l’enseignement sacré, les
épreuves ordinaires. Plusieurs candidats se sont présentés pour
la première session qui s’ouvrira à la fin de ce mois.
Le court exposé que je viens de faire de ce qui, pendant cette
— 29 —
année scolaire , a été l’objet de nos études, n’aura pas été sans
intérêt, j’en suis persuadé , pour le vénérable Prélat qui vient
prendre part à nos travaux et encourager nos efforts par sa pré
sence dans cette solennité académique. Pourrait-il en être au
trement quand on sait apprécier comme lui tout ce qui peut en
richir l’intelligence , favoriser le développement des études sé
rieuses , élever les âmes et les mettre sur la route de la vérité et
de la vertu I
Nous allons, Messieurs, reprendre nos travaux annuels et
commencer nos Cours. Appuyés sur l’autorité de notre premier
Pasteur et soutenus par sa paternelle bienveillance, nous ferons
tout ce qui dépendra de nous pour rendre ces Cours profitables
à tous ceux qui comprennent la haute importance des sciences
religieuses.
Un mot en terminant sur un petit changement qui s’est opéré
dans le matériel de notre Faculté.
Le local qu’elle occupait depuis longtemps étant devenu né
cessaire , par suite de diverses circonstances, à la Faculté de
Droit, l’Administration Municipale nous a fait préparer ailleurs
des salles tout-à-fait appropriées à nos besoins , et qui ne nous
permettront pas de regretter celles dont on nous a demandé l’a
bandon. Que Monsieur le Maire qui dans cette circonstance a
donné à la Faculté des preuves de l’intérêt le plus bienveillant,
veuille bien agréer ici l’hommage de sa profonde reconnais
sance.
�- - 30 —
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
cl©
la
F a c u lté
de
D ro it.
[Messieurs,
L’étude du Droit tend de plus en plus à devenir le complé
ment de toute éducation libérale et lettrée. Désormais les jeunes
légistes ne se rencontrent pas seulement parmi les aspirants aux
professions judiciaires. La connaissance des lois est recherchée
pour elle-même, et pour l’utilité qu’en peuvent retirer les di
verses conditions sociales : l’administrateur comme le militaire,
le propriétaire comme le commerçant et l’industriel.
Cette tendance générale des esprits a pour effet immédiat
d’augmenter incessamment le nombre des étudiants en droit
dans toutes les Facultés de l’Empire. La Faculté d’Àix, grâce au
vieux renom de l’Université dont elle faisait autrefois partie, au
mérite et au zèle de ses Professeurs, et à son heureuse situation
près d’une des plus grandes métropoles commerciales de la
France et du monde, prend à ce mouvement ascendant une part
chaque année plus considérable.
L’année scolaire qui vient de finir nous a donné le nombre
total de 1 347 inscriptions, ce qui représente, en moyenne, 336
inscriptions par trimestre, e t, défalcation faite des inscriptions
multiples, plus de 300 étudiants régulièrement admis à suivre
les Cours.
— 31
Jamais notre Ecole n’avait atteint, à beaucoup près, un tel
degré de prospérité matérielle. De 1805 à 1800, l’accroissement
du nombre total d’inscriptions a été de 148.
Le progrès des études, sans être aussi marqué que le progrès
numérique des étudiants , nous a cependant procuré de justes
sujets de satisfaction. Sur 518 épreuves de tout ordre , la Fa
culté, sans abaisser en rien le niveau de ses jugements, a été
heureuse de n’avoir à prononcer que 50 ajournements, contre
468 admissions, tandis que l’année précédente, le rapport des
ajournements aux admissions avait été de 55 à 432.
Des résultats non moins favorables se rencontrent dans la va
leur relative des admissions. 39 admissions avec éloge, au lieu
de 27 de l’année précédente ; 52 admissions avec majorité de
boules blanches, au lieu de 47 de la même année , témoignent
d’une amélioration réelle dans la préparation des examens.
Le nombre proportionnel des réceptions médiocres ne chan
ge guère. 240 candidats ont été reçus sans majorité de boules
blanches, mais aussi sans boule noire. 137 ont eu la tache d’une
boule noire.
Le rapport moyen entre les ajournements et les candidats a
été de 1 sur 10 , tandis que l’année précédente , il avait été de
1 sur 8.
Ce rapport a peu varié, par nature d’épreuves. 11 s’est cepen
dant élevé à 1 sur 7, pour les premiers examens de Licence; à
1 sur 4, pour l’ensemble des épreuves de Doctorat ; à 1 sur 3,
pour les examens de Capacité. De ces trois résultats, le premier
s’explique par la fâcheuse tendance des étudiants à négliger le
Droit Romain ; le second, par la sévérité croissante de la Faculté
pour la collation du plus haut grade dont elle dispose; le troi
sième, par le défaut de culture intellectuelle de la plupart des
aspirants au certificat de capacité.
Les divers ordres d’épreuves sont bien loin d’être en nombre
�V
— 32 —
égal. Ils présentent une progression décroissante, à mesure que
l’on avance dans le cours triennal d’études. Il y a eu 126 pre
miers examens de Baccalauréat, 104 deuxièmes de Baccalau
réat, 99 premiers de Licence, 90 deuxièmes de Licence, 81 thè
ses de Licence. C’est le tableau fidèle des labeurs humains en
tout genre. On est toujours plus nombreux au début qu'à la fin,
et beaucoup s’arrêtent aux étapes intermédiaires.
Quant aux examens de Capacité, leur nombre tend graduelle
ment à diminuer, par suite de la légitime ambition d’obtenir les
grades plus élevés, toutes les fois que la carrière en est ouverte
par la possession du diplôme de Bachelier ès-lettres. Dans l’a
vant-dernière année scolaire, il y avait eu 10 examens de Capa
cité; dans la dernière, il n’y en a eu que 9.
Une diminution beaucoup plus regrettable est celle qui s’est
produite dans le nombre des épreuves de Doctorat. Nous avons
eu seulement 3 premiers examens, 3 deuxièmes et 3 thèses de
cet ordre. Ce n’est, en tout, que 9 épreuves de Doctorat, au lieu
de \1 de l’année précédente. La Faculté d’Àix, l’une des pre
mières sous tous les autres rapports, est la dernière par le nom
bre proportionnel de ses Docteurs. Il serait temps que les jeu
nes légistes du Midi prissent et tinssent la résolution généreuse,
d’infliger un éclatant démenti au reproche, qui ne leur est point
épargné par leurs camarades du Nord , d’être prompts à com
prendre mais lents à scruter , d’avoir l’entrain du début sans la
persévérance qui conduit au terme. Nos étudiants savent que
nous sommes prêts à les aider dans cette noble entreprise. Qu’ils
viennent à nous ; le concours de notre zèle, de nos conseils, de
notre expérience ne leur fera pas défaut. Ils trouveront en nous
des guides heureux de les diriger vers ces hauts sommets de la
science, où les fatigues de la route sont amplement compensées
par la grandeur du spectacle et par l’intime satisfaction de
l’âme.
C’est dans ces sereines et calmes régions qu’aimait à se tenir,
et qu’a usé ses forces, à la recherche du type absolu de la vérité
juridique, un de nos plus savants et plus anciens collègues, obli
gé par l'état de sa santé de prendre un repos bien dû à ses longs
et persévérants travaux. M. Lombard, qui a demandé et obtenu
sa mise en congé, était, parmi nous, le parfait modèle du juris
consulte théoricien. Esprit sévère et d’une inflexible logique, il
ne se laissait dominer, ni par l’autorité des exemples, ni par les
prétendues nécessités de la pratique. Cherchant à pénétrer le
vrai sens des lois, il s’efforçait de trouver, pour l’exprimer, des
formules brèves et précises, ne laissant aucune place à l’indéci
sion et au doute. Il y avait plaisir et profit à s’associer au travail
intellectuel qu’il accomplissait en public, à son cours comme
aux examens. Ses hésitations, ses reprises d’expressions étaient
des leçons, parce qu’elles tendaient toujours à la découverte de
la meilleure formule pour la plus exacte vérité.
Avec cet ensemble de qualités rares et précieuses, M. Lombard
était digne d’avoir des disciples, et il a eu le bonheur, le plus
grand que puisse ambitionner un Professeur , d’en rencontrer
quelques-uns. Aussi modeste qu’instruit, il n’aspirait à d’autre
récompense que la satisfaction du devoir accompli, lorsqu’une
distinction flatteuse, la décoration de la Légion d’honneur, lui a
été décernée , au mois d’août dernier , comme témoignage pu
blic de sa dignité de caractère et de son infatigable dévouement
à la science du Droit. La Faculté tout entière s’est estimée ho
norée dans la personne d’un de ses membres les plus aimés, et
elle est heureuse d’en exprimer publiquement sa gratitude au
chef de l’Académie et au Ministre éminent qui ont proposé cet
acte de bienveillante justice à l’approbation du chef de l’Etat.
Le vide laissé parmi nous par le congé accordé à M. Lom
bard , et que nous voudrions espérer n ôtre que temporaire , a
rendu nécessaires quelques changements dans l’attribution des
�— 31 —
Cours. M. Grellaud , qui a donné tant de preuves d’aptitude et
de zèle, est appelé provisoirement à permuter l'enseignement de
la Procédure Civile et du Droit Criminel pour celui du Code Na
poléon. M. Pison , toujours dévoué aux besoins du service, et
dont nous désirons si vivement la prochaine promotion à une
chaire, est délégué pour le cours de Procédure Civile et de Lé
gislation Criminelle. L’enseignement du Droit Romain sera par
tagé entre M. Jourdan qui s’y est déjà distingué, et M. Deloumc,
jeune agrégé, récemment attaché à notre Faculté, lauréat de
l’Académie de Législation , et dont nous avons pu apprécier le
mérite dans la session d’examens des mois de juillet et août.
Ainsi conviés, avec leur assentiment, à continuer ou à changer
la matière de leur enseignement, tous mes collègues rivaliseront
d’efforts pour provoquer et soutenir l’émulation des étudiants,
pour conserver et accroître la juste renommée de l’Ecole de
Droit d’Aix.
-m -
— 33
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
d© l a F a c u l t é d e s L e t t r e s .
Messieurs,
La collation des grades, de celui du Baccalauréat en particu
lier, est la grande affaire des Facultés des Lettres et des Scien
ces. C’est par là qu’elles sont le plus connues dans le monde,
parce que c’est par là qu’elles exercent sur l’éducation du pays
une influence générale , quoique indirecte, par là qu’elles sont
en possession de juger de la valeur de l’Instruction Secondaire
dans les divers établissements qui la donnent, par là qu’elles dé
cident du sort de la jeunesse à laquelle elles sont chargées d’ou
vrir ou de fermer les carrières libérales. C’est donc, Messieurs,
sur le Baccalauréat pendant l’année dernière que j ’aurai l’hon
neur d’appeler d’abord et principalement votre attention ; d’au
tant plus que l’année dernière a été sous ce rapport une année
de transition et d’essai.
L’importance du Baccalauréat dans notre système d’éducation
nationale est telle, que, suivant qu’il est réglé avec plus ou moins
de sagesse, les études classiques prospèrent ou déchoient. Aussi
a-t-il été, depuis son institution , continuellement remanié , et
chaque Ministre a tenu à honneur de se signaler à cet égard par
des réformes, à mesure que l’expérience en démontrait la né-
�— 30 —
cessité. Or de toutes ces réformes la plus radicale est celle quia
reçu l’année dernière un commencement d’application.
De bonne heure on s’est aperçu que le Baccalauréat, qui se
réduisait dans le principe à un examen oral, à des explications
d’auteurs et à des interrogations, ne demandait qu’un savoir
plus apparent que solide , fruit d’études superficielles, et qui
supposait plus de mémoire que d’intelligence, plus d’acquis que
de capacité. Pour y remédier fut imposée d’abord aux candidats
une version latine, qui leur permit déjà de faire preuve de cer
taines qualités d’esprit personnelles. Mais ce moyen ayant été
trouvé insuffisant pour corriger le défaut contre lequel il était
employé , à cette première épreuve écrite on en ajouta une se
conde, c’est-à-dire un discours latin, et enfin une troisième, sa
voir une composition française sur un sujet philosophique; ce
qui eut ou aura pour effet, non pas seulement de faire mieux
connaître la force réelle des candidats, mais encore de suppléer
à l’ancien certificat d’études, car ce n’est qu’en Rhétorique qu’on
peut s’exercer à faire des discours latins et en Philosophie qu’on
apprend à connaître les matières philosophiques et la manière
d’en traiter pertinemment par écrit.
D’un autre côté, le Baccalauréat primitif avait l’inconvénient
de favoriser, au grand préjudice des études sérieuses, l’industrie
des préparateurs et l’abus des manuels. Ses programmes trèsdétaillés se composaient de questions isolées et sans suite qui se
tiraient au sort au moment de l’épreuve. Pour être en état d'y
répondre il n’était pas nécessaire d’avoir fait ses classes, il suffi
sait d’avoir puisé dans des livres faits ad hoc des réponses cour
tes et par cela même le plus souvent inintelligibles, d’où résul
tait un savoir d’emprunt et de circonstance , artificiel et stérile
non moins qu’éphémère et fugitif. Vainement on essaya de mo
difier les programmes en les réduisant à de larges cadres,en di
minuant le nombre des questions à tirer au sort. De cette façon
— 37 —
on atténuait le mal, on ne le faisait pas disparaître. Pour le faire
disparaître , il fallait supprimer et les programmes et le tirage
au sort; en sorte que désormais l’examinateur choisît librement
dans les matières et les auteurs qu’on étudie en Rhétorique et
en Philosophie les questions et les explications les moins pré
vues et les plus propres à faire ressortir ou l’ignorance du can
didat ou sa science : sa science , c’est-à-dire la capacité de son
esprit, le fond de ses connaissances, et une instruction générale
telle qu’on ne peut l’acquérir qu’en faisant réellement ses clas
ses dans un établissement bien ordonné, universitaire ou libre.
C’est jusqu’où, de nos jours, a été poussée la réforme.
Un antre changement, également nécessaire aux études clas
siques régulières, était réclamé par tous ceux qui les aiment et
les dirigent. La session du Baccalauréat tenue en avril invitait
les élèves à déserter les classes au milieu de l’année pour venir
prématurément tenter les chances de l’examen. On a eu beau
déclarer que cette session était réservée aux ajournés des pré
cédentes , à quelques exceptions près. L’exception devint la rè
gle: les candidats qui obtinrent par faveur de se présenter à
l’examen en avril, quoique n’étant pas des ajournés, y furent à
la fin plus nombreux que les ajournés mêmes. Que fallait-il pour
remédier complètement au mal et pour échapper aux obsessions
d’une légion de solliciteurs? Supprimer la session , comme on
avait supprimé et les programmes et le tirage au sort. C’est à
quoi on s’est décidé résolument en dernier lieu.
Ainsi, restaurer les études en réformant le Baccalauréat, et
réformer le Baccalauréat, non plus par des demi-mesures, mais
par des améliorations essentielles et par des changements pro
fonds, d’une pari en complétant l’épreuve écrite, excellent moyen
d’appréciation, par l’addition d’une dissertation française, d’au
tre part en supprimant, avec les programmes spéciaux et le ti
rage des questions au sort, la malencontreuse session d’avril, tel
�— 38 —
a été le but et tel sera l’effet des dernières dispositions prises,
relativement au sujet qui nous occupe, par la haute administra
tion qui préside avec tant de sollicitude en France aux destinées
de l’instruction publique.
Il en est résulté pour le Baccalauréat un nouveau règlement
qui est en vigueur depuis la session de juillet et d’août. Comme
il avait été annoncé assez longtemps à l’avance, il avait détermi
né beaucoup de jeunes gens à en prévenir l’application en se
hâtant de suhir les épreuves selon l’ancien mode. Il s’en était
présenté devant nous jusqu’à 526, chiffre inouï pour nous, pen
dant l’exercice antérieur à celui dont je rends compte, c’est-àdire en 1864-1805. L’année dernière, en 1865-1866 , le nouvau règlement ayant commencé à être appliqué, le nombre des
candidatures a diminué de 40, il n’a etc que de 486. Mais ladiminution est bien plus sensible encore si on se borne à compa
rer la session de novembre 1865 à la session de novembre 1866
qui se tient en ce moment : la première a réuni 173 candidats,
au lieu que ceux de la seconde n’auront pas été jusqu’à 100.Où
sont donc les candidats qui se trouvent de moins aujourd’hui?
Sans nul doute dans les classes de Rhétorique et de Philosophie,
où ils apprennent à composer en discours latin et à dissertersur
des matières philosophiques qu’ils aient longuement et sérieu
sement étudiées. Dans la plupart des établissements en effet on
constate que le nombre des élèves de Rhétorique et surtout de
Philosophie a, sinon doublé , au moins remarquablement aug
menté.
Les examens de l’année dernière s’étant faits, les uns suivant
l’ancien mode , les autres selon le nouveau , leur ensemble ne
peut donner lieu à aucune appréciation générale. Nous pouvons
dire toutefois que , en somme , la moyenne des admissions est
restée la même,environ 45 pour 100, mais que pour les candi
dats examinés d’après le nouveau mode elle n’a été que de 40.
— 39 —
S’ensuit-il absolument que le nouveau régime soit moins favora
ble que l’ancien aux candidats ? Point du tout ; car , outre que
les examinateurs ont été d’une indulgence plus que paternelle
envers les vétérans, j’allais dire les invalides ou les quasi-incu
rables de l’ancien régime, les candidats qui les premiers ont af
fronté le nouveau n’y étaient pas aussi solidement préparés que
le seront dans peu, nous l’espérons du moins, leurs successeurs.
Les épreuves du Baccalauréat, vous le voyez , Messieurs, ont
abouti à des résultats ordinaires et à-peu-près satisfaisants : sur
486 candidats, 210, près de la moitié, ont été reçus. Mais les
examens de la Licence nous ont sérieusement attristés. Il y en a
eu 10, 5 en novembre 1865, et 5 en juillet 1866; et sur le tout
une seule admission. À qui et à quoi faut-il s’en prendre ? Bien
de plus simple. Les candidats présument de leur force ou ils ne
se font pas une assez haute idée des difficultés de leur entre
prise. Combien d’entre eux, combien même de nos licenciés ef
fectifs , seraient capables d’être admis à l’Ecole Normale Supé
rieure? Eh bien, il arrive quelquefois à des élèves de cette Eco
le , après s’y être fortifiés pendant une année , de succomber à
l’examen de la Licence. Non pas que le grade de Licencié soit
inaccessible, bien des exemples prouvent le contraire; mais c’est
un grade qui demande de longues préparations, la connaissance
approfondie et la pratique des littératures grecque , latine et
française, une grande habitude d’écrire dans les trois langues,
une rare érudition non-seulement philologique et littéraire,mais
encore philosophique et historique, avec le talent de la faire va
loir. C’est le grade placé immédiatement au dessus de celui de
Bachelier, sans doute; mais, soit dit sans offenser MM. les Ba
cheliers passés et futurs, de combien le surpasse-t-il?
Quantum tenta soient inter vibuma cupressi.
Il me reste à vous parler, Messieurs, de nos Cours de l’année
dernière. Je le ferai en peu de mots.
�— 40 —
La Faculté, au nom de laquelle j’ai l’honneur de porter la pa
role devant vous , est dans la fleur de l’âge ; elle vient d'accom
plir sa vingtième année seulement. Cependant elle a déjà eu be
soin , vous le savea, d’être rajeunie par des réparations et des
embellissements dont nous aurions voulu pouvoir vous annoncer
la fin. Mais plus le travail aura été long, et plus, selon toute ap
parence, l’ouvrage sera solide. Ainsi se resserrent par le temps
et par de nouveaux bienfaits les liens qui nous attachent à cette
cité intelligente , amie des études , notre patrie d’adoption et
d’affection.
Voilà pour l’extérieur. Pour ce qui regarde son enseigne
ment, notre Faculté a éprouvé quelque chose d’analogue. Quoi
que bien jeune encore, elle a déjà passé comme enseignante par
beaucoup de vicissitudes, et son état actuel ne répond pas d’une
manière satisfaisante à ses succès passés. L’année dernière, la
vérité nous oblige à le dire, nos auditeurs ont été peu nombreux.
Depuis que les étudiants ont obtenu pleine liberté de venir ou
de ne venir pas nous entendre , nous jouissons d’une tranquil
lité précieuse, dont nous avions le plus grand besoin; mais aussi
notre clientèle effective a sensiblement diminué. Est-ce là, tout
bien pesé et compensé, un changement regrettable ? Je ne sais.
Je me borne à exposer et à expliquer en toute sincérité notre
situation scholaire pendant le précédent exercice.
Parmi les influences défavorables qu’elle a eues à subir, il
faut compter le trouble causé par le marteau des ouvriers occu
pés à restaurer nos bâtiments sitôt ruineux. Au lieu de suspeu-
— 41
délabrement : il a été consolidé, remis à neuf, décoré, paré; à
présent, au lieu de repousser , il attire. Ceux des étudiants qui
continuent à nous suivre , et nous espérons que le nombre en
augmentera, le faisant de leur plein gré, par goût, parce qu’ils
en sentent l’avantage, sont paisibles, attentifs et recueillis. De
leur côté , les Professeurs feront de nouveaux efforts pour ré
pondre à ceux de l’Administration Municipale, afin de faire re
fleurir notre Faculté comme aux plus beaux jours, afin d’ouvrir
pour elle après vingt années d’existence une ère nouvelle de
prospérité , en sorte que nous puissions dire en empruntant les
paroles du poète latin :
Magnus ab integro studiorum nascitur ordo.
�RAPPORT DE M. DELOUME
Professeur agrégé à la Faculté de Droit.
Messieurs ,
La Faculté de Droit m’a confié la rédaction du Rapport sur
les prix de l’année; c’est une nouvelle preuve de la bienveillance
quelle n’a cessé de me témoigner, et dont je dois la remercier.
Je considère, au surplus, comme un heureux et singulier pri
vilège, que mes premières paroles dans l’enceinte de cette Fa
culté et comme membre du corps enseignant, soient consacrées
à publier les noms et les succès de nos lauréats, à leur parler
aussi à eux-mêmes, pour leur affirmer que dans ces succès ils
retrouveront plus tard d’utiles et doux souvenirs, pour leur re
dire les sympathies et les espérances qui s’attachent aux résul-
— 43 —
C’est qu’en effet, Messieurs, le succès dans cette science, n’est
jamais le prix d’une œuvre de pure inspiration, d’une étincelle
échappée à l’imagination ou au sentiment; il suppose nécessai
rement un travail persistant, une étude assidue des principes,
avec les nuances nombreuses et délicates qu’entraîne leur appli
cation.
Pour arriver à un résultat scientifique quelconque dans ces
matières, pour en connaître le langage, il faut avoir exercé son
esprit, assuré son jugement, et s’être habitué à rechercher dans
les solutions , l’accord entre les déductions de la logique pure
des textes et les inspirations de la morale. Ce sont là de nobles
préoccupations, dont l’heureuse influence trouve bien souvent
son reflet dans les mœurs et la vie de ceux qui y consacrent leurs
efforts.
Sur ces considérations, Messieurs, je ne crains pas d’être dé
menti, lorsque je vous aurai parlé de nos lauréats auxquels j’ai
hâte d’arriver.
En
première année,
les candidats avaient à traiter de l'éta
blissement des servitudes en droit Romain et en droit Fran
çais.
La composition qui occupe le premier rang, se recommande
par les qualités du fond et de la forme, c’est celle de M. Berland
Claudien, de Scmur (Saone-et-Loire). Le style et la méthode
prouvent que l’auteur est doué d’un esprit vigoureux , qu’il a
bien conçu l’ensemble de son sujet et bien relié dans son es
prit les diverses parties entre elles. Les questions controversées
sont sobrement et vivement traitées; les notions juridiques sont
généralement très-exactes et les principes invoqués à point et
bien appliqués.
La composition de M. Brémond Jules, de Marseille, à laquelle
la Faculté a décerné le second prix, est remarquable par le nom-
�_ 44 —
bre et l’importance des détails quelle renferme. Sur plusieurs
points l’auteur a fait preuve de connaissances étendues, qui sont
manifestement le fruit de sérieuses études; qu’il nous permette
de lui recommander de porter désormais plus de soin à la
forme.
Dans la composition de M. Laugier Victor, d’Aix, on retrou
ve l’ensemble des qualités qui distinguent les deux compositions
précédentes, mais à un degré moins élevé. La Faculté reconnais
sant le mérite de ce travail a accordé à M. Laugier la première
mention.
A la suite de ces compositions, qui occupent incontestablement
les premiers rangs , la Faculté a voulu en signaler trois autres
auxquelles elle a donné une mention ex œquo. Ce sont celles de
MM. Masseran, Petit dit Ginet et J auffret.
M. Masseran H enri, de Nîmes , a dit d’excellentes choses, il
possède des connaissances juridiques. Mais pourquoi n’a-t-il pas
su éviter la prolixité et les digressions? Comment ne pas tom
ber en danger d’erreurs ou de diffusion, lorsqu’on écrit d’un
trait et en quelques heures,trente-six pages, aux lignes serrées.
Que M. Masseran sache se borner, nous sommes certain qu’il
saura bien écrire, et qu’il arrivera aux meilleurs résultats.
On peut reprocher aussi à M. Petit dit Ginet Alphonse , de
Nîmes, de s’être laissé entraîner à des digressions , notamment
au début. Mais la Faculté a tenu à mentionner sa composition
parce qu’à côté de quelques inexactitudes et de quelques lacu
nes, elle a trouvé plusieurs points importants très-bien traités;
on peut indiquer entre autres, sa discussion sur la prescription
comme moyen d’établissement des servitudes.
Enfin la Faculté a accordé la meme distinction à M. Jauffret
Félix, d’Oppède, quoique sa dissertation laisse un peu à désirer
sous le rapport de la méthode et contienne quelques omissions,
notamment en droit Romain. Son travail écrit dans un style
clair et juridique,dénote des connaissances acquises par un tra
vail intelligent.
En seconde année, le sujet de composition donné présentait
de sérieuses difficultés , au point de vue du fonds qui renferme
de graves controverses, comme au point de vue de la mesure des
développements et de l’ordre méthodique à adopter, pour être
clair et complet. Il était ainsi conçu : De l’action en nullité ap
pliquée aux actes faits, soit par les mineurs non émancipés
soit par les tuteurs.
Dès le premier examen des travaux présentés, une composi
tion s’est immédiatement détachée des autres, pour prendre le
premier rang. Cette composition a surtout frappé la Faculté par
l’étendue et la sûreté des connaissances qui la distinguent. On
n’aurait eu que des éloges à adresser à l’auteur, s’il eut eu le
temps et le soin de châtier un peu plus son style; car son œuvre
est très-remarquable encore, par la clarté de la méthode, l’étroit
enchaînement des idées, la vigueur et le caractère vraiment ju
ridique des discussions nombreuses qu’il renferme. La Faculté
a décerné sans hésitation le premier prix à M. R ouvière Fer
nand, de Marseille, qui par ce succès, s’est montré lidèle à son
passé et a prouvé qu’il est,et sera toujours à la hauteur des obli
gations que son nom lui impose.
Au second rang est venu se placer une composition très-bonne
aussi. M. Coirard P au l, d’Alais , à qui la Faculté a décerné le
second prix, a présenté un travail moins complet que le précé
dent, mais auquel on ne peut pas cependant reprocher d’omis
sion grave. Dans la discussion, l’énergie, le souffle font un peu
défaut, mais on reconnaît dans ce travail, l’œuvre d’uu esprit
droit, judicieux et très-net.
La Faculté a accordé la première mention ex œquo à MM.
�— 46 —
GniMANELLi Périclès, de Marseille , el Granet Roch, de Sl-Nazaire, qui se recommandent par des mérites différents. La pre
mière composition dénote chez son auteur de l’acquis et un es
prit distingué, (M.Griraanelli a d’ailleurs fait ses preuves); mais
elle contient quelques erreurs formelles et regrettables sans les
quelles elle aurait occupé un meilleur rang. — La composition
de M.Granetest complète, généralement exacte, mais M.Granet
doit se défier de l’abondance des mots et des phrases qui se
pressent sous sa plume. Trop délayer son idée a l’inconvénient
de nuire à la netteté du style et à la clarté du raisonnement,
choses si nécessaires dans les matières du droit.
Enfin M. Coste Jules, de Marseille, à qui la Faculté a accor-*
dé la deuxième mention a su éviter ces défauts; son travail est
même remarquable par le nerf et la précision du style ; mais il
contient plusieurs inexactitudes très-fâcheuses sur des points
importants.
E n troisième année deux épreuves distinctes et faites dans
des séances séparées, sont proposées aux candidats : la premiè
re porte exclusivement sur le droit Romain, l’autre sur le droit
Français.
En droit Romain le sujet à traiter était la division des ac
tions au point de vue des pouvoirs du juge, sous le système
formulaire.
^
9
La composition de M. Gautier Alfred, d’Aix, qui a remporte
le premier prix, est une œuvre m im ent sérieuse, et qui est la
preuve évidente de fortes études. Le plan du travail est bien
conçu et bien indiqué , les détails historiques que comporte la
question sont nombreux et exacts , le style est simple et clair.
M. Gautier connaît le droit et il en parle nettement le langage.
La composition de M. Bernard Henri , de Draguignan , est
Les mêmes qualités caractérisent le travail de M.T assy Félix,
de Marseille. Il est à regretter, que l’auteur ait été aussi sobre
de détails, et ait trop écourté sa composition. La faculté lui a
accordé la seconde mention.
Enfin la composition de droit Français, la dernière dont j’ai
à vous rendre compte avait pour sujet la question suivante : à
quelles conditions était soumis d’après le Code Napoléon
l’exercice du droit de suite résultant des privilèges et hypo
thèques, et comment ces conditions ont-elles été modifiées
par les lois postérieures.
Comme en droit Romain , le premier rang a été dévolu à M.
Gautier Alfred , qui en traitant le droit Français s’est fait re
marquer par les précieuses qualités que nous avons signalées au
sujet de sa composition de droit Romain. M. Gautier termine
ses études de Licence dans des conditions qui font honneur à
l’enseignement de l’Ecole d’Aix. La Faculté a été heureuse de
décerner à M. Gautier le premier prix de droit Français.
Le second rang est occupé par une composition à laquelle
nous devons aussi nos éloges. M. Rrochier Gustave, de Brinsovres (Drome), qui a obtenu le second prix, malgré quelques in
exactitudes de détail et quelques développements étrangers au
sujet, a écrit dans un style clair et abondant une bonne disser
tation.
Au troisième rang, comme ayant obtenu une mention ex eequo,
• •(
�— 4.8
nous retrouvons deux candidats déjà couronnés pour le droit
Romain ; MM. Bernard et T assy. — M. Bernard a trop insisté
sur des points étrangers au sujet et a par suite écourté ce qui
concerne le sujet lui-même. Le plan laisse aussi à désirer, niais
tous les développements donnés à la matière sont exacts ét bien
présèntés. — Nous dirons sur M. Tassy, ce que nous avons
déjà dit au sujet de sa composition de droit Romain. Son travail
est clair , exact et remarquable par la netteté de la méthode et
du styie, mais il manque de développements soit dons l’exposi
tion, soit dans la discussion des questions controversées.
Nous avons ainsi terminé la liste de nos lauréats, ca^ nous
sommes obligés de dire avec regret qu’aucun mémoire n’a été
présenté au concours de Doctorat. Le sujet remis au concours
par M. le Ministre , présentait cependant un grand intérêt sous
des aspects divers et bien dignes d’être étudiés. Traiter du colonat partialre , en effet, s’est s’occuper des ouvriers agricoles,
de cette classe de travailleurs dont le sort se rattache si étroite
ment à l’ordre social et politique des nations. C’était là l’objet
d’une belle étude historique. Quelle question, d’autre part,
pouvait être plus palpitante d’actualité? Quelles discussions en
fin sont plus dignes d’émouvoir les sentiments généreux, que
celles où s’agite le sort du peuple des campagnes ? .. En l’ab
sence de tout travail, nous n’avons qu’à formuler des regrets et
des espérances pour l’avenir, et à clore ce rapport.
Laissez-nous cependant vous parler encore en terminant,
vous qui allez entrer dans la carrière, de la grandeur de l’objet
de vos travaux. — Les lois et les coutumes d’un pays en sont
comme le cœur, comme l’organe essentiel à sa vie. Tirées du
fonds commun de la conscience humaine , elles manifestent et
caractérisent les mœurs, les goûts , les aspirations du peuple
qu’elles gouvernent, elles dirigent ses actions, elles en règlent
le mouvement. Aussi peut-on dire, je crois, qu’aimer les lois de
— 49 —
son pays, en connaître l’esprit, c’est vraiment connaître et ai
mer le pays lui-même.
D’ailleurs dans cette recherche désintéressée et constante de
la justice et de la vérité, qui est le travail du juriste , comment
l’âme pourrait-elle ne pas s’épurer, l’esprit s’élever, les senti
ments qui donnent des citoyens utiles et dévoués à leur pays ne
pas se développer ? J ’en atteste avec vous, Messieurs, l’histoire
de toutes les nations civilisées. Elle est là pour nous dire, com
bien souvent c’est parmi les jurisconsultes, que la patrie a re
cruté ses plus grands citoyens.
�SÉANCE DE [{ENTRÉE
DE
LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DE
L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE ET DE PHARSUCIE
DIS M A R S E IL L E
Le 26 novembre 1866, dans le grand amphithéâtre de la
Faculté des Sciences, à Marseille, a eu lieu la rentrée de la Fa
culté des Sciences et de l’Ecole Préparatoire de Médecine et de
Pharmacie, sous la présidence de M. Desclozeaux, Recteur de
l’Académie.
A côté de M. le Recteur avaient pris place M. de Salve,
inspecteur d’académie en résidence à Marseille, M. le Doyen de
la Faculté des Sciences, M. le Directeur de l’Ecole Préparatoire
de Médecine , MM. les Professeurs de la Faculté des Sciences et
de l’Ecole Secondaire. M. le Proviseur et MM. les Professeurs
du Lycée Impérial occupaient , avec une division des élèves du
Lycée, 1estrade des places d’honneur.
�52 —
On remarquait, dans l’auditoire , un grand nombre de
personnes notables appartenant au Clergé et aux Administra
tions civiles et militaires, et les Elèves de l’Ecole de Médecine.
La séance étant ouverte, M. le R ecteur a donné la pa
role à M. l’abbé Aoust, professeur à la Faculté des Sciences.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
En venant exceptionnellement vous exposer les travaux de la
Faculté des Sciences pendant l’année qui vient de s’écouler, j’é
prouve une double appréhension : la première m’est inspirée
par l’honneur de porter la parole dans cette séance solennelle,
la seconde, par la nécessité de la porter à la place du Doyen de
la Faculté, notre distingué collègue, dont la voix éloquente ré
veille tant de sympathies. Heureusement, les règlements pres
crivent que les rapports de rentrée des Facultés ne soient que
l’exposé simple et fidèle de leurs travaux ; or, les faits accomplis
dans notre Faculté ont une éloquence propre que les paroles les
plus vulgaires ne sauraient détruire.
Les travaux ordinaires de la Faculté des Sciences sont : l’en
seignement oral, les examens relatifs à la collation des grades
universitaires, les recherches et les publications des Professeurs
pour l’avancement des sciences , ce qui est leur enseignement
écrit.
sées en trois.sections : sciences mathématiques, sciences physi
ques, sciences naturelles.
L’enseignement des Sciences Mathématiques, purement thé
orique , est confié à deux Professeurs chargés , le premier du
calcul infinitésimal et de Yastronomie, le second de la méca
nique; il s’adresse aux mêmes auditeurs. 11 a été suivi, cette
année comme toujours, avec une grande exactitude par déjeu
nes professeurs , des aspirants ingénieurs , des maîtres répéti
teurs du Lycée. Les auditeurs de ces Cours spéciaux ne peuvent
pas être nombreux, ils sont assidus et studieux.
L’enseignement des Sciences Physiques est donné par deux
Professeurs,l’un chargé de la physique proprement dite et l’au
tre de la chimie. Cet enseignement est à la fois théorique et ex
périmental. L’expérimentation bien conduite n’est pas seule
ment la confirmation de la théorie , elle est un puissant attrait
et rend les faits les plus élevés accessibles à toutes les intelli
gences. C’est par un grand talent d’expérimentation, qui se
conde un talent au moins égal d’exposition, que nos habiles
Professeurs de Physique et de Chimie ont attiré et captivé au
tour de leur chaire un public nombreux composé non-seule
ment des étudiants de nos Ecoles , mais de ees auditeurs béné
voles qui n’ont d’autre mobile que le goût pour les sciences, et
les nobles plaisirs de l’intelligence.
L’enseignement des Sciences Naturelles est aussi donné par
deux Professeurs, le premier chargé de la zoologie et de la bo
tanique, le second, de la minéralogie et de la géologie.Cet en
seignement est essentiellement démonstratif ; les appareils de
démonstration sont ceux que la nature elle-même a produits,
ou bien une imitation aussi parfaite que possible de ees appa
reils. Il a été suiu , celte année comme les précédentes, par de
�nombreux auditeurs jaloux de connaître les admirables lois qui
régissent les êtres organisés ou vivants , ou qui président à la
formation des corps inorganiques dans le mystérieux laboratoire
de la nature.
Dans les Universités de l’Allemagne que nous avons eu le
bonheur de visiter et d'étudier dès le début de notre carrière
professorale, il y a à côté de l’enseignement réglementaire con
fié aux professeurs titulaires, un enseignement facultatif confié
à de jeunes docteurs. Une louable rivalité s’établit entre les pre
miers, vétérans de la science qui en ont reculé les bornes, et les
seconds , jeunes débutans jaloux de se faire connaître ; ceux-ci
exposent, souvent avec un rare talent, les parties non comprises
dans le cadre de l’enseignement olliciel. Un premier essai de cet
enseignement accessoire a eu lieu cette année dans notre Fa
culté. M. le docteur Rousset y a fait un Cours de chimie ana
lytique appliquée au commerce et à ï industrie. C’est parce
que le succès a couronné les efforts du jeune professeur, qu’il
vient d’être autorisé par M. le Ministre de l’Instruction Publique
à continuer son enseignement pendant l’année qui va com
mencer.
Examens. — Les examens pour la collation des grades sont
de trois sortes : examens du Baccalauréat, de la Licence, du
Doctorat.
Baccalauréat. — U y a deux sortes de Baccalauréats èsSciences ; le baccalauréat complet, exigé des aspirants à toutes
les Ecoles scientifiques de l’Empire et des aspirants à la Licence;
le baccalauréat restreint, exigé des élèves en Médecine. Les
programmes de ces deux baccalauréats renferment les éléments
de toutes les sciences enseignées dans une Faculté ; ils ne diffè
rent l’un de l’autre qu’en ce que les parties spéciales des Mathé
matiques contenues dans le programme du Baccalauréat com-
Marseille
Alger
Ajaccio
Bastia
Nice
206
22
13
11
12
Total... 263
Sur ces 263 candidats , deux seulement ont obtenu la note
très-bien, l’un pour le Baccalauréat complet, l’autre pour le
Baccalauréat restreint. Ces deux candidats dont je proclame les
noms avec éloge sont :
MM. àijgieh, élève du Lycée de Nice,
Léon, élève du Lyee de Marseille.
Dix ont obtenu la note bien, six pour le Baccalauréat complet,
quatre pour le Baccalauréat restreint. Les six premiers dont je
cite les noms par ordre de mérite sont :
MM. Brossard, élève libre,
J acquin, du Lycée d’Alger,
P icard, de l’Institution S‘°-Barbe,
Düthier, du Lycée d’Alger,
Mlle R enouer, élève libre,
M. P radel, du Lycée de Marseille.
Les quatre autres aussi classés par ordre de mérite sont :
�— 5f> —
MM. Bernard, élève libre,
Gourier, du Collège de Toulon,
Delmas, du Collège de Toulon,
Condon, élève libre.
La noie assez bien a été donnée à 43 candidats,dont 28 pour
le Baccalauréat complet, et 15 pour le Baccalauréat restreint.
Enfin la note passable à 51 candidats, dont 31 pour le Bac
calauréat complet, et 20 pour le Baccalauréat restreint.
Le nombre des ajournés s’est élevé à 155 , dont 105 pour le
Baccalauréat complet et 50 pour le Baccalauréat restreint : ce
qui veut dire que sur 100 candidats, 57 ont été ajournés et 43
admis.
Cette nomenclature ne doit pas être pour nous stérile , arrê
tons-nous un moment pour y puiser de sages enseignements.
Parmi les candidats qui sont sortis victorieux de l’épreuve avec le plus d’honneur , nous avons nommé Mlle Renguer. Nous
citons son nom pour la seconde fois parce qu’elle a droit à un
second tribut d’éloge , non-seulement à cause de son sexe mais
encore parce qu’elle offre aux jeunes gens l’exemple d’une énergie virile. Il y a un an , elle était proclamée dans une autre
enceinte parmi les vainqueurs q u i , aux difficiles épreuves du
Baccalauréat ès-Lettres, avaient obtenu la mention bien. Depuis
cette époque , tout en se livrant aux devoirs de l’enseignement
privé dans la ville d’Alger , elle a consacré tous ses loisirs à l’é
tude des sciences. Après une année d’études sérieuses, elle s’est
présentée devant le jury de notre Faculté avec cette modeste as
surance qui est inséparable du vrai savoir. Ses épreuves écrites
ont été satisfaisantes ; nous avons à peine trouvé une copie com
parable à la sienne pour la solution du problème de Physique,
les épreuves orales n’ont pas été inférieures, bien que les ques
tions les plus élevées de Géométrie, d’Algèbre, de Physique lui
aient été adressées.
— 57 —
Le second enseignement nous est donné par la proportion 57
sur 100 de candidats ajournés.Evidemment,cette proportion est
beaucoup trop forte. Il nous est facile de signaler la cause de
ces échecs si nombreux ; il faut la placer dans cette déplorable
habitude dans laquelle sont les candidats de négliger, ou du
moins de préparer à-demi les parties de l’examen qu’ils regar
dent à tort comme accessoires. S’agit-il du Baccalauréat com
plet ? les aspirants se garderont bien de donner une faible pré
paration aux sciences Mathématiques! qui sont en quelque sorte
le pivot de l’examen. Ils savent très-bien que négliger cette par
tie fondamentale rendrait impossible leur admission; mais ils
négligent une ou deux parties qui, peu ou mal préparées, peu
vent, dans certains cas, ne pas entraîner la nullité de l’examen:
c’est ordinairement la Chimie ou la Cosmographie. S’agit-il du
Baccalauréat restreint ? la tactique des candidats est la même,
ils sont préparés convenablement sur les Sciences naturelles et
sur la physique , les sciences sacrifiées sont les Mathématiques
et la Chimie... De là résulte une réaction forcée des juges pour
réhabiliter les sciences négligées , laquelle entraîne ordinaire
ment la défaite des candidats ainsi préparés.
Licence. — Il y a trois Licences ès-Sciences : la première
h-sciences mathématiques , la seconde h-sciences physiques,
la troisième ès-sciences naturelles. Pour le Baccalauréat, l’Uni
versité exige la connaissance de la partie élémentaire de toutes
les sciences enseignées dans la Faculté ; pour chacune des trois
Licences, elle ne réclame que la connaissance des sciences qui
se rapportent à cette Licence, mais elle la réclame complète, ap
profondie , non-seulement dans les parties élémentaires, mais
dans les questions les plus élevées. Sous de pareilles conditions,
avec les progrès que les sciences font tous les jours, le grade de
Licencié est difficile à obtenir. Aussi,il conduit presque toujours
au professorat soit dans les Collèges soit dans les Lycées.
�Six candidats se sont présentés ; cinq pour les Sciences Ma
thématiques, un pour les Sciences Naturelles. Quatre ont obte
nu le grade de Licencié. Ce sont pour les Sciences Mathémati
ques :
MM. Michel, avec la mention bien,
R uty, avec la mention assez bien,
Sertlet, avec la mention passable.
Pour les Sciences Naturelles :
M. Moquin-T andon, avec la note bien.
Tous les quatre étaient élèves de la Faculté.
En citant le nom de M. Ruty , je ne puis me défendre d’une
certaine émotion. À peine ce studieux jeune homme avait cueilli
ces glorieuses palmes , que la m ort, faucheur impitoyable, sans
égard pour sa jeunesse, sa distinction, et la tendresse d’une mè
re qui veillait depuis trente jours au chevet du lit, a tranché le
cours de cette existence pleine d’avenir et qui, j’en suis sûr, au.
rait été utile à l’enseignement public. Que les éloges et les re
grets du maître en faveur du disciple arrivent jusqu’à l’oreille
de son vieux père pour lui redire toutes les sympathies que ce
jeune étudiant nous avait inspirées.
Doctorat. — Il y a aussi trois Doctorats ès-Sciences, chacun
se rapportant à chacune des sections scientifiques dont nous avons parlé. Le grade de Docteur, le plus élevé de tous, confère
des droits exceptionnels, dont le plus important est celui de
pouvoir devenir Professeur dans une Faculté , ou bien d'y ou
vrir un Cours public. Pour obtenir ce grade il faut soumettre à
une Faculté deux thèses. Toute thèse doit renfermer des résul
tats nouveaux pour être admise à la discussion devant la Faculté.
La soutenance de la thèse est une solennité à laquelle toute la
Faculté est conviée, et tous les Professeurs ont droit de prendre
— 59 —
part à la discussion. Toutes ces exigences de l’Université ren
dent l’accès du Doctorat très-difficile, et les séances deréception
tout-à-fait rares.
Cette année une pareille solennité a eu lieu devant notre Fa
culté. M. Commaille, déjà connu par plusieurs mémoires juste
ment estimés des savants, a présenté une thèse remarquable de
chimie sur les substances albuminoïdes. La soutenance de la
thèse a révélé à la fois et les connaissances les plus approfon
dies , et une grande facilité d’exposition. Le grade de Docteur
lui a été conféré avec la note très - bien. Une récompense des
plus flatteuses lui a été accordée par S. E. M. le Ministre de
l’Instruction publique : c’est l’autorisation d’ouvrir cette année
même un Cours public dans le sein de notre Faculté.
Recherches et P ublications des P rofesseurs. — Le
Professeur d’Analyse et d’Astronomie a publié deux études, l’u
ne sur l'astronome marseillais Pythéas, l’autre sur un double
système de surfaces réglées dérivant du mouvement d'une
droite. Exposés d’abord dans une des séances de la session que
l’Association scientifique de France a tenue cette année à Mar
seille, ces deux mémoires ont été ensuite publiés dans le recueil
des Mémoires de l’Association.
Le Professeur de Physique a continué ses belles recherches
sur la dissolution des gaz dans les liquides. Les appareils in
génieux imaginés par l’auteur, ainsi que les principaux résul
tats qu’il a obtenus, ont été exposés par M. le docteur Commaille
dans une des plus brillantes séances de la session dont nous avons parlé. L’ensemble de ces remarquables travaux sera publié
dans le recueil des Mémoires de l’Association.
Les études de Thermochimie que notre collègue M. Favre a
depuis longtemps entreprises, ont jeté un jour tout nouveau sur
Yétat moléculaire des corps. Dans ses dernières recherches,
�GO —
publiées dans les Comptes-rendus de l’Institut, le savant Profes
seur a mis en évidence ce fait, nouveau et d’une haute portée,
savoir que dans le phénomène de la combinaison des corps, les
molécules subissent des modifications qui précèdent cette com
binaison , et la préparent en quelque sorte , et il est parvenu à
séparer la chaleur due à cette modification préparatoire , de la
chaleur produite par la combinaison elle-même. Il est inutile
d’insister sur l’importance de ce résultat dont les conséquences
atteignent ce qu’il y a de plus intime dans le travail moléculaire
des réactions chimiques.
Tout le monde connaît le succès éclatant qu’ont eues les Con
férences Scientifiques du soir , faites à Paris dans la Sorbonne.
Pouvait-il en être autrement ? Ces soirées avaient pour acteurs
les grandes célébrités dont la France s’honore à si juste titre.
Nos plus illustres savants y exposaient tour à tour leurs décou
vertes devant une auditoire immense. Le Professeur de Géolo
gie , M. Lespés a eu l’honneur d’y être appelé pour faire une
leçon publique sur l’objet de ses études de prédilection. Dans
un langage digne de Réaumur, il a montré tout l’intérêt qui
s’attache à l’histoire de la fourmi. La nature n’est pas moins
belle dans les petits insectes que dans les animaux les plus éle
vés de la création :
Nec aiajor in illis, nec minor in istis.
%
(PL1NIÜS).
Missions confiées aux P rofesseurs . — Les Missions spé
ciales que l’Université a confiées aux Professeurs des Facultés
honorent ceux qui en sont chargés, et mettent en relief la haute
utilité de ces établissements.
Depuis plusieurs années les Professeurs de la Faculté sont
chargés de l’inspection de l’enseignement scientifique du Lycée
de Marseille. 11 serait peut-être difficile qu’un seul homme pût
—
61
inspecter d’une manière utile cet enseignement aussi complet
que varié, et qui a pour objet les diverses branches des Mathé
matiques, la physique, la Cosmographie, la Mécanique, l’Histoi
re Naturelle. Les Professeurs de notre Faculté se sont livrés cette
année avec le même zèle que les années précédentes à ce travail
d’inspection, et ils ont constaté une fois de plus les progrès des
élèves sous la direction de leurs habiles maîtres.
Il est une seconde mission confiée aussi aux Professeurs, non
moins délicate que la première mais peut-être plus importante,
c’est la direction du Concours Académique qui a lieu tous les
ans, dans l’ordre des sciences entre tous les Lycées et tous les
Collèges de l’Académie. Le Ministre de l’Instruction Publique
en instituant ce Concours , a voulu que le choix des sujets des
compositions, la correction, le classement des copies fussent
l’œuvre de la Faculté des Sciences. Il est inutile de dire avec
quel soin les Professeurs de notre Faculté se sont livrés à ces
différentes opérations, si laborieuses, mais il est utile d’ajou
ter qu’ils sont heureux de saisir toutes les occasions de prou
ver combien leur sont précieux les liens qui les attachent à ces
grands Lycées où ils ont fait leurs premières armes.
Je ne dois pas passer sous silence la mission qui a été confiée
encore cette année à l’un d’entre nous, M. Favre,de faire partie
du Jury pour le Concours d’Agrégation des Sciences Physiques
et Naturelles. Aux yeux de tous ceux qui connaissent combien
ce concours est élevé , c’est un honneur de siéger comme juge
dans ces assises scientifiques dans lesquelles tant de Professeurs
distingués s’efforcent de conquérir le titre d’Agrégé de l’Uni
versité,
Un Philosophe voulant donner à un de ses disciples l’estime
d’un devoir de morale , l’obligea à composer une dissertation
sur l’excellence de ce devoir. Le but du Sage fut atteint, car,
forcé de considérer son sujet sous tous les aspects,d’en faire res-
�sortir tous les avantages , le disciple s’éprit d’amour pour ce
saint devoir. C’est là l’image de ce qui m’est arrivé à moi-même
en écrivant ce Rapport sur les travaux de notre Faculté, je me
suis épris d’un plus grand amour pour les devoirs du professo
rat, d’une plus haute estime pour nos fonctions. Y a-t-il une
occupation plus élevée que celle d’étudier la nature telle que les
plus grands maîtres nous l’ont, fait connaître, ou telle qu’elle se
montre elle-même? A demi voilée pour les indifférents, elle dé
couvre sa noble figure à ses familiers. Y a-t-il une plus belle
mission que d’être son interprète auprès des hommes en expo
sant ses lois si harmonieuses, si variées , en déroulant les titres
de sa divine origine? La nature n’est pas un effet sans cause,
elle est fille de la divinité. À travers la nature , disait Linnée,
j’ai vu Dieu lui-même : Vidi eum à tergo transemtem. Quelles
plus saintes fonctions que celles de rendre , par la collation des
grades , cette justice distributive qui a tant d’influence sur la
position de chacun dans notre système social ! Ces nobles de
voirs , ces saintes fonctions nous pouvons les énoncer en deux
mots : Apostolat ! Magistrature !
-m -
RAPPORT DE MONSIEUR LE DIRECTEUR
de l’Ecole de M édecine et de Pharm acie.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
Je viens remplir ma tâche de chaque année en vous faisant
connaître la situation de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie
de Marseille pendant le dernier exercice scolaire.
Notre institution , j’ai hâte de le dire, conserve toujours, de
puis dix ans environ , l’un des premiers rangs parmi les Ecoles
Médicales de la province. Indépendamment de la valeur des
Maîtres quelle possède, elle doit cette bonne situation à l’abon
dance des moyens d’instruction que les étudiants y trouvent,
notamment pour les études anatomiques et cliniques.
Les Cours des deux semestres, faits, comme toujours, avec
zèle et régularité, ont été assidûment fréquentés par les élèves,
qui ont ainsi, la plupart, dignement répondu aux efforts de leurs
Professeurs.
Notre nouveau collègue , M. Rousset, nommé , l'année der
nière, Professeur suppléant de la chaire de Pharmacie et de To
xicologie, vient de faire avec succès, pendant le semestre d’été,
�— 64 —
le Cours dont M.Favre, Professeur titulaire, était ordinairement
chargé.
Cela s’est fait en vertu d’une combinaison qui m’avait paru
bonne, que j ’ai proposée à titre d’essai, et que M. le Recteur m’a
fait l’honneur d’approuver.
D’après ces idées , M. Favre avait fait, pendant l’hiver, un
Cours de Chimie Médicale, Cours qui devait, avec la haute com
pétence du Professeur, servir d’introduction à celui de Pharma
cie et de Toxicologie.
En effet, la Chimie Médicale, enseignée, l’hiver, par le Pro
fesseur titulaire; puis la Pharmacie et la Toxicologie, démon
trées, l’été, par le Suppléant, c’est un enseignement complet de
toutes ces matières, qui se lient intimément les unes aux autres.
L’essai a bien réussi. Le Cours de M. Rousset, venant après
celui de M. Favre et très-soigneusement fait, a été fort goûté des
élèves. M. Rousset, je dois lui rendre cette justice, a complète
ment réalisé les espérances que sa nomination avait fait naître.
M. le Recteur voulant bien nous y autoriser, cet enseignement
sera ainsi continué , au grand avantage de nos deux catégories
d’étudiants, durant la présente année scolaire.
Cette heureuse tentative, dont j’ai dû signaler les bons résul
tats , me porterait à désirer que la Chaire de Pharmacie et de
Toxicologie fût dédoublée,de telle sorte qu’il y aurait,à sa place,
une Chaire de Chimie Médicale, et une Chaire spéciale de Phar
macie , à laquelle se rattacheraient les notions élémentaires de
la Toxicologie.
Le rang que l’Ecole Médicale de Marseille occupe parmi les
institutions du même ordre m’inspire aussi l’expression d’un
vœu qui est depuis longtemps dans ma pensée: le dédoublement
encore de la Chaire d’Anatomie et de Physiologie; je veux dire
sa transformation en deux Chaires distinctes, l’une d’Anatomie,
l’autre de Physiologie , et confiées à deux Professeurs indépen
dants l’un de l’autre, ainsi que cela existe dans quelques Ecoles.
i
— 65 —
La Municipalité de Marseille, si soucieuse de la prospérité de
son Ecole de Médecine , n’hésiterait pas, je le crois fermement,
si la demande lui en était faite, d’ajouter à notre budget un sup
plément de subvention pour le traitement des nouveaux Pro
fesseurs.
Quant à M. le Ministre de l’Instruction Publique, sa vive sol
licitude pour tout ce qui tend à élever le niveau des études et
en élargir le cercle est pour nous la plus sûre garantie que Son
Excellence, après un vote favorable du Conseil Municipal, vou
drait bien doter notre Ecole des deux nouvelles Chaires , et en
accroître ainsi considérablement l’imporlance.
La réalisation si désirable de ces vœux s’harmoniserait par
faitement bien avec l’appropriation , dans un temps très-pro
chain, du nouveau local de l’Ecole.
65 étudiants ont subi, au mois d’août, l’examen réglemen
taire de fin d’année : 47 pour la Médecine, 18 pour la Phar
macie. Nous avons noté 6 absents, 3 pour cause de maladie,
et 3 sans motifs connus.
Cet acte , dont l’importanee devrait être plus sérieusement
appréciée par les élèves, nous a, d’une manière générale , mé
diocrement satisfaits ; nous espérions mieux. Il y a eu 12 ajour
nements pour les deux classes d’étudiants ; c’est vraiment beau
coup trop.
Les élèves en Médecine de troisième année ont obtenu les
meilleures notes.
Les étudiants ajournés ou légitimement empêchés à la session
normale ont subi leur examen, moins 4 manquants, à la ses
sion supplémentaire de la rentrée, les 8, 9 et 10 novembre.
Les résultats de celte épreuve , je regrette bien de le consta
ter, n’ont pas été plus satisfaisants qu’au mois d’août. 5 ajour
nements ont encore été prononcés.
�—
66
—
Nous avons eu, au commencement et dans les derniers jours
d’octobre, nos deux sessions d’examens de fin d’études, sous la
présidence de M. l’Inspecteur général Denonvilliers, pour la
Médecine, et, pour la Pharmacie, de M. Jeanjean, Professeur à
l’Ecole supérieure de Pharmacie de Montpellier.
7 candidats se sont présentés pour le grade d’Officier de
Santé. 3 seulement ont été reçus. Des A autres, 1 a été ajour
né au premier examen ; I au deuxième ; 2 au troisième.
Il y a eu 15 aspirantes au brevet de Sage-Femme. Sur ce
nombre 13 admissions et 2 ajournements.
22 prétendants au diplôme de Pharmacien et 7 Herboristes
ont. comparu devant le Jury de Pharmacie.
Tous les Herboristes ont réussi dans l’unique épreuve qu’ils
ont à subir. Pour les candidats au titre de Pharmacien, 2 ont
été ajournés au premier examen ; 2 au second : 3 au troisiè
me. Les autres ont été admis.
Nous avons reçu l’an dernier , 379 inscriptions, qui se divi
sent ainsi : 146 pour le Doctorat ; 107 pour le titre d’Olïicier
de Santé ; 12 pour le grade de Pharmacien de Ire classe ; 114
pour celui de Pharmacien de 2rae classe.
Le produit de ces inscriptions, joint à la recette des examens
de fin d’études, réduit à un faible chiffre la subvention munici
pale en faveur de l’Ecole.
Depuis plusieurs années, une diminution progressive se re
marque dans le nombre des inscriptions prises en vue du diplô
me d’Officier de Santé , comparativement à celles qui ont pour
but le Doctorat. Il y a , conséquemment, moins de postulants,
aujourd’hui, pour la position de praticien du deuxième degré.
Je crois devoir maintenant présenter au Conseil Académique
quelques faits d’un autre ordre, qui intéressent directement l’Er
cole de xMédecine.
— 67 —
Notre salle de Dissection était mal aérée et insuffisamment éclairée. Il im portait, dans l’intérêt de nos élèves, au point de
vue de la salubrité et pour la plus grande facilité des études
Anatomiques, de remédier à ce double inconvénient. Je l’ai fait
en demandant à l’Administration Municipale , qui a bien voulu
me les accorder immédiatement, des réparations et changements
dont j’attends les meilleurs effets.
Ces travaux , d’une extrême utilité , ont dû marcher de pair
avec le déplacement de la Morgue et la nouvelle disposition des
abords de l’Hôtel-Dieu.
La Commission Administrative des Hôpitaux de Marseille,
par l’organe de son Président, signale, dans le dernier comptemoral de ces établissements , parmi les mesures utiles et néces
saires dont la réalisation est encore attendue, l’installation d’u
ne Clinique d’Accouchement au siège même de l’Ecole , à l’Hôtel-Dieu.
Je travaille sans relâche , depuis assez longtemps, à combler
cette importante lacune , qui me préoccupe très-sérieusement,
je n’ai pas besoin de le dire. Mes efforts finiront bien par attein
dre le but, dès qu’a uront cessé les obstacles matériels qui, jus
qu’ici, ont paralysé le bon vouloir de l’Administration.
En l’état, l’enseignement Obstétrical, sous le rapport prati
que , n’existe , dans nos Hospices , que pour les élèves SagesFemmes. Les dispositions qui avaient été prises par la Commis
sion Administrative pour y faire participer nos étudiants, n’ont
pu recevoir leur effet, à cause des difficultés résultant des res
trictions que la Commission avait dû forcément y apporter, afin
d’éviter les inconvénients d’un enseignement simultané pour
des élèves de différents sexes.
Les étudiants en Médecine sont donc privés, à Marseille , de
tous moyens cliniques d’instruction Obstétricale.
�Celte situation, des plus regrettables, la Commission des Hos
pices l’apprécie fort bien. Aussi, toujours désireuse de concilier
l’intérêt de la science, qui est, en définitive, l’intérêt de l’huma
nité , avec celui de ses établissements charitables ; comprenant,
comme elle doit être comprise, l’étroite solidarité qui existe en
tre l’Assistance publique et l’Enseignement médical, la Commis
sion, sur rna demande, avait voté, il y a déjà deux ans, la créatioh d’une Clinique d’Accouchement dans son Hôpital central.
Malheureusement, des circonstances indépendantes de sa
bienveillance pour l’Ecole de Médecine n’ont pas permis encore
de donner suite à ce vote.
Nous le regrettons profondément, sans doute. Mais l’essentiel
est fait; le principe est admis; une délibération motivée procla
me, pour l’instruction exclusive des élèves en Médecine, la né
cessité d’une Clinique Obstétricale à l’Hôtel-Dieu.
Je suis très-convaincu , pour ma p a rt, que l’Administration
des Hôpitaux, dès que l’état de ses ressources et la disponibilité
de ses locaux le lui permettront, donnera, par l’exécution de ce
projet, satisfaction à l’Ecole de Médecine.
Une nouvelle invasion du choléra, la huitième depuis 1835,
est venue affliger Marseille.
Dans ces tristes jours, le dévouement de l’Ecole et de tous les
membres de notre famille Médicale , Docteurs et Elè>os, s’est
fait connaître de nouveau. Chacun a fait dignement son devoir,
et, rendons-en grâces à Dieu , l’épidémie n’a fait, cette année,
aucune brèche dans nos rangs.
Je termine, Messieurs, par la proclamation des noms des lau
réats de l’Ecole.
Sont inscrits sur ce tableau d’honneur les élèves qui ont été
remarqués par leur assiduité aux Cours et qui ont obtenu les
meilleures notes à l’examen de fin d’année.
ÉTUDIANTS EN MEDECINE.
V ' année.
1er prix ex-æquo : MM. Béraud et Bastide.
2mc prix : M. Berrut.
Mention honorable : MM. Jamet et Gentili.
L’Ecole ne décerne pas de prix, cette fois, pour la 2me année.
3me année.
Prix ex-æquo : MM. Nicolas, Eyriès et Coste.
Mention honorable : MM. Bernier et Tron.
ÉTUDIANTS EN PHARMACIE.
Prix ex-æquo : MM. Andréolléty , Reynier, Giboux et
Granet.
Mention honorable : MM. Jourdan et Charousset.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1867-1868.pdf
00c64ce23f20ab2e8942dde806b604d3
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SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D ’A I X
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DB
1867-1868
L'ÉCOLEPRÉPARATOIRE DE MÉDECINE et DE PHARMACIE
DE M A R S E IL L E
(f
A IX
A. MÀKA1RE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
9, rue Pont-Moreau, 9
1887
�SÉANCES DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
THÉOLOGIE, DE DROIT ET DES LETTRES
D ’A I X
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
ET DB
L'ÉCOLEPRÉPARATOIRE DE MÉDECINE et DE PHARMACIE
DE M A R S E IL L E
(f
A IX
A. MÀKA1RE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
9, rue Pont-Moreau, 9
1887
�SÉANCE SOLENNELLE DE
DES FACULTÉS
DE THEOLOGIE,
DE DROIT
ET
DES LETTRES
D 'A I X
La rentrée solennelle des Facultés de Théologie, de Droit
et des Lettres d’Aix, a eu lieu, le mardi 19 novembre 1867,
dans la grande salle des Actes de la Faculté de Droit, sous la
présidence de M. J. Vieille , Recteur de l’Académie.
Cette cérémonie, précédée selon l’usage, d’un service reli
gieux , avait réuni un nombreux concours de personnes nota
bles. On remarquait, aux places d’honneur, M. Rigaud, premier
�—
6
—
président de la Cour impériale ; M. Merville , procureur géné
ral; M. Perrotin, procureur impérial; M. Pascal Roux, maire
d’Aix; des membres de la Magistrature, du Clergé, du Barreau,
du Conseil municipal. L’administration diocésaine était repré
sentée par MM. les Vicaires généraux, en l’absence de Mgr Chalandon , archevêque d’Aix, que des motifs de santé avaient em
pêché d’assister à la séance; on comptait aussi des dames dans
l’auditoire.
A midi, M. le R ecteur entre dans la salle, accompagné
de MM. les Inspecteurs de l’Académie et de MM. les Doyens et
Professeurs des Facultés, tous en costume , et prend place sur
l’estrade réservée au Corps académique.
M.
le
R ecteur ouvre la séance par le discours suivant :
M e s s ie u r s ,
En prenant pour la première fois la parole dans cette solen
nité annuelle , qui va rouvrir nos Ecoles d’enseignement supé
rieur, ma pensée se reporte naturellement sur l’année scolaire
qui vient de s’écouler; et quand je vois les coups nombreux que
la mort a frappés dans vos rangs, je ne puis me défendre d’une
impression de tristesse que vous partagerez avec moi.
— 7—
Il y a quelques semâmes, à la veille de l’inauguration du Ly
cée de Toulon, j’allais serrer la main de mon honorable prédé
cesseur dans sa villa de Coste-Belle. j ’admirais la retraite char
mante qu’il s’était faite, sur les bords de la Méditerranée, et où
il devait goûter, selon toute apparence, ce repos entouré de con
sidération qui couronne une vie bien remplie , ce repos après
lequel nous soupirons tous, oüumcum dignitate. . . . Un mois
après, M. Desclozeaux n’était plus ! L’Université , à laquelle il
s’était attaché comme à une seconde magistrature , conservera
le souvenir du bien qu’il a fait. En dépit des entraves qu’un
corps brisé mettait à l’activité de son esprit, son concours éclairé
et judicieux n’a jamais manqué aux progrès de l’instruction pu
blique.
En parlant d’espérances déçues, un autre nom se présente à
ma pensée. Lui, aussi, approchait du terme d’une longue et ho
norable carrière, et pouvait légitimement aspirer après trentesept ans de services, à échanger le labeur du professorat contre
une haute position administrative. M. Lafaye , ancien doyen de
la Faculté des Lettres, appartenait à cette génération d’hommes
distingués que la révolution de i 830 trouva prêts à entrer dans
l’enseignement public. Admis en 1829 à l’Ecole préparatoire
qui devait reprendre, l’année suivante, et garder le titre d’Ecole
Normale , il avait puisé dans ce grand foyer, le goût des fortes
études et cet esprit de recherche qui a fait le mérite de son en
seignement et de ses travaux littéraires.— M. le doyen de la Fa
culté des Lettres vous dira tout-à-l’heure, avec plus de compé
tence que je ne pourrais le faire, les titres qui recommandent à
l’estime publique la mémoire de son prédécesseur.
Que la modestie de M. Bonafous me permette seulement de
dire que le décret impérial qui lui a conféré la croix de la Légion-d’IIonneur et l’arrêté du Ministre de l’instruction publique
qui l’a appelé au Décanat, ont été également applaudis par l’U-
�Diversité. D’un caractère loyal et sympathique à ses collègues
comme à la jeunesse des écoles, notre nouveau Doyen saura
joindre à l’érudition de l’humaniste, la connaissance exacte des
exigences que les jurys préposés à la collation des grades doi
vent apporter dans leurs décisions.
Deux autres professeurs, prématurément enlevés à la religion
et aux lettres, que je n’ai pas eu l’honneur de connaître per
sonnellement, MM. Diouloufet et de Suckau, complètent ce long
nécrologe. MM. les Doyens de la Faculté de Théologie et des
Lettres rendront à leur mémoire le tribut d’éloges et de regrets
qui leur est dû.
MM. les professeurs Philibert et Reynald , déjà connus par
d’honorables travaux dans la philosophie et dans les lettres, pro
mettent de dignes successeurs à ceux que l’Académie a perdus.
Nous avons encore d’importantes adjonctions à vous signaler
dans le personnel de la Faculté de Théologie. M. l’abbé Bayle,
ancien aumônier du Lycée de Marseille, est appelé à la chaire
d’éloquence sacrée, vacante par le décès de M. Diouloufet; et M.
l’abbé Figuière, aumônier de l’Ecole Normale d’instituteurs,
supplée dans la chaire d’Ecriture sainte, M. l’abbé Reynaud qui
prend, après trente-quatre ans de services, un repos bien mé
rité.
A cette occasion, et pour déférer à des demandes déjà ancien
nes, nous avons autorisé trois Professeurs de la Faculté de Théo
logie à faire, en dehors des cours qui ont lieu dans les salles dn
Grand-Séminaire , des leçons dans les amphithéâtres de la Fa
culté des Lettres. Nous convions à ces cours la jeunesse d’élite
qui fréquente nos Facultés de Droit et des Lettres. C’est un nou
vel aliment littéraire et moral que nous leur offrons, et dont
leur bon esprit comprendra l’importance. Puisse la parole de
ces Professeurs dévoués raviver des études trop délaissées de
— 9 —
nos jours, et qui ne manquent cependant ni d’intérêt ni de
grandeur !
Avant de donner la parole à Messieurs les Doyens pour la lec
ture de leurs rapports annuels sur l’enseignement supérieur,
j’ai pensé, Messieurs, qu’il ne serait pas sans intérêt de vous
présenter ici un tableau de la situation de l’enseignement secon
daire dans les principaux établissements du ressort académique,
c’est-à-dire dans les cinq Lycées impériaux. J ’y ajouterai le
Collège d’Aix, qui a droit à une mention particulière, à raison
de la position qu’il occupe au chef-lieu de l’Académie.
Lycée de Marseille. — Le Lycée de Marseille continue à
tenir un des premiers rangs parmi les Lycées de l’Empire, tant
par sa nombreuse population que par ses fortes études classi
ques.
L’habile administration du Proviseur1 est secondée par des
Professeurs d’un mérite éprouvé. L’un d’eux, M. Vessiot, pro
fesseur de rhétorique , a reçu , au 15 août dernier , la croix de
la Légion-d’Honneur.
Au 1er novembre 1867, ce Lycée comptait 1032 élèves. Au
1er novembre 1866, il en avait de 962.
L'augmentation est donc de 70 élèves. Jamais le Lycée n’a
vait atteint un chiffre aussi élevé.2
Le Petit-Lycée de la Belle-de-mai est aussi en voie d’accrois
sement : il compte 114 élèves, et l’on peut assurer qu’il en au
rait davantage , s’il était relié à Marseille par de larges voies de
communication. La Municipalité, si soucieuse du bien-être des
1 M. Grenier.
2 60 élèves nouveaux sont encore survenus depuis cette époque. La
population du Lycée au 1er décembre est de 1092 élèves.
�—
enfants de la ville , voudra sans doute donner à cet égard une
prompte satisfaction au vœu des familles.
Vous remarquerez, Messieurs, que sur les -1032 élèves, 16
p. °/0 environ appartiennent à la petite école primaire. Ce con
tingent considérable est un gage excellent de prospérité et de
bonne discipline pour la maison.
L’enseignement spécial a été, pendant l’année dernière, en
travail de réorganisation , et ce travail se poursuit. Le nombre
des élèves qui suivent cette branche d’études est de 220, c’est-àdire 1/5 environ de la population du Lycée. Ce chiffre n’est
peut-être pas encore proportionné à l’immense développement
que le commerce et l’industrie ont pris à Marseille. La situa
tion de cet enseignement sera étudiée avec un soin tout parti
culier, de concert avec le Conseil de perfectionnement. Je prie
rai les notabilités qui le composent de vouloir bien recher
cher avec moi s’il conviendrait de diriger les cours spéciaux
dans une voie plus pratique, plus appropriée aux besoins de
cette grande cité. Un des plus puissants moyens de recrute
ment de ces cours sera le patronage des élèves sortants. Je re
viendrai plus loin sur ce point capital qui se recommande à
l’attention de tous les comités de perfectionnement.
Le Lycée de Marseille a obtenu 2 admissions à l’Ecole Poly
technique sur 6 candidats présentés, et 2 admissions à l’Ecole
Centrale sur 2 présentés. — Au Concours académique, il a
remporté 3 premiers prix dont 2 de mathématiques spéciales,
3 seconds prix et 25 accessits. Il a été moins heureux au Con
cours général : un seul accessit d’histoire, c'est une revanche à
prendre en 1868.
—
continu du pensionnat est aujourd’hui arrêté par l’insuffisance
du local. On a dû refuser, faute de place, bon nombre de pen
sionnaires à la rentrée dernière : preuve manifeste de la confi
ance que l’établissement inspire aux familles.
Cette prospérité remarquable date de l’arrivée du principal
actuel1 et fait grand honneur à son administration. Je suis heu
reux de pouvoir donner ici à ce fonctionnaire dévoué un témoi
gnage public d’estime et de sympathie.
La superficie libre du Collège est encore assez vaste pour
qu’on puisse songer à agrandir les bâtiments sans acquérir de
nouveaux terrains. L’administration municipale a mis à l’étude
un projet de construction qui donnera satisfaction à tous les be
soins, et j’ai lieu d’espérer que ce plan ne tardera pas à être mis
à exécution.
Je voudrais pouvoir dire que la force des études a marché de
pair avec l’accroissement numérique : c’est une ombre au ta
bleau, que je ne puis cacher. Les rapports de l’inspection géné~
raie, l’échec du concours académique , ont montré qu’il y a de
nouveaux efforts à faire , des lacunes à réparer. 11 est vrai que
le Collège a obtenu , comme à l’ordinaire , bon nombre de ba
cheliers; et je sais plus d’un élève de rhétorique ou de philoso
phie qui borne son ambition à n’être pas refusé à l’examen.
Mais le diplôme n’est pas tout. Un Collège florissant, au cheflieu d’une Académie, doit viser plus haut.
Je voudrais que le Collège d’Aix fût comme une succursale
du Lycée de Marseille. Les familles , désireuses pour leurs en
fants d’un milieu calme, à l’abri des dissipations et des dangers
de la grande ville, devraient trouver à Aix toutes les conditions
d’une forte instruction classique. J ’ai la confiance que le zèle
Collège d’Aix. — Ce Collège , qui avait au 1er novembre
1867, 276 élèves, en compte aujourd’hui 307: — augmen
tation de 31 élèves; et il faut remarquer que l’accroissement
11
1 M. Monnot des Angles.
�des professeurs et le dévouement de leur chef y pourvoiront.
C’est à eux qu’il appartient d’imprimer au travail un nouvel élan, de lutter contre des habitudes d’indolence nées du climat,
de faire que la sève un peu engourdie se ranime et circule. Je
les seconderai dans leurs efforts. J ’attends le Collège d’Aix aux
prochaines luttes du Concours académique.
Lycée de Toulon. — J ’ai peu de chose à dire de ce Lycée :
il n’a pas encore de passé. Ouvert solennellement le 16 octobre
dernier, il a bientôt atteint et même dépassé le nombre des élè
ves de l’ancien collège , malgré l’accroissement relatif des frais
de pension et les conditions très-défavorables d’une rentrée tar
dive. Sa population est aujourd’hui de 330 élèves. Les bâtiments
sont magnifiques, dans les meilleures conditions d’hygiène. La
ville présente de grandes ressources à l’enseignement classique
et à l’enseignement spécial. L’enseignement est organisé dans
les sciences et dans les lettres de manière à répondre à toutes
les exigences d’une population considérable , adonnée aux tra
vaux de la navigation et de la marine impériale. Le personnel
administratif et enseignant est à la hauteur de sa mission; la
discipline est excellente. Tout fait donc espérer que le succès se
consolidera et que l’Académie comptera bientôt sur le littoral
un grand centre d’instruction de plus. Il est juste de rappeler,
à l’honneur de l’ancien Collège de Toulon, qu’il a remporté au
Concours académique le 1er prix de dissertation française et 6
accessits. Il a eu 2 élèves admis à l’Ecole navale sur 7 présentés.
— C’est au Lycée maintenant à faire son œuvre, et à dévelop
per les éléments de prospérité qui lui sont confiés.
Lycée d’Aviynon. — L’effectif de ce Lycée a légèrement
faibli , non dans l’internat, mais dans l’externat : il compte au
1er novembre 233 élèves. Bien que le mouvement ascendant des
années dernières paraisse momentanément suspendu , la situa
— 13 —
tion n’a rien de critique : la discipline et les soins donnés au
bien-être des enfants ne laissent rien à désirer. Je suis heureux
d’avoir à signaler l’organisation, au sein de ce Lycée, d’une so
ciété de charité dont les administrateurs sont des élèves. Le
montant des ressources de la Société était l’an dernier de 500fr
environ : les élèves distribuent aux familles nécessiteuses, sur
les indications de l’aumônier, des bons de pain et de viande et
des vêtements. Cet exemple trouvera des imitateurs.
L’enseignement littéraire, satisfaisant en philosophie et en
rhétorique , a été signalé comme faible dans plusieurs classes
d’humanités et de grammaire. Cependant les classes élémentai
res marchent bien. Le Lycée d’Avignon a remporté au Concours
académique un 2me prix d’histoire et 3 accessits, 1 accessit de
mathématiques au Concours général. Il a eu 2 admissions à
l’Ecole navale sur 3 candidats présentés ; 2 admissions à Sl-Cyr
sur 2 présentés.
Lycée de Nice. — La population de ce Lycée, au 1er no
vembre 1867, est de 540 élèves. — L’an dernier, à pareille époque , il avait atteint un chiffre plus élevé , 568. — La perte
de 28 élèves porte sur l’enseignement spécial. — La situation
morale de l’établissement demeure très-bonne. C’est l’état ma
tériel qui réclame impérieusement des améliorations. Malgré les
dépenses considérables qui ont déjà été faites, de compte à demi
par la ville et l’Etat, depuis l’annexion, pour approprier le local
occupé par le Lycée , il reste d’importants travaux à exécuter.
Un plan d’ensemble mûrement étudié a été approuvé par l’au
torité supérieure : la dépense qu’entraînera cette restauration
générale est estimée à 500,000 francs, mais rien n’exige qu’on
se mette à l’œuvre sur tous les points. 11 convient au contraire
que ces travaux s’exécutent par section, et soient répartis sur
plusieurs exercices. La partie vraiment urgente comprend la
�construction du bâtiment destiné à l’administration, en façade
sur le quai, à laquelle se rattache la consolidation de la chapelle
et le mur de clôture sur la rue récemment ouverte au nordouest.
Le plus sûr moyen pour le Lycée de hâter la mise à exécu
tion, c’est de réparer le déficit de sa situation financière. Malgré
sa population de 540 élèves, il n’arrive pas encore à balancer
ses dépenses ordinaires et ses recettes ordinaires. Là est le nœud
de la question. Qu’un sévère contrôle de tous les services réta
blisse l’équilibre, et le concours de l’Etat, combiné avec celui de
la ville, ne lui sera pas refusé pour ses travaux extraordinaires.
Le Petit-Lycée récemment établi à Carabacel, dans une po
sition charmante, mérite la faveur avec laquelle les familles l’ont
accueilli. Déjà 90 enfants y sont réunis, et il reste peu de place
disponible pour de nouveaux pensionnaires. La question d’a
grandissement ne tardera pas à se poser.
Quand on considère les oscillations de la population de Nice,
qui s’élève périodiquement en hiver et s’abaisse au printemps
suivant le mouvement de la colonie, on est conduit à penser que
les cours annuels du Lycée ne répondent pas complètement aux
besoins des familles étrangères. Ces familles trouvent, à leur ar
rivée , leh cours classiques commencés, et elles partent de Nice
avant qu’ils ne soient terminés. N’y aurait-il pas lieu de créer
dans ce Lycée une division étrangère, qui aurait son régime
d’études à part : des cours semestriels, commençant le 1er no
vembre et finissant au 1er m ai, des leçons d’une heure, de fré
quents exercices au grand air ? Les prix de pension et frais d’é
tudes seraient portés à un taux plus élevé que dans les autres
divisions du Lycée; car ces cours s’adresseraient à une riche
clientèle. Le Lycée y trouverait une large rémunération du ser
vice rendu ; le corps enseignant, un supplément d’émoluments
fort désirable dans une localité où la cherté est extrême. Ces
cours auraient en outre l’avantage de propager les idées fran
çaises dans un milieu qui leur est presque fermé, et contribue
raient à accroître au dehors l’influence légitime de notre pays.
Le Lycée de Nice a eu 2 élèves admis à l’Ecole navale sur 7
présentés; au Concours académique, 5 prix dont 2 premiers et
G accessits, succès remarquable eu égard à la date récente de sa
fondation.
Lycée de Bastia. — L’état comparatif des élèves présents
au 1er novembre des années 1866 et 1867 fait ressortir une
augmentation très-notable , de 62 élèves. Ce Lycée compte au
jourd’hui 431 élèves; sous l’influence d’une meilleure discipli
ne , les études se sont fortifiées. Le Lycée a eu 2 élèves admis à
l’Ecole de S‘-Cyr sur 3 présentés ; il a remporté au Concours académiqne 2 prix dont 1 premier, et 5 accessits.
Ces heureux résultats sont dus en partie au zèle des profes
seurs et surtout à l’habile direction du proviseur1. La croix de
la Légion-d’Honneur a dignement récompensé les services de ce
fonctionnaire dévoué.
Me voilà parvenu, Messieurs, au terme d’une revue que vous
aurez peut-être trouvée un peu longue. Et cependant permettezmoi de vous demander encore quelques instants d’attention. Je
voudrais vous présenter des observations qui me paraissent pro
pres à faire ressortir la tendance plus ou moins prononcée des
départements de l’Académie vers les études secondaires et par
suite vers les professions libérales.
Si l’on recherche, pour chaque département français, le nom
bre total des élèves des établissements secondaires de tous or1 M. Ubertin.
�— 16 —
dres, publics et libres, laïques et ecclésiastiques; puis qu’on
prenne le rapport de ce nombre à celui des individus mâles de
huit à dix-huit ans du même département, on arrive à ce résul
tat qu’en France il y a , en moyenne, 1 élève adonné aux études
secondaires pour 24 individus mâles. C’est le département de
la Seine qui naturellement présente le rapport le plus élevé ; il
est de 1 élève pour 7 individus ; c’est dans la Savoie et la Cor
rèze qu’on trouve le rapport le plus faible, 1 élève pour 84 in
dividus. Les autres départements se placent entre ces extrêmes
avec de nombreuses variations. Cela posé, voici les rapports af
férents aux six départements qui composent l’Académie :
Bouches-du-Rhône, I élève sur 11 individus ( ce départe
ment vient immédiatement après Paris : il dépasse celui
du Rhône qui n’envoie aux établissements secondaires
que 1 élève sur 16 individus).
Basses-Alpes......... I élève sur 20 individus.
Corse.................... 1 »
21 »
Alpes-Mantimes .. 1 » 22 »
Vaucluse................ 1 » 24
» moyennegénér10
Var......................... 1 » 25 »
On voit qu’il existe dans le sud-est de la France un penchant
plus marqué que dans le reste de l’Empire, pour les Ecoles se
condaires.
Faut-il s’en applaudir sans réserve, et n’y voir qu’un heu
reux symptôme du désir qu’ont les familles d’élever le niveau
de l’instruction de leurs enfants ?
Faut-il, au contraire, s’inquiéter du trop grand nombre de
jeunes gens qui courent aux professions libérales et surtout aux
fonctions publiques rétribuées? La Corse , en particulier, n’au
rait-elle pas sur ce point un examen de conscience à faire ? Le
travail, privé ou collectif, de l'agriculteur, du commerçant, de
l’industriel est-il apprécié dans ce département comme il mérite
de l’être? Faire de son enfant un fonctionnaire public, n’est-ce
pas le rêve décevant d’un trop grand nombre de familles ? Ce
n’est pas le lieu de trancher ni même d’approfondir cette ques
tion délicate. Je veux seulement faire observer que , si l’abus
existe, l’organisation nouvelle de l’enseignement secondaire
spécial y apporte un utile correctif, en détournant vers les pro
fessions agricoles ou commerciales une partie du courant des
non-valeurs classiques. Autrefois, quand on mettait un enfant
au Lycée ou au Collège, il fallait, bon gré mal gré, qu’il fît du
latin, voire même du grec. Il n’en est plus ainsi. Si l’enfant ne
montre pas d’aptitude pour les langues anciennes, il trouve à sa
portée un autre courant d’études qui n’exige que quatre ans au
plus, et qui est restreint au français, à l’histoire, aux langues
vivantes, aux sciences et au dessin. Et dans ce cas , le devoir de
tous les chefs d’établissements publics est de prévenir les famil
les que leurs enfants font fausse route en poursuivant leurs clas
ses de latinité.
Cet enseignement spécial, dont la réorganisation sera une
des œuvres importantes du Ministre qui dirige actuellement l’in
struction publique , est en voie de progrès dans la plupart de
nos Lycées, quoique le niveau des programmes officiels soit en
core loin d’être atteint. Les cours des deux premières années
les plus élémentaires sont généralement confiés à des maîtres
pourvus du brevet complet, qui ont déjà fait leur preuve dans
les Ecoles normales primaires. Bientôt Cluny sera sans doute en
mesure de nous fournir des sujets mieux préparés. L’enseigne
ment de la troisième et de la quatrième année (quand elle existe)
s’élève et se complète, tant dans la littérature que dans les scien
ces, par l’intervention des professeurs de l’enseignement classi
que. Ce système paraît sagement combiné.
Mais une condition essentielle de succès pour ces cours spé-
�ciaux, veuillez bien le remarquer, Messieurs, c’est, le patronage
des élèves sortants. Je ne saurais trop recommander à Messieurs
les membres des Conseils de perfectionnement, cette partie de
leur mission. Que les notabilités du commerce et de l’industrie
qui ont bien voulu nous prêter leur concours, consentent sim
plement à entrer en correspondance avec les chefs de nos éta
blissements secondaires, pour leur indiquer soit une place va
cante dans telle maison de commerce , soit un besoin prochain
de sujets pour telle spécialité industrielle; ils auront rendu à
l’enseignement spécial le service le plus signalé.
Il ne suffit pas en effet, que nous rendions à leurs familles des
jeunes gens instruits, même munis d’un diplôme de fin d’étu
des. Il nous appartient encore de leur indiquer la porte à la
quelle ils peuvent frapper avec chance de la voir s’ouvrir ; alors
seulement notre tâche est accomplie. Plus tard , je l’espère, le
placement des élè\es sortants se fera sur une grande échelle par
les élèves sortis, eux-mêmes, jaloux de tendre la main à leurs
jeunes camarades. C’est ce patronage intelligent et dévoué qui
fait, à Paris, la fortune de l’école Turgot. Mais nous ne sommes
encore , dans nos Lycées et Collèges, qu’au début du chemin :
les Conseils de perfectionnement, institués près de chacun d’eux,
ont seuls l’autorité et les relations nécessaires pour exercer un
patronage efficace. Ils voudront bien prendre en main cette œu
vre de dévouement; et par là, ils assureront l’avenir d’une bran
che d’enseignement destinée à fournir au pays des citoyens uti
les et à exercer la plus heureuse influence sur les progrès du
commerce et de l’industrie.
Après ce discours, M. le R ecteur donne la parole à
M. P hilibert , Professeur de Philosophie à la Faculté des Let
tres , qui s’exprime en ces termes :
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Appelé à l’improviste à l’honneur de prendre la parole dans
cette savante réunion, j ’ai besoin de toute votre indulgence pour
m’aider à remplir cette tâche difficile. Le temps m’ayant man
qué pour traiter un sujet plus spécial, je vous demanderai la
permission de vous entretenir un instant des études auxquelles
je me suis consacré, de la Philosophie, de sa situation pré
sente, et de son avenir.
Si l’on examine l’état actuel de la philosophie chez les peu
ples qui sont à la tête de la civilisation, et si l’on se reporte par
la pensée à un demi-siècle en arrière , il est impossible de ne
pas être frappé du contraste de ces deux époques.
Il y a cinquante ans , l’Allemagne était profondément agitée
par l’enseignement de Schelling et de Hegel : les préoccupa
tions politiques et nationales, alors cependant si puissantes, sem-
�- 2 0 blaient oubliées pour des questions de pure métaphysique. Rien
ne paraissait impossible à cette ardeur, à cet enthousiasme pour
la science. On croyait pouvoir découvrir, ce n’est pas assez dire,
on croyait avoir trouvé la science absolue, l’explication complète
et universelle des choses.
« L’homme , disait Hegel en inaugurant son cours à l’Uni
versité de Berlin, l’homme doit avoir le sentiment de sa dignité,
et s’estimer capable d’atteindre aux plus hautes vérités. On ne
saurait rien penser de trop grand de la grandeur et de la puis
sance de l’esprit. L’essence cachée de l’univers n’a pas de force
qui puisse résister à l’amour de la vérité. Devant lu i, l’univers
doit se révéler et déployer les richesses et les profondeurs de sa
nature. »
L’Europe tout entière suivait de loin , avec une admiration
attentive, les évolutions de la pensée allemande.
La philosophie française, délivrée par quelques hommes émi
nents des formules étroites du sensualisme, cherchait, par la
comparaison des divers systèmes, par l’étude des doctrines de
tous les siècles, et surtout par l’observation de l’esprit humain,
à fonder aussi une science définitive. Moins ambitieuse que la
philosophie allemande, elle aspirait à des résultats plus res
treints, mais elle les croyait plus sûrs.
Que sont devenues, Messieurs, ces nobles et généreuses es
pérances ?
En Allemagne, la philosophie hégélienne après avoir dominé
un instant presque sans partage, a perdu rapidement toute son
autorité : après la mort du maître , elle s’est divisée ; plusieurs
tendances opposées se sont produites, et la plus hardie, la plus
puissante de ces écoles, s’écartant peu à peu des conceptions
obscures, mais toujours élevées de Hegel, est descendue par de
grés jusqu’à une sorte de matérialisme, pour disparaître à la fin
dans l’indifférence universelle. Et, chose étonnante pour qui ne
s’est pas rendu compte de ces oscillations perpétuelles de l’es
prit humain , la doctrine qui semble devoir lui succéder , c’est
un autre matérialisme, mais un matérialisme fondé sur des prin
cipes tout différents, qui rejette bien loin toute spéculation ab
straite, et qui prétend s’appuyer uniquement sur l’observation,
sur les sciences physiques et la physiologie.
Les promoteurs de cette doctrine , M. Moleschott, le docteur
Büchner, partent de ce principe que la matière et la force sont
inséparables : Nulle part, disent-ils, nous ne voyons de matière
sans force , ni de force sans matière. L’expérience prouve aussi
que la même quantité de matière et la même quantité de force
se conservent invariablement dans la nature : la matière et la
force se transforment, elles ne périssent pas. Et ainsi éternelle
ment unies, passant indéfiniment du monde de la mort au mon
de de la vie et du monde de la vie au monde de la m ort, elles
produisent par leurs transformations toutes puissantes tout ce
qui se manifeste dans l’univers. Les lois constantes auxquelles
obéissent les phénomènes sont les rapports nécessaires qui ré
sultent de la nature de la matière. La vie n’est qu’une de ses
combinaisons : les formes organiques sont les résultats du mi
lieu et des conditions extérieures où les êtres sont placés. L’àme
elle-même n’est qu’une fonction des organes : l'intelligence dé
pend de la composition chimique et de la structure du cerveau:
la pensée est un mouvement de la matière.
Ces doctrines sont loin heureusement de représenter l’opi
nion générale de l’Allemagne savante; elles ne sont qu’un signe
de l’état des esprits. Mais ce qui est plus général, c’est le dédain
des études spéculatives. L’Allemagne publie chaque année une
multitude de travaux approfondis sur les détails les plus minu
tieux des sciences physiques et naturelles, sur les points les plus
obscurs de l’histoire et de la philologie ; mais les discussions
métaphysiques sont abandonnées.
�—
22
—
Ainsi, de même que la critique négative de Kant avait provo
qué le dogmatisme intempérant de Fichte , de Schelling et de
Hegel, de même l’abus des constructions à priori, des déduc
tions abstraites et vi 'es, détermine aujourd’hui une réaction en
sens contraire.
En France, le chef illustre du mouvement philosophique qui
date de 1815, M. Cousin, vient de s’éteindre, après avoir vu s’é
teindre en grande partie avant lui cette ardeur qu’il avait ins
pirée à la jeunesse studieuse. Des penseurs éminents continuent
de défendre avec courage la philosophie spiritualiste : ni le nom
bre, ni l’importance de leurs travaux n’ont diminué , et auprès
des esprits sérieux et sages, ces travaux obtiennent toujours un
succès mérité. Mais qu’est devenu l’enthousiasme des premiers
jours? Où est cette foule, avide d’idées nouvelles et de science,
qui se pressait aux leçons de M. Cousin et de M. Jouffroy?
Ce qui attire aujourd’hui l’attention, c’est ce qui touche aux
intérêts matériels, c’est l’industrie et ses merveilles, ce sont les
applications utiles. Pour ceux qui aiment encore les recherches
désintéressées, ils trouvent une ample matière dans les progrès
non interrompus des sciences spéciales : cette multitude tou
jours croissante de faits nouveaux qu’accumulent des milliers
d’observateurs, les expériences ingénieuses et frappantes de
nos illustres physiologistes, la critique historique et philologi
que, la comparaison des langues et des traditions des différents
peuples, en un mot les faits de toute sorte, les faits de la nature
et de la société , voilà ce que l’on étudie curieusement. Mais la
spéculation est délaissée.
Une école, qui acquiert de jour en jour plus d’influence, l’é
cole positiviste, justifie ces tendances et les érige en système.
Elle déclare que le savoir humain ne peut avoir qu’un seul ob
jet , les faits et rien que les faits. La connaissance des causes
— 23 —
nous est à jamais inaccessible. Toute théorie doit être confirmée
par l’observation : aucune affirmation n’est certaine , si elle ne
peut, être vérifiée expérimentalement. La philosophie doit se
borner à réunir et à coordonner les résultats généraux des scien
ces spéciales, des mathématiques, de la physique, de la physio
logie, de l’histoire. Toute spéculation sur les réalités invisibles,
sur les causes premières, sur l'essence des êtres doit lui être in
terdite.
Cette philosophie que nous serions tentés d’appeler négative*
puisqu’elle nie ou exclut tout ce que l’on a considéré jusqu’ici
comme l’objet de la philosophie, ils veulent qu’on l’appelle phi
losophie positive.
Au nombre des choses dont nous ne pouvons affirmer l’exis
tence , ils placent l’âme humaine. Les facultés que nous appe
lons facultés de l’âme, ils veulent qu’on les appelle facultés du
cerveau, facultés cérébrales : ainsi les affections, l’intelligence,
la conscience morale , le discernement du bien et du juste , le
sentiment du beau sont pour ces philosophes des facultés céré
brales. Us se défendent pourtant d’être matérialistes; mais ils
ont bien de la peine à maintenir la limite étroite qui sépare leur
doctrine du matérialisme , tel que le soutiennent les physiolo
gistes héritiers de Cabanis et de Broussais. Ceux-ci disaient que
la matière seule existe : les positivistes se bornent à affirmer
que nous ne connaissons et que nous ne pouvons connaître que
les propriétés de la matière.
Enfin si nous jetons les yeux en dehors de la France et de
l’Allemagne, partout nous voyons se manifester les mêmes ten
dances. L’école écossaise a perdu son dernier représentant, qui
déjà, se rapprochant des conclusions de Hume et de Kant, re
fusait à l’intelligence humaine la connaissance de l’incondition
nel. Aujourd’hui le philosophe dont le nom est le plus célèbre
�en Angleterre, M. Mill, est un des défenseurs de la doctrine po
sitiviste : sans incliner si fortement au matérialisme, il n’en ré
duit pas moins la philosophie à la logique et à une psychologie
sensualiste.
Aussi en présence de ce mouvement général des esprits, les
chefs du positivisme et ceux de la nouvelle école critique s’ac
cordent-ils à prédire la fin prochaine de la métaphysique, c’est
à dire, de la philosophie , telle qu’elle a été comprise par tous
les grands penseurs qui l’ont créée , depuis Aristote et Platon
jusqu’à Descartes et Leibnitz.
Il m’est impossible , Messieurs, de souscrire à cet arrêt. Je
suis convaincu au contraire que la philosophie est vivante, bien
plus, qu’elle est immortelle; et par philosophie je n’entends
pas ici celle qui se borne à enregistrer les résultats des sciences
positives, j’entends la vraie philosophie, la science de l’invisible
et de l’idéal, des causes cachées, des premiers principes; je crois
que cette philosophie vivra, parce que je crois à la continuation
de la vie et du progrès dans l’humanité.
Exposer les raisons sur lesquelles se fonde cette conviction,
ce serait dépasser de beaucoup les limites de ce discours. Je me
bornerai à en choisir quelques-unes parmi les faits que les ad
versaires de la philosophie ne contestent pas et ne peuvent con
tester.
L’histoire établit de la manière la plus positive que l’esprit
humain a toujours aspiré à la connaissance de l’invisible, du di
vin , de l’infini. Les idées religieuses et morales sont celles qui
à toutes les époques ont fait la vie et la force des nations. On étudie aujourd’hui minutieusement les antiques traditions des
différentes races humaines et les plus anciens vestiges de leurs
croyances, on recherche l’origine et la formation des dogmes
religieux. Ces travaux difficiles et souvent arides excitent dans
— 25 —
le public lettré un vif intérêt. Ne faut-il voir là, Messieurs, qu’u
ne pure curiosité historique ?
Si ces aspirations de l’humanité ne correspondaient à aucun
objet réel , si nous étions condamnés à une ignorance invinci
ble sur la nature de la cause suprême et sur notre destinée fu
ture , s i, comme le croient les adversaires de la métaphysique,
l’immortalité de l’âme n’était qu’un rêve poétique , à quoi bon
consacrer tant de temps et tant de peine à l’histoire de ces cro
yances , qui ne seraient en définitive que des illusions et des aberrations de l’esprit ?
L’attention qu’excitent ces travaux de la critique religieuse a
donc une autre cause. S’ils sont suivis avec tant d’intérêt, c’est
qu’on y cherche, peut-être sans bien s’en rendre compte, quel
que lumière au sujet de ces grands mystères qui, malgré les ap
parences , tiennent toujours une place considérable au fond de
la pensée des hommes. On sent que ces antiques croyances, ces
affirmations instinctives du genre humain correspondent à des
réalités absolues , toujours imparfaitement connues sans doute,
mais dont la connaissance, quelque incomplète qu’elle soit, est
l’élément, le plus essentiel de la grandeur et de la dignité de
l’homme.
D’un autre côté, le progrès des idées morales, la connaissance
de plus en plus parfaite des principes du droit, l’amour de plus
en plus vif de la justice et de l’humanité, l’application de plus en
plus exacte de ces principes dans les lois et dans les rapports
des peuples entre eux, sont des faits que les philosophes de l’é
cole positiviste s’accordent avec nous à constater: mais ces faits
sont incompatibles avec leur doctrine. Ce progrès de la morale
sociale prouve en effet nécessairement qu’à chaque époque les
hommes conçoivent une justice plus parfaite que celle qui se
trouve actuellement réalisée autour d’eux. Cette notion ne peut
avoir sa source dans la connaissance des faits, puisqu’elle les
�dépasse , puisqu’elle leur est souvent opposée. Cette idée d'une
perfection plus haute et cette tendance perpétuelle de l’huma
nité vers un état meilleur ne peuvent se comprendre , si l’on
n’admet pas qu’il existe un type éternel du bien et du juste, qui
règle et qui mesure la justice et la vertu toujours imparfaites
des hommes.
Enfin le monde lui-même, l’ensemble des faits que nous ob
servons dans la nature, ne se comprend pas sans l’existence de
ces causes supérieures et invisibles. La philosophie positive re
connaît, dans la réalité qui est l’objet de l’expérience, plusieurs
degrés de perfection, plusieurs catégories de faits, dont chacun
a ses lois irréductibles : les vérités mathématiques , les phéno
mènes physiques et chimiques, la vie, l’intelligence et la société.
A chacun de ces degrés du progrès de la nature , il se produit
des faits qui ne peuvent s’expliquer par ceux qui les ont précé
dés. La vie et l’organisation ne peuvent être des conséquences
des propriétés de la matière brute : la faculté de sentir, qui dis
tingue l’animal de la plante, ne peut être un résultat de l’orga
nisation. Enfin les caractères propres de la nature humaine, la
raison, la faculté de discerner le vrai et le beau, les notions mo
rales , ne peuvent s’expliquer par aucun des faits antérieurs à
l’homme.
Ces différents ordres de faits qui se sont manifestés successi
vement dans le monde visible, supposent donc des causes invi
sibles et éternelles.
Ces causes sont-elles, comme on le dit, absolument inaccessi
bles à l’esprit humain ?
Four établir cette impossibilité de connaître les causes, on ne
peut alléguer que deux raisons : la diversité et l’opposition des
théories métaphysiques entre elles, et l’impossibilité de vérifier
l’exactitude de ces théories par l’expérience,
Je conviens qu’assez souvent les philosophes ne s’accordent
pas entre eux : mais les savants s’accordent-ils toujours ? Com
bien n’y a-t-il pas sur les principales questions de la physique»
de la chimie , de la zoologie, d’opinions diverses, de systèmes
contraires? Combien d’hypothèses universellement adoptées ont
été renversées par de nouveaux faits ? Après la condamnation
du phlogistique par Lavoisier, est venue celle du fluide magné
tique par Ampère ; celle du calorique et des fluides électriques
est imminente ; l’hypothèse de Newton sur la lumière est géné
ralement abandonnée; le système des germes préformés n’a plus
guère de défenseurs. Et il en est ainsi, même pour les faits, vi
sibles par leur nature, qui ne sont inaccessibles à l’observation
qu’en raison de l’époque reculée où ils se sont passés. Les géo
logues les plus illustres supposaient, il n’y a pas encore bien long
temps, de brusques révolutions, des bouleversements subits qui
seraient venus, à des intervalles très éloignés, changer l’état de
la surface du globe : aujourd’hui l’opinion qui tend à prévaloir
est celle qui n’admet que des changements lents et continus, analogues à ceux qui se produisent actuellement.
Et combien des questions au sujet desquelles la lutte dure en
core, combien de problèmes sur lesquels l’incertitude est abso
lue ? Les physiciens ignorent si la matière est divisible à l’infini,
ou si elle se compose d’atomes de figure invariable : peut-être
est-elle constituée par une collection de substances simples. Ils
ne savent pas si les corps sont formés d’une seule espèce de ma
tière ou d’éléments essentiellement distincts; si les phénomènes
de la physique et de la chimie sont des conséquences des lois de
la mécanique ou s’ils supposent des forces spéciales. Les physio
logistes disputent encore et disputeront longtemps sur la nature
et l’origine de la vie, sur l’immutabilité ou la variabilité des es
pèces organiques, sur les générations spontanées, sur les causes
finales. Le monde matériel n’est donc pas mieux connu que le
monde spirituel,
�28 —
11 y a sans doute dans les sciences physiques une multitude
de faits très-exactement observés, et un grand nombre de véri
tés incontestables : mais la psychologie , la logique , la morale
renferment aussi des faits parfaitement constatés et des théories
d’une certitude rigoureuse. Sur d’autres points il existe des sys
tèmes divers, opposés, contestables : l’avenir distinguera ce
qu’il y a de vrai et ce qu’d y a de faux dans ces systèmes. Mais
dans tous les ordres de sciences, ce sont cës théories anticipées,
ces conceptions à priori qui préparent la découverte des vérités
positives. Sans elles, l’étude même des faits, l’observation serait
stérile. C’est presque toujours pour vérifier une hypothèse pré
conçue que le savant fait des expériences. Toutes les grandes
découvertes ont été pressenties par le génie de l’homme avant
d’être rigoureusement confirmées par l’observation ou le calcul.
Platon avait affirmé l’existence des types généraux qui prési
dent à la structure des espèces animales, plus de deux mille ans
avant que Geoffroy-Saint-Hilaire les établît définitivement dans
la science. Aristote avait posé dans son Histoire des animaux
toutes les grandes lois que les anatomistes modernes ont cons
tatées par l’immense variété de leurs observations : la transfor
mation des parties homologues dans les divers groupes d’une
même classe , l’identité de la nutrition et de la génération , le
balancement des organes, le principe de continuité, généralisé
plus tard par Leibnitz, et formulé par Linnée dans cet aphoris
me célèbre : La nature ne fait pas de sauts. Il avait affirmé, long
temps avant les défenseurs de la philosophie positive, que les
lois de la nature sont absolument immuables, et que rien n’ar
rive jamais contrairement à ces lois. Descartes avait exposé hy
pothétiquement la véritable théorie de la lumière, près de deux
siècles avant la découverte des interférences. Répler , dans ses
admirables calculs sur les lois des révolutions planétaires, était
guidé par une conception idéale de l’harmonie des mondes ;
— 29 —
c’est cette conception qu i, bien qu’inexacte en grande partie,
l’a soutenu dans ses longs et pénibles travaux. Il n’est pas cer
tain que Pascal ait deviné avant Newton la loi de la gravitation
universelle. Mais Newton lui-même en avait conçu hypothéti
quement la pensée, longtemps avant d’en avoir trouvé la dé
monstration mathématique.
En un mot, l’idéal contient les causes et les modèles du réel,
et l’esprit ne comprend et souvent n’aperçoit le réel que parce
qu’il conçoit obscurément l’idéal.
Les génies créateurs dans les sciences sont ceux qui ne sépa
rent pas les hautes spéculations de l’étude des faits. Et en gé
néral la recherche élevée et désintéressée de la vérité ne s’arrête
jamais aux faits positifs : son b u t, c’est la science pleine et ab
solue , la science des causes cachées. Étouffer cette aspiration
vers l’invisible, ce serait retrancher à l’esprit humain ses ailes,
et le rendre incapable de s’élever aux grandes découvertes, mê
me dans l’ordre des choses visibles.
J’arrive maintenant à la seconde objection contre la philoso
phie : les théories philosophiques ne peuvent se vérifier expéri
mentalement.
En fait l’objection est fondée : si les lois de la psychologie et
de la logique se vérifient par l’expérience intérieure et par l’his
toire, de la même manière que les lois physiques se vérifient par
l’observation externe , il faut avouer que les principes les plus
importants et les plus élevés de la philosophie ne se prêtent à
aucune vérification de ce genre.
Mais est-il vrai qu’il n’y ait rien de certain que ce qui peut
être ainsi vérifié?
Les savants qui le prétendent placent au premier rang des
vérités positives les vérités géométriques, et ils ne mettent pas
en doute la certitude des vérités morales.
�Or en examinant d’abord les vérités géométriques, nous re
connaissons, il est vrai, qu’elles peuvent être soumises dans une
certaine mesure à cette épreuve de l’expérience ; mais leur cer
titude n’en dérive pas et n’en dépend en aucune façon. Je ne
crois pas qu’aucun géomètre , pour être assuré que la surface
du cercle est égale au produit de sa circonférence par la moitié
de son rayon, ait eu besoin de mesurer des cercles matériels.
Quant aux vérités morales, non-seulement elles n’emprun
tent pas leur certitude à l’expérience, mais elles ne peuvent en
aucune manière être vérifiées empiriquement.
On ne peut les vérifier en observant les actions des hommes,
puisque ces actions sont souvent contraires aux lois morales. On
ne peut les vérifier en examinant les conséquences utiles ou nui
sibles de notre conduite, parce que la valeur morale des actions
humaines ne se fonde pas sur leur utilité.
On pourrait chercher quelles ont été et quelles sont encore
chez les différents peuples les opinions reçues sur les questions
de morale ; mais constater la généralité plus ou moins étendue
d’une opinion, ce n’est pas mesurer sa certitude. Et d’ailleurs à
ce compte, tous les dogmes métaphysiques pourraient être sou
mis à la même épreuve.
Il reste donc établi que les vérités morales ne peuvent être
vérifiées par l’expérience. En sont-elles moins certaines ? Quand
j’alffrme que c’est un devoir de tenir sa parole , et que tous les
hommes ont des droits égaux, ai-je besoin, pour être assuré de
ces vérités, de savoir si tous les hommes sont fidèles à leurs pro
messes, si l’égalité est partout établie , ou même si la bonne foi
et la justice sont partout estimées ? Ne sais-je pas bien au con
traire, comme le dit Cicéron, que l’honnête ne cesserait pas d’ê
tre digne d’estime, alors même qu’aucun homme ne l’honorerait?
L’école positiviste , en admettant la certitude des vérités mo
rales , est donc en contradiction avec le principe de sa méthode
d’après lequel il n’y a de certain que ce qui peut être confirmé
par l’expérience.
Il lui est impossible d’ailleurs de trouver dans l’objet de la
philosophie , tel qu’elle le définit, aucun fondement pour ces
vérités.
Si toute science véritable a pour objet les forces de la matière
et les lois qui régissent ces forces, si l’esprit lui-même n’est
qu’une des formes de l’activité de la matière, d’où viendraient
les notions du bien, du juste, du devoir, les sentiments désinté
ressés? Il serait trop évidemment absurde de dire que la justice
et l’obligation morale sont une conséquence des lois de la méca
nique ou de celles de la chimie, qu’elles résultent d'une néces
sité semblable à celle qui fait que le poids le plus lourd l’em
porte sur le plus faible , et de la transformation des forces mo
trices. Le matérialisme conséquent ne peut établir qu’une seule
morale, celle de Hobbes et d’Helvétius : le devoir se mesurant à
l’intérêt, le droit fondé sur la force.
L’expérience montre cependant qu’il existe dans l’homme un
instinct naturel de bienveillance et des affections sympathiques.
Au xvrnme siècle, Hume et Adam Smith avaient cru trouver là
une base suffisante pour la morale. L’école positiviste , à leur
exemple, constate l’existence de ces sentiments dans la nature
humaine ; elle les rattache, comme les facultés intellectuelles, à
la conformation du cerveau ; elle cherche à déterminer les par
ties de l’encéphale qui correspondent à chacune de ces facultés;
et c’est sur l’étude anatomique et physiologique des lobes du
cerveau et de leurs fonctions qu’elle prétend fonder la morale
positive.
Ainsi l’honnête, le juste, la dignité de la vertu, la valeur in
finie de la bonne volonté dépendraient de la structure du cer-
�— 32 veau : une autre composition de ses tissus, une autre disposition
des plis ou des circonvolutions cérébrales aurait pu faire que la
reconnaissance cessât d’être estimable et l’ingratitude d’être
blâmable, que la bonne foi fût un vice et. la perfidie une vertu.
Mais il ne sert de rien aux positivistes d’établir en fait l’exis
tence des sentiments bienveillants dans l’homme , puisqu’ils ne
peuvent expliquer comment l’homme serait obligé de soumettre
sa conduite à ces sentiments. Une inclination instinctive ne peut
engendrer une obligation. La raison , disent-ils, juge les senti
ments : mais la raison , telle qu’ils l’entendent, n’a point de
principe qui ne soit emprunté à l’expérience. C’est donc au
nom de l’expérience qu’elle jugerait les sentiments et les ac
tions, c’est à dire, au nom de l’utilité. Quelque artifice que l’on
emploie, il est impossible de faire sortir de là aucun droit, au
cun devoir, aucun principe universel de morale.
Les principes du devoir et du droit sont des vérités supérieu
res à l’expérience, au nom desquels la conscience humaine juge
les faits, et dont par conséquent nous ne pouvons juger en con
sultant les faits.
Si ces principes sont vrais et assurés, s’ils ont une autorité
absolue, si le droit et la justice sont des réalités éternelles et
immuables, c’est donc que l’esprit humain peut établir , indé
pendamment de toute observation , des vérités certaines ; c’est
que la connaissance des réalités supérieures aux objets de l’ex
périence ne lui est pas interdite; et par conséquent la métaphy
sique est possible.
Je ne veux pas conclure de là que la philosophie doive se
fonder entièrement sur des spéculations à priori, et ne rien em
prunter à l’expérience. Cette prétention était celle de Hegel, et
elle a été en grande partie la cause de l’insuccès de ses tentati
ves. Il est vrai, aujourd’hui comme au temps de Bacon , que la
subtilité de la nature dépasse infiniment celle de l’esprit hu-
— 33 —
main : c’est s’exposer à un échec inévitable , que de vouloir la
deviner sans l’observer.
Une sage métaphysique ne s’élève aux conceptions spéculati
ves qu’en s’appuyant à la fois sur l’étude de la nature humaine,
telle quelle apparaît dans la conscience individuelle et dans
l'histoire, et sur les résultats progressifs de l’observation de l’u
nivers. L’immensité du monde dans l’espace révélée par l’astrcnomie, la succession des formes dans le temps découverte par
la géologie , la finalité et la beauté de la nature , telles qu’elles
se manifestent dans la science des êtres vivants, les vérités es
thétiques , les vérités morales, tous les faits généraux que les
progrès des sciences positives étendent de jour en jour, servent
de bases à ses spéculations.
Elle n’espère point achever la science ; elle n’ignore pas que
la nature dans sa majesté nous cache encore et nous cachera
toujours bien des secretsl. Mais elle s’efforce d’ajouter quelques
matériaux à l’œuvre des siècles, et sachant que la vérité est in
finie, elle en conclut que la recherche de la vérité ne doit point
avoir de terme , et par conséquent que la Science et la Philoso
phie sont immortelles.
i Mulla adh.ic latent in majeslale naturœ. (Sénèque, Quœst. nat.J.
�RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
de la Faculté de Xliéologie.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs .
Avant la reprise de nos cours suspendus par les vacances, je
dois vous dire aujourd’hui quels ont été les travaux de la Fa
culté de Théologie pendant l'année scolaire 1866-1867.
La Faculté a conféré le grade du Baccalauréat à deux candi
dats, et celui de la Licence à un hombre égal. Elle n’a eu qu’à
se féliciter du travail de préparation apporté par ces candidats
aux épreuves qu’ils ont eu à subir sur les diverses branches de
l’enseignement ecclésiastique, et de l’intelligence dont ils ont
fait preuve dans le développement de leurs thèses. Nous n’en
trerons pas ici dans l’appréciation des qualités et des aptitudes
diverses qui ont été remarquées dans ces candidats, mais nous
ne pouvons nous dispenser de faire une mention spéciale de l’un
d’eux, M. l’abbé Jaugey. Ce jeune ecclésiastique du diocèse de
Langres, a montré un vrai talent dans la manière aussi so
lide que brillante avec laquelle il a développé ses thèses, ma
niant avec une égale facilité et la langue des anciennes écoles
théologiques et sa langue naturelle. Que des sujets de ce genre
se livrent à de fortes études, et l’Eglise trouvera en eux des
35 —
apologistes habiles qu’elle opposera avec succès et avec gloire
aux prétentions hostiles du rationalisme contemporain.
Us sont peu nombreux, comme vous le voyez, Messieurs, les
jeunes ecclésiastiques qui viennent subir devant la Faculté de
Théologie, les épreuves qu’exige la collation des grades, mais ce
nombre, quelque peu considérable qu’il soit, aura encore, pour
quiconque voudra bien y réfléchir, une valeur réelle. Il trouve
son explication, ce petit nombre, dans la position particuliè; e
que les circonstances ont faite au Clergé français. Les grades
théologiques ne sont plus nécessaires pour les fonctions ecclé
siastiques, comme ils l’étaient par le passé et comme ils le sont
encore partout ailleurs. Ceux donc qui aspirent à ces grades
et ne reculent pas, pour les obtenir, devant des travaux sérieux
et devant des études profondes, ne peuvent être mus que par un
seul motif, par un amour peu ordinaire et tout-à-fait désinté
ressé pour la science. Or vous le savez, Messieurs, une disposi
tion pareille ne sera jamais que le partage du petit nombre.
Supposons un instant qu’une situation semblable soit faite
aux facultés en général et que les grades ne soient plus une
condition indispensable pour avoir accès dans les différentes
carrières libérales, pense-t-on qu’ils seraient aussi nombreux
qu’aujourd’hui ces candidats que l’amour seul de la science dé
terminerait à venir subir leurs épreuves devant ces Facultés?
Le petit nombre de nos candidats s’explique donc, Messieurs,
par la situation même des Facultés de Théologie, et dès lors il
n’y a pas lieu de s’étonner que les grades théologiques ne soient
ambitionnés que par ces rares esprits pour lesquels les travaux
de la pensée et les labeurs de l’étude sont un véritable besoin.
Mais cette situation qui résulte d’un ensemble de circonstances
qu’il est inutile de rappeler ici, aura bientôt un terme, nous en
avons la ferme confiance. Le Clergé de France ne restera pas
toujours en dehors de ce droit commun sous lequel il a vécu si
�longtemps et avec tant de gloire. Oui, ce passé glorieux revivra
pour lui. Le mouvement intellectuel qui se manifeste dans
son sein, depuis quelques années surtout, est pour nous le pré
sage d’un heureux avenir, et on n’osera plus nous faire enten
dre cette étrange assertion, qu’on avançait il y a quelques an
nées dans un congrès célèbre 1 , que le soleil de la science sa
crée s’est éloigné de nos régions pour aller répandre les plus vi
ves lumières sur les contrées d’outre-Rhin. Assertion étrange,
je le répète, que nous repoussons de toutes nos forces et à la
quelle les faits donnent le plus formel démenti. Oui, plus on
considère ce qui se passe en ce moment au milieu du Clergé de
France, les travaux de l’intelligence auxquels il se livre, les suc
cès enfin qu’obtiennent sa parole élevée et ses savants écrits,
plus on sent s’approcher cet heureux jour où, par son talent et
son savoir, le Clergé de France viendra reprendre le rang qu’il
a si longtemps occupé, alors que par ses écoles célèbres il était
l’admiration du monde entier. Mais pour qu’il remonte à cette
hauteur pour assurer le développement des intelligences, il faut
réunir des forces éparses, concentrer des efforts individuels, et
les rattacher à quelque grand centre d’enseignement supérieur,
où les diverses branches de la science ecclésiastique puissent
recevoir leur épanouissement, une culture plus large et plus
profonde. Car, il faut bien le dire, l’Eglise aujourd’hui n’a pas
seulement à lutter contre des doctrines hétérodoxes, elle n’a pas
seulement à rétablir quelques pages arrachées à son symbole ;
elle se trouve en face de théories autant réprouvées par la rai
son que par la foi, en face de ces systèmes qui tendent à ébran
ler jusqu’aux fondements des connaissances humaines, et dont
les prétentions sont une menace pour l’ordre social comme pour
l’ordre religieux.
i Congrès de Munich, 1863.
— 37 —
En présence de toutes ces aberrations, que pourra faire l’a
pologiste chrétien , s’il n’entre dans la lice muni d’armes for
tement trempées? Qui ne voit que s’il veut assurer le succès de
sa parole, il lui faudra descendre sur le terrain même où se pla
cent ses adversaires, et qu’il ne devra rester étranger à aucun
de leurs moyens d’attaque? Telle est en effet la position que sera
obligé de prendre celui qui recevra de l’Eglise l’auguste mission
de défendre ses doctrines et de venger sa foi par sa parole ou
par ses écrits. Mais pour répondre dignement à cette haute
mission, pour parler avec cette assurance, avec cette autorité
que donne le vrai savoir, il faut que l’apologiste se soit prépa
ré par de fortes études aux luttes de la pensée, qu’il se soit fa
miliarisé d’abord avec les trésors de la science sacrée, et de plus
avec les diverses branches des sciences humaines qui touchent
de quelque coté à l’ordre religieux et dont on invoque souvent le
témoignage pour l’opposer à la foi. Or, n’est-il pas évident, eu
égard à la disposition actuelle des esprits, et en présence de
tous les besoins de notre époque, qu’un enseignementsupérieur
devient, plus que jamais indispensable? Il existe ce haut ensei
gnement pour toutes les sciences humaines ; n'y aurait-il que la
science sacrée qui en serait privée?
La jeunesse cléricale trouve assurément dans nos écoles dio
césaines tous les éléments qui peuvent former des pasteurs aussi
pieux qu’éclairés, munis surtout de cette science pratique que
demande la direction des âmes et l’exercice du ministère pasto
ral, mais outre ces pasteurs, appliqués aux fonctions ordinaires
du sacerdoce, il faut encore à l’Eglise une milice particulière,
une classe d’hommes supérieurs par le savoir, des docteurs en
un mot, Doctores, ainsi que le demande le Grand Apôtre1.
Notre patrie, Messieurs, comptait dans son passé un grand
iCor. 12.
�nombre de ces hommes dont les noms figurent avec gloire dans
les pages de notre histoire ; mais à quelle source avaient-ils
puisé cette science profonde qui les plaçait si haut dans l’opi
nion de leurs contemporains et des âges suivants? Tls s’étaient
formés à ces grandes écoles telles que nous les avions autrefois,
telles que les possèdent encore des nations voisines, dans ces
gymnases de l’intelligence si propres à en développer les forces
par un enseignement plus élevé, par des études plus longues et
plus sérieuses. Ces Ecoles savantes, nous ne désespérons pas de
les voir un jour se relever parmi nous. Mais quoi qu’il en soit,
sous ce rapport, ce qu’il y a d’incontestable, c’est qu’on sent
généralement aujourd’hui, dans l’intérêt de la science sacrée,
le besoin d’un enseignement supérieur, sous quelque forme
qu’il se produise. C’est un vœu qui a été souvent exprimé par
nos Evêques, et pour se borner à une autorité devant laquelle
aujourd’hui plus que jamais on aime à s’incliner, c’est le désir
qu’exprimait tout récemment le Pontife Suprême1 , lui qui com
prend si bien et la grandeur des maux dont sont travaillées nos
sociétés modernes, et la nature des remèdes qui peuvent davan
tage en paralyser les malheureux effets.
Quant à nous, Messieurs, nous redoublerons de zèle pour ré
pondre à ce pressant besoin dans la mesure qui nous est donnée,
et soutenue de l’autorité de son Premier Pasteur,la Faculté fera
tout ce qui dépendra d’elle pour rendre plus utile encore l’en
seignement qui lui a été confié.
C’est dans ce but que, pour satisfaire à des vœux souvent ex
primés, et au désir en particulier de Son Excellence M. le Mi
nistre de l’Instruction publique, en dehors des cours qui ont
lieu dans les salles du Grand Séminaire, quelques-uns au moins
se feront dans les amphithéâtres de la Faculté des Lettres, et
Lettre du card. Caterini, 6 juin 4867.
ainsi il sera possible à tous, à notre jeunesse des écoles surtout,
Je profiter d’un enseignement que réclame plus que jamais la
disposition actuelle des esprits.
Quelques mots seulement, Messieurs, sur les sujets qui ont
été traités pendant l’année qui vient de s’écouler :
Monsieur le Professeur de Théologie Dogmatique a commencé
l’exposition du Dogme catholique, et a traité, au point de vue
de la raison et de la foi, de Dieu et de l’âme humaine.
Monsieur le Professeur de Théologie Morale a parlé du Céli
bat dans le Christianisme et du Célibat ecclésiastique en
particulier. 11 a étudié d’abord la partie historique de cette
question ; puis il l’a considérée au point de vue de l’Ecriture et
de la tradition catholique. Cette année il en fera ressortir l’im
portance en l’envisageant sous le côté social.
Monsieur le Professeur d’Ecriture Sainte a traité dans la pre
mière partie de son cours de l’Eloquence de la Bible, et dans
la deuxième il s’est occupé des Faits géologiques et divins qui
ont rempli et complété le quatrième jour de la Création.
Monsieur le Professeur d’Histoire Ecclésiastique a suivi sous
les diverses formes du gouvernement du peuple Juif, le Déve
loppement de la Législation hébraïque, et dans son Cours de
Discipline, le même Professeur a fait connaître la nature des
divers Bénéfices ecclésiastiques et la légitimité des revenus
qui leur étaient annexés.
Monsieur le Professeur de Langue Hébraïque, après avoir
donné cà ses élèves les notions primordiales de la Grammaire,
s’est occupé de VExégèse des Livres Saints, des Livres poéti
ques en particulier : il a produit sur le Livre de Job un travail
qui a pu jeter quelque jour sur ce riche monument de la litté
rature sacrée.
En terminant, Messieurs, l’exposé de ce dernier Cours, un
�40 —
souvenir bien triste vient s’offrir à ma pensée. Celui qui le pro
fessait si dignement a été ravi à la Religion qui avait en lui un
ministre dont la piété égalait le savoir, à la Faculté de Théologie
dont il était l’ornement, à une famille désolée qui l’aimait de
l’affection la plus tendre. M.Diouloufet, chargé en \ 854 du Cours
d’Eloquence sacrée, et de l’enseignement de la Langue hébraï
que, sut répondre, pendant quelques années, à cette double mis
sion qu’il remplit, non sans peine, jusqu’à ce qu’il fut autorisé
à se borner à la Langue sainte. Cette langue, et en général les
langues orientales, avaient été de bonne heure l’objet de ses
études et de ses prédilections. Mais depuis longtemps cette santé
précieuse était ébranlée par un travail excessif dont les effets
devaient être si funestes pour lui et pour nous tous.
M. Diouloufet était à un âge où l’on peut servir longtemps
encore la Religion et la Science, deux choses qui ne se sépa
raient jamais dans son esprit et dont il désirait vivement l’intime
alliance. Dieu en a disposé autrement et nous a ravi un collègue
que nous aimions tous ; mais ce qui nous restera toujours com
me un souvenir ineffaçable et comme un modèle de conduite, ce
sera cette vie consacrée au travail, ce savoir modeste, cette piété
aussi douce qu’éclairée.
L’Académie d’Aix, frappée celte année dans plusieurs de ses
membres, vient de faire encore une perte toute nouvelle dans la
personne de M. Desclozeaux, qui l’avait dirigée pendant sept
années. M. Desclozeaux avait abandonné tout récemment ces
hautes fonctions pour prendre un repos que de longs et nobles
travaux, et par suite une santé affaiblie lui avaient rendu néces
saire. D’autres pourront dire mieux que moi tous les titres qu’il
avait à notre affection et à nos regrets. Mais la Faculté de Théo*
logie ne saurait taire la bienveillance toute spéciale dont il l’honorait et dont elle aimera à conserver toujours un précieux
souvenir. Cette bienveillance, Messieurs, lui sera continuée,
nous en sommes persuadés, par le savant Administrateur que
Son Excellence Monsieur le Ministre de l’Instruction publique
a placé à la tête de cette Académie. Notre Faculté a déjà pu com
prendre qu’elle trouvera en lui un soutien et un appui pour
tout ce qui pourra contribuer aux progrès et aux succès de son
enseignement.
Il vient de s’opérer dans le personnel de la Faculté de Théo
logie un mouvement qui n’est pas pour elle sans importance.
M. l’abbé Reynaud, qui depuis trente-quatre ans professait l’E
criture Sainte, était bien dans le cas de jouir du repos après ce
long professorat. Ce repos il l’avait justement mérité par une vie
de retraite consacrée tout entière à l’étude et aux travaux diffici
les de l’Exégèse biblique. Son Excellence Monsieur le Ministre de
l’Instruction publique, lui a donné pour suppléant M. l’abbé
Figuière, que de longs services dans l’enseignement secondaire
et des grades académiques désignaient au choix de Monseigneur
l’Archevêque.
La chaire d’éloquence sacrée demeurant vacante par le décès
de M. l’abbé Diouloufet, qui en était titulaire, Son Excellence
Monsieur le Ministre, de concert avec Monseigneur l’Archevêque,
vient de charger de cette chaire M. l’abbé Bayle, aumônier du
Lycée de Marseille, Docteur en Théologie. On applaudira géné
ralement à ce choix que justifient de brillants succès obtenus
dans un concours, ainsi que de nombreux et remarquables
écrits, et ce ne sera pas sans fruit qu’on entendra M. l’abbé
Bayle nous exposer les riches trésors de la Littérature sacrée.
Disons en terminant que l’administration municipale n’a pas
voulu laisser inachevée l’œuvre qu’elle avait si bien commencée,
et que dès lors la Faculté de Théologie a pu prendre possession
du nouveau local qui lui était destiné. Que Monsieur le Maire,
dont la bienveillance n’a jamais fait défaut à la Faculté, daigne
agréer ici l’hommage de sa vive et profonde reconnaissance.
�— 42 —
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
d©
la F a c u lté d e
Monsieur
le
D ro it.
R ecteur,
Messieurs ,
L’augmentation progressive du nombre des étudiants de la
Faculté de Droit d’Aix a subi, durant la dernière année scolaire,
un temps d’arrêt qui s’explique par la transition de l’ancien au
nouveau programme du baccalauréat ès-lettres. Pour satisfaire
aux exigences de ce nouveau programme, toute une génération
d’étudiants a été obligée de prolonger d’un ou deux ans son sé
jour dans les Lycées et Collèges, au grand avantage d’un solide
et durable enseignement classique. Nous retrouvons déjà cette
année, et nous retrouverons de plus en plus, dans les années
ultérieures, ces jeunes gens mieux préparés à l’étude austère
de la jurisprudence. La prospérité croissante de la Faculté re
prendra son cours dans des conditions plus parfaites, qui uni
ront plus étroitement le progrès matériel au progrès intellectuel
et moral.
Du reste, la diminution que je viens de signaler n’empêche
pas la Faculté de Droit d’Aix de conserver le troisième rang,
qui lui est depuis longtemps acquis parmi les Facultés de l’Em
— 43 —
pire. Il n’y a d’ailleurs diminution que par rapport à l’année
immédiatement précédente. Nous sommes tombés, il est vrai,
du chiffre total de 1347 inscriptions à celui de 1210 ; mais ce
dernier nombre dépasse encore le maximum qui eût jamais été
atteint avant l’année scolaire 1865-1866.
Le nombre des examens a été presque égal à celui de l’année
précédente. Il y a eu 505 épreuves de tout genre, au lieu de
518. Le nombre des ajournements s’est élevé à 50, chiffre iden
tique pour les deux années. C’est toujours environ la propor
tion d’un ajournement sur dix candidats.
Cette proportion n’a été sensiblement amoindrie que pour
les thèses de Licence, où elle est descendue au rapport d’un à
vingt-huit. Elle n’a été sensiblement dépassée que pour les pre
miers examens de Doctorat, où elle est montée au rapport d’un
à six. Ces deux résultats inverses s'expliquent, pour les thèses
de Licence, par la meilleure préparation moyenne à cet ordre
d’épreuves; pour les premiers examens de doctorat, par la
juste et nécessaire sévérité, à laquelle doit s’attendre tout aspi
rant au grade de Docteur.
Les 455 admissions, qui ont été prononcées, l’ont été de la
manière suivante : 24 avec éloge, 56 avec majorité de boules
blanches, 282 sans boule noire , 93 avec une boule noire.
Comparés à ceux de l’année précédente, ces résultats accusent
une assez grande diminution dans le nombre des éloges et des
admissions avec une boule noire, tandis que les réceptions in
termédiaires se sont proportionnellement accrues. Cette situa
tion correspond à une certaine supériorité du mérite moyen de
l’ensemble des épreuves.
Les 505 examens subis durant la totalité de l’année scolaire
ont été répartis, ainsi qu’il suit, entre les quatre sessions. Il y
en a eu 62 dans la session de novembre, 105 dans celle de jan
vier, 55 dans celle d’avril, 282 dans celle de juillet et août. Un
seul examen a été autorisé hors session.
�— 44 —
Classés par ordre et nature d’épreuves, les examens ont com
me toujours, présenté des chiffres très-différents les uns des
autres. Il y a eu 12 examens de capacité; 98 premiers de Bac
calauréat ; l i t deuxièmes de Baccalauréat; 89 premiers de
Licence ; 92 deuxièmes de Licence; 8-i- thèses de Licence; 12
premiers examens de Doctorat ; 2 deuxièmes de Doctorat; 2 thè
ses de Doctorat.
Comparativement à l’année précédente, il n’y a que d’insigni
fiantes différences, qui s’expliquent par la répartition variable
des Etudiants entre les trois années d’études. La seule remarque
importante à faire concerne l’augmentation assez notable du
nombre total des épreuves de Doctorat ; ce nombre n’avait été
que de 9, durant l’année scolaire 1865-1866. Il s’est élevé à
16 en 1866-1867, et tous nos efforts doivent tendre à son ac
croissement graduel ; car, sous ce rapport, la Faculté de Droit
d’Aix n’a malheureusement pas le rang qu’elle occupe à tous
les autres égards.
Des changements considérables se sont accomplis dans le per
sonnel de la faculté. M. Lombard qui laisse parmi nons d’im
périssables souvenirs de modestie et de savoir, d’opiniâtreté au
travail et d’inflexible logique, a obtenu définitivement le repos
que ses vœux appelaient et qui était si bien dû à ses longs et
excellents services. Sa chaire a été donnée à M. Grellaud, qui
apportera à l’enseignement du Code Napoléon l’exquise clarté et
l’expérience consommée dont il avait fait preuve dans la chaire
de Procédure civile et de Législation criminelle. Le titulaire de
ce double enseignement est aujourd’hui M. Pison, qui a ainsi
reçu la récompense d’une rare aptitude et d’un dévouement
exemplaire. Enfin un nouvel agrégé nous a été accordé. M. Lau
rin, l’un des élus du dernier concours d’agrégation, a déjà plei
nement justifié parmi nous le rang honorable qu’il avait conquis
dans cette grande lutte scientifique. Tl partagera avec M. Jour-
— 45
dans l’enseignement du Droit Romain. M. Deloume sera chargé
de celui du Droit Commercial, tant que durera la douloureuse
maladie qui retient M. de Fresquet éloigné de ses fonctions, et
où l’accompagnent nos vœux les plus ardents pour sa prompte
et complète guérison.
M. de Fresquet a reçu une distinction méritée, à laquelle
ont applaudi tous ses collègues. La décoration de la Légiond'Honneur, que lui a décerné un décret impérial, rendu au mois
de juin dernier, a été la juste récompense de son infatigable dé
vouement à la jeunesse studieuse, et de ses remarquables tra
vaux sur le Droit Romain.
Une dernière et plus importante mesure a mis le comble aux
bienfaits de l’administration supérieure envers la Faculté de
Droit d’Aix. La seconde chaire de Droit Romain qui n’existait
qu’à litre provisoire, a été définitivement créée, ce qui donne
au cadre officiel de notre enseignement un complément depuis
longtemps attendu, et qui a été accueilli par nous avec le senti
ment de la plus vive reconnaissance. Nous n’avons plus qu’un
vœu à former : c’est que M. Jourdan, qui est chargé de ce cours,
et qui le professe avec le plus remarquable talent, en devienne
titulaire le plus prochainement possible, moins encore dans son
intérêt particulier que dans celui de cette haute étude du Droit
Romain, qu’il cultive avec tant de zèle et une si exceptionnelle
aptitude.
Pourquoi faut-il qu’à de si nombreux et si justes sujets de
satisfaction soit venue se mêler une douleur récente, et qui sera
profondément sentie dans tout le ressort académique? M. Desclozeaux avait à peine échangé les labeurs du rectorat pour les
honorables loisirs de la retraite, lorsqu’une mort prématurée
et subite l’a enlevé au dévouaient de sa famille et aux affectueux
respects de ses anciens collaborateurs.
La Faculté de Droit en particulier conservera toujours le sou-
�46 —
venir du bienveillant intérêt dont il l’honorait, et de l’accueil
empressé qu’il faisait à ses vœux constants pour le perfection
nement et le progrès des études juridiques ; mais l’amertume
de ses regrets est tempérée par la consolante pensée qu’elle
trouvera dans le nouveau Chef qui vient d’être placé à la tête de
l’Académie, le même appui pour ses efforts, la même sympathie
pour ses travaux, le même esprit de sagesse et de fermeté. Tou
tes les sciences sont sœurs et se prêtent un mutuel appui. L’hom
me qui a cultivé avec succès les hautes mathématiques, ne peut
manquer de s’intéresser aux procédés éminemment rationnels,
à la méthode sévère, à la rigoureuse logique de la science des
lois et de leur application.
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
do
la
F a c u lté
Monsieur
le
dos
L e ttre s .
R ecteur,
Messieurs ,
C’est avec un profond sentiment de tristesse que je prends la
parole dans cette circonstance solennelle. Au moment où je vais
vous rendre compte des travaux de notre Faculté , je ne puis
m’empêcher de reporter ma pensée sur celui dont, l’année der
nière, à pareille époque, vous écoutiez la parole vive, spirituelle
et sensée. Vous n’oublierez jam ais, Messieurs, le charme que
notre Doyen regretté répandait dans ses rapports annuels, sujet
essentiellement aride et monotone , qu’il savait rendre intéres
sant par la plus solide et la plus pénétrante de toutes les élo
quences, celle de la raison. Un mois après la séance de rentrée,
M. Lafaye était frappé d’un mal terrible , et peu de jours suffi
rent à la mort pour consommer son œuvre. Cette intelligence si
nette et si active, cet amour passionné du devoir, cette noble et
infatigable ardeur pour les études les plus délicates et les plus
élevées, tout s’éteignait à la fois, et il ne restait à ses nombreux
amis, et surtout à moi, le plus ancien de tous, que les regrets
d’une perte irréparable , et les déchirements d’une affection à
jamais brisée.
�— 48 Mais la mort, n’était point satisfaite ; elle a frappé un second
coup dans nos rangs; elle a choisi pour victime le plus jeune
de tous, celui qui, selon les lois de la nature, aurait dû conduire
le deuil de tous ses collègues. Vous vous rappelez , Messieurs,
celte figure calme et pensive , où se reflétait l’image d’une âme
pure, bienveillante, d’une conscience douce et austère, d’un es
prit que vivifiaient les plus nobles instincts de la nature humai
ne. Ceux-là surtout qui ont suivi les leçons de M. de Suckau sa
vent combien son goût était délicat, ses appréciations ingénieu
ses, et comment sa parole persuasive s’inspirait des conseils d’u
ne morale, aimable jusque dans sa sévérité. Sa faible constitu
tion n’a pu résister , ni à ces douleurs de famille que la Provi
dence multipliait autour de lui, ni à ces préoccupations de l’en
seignement qui le portaient à lutter encore , quand ses forces
n’étaient déjà plus. Comme notre Doyen, il est mort à la peine,
victime du devoir, aimé, respecté et pleuré de tous ceux qui font
connu.
C’est ainsi que meurent les intrépides soldats de l’intelligen
ce, dans l’exercice de leurs fonctions, c’est à dire, sur le champ
de bataille. Leur âm e, comme dit Bossuet, veut être maîtresse
du corps qu’elle anime ; elle le dompte , elle le terrasse ; elle
cherche à s’en débarrasser, comme pour être plus libre dans
ses aspirations sublimes. Mais le corps s’épuise bientôt à la sui
vre, et il tombe pour ne plus se relever. Nos deux collègues bien
aimés ont soutenu jusqu’à la mort cette lutte généreuse ; mais,
en mourant, ils nous ont laissé une grande consolation , le sou
venir de leurs vertus et l’exemple de toute leur vie.
Vous me pardonnerez , Messieurs , l’émotion de ces paroles,
car le deuil de notre Faculté est également partagé par les maî
tres et par les disciples. Des cinq professeurs qui assistaient
l’année dernière à l’inauguration de nos travaux, trois seulement
se présentent devant vous, pour vous rendre compte de ce qu’ils
— 49 —
ont fait dans leurs doubles fonctions de professeurs et de juges.
Je me trompe , Messieurs. Son Excellence le Ministre de l’Ins
truction publique, dont la vigilante sollicitude veille toujours et
partout, nous a envoyé un aide pour la longue et laborieuse
session du mois d’août. M. Philibert, un des maîtres les plus
habiles de l’Instruction secondaire , a été chargé du
cours de
■,
Philosophie en remplacement de M. Lafaye , et il est1 déjà entré
en fonction.
Si je ne craignais de blesser la modestie de notre nouveau
collègue, je pourrais vous parler de l’étendue de sés èonnaissances philosophiques, des succès de son enseignement dans'les
Lycées, de ses remarquables travaux sur Aristote. J’aime mieux
vous laisser sous l’impression du discours que vous venez d’en
tendre , et je me contenterai de vous dire que nous avons déjà
pu apprécier, dans l’intimité de nos relations et de nos travaux
communs, les excellentes qualités qui distinguent 3(1. Philibert :
un esprit ferme et bienveillant, une modestie qui s’efforce de
voiler le mérite, et un caractère honnête et sympathique. Nous
faisons des vœux pour que notre nouveau collaborateur soit
bientôt rattaché à notre Faculté par un lien étroit et indisso
luble.
C’est avec la même sympathie que nous avons accueilli la
nouvelle de la nomination de M. Reynald à la chaire de Litté
rature française. M. Reynald , ancien élève de l’Ecole Normale
et de l’Ecole d’Athènes, agrégé de l’Université et Docteur èsLettres, était naturellement appelé , en vertu de tous ces titres,
aux fonctions difficiles de l'enseignement supérieur. Ses travaux
sùr la Constitution Athénienne et sur la Littérature
Anglaise
o»
UJ
attestent l’étendue et la solidité de ses connaissances; et les suc
cès qu’il a obtenus à Caen, dans la chaire de Littérature étran
gère, sont un gage de ceux qui l’attendent parmi nous. Grâces
donc à la vigilance du Miiiislre, qui veille aux destinées de finv,
j
•
�struction publique, nos rangs sont aujourd’hui complets , et
nous n’avons plus qu’à nous mettre à l’œuvre avec une ardeur
nouvelle, soutenus par l’exemple du nouveau Chef de notre Aca
démie, dont l’activité bienveillante se porte sur toutes les parties
du service, et qui ne laisse aucun intérêt en souffrance ; soute
nus aussi par deux nouveaux collègues, qui nous apportent leur
part de zèle et de travail.
Mais, dans la dernière année classique, trois chaires seule
ment ont été occupées, et notre compte-rendu sera nécessaire
ment abrégé par le silence où sont restées les deux autres.
M. Ouvré a raconté l 'Histoire de la France pendant la pre
mière partie du xvnme siècle, en s’arrêtant surtout à la grande
figure de Richelieu. Il a principalement étudié sa politique in
térieure ; ses combats contre les Huguenots , contre les Grands
et la Famille Royale : événements souvent raccontés, mais que
les recherches modernes enrichissent chaque jour de nouveaux
détails et amèneront bientôt au dernier degré de précision. On
ne se lasse pas d’ailleurs d’y voir de près la pénétration du Car
dinal, sa vigueur et sa persévérance, et aussi, il faut le dire, son
manque de scrupules et son astuce. Si l’effort de ce lutteur ob
stiné a été immense, le résultat a été en raison de cet effort mê
me. Ce n’est pas moins que le triomphe définitif de la royauté,
avec la forme qu’elle gardera jusqu’à la Révolution Française.
Le cours de cette année-ci sera consacrée à une Etude complète
de Louis XIV.
M. Méry, Professeur de Littérature étrangère, a fait une Etude
sur le génie Espagnol dans l’examen des principaux écrivains
de la Péninsule. Le malheur du génie espagnol a été l’orgueil,
qui lui a fait tout puiser dans son propre fonds, et qui s’est,
pour ainsi dire, dévoré lui-même. Inaccessibles à toute critique
étrangère, les Espagnols ont été, dans les lettres et dans les arts,
ce qu’ils avaient été dans les armes, pendant les six siècles qu’a
duré leur croisade nationale contre les Maures. Ils sont toujours
réstés les enthousiastes admirateurs d’eux-mêmes, jusqu’à l’avénement d’un prince autrichien. À partir de ce moment, les let
tres nationales, épuisées ou découragées, subirent la désastreuse
influence de la littérature française et de la littérature italienne,
et les deux écoles qu’a fait naître cette double imitation , n’ont
produit rien de grand.
Afin de mieux faire comprendre les écrivains de l’époque où,
la langue se trouvant fixée, eut lieu le rapide et magnifique épa
nouissement du génie espagnol, le Professeur est remonté jus
qu’aux poèmes du Cid et du Romancero. Il a ensuite passé en
revue les écrivains de l’âge, qu’un orgueil national, commun à
tous les peuples civilisés, appelle l’âge d’or d’une littérature.
Lopé de Véga, Caldéron.Cervantès, Mendoza, ont été avec d’au
tres, moins célèbres hors de l’Espagne, analysés dans leurs prin
cipales œuvres, et le Professeur s’est toujours attaché à essayer
de démontrer que l’inspiration était la même chez tous, c’est à
dire, religieuse, chevaleresque , nationale , éminemment espa
gnole. M. Méry se livrera cette année-ci à YEtude de la Litté
rature anglaise dans les dernières années du xvinme siècle et
dans les premières du xixme.
Le Professeur de Littérature ancienne a étudié les Origines
de ! éloquence grecque dans les poètes, les historiens, les phi
losophes , et surtout dans les sophistes. Les leçons de l’année
qui commence seront consacrées à l’étude de YEloquence par
venue à sa perfection dans Démosthène et dans Eschine. Et
comme le Professeur est chargé du double fardeau des lettres
grecques et des lettres latines, il fera de fréquents rapproche
ments entre les discours de Démosthène et ceux de Cicéron.
�J ’ai maintenant à vous rendre compte, Messieurs, de la par
tie la plus importante de nos fonctions, c’est à dire, de la colla
tion des grades. Autant nos devoirs de professeurs sont doux à
remplir, grâce à la bienveillance de ceux qui nous écoulent, au
tant nos fonctions de juges sont pénibles, car notre indulgence
même est taxée de sévérité. Ceux qui échouent dans nos exa
mens s’en prennent à la dureté de nos appréciations ; ceux qui
triomphent en font honneur à leur propre mérite. Entendonsnous cependant. Si nous faisions strictement notre devoir, si
nous n’avions pas le soin d’interpréter le réglement de la ma
nière la plus favorable aux candidats , le nombre de nos morts
serait immédiatement doublé. Mais nous sommes tous pères de
famille, et nous partageons l’anxiété des parents. Ceux-ci nous
trouvent trop sévères; M. le Ministre nous trouve en général
trop indulgents. Entre ces deux excès la route est difficile;
mais nous avons un guide sû r, notre conscience , qui nous fait
trouver le bon chemin , en nous avertissant que si nous devons
compatir aux douleurs humaines, nous devons aussi maintenir
l’enseignement à un niveau honorable.
Les candidats au Doctorat ont continué cette année à nous
faire défaut, Depuis la création de notre Faculté, c’est à dire,
depuis vingt et un ans, il ne s’en est présenté et nous n’en avons
reçu que quatre. Pour ce grade, comme pour tant d’autres cho
ses, Paris absorbe la province. Les candidats sont persuadés, et
ils n’ont peut-être pas to rt, que les palmes cueillies dans la ca
pitale sont plus brillantes, plus favorables à leur avancement.
Qu’ils se rassurent néanmoins; les grades conquis en province
ont aussi leurs destinées glorieuses. Un de nos quatre docteurs,
M. de Laprade, après avoir occupé avec distinction la chaire de
Littérature française à la Faculté de Lyon, est allé s’asseoir dans
un des quarante fauteuils de la première classe de l’Institut, et
un de nos collègues les plus regrettés, M. Prévost-Paradol , est
allé prendre place à côté de lui.
Que l’émulation se réveille donc parmi nos licenciés. Les
champs de la littérature sont immenses, et il s’y trouve encore
bien des coins inexplorés. J ’en signalerai notamment un aux
rares élèves de l’Ecole de Droit qui sont venus nous demander
le second de nos grades. Ce sont des études sur l’influence réci
proque du Droit romain sur les Lettres latines, et de celles-ci
sur le Droit romain. Rechercher les vestiges de l’ancien Droit
romain dans les plus anciens poètes, dans Plaute, par exemple,
ou dans Térence, serait une excellente préparation pour le Doc
torat en Droit et pour le Doctorat ès-Lettres. Ce travail a été fait
pour Horace, par un éminent professeur de la Faculté de Droit
de Toulouse , M. Benech. Le succès que son livre a obtenu est
pour nos jeunes légistes un précédent et un encouragement.
La Faculté a tenu , conformément aux réglements, deux ses
sions pour la Licence. Dans la session de novembre quatre can
didats se sont présentés ; un seul a été admis, M. Bourbon, pro
fesseur au collège de Digne, qui a brdlamment réparé, dans les
épreuves orales, l’échec qu’il avait précédemment subi dans ces
mêmes épreuves. Dans la session de juillet dernier, huit candi
dats , préparés pour la plupart d’une manière solide, ont tenté
les chances du combat. Trois sont sortis victorieux de la lutte :
M. W olters , ancien élève du Lycée d’Alger, lauréat du Con
cours académique de 1865 pour le prix d’honneur de Rhétori
que ; M. P inelli, professeur de Seconde au collège de Digne, et
M. Lieutaud , étudiant en Droit, qui est venu renouer les an
ciennes traditions en ajoutant son nom à ceux de MM. Coste,
Clappier , Silvestre , Rostand et Laurin , notre jeune et savant
collègue de la Faculté de Droit.
Quatre élus sur douze candidats, c’est peu sans doute, mais le
grade de Licencié est d’autant plus glorieux qu’il est plus diffi
cile. La Faculté a regretté de n’avoir pas été plus libérale; mais
elle se montre de plus en plus exigeante pour la collation d’un
�grade qui assure, presque toujours, à ceux qui l’ont obtenu, des
positions importantes dans les classes supérieures des Lycées et
des Collèges.
Les examens du Baccalauréat, ont été, cette année-ci, désas
treux pour le plus grand nombre des candidats. Faut-il s’en
prendre aux difficultés du nouveau programme, ou à la sévérité
des juges? Non , Messieurs. Le nouveau programme n’est pas
plus difficile que l’ancien ; il a été modifié de manière à rendre
les épreuves plus faciles pour les élèves qui ont fait des études
complètes. Les juges n’ont pas changé de balance , et ils ont
continué à faire incliner le plateau des bienveillantes apprécia
tions. Quelle est donc la véritable cause de cette mauvaise cam
pagne? Nous nous expliquerons sur ce point avec franchise,
comme un bon médecin qui découvre la plaie , pour en sonder
la profondeur. Presque tous les échecs doivent être attribués à
l’inapplication des élèves dans les classes de grammaire. L’en
fant se livre volontiers à la paresse et à la dissipation ; il trouve
le latin peu aimable ; il considère le grec comme un ennemi
qu’il se garde bien de fréquenter ; il arrive tant bien que mal
aux classes supérieures. Mais là se dresse devant lui le fantôme
menaçant du Baccalauréat. L’enfant se réveille alors, et la crainte
lui donne du courage ; il fait des efforts suprêmes dans les clas
ses de Rhétorique et de Philosophie ; il obtient des veillées des
chefs d’établissements ; il est préoccupé, avide de secours étran
gers ; il saisit avec une étreinte suprême , pour se sauver du
naufrage , ces planches peu solides qu’on appelle les manuels.
Peines inutiles, il n’arrive pas au but. C’est un lièvre qui est
parti trop tard.
L’insuffisance des premières études se révèle surtout dans les
épreuves écrites. Ces épreuves fourmillent d’incorrections; les
barbarismes et les solécismes y sont semés à profusion , ou plu
tôt , ils y croissent spontanément. Sur 393 candidats que nous
avons examinés pendant l’année classique 1866-1867, 211 ont
échoué aux épreuves écrites, 30 seulement aux épreuves orales.
Nous avons admis 152 candidats, 5 avec la mention bien, 42 avec la mention assez bien, 105 avec la mention passablement.
Nous avons examiné à Aix, dans la session de novembre 96 can
didats, dans celle de mai 3, dans celle d’août 186, en tout 285.
Nous avons examiné en outre , à Alger 29 candidats, à Ajaccio
31, à Bastia 24, à Nice 24, en tout 108. Ce nombre n’avait ja
mais été atteint dans nos tournées précédentes.
Je dois remarquer en finissant qu’au milieu des douleurs que
nous donnait l’insuffisance des épreuves écrites , la dissertation
française de philosophie nous a fourni quelque consolation ; elle
a été, conformément aux prévisions de S. E. M. le Ministre de
l’Instruction publique, une véritable planche de salut pour un
assez grand nombre de candidats. Les jeunes gens commencent
à s’en apercevoir, et j’ai eu soin de le leur dire. Aussi les classes
de Philosophie se repeuplent dans nos établissements. C’est là
un des meilleurs résultats des réformes récemment introduites
dans l’examen du Baccalauréat ès-Lettres.
Permettez-moi , Monsieur le R ecteur , au moment même
où je salue votre bienvenue, et où je remercie M. le Ministre de
nous avoir donné pour chef un des professeurs et des adminis
trateurs les plus éminents de l’Université, d’honorer la mémoi
re de M. Desclozeaux , par un douloureux et sympathique
souvenir. C’est par son initiative que la Faculté des Lettres,
pour laquelle il avait tant de bienveillance, a été appelée à faire
des cours à Marseille, ce qui a concilié définitivement les hono
rables prétentions de deux villes, rivales pour le bien , étroite-
�— 56 —
ment unies par des rapports fréquents et par une commune asj.
,
.
piration vers les nobles travaux de l’esprit. M.Desclozeaux avait
■ *>i
'
su• conquérir
notre respectueuse affection.
Je vous promets,
Monsieur l e R ecteur , au nom de tous mes collègues de la
Faculté des Lettres , le même dévouement , le même concours
empressé.
— 57 —
RAPPORT DE M. LAURIN
P r o f e s s e n r - A g ré g é à la F a c u l t é d e D ro it
SUR CE CONCOURS DE CANNÉE SCOLAIRE
Monsieur
le
1866-1867
R ecteur,
Messieurs ,
Appelé à prendre la parole dans cette assemblée, j’ai hâte de
remercier la Faculté de l’accueil affectueux fait à mes débuts.
Et s'il m’est permis à mon tour d’exprimer hautemeut ma pen
sée , je dirai que je suis heureux et fier de me retrouver ici,
heureux et fier de m’asseoir à côté d’anciens maîtres, dont l’en
seignement , après avoir été mon premier et mon meilleur gui
de , restera l’inspiration de ma vie entière, et à qui je dois en
définitive d’être tout ce que je suis. En retour, Messieurs, de si
constantes et si honorables sympathies , je ne puis apporter ici
que ma jeunesse et ma bonne volonté, et aussi ce sentiment pro
fond de Pâme, qui vous fait aimer la carrière que l’on a choisie,
la science que l’on enseigne , les maîtres qui vous l’ont apprise,
et la maison quasi-paternelle où l’on en a bégayé les premières
notions. Les jurisconsultes romains, au début de leurs admira-
�— 58 —
blés commentaires, se faisaient un devoir de témoigner de leur
respect, j’allais dire de leur religion , pour l’œuvre sacrée de
l’interprétation des lois. Ainsi je sens, ainsi je fais aujourd’hui;
et c’est dans ces dispositions presque pieuses que j’ai mis la
main à ce modeste rapport sur le concours de notre dernière
scolaire , rapport par lequel la Faculté a bien voulu m’associer
à ses travaux.
Je n’ai pas, Messieurs, à faire ici l’apologie de ces concours,
à en signaler les heureux résultats pour la bonne direction des
études, la discipline sévère des idées, et la mise en lumière des
aptitudes individuelles. Ce sont là aujourd’hui des vérités con
sacrées; tout ce que je puis et tout ce que je dois dire, c’est que
le concours de cette année n’a pas été, sous ce rapport, infé
rieur à ses devanciers. À côté de défaillances inévitables, il y a
là un acquit de belles et bonnes choses, et la promesse de plus
d’un talent remarquable, destiné peut-être à un brillant avenir.
Le sujet échu aux élèves de première année était intitulé :
Des conditions de Vusucapion. On ne pouvait guères, en une
aussi vaste matière , et de la part d’aussi jeunes intelligences,
exiger autre chose qu’un résumé fidèle jdes doctrines de l’Ecole.
Un aperçu général du sujet, une bonne distribution des matiè
res, une grande lucidité et une exactitude parfaite dans les dé
tails, telles étaient, ce semble, les qualités qu’une œuvre de ce
genre pouvait et devait réunir.
Ces qualités se rencontrent à un haut degré dans le travail de
M. Bouvier, d’Embrun (Hautes-Alpes), qui a obtenu le premier
prix. M. Bouvier a un mérite, dont je veux tout d’abord le louer,
parce que la pratique en est à la fois très-rare et très-difficile :
traitant de matières de droit, il parle uniquement la langue du
droit et il la parle bien. Il ne va pas, sous prétexte de faire du
style, se jeter dans des considérations soi-disant brillantes, qui
— 59 —
ressemblent un peu à ces lambeaux de pourpre dont parle le
poète,... pour s'en moquer. Cette phraséologie, si fort à la mo
de aujourd’hui , ne vaut rien pour la saine et rigoureuse expo
sition des idées, et c’est en matière juridique surtout, que la for
me doit être le vêtement modeste de la pensée. M. Bouvier a fait
preuve de goût en observant avec fidélité cette règle : il a expo
sé en un langage scientifique excellent ce qu’il savait de son su
jet, de ses origines, de son développement historique, de ses ra
mifications dans les autres parties de la science. Tout cela est à
la fois bien pensé, bien déduit, et bien exprimé.
M. Rieul, de S‘-Dems ( île de la Réunion), qui vient en se
conde ligne, est loin d’avoir la fermeté de pensée et de style qui
caractérise M. Bouvier. Tout ce qu’il dit n’est pas non plus d’u
ne entière exactitude. La bonne foi est assez mal définie , bien
que comprise, et je doute fort que M. Rieul se soit bien rendu
compte de ce qu’est, le juste titre. Il est un point toutefois où
cette composition est supérieure à la précédente : c’est l’énumé
ration des cas dans lesquels la bonne foi n’était pas requise. Ces
cas, qui se trouvent si bien décrits dans les inimitables commen
çâmes de Gaius, sont assez fidèlement résumés par M. Rieul, et
on lui en a tenu compte. Du reste, à part ces quelques taches,
ce travail n’est certes pas sans mérite ; il est très-complet, assez
lucide, rarement inexact, et comme tel il était digne de la se
conde place qui lui a été assignée.
M. Lamotte, de Simiane (Basses-Alpes), a ensuite obtenu une
première mention pour une œuvre qui renferme de très-bonnes
parties, mais où il y a aussi des obscurités, et quelques graves
inexactitudes. Notre jeune élève, qui au début le prend de trèshaut avec les adversaires de la prescription, n’a pas montré par
tout une égale intelligence de son sujet, et il est plus d’un point,
notamment l’usucapio pro hœrede, où il a complètement erré,
�— 60 —
Toutefois il y a encore beaucoup à louer dans cette composition;
la matière y est bien divisée, les textes nullement prodigués; et
ceux qui s’y trouvent, sont à leur place , et entrent, pour ainsi
dire, d’eux-mêmes dans le courant de l’exposition. Cela suffit
pour donner à l’œuvre, malgré ses imperfections, une certaine
unité, qui est son principal mérite.
Enfin une somme à peu près égale de qualités a valu à MM.
J ogand, de Marseille, et Marcàggi, d’Ajaccio (Corse), une deu
xième mention ex œquo. Mais les deux compositions sont loin
d’avoir la même physionomie. M. Jogand est très - développé,
mais très-touffu aussi. M. Marcaggi, lu i, est d’une sécheresse
scolastique; son travail est plus exact que celui de M. Jogand,
mais il est moins complet. Ainsi moins de développements mais
plus d’exactitude , on voit que l’équilibre s’établit de lui-même
entre ces deux compositions, qui ont dû à de très-bons souve
nirs l’honneur de la deuxième mention.
Avec les élèves de seconde année , la scène, pour ainsi dire,
change, les observations prennent un autre caractère , et le
champ de la critique se restreint de plus en plus. Sur le terme
conventionnel et le terme judiciaire, nos jeunes adeptes nous
ont tous donné un travail remarquable par la pureté des doctri
nes et la justesse des solutions. Les différences proviennent uni
quement du plus ou moins de développement donné à l’œuvre,
et de regrettables lacunes qui se rencontrent chez quelques-uns
d’entre eux.
Le premier par ordre de mérite est ici M. Laugier , d’Aix
(Bouches-du-Rhône). Sa composition est excellente de tous
points ; ce qui s’y remarque surtout, c’est la manière dont cette
œuvre est fondue, dont elle forme un corps compacte et harmo
nieux. M. Laugier ne sort jamais de son sujet; il ne s’égare pas
en digressions inutiles, il ne s’appesantit point sur des choses
qui se comprennent d’elles-mêmes, il a des sous-entendus, il a
des ombres. Et puis l’exposition y est nette, rapide, et les déci
sions irréprochables. À part une cependant : mais c’est là un
peu pour moi une faute vénielle, et la responsabilité en revient
tout entière à la fameuse règle , res périt domino ; règle trèsdangereuse, et qui peut être la source de bien des erreurs, si on
ne la limite pas par une autre beaucoup plus exacte, qui est,
res périt creditori. Les obligations s’éteignent par la perte de
la chose due, dit l’article 1302 au Code Napoléon. — C’est ma
seule critique sur cette œuvre remarquable, et si M. Laugier
trouvait que c’est là un peu de la chicane , je lui répondrais
qu’avec les bons de minimis curât preetor.
M. Masseran, de Nîmes, qui est le second, nous a donné, lui
aussi, un travail consciencieux , très-méthodique dans sa mar
che générale , très-complet dans toutes ses parties, et très-juste
dans ses conclusions. Pourquoi n’est-il pas arrivé le premier ?
Cela tient à une certaine indécision de la forme et de la pensée,
à un certain encombrement dans la phrase, à trop d’exubérance
enfin. M. Masseran n’a pas le trait net et ferme, comme M.
Laugier, il est trop prodigue de son savoir, il a trop de zèle. A
chaque instant ce sont des rappels de principes relatifs à d’au
tres matières, accompagnés de citations d’articles; celaallanguit
la marche et déroute l’esprit du lecteur. Les questions n’y sont
pas toujours nettement posées et M.Masseran laisse plutôt deviner
ce qu’il veut dire , qu’il ne le dit réellement. Sans doute ce ne
sont pas là des fautes caractérisées, que l’on puisse supputer par
chiffres, mais tout cela dans une appréciation générale compte
et doit compter.
M. Massoni, de Chigliacci (Corse), qui a mérité la première
mention, reproduit les défauts de M. Masseran en les exagérant.
A la simple indécision de la forme et de la pensée se joint ici
�— 62 —
la pompe du style , et son corollaire inévitable , l’obscurité. M.
Massoni qui aime, à ce qu’il paraît, les débuts solennels, remonte
au déluge, je veux dire, au libre arbitre pour prouver qu’il peut
exister des obligations à terme à côté des obligations pures et
simples , et tout le reste est un peu écrit sur en ton là. Jeune
homme, laissez là ces enluminures de la phrase, qui n’ajoutent
rien à la forme de l’idée ; sortez de l’emphase et de la banalité;
réfugiez-vous dans la simplicité, dans la sécheresse même; tout
est préférable à ces lieux communs qui noient la pensée et éner
vent le discours. Je demande pardon à M. Massoni de cette cri
tique un peu sévère ; mais M. Massoni est un honnête et cons
ciencieux esprit ; son travail a du mérite, beaucoup de mérite ;
il est très-complet, les décisions y sont sûres, et il m’a été im
possible de relever dans cette volumineuse composition une seule
erreur bien caractérisée. Il serait fâcheux que tant de sérieuses
qualités fussent gâtées par un travers de style, et c’est pour cela
que j’ai insisté sur ce point.
Enfin une deuxième mention ex œquo a été accordée à MM.
B erland , de Semur (Saône-et-Loire, et B remond Jules, de
Marseille. M. Berland a causé une profonde surprise à la Fa
culté ; voilà une composition qui par la netteté de la forme et la
sûreté des idées peut dignement soutenir la comparaison avec
la première. Ici rien de parasite ; M. Berland entre de plein-pied
dans son sujet, in médias res, il parcourt sa matière d’un trait,
laissant tomber définitions, rapprochements, aperçus généraux,
sans que rien sente l'eiïort, cotoie l’inexactitude, et voile un in
stant la transparence de la pensée. Et puis arrivé aux questions
controverses, à ce qui était la partie vitale de l’œuvre, il s’arrête
subitement, clôt son travail sans dire un mot des difficultés que
l’article 1244 a soulevées. Que signifie un pareil silence? M.
Berland a-t-il été trahi par ses souvenirs ? C'est peu admissible,
quand on résume avec cette concision pleine de force, l’on doit
évidemment savoir. En l’état de cette composition , et en pré
sence de lacunes regrettables, la Faculté n’a pu lui donner que
le quatrième rang.
Pareille observation peut également s’appliquer à M. Bre
mond. Lui aussi s’est laissé dominer par l’idée qui a perdu M.
Berland. Son travail, très-net de forme , très-pur de dortrine,
semé de remarques justes et ingénieuses, est malheureusement
très-incomplet, et les grandes questions n’y sont pas indiquées.
Peut-être y a-t-il aussi dans cette composition une certaine mol
lesse qui ne se trouve pas dans la précédente. Mais à coup sûr
la différence n’était pas assez sensible pour que la Faculté en
tînt comptent n’accordât pas à ces deux œuvres, d’une si étroite
parenté, l’honneur de la même mention.
Nous voici arrivés à cette troisième année q u i, plus que les
précédentes, doit se faire remarquer par la maturité de ses idées
et de son style , par son aisance à traiter les questions les plus
ardues de la science, et même par une certaine audace, qui plus
d’une fois est le commencement d’une véritable originalité. Vous
allez voir, Messieurs, si elle a manqué à cette obligation, si elle
ne s’est pas au contraire rendue digne de la double distinction
dont la munificence de l’Etat a depuis longtemps honoré nos
Facultés.
Le sujet de Droit Romain était la compensation ; sujet ad
mirablement choisi, dans lequel on prend sur le vif ce travail
de jurisprudence qui, brisant peu à peu le cercle des anciennes
formes, arrive à faire d’une législation étroite et routinière le
corps de droit le plus sage , le plus équitable , le plus spiritua
liste qui fût jamais, celui qui a mérité qu’on l’appelât la raison
écrite. C’est la substitution la plus complète de Yesprit à la let
tre , et cela sans secousse , sans changement radical dans la lé
gislation , par les seuls progrès des lumières et de la philoso
phie.
�— 64 —
M. Coirard , (i'Àlais (Gard), qui a obtenu le premier prix, a
parfaitement saisi et mis en relief ce côté intéressant de la ques
tion. Dans son travail conçu au point de vue historique, il nous
montre combien ont été humbles les commencements de cette
grande constitution , qui tient aujourd’hui une si large place
dans nos codes. La compensation n’existe en nom que dans les
deux cas tout à fait spéciaux de Yargentarius et du bonorum
èmptor, et si elle figure dans les actions bonœ fidei, ce n'est
que comme l’un des éléments multiples de la bonne foi. Plus
tard grâce à l’initiative d’un prince phdosophe, j’ai nommé Marc
Aurèle , elle s’introduisit dans les actions de droit strict, maiè
sous le couvert de l’exception du dol. Enfin sous les derniers
empereurs, elle a lieu ipso ju re , c’est à dire qu’elle est laissée
complètement à l’arbitrage du juge , qui est libre de l’admettre
comme de la rejeter. Remarquez, Messieurs, qu’en tout ceci jet
ne fais que résumer l’œuvre de M. Coirard. Et c’est seulement
après avoir exposé ces phases successives , discutant toutes les
questions, tranchant tous les points controversés, égalemen
juste dans ses décisions et dans les motifs qu’il en donne , c’est
seulement après cela que notre jeune élève arrive «à préciser
quelles sont dans le dernier état du Droit Romain les conditions
générales de la compensation, et il le fait en cjuelques mots, sa
chant que là n’est pas l’intérêt du sujet, et que tout ceci du reste
doit être la résultante du long exposé historique auquel il s’est
livré. En somme, c’est là un travail excellent, sur le mérite du
quel nous n’avons tous eu qu’une voix, et si le rapporteur avait
un reproche à se faire, ce serait de n’avoir pas assez fortement
traduit les impressions de la Faculté.
M. Cauvière, de Marseille, qui vient ensuite, est un peu loin
déjà de cet idéal. Dans sa composition il faut distinguer deux
parties. La première malheureusement trop courte est consa
crée à l’exposition
historique
est bien
;f
m| du sujet, et là M.1Cauvière
»V
'! *
— 65 —
près d’égaler son rival ; il a moins de sagacité et de méthode
que lui, mais il a plus de jeunesse et de spontanéité. La forme
est naturellement belle, ample, noble, nourrie d’idées. Mais la
fin est indigne de ce commencement, M. Cauvière s’est perdu
dans une foule de textes du Digeste, la plupart peu intéressants,
et qu’il a cousus un peu malgré Minerve à son travail.
Enfin une première mention a été accordée à M. Grimanelli,
de Marseille, pour une composition sage, bien divisée, assez ex
acte , mais dans laquelle par malheur la question historique a
été complètement mise de côté. M. Grimanelli a exposé la théo
rie de la compensation en Droit Romain, comme il l’aurait fait
en Droit Français ; il s’est demandé qu’elles étaient les condi
tions requises en cette matière, et au lieu d’y répondre par des
articles du Code, il l’a fait par des textes de Droit Romain. Evi
demment là n’était pas l’intérêt du sujet.
Les mêmes élèves ont eu à traiter en Droit Français, du pri
vilège et des autres droits du vendeur demeubles non payé ;
sujet tout à fait spécial et exclusivement juridique, mais intéres
sant encore par son caractère pratique, ainsi que par les nom
breuses controverses qu’il a soulevées et qu’il présentait à la
discussion.
Ici encore M. Coirard a obtenu le premier prix , par la sa
gesse de sa composition, la fluidité de son style, l’harmonie qui
règne entre toutes les parties de son œuvre, enfin un je ne sais
quoi d’honnête et de convaincu , qui attache malgré soi. Néanmoirs ce travail est inférieur au premier. On s’aperçoit ici d’une
lacune qui était à peine sensible dans la composition de Droit
Romain, grâce à l’abondance extrême des matières : c’est l’ab
sence de vie. Cette composition si nette manque d’ampleur et
de relief. Ceci observé d’une manière générale, voici ce que j’ai
à relever en détail dans cette œuvre : Tout ce qui est relatif aux
�—
66
—
droits de rétention et de résolution, ainsi qu’au privilège du ven
deur est parfaitement traité, et on ne peut que louer sans réser
ve cette partie de l’œuvre. Mais il n’en est plus de même en ce
qui concerne le droit de non revendication ; ceci est incomplet,
et disons le mot, négligé. M. Coirard n’a pas bien exposé la fa
meuse controverse sur la nature de ce droit, controverse qui fait
tant d’honneur à la doctrine, et particulièrement a l’école, puis
que, semblable en cela aux jurisconsultes romains, elle a, pour
ainsi dire, fondé le droit.
M. Cauvière, auquel a été décerné le deuxième prix, a cette
fois serré de très - près son rival, et peu s’en est fallu qu’il ne
l’emportât sur lui. Notre jeune élève présente ici les mêmes
qualités de style que dans sa composition de Droit Romain, mais
le fonds est incontestablement meilleur. Il a très - bien exposé,
lui, la controverse relative au droit de revendication , et sa dé
monstration de la nature particulière de ce droit ne laisse rien
à désirer pour la force et la justesse des arguments. Mais M.
Cauvière, si excellent sur ce point, est moins net sur le privilè
ge , et il contient une erreur grave sur le droit de résolution,
en ce qu’il confond la résolution générale qui a lieu, en cas de
non paiement de prix, avec la résolution particulière qui se pro
duit de plein droit, à défaut de retirement des objets vendus,
hypothèse toute exceptionnelle prévue par l’article 1657. Ces
quelques taches ont fait, après beaucoup d’hésitations, rejeter ce
travail au second plan.
M. Grimanelli s’est montré, lui aussi, bien supérieur à luimême dans cette seconde composition. Malheureusement il pré
sente à peu près les mêmes erreurs que M. Cauvière, et il a
moins de talent dans la forme que celui - ci. Toutefois c’est là
encore une œuvre sérieuse, et méritant pleinement la mention
qui lui a été accordée.
Aucun mémoire ne nous a été remis par les aspirants au Doc
torat.
Ma tâche est finie , Messieurs. Puissent nos élèves voir dans
ce simple compte-rendu, lequel n'est que l'expression fidèle des
sentiments de la Faculté, un témoignage de l’intérêt constant
qui s’attache à leurs études, et de l’impartialité qui préside à nos
appréciations I Puissent-ils quant à moi personnellement (car
je leur dois un peu ma profession de foi à cet égard ) y trouver
le gage d’une bienveillance qui ne se démentira jamais, d’une
sollicitude dont je leur serai d’autant moins avare, quelle cons
titue pour moi la plus solennelle et la plus sacrée des obliga
tions I
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
LA FACULTÉ DES SCIENCES
L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE et DE PBARUACIE
. * > . aj
i i y iij'. c j / vüi-
DE M A R SE IL L E
Le jeudi, 28 novembre \ 867 , à deux heures de l’aprèsmidi , le grand amphithéâtre de la Faculté dés sciences de Mar
seille offrait le pluâ brillant aspect. Plus de’ cititj cents personnes
se pressaient dans cette enceinte, tin nombre considérable de
Dames ajoutaient par leur présence à l’éclat de la solennité qui,
chaque année, inaugure les Cours de l’enseignement supérieur.
•
i
.*
’i
�Sous la présidence de M. J. Vieille, Recteur de l’Acadé
mie , avaient pris place M. de Salve, inspecteur d’académie en
résidence à Marseille , M. le Doyen de la Faculté des Sciences,
M. le Directeur de l’Ecole Préparatoire de Médecine, MM. les
Professeurs de la Faculté des Sciences et de l’Ecole de Médecine.
Aux places réservées, on remarquait M. Levert, préfet des
Bouches-du-Rhône, Mgr Place, évêque de Marseille, M. Bernex,
maire de Marseille , M. le Procureur impérial, M. le Secrétaire
général de la Préfecture; M. le Proviseur et MM. les Professeurs
du Lycée Impérial, accompagnés d’une division d’élèves des
classes supérieures.
M. le R ecteur a ouvert la séance par le discours suivant
Me s s ie u r s ,
J ’avais l’honneur de présider, il y a quelques jours, à Aix, la
séance de rentrée des Facultés de Théologie, de Droit et des
Lettres; et, de toutes parts, un légitime tribut d’éloges et de re
grets était payé à la mémoire de mon honorable prédécesseur.
Vous ne vous étonnerez pas si les premières paroles que je pro
nonce dans cette enceinte, où M. Desclozeaux a souvent présidé
la réouverture de vos grandes écoles, sont consacrées à rappeler
les éminentes qualités de l’administrateur que l’Académie a per
du. M. Desclozeaux apportait dans les affaires de l’Instruction
publique un esprit libéral et cultivé, une haute raison, une lon
gue expérience. Il ne lui a manqué, dans ces dernières années,
que les forces physiques, bien nécessaires au chef d’une vaste
académie pour voir par lui-même, et pour contrôler les appré
ciations qui lui sont transmises sur les hommes et sur les choses.
Marseille, en particulier, a ressenti les heureux effets de l’ini
tiative de son ancien recteur, en matière d’enseignement supé
rieur. C’est sur les propositions de M. Desclozeaux qu’ont été
fondés ces cours publics de droit, de littérature , d’histoire, si
profitables à la jeunesse marseillaise , qui doublent les services
rendus au pays par les Facultés d’Aix : associés aux cours de la
Faculté des Sciences et de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie,
ils forment un ensemble excellent, et assurent à Marseille les
principaux avantages dont jouissent les chefs-lieux académiques
les mieux dotés.
Messieurs, l’année scolaire va s’ouvrir sous de meilleurs aus
pices que celles qui l’ont précédée. Plusieurs cours d’enseigne
ment supérieur avaient dû être interrompus, vous le savez, par
de graves maladies qui ont eu la mort pour terme. MM. Phili
bert et Reynald , deux brillantes recrues de notre Faculté des
Lettres, professeront l’un la philosophie à la place du regretta
ble M. Lafaye, l’autre la littérature française à la place de M. de
Suckau si prématurément enlevé aux lettres. M. de Fresquet,
qu’un état de souffrance prolongé tient encore éloigné de sa
chaire, sera suppléé, pour le droit commercial, par M. Deloume,
professeur agrégé.
Les autres cours continueront à être faits par MM. les Pro
fesseurs titulaires dont vous appréciez depuis plusieurs années
le talent et le zèle.
•
�La municipalité de Marseille vient de donner un nouveau gage
de l’intérêt qu’elle porte à la prospérité de son Ecole de Méde
cine. Une allocation annuelle de trois mille francs a été votée,
en vue de dédoubler et de transformer plusieurs chaires. Ces
changements soulèvent une question de principe dont la solu
tion doit précéder l’institution des nouveaux titulaires. Je me
suis empressé de la soumettre à M. le Ministre, qui prendra l’a
vis du Conseil impérial de l’Instruction publique à sa prochaine
session. De ces mûres délibérations sortira, sans nul doute, une
décision conforme aux vrais intérêts de l’enseignement médical.
La session d’examen , qui vient d’avoir lieu à Marseille pour
les pharmaciens de deuxième classe , a montré dans les études
scientifiques de ces jeunes gens, un progrès général que je suis
heureux de constater. Néanmoins je dois dire que leur culture
littéraire a laissé beaucoup à désirer. L’explication d’un passage
du Codex latin a mis en évidence chez plusieurs candidats l’ab
sence complète de notions de latinité. Et cependant, tous sont
munis d’un certificat de grammaire ! En présence de ces résul
tats , l’honorable Directeur de l’Ecole supérieure de Pharmacie
de Montpellier, président du jury, insiste avec raison pour que
ce certificat ne soit pas délivré avec trop d’indulgence. L’avenir
des aspirants en pharmacie est intéressé à ce que leurs études
grammaticales soient tenues à un niveau assez élevé. Faute d’in
struction première , ces jeunes gens ne peuvent recueillir que
des déceptions dans la carrière où ils s’engagent.
Que l’édilité marseillaise veuille bien me permettre de faire
appel à sa haute sollicitude, en ce qui concerne l’installation
matérielle de son Ecole de médecine. Ici des besoins urgents se
font sentir. L’Ecole est comme campée dans l’ancien Palais de
Justice, vaste local qui appartient à l’E tat, et qui présente, je
nVempresse de le dire, toutes les conditions d’une large et com
mode installation ; seulement, il faut l’approprier à sa destina-
— 73 —
tion nouvelle , et l’appropriation ne sera possible que du jour
où ce local sera devenu la propriété de la Ville. Nous appelons
de tous nos vœux la conclusion des négociations pendantes en
tre la Ville et l’Etat. En ce moment les manipulations chimiques
sont impossibles : pas de laboratoire, pas même de hotte, dans
l’amphithéâtre unique , pour l’évacuation des gaz. L’École est
obligée d’envoyer ses élèves de pharmacie faire leurs épreuves
pratiques à la Faculté des Sciences. L’insuflisance du jardin af
fecté aux plantes médicinales est également notoire. 11 est bien
désirable qu’un provisoire aussi défectueux ait un terme pro
chain.
En revanche, je suis heureux de pouvoir dire que l’installa
tion de la Faculté des Sciences est des plus satisfaisantes. Aussi,
est-il permis à ce grand établissement d’offrir l’hospitalité à plu
sieurs services. En dehors de celui de l’Ecole de Médecine et de
Pharmacie, dont je viens de parler et qui doit disparaitre, la Fa
culté des Sciences prête , chaque soir, ses amphithéâtres aux
cours publics de Droit, de Littérature, d’Histoire et de Géogra
phie commerciale. C’est la Sorbonne de Marseille. Cependant,
permettez-moi, Messieurs, une légère critique : l’abus touche
ici à l’usage. En effet, l’accumulation des cours est devenue telle
que les salles de la Faculté y suffisent à peine. Dans une ville
où la majeure partie de la population est adonnée pendant tout
le jour aux opérations commerciales, les heures les plus pro
pices aux travaux de l’esprit sont celles du soir. C’est alors seu
lement que, dégagé du labeur professionnel et de la pression
des affaires, l’homme qui veut élever le niveau de son instruc
tion peut venir entendre une leçon de sciences, de littérature,
d’histoire. Aussi ces heures du soir sont-elles les plus recher
chées par les professeurs. Mais, le nombre des salles de la Fa
culté étant relativement restreint, les cours s’échelonnent d’heu
re en heure dans le même amphithéâtre ; et il arrive que plu-
�sieurs sonl rejetés à une heure beaucoup trop avancée de la soi
rée ( de 9 heures 1/4 à 10 heures 1/4, par exemple ). Les pro
fesseurs et le public souffrent de cet état de chose. Ajouterai-je
que , plus d’une fois, le professeur de Littérature, succédant à
son confrère de Chimie, a trouvé l’atmosphère de la salle impré
gnée d’émanations aussi réprouvées par l’hygiène que choquan
tes pour les dames qui lui faisaient l’honneur d’assister à ses
leçons ?
Dans une ville aussi riche en monuments publics, le remède
ne saurait être difficile à trouver. Me sera-t-il permis d’en indi
quer au moins un? A côté du Lycée Impérial, s’élève un monu
ment presque achevé, destiné à la bibliothèque publique. L’une
des deux salles qui seront réservées, dans cet édifice, aux séan
ces de quinzaine de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et
Arts , ou aux grandes réunions annuelles, ne pourrait-elle être
utilisée, le soir, pour les cours littéraires? A leur défaut, l’an
cienne préfecture ne pourrait-elle nous ouvrir sa porte hospita
lière? Je me borne à poser la question, parfaitement convaincu
que l’administration municipale, si soucieuse de répandre l’ins
truction dans toutes les classes de la société , saura trouver une
solution qui concilie tous les intérêts.
Ce n’est pas ici le moment de vous exposer, Messieurs, l’état
de l’enseignement secondaire dans les établissements de notre
ressort académique : j’en ai présenté l’ensemble dans une so
lennité récente. Je me bornerai à dire que les cinq lycées im
périaux de l’Académie sont dans une situation prospère. À leur
tète , marche le Lycée de Marseille , avec sa population qui dé
passe mille élèves et la réputation méritée de ses études classi
ques. La discipline, la direction morale et religieuse, les soins
donnés au bien-être des enfants ne laissent rien à désirer.
Messieurs, en débutant comme recteur dans cette grande Aca
démie , j’ai assumé une tâche dont je sens tout le poids. Quand
— 75 —
je considère la responsabilité qu’elle impose, l’activité et le tact
qu’elle réclame, j’ai lieu d’en être effrayé. Cependant deux cho
ses m’encouragent : c’est d’abord la certitude de trouver le con
cours le plus sympathique dans le corps des fonctionnaires de
l’instruction publique auquel j’appartiens depuis trente-quatre
ans, et où je compte beaucoup d’anciens élèves tt d’amis; c’est
aussi l'espoir de retrouver, comme Recteur, auprès des autori
tés locales, dans les demandes que les besoins de l’enseignement
me conduiront à leur présenter, l’accueil bienveillant et le cré
dit quelles ont jadis accordés à l’Inspecteur général.
Et vous, Messieurs les Professeurs de l’enseignement supé
rieur , à qui les établissements publics ou libres de l’Académie
remettent chaque année une jeunesse d’élite, il vous appartient
de couronner par vos savantes leçons les fortes assises de l’en
seignement secondaire. Continuez à apporter dans l’exercice de
vos fonctions cette probité professionnelle, sans laquelle le talent
même reste stérile. Par elle, au contraire, tout fructifie : le pro
fesseur ne regarde pas sa tâche comme finie quand la leçon du
jour est faite; il s’intéresse aux progrès des élèves,les suit dans
leurs efforts, leur prodigue d’affectueux conseils qui doublent
leurs forces. Par là, son influence morale rayonne au-delà des
murs de l’Ecole.
Ainsi,vous seconderez lesvue9 libérales de l’Empereur et celles
du Ministre,interprète fidèle de la pensée du Souverain. Mettonsnous tous à l’œuvre avec confiance, et nous formerons des hom
mes capables de contribuer efficacement aux progrès intellec
tuels, moraux et matériels de la société.
�— 76 —
M. R o u s s e t , Professeur à l’Ecole de Médecine, pro
nonce ensuite le discours d’apparat. 11 s’exprime en ces ter
mes :
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Si j'ai l’honneur de porter la parole dans cette séance solen
nelle , c’est, par une respectueuse déférence envers Monsieur le
Recteur de notre Académie , qui a bien voulu me confier cette
tâche ditîicile. J ’imite le soldat, qui, sans se préoccuper des dan
gers ou des difficultés de l’entreprise, monte à l’assaut sur l’or
dre de ses chefs.
A ce titre, Messieurs, je réclame toute votre indulgence pour
un honneur dont je suis très-ilatté , mais que je n’ai pas sol
licité.
Je me propose de vous tracer, rapidement, l’histoire des pro
grès de cette branche des sciences médicales qui porte le nom
de Toxicologie, et qui embrasse, dans ses applications, les pro-
— 77 —
blêmes les plus importants de la médecine légale, de la physio
logie et de la thérapeutique.
Jeter un regard en arrière , e t, en rapprochant les faits re
cueillis par la Fable et par l’Histoire, voir ce que les anciens sa
vaient de la nature et des effets des substances toxiques ; déter
miner la cause de leur ignorance à l’endroit de la constatation
des empoisonnements; puis, franchissant la grande période du
Moyen-Age, pendant laquelle la science reste pour ainsi dire
stationnaire , arriver aux temps modernes pour vous montrer
comment la toxicologie s’est constituée, et comment, ce qui n’é
tait d’abord qu’une simple réunion d’observations empiriques,
devient, grâce aux progrès des sciences, une science elle-même
qui se rattache étroitement aux progrès de l’art médical et inté
resse le progrès social.
Tel est le but que je me propose d’atteindre. J’aurai dépassé
mes espérances, si les aperçus, que je vais vous présenter, vous
paraissent dignes de fixer quelques instants votre attention.
Dans le spectacle attristant que j'ai à mettre sous vos yeux,
la Mythologie ouvre la marche avec ses poétiques et séduisantes
fictions. Ce sont des enchantements, des charmes de sorcelle
ries, dont les herbes, dites enchantées, par les anciens poètes,
paraissent avoir fait tous les frais. Elle s'appuie sur l’amour du
merveilleux , qui entre dans la constitution morale de l’homme
et se continuera pendant de longs siècles encore, malgré les cri
tiques d’une saine philosophie.
L’expédition des Argonautes rappelle Médée la célèbre magi
cienne , et ses enchantements. Circé, sa sœur, connut parfaite
ment, au rapport de Diodore, la nature vénéneuse de différentes
plantes et l’art de les mélanger pour augmenter leur action dé
létère.
�L’empoisonnement des armes pour les besoins de la guerre
ou de la chasse était alors connu. On lit, dans Homère, qu’Ulysse va dans cette intention demander à Ilu s, roi d’Ephyre , du
poison, que ce prince lui refuse. Trempées dans le fiel de l’hy
dre de Lerne, les flèches d’Hercule deviennent formidables. Hé
ritier de ces flèches, Philoctète , pour en avoir eu le pied sim
plement effleuré, est atteint d’une plaie incurable et devient un
objet d’horreur pour ses compagnons.
J’abrège cette revue , Messieurs, bien qu’elle ait son impor
tance. Strabon nous avertit qu’Homère a pris la plupart de ses
fables dans l’Histoire, et qu’elles ont toutes un fond de vérité.
Acceptons ces faits, sous bénéfice d’inventaire, mais ne les reje
tons pas entièrement parce qu’ils seraient inexplicables. — La
découverte de l’Amérique , au grand étonnement du monde sa
vant, est venue donner, à la plupart de ces faits, la confirmation
de l’histoire. Des peuplades entières, croyaient, que dis-je,
croient encore à la magie et la pratiquent. Les peuples qui ha
bitent les bords du Rio-Négro, et qui vivent du produit de leur
chasse, préparent pour leur flèche un poison appelé worara ou
wourali, composé analogue au curare, et qui ne le cède en rien
à ceux des temps anciens.
Si une Circé moderne avait eu seule la possession du hachisch
ou du cloroforme, elle aurait bien pu frapper d’étonnement les
hommes de notre époque et passer, aux yeux du vulgaire, pour
une sorcière d’élite. — Les propriétés bien connues de la jusquiame, de la belladonne, de la mandragore, de la Bryone, etc.;
l’étude des hallucinations et des faits de Zoanthropie rendent
raison d’un grand nombre de faits singuliers qui tiennent une
si grande place dans les récits de l’Antiquité.
Or, les anciens connaissaient parfaitement les effets des plan
tes que nous venons de nommer. L’opium et le hachisch , ces
— 79
deux préparations si usitées encore en Orient, ont des proprié
tés fort analogues et qui expliquent les récits des temps fabu
leux.
Plaçons-nous sur le terrain plus ferme de l’Histoire.
La Grèce , sous le raport historique , offre peu d’événements
à recueillir, en dehors de la mort d’Alexandre-le-Grand sur la
quelle on a tant discuté.
Hyppocrate garde un silence presque absolu sur les poisons.
C’est avec une sorte de pudeur qu’il en prononce le nom dans
son admirable serment où se trouvent ces mots : « Je ne re» mettrai de poison à personne ; je tairai ce qui ne doit jamais
» être divulgué. »
Platon, dans sa République, rappelle une loi, déjà ancienne,
par laquelle il était défendu de se servir de poisons et d’en en
seigner l’usage.
Les poisons étaient donc bien connus chez les Grecs, mais les
mœurs de ce peuple en repoussaient l’emploi et laissaient la ci
guë aux mains des magistrats dans les cas de vindicte publique.
Rome est demeurée à peu près vierge de tout empoisonne
ment notoire, sous ses Rois et pendant la période consulaire, si
remarquable par ses mâles vertus et par ses mœurs austères. Il
n’en sera plus de même dans la Rome Impériale, si justement
dénommée Rome dégénérée. Ici nous rencontrerons des empoi
sonnements nombreux. Le pouvoir y manie les poisons avec un
laisser-aller effrayant. Les empoisonneurs par excellence s’ap
pelleront : Tibère, Caligula, Néron, Livie, Agrippine, etc. Par
mi les grandes victimes seront : Marcellus, l’amour du peuple
Romain, Fabius-Maximus, les enfants d’Agrippa, Germanicus,
l’infortuné Britannicus enfin dont Racine nous a conservé le
souvenir dans des vers si connus.
�Néron avait logé dans son palais la fameuse Locuste, l’empoi
sonneuse émérite; il suivait avec intérêt ses exercices dans l’art
de mélanger les poisons les plus virulents , empruntés surtout
aux végétaux et à la bave d’animaux surexcités par de mauvais
traitements. Elle expérimentait ensuite, sur des esclaves, l’acti
vité toxique de ses préparations, dont elle mesurait ainsi le de
gré de force.
C’est surtout en Italie que se conservera la science occulte des
empoisonneurs. — Après quatorze siècles, la famille des Borgia y rappellera celle des Domitien , par l’emploi fréquent de
cette préparation si renommée la Cantarella, qui n'était autre
que de l’acide arsénieux. La race des Médicis, mieux qu’aucune
autre, y excellera dans l’art de composer et d’administrer les
poisons.
Au xvne siècle, apparait une nouvelle Locuste , née comme
elle en Italie, et qui semble tenir de la même tradition les mê
mes secrets. Cette femme se nommait la Tophana; elle trafiqua
de son art à Palerme , puis à Naples. L’eau qu’elle distribuait
par charité, moyennant aumône, s’appelait manne de S'-lSmlas de Bar; elle est désignée aujourd’hui sous le nom d’acqua
Tophana.
Le nombre des victimes immolées par la criminelle industrie
de cette femme fut très-considérable. Après condamnation, elle
fut étranglée. Malheureusement son art se perpétua , et sous le
pontificat d’Alexandre Vil, en 1059, on découvrit une associa
tion d’empoisonneuses. Elles furent condamnées à la corde et
pendues publiquement.
L’art, de,s Locuste et des Tophana fut importé en France vers
le milieu du xvnc siècle par le nommé Exili. Par une fatalité
singulière il se rencontra en prison avec le chevalier Gaudain
de S,e Croix qu’il initia à ses procédés. Ce fut là l’origine des cri
mes de la marquise de Brinvilliers, à jamais célèbre, qui fut con
damnée à être brûlée en place de Grève.
Le supplice qui termina cette triste existence ne parut pas
mette fin aux empoisonnements qui se multipliaient dans Paris.
En 1680 on créa la chambre ardente ou chambre des poisons
établie à l’Arsenal près de la Bastille. C’est là que comparurent
deux femmes la Voisin et la Vigoureux, convaincues d’avoir
vendu de la poudre dite de succession, laquelle n’était autre
que le sublimé-corrosif, qui, concurremment avec des prépara
tions d’antimoine avaient été employées par la Brinvilliers.
Mais cette juridiction eut ses excès, et ce n'est pas sans regret
qu’on lit, dans les mémoires du temps, que les lauriers d’un il
lustre maréchal 1 furent un instant compromis devant ce tribu
nal exceptionnel.
L’esprit du mal, dans l’art d’empoisonner, parvenu de bonne
heure à sa perfection, a été fécond en moyens et en ressources,
pour accomplir ses vues criminelles. Il a varié à l’infini la na
ture et le mode d’emploi de ses agents et utilisé toutes les voies
d’introduction :
Le Cardinal de Berrulle fut empoisonné par une hostie en
disant la messe. — Henri VII eut le même sort.
Le Pape Clément VII fut empoisonné par une torche que l’on
portait devant lui pour lui faire honneur.
Il est souvent question , dans les historiens, d’empoisonne
ments produits par des fleurs , un sachet, un livre , des gants
parfumés, etc.; les noms de Jeanne d’Albret et de Catherine de
Médicis rappellent de pareils souvenirs.
Je me hâte, Messieurs, de terminer ici ce bien triste tableau,
quelque incomplet qu’il soit.
1 Le maréchal de Luxembourg.
�Nous pouvons conclure, de cette revue rétrospective, que les
substances toxiques ont été connues dans tous les temps et chez
tous les peuples. Pendant une longue série de siècles le poison
est au service des grands, de l’autorité. — A dater du procès
de la célèbre marquise, l’empoisonnement passera généralement
de la noblesse à la bourgeoisie , toujours imitatrice des classes
supérieures. — L’institution en France, des lettres de cachet,
épargnera bien d’injustes soupçons au pouvoir. Plus tard, notre
régénération politique, la liberté de la presse, etc., délivreront
la couronne de cette arme à double tranchant, et le règne des
lois succédera aux caprices d’une favorite ou d’un ministre of
fensé.
Le bénéfice eût été incomplet, si cette rénovation n’eût été
que politique. Pour le bonheur de l’humanité et la gloire de
notre époque elle a été scientifique au même degré. — La to
xicologie ne demeurera pas en arrière de ce grand mouvement,
et de simple catalogue des substances vénéneuses et des antido
tes qu’elle était, elle deviendra la science des poisons. Elle em
brassera leur histoire naturelle, leur classification , leur action
sur les différents tissus et sur la \ie, leur recherche dans les cas
d’empoisonnements; elle sera, à la fois, l’effroi des coupables et
la protectrice de l’innocence.
Les anciens ne connaissaient qu’un petit nombre de substan
ces toxiques. Dès leur origine les hommes, se nourrissant de
matières organiques, ont dû, quoique préservés jusqu’à un cer
tain point par leur instinct, apprendre, à leurs dépens, à con
naître les végétaux toxiques et les animaux venimeux. Aussi les
poisons tirés du règne organique sont-ils à peu près les seuls
connus dans l’antiquité.
Ils consistaient tous dans des préparations particulières, mé
langes d’extraits tirés des végétaux ou des animaux. Il n’est
point question de substances minérales, et il faut arriver à la fin
du règne d’Auguste pour qu’il soit fait mention , dans les ou
vrages des historiens, de deux ou trois de ces substances. Com
ment , en effet, les anciens pouvaient-ils penser que sous cette
apparente inertie des matières minérales résidait, pour certai
nes d’entre elles, une activité physiologique qui les rendait in
compatibles avec la vie. — Qui pourrait supposer , s’il n’était
prévenu par la science, que, dans l’acide arsénieux, cette subs
tance blanche , sans odeur , presque sans saveur , analogue par
son aspect à de la porcelaine, réside un des poisons les plus ter
ribles , tout comme dans l’opium réside la propriété singulière
de provoquer le sommeil.
Oui, Messieurs, avant l’expérience, aucun indice ne saurait
nous révéler la nature malfaisante d’une substance. Il faut que
cette substance se trouve en présence d’un organisme vivant
pour que son action se dévoile.
Le crime d’empoisonnement a toujours été un des plus tris
tes fléaux des sociétés, aussi est-il frappé par toutes les législa
tions des plus rudes châtiments. Mais les anciens, relativement
à la recherche du poison et à la constatation de l’empoisonne
ment, étaient complètement impuissants. Cette impuissance s’ex
plique par l’état des sciences à cette époque, h'Anatomie qui a
fait de nos jours de si rapides progrès; la Physiologie que Hal
ler qualifiait de Anatomia animata, n’existaient pas. L’ouver
ture des corps était interdite sous l’ascendant de préjugés res
pectables auxquels la religion donnait sa consécration. Ce ne fut
qu’au Moyen-Age que les Papes autorisèrent l’étude de l’anato
mie dans les écoles, où elle fut d’abord pratiquée avec parcimo
nie, tant l’esprit public y répugnait encore. Aujourd’hui même,
l'Angleterre n’est point entièrement émancipée à cet égard. Ses
étudiants viennent journellement sur le continent pour y ache
ver et perfectionner leurs études anatomiques.
�— 84 —
La Chimie n'existant pas, les anciens n’eurent pas même l’i
dée de rechercher les substances toxiques, dans le corps des
victimes d’un empoisonnement, et auraient-ils eu cette idée, que
les moyens de résoudre une pareille question leur auraient com
plètement fait défaut. Ils n’avaient pas, en effet, la moindre no
tion exacte sur la composition des corps. Ils croyaient, par ex
emple , que les divers métaux ne différaient entre eux que par
la présence et les quantités relatives de deux éléments, l’un vo
latil, le mercure, l’autre combustible, le soufre. Il faut arriver
à Robert Boyle, le savant irlandais, qui en l’année 1670 établit
ce principe fécond , base de l’analyse chimique : Que l’on ne
doit considérer comme parties constituantes d’un corps, que ce
que l’on peut en extraire par la décomposition , pour que l’ex
pression d 'élément chimique prenne la valeur qu’il a encore
aujourd’hui.
Il aurait donc été complètement impossible aux anciens d’i
soler la substance accusatrice et de la mettre sous les yeux des
juges, comme cela se pratique aujourd’hui, comme aussi de ré
duire à néant l’accusation en trouvant des symptômes et des lé
sions qui proviennent d’une maladie spontanée. Cela suppose
un état assez avancé des connaissances chimiques et de l’anato
mie pathologique. La chimie et la science de la vie n’ont atteint
un point suffisant d’élaboration que vers la fin du siècle der
nier ou au commencement de celui-ci. C’est donc à cette époque
qu’il faut rapporter le commencement des progrès sérieux ac
complis en toxicologie.
O ui, Messieurs, la Toxicologie, science toute d’application,
ne pouvait progresser qu a la suite d’études anatomiques suffi
samment avancées ; d’autopsies nombreuses; d’expériences phy
siologiques bien faites ; des progrès rapides et suffisamment avancés, de la Physique , de la Micrographie, de la Chimie sur
tout.
A ce titre, ne soyez pas surpris qu’elle soit de création toute
moderne. Elle n’a pas encore un siècle d’existence légale, et
elle a eu à traverser de bien rudes épreuves avant d’acquérir
l’autorité que vous lui connaissez.
La défense, tout aussi bien que la poursuite des accusés, dans
les causes célèbres, où elle a dû intervenir, l’ont obligée à de
grands efforts pour se tenir à la hauteur de la confiance publi
que. Des expériences sur les animaux ont été instituées sur une
grande échelle. Les résultats ont été féconds. — Le phénomène
de l’absorption, c’est à dire le passage des substances dans l'in
térieur des vaisseaux sanguins, incomplètement étudié d’abord,
sous le nom d’imbibition, et plus tard d’endosmose, est affirmé
et mis hors de doute par les beaux travaux des Magendie , Fodera, Dutrochet, Orfila, Graham, etc.
Nous devons à l’absorption des détails très-importants sur les
affinités des poisons absorbés par tel ou tel tissu, tel ou tel or
gane , où l’analyse va les poursuivre et les atteindre. La Chi
mie, grâce aux progrès des méthodes d’analyse possède aujour
d’hui des réactifs d’une sensibilité extrême , qui lui permettent
de déceler les plus petites quantités de substances minérales ou
organiques.
Par un événement heureux , un médecin-chimiste Irlandais
découvre, en 1836 , que l’hydrogène naissant au milieu d’un
liquide contenant de l’arsenic, même en quantité très-petite,
s’en chargeait et le rendait visible sur un tesson de porcelaine
présenté à son jet enflammé. Nous possédons aujourd’hui l’ap
pareil perfectionné de Marsh qu’on utilise bien fréquemment
dans les analyses judiciaires.
Puis sont venus successivement prendre place dans la science,
les procédés exacts et rigoureux : de Mitscherlieh pour la re
cherche du phospore , de Mithson pour la découverte du mer-
�—
■1
—
86
—
cure , la savante et ingénieuse méthode de Stass pour la re
cherche des alcaloïdes, ces substances si éminemment toxi
ques, etc.
Il n’y a pas lieu de vous faire ici l’énumération complète des
ingénieux procédés et des expériences sans nombre que lascience a su imaginer pour arriver à son but qui est d’isoler la ma
tière toxique et d’éviter toute méprise en démontrant, par une
série de caractères chimiques, l’identité de la substance,qui doit
porter la conviction dans l’esprit des juges.
Pour me résumer , je dirai avec un toxicologue prématuré
ment enlevé à une science qu’il cultivait avec talent, M. Flandrin :
« La Toxicologie vient d’entrer dans une ère nouvelle. Pour
» retrouver les plus faibles quantités de poison au sein de l’or» ganisme, elle possède aujourd’hui des procédés simples et de
» la plus rigoureuse exactitude. Elle sait où il faut chercher
» chacun de ces poisons, et par conséquent n’a plus besoin,
» pour constater le crime, de brûler un cadavre entier, opéra» tion plus funéraire que chimique, mais seulement d’en traiter
» une très-faible partie. — Après plusieurs années d’inhuma» tion l’opération chimique est aussi sûre dans ses résultats que
» si elle eût été demandée par le magistrat quelques jours après
» la mort. Pour la médecine légale , alors que la chimie aura
» été appliquée à tous les poisons, ce qu’elle sait faire déjà pour
» un grand nombre, que demander de plus ? »
Personne ne met en doute les immenses services que la chi
mie a rendu à la toxicologie , l’on est moins informé générale
ment de ceux quelle doit à la physiologie expérimentale.
Au commencement de ce siècle , avant les beaux travaux de
Magendie, la toxicologie constituée comme science, comprenait
des connaissances exactes sur un certain nombre de poisons et
87 —
sur les procédés d’analyse applicables à leur recherche, mais les
phénomènes physiologiques étaient loin d’être étudiés et con
nus. On se bornait à constater des lésions anatomiques. Aujour
d’hui , grâce aux beaux travaux de Magendie , de MM. Claude
Bernard, Broun-Séquard et de leurs élèves, la Toxicologie a agrandi son domaine. Elle étudie les lésions physiologiques, et,
par cette étude, sert les intérêts de la pathologie et de la théra
peutique.
Pour arriver à ces beaux résultats , M. Claude Bernard envi
sage les agents toxiques comme des espèces d’instruments phy
siologiques plus délicats que les moyens mécaniques et destinés
à disséquer, pour ainsi dire, une à une, les propriétés des élé
ments anatomiques de l’organisme vivant. Il les considère com
me de véritables réactifs de la vie, ce sont là ses propres expres
sions.— Bien avant, M. Anglada, le savant professeur de Mont
pellier, avait dit : « De la manière dont le corps de l’homme et
j> des animaux ressent l’action des poisons, du caractère des
» formes morbides et des lésions d’organes qui en résultent, se
» déduisent des documents d’une haute importance pour éclai» rer les doctrines physiologiques et pathologiques, et servir
» ainsi à perfectionner la philosophie de la science médicale. »
Le célèbre professeur du Collège de France, par ses savantes
et profondes recherches et par ses admirables expériences, a ré
alisé en partie ce beau programme.
Il a étudié plus particulièrement l’action physiologique de
trois substances toxiques : le curare, la strychnine et le sulfo-
cyanure de potassium.
Vous avez encore présent à la mémoire le tableau saisissant
de l’action du curare qui vous a été fait, à cette même place, il
y a un an, par le savant Professseur de Chimie de cette Faculté.
C’est à l’aide de ce redoutable poison que M. Claude Bernard
�88
—
opère une véritable analyse physiologique et démontre expéri
mentalement que la contractilité musculaire est distincte et in
dépendante de la propriété nerveuse qui la met en jeu, puisque
le curare laisse subsister , paraît même augmenter la première,
et anéantit complètement la seconde ; au point que le cœur peut
fonctionner encore sans l’influence des nerfs. 11 juge ainsi défi
nitivement celte grande question de l’indépendance de l’irrita
bilité musculaire, débattue si souvent depuis Haller.
Bien plus, il démontre encore que les trois poisons, que je
viens de vous citer, agissent différemment., en détruisant, le pre
mier , la motilité; le second , la sensibilité nerveuse; le troisiè
me , la contractilité musculaire : trois propriétés qu’il sépare et
distingue les unes des autres. — Dans l’empoisonnement géné
ral, toutes trois aboutissent à un même symptôme apparent , la
paralysie. Mais on voit qu’on obtient ainsi trois paralysies dis
tinctes ; celle des nerfs moteurs, celle des nerfs sensibles, celle
du système musculaire.
Ces résultats importants pourraient probablement être obte
nus avec d’autres poisons et pourraient, en quelque sorte, servir
à les classer.
Malgré les recherches actives des physiologistes modernes,
l’histoire physiologique de toutes les substances toxiques est loin
d’être achevée, et il restera toujours bien des recherches inté
ressantes à tenter dans cette direction. Le jour où l’on connaî
trait, en leur entier, les actions physiologiques et chimiques de
toutes les substances toxiques, la Toxicologie serait complète et
la médecine légale n’aurait plus qu’à appliquer ces connaissan
ces à la recherche du crime ; la thérapeutique à tirer profit de
ces indications pour la guérison des maladies.
Les deux problèmes toxicologiques les plus importants sont
donc , d’une p art, la connaissance des effets et des lésions ana
tomiques et. physiologiques produits par le poison ; d’autre part,
la recherche, par les moyens physiques et chimiques, de l’agent
qui a déterminé l’empoisonnement.
Dans les expertises judiciaires, ces deux moyens doivent mar
cher concurremment et se prêter un mutuel appui.
Tout récemment, dans un livre bien remarquable ayant pour
titre : Elude médico - légale et clinique de l'empoisonnement,
MM. les professeurs Tardieu et Roussin ont donné une impor
tance toute spéciale aux symptômes de l’empoisonnement et s’at
tachent à les distinguer avec soin de ceux qui viennent des ma
ladies et présentent avec eux de l’analogie. Etude très-intéres
sante et dont la science fera son profit.
Ces éminents toxicologues démontrent, une fois de plus, l’u
tilité de l’alliance nécessaire du médecin et du chimiste dans la
constatation de l’empoisonnement.
Quel enseignement, Messieurs, tirer de cette étude de l’état,
au temps passé et au temps présent, d’une science qui touche de
si près aux intérêts sociaux , comme la toxicologie ? C’est que,
elle aussi, est dans la voie du progrès et d’un progrès dont la
marche se continue et s’accélère sans cesse. Il y a dans les idées,
dans les institutions, dans les mœurs une amélioration évidente,
et c’est là justement ce qui rend l’étude de l’histoire de cette
science instructive et consolante. Non-seulement, les mœurs,
cette expression de la moralité publique, se sont améliorés, mais
il est permis d’affirmer qu’elles s’amélioreront encore, car il en
est du progrès en toutes choses, comme de la chute des corps
dont la vitesse s’accroît proportionnellement au temps. Tous les
progrès s’enchaînent d’ailleurs, et si le progrès intellectuel et
moral aide au progrès matériel, celui - c i, à son tour , aide au
progrès intellectuel et moral.
Dans les sciences surtout, cette solidarité augmente en raison
�des progrès déjà réalisés. Pour les différentes branches des sci
ences physiques, par exemple , la fusion s’est déjà faite. Elle se
traduit par cette belle conception de Véquivalence des forces
et de la transformation du travail mécanique en chaleur et en
électricité, conception qui est le fruit des plus beaux travaux des
physiciens modernes, et à laquelle le savant Professeur de Chi
mie de cette faculté a pris une assez large part pour que son
nom survive dans l’histoire du mouvement scientifique de notre
époque.
Aux lumières apportées par le Christianisme, aux clartés po
litiques répandues par la Révolution de quatre-vingt-neuf, se
sont ajoutées les grandes inventions et découvertes scientifiques
modernes : l’imprimerie et la presse qui propagent les idées, la
vapeur qui supprime les distances, l’électricité qui supprime le
temps, le chloroforme qui supprime la douleur , la pile voltaï
que qui est à la veille de mettre à notre disposition les forces
qu’elle développe; le microscope et le télescope qui étendent
nos regards, la chimie qui trouve et formule les lois des méta
morphoses des corps, et tant d’autres encore I................Admi
rables découvertes, qui en rapprochant les hommes, en fusion
nant les peuples et les mœurs, en répandant l’instruction, en
augmentant le bien-être et la richesse des masses, vont changer
la face du monde et ouvrir des perspectives inespérées. — L’es
clavage, l’ignorance et la misère, ces trois plaies natives de l’hu
manité , diminuent chaque jour. Chaque jour , l’homme entre
davantage en possession de lui - même et de ses droits. Vivant
dans une société meilleure , il s’améliore de plus en plus. Ce
n’est pas que nous croyons l’homme perfectible à l’infini, non,
Messieurs, l’idéal n’est pas fait pour lui , sa grandeur est de le
concevoir, son infirmité est de ne pouvoir l’atteindre. Sa nature
a des bornes inflexibles, qu’il ne saurait ni reculer ni franchir.
Mais ces bornes, il en est loin , fort loin encore , car bien des
— 91
progrès lui restent encore à accomplir dans les sciences surtout,
qui pourront fournir, sans cesse, un aliment à sa légitime acti
vité.
Dans les sciences médicales, l’influence des doctrines exclu
sives a été un obstacle à leur avancement. Leur disparition con
stitue un véritable progrès. On ne cite plus que pour mémoire,
les écoles de Leyde , Edimbourg, Halle, Vienne; l’antagonisme
des écoles de Paris et de Montpellier va,de plus en plus,en s’af
faiblissant ; la science , grâce à la diffusion des lumières et à la
presse, est devenue cosmopolite. 11 n’est plus de personnalités
assez favorisées pour faire école. Les règnes des Barthés, des
Dupuytreen, des Broussais ont disparu à jamais. Sur les ruines
des doctrines et des personnalités médicales, s’est élevée la mé
thode expérimentale qui, étant commune à tous les pays, ra
masse et rassemble les matériaux pour la théorie générale, que
la médecine attend des efforts combinés de tous.
L’Ecole de Médecine de Marseille ne restera point en arrière
de ces légitimes espérances. Par l’éclat de son enseignement et
de ses travaux , ainsi que par le nombre de ses élèves, son im
portance va tous les jours en grandissant. Si son passé est sa
tisfaisant, son avenir promet plus encore sous l’impulsion puis
sante du Ministre qui dirige l’Instruction Publique et sous la
haute administration de notre ressort. Académique. — C’est à
la jeune génération qui m’écoute qu’appartient la noble mission
de signaler des horizons nouveaux et de se distinguer par de
nouvelles conquêtes.
Messieurs
les
É lèves,
Au début d’une nouvelle année scolaire , permettez - moi de
vous adresser un conseil : Profitez des facilités sans nombre
qu’une Municipalité éclairée répand pour votre instruction. —
�RA
PPO
RTD
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SIEU
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O
Y
EN
d© la Faculté des Sciences.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Nous avons aujourd’hui à vous faire connaître les travaux
de la Faculté des Sciences pendant l’année 1866-1867. Ce
compte-rendu est un devoir annuel que, sur le même objet, les
règlements nous imposent. Il nous serait donc difficile de vous
présenter chaque année un sujet nouveau et des idées nouvel
les; aussi pour appeler votre intérêt, devons-nous nous borner
à l’exposé simple et vrai de nos travaux, en nous confiant au
sentiment de haute bienveillance des hommes d’élite qui nous
écoutent.
L’histoire de la Faculté , cette année , ressemble à celle des
événements du monde qui s’accomplissent dans l’ordre, la paix
et lasécurité. Elle sera simple et facile. L’on a tout dit quand on
a fait connaître que le but a été atteint, dans le respect de la
règle et au milieu des efforts et du concours empressé de tous
les Professeurs.
Nos devoirs, Messieurs, se présentent sous trois aspects : le
çons publiques, grades conférés et travaux personnels.
�— 94 —
Nos cours ont été donnés avec une régularité constante et
nos leçons suivies jusqu’au dernier jour avec la même faveur
que par le passé. Toutefois nous avons eu de dures épreuves à
subir. — Pour deux des cours annexés à la Faculté des Scien
ces, pour le cours de Philosophie et celui de Littérature Etran
gère , un cruel silence, imposé par la m ort, a régné cette an
née dans nos amphithéâtres, où notre ami et compagnon d’é
tudes M. Lafaye, où notre jeune et bien regretté collègue M. de
Suckau avaient attiré un auditoire distingué, aussi empressé
que fidèle. Les regrets de tous s’unissent à nos regrets person
nels pour déplorer cette double perte. Averti, depuis deux ans
déjà, par le mal impitoyable qui nous l’a ravi, M. Lafaye avait
été obligé d’interrompre à Marseille le cours de Philosophie
qu’il y avait professé avec un talent si sûr de lui-même et dont
le souvenir restera dans notre ville comme celui du plus solide
de nos succès. Nous aimions à lui répéter que nous conservions
l’espoir de lui voir reprendre ce cours interrompu, mais la mort
en a sans retour et tristement marqué le terme. — Pour M.de
Suckau nous avions même espérance. Après toutes les tristesses
de famille dont ce jeune professeur avait été frappé , nous nous
bercions de l’espoir que M. de Suckau serait épargné et qu’il ne
serait pas, lui aussi, ravi à notre sympathique affection et aux
devoirs qui faisaient le bonheur de sa vie. La mort a été impi
toyable. — Avec la perte récente du digne Chef qui dirigeait
cette Académie, ce double deuil marque d’une manière néfaste
l’année qui vient de s’enfuir , année qui laissera une douleur
profonde au cœur de celui qui vous parle aujourd’hui et qui par
son âge croyait devoir être appelé avant les deux amis qu’il a
perdus.
Deux nouveaux professeurs viennent remplacer ceux que la
mort nous a enlevés. Qu’il nous soit permis de leur dire : La
faye et de Suckau ont laissé pour vous de nobles traces, suivez-
les pieusement et faites-nous trouver dans le succès de votre en
seignement des compensations aux tristesses qui nous affligent
encore.
Dans les leçons de cette année, la Faculté des Sciences a, com
me toujours suivi avec une ponctualité attentive l’ordre et l’es
prit des programmes qu’elle présente tous les ans au Ministre.
Nos examens, les grades que nous avons conférés ont été sans
cesse une de nos préoccupations les plus vives, mais nous avons
cette année un pénible devoir à remplir, celui de jeter un véri
table cri d’alarme et de reconnaître avec un profond regret que
la jeunesse qui s’est présentée devant nous n’a pas été pour
l’ensemble des connaissances dont elle devait nous donner la
preuve, à la hauteur de la jeunesse des années précédentes. La
note très-bien, dans nos examens, est devenue presque introu
vable, la note bien est aujourd’hui très-rare elle-même. Les an
nées précédentes les candidats recherchaient avidement ces deux
mentions, aujourd’hui ils n’aspirent qu’à une seule chose, notre
pas ajournés, et se montrent sans souci aucun pour les notes fa
vorables qui seraient cependant un précieux souvenir et donne
raient un digne couronnement à leurs études classiques. On con
çoit que dans ces conditions le nombre des candidats ajournés se
soit élevé dans une proportion considérable, malgré la bienveil
lance souvent extrême dès juges. Ainsi sur 200 candidats de l’ex
ercice 1866-1867, un seul a obtenu la mention très-bien, six
seulement la mention bien. Permettez-moi de citer ici leurs
noms et de demander à l’éclat de votre présence, la plus haute
récompense qui puisse être donnée à ces candidats devenus au
jourd’hui si exceptionnnels :
.1)
JU- i
1»?.l
v
1*
r ’ :<
x
* j
t Ji
M. Casanova , pour la mention très-bien.
�Et MM. Ma s se , S e n è s , Y adora , L aget , Cerviotti,
pour la mention bien.
Nous avons l’habitude, Messieurs, d’examiner devant vous les
résultats de l’ensemble des examens de toute l’année. Permettez-nous, cette fois et par exception, de nous occuper d’une ma
nière spéciale de la seule session des mois de juillet et d’août. 11
va vous être facile de saisir les motifs de notre préférence.
J’exposerai d’abord les résultats matériels, les chiffres bruts
de nos épreuves, j’y joindrai ensuite les appréciations spéciales
qui résultent d’une part de l’étude de ces chiffres eux-mêmes et
qui, de l’autre, naissent des circonstances toutes particulières de
l’examen. Ces appréciations bien que très-importantes ne peu
vent être représentées matériellement, puisqu’elles portent d’a
bord sur la précision et sur la netteté des réponses du candidat
qui reflètent d’ordinaire la précision et la netteté de l’enseigne
ment qu’il a reçu , et ensuite sur la tenue du candidat devant
nous. J’ai présidé toutes les opérations du jury , les résultats
dans les diverses localités ont donc l’avantage pour moi d’être
plus facilement comparables. De plus, et cela aura un intérêt
spécial, j’aurai soin d’appuyer sur ce qui concerne les candidats
que nous avons vus se présenter sous l’uniforme de nos Lycées,
ou qui avaient suivi comme externes les cours de ces établisse
ments.
La session de juillet et d’août a cela de spécialement intéres
sant qu’elle est presque en totalité formée par des candidats qui
viennent de terminer leurs études classiques. Ils sortent des
mains de leurs maîtres pour se soumettre à notre attentif et mi
nutieux contrôle. Nul examen , même dans les habitudes d’ins
pection des Lycées, ne présente autant d’efforts de la part de
l’élève qui vient affronter les dillicultés de nos épreuves.
La Faculté des Sciences s’est transportée successivement à
Alger, à Ajaccio, à Bastia et à Nice, avant de procéder aux exa
mens de Marseille. La rapidité de ces voyages et des impressions
qui en résultent, présente des enseignements précieux et com
paratifs que j’essayerai de reproduire. Partout la Faculté a por
té avec elle la même régularité et les mêmes exigences, bien
que cependant elle ait senti en divers endroits, en Corse par ex
emple qu’il lui fallait adoucir, sur quelques points, sa sévérité.
Nous aurions désiré pouvoir donner partout aux candidats,
les mêmes textes, les mêmes sujets de composition, mais ces épreuves étant successives, la rapidité des communications au
jourd’hui faisait craindre que les sujets connus en un lieu ne
fussent rapidement portés à la connaissance des autres centres
d'examen avant l’arrivée du jury. Nous avons donc dû , sous ce
rapport, ne pas déroger à nos habitudes passées et présenter
partout des sujets différents.
Voici les résultats que nous avons constatés dans les divers
centres d’examen dont je viens de parler :
25“* S e ssio n d es E x a m e n s de l’ann ée 1 8 0 7 .
1 Centres Nombre Eliminés
par l’Eliminés
par Définitivem1
Admis
des l’épreuve
é
preuve
I d’examen. Candidats.
écrite. orale. admis. sur cent. 1
Alger . . .
41
4
2
5
46 p.%
Ajaccio ..
7
2
4
57 »
Bastia . . .
9
4
4
44 »
Nice___
12
5
28
4
1
0
7
4
20
58 »
38 »
i Marseille. 52
i
�La session de Marseille nous oblige à quelques explications :
c’est le centre d’examen le plus important, celui dans lequel ij
y a à examiner le nombre de candidats de beaucoup le plus
grand. Mais les provenances des élèves sont très-diverses : Lycées
impériaux, établissements libres , éducations particulières, etc.
Nous n’avons pas mission d’examiner à quelles catégories les
élèves appartiennent et par quelles mains plus ou moins habiles
ils ont été préparés. Nous n’avons pas été surpris, vu le grand
nombre, d’y rencontrer les candidats les plus faibles, mais par
la même raison nous devions nous attendre à y trouver les jeu
nes gens les mieux instruits : notre espérance a été trompée.
L’examen attentif du tableau précédent en donne la preuve et
montre suffisamment lequel des centres d’examen l’a emporté
sur tous les autres. C’est à Nice que revient cet avantage. Tous
les candidats de cette localité étaient élèves du Lycée impérial
soit comme internes, soit comme externes. Nous ferons pour
cette localité les remarques suivantes : 10 il n’y a eu pour les
jeunes gens de cette ville aucun échec à l’examen oral ; 2° pour
les Sciences, les réponses des candidats ont été sous tous rap
ports très-satisfaisantes : les Mathématiques, la Physique et sur
tout la Chimie ont été préparées d’une manière remarquable.
On reconnaît que ces élèves sortent d’une maison où non-seu
lement il y a de bons professeurs, mais aussi d’excellentes tra
ditions de travail et de préparation. Tous ces jeunes gens ont
au tableau une excellente tenue ; ils parlent bien, nettement et
aisément. Les exercices à la craie leur sont familiers, et dans
les diverses parties de l’examen ils nous ont montré une conve
nable confiance que le succès a justifiée. Mes collègues du jury
de Nice m’ont exprimé le désir qu’il fût fait mention dans ce
rapport de leur satisfaction toute particulière. Il y a cependant
une ombre au tableau , le Professeur de Littérature n’a pas été
satisfait comme nous et ses notes ont presque toujours porté
— 99 —
obstacle à l’élévation des mentions qui sans cela eussent été
beaucoup plus avantageuses. Le Français surtout, puis le Latin
et la Philosophie ont laissé à désirer. L’examinateur a même
remarqué que pour le Français les livres nécessaires n’avaient
pas été consultés par ces jeunes gens. Il y a pour les sciences,
dans cette localité, tant de bonnes choses et un entraînement de
traditions si remarquable, qu’il serait bien à désirer qu’en pré
sence de ces heureux résultats, nous n’ayons plus à constater
qu’on a laissé en souffrances les parties que nous venons de dé
signer.
Après la session de Nice qui a été pour nous un repos et un
moment de satisfaction véritable, nous placerons mais à une lon
gue distance la session d’Alger , puis vient Bastia et Ajaccio à
une grande distance encore. Peu de savoir chez ces candidats,
et une déplorable manière d’exposer ce qu’ils ont appris, pro
duite sans nul doute par l’habitude qu’ont ces jeunes gens entre
eux de parler toujours corse et bien rarement français. Le ré
glement a permis une faveur dont tous ces candidats profitent :
celle de présenter la langue italienne comme une langue vivante
acceptée pour l'examen. Il était naturel de penser que les Cor
ses à demi Italiens par le langage, se montreraient brillants
et supérieurs pour cette partie de nos exigences. Il n’en arien
été, nousavons vu que tous, sans exception, se sont montrés par
faitement étrangers à cette langue, qui leur présente cependant
des facilités de traduction extrêmes. Ces résultats ne nous ont
été expliqués que par l’absence complète de tout effort, de tout
travail de la part des candidats qui, parlant corse, s’imaginent
savoir naturellement l’italien et se dispensent de s’en occuper.
Donner de mauvaises notes pour la langue italienne à des Cor
ses m’a paru prodigieux,
Nous devons ajouter ici que , dans la session tenue à Mar
seille, la faiblesse des candidats pour le latin a été extrême, elle
�a été la plus fréquente cause des insuccès. Et cette session a été
certainement la plus faible que nous ayons encore vue.
Nous ne vous parlerons pas du Baccalauréat restreint. Cette
épreuve n’amène en général devant nous que des candidats fai
bles et mal préparés, et lorsque nous les voyons réussir, nous
reconnaissons que la plupart ne possèdent, des connaissances
exigées par nos programmes, que juste ce qu’il en faut pour
n’être pas ajournés. Ce défaut d’une préparation suffisante, je
n’ose pas dire ce calcul du minimum d’efforts, leur est souvent
fatal.
Les concours de la Licence ès-Sciences ont eu lieu , suivant
nos règlements, en novembre 1866 et en juillet 1867. Neuf can
didats se sont présentés pour les Mathématiques et les Sciences
Physiques. Il n’y en a point eu pour les Sciences Naturelles.
Quatre candidats demandaient le diplôme de la Licence Ma
thématique , un seul a réussi à l’obtenir : trois ont été écartés
par les difficultés des épreuves écrites et pratiques.
Pour la Licence ès-Sciences Physiques, les résultats ont été
sensiblement les mêmes : sur cinq candidats , deux ont été ad
mis.
Nous dirons au sujet de ces difficiles épreuves, que les can
didats qui se présentent devant nous, ne se livrent pas à un tra
vail personnel suffisamment vif et prolongé. Presque tous ces
jeunes gens appartiennent à la classe si intéressante des maîtres
répétiteurs, et nous le savons par une expérience personnelle,
leurs moments de liberté sont rares, leurs travaux journaliers
sont absorbants et pénibles , mais ils doivent se persuader qu’il
ne leur suffit pas de suivre nos leçons et d’assister à nos tra
vaux, s ils ne se rendent pas familières, par un travail opiniâtre
et prolongé, les connaissances et surtout les exigences d’exposi
tion facile que nos programmes leur imposent.
Aucune Thèse pour le Doctorat ne nous a été soumise.
Les travaux personnels des Professeurs de la Faculté des
Sciences ne se sont pas ralentis cette année.
Le Professeur de Mathématiques, dans divers mémoires pré
sentés à l’Institut, a fait connaître la deuxième partie de ses re
cherches sur les surfaces du deuxième degré, il a publié en
outre deux mémoires successifs sur les faisceaux de surface du
deuxième degré ayant une intersection commune.
Le Professeur de Chimie a continué ses travaux de Thermo
chimie dont il a présenté les principaux résultats cà l’Académie
des Sciences.
Trois mémoires sur diverses questions relatives aux Sciences
Physiques ont été publiées par le Professeur de Physique de la
Faculté.
M. le R ecteur , je ne puis m’empêeher en finissant, d’ex
primer ici au nom de la Faculté des Sciences, et nos regrets et
nos tristesses. Il nous est impossible dans cette solennité de ne
pas songer à la tombe si récente où vient de descendre M. Desclozeaux , le vénéré Recteur dont vous occupez aujourd’hui la
place. Notre reconnaissance se plaît à rendre un public hom
mage à la justice éclairée, à la bienveillance inépuisable du Chef
que nous avons perdu. La Faculté gardera de sa mémoire un
précieux et durable souvenir.
Mais en même temps, Monsieur le Recteur, nous remercions
S. E. Monsieur le Ministre pour le choix qu’il a fait en vous
plaçant à la tête de l’Académie. Vos travaux, vos services, votre
�vie toute entière nous sont depuis longtemps connus, et nous
savons que notre Chef est aussi éminent par son savoir que par
une profonde connaissance des hommes et des choses, et si en
songeant à ceux que nous avons perdu , un sentiment doulou
reux saisit nos cœurs, nous éprouvons aussi les consolations de
l’espérance en voyant à notre tête un des hommes les plus émi
nents de notre famille universitaire.
RA
PPO
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D E L ’É C O L E
d© i V l é c l e c i i i ©
Monsieur
le
et
ci© P h a r m a c i e .
R ecteur ,
Messieurs .
Mon devoir m’oblige à vous dire , tous les ans, à peu près la
même chose. Je tâcherai donc, par la brièveté de ce rapport,
d’en faire excuser la monotonie.
Un mot, d’abord, de pieux regret à la mémoire de M. Desclozeaux. Notre ancien Recteur a été inopinément enlevé à
l’Académie d’Aix , qu’il administrait avec tant de sagesse et de
distinction.
A côté de ce douloureux souvenir, et pour en alléger le poids,
nous arrivent les plus sûres espérances. La succession du haut
fonctionnaire qui était encore , il y a quelques jours à peine,
notre chef vénéré, ne pouvait écheoir à de plus dignes mains.
i
�— lOi —
Que M. Vieille me permette de le dire, car j’exprime ici la
pensée de tous, le Trolesseur distingué de Louis-le-Grand, le
savant Inspecteur Général, l’Universitaire éprouvé était natu
rellement placé sur le chemin du Rectorat d’une grande Aca
démie.
La dernière année scolaire s’est bien passée à l’Ecole de Mé
decine : Professeurs et Elèves ont fait également leur devoir. Si
tous les cours ont été régulièrement et consciencieusement faits,
ils ont été très-assidûment, fréquentés. Nos étudiants, je suis
heureux de leur en donner ici le témoignage , ont convenable
ment répondu par l’application et le travail au zèle et au talent
de leurs maîtres.
Aussi, je constate avec plaisir que les examens de fin d’année
ont été beaucoup meilleurs que l’an dernier.
84 élèves, 55 en Médecine et 29 en Pharmacie, se sont pré
sentés à cet acte, du 12 au 19 août.
Il n’y a eu , sur le nombre total, que 6 absents, dont 1 pour
cause de maladie et 5 sans motifs connus.
4 ajournements ont été prononcés : 3 parmi les étudiants en
Médecine de première année et le 4me parmi les élèves en Phar
macie. Il est à remarquer que ce dernier avait obtenu la dis
pense de l’assiduité aux cours.
Les examens de première et de troisième année ont été gé
néralement satisfaisants.
Il en a été tout autrement de l’examen de seconde année, qui
nous a laissé beaucoup à désirer, car, pour \ 7 élèves examinés,
nous n’avons eu que 3 bien , et encore cette note a été la meil
leure.
U y a eu à l’examen de première année, subi par 29 élèves,
2 mentions très-bien et 4 bien.
L’examen de troisième année,auquel 9 élèves se sont présen
tés, a été, comme l’an dernier, le meilleur : 1 mention très-bien
et 1 autre bien ont été données.
L’examen de Pharmacie a été assez bon : 29 élèves exami
nés , 1 seul ajourné ; un certain nombre de notes médiocres,
mais 3 mentions très-bien et 3 bien.
L’exercice scolaire \ 866-67 nous a donné un nombre d’ins
criptions bien supérieur à celui du précédent, qui était de 379.
Notre registre porte 460 inscriptions, ainsi divisées : 130 pour
le Doctorat; 154 pour le titre d’Olïicier de Santé; 8 pour le di
plôme de Pharmacien de première classe ; 168 pour celui de
Pharmacien de deuxième classe.
Différence en plus, 81.
La recette provenant de ces inscriptions a été de 11,480 fr.
pour la Ville et de 2,205 fr. pour l’Etat.
Le reliquat des examens de fin d’études s’élevant à 4,173 fr.
cela fait une somme totale de 15,653 fr. versée à la caisse mu
nicipale.
Les droits acquis pour l’Etat, en ce qui concerne ces mêmes
examens, ont été de 3,820 fr. q u i, joints au produit des ins
criptions, donnent pour le Trésor un total de 6,025 fr.
Nos deux sessions d’examens pour la collation des grades ont
été présidées par M. le Professeur Fonssagrives et par M. Planchon , Directeur de l’Ecole supérieure de Pharmacie de Mont
pellier.
7 Officiers de Santé et 10 Sages-Femmes ; 23 Pharmaciens
et 2 Herboristes : tel a été le chiffre des aspirants à ces divers
titres.
Le nombre des candidats au diplôme de praticien de deuxiè-
�me ordre en Médecine est le même que celui de l’année derniè
re, déjà fort réduit.
Faut-il s’en étonner et s’en plaindre ? Non, certes, selon moi.
L’institution des Officiers de Santé, quoiqu’en puissent dire ses
rares partisans, n’est plus de notre temps ; elle s’éteindra d’ellemême, sans qu’il soit besoin de la supprimer, et l’humanité souf
frante ne s’en trouvera pas plus mal.
Tous les postulants du titre d’Officier de Santé ont été reçus.
Ils ont généralement satisfait leurs juges à l’épreuve anatomi
que et à l’épreuve clinique ; l’examen théorique a été faible.
Les prétendantes au titre de Sage-Femme ont été aussi tou
tes admises.
Les examens des candidats au grade de Pharmacien ont as
sez bien marché. 48 diplômes ont été accordés. Il y a eu 2 ajournements au premier examen et 3 au deuxième.
Les 2 Herboristes ont obtenu leur brevet.
Une Clinique d’accouchements manquait à notre Ecole. Je
travaillais depuis longtemps à obtenir que cette importante la
cune fût comblée. Je suis très-heureux, vraiment, non pour une
vaine satisfaction d’amour-propre, mais uniquement en vue du
profit qu’en retireront nos élèves, de pouvoir annoncer que le
succès a enfin couronné mes efforts. Une Clinique Obstétricale
va être instituée à l’Hôtel-Dieu par les soins de la Commission
Administrative des Hospices. Ce nouveau et puissant rouage de
notre enseignement pratique fonctionnera dès le premier semes
tre de la présente année scolaire, et, j’ai les meilleurs motifs de
l’espérer, dans des conditions d’installation qui puissent nous
permettre d’atteindre sûrement notre but.
Seront admis à ce service les étudiants de deuxième et de
troisième année, auxquels le règlement impose l’obligation de
suivre le cours d’Accouchement et de Maladies des femmes.
L’Administration Hospitalière, dont je m’honore d’avoir par
tagé les travaux pendant cinq années,voudra bien recevoir, pour
cette mesure intelligente , l’expression de toute ma reconnais
sance.
Un nouveau Collègue nous a été donné. M. Fabre , excellent
élève de l’Ecole de Marseille, à son entrée dans la carrière, an
cien Interne très-distingué des Hôpitaux de Paris, a été norqmé
Suppléant hors cadre pour les chaires de Médecine.
Ce jeune Confrère est pour nous, j’ai hâte de le dire , une
précieuse acquisition.
Dès le lendemain de sa nomination , une indisposition du
Professeur de Clinique Médicale et une abstention obligeante de
son Adjoint, m’ont permis d’appeler immédiatement M. Fabre
à l’activité , en le chargeant de l’intérim d’une chaire des plus
importantes. Son début a été remarquable. Dans cette premiè
re épreuve , devenue décisive , le nouveau Suppléant, affirmant
ses aptitudes pour l’enseignement, a gagné la confiance des Elè
ves , les sympathies de ses Collègues, et pleinement justifié le
choix de l’autorité universitaire.
Je suis, personnellement, très-heureux du succès de M.
Fabre. C’est un zélé travailleur dont l’avenir professoral est
assuré.
Messieurs, je vais maintenant proclamer les noms des lau
réats de l’Ecole.
Sont portés sur ce tableau d’honneur ceux de nos Elèves qui
ont le plus assidûment fréquenté les cours, et obtenu les men
tions supérieures aux examens de fin d’année.
�— 108 —
ÉTUDIANTS EN MÉDECINE
± r» A n n é e .
1er prix ex-œquo : MM. Lavergne et Jaufîret.
2me prix : M. Brian.
Mention honorable : MM. Laget, Àrdisson et Bonnet.
A nnée.
Pas de \ cr prix.
2me prix ex-œquo : MM. Bastide , lauréat de l’an dennier, et
Sarrola.
Mention honorable : M. Vallon.
3 m* A n n é e .
1er prix: M. Garcin.
2me prix : M. Vidal.
ÉTUDIANTS EN PHARMACIE
1er prix ex-œquo : MM. Barthélemy et Vachier.
2me prix : M. Rech.
Mention honorable : MM. Bompart, Bonnet et Cat.
ron'KjïW *ndr
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1868-1869.pdf
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/CADÉMIE
D’y UX
SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
1868-1689
ET DE
L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE MAKAIRE , IMPRIMEUR DE l ’ aCADÉMIK
2, rue Pout-Moreau, 2
1808
�/CADÉMIE
D’y UX
SÉANCE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
ET DE
L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE MAKAIRE , IMPRIMEUR DE l ’ aCADÉMIK
2, rue Pout-Moreau, 2
1808
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
D ES FA C U LT É S
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES SCIENCES ET DES LETTRES
E T DE L ’ÉCOIÆ DE M ÉDECINE ET DE PH A R M A C IE
Le lundi 16 novembre 1868, a eu lieu à Aix, dans la grande
salle des actes de l'Ecole de D roit, la séance solennelle de ren
trée des Facultés de Théologie, de Droit, des Sciences, des Let
tres et de l'Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie.
•i .
Après la messe du S ain t-E sp rit, célébrée dans la Métro
pole , M. le Recteur de l’Académie d’A ix, MM. les Inspecteurs,
MM. les Doyens et Professeurs des Facultés et de l’Ecole de Mé
decine et de Pharmacie, ont pris place sur l'estrade, en face d’un
public d’élite, qu’avait attiré la solennité du jour. Aux premiers
�7
rangs, au bas de l’estrade, se trouvaient Mgr l’Archevêque , M.
le Premier Président, M. le Procureur Général, M. le Sous-Pré
fet, M. le Maire, et d’autres fonctionnaires, ainsi que des nota
bilités de la ville. Les Etudiants se faisaient remarquer par leur
nombre.
Aix a vu , cette année , pour la première fois, réunis dans
la même enceinte les honorables Professeurs de toutes les Ecoles
d'enseignement supérieur du ressort académique.
HI. Vi e i l l e , R ecteur de l’Académie d’Aix , a ouvert
la séance par le discours suivant :
Messieurs ,
Notre séance annuelle de rentrée emprunte un caractère par
ticulier de solennité à cette circonstance , que toutes les Ecoles
d’enseignement supérieur sont aujourd’hui réunies au chef-lieu
de l’Académie. Toutefois ce n’est pas une innovation, mais plu
tôt un retour à des précédents que l’expérience avait déjà con
sacrés : il en était ainsi avant 1800. Depuis cette époque, l’Aca
démie d’Aix, seule entre toutes les Académies de l’Empire, pré
sentait ce contraste que la Faculté des Sciences et l’Ecole de Mé
decine et de Pharmacie faisaient leur rentrée à part. J ’ai pensé
-
que les honorables membres de nos grandes Ecoles, si frater
nellement unies partout où le service de l’instruction publique
les appelle, ne devaient pas se séparer, le jour même où les heu
reux résultats de cette communauté d’efforts sont proclamés.
Ne voyons-nous pas en effet la Faculté des Sciences et la Fa
culté des Lettres se donner la main dans les épreuves qui sanc
tionnent les études classiques? Le baccalauréat ès-lettres n’est
pas, ne saurait être exclusivement littéraire; le baccalauréatèssciences, quoique plus spécial, ne saurait lui-même être exclu
sivement scientifique. Aussi, les jurys préposés à la collation des
grades sont-ils mixtes; et c’est un motif pour que les rapports
de MM. les doyens soient entendus par toutes les Facultés ré
unies.
Entre la Faculté des Sciences et l’École de Médecine, la filia
tion est trop évidente pour que j’aie besoin de la faire ressortir.
Les deux enseignements se pénètrent pour ainsi dire, et souvent
il y a un échange excellent de personnel entre les deux établis
sements. MM. les professeurs de l’École de Médecine me permet
tront d’ajouter que le corps médical s’est toujours fait un point
d’honneur de rester lettré; et ce n’était pas un des moindres
torts d’un régime d’études, heureusement disparu , appelé bi
furcation, que d’avoir établi une barrière entre les jeunes hu
manistes et les étudians en médecine.
Au mouvement annuel de nos études classiques se rattachent
par des liens non moins étroits, quoique peut-être moins appa
rents, les Facultés de Théologie et de Droit. Gombien ces deux
branches de l’enseignement supérieur ont intérêt à trouver des
auditeurs sérieusement initiés aux lettres I Et que d’emprunts
leurs éminents professeurs ne font-ils pas sans cesse aux décou
vertes modernes, pour porter leurs cours au niveau des progrès
intellectuels de notre temps I Ils sont loin de nous, Dieu merci,
ces jours néfastes où une minorité de théologiens, égarés par
�une fausse interprétation des textes, croyait la religion intéres
sée à ce que la terre ne tournât pas ! Aujourd’hui, le théologien,
comme le philosophe, puise dans les lois admirables de l’astro
nomie une des plus fortes preuves de l’existence d’un législateur
suprême I
C’est une vérité reconnue que toutes les branches des con
naissances humaines sont solidaires.il n’est plus permis à l'hom
me instruit de se cantonner dans un coin étroit de la science et
de fermer l’oreille aux progrès qui s’accomplissent autour de
lui. Mathématicien, physicien, juriste, philologue, historien,
philosophe, tous ont intérêt à échanger leurs idées, et l’échange
tourne au profit de l’humanité.
Il est vrai que le champ de la science s’est tellement étendu,
que pour se livrer avec chance de succès à la recherche d’une
vérité nouvelle, le travailleur doit se faire une spécialité. Mais
il est bon aussi que l’homme d’étude regarde parfois au delà de •
son cabinet de recherches, et l'un des plaisirs les plus délicats
qu’on puisse lui offrir, n’est-il pas celui d’applaudir aux travaux
d’un confrère ?
Ces considérations sur lesquelles il serait superflu d’insister,
m’ont conduit, Messieurs, à vous rassembler dans une séance
unique de rentrée. J ’espère que MM. les professeurs de Mar
seille , à qui cette mesure impose un déplacement de quelques
heures, voudront bien me la pardonner par égard pour la pen
sée d’union qui l’a dictée.
Du reste , si Marseille fait courtoisement cette année les pre
miers pas, Aix pourrait l’année prochaine lui rendre sa visite;
car rien ne s’oppose à ce que ces grandes assises scolaires aient
lieu alternativement dans l’une et l’autre ville. Permettez-moi
d’ajouter que les Facultés d’Aix, indépendamment de la position
considérable qu’elles occupent au chef-lieu académique, avaient
un droit de primogéniture à invoquer pour recevoir la premiè
re visite de leurs sœurs universitaires. La fondation de la Fa
culté de Droit d’Aix remonte à 1 804 ; elle précède de cinquante
ans la Faculté des Sciences de Marseille, qui est également la ca
dette de notre Faculté des Lettres.
L’année qui vient de s’écouler, Messieurs, a été bonne pour
l’enseignement public, à tous ses degrés.
In s tr u c tio n p r im a ir e . — Nos instituteurs primai
res ont recommencé, avec le même entrain, leur campagne con
tre l’ignorance. Malgré les rigueurs d’un hiver exceptionnel,
plus de 1,100 classes du soir ont fonctionné dans notre ressort
académique , pour les adultes des deux sexes. Elles ont été fré
quentées par 32,000 élèves, ce qui fait une moyenne de 30 per
sonnes environ par cours. Il est à remarquer que les cours de
femmes ont augmenté dans une forte proportion. Leur nombre,
leur population ont doublé. L’augmentation est surtout notable
dans la Corse et dans le Yar. En Corse, les cours d’adultes n’ex
istaient pas pour les femmes il y a deux ans. Pendant l’hiver
dernier, il s’en est fondé 40, fréquentés par plus de 1,000 élè
ves.
Les 7/8 des cours d’adultes de notre Académie ont été entiè
rement gratuits. Et ce sont encore les instituteurs qui, dans un
grand nombre de communes, ont fait les frais de celte gratuité.
400 d’entre eux , plus du quart, ont supporté les dépenses de
chauffage, d’éclairage, ou de fournitures de classes.
De pareils sacrifices, Messieurs, font d’autant plus d’honneur
à ces hommes dévoués, qu’ils sont prélevés, non sur le superflu,
mais sur le nécessaire. 236 Conseils municipaux ont voté des
fonds pour récompenser les instituteurs et les institutrices qui
ont dirigé nos cours d’adultes. Il est bien désirable que l’exem
ple donné par ces assemblées trouve de nombreux imitateurs.
Pour mesurer les résultats de l’enseignement dans ces classes
�du soir, reporlons-nous aux documents fournis par le ministère
de la guerre. En 1863, à l’origine des cours d’adultes, le nom
bre moyen des jeunes conscrits de vingt ans, ne sachant ni lire
ni écrire, était, pour tout l’empire, de 28 pour 100 (je néglige
les fractions. En 1868, ce nombre est descendu à 21 pour 100.
C’est un gain de 7 pour 100 en cinq ans. Il est vrai que ce pro
grès ne doit pas être attribué totalement aux cours d’adultes,
mais ils y sont assurément pour beaucoup. En etïet, si l’on re
monte à la période quinquennale qui les a précédés, c’est-à-dire
de 1853 à 1858 , on trouve que le nombre des jeunes conscrits
illettrés n’était descendu , par le fait du développement général
de l'instruction primaire, que de 31 à 28 pour 100, soit 3 pour
100 de bénéfice seulement. La progression a donc plus que dou
blé, depuis que les cours d’adultes sont ouverts. A la lecture et
à l’écriture, l’instituteur ajoute déjà , dans un bon nombre d’é
coles, des éléments d’histoire et de géographie, de sciences phy
sique et d’économie rurale. Ces dernières notions, surtout, se
recommandent par leur caractère d’utilité. Le développement
de l'instruction agricole aura pour effet d’arrêter le courant qui
pousse trop souvent le jeune paysan à émigrer vers les villes.
Je suis heureux de pouvoir dire que l’enseignement pratique de
l’agriculture est en progrès dans toutes nos Ecoles normales pri
maires. C’est là en effet qu’il importe avant tout de donner de
saines notions d’horticulture et d’arboriculture. De l’Ecole-mère,
nos élèves-maîtres les porteront jusque dans les moindres ha
meaux. On verra chaque école rurale en possession d’un jardin
bien cultivé, et même d’une pépinière que l’instituteur saura
pourvoir de plants nouveaux ou plus productifs, à son grand avantage personnel, en même temps qu’à celui de la commune.
In s tr u c tio n seco n d a ire.— La confiance que l’Uni
versité inspire aux familles s’est manifestée par l’accroissement
considérable du nombre des élèves des Lycées et des Collèges de
notre Académie. De l’état comparatif des deux rentrées de 1867
et de 1868, au 1er novembre , il résulte que nos établissements
d’instruction secondaire comptent 350 élèves de plus que l’an
dernier. Leur population totale dépasse 5,000 élèves.
L’accroissement du nouveau Lycée de Toulon mérite une
mention particulière. Sa population est montée de 330 à 479;
augmentation 149. Ce Lycée a pleinement répondu aux espé
rances que son inauguration nous faisait concevoir. Les Lycées
de Bastia et de Marseille sont aussi en voie d’accroissement con
tinu. Le premier atteint le chiffre de 470 élèves; le second celui
de 1,100. — Quand les larges voies de communication qui
nous sont promises, et que nous attendons avec impatience, re
lieront la Belle-de-Mai à Marseille, nul doute que le Petit Lycée
ne prenne un développement encore plus rapide.
La population du Collège d’Aix dépasse 340 élèves; c’est un
chiffre qu’envierait plus d’un lycée, et qui n’a d’autre limite que
l’insuffisance reconnue du local. On est obligé de refuser des
pensionnaires. Par les brillants résultats qu’il obtient chaque
année dans les épreuves du baccalauréat, par ses derniers suc
cès au concours académique, cet établissement s’est fait une pla
ce hors ligne entre tous les collèges communaux du ressort. Une
école de maîtres-répétiteurs auxiliaires y sera prochainement
créée, en exécution du décret du 11 janvier 1868. Là, des jeu
nes gens d’élite, travaillant sous la direction des professeurs de
la Faculté des Lettres, vont se préparer, tout en contribuant au
service de la surveillance du Collège, à la licence ès-lettres et à
l’Ecole normale Snpérieure. Cette mesure si flatteuse pour le
Collège d’Aix sera sans doute accueillie avec faveur par la ville.
La question d’agrandissement des batiments du Collège d’Aix ne
s’est jamais posée avec autant de force qu aujourd’hui. Deux
projets, l’un de construction sur place, l’autre, d’acquisition de
�—
12
—
propriétés bâties, sont remis à l’élude ; j’attends avec confiance
les mesures que prendra l’Administration municipale pour fa
voriser l’essor d’un établissement si plein d’avenir.
Les Lycées de l’Académie ont eu leur contingent honorable
d’admissions aux Ecoles spéciales du Gouvernement; je n’en ci
terai que deux : à l’Ecole de Saint-Cyr, 7 candidats admis sur
9 admissibles; à l'Ecole Navale, 5 admis sur 12 admissibles.
L’an dernier, à pareille époque, je disais que le Lycée de
Marseille aurait une revanche à prendre au concours général
des Lycées et Collèges de l’Empire. La revanche a été noblement
prise. Le prix de discours latin, prix de l’Empereur, a été rem
porté par le jeune Monod, élève de rhétorique du Lycée.
Parallèlement à nos études classiques, et sans les entraver,
marche l’enseignement secondaire spécial. Son organisation lé
gale ne date, vous le savez, que de deux ans ; et déjà on peut se
rendre compte des services qu’il est appelé à rendre au pays.
N’embrassant que quatre années d’études , il offre aux familles
qui désirent pousser leurs enfants vers les professions commer
ciales ou industrielles, un système d’instruction moins coûteux
que celui des classes de latinité et mieux approprié au but qu’il
s’agit d’atteindre. Il se prête à toutes les variations que récla
ment les besoins des localités, ici, inclinant vers les applications
agricoles, là vers la chimie industrielle, là vers la mécanique ex
périmentale. C’est dans ce but qu’un conseil de perfectionne
ment local, où entrent des notables commerçants, manufactu
riers , agriculteurs , a été institué auprès de chacun de nos éta
blissements secondaires. Sans repousser certains travaux ma
nuels qui, renfermés dqjas de justes limites, sont propres à faire
l'éducation de la main, nous n’avons pas voulu transporter l’a
telier dans l’école : il ne sort de chez nous ni des comptables, ni
des négociants, ni des mécaniciens, ni même des apprentis tout
faits. Il n’y a pas de véritable école d’apprentissage en dehors
— 13 —
du grand courant industriel. Mais nous avons la prétention de
donner à nos élèves ce fonds solide de connaissances générales
sans lequel la pratique est aveugle et reste vouée à la routine.
L’enseignement secondaire spécial a p ris, cette année , dans
plusieurs de nos Lycées et collèges, d’importants développe
ments. Les libéralités de l’Etat secondent les efforts des munici
palités. Partout les collections scientifiques se fondent ou s’ac
croissent : le personnel enseignant se fortifie. Bientôt nous se
rons en mesure d’entrer dans une voie plus pratique et plus fé
conde. Ici, j’aime à rappeler encore l’éclatant succès que cet or
dre d’enseignement a valu au Lycée de Marseille, dans le der
nier concours académique.
Les cours d’enseignement secondaire destinés aux jeunes
personnes se sont ouverts , sous le patronage des municipalités,
dans trois villes de notre ressort, Marseille , Toulon , Avignon.
Bien qu’ils n’aient commencé qu’en janvier et février 1868,
c’est-à-dire à une époque où la plupart des mères ont déjà fait
choix d’une ligne d’études pour leurs filles, le nombre des élè
ves a été assez grand pour qu’il soit avéré que l’institution nou
velle répond à un besoin réel de® familles. Elle durera et gran
dira, comme l’une des plus importantes créations du ministre
qui préside avec tant de vigueur et de sollicitude au développe
ment de toutes les branches de l’instruction publique. Le per
sonnel des Facultés et des Lycées a prêté à cette œuvre délicate
un concours que je ne saurais louer trop hautement. Partout,
l’enseignement a été donné avec le tact et la supériorité que l’on
pouvait attendre de professeurs éprouvés. Nous n’avons recueilli,
des mères qui ont assisté à nos cours, que les plus chaleureuses
adhésions et l’expression d’une vive reconnaissance pour les
maîtres qui ont bien voulu consacrer à l’instruction de leurs
enfants leur talent et leurs conseils éclairés. De leur côté , les
Conseils municipaux nous ont donné des témoignages précieux
de leur satisfaction.
�— U —
C’était un spectacle bien fait pour dissiper de regrettables
préventions que celui qu'offraient les salles de cours.,l ’aurais
voulu, Messieurs, qu’elles fussent ouvertes à tous les yeux : d’un
coté, un auditoire recueilli, dans lequel mères et filles écoutaient
avec un intérêt égal , sans laisser perdre une seule pensée ins
tructive; de l’autre, le maître enchanté de ses élèves, et puisant
dans la confiance qu’il leur inspire une nouvelle verve, sans s’é
carter des limites de la modération et du bon goût. Aujourd’hui,
Messieurs, les cours s’organisent sur deux années d’études; et
j’ai tout lieu de croire qu’ils vont gagner en importance et en
nombre.
E n se ig n e m e n t sn ttéeleu e. — La Faculté de Théo
logie , dont l’enseignement s’était renfermé jusqu’ici au Grand
Séminaire, dans une sorte de huis-clos, a abordé pour la pre
mière fois les amphithéâtres de la Faculté des Lettres. Ces cours
ont été bien accueillis du public. Deux d’entre eux particuliè
rement, celui d’Lloquence sacrée et celui de Dogme, ont réuni
un nombreux auditoire. Qu’il me soit permis toutefois d’expri
mer un regret. Cet enseignement, par son côté littéraire aussi
bien que par la solidité du fond, était fait pour exciter l’intérêt
de nos jeunes Etudiants. Et cependant, ils y ont brillé par leur
absence. 11 est vrai qu’ils ne paraissent guère plus aux cours de
la Faculté des Lettres. Mais ceci ne peut leur être compté com
me une circonstance atténuante. Je ne pensais pas , je l’avoue,
que les études juridiques dussent absorber à ce point tous les
instants de nos Etudiants, qu’il ne leur fût pas possible d’en dis
traire une heure pour venir entendre de grandes pensées expri
mées dans un beau langage.
En parlant de la Faculté de Théologie , je ne puis oublier le
tribut d’éloges que méritent les deux membres qu’elle a perdus.
Les infirmités de l’âge avaient déjà contraint M. l’abbé Reynaud
à descendre de sa chaire et à céder son cours à un jeune collè
gue. M. l’abbé Bicheron semblait devoir fournir une plus longue
carrière... Tous deux laisseront dans notre Académie les plus
honorables souvenirs. Là s’arrêlent, grâce à Dieu , nos pertes 1
Les autres branches de la famille universitaire, que cette solen
nité réunit, n’ont pas eu de décès à déplorer. Deux nouveaux
chargés de cours ont pris rang dans la Faculté de Théologie :
M. l'abbé Figuière» qu’un enseignement solide à l’Ecole normale
recommandait déjà au choix de M. le Ministre ; et M. l’abbé Renoux, docteur ès-lettres, que des thèses remarquables ont signalé
comme une espérance du haut enseignement.
Un nouveau cours d’enseignement supérieur s’est ajouté à
ceux que Marseille possédait déjà. Le Conseil municipal de cette
ville , toujours prêt à favoriser les progrès de l’instruction pu
blique, a fondé une chaire d’économie politique. Le cours a été
confié par M. le Ministre de l’instruction publique à l’honorable
Doyen de la Faculté de Droit. C’est dire que ces matières déli
cates sont traitées avec l’autorité , la prudence et la compétence
parfaite que M. Cabantous apportait déjà dans l’enseignement
du droit administratif. Ces leçons ont attiré un grand concours
d’auditeurs sérieux. Les saines doctrines de l’économie politique
ont une tribune de plus ; et elle ne pouvait être élevée nulle
part avec plus d’à-propos que dans cette grande cité où s’agitent
des intérêts commerciaux si considérables.
Les Facultés des Sciences et des Lettres ont poursuivi le cours
de leurs travaux. Leurs savantes leçons réunissent à Marseille et
à Aix, un public nombreux et choisi. L’hôtel occupé par la Fa
culté des Sciences, que j ’appelais, l’an dernier, la Sorbonne de
Marseille , mérite de plus en plus cette qualification. Je dirai
même qu’il la mérite trop par la multiplicité des cours qui s’ac
cumulent dans ses amphithéâtres; car il ne sait plus où les lo
ger. Le local est admirablement situé, mais trop étroit. MM. les
�—
16
—M—
—
professeurs de la Faculté de Droit et des Lettres y échelonnent
avec peine leurs cours, enchevêtrés dans ceux de la Faculté des
Sciences ; et voilà qu’aux embarras des années précédentes sont
venus se joindre ceux qu’apporte l’enseignement supérieur des
jeunes filles. Marseille, où abondent les monuments publics, ne
possède pas encore , comme d’autres villes moins importantes,
son palais universitaire.
A défaut d’un monument que les circonstances ne permettent
pas de demander, il est d’une impérieuse nécessité qu’un local,
indépendant de la Faculté des Sciences, soit alîecté à tous ces
nouveux cours auxquels Marseille a accordé droit de cité, et
dont elle est justement Hère. Les besoins de l’enseignement pu
blic sont là , tellement, pressants, et j’ajoute , si bien sentis par
l’Edilité marseillaise, que des mesures efficaces ne sauraient tar
der à être prises.
L’Ecole de Médecine et de Pharmacie a participé au progrès
général. L’institution féconde du concours vient d’être étendue
à la nomination des professeurs suppléants. Cette innovation
aura, je l’espère, une heureuse influence sur l’enseignement mé
dical. Elle attachera à l’Ecole de Marseille une pépinière déjeu
nes docteurs, qui auront la vocation du professorat et qui feront
un jour avancer la science par leurs travaux personnels. La li
béralité du Conseil municipal a permis de créer deux nouvelles
chaires : l’anatomie a été séparée de la physiologie, la pharma
cie de la chimie médicale. Ces dédoublements, depuis longtemps
réclamés, ont été sanctionnés avec empressement par M. le Mi
nistre de l’Instruction publique. Il ne reste plus maintenant a
l’Ecole de médecine , qu’à entrer en jouissance des appropria
tions qui lui sont promises dans l’ancien Palais de justice, et
dont les présidents des jurys médicaux nous signalent l’urgence.
*
Messieurs
les
E tudiants,
Vous le voyez, les moyens d’instruction vous sont offerts avec
une largesse qu’aucune époque n’a surpassée ni même égalée.
Des professeurs éminents et dévoués vous apportent le fruit de
leurs savantes recherches ; e t , la leçon finie, vous les trouvez
encore prêts à vous guider par d’affectueux conseils. Sachez
comprendre les devoirs que cette situation vous impose.
Sauf un moment de trouble , qui a fait un contraste pénible
avec les habitudes paisibles et courtoises de l’Ecole , votre con
duite publique n’a donné lieu à aucun reproche. Mais il ne suffit
pas que l’ordre matériel soit sauf. La Faculté de Droit d’Aix tient
depuis longtemps le second rang dans l’empire (j’excepte Paris).
Il vous appartient, par l’honorabilité de toute votre vie scolaire,
par la force de vos éludes, par l’éclat de vos concours, de main
tenir à notre Faculté ce rang honorable, et peut-être de la faire
monter au premier.
Le jour n’est pas éloigné où plusieurs d’entre vous prendront
place dans la magistrature , dans le barreau, dans les carrières
administratives. Vous avez à conserver ce haut degré d’estime
que vos devanciers ont su attacher à leurs nobles professions.
1‘énétrez-vous dès maintenant de cet esprit de discipline qui
fait la force des grands corps dans lesquels vous aspirez àentrer. Surtout n’oubliez pas que la source à laquelle le talent
puise ses plus heureuses inspirations, c’est la pureté du cœur.
Partout, vous rencontrerez dans le monde la grande loi du
travail, à laquelle doit se soumettre quiconque a la prétention
de servir son pays. Travaillez donc sans cesse. Vous êtes sur les
degrés inférieurs d’une échelle immense dont le sommet touche
au faite de l’édifice social. A votre âge, nul ne sait à quelle hau
teur il lui sera donné d’atteindre : c’est le secret de l’avenir.
�—
18
—
Mais vous ne pouvez barrer le mouvement ascendant des jeunes
générations. Il faut gravir, sous peine d’être écartés comme un
obstacle importun par ceux qui viennent après vous, et que la
société invite à monter !
• Est quodam prodire tenus, si non datur ultra.
(Horace, ép. 1).
Je finis par une recommandation qui pourra paraître banale
à quelques-uns, mais à laquelle j’attache néanmoins une grande
importance. La première condition à laquelle est tenu de satis
faire le bon étudiant, c’est l’assiduité aux cours. D’où vient donc
qu’un si grand nombre d’entre vous ne paraissent aux amphi
théâtres que par intermittences ? Pourquoi l’inscription aux
cours de la Faculté des Lettres, n’est-elle pour vous qu’une me
sure purement fiscale ?
Je ne veux pas faire appel ici à des mesures de rigueur, bien
qu’il y ait à cet égard quelques règles à poser ; j ’aime mieux m’a
dresser à votre bon sens. Est-ce que le commentaire le mieux
fait peut suppléer à la parole du maître? Est-ce qu’il ne vous
est pas arrivé maintes fois de voir, à la suite d’une simple expli
cation orale, le jour se faire tout à coup sur un texte que le
commentaire laissait plein d’obscurité ? La parole est vivante et
le livre est sans vie.
Et puis, ce dévouement de tous les jo urs, avec lequel des
maîtres distingués s’appliquent à éclairer votre intelligence, ne
mérite-l-il pas, de votre p a rt, un concours empressé? Savezvous, mes amis, ce qu’amène trop souvent le défaut d’assiduité
dont je me plains ? Je vais vous le dire : d’abord , c’est la mau
vaise distribution du temps. Les heures se gaspillent et se per
dent; on rejette au lendemain l’étude du jour. La tentation est
si grande ! Les distractions sont si faciles I d’innocentes qu’elles
étaient au début, elles deviennent bientôt dangereuses par leur
fréquence même. Alors arrive la vie de dissipation , les habitu
des d’estaminet, le jeu, le vice........ On cherche à s’étourdir.
On perd sa propre estime d’abord et celle des autres ensuite.
Ah ! je 11 e veux pas m’appesantir sur ce sombre tableau. Vous
saurez échapper à ces redoutables conséquences; et s’il en est
parmi vous qui se soient engagés sur cette pente glissante, mes
avis leur inspireront, je l’espère, de salutaires réflexions I
Après ce discours, M. le R ecteur donne successivement
la parole à MM. les Doyens des Facultés et à M. le Directeur de
l’Ecole de Médecine et de Pharmacie pour la lecture de leurs
rapports.
�21
crait ses veilles et une vie que remplissaient et les travaux du
professeur et les méditations sérieuses du prêtre. Ce ne fut qu’à
force de résignation qu’il accepta une retraite que rendait né
cessaire son âge avancé, et dont son amour pour la science sa
crée lui dissimulait le besoin. La lin de M. Beynaud a été calme
comme sa vie ; il s’est, éteint au milieu de cette paix que donnent
une conscience pure et les grandes vues de la foi.
Nous pensions que cette épreuve serait la dernière. U n’en a
pas été ainsi. À peine la tombe venait-elle de se fermer pour M.
l’abbé Reynaud qu’elle s’ouvrait pour un autre de nos collègues.
La santé de M. l’abbé Bicheron, ébranlée il va quelques années,
s’était entièrement rétablie, et tout faisait espérer qu’il rempli
rait longtemps encore les fonctions du professorat,-lorsqu’une
maladie nouvelle, lente d’abord, est venue faire disparaître toute
espérance. Le mal fit des progrès rapides et bientôt arriva ce
dernier moment où notre collègue fut enlevé à ses amis et à une
famille éplorée, dont il était le conseil et l’appui. M. l’abbé Bi
cheron joignait à une belle intelligence une érudition peu ordi
naire. Esprit orné des connaissances les plus variées, familiarisé
avec les sujets les plus graves, on peut dire que chez lui s’alliait
un grand fond de doctrine à la foi vive du prêtre.
Par suite de ce double décès, deux chaires demeuraient va
cantes dans la Faculté de Théologie. M. l’abbé Figuières, déjà
suppléant de M. l’abbé Reynaud pour le cours d’Ecriture sainte,
vient d’être chargé de cet enseignement.
M. l’abbé llenoux , aumônier de l’Ecole normale, docteur en
théologie et docteur ès-lettres, succède à M. l’abbé Bicheron
pour la chaire d’Histoire et de Discipline ecclésiastiques. M.
l’abbé Renoux, élève de la savante Ecole des Carmes , ne peut
que faire honneur à notre Faculté. Esprit fait pour les travaux
sérieux et le haut enseignement, familiarisé avec les études lit
téraires comme avec celles de la science sacrée, connu déjà par
—
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
de
la
Faculté
Monsieur
le
de
Théologie.
R ecteur ,
Monseigneur,
Messieurs ,
Avant de reprendre nos cours pendant l’année scolaire qui
commence , qu’il nous soit permis de vous entretenir des tra
vaux divers auxquels s’est livrée la Faculté de Théologie pendant
le cours de l’année qui a précédé. Mais avant de vous présenter
ce court exposé, il est un besoin auquel nous avons à répondre,
je dirai plus, un devoir que nous tenons à remplir.
Il y avait à peine une année que la Faculté de Théologie avait
eu à déplorer la mort de M. l’abbé Diouloufet, quand elle s’est
vue soumise à de nouvelles épreuves. M. l’abbé Reynaud, pro
fesseur d’Ecriture sainte, ne jouissait que depuis peu de temps
d’un repos que de longs services avaient bien mérité , lorsqu’il
fut enlevé à ses collègues et à ses nombreux amis. Tout le mon
de sait quel était son attachement pour notre Faculté, combien
il aimait l’enseignement qui lui était confié et auquel il consa-
�des thèses savantes et par d’autres é crits, M. l'abbé Renoux se
présentait naturellement au choix de Mgr l’Archevêque et de Son
Excellence M. le Ministre de l’Instruction publique.
Avant de commencer l’exposé des sujets qui ont été traités
dans les cours de la Faculté, il est convenable, ce me semble, de
dire quelques mots de certains changements qui ont eu lieu re
lativement au local de nos séances. Jusqu’ici l’enseignement de
la Faculté s’était renfermé dans l’enceinte du Grand Séminaire,
et bien que ses cours fussent ouverts à tous, il y avait là cepen
dant une difficulté d’accès qui arrêtait le plus grand nombre. La
Faculté de Théologie voulant répondre à des désirs souvent ex
primés, et entrer en cela dans les vues de Mgr l’Archevêque , de
M. le Recteur et de Son Excellence M. le Ministre de l’Instruc
tion publique, s’est déterminée à donner à plusieurs au moins
de ses cours une plus grande publicité et à se faire entendre
dans une enceinte plus appropriée aux besoins des auditeurs,
tout en continuant cependant ses leçons dans le local affecté de
puis longtemps à son enseignement. Elle a donc, au commen
cement de l’année scolaire , ouvert des cours publics dans les
amphithéâtres de la Faculté des Lettres, et dès le début, elle a
pu se convaincre de l’intérêt qu’inspirait son enseignement, par
l’accueil sympathique qui lui fut fait, accueil qui lui prouva
qu’on avait entendu son appel de manière non-seulement à dis
siper les craintes qu’elle avait conçues d’abord , mais même à
dépasser ses espérances. Ajoutons que ce concours ne fut pas
l’effet d’un entraînement passager. Pendant toute l’année sco
laire un auditoire distingué et nombreux s’est fait remarquer
par son assiduité aux leçons de notre Faculté, et son enseigne
ment a été entendu avec ce recueillement religieux qui fait l’é
loge d’un auditoire, en même temps qu’il soutient le zèle du
professeur et donne à sa parole la vigueur et la vie qui souvent
en assurent le succès.
Du reste, Messieurs, permettez-moi de vous le dire , ce n’est
pas dans notre ville seulement que nos cours publics ont excité
des sympathies. La grande cité voisine a voulu elle aussi pren
dre part à ce mouvement intellectuel et elle a fait appel à notre
Faculté pour que quelques-uns de ses membres vinssent chaque
semaine se faire entendre dans le local affecté aux divers cours.
On ne pouvait se refuser à un appel aussi bienveillant qui
fait honneur à la Faculté e t, nous pouvons ajouter, à l’Ad
ministration municipale qui a pris cette heureuse initiative;
car en agissant de la sorte, elle a voulu affirmer cette vérité, que
les sciences hum aines, quelque variées et importantes qu’elles
soient, appellent comme leur complément et leur perfection la
science ce Dieu qui en est, ainsi qu’on l’a d it, la base, l'arôme
et le couronnement.
Voici les divers sujets qui ont été traités par MM. les Profes
seurs pendant l’année scolaire 1867-68.
M. le Professeur de Théologie dogmatique a traité comme
introduction au dogme catholique , de la Philosophie et de la
Religion.
Après avoir mis en lumière le grand principe de l’accord de
la Raison et de la Foi, le Professeur a exposé , d’une p art, les
efforts admirables de la philosophie antique pour la solution des
deux grands problèmes qui sont la base de toutes les religions,
parce qu’elles sont l’imprescriptible objet des préoccupations de
l’homme : Dieu et l’Ame humaine. Il a recherché ensuite le de
gré de connaissance qu’il faudrait avoir de ces deux vérités pour
édifier sur elles une religion naturelle vraiment digne de ce
nom.
D’autre p a rt, le Professeur a exposé les solutions données à
ces mêmes questions par la révélation primitive , Mosaïque et
Chrétienne , et il a indiqué les harmonies de ces solutions avec
les aspirations spontanées de l’intelligence et du cœur de l’hom-
�—
21
—
Dans le prochain exercice , le Professeur étudiera les efforts
non plus séparés mais combines de la Philosophie et de la Reli
gion , c’est-à-dire qu’il traitera de la Philosophie Chrétienne.
M. le Professeur de Théologie morale a traité , pendant le
premier semestre de l’année scolaire , du célibat ecclésiastique
considéré au point de vue social. Le Prêtre n’est pas seulement
l’homme de Dieu , il est encore l’homme des peuples, l’homme
surtout, du pauvre et de l’orphelin, l’homme de l’humanité souf
frante. Rien de plus important et de plus délicat à la fois que
les fonctions diverses qui lui sont confiées et dont la société res
sent tous les jours les plus heureux effets. Mais il est évident qu’un
ministère de cette nature, tel que l’exerce tous les jours le prê
tre catholique, n’est possible qu’autant que ce prêtre n’est pas
enlacé dans les mille liens d’une famille. Enfin M. le Professeur
a fait remarquer que l’autorité civile elle-même avait pensé en
cela comme l’Eglise en lui prêtant son appui pour l’observation
de la discipline du célibat ecclésiastique.
Dans le deuxième semestre , M. le Professeur a exposé la lé
gislation de l’Eglise à l’égard des mariages m ixtes, c’est-à-dire
des unions contractées entre des catholiques et des dissidents, et
il a montré combien la puissance spirituelle a constamment allié
dans cette question la sagesse à la fermeté.
M. le Professeur traitera cette année de l’unité et de l’indis
solubilité du lien conjugal.
M. le Professeur (YEcriture sainte a traité de l’authenticité
des Evangiles, question si vivement agitée de nos jours par l’exé
gèse rationaliste. L’histoire, la géographie, la numismatique, la
littérature du Nouveau Testament lui ont fourni les preuves in
ternes de sa thèse. Il a emprunté les preuves externes aux té
moignages des philosophes païens, des hérétiques, des Pères et
de toute la tradition. Les dernières leçons de son cours ont été
consacrées à une étude spéciale de l’authenticité de chaque évan
gile, et à la réfutation des principales objections du rationalisme
contemporain.
Celte année, le Professeur traitera de la vérité des récits évan
géliques.
Pendant l’année scolaire 18G7-68, le Professeur à'Eloquence
sacrée a tracé le tableau de la prédication pendant les trois pre
miers siècles. Il a d’abord étudié les diverses leçons de celui qui
a institué le ministère de la parole en disant à ses disciples :
prêchez l’Evangile à toute créature. Il a recherché ensuite1 le
caractère de la prédication des Apôtres et de leurs successeurs,
ce qui l’a conduit à interroger les Epîtres et les rares écrits des
Pères de l’Eglise et des apologistes. L’étude des œuvres de S1
Irénée lui a fourni l’occasion d’exposer lessystèmes gnostiques,
et celle des traités de S‘ Cyprien lui a offert les premiers monu
ments de la prédication littéraire. Plusieurs leçons ont été con
sacrées à l’Ecole d’Alexandrie. Le Professeur avait à apprécier
l’enseignement dogmatique et moral de Clément, à raconter la
vie d’Origène, à examiner ce qu’était la prédication au m e siè
cle, et à jeter un coup d’œil sur le précieux recueil des homélies
de l’illustre Alexandrin. Ses dernières leçons ont été employées
à faire connaître un des plus célèbres élèves d’Origène, S‘ Gré
goire Thaumaturge , et un de ses plus savants contemporains,
S1 Hippolyte de Porto.
Pendant l’année scolaire 1868-69 , le Professeur traitera de
la prédication au ive siècle.
M. le Professeur d'Histoire et de Discipline ecclésiastiques
s’est occupé d’une manière particulière de la situation morale,
religieuse et politique du peuple Juif au moment de la venue du
Sauveur des hommes. Il lui fallait faire connaître les sectes
qui ayant altéré l’enseignement primit if devaient naturellement
se montrer plus hostiles à l’égard de la doctrine de JésusChrist. Le Professeur enfin a recherché les causes qui amené-
�rent l’asservissement de la nation au peuple Romain. S’il n’avait
été prévenu par la m ort, il se serait attaché , pendant celte an
née, à montrer J.-C. jetant les fondements de son Eglise au mi
lieu des difficultés immenses que présentait lasituationdu monde
entier.
Le nouveau Professeur fera de l’histoire de l’Eglise au xue
siècle l’objet de ses études.
Nous vous parlions, Messieurs , l’année dernière, des succès
qu’avait obtenus dans ses thèses de licence M. l’abbé Jaugey.
Cette année ce candidat s’est présenté devant la Faculté pour
subir les épreuves du doctorat. Ce que nous pouvons dire à son
sujet, c’est que de nouveaux succès sont venus dépasser les pre
miers. Le candidat avait choisi pour sujet de sa thèse l’une de
nos gloires nationales, Jeanne d’Arc. Il avait à démontrer le
caractère surnaturel de sa mission. Cette tâche, M. l’abbé Jau
gey l’a remplie d’une manière aussi solide que brillante, et on
a pu remarquer dans le développement de cette belle thèse une
élévation d’idées , une vigueur de raisonnement qui ont prouvé
à tous combien ce jeune ecclésiastique était digne des palmes académiques que lui a décernées la Faculté de Théologie.
Plusieurs candidats se présentent en ce moment pour les gra
des théologiques et se disposent à subir leurs épreuves à la pre
mière session qui doit s’ouvrir le mois prochain.
Us sont peu nombreux sans doute , Messieurs , ces candidats
qui ne peuvent avoir d’autre mobile pour aspirer à nos grades
que l’amour seul de la science. L’année dernière je donnais la
raison de cet état de choses; qu’il me suffise de dire aujourd’hui
que du moment où, avec le concours des deux Puissances, les
grades théologiques seraient, exigés pour l’exercice des hautes
fonctions sacrées, comme le sont pour les carrières libérales les
grades scientifiques et littéraires, les Facultés de Théologie en
treraient dans une ère nouvelle et que le nombre de nos candi
dats pourrait rappeler, sous quelques rapports, ce beau mouve
ment intellectuel qui, à d’autres époques, régnait au sein de no
tre patrie et rendait si célèbres nos Ecoles théologiques. Qui ne
désirerait, Messieurs , de voir renaître parmi nous des jours si
glorieux pour l’Eglise et pour la France? Le mouvement intel
lectuel qui se fait remarquer au sein même du clergé , les pro
grès de la science catholique au milieu de toutes les aberrations
dont nous sommes les tém oins, tout cela nous porte à espérer
que cette grande éducation cléricale , telle que nous l’offraient
les siècles précédents , se reproduira parmi nous, et que l’on
verra un haut enseignement fortement organisé qui nous rap
pellera les grandes Ecoles dans lesquelles enseignaient ces maî
tres habiles qui étaient la gloire de nos anciennes Universités.
C’est le vœu qu’exprime , dans un savant ouvrage1, un Prélat,
dont les lumières égalent la piété. Qu’d me soit permis de rap
peler ici ses paroles ; c’est par elles que je termine : « L’âge de
» ces athlètes renaîtra , dit Mgr Landriot, car l’Eglise est tou» jours féconde et elle n’a jamais manqué au genre humain.
» C’est au clergé qu’il appartient spécialement de travailler par
» ses études. . . . à la restauration de cette grande ère catholi» que ; chaque prêtre , quelque modestes que soient ses talents
» et sa position , peut apporter sa pierre pour la construction
» de l’édifice, et tous diront comme au temps de Nehemias : ve» nez , bâtissons l’enceinte sacrée et nos mains se fortifieront
» par le travail : sargamus et œdificemus, et confortatœ swnt
» maims eorum in bono (2a Esd., 2). »
1 Le Christ de la tradition, 6» confér.
�RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
dLo l a
F a c u l t é cio d r o i t .
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
L;i Faculté d? Droit d’Aix se maintient au rang élevé qu’elle
a conquis, depuis plus de dix ans, parmi les autres Facultés du
meme ordre. Par le nombre des Etudiants et par celui des exa
mens , elle n’a au-dessus d’elle que les Facultés de Paris et de
Toulouse; toutes les autres lui sont de beaucoup inférieures.
Durant la dernière année scolaire , le nombre total des ins
criptions a été de 1 ,1 i6 , ce qui représente 280 Etudiants envi
ron. Ces 286 Etudiants ont été à-peu-près également répartis
entre les trois années d’études, sauf déduction d’une douzaine
d’aspirants au Certificat de capacité et d’autant d’aspirants au
Doctorat.
Il y a eu 476 examens, très-inégalement distribués entre
les quatre sessions : 60 dans la session de novembre ; 00 dans
celle de janvier; 60 dans celle d’avril ; 259 dans celle de juillet
et août ; et, en sus de ces chiffres, une thèse de Doctorat, soute
nue hors session.
La même inégalité se rencontre dans la répartition entre
les divers ordres d’épreuves. Le nombre total de 476 examens
se compose de 4 examens de Capacité; 103 premiers de Bacca
lauréat ; 92 deuxièmes de Baccalauréat; 100 premiers de Li
cence; 86 deuxièmes de Licence ; 70 thèses de Licence ; 11 pre
miers examens de Doctorat; 6 deuxièmes de Doctorat; 4 thèses
de Doctorat.
Ce tableau donne lieu à deux observations, que nous avons
déjà présentées dans nos précédents rapports, et qui, annuelle
ment vérifiées et reproduites , acquièrent une certaine impor
tance, au double point de vue du progrès des études juridiques
et du bon recrutement des professions judiciaires.
C’est, d’abord, la diminution graduelle des examens de Capa
cité , dont le nombre est descendu, en un an, de 12 à 4. Indice
non douteux de la prochaine disparition d’un certificat, qui est
au diplôme de Licencié en droit ce qu’est le brevet d’ollicier de
santé au diplôme de Docteur en médecine, sans qu’il soit besoin
d’aucune suppression officielle , et par le seul effet de l’opinion
publique s’éloignant du moins bien pour aspirer au mieux.
C’est, ensuite, l’augmentation des épreuves de Doctorat, dont
le nombre total s’est élevé, depuis la précédente année, de 16 à
21. Témoignage précieux de l’efficacité de nos encouragements
annuels, et preuve évidente d’une tendance à laquelle on ne
saurait trop applaudir, dans l’intérêt de la science et dans celui
delà magistrature , dont l’accès est beaucoup plus facile aux
Docteurs en droit qu’aux simples Licenciés.
Les 476 examens ont été suivis de 427 admissions et de 49
ajournements. C’est environ un ajournement sur neuf examens:
proportion qui se reproduit chaque année , à peu de chose
près.
Cette proportion n’a guère varié entre les divers ordres d’é
preuves , sauf pour celles de Doctorat où elle a été d’un ajour-
�— 30 —
nement sur quaire examens. Nouvelle et constante alîîrmation
de notre juste sévérité à décerner un grade, dont la haute valeur
se mesure par l’énergie de l'effort nécessaire pour le conquérir.
Les 427 admissions ont, connue toujours, été prononcées d’u
ne manière très-diverse : 30 avec éloge ; 54 avec majorité de
boules blanches ; 238 avec égalité, minorité ou absence de bou
les blanches, mais sans boule noire ; 105 avec une boule noire.
Ces résultats correspondent aux notes : très-bien , bien, assez
bien et passablement.\\ est facile de voir qu’à l’instar de ce qui
se rencontre partout, les différentes nuances de la médiocrité
sont le fait de beaucoup le plus fréquent. Nous serions heureux
que ce fut toujours la bonne médiocrité , Yaurea mediocritas
dont parle Horace; mais, trop souvent, nous sommes obligés de
nous contenter d’une médiocrité de mauvais aloi et que nous
appellerions volontiers ferrea mediocritas. Espérons que nos
Etudiants, par un redoublement d’assiduité aux cours et de zèle
au travail, nous procureront la satisfaction de pouvoir leur dé
cerner de medleures notes sans abaisser le niveau de nos juge
ments.
Tous les membres de la Faculté , durant l’année qui vient de
s’écouler, ont rivalisé d’ardeur et d’activité dans l’accomplisse
ment de leurs devoirs professionnels. Deux de nos collègues con
tinuent malheureusement à être obligés, par l’état de leur santé,
de suspendre leur service. Pour nous aider à suppléer au con
cours qu’ils ne peuvent nous prêter, la prévoyance de l’Autorité
Supérieure a élargi le cadre de nos jeunes auxiliaires.
M. Delourne nous a quittés ; mais il a été immédiatement
remplacé par M. Laurens. M. Chrétien a été, en outre, attaché
à notre Faculté, en qualité d’agrégé provisoire. Le nombre de
nos agrégés s’est ainsi trouvé porté à quatre, ce qui assure le
service pour toutes les éventualités possibles.
RI. Delourne a été appelé à Toulouse , avec le même titre et
— 31 —
les mêmes fonctions dont il était investi à Aix. Cette promotion,
juste récompense de son mérite et de son zèle, a comblé les vœux
que lui inspiraient ses sentiments de famille ; mais elle nous a
privés d’un collègue aimé et estim é, aussi modeste qu’instruit,
qu’entouraient parmi nous d’universelles sympathies, et auquel
notre affection ne peut souhaiter , dans sa nouvelle résidence,
que la continuation des mêmes succès, rendus encore plus doux
par la présence et la tendresse de ses parents.
M. Laurens, qui remplace M. Delourne , est un des élus du
dernier Concours d’Agrégation, où il a obtenu un rang des plus
honorables. Il a déjà fait preuve,dans lesexamens du mois d’août,
de qualités sérieuses et solides, d’une grande sûreté de jugement
et d’une remarquable précision de langage. Ces mérites nom
breux et divers sont parfaitement appropriés à l’ordre d’ensei
gnement qui lui sera confié durant l’année qui commence. 11
sera chargé d’un des deux cours de Droit Romain, et ne pourra
que développer et fortifier les tendances naturelles de son esprit,
à l’école de ces immortels jurisconsultes romains qui, suivant la
juste observation de Leibnitz , donnèrent à la jurisprudence la
rigoureuse exactitude et l’inflexible logique des mathématiques.
Le second cours de Droit Romain continuera à être confié au
talent éprouvé , à la science profonde et variée de M. Jourdan,
qui ne tardera sans doute pas à obtenir l’investiture définitive
d’une chaire qu’il occupe, depuis plus de deux ans, avec un suc
cès notoire et croissant.
Le cours de Droit Commercial sera professé à Aix et à Mar
seille par M. Laurin , connu et apprécié dans la Faculté depuis
plus d’un an , qui a parfaitement réussi dans l’enseignement du
Droit Romain , et q u i, dans le nouvel enseignement dont il va
être chargé, saura certainement se montrer sembatle à lui-mê
me, et conquérir, avec des qualités et une nature d’esprit, autres
que celles de son prédécesseur, M . Delourne, la même attention
�— 32 —
soutenue et sympathique à Aix, la même affluence et les mêmes
applaudissements à Marseille.
Enfin, le zèle et la bonne volonté de M. Chrétien, dont la jus
tesse d’esprit et la clarté d’élocution nous ont été démontrées
dans les examens du mois d’août, permettront à M. Pison de se
décharger d’une partie du double fardeau, auquel son infatiga
ble dévouement avait suffi jusqu’à ce jour. Désormais, il se bor
nera au cours de Procédure Civile , et celui de Législation Cri
minelle sera confié à M. Chrétien. Ces deux enseignements pour
ront ainsi recevoir un plus complet développement.
Je ne dis rien de mes anciens collègues, avec lesquels une
communauté de travaux, qui remonte à plus de vingt an s, m’a
fait nouer les liens d’une estime réciproque et d’une cordiale
sympathie. Leur modestie s’offenserait de mes éloges, dans l’ex
pression desquels je serais devancé par l’opinion publique. Pour
eux d’ailleurs , comme pour m oi, la récompense la plus enviée
de nos communs efforts est dans la prospérité croissante de la
Faculté de Droit d’Aix, dans l’affectueux respect de nos Etudiants,
dans la haute bienveillance du Chef éminent de cette Académie,
qui étend, à tous les services dont la direction lui est confiée, la
vive et féconde impulsion d’un esprit aussi prudent qu’éclairé,
aussi ami d’un progrès sage et mesuré que du maintien des bon
nes traditions scolaires, justifiées par l’expérience et appropriées
aux besoins des temps où nous vivons.
-m -
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
do la Faculté des Sciences.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Je viens aujourd’h u i, exposer encore, devant vous, l’ensem
ble des travaux de la Faculté des Sciences pendant l’année
qui vient de s’écouler. J ’aurais à craindre de ne pas réussir à
donner un suffisant intérêt au tableau sérieux qu’il faut vous
présenter , si je ne savais parfaitement déjà combien votre
bienveillance est acquise à tout ce qui concerne la marche et
les progrès des études dans notre Académie. L’auditoire émi
nent qui nous écoute est sensible, nous venons de le voir, au
charme des choses bien dites, mais nous pensons qu’il sait aussi
réserver des préférences pour l’exposé austère et difficile, qui a
pour but de lui faire connaître comment nos obligations ont été
accomplies.
�Les devoirs imposés à une Faculté des Sciences sont de plu
sieurs sortes : l'enseignement; les grades que la Faculté a
mission de conférer à ceux dont les travaux et le savoir lui
ont paru le mériter ; enfin les recherches et les découvertes
scientifiques vers lesquelles ses études et ses méditations la con
vient. .
Pour la première de ces obligations, je me bornerai à dire
aujourd’hui que nos leçons, fidèles aux programmes remis cha
que année par nous au Ministre, se sont sévèrement maintenues
dans la route que nous avons à l’avance indiquée. Chacun de
nous, toutefois, s’est fait un devoir d’annoncer devant ses au
diteurs les découvertes et les applications de la science sitôt
qu’elles se produisent en Europe , et souvent il nous est arrivé
d’exposer un fait, de montrer une expérience, de présenter une
conquête scientifique , dans la semaine où l’inventeur les an
nonçait au monde savant. Ces habitudes répondent à la vive
activité, et aux besoins de rapides communications qui caracté
risent notre époque. Elles donnent à l’enseignement plus d’in
térêt et elles ont aidé à retenir autour de nos chaires, le public
nombreux et fidèle qui depuis treize années suit nos leçons.
Bien que nous n’ayons pas à parler ici des cours annexés aux
cours de la Faculté des Sciences et rétribués par la ville de Mar
seille, nous voulons cependant vous faire connaître en quelques
mots quel est le travail d’enseignement qui se fait chaque jour
dans nos am phithéâtres, travail de toutes les heures qui nous
place dans une situation vraiment spéciale en province. Nous ai
mons à dire combien les efforts et la complaisance de tous, se
sont accordés pour rendre faciles des combinaisons de jours et
d’heures qui présentaient de réelles difficultés, et combien nous
avons eu à cœur de répondre à ces bienveillances du Conseil
municipal et à ces besoins de savoir qui se manifestaient autour
de nous.
— 35 —
La Faculté des Sciences a d’abord par semaine douze cours
réguliers et ensuite quatre conférences ou examens pour les
Licenciés. Auprès d’elle sont cinq cours professés par la
Faculté des Lettres, deux cours de droit professés par la Faculté
de Droit d’Aix, un cours d’économie politique créé l’année der
nière et professé par notre Collègue M. Caban tous, un cours de
géographie commerciale, un cours de chimie industrielle et en
fin six cours donnés pour l’enseignement secondaire des jeunes
filles. C’est un total de trente-deux leçons données pendant les
six jours de la semaine et qui amènent du matin au soir dans
nos amphithéâtres un public nombreux et varié.
Sans doute c’est une chose excellente que de voir tant de cours
publics rassemblés dans un même établissement ; mais toute
bonne chose a son revers, et dans cette situation il y a quelques
côtés regrettables que je ne puis m’empêcher de signaler ; les
faire connaître, c’est déjà marcher vers le moyen d’y porter re
mède.
Nos amphithéâtres doivent être, en dehors des heures de le
çons, facilement accessibles au Professeurs parce que là seule
ment, certains de nos travaux sont possibles. Là sont avec l’es
pace considérable, les cuves à eau et à mercure. Là les Pro
fesseurs peuvent faire marcher quelques-uns de leurs appa
reils, et, avant leurs leçons, disposer leurs instrum ents, prépa
rer, répéter même leurs expériences et très-souvent faire des
siner au tableau quelques parties de leurs appareils. Voilà pour
nous des difficultés dont chacun a cherché à diminuer l’em
barras. Ce n’est pas tout encore, tous ces cours étant succes
sifs , quelques-uns d’entre eux sont nécessairement et à leur
grand désavantage rejetés à une heure très-avancée de la soirée
ou placés dans la journée à un moment que ne peuvent accepter
les habitudes marseillaises.
Nous nous serions certainement montrés plus résistants et
�— 36
plus sévères vis-à-vis des cours nouvellement introduits, si nous
ne savions combien dans notre ville il est diflicile et même im
possible de trouver une salle suffisante pour contenir un nom
breux public. Mes paroles aujourd’hui ont surtout pour but
d’appeler l’attention de l’Administration sur cette pénurie des
grandes salles de réunion à Marseille. Nous serions heureux et
soulagés si nous pouvions la voir disparaître , bien que nous
pensions qu’il nous sera plus facile de signaler cette situation
que d’en voir, à bref délai, le terme.
Nous nous hâtons d’arriver à la seconde partie de notre tâ
che. Aujourd’hui les grades que la Faculté a mission de confé
rer sont le Doctorat, la Licence et le Baccalauréat.
Plusieurs thèses pour le Doctorat nous ont été soumises. Quel
ques-unes ont été pour nous l’objet d’études prolongées; elles
présentaient des travaux consciencieux et considérables, dignes
toujours d’encouragement et d’éloge. Mais pour ce grade le plus
élevé de tous, la Faculté s’est imposé le devoir d’être très-exi
geante, et pour elle il n’a pas suffi de bien faire, il y avait obli
gation de produire des faits nouveaux, des découvertes sérieuses
dans la partie de la science que le candidat avait voulu choisir
et explorer. Aucune de ces thèses n’a pu être admise.
Pour les redoutables épreuves de la Licence, 17 candidats se
sont présentés cette année devant nous. 9 seulement ont été ad
mis :
6 pour les sciences Mathématiques ;
2
»
Physiques ;
1
»
Naturelles.
Nous demandons à la solennité d’aujourd’hui et à l’autorité
de votre présence une récompense pour ces intéressants jeunes
gens en proclamant leurs noms devant vous. Ce sont :
*
- 37 -
MM. Sarret , d’Armàndy , Arlabosse , Dubois , F oex ,
Palmade, pour les sciences Mathématiques;
MM. Godard, Kraft, pour les sciences Physiques ;
Et M. Marion, pour les sciences naturelles.
Pour le Baccalauréat, 224 candidats se sont présentés devant
nous :
155 pour le Baccal1 complet, 73 ont été admis, 82 ajournés.
69
»
restreint, 25
»
44 »
Permeltez-moi d’insister aujourd’hui sur la session de juillet
et août ; les candidats se présentent alors à la fin de l’année d’é
tudes. Cette circonstance donnera pour vous un plus grand in
térêt aux résultats obtenus. La Faculté s’est rendue en juillet à
Alger, à Ajaccio , à Bastia et à Nice. Nous ne dirons qu’un mot
des fatigues q u i, cette année , ont accompagné ce rude labeur.
La Faculté, lorsque les vents, la mer et les bienveillances de la
température sont pour elle, supporte aisément ce travail annuel;
mais cette fois les chaleurs excessives de 1868 ont donné à no
tre tâche un côté pénible, que, malgré une expérience déjà lon
gue, nul de nous n’avait encore connu. Heureusement ces peti
tes misères supportées en commun ont été adoucies par le èharme des relations et d’une vie fraternelle entre les deux voyageu
ses Facultés des Lettres et des Sciences. Elles ont pu aisément
ainsi et sans défaillance s’acquitter du devoir qu’elles avaient à
accomplir , et de la mission de justice qui leur est confiée. Voici
en tableau les résultats obtenus :
�— 38 —
Alger........ 9
Ajaccio__ 10
Bastia . . . . 6
Nice.......... 9
Marseille.. 53
2
4
3
4
15
Admis.
6
3 3
»
3
4
6 32
1
Nombre \
| des présents.
Rejetés I
par l’épreuve I
écrite. [
Rejetés f
par l’épreuve l
orale. 1
Centres
d ’Ex a me n.
Nombre \
des présents. j
Rejetés f
par l’épreuve 1
écrito. ^
1 Rejetés f
par l’epreuvo 1
orale. î
Baccalauréat Complet. Baccalauréat Restreint.
Admis.
2
5
»
2
3
»
2
»
»
»
»
8
4
2
»
»
2
»
»
Les chiffres que ce tableau présente et les notes recueillies
dans chaque centre d’examen permettent d’établir nettement les
résultats suivants : à Alger sur 9 candidats deux ont été éliminés
par l’épreuve orale, \ par l’épreuve écrite et 6 définitivement
admis. Ce résultat est, pour ce centre, supérieur à celui des an
nées précédentes, de plus si on examine les mentions obtenues
on reconnaît pour Alger un progrès notable que nous indiquons
avec satisfaction. Mais cependant à Alger les candidats ne se sont
élevés qu’à la mention bien; il reste donc la mention très-bien
à obtenir, et ce n’est qu’à ce prix que nous accorderons notre
approbation complète.
Pour Ajaccio aussi bien que pour Nice, nous sommes loin de
tenir le même langage. Nous avons d’autant plus le droit de nous
montrer sévères, que nous nous sommes spécialement efforcés
cette année d’établir entre les divers sujets de la composition
une égalité aussi grande que possible, afin de rendre plus aisée
une comparaison entre les candidats de tous les centres d’exa
men. A Ajaccio, sur 15 candidats, 3 seulement ont été admis et
encore avec les notes d’admission les plus faibles. De tout ce que
nous avons vu depuis quinze ans c’est le résultat le plus mau
vais. Ces candidats ne nous ont montré aucunes connaissances
sérieuses : ils savent mal ce qu’ils possèdent et l’expriment dans
un déplorable français. Dans le passé nous trouvions ces jeunes
gens beaucoup mieux préparés et vraiment intéressants parleur
ardeur pour l’étude. Déjà l’année dernière nos reproches com
mençaient, car nous disions d’eux qu’ils n’avaient appris que
précisément ce qu’il fallait pour n’être pas refusés. Cette année
ils ne se sont même pas élevés à cette médiocre hauteur et ils
ont fait la triste expérience des échecs que produisent la molles
se et la négligence dans le travail.
A Bastia les résultats ont été meilleurs : sur 6 candidats 3 ont
été admis, tous avec la mention assez bien. 11 y a là , pour les
sciences, plus de travail et une plus intelligente préparation.
Nice a été pour nous, cette année , la cause d'une déception
profonde. Nous avions dans la dernière session signalé avec bon
heur les succès des candidats de Nice. 11 y avait là , malgré un
passé peu long encore, d’excellentes traditions que nous nous
plaisions à louer. Les examens y étaient bien préparés, les jeu
nes gens au tableau avaient cette tenue aisée qui est déjà l’indice
de la légitime et cependant modeste confiance que donnent de
sérieuses études ; leur élocution était claire, précise et sûre. On
sentait partout une ardeur heureuse, infatigable qui conduit au
succès, et partout d’excellentes notes étaient conquises. Tout
cela a disparu ; aussi notre étonnement a été profond de n’avoir
que du mécontentement à exprimer et de ne pouvoir donner
aux moins mauvais que les notes les plus médiocres, trop indul-
�gentes encore. Nous n’avions jamais vu se produire en aussi peu
de temps un changement aussi radical. Nous avons laissé con
naître que notre justice, à l’avenir, a le droit d’être exigeante et
sévère; elle le sera.
Pour Marseille , nous avons cette année à tenir un langage
tout différent. L’année dernière nous n’avions pas été satisfaits.
Marseille est le plus important de nos centres d’examen , c’est
celui que dessert le plus grand nombre d’établissements d’ins
truction publique de premier ordre. Cette année nous avons à
signaler de plus heureux résultats. Il est vrai qu’il suffit sou
vent pour rendre une session d'examen brillante , de quelques
classes heureuses, bien composées, où l’émulation est vive , les
bons élèves nombreux. Nous avons souvent vu les Lycées, les
Collèges, les pensions même présenter ces circonstances favora
bles qui ont dû cette année se produire autour de nous dans les
établissements qui nous envoient leurs élèves. Pour le Bacca
lauréat complet, sur 54 candidats qui se sont présentés 30 ont
été admis. Dans la première série, par exemple, composée de 19
jeunes gens dont beaucoup portaient l’uniforme de nos Lycées,
11 ont été admis, 5 ont obtenu la mention passable, 2 la men
tion assez bien , 2 la mention bien, et un candidat a réussi à
obtenir la mention très-bien qui est vraiment un phénomène
d’une rareté aujourd’hui sans égale. Nous sommes heureux d’a
jouter que le jeune homme qui a réussi d’une manière aussi
complète est un Elève du Lycée de Marseille, le fils de notre ex
cellent et bien regretté collègue S entis . Cependant, il faut
bien le dire , il y a pour Marseille, dans nos éloges , une om
bre assez vive au tableau. Si nous avons été satisfait pour la ma
jeure partie de nos exigeances scientifiques, notre Collègue de
la Faculté des Lettres n’a pas tenu le même langage à propos
des connaissances littéraires que le programme du Baccalauréat
ès-Siences impose aux candidats. Là nous avons été témoirs de
—
44
—
défaillances extrêmes, et il a fallu souvent et avec beaucoup d’in
dulgence que le juge des Lettres se fît facile pour laisser passer
des candidats placés pour les Sciences à un très-bon rang. Il est
profondément à regretter que les candidats ne comprennent pas
assez cette vérité, pourtant banale et vulgaire, qu’il n’est permis
à personne de se parquer dans une étude et des connaissances
spéciales et exclusives. Les savants, les hommes véritablement
et profondément scientifiques ont tous et toujours été des litté
rateurs distingués. L’esprit manque de sa base d’opération la
plus solide quand il a négligé la culture précieuse et féconde des
Lettres. C’est mal débuter dans la vie que de conquérir un di
plôme d’une manière boiteuse et en négligeant une aussi im
portante partie des connaissances dont il exprime la preuve ; et
ces Lettres si précieuses,qui donnent à l’esprit tant de ressort et
de puissance, ne peuvent être ni omises ni reléguées à un rang
trop secondaire. Elles sont pour les Sciences , ce qu’est pour le
diamant la taille et la monture.
Nous n’avons rien adiré du Baccalauréat restreint pour le
quel les candidats ont été généralement d’une grande faiblesse.
Un seul d’entre eux s’est montré hors ligne et a mérité la men
tion bien. C’est M. P hilippi, le fils d’un ancien chef d’institution
de Marseille.
Il ne me rete plus maintenant que quelques détails à ajouter
pour mettre fin à des paroles déjà trop lonques. Rendre compte
des travaux particuliers de mes Collègues sera la partie la plus
douce et la plus facile de ma tâche.
Notre Professeur de Mathématiques, M. l’abbé Àoust a conti
nué cette année ses études habituelles et favorites. Il a présenté
à l’Académie des Sciences la suite de ses recherches sur les sur-
�— 42 —
faces en général. C’est un travail qu’il poursuit avec persévéran
ce depuis 1850. L’Institut accueille toujours avec une bienveil
lante faveur les mémoires de notre Collègue; et ces recherches
insérées dans les comptes rendus à mesure qu’elles sont pré
sentées , forment dans leur ensemble une théorie nouvelle des
lignes tracées sur une surface. Cette théorie est nouvelle parce
quelle repose sur un élément nouveau auquel l’auteur a donné
le nom de courbure inclinée qui lui sert en môme temps de
principe de solution et de démonstration.
Avec cette publicité donnée à ses recherches, notre Collègue
devait penser qu’il n’aurait pas à défendre et sa propriété scien
tifique et la priorité de ses travaux. 11 n’en a pas été ainsi* et il
lui est arrivé ce que beaucoup d’entre nous ont aussi connu.
Dans les sciences et généralement dans les découvertes un en
fant est souvent revendiqué par bien des pères : voyez la se
maine dernière, mais cette fois les deux pères ont raison ;
voyez MM. Lokyer et Janssen à propos de la découverte des
parties incandescentes de l’atmosphère gazeuse du soleil. Un
jeune professeur d’une Université étrangère a fait connaître à
l’Académie de son pays qu’il avait découvert cette année, en
1868 , les memes choses, cette meme courbure inclinée et les
mêmes formules que M. l’abbé Aoust avait le premier trouvées
et mises en lumière dès et depuis 1850. Nous ajouterons ici
quelques mots pour expliquer peut-être , mais nullement pour
la défendre, cette singulière communication qui s’est produite
à l’étranger. Souvent, nous avons vu des personnes, surtout des
jeunes gens très-laborieux venir nous exposer des études et des
recherches qu’ils croyaient nouvelles; et souvent nous avons
eu à leur répondre , tout ce que vous avez trouvé est fort beau
sans doute, mais déjà, il y a vingt ans, trente ans que tout cela a
été dit avant vous. Consultez donc avec soin les diverses publi
cations scientiliques avant de vous engager dans des voies qui
vous séduisent et qu’à tort vous croyez nouvelles.
— 43 —
Notre Collègue , le Professeur de Chimie a continué aussi ses
travaux et ses recherches de prédilection sur l’électrochimie. Il
a présenté à l’Institut, en février, un premier mémoire sur l’électrolyse. Je me borne pour faire sentir la valeur de ce travail,
à citer textuellement la décision prise à son égard par le corps
savant auquel il était soumis : « L’Académie a décidé que le
travail de 31. Favre, bien que dépassant les limites réglementai
res, serait reproduit en entier dans les comptes rendus. » La
suite de ce travail a été publiée en juin dernier : il est relatif à
l’électrolyse des hydracides. Déjà au mois d’avril, 31. Favre avait
présenté à l’Institut un nouveau calorimètre à combustions vi
ves, et au moment où je parle notre Collègue est candidat pour
une place vacante dans le sein de l’Académie des Sciences où
l’appellent ses belles recherches.
Notre Collègue M. Lespès, à la réunion d’avril des Sociétés
Savantes, a lu des observations sur les mœurs des fourmis et
des clavigères qui vivent en société avec elles. Ces derniers sont
de vrais animaux domestiques que certaines sociétés de fourmis
élèvent seules, tandis que les autres sociétés de la même espèce
les traitent en étrangers. 31. Lespès a publié aussi des recher
ches anatomiques sur le système nerveux des insectes sans yeux:
ce sont pour la plupart des animaux qui vivent dans les caver
nes où règne une obscurité absolue ; non-seulement les yeux
manquent, mais encore les nerfs optiques et la partie du cerveau
d’où partent ces derniers.
Le Professeur de Physique a lu, devant l’Association Britan
nique pour l’avancement des sciences, qui tenait en août der
nier sa séance annuelle à Norwich, la suite de ses recherches
sur l’action que tour-à-tour la lumière solaire et l’obscurité
exercent sur les sels d’argent.
�— 44 —
Notre Collègue de Botanique, M. Derbès, prépare sur les al
gues un travail destiné à paraître en 18C9.
Tel est, Messieurs, indiqué d’une manière rapide l’ensemble
des travaux de la Faculté des Sciences pendant l’année qui vient
de finir.
de
RAPPORT DE MONSIEUR LE DOYEN
la F a c u lté d e s L e ttr e s .
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Le compte rendu annuel des travaux de la Faculté des Lettres
se divise naturellement en deux parties, les cours et les exa
mens. Cette division, qui s’impose d’elle-même, épargne à l’ora
teur les embarras du plan, que Cicéron appelait, d’une expres
sion aussi juste que pittoresque , la charpente osseuse du dis
cours ; mais elle l’expose au péril d’ennuyer ceux qui l’écou
tent. Je ne connais qu’un moyen d'échapper à ce danger, tout
en profitant des bénéfices de mon sujet : c’est d’être court, et
de rechercher , à défaut d’autre m érite, la plus facile et la plus
précieuse de toutes les qualités, la brièveté.
L’année dernière, ma parole était attristée par le souvenir de
deux pertos récentes ; mais aujourd’h u i, bien que le deuil soit
toujours vivant dans nos cœ urs, nous nous sentons consolés et
rajeunis par la présence de nos deux nouveaux Collègues. Aussi
les cours ont-ils été faits avec une régularité soutenue. L’ensei-
�— 46
gnement littéraire, que Marseille nous a demandé depuis huit
ans déjà, a été complété par la reprise du cours de Philosophie
que la maladie de M. Lafaye avait suspendu presque dès le prin
cipe. La puissante cité, que tant de liens rattachent à la nôtre,
et où la science possède des interprètes si habiles, a voulu sou
tenir l’honneur de sa vieille renommée, et rester ce quelle était
autrefois, la maîtresse des arts et des nobles études.
Une nouvelle institution va bientôt solliciter notre zèle. Je
veux parler des Maîtres-Auxiliaires, qui placés au chef-lieu aca
démique, s’y prépareront, dans de bonnes conditions, au grade
de Licencié, et fourniront, pour les Collèges surtout., des maî
tres habiles, fortifiés par de bonnes études, et déjà habitués aux
exigences de la discipline. Nous espérons voir établir bientôt au
Collège d’Aix cette nouvelle et précieus'e institution.
La Faculté des Lettres se réjouit de ce réveil des fortes étu
des, dont le signal, parti de Paris, répété par M. le Recteur dans
tout le ressort de sa vaste Académie, semble nous donner à nousmêmes une vie nouvelle, et un courage qui grandit avec l’éten
due de nos travaux. Les récompenses d’ailleurs viennent soute
nir et solliciter notre zèle. M. Ouvré a reçu de l’Empereur la
haute distinction que l’opinion publique lui avait depuis long
temps décernée à Aix aussi bien qu’à Marseille ; et M. Reynald,
que le baptême d’une nomination provisoire nous avait donné
pour frère, a reçu la confirmation d’un titre définitif. Mes Col
lègues ne me permettraient pas de les louer en votre présence ;
c’est un soin que je vous laisse, Messieurs, et je me contente de
constater votre empressement à venir écouter les paroles qui
tombent de leur chaire. Je remercie, au nom de la Faculté, M.
le Recteur qui a signalé au Ministre le nombre et l’éclat des ser
vices de nos deux Collègues, et M. le Ministre qui a fait droit
aux conclusions d’un avocat qui plaidait leur cause avec l’auto
rité d’un chef, et, qu’il me soit permis de le dire, le dévouement
d’un ami.
L’enseignement de notre Faculté semble prendre faveur , si
nous pouvons en juger par le nombre soutenu et même crois
sant de nos auditeurs. La variété de nos programmes sollicite
toutes les intelligences d’élite, tous ceux qui savent que l’homme
ne vit pas seulement de pain , mais qu’il vit aussi de la parole.
Un exposé rapide de nos travaux suffira, je pense, pour justifier
mon assertion.
Le Professeur de Philosophie s’est occupé de l’histoire de la
philosophie grecque. Il a étudié d’abord la naissance des scien
ces et de la philosophie dans les premières écoles de la Grèce ;
puis, après avoir apprécié l’influence des sophistes et le cara
ctère de l'enseignement de Socrate, il s’est attaché surtout aux
doctrines de Platon. La théorie des idées, l’esthétique platoni
cienne comparée aux systèmes de l’esthétique moderne, la mo
rale de Platon et ses doctrines sur l’immortalité de lam e,ont
formé la matière principale de son cours.
Dans l’année qui va commencer, le Professeur traitera des
principes de la morale et du droit naturel. Il discutera les doc
trines les plus importantes, principalement parmi celles des phi
losophes modernes, sur l’origine des distinctions morales, la na
ture du bien et du mal, la source des devoirs et les fondements
de la justice.
Le cours d’Histoire a été, l’année dernière, rempli tout entier
par l’exposition de deux grands faits : à l’extérieur, la politique
française depuis l’entrée de Richelieu aux affaires; à l’intérieur,
le ministère de Mazarin. Le contraste est frappant entre ces deux
faits. Au dehors, et surtout à partir du moment où la France
entre dans la guerre de Trente ans , notre pays arrive enfin à
l’abaissement complet des deux branches de la maison d’Autri
che, abaissement consacré aux yeux do toute l’Europe par les
deux traités de Westphalie et des Pvrénées ; mais, au dedans, la
�mauvaise administration de Mazarin amène l’explosion de la
Fronde, triste guerre, où les grâces de l’esprit français ne peu
vent voiler qu’imparfaitement l’absence d’esprit politique chez
ceux qui attaquent, et le manque de dignité et de suite chez
ceux qui se défendent .
Les leçons de cette année seront consacrées à la première pé
riode du règne de Louis XIV, aux ministères de Colbert et de
Louvois, et au succès de la politique extérieure de la France
jusqu’au traité de Nimègue, au delà duquel commencent pour
Louis XIV les grandes fautes et les grands malheurs.
Le Professeur de Littérature Française a étudié, cette année,
l’origine et les premiers développements des doctrines exposées
par les principaux écrivains du xvm e siècle. Après avoir montré
dans Saint-Simon le critique éloquent et passionné de l'ancien
ne monarchie , il a signalé l’esprit de réforme qui se manifeste
partout avec une égale force dès la Régence. Ce mouvement,
qui entraîne des esprits chimériques comme l’abbé de SaintPierre et d’Àrgenson, est bientôt régularisé par Voltaire et par
Montesquieu. Agressif jusqu’à l’injustice dans les Lettres Per
sanes, Montesquieu s’élève au rang d’historien dans ses consi
dérations sur la grandeur et la décadence des Romains, et
se prépare ainsi à composer l'Esprit des lois. Ce livre est le
plus beau monument qu’ait encore produit en France l’étude de
la politique et de la législation. La nature des divers gouverne
ments, leurs principes et leurs conditions d’existence, l’affirma
tion d’une justice souveraine , indépendante des caprices de
l’homme et des calculs de la politique , enfin la grandeur de la
liberté, l’organisation nécessaire pour la fonder et la maintenir
dans l’Etat, mais par-dessus tout un amour profond de l’huma
nité , telles sont les vérités que Montesquieu a mises dans une
éclatante lumière. Avec moins de modération et de sagesse, Vol
taire soutient et développe les mêmes idées, ou plutôt il attaque
les théories opposées. Portant l’esprit de doute partout où il est
nécessaire, et même où il n’est plus à sa place, il touche à toutes
les questions qui agitent ce siècle.
Le Professeur continuera cette année-ci l’élude de cette épo
que jusqu’à la fin du xviiic siècle. Tandis qu’il recherchera dans
les œuvres de Voltaire, et surtout dans sa correspondance , les
réformes demandées par lui avec tant de vivacité. Il examinera,
dans Rousseau et ses principaux disciples, la guerre déclarée
par eux, non pas à quelques abus, mais à la société tout entière;
il s’attachera surtout aux livres qui, comme YEmile et le Contrat
social, ont eu le plus d’influence sur cette époque, de manière
à indiquer nettement les principales théories que la France du
xvme siècle avait adoptées ou rejetées au moment de la Révo
lution.
Le Professeur de Littérature Etrangère a exposé l’histoire des
lettres en Angleterre vers la fin du xvme siècle. À cette époque,
la littérature anglaise s'ouvrit une voie nouvelle sous l’influence
des idées qui prévalaient dans une société devenue plus morale
et plus jalouse de ses droits politiques. L’éloquence parlemen
taire grandit, et la presse elle-même, sans rien perdre de sa vi
vacité , s’exprima dans un langage plus appropié aux exigences
des lettrés. C’est l’époque des fameuses Lettres de Junius et des
véhéments pamplets de XVilkes ; c’est aussi l’époque des gran
des luttes oratoires auxquelles prennent part Chatamet Fitt son
fils, Burke et Shéridan. La politique prenait donc largement sa
place dans les lettres. La philosophie pénétrait aussi dans la
poésie , et traitait des sujets tout nouveaux, ainsi qu’on le voit
dans les œuvres de Burns et de William Cooper, ces précurseurs
de Shelley et de Byron. Ainsi, le commencement du xixe siècle,
dans le discours politique, dans la presse, dans la poésie , et au
�— 50 —
théâtre, où un grand orateur fit applaudir son Ecole du scan
dale , avait été préparé par cette forte et ingénieuse génération
d’écrivains, d’orateurs et de poètes, qui ont jeté un vif éclat sur
la fin du xvmc siècle, en Angleterre.
Cette année, le Professeur étudiera, comme il l’a fait pour
l’Angleterre, les lettres italiennes, dans la fin du xvm c siècle. Le
choix de celte époque était indiqué par une véritable et heureuse
révolution de forme et d’idées qui s’opéra dans une littérature
trop dominée jusqu’à ce moment par l'influence étrangère. Tour
que cette littérature devînt nationale , pour quelle se rajeunît,
elle n’avait plus qu’à se vieillir, c’est-à-dire, qu’à remonter à sa
source. Là , elle trouvait Dante , Boccace , Pétrarque. C’est ce
que firent Monti, Parini.Ugo Foscolo, Alfieri, et plus tard Lcopardi et bien d’autres. Cette brillante rénovation littéraire et
philosophique, le Professeur la montrera dans tous ses heureux
développements, depuis Maiïei qui faisait revivre la tragédie an
tique, jusqu’à Monti qui créait le drame moderne ; depuis Frugoni qui faisait aussi revivre l’ode des anciens, jusqu’à Léopardi
qui créait l’ode philosophique et personnelle.
Le Professeur de Littérature Ancienne a terminé l’histoire
des lettres grecques qu’il avait commencée, il y a déjà huit ans.
Il se propose, cette année, de consacrer tout son temps à l’étude
de la littérature latine ; il commencera par le théâtre et s’occu
pera principalement de Plaute et de Térence.
Après cet exposé rapide de nos cours et de nos programmes,
il me reste à vous rendre compte de nos examens : travail aride
on apparence , hérissé de chiffres, mais au fond plein d’intérêt
pour ceux qui se préoccupent de l’avenir de la France; car le
Baccalauréat est une espèce de crible qui sépare la paille légère
de-la bonne graine, et prépare ainsi le recrutement des profes
sions libérales et des fonctions de l’Etat. C’est à ce titre que no
tre statistique doit intéresser les hommes sérieux.
La Faculté n’a fait aucun Docteur. Les thèses, qui sont la
condition de ce grade, continuent à prendre le chemin de Paris,
pour s’y produire sur un théâtre plus brillant. Est-ce un bien,
est-ce un mal ? C’est l’un et l’autre. Toutes les thèses de Doc
teur se concentrant à Paris , il y a plus d’émulation parmi les
aspirants; mais, d’un autre côté, je regrette de voir la province
abdiquer en ceci comme presque dans tout.
Treize candidats se sont présentés pour le grade de Licencié,
quatre dans la session de novembre , neuf dans celle de juillet.
Sur ce nombre, cinq ont échoué aux épreuves écrites, trois aux
épreuves orales ; cinq ont été admis définitivement dans l’ordre
de mérite suivant : session de novembre, MM. Grimanelli, jeune
licencié en D roit, et Magnan , maître répétiteur au Lycée de
Marseille ; session de juillet, MM. Chaudoin , maître répétiteur
au Lycée de Marseille; Doin , professeur des cours spéciaux au
College d’Aix , çt Carbasse, professeur d’histoire au Collège de
Grasse. Espérons que le nombre des aspirants grossira d’année
en année, et que la presque totalité des Professeurs des Collèges
communaux dans notre Académie ne se contentera pas du grade
de Bachelier , preuve suffisante pour un étudiant en Droit ou
en Médecine, pour un surnuméraire de l’enregistrement ou de
toute autre administration , mais insuffisante, à coup sûr, pour
un maître de l’enseignement. La Faculté voit avec plaisir M. le
Recteur faire du grade de Licencié la première condition de l’a
vancement.
Nous voici enfin arrivés au Baccalauréat, ce terrain des gran
des douleurs et des joies inespérées, sans cesse retentissant de
récriminations amères, ou de félicitations quelquefois peu méri
tées; combat , où quelquefois la défaite est sans honte et la vic
toire sans honneur, où l’élève qui a bien travaillé pendant huit
ans reçoit enfin le prix qui est le but suprême de son ambition
�d’écolier; où le paresseux vient essayer d’arriver comme il peut
au milieu d’échecs multipliés. Je rends grâces à la statistique
qui me permet de substituer l’éloquence de ses chiffres à l’inu
tilité des conseils que je donne annuellement aux futurs candi
dats.
Dans l’année classique 1867-68, la Faculté a fait 481 exa
mens. Sur ce nom bre, 242 candidats ont été ajournés aux épreuveS écrites, 35 aux épreuves orales, en tout 277 ajournés.
204 ont triomphé dans les deux sortes d’épreuves, ce qui donne
une moyenne de 43 °/0.
Les notes obtenues par cette phalange d’élite se subdivisent
ainsi. Remarquez, Messieurs, que nos réglements ne reconnais
sent que quatre notes d’admission, très-bien, bien, assez bien
et passable. 11 y avait naguère dans le réglement la note parfai
tement bien. M. le Ministre a jugé avec raison qu’il n’y a rien de
parfait dans ce monde, pas même dans le Baccalauréat, et il a
supprimé celle note fantastique. La note très-bien elle-même
est placée si haut, qu’aucun de nos candidats n’a pu y atteindre
cette année-ci. Les autres ont obtenu: 11 la mention bien,
70 la mention assez bien, 123 la mention passable. C’est dans
cette dernière catégorie que se trouvent les candidats, qui n’ont
obtenu leur diplôme qu’après s’être fait battre plusieurs fois par
notre justice, et sauver une fois par notre indulgence.
Sur les 204 candidats admis, 120 l’ont été à leur premier
examen, 64 au second, 15 au troisième, 4 au quatrième, et un
au huitième. Inutile d’ajouter que ce dernier est passé, non pas
au choix, mais à l’ancienneté.
Nous avons examiné 374 candidats à Àix , 32 à Alger , 30 à
Ajaccio, 28 à Bastia, et 20 à Nice.
Si le réglement nous permettait de rechercher l’origine sco
laire des candidats, il en résulterait une statistique intéressante
sur la force relative des études dans les deux Académies d’Aix.
— 53 —
et d'Alger. Cette statistique serait le supplément complémentaire
et rectificatif des renseignements fournis par le Concours Aca
démique. Mais les candidats ne sont tenus de nous fournir que
deux pièces : l’acte de naissance qui constate leur individualité,
et une déclaration où ils manifestent l’intention qu’ils ont de se
présenter avec le consentement de leur père ; nous ne devons
rien leur demander au delà, et ce qu’ils nous en disent, c’est à
notre corps défendant que nous l’écoutons; mais les lauréats des
Lycées , des Collèges et dés Institutions libres cherchent à nous
faire connaître leurs succès ; les candidats timides, lisez faibles,
se trahissent par le grand nombre de lettres de recommandation
qu’ils ajoutent inutilement aux deux pièces ollicielles, et nous
sommes mis forcément dans bien des secrets. N’importe ! Qu’ils
se présentent tous avec confiance, surtout lorsqu’ils se sont pré
parés d’une manière sérieuse ; ils trouveront auprès de nous
une justice impartiale qui s’inspire du sentiment de nos devoirs,
et une bienveillance qui prend sa source dans notre coeur.
�— 54 —
RAPPORT DE MONSIEUR LE DIRECTEUR
d e l ’é c o l e p r é p a r a t o i r e
do Médecine &
Monsieur
le
de IPlxarmacie.
R ecteur,
Messieurs ,
En présentant ce compte-rendu des travaux et de la situation
de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Marseille , pendant
la dernière année scolaire, je n’ai que des satisfactions à expri
mer.
Chacun de nous, dans sa sphère de travail, a fait conscien
cieusement son devoir, et l’assiduité générale des Elèves a été
pour les Professeurs la récompense de leur zèle.
Je ne donnerai point ici les détails de chaque cours; ce ta
bleau vous offrirait bien peu d’attrait.
Il me suffira de dire que l’Enseignement Dogmatique a mar
ché avec sa régularité et son efficacité habituelles.
Les sujets n’ont pas manqué aux Etudiants pour les Dissec
tions ; si bien que notre Ecole a conservé tous ses avantages
pour les exercices Anatomiques.
Quant aux deux Cliniques de Médecine et de Chirurgie, elles
*
— 55 —
ont offert, par l’abondance et la diversité des cas soumis à notre
observation , un intérêt exceptionnel ; e t , à cette grande école
de l'expérience qui est l’Hôpital, nos Elèves ont pu placer sur
une large et solide base les premières assises de leur instruction
pratique.
482 inscriptions, dont 318 en Médecine et 164 en Pharma
cie , ont été prises, celte dernière année, à l’Ecole de Marseille.
C’est un beau chiffre. La caisse de la ville a reçu , pour ces
inscriptions, 12,020 fr., et le Trésor 2,345 fr. — Si j’ajoute à
là recetlc provenant des inscriptions le produit des examens de
fin d’études, soit 5,531 fr. pour la ville et 7,195 fr. pour l'Etat,
on aura un total de 17,551 fr. versés à la caisse Municipale , et
une autre de 9,540 fr. pour droits acquis au budget de l’Ensei
gnement Supérieur.
Il y a eu , parmi les Elèves en Médecine , 150 aspirants au
Doctorat, et 168 au grade d’Officier de Santé. Ce dernier titre
est de plus en plus délaissé ; on ne saurait s’en plaindre.
Les inscriptions de la Pharmacie nous ont donné 21 candi
dats au diplôme de 1re Classe, et 143 à celui de 2me Classe. C’est
l’inverse, on le voit, de ce qui se passe pour la Médecine. Ici le
mal n’est pas grand. La défaveur qui s’attache nécessairement
au brevet de deuxième ordre est infiniment moindre , et c’est
justice, pour les Praticiens de la Pharmacie que pour ceux de la
Médecine.
78 Elèves , sur 91 inscrits pour les deux catégories d’Etudiants, se sont présentés, du 3 au 10 août, aux examens de fin
d’année.
Cet acte important s’est bien passé. En voici le résultat : sept
mentions très-bien; sept bien; sept ajournements; treize élè
ves absents : trois pour cause de maladie ; dix sans motifs légi
times.
�JNotrc session d’examens de fin d’études, pour la collation des
grades, s’est faite, au mois d’octobre, sous la présidence de MM.
les Professeurs Moutet et Jeanjean, de la Faculté de Médecine et
de l’Ecole Supérieure de Pharmacie de Montpellier.
10 candidats se sont présentés pour le titre d’Ofiicier de Santé;
3I pour celui de Pharmacien ; 2 pour celui d’Herboriste. Il y
a eu 8 aspirantes au diplôme de Sage-Femme.
Bons examens pour les Officiers de Santé ; un seul ajourne
ment. — Epreuve passable pour les Sages-Femmes; une pos
tulante, qui ne savait rien, a été refusée.
Les examens des Pharmaciens ont été aussi satisfaisants; sur
3I candidats , 24 ont été admis. — Les deux Herboristes ont
obtenu leur brevet.
Une grave lacune existait dans notre enseignement : nous
n’avions pas de Clinique d’Accouchcments. 11 pouvait donc ar
river qu’un élève qui terminait chez nous ses études et obtenait
son grade d’Ollicicr de Santé , après avoir justifié, par de bons
examens , de connaissances suffisantes en Médecine et en Chi
rurgie, entrât dans la pratique , uniquement armé de notions
théoriques, et sans avoir vu un seul accouchement.
C’était une situation déplorable; car,sous le rapport des soins
qu’on demandait à son savoir, et au point de vue de sa dignité,
le débutant était exposé à subir de fâcheuses comparaisons; il
pouvait, en réalité, être inférieur à la plus humble Sage-Femme.
La Commission administrative des Hospices, dont l’interven
tion, dans cette affaire, nous était indispensable, n’a pu, malgré
toute sa bonne volonté , placer à l’Hôtel-Dieu la Clinique d’Àccouchements. Elle va l’installer à l’Hôpital de la Conception, où
ce nouveau service fonctionnera, je l’espère, dès l’ouverture de
la présente année scolaire.
Nous aurions beaucoup préféré l’Ilôtel-Dieu, centre d'études
— 57 —
des Elèves, voisin de l’Ecole, de l’Amphithéâtre de Dissection,
des Cliniques de Médecine et de Chirurgie. Mais enfin, même
dans les conditions où elle sera établie, les seules, du reste, qui
fussent possibles pour la Commission des Hospices, la Clinique
Obstétricale peut encore être utile, et nous en remercions vive
ment la Commission.
Nous lui sommes aussi bien reconnaissants de la concession
quelle a faite récemment à nos Etudiants. Par une délibération
du 29 septembre dernier, les Elèves en Médecine, à partir de la
cinquième inscription, sont admis, au moment des visites, dans
les salles de vénériens des deux sexes, dont l’accès leur était in
terdit.
C’est une sage et intelligente mesure qui atteste la hauteur
de vues de l’Administration hospitalière. Nos jeunes gens, sous
toutes les garanties d’ordre, de bonne tenue, que les convenan
ces et la gratitude leur imposent, pourront maintenant complé
ter leur instruction , en étudiant cliniquement cette branche de
la Pathologie qui a trait aux affections syphilitiques, affections
qu’ils ne pouvaient voir , jusqu’ic i, comme les accouchements,
que dans les livres.
L’importance toujours croissante de l’Ecole médicale de Mar
seille et le rang qu’elle occupe parmi les institutions du même
ordre m’inspiraient, en 1860, dans mon rapport au Conseil
Académique, le vœu du dédoublement de la chaire d’Anatomic
et de Physiologie, de la chaire de Pharmacie et de Toxicologie.
Ce désir, qui était depuis longtemps dans ma pensée, est au
jourd’hui une réalité. Nous devons à la générosité de nos Ediles
et à la bienveillante sollicitude de M.le Ministre de l’Instruction
publique la création de deux nouvelles chaires, création qui va
concorder si opportunément avec l’installation, que j’espère as^
sez prochaine, du nouveau local de l’Ecole dans le vieux Palais
de justice.
�Nos besoins moraux et m atériels, mis ainsi en parfaite har
monie, seront pleinement satisfaits.
Que la Municipalité de Marseille et le Chef éminent de l’Université reçoivent, pour ces témoignages de sympathie , l'hom
mage de toute notre reconnaissance.
Le dédoublement des deux chaires que je viens de nommer a
eu pour résultat la nomination de M. Robcrty à la chaire de
Physiologie, et celle de M. Rampai à l'Anatomie; la nomination
de M. Favre à la chaire de Chimie Médicale, et celle de M. Rous
sel. à la Pharmacie et à la Toxicologie.
Celle transformation a été des plus heureuses; tou! en élar
gissant le cadre de notre enseignement, elle a confirmé les suc
cès antérieurs de nos honorables Collègues Roberty et Favre, el,
par une promotion bien justement acquise, récompensé les ex
cellents services de MM. Rampai et Roussel.
La démission de M. le Professeur Barloii, que des intérêts de
famille ont éloigné de nous, a amené un mouvement qui a élé
aussi pour MM. Berlulus et Fabre l’occasion d’un avancement
très-légitime. Le premier, Professeur-adjoint de Clinique interne
depuis douze a n s, a remplacé M. Bartoli dans sa chaire de Pa
thologie , et M. Fabre , suppléant des chaires de Médecine , est
devenu, à la place de M. Berlulus, Professeur-adjoint de Clini
que interne, où son passage intérimaire avait donné la mesure
de toute sa valeur.
L’École exprime ici ses plus vifs regrets à M. Bartoli, au trèsestimable Collègue quelle a perdu et qui ne lui appartient plus
que par les faibles liens du titre de Professeur honoraire.
Elle salue avec joie la bienvenue, à un degré plus élevé de la
hiérarchie, de MM. Bertulus et Fabre.
M. Bertulus est un maître dès longtemps éprouvé; sa nou
velle position dans l’Ecole ne fera qu’affirmer plus complètement
sa profonde instruction.
— 59 —
M. Fabre est un jeune talent, déjà fort apprécié des Elèves,
et qui va grandir en proportion du prix obtenu.
Notre distingué Collaborateur vient de recevoir, dans un bril
lant concours où il a gagné la place de Médecin-adjoint des Hô
pitaux, la consécration de ses premiers succès universitaires.
Je suis heureux de vous annoncer, Messieurs, un fait récent,
d’une extrême importance , et qui place notre Ecole , au point
de vue du recrutement de son personnel enseignant, dans une
situation toute nouvelle et très-avantageuse.
Le concours vient d’être autorisé par M. le Ministre , sur la
proposition de notre intelligent et dévoué Recteur, pour la no
mination à trois places vacantes de Professeurs-suppléants.
Idée libérale et féconde ! Nous devons tous nos remerciments
à Son Excellence pour avoir bien voulu en permettre l’applica
tion.
Date mémorable pour nous I car l’Ecole de Marseille aura
l'honneur d’être la troisième où fonctionnera le concours pour
la présentation des suppléants.
Le concours n’eflïaye que les médiocrités. Espoir des travail
leurs sérieux , il n’aura jamais pour adversaires que les timides
et les faibles. L’institution , sans doute, n’est pas absolument
parfaite ; rien n’est parfait de ce qui sort des mains des hom
mes. Mais on ne pourra nier que le concours, en brisant le res
sort de la sollicitation, toujours importune et audacieuse, en re
frénant les ambitions illégitimes, ne soit le meilleur mode de
nomination pour arriver, au moins, aux premières étapes dans
la carrière de l’enseignement public.
Le concours, sous l’égide de la conscience des juges, je veux
dire avec la plus rigide impartialité pour base , est un moyen
sûr d’évoquer les talents, déjuger les mérites, de discerner les
aptitudes.
�Venez à nous, dirai-je aux jeunes Confrères qu’inspire sin
cèrement l’amour de la science. La noble arène du concours
vous est ouverte. Venez y disputer ce droit si précieux d’ensei
gner aux autres les connaissances qu’on a laborieusement ac
quises !
Quel aiguillon plus vif pourrait stimuler le zèle et l’ardeur
de ceux qu’animent quelques étincelles du feu sacre?
Quoi de plus séduisant que ces glorieux assauts de l’étude,
que ces luttes publiques du travail intellectuel, dont le prix in
estimable est l’initiation au Professorat ?
Venez, leur dirai-je encore, venez, sans crainte, affronter les
hasards du combat. L’enjeu n’est pas pour vous trop considéra
ble. Au seuil de votre carrière professionnelle, à l’aurore de vo
tre réputation , vous n’avez rien à compromettre par un échec
possible , et vous pouvez , par la victoire , conquérir , avec un
grand honneur, de solides avantages I
Ne demandez pas seulement à votre diplôme le privilège de
voir beaucoup de malades et de gagner de l’argent. Tout en ac
ceptant les exigences de la profession ; tout en soignant, honnê
tement et dignement, vos intérêts m atériels, que les besoins de
la vie rendent, en définitive, fort respectables, gardez-vous de
sacrifier au désir de faire bientôt fortune le côté moral et artistique de votre mission ; vous vous priveriez des plus réelles jou
issances qu’offre l’exercice de la médecine.
C’est là , croyez-le bien , qu’est l’idéal de notre art ; c’est là
qu’est sa poésie I
RAPPORT DE M. JOURDAN
P R O F E S S E U R - A B R É G É A LA F A C U L T É
DE
D R O IT
tour le Concours de l’année scolaire 180*7-68.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
Arrivant à la dernière heure et après que la parole a été déjà
donnée , dans cette même séance , à un membre éminent de la
Faculté de D roit, je n’oserais réclamer pour moi une part de
votre attention. Mais je crois pouvoir compter sur l’intérêt avec
lequel vous entendrez proclamer les noms de nos jeunes lau
réats ; e t , quant à la rapide appréciation de leurs travaux , que
je dois vous présenter, j’y mettrai du mien aussi peu que pos
sible.
Les Elèves de p rem ière année avaient à traiter de l'ad
ministration du tuteur quant aux biens.
Le premier prix a été obtenu par M. Moracchini , de SaintLaurent (Corse). Sa composition contient une analyse assez
�complète des prescriptions du Code, l’examen de quelques ques
tions controversées et des solutions exactes ; mais le sujet n’est
pas embrassé dans son ensemble ; les caractères généraux du
pouvoir tutélaire ne sont pas mis assez en relief; et, après avoir
lu M. M oracchini, on se demande encore quelle est la véritable
étendue de ce droit d’administration si large malgré les entra
ves qu’y a mises le législateur ; on ne se rend pas suffisamment
compte du rôle important que joue le conseil de famille dans le
fonctionnement de la tutelle.
Dans la composition de M. Digonnet, qui a obtenu le second
prix , on trouve un peu plus de cet élan , de ces aperçus géné
raux, qui manquent chez M. Moracchini. Au surplus, il procède
à-peu-près de la même manière ; seulem ent, il est moins com
plet, moins exact ; il nous dit, par exemple , que , en règle gé
nérale, toute action s’éteint par dix ans. Je crois que M. Digon
net peut faire beaucoup mieux. Qu’il ne se méprenne pas ; ce
n’est point un compliment que j’entends lui adresser, mais bien
un reproche tempéré par un encouragement.
La Faculté a accordé deux mentions : une première à M. D u
rand, d’Aix (B.-du-R.), une seconde à M. Guez, de Marseille.
Ces deux compositions sont très-loin des deux premières.
Sans doute M. Durand a fait preuve de connaissances assez
étendues; mais l’ivraie foisonne au milieu du bon grain. Des
erreurs graves, sur des points accessoires, il est vrai, des expli
cations inexactes, déparent sa composition ; et je m’aventure un
peu en appelant composition un travail assez mal ordonné , où
l'auteur parle des obligations du tuteur antérieures à la tutelle,
ce q u i, je le suppose , n’est qu’une inexactitude de langage ; et
où , à diverses reprises, il procède de la façon leste que voici :
tels et tels articles sont fort clairs, je n’ai rien à y ajouter.
La nuance qui sépare M. Guez de M. Durand est celle-ci : M.
Guez est moins complet; il a commis une erreur impardonna
ble en rangeant les emprunts parmi les actes pour lesquels l’au
torisation de justice n’est pas nécessaire ; il a enfin le tort, sobre
comme il l’est sur les choses essentielles, de s’étendre sur des
détails insignifiants. Pourquoi, après nous avoir dit que le tuteur
doit réclamer la levée des scellés, ajouter que le scellé est un
petit morceau de papier appliqué contre les serrures des portes,
revêtu de deux sceaux à son extrémité, dans le but de prévenir
tout détournement préjudiciable?
Et fortasse cnpressum
Scis sim ulare : qu id hoc ?
Voici l’importante question proposée aux Elèves de d o m ic
ilie an n ée : De la translation de la propriété immobilière
par l’effet des contrats à titre onéreux sous le Code Napo
léon, et des changements introduits par la loi du 23 mars
1855.
Le premier prix a été accordé sans hésitation à M. Bouvier,
d’Ernbrun, dont la composition se distingue par une vue nette
de l’ensemble du sujet, mérite essentiel dans une matière qui a
subi de nombreux remaniements législatifs depuis la loi du 1 1
brumaire an vii jusqu’à la loi du 23 mars 1855. M. Bouvier
a fait preuve d’un sens juridique remarquable.
Le second prix a été obtenu par M. M a r c a g g i , d’Ajaccio. Il a
bien exposé les principes du Droit Romain et de notre ancien
droit, préambule indispensable pour comprendre noire droit ac
tuel. Il s’est longuement étendu sur l’article 1138 qui proclame
la grande innovation juridique de la transmission de la propriété
par le seul consentement des parties ; mais il a complètement
négligé, ce que M. Bouvier a fait au contraire avec beaucoup de
soin : le tableau des hésitations, des incertitudes, des perplexités
du législateur sur la solution à donner à cette importante ques-
�— fil —
tion ; la propriété qui est transmise entre les parties par le seul
effet du consentement , le sera-t-elle pareillement à l’égard des
tiers.
Le travail de M. L àmotte, de Simiane (Basses-Alpes), qui a
obtenu une première mention, peut être caractérisé d’un mot:
c’est un sommaire assez exact.
M. J ogand, de Marseille , qui arrive le quatrième avec une
seconde mention , a exposé aussi très-sommai rement la ques
tion ; de plus , il a aggravé ce tort en traitant avec certains dé
veloppements une question étrangère à son sujet : la théorie des
risques.
Les Elèves de tro is iè m e a n n é e ont à traiter , dans deux
compositions distinctes, un sujet de Droit Romain et un sujet
de Droit Français.
Le sujet de Droit Romain était l'action paulienne, action
donnée aux créanciers pour obtenir la nullité des actes faits par
le débiteur en fraude de leurs droits.
Le premier prix a etc accordé à M. Roux A chille, de Laroque-d’Antheron (B.-du-R.). Son travail est substantiel et bien
ordonné.
Chez M. Berland, de Semur (Saône-et-Loire), qui a obtenu
le second prix, il y a presque autant de choses que chez M.
Roux , mais les principes essentiels sont moins bien mis en évi
dence. En somme, ce sont là deux bonnes compositions et nous
serions heureux si nous n’avions jamais à signaler chez les con
currents que ces nuances dans le bien qui laissent un instant le
juge indécis.
Une mention a été accordée à M. Jules Brémond , de Mar
seille , qui a assez bien résumé les caractères essentiels de l’ac
tion paulienne et les conditions de son exercice , mais chez le
quel on ne retrouve pas les mêmes développements que chez
MM. Roux et Berland.
La question de Droit Français était celle-ci : Des obligations
de /’acheteur et des droits corrélatifs du vendeur. La Faculté
a distingué quatre compositions dans lesquelles le sujet a élé
convenablement traité.
M. Jules Brémond, qui a obtenu le premier prix, est à la fois
clair, exact et complet. Il a bien marqué , ce qui était un point
essentiel la corrélation entre les obligations et les droits, et il a
convenablement mesuré à l’importance des différentes parties
de son travail l’étendue des développements qu’il leur a donnés.
Le second prix a été décerné à M. Berland q u i, aussi com
plet sur tous les autres points que M. Brémond , s’est contenté
d’indiquer d’un mot le privilège du vendeur non payé , sans en
parler autrement. Le temps lui a manqué , dit-il en terminant.
Au fond, je crois qu’il n’a pas considéré le privilège comme ren
trant essentiellement dans son sujet. Que ne l’a-t-il dit et sou
tenu ? L’acheteur doit payer le prix : quels sont les droits cor
rélatifs du vendeur ? Un droit de rétention : payez-moi et je
vous livre la chose, sinon non ; un droit de revendication s’il l’a
livrée imprudemment ; rendez-moi la chose, dit-il à l’acheteur,
je tiens toujours le marché pour bon , et quand vous serez dis
posé à payer , je serai prêt de nouveau à vous livrer la chose ;
— un droit de résolution : vous ne me payez pas, il ne paraît
pas que vous soyez en mesure de le faire de longtemps , met
tons le marché à néant. Dans tous ces cas la corrélation est sai
sissante. On ne pourrait peut-être pas en dire autant du privi
lège , qui est d’ailleurs une sûreté très-justem ent accordée au
vendeur qui poursuit le paiement du prix.
�Une première mention a été accordée à M. Roux. Je lui re
procherai d’avoir traité en première ligne du privilège , et d’a
voir été insuffisant sur le droit de revendication.
M. Laugier , d’Aix (B.-du-R.), qui a été honoré d’une deu
xième mention, a considéré comme l’objet principal de son tra
vail, l’action en résolution. Il n’a pas présenté d’une façon trèsnette les différences qui existent entre la résolution dont il s’a
git ici et celle qui s’opère par l’effet d’une condition résolutoire
formellement exprimée dans le contrat.
Vous voyez, Messieurs, quel est le caractère du concours ou
vert entre les Elèves des trois années de Licence. Il s’agit de
traiter , sans autre secours que celui des textes, un sujet, sans
doute très-vaste en lui - même , mais qu’il faut nécessairement
resserrer dans un cadre très-étroit lorsqu’on ne peut faire au
cune recherche , et qu’on n’a que quelques heures pour réflé
chir , rassembler ses idées , arrêter son plan et rédiger. Aussi
qu’attendons-nous de nos Elèves de Licence? Qu’ils fassent
preuve d’un certain acquis, de quelque sens juridique. Malgré
la valeur relative de leurs travaux , nous ne pouvons raisonna
blement espérer une œuvre d’une portée sérieuse.
Tout autre est le caractère du con cou rs de Doctorat.
Ici nous nous adressons à des Elèves qui ont parcouru le cercle
entier des études juridiques, qui ont plus d’acquis et de matu
rité. Nous leur proposons une question qui comporte de longs
développements aux divers points de vue de l’histoire, de la lé
gislation, de la doctrine, de la jurisprudence même. Ils ont une
année entière pour traiter ce sujet, ce qui leur laisse un temps
suffisant pour les recherches, pour l’ordonnance du plan et la
rédaction. Nous ne désespérons donc pas de voir se produire,
dans ces conditions, une œuvre sérieuse , ayant en elle une va-
— 67 —
leur absolue remarquable. Plus d’un mémoire couronné au con
cours de Doctorat fait assez bonne figure dans la bibliothèque
du jurisconsulte à côté des écrits des maîtres.
Le sujet proposé cette année aux jeunes Docteurs était celuici : Du régime des eaux qui ne sont pas du domaine public,
en Droit Romain et en Droit Français.
Un seul mémoire a été déposé en temps utile. A défaut d’un
classement à établir entre plusieurs concurrents, chose toujours
facile , la Faculté a dû se demander si le travail qu’on lui pré
sentait, méritait une distinction plus ou moins honorable. Cette
appréciation est toujours délicate. Le juge n’ayant point de ter
me de comparaison qui lui permette de dire ceci est mieux que
cela , doit se représenter ce qu’eût été une composition parfaite
sur le sujet proposé , et rechercher ensuite jusqu’à quel point
celle qui lui est soumise se rapproche de cet idéal. Eh bien ! i\
faut le dire, de ce sujet, si intéressant d’ailleurs, mais si vaste,
si complexe, si chargé de détails, il était malaisé de faire sortir
yne œuvre complètement satisfaisante à tous égards. — Dans
certaines matières , on peut d’un m o t, par une notion précise
d’un rapport juridique , par la force d’une définition exacte,
porter l’ordre et la clarté là où régnaient l’obscurité et la con
fusion; on p eu t, conformément aux règles immuables de toute
méthode scientifique , arriver par une patiente et rigoureuse analyse à une synthèse féconde en principes lumineux d’où dé
coulent comme des conséquences naturelles les solutions de la
plupart des difficultés.
A défaut d’une de ces œuvres magistrales qui frappent l’es
prit par leur belle ordonnance , éclairent la science de clartés
nouvelles et en reculent quelquefois les bornes, nous avions sous
les yeux, dans le mémoire présenté , un travail consciencieux,
fruit de sérieuses études, de patientes recherches, où les pria-
�—
68
—
n u>!
cipes et les textes du Droit Romain , du Code Napoléon et des
lois spéciales qui l’ont complété, sont coordonnés avec soin.
L’auteur n’a point négligé le point de vue politique et économi
que si ditîérent à Rome , au Moyen-Age et dans le temps pré
sent. Il a compris qu’il ne s’agissait point d’une de ces théories
juridiques, qui naissent parfaits d’un seul jet et auxquelles les
siècles n’apportent que d’imperceptibles modifications. Il nous
a montré à chaque pas le droit privé et le droit public, le droit
de chacun et le droit de tous, le droit commun et le droit excep
tionnel , conciliés sinon d’après les règles éternelles du droit,
du moins par des expédients ingénieux et équitables. Les pro
grès de l’industrie agricole et manufacturière ; la substitution
du travail collectif des grandes usines avec leurs puissants mo
teurs au travail individuel et solitaire , fournissent une matière
incessante à l’action législative, à la réglementation administra
tive. De là les plus- graves questions de compétence entre les
tribunaux de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire. Tout
cela a été judicieusement et exactement exposé.
Je n’entrerai pas dans une appréciation détaillée qui serait
sans intérêt ici. La Faculté a pensé, à l’unanimité , que le mé
moire présenté était digne de la première médaille d’or. Je me
permettrai d’ajouter seulement ceci : comme rapporteur, j’ai dû
lire avec soin le mémoire ; je l’ai même relu ; et ce n’a été ni
sans plaisir ni sans profit.
En décernant à M. Coirard , d’Alais (Gard) , la plus haute
des distinctions dont elle puisse disposer, la Faculté a été heu
reuse de mettre d’accord ses sympathies et sa justice. — En
première année, M. Coirard obtenait une modeste mention ; en
deuxième année, le second prix de Droit Français; en troisiè
me année , le premier prix de Droit Romain et le premier prix
de Droit Français. La médaille d’or est le digne couronnement
de ces succès académiques. Pu issent-ils être le gage d’autres
succès dans quelque carrière honorable qu’il honorera certai
nement à son tour s’il suffit pour cela de connaissances solides,
d’un jugement sain , de l’amour du travail et du sentiment du
devoir.
Vous m’excuserez , Messieurs , d’avoir été un peu plus long
que je n’aurais voulu. Quel mécompte c’eût été pour nos jeunes
lauréats si j’avais dû me borner presque à proclamer leurs
noms. Quel légitime orgueil pour eux au contraire , qu’il m’ait
été permis d’entretenir quelques instants de leurs premiers tra
vaux cette illustre assemblée. Mais que dis-je ? Cette jeunesse
en faveur de laquelle je semble faire effort pour vous intéresser,
n’èst-elle pas notre plus grand, notre plus cher intérêt à tous ?
À quelque époque de la vie que nous appartenions par notre
âge, ne sommes-nous pas tout entiers à la jeunesse, par nos sol
licitudes de chaque jour, par nos sympathies, par nos espéran
ces, quelquefois hélas 1 aussi par nos illusions? Au déclin d’une
vie qu’attristèrent de cruelles souffrances, physiques et morales,
et par-dessus tout le spectacle de nos troubles civils, Montaigne
écrivait ces mots charmants : Je desrobbe ma vue de ce ciel
orageux et nubileux que j ’ai devant moi, lequel, Dieu merci
je considère bien sans effroi, mais non pas sans contention
et sans étude, et me vais amusant en la recordaticm des jeu
nesses passées. .. Les ans m’entraisnent, s'ils veulent, mais
à reculons ! autant que mes yeux peuvent recognaistre cette
belle saison expirée, je les y destourne a secousses, si elle échappe de mon sang et de mes veines, au moins n’en veulzje desracincr l’image de la mémoire. — Ne vous semble-t-il
pas, Messieurs, par un heureux privilège de nos fonctions que
nous n’avons en quelque sorte qu’à nous donner tout entier à
l’accomplissement de nos devoirs professionnels, à nous identi-
�RAPPORT DE M. SEUX
P H O F E S 8 E U H * W E € IIK T A lR E
UE
M É D E C IX E
ET
A
1, ' k C O L E
UE
P R É P .IR A T O IH C
P H A R M A C IE
SUR LE CONCOURS DE L’ANNÉE SCOLAIRE 18G7-1868
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
L’homme qui a mission d’instruire la jeunesse éprouve un
vif sentiment de satisfaction dans ces solennités où elle reçoit la
récompense due à son travail. Les distinctions accordées à l’Elève
flattent toujours et surtout réjouissent le Maître. Aussi puis-je
dire que c’est avec bonheur que j’ai accepté la tache que M. le
Directeur a bien voulu me confier.
En effet proclamer le nom des vainqueurs de ces luttes paci
fiques et fructueuses, que l’Ecole renouvelle chaque année, est
une tâche bien douce à remplir.
M. le Directeur qui défend avec tant de zèle et de persévé
rance les intérêts de renseignement et ceux des Elèves, ne laisse
�non plus passer aucune occasion de .faire naître dans le cœur
de ces derniers ce sentiment d’émulation qui est indispensable
à (oui succès et qui le prépare. C’est pourquoi, il a voulu, par
un rapport spécial et public , donner plus d'éclat au triomphe
de ceux que le Conseil des Professeurs désigne comme les plus
dignes. C’est simplement à ma position de Secrétaire du Conseil
de l’Ecole que je dois l’honneur d’avoir été désigné pour faire
ce rapport.
Grâce à la libéralité de l’Administration M unicipale, l'Ecole
de Médecine distribue chaque année des p rix , qui constituent
non-seulement un véritable encouragement au mérite pour le
présent, mais qui peuvent avoir aussi une grande inlluencc pour
l’avenir de celui qui les a obtenus, car ce sont des titres qui ne
sont jamais perdus dans les nombreuses luttes scientifiques aux
quelles sont appelés les praticiens. Les titres antérieurs peuvent
dans un concours faire pencher la balance en faveur de celui
qui les possède et une bonne scolarité a toujours constitué un
titre sérieux.
Aussi, pénétrée de l’importance qui doit être attachée à toute
marque de distinction, l’Ecole soumet-elle les Elèves à différen
tes épreuves pour arriver au classement le plus exact.
C’est d’abord l’assiduité absolue de l’Elève à tous les cours
obligatoires qui constitue un premier titre pour ce classement,
puis les réponses dans les inlerrogations et conférences, enfin
les notes obtenues à l’examen de fin d’année , examen auquel
aucun Elève ne peut sé soustraire.
C’est sur ces trois données que l’Ecole a établi sa jurispru
dence relativement aux prix qu’elle décerne. L’assiduité aux
cours, de bonnes réponses dans les interrogations de l’année, un
bon examen au mois d’août sont des conditions indispensables à
l’obtention d’un prix.
De plus nul n’a droit à un premier prix si, indépendamment
de l’assiduité aux cours, il n’a pas obtenu à l’examen de fin
d’année la note très-satisfait; un bien satisfait, toujours avec
le concours des deux autres conditions, ne donne accès qu a un
second prix, ou une mention honorable.
Cette manière de classer les Elèves a toujours paru à l’Ecole,
supérieure à tout autre m ode, un examen spécial par exemple,
ou un concours; en effet, l’Elève est ainsi jugé d’après ses actes
pendant toute l’année scolaire et rien n’est laissé au caprice du
sort, à la chance comme on le dit dans le langage ordinaire.
L’École, en suivant ces principes, récompense à la fois la bonne
conduite et le talent.
Sous-cette inspiration , le Conseil des Professeurs est arrivé
cette année à décerner les prix dans l’ordre suivant :
É T U D IA N T S
IV
M É D E C LV E
Première aimée.
Lo Jury chargé du classement de ces Elèves a été très-satis
fait. Quatre d’entre eux ont été placés par lui en première ligne,
ce sont : MM. Carivenc, Foëx, Melizan et Uus ; et deux autres
immédiatement après les prem iers, ce sont ; MM. André et
Firmin.
M. André fils et petit-fils de médecin porte un nom très-jus
tement honoré à Marseille , et prouve par ses heureux débuts
dans la carrière, qu’il tient avec juste raison à suivre les bonnes
traditions de sa famille ; l’Ecole par ma voix est heureuse d’en
féliciter le père et le fils.
• Après un examen sérieux des titres de chacun de ces candi
dats, le Conseil de l’Ecole a décerné :
�Un premier prix à MM. Foex et Rus ex-eequo.
Un second prix à MM. C a r i v e n c et M e l i z a n aussi cx-œquo.
Une mention honorable à MM. André et F irmin.
Deuxième année.
Le premier prix a été obtenu par M. L aget qui, l’an dernier,
avait eu une mention honorable et qui prouve ainsi qu’il ne
veut pas s’arrêter en si bon chemin. Du reste, M. Laget est aussi
bon Elève à l’Ecole qu’à l’Hôpital où il n’a pas cessé un jour de
se faire remarquer par son exactitude et par son zèle auprès des
malades.
Le second prix a été accordé à M. L ong.
Aussi l’Ecole a-t-elle accordé un prix à chacun :
Un premier prix à M. Caillol ;
Un second prix à M. S imon.
Joignons nos applaudissements à ceux de l’Assemblée d’élite
dans laquelle nous avons l’honneur de nous trouver , et disons
avec effusion , honneur à la bonne conduite , honneur au mé
rite I 1
Troisième année.
L’École regrette de n’avoir pas à donner de premier prix,
aucun Elève n’ayant obtenu la note très-satisfait ; mais elle a
accordé un second prix à M . V a l l o n q u i, en deuxième année,
avait obtenu une mention honorable. Du reste, M. Vallon a
prouvé qu’il méritait cette distinction par l’obtention récente du
diplôme d’Officier de Santé.
É TU D IA N T*) E N P II A il M A CIF.
Deux Elèves, tant dans le courant de l’année qu’à l’examen,
se sont fait remarquer par leur assiduité et par leurs réponses,
ce sont MM. Caillol et Simon,
■ M
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1871-1872.pdf
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Text
1871-1872
�A cadémie d’A ix
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DF.S FACULTÉS ET DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
��SEANCE SOLENNELLE DE RENTREE
DES FACULTÉS
I)E THÉOLOGIE,
DE D R O IT ,
DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET DE L 'É C O L E D E MÉDECINE ET DE PHARMACIE
En 1869, M. le R ecteur de l’A cadémie d ’A i x ,
voulant donner plus d’éclat à la séance de rentrée par la
réunion des Ecoles d’enseignement supérieur du ressort
académique , décida que cette cérémonie, qui avait eu lieu
jusqu’alors séparément pour les établissements ayant leur
siège à Aix et à Marseille , se ferait désormais en une seule
séance , tenue alternativement dans chacune de ces deux
villes.
L’année dernière , les Facultés devaient se réunir au
�6
chef-lieu de l’Académie; mais les circonstances douloureu
ses que traversait la France ne permirent pas de convier le
^
à cette fête universitaire. La reprise des cours d’ensei
gnement supérieur eut lieu sans aucune solennité.
Cette année, la rentrée s’est faite à Aix, dans les formes
traditionnelles.
Le lundi, 20 novembre, à midi, après avoir assisté à un
service religieux célébré à l’Eglise Métropolitaine, le Corps
Académique , présidé par M. V ieille , Recteur de l’Acadé
mie , prenait place sur l’estrade d’bonneur dressée dans la
salle des actes de la Faculté de Droit.
Un auditoire nombreux avait répondu à l’invitation de
M. le Recteur. La présence de plusieurs dames rehaussait
la solennité de cette réunion d’élite. On y distinguait, par
mi les notabilités locales , M. le Premier Président de la
Cour d’appel ; M. le Procureur Général ; M. le Sous-Préfet;
M. le Maire d’Aix, député a l’Assemblée Nationale ; des
membres de la Magistrature , du Clergé et du Barreau ; des
fonctionnaires de diverses administrations publiques; M. le
Principal et MM. les Professeurs du Collège , accompagnés
des élèves des hautes classes de cet établissement.
L’allocution suivante, prononcée par M. LE RECTEUR,
ouvre la séance :
M esdames ,
M essieurs ,
L’année dernière , à pareille époque , nous n’avons pu nous
réunir. La France traversait de longs jours de deuil : il n’v avait
pas de place pour une séance solennelle de rentrée. La vaillante
jeunesse, qui fréquente nos écoles d’enseignement supérieur,
répondant à l’appel de la patrie en danger, setait en grande
partie dispersée. Elle défendait pied à pied notre sol envahi.
Mais que pouvaient, hélas ! de jeunes légions, mal armées, mal
conduites, contre un ennemi fortement organisé et préparé de
longue main à une guerre d’invasion ! Leurs efforts, dignes
d’une meilleure fortune, ont du moins concouru à sauver l’hon
neur du drapeau.
C’est une consolation pour nous, Messieurs, de pouvoir dire
que, pendant ces temps si m alheureux, l’ordre a constamment
régné dans la population scolaire de cette vaste Académie. Pen-
�dant que les aînés étaient sous les drapeaux, les plus jeunes sui
vaient régulièrement leurs classes. Nos cinq lycées, nos dix-huit
collèges communaux n’ont pas cessé d’être ouverts. Les études
n’ont pas été un instant suspendues ; e t, si elles ont naturelle
ment souffert du trouble général des esprits, elles sont restées
aussi complètes que possible. J ’en ai pour preuve les rapports
que j’ai reçus de MM. les Doyens de Facultés à la suite des ses
sions d’avril et de juillet. Ces documents témoignent que nos
lycées ont soutenu de leur mieux le niveau de ces vieilles études
classiques, dont on médit souvent, mais auxquelles on revient
toujours comme aux sources du beau et du bien.
Voici que des jours meilleurs luisent sur notre pauvre pays,
et déjà un retour de prospérité se manifeste dans la plupart de
nos établissements secondaires : le lycée de Marseille compte
plus de mille élèves ; Nice et Toulon dépassent cinq cents; Avi
gnon et Bastia réparent aussi leurs pertes ; notre collège d’Aix
compte plus de trois cent quarante élèves,et la rentrée n’est pas
' finie.
De son côté, le corps universitaire n’a pas failli à sa mission.
Permettez-moi ici,M essieurs,de rappeler une date: nous étions
au 26 m ars, alors que le Gouvernement venait d’être obligé de
quitter précipitamment la capitale , alors que la Commune pré
ludait à son abominable domination, et que l’émeute commen
çait à gronder à Marseille. Consulté par le’M inistre, j’ai pu ré
pondre avec vérité : Il n’y a pas un défaillant dans nos rangs.
Tous, nous ne reconnaissons qu'un gouvernem ent, celui que
l’Assemblée nationale a institué.
C’est que, si le corps universitaire , fidèle à ses nobles tradi
tions, est le champion né des idées libérales , s’il est toujours
prêt à les soutenir de sa parole et de sa plume , il comprend
aussi que, quand l’ordre légal est attaqué, c’est à sa défense
qu’il faut courir. Car , si la légalité succombe , c’en est fait des
libertés publiques.
Je voudrais, jeunes et chers étudiants, appeler quelques ins
tants votre attention sur un enseignement qui se dégage de nos
récents désastres. La leçon s’adresse à tous, hélas I jeunes ou
vieux ; mais plus heureux que nous, vous saurez, je l’espère, en
profiter.
Un pays ne se sauve que par la force des caractères. C’est de
l’abaissement des caractères qu’est né le Bas-Empire : ses anna
les ne présentent qu’une suite de crimes et de bassesses, à tra
vers lesquels l’anarchie, les guerres civiles et les invasions pro
mènent leurs ruines.
Les caractères ! ils ont été rares dans tous les temps ; mais,
peut-être ont-ils fait défaut, plus qu’à aucune époque de notre
histoire, pendant ces années d’ardentes convoitises, où la glo
rification du succès effaçait
o tout.
La force de caractère est cette qualité de l’àme qui fait la di
gnité de la vie publique, dans la bonne comme dans la mauvaise
fortune. C’est elle qui fait le justum et tenacem propositi virum. Sa devise est : Fais ce que dois, advienne que pourra.
Nous la trouvons chez Michel de l’Hôpital, quand, défenseur
convaincu de la liberté de conscience , il résigne les sceaux de
chancelier plutôt que de souscrire aux attentats prémédités de
Catherine de Médicis. — Chez Achille de Harlay, à la journée
des Barricades, refusant de reconnaître un pouvoir usurpé, et
osant dire au duc de Guise : « C’est grand’ pitié quand le valet
chasse le maître.....mon âme est à Dieu, mon corps entre les
mains des méchants, qu’on en fasse ce qu’on voudra. » — Chez
Malesherbes, adressant à Louis XV ses fameuses remontrances
sur l’accroissement des impôts et la confiscation des prérogati
ves parlementaires ; plus tard, ministre de Louis AVI, s’élevant
�— 10 —
avec son ami Turgot contre les prodigalités de la cour ; enfin,
sortant de sa retraite à soixante-douze ans et bravant l’échafaud
pour défendre , à la barre de la Convention , son malheureux
roi.
La force de caractère brille chez Wasinghton , se démettant
du titre de généralissime , dédaignant les séductions du pouvoir
et rentrant dans la vie privée après avoir fondé l’indépendance
de sa patrie.
Que ces traits de courage civil soient présents à votre pensée,
jeunes et chers étudiants, quand l’heure prochaine des grands
devoirs publics viendra pour vous ! Faites qu’alors on ne dise
pas que les caractères se sont abaissés ! Que la France soit tou
jours la terre du dévouement chevaleresque ! Et nous n’avons
pas pour cela à nous modeler sur les Allemands. Restons Fran
çais. Gesta Dei per Francos !
En attendant que le pays vous appelle à le servir, nous vous
demandons deux choses, du recueillement et du travail.
Du recueillement, car les circonstances sont graves et De
veulent pas d’entraînements irréfléchis. Nous avons une revan
che à prendre : c’est l’esprit de discipline qui en assurera le
succès. Il faut que chacun se fasse une règle à soi-même, au lieu
de compter sur les autres. N’oubliez pas que , dans un Etat dé
mocratique , la responsabilité de l’individu s’accroît en propor
tion de sa liberté.
Du travail, car le pays veut des réformes et non plus des ré
volutions. Or, pour réformer il faut connaître, il faut s’instruire
des besoins de son temps. En ce moment, le travail de réforme
est partout. Des plans s’élaborent en vue de fortifier à tous ses
degrés l’instruction publique. Plusieurs améliorations impor
tantes sont déjà en cours d’exécution dans l’enseignement se
condaire : nous réparons les lacunes que présentaient l'ensei
gnement de l’histoire et surtout celui de la géographie ; nous
donnons une base plus large à l’étude de l’allemand et de l’an
glais.
Etudiants en d ro it, étudiants en médecine , ne vous conten
tez pas d’études purement professionnelles : vous ne seriez que
des spécialistes. Agrandissez votre horizon. Allez aux cours pa
rallèles que vous offrent les Facultés des lettres et des sciences.
Vous y puiserez les connaissances élevées et générales qui feront
de vous des hommes complets.
Et vous, jeunes professeurs et maîtres-répétiteurs qui n'avez
pas encore conquis tous vos grades, allez assiduement aux con
férences qui vous sont spécialement destinées. Nos savants pro
fesseurs de Facultés sont là pour vous frayer le chemin de l’a
grégation.
Plus fortement instruits que vos devanciers,voussaurez à votre
tour propager les saines notionsdela morale individuelleet de la
morale sociale dansces masses populaires qui souffrent,qui s’agi
tent,et que leur ignorance livreà ladésolante contagion du maté
rialisme. C’est une condition de salut public. Avec le suffrage uni
versel, une démocratie ignorante ne serait qu’une démocratie
servile , à la merci des aventuriers, incessamment ballottée de
la démagogie au césarisme.
Il faut donc que l’instruction primaire se répande à profusion
dans le peuple, et qu’elle gagne non-seulement en surface,mais
en solidité. Apprendre aux masses la lecture, l’écriture, les quatre
règles de l’arithmétique, voire même les éléments de l’histoire et
de la géographie de la France, c’est bien, mais ce n’est pas assez.
Montrons-leur le respect de la loi, condition première de sécu
rité et de progrès pour tous ; le travail , fondement de la pro
priété, source légitime du bien-être; le devoir inséparable du
droit. Montrons-leur ce que le sentiment moral emprunte de
force à l’idée de Dieu. Et surtout prêchons d’exemple.
�Vous me pardonnerez, Messieurs, de m’être arrêté à ces gra
ves considérations. J ’ai hâte cependant de rentrer dans le sujet
spécial de la séance. Je cède la parole à nos honorables Doyens,
à qui il appartient de dérouler devant vous le tableau annuel de
notre vie d’étude.
Je leur laisse aussi un pieux devoir, qu’ils n’auront garde
d'oublier devant une assemblée où tant de notabilités sont réu
nies , celui de rappeler les titres à l’estime publique des confrè
res dévoués que la mort ou la retraite viennent de nous enle
ver, et d’exprimer les regrets que leur perte nous inspire.
RAPPORT DE M. 1/ABBÉ BOYER
Doyen de la F a c u lté de Théologie
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Depuis la dernière séance solennelle de rentrée des Fa
cultés de l’Académie d’Aix , la Faculté de Théologie a fait une
perte dont elle veut rappeler ici, tout d'abord, l’amer souvenir.
— Elle a perdu son respectable et pieux Doyen, M. l’abbé Bon
neville 1
M. Bonneville était un vétéran de l’enseignement public : il
avait quarante-trois ans d’exercice, et il appartenait à la Faculté
de Théologie depuis l’année 1838. — Par la modestie de son
âme, l’excellence de son cœur , M. Bonneville était pour nous
tous, un ami ; par son amour de l’étude, par l’accomplissement
�toujours si consciencieux de ses devoirs de professeur, il de
meure, pour nous, un modèle.
M. Bonneville occupait la chaire de Morale. L’enseignement
de cette chaire fut confié à l’un de nos anciens gradués, à M.
l’abbé Bernard. — Ce choix était heureux : il donnait à la Fa
culté un professeur capable, e t, à chacun de ses membres, un
excellent collègue.
Cette année, et par arrêté du Président du Conseil, Chef
du Pouvoir Exécutif, en date du 25 ju illet, M. l’abbé Figuières
et M. l’abbé Renoux ont été nommés titulaires des chaires qu’ils
occupaient depuis tantôt trois ans , à litre de chargés de cours.
Ces deux nominations répondaient à nos désirs : elles étaient
une juste reconnaissance de services déjà longs, et elles atta
chaient définitivement à notre Faculté deux professeurs de mé
rite.
Pendant l’année scolaire qui s’achève , les cours de la Fa
culté ont été faits régulièrem ent, aussi régulièrement qu’aux
jours de paix et de prospérité.
Les leçons du professeur d’Ecriture-Sainte, — de M. l’abbé
Figuières,— ont été consacrées à une étude critique de la vie de
Jésus-Christ. — Exposer la suite des faits d’après la concor
dance évangélique ; chercher dans les monuments si curieux de
la légende chrétienne aux premiers siècles, ce qui peut éclairer
l’histoire si brève de la vie privée du Sauveur; puis, par rapport
à la vie publique, rectifier les erreurs , résoudre les difficultés
en faisant appel aux données de l’histoire générale et de la
science , telle a été la méthode judicieusement adoptée par le
professeur. — Ce sera encore sur ce plan que >1. Figuières
continuera son intéressante étude , pendant l’exercice qui com
mence.
15 M. l’abbé Bayle , professeur d’Eloquence Sacrée , a étudié la
littérature chrétienne en Provence, pendant la première moitié
du Vme siècle. — C’est l’époque où notre Provence jette dans
le monde un éclat littéraire qui contraste avec la décadence que
l’ou voit de toute part. Les écoles de Lérins, d’Arles, de Mar
seille sont des foyers de lumière et de civilisation assez puissants
pour pouvoir lutter bientôt et pendant quelque temps avec suc
cès, contre le flot obscur des Barbares. Les œuvres des écrivains
qui illustrèrent ces trois écoles, ont été analysées. — En étu
diant le grand ouvrage de S‘ Vincent de Lérins, le Commonilorium , le professeur a comparé la règle de foi exposée par ce
maître célèbre,à la théorie de M.de Lamennais sur la certitude,
et, par ce rapprochement ingénieux , il a pu montrer d’une fa
çon plus saisissable comment cette règle de foi n’exclut pas le
progrès, mais est, au contraire, le point de départ réel du déve
loppement scientifique de la doctrine chrétienne. — Cette an
née, M. Bayle traitera de l’Eloquence sacrée en Provence, dans
la seconde moitié du Vme siècle.
Le professeur d’Histoire Ecclésiastique, M. l’abbé Renoux, a
commencé l’histoire de l’Eglise au XVIme siècle. — Le ponti
ficat de Jules II. — Il a raconté les démélés de ce pape et de
Louis XII ; — étudié , dans leurs causes, ces luttes ardentes
qui faisaient alors de l’Italie comme un rendez-vous général des
armées de l’Europe ; — montré, dans l’alternative des conflits
et des trêves, la marche des esprits vers une réconciliation en
espérance définitive , laquelle , pour ce qui regarde la France,
devait trouver sa formule dans une convention qui substi
tuerait un Concordat à la Pragmatique sanction, — le Con
cordat qu’allaient bientôt conclure , en effet, Léon X et Fran
çois Ier. — Avec la politique et la guerre , la réformation , la
discipline, la science occupent aussi les soins de la papauté de
ce temps, et non pas seulement la science religieuse , mais les
�If) —
!• •
belles lettres, mais les beaux arts. En appelant à lui les savants
et les artistes, Jules II favorise cette renaissance intellectuelle à
laquelle son successeurjdoit avoir une si large part. — C’est le
tableau que le professeur[a]retracé avec l’érudition et la sagesse
qui sont familières à son esprit. — Il dira maintenant l’his
toire du règne de Léon X et celle des grands événements reli
gieux quiîs’y rattachent.
M. l’abbé Bernard , chargé du cours de Morale , a donné sa
première année d’enseignement à l’étude des principes fonda
mentaux de la Morale : — Il est une règle morale qui n’est
pas le résultat des conventions humaines , mais qui est fondée
sur la nature des choses, sur la nature de l’homme : c’est la loi
morale naturelle. — Originairement, d’où vient cette loi? —
Cette loi, comme toute lo i, doit avoir sa sanction; d’où émanet-elle ? — En inscrivant la loi morale au cœur de l’homme, le
législateur a-t-il épuisé sa puissance et ses droits ? — Ne peutil p as, ne peut-il plus intervenir dans cet ordre moral naturel
pour l’expliquer, le compléter par des lois positives Telles
sont les questions fondamentales que le professeur a exposées,
discutées avec précision et clarté. — Dans ses prochaines le
çons, il parlera de la constitution et de la législation chrétiennes
de la Famille.
Enfin , le Professeur de Théologie Dogmatique a commencé
et poursuivra l’étude de la Philosophie Chrétienne aux deux
grands moments de son histoire en Europe : XIIIme et WH"'
siècles.
Tels ont été, M essieurs, les travaux de la Faculté de Théolo
gie durant l'année qui finit ; tel est son programme d’enseigne
ment pour l’exercice qui va s’ouvrir. C’e s t, vous le voyez, un
ensemble d’études qui peut olïrir de l’intérêt : d’une part, ces
études touchent à des questions qui s’élèvent, pour ainsi dire,
17
de tous les horizons de l’âme humaine ; e t, d’autre p a rt, ou
s’efforce de les présenter toujours de la façon qui peut le mieux
répondre aux exigences des esprits. Nos leçons ne sont pas des
assauts d’arm es, non plus que des effluves d’invectives contre
les erreurs ou leurs auteurs ; elles sont des expositions toujours
dignes, e t , autant que possible , nourries et concluantes. C’est
un effort commun vers l’harmonie des études religieuses et de
la science , cette harmonie que Platon avait entrevue dans les
pressentiments de son génie , que le Christianisme devait réali
ser,et dont notre Franceen particulier et à trois reprises notam
ment 1 depuis quinze siècles, a donné au monde l’éclatant spec
tacle___ que nous reverrons encore, sans doute !
A côté de cet enseignem ent, la Faculté en a un autre non
moins sérieux, mais destiné spécialement à la jeunesse ecclésias
tique. C’est un enseignement plus didactique qui doit aider les
élèves du Séminaire qui nous écoutent, à acquérir des connais
sances particulières à leur saint état, et qui peut aussi les gui
der, s’ils le veulent, dans les études plus approfondies qu’exige
la préparation aux grades.
Pendant l’exercice 1869-70 (dont le rapport, Messieurs, vous
eût été présenté l’an dernier à pareil jour si les circonstances
l'eussent permis), nous avions eu quarante-cinq inscriptions.
Seize candidats aux grades théologiques étaient entrés en re
lation avec la Faculté pour prendre rang aux diverses sessions.
Sur ce nombre , six durent se réserver pour plus tard ; dix sul One première fois : au sortir des luttes du paganisme (iv* siècle/—
Une deuxième fois : après le laborieux enfantement des sociétés moder
nes (xm* siècle).—Une troisième fois : quand se leva sur le monde notre
grand xvn* siècle !
u
�18
birent les examens et avec succès : cinq d’entre eux étaient ad
mis au baccalauréat, trois à la licence , deux au doctorat. Les
candidats au doctorat dont les épreuves orales et les thèses écri
tes avaient obtenu les sufl'ragesdu jury étaient : M. l’abbéPrévost
et M. l’abbé Barthélemy, d’Aix.
Cette année 1870-71 si pleine de préoccupations et d’angois
ses... ne pouvait être favorable aux études abstraites et spon
tanées; néanm oins, dix-sept inscriptions ont été enregistrées ;
quatre candidats sérieusement préparés, ont été admis à se pré
senter devant la Faculté : deux ont été reçus au baccalauréat,
un à la licence, un au doctorat. Le grade de Docteur était obte
nu par M. l’abbé Cherrier, aumônier de l’Ecole des Arts, d’Aix,
après des épreuves orales vaillamment subies et la soutenance
d’une thèse écrite qui est presque un volume.
Ainsi, Messieurs, notre Faculté accuse sa vie par sa parole et
par ses actes. — Son action par les grades s’étend assez loin,
car les candidats lui viennent de divers côtés de la France; et
le diplôme qu’ils ambitionnent possède , à leurs yeux, cette va
leur réelle d’être une attestation publique de la science acquise
par des travaux sérieux. — Quant à sa parole , la Faculté a la
satisfaction de la voir écoutée avec intérêt par un public d’élite
à A ixetà Marseille. Et si l’on veut bien tenir compte des évé
nements qui se sont succédés, ainsi que du caractère particulier
de notre enseignement, on nous perm ettra peut-être de consta
ter ici et avec bonheur que, d’un bout à l’autre de celte année,
nos leçons ont été suivies par des auditeurs attentifs et calmes,
à l’heure même où, comme à Marseille, l’émeute grondait dans
la rue ! — D’ailleurs, les circonstances extérieures eusseDt-elles
été pour nous, plus ditliciles encore , qu'il nous aurait sulli en
core d’avoir à côté de nous l’exemple de nos vénérés confrères
— 19 —
des autres Facultés, pour que, à l’heure dite, notre tâche aussi
eût été remplie avec le même soin , avec le même cœur. C’eût
été là encore pour nous une manière de servir notre pays.. . .
Car, enfin, si il est vrai que la raison publique ait été avec Mon
tesquieu le jour où il a défini la société idéale1 : « celle qui
» repose sur la vertu; » nous, nous sommes avec lui, quand il
définit cette vertu : « la fidélité au devoir,... l’obéissance aux
» lois,... l’amour de la p atrie ... » . . . surtout au jour de
ses malheurs ! I
1 Esprit des lois , liv. m, ch. 3 : Principe du gouvernement républi
cain.—Et liv. iv, ch. 5.
�wassessa
-
RAPPORT DE M. CABANTOUS
D o y e n de la F a c u l t é de Droit
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Malgré les circonstances douloureuses où la France s’est
trouvée placée, la Faculté de Droit d’Aix non-seulement n'a pas
interrompu son service , mais a même conservé un assez haut
degré de prospérité matérielle. Le nombre total des inscrip
tions, durant la dernière année scolaire, a été de 1,234. Il avait
été de 1,310 en 1869-70, de \ ,315 en 1868-69.
C'est une diminution peu considérable, et l’année qui s’ouvre
promet une reprise des plus significatives. Les inscriptions déjà
prises dans le trimestre courant dépassent 370 , chiffre qui, à
pareille époque , n’avait jamais été atteint. Notre Faculté qui,
depuis vingt ans, a incontestablement le second rang parmi les
21
Facultés de Droit des départements, tend à monter au premier,
l’augmentation numérique qui se produit à Aix coïncidant avec
une très-sensible diminution à Toulouse , par suite de la créa
tion récente de la Faculté de Bordeaux.
Notre contingent habituel d’étudiants s’est accru d’un élé
ment nouveau auquel nous attachons un grand prix,et que nous
tiendrons à honneur de conserver. Une colonie de jeunes Egyp
tiens a choisi la Faculté d’Aix , pour y commencer ou y conti
nuer des études juridiques destinées à resserrer les liens qui
unissent traditionnellement leur pays et le nôtre, et qui, noués
a l’époque de nos gloires, ne se sont pas brisés et ne se brise
ront pas malgré nos malheurs. Que ces étrangers se tiennent
assurés de l’accueil empressé et cordial qu’ils trouveront à Aix,
du zèle que nous mettrons, mes collègues et moi, à leur donner
un enseignement exact, précis , méthodique, qui ne leur fasse
pas trop regretter celui que , dans des temps meilleurs, ils al
laient chercher à Paris.
Le nombre des examens a relativement plus diminué que ce
lui des inscriptions, par la raison bien simple que beaucoup de
nos étudiants ont été distraits de la préparation de leurs épreu
ves scolaires par les exigences du service militaire. Ce nombre
n’a été que de 406 durant la dernière année scolaire. Il avait
été de 506 en 1869-70, de 594 en 1868-69.
Les 406 exam ens, subis en 1870-71 , ont donné lieu à 360
admissions et à 46 ajournements. C’est la proportion ordinaire
d’un ajournement sur huit examens.
Les 360 admissions ont été prononcées ainsi qu’il suit : 20 avec éloge ou totalité de boules blanches, c’est-à-dire avec la note
très-bien ; 173 avec mélange de boules blanches et de boules
rouges, c’est-à-dire avec la note bien; 107 avec totalité de bou
les rouges, c’est-à-dire avec la note assez bien; 60 avec une
boule noire, c’est-à-dire avec la note passable.
�Sur le nombre total de 406 examens , il y a eu 11 examens
de capacité; 210 examens de baccalauréat ; 126 examens de
licence ; 47 thèses de licence; 9 examens de doctorat ; 3 thèses
de doctorat, Par rapport aux années précédentes, la diminution
a été surtout sensible pour les épreuves de licence et de docto
rat , ces deux ordres d’épreuves correspondant à une catégorie
d’étudiants qui a été principalement atteinte par les obligations
militaires que les nécessités de la guerre ont imposées à pres
que toute la jeunesse française.
L’année qui vient de s’écouler, si désastreuse pour la France,
a non moins cruellement frappé la Faculté de Droit d’Aix. La
mort nous a ravi un de nos meilleurs et plus distingués collè
gues. M. de Fresquet, à peine âgé de cinquante-deux ans, a suc
combé, le 27 octobre dernier, aux atteintes de l’implacable ma
ladie qui, depuis cinq ans, usait lentement ses forces, sans alté
rer son énergie morale et sans troubler sa belle intelligence.
Nommé, en 1851 , professeur de droit romain à la Faculté
d’Aix , M. de Fresquet a déployé parmi nous une activité d’es
prit vraiment extraordinaire. Doué d’aptitudes variées, possé
dant une rare facilité de travail, prompt à la compréhension et
non moins prompt à la mise en œuvre, il faisait son cours avec
zèle, conquérait au barreau un rang élevé, rendait d’utiles ser
vices au tribunal de première instance et publiait de nombreux
ouvrages de jurisprudence. Ses écrits embrassent presque tou
tes les branches de la législation ; mais celui de tous qui sera
dans l’avenir son titre le plus sérieux et le plus durable est son
traité élémentaire de droit romain.
Cet ouvrage un peu hâtif, mais plein de sève , a des parties
excellentes, mêlées à d’autres ou faiblement conçues, ou insuffi
samment étudiées. On y rencontre partout l’abondance d’idées, la
fécondité d’aperçus, la clarté et la verve de l’expression. On y
- 23 voudrait parfois une méthode plus sèvère , un style plus précis,
une érudition plus réfléchie, une doctrine plus approfondie. Tel
qu’il est, c’est un bon guide pour les étudiants, un précieux au
xiliaire pour les maîtres.
Les qualités brillantes et communicatives de M
. de Fresquet
se révélaient surtout dans son enseignement oral. 11 captivait
son auditoire par la facilité de sa parole , la lucidité de son ex
position, la variété et l’attrait de ses digressions. Il aimait pas
sionnément la jeunesse, et la jeunesse qui ne s’y trompe pas lui
rendait en affection et confiance ce qu’il lui donnait de zèle et
de dévouement. Elle reportera l’attachement quelle avait pour
lui sur celui de ses fils qui est au milieu d’elle, qui partage ses
études et ses travaux. Les m aîtres, à leur tour, adopteront ce
fils. Ils l'aideront de leurs conseils et s’efforceront de lui faciliter
l’accès de la carrière qu’a honorée son père, et où il trouvera,
avec des souvenirs qui obligent, des sympathies actives qui sou
tiennent et encouragent.
La mort de M. de Fresquet laisse parmi nous un vide difficile
à remplir. Son cours sera fait par un jeune agrégé, M. Laurens,
dont l’esprit investigateur et laborieux convient parfaitement à
l’étude et à l’enseignement du droit romain.
L’un de nos plus anciens collègues, M. Martin a demandé et
obtenu son admission à la retraite. Malgré une santé chance
lante , M. Martin, grâce à son énergie morale et à la sagesse de
son régime , a pu , pendant vingt-sept ans, remplir tous ses de
voirs professionnels avec une régularité et une distinction rares.
Il n’avait été obligé d’interrompre son service que depuis un an
à peine. Nos meilleurs souhaits l’accompagnent dans le repos
qui vient de lui être accordé et qu’il avait si bien gagné. Nous
n’oublierons jamais la loyauté de son caractère, l’aménité de ses
manières, la sûreté de ses relations. Dans sa chaire de code ci
vil , comme aux exam ens, il faisait preuve d’une solidité de ju-
�n —
gement,d’une rigueur de logique,d’une fermeté de doctrine peu
communes. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il y avait acquis des connaissances littéraires très-étendues et une
perfection de méthode qui en auraient fait un excellent juris
consulte écrivain , si son état de santé lui eût permis le labeur
des publications.
La chaire de code civil qu’occupait M. Martin a été conférée
à M. Pison qui abandonne pour elle celle de procédure civile et
de législation criminelle. Ce choix répond au vœu de la Faculté
tout entière, maîtres et étudiants. M. Pison qui, pendant la lon
gue durée de son agrégation , avait été successivement appelé à
enseigner presque toutes les branches de la législation , appor
tera dans l’enseignement qui en forme le résumé et le couron
nement, l’expérience consommée, la rectitude d’esprit, la clarté
d’exposition qui depuis longtemps l’ont classé comme un des
professeurs les plus estimés et les plus aimés.
Notre plus jeune collègue , M. Yigié , nous a quittés pour la
Faculté de Grenoble où le suivent nos regrets et nos vœux. 11
nous a laissé en partant son rapport sur les concours de nos étu
diants, dont M. Laurin a bien voulu se charger de donner lec
ture publique , et où se montrent à chaque page un esprit fin
et pénétrant, un jugement sûr, un style concis et correct.
M. Yigié est remplacé à Aix par M. Naquet auquel il a succédé
à Grenoble, dont l’origine et la famille sont provençales, et qui
nous apporte, avec la garantie de ses succès dans la Faculté d’où
il so rt, la promesse d’un dévouement sans bornes à la Faculté
où il entrera preuve acquise d’une vocation réfléchie pour l’en
seignement , puisque le désir de s’y livrer sans partage l’a con
duit à se démettre d’un poste élevé dans la magistrature deLyon.
Il sera chargé du double enseignement de la procédure civile et
du droit crim inel, que laisse vacant la nomination de M. Pison
à une chaire de code civil.
«U
— 25 —
Nouveaux et anciens, tous les membres de notre Faculté con
tinueront à rivaliser d’ardeur pour le progrès des études et l’en
couragement des étudiants. MM. Jourdan et Laurens ouvriront
des conférences spéciales pour la préparation au premier exa
men de doctorat. Ce sera un sûr moyen de raviver dans notre
Faculté le culte du droit romain , chef d’œuvre de bon sens et
de philosophie pratique, source commune de toutes les législa
tions modernes, et qu’on a le tort en France de beaucoup trop
négliger. Sachons enfin faire un effort généreux pour repren
dre des traditions malheureusement oubliées, pour retrouver les
traces à peu près effacées chez nous de la grande école juridi
que du xvime siècle. Rappelons-nous que Cujas et Doneau ont
été alors les rénovateurs de la jurisprudence , que la gloire de
continuer leur œuvre nous a été ravie par les Allemands , et
qu’il faut reconquérir cette gloire à force d’énergie et de persé
vérance dans les nobles combats de la science , où le triomphe
ne fait couler aucune larme et dont les conquêtes profitent à
l’humanité tout entière.
�RAPPORT DE M. FAVRE
Doyen de la F a c u l t é des Sciences
Monsieur le R ecteu r ,
M essieurs ,
L’année scolaire que nous venons de traverser laissera dans
notre Faculté des Sciences de bien tristes souvenirs. Aux ma
lheurs de notre patrie , si vivement ressentis par chacun de
nous, est venu s’ajouter un deuil de famille ; la mort nous a en
levé un bon collègue dans la personne de M. Morren. Parmi les
professeurs qui furent envoyés à Marseille, à l’époque même de
la création de sa Faculté , il devait être le premier enlevé à la
science , à l’enseignement et à l’affection de sa famille , de ses
collègues et de ses nombreux amis.
Plus tard , et dans une notice qu’il publiera très-prochaine
ment, M. Terquem, le nouveau professur de physique, vousra-
- 27 contera sa vie et vous parlera, avec l’autorité de son talent, des
travaux scientifiques de celui que nous avons perdu. Il vous fera
connaître ses recherches sur le mode respiratoire des infusoires,
sur la propagation de l’électricité dans les gaz raréfiés, sur les
actions de l’étincelle électrique , sur la constitution de la flam
me, etc., etc. Pour m oi, interprète des sentiments de mes col lègues, je n’ai qu’un devoir à remplir , c’est de dire combien
nous l’aimions et combien nous l’estimions pour les qualités de
son esprit et de son cœur, et d’ajouter qu’il a laissé parmi nous
de bien vifs regrets et les souvenirs les plus sympathiques.
Que son successeur, M
. Terquem, soit le bienvenu au milieu
de nous; et puisse l’accueil qu’il trouvera à Marseille le dédom
mager et le consoler, si c’est possible , de ce qu’il a perdu ! En
effet, nos calamités publiques l’ont atteint doublement, en sé
parant violemment de la patrie commune les deux villes où se
trouvaient concentrées toutes ses affections : Metz, sa ville na
tale, et Strasbourg, sa cité d’adoption. C’est dans cette dernière
ville que M. Terquem occupait avec honneur , depuis plusieurs
années, la chaire de physique à la Faculté des Sciences ; et c'est
à la suite de nos désastres que l’administration supérieure l’a
envoyé, avec le même titre , à la Faculté des Sciences de Mar
seille, où il a été accueilli, d’abord, avec toute la déférence que
commandait son mérite , et bientôt avec le sincère attachement
qui était dû à ses qualités personnelles.
Après avoir , au nom de mes collègues, exprimé les regrets
que nous a fait éprouver la perte de M. Morren , et souhaité la
bienvenue au professeur qui lui a succédé dans son enseigne
ment , je viens remplir un autre devoir et vous parler des tra
vaux accomplis par la Faculté des Sciences pendant l’année sco
laire qui vient de s’écouler.
L’enseignement de la Faculté qui, en lui-même, n’a rien pré
senté qui puisse être mentionné d’une manière spéciale , a été
�4TÆMKÊÊÊ.
fait devant un publie moins nombreux que les années précé
dentes. Pouvait-il en être autrem ent, lorsque les esprits étaient
si complètement absorbés par de si cruelles préoccupations !
Les Professeurs ont poursuivi leurs recherches scientifiques,
autant que le leur ont permis les circonstances douloureuses au
milieu desquelles nous avons vécu.
Le Professeur de Mathématiques a publié le tome premier de
son Analyse infinitésimale des courbes tracées sur une sur
face quelconque. Ce livre a été l’objet d’un rapport favorable du
comité des sociétés savantes , et honoré d’une médaille d’argent
décernée par le Ministre de l’Instruction publique , la seule qui
ait été accordée aux ouvrages mathématiques. Le second volume
du même ouvrage a été terminé pendant l’année courante et se
trouve en cours de publication.
Le Professeur de Physique a publié dans les annales de l’Ecole
Normale un mémoire sur le timbre des sons produits par des
chocs discontinus, et en particulier à l’aide de la sirène. Dans
ce mémoire il a donné une théorie nouvelle des sons résultants.
Les Professeurs d’Histoire Naturelle et le Professeur de Chi
mie ont continué leurs recherches , dans la voie que chacun a
choisie depuis un temps plus ou moins long.
Il me reste maintenant à vous parler des grades qui ont été
conférés par la Faculté :
Sur six candidats qui aspiraient au grade de licencié pour les
sciences mathématiques, un seul, M.Béthous, maître répétiteur
au Lycée de Marseille , a été admis avec la mention bien. Sur
deux candidats qui se sont présentés pour subir les épreuves de
la licence es-sciences physiques , u n , M. Foex, étudiant en mé
decine^ été admis.
141 candidats se sont présentés pour le baccalauréat complet,
et 59 pour le baccalauréat restreint.
Dans la première catégorie , il y a eu 80 ajournements et 61
admissions, dont 1 , avec la mention très-bien obtenue par M.
Roche, élève du Lycée de Marseille ; 2 , avec la mention bien,
accordée à MM. Sanguinetti, de Nice , et André Fouet, de Mar
seille; 16, avec la mention assez bien, et enfin 42 , avec la
mention passable.
Dans la seconde catégorie , il y a eu 40 ajournements et 19
admissions : dont 1, avec la mention bien , accordée à M. Gi
raud ; 7, avec la mention assez bien, et enfin 11, avec la men
tion passable.
Vous le voyez, Messieurs, les résultats obtenus sont bien loin
d’être satisfaisants. Jamais la Faculté n’en a eu de plus tristes à
enregistrer depuis sa création. Comment expliquer de tels in
succès ? Quelle est la cause d’un pareil affaiblissement ?
Depuis longtemps, déjà , on entend formuler des plaintes au
sujet de l’état de décadence où semblent être tombées l’Instruc
tion et l’Education de la jeunesse. Partout on dit et on répète
trop souvent : Les idées morales s’affaiblissent ; la discipline
s’énerve ; le niveau des éludes s’abaisse. Ces plaintes vous se
raient-elles applicables, cette année surtout, jeunes gens de nos
provinces du Midi ? Cependant vous n’avez point eu à souffrir
directement des rigueurs de l’invasion ; vous avez été également
dispensés, en raison de votre âge , de contribuer personnelle
ment à la défense du pays , à laquelle, cependant, quelques-uns
de vous ont généreusement concouru , en devançant son appel,
et le récit même de nos désastres nationaux devait vous rappeler
plus efiicacemcnt et plus énergiquement au sentiment de tous
vos devoirs. Assurément,et avec raisonnes grandset beaux noms
de droit et de liberté sonnent agréablement à toutes les oreilles;
mais, il ne faut pas l’oublier, vous ne pouvez réclamer des droits,
qu’à la condition d’avoir rempli vos devoirs, et vous ne pouvez
prétendre à la liberté qu’à la condition d’être disciplinés. Sans
�— 30
morale et sans discipline , il vous serait impossible d’acquérir
les qualités qui font les citoyens utiles, et de concourir à la ré
génération de cette France que nous aimons tous, et qui fonde
sur vous l’espoir de destinées meilleures.
D'où vient cette décadence de la discipline et des idées morales
qu’il ne faut pas attribuer seulement aux agitations du dehorset
au trouble général des esprits et de vos jeunes cœurs? Trop sou
vent, pour se débarrasser d’une responsabilité dillicile à porter,
on accuse l’Etat et les Etablissements universitaires, et cela,lors
qu’il serait beaucoup plus équitable d’accuser la famille ellemême , car les jeunes gens ne sont pas seuls coupables. Avant
d’incriminer les m aîtres, les parents doivent se demander s’ils
ont bien rempli, en ce qui les concerne,la tâche paternelle. Ontils apporté à la première éducation de leurs enfants tous les
soins convenables ? Se sont-ils appliqués à développer, dans leur
esprit et dans leur cœur, le sentiment du bien et du devoir, du
travail et de la discipline? Se sont-ils surtout préoccupés de
donner à leur fils ces exemples d’une vertu qui ne se dément
jamais, et qui n’a nulle part plus d’influence que dans l’intimité
du foyer domestique?
Mais pourquoi insister davantage , alors que , revenus à des
jours moins tourmentés , chacun va se recueillir et se bien pé
nétrer des devoirs qu’il est appelé à remplir; alors que les pères,
instruits mais non abattus par nos malheurs,sauront dire à leur
fils tout ce qu’attend d’eux la génération qui s’en va, et que les
fils, justement fiers de la tâche qui leur est imposée et impatients
de l’accomplir , sauront obéir à la loi du travail et de la disci
pline, afin d’acquérir la science, l’honneur, la dignité et la vertu
sans lesquels il ne saurait exister ni de bons citoyens, ni une
grande nation.
RAPPORT DE M. RONAFOUS
Doyen de la F a c u lté des L ettres.
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Les travaux de la Faculté des Lettres ont régulièrement
continué pendant le cours de l’année classique qui vient de
finir. Le nombre de nos auditeurs n’a pas diminué. Bien que
les étudiants en d ro it, auxquels les règlements universitaires
imposent le devoir d’assister à nos leçons, aient été, pour la plu
part, appelés sous les drapeaux, nos auditeurs libres, les hom
mes de tout âge et de toute condition, sont venus en plus grand
nombre que dans le passé s’asseoir autour de nos chaires, et
combler le vide causé par le départ des jeunes gens. Au milieu
des tristesses de la nation, l’étude des Lettres a été, comme tou
jours , la grande consolatrice des âm es, et les cœurs ont trouvé
�une nouvelle force dans les leçons de l’histoire, et dans les gra
ves enseignements de la philosophie.
Maintenant que le calme s’est fait dans les esprits troublés, et
qu’un gouvernement réparateur , issu du suffrage universel,
c’est-à-dire, des entrailles même de la nation, cherche à relever
les ruines accumulées par la guerre étrangère, et aussi, hélas!
par nos discordes civiles, il est de notre devoir à tous de faire
un sérieux retour sur nous-mêmes , de prendre des habitudes
plus dignes , et de demander , non à des distractions frivoles,
mais à un travail opiniâtre et à la pratique de toutes les vertus
civiles, une force nouvelle et de nouvelles espérances.
Ces réflexions s’adressent surtout à la jeunesse de nos écoles.
Qu’elle écoute les conseils de notre expérience , afin de ne pas
subir plus tard les leçons de ce maître dur, inflexible , que l’on
appelle le malheur. Nous les prions de ne rien enlever au temps
qu’ils emploient ou qu’ils sont censés employer à leurs études
juridicjues ; nous leur demandons seulement de consacrer aux
belles-lettres quelques-unes de ces heures de loisir, que les La
tins appelaient subsecivœ, et entre lesquelles Horace veut par
tager son temps dans sa villa de Tibur,
Nunc veterum libris. nunc somno et inerlibus horis.
Ces heures inertes, ainsi employées, seront plus tard le soutien
de leur éloquence quand ils débuteront au barreau, et, pendant
toute la vie, la plus élégante distraction de leur esprit.
Mes collègues et moi, nous nous sommes toujours inspirés de
la pensée que nous devons, à la fois, être utiles à la jeunesse de
nos écoles et réveiller les souvenir de ceux qui savent, lndocti
discant et ament meminisse periti : vers admirable, dont l’au
teur est inconnu , que nous avons adopté pour devise , et que
nous voudrions faire inscrire sur la porte de notre Faculté.
Ecoutez, en effet, la rapide analyse de nos travaux dans le cours
— 33 —
de l’année classique 1870-71 , et le programme des leçons que
nous nous proposons de faire cette année-ci.
Le Professeur de philosophie a commencé, l’année dernière,
l'histoire de la philosophie moderne; il a exposé et discuté les
doctrines de Bacon , de Descartes et de Spinoza. Il continuera
cette année l’étude de la philosophie au xviiœe et au xvnim* siè
cles. Il cherchera en quoi ces deux grandes époques de la pen
sée diffèrent l’une de l’autre, et en quoi elles se ressemblent ; il
montrera com m ent, en suivant des routes diverses, elles ont
contribué également au progrès de l’esprit humain.
Le Professeur d’histoire qui a poussé son cours de l’année
dernière jusqu’au traité de Nimègue, point culminant du règne
de Louis XIV, traitera, cette année, de la décadence de ce même
règne, et s’attachera à montrer par les faits qu’il est impossible
à un homme, quand il ne voit que lui dans l’Etat, quand, séduit
par une dangereuse et fausse unité , il a tout nivelé autour de
lui pour paraître plus grand, de ne pas fléchir à la longue sous
la responsabilité qu’il s’est imprudemment créée, et de gouver
ner avec succès pendant toute sa vie. Louis XIV vieilli, trahi
plus encore par lui-même que par la fortune , expie durement,
à la fin de sa carrière , l’orgueil et l’ambition de ses premières
années. La France,sans l’avoir mérité, les expie avec lui,et plus
durement encore.
Le Professeur de littérature ancienne a exposé l’année der
nière l’histoire de la civilisation grecque jusqu’à Homère et Hé
siode inclusivement. Il continuera, cette année-ci, le même su
jet, en s’attachant surtout à construire l’histoire de cette civili
sation , dans les époques ultérieures, au moyen des documents
fournis par les poètes. Dans les leçons consacrées à l’interpréta
tion des textes grecs et à la philosophie, le Professeur expli
quera, dans l’intérêt des candidats au baccalauréat et à la liceniii
�ce, YÂjass de Sophocle et la seconde partie du Gorgias de
Platon.
Le Professeur de littérature française avait pris pour sujet de
son cours: Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand et Mraede
Staël. Ces trois écrivains marquent nettement la transition en
tre la littérature du xvm me siècle et celle de notre époque. Tous
trois ont subi l’influence de Rousseau ; mais chez les deux der
niers, cette influence a été modifiée par les résultats de la révo
lution française.
Bernardin de Saint-Pierre em prunte à Rousseau un vif amour
de la nature et une défiance profonde de la société. S’il a pu
écrire une charmante idylle , c’est à la condition de la placer
dans un désert. Paul et Virginie vivent heureux parce qu’ils
sont ignorés ; leurs malheurs viennent de l’Europe et de la so
ciété.
Avec plus d’imagination que Bernardin de Saint - Pierre,
Chateaubriand débute comme lui : il aime la nature et les sau
vages, même après les avoir vus. Mais les suites de la révolution
française changent bientôt le cours de ses pensées. Après avoir
beaucoup souffert, les hommes sentent la nécessité de tourner
leurs regards vers le ciel ; certaines douleurs ne peuvent se con
soler que dans la religion ; la philosophie ne leur suffit pas. Tels
étaient les sentiments de la société française au début de ce siè
cle ; le premier Consul et Chateaubriand le comprirent en mê
me temps ; ils s’en emparèrent avec un égal bonheur, l’un pour
servir les intérêts de sa politique, l’autre pour arriver à la roy
auté littéraire ; le Concordat et le Génie du christianisme pa
rurent à la même date. Dans ce livre où l’on sent l’artiste en
core plus que le croyant, Chateaubriand déploie un merveilleux
talent pour montrer les beautés de la religion chrétienne; il a
d’admirables descriptions, des jugements littéraires très-remar
quables, et il serait presque toujours dans la vérité , s’il n’avait
- 35 voulu immoler au christianisme le génie de l’antiquité. Quoi
qu’il en soit, le Génie du Christianisme a réussi ; il fonda la
gloire de Chateaubriand , et lui donna dans les lettres un rôle
qu’il dut garder jusqu’au bout ; il resta toute sa vie, au moins
pour le public, l’auteur du Génie du christianisme.
Mme de Staël a surtout recueilli dans l’héritage de Rousseau,
avec la vivacité des sentiments , les ardeurs de la passion politi
que, et l’amour de l'humanité poussé jusqu’à l’illusion; elle
loue la révolution française , même lorsque son père en est la
victime ; elle défend le progrès contre Chateaubriand , et la li
berté contre l’Empereur qui l’exile. Trompée par son imagina
tion, elle fait les hommes et le peuple meilleurs qu’ils ne le sont
en réalité. C’est ainsi quelle nous peint une Allemagne idéale,
bien différente , hélas ! de celle que nous connaissons aujour
d’hui; mais par son enthousiasme, par ses illusions mêmes, elle
appartient à la littérature de notre époque; elle partage avec
Chateaubriand la gloire de l’avoir longtemps inspirée.
Le Professeur se propose , celte année , d’exposer les princi
pales époques de la littérature française.
Ce que j’ai à dire du cours de littérature étrangère, vous l’é
couterez avec d’autant plus d’intérêt, Messieurs, que c’est pour
la dernière fois que je parle de l’enseignement de M. Méry.
Notre cher collègue nous quitte. Après vingt-cinq années de
professoral dans notre Faculté, cédant aux fatigues d’un travail
plus pénible qu’on ne pense , et qu’il a soutenu avec autant de
constance que d’honneur, il a demandé et obtenu son admission
à la retraite. Son zèle était encore le même; sa brillante imagi
nation ne se ressentait nullement des atteintes de l’àge , et il
aurait pu quelque temps encore rester auprès de ses collègues,
dont l’affection lui reste tout entière. Mais les années qui se re
tirent emportent avec elles beaucoup d’a\antages, comme l’a re
�marqué Horace ; et lorsqu’elles ne peuvent entamer une intel
ligence aussi vive, aussi jeune que l’était celle de notre collègue,
elles s’en prennent au corps et usent le fourreau à défaut de la
lame. M. Méry l’a compris, et il a pensé à la devise qui sera un
jour celle de nous tous : post negotium, otium.
Heureusement, il nous reste une consolation. M. le Ministre
de l’Instruction publique , auquel M. le Recteur de notre Aca
démie a fait connaître nos profonds et unanimes regrets, a con
féré à M. Méry le titre de Professeur honoraire. Grâce à la déli
cate pensée de M. le Recteur et à la bienveillante justice de M.
le Ministre , ce nom de M éry, que tant de titres recommandent
auprès des amis des lettres françaises, restera sur notre afliche
comme un honneur et un souvenir précieux.
La bienveillance de M. le Ministre est allée encore plus loin.
Pour nous conserver M. Méry autant que faire se pouvait, M. le
Ministre a choisi son rem plaçant, ou plutôt son continuateur,
dans sa propre famille. M. Benoist nous arrive, précédé d’une
réputation de philologue qui s’est déjà répandue au delà des
frontières de la France, et que justifient des publications de la
plus haute importance. Qu’il soit le bien venu parmi nousl
Qu’il prenne sa place parmi des collègues qui vivent entre eux
comme de véritables frères, dans une famille où règne le senti
ment du devoir, et où il n’y a d’autre compétition que le zèle
que chacun apporte au progrès des études.
C’est de la littérature anglaise que M. Méry s’était occupé
l’année dernière ; il avait pris pour sujet de son cours, le Ro
man anglais. Il s’était attaché à signaler les différences carac
téristiques entre le roman anglais et celui des autres peuples,
depuis l’époque où l’on s’est écarté dans sa composition des tra
ditions légendaires ou chevaleresques du moyen-âge , et qu’au
lieu d’être une sorte d’épopée populaire, le roman a cherché à
peindre les mœurs contemporaines. En Angleterre, surtout de
puis le Gulliver de Swift et le Robinson de Daniel Foë , le ro
man a voulu être une œuvre d’action et d'utilité ; il s’est res
senti de l’énergie, de la ténacité de la race saxonne et du senti
ment de l’individualisme.
M. Méry se proposait, cette année-ci, de faire l’histoire litté
raire du xvime siècle en Italie. M. Benoist, son successeur, a
voulu se rapprocher de ce programme ; il nous parlera des his
toriens italiens ; étude à laquelle ne manqueront ni l’intérêt du
sujet, ni l’aptitude du maître , car M. Benoist a publié sur l’un
de ces historiens, Guicciardini, un ouvrage plein de critique et
de consciencieuses recherches.
Les cours de la Faculté des Lettres à Marseille ont été faits
d’une manière régulière , malgré les troubles qui agitaient les
rues de la grande cité. Le nombre de nos auditeurs a été à peu
près le même ; il ne nous a manqué que les jeunes gens appelés
sous les drapeaux et dont les études avaient été brusquement
interrompues. Pendant que l’émeute grondait, les amphithéâ
tres de la Faculté des Sciences réunissaient un auditoire attentif
et bienveillant que le talent de mes collègues a su fixer autour
de leurs chaires. Spectacle qui nous aurait consolés si nous avions pu l’être , et qui rappelait à notre esprit ces temples se
reins dont parle Lucrèce, élevés sur la montagne par la Sagesse,
au dessus des passions qui s’agitent dans la plaine.
Il me reste maintenant à vous présenter b statistique dou
loureuse de nos examens de baccalauréat et de licence, au mi
lieu desquels nos malheurs ont naturellement produit un cer
tain désordre. Il y a eu diminution dans le nombre des examens
et dans la proportion des candidats admis. 573 candidats s’é
taient présentés dans le cours de l’année classique 1869-70 ; il
ne s’en est présenté que 471 l’année dernière: diminution 102.
La proportion des candidats admis n ’a été que de il, 18 °/0.
�— 38 —
Mais le déchet a été surtout considérable dans la qualité des
mentions obtenues par les candidats. Nous n’avons accordé
qu’une seule fois la note bien; et cette note a été obtenue par le
jeune Blanchard, élève du Lycée de Mareille. Les autres établis
sements des Académies d’Aix et d’Alger se sont partagé 31
mentions assez bien. Au dessous viennent 162 candidats qui
n’ont obtenu que la mention passable, que nos règlements of
frent comme une planche de salut aux candidats que notre bien
veillance juge suffisant ment préparés ; ce qui fait 194 can
didats admis sur 471.
Ce résultat est loin d’être satisfaisant, je l’avoue. Il s’expli
que bien en partie par le trouble que la situation politique a
jeté dans nos études. Mais il y a d’autres causes plus directes,
telles que l'affaiblissement général des caractères, et la perte
presque totale de la discipline domestique. Le père de famille
se désintéresse trop dans l'éducation de ses enfants. Ceux qu’il
a chargés de les élever ont beaucoup de peine à lutter contre
les faiblesses du père et de la mère , qui autorisent tout chez
eux, et qui s’ingénient à trouver des prétextes pour excuser les
désordres et la paresse de leurs enfants.
Il est une autre cause que je tiens à signaler ; c’est la déplo
rable témérité des élèves de la classe de rhétorique, qui se
croient prêts pour la lutte avant d’avoir fait leur philosophie, et
qui viennent se faire battre à outrance. Voici leur histoire, et je
parle même des bons élèves. Suffisamment préparés pour le dis
cours latin et la version , ils sont incapables de faire une passa
ble dissertation de philosophie ; ils y obtiennent presque tou
jours la note mal; même résultat pour l’épreuve orale de phi
losophie, pour la physique et la chimie , et pour l’histoire con
temporaine , matières qu’on ne prépare que dans le cours de
philosophie. Voilà donc quatre notes moi ; or trois suffisent
pour l’ajournement. Que les candidats soient bien convaincus
qu’il ne suffit pas de balbutier quelques mots de la langue phi
losophique , sans en comprendre le sens, pour traiter ex professo une question spéciale de cette science difficile, qui éclaire
et domine toutes les autres. Qu'ils soient bien convaincus aussi
que la physique , la chimie et l’histoire contemporaine veulent
être étudiées sérieusement, et qu’on ne les apprend pas du tout,
en leur consacrant seulement quelques heures perdues, déro
bées sans profit au cours de rhétorique. Puissent ces observa
tions arriver jusqu’à Alger, où nous trouvons chaque année un
peloton de candidats irréguliers, qui ont plus de courage que
de force, et qui tombent au premier feu.
J’aurais encore beaucoup de choses à dire sur le grec , sur
l’histoire et sur la géographie , sur la géographie surtout, où
l'on nous fait les réponses les plus fantaisistes,et même les plus
absurdes. Mais je sais qu’on prépare sur ces matières des réfor
mes que l’expérience a rendues nécessaires, et, pour le moment,
j’aime mieux n’en rien dire.
La licence n’a pas été plus heureuse que le baccalauréat. Sur
douze candidats qui se sont présentés dans les sessions de no
vembre 1869 et de juillet 1870, trois seulement, MM. Bouvier,
Guignard et Roux, ont été déclarés admissibles avec la mention
assez bien. Ici du moins, dans une épreuve si difficile, on peut
tomber sans déshonneur. Que les jeunes maîtres qui aspirent à
ce grade travaillent sans défaillance ! La Faculté sera heureuse
de pouvoir récompenser leurs efforts.
De cet exposé faut-il conclure que tout est à refaire dans no
tre système d'instruction publique? Non, Messieurs , défionsnous des mesures radicales, en France surtout, où l’on est si
habile et si prompt à détruire, au risque de ne rien mettre à la
place de ce qu’on renverse. Contentons-nous d’améliorer ce que
nous avons déjà. Emondons l’arbre, mais ne portons pas la ha-
�chc snr les racines. N’imitons pas l’agriculteur mal avisé qui
creuse profondément pour restaurer une terre épuisée , et qui
ne fait que ramener à la surface un sous-sol froid et infertile,
qui répugne à toute culture.
RAPPO
RT D
EM
. C
O
STE
d irecteu r de l’E c o le préparatoire
de M éd ecin e e t d e P h arm acie.
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
L’Ecole de Médecine de Marseille fonctionne d’une manière
trop régulière , pour que des changements notables puissent se
produire d’une année à l’autre dans la marche des travaux;
aussi mon rapport, pour l’année 1870-71 , ressemblera-t-il
beaucoup à ceux des années précédentes, et il n'y a pas lieu de
s’en plaindre puisque ceux-ci constataient une situation des
plus satisfaisantes.
11 a été pris 50G inscriptions réparties comme il suit :
iv
�— 42 —
Doctorat......................... 194
Ofticier de santé............. 160
Pharmacien de 1re classe. 12
— de 2me classe. 140
Nombre des élèves admis............................. 18
—
ajournés......................... 4
Total........ 506
T o ta l.... 22
Tous les cours ont été régulièrement faits malgré les tristes
circonstances que nous avons traversées, et je ne puis que louer
le zèle des professeurs. Seulement le nombre des élèves présents
n’a pas été considérable pendant le premier sémestre.
Les examens de fin d’année ont été généralement bons, et le
nombre des ajournements que l’Ecole a dû prononcer est peu
considérable , quoique le niveau des études ait été maintenu à
une hauteur convenable.
ÉLÈVES
Ve année.
EN
MÉDECINE.
ISombre des élèves adm is........ 24
—
ajou rn és... 1
Total___ 25
2me année. Nombre des élèves adm is
20
—
ajou rn és... 7
T o ta l.... 27
3m année. Nombre des élèves adm is
1°
—
ajo u rn és... 2
T o ta l.... 12
— 43 —
ÉLÈVES
EN PHARMACIE.
La session d’examens pour les candidats au grade d’officier
de santé et les aspirantes au diplôme de sage-femme a eu lieu,
sous la présidence de M. le professeur Boyer. Sur 16 candidats
inscrits, 13 ont été adm is, et 3 ajournés. Ces examens ont été
satisfaisants. Un candidat que je suis heureux de nommer,
M. Bus, l’un de nos meilleurs élèves a meme obtenu la mention
très-bien à ses trois examens.
Il y a eu pour le certificat d’aptitude de sage femme cinq ad
missions et un ajournement.
Les aspirants au titre de pharmacien de deuxième classe ont
été au nombre de 32 , dont 31 adm is, et 1 ajourné au premier
examen. Ces épreuves ont été très-satisfaisantes.
Un herboriste a été admis avec la mention très-bien.
Après cette énumération rapide des principaux faits qui se
sont accomplis à l’Ecole de Médecine , je n’ai qu’à exprimer le
regret que les travaux d’appropriation de l’Ecole, au vieux pa
lais de justice , aient été interrompus par suite des évènements
exceptionnels de l’année 1871. Je pense que la ville de Mar
seille pourra être bientôt en mesure de les reprendre activement
et de les mener à bonne fin.
Indépendamment de la longue attente à laquelle elleadû se ré
signer, l’Ecole est d’autant plus fondée à espérer de la municipa
lité une installation conforme à ses besoins et digne de son im
portance, que, cette année, malgré les malheurs du temps, son
budget sera presque en équilibre, les recettes ayant à peu près
égalé les dépenses.
�Chaque année, l’Ecole de Médecine décerne des prix aux élè
ves qui ont été assidus aux cours et qui ont obtenu les mentions
tres-bien ou bien aux examens de fin d’année. C’est là un ex
cellent encouragement pour les étudiants , et j’ai la satisfaction
de constater que tous font des ellorts sérieux pour devenir lau
réats de l’Ecole.
Voici le nom des lauréats de l’année scolaire 1870-71 :
RAPPORT DE M. VIGIÉ
M R
ÉTUDIANTS EN MÉDECINE.
4™armé. — 1er prix: M. Renard.
Mention honorable: MM.Esmieu,GibouxetPaget
2mcannée. — 1er prix: M. Richaud.
2me prix : M. Gamel.
Mention honorable : M. Payan.
3me année. — 1er prix : M. Nicolaï.
2meprix: M. Fallot.
Mention honorable : MM. Olivier et Sérieux.
ÉTUDIANTS
EM PHARMACIE.
1er Prix : M. Robert.
2mc prix : M. Montagne.
LE COXfOlRH
Entre les Etudiants de la Faculté de Droit d’Aii
F \ 1 8 7 0 -7 1
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
La Faculté m’a confié la tâche de vous entretenir des tra
vaux des meilleurs de ses élèves, et de vous rendre compte des
divers concours de l’année scolaire écoulée.
Cette mission je l’avais acceptée avec bonheur ; elle me four
nissait l’occasion de rem ercier mes collègues de l’accueil bien
veillant avec lequel ils m’avaient reçu au milieu d’eux, et aussi
mes élèves de la bienveillance qu’ils m’avaient montrée; ils avaient su me rendre mes devoirs faciles, et n’avaient pas trop
exigé de leur jeune maître.
�Aujourd'hui, je n’ai pas seulement des remerciments à for
muler ; les regrets viennent se mêler à mes paroles. Je me sé
pare, pour un temps peut-être très-long de la Faculté d’Aix; il
m'eût été pénible de le faire sans un mot d’adieu, pour les maî
tres et les élèves.
Séparé de fait de votre Faculté , attaché à une autre Acadé
mie , je n’oublierai pas qu’à Aix j’ai fait mes premières armes;
mon nouveau poste n’aura pas toute mon affection, et ne m’em
pêchera pas de conserver dans mon cœur une large part à vo
tre souvenir.
Le Droit a été défini avec assez de justesse, la science des rap
ports de l’homme avec ses semblables; et ces rapports, com
mençant à la naissance de l'homme , cessent à sa m ort, et re
çoivent leur principal développement pendant le temps que
l’homme passe sur la terre ; aussi le jurisconsulte, dans ses étu
des, peut-il successivement examiner la position juridique de
l’homme à sa naissance, à sa mort, et durant sa vie.
Par la naissance d’un enfant, le corps social s’augmente d’un
membre ; et immédiatement pour le légiste de nombreux et dif
ficiles problèmes sont soulevés : à quel moment exact, cette per
sonne est-elle titulaire de droits : à quelle nationalité faut-il la
rattacher ; à quelle famille doit-elle appartenir ? et cette famille
désignée , quels sont les liens qui l’unissent à elle; sont-ce des
liens légitimes, sont-ce des liens naturels? Si l’état de cette per
sonne reste douteux , comment pourra-t-elle le faire établir?
s’il paraît établi, pourra-t-elle le faire modifier?
Telles sont les questions principales et importantes que peut
donner lieu à résoudre la naissance d’un enfant : à cet ordre
d’idées se rattache la question donnée en concours aux élèves
de première année ; elle avait été formulée dans les termes sui
vants : De la preuve de la filiation légitime.
47
Onze compositions avaient été remises à la Faculté; et ici
qu’il soit permis au rapporteur de faire une observation : ces
onze concurrents sont tous du nombre des étudiants, qui ne se
bornent pas à prendre leurs inscriptions règlementaires, et à
demander au secrétariat leurs cartes d’Etudiant, mais encore
assistent assidûment aux cours de la Faculté.
Ne trouverions-nous pas là , s’il en était besoin , la preuve
certaine que les études de droit ne sont rien sans l’assiduité aux
cours? les élèves assidus osent seuls demander à leurs maîtres
déjuger leurs efforts ; les autres restent à l’écart de la lutte.
Ne peut-on pas s’étonner que la plus grande partie des Etu
diants néglige systématiquement les moyens d’instruction qui
leur sont offerts, et demande à des manuels une science aussi
imparfaite que vite oubliée ?
Ne peut-on pas déplorer que les parents,devenus lescomplices
de leurs enfants, viennent demander pour eux, au chef de l’U
niversité, le droit de les tenir éloignés de la Faculté?
L’ensemble du concours de première année est bon , et la
commission a regretté de ne pouvoir donner des récompenses
qu’à MM. Jouve, Crémieu, Mauzin et Fabre.
La composition de M. Jouve a été placée sans contestation la
première, et celte place lui est due, tant à cause de l’abondance
des questions traitées, qu’à cause de l’exactitude presque tou
jours parfaite de ses théories; la commission a été heureuse de
constater la facilité d’exposition, la clarté et la sobriété, non sans
élégance, du style ; et la commission doit d’autant plus insister
sur ces derniers m érites, que beaucoup de concurrents se sont
laissé aller à des développements emphatiques, et n’ont pas re
marqué que sous la hoursullure de la phrase l’on cherchait en
vain les difficultés du sujet.
Cette récompense doit avoir , pour M. Jouve, un mérite im
portant par la vivacité qu’ont mis à la lui disputer MM. Cré-
�— 48 —
mieu, Mauzjn et Fabre. M. Créraieu porte un nom que la Fa
culté retrouve avec bonheur au nombre de ses lauréats; elle n’a
pas oublié 1ns succès obtenus autrefois par le père , et elle est%
heureuse de prédire au fils les mêmes récompenses. Comme
la composition de M. Jouve , la composition de M. Crémieu
contient un exposé très-clair et très-complet de la matière;
dans ces deux travaux , la commission a remarqué avec plaisir
que les questions du sujet, étrangères au cours de première an
née, étaient convenablement traitées ; l’un et l’autre ont recher
ché ce qu’il fallait entendre par commencement de preuve par
écrit, et ont comparé les articles 321 et 1317 du Code civil; ils
ont aussi fourni des développements sur la preuve de la filiation
résultant d’une procédure criminelle. Pourquoi faut-il que sur
ce dernier point quelques inexactitudes de détail se soient glis
sées dans la composition de M. Crémieu et aient constaté l’infé
riorité de son mémoire.
Les compositions des MM. Mauzin et Fabre , qui ont obtenu
les première et deuxième mention, sont un peu inférieures aux
précédentes, des lacunes importantes existent dans ces travaux;
et à côté de quelques questions convenablement traitées, se
trouvent des points sur lesquels les concurrents ont passé trop
légèrement.
Les autres compositions n ’ont pas paru à la commission de
voir mériter de récompense. Leur grand défaut est le manque
de méthode; on sent l’inexpérience du candidat, son peu d’ha
bitude du style juridique ; la Faculté n’en donne pas moins de
bons encouragements à ces messieurs. Qu’ils continuent avec
ardeur leurs études de d ro it, assistent assidûment aux cours de
la Faculté, et les rédigent régulièrement : ils pourront l’année
prochaine lutter avec les heureux vainqueurs de cette année,et
donner à la Faculté d’excellentes compositions.
_________
F
49 La mort vient mettre fin à la vie humaine et aux rapports
de l’homme avec ses semblables ; l’individu disparu , de nom
breuses et intéressantes questions doivent être résolues : à quel
moment exact l’homme a-t-il cessé d’exister? — Quels droits
ont-ils péri avec lui ? — A qui faudra-t-il attribuer ses biens et
droits ? Faudra-t-il décider que certaines personnes désignées
par la loi viendront recueillir la totalité de la fortune du défunt,
dont aucune partie ne restera à sa disposition ? — Faudra-t-il
au contraire lui donner le droit de désigner à son gré son suc
cesseur, ce continuateur de sa personne , et lui permettra-t-on
de l’investir au préjudice de ses parents, de la totalité ou de
partie de sa fortune ? et ces héritiers, ces successeurs désignés,
quelle sera leur position par rapport aux dettes et aux libérali
tés du défunt?
Tels sont les principaux problèmes que soulève la mort d’un
homme, et parmi ceux-ci la Faculté avait proposé aux Etudiants
de seconde année l'étude de la position des héritiers et autres
successeurs universels quant aux dettes, et quant aux legs. Le
sujet ne pouvait pas être mieux choisi ; au milieu des questions
difficiles et ardues qu’il soulève , les concurrents n’avaient qu’à
choisir et discuter les plus importantes et s’ils savaient en pré
senter les développements avec ordre et méthode, ils pouvaient
nous donner de bons travaux.
Six compositions avaient été rem ises, deux d’entre elles ont
été écartées, après un premier examen, et ont laissé la lutte s'é
tablir entre les quatre autres, parmi lesquelles celle de M. Beineta mérité, sans aucune contestation la première place.
Dans quatorze pages d’une écriture serrée, ce jeune étudiant
a successivement passé en revue les grandes questions du sujet,
et son travail sans arriver à la perfection, présente des qualités
sérieuses.
Après avoir établi les règles de l’obligation aux dettes et de
�— 50
la contribution aux dettes, M. Beinet annonce qu’il étudiera le
sujet à ce double point de vue. Quant à l’obligation , il n’a pas
manqué d’établir que les créanciers d’une succession ne con
naissaient que les héritiers proprement dits, que l’article 1220
donnait le droit aux créanciers de poursuivre chaque héritier
dans la mesure de sa part héréditaire , sauf le recours de ce
dernier contre les autres successeurs; mais que cependant le
créancier conservait le droit de ne poursuivre l’héritier que
dans la mesure de sa part contributoire, et qu’il pouvait direc
tement poursuivre le successeur universel.
La matière de la contribution aux dettes, a fourni à M. Bei
net d’heureux développements sur le recours des héritiers con
tre les successeurs universels.
Restait la grande question de savoir , s’il fallait, quant au
paiement des dettes, mettre sur la même ligne, les héritiers lé
gitimes, dont le titre à la succession est écrit dans la loi ; et les
successeurs universels qui tiennent leur titre de la volonté seule
du défunt ? et les déclarer tous tenus des dettes de la succession
ultra vires hereditatis ? — ou bien s’il ne fallait pas admettre
entre ces deux classes de personnes une différence.
M. Beinet a exposé avec beaucoup d’ampleur les trois systè
mes auxquels celte question a donné lieu , et si l’on n’est pas
convaincu à la lecture de sa composition, du moins doit-on re
connaître que difficilement l’on pouvait mieux présenter qu'il
ne l’a fait l’exposé de son système.
Enfin, après avoir épuisé le sujet quant au paiement des det
tes , M. Beinet s’occupe des Legs. Ici est la partie faible du mé
moire ; la matière n’est pas traitée, comme il importait qu’elle
le fût, et l’on peut regretter, que dans la question de savoir,si
les legs et les dettes doivent être mis sur la même ligne, M. Bei
net ait négligé, dans l’opinion contraire à la sienne, l’argument
que les partisans de l’assimilation des dettes et des legs, tirent
de l’article 783 du Code civil.
La part des critiques faites, le travail de M. Beinet reste un
bon travail ; et la récompense méritée par lui, les maîtres la lui
donnent avec bonheur. C’était la juste rémunération de son
zèle, de sa persévérance au travail, de son assiduité aux cours,
et la fortune eût été injuste de ne pas le faire triompher dans la
lutte.
La première place accordée , l’embarras de la commission a
été assez vif, pour le choix de la seconde place : la lutte s’éta
blissant entre MM. Car et Carré , deux lauréats de l’année pas
sée, que la lutte retrouvait en présence.
La composition de M. Carré nous rappelait involontairement
les qualités de son esprit, la clarté, la logique , clarté qui, l’an
née dernière, lui valaient la piemière place. On était séduit à la
lecture de sa composition , mais bientôt on cherchait en vain la
solution de questions importantes , à peine indiquées , et non
suffisamment étudiées; pourquoi ne passe préoccuper des ques
tions que soulève le recours des héritiers contre les légataires
universels, en cas de paiement par eux faits des dettes hérédi
taires? Pourquoi laisser de côté ces questions, pour la solution
desquelles M. Beinet avait su emprunter les distinctions de M.
Aubry et Rau, et à la solution desquelles M. Car avait consacré
de bons développements. Aussi M. Carré a-t-il laissé la seconde
place à la composition substantielle de M.Car, et n’a-t-il obtenu
lui-même que la première mention.
Il y avait quelque mérite à se mesurer avec de pareils con
currents. M. Durand n’a pas craint d’aborder l’arène : sa com
position présente sur certains points d’excellents développements, et fait regretter à la commission qu’il n’ait abordé la
lutte qu’avec une préparation insuffisante ; les points par lui
traités le sont d’une façon supérieure , malheureusement beau
coup restent dans l’ombre , et la Faculté n’a pu lui donner que
la seconde mention.
�Les relations que l’homme entretient, pendant sa vie, avec
ses semblables, sont la source la plus abondante des questions
juridiques : il demande à ses semblables les objets qui lui man
quent et sont nécessaires à son existence : il leur offre en retour
d’un équivallent, ceux qu’il a en excès, les contrats d'échange et
de vente sont créés. — Pour assurer son bien-être, augmenter
son patrimoine , il fait avec ses semblables des conventions de
tout genre: dépôts, constitution de gage , d’hypothèque ; et
quand il a choisi , parmi ses semblables, la personne qu’il asso
cie à ses destinées, préoccupé de la nouvelle famille , il soumet
ses biens à une administration particulière ; il conserve le droit
de disposer de ses biens : de là le contrat de mariage, de là les
libéralités.
C’est dans ces catégories de questions , que la Faculté avait
pris le sujet des concours de troisième année.
Vous le savez, Messieurs, ce concours est le plus important
par les avantages qu’il donne aux lauréats , par les conditions
exigées des concurrents.
Tout étudiant peut se présenter aux concours de première et
de seconde année : en troisième année n’est admis à concourir
que celui qui, pendant la durée de ses études a obtenu majorité
de boules blanches ; n’est-ce pas là une présomption que le con
cours sera sérieux ?
En outre les avantages qui sont attachés aux prix obtenus de
vraient faire rechercher nos concours : à côté des prix de la Fa
culté, le Ministre de l’instruction publique accorde à nos lauréats
la gratuité des frais de doctorat.
En droit romain , la question à traiter était formulée : Des
donations entre vifs, des limitations apportées à la faculté de
disposer par la loi Cincia, des donations entre époux.
Le sujet était vaste et intéressant à étudier ; la Faculté sem
blait pouvoir compter sur de bons travaux : son attente a été
trompée : trois compositions seulement ont été remises, et la
Faculté écartant, sans hésiter, les compositions de MM. Rippert
et Vidal (Augustin) , n’a donné que le second prix à M. Brunei
de Bonneville.
La Faculté a voulu montrer par là , quelle n’avait pas à ré
compenser la meilleure des compositions remises, mais seule
ment une bonne composition ; tout le monde doit gagner à cette
sévérité, et les récompenses auront un nouveau prix de la diffi
culté à les obtenir.
Les candidats avaient à rechercher le caractère du contrat de
donation en droit romain; ses effets, et devaient montrer sur ce
point les développements successifs de la législation.
La loi Cincia leur donnait à rechercher, pourquoi les Romains
admettant la liberté absolue de disposer,étaient arrivés aux limi
tations de la loi Cincia? quel but ils voulaient atteindre; et com
ment au moyen des exceptions legis Cinciœ, et replicatio
legis Cinciœ, ils avaient cru sanctionner les dispositions de la
loi ; — n’avaient-ils pas dans ce sujet un exemple de l’esprit
fécond et inventif des jurisconsultes rom ains, qui avaient em
prunté à une autre matière , les interdits, la sanction dans un
cas particulier des dispositions de la legis Cinciœ imperfectœ.
Et puis le titre du Digeste de donationibus inter virum et
uxorem, ne devait-il pas leur fournir les matériaux nécessaires
à un court exposé de la matière si intéressante des donations
entre époux? N’était-il pas curieuxdesuivre lesdéveloppements
de cette matière, sous le régime de la liberté absolue, de la pro
hibition absolue, et de la prohibition partielle?
Voilà les points principaux du sujet, et quelque imparfaite
que soit cette esquisse , que les compositions remises sont loin
d’avoir ainsi embrassé le sujet.
�MM. Ripert et Vidal (Augustin) se sont complètement méprit
sur la nature des donations entre vifs, et interprétant les mois
genus tjuodam acguisitionis, appliqués par Justinien à la do
nation, ils ont conclu que la donation était un mode d’acquérir
la propriété, confondant ainsi deux choses si profondément sé
parées chez les Itomams, le inodes d'acquérir, c'est-à-dire, les
pratiques solennelles qui faisaient naître la propriété; et les li
tres d’acquisition, c’est-à-dire les actes juridique» en vertu des
quels intervenaient les translations de propriété, f,'était là un
point capital et élémentaire; et on se demande comment l’er
reur a pu être commise, Justinien disant formellement dans un
autre passage des lnslitutes,que la donation est une jus ta causa
pos8essiont8. Cette erreur n’a pas été faite par M. Brunei de
Bonneville; ce concurrent n’a pas manqué de faire remarquer
que cette opinion était contraire aux textes et aux véritables
principes du droit romain ; - la loi Cincia; ses motifs et sod
mécanisme n’ont pas été saisis par MM. Hippcrt et Vidal: ils
ont Bien lité qunlques passages des Vaticana fragmenta; mais
ils ont laissé complètement de côté les textes précieux d’Flpien.
M. Brunei de Bonneville , sans être complet sur la question et
sans indiquer le rôle important de l’interdit uirubi dans le
fonctionnement de la loi Cincia, M. Brunei de Bonneville nous a
donné un aperçu des legis ('incita eicepdones,
Quant à la matière des donations entre époux , celle qui pa
raissait devoir être traitée le plus longuement par les candidat*,
puisqu'ils avaient à leur disposition un titre entier du Digeste
et des plus longs, elle a été complètement négligée: et les trois
candidats sont ici maigres de développements nécessaires.
Tel est le concours de droit romain , e t , à l’exception de M.
Brunei de Bonneville qui a fait preuve d’un esprit juridique et
do réminiscences assez exactes, les concurrents ont été au des
sous de la moyenne des concurrents; et la Faculté a cru devoir
réserver le premier prix, décernant sans contestation le second
prix à M. Brunei de Bonneville.
Il ne serait pas juste cependant d’imputer lu faiblesse des
compositions aux candidat'' seuls; lu Faculté ne peut pasoublier
que ces jeunes gens ont été enlevés à l'Ecole de Droit pendant
de longs m ois, et que ce n ’est qu'après avoir supporté de lon
gues fatigues, participé à de pénibles expéditions, qu’ils nous
sont revenus, qu’il y a presqu'un mérite a eux de n’avoir pas
oubli«; nos concours et dédaigné nos récompenses.
Le concours de droit français entre les élèves de tioisième
année , est, sous l'influence des mêmes causes, inférieur aux
concours des années précédentes lu Faculté est heureuse d’a
voir pu distribuer deux prix et une mention.
Le sujet choisi était : Du remploi sous le régime de la com
munauté et sons le régime dotal ; il devait plaire aux concur
rents: il les transportait au milieu du contrat de mariage et
leur permettait de faire des comparaisons intéressantes entre
ces deux grands régimes.
Les compositions remises ont été rangées dans l’ordre suivant: M. Ilippert a obtenu la première place; et la seconde place
disputée par MM. Vidal (tieorges) et Brunei de Bonneville, a
été, après quelques hésitations, accordée au premier.
Les candidats avaient à présenter l’expose d une des matières
les plus importantes du contrat de mariage: Qu'est-ce que le
remploi T Quels besoins lui ont donné naissance? Comment il
fonctionne sous le régime «le la communauté? Et enfin montrer
les différences qui le caractérisent sous le régime dotal ?
L’étude du remploi sous le régime de lu communauté était
dominée par la question de savoir, eu quelle qualité le mari fait
le remploi des biens de sa femme? Le tait-il comme administra
teur des biens de la communauté et |H»ur libérer cette dernière:
�56
il fait une offre à sa fem m e, et l’acceptation de cette dernière
frappe le bien dans l’état où il est au moment de l’acceptation?
— Le mari au contraire agit-il, comme mandataire de sa fem
me , comme chargé par l’acceptation du régime de la commu
nauté d’opérer le remploi , la femme en acceptant le remploi
ratifie l’acquisition faite par le mari, à titre de remploi, et c’est
de ce jour que l’acceptation de la femme produit effet.
Les concurrents ne se sont pas préoccupés de cette question
et n’ont pas vu quelles conséquences en découlaient suivant que
l’on adoptait telle ou telle solution. — On peut faire encore à
tous les candidats, le reproche de n’avoir pas distingué sous le
régime dotal, l’emploi et le remploi ; et de n’avoir pas assez in
sisté sur les conséquences à l’égard des tiers du non remploi,
sous le régime de la communauté et sous le régime dotal.
En examinant chacune des compositions , on arrive aux ob
servations suivantes : M. Ripert ne donne pas dans sa composi
tion de vue d’ensemble ; on trouve là le travail d’un élève con
sciencieux, mais qui ne s’est pas bien assimilé le travail fait ; —
les détails sont donnés avec exactitude ; un nombre suffisant de
questions controversées et examinées , mais les principes géné
raux de la solution desquels dépendent des conséquences trèsimportantes sont laissées de côté;— à côté des observations fai
tes plus h a u t, on peut reprocher à M. Rippert de n’avoir pas
fait ressortir d’une manière complète les différences du remploi
sous le régime de la communauté, et sous le régime dotal.
La commission a hésité pour donner la seconde place: les
compositions des deux candidats offraient les défauts généraux,
signalés tout-à-l’heure à propos de la composition de M. Rip
pert; si M. Brunei de Bonneville avait étudié le régime de la
communauté avec plus d'ampleur que M. Vidal, ce dernier avait
mieux étudié le régime dotal ; la commission a trouvé le tra
vail de M. Vidal (Georges) plus complet et lui a donné le
37 —
second prix, laissant la première mention à M. Brunei de Bon
neville.
Tels sont, Messieurs, les concours dont la Faculté m’avait
chargé de vous entretenir : ils m’ont permis de constater que
seuls les élèves assidus osent les affronter; ne serait-il pas temps
d’abandonner les pratiques jusqu’ici suivies? Ne pourrait-on
pas organiser une assiduité sérieuse; des conférences régulières
en dehors des cours obligatoires? et nous n’aurions plus les
Etudiants dispersés; les mauvaises préparations d’examens; des
examens médiocres; et enfin , chose bien plus grave, la décon
sidération d’un titre qui ne donne que d’imparfaites garanties.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1872-1873.pdf
6becd61fd820a46efc0d78afb6d89811
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Text
1872-1873
�A cadémie d’A ix
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DF.S FACULTÉS ET DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
��SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FA CU LTÉS
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET DE L’ÉCOLE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
En 1868, M. Vieille, recteur de l’Académie d’Aix, rétablit
I ancien usage qui réunissait alternativement, à Aix et à Mar
seille, dans une séance unique, les Ecoles d’enseignement supé
rieur du ressort, pour inaugurer la réouverture des cours.
Après une interruption qui fut, en 1870, un douloureux hom
mage rendu au deuil national, cette solennité universitaire
a'ait, 1 an dernier, appelé à Aix, notre Faculté des Sciences et
notre Ecole de Médecine. Cette année, c’était au tour de Mar
seille à recevoir la visite des Facultés de Théologie, de Droit et
�— 7
des Lettres, qui ont leur siège au chef-lieu académique. Par cet
échange de courtoise hospitalité, dans le domaine paisible de
la science et des belles-Lettres, se fortifient les liens de frater
nité qui unissent les deux métropoles de notre département, et
se complète leur couronne intellectuelle.
Le lundi 18 novembre était le jour fixé pour la rentrée. Fi
dèle aux traditions de T Université, qui plaça toujours ses tra
vaux sous la protection de Dieu, le Corps académique, avant
d’entrer en séance, s’est rendu à l’église Saint-Vincent-dePaul, pour assister à la messe du Saint-Esprit. Monseigneur
l’Evêque de Marseille avait bien voulu s’associer à cet acte
religieux en chargeant un de ses vicaires généraux , M. l’abbé
Ricard, de présider la cérémonie.
A midi, le grand amphithéâtre de la Faculté des Sciences
ouvrait ses portes au public ; et de nombreux auditeurs, parmi
lesquels on remarquait plusieurs groupes de dames, se pres
saient devant l’estrade, où les professeurs des quatre Facultés
et de l’Ecole de Médecine prenaient place, quelques moments
après, sous la présidence du chef de l'Académie.
L’Administration municipale était représentée par M. le doc
teur Isoard, un des adjoints de M. le Maire de Marseille, chargé
de l’instruction publique, à l’intervention active duquel l’Ecole
de Médecine et de Pharmacie devra son installation définitive
dans le local du vieux Palais-de-Justice.
M. LE RECTEUR a ouvert la séance par le discours sui
vant :
Mesdames
et
M essieurs,
C’est pour la seconde fois que toutes nos Ecoles d’enseigne
ment supérieur se réunissent à Marseille en séance solennelle
de rentrée. Je tiens tout d’abord à vous dire que, malgré les
douloureuses épreuves que le pays a traversées, d’importants
progrès ont été réalisés, depuis deux ans, dans les établisse
ments scientifiques que Marseille possède.
La Faculté des Sciences est enfin en mesure d’ouvrir ses la
boratoires d’enseignement annexes de l’école pratique des Hau
tes-Etudes. Peu de personnes savent peut-être qu’il existe, dans
le sous-sol de notre Faculté, de vastes locaux très libéralement
appropriés par la ville pour le service des sciences physiques et
plus beaux que ceux d’aucune autre Faculté de France. Sous la
direction patiente de notre savant doyen, professeur de chimie,
et de son honorable collègue de physique, de jeunes auxiliaires
se sont formés dans l’art des manipulations. Cette éducation de
la main, que la théorie doit toujours précéder, ne se fait pas en
un jour. Il a mieux valu attendre que l’œuvre de propagation
de l’enseignement des sciences appliquées fût parfaitement pré-
�-
8
—
parée, que d’en compromettre l’avenir par un essai prématuré.
J’ai l’assurance que le concours de M. le Ministre ne nous fera
pas défaut, pour la continuer sur une plus grande échelle. Quoi
qu’il arrive, et dès maintenant, nos laboratoires sont suscepti
bles de recevoir un groupe assez nombreux de jeunes gens, dé
sireux de s’initier aux applications de la physique et de la chi
mie. L’industrie et le commerce de Marseille y trouveront un
enseignement pratique, depuis longtemps désiré, et qu’ils cher
cheraient vainement ailleurs.
En même temps, nous serons, je l’espère, assez heureux
pour éveiller, chez quelques-uns de nos jeunes manipulateurs,
le goût des recherches purement scientifiques. Car nous nous
proposons, Messieurs, un but élevé. Nous voulons faire école;
et, si la jeunesse de Marseille nous seconde, nous y arriverons.
Et qu’on ne craigne pas de dévier, en faisant de la science
pure 1 Les exemples n’abondent-ils pas de recherches en appa
rence spéculatives, qui ont été le point de départ de transforma
tions industrielles tout-à-fait inattendues?
Qui eut dit, alors que Volta discutait avec Galvani sur la
cause des mouvements convulsifs d’une grenouille, dont le ca
davre était suspendu par un crochet de cuivre à un balcon en
fer, que de cette discussion allait sortir la découverte du plus
merveilleux instrument des temps modernes, la pile électrique?
Qui eut dit que le physicien, en étudiant l’élasticité de la vapeur
légère qui se dégage d’un vase plein d’eau en ébullition, le ma
thématicien, en étudiant les propriétés géométriques et méca
niques de l’hélice, fourniraient un jour au commerce, par leurs
recherches combinées, une force motrice et un agent propul
seur assez puissants pour transporter à travers les mers des na
vires pesamment chargés? Et tout récemment encore, dans les
savantes discussions que les belles recherches de M. Pasteur sur
les ferments ont soulevées au sein de l’Institut, n'a-t-on pas
— 9
reconnu qu’il existe des rapports intimes entre les phénomènes
de l’ordre chimique et ceux de l’ordre biologique? Le rôle des
ferments portés dans les organismes vivants louche à des ques
tions de pathologie générale du plus grand intérêt.
Ainsi; dans les sciences tout se lie, et chaque jour de nou
veaux horizons se découvrent. Nul ne peut atlirmer qu’une étu
de de physique ou de chimie1, voire même d’algèbre ou de mé
canique rationnelle, restera sans application, qu’elle ne sera
pas un jour la source d’un bienfait pour la société.
Voilà pourquoi, jeunes étudiants qui viendrez bientôt dans
nos laboratoires vous diriger vers les sciences appliquées, je
vous dis: faites d’abord ample provision de connaissances théo
riques ; ne négligez pas les questions abstraites qui pourront se
présenter sur votre chemin. Il n’y a rien à faire aujourd’hui
dans l’industrie sans la science.
Messieurs, l’histoire naturelle a pris un tel essor depuis cin
quante ans, qu’il n’est plus permis à un naturaliste d’embrasser
les trois règnes dans ses études. Il a dû s’adonner à une spécia
lité, sous peine de ne pas se maintenir au niveau des découver
tes modernes. La zoologie, la botanique, réclamant chacune
leur chaire et leur enseignement spécial, dans notre Faculté
des Sciences, il arrivait que la géologie et la minéralogie étaient
sacrifiées. Je puis vous dire aujourd’hui, Messieurs, que cette
lacune sera réparée. La chaire qu’occupait notre regretté collè
gue Lespès est dédoublée. Tandis que M. Marion, bien connu
déjà du public marseillais par les leçons bénévoles qu’il a ouver
tes l’an dernier, est chargé du cours de zoologie, M. Dieulafait, auquel je souhaite la bienvenue parmi nous, est appelé
aux fonctions de chargé du cours de géologie et de minéralogie.
Ce savant consacrera à la géologie, et particulièrement aux gise
ments de la Provence qu’il a déjà étudiés avec succès dans le
Var> une partie importante de ses leçons.
�—
10
—
Les travaux d’installation de notre Ecole de médecine et de
pharmacie , que ces temps de crise avaient si malheureusement
entravés, ont été repris dans cette campagne : ils ont vraiment
été poussés avec une activité toute nouvelle, dont nous devons
savoir beaucoup de gré à l’administration municipale de Mar
seille. Nous allons, Messieurs, après plusieurs années de démar
ches et d’attente, entrer en possession d’un grand amphithéâtre
pour les cours de théorie, d’un laboratoire de chimie, d’une
belle salle de manipulations pour les travaux pratiques, et d’un
petit amphithéâtre d’anatomie parfaitement placé à côté de la
salle de dissection. Enfin l’Ecole aura son chez-soi ; elle sera du
moins dans ses meubles, puisque le défaut de place n’a pas per
mis à la ville de lui donner tout le vieux Palais-de-Justice. On
nous fait espérer aussi, très prochainement, un jardin botani
que, dont une partie sera réservée à l’étude des plantes médici
nales.
Messieurs, les essais de réformes commencés l’an dernier,
dans l’enseignement secondaire de l’histoire^de la géographie
et des langues vivantes, viennent d’être plus résolument accen
tués, depuis la rentrée d’octobre. Un large système de modifi
cations, que réclamait l’opinion publique, est inauguré. Nos
professeurs entrent avec confiance dans la voie que leur ouvre
un ministre, professeur éminent lui-même, et qui a puisé, au
sein de notre grande Ecole normale, le goût des fortes études
classiques. Tous nos établissements secondaires, lycées et collè
ges, participent à la réforme, chacun dans la mesure de ses
ressources ; la plupart des municipalités sont disposées à nous
aider à surmonter les obstacles matériels qui peuvent en empê
cher l’exécution. À Dieu ne plaise, Messieurs, que l’Université,
en changeant sur quelques points ses méthodes d'enseignement,
répudie son passé ! Quelques personnes, non pas des plus
amies, se sont hâtées de jeter le cri d’alarme : On abandonne
les traditions du grand siècle, c’en est fait des études classiques I
Non, Messieurs, ce qui est vrai, c’est que l’Université marche
avec son temps, c’est qu’elle tient compte des besoins de la so
ciété. Si elle modifie des procédés pédagogiques essentielle
ment variables, elle se rapproche plus qu’on ne pense des tradi
tions classiques de Port-Royal des Champs, traditions qui ont
inspiré les Arnauld, les Nicole, les Pascal, les Racine. Ces hom
mes-là sont bien pour quelque chose dans le XVIIe siècle.
Les langues anciennes n’ont donc rien à craindre de ces mo
difications, dont l’essai est fait, d’ailleurs, avec toute la prudence
désirable. La jeunesse confiée à nos soins étudiera toujours le
grec et le latin, non plus à la manière des langues parlées, il
est vrai, mais peut-être avec plus de goût et de profit. On fera
moins de thèmes, on ne composera plus en vers latins. Où est
le mal, si, mettant de côté quelques exercices d’imitation un
peu stériles, on pénètre plus avant, par l’explication des au
teurs, dans les chefs-d’œuvres que l’antiquité nous a légués ; et
si l’on retrouve du temps pour la littérature française, pour
l’histoire, la géographie, les langues vivantes, la lecture, et les
exercices du corps, toutes choses trop négligées?
Jeunes et chers étudiants, je vous donnais à pareille époque,
l’année dernière, de graves conseils. Je vous rappelais les de
voirs que vous imposent, plus fortement que jamais, les mal
heurs de la France. J ’aime à vous dire que votre conduite pu
blique a généralement répondu à mon attente. Le bon ordre, la
discipline ont régné dans toutes nos écoles d’enseignement su
périeur. Mais le travail a-t-il été ce qu’il devait être? Votre vie
a-t-elle été, non seulement régulière, mais studieuse ? Et n’a
vez-vous pas, à cet égard, de résolutions plus viriles à prendre?
Je vous en fais juges.
Dans sa session dernière, la Faculté de Droit d’Aix a admis
272 d’entre vous aux divers grades juridiques. Sur ces 272 ad
�missions, combien y en a-t-il qui présentent une majorité de
boules blanches? \ 5 seulement ; c’est moins de 6 pour 100.
136, soit la moitié des admis, n’ont pas de boule blanche; la
boule rouge, ce symbole convenu des examens incolores, l’em
porte avec une majorité écrasante ; et, chez le quart environ
des admis, je vois une boule noire qui fait tache.
Je me retourne, non sans inquiétude , du côté de l’Ecole de
médecine et de pharmacie. Je trouve que, dans les examens de
fin d'année, les mentions au-dessous de satisfait, ce qui veut
dire passable ou médiocre, sont dans la proportion de 55 pour
100. C’est un peu mieux que par le passé, j’en conviens volon
tiers; mais, vous le voyez, cela n’est pas brillant.
Si je remonte maintenant aux épreuves du baccalauréat, à
cette sanction suprême des études classiques, qui vous confère
le droit de passer étudiants dans nos facultés, que trouvé-je ?
Au baccalauréat ès-lettres, 80 fois sur 100 la mention pas
sable.
Quant à la mention bien, lorsqu’elle apparaît dans l’un ou
l’autre baccalauréat, c’est un événement. On monte au Ca
pitole.
Eh bien l jeunes gens l je vous le dis en toute franchise, ces
résultats sont aftligeants. Ce n’est pas avec du passable que la
France reprendra son rang dans le monde. Un gouvernement
réparateur, dont le chef illustre vous donne, malgré le poids
des ans, l’exemple d’une infatigable activité, vous convie à lui
apporter les forces de votre jeunesse. Vous seriez bien coupa
bles, dans un pareil moment, de ne pas concourir à la renais
sance du pays. On parle beaucoup de régénération sociale. Par
lons-en un peu moins, si vous voulez, mais agissons un peu
plus. Conduisez-vous en hommes, en citoyens d’un pays libre.
iNc restez pas dans ces basses régions où la volonté s’énerve. Il
13 y a péril en la demeure : Hâtez-vous de monter, le passable
vous déborde 1
Songez d’ailleurs que l’avènement probable de la liberté
de l’enseignement supérieur doit entraîner un renforcement
général dans les épreuves pour la collation des grades. Les Fa
cultés, les conseils académiques s’accordent à exprimer le vœu
que les examens oraux soient partout précédés de compositions
écrites ayant le caractère éliminatoire. Il est donc de votre inté
rêt le plus cher de redoubler d’efi’o rts. Au lieu de rechercher, par
des attaches officielles au* administrations publiques, la dis
pense d’assiduité, repoussez-la comme un présent funeste ; ve
nez aux cours ; appropriez-vous, par un travail personnel, l’en
seignement qui vous est donné avec tant de dévouement.
Messieurs et chers confrères, je finis en adressant une parole
d’adieu aux deux savants professeurs, aux deux hommes de
cœur que la mort nous a enlevés dans ces derniers mois, d’une
manière si inattendue. Le premier, c’était Lespès, professeur
de zoologie à la Faculté des Sciences, tombé à 45 ans, dans
toute la maturité du talent, laissant interrompue une belle série
de recherches sur les animaux marins, auxquelles il s’adonnait
avec ardeur. Le second, il y a quelques semaines à peine, frap
pé aussi avant l’heure, c’était M. Cabantous, professeur de droit
administratif et doyen de la Faculté. Il succombait loin d’Aix,
subitement, à une maladie dont nous ignorions même l’exis
tence. L’un de ses confrères, que l’ancienneté des services et le
mérite personnel désignaient au choix de M. le ministre pour
le décanat, M. Caries, vous retracera tout à l’heure la vie publi
que et les travaux de notre regretté doyen. Je veux seulement
dire ici que j’ai perdu en lui un collaborateur excellent ; je le
trouvais toujours prêt, au conseil comme à l’action, plein de
verve et d’entrain, modèle d’exactitude dans l’accomplissement
�1ît -
RAPPORT DE M. L’ABBÉ BOYER
Doyen cio la F a c u lt é de Théologie
Après ce discours, M. l e R e c t e u r donne successivement
la parole à MM. les Doyens des Facultés et à M. le Directeur de
l’Ecole de Médecine et de Pharmacie pour la lecture de leurs
rapports.
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
■ X — jQ c s c »
J’ai le devoir d’exposer devant vous les travaux de la Faculté
de Théologie pendant l’année scolaire qui vient de s’écouler. —
Un rapport est toujours monotone ; j’ai rendu celui-ci aussi
bref que possible, en le réduisant à ses deux seuls éléments :
l’enseignement et les grades.
I.
L’enseignement de la Faculté a été donné avec la régularité
et le soin consciencieux qu’il exige.
Voici le sommaire des matières étudiées :
Le Professeur d'Eloquence Sacrée a tracé le tableau de la lit
térature chrétienne dans la Gaule Méridionale pendant la se
conde moitié du Ve siècle.
�—
16
—
Il a étudié d’abord les œuvres de Salvien, l’éloquent prêtre
de Marseille; — spécialement, son livre du Gouvernement dt
Dieu. — Dans ce grand ouvrage qui intéresse l’historien au
tant que le philosophe, Salvien discute les objections et les re
proches que faisaient à la Providence de Dieu les hommes de
son temps, témoins découragés qu’ils étaient des continuelles
victoires des Barbares, des revers incessants des armées romai
nes... Et comme si, à toutes les époques malheureuses, on de
vait être tenté de croire Dieu indifférent aux destinées des peu
ples, le professeur a pu constater jusqu’à quel point les répon
ses de Salvien gardent à travers les âges, l’à-propos qu’elles
avaient aux plus tristes jours du Ve siècle ! — Le Professeur
s’est occupé ensuite de Cassien. En rappelant les relations que
cet écrivain ascétique avait eues, en O rien t, avec S‘ JeanChrysostôme, il a esquissé l’incomparable carrière oratoire de
l’illustre Evêque de Constantinople. Puis, suivant Cassien à
Marseille, il l’a montré reproduisant la vie des pieux solitaires
de INitrie et de Scété, et fondant le célèbre monastère de S*-Victor qui fut, pour cette contrée, un foyer de vie intellectuelle.
— Un contemporain de Salvien et de Cassien, un poète mar
seillais, nous a laissé une satyre contre les mœurs de son temps
et un commentaire en vers des premiers chapitres de la Genèse.
Le Professeur a consacré ses dernières leçons
o à l’étude de ces
poèmes où on ne retrouve assurément ni l’harmonie, ni l’élé
gance, ni la pureté de Virgile, mais dans lesquels on reconnaît
déjà une source nouvelle d’inspiration : le premier essai d’une
épopée où les traditions bibliques remplacent les traditions ho
mériques.
Cette année, le Professeur traitera de la littérature Chré
tienne en France, de Clovis à Charlemagne.
Les leçons du Professeur d’Ecriture-Sainte ont embrassé une
série d’études critiques sur la vie de N.-S. Jésus-Christ. Elles
ont eu pour objet spécial sa vie publique (vie apostolique). —
La méthode du Professeur consiste à présenter un exposé com
plet, quoique précis, des faits et des doctrines et à les discuter
ensuite à l’aide de l’exégèse, de la philosophie et de l’histoire.
Pendant l’année nouvelle, et en suivant celte méthode qui
est excellente, le Professeur poursuivra ces mêmes éludes. FJles
porteront sur la dernière partie de la vie du Sauveur : les cir
constances de sa Passion.
Le Professeur d’Histoire Ecclésiastique a étudié le XVIe siè
cle : — le règne de Léon X, — la'Réforme. — Il a exposé les
causes qui firent naître cette grande scission religieuse, noté
celles qui favorisèrent ses premiers développements ; il a carac
térisé le rôle de la Papauté, énuméré tous les moyens employés
par elle pour refaire l’union, pour rétablir la paix, cette paix
des consciences que l’Eglise appelait de tous ses vœux, mais que
les passions, l’ignorance de l’époque, une politique impré
voyante, la rivalité des Princes, les guerres et les violences de
vaient retarder pour des siècles !..
Dans son prochain cours, le Professeur s’occupera de la Ré
forme en Angleterre.
Le Professeur de Morale a étudié la constitution de la famille
dans le Christianisme : — le Mariage Chrétien. — lien a exposé
l’institution divine et, ensuite, les deux grandes lois : l’unité et
l’indissolubilité.
Il étudiera, cette année, le mariage religieux dans ses rap
port avec le mariage civil : le concours des deux pouvoirs.
L’enseignement de celte chaire de Morale était, depuis deux
ans, confie à M. l’abbé Bernard, à titre de simple chargé de
�cours. Par décret du Président de la République en date du
1er novembre <872, M. Bernard a été nommé professeur titu
laire de ladite chaire, et, comme tel, définitivement attaché à
notre Faculté. — INous félicitons notre cher collègue et nous
nous félicitons nous-mêmes d’une aussi heureuse acquisition.
Enfin, le Professeur de Théologie dogmatique avait à traiter
de la Philosophie chrétienne à la fin du XIIIe siècle.
Assurément, de toutes les choses du moyen âge la plus mé
connue, celle du moins dont la réhabilitation se fit le plus at
tendre, ce fut sa philosophie.
Nous savons, en effet, que cette réhabilitation a été surtout
l’oeuvre de notre siècle : commencée avec les premières leçons
de M. Cousin sur l'Histoire da la Philosophie, cette réhabili
tation a été avancée de beaucoup par la publication plus récente
des œuvres d’Abailard et des savantes recherches qui les accom
pagnent.
Mais le XIIIe siècle est l’apogée de la philosophie du moyen
âge, et S1 Thomas-d’Aquin qui résume la puissance intellec
tuelle de cette époque, nous a donné dans ses Sommes, le to
tal, si l’on peut ainsi dire, de cette grande et belle philosophie.
D’autre part et de même que la philosophie grecque avait
eu son Homère en la personne de Platon, la scolastique eut
aussi le sien, et ce fut Dante.
C’est pourquoi les leçons du Professeur ont dû se partager
entre ces deux hommes de génie, tous deux théologiens, tous
deux philosophes, tous deux penseurs : S1 Thomas-d’Aquin et
Dante Alighieri.
Cette année, le Professeur se propose de consacrer ses pre
mières leçons à un livre qui est de tous les temps, mais qui ap
partient à cette civilisation du moyen âge qui allait disparaître,
19
au livre de l’Imitation. Son but est de résumer quelques-uns
des travaux les plus sérieux qui, de nos jours, ont été faits en
Italie, en Belgique et en France, sur les origines, les sources,
la philosophie de ce ce livre immortel. Après quoi, il suivra le
mouvement de la pensée chrétienne depuis le déclin de la sco
lastique jusqu'au XVIIe siècle.
Voilà, Mesieurs, pour l’enseignement.
II.
Quant aux actes publics, la Faculté a enregistré vingt ins
criptions ; deux candidats ont été admis au baccalauréat ; deux
à la licence ; un troisième candidat à la licence a dû être ajourné
après examens.
Ces candidats n’ont pas été les seuls ; mais après révision
préalable des thèses, la Faculté a donné à quelques-uns d’entre
eux le sage conseil de se réserver pour continuer encore les
études sérieuses exigées par les épreuves sérieuses qui mènent
aux grades. — Plusieurs de ces candidats sont inscrits pour la
session d’examens qui, demain, va s’ouvrir.
Les choses ne valent que ce qu’elles coûtent d’efforts et de
peines. C’est Dieu qui donne le génie ou le talent ; mais le sa
voir ne s’obtient qu’à force de travail, et il faut que nos grades
soient le signe et la récompense du savoir. A ce compte, ils
peuvent être de quelque profit pour le clergé et aussi, peut-être,
de quelque intérêt pour la science.
De prime-abord, Messieurs, il semble qu’un enseignement
théologique soit un enseignement réservé, tout au moins un
enseignement spécial ne s’adressant qu’à des auditeurs spé
ciaux ; — nous avons, en effet, des leçons spécialement desti-
�20
nées aux étudiants ecclésiastiques, et, en fait, les ecclésiastiques
seuls participent à nos grades ; — mais, comme enseignement de
Faculté, le notre est public, et partant, il doit pouvoir aussi s’a
dresser à tous utilement. D’ailleurs, ainsi que chacun le sait, cet
enseignement-là a des points de contact avec toutes les bran
ches des connaissances humaines, comme il a des affinités avec
les aspirations les plus intimes et les plus vivaces de l’intelli
gence ; or, et en nos jours surtout où tous sont appelés au bien
fait de l’instruction, il est convenable que tous puissent venir à
nos leçons et voir si ils y trouvent quelque chose. C’est pour
quoi, comme rapporteur, j’ai encore l’obligation de constater
ici que les cours faits au chef-lieu académique, dans les amphi
théâtres de la Faculté, ont été suivis avec intérêt par les audi
teurs bénévoles ; et j’ai la satisfaction d’ajouter qu’ils l’ont été
également à Marseille.
Depuis tantôt six ans, la Faculté de Théologie d’Aix envoie,
chaque semaine, deux de ses membres enseigner ici ; et Mar
seille, la cité du grand commerce, la ville de la puissante indus
trie, qui, pour tous ces motifs, semblerait ne devoir rechercher
que les seules connaissances exactes, positives, pratiques, Mar
seille a donné à nos leçons un auditoire nombreux, intelligent,
assidu, affirmant par sa constance, même aux jours les plus
agités, son goût pour les études spéculatives, philosophiques,
religieuses.... Témoignage qu’on peut assurément ajouter à
tous ceux qui attestent que Marseille n’a pas laissé s'éteindre le
souffle qui lui vint autrefois de la Grèce et de l’Orient, et qu’à
l’heure présente encore, elle demeure telle que ses pères la fi
rent : toujours aussi avide de savoir qu’avide de liberté.
—
—
On dit que le progrès est la loi du monde. Si cet axiome de
la science sociale n ’est souvent que l’indication de ce qui de
vrait être et l’expression d’un désir, on peut dire qu’il est de
venu pour notre Faculté, à plusieurs points de vue, la constata
tion d’un fait.
L’an dernier, le nombre des inscriptions était de 1234. elles
n’avaient jamais dépassé dans les années précédentes celui de
1315, elles ont été cette année de 1555. Le nombre des étu
diants était de 308, il a été cette année de 38é. C’est un cin
quième de plus constaté par ce double chiffre.
11 y avait eu, l’an dernier, 406 examens, il y en a eu cette
année 666 ; c’est un tiers de plus.
Ces examens se décomposent comme il suit :
�22
Pour la capacité 8 seulem ent, pour le baccalauréat 299,
pour la licence 274 ; 79 thèses, et 25 examens de doctorat.
Si on veut faire la statistique à un autre point de vue, on
trouve : 19 admissions à boules blanches, soit avec éloge, ce qui
équivaut à très-bien ; 254 avec mélange de blanches et de rou
ges, ce qui équivaut à bien ; 153 avee totalité de boules rouges,
signifiant médiocre ; \ 44 avec une noire, indiquant passable.
On compte, sur les 666 examens, 126 ajournements ou re
jets. C’est la proportion d’un sur cinq, tandis que l’année der
nière et dans les années précédentes la proportion n’était géné
ralement que de un sur huit.
Les rejets ont donc été plus nombreux que par le passé. Estce un signe de décadence? Ce nombre supérieur d’ajourne
ments provient-il de ce que les candidats étaient moins bien
préparés ou de ce que les examinateurs ont été plus sévères? Il
y a eu de l’un et de l’autre. Beaucoup de jeunes gens qui
avaient été tirés de leurs études dans les années précédentes
pour servir le pays, ayant laissé accumuler leurs examens, ont
voulu les passer en masse, et par cela même y ont mis un peu
de précipitation et d’incohérence. Les professeurs voyant que
cette hâte faisait baisser le niveau des études, ont réagi contre
cette tendance, de là leur sévérité toujours néanmoins mêlée de
bienveillance, surtout en vue de la cause première qui avait
causé cet étal anormal.
On remarquera que le nombre des examens pour la capacité
qu’il faudrait proscrire au lieu de les encourager, diminue de
plus en plus, il n’y en a eu que huit cette année, il y en avait
eu encore onze l’an dernier. Le nombre des examens en docto
rat augmente, au contraire, notablement. Nous n’en avions eu
que trois l’an dernier ; il y en a eu cette année vingt-cinq. La
loi future sur l’organisation judiciaire, qui paraît devoir exiger
le grade de docteur, a contribué sans doute à celte augmenta
tion. On trouvera ainsi plus tard une pépinière de futurs ma
gistrats qui se seront préparés, par un travail sérieux, à pouvoir
joindre au désir d’être juste, la science des lois sans laquelle
l’amour de la justice ne serait qu’impuissant.
En somme, la situation de notre Faculté se dessine par deux
lignes agissant, ce semble, en sens contraire et aboutissant
néanmoins au même résultat. C’est, d’une part, l’augmentation
du nombre des étudiants et des épreuves; c’est, de l’autre, un
surcroît de sévérité pour élever le mérite des épreuves en même
temps qu’elles croissent en nombre. Cette double cause ne tendelle pas au même but, et ce but n’est-il pas le progrès des étu
des, mot par lequel nous avons commencé ce rapport?
Mais si ce côté du tableau que présente notre Ecole de Droit
est satisfaisant, un autre côté ne nous montre que deuil et afflic
tion. La mort fauche dans nos rangs à coups redoublés. La
Faculté a perdu en trois ans cinq de ses membres I Chaque an
née a eu en quelque sorte sa proie. M. Cresp s’était éteint dans
sa vénérable viellesse à la fin de 1869, mais au moins il nous
avait quittés à l’âge où Ion s’attend aux séparations. Presqu’en
même temps le plus jeune de nos agrégés, M. Chrétien, se
voyait arrêté à l’entrée de sa carrière, comme un ouvrier de la
première heure qui commence à peine et ne fait qu’entrevoir
la tâche à lui départie. L’an dernier, un de nos plus vaillants
athlètes qui avait porté, lui, le poids du jour et de la chaleur,
M. deFresquet, terminait aussi sa journée avant l’heure du re
pos et ne quittait le travail qu’avec la vie. Et cette année, après
s’être ouverte sur la tombe de M. Martin, devait se terminer
par le coup si imprévu qui nous a enlevé celui dont le nom est
présent à la pensée de tous ceux qui m’entendent, notre regretté
collègue et Doyen,M. Cabantous I
Je n’aurai pas à m’étendre sur les qualités et le caractère de
M. Martin, ni à l’apprécier comme jurisconsulte et comme pro-
�24fesseur. Cette tâche a été remplie l’an dernier lorsqu’il nous fut
annoncé qu’il avait obtenu sa retraite. Nous espérions alors,
qu’entré dans le repos, il verrait diminuer ses souffrances et
(jue nous pourrions jouir assez longtemps encore, sinon de sa
collaboration, au moins des rapports affectueux qu’une confra
ternité ancienne et l’aménité de ses manières avaient créés en
tre nous. Il n’en a rien été. On dirait que le travail et l’accom
plissement du devoir étaient comme une chaîne qui retenait
notre collègue cramponné à la vie ; quand cette chaîne s’est
brisée, il a été bien vite, hélas, emporté vers la mort I... Sa vie,
au reste, n’avait été qu’une longue lutte contre la souffrance. Il
a réalisé la noble figure peinte par un ancien de l’homme ver
tueux aux prises avec la douleur, et qui refuse de s’avouer
vaincu.
Mais si nous devions perdre cet excellent collègue qui ne
partageait plus nos travaux, fallait-il aussi que M. Cabantous,
qui semblait devoir les diriger encore longtemps, qui n’avait
pas dépassé l’âge où la vie déploie toutes ses forces, à qui une
vigueur physique toute particulière s’unissant à l’énergie mo
rale semblait promettre un long avenir, fallait-il qu’il nous fut
si tôt enlevé? La mort l’a frappé inopinément au milieu
d’un voyage , après l’adieu des vacances qu’aucun de nous
n’aurait cru être le dernier. Un village ignoré a recueilli sa dé
pouille sans que ses collègues aient pu déposer sur sa tombe le
témoignage de leur douleur. Puisse cet hommage funèbre être
remplacé en partie par l’esquisse rapide de sa vie et de ses tratravaux qui va suivre et qui, en augmentant nos regrets, dira ce
qu’il fut à ceux qui ne l’ont pas connu.
M. Louis-Pierre Cabantous, naquit à Limoges, le 49 janvier
1812. Fils d’un père qui s’était d’abord distingué dans l’ensei
gnement des lycées et qui devint ensuite professeur de littéra
ture française et doyen de la Faculté des Lettres de Toulouse, il
2b
lit, sous la direction paternelle, des études brillantes et variées.
Il obtint le diplôme de licencié ès-letlres et de bachelier èssciences avant de devenir docteur en droit. Il débuta dans la
carrière des concours à Poitiers où, sans être encore élu, il
montra par ses épreuves déjà remarquées qu’il devait bientôt
l’être. Il fut, en effet, nommé suppléant titulaire dans un nou
veau concours à Paris, en 1841 et attaché à la Faculté de Dijon,
où il demeura deux ans. Un dernier concours l’appela dans nos
murs en 1843 et il y obtint la chaire de Droit administratif
qu’il a si bien occupée depuis. Il fut nommé Doyen en 1863.
Je n’apprendrai rien aux nombreux élèves qui, depuis près de
trente ans, ont suivi ses cours, si je dis que son enseignement
se faisait remarquer par une vaste connaissance des matières
administratives et par une solution judicieuse des questions
neuves et controversées. Sa parole était vive, colorée, ardente,
quelquefois même fougueuse, ne conservant pas alors dans cette
fougue la concision qui donne plus de nerf à la pensée, mais en
regagnant en abondance de développements ce quelle perdait
en concision , et arrivant ainsi à mieux faire comprendre aux
auditeurs ce qu’il fallait leur démontier. Il ne se bornait pas à
l’enseignemont oral. Il a écrit dans les revues de législation di
vers articles qui seront toujours lus avec fruit. Mais l’ouvrage
capital sorti de sa plume, qui a eu déjà quatre éditions et qui
restera, est ce traité qu’une exigence de librairie lit appeler
trop modestement Répétitions écrites et dont le vrai titre se
rait : Eléments de droit administratif. Cette branche du droit
y est, en effet, enseignée par principes et par corollaires, avec
un développement assez complet pour que le cercle entier du
droit administratif y soit parcouru. Tout y est exposé avec exac
titude, netteté, lucidité et avec une heureuse précision, que l’ar
deur de la parole ne vient plus troubler. Cet ouvrage sera tou
jours un des meilleurs guides pour ceux qui voudront s’initier
à l’étude de la science administrative.
�Tel fut le professeur et le jurisconsulte. Comme homme, il
fut excellent dans sa famille qui ne se consolera jamais de sa
perte, amical pour ses collègues, bienveillant pour les jeunes
gens à qui il facilitait volontiers l’entrée ou le succès dans leur
carrière. Un des traits saillants de son caractère était l’activité
sans pareille avec laquelle il abordait tout ce qu’il fallait faire...
En enseignant les règles administratives, M. Cabantous aimait
à les pratiquer. 11 prêtait son concours de bien des manières à
plusieurs établissements de bienfaisance de notre ville. 11 aurait
désiré, plus encore, appliquer ses connaissances longuement ac
quises dans ce qui forme chez nous la plus haute tranche du
pouvoir administratif; il fut candidat au conseil d’Etat. Pour
quoi ne parlerions-nous pas de cet incident qui a eu une place
marquée dans sa vie? S’il n’y avait eu chez lui qu’un désir d’a
mour propre à satisfaire, il obtint assez de sulïrages pour n’a
voir pas eu à se plaindre ; mais il lui fallait l’action , il lui fal
lait un haut théâtre où il pût m ettre en pratique ce qu’il avait
approfondi en théorie. Son espoir fut déçu. Pourquoi? Ahl je
ne me charge pas de le dire, il en est des personnes comme des
choses, habent sua fata. Sa science incontestable et incontestée
du droit administratif ne put donc pas lui ouvrir les portes de
ce grand conseil, où sa place aurait été si bien marquée, sur
tout dans le comité du contentieux. Cet insuccès ne le laissa pas
insensible, et a jeté quelque amertume sur les derniers jours de
sa vie. Il aurait pu se consoler en pensant que, si le professeur
de droit est cantonné dans sa chaire, s’il y meurt comme les
professeurs du moyen âge dont il imite le travail patient, son
rôle est toujours assez beau lorsqu’on peut dire de lui comme
nous le dirons, sans être démenti, de notre regretté Doyen et
des autres collègues à qui nous avons adressé un dernier adieu:
Il fit aimer aux jeunes gens les lois de leur pays, il enseigna le
vrai,et pratiqua le bien 1
— 27 —
M. Cabantous laisse une double succession à recueillir dans
notre Faculté, comme Doyen et comme Professeur. iS’ous ne di
rons rien de la première si ce n’est qu’elle impose une charge
difficile à porter. Sous lui la Faculté a atteint un haut degré de
prospérité, puisse-t-elle ne jamais décroître ! L’autre part de sa
succession, la chaire de Droit administratif, ne sera occupée dé
finitivement que plut tard, elle a été confiée comme chargé de
cours à M. Gautier, jeune agrégé, qui appartient à notre ville.
M. Gautier a été d’abord un de nos lauréats, plusieurs fois cou
ronné par nous ; il a ensuite conquis honorablement son titre
d’agrégé dans les concours de Paris, et ses débuts comme char
gé d’une branche de l’enseignement à Grenoble ont été remar
qués. La Faculté a éprouvé une satisfaction toute particulière en
voyant rentrer dans son sein, homme fait et jeune professeur,
celui qui en était sorti, il n’y a pas bien longtemps, comine
élève. Il trouvera dans son amour de l’étude et dans la sève d’un
jeune talent, de quoi ne pas trop laisser apercevoir ce que
M. Cabantous avait de plus en science et en expérience.
�28
20
ses amis. Quoique jeune encore, il avait déjà rendu à la science
de sérieux services. Grâce aux laboratoires qu’il avait créés et
aux ressources qu’il avait accumulées, on pouvait espérer que,
dans l’avenir, il lui en rendrait de plus signalés encore ; et
c’est au milieu de ces préparatifs, presque terminés, que la
mort est venue l’enlever à la science qu’il cultivait avec tant de
dévouement, à ses collègues et à ses amis qui avaient pu depuis
longtemps l’apprécier et l’estimer.
M. Dieulnfait a été désigné par M. le Ministre pour conti
nuer, comme chargé de cours, l’enseignement de la Géologie et
de la Minéralogie.
-
RAPPORT DE M. FAVRE
D oyen de la. F a c u lté clos scie n ce s
EXAMENS :
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
Uü nouveau vide vient de se produire dans les rangs de no
tre Faculté. Il y a quatre mois à peine, le professeur de géolo
gie, notre regretté collègue M. Lespès, a été atteint et enlevé
subitement par une de ces maladies contre lesquelles toutes les
ressources de l’art sont impuissantes. C’est à peine si son frère,
mandé en toute hâte, a pu arriver à temps pour aider sa pau
vre mère à lui rendre les derniers devoirs. Rien, du reste, ne
pouvait faire prévoir ce douloureux événement. M. Lespès était
dans la force de l’âge ; il avait jusqu’alors joui d’une santé ro
buste, et c’est à peine, si dans les derniers temps da sa vie, un
certain fond de tristesse et quelques légers changements d’ha
bitudes auraient pu inspirer de l’inquiétude à ses collègues et à
Huit candidats se sont présentés pour l’examen de la licence
ès-sciences mathématiques ; un autre candidat, déjà docteur en
médecine, s’est présenté pour la licence ès-sciences naturelles.
Parmi ces neufs candidats, trois seulement ont été admis. Ce
sont MM. Lher, Pan-Ero et Bosch ; ils étaient tous les trois maî
tres répétiteurs au lycée de Marseille.
Le baccalauréat a donné les résultats suivants : 183 candi
dats se sont présentés pour le baccalauréat complet ; 72 ont été
admis : 4 avec la mention bien, 17 avec la mention assez bien,
51 avec la mention passable. La mention bien a été obtenue
par MM. Bertrand de Toulon, Général d’Avignon, Vieille et
Combes du lycée de Marseille.
Pour le baccalauréat restreint, 95 candidats se sont présen
tés : 40 ont été admis , dont 14 avec la mention assez bien et
26 avec la mention passable.
En résumé, il y a eu 278 examens et 112 admissions; ce
qui donne, pour les admissions, la proportion de 40 p. °/0 seu
lement.
�30
Leçon» et travail* «le» Professeur»
Les professeurs ont fait leurs cours avec la même régularité
et le même soin que par le passé ; ils ont vu un public beau
coup plus nombreux que l’année dernière se presser autour de
leurs chaires : nous sommes heureux de constater ce désir
croissant de s’instruire, malgré les temps difficiles que nous
traversons.
En dehors de leurs leçons, les professeurs ont continué leurs
travaux personnels.
Le professeur de malhématiques, M. l’abbé Aoust, a publié
dans les Annales Mathématiques de Brioschi la troisième par
tie de sa théorie des coordonnées curvilignes quelconques.
Le tome II de son Analyse des Courbes a été l’objet d’un
rapport favorable fait par M. Puiseux, au nom du comité des
Sociétés savantes, et a obtenu l’honneur de l’impression aux
frais du ministère de l’Instruction publique.
Le professeur de physique, M. Terquem, a publié une série
d’articles insérés dans le Journal de Physique, sur les diverses
unités servant à la mesure des quantités d’électricité et de ma
gnétisme, et les rapports qui existent entre elles. Ce travail est
un résumé des recherches entreprises principalement par Gauss
et par Weber ; il est destiné à combler une lacune qui existe
dans l’enseignement de l’électricité en France. Bien que ces
articles ne soient, en grande partie, que la reproduction de tra
vaux antérieurs, cependant certaines simplifications et démons
trations sont l’œuvre de notre savant collègue.
M. Terquem fait connaître, dans le même journal, une nou
velle expérience pour démontrer que l’électricité se porte à la
surface des corps, et que, dans une enveloppe formée de tiges
métalliques séparées les unes des autres, on ne peut constater,
ar l’électroscope, la moindre trace d’électricité à l’intérieur.
31
Enfin M. Terquem a inséré dans le Journal de Physique
une note sur quelques modifications à la méthode de M. Lissajoux pour l’étude optique des sons.
Les professeurs de chimie et d’histoire naturelle ont conti
nué leurs recherches, chacun dans la voie qu’ils se sont tracée
depuis longtemps.
Ecole pratiqne de» haute» Etude»
Des laboratoires d’enseignement et de recherches, pour les
sciences physiques, ont été installés dans notre Faculté, depuis
bientôt quatre ans, grâce à la sollicitude de l'Administration
municipale de la ville. Cette création, œuvre d’un Ministre dé
voué aux intérêts de la science, a été soutenue et développée
par le chef de cette Académie avec une ardeur et un zèle qui
ne se sont jamais démentis toutes les fois qu’il s’est agi du pro
grès des sciences qui sont depuis si longtemps l’objet de ses étu
des et l’honneur de sa carrière.
Notre Faculté, qui renferme également des laboratoires pour
les travaux d’histoire naturelle, se trouve aujourd’hui complé
tée par la nomination d’auxiliaires précieux qui nous permet
tront, enfin, d’ouvrir aux élèves des laboratoires préparés de
puis bien longtemps et placés sous la direction des professeurs
de physique, de chimie et d’histoire naturelle.
Notre Ecole pratique des hautes études s’ouvrira ainsi dans
les meilleures conditions, et la ville de Marseille n’aura rien à
envier aux Académies les mieux favorisées. Mais, Messieurs, ne
l’oublions pas ; cette situation même nous impose des devoirs
sérieux : la tâche de l’Etat et celle de la ville est accomplie, la
nôtre va commencer, et nous devons tenir à honneur de nous
montrer dignes de la confiance que l’on a mise en nous.
Qu’il me soit permis, à ce sujet, d’entrer dans quelques dé
tails, dont l’intimité, je l’espère, n’exclura pas l’intérêt ;
�I/Ecole pratique des hautes études a un double but : la réali
sation des travaux de recherches scientifiques et l’application
à l’industrie des données scientifiques, d’une part, et, d’au
tre p art, la préparation des élèves qui seront appelés plus
tard à accomplir de nouveaux progrès et à réaliser de nouvelles
applications. De là des devoirs réciproques de la part du pro
fesseur et des élèves ; celui-ci se doit à ses élèves ; il leur doit
son temps, sa bienveillance, ses encouragements et ses conseils,
fruit de son expérience. Il se trouvera heureux toutes les fois
qu'il recevra, en échange, ces témoignages de déférence et de
reconnaissance qu’appelle naturellem ent le souvenir des servi
ces rendus. Mais, ce qu’il leur demandera surtout, c’est le dé
vouement à la science et le respect qui s’attache à tous ceux qui
la cultive. Devenu maître, à son tour, l’élève devra faire pour
d’autres ce qu’on a fait pour lui-même. Bien plus, si, dans sa
jeunesse, il a été isolé, rebuté peut-être, s’il a souffert, nous lui
dirons : « C’est une raison de plus pour être bon et dévoué; si
vous avez souffert, il ne faut pas que d’autres souffrent à leur
tour ; en manquant de bienveillance, vous seriez doublement
coupable ».
Et, d’ailleurs, quoi de plus naturel que cette bienveillance!
N’a-t-elle pas sa source dans l’amour même de la science? Ce
lui qui aime la science, aime ceux qui la cultivent ; il aime les
nobles travaux de l’esprit, de quelque part qu’ils viennent; il se
garde bien, surtout, de céder à ces mesquines jalousies, à ces
personnalités égoïstes qui privent l’envieux de bien des jouis
sances. Puissent-ils disparaître ces tristes symptômes d’une ma
ladie morale si funeste aux progrès de la science et de l’huma
nité I
Mais, Messieurs, en pareille matière, rien n’est éloquent
comme l’exemple; c’est pourquoi, en terminant, je vous de
manderai la permission de citer quelques réflexions que j’em
prunte à un article publié récemment par mon collaborateur et
35 —
digne ami, M. Valson ; il a trait à l’une des personnalité scien
tifiques les plus sympathiques de notre époque.
Après avoir exposé les difficultés, sans riombre, contre les
quelles les savants ont eu à lutter, aux diverses époques de
l’histoire, et essayé de caractériser les difficultés inhérentes sur
tout à l’époque contemporaine, l’auteur que je viens de citer
ajoute :
« Toutefois, hâtons-nous de le dire bien haut, il s’est rencon» tré des maîtres qui, rompant avec des traditions malheureu» sement trop répandues d’indifférence et d’égoïsme, ont su
» employer généreusement leur talent, leur influence et leur
» crédit à protéger les jeunes savants, à encourager leurs pre» miers essais, à les mettre ainsi en mesure de rendre plus tard
» à la science des services sérieux. Quelques-uns, même, sont
» allés plus loin ; ils n’ont pas dédaigné de confier à ces jeunes
» savants une part considérable de leurs propres travaux et
» d’associer à leurs noms celui de leurs élèves. Inestimable
» avantage pour le disciple de figurer ainsi à côté du maître et
» de recueillir prématurément une première moisson d’hon» neur, à une époque de la carrière où tant d’autres, moins
» favorisés, cherchent encore ou sollicitent en vain une main
» secourable 1 Ajoutons aussi : précieux avantage pour le maî» tre qui se trouve ainsi en mesure de conduire à bonne fin,
» plus rapidement et plus efficacement, la longue série de ses
» recherches, sans que la richesse de son trésor scientifique
» soit diminuée, parce que d’autres y auront participé. Un gé» néral victorieux a-t-il jamais vu sa gloire amoindrie en la
» partageant avec les hommes dévoués qu’il avait associés aux
» combinaisons de sa profonde stratégie ?........... »
» Ajoutons encore que c’est ainsi qu’un homme, dévoué
» avant tout à la science, peut devenir le centre d’un mouveiii
�— U » ment scientifique considérable, et le chef, librement accepté,
» d’un groupe de savants du plus grand mérite.
» Il m’a paru utile d’insister sur ce caractère particulier du
» rôle que je viens de signaler, parce qu’il est extrêmement pro» fitable aux savants, et, aussi, parce qu’il est éminemment pro» pre. à rétablir dans la science un élément d’ordre depuis
» longtemps perdu, et cependant bien indispensable, je veux
» parler de la hiérarchie. La liberté et l’indépendaace sont a$» sûrement des biens du plus grand prix. Dans la science, com» me ailleurs, la possession en est infiniment désirable ; mais, il
» ne faut pas l'oublier, l’exercice de la liberté se compose à la
» fois de droit et de devoirs qui sont inséparables. Ce serait une
» erreur funeste et une tendance tout à fait immorale que de
» se borner, comme on le fait malheureusement trop volon» tiers aujourd’hui, à revendiquer purement ses droits, en
» laissant ses devoirs de côté. L’homme intelligent et laborieux
» possède un droit naturel à être encouragé dans ses recher» ches et soutenu au milieu des dillicultés de toutes sortes qui
» l’environnent ; mais il a en même temps des devoirs à rem» plir à l’égard de ses protecteurs. Pour ne parler que d’un
» seul, je citerai ce devoir, qu’un proverbe pessimiste prétend
» être si difficile à remplir, celui de la reconnaissance. Le bien» fait généreusement accordé, et la reconnaissance librement
» pratiquée, tel est le double lien qui paraît destiné, de nos
» jours, à restaurer l’antique hiérarchie et à rétablir entre les
» savants une véritable solidarité. L’entreprise est peut-être dif» flcile ; mais le noble exemple que nous venons de citer mon» tre qu’elle n’est pas impossible. »
Ce sont là de nobles paroles, Messieurs, et je n’ai cru pouvoir
mieux terminer qu’en les citant dans cette enceinte.
- 3b —
I
RAPPORT DE M. BONAFOUS
Doyen de la F a c u lté des L ettres.
Monsieur
le
R ecteur ,
M essieurs,
Pendant l’année qui vient de finir, la Faculté des Lettres
d’Àix a paisiblement continué ses travaux. Plus heureuse que
ses sœurs, elle n’a été visitée ni par la mort, ni par la maladie,
et elle se présente devant vous avec un personnel complet et
que vous connaissez déjà : l’un, celui qui a l’honneur de vous
parler, vous est connu par l’ancienneté de ses fonctions qui da
tent de la création de la Faculté ; les autres vous sont connus
par l’éclat et la solidité de leur enseignement. Les cours ont été
faits d’une manière régulière, et les examens ont amené devant
notre tribunal un grand nombre de candidats, que les privilè
ges accordés au baccalauréat par la nouvelle loi militaire vont
probablement grossir encore. Espérons que les candidats de
viendront meilleurs en devenant plus nombreux, et qu’une no-
�— 36 —
ble et nécessaire émulation fécondera les idées sérieuses que
nos malheurs nous imposent I
Il semble donc, Messieurs, que je pourrais me borner à vous
présenter une page de statistique, science aujourd’hui fort à la
mode, et qu’en groupant quelques chiffres, qui tendent de plus
en plus à usurper la place des idées, il me serait facile de ren
dre ma tâche d’autant moins désagréable pour vous qu’elle se
rait plus courte. Mais nous avons, du moins dans l’ordre des
choses de ce monde, la charge des âmes : à nous incombe la
mission de défendre la saine littérature et les pures doctrines
de la philosophie. De plus, les pères de famille attendent de
nous des renseignements et des conseils sur les études que leurs
enfants reçoivent dans les établissements publics ou libres. A ce
double titre, le Doyen doit une fois par an, dans la séance de
rentrée, donner quelques détails sur les cours professés à la Fa
culté et sur les résultats des examens.
Une modification importante s’introduit peu à peu dans l’en
seignement des Facultés des Lettres. A ces leçons d’apparat, qui
cherchent à plaire par l'élégance de la forme à un auditoire
composé sans distinction d’âge ni de sexe, viennent se joindre
maintenant des leçons plus modestes, mais beaucoup plus pro
fitables. Les conférences, c’est le nom qu’elles portent, réunis
sent des auditeurs moins nombreux, il est vrai, mais plus avi
des d’une instruction solide et réelle. Le maître descend, pour
ainsi dire, de la chaire ; il se rapproche de ses disciples, s’entre
tient familièrement avec eux, et leur donne un rôle actif et per
sonnel. Les esprits se confondent ainsi dans un travail commun,
qui rappelle la méthode de Socrate et l’enseignement ésotérique
d’Aristote. C’est là que se forment les jeunes maîtres de l'Uni
versité et qu’ils se préparent aux épreuves de la licence. Nous
avons aussi le plaisir d’y compter un certain nombre d’étudiants
en droit, qui, soucieux de leur avenir, joignent l’étude des let-
— 37 —
très aux travaux juridiques, et viennent gagner avec nous de
bonnes heures que le plus grand nombre perd et dissipe dans
des distractions, toujours frivoles, si elles ne sont pas funestes.
L’utilité de ces conférences nous a paru si évidente, que
nous y consacrons tous une leçon par semaine, et que deux
d’entre nous en ajoutent volontairement une à celles que leur
impose le règlement. Le Doyen y explique les auteurs grecs in
diqués dans le programme de la licence ès-lettres, s’efforçant
ainsi de ranimer le goût et l’amour de cette langue, la plus belle
que les hommes aient jamais parlée. M. Benoist, qui jouit déjà
d’une si grande autorité dans l’enseignement du latin, s’est
chargé d’un cours de philologie et de grammaire comparée, qui
a eu le plus grand succès à Nancy, et qui commence parmi nous
sous les meilleurs auspices.
Ce rapport sera, suivant l’usage, divisé en deux parties dis
tinctes. Je parlerai d’abord des matières traitées dans la der
nière année classique et je vous ferai connaître notre program
me pour l’année qui commence. Je parlerai ensuite de la colla
tion des grades et surtout de celui du baccalauréat.
Le Professeur de philosophie a étudié, pendant l’année qui
vient de finir, les grands systèmes métaphysiques du XVIIe siè
cle. Il a insisté longtemps sur la philosophie de Malebranche,
cette philosophie toute française, qui a sans doute ses erreurs et
ses côtés faibles, mais qui est si admirable à la fois par l’éléva
tion de la pensée, par la clarté et la netteté de la forme. Male
branche n’est pas seulement un métaphysicien comparable à
Platon par la sublimité de ses conceptions, c’est aussi un mora
liste ingénieux, un profond psychologue, et souvent, un char
mant critique ; son style, s’il n’a pas la perfection soutenue
d’un Bossuet ou d’un Pascal, se rapproche peut-être davanta
ge de la grâce simple et naturelle et de la limpidité des Grecs.
Arrivant ensuite à Leibnitz, le Professeur a exposé ces belles
�hypothèses des monades et de l’harmonie préétablie, dont on
peut contester la vraisemblance, mais qui forment un système si
complet, si bien lié, dont toutes les parties s’enchaînent si ri
goureusement et se supposent les unes les autres, qui ne lais
sent aucun fait sans explication, aucune objection sans réponse.
En discutant la théorie de l’optimisme, il a rencontré le scepti
cisme de Bayle, et il s’est arrêté quelque temps à l’étude de cet
esprit remarquable. Le cours s'est terminé par l’exposition de
l’idéalisme de Berkeley.
Dans l’année qui va commencer, le Professeur étudiera la
philosophie morale et politique au XVIIIe siècle. Inférieur au
XVIIe siècle en métaphysique, le XVIIIe siècle se relève par la
psychologie et surtout par la morale et la politique. C’est là
qu’est sa gloire, c’est là aussi qu’a été sa puissance. Si le XVIIe
siècle a renouvelé la science, le XVIIIe siècle a renouvelé la so
ciété. A aucune époque, l’influence de la philosophie sur les
faits, sur les progrès de l’humanité, n’a été aussi évidente. Dans
cette grande lutte d’idées, on rencontre sans doute bien des er
reurs ; mais les erreurs ont passé, la vérité est restée. Au milieu
de ces théories si diverses sur l’origine des droits et des devoirs
que défendent Helvétius, Hume, Adam Smith, Kant, une idée
se dégage, commune à tous les systèmes, une vérité nouvelle et
immortelle : le principe du droit, c’est l’indépendance naturelle
de l’individu, l’égalité dans la liberté.
Le Professeur d’histoire, qui a raconté l’année dernière la
décadence de Louis XIV, exposera les révolutions politiques de
l’Europe, depuis la paix d’Utrecht jusqu’à la fin du XVIIIe siè
cle. Vaste et important sujet, et qui nous touche plus directe
ment qu’il ne semble,à ne s’arrêter qu’à sa date 1 Que le XVIIIe
siècle ait été pour le système européen une transformation ra
dicale, même indépendamment des guerres de la République et
de l’Empire, on pouvait ne s’en apercevoir qu’à moitié, il y a
— 59 —
vingt ans ; il faudrait être aveugle pour le méconnaître aujour
d’hui.
Les affaires de l’Europe tournent maintenant sur la Prusse et
sur la Russie. Or, la nouveauté essentielle de la politique du
XVIIIe siècle, c’est la Prusse montant au rang des grandes puis
sances, et la vieille Moscovie devenant l’empire russe. À un point
de vue plus général, à ne considérer dans le XVIIIe siècle que
l’histoire pragmatique , abstraction faite du mouvement des
idées, des questions sociales et de la fermentation de la politi
que intérieure, toutes choses qui remplissent tellement le temps
qu’on est tenté de croire qu’il n’en existe pas d’autres, peu d’é
poques sont aussi fécondes en leçons de gouvernement, et font
mieux toucher au doigt pourquoi les Etats s’agrandissent, di
minuent ou périssent. 11 y a là bien des enseignements prati
ques, utiles à recueillir dans tous les temps, et, pourquoi ne
pas le dire ? urgents à méditer dans le nôtre.
Le Professeur de littérature française
a étudié l’année dero
nière les origines de notre littérature et recherché comment
s’étaient manifestés au moyen âge les principaux caractères de
notre génie national. Dès cette époque, la France, héritière de
la civilisation antique, fournit des modèles aux nations moder
nes et produit dans tous les genres des chefs-d’œuvre que les
peuples voisins s’empressent d’imiter. C’est d’abord la Provence
qui, par une heureuse alliance du génie italien et du génie
français, crée une littérature nouvelle. Elle chante l’amour avec
toutes ses délicatesses et tous ses raffinements, célébré les ver
tus guerrières, et, passant de la poésie lyrique à la satire, pour
suit de ses plus ardentes invectives les rois sur leur trône, les
chefs de l’Eglise, et médit même de l’amour. L’Italie, l’Espagne,
l’Ecosse, l’Angleterre, l’Allemagne elle-même, imitent les poè
tes provençaux et se font leurs tributaires. Quand cette poésie
élégante, mais subtile, a disparu, comme la fleur tombée de la
�40
branche sans donner de fruit, la France du Nord, à son tour,
offre à l’Europe de nouveaux modèles. L’Université de Paris a
pour élèves les savants les plus illustres, et des poètes inspirés
créant, dans une langue rude encore et peu flexible, mais éner
gique et. gracieusement naïve, l’épopée guerrière et l’épopée
romanesque. Roland, neveu de Charlemagne, et le roi Arthur,
deviennent les chefs de nombreuses générations de chevaliers,
également amoureux, modèles de l’héroïsme le plus pur, tant
que les mœurs du temps se plaisent à ces nobles conceptions;
et, pour les peuples qui ne se plaisent plus, ni aux délicatesses
d’un amour vertueux, ni aux prouesses des combats sanglants,
les mêmes Roland et Arthur fournissent encore aux poètes des
sujets de parodie : ils vivent dans les œuvres d’Arioste et de
Cervantes.
Mais si l’Europe emprunte à la France les sujets de ses épo
pées, elle l’a bien plus servilement imitée dans les fabliaux. Ces
petits poèmes où la satire se moque des puissants de ce monde
et venge la faiblesse désarmée, protection généreuse de l’esprit
contre la force, sont l’œuvre la plus remarquable du génie fran
çais au moyen âge. Aussi ces productions sont-elles accueillies,
imitées dans tous les pays où la raison et la justice ne sont pas
toujours écoutées, c’est-à-dire partout. L’Italie, l’Angleterre,
l’Allemagne, nous prennent nos contes et nos fabliaux, sauf à
les gâter en les imitant. Ainsi s’affirme, au moyen âge, la puis
sante et féconde influence du génie français : ainsi nos premiers
ancêtres ont préludé à cette royauté littéraire de la France,
manifestée avec tant d’éclat sous Louis XIV, continuée et re
nouvelée au XVIIIe siècle. Nobles traditions, glorieux souvenirs
que nous ne pouvons pas oublier ; où nous devons aujourd’hui
chercher, non pas seulement de stériles consolations pour nos
malheurs, mais un précieux enseignement et un sujet d’espé
rance pour l’avenir.
— 41
Le Professeur étudiera, cette année-ci, le théâtre français au
XVII8 siècle et s’occupera principalement de Corneille et de
Racine.
Le Professeur de littérature étrangère a passé en revue les
historiens italiens depuis l’époque de Dante jusqu’à celle de
Machiavel. Il a constaté l’unité de l'esprit qui anime ces histo
riens. Machiavel est le plus grand ; il résume les qualités et les
défauts de tous. Le Professeur a opposé le caractère positif et
politique des premiers historiens italiens an caractère poétique
et épique des anciens chroniqueurs français et espagnols. L’idée
politique est déjà dans la chronique de Dino Compagni ; le sen
timent de la valeur des faits économiques se trouve dans les Villani. Gino Capponi saisit avec force la réalité des faits; les
vénitiens Dandolo et Sanuto appliquent à l’histoire la méthode
scientifique ; Marco Polo, Cademosto et Vespucci explorent les
pays lointains. Le style historique fait de grands progrès dans
les latinistes de la renaissance, Léonard Aretin et le Pogge ;
l’art de la composition est ébauché par Corio et Collenuccio.
Machiavel achève et consomme tout cela dans son Histoire de
Florence, moins connue que ses œuvres politiques, et qui pour
tant, comme le dit Gervinus, est son œuvre capitale. Les er
reurs politiques de Machiavel sont dues à son temps, son génie
esta lui. Son Histoire de Florence est écrite avec un art ex
quis; mais l’absence d’équilibre moral qui a porté Machiavel à
réduire en maximes la doctrine politique du XVIe siècle, empê
che encore ici l’œuvre d’être complète ; l’âme de l’historien
n’est pas assez haute, et la condamnation du plus bel ouvrage
de l’école italienne en histoire, implique la condamnation de
l’école entière.
Le Professeur se propose d’étudier, cette année-ci, les origi
nes de la littérature allemande, dans le premier semestre, et la
légende espagnole du Cid, dans le second.
�42 —
Le cours de philologie, inauguré par M. Benoist au commen
cement de l’année 1872, a eu plus de succès qu’ou ne pouvait
en attendre d’un enseignement si sérieux. La science du Pro
fesseur et le renom qu’il s’est fait par des publications de pre
mier ordre, ont naturellement attiré vers lui des hommes pleins
d’ardeur , de jeunes maîtres de l’Université, qui veulent com
pléter ces connaissances superficielles dont on se contente trop
souvent, par une érudition exacte et solide. L’établissement du
cours de philologie a été une bonne fortune pour notre Faculté.
Dans le cours de l’année dernière, le Professeur a interprété
quelques odes d’Horace et il a commencé l’histoire de la langue
latine. Cette année-ci, il fera connaître les véritables méthodes
grammaticales et exposera les caractères généraux de la langue
latine ; il s’occupera tout d’abord de la pureté et de la clarté.
Le Professeur de littérature ancienne continuera cette annéeci l’hisioire politique et littéraire de la Grèce ancienne. Dans
les deux conférences qui accompagnent la leçon principale, il
expliquera la troisième et la quatrième Philippiques, et la troi
sième partie du Gorgias de Platon. On ne peut plus se décider
à quitter la Grèce une fois qu’on y est entré.
Voilà, Messieurs, nos travaux et notre nouveau programme.
Au milieu des occupations incessantes que nous donnent nos
cours et nos examens, quelques-uns de nous trouvent encore le
temps de publier des livres qui ne sont pas seulement un grand
honneur pour eux, mais qui honorent la Faculté elle-même.
M# Reynald, professeur de littérature française, a publié, sur
Mirabeau, une étude élégante, spirituelle, impartiale, travail
aussi bien écrit que bien pensé, auquel l’Académie française
vient de décerner une des plus belles couronnes. M. Benoist,
de son côté, a fait paraître le troisième et dernier volnme de
son édition de Virgile, publication importante, qui place notre
collègue au nombre de nos plus savants philologues.
— 43 —
• Je serai court, Messieurs, en vous rendant compte de nos
examens. Dix-huit candidats se sont présentés aux épreuves de
la licence pendant l’année classique 1872-1873, sept dans la
ession de novembre, onze dans la session de juillet. Sur ce
nombre, sept ont été admis, deux en novembre, cinq en juillet.
Nous avons constaté avec plaisir un véritable progrès dans la
préparation des candidats et dans le mérite des épreuves. Je me
plais à proclamer en séance publique les noms des candidats
admis. Ce sera un honneur pour eux ; mais ils ont déjà reçu
leur récompense de la bienveillante justice de M. le Recteur,
qui réserve aux plus méritants les meilleurs postes de son Aca
démie. Avis aux professeurs hésitants, aux maîtres répétiteurs re
tardataires, qui ne travaillent pas à conquérir au plus tôt un
grade dont ils ne peuvent se passer, et qui s’imaginent que l’an
cienneté est un titre suffisant d’avancement.
Les candidats admis sont :
Avec la mention bien :
Larroumet, maître auxiliaire au Collège d’Aix ;
Avec la mention assez-bien :
Nouguès, maître répétiteur au lycée de Nice ;
Burnouf, maître auxiliaire au Collège d’Aix;
Gasquy, étudiant libre, à Marseille ;
Fabre, étudiant en droit à la Faculté d’Aix ;
Maubert, maître répétiteur au lycée de Marseille ;
De Galland, maître auxiliaire au Collège d’Aix.
Les examens de la licence ont donc présenté des résultats
meilleurs que ceux de l’année dernière, puisque nous avons ad
mis sept candidats sur dix-huit, tandis que, en 1871, nous n’en
avions admis que trois sur douze. Il en a été de même pour le
bacculauréat; les examens ont été plus nombreux et meilleurs ;
je dis meilleurs, par euphémisme; la vérité est qu’ils ont été
�— U
moins mauvais. Nous avons examiné, en 1872, 542 candidats,
contre 471, en 1871 : augmentation sur le nombre, 71. Nons
avons admis au grade 229 candidats : 2 avec la mention bien,
29 avec la mention assez-bien ; 198 se sont sauvés sur la plan
che de salut, c’est-à-dire, avec la mention passable. La moyenne
des admissions a été de 42,06 au lieu de 41,18. Le bénéfice
n’est pas grand, sans doute ; mais il constate une situation qui
s’améliore. La cause principale d’une déroute que nous déplo
rons et que notre indulgence s’efforce de rendre moins meur
trière, c’est toujours la précipitation des élèves de rhétorique,
qui affrontent le combat, sans y être suffisamment préparés;
ces conscrits, mobilisés à la hâte, mal armés et mal équipés, ne
tiennent pas quand commence le feu. Dangereusement atteints
dans l’épreuve de la dissertation philosophique, ils reçoivent de
nouvelles blessures dans le choc des épreuves orales, de la par
tie surtout qu’on ne prépare sérieusement que dans la classe de
Philosophie. Les élèves médiocres meurent à coup sûr de ces
blessures ; et les meilleurs, quand ils obtiennent le diplôme,
n’osent pas montrer une couronne dépouillée de ses plus beaux
fleurons.
Espérons que les nouvelles réformes, inaugurées par la sa
gesse de notre Ministre dans l’enseignement secondaire, éta
bliront une situation meilleure et que le sol universitaire pru
demment remué et ameubli produira une récolte plus saine et
plus abondante.
— 45 -
RAPPORT DE M. COSTE
d i r e c t e u r * d e l ’J E c o l e
de médecine et de Pharmacie.
*
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
Je viens remplir ma tâche de chaque année en plaçant sous
vos yeux la situation actuelle de l’Ecole de Médecine et de Phar
macie de Marseille.
Dans ce rapide exposé des travaux de notre institution pen
dant le dernier exercice scolaire, je veux oublier un instant que
j’ai l’honneur de lui appartenir à un double titre ; je veux ou
blier cela, parce que la justice et la vérité m’obligent, fort heu
reusement, à ne dire que du bien de notre chère Ecole.
Les malheurs du temps, les désastres de la patrie , loin d'a
mollir les courages, n ’ont fait que ranimer le zèle des jeunes
�— 46 —
hommes qui vont aux carrières libérales. L’affluence a été
grande surtout dans les écoles de médecine. On a compris que
le travail et l’instruction, avec l’aide de l’honnêteté et delà
droiture du patriotisme, étaient les plus sûres voies pour nous
conduire à la régénération et nous rendre notre suprématie
perdue.
L’Ecole de Marseille a largement participé à cette impulsion
générale, car elle a reçu, dans l’année classique qui vient de
s’écouler, 575 inscriptions ; 397 pour la médecine et 178 pour
la pharmacie.Parmi les premières, 191 ont été prises en vue du
doctorat ; 206 avaient seulement pour but le grade d’officier de
santé. Des porteurs d’inscriptions de pharmacie, 8 préten
daient au titre de pharmacien de première classe et 170 à celui
de pharmacien du second ordre.
Le total de ces inscriptions représente environ 130 élèves.
Si, comme toujours, les professeurs se sont consciencieuse
ment dévoués à leur mission, l’assiduité et le zèle attentif des
élèves ont été la récompense de leurs efforts. Il y a eu, d’une
part, intérêt et bienveillance ; il y a eu, d’autre part, déférence
et gratitude. Je suis heureux de donner à tous, ici, ce témoi
gnage si mérité. Nos élèves sont très dignes de cette mention et
je ne suis que juste envers mes honorés collaborateurs en di
sant que, chez eux, le dévoûment égale la science.
À défaut d’une clinique obstétricale, que nous pourrons, je
l’espère, avoir, un jour, à côté de nos cliniques de médecine et
de chirurgie, les étudiants de deuxième et de troisième année,
sous la conduite et la savante direction du professeur adjoint
d’accouchements, M. Magail, ont mis beaucoup d’empressement
à suivre, à tour de rôle, deux fois par semaine, les exercices
47
pratiques de la maternité, où, sur ma demande,l’Administration
des Hôpitaux avait eu la bonté de les admettre.
Nous avons été très satisfaits de leur zèle et nous n’avons
aussi que des éloges à donner à la parfaite convenance de leur
tenue. Animés du vif désir de s’instruire dans une branche dif
ficile de notre art et pour laquelle les moyens pratiques leur
avaient jusqu’ici manqué, nos élèves ont bien compris l’impor
tance de la faveur qui leur était faite ; la dignité de leur attitu
de, dans un pareil service, l’a pleinement justifiée et nous en
assure la continuation.
L’Ecole attache aux examens de fin d’année une sérieuse im
portance. Aussi, sans être trop rigide dans ces épreuves, ne
prodigue-t-elle pas les notes supérieures.
105 étudiants, 77 en médecine et 28 en pharmacie, ont été
examinés dans les premiers jours du mois d’août.
Deux n’ont pu se présenter pour cause de maladie et neuf
ont été absents sans motifs légitimes.
Ces examens nous ont généralement satisfaits :
En première année, une mention très-bien et deux bien.
Huit ajournements.
En deuxième année, une mention très-bien et quatre bien.
Trois ajournements.
En troisième année, une mention très-bien et une bien. Nul
ajournement.
Pour les examens de pharmacie, il y a eu deux mentions
très-bien, une bien et quatre ajournements.
20 élèves, 15 en médecine et 5 en pharmacie, ajournés ou
dûment absents à la session normale d’août, viennent de subir
leur examen à la session supplémentaire de la rentrée.
Tous, moins un pharmacien, ont été reçus.
�48
Nos examens probatoires pour la oollation des grades ont eu
lieu dans la seconde quinzaine d’octobre et dans la première de
novembre.
Le Jury de Médecine était présidé par ML le professeur Du
mas, et celui de Pharmacie par M. le professeur Cauvy.
Ont comparu devant le prem ier : 4 3 aspirants au diplôme
d’officier de santé et 8 élèves sages-femmes. Le second a eu à
juger 38 candidats au brevet de pharmacien et 2 à celui d’her
boriste.
11 officiers de santé ont été jugés dignes du diplôme, et
2 ajournés au second examen. Toutes les sages-femmes ont été
reçues, ainsi que 37 pharmaciens et les 2 herboristes. Un seul
pharmacien a été ajourné au prem ier examen.
Les Jurys, bien pénétrés de la gravité de leur mandat, tout en
usant d’indulgence, n’ont voulu conférer aux divers postulants
le droit d’exercice de leur profession que dans des conditions
offrant à la santé publique des garanties suffisantes,
Nous touchons enfin à la solution si justement désirée, si im
patiemment attendue, de l’établissement de notre nouveau local
dans le vieux Palais-de-Justice.
Plusieurs mois devront se passer encore avant notre complet
aménagement ; les nombreux détails qui s’y rattachent ne peu
vent s’accomplir que progressivement. Mais, dès ce jour, nous
pourrons prendre possession de notre salle de cours et d’une
partie de nos laboratoires, très confortablement disposé.
Notre nouvelle installation, dans l’état de détresse où nous
nous trouvions, est, sans doute, un grand bienfait ; mais qu’il
me soit permis de dire que ce local de l’Ecole médicale de Mar
seille n’est point à la hauteur de sa prospérité, du rang qu’elle
occupe parmi les institutions du même ordre et des destinées
auxquelles elle serait pleinement en droit de prétendre.
49
Nous n’en sommes pas moins, mes collègues et moi, profon
dément reconnaissants à Messieurs les membres de la Municipa
lité et à leur très honorable chef de tout ce qu’ils ont fait pour
nous. Je les prie d’accepter nos plus sincères remercîments.
Que notre jeune et excellent confrère, M. Isoard, adjoint de
M. le Maire, veuille bien, notamment, en agréer l’expression
pour l’activité de son zèle, pour la constance de l’intérêt qu’il
nous a témoigné.
M. le Recteur de l’Académie, par ses démarches, qu’il n’a pas
épargnées, et par l’appui de sa haute influence, a puissamment
contribué, dans cette affaire, à la réalisation de nos désirs.
Toute notre reconnaissance lui est acquise.
Indépendamment de l’appropriation du nouveau local de
l’Ecole et des réparations, si indispensables, qu’attend la salle
de dissection, je ne saurais remercier trop vivement l’édilité de
Marseille d’avoir voté les crédits nécessaires pour l’érection, au
jourd’hui terminée, d’un amphithéâtre spécialement destiné à
l’enseignement de l’anatomie.
Je poursuivais depuis longtemps l’idée de cette construction
et j’en souhaitais ardemment la réussite.
L’amphithéâtre d’anatomie occupe, derrière la morgue, le
terrain de notre petit jardin botanique médicinal, dont les avan
tages étaient véritablement illusoires, à cause de son exiguité.
Toutefois, nous devons retrouver ce jardin ailleurs et dans
des conditions bien autrement favorables.
Pour cette affaire, qui n’importe pas seulement aux élèves en
pharmacie mais aussi à nos étudiants en médecine, j’ai, d'après
les renseignements qu’il m’a été possible de recueillir, les meil
leures espérances.
M. le professeur Derbès, de la Faculté des Sciences, a obtenu
de M. le Maire, pour la création d’un jardin botanique, l’ancien
IV
�— m —
jardin des dames Carmélites, à côlé du palais de Longchamp,
jardin dont la surface est de 4,000 mètres et où 1,600 plantes
pourraient être placées. Plus tard, l’emplacement du couvent
démoli et les terrains environnants serviraient à l'agrandisse
ment du jardin botanique, qui aurait alors 3,000 mètres. Par
les soins de M. Derbès, les plantes de notre ancien petit jardin
ont été transplantées dans ce lieu et un espace suffisant y serait
réservé pour notre jardin botanique médicinal,
Les frais de cet établissement seraient ultérieurement à la
charge de la ville. M. Derbès a distrait, pour le moment, quel
ques frais de la Faculté ; l’Ecole de Médecine devrait aussi af
fecter à cet entretien une faible somme prise sur nos frais de
cours.
— M —
duite scolaire et les notes obtenues aux examens de fin d’année,
ont été jugés dignes de prix ou de mentions.
Un long et brillant concours nous a donné, au mois de dé
cembre dernier, un nouveau collègue pour la suppléance des
chaires de chirurgie et d’accouchements.
M. Demeules, sorti de l’internat de Paris, où il s’était distin
gué, nous offre, après de telles épreuves, la perspective assurée
d’une très utile collaboration.
Autorisé d’abord à faire quelques leçons de pathologie géné
rale dans ses applications à la chirurgie, puis chargé d’une
partie du cours de médecine opératoire, M. Demeules, dans ce
premier essai du professorat, si court qu’il ait été, a parfai
tement réalisé les espérances qu’avait fait naître sa nomination ;
il a conquis d’emblée les sympathies des élèves, qui ont bien
vite reconnu chez leur jeune maître les plus solides aptitudes et
un zèle ardent à les instruire.
Que M. Demeules soit le bienvenu parmi nous I
ÉTUDIANTS EN PHARMACIE
Je place à la fin de ce compte-rendu le tableau d’honneur de
nos élèves les plus méritants, de ceux qui, par leur bonne con-
ÉTUDIANTS EN MÉDECINE
/re année. — 1er prix : M. Raynaud.
Mention honorable ; MM. Aube et Manuel.
2m‘ année. — 4cr prix : M. Michel.
Mention honorable : MM. Giraud (Alcide), Ram
pai, Giboux et Lambert.
3™année. — 1er prix : M. Gamel.
2mc prix : M. Rouquette.
1er prix : M. Slizewic.
2me prix : M. Chevalier.
Mention honorable : M. Raynaud.
�- Ï1c2 —
;)
RAPPORT DE M. NAQUET
SUR
LE
CONCOURS
Entre les Etudiants de la Faculté de Droit d’Aix
EN 1 8 7 1 - î ‘l
Je ne vous fatiguerai pas, Messieurs, en essayant de rappeler
les avantages que présentent nos concours, qu’il me soit seule
ment permis de faire rem arquer qu’ils ont un mérite tout spé
cial dans une branche de l’enseignement où on ne prodigue pas
les épreuves écrites ; il serait même à désirer que, dans le but
d'obliger tous les élèves à une application soutenue et à un tra
vail suivi, on rendit les concours obligatoires en ajoutant à leur
caractère propre, celui d’examen éliminatoire. La même épreu
ve servirait alors à deux lins, elle fixerait et la valeur relative et
aussi la valeur absolue des candidats. Je m’arrête à l’énoncé de
celte idée pour ne pas sortir de mon cadre et je passe, sans
plus tarder, à l’exposition des résultats acquis dans le concours
actuel.
Concours de première Année
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
La Faculté de Droit a bien voulu me désigner pour vous en
tretenir des Concours ouverts entre nos élèves. C’est une tâche
que je remplis avec bonheur, car je connais la légitime satisfac
tion de ceux dont je vais prononcer les noms et qui viennent re
cevoir ici le prix de leur travail. La joie qui s’attache au succès
dans un concours est une des plus pures et des plus enviables
et l’on comprend même que le maréchal de Villars répétât sou
vent que « les deux plaisirs les plus vifs qu’il eût goûtés danssa
vie, étaient d’avoir remporté un prix au collège et une vic
toire. »
En première année, les candidats devaient traiter : « Des
fonctions du tuteur et des conditions de leur exercice en Droit
romain et en Droit français. »
Le sujet était vaste, il fallait mettre en relief le principe ro
main, le suivre dans ses applications et ses conséquences, mon
trer ses avantages à côté de ses défauts, étudier ensuite le sys
tème français, en fixer les détails, en indiquer la raison d’être et
la supériorité.
La composition de M. Edouard Jourdan a été classée la pre
mière. Elle se recommande par la sûreté des principes, l’exac
titude des détails et la réflexion qu’elle dénote. On voit que
l’heureux candidat a été de bonne heure soumis à une direc
tion aussi habile que constante et qu’il a su en profiter.
Nous n’avons pas hésité à décerner le second prix à M. Larnaude, qui a fait preuve d’un esprit de mesure et d’une clarté
�— U —
remarquable et qui a su se restreindre uniquement à son su
jet. 11 doit le second rang à quelques lacunes et à de légères er
reurs.
M. Emile Muscat a obtenu une première mention pour une
dissertation incomplète mais sérieuse et bien généralisée. On
doit lui savoir gré d’avoir obtenu un pareil résultat par son seul
travail personnel et sans le secours d’aucun maître.
Une seconde mention est accordée à M. Paul Foignet, dont
les réelles qualités ont besoin d’être développées dans le sens de
la netteté et de la précision.
Coucoui's de seconde Année
La question désignée par le sort se rattache au droit des suc
cessions. La formule était celle-ci :
Par qui est dû le rapport?
De quoi est-il dû ?
Qui peut le demander ?
Le rapport est prescrit aujourd’hui à tous les successibles
donataires ou légataires du défunt. Le vœu du législateur est.
que l’égalité soit maintenue entre les enfants. — Ce grand prin
cipe d’égalité a été inscrit pour la première fois dans nos lois
par la Révolution française, et c’est à lui qu’on doit en partie la
richesse de notre pays. — Auparavant, les idées féodales, soi
gneusement entretenues par une aristocratie jalouse de ses pri
vilèges, avaient fait consacrer, un droit exorbitant et irration
nel, le droit d’aînesse et de masculineté.
La base même du rapport une fois indiquée, les conséquences
sont facilement déduites, ceux-là seront obligés de rapporter qui
sont en même temps héritiers et donataires, il n’y a d’exception
que pourceuxqui sont dispensés du rapport par la volonté ex
55 presse du défunt., ou bien pour ceux qui répudient leur qualité
d’héritier. Le Code a été jusqu’à imposer le rapport aux légatai
res: c’est là une exagération qui mérite critique, car, avec cette
règle,le legs fait à un successible perd presque toute son utilité.
Nous regrettons que les candidats n’aierit pas assez insisté, d’une
part, sur l’utilité restreinte que présentent les legs faits à un
successible, dans l’état de notre droit, d’autre part, sur la criti
que que doit soulever une pareille disposition. Nous avons aussi
constaté avec peine dans la plupart des compositions, l’absence
d’une très grosse question, celle de savoir si les donations dé
guisées impliquent une dispense virtuelle de rapport. Enfin, et
c’est un reproche d’un autre ordre, la majorité des candidats a
eu le tort de développer une théorie étrangère au sujet, celle
dite, du cumul de la quotité disponible et de la réserve.
Aucuns des reproches que nous venons d’exprimer ne s’a
dresse à M. Bouet, dont le travail assidu et intelligent a été ré
compensé par le premier prix. C’est un élève hors ligne, dont
nous parlons, et. la Faculté a été heureuse de lui décerner la
première médaille. Un conseil seulement : le langage juridique
veut beaucoup de concision et de fermeté. M. Bouet en manque,
il développe trop sa pensée et tombe souvent dans la déclama
tion.
M. Michel vient en seconde ligne, son travail est clair et
exact, 11 a su traiter avec bonheur la question des donations
déguisées, et s'il n’a pas compris que la théorie du cumul ne
rentrait pas dans son sujet, il a néanmoins révélé beaucoup de
discernement et d’esprit juridique.
Une première mention ex-œquo est échue à M. Barrême et à
M. Crémieu. Les candidats méritaient cette distinction à des ti
tres divers. M. Barrême était plus complet, M. Crémieu avait
plus de vivacité dans l’allure et plus de précision. Tous deux ont
fait preuve de connaissances solides et dignes d’éloges.
�—
nr> —
M. Aicard a obtenu une deuxième mention. Qu’il l’accepte
comme le gage de succès plus brillants encore dans l’avenir ;
ayec les qualités de son esprit il peut viser aux premiers rangs.
Concours de troisième Année
Le sujet du concours de Droit romain était : « La théorie de
la non représentation dans les actes judiciaires et extra-judi
ciaires », théorie vaste, synthétique et féconde en aperçus his
toriques.
Le Droit romain primitif n’a pas connu la représentation et
le Droit romain classique ne l’a jamais admise en principe. 11
est cependant fort rationnel d’autoriser, dans les actes juridi
ques ordinaires, une personne à se substituer à une autre per
sonne, avec le consentement de celle-ci, de manière à faire naî
tre tous les effets qu’aurait produits une intervention person
nelle. Mais le Droit romain était, à l’origine, rigoureux et.
entouré de formules symboliques, il ne pouvait tolérer que l’acte
générateur fût accompli par l’un et que le droit naquit chez
l’autre. Plus tard, il est. vrai, le droit s’élargit et la raison y prit
la plus large place sous l’influence des préteurs, mais si l’on
songe aux procédés du préteur, on s’étonnera moins de la mar
che lente de la législation en notre matière. Le préteur ne fai
sait pas du droit théorique pur, il s’occupait d’éluder les consé
quences du droit civil lorsqu’elles étaient injustes et contraires
aux besoins de la pratique. Or, sauf dans certains cas, le prin
cipe de la non représentation était peu embarrassant à Rome
où le commerce manquait d’étendue et d’importance, et où la
constitution de la famille et de la société donnait au chef de fa
mille des représentants naturels pour acquérir, dans la person
ne de ses esclaves et de ses enfants. Notons d’ailleurs qu’on sût
faire échec aux principes lorsqu’on en sentit l’utilité. C’est ainsi
— 57
que le maître d’un navire et le chef d’un commerce de terre
sont obligés, jure pretorio, par les contrats que passent ïexercitor ou Vinstilor. C’est ainsi encore qu’on peut acquérir et
transmettre la possession et la propriété par le ministère d’un
tiers, en employant la tradition.
Malgré la beauté du sujet, deux candidats seulement ont con
couru. Ce mauvais résultat est assez fréquent dans les concours
de Droit romain de troisième année et il est bon d’en signaler
les causes. Elles sont., à notre avis, au nombre de deux: la pre
mière est l’époque fixée pour le concours de Droit romain. On
sait que les élèves passent réglementairement leur premier exa
men de licence au mois de janvier. Ils se livrent ensuite à l’é
tude du Droit civil, du Droit commercial et du Droit adminis
tratif pour affronter au mois de juillet ou d’août le second
examen de licence. Beaucoup parviennent même à soutenir
leur thèse dans la même session. On conçoit fort bien qu’il est
difficile de mener de front l’étude du cours de troisième année
et du Droit romain, de façon à conserver intactes les connais
sances déjà acquises et à se présenter dans de bonnes condi
tions au concours de fin d’année. On éviterait cet inconvénient
eu plaçant le concours de Droit romain immédiatement après
le premier examen de licence.
L’autre cause que nous avons annoncée tient au discrédit
qui s’attache à l’étude du Droit romain. Ici la faute est aux élè
ves seuls, ils tombent dans une erreur profonde en jugeant le
Droit romain inutile. Il n’y a pas d’étude qui forme mieux le
raisonnement juridique et qui fasse mieux saisir les nuances
et les finesses de la pratique aux prises avec des principes vieillis
et contraires aux nécessités du moment.
Nous avons décerné le premier prix à M. Beinet. Sa disser
tation est remarquable à plusieurs égards : l’auteur domine son
sujet et entre en matière sans digressions inutiles. Le style est
�58 —
toujours net et coulant. On doit cependant lui reprocher quel
ques hors d’œuvre, l’insullisance de la seconde partie de son
travail et de légères omissions.
M. Curet a obtenu une première mention pour une composi
tion exacte et bien écrite, mais incomplète et nourrie de déve
loppements étrangers à son sujet.
Concours de Droit français
Nos élèves avaient à s’occuper de la faculté de rachat, On
désigne ainsi la convention par laquelle un vendeur se réserve
le droit de reprendre l’immeuble vendu en opérant certains
remboursements. Le principe essentiel c’est qu’il y a une seule
vente sous condition résolutoire et non pas deux ventes comme
pourrait le faire croire le mot rachat dont on se sert souvent. Le
vendeur a sans doute transféré la propriété, mais il l’a transférée
incomplète puisqu’il conserve la faculté de reprendre l’objet alié
né et que les droits réels consentis par l’acheteur tombent lors
que le réméré est exercé. C’est par application de cette idée que
l’enregistrement ne perçoit qu’un seul droit de mutation lorsque
le vendeur use delà faculté que le contrat lui donne. 11 importe,
dans un sujet de ce genre, d’insister beaucoup sur les princi
pes, car c’est pour les avoir mal compris que la jurisprudence
consacre des solutions insoutenables en théorie et peu ration
nelles au point de vue pratique. Je fais allusion aux arrêts qui
invalident les hypothèques consenties par le vendeur. Au reste,
la question, outre l’avantage qu’elle présente d’obliger les élè
ves à mettre en relief une idée mère et à en déduire logique
ment toutes les conséquences, ne manquait pas d’intérêt au
point de vue des rapprochements à faire entre les règles géné
rales du Code et les quelques dispositions exceptionnelles qui
régissent la faculté de réméré.
Au second rang se place le travail de M. Car, moins développé
que le précédent mais exact et rédigé avec talent.
Une première mention est accordée à M. Carré, qui entre
moins complètement dans le sujet et auquel on peut reprocher
quelques lacunes, à côté de passages habilement conduits.
MM. Carbucciaet frère Juant du Saint ont une seconde men
tion ex-æquo. Le premier pour une dissertion qui nous permet
d’apprécier ses aptitudes remarquables. Le second pour les con
naissances dont il fait preuve, le travail qu’elles supposent et la
vivacité de son esprit.
Concours de Doctorat
J’arrive enfin au dernier et au plus important de nos con
cours, au concours ouvert entre les docteurs et les aspirants au
doctorat.
M.le Ministre de Instruction publique avait désigné comme
sujet de concours L’étude du nantissement en matière civile et
en matière commerciale.
L’idée qui s’impose en première ligne dans un pareil sujet,
c’est le rôle que joue le nantissement comme moyen de crédit.
Dans un état de législation rudimentaire, celui qui veut obtenir
un prêt n’a d’autre moyen d’en garantir la restitution que d’a
liéner au profit de son créancier les objets qu’il veut utiliser.
C’est ce qui se pratiquait à Rome à l’époque du pacte de fiducie.
�60
Mais ce procédé engendre de très graves inconvénients. En pre
mier lieu, il déplace la propriété et rend possible la perle de la
chose, si le créancier de mauvaise foi en dispose au profit d’un
tiers. En outre, il laisse aux soins d'un propriétaire qui n’a
qu’un intérêt relatif à la plus-value, l’administration et la possesion des objets qui servent de garantie. Aussi voit-on bientôt
apparaître le nantissement, qui écarte le premier de ses inconvé
nients et plus tard l’hypothèque qui fait disparaître le second.
A Rome, l'utilité du nantissement et surtout du gage, qui en
est la forme habituelle, persista même après l’introduction de
l’hypothèque, à cause du défaut de publicité du système hypo
thécaire. Elle existe encore chez nous grâce au nouveau principe
de l’article 2119 « Les meubles ri ont pas de suite par hypo
thèque. »
De nos jours le gage est devenu pour la fortune mobilière
un puissant instrument de crédit, surtout en matière commer
ciale. Notre législateur a si bien compris l’importance du rôle
qu’il était appelé à jouer dans les transactions commerciales,
qu’il n’a pas hésité à trancher les vives controverses qui s’étaient
élevées sur l’application des formalités du droit, civil au gage
commercial et à affranchir ce dernier contrat des prescriptions
gênantes de l’article 2074.
Cette sage disposition avait été précédée d’une loi essentielle
ment favorable au crédit mobilier. Je fais allusion à la loi qui
a importé en France un système d’origine anglaise, le système
des warrants. Avec les warrants un propriétaire peut, sans dé
placer ses marchandises, les soumettre à un droit de gage et,
ce qui est vraiment admirable, ce gage passe de mains en mains
au moyen de l’endossement.
Je n’insisterai pas sur le gage civil, qui me paraît présenter
une moindre importance, bien qu’il soulève des difficultés juri*
—
61
diques très ardues, notamment en ce qui concerne ses rapports
avec le contrat pignoratif et le droit de rétention.
Ces quelques mots suffisent pour faire entrevoir la beauté du
sujet, ajoutons que tout ce qui touche au crédit privé ou public
mérite un examen approfondi. Les deux se lient et dans un
pays où le crédit privé serait sacrifié, on ne verrait jamais ces
exemples de puissance et de vitalité que la France, à l’abri de
ses institutions actuelles, vient de donner au monde étonné.
Il est regrettable que ces idées générales n’aient pas trouvé
place dans le mémoire unique qui nous a été remis. Ce que
nous aurions aimé à remarquer dans une semblable étude, ce
sont des idées d’ensemble, déduites d’une consciencieuse ana
lyse, et un peu de personnalité, à côté d’une solidetîinstruction.
Nous n’y avons rencontré que des connaissances laborieusement
acquises et généralement exactes. Je sortirai de mon rôle si je
voulais analyser en détail le mémoire de M. Maille. Il nous suf
fira de rappeler qu’il s’est occupé spécialement du droit romain,
de notre ancien droit français et du droit moderne civil et com
mercial. Il serait difficile de signaler une partie comme préfé
rable ou inférieure à l’autre, on retrouve partout les mêmes
défauts et les mêmes qualités. Que l’auteur, du reste, ne se dé
courage point, il fera mieux, s’il veut creuser davantage et n’é
crire jamais avant de s’être complètement assimilé son sujet.
La Faculté, pour les raisons que je viens d’énoncer, a cru
devoir refuser à M. Maille le premier et le second prix, en lui
résérvant seulement une mention honorable.
Ici, Messieurs, se termine ma tâche, heureux si je suis parve
nu à faire pénétrer dans ce rapport les sentiments de bienveil
lance dont la Faculté est animée pour ses disciples.
Messieurs les étudiants, il en est parmi vous dont le succès
est venu couronner le labeur, il en est d’autres que les forces
�62
ont trahi ou qui ont été surpassés, — il en est enfin qui non!
pas osé entrer dans l’arène. C’est à tous que je m’adresse. Sa
chez bien que l’assiduité intelligente aux cours, la réflexion,
l’habitude du style juridique suffisent pleinement pour vous as
surer une part brillante dans la lutte. Et dussiez-vous même
succomber encore, ne vous laissez pas abattre car le travail est
un devoir social, devoir impérieux, absolu, qu’on ne peut pas
déserter en vain et qui seul assure une conscience tranquille.
Permettez-moi, Messieurs, en term inant la lecture de ce
rapport, de payer à mon tour un juste tribut de reconnaissance
à la mémoire de notre vénéré Doyen.
Nouveau venu parmi vous, j ’avais pu néanmoins apprécier
bien vite Jes qualités d’esprit et de cœur qui distinguaient
M. Caban tous et faisait de lui, pour chaque membre de la Fa
culté, un guide sûr, un ami éclairé et affectueux. Sa mort est
une perte réelle, pour l’Ecole de Droit qu’il administrait avec
autant d’habileté que de dévouement pour la science qu’il avait
honorée de ses écrits et pour le pays enfin qui comptait en lui
un citoyen animé des sentiments les plus patriotiques et les plus
libéraux.
3^5=
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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1873-1874.pdf
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Text
ACADÉMIE D'AIX
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
1873-1874
I
ET
DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE M À K À IR E, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau, î
��ACADÉMIE D'AIX
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
I
ET
DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE M À K À IR E, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau, î
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
D ES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET DE L ’ÉCOLE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
Le lundi, 24 novem bre, a eu lieu à Aix, dans la salle des
actes publics de la Faculté de Droit, sous la présidence de
M. Seguin, Recteur de l’Académie, la séance solennelle de
de rentrée des Facultés de Théologie, de Droit et des Let
tres d’Aix, de la Faculté des Sciences et de l’Ecole prépa
ratoire de Médecine et de Pharmacie de Marseille.
Avant d’entrer en séance, le Corps Académique, lidèle
aux traditions de l’Université, qui plaça toujours ses travaux
sous la protection de Dieu, s’est rendu à 1 Eglise Métropo-
�—
6
—
litaine de Saint-Sauveur, pour assister à la messe du SaintEsprit,
M*r l’Archevêque d’Aix, qui avait bien voulu annoncer
son intention de présider à la cérém onie religieuse, s’étant
trouvé empêché par une indisposition subite, avait délégué
pour le rem placer dans cette circonstance M. l’abbé Marbot,
l’un de ses Vicaires Généraux.
A m idi, la salle des actes de la Faculté de Droit ouvrait
ses portes au public. M. le R ecteur, MiM. les inspecteurs
du ressort, MM. les Doyens et Professeurs des quatre Fa
cultés et de l’Ecole de Médecine ont pris place sur l’estrade,
en face d’un auditoire d’élite.
On y distinguait,aux prem iers rangs, M. Rigaud, Premier
Président de la Cour d’Appel, M. l’abbé Reynaud, Vicaire
Général, représentant Mgr l’A rchevêque, M. l’abbé Fouque,
Chancelier de l’Archevêché, plusieurs m em bres du Chapi
tre M étropolitain, M. Lescouvé, Président à la Cour d’Àppel, M. le Procureur de la République, M. le Proviseur du
Lycée de Marseille, etc.
On rem arquait aussi, avec plusieurs autres représentants
du Clergé, de la M agistrature et de l’A rm ée, des Membres
du Conseil Municipal, du Barreau, des diverses Adminis
trations publiques et un grand nom bre d’Etudiants.
M. Seguin, Recteur de l’Académie, a ouvert la séance
par le discours suivant :
Messieurs ,
Peu de paroles sufliront pour exprimer les sentiments avec
lesquels je viens me présenter à vous et vous demander l’hospi
talité.
Je rendrai hommage avant tout au Recteur qui m'a précédé
dans l’Académie d’Àix. M. Vieille était appelé comme Maître à
l’Ecole Normale Supérieure lorsque j’y arrivais comme élève :
Je connais donc depuis longtemps les qualités et les titres qui
l’ont porté aux plus hautes fonctions dans la carrière de l’ins
truction publique: l’étendue de ses connaissances,la renommée
de son enseignement, la précision des idées et la netteté du lan
gage, un attachement infaillible à ses devoirs universitaires.
J’étudierai le bien que M. Vieille a fait dans cette Académie,
afin de le développer, si c’est possible, selon les circonstances
et selon mes forces.
La simplicité des intentions et la sincérité du dévouement
rendent faciles les rapports administratifs, si j’en crois la pre
mière expérience que j ’en ai faite dans une autre Académie. Je
dois avouer que les circonstances me furent propices: car dans ce
pays de Franche-Comté, où un climat sévère n’exclut pas la fé
condité du sol, les esprits semblent participer à ce double carac-
�—
8
—
tère, esprits sérieux appliqués au travail, avides d’instruction
et donnant des fruits à la science : en sorte que rien ne man
quait près de moi pour favoriser l’essor de l'enseignement, ni
l’aptitude des élèves, ni le zèle des maîtres, ni l’accord de toutes
les autorités en cette matière, ni les votes des conseils adminis
tratifs, ni même les largesses privées. Vous me pardonnerez ce
souvenir d’une mission à peine achevée, car il est l’écho d’une
profonde gratitude pour les sympathies qui m’ont aidé jusqu’au
dernier moment.
Il mêle d’ailleurs une douce tristesse à la joie que j’éprouve
de retrouver, sous le ciel natal, cette brillante Académie de la
Provence, riche de tous les dons de la nature, où la vivacité des
intelligences répond à la chaleur d’un climat privilégié. Je ne
viens pas pour faire votre histoire, mais pour l’entendre de
votre bouche. Je n’essaierai donc pas de rappeler ce que vous
avez fait pour l'éloquence, pour les arts et pour la poésie.
N’avez-vous pas rendu à la poésie la langue de vos pères, avec
ses formes originales, si vives pour les éclats de l’esprit et si
tendres pour l’expression du sentiment ? D’autre part, les so
ciétés savantes se sont vouées à la recherche des traces laissées
dans la province par tous les âges de l’antiquité. En même
temps, les sciences ont trouvé dans la grande cité qui nous en
voie aujourd’hui des représentants un terrain préparé pour elles
par les efforts intelligents de sa puissante industrie et de son
riche commerce. C’est pour ces raisons que la Provence a voulu
réaliser, par le concours des deux villes qui font comme un
double chef-lieu académique, la plénitude de l’enseignement
supérieur, ou peu s’en faut, tant l’Ecole secondaire de Médecine
a de rapports avec une Faculté. C’est pourquoi aussi j’ai l’hon
neur de présider cette assemblée où les titres scientifiques riva
lisent avec les mérites littéraires.
MM. les Doyens des Facultés et M. le Directeur de l’Ecole de
— 9 —
Médecine vous diront quels ont été les travaux des membres qui
composent ces compagnies. Pour moi, j’y vois des professeurs
renommés, des écrivains dont les livres ou les mémoires font au
torité dans le monde savant, des orateurs chrétiens, des juris
consultes et des médecins consommés. L’Ecole des hautes études
et même l’Institut y ont des représentants. Ces mêmes profes
seurs, membres des commissions de surveillance et d’examen,
étendent d’ailleurs leur influence à l’enseignement secondaire
et jusqu’à l’enseignement primaire, en sorte qu’il est aisé de
faire le bien, qu’il est agréable du moins d’y prétendre avec de
tels auxiliaires et avec le concours si précieux et si nécessaire de
MM. les Inspecteurs d’Académie.
Je ne saurais trop rem ercier les hauts fonctionnaires de
l’Eglise, de la Magistrature, de l'Administration civile et de l’Ar
mée, et les personnes distinguées de cette ville qui veulent bien
se mêler aujourd’hui à nos rangs universitaires, soit pour cons
tater et apprécier nos travaux dans le Conseil Académique, soit
pour encourager nos efforts par leur présence à cette solennité.
Je regrette toutefois de trouver dans le Conseil deux places
laissées vides, l’une par un magistrat dont la sympathie était
acquise aux intérêts de l’instruction publique, l’autre par un
prélat dont vous avez connu l’inépuisable bonté et l’exquise
vertu. Je n’ai pas eu l’honneur de connaître M*r Chalandon,
mais la vénérai ion qu’il a inspirée subsiste dans votre mémoire,
et si j’ose la constater au nom du corps Académique, c’est en
invoquant le témoignage public de celui que nous voyons à la
tête de cet illustre diocèse avec la double autorité de l’apôtre et
du pasteur.
Messieurs, je n’ai rien à vous apprendre sur la direction que
les chefs de l’Université entendent imprimer à l'enseignement
public. L’Université est fidèle à ses statuts et à ses traditions, et
vousen avez une longue connaissance. L enseignement religieux,
�dans les écoles de tous les degrés et jusque dans les facultés, est
au premier rang de nos études. La loi de l’Université n’a jamais
hésité à cet égard. Les lettres et les sciences ont été rivales sur
quelques points ; mais la raison a toujours réglé le différend :
car si l’étude des sciences est indispensable pour répondre à
l’appel incessant de la philosophie naturelle et des besoins so
ciaux, les lettres auront toujours le privilège de présider à cette '
éducation libérale qui prétend ouvrir le cœur en éveillant l’es
prit. Tels sont les principes qui survivent aux agitations passa
gères et qui font notre force et notre unité. Loin de nous les
questions qui divisent et irritent les partis ! L’enseignement pu
blic les repousse et nos fonctions nous en garantissent, car re
cueillis pour l’étude pendant l’orage, nous profitons du calme
qui renaît pour rapporter de la retraite les fruits de notre travail.
L’histoire classique elle-même est à l'abri de la politique con
temporaine, et son impartialité grandit à mesure que son point
de vue s’éloigne. La république des lettres et la royauté de la
science sont des figures : car nous composons l’une avec les amis
de Périclès, les favoris d’Auguste ou les écrivains qui ont jugé
les Césars dégénérés, et les sujets de Louis XIV, plus illustres
que leur maître ; nous partageons l’autre entre des hommes
tels que Descartes, Newton, Laplace, Cuvier, Fresnel, Ampère,
W att et quelques autres, dont le génie doit sourire de compas
sion à nos funestes querelles, tout en s’applaudissant des bien
faits qu’ils ont versés sans réserve sur l’humanité tout entière. *
Après ce discours, M. le R ec teu r donne successivement
la parole à MM. les Doyens des Facultés et à M. le Directeur de
l’Ecole de Médecine et de Pharmacie pour la lecture de leurs
rapports.
RAPPORT DE M. L’ABBÉ BOYER
Doyen de la Faculté de Théologie
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Puisque, chaque année, nous devons avoir l’honneur de vous
soumettre ici, publiquement, le compte-rendu de nos travaux,
je vais résumer ceux de la Faculté de Théologie, et, pour cela,
vous dire, en quelques mots, quels ont été et ses Leçons et ses
Actes pendant la période scolaire qui s’achève.
La brièveté de ce Rapport sera son meilleur titre à votre
attention bienveillante.
�12
—
I.
L 'E i i M e i g n e u i c n t .
Ainsi que vous le savez, Messieurs, la Faculté de Théologie
donne, chaque jour, une leçon aux élèves ecclésiastiques ; et,
chaque jour aussi, elle a, dans son amphithéâtre, une leçon
destinée au public.
Notre enseignement, au Séminaire, garde nécessairement le
caractère qui lui est propre : c’est un enseignement d’école, un
enseignement didactique. En outre,cet enseignementest toujours
présenté de telle sorte qu’il puisse, en s’ajoutant, en s’adaptant
aux leçons que les élèves reçoivent quotidiennement des maî
tres vénérables et savants qui président, dans cette maison, à
leur éducation ecclésiastique, les aider à acquérir, sinon à ac
croître, les connaissances particulières à leur saint état, et
aussi les guider, lorsqu’ils le veulent, dans les études appro
fondies qu’exige la préparation aux grades. — Ces leçons ainsi
faites au Séminaire constituent, à proprement parler, notre
enseignement. A nos yeux, du moins, elles en sont la partie
capitale.
Dans les cours publics (dans les leçons données au siège de
la Faculté) la méthode d’enseignement est quelque peu dilîérente, comme sont différentes d’ailleurs les exigences des audi
teurs bénévoles qui les suivent. Lft, il faut surtout intéresser
pour être utile. Mais on peut y être utile, et cela suffit pour
motiver nos efforts.
Ainsi que vous le savez encore, Messieurs, l’enseignement
public de la Faculté de Théologie est, chaque semaine, repré
senté à Marseille par deux cours. Cette année, comme pendant
les années précédentes, ces deux leçons ont été faites régulière
ment ; elles ont été suivies avec assiduité, attention, avec cette
assiduité, cette attention sympathiques qui, depuis l’origine, ne
se sont jamais démenties ; et nous, nous voyons dans cette assi
duité des auditeurs nombreux que nous donne la grande ville,
un suffrage qui nous dédommage des autres suffrages qui,
depuis tantôt deux ans, nous font défaut.
Voici maintenant le sommaire des matières étudiées dans ces
cours, par chacun de MM. les Professeurs.
M. l’abbé Bayle, professeur d’Eloquence Sacrée, avait a étu
dier les productions de l’éloquence chrétienne dans notre pays,
a partir de la fin du Ve siècle. — Après un tableau de l’état
social de l’ancien monde, de la Gaule notamment à cette époque
agitée, le Professeur a commencé l’étude des représentants les
plus illustres de la littérature chrétienne de ce temps-là. — Il a
dû parler d’abord de S. Avite, évêque de Vienne, alors réputé
le premier des évêques des Gaules, non pas à cause de la pré
éminence de son siège, car les droits en étaient contestés par
les archevêques d’Arles, mais à cause de ses vertus,de sa science,
de la fécondité de son génie. Le Professeur a examiné les ou
vrages de cet écrivain parvenus jusqu’à nous. Il en a considéré
l’auteur, tour à tour, comme orateur, comme écrivain épistolaire, comme poète : — comme orateur, dans ces conférences
célèbres tenues à Lyon par les évêques des Etats de Gondebaud,
au sein desquelles l’archevêque de Vienne parut avec éclat ; —
comme écrivain épistolaire, en appréciant la lettre fameuse
adressée par S. Avite au Sénat de Rome, et qui donne la me
sure de l’opinion que l’on avait alors des Papes et de leur auto-
�14
rite : — une autorité supérieure à toutes autres dans l’Eglise
et dans le monde ; — enfin, comme poète, car, sous ce rapport,
l’évêque de Vienne fut un des précurseurs de Milton. Le Profes
seur a, en effet et longuement, comparé les premiers livres du
poème de S. Avite sur la Genèse, avec le Paradis perdu, du
pauvre aveugle de Londres.
Cette année, le Professeur continuera l’étude de la littéra
ture chrétienne en France de Clovis à Charlemagne, — plus
spécialement, il parlera de S. Grégoire de Tours, le père
de notre histoire nationale ; de S. Fortunat de Poitiers, le der
nier représentant de la poésie latine à la cour des Mérovingiens;
de S. Césaire d’Arles, le grand orateur populaire. Et ainsi, il
aura l’occasion de montrer ce qu’étaient 1’/»istoire, la poésie,
Yéloquence au moment où les Francs définitivement établis
dans les Gaules et subissant l’influence littéraire de la nation
vaincue, commencèrent à former le peuple nouveau qui, un
jour et bientôt, devait être le peuple Français.
—
Le professeur d’Ecrilure-Sainte, M. l’abbé Figuières, a pour
suivi ses études d’exégèse sur le Nouveau-Testament. — Etudes
d’exégèse et études critiques, dont l’objet spécial est la vie de
N.-S. Jésus-Christ. — Pour expliquer cette vie, bien des sys
tèmes d’exégèse ont été tour à tour vantés, abandonnés, repris
de nouveau puis abandonnés encore ; mais tous se résolvent
dans ce système de la dernière heure, lequel accepte de la vie
de Jésus tout ce qui n’excède pas l’ordre naturel, mais re
pousse les vérités dogmatiques et les faits surhumains. — C’est
à discuter ces affirmations de l’exégèse rationaliste que s’est
appliqué le Professeur, afin de dégager victorieusement, avec
les vérités divines, les faits divins qui forment comme la trame
de la vie de l’Homme-Dieu.
Ces études importantes et toujours actuelles qui, depuis plu
sieurs années, occupent le Professeur, feront encore l’objet de
son enseignement pendant l’exercice scolaire qui s’ouvre au
jourd’hui.
M. l’abbé Renoux, professeur d’Histoire Ecclésiastique, a
exposé l’histoire de la Réforme en Angleterre et en Ecosse. —
Il a raconté et apprécié les règnes d’Henri VIII et d’Elisabeth ;
il a montré comment l’ambition et les vices de ces souverains
contribuèrent à fomenter le schisme dans leurs Etats. Puis, par
lant des persécutions directement subies par le Catholicisme,
dans ces pays, il a étudié la vie de quelques-uns des plus illus
tres persécutés : Thomas Moore, Jean Fischer, Marie Stuart,
lesquels furent les martyrs de l’Eglise autant que les victimes
d’une politique sanguinaire. — Implantée par la violence, la
religion Anglicane s'établit enfin au cœur de la nation ; mais
cette religion garde encore plus d’un vestige de l’antiqne foi, et
c’est peut-être un signe que le peuple qui la professe reviendra
un jour à l’unité I
Dans son prochain cours, M. le Professeur étudiera l’histoire
de l’Eglise après le Concile de Trente.
M. l’abbé Bernard, professeur de Théologie Morale, avait à
traiter, à propos du mariage chrétien, de la grande loi de l’in
dissolubilité du lien conjugal. Après avoir distingué, avec soin,
ce qui, en cette matière, est de foi de ce qui ne l’est pas, il a dû
exposer les luttes soutenues par l’Eglise, pour le maintien de
cette loi.— Depuis Lothaire jusqu’à nos jours, avec une fer
meté égale à sa modération, l’Eglise s'est toujours opposée à
l’effort des passions souveraines. Triomphante avec Nicolas I,
Adrien II, Innocent III, moins heureuse avec Clément VII,
l’Eglise n’a jamais prêté la main à la violation d’une loi émanée
de l’autorité même de Dieu. Si donc quelques-uns de ses Pon-
�tifes ont payé l’accomplissement d’un devoir rigoureux, par des
malheurs personnels, ou même par des déchirements de la
société chrétienne, l’impartiale histoire est obligé de constater
qu’en empêchant le divorce de s’introduire au sein des nations
catholiques, l’Eglise en a écarté un germe de décadence, peutêtre de dissolution I
Le Professeur a étudié ensuite le mariage chrétien dans ses
rapports avec la loi civile, au point de vue des empêchements.
Là, encore, il a formulé ce qui est de doctrine, en droit et en
fait.
Le Professeur se propose maintenant d’étudier les Lois dans
leur rapport avec la conscience.
Enfin, le Professeur de Théologie Dogmatique a étudié les
principales œuvres de la Philosophie Chrétienne auxXV°etX\T
siècles. Le sujet de son enseignement sera, cette anuée : LaPhilosophie Chrétienne au XVII0 siècle. — Voilà, Messieurs, pour
l'enseignement.
11.
L e» G r a d e » .
Vingt-huit inscriptions ont été prises à la Faculté de Théolo
gie : huit pour le baccalauréat ; huit pour la licence ; douze
pour le doctorat.
Les épreuves toujours diffitiles du doctorat ont été subies
avec succès : à la session de novembre, par M. l’abbé Peloutier,
du diocèse d’Aix; à la session de juin, par M. l'abbé Dubois,
du diocèse de Lyon, et par M. l’abbé Daniel, du diocèse deFro-
17
jus. — Un quatrième candidat avait pris rang pour les mêmes
épreuves, mais il a dû déférer au vœu de la Faculté et accorder
encore quelque temps à sa préparation. — Les trois candidats
admis ont présenté des thèses écrites qui méritent detre signa
lées ici, Messieurs, parce que ces thèses reflètent l’e nseignement
de la Faculté, et parce que chacune d’elles représente un tra
vail vraiment considérable. — La thèse de M. Dubois avait pour
sujet : Les dogmes catholiques chez les Juifs, et, pour but,d’é
tablir, non pas par des mots, mais par des textes authentiques
empruntés à la tradition scripturaire de l’antique Synagogue,
que les notions religieuses, positives et vraies possédées par le
genre humain dès l’origine, ne tombèrent pas en contradiction
avec la doctrine définitivement révélée au monde par JésusChrist; conséquemment, que celte doctrine, manifestée à son
heure, ne fut point une innovation, qu’elle remonte, au con
traire, à travers les traditions judaïques positives, jusqu’au ber
ceau du monde. Tel était le but de la thèse et il nous a paru
que ce but avait été atteint. — Inutile de dire, Messieurs, que
rien dans celte œuvre ne sent la polémique ou l’invective. Kon,
c’est mieux que cela, c’est une œuvre d érudition pure, qui
révèle, dans son auteur, avec une connaissance peu commune
des idiomes sémitiques, une pratique déjà longue des recher
ches patientes et toujours difficiles qui font les savants.
Le sujet de la thèse de M. Peloutier était à la fois historique
et doctrinal : — la Philosophie Chrétienne représentée et in
terprétée chez nous, en Gaule, au V* siècle, par l’homme « à la
« fois grand et modeste auquel la postérité a donné le nom de
« la petite île de nos côtes de Provence qui fut le berceau de
« sou génie : S. Vincent de Lérins. »
Il s’agissait là, — après discussion de quelques points d’his2
�— 18 —
toire relatifs à la personne et aux œuvres de S. Vincent de Lénns, — d’engager le débat sur l’ouvrage qui lui appartient
sans conteste : le Commonitorium ; et d’en apprécier les doc
trines.
Ce livre que son auteur intitulait modestement : Commoni
torium, avertissement, mais sur lequel le XVIIe siècle inscri
vit, comme épigraphe, ces m ots: « Mole parvum, sed virtute
maximum », mérite, en effet, considération. — Or, tout l’ar
gument de ce livre est dans le fameux axiome : « Quod ubique,
quod semper, quod ab omnibus creditum... magnopere curandum.... » ; et tout l’objet de la thèse était d’apprécier ce
principe selon sa vraie valeur, de le confronter ensuite avec le
principe de l’école traditionaliste contemporaine ; surtout avec
le système si habilement tramé, de nos jours, par M. de Lamen
nais. — Il fallait, en outre, exposer et discuter la doctrine de
S. Vincent de Lérins relative au progrès dont les dogmes ca
tholiques peuvent être susceptibles dans leur évolution scienti
fique : ce progrès qui n’est ni le changement, ni la transforma
tion,mais le développement.— Il fallait, enfin, démontrer si,oui
ou non, les doctrines de ce livre, dans leur ensemble,pouvaient
avoir quelque point de contact avec les doctrines des prêtres
marseillais du Ve siècle, qui m éritèrentjustement d’être appelés
les petits-fils de Pélage.
Dans la thèse qui nous était présentée, tous ces points étaient,
en effet, exposés, appréciés, discutés avec la précision qui est le
signe du savoir ; et j’ajoute que la partie doctrinale, était, com
me la partie historique, traitée dans un style digne du sujet,
style qui répondait aux fonctions que le candidat remplis
sait alors dans notre Petit-Séminaire d’Aix, et qu’il indiquait
lui-même au frontispice de sa thèse, par ces mots : « Humaniores litteras docens. »
19 —
M. l’abbé Daniel présenta à la Faculté, comme thèse docto
rale, une étude de la théologie catholique au XIIIe siècle, faite
non d’après S. Thomas, mais d’après la merveilleuse épopée du
grand poète de Florence : la Divine comédie, de Dante.
Chacun sait qu’à peine Dante était mort dans son exil
de Ravenne, que déjà l’ingrate Florence élevait des chaires pu
bliques, jusque dans les églises, pour commenter l’œuvre de
son illustre enfant. Et pour ne parler que du temps qui est le
notre, nous savons tous de quels innombrables travaux l’épopée
Dantesque a été l’objet, en nos jours : on l’a étudiée au point
de vue politique, au point de vue littéraire, au point de vue
philosophique... Et cependant, le secret de l’éternelle jeunesse,
le secret de la perpétuelle nouveauté de cette œuvre admirable
semble être ailleurs. Le mot de l’énigme, c’est qu’elle porte
l’empreinte de la vérité du dogme ; c’est que le souffle du Ca
tholicisme a rayonné sur elle ; c’est quelle reflète une des plus
grandes époques intellectuelles, qui était une grande époque
théologique..
Or, c’est par ce côté exclusivement théologique, — et qui est
son vrai jour, — que le candidat devait aborder l’étude du
chef-d'œuvre de Dante. — Habitant alors une contrée voisine
de l’Italie, connaissant d’ailleurs et parfaitement la langue vul
garisée par Dante, il a pu consulter, fouiller les commentaires
sans nombre qui, depuis le XIVe siècle jusqu’à l’heure actuelle,
se succèdent là-bas sans interruption. Et après trois années de
recherches et d’études constantes, il a présenté à la Faculté une
œuvre vraiment digne de ce nom.
Presque immédiatement après la soutenance, cette thèse est
entrée dans le domaine public, et déjà elle a été, en France et
en Italie, l’objet d’appréciations, de jugements qui n’ont fait
que répéter ceux déjà portés sur elle par la Faculté.
En tout cas, et quelle que soit la valeur intrinsèque d’une
�—
20
21
—
thèse doctorale, le candidat n’est admis à la soutenir qu’après
une épreuve orale dont la durée moyenne est de quatre heures;
et la thèse elle-même ne vaut que par la soutenance des propo
sitions qui la résument.
C’est après avoir subi, et subi victorieusement ces longues
épreuves, que les candidats dont il s’agit, ont été proclamés di
gnes du grade de Docteur.
À la session de juin, un ecclésiastique du diocèse de Fréjus,
M. l’abbé Simon, a été admis au grade de bachelier.
D’autres candidats aux grades inférieurs ont dû se réserver
pour la première session de la présente aimée scolaire ; et cette
session est ouverte déjà depuis huit jours.
Voilà, Messieurs, trop longuemeut indiqués peut-être, et nos
travaux et quelques-uns de leurs résultats.
La Faculté de Théologie d’Àix présente donc les caractères
qui, dans l’être moral, accuse la vie : elle parle et elle agit.
— Son action par les grades n’est peut-être pas, en effet, sans
quelque valeur, car les candidats qui lui viennent des divers
diocèses de France, savent que les diplômes qu’ils ambitionnent
ne sont accordés qu’au mérite réel. — Nos diplômes ne sont
qu’une attestation publique de la science acquise par des tra
vaux sérieux ; mais ils sont cela.
D’autre part, notre enseignement est quotidien ; et par celui
que nous donnons au Séminaire, plus nous pourrons être utiles
aux jeunes confrères qui y résident, plus nous servirons les
désirs et les vœux du Pontife vénéré dont nous sommes les fils,
et que nous savons être un ami particulier des saines et fortes
études. — Quant à notre parole publique, celle que nous adres
sons à tous, peut-être aussi n’est-elle pas sans écho?... Car
enfin, l’enseignement théologique, par son essence et par son
fond, touche à des questions qui ne sont, certes, point indiffé
rentes à l’intelligence hum aine... Aux époques agitées, surtout,
dans les jours troublés, incertains, il semble que l’étude de
ces questions se présente à l’intelligence comme un besoin ins
tinctif : l’intelligence y cherche un refuge, elle y cherche une
consolation I — Et on a même observé que cette noble préoc
cupation, que celte élévation du point de vue par delà les plus
grandes misères, a été le privilège constant de notre race, de
notre pays :
C’est quand il est perdu qu’il relève le front !
disait-on hier même, dans un magnifique langage; et la vérité
de ce mot est, chez nous, de tous les temps. — A une des heures
les plus désolées de notre histoire, celle-là même qui coïncidait
avec la descente de l’Orient au tombeau, on vit nos contrées
d’Occident se soustraire à la mort violente dont les menaçait la
plus formidable des invasions, en se réfugiant dans les régions
supérieures de i’intelligence, en se réfugiant, comme on disait
alors, dans la préoccupation active de I’in y isib le ... l’invisible
non idéal mais r é e l . Et le grand homme qui, en ces temps-là,
était l'instigateur de cette résurrection par l’intelligence et par
le cœur, l’illustre Boôce osait à peine annoncer comme une loin
taine espérance ce qui devait être pourtant et pour de longs
siècles une réalité consolante :
O felix humanum genus
Si oostros animes a ruer
Quo coelum regitur, regat! i
Assurément, dans la sphère modeste qui est la nôtre, nous
i Boëce, —
De Consolalione. —
l’honneur d’être commenté, au
Ce livre a e u , comme l’on sait,
Mil*siècle, par S. Thomas d’Aquin,
�RAPPORT DE M. CARIAS
Doyen de la Faculté de Droit
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Plus heureux que Pan dernier, nous n’avons pas à inaugurer
la reprise de nos travaux sur des tombes à peine fermées. L'an
dernier nous déplorions la perte récente de trois de nos collè
gues dont nous portons encore le deuil dans le cœur : le vide
matériel qu’ils ont fait autour de nous n’est pas non plus en
core rempli, leurs trois chaires sont restées vacantes. L’ensei
gnement néanmoins n ’en a pas souffert; la Faculté qui doit
compter à l’état normal dix membres, a pu, quoique réduite à
huit, suflire «à tous les travaux, chacun de nous avant redoublé
de zèle et d’énergie. INous avions demandé deux uouveaux agré-
�«HT
_
— n —
gés comme auxiliaires et nous espérions qu’un au moins nous
serait accordé. 11 n’en a rien été , le nombre de nos collabora
teurs ne s’est point accru, il n’y a eu qu’un changement de
personne. M. Laurens, dont nous avions apprécié le mérite
pendant les cinq années qu’il a passées au milieu de nous, a
désiré retourner à Toulouse, son pays. M. Bry, jeune docteur
de Poitiers, agrégé au dernier concours, a pris sa place ; et
comme nous accompagnions de nos regrets le collègue qui nous
quittait, nous avons salué avec sympathie celui qui nous arri
vait. Les qualités qui nous ont apparu en lui dès le début se
développeront, se fortifieront, dans renseignement qu’il aborde
pour la première fois comme chargé d’un cours; il justifiera,
nous en sommes surs, toutes les espérances qu’il a fait naître.
Le nombre de nos élèves se maintient à un chiffre élevé,
nous avons eu cette année 1,317 inscriptions, ce qui donne une
moyenne de 324 étudiants. C’est un peu moins il est vrai que
l’année dernière, mais on n’a pas oublié que l’année dernière
fut exceptionnelle, beaucoup de jeunes gens que nos désastres
militaires avaient appelé sous les drapeaux vinrent prendre au
retour des inscriptions arriérées et cumulatives. Non seulement
la présente année n’a pas eu cette cause accidentelle d’accrois
sement, mais à l’inverse le service militaire, soit le volontariat
d’un an, nous a privés d’un certain nombre d’inscriptions en
nous enlevant plusieurs de nos élèves et des meilleurs. Malgré
cela nous avons atteint le chiffre maximum des années antétérieures ; ce chiffre n’avait jamais dépassé 1,315 inscrip
tions, nous en avons eu cette année, comme on vient de le voir,
1,317.
Les examens ont été dans la même proportion, c’est-à-dire
que l’année actuelle en présente un peu moins que l’an derdernier, mais plus que dans les autres années précédentes:
nous en avons eu 574 qui se décomposent comme il suit :
118 premiers de bachelier.
132 seconds
id.
93 premiers de licence.
88 seconds
id.
99 thèses
id.
29 examens de doctorat.
1 thèse
id.
14 examens de capacité.
Ces épreuves considérées au point de vue du mérite dont ont
fait preuve les candidats offrent les proportions suivantes :
Sur les quatre examens de baccalauréat et de licence qui,
réunis, forment un total de 431, on trouve qu’il y a eu :
Réception avec éloge ou totalité de boules blanches équiva
lant à la mention très-bien.......................... 1 sur 24
Majorité de blanches ou mention bien . . . 1 sur 14
Minorité de boules blanches ou mention
assez-bien..................................................... 1 sur 3 1/2
Totalité de boules rouges ou mention
médiocre................................. *..................... 1 sur 4
Rouges et une noire, soit tout juste pas
sable............................................................. 1 sur 4 2 3
Rejet........................................................ 1 sur 6 3/4
Pour les Thèses de Licence, mention trèsbien ou éloge................................................. 1 sur 33
Mention b ien ...........................................1 sur 19
Assez-bien.............................................. 1 sur 5 3/4
Médiocre................................................. 1 sur 2 3/4
Passable.................................................... 1 sur 4
Reiet
. 1 sur 7
�On voit que la gradation proportionnelle marche assez paral
lèlement dans les examens et dans les thèses, mais le parallélis
me cesse tout à coup pour le doctorat où l’on trouve que sur
29 candidats 1G seulement ont été reçus avec la mention bien,
13, soit près de la moitié, ont été rejetés.
C’est à bon droit : le doctorat étant un grade hors ligne et
destiné à former comme une pépinière de futurs magistrats, il
convient de lui conserver sa distinction ; et les hauts représen
tants de la magistrature, qui nous font l’honneur de nous en
tendre,nous sauront gré de ne pas laisser abaisser à cet égard le
niveau des épreuves.
Une chose nous étonne et nous afflige ; c’est le petit nombre
de thèses de doctorat qui sont soutenues devant nous. L’an der
nier nous avons eu 25 examens et point de thèse, cette année
29 exmens et une seule thèse. Ça été celle de M. Maille, de
Saint-Tropez, qui a mérité d’être reçu avec la mention bien,
quoique ayant traité un sujet difficile : De la non rétroactivité
des lois. Mais pourquoi les jeunes licenciés qui affrontent les
épreuves du doctorat ne vont-ils pas jusqu’à la fin? Croiraientils plus difficile de réussir dans la thèse que dans les examens?
Ce serait plutôt le contraire. On peut dire que le candidat qui a
subi avec honneur le premier de doctorat et surtout le second,
qui est le plus redoutable, est comme le marin qui, après avoir
doublé deux caps dangereux, est presque sûr d’arriver au port.
Pourquoi donc si peu de nos jeunes gens arrivent-ils jusqu a ce
port? Pourquoi s’arrêtent-ils dans la route après en avoir par
couru la plus longue et la plus difficile partie? Nous ne nous ex
pliquons pas ce résultat si peu logique.
Quoiqu’il en soit, nous voudrions que les thèses de doctorat
fussent plus nombreuses, qu'elles pussent même de\enir comme
elles étaient dans nos anciennes universités une solennité scien
tifique, un acte public ainsi qu’on disait alors, ayant la puis
27
sance d’attirer tous ceux qui s’occupaient, même en dehors de
l’Ecole, de la matière traitée. Ne vit-on pas autrefois Rome en
tière accourir à la thèse célèbre de Pic de laMirandole?et un au
tre fait historique moins éclatant, mais non moins remarquable,
ne nous montre-t-il pas le prince de Condé, qui était déjà le
vainqueur de Rocroi, venant argumenter en latin contre Bos
suet qui soutenait sa thèse de philosophie ? Heureux temps où
l’on battait l’ennemi à la frontière et où l’on se passionnait à
l’intérieur pour la science.
Mais si nous avons à regretter que les solennités d’une thèse
de docteur soient trop rares dans notre Faculté, elle vient d’ob
tenir ces jours-ci une distinction qui la réjouit à bon droit. On
sait que depuis peu de temps un concours a été établi entre les
élèves de troisième année pour toutes les écoles de Droit en
France, y compris Paris. Un de nos élèves y a obtenu, cette
année, la première mention honorable, c’est-à-dire que sur
onze nominations il a eu le troisième rang. Une communica
tion aussi authentique que bienveillante nous a même appris
qu’il a été balancé avec les deux premiers. Notre Faculté qui
était depuis longtemps en possession du troisième rang par le
nombre des élèves, soit par la quantité, vient de l’acquérir par
la qualité, si l’on peut s’exprimer ainsi. Jeunes gens cet exem
ple oblige pour l’avenir ; il ne vous est désormais plus permis
de descendre; il faut même viser à monter plus haut, il faut
montrer que dans la patrie des Fabrot, des Julien, des Dupérier, des Portalis, les études juridiques peuvent être aussi flo
rissantes qu’en aucun lieu du monde. Mais je diffère trop long
temps do nommer l’heureux lauréat. J ’entends bien des voix
qui me devancent et vont l’acclamer ; c’est M. Bouet, de Nî
mes,.... qui a obtenu aussi les premiers prix dans les concours
particuliers de notre Faculté.
Tous ceux qui le connaissent, qui savent combien il joint aux
�—
28
—
heureux dons de la nature la ténacité du travail qui seul peut
les féconder, surtout dans les études de droit, ne seront pas
étonnés de ses triomphes. Ses condisciples seront les premiers
à le féliciter et à se réjouir avec lui, car ils sont habitués à
trouver en lui non seulement les qualités du travailleur, mais
encore celles qui font estimer et aimer l’homme. Quand M.
Bouet aura atteint l’âge viril, il sera un de ceux en qui le ca
ractère moral rehausse le talent et honore le succès.
RAPPORT DE M. FAVRE
D o y e n
d o
la T^a c u l t e d o s S c i e n c e s
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Pendant l’année scolaire qui vient de finir, la Faculté des
Sciences de Marseille a perdu l’un de ses Professeurs, M. Terquem. Mais, grâce à Dieu, c’est volontairement et mu par un
sentiment que ne pouvaient contrebalancer de nouvelles affec
tions que ce collègue bien regretté s’est éloigné de nous, pour
porter à la Faculté des Sciences de Lille l’euseignement qu’il
faisait ici avec tant d’autorité ; il se rapprochait ainsi de Metz,
sa ville natale, et de ses plus chères affections. M. Croullehois a
été désigné par le Ministre pour continuer l’enseignement de la
physique.
�Exam en».
Six candidats se sont présentés pour l’examen de la licence
ès-scicnces mathématiques, et cinq pour l’examen de la licence
ès-sciences physiques ; en tout onze candidats.
Neuf ont été adm is; dont un avec la mention très-bien,
M. Onde, maître répétiteur au Lycée de Marseille ; quatre avec
la mention bien, MM. Roche, élève de l'Ecole pratique des
Hautes Etudes, Banet-Rivet, Lher et Béthoux, maîtres répéti
teurs au Lycée de Marseille ; trois avec la mention assez bien,
MM. Imbert, Hébréart et Pan-Ero ; et un avec la mention pas
sable.
Comme appréciation générale, la Faculté pense que ces nou
veaux licenciés seront dignes de l’enseignement qui leur sera
confié, lorsque le Ministre les appellera à professer dans les
Etablissements de l’Etat.
Aux examens du baccalauréat complet, le nombre des can
didats s’est notablement accru.
2 i2 se sont présentés ; 111 ont été admis : 5 avec la men
tion bien ; 33 avec la mention assez bien ; 93 avec la mention
passable. La mention bien a été obtenue par MM. Paban, Niel,
Puigbo, Brouilhon et Ville.
Cet accroissement du nombre des candidats doit être attribué
à l’application récente de la nouvelle loi militaire.
Pour le baccalauréat restreint, 78 candidats se sont pré
sentés; 54 ont été admis, dont 6 avec la mention bien ; 19 avec
la mention assez bien, et 49 avec la mention passable.
En résumé, il y a eu 320 examens et 165 admissions; ce qui
donne, pour les admissions, la proportion de 50 % , supérieure
à celle de l’année précédente qui n’était que de 40 % seu
lement.
Leçon» e t T r a v a u x
d es P ro fesseu rs.
Les Professeurs ont fait leurs cours, leçons publiques et con
férences, avec autant de régularité, autant de zèle, autant de
soins que par le passé. Mais si, dans tous les ordres, les maîtres
sont demeurés invariables dans leur dévouement et leur acti
vité, dont il est dillicile de dépasser la mesure, les auditeurs
sont devenus beaucoup pi us nombreux, et, par leur assiduité et
leur application soutenues, ils nous ont attribué pour, le pré
sent, la meilleure récompense, et, pour l’avenir, les promesses
les plus encourageantes. (Ju’il nous soit permis de former des
vœux pour que cette prospérité, dont les signes sont certains,
s’accroisse chaque année et qu’autour de nos chaires nous re
trouvions le même empressement du public, le même désir
d’instruction, et, je puis ajouter, pour quelques-uns, la même
passion de la science.
Le Professeur de physique, M. Croullebois, a publié deux
mémoires dans les Annales de Chimie et de Physique : le pre
mier a été l’objet d’un rapport favorable de M. Fizeau, à l’Aca
démie des Sciences, et a pour titre : De la double réfraction
elliptique du quartz. Le second mémoire contient la théorie
de franges nouvelles qui, visées comme repères dans le spectre,
permettent d’obtenir les paramètres de la biréfringence du
quartz.
�— .) 9 _
Enfin, M. Croullebois a inséré au Bulletin de la Société
Scientifique Industrielle de Marseille une notice didactique
sur quelques saccharimètres nouveaux. Il vient aussi de com
muniquer à l’Académie des Sciences une étude analytique et
expérimentale des interférences des vibrations elliptiques,
Le Professeur de Géologie et de Minéralogie. M. Pieulafait, a
étendu à la chaîne des monts Jura les études qu’il avait faites
dans les Alpes depuis plusieurs années. Il est arrivé à des ré
sultats d’une grande généralité relativement à l’âge des dépôts
à faciès corallien qui recouvrent les calcaires oxfordiens, dans
tout le Jura, et à l’âge de la zone à Ammonites tenuilobatus.
Le Professeur de Zoologie, M. Marion, a mis à prolit la situa
tion si favorable de la Faculté pour l’étude embryogénique des
animaux marins. Etendant ses recherches sur les animaux in
vertébrés du golfe de Marseille, il a fait connaître un nouveau
type de Némertiens.
M. Marion a, en outre, publié une description des plantes
fossiles de Ronzon.
Enfin, en collaboration avec un savant éminent, M. de Saporta, il a donné deux mémoires sur différentes flores fossiles,
mémoires qui recevront une publicité prochaine dans les Jrchives du Musée de Lyon et dans le Recueil de l'Académie
royale de Belgique.
Les Professeurs d’Analyse Infinitésimale, de Mécanique, de
Chimie et de Botanique ont continué leurs recherches, chacun
dans la voie qu’ils se sont tracée depuis longtemps.
— 33 —
E co le p r a t i q u e
des
H au te » E tu d e » .
Ainsi notre Faculté a satisfait au but principal de son ensei
gnement qui est de répandre les vérités acquises et la science
déjà faite. 11 lui est possible aujourd’hui de dépasser ce but,
grâce à l’institution de l’Ecole pratique des Hautes Etudes dont
elle a été naguère dotée par un ministre ami des sciences. Je
m’arrêterai quelques instants, Messieurs, non pas à vous dé
montrer mais à vous faire apprécier, dans toute son étendue,
l’utilité de cette création, en me plaçant à un double point de
vue.
Dans une ville comme Marseille, où les intérêts commerciaux
et industriels sont prédominants, il était certainement à re
gretter qu’il n ’y eût point, à l’instar d’autres villes, peut-être
moins importantes, une Ecole pratique où les jeunes gens des
tinés au négoce ou à l’industrie pussent recueillir les connais
sances générales ou particulières à leur profession. Les manu
factures, les industries de toutes sortes établies sur le sol de la
Provence appelaient de leurs vœux la fondation de ces labora
toires d’enseignement et de recherches. En effet, les industriels
y voyaient le bénéfice de trouver à leur disposition de jeunes
chimistes, instruits et bien exercés, sans être obligés de payer
tribut aux écoles voisines,sans être assujettis à la nécessité, sou
vent pénible, d’éloigner leurs fils du centre des affaires aux
quelles ils voulaient les initier. Il n’échappe en effet à personne
qu’il est préférable pour l’élève qui veut recevoir une instruc
tion professionnelle ou technique de rencontrer presque simul
tanément sous ses yeux et le phénomène élémentaire du labo
ratoire et le phénomène grandiose de l'usine. De bonne heure,
3
�et à son grand profit, il est ainsi familiarisé avec cette échelle
de proportion qu’il faut toujours avoir dans la pensée quand
on passe de la théorie à la pratique, des quantités infinitésimales
à ces masses énormes que nos vastes usines mettent en œuvre.
On sait aussi combien les procédés de fabrication sont suscep
tibles de perfectionnements, de simplifications, avec améliora
tion dans la valeur des produits. On connaît souvent tous les
termes simples du problème dont la solution réalisera un pro
grès considérable, donnera la richesse au fabricant et accroîtra
le bien-être général : Et, pourtant, ce progrès ne s’effectue
point, parce que les principes féconds de la science sont rem
placés par la routine stérile et aveugle. Déjà, d'après ce qui
précédé, on conçoit que l’Ecole ne pouvait s’ouvrir sous de meil
leurs auspices, ce qui m’autorise à dire que le succès obtenu
dès l’origine et attesté par le nombre des élèves, tout en nous
donnant un puissant encouragement, ne nous a pas surpris.
Mais il y a plus : il nous a été doux de constater que l’Insti
tution donnait satisfaction à des besoins scientifiques d’un or
dre plus élevé. Tandis que la plupart des élèves entraient dans
le laboratoire d’enseignement, quelques-uns manifestaient le
désir de se dévouer à la science pure. Certes, ce serait un ré
sultat, qui, au point de vue scientifique, serait hautement mo
ral, si du sein de notre Faculté sortaient des recherches origi
nales, achevées par nos élèves sous notre direction ; et, ce ré
sultat, la situation présente nous donne le droit de l’espérer.
En effet, les leçons du professeur, voué à l’enseignement des
sciences, ne doivent constituer qu’une partie de ses devoirs et
et de ses obligations; il faut qu’il maintienne la grande tradition
des recherches de première main, il faut qu’il forme autour de
lui une Ecole travaillant sous son patronage. Or, les labora
toires atteignent très bien ce but, pour la physique, sous la di
rection de M. Croullebois, pour la chimie, sous ma direction
et, pour l’histoire naturelle, sous celle de M. Marion. D’ailleurs
tout le monde comprend aujourd’hui que le progrès de la re
cherche positive est la plus claire acquisition de l’humanité et
que celte acquisition importe à tous et surtout à ceux quelle
délivre et ennoblit. Un monde sans science c’est l’esclavage,
c’est l’homme assujetti à tourner la meule, courbé sur la ma
tière. Le monde amélioré par la science, c’est l’homme affranchi
du plus rude de ses labeurs, et rendu, suivant une parole mé
morable, à la libre possession de son intelligence. Regardez
autour de vous, à l’heure actuelle, il y a au monde deux classes
de nations, les unes qui ont des savants, les autres qui n’en ont
pas : ces dernières sont aussi abaissées sous le rapport social
que sous le rapport intellectuel.
Aussi le Ministre qui jeta les bases de cette belle institution
rendit à la France un service immense. Un jour, dans une vue
profonde, il reconnut que l'Etat n'était pas seulement obligé de
veiller à ce qu’il ait des hommes s’occupant de faire des épopées
ou des tragédies, mais qu’il était obligé de veiller à ce qu’il ait
toujours des gens poursuivant l’investigation scientifique. Vou
lant servir davantage le mouvement général de l’esprit, il avait
prévu que si les encouragements sont inutiles dans une société
où la haute culture serait plus répandue, dans notre société, ils
sont indispensables; car la science n’est le plus souvent cultivée '
que par des personnes obligées de vivre de leur travail. Or, la
science, source de tout progrès, est par elle-même improduc
tive. Elle enrichit celui qui met en œuvre, mais non le véritable
inventeur. Ni Newton, ni Leibnitz n’ont tiré aucun avantage
pécuniaire de leur invention du calcul différentiel. Les vrais
créateurs de la chimie n’ont pas profité des immenses ressour
ces industrielles que leurs découvertes ont apportées : Cela est
juste, car ils ont eu la gloire. En tout cas, cela est inévitable. Il
�faut donc que l’Etat intervienne pour réparer cette injustice
nécessaire dont la société bénéficie, je dis mal, pour faire des
avances en une entreprise dont elle louchera les fruits. C’est
dans cette pensée qu’il fut créé auprès de l’Ecole des Hautes
Etudes des bourses d eléves stagiaires qui permettent à des
jeunes gens studieux de suivre pendant un certain nombre
d’années des études qui sont d’abord improductives.
Si la sollicitude de l’Etat ne nous a pas manquée, tous, nous
avons tenu à honneur de nous m ontrer dignes de la confiance
que l’on a mise en nous. Les travaux pratiques de physique et
de chimie ont été poursuivis avec une grande régularité pen
dant le cours de la présente année, sous la surveillance assidue
de MM. Roche et Vaillant. Ces deux jeunes gens, dont le dé
vouement nous avait été déjà très utile, lors de l’installation
des laboratoires de physique et de chimie, ont, en outre, mon
tré beaucoup d’intelligence dans la direction des manipulations,
et ont, en tous points, répondus à notre attente. A cause de l’as
cendant qu’ils ont su prendre sur les élèves, à cause de l'éner
gie qu’ils ont déployée et du bon exemple qu’ils ont cons
tamment donné, il est juste de leur reconnaître une bonne part
dans le succès. Je dois ajouter qu’ils ont fait preuve d’une
instruction étendue, dans les Conférences qu’ils étaient chargés
de faire sous notre direction aux élèves des laboratoires d’en
seignement.
Le même succès a présidé à l’organisation de la section d’his
toire naturelle, sous la direction de M. Marion. Les Conféren
ces théoriques ont été suivies par cinq élèves avec assiduité.
Des exercices pratiques journaliers ont complété cet enseigne
ment appliqué plus spécialement à l’anatomie des animaux
marins. L’un des jeunes naturalistes fréquentant ce laboratoire
a présenté à l’Institut un note sur la structure de la trompe
d’un Némertien du golfe de Marseille. Les études seront reprises
cette année et nous pouvons prévoir déjà qu’elles ne resteront
pas sans résultats. Il nous sullira d’annoncer que les Profes
seurs de l’Université de kiew, en Russie, lui ont adressé un de
leurs docteurs pour bénéficier de notre enseignement et de nos
ressources exceptionnelles.
Telle est, Messieurs, dans son ensemble, la situation présente
de notre Faculté, avec les espérances légitimes qu elle nous
donne pour l’avenir.
�RAPPORT DE M. BONAFOUS
Doyen de la Faculté des Lettres.
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Les Facultés des Lettres ont le privilège d’exciter vivement
les préoccupations publiques. 11 ne faut pas en être surpris.
D’abord leur enseignement s’adresse aux esprits cultivés, au
nombre desquels chacun aime naturellem ent à se placer; ensuite,
le premier grade qu’elles confèrent est la condition obligée de
tous les autres, et le passe-port nécessaire sans lequel on ne
peut se mettre en route pour arriver aux professions libérales
ou aux grandes administrations. Quand on considère l’impor
tance du diplôme de bachelier, il est facile de concevoir les
anxiétés des pères de famille, les transes des candidats et l’in
térêt que tous portent à nos études et à nos travaux. Ces vives
émotions, cette attention générale que nous excitons autour de
nous, sont assurément un grand honneur, mais, comme tous
les honneurs, elles sont un péril.
En effet, tandis que nos collègues des autres Facultés distri
buent paisiblement les sciences dont ils sont les dépositaires
autorisés, nos actes et nos méthodes subissent le contrôle de
ceux qui savent et de ceux qui ne savent pas; on nous prodigue
de tous côtés les conseils, sinon les reproches. Des hommes,
doués sans doute de bonnes intentions, mais aventureux et
téméraires, prêchent la réforme des études classiques, et ne se
proposent rien moins que de tout bouleverser sous le prétexte
de tout améliorer. Tantôt ce sont les vers latins qui sont battus
en brèche comme toutes les institutions du temps jadis, comme
un exercice fastidieux et inutile ; tantôt c’est le thème, le thème
vénérable, qu’on veut déposséder au profit de la version ; la
version écrite elle-même ne trouve pas grâce devant les démo
lisseurs ; elle doit céder la place à la traduction orale, qui se
précipite, sans laisser dans l'esprit plus de traces que n’en laisse
le vent dans la plaine qu’il vient de traverser. Chaque jour
amène une tentative nouvelle ; les forces vives de la jeunesse
française s’usent dans des expérimentations qui n’aboutissent à
rien ; si bien que le domaine de l’instruction publique ressem
ble à une terre où l’on sème toujours et où on ne récolte pas,
parce que les passants viennent en gratter continuellement la
surface.
Si ces projets de réforme ne se proposaient que l’améliora
tion de nos méthodes d’enseignement, nous leur prêterions vo
lontiers notre concours ; mais les utilitaires ont un autre ob
jectif: permettez-moi ces mots imposés par nos rapports avec
les Barbares. Où veulent-ils en venir? Ils n’aspirent à rien
moins qu’a amoindrir d’abord, et à supprimer plus tard l’étude
du grec et même du latin. Quelques-uns y mettent des nié-
�nagemcnts ; après avoir doré les cornes de la victime, ils la
couronnent de fleurs. « A Dieu ne plaise, disent-ils, que notre
main sacrilège consomme le sacrifice de ces deux grandes litté
ratures dont la substance a produit et nourri l’esprit français !
Puisse plutôt celte main se dessécher ! » Ainsi parle le grandprêtre, et ces généreux sentiments Phonorent à nos yeux. Mais,
pendant ce temps, les victimaires préparent le couteau, et la
victime serait morte, si elle n’était immortelle.
Nous avons traversé naguère une de ces crises périodiques;
celle-ci a été d’autant plus courte qu’elle était plus violente.
Tout notre ancien système d’enseignement a etc mis en ques
tion. Espérons que celte dernière expérience aura été décisive,
et qu’il en résultera deux bonnes choses. Elle aura réveillé
l’Université de l’engourdissement dans lequel se laisseraient
peu à peu tomber les meilleures institutions, si elles n’étaient
de temps en temps brusquement secouées ; elle aura aussi
prouvé la solidité de notre système d’éducation, qui, sans ex
clure les réformes et le progrès, sait résister aux caprices de
l’opinion, et s’appuie avec confiance sur le terrain des traditions
et du bon sens. Le Conseil supérieur de l’instruction publique
délibère en ce moment, il déterminera la part qui doit être faite
aux réformes et à la liberté de l’enseignement. Nous attendons
ses décisions avec respect et avec confiance ; nous sommes cer
tains que le Sénat de l’Université, composé des hommes les
plus éminents et les plus compétents, sera avant tout un sénat
conservateur.
A ces agitations scolaires qui troublent les élèves, les maîtres
et les pères de famille, sont venues se joindre les agitations po
litiques, qui viennent heureusement de subir un temps d’arrêt,
et de recevoir une solution provisoire. Le calme a succédé à la
tempête, et bien que la mer mugisse encore dans ses immenses
profondeurs, la science peut, encore plus facilement que na
— 41
guère, élever sa voix paisible et pleine de consolations. Les Fa
cultés des Lettres surtout, qui par la nature de leur enseigne
ment se mêlent d’une manière plus intime à la vie politique et
morale de la nation, n’ont qu’à continuer leur œuvre. Nous
allons donc reprendre nos travaux ; et c’est un honneur pour
le Doyen de la Faculté des Lettres d’Aix d’avoir à vous faire
connaître ce que ses collègues ont fait l’année dernière, et ce
qu’ils se proposent de faire cette année-ci.
Le Professeur de Philosophie a traité, pendant cette année,
de la Philosophie morale et politique dans les temps modernes.
Le XVIIe siècle a produit, sous ce rapport, deux grandes théo
ries, celle de Hobbes et celle de Locke : Hobbes, voulant dé
fendre le despotisme et le pouvoir absolu, n’a pu trouver d’au
tre base philosophique à cette doctrine que le système qui fonde
le droit sur l’intérêt et sur la force ; Locke, établissant au con
traire les véritables principes du droit politique, a montré que
l’indépendance et l’égalité naturelle des hommes ont pour con
séquence logique l’établissement d’un gouvernement libre et
librement choisi par les citoyens. Arrivant ensuite au XVIIIe siè
cle, le Professeur a étudié les théories opposées d’Helvétius,
d’IIume, d’Adam Smith et d’Hutcheson, et cherché, en les dis
cutant, à approfondir le difficile problème de l’origine des dis
tinctions morales et des notions du droit et du devoir.
Il continuera, cette année-ci, l’histoire de la Philosophie au
XVIIIe siècle. Il étudiera particulièrement les doctrines de Mon
tesquieu, de Rousseau et de Kant.
Le Professeur d’Histoire continuera à traiter des révolutions
politiques de l’Europe au XVIIIe siècle : vaste sujet qu’il n'a fait
qu’entrevoir l’année dernière, et qu’on 11e saurait étudier de
trop près, car la politique extérieure de notre temps, avec les
�redoutables problèmes qu’elle soulève, y est contenue tout
entière.
Le Professeur de Littérature ancienne, continuant l’histoire
de la civilisation et de la littérature grecques, s’occupera, cette
année-ci, de l’origine du théâtre, et étudiera successivement les
pièces qui nous restent d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide.
Dans la leçon du mardi, il expliquera et commentera le premier
livre de Thucydide.
Le Professeur de Littérature française avait pris, cette année,
pour sujet de ses études, le Théâtre de Corneille. Après avoir
cherché de quels éléments se composait, au commencement du
XVIIe siècle, le génie français, aussi remarquable par la mesure
dans le développement que par la grandeur dans les concep
tions, il a montré comment Corneille le premier a su présenter
à notre admiration les modèles de l’héroïsme le plus pur. Em
pruntant ses personnages aux souvenirs de l’ancienne Rome
ou aux légendes du moyen-âge, Corneille, en leur donnant les
passions les plus nobles et un langage digne de leurs senti
ments, nous a montré tour à tour le triomphe du devoir sur
l’amour, dans le Cid ; le triomphe du patriotisme dans Horace,
le triomphe de la clémence dans Cinna : enfin, il nous a fait
voir, dans Polycucte,'d quelles hauteurs l’âme humaine pouvait
s’élever sur las ailes de la religion ; et près du martyr chrétien
il a placé Pauline, déjà promise au Christianisme par ses vertus
avant sa conversion. Sévère également digne de Pauline et de
Polyeucte.
C’est par l’analyse de ce Théâtre plein de grandeur et de
majesté que le Professeur a voulu aborder le siècle de Louis XIV.
Il continuera, cette année, à étudier cette époque avec les Let
tres de Mm* de Sévigné.
43
Le Professeur de Littérature étrangère, comme l’année der
nière, divisera son cours en deux parties. Dans le semestre
d’hiver, il a traité des origines de la littérature allemande, étu
diant le caractère général de la nation, celui de la langue, les
fragments des premiers siècles encore tout empreints de l’esprit
barbare. Il s’est arrêté sur la Mythologie allemande, qui est le
premier produit de l’imagination du peuple, et comme sa pre
mière littérature, et sur le poème de Béowulf, le plus considé
rable monument de la poésie germanique primitive, rédigé en
Anglo-Saxon, mais plein encore des souvenirs de la Frise, où il
a été composé. La lutte du Christianisme contre la barbarie en
apparence soumise, marque la fin de cette période, où les an
ciennes croyances se transform ent en légendes, les antiques
dieux bienfaisants en horribles démons nouveaux, et où l’esprit
poétique de la nation semble s’éteindre sous une culture im
posée.
Dans le premier semestre de cette année, le Professeur étu"
diera la période suivante. Sous l’influence de la Chevalerie, à
l’imitation de la France, comme le reconnaissent les historiens
allemands de la littérature de leur pays, le sentiment poétique
se réveille et produit des œuvres remarquables, soit dans le
genre lyrique, soit dans le genre épique. Trop souvent l'esprit
de cour en altère la sincérité et la simplicité. Mais entre les
chanteurs de banalités, des hommes d’un talent supérieur,
Walter von der Vogelweide, Wolfram d’Eschenbach, et d’au
tres, font entendre des vers d’un accent élevé et profond. La
poésie épique est plus remarquable encore. Les anciennes tra
ditions prennent une vie nouvelle, et de ce mélange du senti
ment poétique populaire et de l’art nouveau, sort l’œuvre ano
nyme mais puissante des .Niebelungen, sur laquelle le Profes
seur compte s’arrêter jusqu’à la lin du cours du premier se
mestre.
�— U —
Dans le second semestre de l’année dernière, le Professeur a
étudié la légende du Cid dans la littérature espagnole, et l’a sui
vie dans ses transformations à travers l’épopée du moyen-âge,
les romances et le drame, jusqu’au moment où elle devient eu
ropéenne par la tragédie de Cor neille et les remaniements que
lui fait subir llerder en Allemagne. Dans le second semestre de
cette année, il étudiera les héroïnes du Théâtre de Shakes
peare, en cherchant à faire ressortir ce que, dans la conception
de ces personnages, il y a de propre au génie anglais et de par
ticulier à celui du poète.
Dans le cours de Philologie, annexe de l'Ecole des Hautes
Etudes, dont les cours sont faits à la Faculté des Sciences de
Marseille, le professeur a traité des caractères généraux du style
latin, et indiqué les principaux ouvrages propres à en faciliter
la connaissance. Il s’est arrêté sur la question de l’orthographe
qu’il a étudiée à l’aide des ouvrages les plus récents, notam
ment celui de Brambach : enfin il s’est occupé de la propriété
des termes et du choix des mots, en définissant ce qu’il faut
condamner comme barbarisme, solécisme et néologisme.
Il développera, cette année, le système de la conjugaison
latine, en comparant les grammaires élémentaires publiées dans
ces derniers temps, notamment Schweizer-Sidler, Vanicek et
Gantrelle avec notre Port-Royal, et en faisant ressortir ce qu’il
y avait déjà de science solide et de vue pénétrante dans ce livre
qui devrait se trouver dans les mains de tous les professeurs.
Il indiquera les principes et la théorie du radical des verbes,
établira le thème du présent, du parfait et des noms verbaux,
participes, gérondifs et supins, et indiquera la fonction du pas
sif et des verbes dérivés.
Le même Professeur, continuant ses savantes publications,
— Ab —
qui ont vivement excité l’attention du monde savant, vient de
mettre en vente, en tête des morceaux choisis de Plaute, un
mémoire où est exposée d’une manière claire et définitive la
métrique du grand poète comique latin. Le Conseil supérieur
de l’instruction publique s’est empressé de mettre ce travail sur
le programme de la licence ès-lettres. Pendant ce temps, M. Reynald, professeur de Littérature française, dans un livre plein
d’intérêt et da-propos, nous invite à parcourir avec lui cette
malheureuse Espagne, qui semble sur le point de sombrer sous
le flot des révolutions. C’est ainsi que les Professeurs des Fa
cultés des Lettres occupent leurs doctes loisirs, quand ils ont le
bonheur d’en trouver au milieu de leurs incessantes occupa
tions.
En effet, nous ne sommes pas seulement professeurs, nous
sommes juges ; et nous sommes juges, non seulement à Aix,
mais encore à Nice, en Corse et à Alger. Nous allons, chaque
année, en qualité de Missi dominici, offrir sur place, aux can
didats de ces contrées éloignées, ce précieux diplôme, qui est
dans le vœu de tous, mais que nous n’accordons qu’à ceux qui
le méritent. Nous vous présenterons en chiffres éloquents, et
non en phrases qui le seraient beaucoup moins, le compte
rendu de notre année judiciaire.
Mentionnons, pour mémoire seulement, le grade de docteur,
phénix que les Facultés des Lettres de province ne voient appa
raître qu’à de rares intervalles, et que notre Faculté n’a conféré
que quatre fois dans une existence de vingt-sept ans.
Pendant l’année classique 1872-1873, il s’est présenté seize
candidats au grade de licencié ès-lettres, sept dans la session
de novembre 1872, et neuf dans la session de juillet 1873. Sur
�ce nombre, un seul candidat a clé admis dans la première ses
sion, et deux dans la seconde, en tout trois sur seize.
La liste des vainqueurs est si courte, et leur succès si légitime,
que nous croyons devoir proclamer leurs noms en séance pu
blique. M. Grondone, dans la session de novembre ; MM. Cas
tre et Vayssière, dans celle de juillet, ont triomphé, par les plus
généreux efforts, des difficultés du programme et des justes
exigences des examinateurs ; car nous ne conférons qu’à
ceux qui le méritent un grade que ne sollicitent guère que les
futurs professeurs. Pourquoi faut-il qu’à ces souvenirs de triom
phe viennent se joindre les tristesses d’un deuil récent ! M.
Castre, reçu le premier dans la session de juillet, a été enlevé
par une mort presque soudaine à une famille désolée, qui ne
vivait que par lui et pour lui, et à la grande 'famille universi
taire, où il avait déjà pris un rang honorable. La Faculté des
Lettres a été vivement touchée de cette mort, et elle s’est asso
ciée aux regrets universels de notre ville, dont M. le Principal
du Collège d’Aix a été l’interprète ému et éloquent.
Il ne me reste plus, Messieurs, qu’à vous parler du bacca
lauréat : sujef plein de tristesse, et dont notre indulgence exces
sive, coupable peut-être, cherche en vain à amoindrir les dou
loureuses émotions. Au moment où j’arrive à celte page de sta
tistique, deux vers de Virgile se présentent à ma pensée, vers
admirables et que je voudrais traduire d’une manière un peu
libre, avec l’assentiment de mon collègue, M. Benoist, le savant
interprête du poète latin. Enée et la Sibylle viennent de tra
verser le Styx sur la barque de Charon ; ils s’avancent et aussi
tôt, dit le poète :
Conlinuo auditw voces t'ugilus et ingens
lnfanlumque animai /lentes in limine primo
;
— 47 « Aussitôt furent entendues des voix, un vagissement immense;
c'étaient les ombres des candidats qui pleuraient sur le seuil
du baccalauréat. » Privés de ce diplôme qui fait la douceur de
la vie, trop tôt enlevés à la mamelle universitaire, ils furent
enlevés, dans un jour néfaste, et ils sont plongés dans un deuil
cruel :
Quos dulcis vilæ exsortes et ab ubere raptos
Abstulit atra dies et future mersit acerbo.
Voilà, en effet, la cause principale de ces échecs nombreux
qui viennent chaque année attrister notre compte-rendu. Les
jeunes gens veulent être bacheliers avant le temps; ils décou
ronnent leurs études et abandonnent les classes supérieures :
ils se présentent au combat sans avoir complété et fourbi leur
armement ; ils veulent faire un coup de fortune d’un examen
sérieux, et les pères de famille ont la faiblesse de souscrire à
ces calculs de paresse, à ces convoitises d’une liberté préma
turée et pleine de périls. Si les Facultés des Lettres se mon
traient plus indulgentes encore, et elles ne le sont que trop, les
études seraient perdues, et, dans la plupart des familles, l’auto
rité du père serait mise à néant. C’est une chose triste à dire,
mais malheureusement trop vraie : l’épreuve du baccalauréat
est le plus ferme soutien de la discipline domestique ; elle tient
aujourd’hui la place des antiques idées d’honneur et de devoir,
qui sont devenues impuissantes, et qu’une jeunesse frondeuse
ne craint pas même de tourner en ridicule.
La Faculté des Lettres a examiné celte année-ci 573 candi
dats. Sur ce nombre, 236 ont été admis au grade. C’est la pro
portion de 42,33 0/0. Le nombre des candidats en 1873 a
donc été supérieur de 31 à celui de 1872; mais la qualité a
baissé de 1,14 0/0. Cette baisse, tout insignifiante qu’elle est,
�nous afflige cependant. Nous voudrions signaler un progrès, et
nous ne pouvons pas même constater un temps d’arrêt ; il y a
recul. Espérons qu’il en sera de ce recul comme de celui do la
locomotive, qui recule afin de prendre un élan plus rapide.
Le nombre des mentions honorables n’a pas augmenté. Nous
avions accordé l’année dernière deux mentions bien et vingtneuf assez-bien. Celte année-ci, nous avons accordé également
deux bien et vingt-sept assez-bien seulement, petite perte, lar
gement compensée par un très-bien, obtenu par le jeune Fabry, élève du Lycée de Marseille, qui avait conquis au concours
général des départements le plus ancien des prix d’honneur,
celui du discours latin.
Ces résultats sont loin d’être satisfaisants, et cependant nous
ne désespérons pas d’un avenir meilleur pour nos études. Les
nouvelles de nos Lycées et de nos Collèges sont bonnes. L’obli
gation du service militaire, désormais imposée à tous, a rendu
nos élèves sérieux,^surtout dans les classes supérieures, et en
attendant le volontariat d’un an, ils semblent avoir contracté
un engagement volontaire pour le travail et pour la discipline.
C’est donc sous d’heureux auspices, Monsieur le Recteur, que
vous prenez en main l’administration de celte importante Acadé
mie. Votre honorable et regretté prédécesseur a eu à lutter con
tre des difficultés de toutes sortes, soulevées par le malheur des
temps ; mais son zèle, sa vue pénétrante dans les affaires et sur
tout sa bonté et sa justice ont triomphé de tout. Nos regrets
unanimes le suivent dans sa nouvelle résidence ; mais notre
joie à saluer votre arrivée parmi nous n’est pas amoindrie pour
cela, et je puis vous promettre, au nom de mes collègues et au
mien, le même respectueux dévouement et notre concours le
plus empressé et le plus constant,
RAPPORT DE i\I. COSTE
directeur de l’Ecole préparatoire
de Médecine et de Pharmacie.
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Un changement important vient de se produire dans la haute
administration de l’Académie d’Aix.
Le chef honoré de celte Académie depuis plusieurs années,
après les plus brillants services dans l’enseignement et l’ins
pection générale, M. Vieille, a été nommé Recteur de l'Acadé
mie de Dijon. Notre chef universitaire nous avait honorés, mes
collègues et moi, de sa bienveillance et de son affectueuse estime;
nous lui offrons, au moment de la séparation, le sincère hom
mage des regrets que nous cause son départ.
�— KO —
Le nouveau Recteur qui nous est donné, M. Seguin, ancien
Doyen de la Faculté des Sciences de Grenoble et Recteur de
l’Académie de Besançon, nous arrive, précédé d’une réputation
de savant distingué et d’habile adm inistrateur. Qu’il soit, à ce
double titre, le bienvenu parmi nous. II trouvera dans les fonc
tionnaires de notre Ecole Médicale des hommes sérieusement
capables et consciencieusement dévoués à leur mission.
La prospérité de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de
Marseille s’affirme de plus en plus et par une rapide progres
sion. Je suis charmé de pouvoir le dire dès le début de cet ex
posé de notre situation actuelle.
L’Ecole de Marseille, très honorablement placée dans l’estime
publique, a conquis l’un des premiers rangs. Les élèves nous
arrivent nombreux et empressés. La renommée leur a dit, et je
dois cette justice à mes honorables collaborateurs, qu’ils trou
veront ici des maîtres, zélés, bienveillants, tous à la hauteur de
leur tâche, et, à côté de ce précieux avantage, des moyens ma
tériels d’instruction considérables : d’abondantes ressources
pour l’étude de l’anatomie, cette solide base d’une bonne édu
cation médicale, et un contingent de malades plus que suffisant
pour les cliniques de médecine et de chirurgie.
Nous avons eu, pendant l’année scolaire 1872-73, 645 ins
criptions, qui se divisent ainsi : 444 pour la médecine, 201
pour la pharmacie. Des premières,243 avaient pour but le doc
torat, et 201 le diplôme d’officier de santé. Parmi les porteurs
des autres inscriptions, 4 aspiraient au grade de pharmacien
de première classe, et 197 à celui de pharmacien de deuxième
ordre.
Ces 645 inscriptions représentent un total de 160 élèves.
Cette affiuence d’étudiants, outre la très légitime satisfaction
d’a mour-propre qu’elle nous apporte, a produit une recette
dont le chiffre a été pour la caisse municipale l’objet du meil
leur accueil, car le sacrifice pécuniaire de la ville en a été fort
amoindri.
L’enseignement a été donné conformément au programme
officiel des études, et tout détail technique serait ici superflu.
Je ne veux dire qu’une chose, qui est parfaitement vraie : pro
fesseurs et élèves ont dignement rempli leurs devoirs récipro
ques.
Les examens de fin d’année ont eu lieu du 4 au 9 août. 132
élèves, 103 en médecine et 29 en pharmacie, s’y sont présentés.
L’examen de première année a été un peu faible, notam
ment sur les sciences accessoires : botanique et chimie. Plus
faible encore a été l’examen de pharmacie.
Les deuxième et troisième examens de médecine ont été
beaucoup plus satisfaisants.
Voici la répartition de ces examens :
PREMIÈRE ANNÉE.
2
14
I
7
54 Elèves.
Absents pour cause de maladie.
Ajournés.
Mention très bien.
Mentions bien.
DEUXIÈME ANNÉE.
26 Elèves.
Point d'absents.
*
�— 52 —
1 Ajournement.
2 Mentions très bien.
2 Mentions bien.
TROISIÈME ANNÉE.
23 Elèves.
Point d’absents, ni d’ajournés.
8 Mentions bien.
EXAMEN DE PHARMACIE.
29 Elèves.
2 Absents sans motif légitime.
1 Absent pour cause de maladie.
9 Ajournés.
1 Mention très bien.
2 Mentions bien.
A la session supplémentaire de la rentrée les examens ont
été subis par 14 étudiants en médecine et 9 en pharmacie.
Tous ont été admis avec des mentions diverses.
11 y a eu, sans motif connu, 4 absents pour la médecine et 2
pour la pharmacie.
Les deux jurys d’examens de fin d’études pour la collation
des grades de second ordre en médecine et en pharmacie se sont
réunis aux mois de septembre et d’octobre, sous la présidence
de MM. les Professeurs Fuster et Jeanjean.
Il y a eu 213 prétendants au titre d’oüicier de santé : 20 pour
les trois examens ; 2 pour le second et le troisième ; 3 pour ce
dernier seulement ; il s’agissait ici d’un échange de diplôme.
Ces épreuves nous ont généralement satisfaits ; les bonnes
notes ont été les plus nombreuses, et le jury n’a eu à prononcer
que deux ajournements : un au deuxième examen, un autre au
troisième.
6 aspirantes au brevet de sage-femme se sont présentées.
Elles ont été toutes reçues.
O
33 candidats ont comparu devant le jury des pharmaciens.
30 ont été admis, et 3 ajournés.
Le modeste titre d'herboriste a été refusé à l’unique postu
lant qui se présentait.
J’ai la satisfaction d’annoncer la création d’une Ecole de
Botanique à l’usage de nos élèves.
Nous possédions, derrière la salle de dissection, en face de
l’Hôtel-Dieu, un tout petit jardin qui ne pouvait qu’imparfaitement remplir le but auquel il était destiné. Sur l’emplace
ment qu’il occupait s’élève aujourd’hui une construction très
utile pour nous, l’amphithéâtre d’anatomie.
Les débris de notre jardin botanique médicinal ont été trans
portés dans le jardin de l’ancien couvent des Carmélites, au
haut de Longchamp, à côté du Palais des Arts. La municipalité
a bien voulu nous concéder ce jardin, en ordonnant toutes les
dispositions nécessaires pour la plantation et l’arrosage.
L’impossibilité d’avoir une Ecole de Botanique plus proche,
plus vaste, et sur un terrain plus convenable, nous a fait ac
cepter avec reconnaissance cette concession.
Malheureusement on n’a pu y mettre la main qu’à une épo
que de l’année déjà trop avancée, vers la fin de mai ; dans cette
saison on n’a pu utiliser que les plantes qui se trouvaient en
pot dans le jardin Zoologique, plantes qui ne sont pas toutes
médicinales et qui, de plus, étaient en nombre insullisant pour
�— S4 —
occuper tout le jardin. Plusieurs sont destinées à céder la place
à d’autres sujets mieux adaptés au but qu’on se propose.
En l’état, il y a, au moins, deux cent cinquante étiquettes
posées (il y a la place pour cinq ou six cents plantes), et la fré
quentation des élèves a déjà prouvé l’utilité de ce jardin. Cet
hiver il se complétera par des semis faits à temps et par des
végétaux qu'on pourra y transporter dans une saison favorable.
Je dois dire maintenant que nous devons la concession de
ce jardin aux actives et fructueuses démarches de notre très
honorable collègue, M. Derbès, professeur d’histoire naturelle
à la Faculté des Sciences, qui s’est chargé bénévolement de pré
sider aux plantations et à la pose des étiquettes.
Nous lui sommes bien reconnaissants de tous ses bons offices.
L’Ecole a perdu, cette année, à la fin du mois d’août, le Pro
fesseur Martin, l’avant dernier de ses membres honoraires et
son vénéré Doyen d’âge.
Indépendamment de toutes les aimables qualités qui nous
l’attachaient si cordialement et nous laissent de sa perte les plus
douloureux regrets, notre excellent et bien cher Collègue a
voulu perpétuer parmi nous son souvenir en faisant à l’Ecole
deux dons généreux,dont l’un est fort considérable, son arsenal
de chirurgie et sa bibliothèque.
Une place d’honneur sera réservée à l’un et à l’autre.
Je considère comme une de mes obligations, et il m’est infi
niment agréable de la remplir, de consigner dans ce rapport
un très beau succès obtenu par le prosecteur de l’Ecole, M.
Foëx, l’un des meilleurs de nos anciens élèves.
Notre jeune et distingué confrère, après d’excellents examens
probatoires devant la Faculté de Médecine de Montpellier (men
tion très satisfait aux premier, deuxième, quatrième et cin-
.
—
55
—
quième ; mention bien satisfait au troisième), a soutenu sa
thèse ayant pour titre : Essai clinique sur la névrite et la périnévrile optiques, sujet important et difficile.
Ce remarquable travail a eu l’honneur, rarement accordé,
d’être couronné par la Faculté, qui l’a jugé digne du prix Fon
taine. Il a valu, en outre, à son auteur une lettre de félicita
tions de M. le .Ministre de l’Instruction publique.
Il y a assurément, pour M. Foéx, dans ce double fait, dont
je suis heureux de le féliciter, de belles promesses d’avenir
scientifique et professionnel.
Mon devoir d'administrateur de l’Ecole m’oblige à placer ici
quelques réllexions pratiques, qui touchent à divers points.
Les besoins de notre enseignement, sans sortir du cadre
tracé aux Ecoles préparatoires pour qu’elles restent dans leur
rôle, attendent encore de notables améliorations.
Ainsi, qu’il me soit permis de le répéter aujourd’hui, et je le
dirai, chaque année, jusqu’à l’heure où ce grand désir aura été
satisfait, où cette lacune si regrettable aura été comblée ; il
nous faut une clinique d’accouchements; c’est le complément,
bien impatiemment attendu, de nos leçons pratiques, le cou
ronnement de notre installation.
Nous devons, sans doute, des remerciements, et j’ai l’hon
neur de les lui adresser avec la plus profonde sincérité, à l’ad
ministration des hôpitaux de ce qu’elle veut bien permettre aux
étudiants de deuxième et de troisième année de fréquenter,
sous la direction du professeur adjoint d’accouchements, les
salles de la Maternité.
Mais cela est très insuffisant. Il faut plus pour l’instruction
obstétricale des élèves. Il serait de toute nécessité que cette cli
nique, dont les filles mères, par un sentiment de convenance
facile à comprendre, devraient, seules, former les éléments,
�— 5f> —
pût être installée, dans de bonnes conditions, non point à la
Conception, — c'est beaucoup trop loin, — mais à l’HôtelDieu, à côté du siège même de l’Ecole. Là, sans perte de
temps, à proximité des cours et des exercices anatomiques,
les élèves pourraient être journellement appelés, non seulement
à voir des accouchements et, conséquemment, étudier les ma
nœuvres qui s’y rattachent, mais encore apprécier les phéno
mènes accomplis durant la gestation et observer aussi la femme
en couches, examiner son état pathologique.
J’espère ardemment, et c’est le sentiment unanime de mes
collègues de l’Ecole, après la réalisation de ce vœu. C’est seule
ment alors que les femmes enceintes trouveront chez ceux qui
doiventles assister dans leur délivrance des garanties suffisantes.
Ce n’est qu’à ce prix que le jeune docteur, quittant les bancs
de l’Ecole, ou l’officier de santé qui va exercer dans son dépar
tement, pourront échapper à l’humiliation d’être inférieurs, en
instruction, à l’accoucheuse du plus humble village.
J’ose ajouter que la moindre Ecole de Médecine devrait pos
séder une clinique d’accouchements. Il faudrait que cela fût
règlementaire.
En dehors du programme classique, quelques leçons de mé
decine légale élémentaire ont été faites, comme l’année précé
dente, pendant le deuxième sémestre, par M. le professeur
Rampai. Mon honorable collègue de l’anatomie, qui s’est vo
lontairement imposé cette charge, dont je le remercie, voudra
bien, je l’espère, continuer, l’an prochain, cet utile enseigne
ment.
J’ai l’intention, dans l’année scolaire où nous entrons, avec
l’assentiment de l’autorité académique, d’invoquer le zèle de
l’un de nos Suppléants, en le priant de faire un certain nombre
de leçons d’hygiène. 11 y aura là un double profit : supplément
A
57
d’instruction offert à nos étudiants, exercice du jeune maître
pour le professorat.
Dans toutes les Ecoles Médicales de la province la chaire de
pathologie externe et de médecine opératoire est une. Cela doit
être. La pathologie chirurgicale et les opérations qui peuvent
entrer dans les nécessités du traitement sont deux branches
d’une seule et même science ; étroitement liées l’une à l’autre,
elles doivent aller ensemble. Chez nous, pour faciliter la mar
che de l’enseignement, le Professeur fait, par semaine, trois
leçons de pathologie, et le Suppléant deux leçons d’opérations.
Les choses sont ainsi bien réglées ; elles devront continuer sur
le même pied.
Un vrai besoin pour nous, et je l’exprime avec le plus vif
désir qu’il soit au plus tôt satisfait,c’est l’institution d’une chaire
d’histoire naturelle médicale.
Cet enseignement nous avait été donné, en 1841, à l’époque
de la réorganisation des Ecoles secondaires, sous l’impulsion
d’Orfila, et successivement confié à nos collègues Yvan et Roberty. On l’a supprimé quelques années plus tard. Cette sup
pression, je le dis hautement, a été une mauvaise pensée, une
faute.
Cette chaire doit nous être rendue. Elle existe, du reste;
dans plusieurs Ecoles. J ’ai la ferme espérance que le gouverne
ment accueillerait favorablement notre vœu, si le Conseil muni
cipal de Marseille voulait bien, par un vote qu’on est en droit
d’attendre de son intelligence et de sa générosité, assurer le
traitement du nouveau Professeur.
Je puis, d’un mot, justifier cette institution.
Le médecin, pour peu qu’il ait la prétention delre un hom
me instruit et au niveau de sa mission, doit avoir, en histoire
naturelle, des notions exactes, qui lui seront du plus grand
—
—
�secours dans la pratique de son art. Cela est si vrai, que le
troisième examen du doctorat, si redouté de nos étudiants,roule
principalement sur cette matière.
Mais, dira-t-on peut-être, dans une ville qui possède une Fa
culté des Sciences où les diverses branches de l’histoire natu
relle sont enseignées, qu’est-il besoin de la même chaire à
l’Ecole de Médecine ? Cela ferait double emploi ; les élèves de
cet établissement ne peuvent-ils pas aller à la Faculté ?
Je n’accepte pas du tout l’objection. L’enseignement de la
Faculté, tout excellent qu’il est, s’adresse à un autre public que
les étudiants en médecine ; il intéresse beaucoup moins ces
jeunes gens, parce qu’il ne vise pas précisément les études mé
dicales. Et n’est-ce rien que le temps perdu par les élèves pour
se rendre de l’Ecole à la Faculté? Enfin, une Ecole bien orga
nisée doit pouvoir &e suffire à elle-même. L’Ecole de Médecine
ne doit être, nulle part, tributaire de la Faculté des Sciences.
Nous allons arriver enfin, après la plus longue attente, à
l’installation de notre nouveau local dans le vieux Palais-deJustice, installation en voie d’achèvement.
Les embarras financiers de la ville ont forcément ralenti,
malgré tout le bon vouloir du Conseil municipal, la marche des
derniers travaux à faire ; mais nous touchons au but.
Notre salle de cours est très convenable. Nos laboratoires de
chimie et de pharmacie auront bientôt reçu leur complet amé
nagement et ne laisseront, alors, à peu près rien à désirer. La
récente construction de notre amphithéâtre d’anatomie, qui
répondait à un impérieux besoin, et les réparations, si néces
saires, de la salle de dissection nous ont entièrement satisfaits.
Pourtant l’Ecole, dont l’importance grandit et la prospérité
s’accroît chaque année, est, bien manifestement, trop à l’étroit
- 59 —
dans la partie du vieux Palais qui lui avait été concédée par la
précédente édilité. Cela met en souffrance quelques-uns de nos
services les plus importants.
J ’ai dû, sur ce point, au mois de juin dernier, après avoir
pris l’avis de l’Ecole, soumettre à la bienveillante attention et à
toute la sollicitude de M. le Maire de Marseille quelques détails
que je crois devoir reproduire ici et dont je venais d’entretenir
M. le professeur Gavarret, délégué à l’inspection des Ecoles de
Médecine.
Notre salle de collections, aujourd'hui suffisamment spa
cieuse, deviendra, très vraisemblablement, dans un temps pro
chain, tout-à-fait insuffisante ; la foi que nous avons en l’avenir
de notre Ecole nous le fait supposer.
La pièce de l’entre sol afTectée à la bibliothèque est véritable
ment inacceptable. Etroite, basse et très mal éclairée, elle est
absolument impropre à sa destination.
Il nous manque une partie indispensable, qu’on trouve dans
la moindre Ecole de Médecine, une-salle d’étude.
Cette partie de l’installation d’une Ecole est extrêmement
utile.
La salle d’étude,ouverte à des heures où il n’y a pas de cours,
reçoit les élèves studieux, qui viennent s’y recueillir, méditer
sur les faits cliniques dont ils ont été témoins à l'hôpital,mettre
en ordre les notes qu’ils ont rapidement prises aux leçons de
la journée. Cela détourne ces jeunes hommes de l’attrait d’au
tres lieux où leur instruction n’aurait certainement rien à
gagner.
J'ai prié M. le Maire de nous céder la portion du deuxième
étage située au-dessus de l’Ecole.
Cette addition nous a été aussitôt accordée. Elle sera
pour nous d’un immense avantage. Nous aurons accès à cette
�— GO —
partie de l’édifice par un escalier indépendant, spécial au ser
vice de l’Ecole.
Nous allons trouver là, après l’enlèvement des cloisons, un
assez large espace pour y établir, dans de bonnes conditions,
notre bibliothèque, notre salle d’étude et quelques autres amé
nagements, notamment un laboratoire d’histologie micrographique. L’importance du rôle que remplit aujourd’hui le mi
croscope dans les études anatomo-physiologiques et pathologi
ques, la grande place qu’il y a prise, justifient pleinement et
rendent même indispensable la création de ce laboratoire. Ce
sera notre complète installation.
Nous remercions bien vivement de cette nouvelle faveur
l’honorable docteur Isoard, premier adjoint, remplissant au
jourd’hui les fonctions de maire de Marseille, (due notre zélé
confrère reçoive l’assurance de notre gratitude pour ses bons
offices de tous les instants. M. Isoard veut bien nous prouver,
par son intelligent et dévoué concours, qu’il n’a point oublié
ses anciens maîtres. 11 me permettra de rappeler ici, pour lui
rendre pleine justice, qu’il a été l’un des élèves les plus distin
gués de notre Ecole.
La petite pièce de l’entre-sol, primitivement destinée à la bi
bliothèque, sera toujours utilisée. Nous pourrons en faire une
succursale de la salle de collections, en prévision de sa future
insuffisance. Il sera possible de l’affecter, par exemple, à l’essai
de l’établissement d’un muséum d’anatomie normale et patho
logique, dont les matériaux abonderont toujours chez nous, et
trouveront dans notre chef des travaux anatomiques, dans notre
prosecleur, dans nos aides d’anatomie, des ouvriers zélés et
compétents pour les faire servir à l’avancement de la science.
Le dernier mot de ce rapport, Messieurs, c’est le tableau
—
61
—
d’honneur où nous sommes heureux d’inscrire nos élèves les
plus méritants, nos lauréats.
Les prix et les mentions dont ils ont été jugés dignes vien
nent récompenser l’intelligence, l’assiduité, le zèle attentif,
enfin le dévouement de ces jeunes gens à leurs obligations sco
laires.
Une décision antérieure de l’Ecole, appliquée, cette année, à
toutes les catégories d’étudiants, a eu pour effet l’institution
d’une sorte de concours dont l’unique épreuve est une compo
sition écrite, concours auquel peuvent prendre part, en vue de
l’obtention des prix, les plus vaillants, ceux qui ont obtenu les
mentions très bien et bien.
C’est, pour les Professeurs, un complément d’information
et, pour les élèves, un dernier effort, qui, tout en augmentant
les garanties d’équité qu’on leur doit, vient encore ajouter à la
légitimité de la récompense acquise. C’est, enfin, pour ceux
que la fortune n’aurait point entièrement favorisés dans les
questions de l’examen oral, une occasion de revanche, un
moyen ultime de se relever et d’affirmer leur supériorité
réelle,
Cette décision de l’Ecole témoigne, tout à la fois, de l'impor
tance qu’elle attache aux examens de fin d’année, aux rémuné
rations scolaires qui les suivent, et de son désir de remplir, à
l’égard des jeunes gens qu’elle a mission d’instruire, tous ses
devoirs avec la justice la plus scrupuleuse.
E lèv es
en
M éd ec in e .
Première Année.
1er Prix. — M. Lecomte.
2me Prix ex œquo. — MM. Rouvier et Tock.
Mention honorable. — MM. Debélv et Guilheaume.
�Deuxième Année.
1" Prix. — M. Raynaud.
2me Prix, r— M. Richaud.
Ire Mention honorable. — M. Laget.
2raL> Mention honorable. — M. Silve.
Troisième Année.
1er Prix. — M. Giboux.
2me Prix ex œquo. — MM. Rampai et Giraud.
Mention honorable. — MM. Coulant, Durbec, Silve, Bouis
et Meuret.
MM. Raynaud, Giboux et Rampai étaient déjà lauréats de
l’an dernier ; M. Raynaud avait rem porté un premier prix,
M. Giboux et M. Rampai une mention honorable.
E lèv es
en
P h a r m a c ie .
1er Prix ex œquo. — MM. Slizewicz et Caron.
2me Prix. — M. Caire.
La solennité d’aujourd’hui ayant lieu à Aix, les noms de nos
lauréats sont seulement proclamés ici ; ces Messieurs recevront
leurs prix à Marseille, au Secrétariat de l’Ecole.
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Appelé à faire le rapport sur nos concours annuels, je ne
saurais oublier que, il y a quelques années, dans cette même
enceinte, dans une solennité semblable à celle qui nous réunit
aujourd'hui, je recevais de mes excellents Professeurs les en
couragements les plus bienveillants et les plus précieux. Aussi
ma première parole sera-t-elle une parole de reconnaissance
pour ceux qui, après m’avoir aidé de leurs enseignements et de
leurs conseils lorsque j ’étais étudiant, m’ont accueilli parmi eux
�- Oh -
avec tant de cordialiic et de sympathie. Pourquoi faut-il, hélas I
que pour plusieurs des maîtres qui ont dirigé mes premiers pas
dans la carrière, mes remerciements ne puissent s’adresser
qu’à leur mémoire ! Mais leur souvenir est toujours vivant dans
mon cœur et les exemples qu’ils ont laissés viendront guider et
soutenir mes efforts dans la voie laborieuse où je me suis en
gagé après eux.
Les concours auxquels nos étudiants sont convoqués à la fin
de chaque année scolaire, sont, à mon sens, une des institutions
les plus heureuses de nos Facultés de Droit. Une salutaire ému
lation s’introduit parmi les étudiants, celui qui a été une fois
vainqueur tient à ne pas déchoir, le vaincu veut devenir victo
rieux à son tour, tel qui n’a eu qu’une mention aspire à une ré
compense plus haute, image restreinte de la lutte des hommes
dans la mêlée de la vie, combats heureux où la victoire est au
plus digne, où la protection et l’intrigue ne sauraient exercer
la moindre influence. D isons-le cependant, le nombre est
insuffisant de ceux qui osent venir sur le champ de bataille et
y disputer le triomphe. Sans doute la cause en est surtout aux
dispenses d'assiduité, plaie vivante attachée aux flancs de nos
Facultés de provinces et qui ne pourra être guérie que par
une mesure énergique, une mesure d’ensemble émanant de
l’autorité ministérielle. L’instruction incomplète, non raisonnée, acquise la plupart du temps à la hâte et à l’aide de détes
tables manuels par les étudiants dispensés, les rend incapables
d’affronter des épreuves sérieuses et c’est miracle si l’un d’eux
figure dans nos concours. Mais même parmi les autres, pour
quoi les concours ne réunissent-ils qu’une élite trop peu nom
breuse? Pourquoi la plupart des étudiants se contentent-ils de
passer des examens médiocres et ne se sentent-ils pas assez
sûrs d’eux-mêmes pour venir disputer nos pacifiques couron-
nés ? Ignorent-ils qu’aujourd’hui le travail est devenu pour
tous un devoir sacré, et que passer son temps dans l’oisiveté
et la dissipation c’est presque commettre un crime de lèsepatrie.
Ces réflexions me sont inspirées surtout par le concours de
première année où sept concurrents seulement se sont présen
tés pour traiter la question qui leur était soumise. Et pour
tant cette question qui était ainsi conçue : De l'acquisi
tion de l’hérédité en droit romain, ses effets généraux et
les bénéfices qui les modifient, devait, si elle était bien com
prise, présenter pour nos jeunes concurrents un grand intérêt.
Ce qui domine dans un pareil sujet, c’est la constitution de la
famille romaine et le pouvoir rigoureux, absolu, donné au maî
tre sur l’esclave, au père sur les enfants; de là l’institution de
l’esclave, héritier nécessaire sur lequel le maître insolvable fera
rejaillir la note d’infamie, de là la condition du fils héritier sien
et nécessaire qui sera, bon gré mal gré, le successeur du père
de famille, solutions rigoureuses heureusement tempérées par
la sagesse du prêteur ; de là enfin le droit pour le père d’exhéréder ses enfants et d’instituer des héritiers externes, ce qui
conduisait à la théorie de l’acceptation de l’hérédité, soit par
la crétion, c’est-à-dire par des paroles solennelles, soit par des
actes de disposition sur les choses héréditaires. Enfin, l'acqui
sition de l'hérédité opérée ses effets se manifestent ; à côté du
résultat religieux, la continuation par l’héritier des sacra du
défunt, résultat qui disparaît peu à peu avec l’affaiblissement
des croyances religienses, se produit l’effet rigoureux de la con
fusion des patrimoines et les conséquences injustes qu elle en
traîne, pour l’héritier si le défunt est mort insolvable, pour les
créanciers du défunt dans le cas contraire de l'insolvabilité de
l’héritier. Et comme dans la législation romaine, incessamment
modifiée suivant les besoins de la pratique, le remède finit tou5
�66
jours pâr se trouver à côté du mal, il restait à parler du béné
fice d’inventaire et de la séparation des patrimoines, correctifs
heureux qui, introduits dans la législation de Rome, se sont
perpétués à travers les âges et se retrouvent encore aujourd’hui
dans la plupart des lois civiles modernes,
Certes, un tel programme était vaste, et pourtant j’ai le re
gret de dire que parmi les coucurrents un seul, peut-être, s’y
est exclusivement conformé. C’est M. Bujard, auquel la Faculté
décerne sans hésiter le premier prix. Son travail est net, suffi
samment complet et dénote chez son auteur une façon large
d’envisager un sujet qui est, à mon sens, une qualité excellente
pour l’étude du droit. La composition de M. Àcciardi, qui a
obtenu le second prix, est déjà loin de la précédente. Au lieu
d’aborder directement le sujet elle débute par un préambule
d’une longueur démesurée qui est un véritable hors-d’œuvre
et qui a évidemment empêché son auteur de donner à la ques
tion elle-même tous les développements quelle comporte.
Malgré ce grave défaut, la composition de M. Acciardi témoigne
d’une connaissance assez approfondie de la matière pour que
la Commission l’ait jugée digne d’une récompense. Mais elle a
cru devoir s’arrêter là pour le concours de première année ;
las autres concurrents, en effet, se sont tous jetés, plus ou
moins, en dehors de la question. L’un a insisté sur la forme
des testaments, l’autre sur les conditions de capacité requises
chez le testateur ou l’héritier institué, un troisième nous a
donné un tableau complet de la matière des successions testa
mentaires, de telle sorte que tout en reconnaissant des mérites
divers de savoir, de méthode ou de style dans les travaux qu’elle
a eu à examiner, mérites qui nous font concevoir de légitimes
espérances pour l’année prochaine, la Commission n’a pas jugé
qu’il lui fût possible d’augmenter le nombre de ses récom
penses.
67
—
Le sujet du concours de seconde année a été mieux compris
et généralement mieux traité que le précédent. Il nous reporte
à la théorie des obligations de notre droit civil et il était ainsi
formulé : De Vaction en nullité ou en rescision des conven
tions passées par ou pour des mineurs. Le législateur, dont
le véritable et unique rôle est de garantir à chacun l’exercice
légitime de sa liberté, a, vis-à-vis des mineurs, une tâche plus
délicate, les protéger contre l’irréflexion et l’entraînement
naturels à leur âge, les défendre contre ceux qui seraient ten
tés d’abuser de leur inexpérience et de s’enrichir à leurs dé
pens. Le difficile est de déterminer le point précis où cette
protection cesserait d’être une faveur pour devenir un danger.
Si pour protéger le mineur vous annulez tout acte auquel il
aura participé vous le privez peut-être du bénéfice d’une affaire
avantageuse; si vous exposez à des chances trop nombreuses de
nullité les contrats passés par le tuteur, son représentant, cha
cun craindra de traiter avec lui et vous mettrez obstacle à ces
conventions diverses sans lesquelles la gestion d’un patrimoine
est impossible. Le problème est donc difficile en législation, il
ne l’est pas moins au point de vue du droit positif. Les articles
1124, ! 305 et suivants paraissent en désaccord et depuis long
temps les efforts des jurisconsultes se sont portés sur les divers
moyens de concilier ces textes.'
M. Larnaude, auquel la Faculté a décerné le premier prix,
a, dans un travail très complet, exposé avec netteté et très com
plètement les diverses opinions émises sur ce point. La discus
sion surtout est conduite avec beaucoup de méthode.
Les systèmes les plus hasardés sont d’abord mis soigneuse
ment de côté et tous les efforts du jeune concurrent se concen
trent sur les opinions qui comptent le plus grand nombre d’a
dhérents et entre lesquelles l’hésitation est permise. La solu
tion trouvée, M. Larnaude montre, la loi à la main, les déro-
�Des mérites divers ont fait placer au second rang les travaux
bons encore, mais moins complets tous les deux, de MM. Muscat
et Jourdan. La composition du prem ier est très soignée, elle
montre une connaissance approfondie de la matière, mais il a
laissé glisser des inexactitudes, dont quelques-unes ne sont pas
sans gravité. L’œuvre de M. Jourdan est peut-être un peu
moins étendue, mais à l’esprit généralisateur et philosophique
dont elle est empreinte, aux comparaisons avec le droit romain,
toujours fécondes en rapprochements instructifs, à la méthode
habile d’exposition,on reconnaît le travail d’un des meilleurs élè
ves de la Faculté, qui porte dignement un nom qui est ici aimé
de tous, et pour moi je me félicite, alors que des liens si étroits
d’amitié et de^reconnaissance m’attachent au père, d’avoir été
choisi pour proclamer le succès du fils.
Enfin, une mention a été accordée à M. Ihrahim-Bey, pour
un fort bon travail qui n’est point déplacé à côté des précé
dents. M. Ihrahim-Bey est un des membres de cette colonie de
jeunes égyptiens dont plusieurs ont fait preuve d’aptitudes
vraiment remarquables et dont la présence parmi nous est un
gage de l’union et de la sympathie qui régnent entre la France
et celte nation, qui est appelée à jouer un si grand rôle dans
les relations commerciales entre les peuples.
J’arrive aux concours de troisième année, et ceux-ci sont de
deux sortes : l’un est consacré au droit romain, l’autre au
droit civil. Pour la composition de droit romain deux concur
— 69 rents se sont présentés et cette pénurie signalée presque cha
que année est due à des causes qu’il n’est que trop aisé de dé
couvrir. D’abord les compositions ont lieu longtemps après des
examens de droit romain, à une époque où les efforts des étu
diants se portent sur d’autres éludes ; et surtout, il faut bien le
dire, nous voyons ici se manifester la tendance générale à notre
siècle, de se désintéresser de toute étude qui n’a pas un but im
médiatement pratique. L’étude pour l’étude, pour les satisfac
tions intimes qufelle procure, pour les horizons nouveaux
quelle découvre à l’esprit est de plus en plus délaissée. On ne
lui demande que de fournir les moyens d’arriver immédiate
ment à une position lucrative, heureux si plus tard , arrêté par
quelque difficulté imprévue au milieu de laroutine quotidienne,
on ne regrette pas de n’avoir point consacré à la théorie plus
de temps et de réflexion.
Les concurrents avaient à traiter en droit romain : De la
division des actions au point de vue des pouvoirs du juge.
Dans la procédure romaine, si intéressante à connaître et à
étudier, existait cette séparation du juge du droit et du juge du
fait réclamée encore de nos jours par quelques publicistes. Le
juge, un simple particulier, est choisi par les parties sur une
liste spéciale, mais ses pouvoirs lui sont tracés d’avance dans
une formule que le magistrat, le préteur, a délivrée. Dans
quels cas le juge doit-il s’en tenir étroitement aux termes de
l’ordre que le préteur lui a donné? Dans quels cas, au con
traire, ses pouvoirs sont-ils empreints d’une certaine latitude ?
Enfin, le juge ne peut-il pas corriger certains effets excessifs
ou injustes de la procédure romaine ? Telles étaient les ques
tions soumises aux étudiants de troisième année, et il n’est pas
besoin d’avoir fait du droit romain une étude bien approfondie
pour comprendre qu’on ne saurait avoir la clef de la plupart
___ ,
— C>8 —
galions qu’elle doit subir et les limites qu’il faut apporter à
la protection due au mineur. Le lauréat sait bien et expose
bien.
�71
toujours exact et correct. Quel rang établir dès lors entre ces
deux compositions dont les qualités et les défauts se faisaient
en quelque sorte équilibre ? Ce qui a déterminé la Commission
à donner le premier prix à M. Bouet, c’est la prise en considé
ration de l’examen de licence que M. Bouet a subi avec une
rare distinction et qui lui a valu les éloges de la Faculté. Ce
choix a depuis été justifié d’une manière éclatante par le bril
lant succès qu’a obtenu M Bouet dans le concours entre toutes
les Facultés de Droit. Que M. Barrême se voie donc sans dé
plaisir placé au second rang et qu’il se rappelle qu’il est des
défaites qui honorent autant que des victoires. Nos deux lau
réats se retrouveront bientôt, je l’espère, sur le chemin d’épreu
ves plus sérieuses et plus difficiles que celles de la licence. Je
souhaite qu’ils s’y maintiennent à la hauteur où ils se sont
placés aujourd’hui.
—
des textes qui nous ont été transmis, si l’on n’avait de ces ques
tions une idée juste et précise. Celui à qui est échu le premier
prix est un de nos plus brillants élèves, dont le passage à la
Faculté n’a été qu’une suite non interrom pue de succès bien
mérités, M. Bouet, dont le travail est très complet et à qui la
première place a été donnée sans hésitation. Une mention seu
lement a été accordée à M. Barrêine, qui est sorti trop souvent
du sujet et qui a presque écrit un abrégé de la théorie générale
des actions.
Dans le second concours de troisième année, le concours de
droit français, nous retrouvons les mêmes athlètes, mais ici la
lutte est plus égale et le prix plus vivement disputé. Le champ
du combat est la matière des hypothèques. Il fallait indiquer
à quelles concilions est soumis et quels effets entraîne le droit
de suite qui permet au créancier hypothécaire de poursuivre
la chose qui lui a été donnée en gage entre les mains des tiers
détenteurs. Les conditions du droit de suite prêtaient aux dé
veloppements économiques et historiques les plus intéressants,
tandis que, à propos des effets, les concurrents pouvaient à
l’envie faire preuve de l’étendue de leur savoir. L’embarras de
la commission sur le choix à faire entre les deux compositions,
les meilleures, a été grand : M. Barrême, en effet, aborde di
rectement le sujet et expose fort bien les divers changements
législatifs sur la conservation du droit de suite ; ce qui con
cerne les effets est traité d'une manière très suffisante ; mais on
trouve dans son travail de fréquentes négligences de style et
quelques inexactitudes regrettables. M. Bouet, de son côté, a
trop étendu un sujet déjà bien assez vaste par lui-même ; il
donne sur le caractère de l’inscription, le moment où elle doit
être prise, des détails qui ne sont pas à leur place, mais il est
Disons en terminant sur ce concours de troisième année,
qu’une mention a été accordée à M. Gasquy, pour un travail
dont la forme est très littéraire, mais qui, eu raison de quel
ques erreurs graves qu’il contient, doit être mis au-dessous des
précédents.
Ma tâche serait accomplie si je n’avais à parler d’un con
cours bien autrement important que ceux dont je viens de
vous entretenir, le concours de doctorat. Ici il ne s’agit plus de
compositions faites dans un nombre d’heures déterminé, dans
lesquelles le candidat montrera s’il a appris et s’il sait exposer
la théorie des auteurs et les enseignements de l’Ecole, une
année entière est laissée aux concurrents pour préparer les
matériaux de leur œuvre et pour l’approfondir, et la Faculté ne
saurait couronner qu’une œuvre originale contenant des aper-
v
-
�eus nouveaux sur quelque point de la science juridique, mar
quée au sceau de la personnalité de son auteur, telle enfin
qu’elle puisse être placée dans la bibliothèque du jurisconsulte
et y être consultée avec fruit. La Faculté attache un grand prix
à ne décerner qu’à bon escient la médaille de doctorat, elle
pense que la prodiguer serait l’avilir, et souvent des années se
passent avant qu’elle juge un mémoire digne de cette récom
pense suprême.
Le sujet soumis cette année à nos jeunes docteurs, avec l’ap
probation du ministre, était la vente commerciale. Certes, il
eût été difficile de trouver une matière plus intéressante et
mieux faite pour enflammer le zèle des concurrents. Quel con
trat est plus fréquent que la vente commerciale, et dans une
grande cité voisine de la nôtre y en a-t-il qui donne lieu à de
plus nombreuses applications ?
Ces immenses quantités de denrées de toute sorte qui affluent
à Marseille des ports de la Russie, du Levant ou même des
Indes, n’arrivent-elles pas au consommateur après avoir subi
une série de transmissions où se rencontrent, avec l’application
du droit commun, les modalités les plus diverses et les plus
curieuses. Or, si l’on cherche dans le Code de Commerce les
règles de droit applicables à ces transactions si nombreuses, à
peine y trouve-t-on un ar ticle, un seul, qui y ait directement
trait. Prendre une à une les règles de la vente civile, examiner
les dérogations qu’y apportent la loi commerciale ou les usages,
combler à l’aide des principes généraux du droit les nombreu
ses lacunes qui ne sont pas remplies par des usages spéciaux,
à la lueur des mêmes principes examiner et résoudre les ques
tions controversées, enfin rappeler les solutions de la jurispru
dence et en vérifier l’exactitude, telle était la tâche, tâche diffi
cile et belle à la fois que les candidats avaient à remplir.
Deux mémoires ont été présentés à la Faculté, et l’un d’eux
— 73 —
qui porte pour épigraphe ces paroles de Montesquieu ; « La reli
gion, la liberté et le commerce, ces trois grandes choses »
a paru tout de suite l’emporter de beaucoup sur le second et
avoir même une valeur absolue considérable. Je suis certain
d’être l’interprète fidèle de la Commission chargée d’examiner
ce travail en disant qu’il eût été difficile de répondre d’une ma
nière plus heureuse à l’attente de la Faculté. Ce qui frappe
surtout c’est que le candidat, familier avec les principes du
droit, connaît à fond les matières qu’il traite, qu’il les a étu
diées non seulement dans les livres mais dans la pratique des
affaires, et qu’il mesure dès lors l’importance des solutions qu’il
adopte. Ce qu’il faut d’abord bien établir avant d’aborder le
sujet, c’est la part qu’il convient de faire à la loi commerciale,
à la loi civile et aux usages. Sur ces points notre jeune docteur
est très net : la loi commerciale d’abord, à défaut l’usage, à
defaut encore la loi civile, et ce ne sera, dit-il, que lorsque
toutes ces autorités manqueront qu’il sera permis de recourir à
cette équité naturelle que chacun accomode trop souvent à ses
passions et à ses intérêts. Cela fait, l’auteur entre en matière,
examinant successivement les éléments de la vente commer
ciale, ses effets et les modalités qu’elle comporte. Plusieurs
points sont traités d’une manière magistrale : Ainsi la question
de la commercialité des ventes et reventes d’immeubles, ainsi
la détermination du moment où la vente est conclue entre
absents, les ventes par navire désigné, les filières. Je regrette
que les limites restreintes d'un rapport déjà trop long ne me
permettent pas d’insister davantage sur les qualités de l’œuvre
et de son auteur. Je pourrais vanter l’élégance du style, les
solutions toujours judicieusement choisies, le soin de relever
des détails trop techniques par des exemples intéressants ou
des comparaisons heureuses. Ce que je veux signaler surtout
c’est le soin avec lequel le jeune docteur recherche les arrêts
�- 74 —
de la jurisprudence, les rapproche des solutions déduites des
principes et les critique quelquefois avec une juste indépen
dance. On entend souvent dire aux hommes de pratique que
l’étude du droit a peu d’utilité et que, dans les aiïaires, l’habi
tude et une certaine équité naturelle sont suffisantes. L’auteur
du mémoire couronné fait toucher du doigt la fausseté d’une
pareille doctrine. 11 montre par des citations fréquentes, par
les solutions différentes données quelquefois par lo même tri
bunal sur la même question ou sur dos questions analogues,
combien il est dangereux de trancher les questions de droit
d’après la manière dont les circonstances du fait ont impres
sionné le juge. Certes, s’il est pour les justiciables une garantie
précieuse c’est après l’unité de loi l’unité et la fixité de la ju
risprudence, et cette fixité comment l’obtenir si les solutions
du juge ne se rapportent pas à des idées générales déduites de
la loi elle-même et qui le lieront désormais dans les difficultés
semblables qu’il aura à résoudre?
M. Ripert, notre jeune lauréat, a dignement couronné par
ce mémoire des études consciencieusement faites et marquées
par de nombreux succès. Nous espérons qu’il remportera à
l’Académie de Législation de Toulouse une récompense plus
haute encore et plus enviée L Quelle que soit la carrière qu’em
brasse M. Ripert, le souvenir du succès qu’il remporte aujour
d’hui l’y suivra comme un titre d’honneur précieux. J’ajoute
1 Nous croyons aussi que l’impression de cette étude sur les ventes
commerciales rendrait un véritable service, à la fois aux hommes de
pratique, qui y trouveraient des renseignements qu’ils ne sauraient ren
contrer ailleurs, et aussi à la science juridique
bon traité sur une matière qui n’a guère
hommes de doctrine.
qui s’enrichirait d'un
attiré jusqu’ici les efforts des
qu’tl y sera accompagné par les sympathies de la Faculté, qui
s’honore de le compter parmi ses plus brillants disciples.
Un second mémoire a été présenté à la Faculté pour le
concours de doctorat. Il a pour dévise : Laborando, et il
porte en effet la trace d’un travail sérieux. Ce qui lui manque
surtout, c’est l’intérêt, le mouvement, la vie, et tandis que le
mémoire précédent se lit avec facilité, avec plaisir même et
presque d’une haleine, la lecture de celui-ci est plus difficile et
exige un certain effort de volonté. Le style heurté et dur, l’ab
sence d’exemples et de rapprochements contribuent pour une
bonne part à ce résultat. Mais ce qui est plus grave c’est que
l’œuvre tout entière est dominée par une erreur capitale : D’a
près l’auteur, en effet, la loi civile serait tout à fait distincte
de la loi commerciale et ne devrait pas servir à combler les
lacunes que celle-ci peut renfermer ; les dispositions de la loi
civile qui ont leur source dans le droit naturel seraient les seu
les qui pourraient être appliquées aux conventions du com
merce. Le candidat prend donc comme point de départ de son
œuvre la distinction du droit civil et du droit naturel, distinc
tion qui découlait forcément du caractère formaliste de la légis
lation romaine, mais qu’on ne saurait admettre sous une légis
lation comme la notre,qui a eu pour but de faire passerdansla loi
écrite et de confondre avec elle les principes de la loi naturelle,
distinction qui dans la pratique conduirait aux conséquences
les plus arbitraires, et, ce qui est singulier, c’est que tout en ne
faisant pas plus de cas de la législation civile, l’a uteur de ce
second mémoire a plusieurs fois donné à des développements
sur la vente civile des proportions exagérées. N’est-ce pas la
meilleure condamnation de la doctrine qui inspire son ouvi-age?
L'auteur ne reconnaît-il point par là-même que la plupart des
principes de la vente civile trouvent, à propos de la vente com
merciale, leur légitime application ? Je ne voudrais pas insister
�76
plus longtemps sur les défauts d’un travail qui est loin d'être
sans mérite, et qui, s’il n’a pas été couronné par la Faculté,
n ’en a pas moins été apprécié comme l’œuvre d’un esprit net,
sachant le droit, habile à creuser une question, qui a été
peut-être un peu desservi par les circonstances de la lutte et
qui pourrait, le cas échéant, donner avec plus davantage la
mesure de sa valeur.
Avec le concours de doctorat j’ai terminé, Messieurs, la liste
de nos couronnes. Que ces prix que décerne la Faculté soient
pour ceux qui les ont obtenus une douce récompense de leurs
travaux et l’objet d’une légitime satisfaction ! qu’ils soient pour
ceux qui ont été moins m éritants ou moins heureux un aiguillon
salutaire 1 qu’ils soient pour vous tous, Messieurs les Etudiants,
un encouragement à l’étude de la science du droit, science qui
paraît aride et stérile à ceux qui la font consister en arguties et
en rapprochements de textes, mais qui paraît grande et belle à
ceux qui, au delà des textes positifs et à travers leurs variations,
voient se dégager peu à peu la suprême notion du juste, comme
le soleil se dégage radieux des nuages qui le voilent un moment
à nos regards.
Mais que l’étude du droit ne vous suffise pas, cultivez les
lettres, développez les facultés que le ciel vous a départies,
n’oubliez pas que de nos jours l’intelligence et le travail sont
les vrais titres de noblesse et peuvent conduire aux destinées
les plus hautes, un illustre exemple donné par un ancien élève
de cette Faculté le m ontrerait au besoin. Enfin, s’il faut pour
vous exciter au trauiil une pensée plus noble encore, songez a
la France et rappelez-vous que pour reprendre son rang gl°*
rieux entre les nations jamais elle n’a fait un plus pressant
appel aux efforts de tous ses enfants.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1874-1875.pdf
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PDF Text
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A cadémie D’Aix
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
1874-1875
ET
DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE MÀKAIRE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
2, rue Pont-Moreau, 2
�Académie d’A ix
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS ET DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
�A cadémie D’Aix
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
ET
DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE MÀKAIRE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
2, rue Pont-Moreau, 2
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET DE L’ÉCOLE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théo
logie, de Droit, des Siences et des Lettres, et de l’Ecole
préparatoire de Médecine et de Pharmacie de l’Académie
d’Aix, a eu lieu à Marseille, le lundi 23 novembre 1874,
dans le grand amphithéâtre de la Faculté des Sciences, sous
la présidence de M. Zévort, Recteur de l’Académie.
Cette solennité, précédée d’un service religieux célébré
par Monseigneur l’Evêque de Marseille, avait réuni un pu
blic nombreux et d’élite.
On remarquait aux places d’honneur Monseigneur Place,
Évêque de Marseille, accompagné de ses Vicaires Généraux,
�M. Autran, Président du Tribunal civil, M. Tournaire,
Adjoint au Maire de Marseille, etc.
Dans l’auditoire figuraient des Magistrats, des Membres
du Clergé, du Barreau, des Sociétés savantes, des Fonction
naires de tout ordre, ainsi qu’un grand nombre de Dames.
A midi et demi, M. le Recteur entre dans la salle, ac
compagné de MM. les Inspecteurs de l’Académie, de MM. les
Doyens et Professeurs des Facultés et de l’Ecole de Méde
cine, tous en costume officiel, et prend place sur l’estrade
réservée au Corps Académique.
La séance ayant été déclarée ouverte, M. le Recteur donne
la parole à M. l’abbé Bayle, professeur d’Eloquence Sacrée
à la Faculté de Théologie, chargé de prononcer le discours
de rentrée. M. le Recteur a ensuite donné lecture d’un rap
port résumant les travaux et les faits scolaires de l’année
écoulée pour les cinq établissements d’Enseignement supé
rieur du ressort Académique.
La séance s’est terminée par la lecture du rapport de
M. Bry, agrégé à la Faculté de Droit, sur les résultats du
Concours ouvert entre les Étudiants, et par la proclamation
des Prix.
LA PRÉDICATION DES MARTYRS
Discours prononcé le jour de la rentrée des Facultés à Marseille,
le 23 novembre 1874.
M onseigneur ,
Moivsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Appelé à l’honneur de prendre la parole en cette solennité
académique, je sens vivement la difficulté de ma tâche. Ecouté
par un auditoire dont la distinction m’intimide encore plus que
sa bienveillance ne me rassure, que pourrai-je dire que déjà
vous ne sachiez tous et que tous vous ne diriez mieux que moi?
Afin d’obtenir l’indulgence dont j’ai besoin, je resterai dans les
�limites de l’enseignement qui m’est confié. Je parlerai donc de
l'éloquence sacrée ; mais pour circonscrire ce vaste sujet de ma
nière à ne pas vous imposer une trop longue attention, je m’at
tacherai seulement à exposer ce que j’appellerai la prédication
des martyrs. Je dirai comment les martyrs ont enseigné la doc
trine chrétienne à leurs persécuteurs et quelle puissance de
conversion donnait à leur parole l’exemple de leur courage sur
humain. Je ne commencerai pas, Monsieur le Recteur, sans me
faire l’interprète des quatre Facultés groupées aujourd’hui au
tour de vous, sans vous dire combien le corps professoral es
père, sous votre habile et bienveillante direction, donner à
l’enseignement supérieur, dans l’Académie d’Aix, tout l’éclat et
toute l’utilité que le public studieux et surtout la jeunesse des
écoles peuvent désirer.
Quand on lit les actes des martyrs, quand on voit tant de
milliers de fidèles, dans toutes les provinces de l’empire, et audelà même de ses frontières, mourir avec tant d’héroïsme, pour
attester la vérité des faits racontés par les apôtres, leur foi in
vincible aux enseignements et aux miracles de Jésus-Christ, on
est forcé de convenir , à moins d’aboutir au scepticisme, que la
religion pour laquelle tant de martyrs ont versé leur sang, con
tient nécessairement la vérité. On doit croire, dit très justement
Pascal, des témoins qui se laissent égorger, qui ne meurent pas
pour une opinion personnelle, mais pour attester des faits dont
ils sont certains, qui meurent par milliers, à diverses époques
et en des contrées différentes, sans fanatisme, aussi bien que
sans faiblesse, sans orgueil comme sans lâcheté.
Le courage des martyrs prouve à lui seul la divinité du chris
tianisme et, d’un autre côté, la divinité du christianisme peut
seule expliquer le courage surhumain des martyrs. Si Dieu n’a
vait pas soutenu dans leurs supplices ceux qui souffraient pour
lui, ils n’auraient été ni si nombreux, ni si constants, ni sisu-
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blimes devant la mort. En permettant les persécutions, Dieu
voulait faire éclater la grandeur d’âme des Chrétiens et la puis
sance de la grâce surnaturelle qui les animait. Il voulait aussi
donner soit aux témoins de leur fermeté, soit aux fidèles des
siècles à venir une preuve sensible et irrécusable de la divinité
de l’Evangile. Mais les martyrs étaient destinés en même temps
à contribuer puissamment à la propagation du christianisme.
Après la mort des apôtres, les martyrs devaient être les prédica
teurs les plus éloquents, les plus écoutés et les plus persuasifs
de la doctrine chrétienne. Ils ont obligé les païens à connaître
l’Evangile ; ils ont convaincu les païens de la vérité de l’Evan
gile ; ils ont décidé les païens à se soumettre à l’Evangile.
Pendant les siècles de persécution, les Chrétiens se réunis
saient en secret. Ils pouvaient craindre à chaque instant d’être
épiés et surpris par les païens. Les évêques n’exerçaient auprès
d’eux le ministère de l’enseignement qu’avec toute la prudence
que les circonstances exigeaient. Leur parole n’arrivait pas jus
qu’à ceux qui étaient encore plongés dans les ténèbres de l’ido
lâtrie. Cependant le monde avait absolument besoin d’une pro
mulgation extérieure de l’Evangile. Les martyrs furent chargés
par la Providence de pourvoir à ce besoin. Les écrits des apo
logistes n’étaient lus que par un petit nombre de païens d’un
esprit cultivé. La voix des martyrs retentit aux oreilles de la
multitude. Ils firent entendre de magnifiques expositions de la
doctrine chrétienne à ceux qui se tenaient en dehors de la pré
dication ou qui la méprisaient. Ils comparaissaient devant les
hauts fonctionnaires de l’empire romain,devant les gouverneurs
de province, les proconsuls, les procurateurs, les préfets du
prétoire, devant les hommes les plus attachés au paganisme qui
était pour eux la religion de l’état, les moins disposés à désobéir
aux empereurs et à rechercher la conversation des Chrétiens.
Amenés devant leurs juges, les martyrs étaient entourés d’un
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peuple immense, qui, sans eux, n’aurait jamais entendu parler
de Jésus-Christ. Ce peuple, accouru pour assister au supplice
des martyrs, comme à un drame émouvant, ce peuple si avide
de spectacles et si curieux de voir les lions s’élancer sur les
Chrétiens, ce peuple est obligé malgré lui d’apprendre en quoi
consiste la doctrine de ceux qui vont mourir, d’entendre leurs
raisonnements sur la fausseté des idoles, sur les superstitions
païennes, sur l’unité de Dieu, sur la rédemption des hommes
par Jésus-Christ.
Assistons par la pensée à l’interrogatoire d’un martyr. Le pré
fet de Rome siège avec majesté sur son tribunal. Devant lui sont
rangés les licteurs, portant les faisceaux, emblème de son pou
voir et de sa dignité. Autour de lui sont assis les magistrats et
les juges, dont la seule vue imprime le respect de la loi. Au-des
sus du tribunal, les notaires publics se préparent à rédiger
exactement les questions des juges et les réponses des accusés.
Dans la cour du prétoire ont été rassemblés de nombreux bour
reaux, munis de divers instruments de torture. A droite et à
gauche se pressent d’innombrables spectateurs. Aujourd’hui en
core, malgré la douceur de nos mœurs, une exécution capitale
attire toujours une foule tristement curieuse qui accourt auprès
de l’échafaud où tombera la tête d’un condamné «à mort, afin de
se donner le plaisir d’une forte émotion. Combien plus devait
se presser autour des martys ce peuple romain dont le paganis
me n’avait pas amolli la dureté primitive et qui aimait tellement
à voir couler le sang qu’il se donnait volontiers, pendant ses re
pas, le spectacle d’un combat de gladiateurs. Assurément rien
n’était plus éloigné du christianisme que l’immense auditoire
qui entourait les m artyrs; mais cet auditoire qui n’était venu
que pour se distraire était forcé de s’instruire et d’entendre une
explication de la doctrine chrétienne. Un dialogue s’établissait
entre les juges et les victimes. Les demandes et les réponses
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formaient en quelque sorte un cathéchisme admirable. Les dé
finitions, les formules dogmatiques, les préceptes moraux se
gravaient en traits ineffaçables dans la mémoire d’un grand
nombre d’auditeurs. Nous ne pouvons citer ici de nombreux
exemples de cette prédication des martyrs; nous emprunte
rons seulement au volumineux recueil de leurs actes quelques
faits peu connus.
Sous le troisième consulat de Décius, le 4 des ides de mars,
pendant que les Chrétiens de Smyrne célébraient l’anniversaire
du martyre de S. Polycarpe, le gardien du temple des idoles,
nommé Polémon, escorté d’une troupe nombreuse que les ma
gistrats lui avaient donnée, s’empara de Pionius, de Lemnus,
d’Asclépiade, de Sabine et de Macedonia et les conduisit au fo
rum. Lorsqu’ils y entrèrent la foule était si compacte qu’après
avoir rempli l’enceinte elle était montée jusques sur les toits des
temples païens. U y avait un grand nombre de femmes. Ceux
que la petitesse de leur taille aurait privés du spectacle mon
taient sur des coffres et sur des bancs, désireux de tout voir et
de tout entendre. Quand les martyrs furent placés au milieu de
tout ce peuple, Polémon dit à Pionius : « Tu ferais preuve de
sagesse si tu obéissais aux ordres de l’empereur et si tu échap
pais ainsi au supplice. » Pionius étendit la main, selon la cou
tume des orateurs de ce temps, pour demander le silence et an
noncer qu’il voulait parler. Quand la rumeur populaire fut
apaisée, il dit : « Habitants de Smyrne qui êtes tiers de la
beauté de vos murailles et de l’éclat de votre cité, vous qui
comptez avec orgueil le poète Homère au nombre de vos conci
toyens, et vous, Juifs, s’il en est dans cette foule, écoutez-moi...
Nous vous annonçons le jugement que le Verbe de Dieu JésusChrist doit venir exercer par le feu. Quant à vos dieux, nous ne
les adorons pas ; nous ne vénérons pas des images d’or, car la
religion ne voit en elles rien de sacré. Leur matière seule a
�quelque valeur. » A ces mots on lit entrer les Chrétiens dans
le prétoire, parce qu’on craignait que la parole de Pionius ne
fît impression sur le peuple. — Sacrifie aux dieux, dit Polémon.
— Je ne sacrifierai pas, répondit Pionius. — Pourquoi? —
Parce que je suis Chrétien.— Quel est le Dieu que tu sers*? —
Le Dieu tout-puissant qui a fait le ciel, la terre et la mer et tout
ce qu’ils renferment; le Dieu qui nous a tout donné et que nous
connaissons par Jésus-Christ, son Verbe. — Le notaire traça
sur des tablettes de cire les réponses de l’accusé. Après cet in
terrogatoire les martyrs furent couduits en prison. On attendit,
pour prononcer la sentence suprême, le retour du proconsul
Julius qni était absent. Dès qu’il fut arrivé à Smyrne, il fit com
paraître Pionius devant son tribunal et l’interrogea. — Quel est
ton nom? — Pionius. — Sacrifie. — Je ne sacrifierai pas. —
De quelle religion es-tu ? — Je suis prêtre de l’Eglise catholi
que. — Tu étais donc leur docteur? — Oui, je les instruisais.
— Dans quelle science les instruisais-tu ? — Dans la piété. —
Quelle est cette piété ? — La piété envers le Dieu qui a fait le
ciel, la terre et les mers. — Sacrifie à nos dieux. — J ’ai appris
à n'adorer que le Dieu vivant. Et en disant ces mots le martyr
levait les yeux au ciel. — Pourquoi regardes-tu l’air ? Est-ce
que tu le pries? Sacrifie lui donc. — Ce n’est pas l’air que je
regarde, je tourne mes yeux vers le Dieu qui a fait l’air. Le
proconsul fit attacher Pionius au chevalet, espérant lui arra
cher par la douleur ce qu’il n’avait pu obtenir par la persua
sion. Pendant la torture il lui dit par trois fois: — Sacrifie aux
dieux. Et trois fois le martyr répondit : — Je ne sacrifierai pas.
— Pourquoi tant d’orgueil?— Ce n’est point l’orgueil qui
m’enivre, mais je crains le Dieu éternel. Alors le proconsul
fit lire cette sentence : « Pionius, homme au cœur sacrilège et
qui s’avoue Chrétien, est condamné à être brûlé vif, afin que sa
mort inspire aux hommes la crainte et satisfasse la vengeance
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des dieux. » Lorsque le martyr fut conduit au bûcher il pré
senta lui-même ses membres aux clous qui devaient l’attacher
au poteau. Quand le peuple vit ses pieds et ses mains percés de
clous il fut touché de compassion et se mit à crier : « Rependstoi Pionius I obéis, obéis l » Le martyr se tourna vers le peuple
qui attendait sa réponse : « Si je cherche la mort, s eena-t-i], si
je cours à la mort, c’est pour rendre devant tout ce peuple un
témoignage à la résurrection future. » Ce furent les dernières
paroles que la foule put entendre ; les llammes étouffèrent la
voix du martyr.
C’est ainsi que 1 échafaud était pour les martyrs comme une
chaire d’où ils adressaient la parole au peuple en même temps
qu’ils lui montraient leurs blessures. Iis annonçaient aux païens
la doctrine du salut avec une conviction qui ne fléchissait ni de
vant les chevalets, ni devant les flammes des bûchers. De sim
ples femmes, des esclaves, de jeunes enfants, étonnaient les
magistrats par l’énergie et la beauté de leurs réponses. Ils par
laient avec une éloquence surnaturelle. En eux se réalisait la
promesse du Sauveur : lorsque on vous traduira devant les tri
bunaux, ne pensez pas à ce que vous direz, car ce ne sera pas
vous qui parlerez, mais l’esprit de votre Père céleste qui parlera
en vous. Selon les interrogations de leurs juges, les martyrs
proclamaient tous les dogmes de la foi chrétienne : la trinité
des personnes divines, l’incarnation du Verbe, la divinité de
Jésus-Christ, la rémission des péchés par les sacrements, le ju
gement des bons et des méchants, la vie future, éternellement
heureuse ou éternellement malheureuse. Si les dernières paro
les des martyrs, qu’ils léguaient comme un testament suprême
à tous les témoins de leurs morts, étaient accueillies par les uns
avec indifférence, elles étaient écoutées par d’autres avec admi
ration. En mourant avec une grandeur d’àme jusqu’alors in
connue, les Chrétiens prouvaient aux spectateurs, accourus
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pour contempler leur agonie, la vérité de la doctrine religieuse
dont ils enseignaient les dogmes et les préceptes.
Parmi les païens qui suivaient les martyrs depuis le prétoire
jusqu’à l’amphithéâtre, un grand nombre sans doute insultaient
à leurs souffrances et les croyaient coupables de tous les cri
mes que leur attribuait la crédulité populaire. Mais plusieurs
n’assistaient à leur supplice que par curiosité, attirés par un
spectacle émouvant, désireux d’entendre les questions des juges
et les réponses des accusés, et de voir l’attitude des victimes en
face de la mort. Quelle impression devait faire sur les païens
honnêtes l’héroïsme des martyrs! Rien n’émeut plus fortement
que le courage paisible et sûr de lui-même. Rien ne manifeste
mieux la puissance de la volonté humaine et sa liberté. L’éner
gie morale était assez rare parmi les romains de la décadence,
et ceux qui regrettaient les beaux jours de la république de
vaient sentir le prix d’une force d’âme que nulle tyrannie ne
pouvait dompter. En voyant mourir les martyrs, ils se souve
naient de ce que racontait l’histoire des premiers temps de
Rome , touchant ces quelques héros qui sacrifièrent si vo
lontiers leur vie pour le salut de la patrie. Mais pour quelle pa
trie mystérieuse mouraient avec calme tant de vieillards, tant
de femmes, tant d’adolescents? En Dieu, sans doute, les soute
nait. Les païens étaient persuadés, nous dit Lactance, que les
martyrs ne pouvaient pas supporter de si affreux tourments
sans être secourus par un Dieu. Evidemment le Dieu qui don
nait tant de force aux martyrs était plus puissant que Jupiter
Capitolin. Or si les Chrétiens sont soutenus par un Dieu, n’estce pas un crime de les condamner à mort parce qu’ils adorent
ce Dieu? Ne serait-il pas plus raisonnable de croire leur doc
trine et pratiquer leur religion ? Tel était inévitablement, de
vant les ongles de fer et les grils rougis au feu, le raisonnement
des païens capables d’admirer le courage des martyrs, d’en re
—
chercher la cause, d’en pressentir le résultat. Ceux que les liens
du sang ou de l’amitié unissaient à des Chrétiens, savaient
quelle était la pureté de leur vie, combien ils avaient horreur
du mensonge, et combien leur sincérité les rendait dignes d’être
écoutés avec attention quand ils exposaient leur foi religieuse.
Mais par la générosité de leur mort, les Chrétiens ajoutaient à
leur témoignage la plus grande force morale qui puisse exister.
S’ils ne pouvaient mentir en vivant comme ils vivaient, ils pou
vaient encore moins mentir en mourant comme ils mouraient.
Quelle doctrine véritable y aura-t-il sur la terre, si la doctrine
que des milliers de martyrs ont affirmée en donnant pour elle
leur sang ne contient pas la vérité ? Les païens se sentaient, en
présence d’une élévation morale qui dépassait les limites natu
relles des forces humaines, quand ils voyaient les Chrétiens
mourir en surmontant les plus cruels supplices, mourir en sur
montant les plus chères affections.
On ne peut lire sans frémir le tableau des tortures imaginées
par la rage inventive des persécuteurs. Déjà le code pénal des
romains permettait de faire périr les condamnés dans des tour
ments affreux. Mais on ne se contenta pas de faire subir aux
Chrétiens les supplices habituels et désignés par la loi. Dans
l’espoir de triompher de leur invincible constance on créa pour
eux de nouveaux instruments de torture. On déploya une ima
gination vraiment satanique pour varier ou prolonger les souf
frances des martys. On les faisait dévorer par les bêtes féroces
et on les donnait en spectacle au peuple les jours de fête. On les
attachait à un poteau entouré de sarments et ils étaient consu
més ou étouffés par les flammes. On les faisait traîner par des
chevaux indomptés qu’on fouettait avec fureur. On les suspen
dait par les pieds à deux arbres voisins dont les rameaux rap
prochés à l'aide de cordes reprenaient tout à coup leur pre
mière direction et partageaient en deux le corps des martyrs.
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On les broyait avec une meule de moulin ; on leur plantait des
aiguilles entre les doigts et les ongles. On leur arrachait le sein
avec des tenailles. On leur cassait les dents à coups de pierre.
On leur versait du plomb fondu dans la bouche. On leur ou
vrait le ventre pour en arracher les entrailles, puis on y met
tait de l’avoine et on y faisait manger les chevaux. On les frot
tait. de miel pour les exposer à la piqûre des guêpes. On éventrait un cheval ou un bœuf et dans ces corps morts on enfer
mait les Chrétiens jusqu’au cou et on les y nourrissait d’un peu
de pain et d’eau jusqu’à ce qu’ils fussent rongés vivants par les
vers et la puanteur. On les enveloppait dans un sac avec des
serpents et autres bêtes vénimeuses. On leur déchirait la chair
jusqu’aux os et sur les plaies saignantes on jetait de l’huile
bouillante et du vinaigre. On les sciait par le milieu du corps.
On les coupait à petits morceaux membre après membre. On
les rôtissait à petit feu sur un gril. On les trempait dans un mé
lange de poix et de souffre fondu, puis on les allumait comme
des torches pour éclairer pendant la nuit les plaisirs de Néron.
Le courage des Chrétiens aurait dû désarmer l’obstination de
leurs persécuteurs. Ils marchaient aux supplices avec autant de
joie que les païens allaient à leurs fêtes licencieuses. Ils ne cher
chaient pas la mort. Il leur était permis de se cacher et même
de fuir. On les exhortait à ne pas présumer de leurs forces et à
ne pas s’exposer sans motif à la terrible épreuve du martyre.
Mais dès qu’ils étaient obligés de choisir entre la mort et l’apos
tasie, ils n’hésitaient pas. Ils s’abandonnaient à la rage de leurs
bourreaux non seulement avec résignation, mais avec bonheur.
Des vierges délicates, comme Sle Agnès, Sle Agathe, Ste Cécile,
chantaient des hymnes au Seigneur au milieu de leurs tour
ments. De tous petits enfants confessaient Jésus-Christ avec in
trépidité et enduraient sans se plaindre les plus cruelles dou
leurs. Sur les charbons ardents qui le consument, S. Laurent
se rit de la vaine colère du préfet de Rome : « Ma chair est as
sez cuite, lui dit-il, tu peux la manger. » Puis il ajoute avant
d’expirer : « O Jésus, je vous remercie de ce que j’ai le bon
heur d’entrer dans votre demeure. » Le proconsul d’Àchaïe
condamne à mort S. André. L’apôtre est conduit au milieu de
tout le peuple pour être attaché à une croix. La multitude qui
l’entoure est prête à le délivrer. Il la relient. Lorsque il est en
face de l’instrument, de son supplice, il s’arrête, il étend les
mains et prononce ces belles paroles : « O croix si ardemment
aimée, ô croix si longtemps désirée, ô croix enfin trouvée, re
çois-moi du milieu des hommes, et rends-moi à mon Maître
qui m’a racheté par toi 1 » C’est ainsi que les martyrs saluaient
la mort. Ils sentaient comme un avant-goût des joies du ciel, et
ils entrevoyaient la couronne qui devait récompenser éternelle
ment leur fidélité.
Si nous ne rappelions que la victoire remportée par les mar
tyrs sur la mort, nous ne ferions pas connaitre toute l’étendue
de leur triomphe. Il leur a fallu souvent surmonter les plus
chères affections. L’amour est aussi fort que la mort, dit l’Ecri
ture, fortis ut mors dilectio. Il attendrit quelquefois les plus
grands courages, et ceux qui n’ont pas faibli devant les instru
ments de torture peuvent se laisser fléchir par les larmes d’un
être aimé. Mais qui ne sait que les martyrs n’ont pas plus été
vaincus par l’amour qu’ils n’avaient pu l’être par la mort? Quoi
de plus tendre et de plus pur que l’amour filial? Quoi de plus
navrant que de voir pleurer un père et d’être accusé de provo
quer ses sanglots? Quelle force morale ne faut-il pas pour res
ter fidèle à Dieu malgré les éclats de la douleur paternelle ? Le
préfet de Carthage a fait jeter en prison Vivia Perpétua. Ses
menaces n’ont eu sur elle aucun pouvoir. Mais il n’ignore pas
combien Perpétue aime son père. Elle ne pourra pas résister
à ses supplications. Le vieillard est introduit dans la prison. 11
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se jette tout en larmes aux pieds de sa fille. « Aie pitié de mes
cheveux blancs, lui dit-il. Je t’ai élevée moi-même, je t’ai pré
férée à tous tes frères, je ne pourrai vivre si tu mœurs. » En
même temps il se frappait le visage, il maudissait ses années,
il poussait des soupirs capables d’émouvoir toutes les créatures.
La jeune martyre était brisée de douleur en voyant le désespoir
de son père. « IVous ne dépendons pas de nous-même, lui ditelle, nous dépendons de Dieu. Elle ajouta : mon père, vois-tu
ce vase d’argille qui est là par terre? — Oui, répondit-il, je le
vois. — Peut-on lui donner un autre nom que celui qu’il a
reçu? — Non, on ne le peut pas. — De m êm e, dit Perpétue,
je ne puis être que ce que je suis, c’est-à-dire chrétienne. »
Dans ces luttes poignantes de la piété filiale, les martyrs éle
vaient leurs yeux et leur cœur vers le Père qui est au ciel. Les
mères ne puisaient pas ailleurs le courage. À quelles épreuves
n’a-t-on pas mis leur amour maternel ? Quand elles se rési
gnaient à la mort, on espérait qu’elles ne consentiraient pas à
voir mourir leurs enfants, et que pour conserver des existences
si chères elles brûleraient de l’encens devant les faux dieux.
Mais elles s’estimaient heureuses de voir leurs fils moissonner
avec elles la palme du martyre. Sous le règne de Marc Aurèle,
le gouverneur d’Autun fait saisir le jeune Symphorien parce
qu’il a détourné la tête avec mépris pendant qu’on promenait
dans les rues de la ville la statue de Cybèle. « Sacrifie à la mère
des dieux, lui dit-il, ou je mettrai ta tête sous les pieds de la
déesse. — Mon corps est en ton pouvoir, lui répond Sympho
rien, mais mon âme est indépendante de toi et de ton tribu
nal. » Il fut condamné à périr par le glaive, hors des murs de
la ville. En marchant au supplice il put voir sa mère debout sur
les remparts. Le gouverneur espère qu’elle conjurera son fils
d’avoir pitié de sa jeunesse et d’obéir aux ordres de l’empereur.
Mais elle lui parle en mère chrétienne : « Mon fils, pense au
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Dieu vivant et ranime ta constance. La mort n’est pas à crain
dre lorsque elle conduit à la vie. Tiens ton cœur en haut, re
garde celui qui règne au ciel. Aujourd’hui on ne t’enlève pas la
vie on te la change en une vie meilleure. »
De pareils exemples abondent dans les actes des martyrs.
Faut-il citer le mot de Ste Symphorose, menacée de voir mou
rir ses sept enfants sous ses yeux, si elle ne sacrifie pas au ido
les? « Mon Dieu, je vous remercie de ce que je souffrirai sept
fois la mort, avant de verser mon sang pour votre amour l »
Faut-il rappeler cette mère dont le jeune enfant est épargné
par les bourreaux qui ne le placent pas dans le char où qua
rante Chrétiens sont entassés pour être conduits au supplice?
Quoi l son fils ne recevra pas la couronne du martyre ! Elle ne
peut supporter cette pensée. Elle prend son enfant dans ses
bras, court après le char et le replace au milieu de ceux qui
vont être mis à mort pour Jésus-Christ. Les épouses n’étaient
pas moins magnanimes que les mères. L’amour qui les unissait
à l’époux de leur choix avait été purifié, comme tous les autres
amours chétiens, dans le sang qui avait coulé sur le calvaire. Je
ne rapporterai qu’un exemple.
S. Adrien, marié depuis treize mois à S,e Nathalie, fut em
prisonné pour la foi. La sentence de mort allait être prononcée.
A force d’argent il obtint du geôlier la permission de sortir un
instant de sa prison, pour aller dire un dernier adieu à son
épouse très aimée. Nathalie, en le voyant arriver, crut qu’jl
avait renié sa foi. Elle ferma la porte de la maison et lui cria :
« Je ne veux point entendre la langue qui a trahi Jésus-Christ.
J’espérais être l’épouse d’un martyr et je serai celle d’un apos
tat. Mais j’irai moi-même au supplice et mon courage réparera
ta lâcheté l » Adrien remerciait Dieu en entendant ces paroles
généreuses. Il se hata de rassurer Nathalie. Quand elle sut qu’il
n’était pas sorti de prison pour éviter le martyre, mais pour s’y
�préparer, et pour venir l’inviter à s’y trouver, ainsi qu’elle l’a
vait promis, elle lui ouvrit la porte, changea ses plaintes en lar
mes de joie et ses reproches en félicitations. Elle se prosterna à
ses pieds, lui demanda pardon et l’accompagna au martyre. Elle
lui tint les jambes pendant que le bourreau les lui brisait avec
une barre de fer.
Telle était la force d’âme des martyrs. Elle jetait dans la stu
peur les païens dont l’âme n’était pas entièrement avilie et qui
savaient encore comprendre la grandeur morale. Parmi ceux
qui avaient jeté le cri sanguinaire : « Les Chrétiens aux lions I »
beaucoup passaient de la haine à la pitié et de la pitié à l’admi
ration avant la fin du spectacle. Les paroles que prononçaient
les martyrs et le merveilleux courage qui accompagnait ces pa
roles étaient pour eux une révélation inattendue. De même que
le centurion romain, en descendant du calvaire, après le der
nier soupir du Sauveur, se frappait la poitrine et s’écriait :
« C’était vraiment le fils de Dieu ; » ainsi un grand nombre
de païens qui étaient venus assister au supplice des martyrs
comme à une fête populaire rentraient dans leurs demeures
graves et pensifs, lorsque les lions du cirque et les flammes du
bûcher avaient achevé leur oeuvre, et se disaient l’un à l’autre :
ces hommes sont réellement les adorateurs du vrai Dieu.
La fermeté des martyrs enthousiasmait surtout les soldats en
qui s’étaient réfugiés les derniers restes des antiques vertus ro
maines. A cette époque d’égoisme universel, l’esprit de sacri
fice ne se rencontrait plus que chez les soldats. Obligés d’expo
ser perpétuellement leur vie sur les frontières de l’empire, ils
pouvaient apprécier le dévouement chrétien. Le service militaire
épouvantait les Romains de la décadence. Les sénateurs s’en
étaient affranchis depuis longtemps. Déjà sous Auguste beau
coup d’Italiens se mutilaient le pouce et se résignaient à être
appelés polirons plutôt que de s’exposer aux périls des combats.
Il fallait plier à la discipline militaire des hommes nouveaux.
On confia aux Barbares des armes devenues trop lourdes pour
les Romains dégénérés. Il n’y eut plus d’énergie morale que
chez les soldats et chez les Chrétiens. Or le courage comprend
le courage. Les soldats embrassèrent en foule une religion qui
enseignait l’abnégation et le désintéressement, qui donnait la
force de bien vivre et de bien mourir. Qui ne connaît l’histoire
de la légion fulminante et de la légion thébéenne? Leur exem
ple fut imité par d’autres légions. À la mort de Dioclétien il y
eut dans les Gaules non plus une légion chrétienne, mais toute
une armée. Or, en ce temps là, les armées, qui faisaient et dé
faisaient les Césars, imposaient au monde leur volonté. Le jour
où il y eut une armée chrétienne dans ce pays des Gaules qui
devait s’appeler la France, le triomphe prochain de l’Evangile
fut assuré.
L’héroïsme des martyrs impressionnait aussi ceux qui se pi
quaient de philosophie et qui cultivaient les belles-lettres, que
l’on croyait capable de rendre les cœurs plus humains. Nous ne
sommes pas réduits sur ce point à des conjectures ; les preuves
sont nombreuses et nous ne pouvons que choisir. Comment le
philosophe Justin, après avoir étudié tour à tour les doctrines
des diverses écoles, fut-il amené à faire profession de la foi
chrétienne? Lui-même nous l’apprend. Il avoue que lorsque il
était encore philosophe platonicien, il se moquait des Chrétiens
et de ce qu’on appelait leur folie. Mais lorsqu’il les vit mourir
plutôt que de renier leur divin Maître, il jugea qu’ils devaient
être animés d’un esprit plus sublime que celui de la philoso
phie, puisque le plus faible disciple de Jésus-Christ faisait pour
lui ce qu’aucun disciple de l’académie n’eût fait pour Platon.
Ce fut aussi par les martyrs qu’un favori de Marc Aurèle, nom
mé Diognète fut convaincu de la fausseté du paganisme. Il écri
vit à un chrétien dont le nom n’est point parvenu jusqu’à nous
�mais qui avait été le disciple des apôtres. Il voulut savoir quel
était le Dieu qui rendait les Chrétiens capables de s’aimer si
tendrement les uns les autres et de braver si courageusement la
mort. Diognète reçut une réponse qui nous a été conservée.
C’est un des monuments les plus remarquables de l’Eglise pri
mitive. « Les Chrétiens aiment tous les hommes et tous les
hommes les persécutent, dit l’auteur de cette lettre. Sans les
connaître on les condamne. Mis à mort, ils naissent à la vie...
L’opprobre dont on les couvre devient pour eux une source de
gloire. La calomnie qui les déchire dévoile leur inocence. La
bouche qui les outrage se voit forcée de les bénir. Les injures
appellent ensuite les éloges... Ne voyez-vous pas qu’on jette ces
Chrétiens aux bêtes féroces? On voudrait en faire des apostats;
voyez s’ils se laissent vaincre. Plus on fait de martyrs, plus on
fait de chrétiens. Cette force ne vient pas de l’homme. Le doigt
de Dieu est là. Tout ici proclame son avènement. »
Un curieux exemple que nous trouvons dans les actes des
martyrs nous prouve la vérité de ces paroles. Il nous montre
comment le courage des Chrétiens devant la mort étonnait la
haute société romaine, l’obligeait à réfléchir sérieusement et
l’amenait à embrasser le christianisme. Vers l’an 250, Secondien et Véranius exerçaient ensemble à Rome la préfecture et
pour exécuter les ordres de l’empereur Décius, envoyaient de
temps en temps quelques martyrs au supplice. Secondien se
demandait parfois comment les Chrétiens pouvaient préférer
une mort cruelle, soufferte pour le nom du Christ, à une vie
délicieuse qu’on leur promettait s’ils voulaient obéir aux édits
des empereurs. Mais ces graves pensées ne faisaient qu’effleu
rer son esprit. Elles ne l’empêchaient pas de jouir de sa fortune
et de se donner tous les agréments d’une vie élégante. Il aimait
la poésie et peu de jeunes Romains étaient plus instruits que
lui. Il invita un jour à dîner Véranius son collègue et un ami
- 23 nommé Marcellien, qui partageaient ses goûts littéraires. Ce
n’était pas le temps où Sénèque, effrayé de la prodigieuse quan
tité de prose et de vers qui se débitait à Rome, s’écriait : « Nous
allons mourir d’une indigestion de littérature 1 » Mais les poètes
étaient encore assez nombreux. On ne pouvait se rendre au fo
rum, aux thermes, sous les platanes de Fronton, pour entendre
des vers sur la couleur des cheveux de Vénus, sur les malheurs
d’Andromaque , sur la généalogie des dieux. Pendant ce dîner,
où les convives n’étaient pas plus nombreux que les Grâces, Se
condien ne débita pas à ses hôtes un poème franchement com
posé. Les vers de Virgile firent tous les frais de la conversation.
Comment expliquez-vous, demanda Secondien à ses amis, ces
vers de l’églogue à Pollion :
Magnm ab integro sœclorum natcitur ordo.
Avec l’enfant divin commence un nonvel âge.
Voilà qu’un nouveau peuple est envoyé des cieux.
Marcellien et Véranius cherchèrent longtemps quels pou
vaient être la nouvelle race d’hommes et l’heureux âge d’or
chantés par Virgile. Tout à coup Secondien se rappela ces Chré
tiens si dévoués qui préféraient mourir pour le nom du Christ
que de sacrifier aux idoles. « Us affirment, dit-il, qu’après la
mort il y aura une résurrection et un jugement, et qu’à la suite
de cette vie misérable une autre commencera qui n’aura point
de lin, où la douleur et les gémissements seront remplacés par
la paix et la félicité éternelles. Le Christ, leur Dieu, a horreur
des idoles que nous servons. » Marcellien, étonné d’entendre
son ami tenir ce langage, lui demanda ; « Mais qu’est-ce que
le Christ? » Secondien lui dit: « N’as-tu pas lu ce qu’en di
sent les historiens de sa vie, comment il a guéri des lépreux et
ressuscité des morts ? Les Chrétiens ont foi en ses prodiges, et,
�- 24 -
embrasés d’amour pour lui, aspirent à la couronne du martyre.
C’est ce qui me persuade qu’il est Dieu et Fils de Dieu, qu’ayant
été crucifié il est ressuscité trois jours après sa mort et qu’il est
monté aux cieux. Nos dieux ont-ils jamais rien fait de sembla
ble? Qui pourrait le soutenir? Ne savons-nous pas au contraire
que leur vie n’a été qu'une suite de turpitudes révoltantes? »
Marcellien et Véranius approuvèrent ces sentiments et les par
tagèrent. Les trois amis appelèrent auprès d’eux le prêtre Ti
mothée et reçurent de lui le baptême. Le saint pape Sixte les
confirma de ses propres mains. Sous l’empereur Décius ils fu
rent d’abord emprisonnés, pour avoir embrassé le christianis
me, puis décapités à Centumcelles L
Il serait facile de multiplier ces exemples. Ils prouvent avec
évidence que les martyrs ont. puissamment contribué à la con
version du monde, soit en faisant connaître la doctrine chré
tienne aux païens rassemblés pour assister à leur supplice, soit
en prouvant la vérité de la doctrine chrétienne par la force sur
naturelle qui leur faisait souffrir avec bonheur les tourments les
plus affreux. Et maintenant il faudrait suivre les martyrs dans
leurs prisons et compter le nombre de geôliers et de soldats qui
ont reçu de leur bouche la connaissance de l’Evangile et qui
leur ont demandé le baptême. S. Pierre, dans la prison mamertine, instruit et baptise ses gardiens, Marlimanus et Pro
cessus. S. Victor, à Marseille, au fond de l’obscur cachot où il
attend l’heure de son supplice, initie à la foi chrétienne les sol
dats chargés de veiller sur lui, Longin, Alexandre et Félicien.
Il a le bonheur, avant de mourir, de les voir régénérés par le
baptême sur le rivage de la mer voisine de sa prison. Il faudrait
assister à ces exécutions capitales qui ne s’achevaient pas sans
qu’un des assistants priât le proconsul de lui faire partager le
1 V. actes des martyrs publiés par les l'énédietins, t. n, p. 45.
- 23 -
sort des martyrs, parce que lui aussi était chrétien. Lorsque
S. Marcellus fut condamné à mort par le préfet Aurélianus, le
greflier, nommé Cassianus, chargé d’inscrire tous les détails de
la procédure, fut indigné de l’injustice dont il était le témoin.
Il jeta cà terre son style et ses tablettes et refusa d’inscrire jus
qu’au bout un arrêt dont l’iniquité le révoltait. Cette démons
tration courageuse lui valut une sentence de mort et il partagea
le supplice du martyr. Que de traits touchants nous pourrions
citer 1 Mais il faut se borner. Nous finissons en empruntant aux
actes des martyrs un de leurs récits les plus gracieux.
Sous le règne de Dioclétien, Sapritius, gouverneur de Césarée, en Cappadoce, fit comparaître devant son tribunal une
jeune fille d’illustre naissance, nommée Dorothée, dont les
païens admiraient la beauté et dont les Chrétiens vénéraient la
sainteté. Elle subit d’abord le supplice du chevalet. Comme la
douleur ne pouvait abattre son courage, Sapritius ordonna au
bourreau de lui trancher la tête. Au moment où elle sortait
du prétoire, le gouverneur la conjura une dernière fois d’avoir
pitié de sa jeunesse. — Renonce à ta folie et demande pardon
aux dieux. — Je demanderai pardon pour vous, répondit Do
rothée, quand je serai dans la contrée bienheureuse où j’ai
hâte d’arriver. — Quelle est donc la contrée où tu crois aller ?
— C’est un jardin de délices où en tout temps les arbres sont
ornés de fruits ; où les lis sont toujours blancs et les roses tou
jours fraîches ; où les vallées sont toujours verdoyantes et les
collines toujours ombragées ; où les âmes des saints sont tou
jours enivrées d’une joie immortelle dans le Christ. » En en
tendant ces paroles, un jeune homme nommé Théophile se mit
à sourire. Il dit à Dorothée avec l’accent de la moquerie : —
Eh bien 1 épouse du Christ, tu m’enverras des fruits et des ro
ses du jardin de ton époux, quand tu y seras arrivée. » La mar
tyre se tourna vers Théophile, fixa sur lui un regard qui le
�—
26
troubla et lui dit : « Tu auras les fruits et les roses que tu de
mandes. » Quelques instants après sa tête tombait sous le
glaive. La foule qui était accourue à ce sanglant spectacle était
profondément émue. Théophile, entouré de quelques amis, re
gagnait sa demeure, lorsque tout à coup un petit enfant l’ap
pela par son nom. Il se retourna. L’enfant lui présenta des
fleurs et des fruits et lui dit : « Dorothée t’envoie ces présents
du jardin de son époux, comme elle te l’a promis. — Des fleurs
et des fruits au mois de février ! c’est étonnant, dirent les amis
de Théophile. Mais lui s’écria : c’est plus qu’étonnant, c’est di
vin et le Christ est le Dieu véritable. — Est-tu fou? demandè
rent ses amis épouvantés. — Non, je ne suis pas fou, c’est avec
toute ma raison que je crois en Jésus-Christ. Heureux ceux qui
souffrent pour son norn. Menez-moi devant le gouverneur.» Sapritius, irrité en entendant Théophile se proclamer chrétien, le
menaça des plus cruels tourments. Mais il ne cessait de répéter:
« le Christ est le vrai Dieu et je crois en lui. » Il fut condam
né à avoir la tête tranchée. Il entra ainsi le même jour que Do
rothée dans l’éternel printemps du paradis.
DISCOURS DE M. ZÉVORT
R E C T E U R
DE
L ’A C A D É M I E
M onseigneur ,
M essieurs ,
La solennité à laquelle vous voulez bien assister a surtout
pour objet de renseigner, sur la marche de l’enseignement su
périeur, les hommes qui, comme vous, doivent par goût, par
situation, par patriotisme, s’intéresser le plus vivement à l’ave
nir des hautes études. Le but utile, que nous devons toujours
poursuivre, même dans nos fêtes scolaires, sera largement at
teint si, en vous faisant connaître les résultats acquis, ceux qui
restent à conquérir, je puis accroître encore vos sympathies
pour une œuvre à laquelle sont attachées et la gloire et la pros
périté de notre pays.
�—
28 —
Je sais que je m’adresse à un auditoire dès longtemps con
vaincu : si les diverses branches du savoir humain n’ont point
encore reçu à Marseille tous les développements auxquels elles
peuvent prétendre, du moins les encouragements venus de haut
n’ont point manqué ; les sacrifices, à peine provoqués, ne se
sont pas fait attendre. Une expérience personnelle, qui date de
vingt ans, m’a appris qu’il suffisait ici de parler au nom de la
science pour être immédiatement entendu. Je retrouve, après
une longue absence, les mêmes dispositions généreuses et je ne
saurais trop en remercier la municipalité de Marseille. Grâce à
son intelligent patronage, vous avez pu emprunter à la vieille
capitale de la Provence les professeurs les plus distingués dont
elle s’était jusque-là réservé en quelque sorte le monopole ; vous
avez pris la place de l’Etat quand de hautes convenances et le
respect de la tradition ne lui permettaient pas de vous doter
lui-même des cours auxquels vous aspiriez ; hier encore vous
accordiez sans débat, à la Faculté des Sciences et à l’Ecole de
Médecine, les subventions dont elles ont besoin pour maintenir
dignement leur rang au milieu des établissements rivaux. Ose
rai-je ajouter qu’un tel passé engage et que j’ai la certitude de
pouvoir compter toujours , au nom des mêmes intérêts, sur le
même concours de l’opinion et des pouvoirs locaux. J ’ai à peine
besoin de dire que les sacrifices que vous vous imposez si libé
ralement sont largement justifiés par le zèle de professeurs qui
croient n’avoir rempli qu’une partie de leur tâche s’ils ne l’ont
point dépassée.
Le meilleur moyen, Messieurs, de vous faire connaître les ré
sultats de l’enseignement dans le ressort de l’Académie d’Aix,
serait sans doute de vous donner lecture des rapports substan
tiels et longuement médités de Messieurs les doyens. Mais euxmêmes ont pensé que, ces documents devant être publiés dans
quelques jours, il convenait de ne pas les imposer deux fois à
votre bienveillante attention ; j’ai donc dû me résigner à une
analyse dont la brièveté compensera la sécheresse.
La Faculté de Théologie, dont je dois vous entretenir tout
d’abord, est rarement, trop rarement peut-être, distraite de ses
travaux habituels par la collation des grades. Ses diplômes ne
confèrent aujourd'hui aucun privilège, hormis celui du savoir
officiellement constaté. On ne saurait donc trop encourager les
jeunes ecclésiastiques qui continuent à les rechercher par amour
désintéressé de la science, et qui, au milieu des rudes travaux
du ministère, savent trouver des loisirs pour l’étude, attrayante
sans doute, mais longue et pénible, des auteurs sacrés. La Fa
culté a conféré, pendant le dernier exercice scolaire, un diplô
me de baccalauréat, deux de licence et un de doctorat. M. l’abbé
Rambaux, du diocèse de Digne, a été proclamé docteur à l’una
nimité des suffrages. Un autre candidat, M. l’abbé Balastre,
curé des Pinchinats, après des examens brillamment soutenus,
touchait également au but, lorsqu'une mort prématurée est ve
nue interrompre des études poursuivies avec autant de modes
tie que de succès. Que son souvenir du moins demeure vivant
dans nos fastes universitaires, comme il est resté cher à ses maî
tres et à ses supérieurs.
Je me reprocherais, Messieurs, de faire l’éloge des profes
seurs de la faculté de Théologie, dans une ville où leurs leçons
ont obtenu un accueil si sympathique. Vous les connaissez ; vous
avez voulu que Marseille eût aussi sa part de leurs enseigne
ments et vous leur avez ménagé l’occasion d’un succès unique
en France depuis bien des années. La Faculté d’Aix est, je me
plais à le constater, la plus vivante de nos Facultés de Théolo
gie. Je l’avais laissée , il y a 15 ans, un peu courbée par l’âge;
je la retrouve active, rajeunie, militante, occupant enfin, dans
le haut enseignement, la place d’honneur que lui assignent les
�— 30 —
règlements. L’espèce d'ostracisme dont elle a été un instant
frappée, sur le théâtre même de ses succès, n’a eu pour effet
que de mieux mettre en lumière le désintéressement des profes
seurs, puisque vous avez continué à entendre et à goûter leurs
leçons. L’erreur est aujourd’hui réparée et je ne doute pas
quelle ne le soit d’une manière durable.
La Faculté de Droit d’Àix a maintenu son rang et même pro
gressé, quant au nombre des élèves, pendant le dernier exer
cice. La moyenne des étudiants inscrits, qui était de 329 en
4873, s’est élevée cette année à 343. Le gain n’est pas considé
rable ; mais il suffit pour constater la marche en avant. La con
duite des étudiants n’a donné heu à aucun reproche ; sans leur
en faire un mérite, il faut, en présence d’autres exemples, s’en
applaudir, dans l’intérêt de leurs études et de la dignité de l’en
seignement. Mais, chez quelques-uns, le travail est loin, com
me toujours, de répondre à ces bonnes dispositions. Sur 598
examens, la Faculté a dû prononcer 4 00 ajournements, un
sixième du nombre total. C’est une proportion excessive et qui
ne devrait jamais être atteinte dans des examens où viennent
donner leur mesure des jeunes gens arrivés au seuil des fonc
tions publiques. Sans doute on peut toujours en appeler d’un
échec ; mais il n’est pas bon, pour la pratique de la vie, de
s’habituer à considérer un insuccès mérité comme un accident
ordinaire et sans portée. On y perd toujours quelque chose, ne
fût-ce que dans l’estime de soi-même, qui constitue un des élé
ments essentiels de la valeur morale.
Les épreuves mêmes du doctorat doivent être, cette année,
l’objet d’une appréciation sévère. Je ne voudrais pas découra
ger une ambition très louable assurément, puisqu’elle tend à la
conquête d’un grade difficile et en quelque sorte de luxe. Mais
4 0 ajournements, sur 24 examens, dénotent une préparation
— 31 —
par trop insuffisante. Je ne puis que me joindre à la Faculté
tout entière pour conseiller aux jeunes gens laborieux de n’a
border cette suprême épreuve qu’avec la confiance que doit
donner une instruction aussi étendue et variée que sûre d’ellemême.
En regard de ces défaillances, nous pouvons heureusement
placer des efforts dignes d’éloges et d’incontestables succès. Le
rapport sur les concours, dont M. le professeur Bry vous don
nera lecture dans quelques instants, prouve que les études juri
diques sont restées en honneur auprès de la jeunesse studieuse
et que bon nombre de nos étudiants en comprennent toute
l’importance. Grâce à l’un d’eux, M. Muscat, la Faculté d’Àix a
continué à figurer dignement au concours général des Facultés.
Dans cette lutte, où une simple mention honorable est ardem
ment ambitionnée, quel qu’en soit le rang, M. Muscat a obtenu
la cinquième des neuf mentions décernées. Déjà l’année der
nière une première mention avait été accordée à un autre élève
de notre école, M. Bouet, qui vient de couronner une brillante
carrière scolaire par des examens de doctorat subis avec toutes
boules blanches.
Dans une sphère plus élevée, la Faculté peut mettre à son
actif le succès enviable obtenu par un de ses membres les plus
sympathiques. Sur une question proposée par l’Académie des
Sciences Morales et politiques, le premier prix a été décerné à
un remarquable travail de M. le professeur Jourdan. Dépareil
les récompenses, briguées par les maîtres les plus autorisés et
décernées par l’un de nos grands corps savants, ont un éclat
qui rejaillit sur la Faculté elle-même.
Le personnel des professeurs de Droit, bien insuffisant par
suite de pertes cruelles que vous n’avez pas oubliées, s’est com
plété, depuis quelques mois, par l’adjonction d’un nouvel
agrégé, M. de Pitti Ferrandi, accueilli avec autant d’affection
�— 32
que d’estime par des collègues bons juges de son mérite. Peutêtre pourrions-nous réclamer avec M. le Doyen une organisa
tion de l’enseignement plus complète encore et mieux en rap
port avec l’importance de l’Ecole ; mais, quels que soient les
besoins d’un service bien chargé, il faut savoir attendre sans
trop d’impatience qn’un nouveau concours ait désigné au choix
de M. le Ministre quelque sujet d’élite.
Un autre vœu de la Faculté me semble comporter une réali
sation plus immédiate encore, celui qui est relatif à la nomina
tion d’un bibliothécaire ; je l’appuierai de tout mon pouvoir et
je m’estimerai heureux d’obtenir pour Aix ce qui a été réa
lisé ailleurs, où les fonctions de bibliothécaire sont dévolues
à l’un des élèves les plus méritants de l’Ecole. Le modeste trai
tement qui y est attaché permet au plus pauvre de poursuivre
jusqu’au doctorat ses études de Droit. Tout en dirigeant dans
leurs recherches ses camarades plus jeunes, il prépare avec sé
curité son propre avenir.
La collation des grades forme une partie importante — sinon
la plus agréable — des travaux des Facultés des Sciences et des
Lettres. Avant d’aborder ces deux ordres d’étude, permetlezmoi, Messieurs, une rapide digression qui s’applique à l’un et
à l’autre. Le nombre des solliciteurs qui viennent frapper à la
porte de nos jurys d’examens s’est encore accru cette année ;
je voudrais pouvoir ajouter que la qualité a gagné dans la même
proportion. Quand je parle de solliciteurs, ce n’est point tout à
fait au sens figuré : parmi nos jeunes aspirants aux divers bac
calauréats, beaucoup semblent croire naïvement qu’auprès de
leurs juges ils ont besoin d’autres répondants que le savoir bien
modeste exigé par les programmes. Us imposent à leurs amis
une mission pénible, aux Facultés une fatigue dont ils pour
raient eux-mêmes porter la peine , si les sentiments d’équité ne
réagissaient contre les ennuis de la sollicitation et les révoltes
de la dignité professionnelle. Qu’ils soient bien convaincus que
celui qui se présente seu l, sans amis, bien loin de perdre au
cune chance, met au contraire dans la balance un poids déplus
en sa faveur, celui des sympathies qui s’attachent à l’isolement
et à la faiblesse.
La Faculté des Sciences de Marseille a eu à enregistrer, celte
année, quelques changements dans son personnel. M. Dieulafait, professeur de géologie, a dû à la désignation unanime de
ses collègues et au choix du Ministre, le titre définitif d'une
chaire qu’il occupait, avec une supériorité incontestée, depuis
deux ans et pour laquelle il n’a pas trouvé de concurrents.
Une autre chaire, celle de Physique, a vu succéder à un jeune
homme, dont vous avez goûté les leçons lucides et pleines de
verve, un professeur dès longtemps éprouvé, d’un caractère à
la hauteur de son savoir, chez lequel je suis heureux de recon
naître et de saluer affectueusement un ancien camarade.
L’Observatoire de Paris nous lègue, pour la chaire d’Astronomie nouvellement instituée, un de ses membres les plus dis
tingués, M. Rayet. Qu’il soit le bienvenu dans une ville où l’as
tronomie est en honneur et qui occupe elle-même un rang dis
tingué dans l’histoire des découvertes planétaires.
Que ne puis-je, Messieurs, à ces noms en joindre un autre
qui ne vous est pas moins sympathique, celui de M. Marion.
Par des recherches, aussi ingénieuses que délicates, entreprises
soit seul, soit en collaboration avec un de vos compatriotes les
plus distingués, M. de Saporta, il a enrichi la science des ani
maux inférieurs d’une masse considérable d’observations fécon
des en résultats. La Faculté et tous les amis des études sérieu
ses ratifieront le vœu que je forme de le voir attaché à nous
par un titre moins précaire.
�Grâce à ces précieux renforts, la Faculté pourra donner plus
d’étendue et d’éclat à des travaux depuis longtemps appréciés.
Partout, vous le savez, les professeurs de sciences se sont im
posé le devoir d’associer à l’enseignement le travail de l’investi
gation personnelle. Les professeurs de Marseille n’ont point
failli à cette tâche : leurs travaux ajoutent à l’immense trésor
de la science en les honorant personnellement. Tous ont conti
nué, pendant l’année écoulée, à marcher dans la même voie :
tous ont publié ou se préparent à publier le résultat de leurs
recherches Je n’entrerai point dans le détail de ces investiga
tions qui ne peuvent être convenablement louées que par un sa
vant; mais je veux du moins rappeler la distinction excep
tionnelle accordée à l’un d’eux par les juges les plus compé
tents : dans le concours ouvert entre les sociétés savantes de
France. M. l’abbé Aoust a obtenu la récompense la plus élevée,
la médaille d’or, juste rémunération d’une longue suite d’études
poursuivies pendant plusieurs années sur les questions les plus
ardues des sciences mathématiques.
À côté de la Faculté des Sciences et sous sa direction, se dé
veloppe et prospère une institution bien moderne encore, mais
féconde en résultats, l’Ecole pratique des hautes études. Vous
lirez le rapport plein d’intérêt que M. le Doyen a consacré à
cette Ecole, dont le but est de former de véritables expérimenta
teurs, d’enseigner aux jeunes gens épris de l’étude comment
on interroge la nature, en se laissant guider par elle; par quel
dévouement, par quelle abnégation de toute idée préconçue on
parvient à lui ravir ses secrets. Cette édncation expérimentale a
déjà porté ses fruits parmi vous ; elle ne peut manquer d’en
produire de plus nombreux dans un milieu où tout vient solli
citer la curiosité scientifique, au voisinage d’une mer qui ren
ferme dans son sein les germes de tant de fécondes découvertes.
Les actes de la Faculté, en dehors de l’enseignement et des
— 35 —
travaux originaux ne peuvent présenter qu’un intérêt secon
daire ; je me bornerai à les énumérer. La Faculté a eu à confé
rer cette année le grade de docteur ; c’est chose rare encore en
province, mais qui se généralisera grâce à l'importance crois
sante de nos établissements scientifiques. M. Houzeau, auteur
de travaux estimés sur l’ozone, a obtenu le diplôme de Docteur
ès-sciences Physiques.
La licence ès-sciences Physiques, Mathématiques ou Naturel
les a donné de bons, je pourrais dire de remarquables résul
tats. Neuf candidats sur quinze ont été admis, quelques-uns
avec les notes bien et très-bien. La Faculté de Marseille est une
de celles qui, par le nombre et la valeur des licenciés formés
à ses leçons, contribue le plus largement au recrutement de nos
établissements secondaires.
Les bacheliers ont été moins heureux, ou plutôt, pour rester
dans l'exacte vérité, moins sérieusement préparés à une épreuve
dont le niveau semble s’abaisser chaque année. 36 admissions
sur 100, pour le baccalauréat ès-science complet offrent une
moyenne véritablement décourageante. Les épreuves du bacca
lauréat restreint ont été moins meurtrières : 61 aspirants sur
100 ont pu, tant bien que mal, se maintenir debout.
La Faculté des Lettres d’Aix, qui a aussi droit de cité et droit
d’affection à Marseille, a dû recommencer ses travaux avec un
personnel incomplet, bien insuffisant pour le labeur que lui im
posent des examens un peu monotones dans leur uniforme médiocreté. Un des membres les plus actifs de la Faculté a été ré
clamé par la Sorbonne, où il est délégué dans la suppléance de
M. Patin : fardeau bien lourd, mais qui ne dépasse point ses
forces. Avec M. Benoist nous perdons un savant et un chercheur
de la meilleure trempe, un professeur qui, à la science linguis
tique de nos voisins d’outre-Rhin, sait associer dans une juste
�36 —
mesure le goût et le sentiment littéraire, partage un peu exclu
sif de l’érudition française. Le professeur de littérature étran
gère n’est pas encore désigné. Je fais des vœux pour que, dans
un pays où les littératures du Midi sont bien connues et presque
familières, notre nouveau collègue soit préparé, par ses études
antérieures, à nous initier aux beautés plus sévères des langues
et des littératures du Nord.
Vingt-quatre candidats à la licence ès-lettres se sont soumis
au jugement de la Faculté. Neuf ont été admis, sur lesquel trois
avec la note bien, qui n’est accordée qu’avec une sévère parci
monie. Tous ont été placés immédiatement dans \les lycées ou
dans nos meilleurs collèges; tous ont obtenu, conformément
aux vues de l’administration supérieure, un tour de laveur et
de grande faveur ; je le proclame bien haut afin de stimuler le
zèle des jeunes professeurs qui reculent encore devant les diffi
cultés d’une épreuve devenue seule sérieuse et décisive par l’a
baissement du niveau du baccalauréat.
Le nombre des candidats au baccalauréat interrogés par la
Faculté dépasse toute mesure : 562 pour le baccalauréat com
plet, 121 pour le baccalauréat scindé. Les admissions n’attei
gnent que la proportion de 34 % daus le premier cas, 38 dans
le second. C’est assez dire combien la préparation est insuffi
sante, combien est devenue générale l’habitude de considérer
l’examen non point comme la constatation légale d’études régu
lières et solides, mais comme une simple formalité dont il faut
s’affranchir au plus tût. C’est aux Facultés qu’il appartient de
réagir, par une juste sévérité, contre cette funeste tendance qui
n’aboutirait à rien moins qu’à un déplorable abaissement intel
lectuel et moral.
L’institution du baccalauréat scindé est encore trop récente
pour pouvoir être jugée. Cette réforme, que j’ai moi-même con
seillée et vivement réclamée, trompera-t-elle nos espérances ?
37 Nul ne saurait le prévoir après une épreuve aussi incomplète.
Mais il faut reconnaître que le régime transitoire qu’elle a éta
bli a eu pour premier résultat la désertion à peu près complète
des cours de Philosophie. Les jeunes gens, autorisés pendant
deux années encore à subir en une seule session toutes les
épreuves, se sont rués pour ainsi dire à l’assaut du grade qui
devait les affranchir. Beaucoup ont échoué, et c’était justice ;
quelques-uns sont arrivés prématurément au but ; résultat peu
enviable î car, s’ils ont le diplôme, il leur manquera toujours
l’instruction sérieuse dont il n’est que l’emblème, et l’habitude
du travail persévérant que rien ne peut suppléer dans la vie.
J ’ai hâte, Messieurs, de terminer cette re m un peu aride;
et j’arrive à votre Ecole de Médecine, objet d’une sollicitude
toute particulière à Marseille,, parce que c’est un établissement
municipal, créé par la ville, entretenu sur ses ressources et
agrandi par ses dons.
L’Ecole de Médecine a été cruellement éprouvée dans la per
sonne de son Directeur, enlevé à son affection au moment où il
pouvait espérer encore de longs jours. Je ne reprendrai pas de
vant vous l’éloge du regrettable M. Coste; il a été loué digne
ment comme chirurgien éminent, comme professeur, comme
citoyen. Le rapport de M. Seux, qui va être publié, sera un
nouvel hommage rendu à sa mémoire. Je n’ajouterai qu’un
mot aux regrets si bien sentis qu’on a exprimés sur sa tombe :
je l’ai connu et aimé, et j’ai pu apprécier tout ce qn’il y avait en
lui, sous une écorce un peu rude, de délicatesse, de loyauté et
de droiture.
Le choix de M. le Ministre a confié à M. Seux la direction de
l’Ecole, objet d’une ambition d’autant plus légitime qu’elle est
nécessairement désintéressée, tant les charges l’emportent sur
les avantages. Bien des professeurs de l’Ecole de Médecine
*
�— 38 —
avaient des droits incontestables à revendiquer ce fardeau; mais,
si le choix était difficile, il ne pouvait manquer par cela même
d’obtenir, quel qu’il fût, l’adhésion des professeurs et la sanc
tion de l’opinion publique.
M. le docteur Chapplain a été installé dans la chaire vacante
de clinique externe, qui lui revenait de droit, et où il n’avait
plus à faire ses preuves, puisqu’il l’avait longtemps occupée avec
distinction en qualité de professeur adjoint. La chaire de pro
fesseur adjoint de clinique chirurgicale a été confiée à M. le
docteur Demeules, désigné à l’attention du Ministre par un
brillant concours. Une autre chaire, dont je suis heureux d’a
voir provoqué la création, celle de médecine opératoire, est au
jourd’hui occupée par M. le docteur Combalat, que je n’essayerai
même pas de louer, de peur de rester au-dessous de votre es
time. Mais je ne saurais manquer, à cette occasion, d’adresser les
remerciements les mieux sentis à l’Administration Municipale
de Marseille qui a mis libéralement à la disposition du Ministre
le traitement d’un nouveau professeur, et à M. le Préfet du dé
partement, dont le concours empressé a singulièrement hâté
l’heureuse issue de mes propositions.
Aujourd’hui, sous le rapport de l’organisation scientifique et
des ressources d’enseignement, l’Ecole est largement constituée.
L’ouverture prochaine de concours pour deux suppléances per
mettra de confier à de jeunes docteurs des cours annexes et
complémentaires. Les études expérimentales, qui occupent une
si grande place dans l’enseignement médical, ne peuvent que se
développer quand l’installation matérielle sera moins défec
tueuse, et ce moment est proche je l’espère. Mais il faut dès
maintenant envisager l’avenir et ne point reculer devant les sa
crifices utiles. La population de l’Ecole s’est accrue rapidement:
cinq années ont suffi pour la porter de 128 à 171 élèves. Ce
n’est là qu’un premier progrès : ce chiffre sera rapidement
- 39 —
doublé le jour où les étudiants trouveront ici tous les secours
qu’ils sont en droit de demander à un établissement de premier
ordre. Une loi, aujourd’hui soumise à la Chambre, doit confé
rer à l’Ecole de Marseille le plein exercice, avec les prérogati
ves qui y sont attachées. Que cette loi nous trouve prêts. La
municipalité a voté avec une largesse que je me plais à recon
naître les allocations nécessaires pour approprier une salle de
bibliothèque, un musée, un laboratoire de physiologie, une salle
de micrographie ; c’est beaucoup sans doute, si l’on reporte les
yeux en arrière ; mais il restera à peupler la bibliothèque, à
meubler le musée, à acquérir les instruments nécessaires aux
études micrographiques. C’est vous dire, Messieurs, que long
temps encore l’Ecole aura besoin du puissant concours de l’au
torité municipale; elle y compte et elle a raison; car il s’agit
d’une œuvre vraiment digne de votre sollicitude; et le passé
d’ailleurs lui garantit l’avenir.
�RAPPORT DE M. L’ABBÉ BOYER
DOYEN
DE
LA
FACULTÉ
DE
THÉOLOGIE
Monseigneur ,
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Le rapport que j’ai l’honneur de soumettre à votre atten
tion bienveillante, doit vous faire connaître quels ont été nos
travaux de professeurs et de ju g es, pendant l’année scolaire
qui s’achève.
J’ai donc à vous entretenir de notre Enseignement et de nos
Actes publics.
L’Enseignem eut
L’enseignement de la Faculté a été donné avec la régularité
et le soin consciencieux qu’il exige : tous les jours, aux élèves
ecclésiastiques du Séminaire ; tous les jours, aux auditeurs bé
névoles dans l’amphithéâtre de la Faculté, et deux fois par se
maine dans le grand amphithéâtre de la Faculté des Sciences
de Marseille.
Voici, selon l’usage, le sommaire des matières enseignées par
chacun de MM. les professeurs :
M. l'abbé Bayle, professeur d’Eloquence Sacrée, a traité de
la Littérature Chrétienne en France au vie siècle. — Il a étudié
particulièrement les œuvres de S‘ Grégoire de Tours qui mérita
d’être appelé le père de notre histoire de France ; et les œuvres
de S1 Fortunat qui essaya de faire entendre,au sein de la Barba
rie, un écho lointain du langage harmonieux de Virgile. Le
professeur a montré comment Grégoire de Tours, avec une
bonne foi et une naïveté incomparables, a su tracer un tableau
fidèle, animé, dramatique de cette société du vi° siècle, où se
mêlent des Gallo-Romains asservis et dégénérés, et des Barba
res déjà en marche vers la civilisation. Les récits de Grégoire
de Tours ont permis au professeur d’exposer, en les opposant
l’une à l’autre, la puissance de destruction déployée par les Bar
bares, et la puissance de réparation mise en œuvre par l’Eglise
à cette époque. Pour compléter les renseignements fournis par
�— 4-2 —
l’auteur de YHistoire ecclesiastique des Francs, sur ces temps
agités qui virent se produire de si grands crimes et de si gran
des vertus, le professeur a parlé des poésies de Forlunat, dans
lesquelles reparaissent les noms des ro is, des évêques, des
maires du palais, qui remplissent l’histoire du vie siècle. Il a
rectifié l’opinion des écrivains qui n’ont, voulu voir dans Fortunat que l’auteur de quelques petits vers adressés à Sle Radegonde, en faisant connaître à ses auditeurs les œuvres principa
les de ce poète italien devenu dans sa vieillesse évêque de Poi
tiers : notamment le poème sur la dévastation de la Thuringe, et
l’élégie sur la mort de Galsuinte.
Le professeur traitera, cette année, de la Littérature Chré
tienne en France sous Charlemagne.
M. l’abbé Figuières, professeur d’Ecrilure-Sainte, a continué
ses éludes critiques sur le Nouveau-Testament. — Le récit des
dernières scènes de la vie du Rédempteur a donné au profes
seur l’occasion d’aborder une foule de questions intéressant la
Théologie et l’Histoire. Ayant à parler des Apocryphes, il a
montré l’appui indirect mais réel que ces antiques légendes re
latives au temps et à la personne de Jésus-Christ, prêtent à la
véracité de la narration évangélique. Enfin, à propos du grand
fait de la Résurrection, il a exposé et discuté les systèmes di
vers, formulés le long des âges, pour expliquer naturellement
ce qui, là, n’a pu être que surnaturel et divin.
Dans ses prochaines leçons, le Professeur achèvera cette his
toire critique de la vie du Sauveur, après quoi il commencera
une série d’études sur Moïse et sur la Genèse.
M. l’abbé Renoux, professeur d’Histoire Ecclésiastique, avait
à retracer l’histoire religieuse de l’Europe, à la fin du xvic siè
cle. Le professeur s’est acquitté de sa tâche avec cette calme im
partialité qui est le propre de l’érudition. Il a exposé quel fut,
en ces temps malheureux, le vrai rôle des Souverains Pontifes ;
il a donné le récit détaillé de tous les efforts tentés par eux, au
près des peuples et auprès des rois, pour pacifier les esprits.
Le professeur consacrera les leçons de l’année prochaine à
l’étude des relations de Sixte-Quint et de Henri IV.
M. l’abbé Bernard, professeur de Théologie Morale, avait à
traiter des Lois. — Après avoir indiqué en quoi la théologie, en
traitant des Lois, diffère de la jurisprudence, il a énuméré les
conditions que doit remplir la loi pour produire une obligation
morale. Remontant à l’origine de la Loi, qui est Dieu même, il
a parlé de cette loi primordiale que la théologie désigne sous le
nom de Loi Eternelle et qui, en tant que manifestée à l’homme
par les lumières de sa raison, s’appelle la Loi Naturelle. Le pro
fesseur a exposé tous les points de doctrine se référant à la Loi
Naturelle. Il a montré ensuite la nécessité d’une loi positive,
dans l’urdre religieux comme dans l’ordre civil et politique. Ne
considérant que la loi positive religieuse, il l’a étudiée aux qua
tre grandes époques de sa promulgation.
Cette année, le professeur étudiera les lois humaines dans
leur rapport avec la conscience.
Le professeur de Théologie Dogmatique a poursuivi ses étu
des de Philosophie Chrétienne.— Ilavait à s’occuper du xvnc siè
cle.— Etudier les hommes et les œuvres en qui se personnifie le
progrès philosophique et religieux si magnifiquement accompli
en France et en Europe, à cette grande époque, tel était son
sujet. Le professeur a conduit son enseignement jusqu’à l’ap-
�parition de Bossuet; ses prochaines leçons embrasseront donc la
seconde moitié du xvu° siècle.
Voilà, Messieurs, dans son résumé, notre enseignement.
II
G rades
La Faculté a enregistré 24 inscriptions. Quatre examens ont
été subis avec succès : un examen de bachelier, deux examens
de Licence, et un examen de Doctorat.
INos grades, Messieurs, ne donnent, en réalité, à ceux qui les
obtiennent, aucun droit ni aucun privilège ; ils ne sont donc
pas, ils ne peuvent pas être l’objet de cette universelle ambition
qui amène les candidats par centaines, devant les autres Facul
tés. Mais nos diplômes pourtant ont une valeur : ils sont l’attes
tation authentique de la science acquise par des travaux sé
rieux; et, à ce titre, ils sont encore recherchés par quelques
amis désintéressés de la science.
Les examens, en effet, sont sérieux : le programme de la Li
cence est étendu ; les épreuves du Doctorat sont longues et dif
ficiles. La thèse doctorale est une œuvre écrite qui n’est pas
seulement destinée à être une sorte de tournoi entre le candi'
dat et ses juges ; c’est un livre entrepris en vue d’un progrès à
réaliser dans l’exposition ou la discussion d’un point de la
science. L’auteur doit répandre la plus vive lumière sur le sujet
qu’il traite, et, d’autre part., servir de modèle et d'exemple à
ceux qui entreprennent de semblables travaux. C’est dans ces
conditions que s’est produite devant nous, la thèse présentée par
M. l’abbé Rambaux, du diocèse de Digne ; ce travail, remar
45 quable par toutes les qualités que nous signalions dans les trois
thèses de Docteur, mentionnées au Rapport de l’an passé, avait,
en outre, le mérite de s’appliquera un sujet des plus ardus de
la Théologie : La science, en Dieu, des futurs conditionnels,
c’est-à-dire le point de départ même de cette question de l’effi
cacité de la grâce et de son accord avec la liberté de l’homme,
qui, pendant deux siècles, a si fort occupé nos grandes Ecoles
Théologiques. Dans la soutenance de cette thèse, qui a duré
trois heures, le candidat a discuté et défendu ses propositions
avec une sûreté de doctrine, une variété et une profondeur de
Connaissances, qui lui ont conquis, à l’unanimité, les suffrages
du jury.
Un autre candidat au doctorat était à la veille de se présen
ter devant nous. Dans ses examens de Licence, il avait obtenu
les éloges de la Faculté , et nous connaissions pour les avoir ai
dées de nos conseils, les études nouvelles et spéciales qui de
vaient le conduire au grade suprêm e... Une mort récente et
soudaine ne lui en a pas laissé le temps 1 Nous pensons qu’un
effort intellectuel trop prolongé a pu avoir sa part dans cette
catastrophe finale, et c’est pourquoi il nous paraît juste de
prononcer, au moins ici, le nom de ce prêtre pieux, ami obstiné
de l'étude, qui donna ainsi à la science sacrée et jusqu’à la fin.
tous les loisirs que lui laissait la petite paroisse confiée à ses
soins : M. l’abbé Balastre, curé des Pinchinats, banlieue d’Aix.
Sur l’avis de la Faculté et après révision préalable des thèses,
quelques-uns de nos candidats ont dû renvoyer leurs épreuves
à la session d’examens qui s’ouvre aujourd’hui même.
Tel est, Messieurs, le compte-rendu de nos modestes travaux
�RAPPORT DE M. CARIES
DOYEN
DE
LA
FACULTÉ
DE
DROIT
Monseigneur ,
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
La prospérité de la Faculté de Droit ne décroît point, elle
augmenterait plutôt : elle avait reçu l’an dernier 1317 inscrip
tions, elle en a eu cette année 1375. Le nombre des épreuves
subies était de 574, il est cette fois de 598.
Sur ce nombre 100 candidats ont été refusés, c’est un rejet
sur 6. Toutefois la proportion des admissions et des rejets n’est
pas la môme pour les examens de doctorat que pour les autres.
Sur 21 candidats qui ont tenté cette épreuve supérieure, 10 ont
47 échoué ; les rejets sont ici de la moitié. La Faculté maintient à
cet égard sa sévérité traditionnelle. Ce n’est pas qu’elle aille
jusqu’à décourager les candidats bien préparés qui laisseraient
échapper quelques faiblesses, mais elle écarte ceux qui vou
draient prétendre à l’honneur du titre, sans s’astreindre aux
fortes études qu’il demande. Ceux qui réussissent peuvent alors
se glorifier du succès comme d’une véritable distinction.
On sait d’ailleurs qu’on ne peut réussir dans les épreuves du
doctorat qu’en obtenant la majorité de boules blanches, soit la
mention bien. Un seul a obtenu l’éloge ou totalité de blanches,
soit la mention très-bien, c’est M. Bouet, accoutumé à tous les
succès.
L’an dernier notre Rapport exprimait le regret qu’il y eût
trop peu de thèses de Doctorat, il n’y en avait eu qu’une. Qua
tre ont été présentées cette année dont trois ont été admises
avec majorité de boules blanches. L’un des candidats reçus por
tait un nom dont le souvenir sera toujours cher à la Faculté de
Droit d’Aix, c’est le jeune Edouard de Fresquet.
Ce nom rappelait en même temps le triple deuil qui couvrit
la Faculté il y a plus de deux ans, et rendit trois chaires vacan
tes. Elles n ’ont pas encore été remplies; il a fallu suffire à tous
les travaux avec un personnel incomplet. Cette année seule
ment il nous a été adjoint un quatrième agrégé, c’est M. de PittiFerrandi qui, précédé de l’estime qu’attire toujours le triomphe
dans les luttes de l’agrégation, a mérité en outre par ses quali
tés personnelles d’être accueilli par ses nouveaux collègues avec
la plus cordiale sympathie.
Nous disions tout à l’heure que la prospérité de la Faculté
augmente ou du moins se maintient, ce qui est prouvé au de
dans par le nombre des inscriptions reçues et des épreuves su
bies. Elle a aussi conservé son rang au dehors. Dans le concours
général des écoles de Droit qui parait devoir être une institu-
�— 48 —
tion durable, Aix a obtenu sur neuf mentions la cinquième, qui
a été adjugée à M. Muscat de Nice. M. Bouet, l’an dernier, avait
eu la première ; mais il sera toujours beau d’être un des neuf
lauréats (n’eût-on que le cinquième rang) lorsqu’on lutte contre
tous les étudiants de France de la troisième année.
Enfin la Faculté de Droit d’Aix peut se glorifier d’un autre
succès obtenu dans une plus haute sphère. Un de ses membres
les plus distingués, M. le professeur Jourdan, a mérité le pre
mier prix proposé par l’Académie des Sciences Morales et Poli
tiques pour un ouvrage qui, composé d’après le programme de
la docte Assemblée, sera intitulé : Le Droit français, — Ses
principes fondamentaux. — Ses rapports avec la morale,
l’Economie politique et VUtilité publique. Il ne nous a pas
encore été donné non plus qu’au public de lire ce travail qui a
obtenu les suffrages venus de si h au t, mais si nous en compre
nons bien le but et la portée, d’après son titre et sur ce qui nous
en a été dit, ce sera un tableau de nos lois qui les fera d’abord
connaître sommairement à ceux qui les ignorent ; qui présen
tera ensuite aux yeux de tous, en traits vifs et saillants, leur côté
moral et utile. En d’autres termes ce livre, œuvre à la fois d’ins
truction populaire et élude philosophique et économique, mon
trera combien nos lois ont atteint d’une manière remarquable
le double but de toute institution qui est :
Améliorer l’état de l’homme en société au point de vue maté
riel et moral.
Ci-joint le tableau donnant le détail des épreuves subies de
vant la Faculté dans le cours de l’année 1873-1874.
49
THÈSES DE DOCTORAT
Majorité de blanches ou mention bien........ 4
Ajournements............................................ \
,2e de Doctorat.
Majorité de blanches.....................
Ajournements...............................
)
7
/ e de Doctorat.
Eloge. — Mention très-bien......... ........... 1 \
Majorité de blanches................... ........... 7 14
Ajournements............................... ........... C )
THÈSES DE LICENCE
Eloge............................................ ...........
Majorité de blanches.................... ...........
Moitié ou minorité de blanches, mention
assez-bien ......................... ...........
Cinq rouges, mention médiocre... ...........
Rouges et une noire, mention passable.. . .
Ajournements............................... ...........
2e de Licence.
Eloge............................................. ...........
Majorité de blanches ..................... ...........
Minorité de blanches .................... ...........
Cinq rouges ................................... ...........
Rouges et une noire ....................... ..........
Aioiirnpmontc
. . . . . . . . .........
5'
7
i
23 » 87
18 |
28
6/
6\
13
31
16
22
14
1
( 102
l
l
J
A reporter : 213
�4*
50 Report :
4e
215
de Licence.
Capacité.
Eloge................................................ ........
Majorité de blanches.......................... ........
Moitié ou minorité de blanches.......... ........
Quatre rouges.................................... ........
Rouges et une noire.......................... ........
Ajournements.................................... ........
4
4
29
28
22
27
Eloge.................... ;
Majorité de blanches.
Minorité de blanches
Trois rouges............
Rouges et une noire.
Ajournements..........
T de Bachelier.
Eloge..........................................................
Majorité de blanches..................................
Moitié ou minorité de blanches....................
Quatre rouges............................................
Rouges et une noire....................................
Ajournements..............................................
4*
4
9
43
18
18
16
\
J
f
( 108
]
j
J J é t a i l d e s I n s c r i p t i o n s p r is e s p e n d a n t l ’an n ée s c o la ire
1873 - 18
Trimestre de novembre 1873.............
Trimestre de janvier 1874...................
Trimestre d’avril 1874.........................
Trimestre de juillet 1874.....................
de Bachelier.
Eloge..........................................
Majorité de blanches....................
Minorité de blanches...................
Trois rouges....................
Rouges et une noire....................
Ajournements............................
A reporter :
Total des épreuves subies : 598
Sur lesquelles les admissions sont au nombre de 498
Et les rejets de 100
579
335
315
318
407
�RAPPORT DE M. FAVRE
DOYEN
DE
LA
FACULTÉ
DES
SCIENCES
Monseigneur ,
Monsieur le R ecteur ,
M essieu rs ,
Pendant l’année scolaire qui vient de finir, la chaire de Géo
logie et de Minéralogie de notre Faculté, demeurée vacante il y
a deux ans, par la mort prématurée du regretté M. Lespès,
vient de recevoir, dans la personne de M. Dieulafait, un nou
veau titulaire. M. Dieulafait, que ses savants travaux avaient si
gnalé à l’attention et au choix de M. le Ministre, a vu son ensei
gnement accueilli avec faveur par un public nombreux et em
pressé; et, de plus, par un vote unanime de présentation, ses
53
collègues lui ont donné la meilleure preuve de leur confiance et
de leur estime. M. Hugueny et M. Rayet ont été désignés par
le Ministre, le premier pour continuer l’enseignement de la
Physique, le second pour faire un cours complémentaire d’Astronomie. Qu’ils soient les bien-venus au milieu de nous.
Les Facultés sont à la fois l’œuvre de l’Etat et des Municipa
lités. Celles-ci ont la charge de pourvoir d’abord à leur pre
mier établissement et de leur procurer, par la suite, d’accord
avec l’administration centrale, et dans la limite du possible, les
ressources destinées à assurer et à développer leur prospérité
matérielle. L’Etat, représenté par M. le Ministre de l’Intruction
publique, a la charge de pourvoir, et il en a du reste seul les
moyens, au personnel des professeurs et de veiller atout ce qui
peut assurer la prospérité intellectuelle et morale de nos éta
blissements d’enseignement supérieur.
D’après un vieux proverbe : « Il faut demander beaucoup
pour recevoir peu » ; mais les proverbes n’ont pas toujours
raison. Dans notre intelligente cité de Marseille, je dirai plutôt
qu’il suffit de demander pour recevoir, toutes les fois qu’il s’a
git des intérêts de la science et des travaux de l’esprit. De longs
et habiles plaidoyers seraient peut-être ailleurs nécessaires pour
rappeler ou faire comprendre quelles sont, à notre époque, les
exigences des grands établissements scientifiques ; à Marseille,
de telles préoccupations seraient superflues. Cette année en
core, tous les crédits demandés pour l’amélioration matérielle
de notre Faculté nous ont été accordés avec tant de confiance et
et avec un empressement tel, que notre seule appréhension sera
désormais de paraître indiscrets lorsqu’il nous arrivera d’avoir
de nouvelles demandes à formuler. Ce sera donc pour nous un
devoir de ne pas abuser dans l’avenir de cette inépuisable gé
nérosité.
Je suis chargé par la Faculté toute entière d’exprimer à M. le
�— 54
Maire et aux membres de la Commission Municipale noire pro
fonde gratitude.
E xam eus
La Faculté a conféré le grade de Docteur ès-sciences physisiques à M. Houzeau, professeur à l’Ecole supérieure de Rouen,
auteur de travaux importants sur l’Ozone.
A la session de novembre, 3 candidats se sont présentés pour
l’examen de la Licence ès-sciences Mathématiques qui ont été
ajournés, et 1 pour l’examen de la Licence ès-sciences Naturel
les, M. Catta, chargé de cours au Lycée, qui a été admis avec la
mention assez-bien.
A la session de juillet, 6 candidats se sont présentés pour
l’examen de la Licence ès-sciences Mathématiques, et 5 pour
l’examen de la Licence ès-sciences Physiques.
Sur les 6 candidats à la Licence ès-sciences Mathématiques,
3 ont été ajournés et 3 admis avec la mention passable.
Les 5 candidats à la Licence ès-sciences Physiques ont tous
été admis : 1, M. Onde, avec la mention très-bien ; 1, M. Bosch,
avec la mention bien ; 2, MM. Bianconi et Banet-Rivet, avec la
mentton assez-bien ; et 1 avec la mention passable.
Presque tous ces candidats étaient attachés au Lycée de Mar
seille.
En résumé, il y a eu 15 examens et 9 admissions.
Aux examens du baccalauréat complet, 253 candidats se sont
présentés; 92 ont été admis : 1, M. Ollive, avec la mention bien]
22 avec la mention assez-bien ; 69 avec la mention passable.
Aux examens du baccalauréat restreint, 62 candidats se sont
55 présentés ; 38 ont été admis : 2 avec la mention bien ; 10 avec
la mention assez-bien ; 26 avec la mention passable.
En résumé, il y a eu 315 examens et 130 admissions.
L eçon» e t T ravaux de» Professeur»
Les professeurs de la Faculté des Sciences ont fait leurs cours
et leurs conférences avec la même régularité, le même zèle et
les mêmes soins que par le passé, et leur enseignement a été
écouté avec la même assiduité et la même application.
Les cours annexes qui sont faits par les professeurs des Fa
cultés de Théologie, de Droit et des Lettres de l’Académie d’Aix
constituent un complément précieux de l’enseignement scienti
fique proprement dit. L’Etat en a institué quelques uns ; la ville
de Marseille s‘est chargée d’organiser et de rétribuer le plus
grand nombre: c’est encore un bienfait à ajouter à tous ceux
dont nous sommes redevables à l’administration municipale et
qui s’imposent, comme tant d’autres, à notre reconnaissance.
Il ne nous appartient pas de juger ces cours, mais il nous
sera du moins permis d’en constater les excellents résultats. Nos
collègues des Facultés d’Aix ont trouvé le secret de réunir et de
retenir sous le charme de leur parole et de leur enseignement
un public aussi nombreux et empressé qu’intelligent et attentif.
Ces cours ont donc rencontré de la part des auditeurs une sym
pathie entière et le succès en est tel que nous serions presque
tentés d’être jaloux si nous pouvions être jaloux du succès de
nos collaborateurs.
Le professeur d’analyse infinitésimale, M. l’abbé Aoust, a
communiqué à l’Académie des Sciences de Paris une note sur
les intégrales des courbes qui ont une même surface polaire.
�— 56
Le professeur de mécanique, M. Morin, s’est occupé de la re
cherche et de l'étude des systèmes de surfaces triplement or
thogonales qui sont divisibles en carrés par leur ligne de
courbure. Ce mémoire est destiné à paraître dans les annales
de l’Ecole normale.
é
Le professeur de Géologie et de Minéralogie, M. Dieulafait, a
étudié, au point de vue de la carte géologique, l’arrondissement
de Castellanne, et continué les recherches qu’il poursuit depuis
. plusieurs années sur les relations de la formation jurassique et
de la formation crétacée.
Le professeur de Zoologie, M. Marion, a continué ses recher
ches sur les animaux invectibus du Golfe de Marseille. Il a pu
blié une description des crustacés parasites des Salpes et de
nouveaux détails sur les Nemerles. Il a étudié avec M. le doc
teur Bobretzky , de K iel, les annelides de nos côtes. Enfin il a
présenté à l’Académie de Belgique et à la Société géologique de
France divers mémoires de paléontologie végétale, rédigés en
collaboration avec le comte de Saporta.
Les professeurs de Chimie et de Botanique ont continué leurs
recherches, chacun dans la voie qu’ils se sont tracée depuis long
temps.
Quoique je me sois promis d’être bref sur nos travaux per
sonnels, je ne puis passer sous silence l’éminente distinction
dont notre Faculté vient d’être l’objet dans la personne de no
tre collègue, M. l’abbé Aousl. Chaque année, un concours est ou
vert à Paris entre tous les membres des sociétés savantes ; les
concurrents sont nombreux, les récompenses au contraire sont
accordées avec une parcémonie qui en double la valeur. La
plus élevée et la plus enviée de ces récompenses , une médaille
d’or, a été accordée à M. l’abbé Aoust, lors du dernier con
cours: ce prix exceptionnel était bien dû à une longue suite de
travaux que l’auteur avait poursuivis pendant plusieurs années
avec autant de persévérance que de talent et au sujet desquels
les amis des sciences espèrent bien qu'il n’a pas dit son dernier
mot.
ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES
Laboratoire d’enseignement et de recherches poor les Sciences Physiques
et pour les Sciences Naturelles; sous la direction de M. Favre
et de M. Marion
Les laboratoires d’enseignement, pour les sciences,physiques
ont pour objet de préparer, pour le service de nos grands éta
blissements industriels, des chimistes capables et sérieusement
instruits. Ces laboratoires, ainsi que les laboratoires d’enseigne
ment pour les sciences naturelles, ont aussi pour objet de com
pléter l’éducation scientifique des jeunes expérimentateurs qui
veulent consacrer leur vie à la science pure. Ceux-ci, une fois
formés aux pratiques expérimentales, entrent dans les labora
toires de recherches et trouvent en livres, en collections, en
produits et en instruments, toutes les ressources nécessaires
pour aborder les questions d'un ordre élevé, pour les appro
fondir et se mettre ainsi en mesure de produire des travaux
personnels capables de faire avancer la science ou, du moins,
d’apporter des lumières nouvelles dans les questions qui n’ont
pas encore été complètement élucidées.
Ces précieux laboratoires, fondés depuis plusieurs années,
n’ont pas obtenu jusqu’à présent tout le développement auquel
ils sont certainement appelés ; cependant, ils ont déjà servi à la
�— 58 —
réalisation de travaux importants et variés; des jeunes gens d’a
venir y ont fait avec honneur leurs premières armes, et, parmi
ceux qui les fréquentent aujourd’hui avec le plus d’assiduité et
de succès, je suis heureux de citer les noms de MM. Roche,
Vaillant et Morges pour les sciences physiques, et de MM. Catta,
Jourdan et Vayssière, pour les sciences naturelles. Qu’ils reçoi
vent nos félicitations pour les résultats obtenus, nos encourage
ments pour la suite de leurs travaux et nos vœux pour la com
plète réalisation des espérances que donnent leurs débuts dans
la carrière. Qu’ils nous permettent en même temps de leur
adresser quelques avis et quelques conseils.
Je dois être bref; c’est pourquoi, afin de résumer et de for
muler de suite ma pensée, je commencerai par rappeler un des
sages aphorismes que le philosophe Bacon se plaisait à répéter
et à commenter dans ses écrits : « L’homme, disait-il, est le
ministre et l’interprète de la nature. » « Homo naturœ minister et interpres. »
L’homme est un ministre de la nature, par conséquent il doit
obéir ; il a devant lui des lois qu’il n’a pas faites et qu’il ne peut
modifier ; par conséquent, il doit agir comme un serviteur do
cile, et ce n’est qu’en obéissant qu’il arrivera à recueillir à son
tour sa part légitime d’autorité. Mais ce serviteur n’est pas un
esclave ni un instrument aveugle ; l'homme est en même temps
un interprète, il a donc le droit et le devoir d’interroger la na
ture, de chercher, sous l’enveloppe extérieure des phénomènes,
les lois et les idées qui y sont renfermées et d’arriver ainsi à la
connaissance des causes et des principes qui permettront en
suite de tout expliquer.
Pour arriver à la découverte de la vérité, le savant est obligé
de procéder comme le juge d’instruction chargé d’instruire une
cause et de faire une enquête. Il procède par tâtonnement et,
pour se guider dans ses recherches, il est obligé de faire d’a-
— 59 bord des hypothèses et de partir de certaines idées préconçues
qui sont comme une sorte d’intuition nécessaire des vérités fon
damentales.
Ces idées préconçues sont indispensables au chercheur ; sans
elles, il ne pourrait sortir du cercle étroit des faits matériels et
serait incapable de s’élever à des notions générales. Mais, en
même temps, ces idées présentent des dangers très sérieux, à
moins qu’elles ne soient incessamment et sévèrement contrô
lées. J ’ajouterai que l’idée théorique doit être contrôlée d’au
tant plus sévèrement quelle nous plaît davantage et quelle
s’impose plus étroitement à notre esprit ; sans cette précaution,
l’idée théorique passerait à l’état d’idée fixe ou de manie et tout
serait perdu.
De là une nécessité sur laquelle j’attire tout particulièrement
l’attention de nos jeunes et chers collaborateurs : la nécessité
d’une sincérité entière, absolue, dans leurs expériences. Je
comparais tout à l’heure le savant à un juge d’instruction; je
comparerai maintenant l’expérimentateur à un de ces témoins
qui doivent déposer sous la foi du serment et qui jurent de dire
la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. De même l’expéri
mentateur est moralement et rigoureusement tenu, sur l’hon
neur, de dire ce qu’il a vu, et rien que ce qu’il a vu. 11 doit en
outre se mettre en garde contre le danger de ne pas se montrer
assez sévère avec l’expérience et de lui demander trop volon
tiers, pour continuer ma comparaison judiciaire, des services et
non des arrêts.
Il est triste, sans doute, et nous le savons trop bien par notre
propre expérience personnelle, de voir s’évanouir brusquement
une conception théorique à laquelle on s’était vivement attaché;
mais, sachez-lebien, alors même que l’expérience viendrait rui
ner sans retour les idées qui vous sont les plus chères, il faut
en prendre résolument son parti. Et, d’ailleurs, gardez-vous de
�tout découragement, car si vous vous appliquez, dans un vérita
ble esprit de soumission, à interpréter fidèlement ces mêmes ex
périences qui ont ruiné vos illusions et vos rêves, vous y trouve
rez presque toujours le point de départ d’une conception nou
velle bien préférable à celle qu’il vous a fallu abandonner, et
d’une conception réellement féconde, puisqu’elle sera cette fois
l’expression exacte de la vérité.
Ne craignez donc pas d’être audacieux, je dirai même témé
raires, dans vos conceptions théoriques ; mais à une condition
toutefois, c’est d’être d’autant plus dociles et soumis aux ensei
gnements de l’expérience que vos conceptions seront plus har
dies.
Encore un mot, en terminant, mes jeunes collaborateurs et
amis; il concerne votre caractère et votre dignité personnelle.
Si vous vous sentez quelque valeur, si vous aimez la science, si
vous ambitionnez de la servir un jour utilement et même avec
éclat, faites vous les disciples des hommes vraiment supérieurs
et recherchez leur société toutes les fois que cela vous sera pos
sible. Peut-être avancerez-vous ainsi d’un pas moins rapide
dans la voie des honneurs et des faveurs, mais c’est seulement
sous le patronnage de ces hommes que votre dignité se sentira
à l’aise et que votre esprit rencontrera les meilleures inspira
tions. Un jour viendra où vous mêmes, plus avancés dans la
carrière, vous aurez à exercer le même patronnage à l’égard de
ceux qui seront appelés à vous succéder. A votre tour, vous
aurez à guider leurs premiers pas et vous aurez d’abord à les
choisir. Uniquement préoccupés de l’intérêt et de l’honneur de
la science, vous rechercherez avec un soin scrupuleux ceux qui
vous paraîtront les plus dignes pour les faire grandir à vos cô
tés, et, parce que vous aurez toujours aimé la science pour ellemême, parce que vous aurez toujours obéi à des sentiments gé
néreux, vous serez avec bonheur les témoins de leurs premiers
succès, toujours prêts à les protéger et à les défendre contre la
malveillance, l’indifférence ou l’oubli. Loin de vous trouver
amoindris ou éclipsés par l’éclat de ces astres naissants, vous
vous sentirez en quelque sorte renaître dans une nouvelle géné
ration. Là où la médiocrité provoque et ne recueille, de part et
d’autre, que la méfiance ou l’envie, la véritable supériorité ins
pire la confiance et recueille la reconnaissance. 11 y a là, en ef
fet, permettez-moi de le dire, comme une manifestation et un
épanouissement du sentiment paternel. Un père revit joyeux et
plein d’espérance dans ses enfants; de même l’homme de
science renaît et se dilate en quelque sorte dans ses disciples.
Aucun spectacle, en effet, soyez-en bien convaincu, ne nous
touche et ne nous émeut davantage que celui du labeur cons
ciencieux et incessant de la jeune génération qui est appelée à
nous succéder et qui doit continuer notre œuvre , comme nous
avons continué celle de nos devanciers. Rien n’est plus propre
aussi à ranim er notre joie et nos espérances et à ramener dans
notre ciel, souvent bien décoloré, quelques-uns de ces beaux
rayons pleins de chaleur et de vie, qui y ont brillé autrefois, et
qui, après nous avoir fortifiés et soutenus dans les sentiers dif
ficiles et ardus de notre jeunesse, nous échauffent encore au
jourd’hui, nous raniment par une sorte de reflet lointain et em
pêchent, à l’heure du découragement, nos forces de défaillir.
�— 63 —
Enseignem ent
RAPPORT DE M. RONAFOUS
d o y e n
de
la
f a c u l t é
d e s
l e t t r e s
M onseigneur ,
M onsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Les professeurs de la Faculté des Lettres ont une double
mission à remplir. Comme professeurs, il soutiennent et relè
vent le niveau de l’enseignement supérieur ; comme juges dans
les examens, ils veillent à la discipline et donnent une sanction
aux études des classes supérieures dans l’enseignement secon
daire. Mon rapport se trouve donc naturellement divisé en deux
parties, l’enseignement et la collation des grades.
Les cours ont été régulièrement faits, et le nombre des audi
teurs a été aussi grand que dans les années précédentes. Cepen
dant les leçons de littérature étrangère ont été interrompues,
dès le mois de mars, par la nomination du titulaire aux fonc
tions de suppléant de la chaire de poésie latine à la Faculté des
Lettres de Paris, récompense bien méritée des services éminents
que M. Benoist a rendus à la philologie latine. Nous espérons
que M. le Ministre ne tardera pas à pourvoir à son remplace
ment. Le cours de littérature ancienne a été forcément suspen
du pendant quelque temps par la maladie du professeur titu
laire ; mais les leçons vont être reprises au commencement de
l’année classique.
Le professeur de philosophie a continué cette année l’his
toire de la philosophie morale et politique au xvme siècle. La
philosophie du xvm e siècle a voulu faire deux grandes choses :
déterminer par l’observation de la nature humaine la véritable
origine des distinctions morales, la source du droit et du de
voir ; et en même temps faire prévaloir dans le gouvernement
des sociétés une conception' nouvelle du droit, des idées plus
hautes et plus larges de liberté, de justice et d’humanité. L’an
née précédente, le professeur s’était placé au premier de ces
deux points de vue ; cette année, il a insisté sur le second, en
exposant les doctrines de Montesquieu, de Rousseau et de Kant.
Montesquieu s’est attaché surtout à déterminer les conditions de
la liberté ; Rousseau celles de l’égalité ; Kant a réuni ces deux
principes dans sa célèbre définition du droit : le droit est l’en
semble des conditions qui permettent à la liberté de chacun de
«
�— 64 —
s’accorder avec la liberté de tous suivant une loi universelle.
Mais en même temps qu’il fonde ainsi sur des bases solides la
science du droit naturel, en la séparant de la science de la vertu,
Kant a voulu donner dans sa critique de la raison pratique une
solution rigoureuse des questions agitées par ses contemporains
sur l’origine des distinctions morales. Le professeur a discuté
aussi cette théorie de l’impératif catégorique, et cherché à dé
couvrir ce qu’elle contient de vrai et de faux.
Il étudiera pendant l’année qui va commencer l’histoire de la
philosophie grecque.
Le professeur d’histoire continuera ses études sur les révo
lutions politiques du xvm e siècle. Il aborde désormais les grands
événements qui donnent à cette époque son caractère propre, et
s’imposent aujourd’hui plus que jamais non seulement à l’at
tention de l’historien, mais aux méditations anxieuses du pa
triote. Il traitera des guerres de la succession d’Autriche et de
sept ans, qui em brassent, avec l’Europe , les colonies de l’Inde
et de l’Amérique, bouleversent les traditions et les alliances,
heurtent et mêlent en tout sens les intérêts , font époque dans
l’art militaire, donnent un fort relief aux caractères et aux ta
lents, et chargent l’histoire d’une masse de faits considérable.
Le professeur réserve pour l’année suivante la suite de la politi
que générale jusqu’à la Révolution française, qui, là, comme en
tant d’autres choses, rompt avec le passé et commence une ère
nouvelle.
Le professeur de littérature française s’est occupé cette année
des lettres de Mme de Sévigné. Cette correspondance permet
d’abord d’étudier dans une suite de véritables chefs-d’œuvre
toutes les difficultés et aussi toutes les délicatesses du style épistolaire, l’art de relever les plus petits détails par la grâce de
l’expression, de descendre au ton familier sans jamais tomber
dans la trivialité, et, quand il faut exprimer une grande pensée,
- 6b
représenter une situation grave, de s’élever à l’éloquence sans
emphase et sans effort. Mais là ne se bornent pas les mérites de
cette correspondance. Elle nous indique en même temps quelle
était alors l’éducation des femmes distinguées ; comment elles
savaient, au moins les plus spirituelles, éviter le pédantisme,
tout en connaissant plusieurs langues, en lisant, non seulement
les poètes italiens, mais Virgile et Tacite, peut-être même en
latin, et surtout sans négliger aucun des chefs-d’œuvre que
produisait alors le génie français. C’est ainsi que Mme de Sévigné
nous introduit successivement auprès de Pascal et des Jansénis
tes, pour lesquels elle a un secret penchant, de Corneille qu’elle
préfère à Racine, de Bossuet, deBourdaloue et de La Fontaine.
En même temps elle nous fait connaître la cour du roi Louis
XIV, les belles fêtes et les victoires de ses premières années, ses
grands et ambitieux desseins exécutés par les Condé, les Turenne, les Luxembourg, préparés par les Lyonne, les Colbert
et les Louvois. Mais elle ne dissimule pas non plus ce que coû
tent ces succès. Mêlée aux luttes que soutiennent contre les
exigences des intendants la Provence et la Bretagne, elle nous
montre les villes ruinées, les parlements exilés, les assemblées
provinciales dissoutes, les émeutes punies par la roue et le gi
bet, toutes les misères qui accompagnent d’ordinaire les règnes
glorieux, et que l’histoire a trop souvent le tort d’oublier.
Enfin cette spirituelle et sensible personne, qui n’eut jamais
d’amour que pour sa fille, a connu toutes les douceurs et toutes
les fidélités de l’amitié. Ses lettres nous la montrent amie tou
jours dévouée de Fouquet et de Pompone, assidue avec Mme de
La Fayette, auprès du cardinal de Retz et de La Roche-Foucauld, sans se laisser effrayer, ni par la prison, ni par la soli
tude, ni par la disgrâce de ses amis ; et nous lui devons de pé
nétrer plus intimement dans cette société, supérieure en solidité
comme en éclat à tout ce que la France a vu depuis. Le xvin0
i
h
�-
66
—
siècle a trouvé en elle son plus brillant et son meilleur histo
rien.
Le professeur commencera cette année, par Ville-Hardoin et
Commiues, l’étude des mémoires sur l’histoire de France.
Le professeur de littérature ancienne, dans une série de leçons
trop tôt interrompue par la maladie, avait exposé les origines
du théâtre grec. Il s’appliquera, cette année, à l’étude d’Es
chyle, de Sophocle, d’Euripide et d’Aristophane. Dans les le
çons du mardi, consacrées à la philologie, il expliquera et com
mentera la Poétique d’Aristote.
Exam en»
— Vingt-quatre candidats se sont présentés, cette
année, aux examens de la Licence ès-Lettres, quinze dans la
session de novembre 1873, quatre dans la session supplémen
taire d’avril 1774, et cinq dans la session de juillet. Sur ce
nombre, quatorze ont échoué dans les épreuves écrites, un seul
dans les épreuves orales. Neuf ont été jugés dignes du grade,
sept dans la session de novembre 1873, et deux dans la session
de juillet 1874. M. le Recteur, dont l’administration vigilante
trouve le moyen de récompenser tous les mérites, a confié déjà
des postes honorables à la plupart de ceux qui sont sortis vain
queurs de cette lutte difficile. C’est un acte de justice de pro
clamer les noms des nouveaux licenciés avec les mentions qu’ils
ont obtenues. Ce sont, avec la mention bien, et par ordre de
mérite :
MM. Michel,
Drimaraki,
Castel.
Licence.
— 67 Avec la mention assez-bien, et par ordre de mérite aussi :
MM. Baculard,
D’Ombras,
Formentin,
Martin,
Moussard,
Bouvier.
— Le nombre des candidats qui se
sont présentés pour ce grade a été de 562 ; il s’en était pré
senté 573 l’année dernière : diminution 11. Mais cette diminu
tion a été largement compensée par les 121 candidats qui se
sont présentés pour la première partie du baccalauréat scindé.
Nous avons donc fait en tout 683 examens pour le grade de ba
chelier.
Sur les 562 examens du baccalauréat complet, 325 ont été
éliminés après les épreuves écrites, 44 après les épreuves ora
les : 193 ont été définitivement admis. 5 candidats ont obtenu
la mention bien, 32 la mention assez-bien et 156 la mention
passable. Il s’est présenté 7 candidats déjà pourvus du diplôme
de bachelier ès-sciences. Sur ce nombre, 3 ont échoué dans les
épreuves écrites, 4 ont été admis au nouveau grade qu’ils solli
citaient.
Baccalauréat complet.
— Cette première
partie du baccalauréat scindé a eu une meilleure fortune que le
baccalauréat complet. Sur les 121 candidats qui s’y sont pré
sentés, 59 ont été éliminés après les épreuves écrites, 16 ont
échoué aux épreuves orales, 46 ont été admis définitivement,
dont 14 avec la mention assez-bien. C’est la proportion de
Baccalauréat scindé, première partie.
�38 7c, tandis que, dans le baccalauréat complet, la proportion
n’a été que de 34 °/0.
L’institution du baccalauréat scindé est trop récente pour
qu’on puisse encore la juger. Nous pourrons, l’année prochai
ne, l’apprécier avec plus d’autorité. En attendant, nous conti
nuons d’une manière consciencieuse cette expérience d’une
tentative nonvelle. Qu’il nous soit permis cependant d’émettre
encore le vœu d’une nouvelle réforme, qui serait la plus nou
velle et la plus inattendue de toutes; elle consisterait à ne rien
innover pendant cinq ans au mois.
RAPPORT DE M. SEUX
D IR E C T E U R
UE
MÉDECINE
L’ÉCOLE PR EPA RA TO IRE DE
ET
DE
PHARMACIE
M onseigneur ,
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Depuis la séance solennelle de rentrée de l’an dernier, deux
faits importants se sont produits daus notre circonscription
Académique ; l’un, heureux, l’autre, malheureux.
Le premier est la nomination de M. Zévort, comme Recteur
de l’Académie d’Aix ; oui, Messieurs, cette nomination est un
événement heureux pour nous 1 le passé de M. Zévort nous en
�— 70 —
donne la certitude. Que notre honorable et distingué Chef
veuille bien recevoir ici, avec les hommages des professeurs de
l’Ecole de Médecine, l’assurance que tous sont disposés à le se
conder de leur zèle le plus actif dans l’accomplissement de son
œuvre et dans ses projets de perfectionnement I
Le fait malheureux est la perte que l’Ecole a faite dans la
personne de son Directeur. Messieurs, lorsqu’une institution
perd son chef, le premier devoir de celui qui est appelé à lui
succéder est de rendre hommage à sa mémoire. Ce devoir de
vient un besoin lorsque ce chef était un ami des anciens jours.
Dans une autre circonstance, j’ai donné à M. le directeur Coste
le juste tribut d’éloges qu’il méritait ; aujourd’hui, plus que ja
mais, dans cette réunion solennelle, où à la place que j’occupe,
M. Coste portait depuis si longtemps la parole au nom de l’Ecole
de Médecine ; je me sens entraîné malgré moi par ce besoin de
vous parler de lui.
Je ne veux pas vous faire la biographie de celui dont nous
regrettons la perte récente, ce n’est pas le moment; je ne puis
toutefois m’empêcher de donner à sa mémoire un témoignage
public de la douleur dont sa mort a été l’occasion tant pour les
maîtres que pour les élèves.
Coste, en effet, a été un excellent professeur de clinique chi
rurgicale ; il avait le soin de choisir pour sujet habituel de ses
leçons, les cas que le chirurgien est appelé à rencontrer le plus
souvent dans la pratique ; ces sujets, il les traitait en maître
consommé, il les analysait avec une grande précision, il ne lais
sait aucun détail, la médecine pratique est toute dans les dé
tails. On a reproché à Coste de revenir souvent sur les mêmes
questions dans son enseignement ; c’était là justement son mé
rite, parce que les sujets qu’il traitait étant fort bien choisis,
l’élève qui l’avait suivi assidûment, connaissait à fond à la fin
de l’année scolaiie, le côté pratique des maladies chirurgicales
— 71
les plus fréquentes. Je ne veux pas dire que Coste reculât de
vant le côté scientifique des questions, bien loin de là, il savait
l’aborder à propos et le discuter savamment lorsqu’il le jugeait
nécessaire ; je ne veux pas dire non plus qu’il évitât l’étude des
questions difficiles, celle des maladies rares ou obscures, au
contraire, il s’y livrait avec talent et surtout avec une grande
prudence pratique, lorsque l’occasion s’en présentait. Coste a
surtout excellé dans l’art difficile de pratiquer une opération
quelque entourée de difficultés qu’elle fût, lutô, cità et jucundè, comme le disaient les"anciens; il avait aussi le soin de
n’en laisser échapper aucun détail à ceux qui l’entouraient.
Coste a été un habile vulgarisateur, il a fait de très bons élèves.
Si on le considère comme Directeur, il suffit de se rappeler
ce qu’était l’Ecole au moment où il est entré en fonctions, de
comparer le passé au présent, pour acquérir la certitude qu’il a
rendu des services réels. Sans doute il reste beaucoup à faire,
Coste ne l’ignorait pas ; s’il n’a pu compléter l’œuvre qu’il pa
raissait appelé à terminer, ce n’est pas lui qu’il faut accuser, il
ne faut même accuser personne, ce sont particulièrement les
malheurs que la France a dû subir, c’est la difficulté des temps
que nous avons eu à traverser qui ont été en grande partie
cause des retards que notre institution a éprouvés dans sa mar
che. Cette marche, comme j’aurai l’honneur de le démontrer,
n’en est pas moins progressivement ascendante. Un détail que
je ne dois pas passer sous silence, c’est qu’un des derniers actes
administratifs de Coste a été d’obtenir de la municipalité dont il
faisait partie, npn seulement le second étage de l'édifice que
l’Ecole occupe aujourd’hui, mais encore une somme importante
pour l’installation définitive de tous les services.
Mon honorable prédécesseur a toujours été l’homme du de
voir, c’est une justice à lui rendre ; il a droit à tous nos regrets;
�____
— 72 —
je suis sûr, Messieurs, que tous vous unissez les vôtres aux miens
dans cette manifestation solennelle.
Pour moi, ma tâche est toute tracée; compléter, perfection'
ner l’œuvre de mon prédécesseur, tel doit être mon but ; veuil
lez bien croire que j’y emploirai toute mon activité. J ’ai tout
lieu d’espérer qu’avec le concours éclairé de M. le Préfet du dé
partement, celui du premier magistrat de la ville et de son Con
seil, le bienveillant et intelligent appui de M. le Recteur, avec
le zèle et les sympathiques efforts de mes honorables collègues,
l’Ecole atteindra cette apogée à laquelle Coste avait toujours
aspiré I
Du reste, Messieurs, les chiffres suivants vous prouveront que
les vœux de notre ancien Directeur étaient en voie de se réali
ser. En effet, durant la période des cinq ans qui se terminent
aujourd’hui, le nombre des inscriptions prises à notre Ecole
s’est accru d’une manière sensible. 514, pour l’année scolaire
1869-1870; 506, pour 1870-1871 ; 575, pour 4 8 7 M 8 7 2 ;
645, pour 1872-1873; 685, pour 1873-1874. L’année qui
vient de se terminer nous donne 171 inscriptions de plus, qUe
1869-1870, et les 685 inscriptions représentent un \0[A\ de
171 élèves. Ce chiffre est assurément très convenabi d . cepen_
dant, il est, à mon avis, en dessous de ce qu’il de’ /rap. gtre
Avec les nombreuses ressources que nous ' Jq-re ^ arseiue au
point de vue pratique : cliniques, anatomie ^ chimie> le nombre
des élèves doit s élever au double dans a üe]qUes années.
Permettez-moi de vous diie en qu d]ques mo^s ce qU’ü nous
faudrait pour arriver à cet objecti ^ qUe nous ne devons jamais
perdre de vue; cest, dune P art, l’a'agmentation du nombre
des chaires ; d au tre part, 1 a concessi on du plein exercice.
Déjà grâce à la libéralité, du Conseil Municipal que nous
prions de vouloir’ bien agréer nos rem ercîm ents, plusieurs
chaires ont été créées naguère,, entre autres celle de médecine
opératoire. Toutefois, ces créations ont besoin d’être complé
tées ; ainsi l’Ecole ne peut se passer d’un cours d’histoire na
turelle médicale, d’une clinique d’accouchements; un cours
d’hygiène et de médecine légale serait de toute convenance dans
une ville maritime de l'étendue et de l’importance de Marseille.
Le nombre des professeurs suppléants devrait aussi être beau
coup augmenté ; pourquoi n’y aurait-il pas un suppléant par
chaire ? On aurait ainsi une pépinière de jeunes professeurs
brisés à l’enseignement dans leur spécialité.
Evidemment l’importance d’une école se juge par le nombre
des jeunes gens qui viennent y puiser l’instruction. Eh bien
élargissons les limites de l’enseignement et nous serons obligés
d’élargir les limites de nos amphithéâtres. D’un autre côté, plus
le nombre des élèves grandira, plus la dépense au budget mu
nicipal diminuera, les inscriptions et les examens venant enri
chir la caisse de la ville, il y a donc toute espèce d’intérêts à
créer de nouvelles chaires, toute espèce d’avantages à grouper
autour de nous de nombreux suppléants, ce serait d’ailleurs le
moyen le plus efficace de pousser au travail plus sérieusement
que jamais les jeunes médecins auxquels le concours ouvrirait
une voie digne, noble et fertile. Que nos jeunes confrères en
core étrangers à l’Ecole sachent bien que nous sommes disposés
à leur offrir une hospitalité généreuse I Qu’ils viennent dans
nos amphithéâtres se livrer à des recherches utiles pour euxmêmes et peut-être pour la Science, ils seront les bien-venus
Qu’ils soient surtout bien persuadés que tout n’est pas fini
lorsqu’on a obtenu son diplôme.
Durant l’année scolaire qui vient de s’écouler, les cours ont
été faits d’une manière très régulière et suivis assidûment par
de nombreux élèves. Mes honorables collègues se sont acquittés
de leurs fonctions avec leur zèle et leur talent habituels. Non
seulement les programmes ont été remplis, mais des leçons sup-
�- 74 —
plémentaires ont été données durant les deux semestres. Ainsi,
pendant l’hiver, comme par le passé, sous l’habile direction de
M. le professeur Ram pai, secondé par M. le chef des travaux
anatomiques, six leçons par semaine ont été consacrées à l’ana
tomie. Durant le même semestre uu des professeurs suppléants,
M. Seux fils, a fait un cours d’hygiène. Pendant l’été, un cer
tain nombre de leçons supplémentaires a été donné pour la
matière médicale par le même professeur suppléant qui est spé
cialement attaché à cette section ; la médecine opératoire a été
enseignée dans les mêmes conditions par M. Demeules, alors
suppléant de chirurgie.
A ce propos, je suis heureux d’annoncer que Messieurs les
professeurs suppléants se préparent à traiter cette année quel
ques sujets spéciaux ; au nom de l’Ecole, je leur adresse mes
plus sincères félicitations ! On ne saurait, en effet, trop encou
rager de pareilles dispositions qui doivent tourner évidemment
au grand avantage de l’enseignement.
Que MM. Chapplain, Combalat et Demeules, le premier pro
fesseur de clinique externe en remplacement de M. Coste, le
second nommé professeur titulaire de la chaire de médecine
opératoire nouvellement créée, le troisième professeur adjoint
de clinique chirurgicale, veuillent bien agréer mes félicitations!
L’Ecole sait qu’elle peut compter sur eux, leur passé dans l’en
seignement est une garantie sérieuse pour l’avenir.
Je me fais un plaisir de signaler l’esprit vraiment scientifique
qui tend chaque année à s’introduire de plus en plus dans l’en
seignement de l’Ecole de Marseille, tant pour les maîtres que
pour les élèves. Le journal de médecine le Marseille Médical
peut revendiquer une partie de cette heureuse impulsion ; un
journal est indispensable pour développer et entretenir l’esprit
scientifique. Ce but a été d’autant mieux atteint que le Mar
seille Médical, sous la généreuse initiative d’un de ses adminis-
- 75 trateurs, a fondé un prix pour l’élève qui, durant l’année, four
nirait au journal le meilleur travail. Substituer l’observation
sévère et précise des faits aux vaines théories ; se servir à pro
pos de tous les moyens que la physique et la chimie ont mis à
la disposition du médecin, toutefois sans en exagérer l’impor
tance, telles sont les tendances de l’enseignement actuel à Mar
seille. L’anatomie et la physiologie pour base, la clinique et
définitivement la thérapeutique pour but, telle doit être la voie
dans laquelle doivent s’engager courageusement les élèves.
Qu’ils veuillent bien comprendre surtout, relativement aux étu
des anatomiques, que sans les dissections personnelles, il est im
possible de connaître l’anatomie, il est de toute impossibilité de
devenir chirurgien habile. Marseille , au point de vue des dis
sections, offre des facilités qu’on ne rencontre nulle part, pro
fitez donc, jeunes gens, de ces facilités que vous vous prendrez
bien certainement à regretter un jour si vous laissez passer les
occasions qui vont se présenter à vous à chaque instant dans le
semestre qui commence. N’oubliez pas que les règlements qui
régissent maîtres et élèves, chacun dans sa sphère d’action, ont
rendu les dissections obligatoires pour vous, au point de faire
perdre son inscription à celui qui les néglige ! Croyez bien sur
tout que cette sévérité du règlement est la preuve la plus évi
dente de l’importance qui doit être attachée à cette étude di
recte de l’anatomie. Si vous vous pénétrez bien de cette idée
que vous ne saurez jamais que ce que vous aurez vu de vos
yeux, touché de vos doigts, entendu de vos oreilles, vous suivrez
dès aujourd’hui cette voie de l’observation personnelle dans la
quelle vos maîtres seront toujours heureux de vous guider ; ils
rempliront leurs devoirs avec dignité et persévérance, imitezlez, vous n’aurez jamais à vous en repentir I
Je ne saurais trop vous recommander tout ce qui est prati
que, tout ce qui s’acquiert par l’observation patiente ; c’est ainsi
�76
qu’au moment voulu, vous devrez vous exercer à des dissections
d’un autre genre qui portent les unes le nom de manipulations
chimiques, les autres le nom d’herborisation. Le laboratoire
dans lequel vous pourrez être admis gratuitement cette année,
au moyen d’un concours spécial, servira aux premières ; un
prix pourra être accordé au plus digne ; le jardin botanique et.
des courses dans notre territoire serviront aux secondes. Grâce
à l’habile direction de M. le professeur de botanique de la Fa
culté des Sciences, le jardin d’études a reçu de notables amélio
rations, il contient en ce moment 400 plantes environ, le chif
fre de 800 sera peu à peu atteint. Je saisis avec empressement
l’occasion qui se présente aujourd’hui, pour prier M. le profes
seur Derbès de vouloir bien agréer les remercîments de l’Ecole,
à laquelle, avec le plus grand dévouement, il ne cesse de prêter
son concours bienveillant et éclairé.
Gomme de coutume, les examens de fin d’année ont eu lieu
dans les premiers jours du mois d’août ; 126 élèves étaient ins
crits pour ces examens ; 100 étudiants en médecine, 26 en
pharmacie ; 11 ne se sont pas présentés.
La mention très-bien a été accordée deux fois ; la mention
bien, quinze fois ; la mention assez-bien, quarante cinq fois ;
la mention médiocre, trente-quatre fois, 19 élèves ont été
ajournés.
Ceux qui n’avaient pas été admis au mois d’août ont été exa
minés les 12 et 14 novembre. 20 élèves se sont présentés; sur
ce nombre 14 ont été admis, 6 ajournés de nouveau. Ces der
niers, d’après l’arrêté du 20 juillet 1868, sont ajournés à la fin
de l’année scolaire et ne peuvent prendre aucune inscription
pendant tout le cours de cette année.
Des prix sont accordés annuellement aux élèves qui se sont
fait remarquer par leur assiduité aux leçons, leurs réponses
pendant l’année et les notes obtenues aux examens du mois
d’août ; de plus une question écrite est exigée de ceux qui ont
obtenu les mentions très-bien et bien. Depuis plusieurs années,
cette dernière épreuve a été jugée par l’Ecole indispensable au
classement des élèves pour les prix. Ce concours entre les meil
leurs élèves est obligatoire et réglementaire; les élèves qui s’abs
tiennent perdent tous leurs droits aux prix. C’est par cette rai
son qu’il n’y aura pas aujourd’hui de prix pour les élèves de
troisième année, ces jeunes gens ayant cru pouvoir s’abstenir
de l’épreuve écrite.
Les élèves de deuxième année, reconnaissant la supériorité
d’un de leurs condisciples, n’ont pas subi non plus cette épreu
ve; pour ne pas priver ce jeune homme d’une récompense qu’il
méritait sous tous les rapports, car seul parmi les élèves soit de
troisième, soit de deuxième année, il avait obtenu la mention
très-bien, l’Ecole usant, dans cette circonstance, d’une grande
indulgence, lui a décerné un prix.
C’est par l’application exacte du règlement que deux prix et
une mention honorable ont été accordés aux élèves de première
année, sur la proposition du jury d’examen dont M. le profes
seur Rampai était le rapporteur.
Les élèves en pharmacie ayant, comme ceux de médecine de
première année, subi toutes les épreuves réglementaires, ont
obtenu deux prix et trois mentions honorables.
La session des examens de réception des officiers de santé et
des sages-femmes, a été ouverte le 9 octobre, sous la présidence
de M. ©upré, professeur de la Faculté de Médecine de Mont
pellier, et close le 12.
Six candidats se sont présentés ; quatre pour les trois exa
mens ; un pour le second et le troisième ; un pour le troisième
seulement.
Il y a eu un ajournement au second examen, et un au troi
sième.
�— 78
Le diplôme n’a donc été obtenu que par quatre candidats.
Sur six sages-femmes, une a été ajournée.
La session des examens des candidats au titre de pharmacien
de deuxième classe et des herboristes, a commencé le 12 octo
bre, sous la présidence de M. Planchon, directeur de l’Ecole su
périeure de Montpellier, elle a été close le 20.
24 candidats se sont présentés au premier examen, deux ont
été ajournés, un ne s’est pas soumis aux autres épreuves.
21 ont subi le second examen, tous ont été adm is; sur ce
nombre cinq se sont retirés.
Pour le troisième examen, il y a eu 21 candidats sur le nom
bre desquels 5 n’avaient à subir que cet examen. Il n’y a pas eu
d’ajournement.
En somme 16 candidats seulement sur 24 ont subi avec suc
cès toutes les épreuves.
Pendant bien des années, les examens de fin d’études ont eu
lieu en grande partie à la Faculté des Sciences qui nous offrait
gracieusement l’hospitalité; la pauvreté de notre installation ne
nous permettait aucune épreuve pratique pour les élèves en
pharmacie. Depuis deux ans l’intelligente organisation de nos
laboratoires de chimie et de pharmacie nous a permis de passer
tous nos actes dans les bâtiments de l’Ecole.
Il est certainement à regretter que quelques services impor
tants, tels que la bibliothèque, la salle d’études, le cabinet de
micrographie et celui de physiologie, ne puissent pas encore
fonctionner ; mais il n’est pas douteux, pour moi, que, dans un
avenir très prochain, grâce aux dispositions bienveillantes delà
Municipalité et à son dernier vote budgétaire, non seulement
tous ces services fonctionneront, mais que l’édifice, qui ne doit
plus porter aujourd’hui que le nom d’Ecole de Médecine et de
- 79 Pharmacie, laissera peu à désirer tant sous le rapport scientifi
que, que sous celui du bon goût, qui, à mon avis, doit régner
en toute chose.
Omne talit punctum, qui miscuit utile dulci.
H o rac e ,
Art poétique,
PRIX
D é c e r n é s aux; É l è v e s de l ’É c o le de M éd ecin e et de
P h a r m a c i e de M a r s e ille
Année scolaire 1873-1874
É L È V E S EN MÉDECINE
3me Année
Point de Prix.
Mention honorable : MM. Garibal, Raynaud , Albertini,
Manuel, Gibaud.
2me Année
Prix unique : M. Rouvier.
Mention honorable : M. Guillaume.
/ re Année
1er Prix : M. Catta.
2me Prix : M. Bonnaud.
Mention honorable : M. d’Astros.
É L È V E S EN PHARMACIE
1er Prix:
2me Prix :
1re Mention honorable :
2me Mention honorable :
M. Massie.
M. Sinoncelli.
MM. Rémusat et Caire Eugène.
M. Caire Victor.
�—
R A P P O R T D E M. B R Y
PROFESSEUR
AGRÉGÉ
A
LA
FACULTÉ
DE
DROIT
Sur les Concours de l'aDnée scolaire 1873-1 S74
M onsieur le R ecteur ,
M onseigneur
l,
Messieurs ,
Cette solennité qui permet à la Faculté de Droit de vous pré
senter tous les ans ses meilleurs élèves, offre toujours l’attrait
qui s’attache aux triomphes du travail et du devoir accompli.
La situation de l’heure présente y ajoute encore plus d’intérêt
et plus de grandeur. Ceux qui se pressent autour de nous avec
une sympathie qui nous honore et nous encourage, viennent
juger par eux-mêmes si les disciples ont répondu aux efforts
i Mgr Place, évêque de Marseille.
81
—
des maîtres. Ils veulent tirer de ces luttes modestes d’heureux
présages et voir dans ces triomphes d’une jeunesse active et la
borieuse, comme le pressentiment de victoires plus grandes en
core, lorsque, au sortir de cette Ecole, elle viendra mettre au
service de la société son ardeur pour le bien, et la persévérance
de son travail.
Ces concours, dont je dois vous rendre compte, grâce au
choix bienveillant de mes collègues, ont un avantage précieux
que n’offrent pas les examens qui terminent chaque année d’é
tude. Ils nous permettent de saisir dans ces compositions écri
tes en quelques heures de nombreuses qualités qui ne peuvent
pas se faire jour à travers de rapides interrogations. Là, en ef
fet, l’esprit juridique se déploie, la méthode s’accuse, la pensée
revêt une forme, et déjà la Faculté peut compter sûrement les
hommes dont le talent se fortifiera et prendra dans l’avenir un
nouveau développement. Aussi, elle est vraiment heureuse quand
elle peut prodiguer les couronnes aux combattants qui sont ve
nus les disputer ; mais vous allez voir que si l’année qui vient
de finir peut se placer avec honneur à la suite des précédentes,
elle laissera toujours une large voie ouverte à [nos désirs et à
nos espérances.
Les élèves de première année devaient se trouver attirés par
le sujet que le sort leur avait désigné : des nullités du mariage
en droit français. On les mettait, dès leur premier combat, en
présence d’une question touchant aux plus graves intérêts de la
société, à des principes juridiques difiiciles et importants, sur
un vaste terrain où nos jeunes jurisconsultes n’avaient pas à
craindre la sécheresse des développements.
Dix concurrents se sont présentés et, sur ce nombre, six ont
mérité les récompenses dont la Faculté dispose. En première li
gne, se détachent deux compositions également complètes et
�exactes, précises et nettement rédigées; mais l’une d’elles se
distingue par une méthode qui permet de mieux saisir toutes
les idées qui se rattachent à la matière. Dans chaque partie du
sujet, la pensée se dessine avec la même clarté, et Ion ne perd
pas de vue un seul instant le plan que l’auteur s’est tracé dès le
principe. Cette composition est l’œuvre de M. Arthur Chausse,
auquel la Faculté décerne le premier prix.
Son adversaire, M. Emmanuel Martin, le suivait de près.
Une exposition plus facile, un style plus élégant, lui aurait
peut-être assuré la première place, s’il eût pu joindre à ces
qualités la méthode sûre et logique du premier, et s’il n’eût pas
débuté par un de ces exordes quelque peu emphatiques, aux
quels se laissent si facilement entraîner les jeunes écrivains.
Des mérites différents ont fait placer au troisième rang les
compositions de MM. Gaston Beinet et Mavrodin. L’une abonde
en développements ; mais quelques erreurs assez graves se sont
glissées au milieu des nombreux détails qui montrent chez l’au
teur un travail sérieux. La Faculté retrouve avec M. Beinet un
nom qui a souvent retenti dans cette enceinte : elle n’a pas ou
blié les succès remportés autrefois par le frère aîné, et notre
jeune lauréat, en suivant la voie glorieuse qui lui est tracée, se
fera un honneur de raviver chaque année, par une nouvelle
couronne, nos joies et nos souvenirs.
Quant à M. Mavrodin, il nous a montré dans sa composition
des qualités qui s’affermiront de plus en plus, à mesure qu’il se
familiarisera davantage avec la langue française. Une méthode
fermement suivie, une doctrine toujours sûre nous révèle une
grande aptitude pour la science du Droit ; mais il a fait plutôt
un long sommaire qu’une véritable dissertation. Il peut être
fier de ce premier succès; avec du travail et de la persévérance,
il sera un émule redoutable pour ceux qui l’ont devancé.
M. Mavrodin appartient à cette jeunesse Roumaine qui n’a ja
mais manqué l’occasion de manifester à la France ses sympa
thies ; aussi nous ne serons jamais insensibles aux triomphes de
ceux qui la représentent avec tant d’honneur.
Là ne s’arrêtent point les récompenses pour la première an
née. Une deuxième mention est encore accordée à MM. Bermond et Voiron, dont les ouvrages moins complets et moins
exacts auraient pu aspirer à un rang plus élevé avec d’autres
concurrents.
Il faut espérer que les lauréats de première année ne se bor
neront pas à ce succès et que nous les retrouverons bientôt en
présence pour prendre part à de nouvelles luttes Nos jeunes
volontaires sentent parfois diminuer leur ardeur avec le temps,
et ne songent pas que le succès qui comme noblesse oblige, leur
fait un devoir de renouveler pour l’année suivante leur premier
engagement.
Vous allez voir cependant que les élèves de deuxième année
sont venus en assez grand nombre prendre part au concours.
Si, dans leur première année, ils n’avaient pu remporter que
deux prix ; la valeur de leurs compositions a permis cette fois à
la Faculté d’épuiser le nombre de ses récompenses. Le sujet
soumis à leur étude était un mode remarquable d’extinction des
obligations : la compensation légale.
Les deux lauréats du dernier coucours, MM. Eugène Achiardi
et Jules Bujeard, n’ont pas voulu perdre le rang qu’ils avaient
conquis, et nous les retrouvons encore les premiers parmi les
vainqueurs. Mais la différence qui séparait l’année dernière les
deux rivaux s’est effacée, et la commission se trouvait en pré
sence de deux compositions où les principes étaient mis en re
lief avec une clarté saisissante, où les moindres détails étaient
relevés par une analyse exacte et minutieuse qui faisait ressortir
tous les points importants pour former dans l’ensemble une
vaste et savante théorie. Et pourtant l’on découvrait de suite
�— 84 —
que ces deux compositions, ornées de qualités semblables,
étaient l’expression de deux natures bien différentes. Celle de
M. Acbiardi est grave et sérieuse ; il ne faut pas en perdre un
mot, sous peine de laisser échapper une de ces idées conçues
avec la précision d’un jurisconsulte ; celle de M. Bujeard a des
allures plus souples et plus gracieuses et sait emprunter à un
style toujours élégant le don de mettre un peu de charme dans
une matière froide et sévère. Si l’on était séduit par les grâces
de la seconde, on se sentait dominer par la gravité de la pre
mière. Aussi la Faculté, en décernant un premier prix ex œquo,
a voulu confondre dans un même triomphe deux adversaires
qui avaient si vaillamment combattu.
La composition qui obtient le second prix a montré que son
auteur M. Disdier était digne de se mesurer avec de tels adver
saires. Si les principes se dégagent avec moins de netteté, si les
mots ne répondent pas toujours exactement à la pensée que
l’auteur veut exprimer, son travail nous révèle du moins un es
prit auquel la science du droit est déjà familière. M. Disdier,
en développant par l’étude les nombreuses qualités dont il a fait
preuve, deviendra certainement un des meilleurs élèves dont la
Faculté puisse s’honorer.
Les compositions de MM. Reynaud et Boniboy, qui obtien
nent les première et deuxième mention, sont, déjà loin des pré
cédentes. L’une qui contient de longs développements, manque
parfois de précision; l’autre, au contraire, sobre et exact, ne
fait qu’indiquer bien des questions qui méritaient une étude
plus approfondie.
Les élèves de troisième année sont conviés à un double con
cours, où il viennent affirmer, au moment de quitter l’Ecole ou
avant de se livrer à des études plus complètes, les connaissances
qu’ils ont acquises dans les deux branches principales de l’en
seignement juridique. Ils devaient traiter, en Droit romain, du
J
dont il importait avant tout de bien détermi
ner la place au milieu de la théorie générale des contrats. Dans
un aperçu de quelques lignes,la composition qui obtient le pre
mier prix a eu l’habileté de nous faire assister au travail de la
législation et de 1?. science, dans cette matière si importante des
obligations. Puis son auteur prend à part le contrat litteris
pour en étudier les traits saillants et distinctifs. On trouve par
tout, uni à la conception du plan et à la justesse des raisonne
ments, un style vif et dégagé qui tient l’attention en éveil et
donne à la pensée une expression forte et lumineuse. Toutes
ces qualités réunies vous ont déjà fait reconnaître et proclamer
à l’avance un nom accoutumé au succès, celui de M. Edouard
Jourdan. Pour se maintenir à la hauteur où l’ont placé trois
fortes années d’études, M. Jourdan n’a pas besoin des exhorta
tions de l’Ecole; il trouve dans sa famille, à côté des conseils
qui dirigent et de l’affection qui encourage, ce qui vaut mieux
encore, l’exemple, qui est la plus belle et la plus éloquente des
leçons.
J ’aurai fait un bel éloge de la composition qui obtient le se
cond rang en disant qu’elle se rapproche de la première, l’égale
même par l’ampleur de l’exposition et l’abondance des déve
loppements , mais quelques longueurs et une forme moins cor
recte et moins précise ont aussitôt marqué son infériorité. Son
auteur est M. Muscat, dont nous allons retrouver le nom dans
un autre concours.
Une dissertation moins complète, mais qui présente une cer
taine originalité et une connaissance suffisante des principes,
vaut une première mention très honorable à son auteur M. Mohamed-Mounib, l’un des élèves les plus distingués de cette colo
nie Egyptienne, dont quelques-uns nous ont montré un goût
profond pour le travail et une aptitude véritable aux études ju
ridiques. Vous voyez, Messieurs, par les noms étrangers qu’à
contrat litteris,
�—
86
—
deux fois difïérentes je viens de proclamer, que la Faculté d’Aix
à l’heureux privilège de pouvoir accueillir des jeunes gens d’é
lite avides de reporter dans leur patrie les principes de celte
belle science du droit qui honore l’esprit et éclaire les cons
ciences. Nons verrons toujours leur nombre s’accroître avec
bonheur, car nous pourrons nous consoler alors de voir ailleurs
l’empire de la force, si c’est encore en France que l’on peut ve
nir s’inspirer des sentiments du droit, et puiser aux sources les
plus pures de la divine justice.
En droit français, le sujet soumis à l’étude des concurrents
était ainsi conçu : des diverses conventions de vente et de
leurs effets immédiats. On ne pouvait choisir une question
plus intéressante et en même temps plus pratique. Il fallait,
dans une synthèse rapide, montrer la nature de la vente en
droit français, sa différence profonde avec celle du droit ro
main, l’étudier dans ses effets immédiats et sous le Code civil et
sous la loi du 23 mars 1855. Puis on pénétrait par l’analyse
dans chacune des diverses conventions de vente pour en décou
vrir le caractère propre et saillant, les effets particuliers qu’elle
peut produire. Ce plan, le plus simple et le plus propre à met
tre en relief les principes de la matière, se trouve habilement
tracé et suivi dans la composition qui se place au premier rang.
Toutes les parties de ce vaste sujet se dessinent bien et saisissent
l’esprit; des rapprochements instructifs avec le droit commer
cial, des exemples toujours bien choisis, les controverses discu
tées avec la plus grande clarté, une forme correcte et animée
donne à cette composition une valeur qui l’imposait de suite
aux suffrages des juges pour le premier prix de droit français.
Je suis heureux d’exprimer à M. Laforgue les éloges que la Fa
culté lui décerne.
Nous retrouvons au deuxième rang M. Muscat avec ses quali
tés et aussi, qu’il me permette de le lui dire, avec ses défauts.
Ce n’est ni la logiqae de la méthode, ui le nombre des détails
que l’on regrette dans son travail ; mais une forme beaucoup
trop diffuse l’empêche de revêtir sa pensée de ces fortes expres
sions qui la iont ressortir avec tant d’éclat. Pour acquérir cette
qualité, il faut ne pas oublier le conseil du poète : « Ajouter
quelquefois, effacer plus encore. Du reste, nous sommes heu
reux d’avoir eu à proclamer deux fois le nom de M. Muscat, car
c’est lui qui, cette année, a eu l’honneur de représenter la Fa
culté d’Aix dans le concours général entre toutes les Facultés de
France, où il a obtenu la cinquième place.
Une première mention est accordée à M. Edouard Jourdan
pour une composition moins complète que les précédentes ;
mais qui se distingue par un esprit droit et précis, et une vive
intelligence des principes.
J ’aurais fini ce rapport, si je n’avais à vous parler du con
cours de Doctorat, pour lequel je réclame encore quelques ins
tants votre bienveillante attention. Ce n’est plus une œuvre ra
pide, écrite en quelques heures qui fait l’objet de ce concours ;
c’est un long mémoire dont le sujet vient s’offrir aux médita
tions des aspirants au Doctorat pendant une année toute en
tière. Le plus grand intérêt s’attache à ce concours, qui produit
un profit durable à ceux qui ont eu le courage de l’affronter.
Pendant les trois années qui conduisent à la Licence, on a tou
ché à bien des principes, remué bien des systèmes, entrevu de
nombreuses difficultés ; on a tout effleuré ; on n’a rien sondé,
rien approfondi ; on est allé un peu partout sans se reposer
nulle part, et l’on peut s’appliquer la parole du philosophe:
Nusquam est, qui ubiqne est. Le concours de Doctorat est une
halte bienfaisante au milieu de ces études trop rapides ; l’esprit
s’arrête un instant pour contempler le sujet qui lui est offert;
il l’approfondit, le creuse avec soin ; sa nature intime, ses rai
sons d’être, ses vicissitudes lui apparaissent ; il assiste au déve-
�loppement d’une idée qui s’est fait jour ; il voit ses combats,
ses revers et ses triomphes. Pour s’aider dans cet examen, pour
animer ce travail, on aura puisé l’inspiration dans les plus bel
les pages des grands jurisconsultes, et le style aura revêtu cette
mâle énergie qui convient si bien au langage des lois. Dans
cette étude silencieuse de quelques mois, le jeune homme a con
quis bien des qualités que beaucoup ne soupçonnent pas ; s’il
n’a pas embrassé toute la science en examinant un seul point,
son intelligence agrandie et développée a gagné une facilité et
une souplesse admirable pour mieux triompher des difficultés
que l’avenir lui réserve.
Cette année un seul mémoire a été présenté sur cette question :
de la cession d’actions,en droit romain; de la cession de cré
ances, et de la subrogation, en droit français. Un tel sujet pré
sente une histoire intéressante à étudier, des théories vastes et
importantes qui ouvrent à l’esprit un large horizon , et des dif
ficultés pratiques depuis longtemps mises au jour par les juris
consultes. Le mémoire qui a traité ce sujet n ’y a pas consacré
moins de trois cents pages d’une très fine écriture. L’auteur a
suivi pas à pas les différents procédés que le génie des Romains
avait découvert pour échapper aux inconvénients d’un principe
qui déclarait les créances inaliénables ; il en apprécie avec soin
les conditions, les effets, les réformes successives qui les modi
fient et les améliorent. Puis il aborde la législation française, et
étudie la cession de créances dans sa nature, ses éléments cons
titutifs et toutes ses conséquences ; il n’oublie pas de montrer
la différence qui la sépare de plusieurs opérations qui ont avec
elle plusieurs points de ressemblances. Enfin, il consacre la der
nière partie de son long travail à la subrogation qu’il examine
dans ses caractères généraux et sous les différents aspects qu’elle
peut présenter. L’étendue des matières et leur variété devaient
rendre difficile la distribution méthodique ; l’auteur du raé-
— 89 moire a su échapper à cet écueil. Ses divisions sont fermement
tracées, suivies avec une clarté et une constance remarquables;
son esprit ne perd pas de vue l’idée juridique qu’il a vu naître
et se développer. Et partout l’on rencontre une merveilleuse ri
chesse de détails, les textes sont étudiés avec soin, les difficultés
qu’ils soulèvent approfondies et élucidées; on reconnaît l’œuvre
d’un travailleur consciencieux et infatigable, habitué aux re
cherches que réclame une étude approfondie. Cet ouvrage est
encore pourtant loin de la perfection, il n’a pas ce caractère
personnel, cette vive originalité qui est la plus belle marque
d’une intelligence maîtresse d’elle-même, et d’un talent déjà
formé. De plus, si j’ai pu relever les mérites de l’analyse, je ne
rencontre pas cette qualité précieuse de savoir réunir dans une
forte synthèse les principes communs qui dominent et éclairent
tout un sujet. Le style n’a pas cette élégance, cet éclat qui
charme le lecteur, mais il a du moins cette gravité, cette préci
sion, cet esprit de mesure qui est la qualité dominante du mé
moire étudié dans son ensemble. Aussi, malgré ces quelques
taches qu’une juste impartialité devait relever, la Faculté a
pensé que cet ouvrage avait atteint cette valeur absolue au-des
sous de laquelle elle n ’abaisse pas la plus haute de ses récom
penses. En déchirant le pli qui recouvrait le nom du vainqueur,
la Faculté a été heureuse de reconnaître un de ses élèves les
plus distingués. Ce n’est pas la première fois qu’il est venu
prendre part aux luttes de nos concours, et le souvenir qu’il
avait laissé faisait espérer qu’il ne s’arrêterait qu’après avoir at
teint le plus complet triomphe. Peut-être a-t-il rencontré par
fois des adversaires plus heureux ; mais leur victoire n’enlevait
rien à son mérite. Il a voulu, cette fois, pour appeler le sourire
de la fortune, graver comme devise à la première page de son
œuvre ce mot d’espoir du poète latin : melioribus utere fatis !
La Faculté ne me permettrait pas de la comparer à la terrible
�— 90
Sibylle du temple d’Appollon ; mais je puis dire qu’elle ne ré
siste jamais au lutteur intrépide qui vient lui offrir le rameau
d’or du travail et de la persévérance. Aussi est-elle fière et heu
reuse de décerner à l’auteur du mémoire, M. Curet., la premiè
re médaille d’or du Doctorat.
Mon dernier mot sera pour les élèves de cette Ecole un en
couragement au travail. Ces couronnes ont déjà leur éloquence,
elles soutiendront la persévérance des uns; elles seront pour les
autres un exemple et un enseignement salutaire. Tout aujour
d’hui, Messieurs, vous parle du travail, vous y invite, vous l’im
pose comme un devoir ; la famille et la patrie, l’honneur même
et la dignité de votre avenir ! Sans cette arme puissante du tra
vail, votre intelligence, loin de s’agrandir, ne peut que devenir
étroite et superficielle et perdre ses clartés, son étendue ej sa
pénétration qui sont les conditions d’un vrai savoir. Vous aurez
peut être comme tant d’autres cet esprit qui sait se jouer un
instant des difficultés, mais vous n’aurez pas acquis, par une
volonté affermie dans le travail ce caractère puissant qui les
maîtrise et les domine. Toutes ces qualités vous seront néces
saires, lorsque vous viendrez, dans quelques temps, prendre
votre part de l’activité sociale. Que les maîtres dévoués qui
étendent aujourd’hui sur vos travaux une sollicitude affectueuse,
puissent vous voir alors rester fidèles aux traditions de cette
école, et suivre les principes de devoir et d’honneur qu’ils vous
ont tracés.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1876-1877.pdf
e5e7ed26baaad8447a8b9bf4abf653e0
PDF Text
Text
ACADÉMIE D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
1876-1877
ET DES LETTRES
ET
DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
A1X
ACHILLE MAKAIRE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau, 2
�était la puissance sociale appliquée à l’éducation et à l’instruc
tion publiques. Une loi récente vient de proclamer la liberté de
l’enseignement supérieur, et déjà sur plusieurs points de la
France fonctionnent des Facultés libres. Il ne m’appartient pas
d’examiner si cette liberté était nécessaire, ni de chercher à
prévoir quels résultats elle est destinée à produire. Je tiens
simplement à vous dire, Messieurs les Etudiants, que cette con
currence que la loi vient d’établir entre les Facultés libres et
les Facultés de l’Etat, vous impose une obligation nouvelle.
Jusqu’à ce jour, vous avez travaillé pour subir les épreuves que
les règlements vous imposent ; vous avez travaillé pour mériter
ces couronnes que la Faculté décerne à ses meilleurs élèves ;
vous avez travaillé pour répondre à l’alTection et peut-être mê
me aux sacriûces de vos familles; vous avez travaillé enfin pour
contribuer, chacun dans la mesure de vos forces, au relèvement
de notre pays. Un autre mobile vient s’ajouter à tous ceux qui
jusqu’à ce jour ont dirigé vos études et soutenu vos efforts.
C’est à vous qu’il appartient « de maintenir l'Université de
France au rang quelle doit garder à la tête des Universités
auxquelles la loi vient d’ouvrir une libre carrière L »
Quant à nous, nous n’avons rien à changer, ni à la nature:
ni à l’esprit de nos doctrines. Nous continuerons à vous appren
dre ces principes éternels du Droit : honeste vivere, — alterum non lœdere, — cuique suum tribuere ; à vous enseigner
le respect de ces trois grandes choses : la Religion,la Propriété,
la Famille,et à vous dire que c’est par le travail que les peuples
et les individus conservent leur honneur et leur indépendance.
1 Discours de M. WalloD, ministre de l’instruction publique à la dis
tribution des prix da concours général entre les élèves de Paris et d9
Versailles (Journal Officiel du 10 aoxXl 1875J.
ACADÉMIE D’AIX
It
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
ET
DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE;
ET DE PHARMACIE
AIX
ACHILLE MAKAIRE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau, S
1876
��ACADÉMIE D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES LETTRES
ET
DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
A1X
ACHILLE MAKAIRE, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau, 2
�■
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES SCIENCES ET DES LETTRES
et de l ’école de pl e in ex ercice
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
-------3$©------
La rentrée solennelle des Facultés de Théologie, de Droit,
des Sciences et des Lettres , et de l’Ecole de plein exercice
de Médecine et de Pharmacie, de l’Académie d’Aix, a eu lieu
à Marseille, le lundi 27 novembre 1876, dans le grand am
phithéâtre de la Faculté des Sciences, sous la présidence de
M. Ch. Zevort, Recteur de l’Académie.
La messe du Saint-Esprit a été célébrée à 11 heures, à
l’Eglise Saint - Vincent de Paul. A 2 heures, M. le Recteur
entre dans la salle accompagné de MM. les Inspecteurs de
l’Académie, de MM. les Doyens et Professeurs des Facultés
et de l’Ecole de Médecine, de MM. les Fonctionnaires et Pro
fesseurs du Lycée, tous en costume officiel , et prend place
sur l’estrade réservée au Corps Académique.
�'
-
f) —
Un auditoire nombreux avait répondu a l’invitation de M.
le Recteur. On y distinguait M. Doniol, Préfet des Bouchesdu-Rhône ; M. Maglione , Maire de Marseille ; M. Autran ,
Président du tribunal civil ; M. Camoin de Vence, Procureur
de la République ; des membres de la Magistrature, du Bar
reau, du Conseil municipal , des Sociétés savantes , et des
Fonctionnaires des diverses administrations publiques.
M. le Recteur ayant déclaré la séance ouverte , a donné
successivement la parole à MM. les.Doyens des Facultés de
Théologie , de D roit, des Sciences, des Lettres , et aM . le
Directeur de l’Ecole de plein exercice de Médecine et de
Pharmacie pour la lecture de leurs rapports sur les travaux
de l’année scolaire.
M. Gautier, professeur de Droit administratif à la Faculté
de Droit, a ensuite donné lecture de son rapport sur les di
vers concours entre les élèves de la Faculté de Droit et les
prix ont été proclamés par M. le Doyen. M. le Directeur de
l’Ecole de Médecine a également proclamé les noms des lau
réats de l’Ecole de Médecine et de Pharmacie.
DISCOURS DE M. ZEYORT
RECTEUR
M
e s s ie u r s
DE
L'ACADÉMIE
,
Nous n’avons que de rares occasions de nous présenter en
corps devant le public, qui nous juge, dont les sympathies sont
notre force, et avec lequel nous tenons à vivre en communauté
constante de vues, de sentiments et d’efforts. Aussi croirais-je
manquer à un devoir si je ne profitais de cette réunion solen
nelle pour proclamer devant vous, au nom de mes collègues de
l’enseignement supérieur, quels sont nos besoins et nos vœux,
ce que nous paraît exiger aujourd’hui la dignité de la science,
ce que réclament l’intérêt et l’honneur de votre ville, en pré
sence de la grande rénovation scientifique qui se prépare et
s’accomplit sous nos yeux.
�8
Autrefois, Messieurs, chacune de nos Facultés enseignantes
avait son existence propre, indépendante, isolée pour ainsi
dire : renfermées dans leurs limites, elles ne se permettaient
aucune excursion au dehors et n’en toléraient pas sur leur do
maine. On ne saurait contester quelles aient dû à cette auto
nomie un peu étroite la force nécessaire pour se constituer au
début, et que, sur le terrain qu’elles s’étaient choisi, elles
aient produit et de grandes choses et des hommes éminents.
Mais, à mesure que l’immense développement du savoir humain
amenait un morcellement en quelque sorte indéfini de l’étude,
les dangers de l’isolement se sont fait sentir ; il a bien fallu se
rappeler à la fin ce vieil axiome, que tout est dans tout, que
tout tient à tout, et que vivre seul ne vaut rien, pas plus pour
la science que pour l’homme.
De là une double tendance, vivement accusée de nos jours, et
qui commence à se traduire dans les faits : d’une part, multi
plier les branches d’enseignement, en accordant droit de cité à
toute science nouvelle qui s’est imposée à nos méditations ; de
l’autre, rapprocher ce qui tend à se séparer, grouper les forces,
éclairer les divers ordres d’étude l’un par l’autre, créer enfin
ces universités régionales dont l’annonce seule a été si chaleu
reusement acclamée par l’opinion publique et qui permettront
aux étudiants de l’avenir d« trouver réuni, coordonné, tout ce
qui fait le savant spécial, tout ce qui l’empêche de s’égarer dans
des spéculations étroites et exclusives.
Fonder à Marseille un de ces grands centres d’instruction,
que les principales villes de France se disputent à l’envi, tel
est, Messieurs, le but sur lequel je voudrais voir se concentrer
les plus ardentes aspirations du patriotisme local. Déjà, il faut
bien l’avouer, nous sommes distancés, et il n’est que temps de
nous mettre résolument à l’œuvre. On me demande de toutes
parts si le gouvernement est favorable à la création d’une
grande université provençale : question un peu oiseuse, et qui
rappelle trop le temps où nous étions habitués à demander à
l’Etat l’initiative en toute chose. « Aide-toi, et le ciel t’aidera. »
Un gouvernement d’opinion, comme le nôtre, se laisse porter
là où le pousse l’opinion des hommes qui savent penser et vou
loir. S’il se montre justement
réservé, quand il s’agit de des
mander aux villes, meme aux plus florissantes,des sacrifices qui
se chiffrent quelquefois par millions, il accueille avec empres
sement et reconnaissance l’offre de ces sacrifices, lorsqu’ils ont
pour objet un grand intérêt national. 11 serait injuste de dire
qu’il faut forcer la main à l’Etat; car il ne marchande point son
concours dans les questions d’éducation et de progrès scientifi
que ; mais encore faut-il que ce concours soit provoqué, mo
tivé par une juste réciprocité d’efforts. Ainsi ont fait Lille, Lyon
et Bordeaux, ainsi font en ce moment d’autres villes, bien
moins favorisées à tous égards que la vôtre, moins assurées du
succès ; mais qui croient ne point acheter trop cher, à quelque
prix que ce soit, la possession d’un de ces grands foyers d’é
tude, destinés à rivaliser avec les plus brillantes créations des
Etats voisins.
Permettez-moi de rappeler, à ce propos, uniquement comme
exemple, mais sans craindre de me mettre personnellement en
cause, ce que j’ai vu, ce que j’ai fait dans un autre centre d’en
seignement supérieur. Je regarde comme le grand honneur de
ma vie universitaire d’avoir, l’un des premiers en France,
dans une solennité comme celle-ci, protesté publiquement con
tre le délaissement et les misères de nos Facultés, réduites à
envier les universités étrangères, auxquelles elles avaient si
longtemps servi de modèles. J’ai pu créer autour de moi une
agitation féconde, qui s’est propagée de la ville au département,
�10 du département à la région, et d'où sont sorties, grâce à des
sacrifices largement acceptés, deux grandes Facultés ; d’où sor
tira prochainement une de ces universités provinciales, objet
de si ardentes compétitions. Il ne m’a pas été donné de cou
ronner le monument ; mais je n’aurai rien à regretter si, avec
votre concours, fort de vos encouragements, je puis ici recom
mencer l’œuvre et la mener à bonne fin. C’est, à vous que je
m’adresse en toute confiance, Messieurs, pour susciter autour
de vous cette même agitation créatrice, cet enthousiasme du
progrès, dans une ville que son passé oblige, qui se doit à ellemême de rester, de devenir de plus en plus l’un de ces brillants
foyers scientifiques et littéraires dont la chaleur et la lumière
sont appelées à rayonner, non seulement sur le littoral médi
terranéen, mais au-delà des mers.
Dans les vœux que je forme, je ne sépare point de vos futu
res destinées scientifiques une cité sœur, qui devra mettre au
• service de l’œuvre commune, plus largement encore que par le
passé, le zèle et le talent de ses professeurs. La nouvelle uni
versité réunira, je l’espère, les noms des deux villes, comme
elle comprendra leur double enseignement. Mais ce n ’est point
de ce côté que doivent se porter nos préoccupations ; si, à Aix,
les ressources budgétaires sont modiques, l’appareil de l’ensei
gnement est relativement modeste et peu coûteux. Avec des bi
bliothèques plus largement pourvues, quelques salles de cours,
quelques créations de chaires, les Facultés de Droit, de Théo
logie et des Lettres seront aisément en mesure de répondre aux
nouveaux besoins.
A Marseille, la situation est tout autre : La Faculté des
Sciences, et l’Ecole de Médecine, qui vous ont été dévolues et qui
trouvent ici le milieu le plus favorable à leur développement,
sont, il faut bien le reconnaître, des établissements coûteux.
La science, il est vrai, paie largement les sacrifices qu’elle
exige : mêlée de plus en plus intimement à la vie de chaque
four, à l’expansion prodigieuse de l’industrie et de la richesse
publique, elle gouverne, transforme, reconstruit de toutes piè
ces le monde matériel. Quelque désintéressée qu’elle paraisse
et qu’elle soit réellement dans ses recherches, elle aboutit fata
lement, le plus souvent d’une manière imprévue, à d’immenses
résultats pratiques. Mais il lui faut aussi d’immenses moyens
d’action : là où il suffisait autrefois de quelques fourneaux et de
rares instruments, il faut maintenant, sous peine d’impuis
sance, d’immenses laboratoires abondamment pourvus de tous
les moyens d’enseignement et de recherche, des instruments
sans nombre et d’une admirable perfection, des ouvrages édités
à grands frais, des collections qui vont grossissant sans cesse
sans se compléter jamais, parce que la science ne finit pas. La
division du travail a multiplié à l’infini les branches d’investi
gation, les résultats acquis, le matériel indispensable à l’étude.
Aussi l’établissement d’une Faculté des Sciences vraiment digne
de ce nom, au niveau du progrès moderne et en mesure de le
continuer, est devenu chose princière, en quelque sorte, à la
portée seulement des Etats,ou des grandes cités. C’est aux villes
populeuses et industrielles qu’incombe aujourd’hui le devoir
de seconder,de provoquer ce mouvement d’expansion dont elles
seront les premières à recueillir les fruits ; c’est à elles que re
vient l’honneur de soutenir et de susciter ces savants modestes
et infatigables qui, le plus souvent, ne réclament d’autre salai
re de leur labeur obstiné que la satisfaction d’avoir servi leur
pays. Ce sont les villes et les associations qui,en Angleterre, en
Belgique, en Allemagne, dans toute l’Europe,ont fondé ces ma
gnifiques laboratoires des hautes études auxquels elles doivent
une partie de leur illustration. La France est entrée, un peu
�tard, niais résolument dans cette voie ; vous ne resterez point
en arrière.
Je voudrais n’avoir point à ajouter qu’au point de vue maté
riel votre Faculté des Sciences est loin de répondre à cet idéal :
enserrée dans le riche quartier qui lui interdit à jamais tout
développement, elle n’a d’autre alternative, si elle ne veut suc
comber de langueur, avec ses collections entassées et inaborda
bles, son installation mesquine, que de chercher ailleurs l’air
et l’espace qui lui manquent. On trouverait aisément mieux
dans une ville de troisième ordre, non seulement à l’étranger,
mais encore en France, où cependant la science n’a pas tou
jours joui d’un traitement de faveur. Il me serait plus agréable,
Messieurs, d’avoir à louer sans réserve ; mais je sais que vous
savez entendre la vérité, quelque pénible qu’elle puisse être.
Vous excuserez donc ma franchise, en songeant qu’une large et
féconde organisation de l’enseignement n ’est pas seulement
l’ornement ‘et le luxe de la civilisation; mais une nécessité im
périeuse à laquelle il faut savoir se soumettre, sous peine de
déchoir.
Votre Ecole de Médecine, bien qu’en voie de progrès, récla
mera aussi de larges compléments, pour entrer dignement dans
le cadre d’une Université. Mais je craindrais, en insistant en ce
moment sur ce qui reste à faire, de paraître manquer à la recon
naissance envers la précédente administration municipale, à la
quelle l’Ecole de Médecine a dû beaucoup, je suis heureux de le
reconnaître. Je ne compte pas moins sur l’administration nou
velle, issue de l’élection, mieux en mesure par cela même d’en
treprendre et d’oser dans la voie du progrès. Il me sulfira de
lui rappeler que l’Ecole a encore une étape à franchir, et la
plus difficile ; que, pour prendre rang parmi les Facultés, elle
devra mettre à son avoir ces riches moyens d’investigation et
— 13 —
d’étude que le Gouvernement a exigés des Facultés de Lyon et
de Bordeaux. Marseille offre à l’enseignement médical des res
sources presque incomparables ; mais, pour les utiliser, il faut
une installation en rapport avec les progrès de la médecine mo
derne, des collections, des laboratoires, un cabinet de physique,
et surtout de l’espace, beaucoup d’espace,en vue d’un dévelop
pement ultérieur qu’il est aisé de prévoir.
Ne nous faisons donc aucune illusion : si nous voulons main
tenir notre rang, il nous faudra ne point ménager les sacrifices.
Que ces sacrifices soient faits avec maturité et réflexion, rien
de mieux ; mais du moins n’attendons point, pour commencer
à semer , que les moissons aient mûri ailleurs. Si les difficultés
à vaincre sont nombreuses, abordons les résolument et d’un
commun accord, nous membres du corps enseignant pour ré
pandre le culte de la science ; vous, Messieurs, dépositaires de
la puissance publique, mandataires de vos concitoyens, repré
sentants de la Provence, pour enflammer le zèle et provoquer
le concours de tous ; il s’agit d’une œuvre qui doit durer et se
développer, malgré les vicissitudes des temps ; il s’agit de la
grandeur de notre pays.
J’aurais terminé, Messieurs, si je n’éprouvais le besoin de me
conformer à vos propres préoccupations en plaçant sous votre
patronage quelques mots de condoléance — disons mieux,
d’encouragement et d’espoir, à l'adresse de nos excellents collè
gues de la Faculté de Théologie. Frappés inopinément, par suite
d’une erreur de fait, ils ont pu du moins, dans cette pénible
épreuve, constater une fois de plus combien sont vives et géné
rales les sympathies qui les entourent. L’erreur sera réparée,
n’en doutons pas. Les délais d’appel ont été mis à profit. Grâce
à l’activité de son sympathique doyen, la Faculté de Théologie
a pu faire arriver ses justes doléances jusqu’aux membres les
�plus influents du Gouvernement et des chambres ; on peut es
pérer aujourd’hui que le procès sera révisé, même par les pre
miers juges. Ce sera une véritable joie pour nous tous, qui ne
nous séparerons point de bons et dignes collègues ; ce sera en
même temps un succès pour la Provence, qui ne pourrait que
perdre à l’amoindrissement de son corps enseignant ; car il est
toujours dangereux, dans la République des Lettres, comme
ailleurs, de laisser tomber un premier fleuron de sa cou
ronne.
RAPPORT DE M. L’ARBÉ BOYER
DOYEN
DE
LA
FACULTÉ
DE
THÉOLOGIE
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
La Faculté de Théologie a donné l’enseignement à ses élèves
et à ses auditeurs, avec la régularité et avec le soin que com
mande le devoir.
Conformément à l’usage, voici l’indication sommaire des ma
tières étudiées par MM. les Professeurs :
M. l’abbé Bernard, professeur de Morale Evangélique, a traité
de la Propriété et de son mode de transmission héréditaire.
�C’est la propriété du sol qui a fixé plus particulièrement son
attention.
Se renfermant donc dans le domaine de la théologie pure, le
professeur a recherché quelle est, selon l’enseignement chré
tien traditionnel et scripturaire , l’origine de ce droit de pro
priété; et il a montré, en outre, commentsa légitimité manifeste
résulte de l’examen quelque peu attentif de la nature et des
facultés de l’homme, aussi bien que des aspirations et des be
soins des sociétés.
Mais ce droit a des conséquences. — Pour l’individu, c’est la
faculté de disposer de son bien, à son gré, durant sa vie, et à sa
mort. — Pour la société , c’est le pouvoir d’intervenir dans la
transmission héréditaire de la propriété.
Cette intervention, dans quelle mesure? Sur ce point spécial,
les législations des peuples civilisés ont oscillé plus ou moins,
suivant les temps et suivant les lieux, entre deux extrêmes : la
liberté testamentaire absolue , la dévolution de l’héritage par
la loi.
La législation française est une de celles qui , actuellement,
se rapproche le plus du second terme ; mais rien n’indique
qu’elle ait franchi les limites de ses droits. Or, comme les légis
lations humaines s’imposent à la conscience tant qu’elles ne tom
bent pas en opposition évidente avec les règles de l’équité natu
relle, le professeur a enseigné que la loi française sur les succes
sions , produit une obligation qui a sa force non pas seulement
devant les hommes, mais devant Dieu.
Parfois, Messieurs, on se demande quel intérêt il peut y avoir
«à rechercher, jusques dans des régions surhumaines , l’origine
de certaines obligations morales? Mais n’est-ce pas pour en dé
duire cette obligation elle-même, cette obligation de conscience,
qui n’est si intime que parce qu’elle vient de si haut ? Dès lors,
quel secours et quelles garanties apportés à la loi I Eh bien ,
Messieurs, c’est là un de nos enseignements.
Le Professeur de Morale traitera , dans son prochain cours,
de la règle des actions humaines, de la Conscience.
M. l’abbé Renoux, professeur d’Histoire Ecclésiastique, aretracé l’histoire de l’Eglise pendant la guerre de Trente Ans.
Il a exposé, dans leur ensemble, les causes qui préparèrent ce
conflit, et celles qui en prolongèrent les sanglantes péripéties :
— les idées religieuses, l’ambition des princes, et, aussi, l’ambi
tion de leurs ministres.
Parlant de la période française , le professeur a examiné si
cette intervention de la France fut utile à ses propres intérêts et
à ceux de l’Eglise ; ou si le danger que le génie de Richelieu
voulait conjurer, ne devait pas se reproduire plus tard sous une
forme d’autant plus menaçante.
Les hommes qui, avec les cardinaux Richelieu et de fiérulle ,
jouèrent, à cette époque, un rôle considérable, ont été dépeints
et appréciés avec cette sagesse de vue, à l’aide de cette érudition
patiente qui caractérisent le professeur. Enfin, une tâche impo
sée à l’historien, était de démêler, pour la préciser, la part affé
rente à la Papauté dans le Traité fameux dont les stipulations
réussirent, du moins, à terminer une lutte trop longue et trop
acharnée.
Cette année , le Professeur étudiera l’histoire religieuse de
l’Angleterre, sous le règne de Charles Ier.
M. l’abbé Figuières , professeur d’Ecriture Sainte , a donné
aux élèves ecclésiastiques l’explication et le commentaire de l’ad
mirable livre des Psaumes. — Et , aux auditeurs réunis dans
l’amphithéâtre , il a présenté une étude comparée des textes de
�la Genèse et des conclusions les plus récentes de la science pour
en montrer le merveilleux accord. Il a exposé ensuite les preu
ves que la philosophie et l’histoire fournissent au dogme fonda
mental de la déchéance. Puis, il a ouvert un aperçu sur le côté
littéraire des textes étudiés : — c’était mettre de la variété dans
ces discussions ; mais c’était, instruire encore son auditoire. Par
une analyse rapide, il a montré le parti si justement vanté , que
le poète anglais, Milton , sût tirer de la poésie des textes bi
bliques.
Avec le prochain exercice, le Professeur reprendra la suite de
ce double enseignement.
M. l’abbé Bayle , professeur d’Eloquence Sacrée , a tracé le
tableau de la littérature chrétienne, en Provence, pendant le
Moyen-âge.
Il a montré , tout d’abord , comment la langue provençale ,
aussi bien d’ailleurs que les autres langues néo-latines , n’a été
qu’une transformation du latin populaire, et il a indiqué le mode
de cette transformation.
Dans les œuvres écrites en vers provençaux , du Xe au XIVe
siècle , deux littératures distinctes apparaissent : — l’une mo
nastique et populaire ; — l’autre aristocratique et chevaleres
que. C’est la première que le Professeur a étudiée dans les di
vers poèmes qu’elle a produits : — Le fragment sur Boëce ,
monument le plus ancien de la littérature provençale ; les chants
religieux, qui ne furent à l’origine qu’une traduction des hym
nes liturgiques en langue vulgaire, ainsi que les poèmes narra
tifs dont les sujets étaient empruntés aux vies des Saints ; le
Gérart de Rossilhon, la seule chanson de geste du cycle Caro
lingien demeurée dans la littérature de ce pays ; enfin les chants
populaires recueillis par M. Damase Arbaud , et les rares frag
ments qui nous restent du drame provençal, au Moyen-Age. Le
Professeur a jeté ensuite un coup d’œil sur les œuvres des Trou
badours. Il a consacré ses dernières leçons au poème de Jaufre ,
et au grand poème historique sur la croisade albigeoise.
Ces leçons ont été entendues avec intérêt, et — ici même —
par de nombreux auditeurs ; mais le Professeur a eu l’heureuse
pensée d’agrandir encore son auditoire en publiant ces mêmes
leçons dans un livre que se disputeront les bibliothèques pro
vençales.
Le Professeur traitera , cette année , de la littérature chré
tienne, en France, au Moyen-Age.
Le professeur de Théologie Dogmatique a étudié avec ses élè
ves, — et conformément à son programme, — quelques - unes
des questions élevées, difficiles, qui se réfèrent aux traités dog
matiques de la Grrâce et des Sacrements.
Dans ses cours plus spécialement destinés au public bénévole,
le Professeur a poursuivi ses études de Philosophie Chrétienne:
— la fin du XVIIe siècle. — Après une vue d’ensemble sur
les doctrines religieuses et philosophiques de Leibnitz et de Bos
suet dont, précédemment, il avait étudié les œuvres , le Profes
seur s’est occupé de Fénelon. Il a fait connaître ce que furent,
au vrai, les sentiments de ce penseur beaucoup moins chiméri
que que le prétendaient Louis XIV et sa cour, ses sentiments à
l’endroit de la méthode philosophique de Descartes. Puis, pas
sant de la théorie à l’application , le Professeur a présenté l’a
nalyse, et essayé un commentaire du Traité de l’existence de
Dieu. Il a spécialement fixé l’attention sur la première partie
du chef-d’œuvre inachevé... Cette partie qui renferme, selon le
mot de Fénelon lui-même « une philosophie sensible et popu« laire dont tout homme est capable, » c’est-à-dire ces preuves
connues et admises dans tous les temps, parce qu’elles sont mêées aux notions populaires du sens commun , mais « qui doi-
�—
20
—
» vent, — suivant la remarque judicieuse d’un penseur con
temporain, M. Ch. de Rémusat l, — « qui doivent être redites
» sans cesse, sans cesse accommodées aux besoins nouveaux,
» sans cesse justifiées par de nouvelles expériences, par de
» nouvelles découvertes. »
C’est cà Marseille aussi que se sont produites, dans les condi
tions que nous indiquons, les leçons du pi ofesseur.
Que si, à cette heure et en ce lieu, on daignait nous permet
tre de rappeler les auditoires nombreux qui soutiennent, icimême , de leur attention intelligente et sympathique les profes
seurs qui, depuis dix ans, représentent à Marseille la Faculté de
Théologie d’Àix, nous le ferions volontiers, mais pour nous per
suader à nous-mêmes, une fois de plus, de l’utilité de notre en
seignement, et de la nécessité de le maintenir au niveau que lui
impose le voisinage des maîtres éminents près desquels nous
parlons.
Messieurs, dans l’année scolaire qui s’achève , les actes pu
blics , les examens n’ont pas été nombreux : deux examens de
bachelier subis avec succès. Ce n’est pas précisément que les
candidats aient manqué ; ils ont été arrêtés, dans leur prépara
tion , par une nouvelle, la nouvelle que vous savez... nouvelle
qui, tout au moins, dut les surprendre. Assurément, entre toutes
les Facultés de Théologie de France , la Faculté d’Àix n’était
pas celle qui présentait dans leur ensemble ie plus complet ces
tristes symptômes d’une vie épuisée , qui sont les signes d’une
1 M, Ch. de Rémusat. Philosophie religieuse,p. U 4 . Germer-Baillière,
Î861.
21
mort prochaine , et d’une mort naturelle. Non. Et, cependant,
on annonçait que nous devions mourir ! Ce devait donc être ,
alors, d’une mort accidentelle. — Aussi, quelques-uns de nos
candidats, bénéficiant du délai légal entre l’accident et les funé
railles , ont pu reprendre , à tem ps, leurs travaux , et nous
faire parvenir leurs thèses. Parmi ces thèses, deux, rédigées en
vue du Doctorat, ont été surtout remarquées par la Faculté.
L’une d’elle, déjà imprimée, se présente sous un volume consi
dérable.
Mais ces thèses, par leur date de dépôt, appartiennent à l’e
xercice qui s’ouvre, et nous aurons à vous en rendre compte ,
L’ANNÉE PROCHAINE......Car, nous espérons bien, — et cet
espoir nous le fondons sur les sympathies de notre-chère ville
d’Àix, sur les sympathies de nos confrères vénérés, sur les sym
pathies de cette grande et intelligente Marseille ,— nous espé
rons que, pour nous, il y aura encore des années prochaines !
=30«=
�RAPPORT DE M. CARLES
doyen
de
la
faculté
de
droit
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Les travaux de la Faculté de Droit d’Aix pour l’année 187576 présentent quelque diminution comparativement aux an
nées précédentes. Nos inscriptions atteignaient ordinairement
le chiffre de 1,200 et quelquefois le dépassaient, nous n’en
avons eu cette année que 1,118. Il fallait nous attendre à ce
résultat et même à un pire. Les pays qui sont sur la ligne en
tre nous et Lyon nous envoyaient des élèves, et ceux-ci sont
allés naturellement dans les deux Facultés nouvelles et rivales
— 23 —
qui se sont établies mieux à leur portée dans la grande cité.
Toutefois un mouvement de réaction semble déjà com
mencer à se produire : Le chiffre de nos inscriptions dans le
trimestre actuel dépasse de 40 le nombre que nous avions
l’année dernière à la même époque, et les examens du bacca
lauréat ès-lettres non encore terminés nous en promettent quel
ques-unes de plus. Tout nous fait espérer de retrouver cette
année le chiffre de 1,200. Notre Faculté qui compte déjà cinq
siècles d’existence montrera que, malgré les causes d’affaiblisse
ment qu’on semble vouloir multiplier autour d’elle, elle saura
conserver sa vieille prospérité, et l’augmenter peut-être.
Nous avons eu 463 examens dont les résultats se décompo
sent comme il suit :
16 candidats ont obtenu la totalité des boules blanches ou
l’éloge, soit la mention très bien. C’est un groupe d’élite, par
cela même peu nombreux ;
177 ont eu des blanches mêlées à des rouges, soit les men
tions bien et assez bien ;
192 ont eu des rouges ou des rouges mêlées à des noires, soit
la mention médiocre ou passable ;
Enfin 78 ont été rejetés ; c’est 1 sur 6.
• Ces chiffres comparés entr’eux montrent que un peu plus
du tiers de nos élèves a mérité la mention bien à un degré plus
ou moins élevé, — un autre tiers la mention médiocre ou pas
sable, — un sixième a été rejeté.
C’est surtout sur les élèves de première année que les rejets
ont porté. Sur 93 candidats, 28 ont été refusés, ce n’est pas un
sixième ici, c’est près d’un tiers. Nous avons eu deux raisons
pour nous montrer plus sévères à l'égard de ces débutants. Pré
cisément parce que des Facultés voisines et rivales s’élevaient
autour de nous, nous avons voulu conserver nos élèves non
�24
point en faisant fléchir par une molle facilité le niveau des étu
des, mais en l’élevant. Quand un danger menace ce n’est pas la
faiblesse qui le conjure, c’est l’énergie.
Nous avons voulu ensuite donner un avertissement aux fa
milles qui demandent trop facilement pour leur fils la dispense
d’assiduité aux cours, en les attachant d’une manière plus ou
moins sérieuse à des services publics. Certains chefs d’admi
nistration mettent trop de complaisance à accorder ces certifi
cats d’attaché à leurs bureaux, qui donnent droit à la dispense.
Pour n’avoir pas à les mettre en suspicion dans tel ou tel cas,
pour ne pas élever une sorte de conflit, nous avons voulu prévenir
l’abus en avertissant les jeunes gens eux-mêmes par le résultat
de l’examen que s’ils renoncent à profiter de l’enseignement
qui leur est offert, c’est à leurs risques et périls, et que s’ils
sont autorisés à ne pas suivre nos cours, ils ne sont pas dispen
sés de savoir.
Le nombre des aspirants au doctorat a été à peu près le mê
me qu’aux années précédentes. Nous avons eu 20 candidats aux
examens et 6 thèses. Sur les 20 examens il y a eu 17 admis
sions et 3 rejets. Sur les 6 thèses, 4 admissions, 2 rejets.
Parmi les candidats reçus auxdits examents de doctorat ou à
la thèse, nous avons vu avec plaisir figurer un égyptien, le
jeune Gergil Coudsi, et un valaque, M. Grekoff. Depuis quel
ques années une colonie égyptienne et une colonie moldo-valaque ou roumaine sont venues grossir le nombre de nos étu
diants. Les premiers viennent s’initier à la civilisation euro
péenne par l’étude de nos lois et la participation à nos mœurs.
Les seconds, outre ce but commun à tous, ont voulu renouer
les liens qui les rattachent à la race latine par le sang et par
l’origine. Les uns et les autres emporteront de leur séjour dans
notre ville, avec la science des lois, le souvenir d’une hospita
lité qui fut pour eux, et qui sera toujours pour leurs succes
seurs, bienveillante.
Aucun examen de doctorat n’a obtenu l’éloge. La Faculté ne
l’accordera jamais qu’à bon escient, voulant que cette note reste
ce qu’elle doit être, une vraie distinction. Elle a été méritée par
la thèse de M. Bouet qui, depuis qu’il suivait nos cours, l’avait
toujours obtenue à ses précédentes épreuves et qui a ainsi di
gnement couronné ses études juridiques. Il ne reste plus à la
Faculté qu’à lui souhaiter les mêmes succès à l’avenir et dans
sa carrière d’homme.
L’exemple donné par M. Bouet d’un succès constant me rap
pelle que tout à l’heure, dans le rapport qui sera fait par un
de nos collègues sur les compositions de cette année, un nom
manquera. C’est celui de M. Chausse (de Florac, Lozère), qui
lui aussi avait toujours obtenu l’éloge à ses examens et le pre
mier prix au concours des deux premières années, mais qui
est tombé sérieusement malade à la fin de la troisième année.
Sans cela il pouvait espérer d’avoir une part (la plus belle peutêtre) aux récompenses de cette troisième année, qui sont plus
considérables qu’aux deux premières. Il pouvait aussi, toujours
comme M. Bouet, espérer d’avoir une mention au concours gé
néral de fin d’année entre toutes les Facultés de France. Ces
succès lui ont manqué, et le dernier, le plus envié de tous, a
manqué à notre Faculté elle-même, par le fatal accident de
cette maladie, dont la cause première a été une trop forte ten
sion à l’étude. On ne trouvera pas mauvais que dans de telles
circonstances j’adresse un mot de sympathie à ce jeune homme
et à sa famille comme consolation et regret.
Voilà le tableau des études et de ce qui concerne nos jeunes
gens. En ce qui tient au personnel des professeurs, la chaire
�26
de Droit Administratif, occupée jusque-là provisoirement par
notre jeune collègue, M. Gautier, lui a été conférée définitive
ment comme professeur titulaire. Cette branche de l’enseigne
ment du Droit n’exige pas seulement les qualités communes à
tout professeur. Il y faut en outre beaucoup de tact, une juste
mesure qui, dans certaines parties touchant plus ou moins aux
matières politiques, évite de froisser les opinions contraires, sans
affaiblir la vérité, sans nuire même à l’énergie des convictions
de celui qui parle. M. Gautier qui a l’expérience de cet ensei
gnement depuis plusieurs années, saura toujours adopter cet
heureux tempérament, nous en sommes sûrs. C’est pourquoi
ses collègues, de concert avec le Conseil Académique, l’ont pré
senté à l’unanimité à la nomination de M. le ministre.
Deux autres chaires auront à être pourvues définitivement et
dans un temps assez rapproché. Elles sont remplies en atten
dant, avec succès, par deux agrégés chargés du cours. Mais le
nombre de nos agrégés est beaucoup trop restreint. Aucun ne
nous reste pour suppléer au besoin un professeur malade ou
empêché, et les demandes réitérées que nous avons adressées à
cet égard sont restées sans réponse. Les prévisions du budget
nous avaient pourtant fait espérer que outre le complément de
notre personnel l’enseignement de l’Economie Politique pour
rait être inauguré chez nous, dès cette année, non pas, il est
vrai, en nous donnant un professeur titulaire, mais un chargé
de cours. Par une coïncidence heureuse nous pouvions avoir
mieux même que ce qu’on nous promettait. Nous avons au
milieu de nous un de nos collègues, le professeur de Droit Ro
main, qui joint à de longues études de Droit la science écono
mique. Il la professe à Marseille dans cette enceinte même de
puis plusieurs années, et ceux qui le suivent savent avec quelle
distinction. D’autre part, pour que le nouvel enseignement qui
manque à Aix y eût sa place assurée, la municipalité de cette
ville avait consacré une somme à agrandir le local de notre
vieille Faculté, elle a mis à cela un bon vouloir dont nous ne
saurions trop la remercier. Tout était donc prêt chez nous,
hommes et choses. Il fallait seulement qu’un troisième agrégé
pût se charger du cours de Droit Romain que le titulaire au
rait momentanément délaissé. Mais ce troisième agrégé ne nous
a point été accordé, et rien n’a été fait.
Sans doute si d’autres Facultés ont été plus heureuses que
nous dans leurs demandes, si même on leur a envoyé comme
agrégés des élus du dernier concours qui avaient été ancien
nement nos élèves, et qui semblaient par cette raison devqir
naturellement venir à nous de préférence, c’est pour de graves
motifs, c’est probablement parce que ces Facultés avaient plue
de vides encore à combler que la nôtre. Il nous sera permis
néanmoins de demander respectueusement à M. le ministre
qu’il veuille bien nous traiter une autrefois avec un peu plus de
faveur.
Il ne faut pas que nous avions l’air d’être rélégués avec ou
bli dans un coin de la France. Notre Faculté a été longtemps
par le nombre de ses élèves, et par celui des épreuves subies
devant elle, la troisième en rang après Paris et Toulouse ; elle
est aujourd’hui encore la quatrième. C’est elle qui depuis cinq
siècles, comme nous l’avons dit, répand la science du Droit
dans toute la région du sud-est, elle étend son action sur la
Corse et sur l’Algérie depuis que ces pays ont été joints au ter
ritoire français. Enfin, de même que les juridictions consulai
res du Levant sont du ressort de notre Cour d’appel, une partie
de l’Orient vient nous demander l’instruction, témoin ce que
nous avons dit des étudiants égyptiens et des moldo-valaques.
�—
28
—
Les intentions si généreuses que AI. le ministre a montrées
pour agrandir l’enseignement du Droit, les idées élevées qu’il a
développées à cette fin, et les paroles remarquables qu’il a pro
noncées en plusieurs circonstances, nous donnent le droit de
dire que désormais en ce qui nous concerne
nousn’aurons plus seulementàattendre, maisque nous pourrons
obtenir quelque chose dans le présent,
espérer beaucoup dans l’avenir.
i
RAPPORT DE M. FAVRE
DOYEN
DE
LA
FACULTÉ
DES
SCI ENCES
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
>ti,
La Faculté des Sciences de Marseille désirait vivement que
sa chaire de physique, demeurée vacante pendant tant d’an
nées, fût enfin occupée par un professeur titulaire ; ce désir
s’est réalisé, grâce au chef actuel de notre Université, qui s’oc
cupe d’elle avec autant de sagesse que de sollicitude, et auquel
nous sommes heureux de pouvoir adresser aujourd’hui nos re
merciements les plus sincères. Nous le remercions également
du choix qu’il a bien voulu faire de M. Hugueny que nous
' %
•'RI
%
�— 30 —
avons appris à connaître pendant les deux années qu’il a vécu
au milieu de nous, où il a su se faire aimer autant qu’estimer ;
ses collègues s’applaudissent de le savoir enfin fixé pour tou
jours auprès d’eux.
La Faculté doit également s’applaudir d’une de ces bonnes
fortunes, si rares, il n’y a pas bien longtemps encore, mais qui
sont devenues fréquentes aujourd’hui ; une chaire de Zoologie
a été créée dans son sein. Cette nouvelle chaire ne pouvait pas
être placée dans de meilleures conditions, avec la terre et la mer
pour champs d’explorations. Nous sommes heureux d’ajouter
que M. le ministre a voulu compléter son œuvre de progrès en
attachant à cette chaire M. Marion, jeune professeur, si jeune
même que son âge était un obstacle sérieux à sa nomination.
M. Marion, dont les travaux ont été loués par les hommes les
plus autorisés restera donc pour toujours au milieu de nous,
de nous, dont, le sang s’est un peu refroidi, il y restera avec
les vives inspirations que lui donne sa jeunesse et son noble
amour de la science.
M. Rayet, auquel avait été confié le soin d’enseigner l’astro
nomie-physique dans notre Faculté, nous a quittés pour aller à
Bordeaux occuper une chaire nouvellement créée pour le même
enseignement. Nous avons beaucoup regretté ce collègue qui
avait su se faire aimer par tous ; mais nous avons été heureux
de le savoir placé dans des conditions meilleures qui lui per
mettront de terminer plus facilement des recherches commen
cées et d’en entreprendre de nouvelles.
Le départ de M. Rayet nous a été rendu moins pénible par
l’entrée au milieu de nous de M. Stéphan, le savant directeur
de l’Observatoire astronomique de Marseille, qui a été charge
du même enseignement. Nous connaissons tous depuis long
temps M. Stéphan, et nous avons été heureux de le voir se rap
procher de nous davantage.
\
— 31
Comme les années précédentes, nous avons encore à remer
cier l’Administration Municipale de l’intérêt qu’elle ne cesse
de témoigner à sa Faculté des Sciences ; c’est un devoir dont
notre Faculté est heureuse de s’acquitter aujourd’hui, et elle
n’est en cela que Yinterprête du digne chef de notre Académie,
M. Zevort.
L’enseignement de la Faculté des Sciences n’a rien présenté
qui méritât d’être signalé d’une manière spéciale, les profes
seurs ont fait leurs cours et leurs conférences avec la même ré
gularité, le même zèle et le même soin que par le passé, et leur
enseignement a été écouté avec la même assiduité et la même
application. Nous en dirons autant des professeurs des Facultés
d’Aix qui viennent à Marseille professer les cours annexes ins
titués soit par l’Etat, soit par la Ville.
Le professeur d’analyse infinitésimale, M. l’abbé Aoust, a
public le tome m de YAnalyse infinitésimale des Courbes.
Ce tome est relatif aux courbes dans l'espace, et a été l’objet
d’un rapport très élogieux de M. Fuiseux dans le Comité des
Sociétés Savantes qui en a donné la communication ollicielle à
notre collègue ; ce rapport a été transmis au ministre. Notre
collègue a publié également des recherches sur les Coordonnées curvilignes présentées à l’Institut et insérées dans les
Comptes-Rendus.
Enfin M. l’abbé Aoust a été admis au concours pour une
place de correspondant de l’Institut, dans la section de Géomé
trie ; ce concours dans lequel les géomètres les plus éminents
de France et de l’étranger ont pris part, a donné le troisième
rang à notre collègue.
En présence des nombreux et importants travaux accomplis
avec tant de persévérance, et que je viens de signaler, la Fa-
«
�- 32 —
culte ne peut que remercier M. l’abbé Aoust, car elle est hono
rée par tout, ce qui honore un de ses membres.
M. Dieulafait a commencé cette année la publication d’un
long travail pour lequel il a réuni les matériaux depuis bien
de s années. C’est une Eiïidc générale sur Vorigine et le mode
de formation des Eaux minérales. Le mémoire paru cette an
née comprend YEtude des eaux minérales de la période gra
— 33 —
ès-sciences complet, 117 ont été admis dont 4 avec la mention
bien, ce sont MM. Guillain, Sambuc, Borel et Richard, 39 avec
la mention assez bien et 74 avec la mention passable.
76 candidats se sont également présentés pour subir les
épreuves du baccalauréat ès-sciences restreint ; 47 ont été ad
mis, dont 1, M. Laugier, avec la mention bien, 14 avec la men
tion assez bien et 32 avec la mention passable.
Enfin M. Marion, continuant ses recherches sur les animaux
du golfe de Marseille, a fait connaître, dans la Revue des scien
ces naturelles, les résultats des draguages qu’il a opérés dans
les régions les plus profondes. Ajoutons que la direction des
expériences, instituées par la Compagnie Paris-Lyon-Méditer
ranée, pour combattre le phylloxéra a été confiée à M. Marion.
Dans le rapport que notre collègue vient de publier, l’emploi
du sulfure de carbone, appliqué à petites doses, est recom
mandé comme le traitement le plus apte à revivifier à la longue
nos vignes malades.
En résumé, il y a eu cette année 360 examens pour le bac
calauréat ès-sciences ; soit 4 de plus que l’année dernière,
et 164 admissions, soit 22 de moins que l’année précédente.
nitique.
Pendant l’année scolaire qui vient de s’écouler 1875 et 1876,
14 candidats se sont présentés pour subir les épreuves delà
licence, 3 pour les sciences mathématiques, 4 pour les sciences
physiques et 4 pour les sciences naturelles ; sur ce nombre, 8
ont été admis, dont 1 pour la première partie des sciences phy
siques ; parmi les 3 candidats ajournés, 4 s’était présenté pour
les sciences physiques et 2 pour les sciences naturelles. M. Jay,
candidat pour les sciences physiques, a été admis avec la men
tion bien ; il était déjà licencié ès-sciences mathématiques ; tous
les autres ont été admis avec la note assez bien.
Pendant la même année scolaire 1875 et 1876, 284 candi
dats se sont présentés pour subir les épreuves du baccalauréat
�RAPPORT DE M. RONAFOUS
doyen
de
la
faculté
des l e t t r e s
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Il y a déjà trente ans que noire Faculté des Lettres fut inau
gurée dans une ville voisine, sœur de la vôtre, qui semble avoir
hérité de l’antiquité la gravité des mœurs romaines, de même
que vous avez su conserveries brillantes qualités d’esprit et l’ac
tivité merveilleuse de ce peuple grec, qui fut autrefois l’agent le
plus actif de la civilisation. Dans un espace de tem ps, si court
si on le compare à l’éternité, si long quand on songe au peu de
durée des choses humaines, les institutions changent, les régle
ments se modifient, ou plutôt ils se dévorent les uns les autres ;
mais les hommes surtout disparaissent avec une effrayante
rapidité.
Des cinq professeurs nommés lors de la création de la Faculté,
un seul, celui qui a l’honneur de vous parler aujourd’hui , est
encore à son poste. Les autres, au nombre de quinze , ont suc
cessivement disparu : les uns, ont répondu à l’appel de celte
maîtresse impérieuse que les hommes appellent la mort et que
Platon nomme plus justement le commencement de la vie ; les
autres, nous ont quittés pour suivre une fortune plus brillante ,
gardons-nous de dire plus heureuse. Nous avons vu sortir de
nos rangs un ministre , un ambassadeur , un conseiller d’Etat ,
deux membres de l’Institut, un inspecteur général, des profes
seurs distingués, que leur mérite ou des convenances personnel
les ont appelés ailleurs. Un seul est descendu de sa chaire en
prenant pour devise : otium cum dignitate. Ainsi, dans l’es
pace de trente ans, quinze professeurs se sont succédé dans une
Faculté qui n’en compte que cinq I Que serait-ce , si nous n’é
tions pas inamovibles I
Ces réflexions nous sont inspirées par les regrets que nous
cause une perte nouvelle , ou plutôt le succès d’un des nôtres,
M. Ouvré, dont vous veniez écouter avec un sympathique em
pressement la parole aussi ferme que mesurée, et qui charmait
les esprits sérieux par la solidité de son enseignement, a été
nommé Recteur de l’Académie de Clermont. Heureusement
. pour lui , malheureusement pour nous, M. Ouvré n’était pas
seulement un professeur des plus distingués. La rectitude de
son jugemeul, l’heureux mélange des grâces de l’esprit avec la
noblesse du caractère, enfin et surtout la dignité de sa vie , le
désignaient naturellement pour les fonctions les plus élevées et
les plus délicates de l’administration. Signalé à M. le Ministre
par son propre mérite et par le témoignage du Chef de notre
Académie, si bon juge en cette matière, il nous a quittés empor
tant avec lui nos regrets et nos sympathies.
�- 36
Nous sommes donc réduits à quatre, comme cela nous est ar
rivé déjà plusieurs fois, succombant sous le double fardeau de
notre enseignement et de nos examens. Professeurs à Aix et à
Marseille, nous traversons quatre fois par an la Méditerranée ,
pour aller tenir à Alger , en Corse et à Nice les grandes assises
universitaires. Ajoutons que les examens deviennent chaque
année plus nombreux, et que le baccalauréat n’est pas, comme
autrefois, le privilège de quelques-uns, mais l’ambition de tous,
et presque une institution nationale. Faut-il s’en plaindre, fautil s’en applaudir? il vaut mieux provisoirement n’en rien dire.
Espérons que M. le Ministre aura pitié de nous, et que s'il ne
veut pas dédoubler la chaire de littérature ancienne , comme il
l’a fait pour d’autres Facultés qui ont peut-être moins d’impor
tance que la nôtre, s’il ne veut pas établir à Aix , l’ancienne ca
pitale de la Provence, une des chaires de la littérature proven
çale qu’on se propose de créer , il ne tardera pas du moins à
pourvoir à la vacance de la chaire d’histoire. Nous appelons
sur cette situation fâcheuse la sollicitude bienveillante de M. le
Recteur.
Voici, en attendant la réalisation de ce vœu, le compte-rendu
des cours de l’année dernière et le programme des cours que
seront faits cette année-ci :
Le professeur de philosophie a exposé , pendant l’année pré
cédente , les doctrines de Platon et d’Aristote, c’est-à-dire les
conceptions les plus élevées et les plus profondes de la philoso
phie ancienne sur les principes de la nature et sur la vie humai
ne. Le cours de cette année sera consacré à l’histoire de la phi
losophie moderne. Le Professeur montrera comment au xvnc
siècle l’esprit humain arrive enfin à fonder les sciences positives
par l’application des méthodes nouvelles de Bacon et de Des
cartes ; il étudiera les grands systèmes de métaphysique qui se
— 37 —
sont produits à cette époque, et les progrès accomplis sous leur
influence dans la philosophie de la nat ure ou dans la philosophie
de l’esprit.
Le professeur de littérature ancienne , continuant ses études
sur le siècle de Périclès , parlera cette année de la comédie à
Athènes : sujet curieux, (j’allais dire plein d’actualité , si je ne
tenais avant tout à parler français) , qui nous prouvera que la
comédie n’est jamais plus vive , plus piquante , plus spirituelle
que sous la liberté d’un gouvernement démocratique, et au mo
ment où déborde le flot des questions sociales.
Le professeur de littérature française a étudié celte année
les écrivains de la première partie du xvne siècle. Au sortir des
guerres de religion, l’anarchie était partout. Tandis que les
partis se disputaient la France épuisée, l’imitation malheureuse
de l’Espagne et de l’Italie menaçait de corrompre et d’étouffer
le génie national. Tout change à l’avénement d’Henri IV. Sully
rétablit l’autorité royale , et Malherbe donne à la poésie fran
çaise des lois qu’elle ne méconnaîtra plus. Ce double travail de
restauration , un moment interrompu sous la régence de Marie
de Médicis, est repris par Richelieu , qui prétend gouverner les
Lettres comme l’Etat. Le puissant cardinal ne prépare pas seu
lement le règne de Louis XIV par la chute de la maison d’Autri
che , et la soumission à l’intérieur de tout ce qui pouvait faire
obstacle à la royauté , grands seigneurs, parlements, clergé ou
tiers-état ; il crée l’Académie française, protège Corneille après
l’avoir fait attaquer, et donne au génie français un nouvel essor.
A la période qui porte son nom se rattachent les écrivains les
plus hardis et les plus originaux du xvn® siècle, Descartes, Pas
cal, laRochefoucaud.
En même temps se forme peu à peu, par l’influence toujours
�plus développée de la Cour et des Lettres , une société élégante
qui propage et impose le goût de la politesse. Ces réunions
nombreuses, ces conversations quelquefois un peu trop prolon
gées, ont leur premier modèle dans le roman de l’Aslréeet dans
les œuvres de Mlle Scudéry ; elles sont surtout mises a la mode
par l’Hôtel de Rambouillet , qui tout en cédant quelquefois à
l'affectation et au bel esprit , a pourtant le mérite de former la
société polie , et de préparer ainsi la cour de Versailles. Louis
XIV n’aura qu’à recueillir cette succession. Sous le grand roi >
les lettres se disciplinent comme la nation , et autour de son
trône retentit un concert de louanges exprimées dans la langue
la plus pure et la plus harmonieuse, Boileau, Racine, Molière ,
célèbrent dans toutes leurs œuvres la royauté , que Louis XIV
et Bossuet lui - même représentent comme une image de la
divinité.
Le Professeur fera cette année la contre-partie de ce tableau,
en étudiant les écrivains ^dépendants sous Louis XIV.
M. Reynald a de plus écrit, sur les négociations qui ont pré
cédé la guerre de la succession d’Espagne, un Mémoire lu à l’A
cadémie des Sciences morales et politiques, dans la dernière
séance du mois d’août.
Le professeur de littérature étrangère continuera , pendant
le semestre d’hiver, l’histoire , commencée il y a un an , de la
littérature allemande au xvine siècle. Jusqu’ici, après avoir ra
pidement exposé les origines de l’Allemagne moderne, il a passé
successivement en revue les diverses écoles poétiques qui rem
plissent la première moitié du siècle dernier , et a terminé le
tableau qu’il en a fait par l’étude des œuvres de Klopslock , le
premier poète original de l’Allemagne depuis le Moyen-Age , le
vrai précurseur de son grand siècle littéraire.
Cette année , il se propose d’étudier les deux écrivains q u i,
— 39 —
avec le chantre du Messie , ont si puissamment contribué à la
renaissance littéraire de leur pays: Wieland , le poète des Grâ
ces, le disciple et l’émule de Voltaire, et Lessing , le critique et
le dramaturge célèbre, l’auteur du Laocoon et de Nathan le
Saye. La vie de ces deux écrivains et de leurs disciples suffira
sans doute à remplir les trop peu nombreuses leçons du premier
semestre. Pendant le second, le Professeur a l’intention d’abor
der une des époques les plus intéressantes des littératures du
Midi, et il essaiera de montrer ce qui fait le caractère et l’origi
nalité du théâtre espagnol, en l’étudiant surtout dans son repré
sentant le plus illustre, Calderon.
Mais là ne se bornera pas son enseignement. Encouragé par
l’accueil qu’a rencontré la conférence de langue romane qu’il a
faite depuis Pâques, il se propose de la continuer l’année pro
chaine, et de la faire, pendant les deux semestres, sûr de répon
dre ainsi à un vœu plus d’une fois exprimé , et qui n’a encore
reçu de satisfaction dans aucune de nos Facultés.
Voilà , Messieurs, les matières de notre enseignement pen
dant l’année classique 1876-77. Nous espérons y joindre bien
tôt un programme d’histoire et de géographie, qui sera annoncé
par un avis spécial , si le Ministre découvre quelque part un
docteur disponible, ce qui n’est pas sûr ; car s’il y a en France
un grand nombre d’hommes doctes ou qui se croient tels , le
nombre des docteurs ès-lettres est excessivement rare, l’Univer
sité faisant jusqu’à présent de ce grade le prix des plus longs et
des plus laborieux efforts, et ne le conférant qu’à ceux qui ont
éclairé quelques points obscurs ou contestés de philosophie ,
d’histoire ou de littérature.
Le nombre de nos leçons est singulièrement diminué chaque
année par le temps que nous sommes forcés de consacrer aux
examens. Nous exerçons nos fonctions de juges pendant trois
mois et demi, et le Ministre de la guerre empiète même sur nos
�- 40 —
vacances dans l’intérêt des candidats au volontariat d’un an.
Nous avons de plus à corriger les compositions du concours aca
démique de deux importantes Académies, celles d’Aix et d’Alger.
Bien plus, M. le Gouverneur de l’île de la Réunion nous envoie
annuellement les compositions du Lycée de Saint - Denis , en
nous priant de les comparer à celles de notre concours acadé
mique. Nous ne désespérons pas de voir arriver un jour des
discours latins et des dissertations de la Cochinchine et de la
Nouvelle-Calédonie, Marseille étant la porte de l’O rient, et
même de l’extrême Orient, depuis l’ouverture du canal de
Suez.
Ajoutez à ces occupations si diverses les conseils que nous
donnons aux jeunes maîtres répétiteurs et aux professeurs qui
aspirent à la licence ou à l’agrégation, la lecture des composi
tions qu’ils nous envoient périodiquement et que nous leur ren
voyons corrigées et annotées de notre main , la part que nous
prenons aux examens semestriels de l’enseignement secondaire,
et vous comprendrez combien peu il nous reste de temps , en
dehors de nos fonctions officielles ou bénévoles, pour nous li
vrer à des travaux personnels où nous trouverions peut - être
un peu d’honneur, mais assurément un repos plein de charme.
Abordons maintenant la statistique de nos examens , sujet
un peu triste , surtout en ce qui concerne la licence. L’année
dernière, nous avions examiné dix - sept candidats, et nous en
avions admis quatre. Cette année - ci , nous n’en avons admis
que deux sur treize. MM. Suzanne et Quilichini , tous deux
maîtres auxiliaires au Collège d’Aix , ont seuls été reçus , et ils
ont obtenu la mention assez bien. Plaise à Dieu que l’année
présente soit plus féconde 1
Le nombre des candidats au baccalauréat, au contraire, aug
mente chaque année. Nous n’avions examiné en 1874 - 1875
41
que 775 candidats ; nous en avons examiné cette année-ci 807,
et, s’il faut en juger par la session actuelle, nous aurons l’année
prochaine une augmentation beaucoup plus considérable. Les
807 candidats de cette année se décomposent ainsi :
Baccalauréat scindé, première partie, 451 candidats examinés;
admis, 198 ; moyenne, 43,91.
Baccalauréat scindé, seconde partie , 138 candidats ; admis,
81 ; moyenne, 58,68.
Baccalauréat complet, 213 candidats; admis, 74 ; moyenne ,
24,48.
•
Sur 354 admissions, nous avons accordé 1 mention très-bien,
12 mentious bien, 132 mentions assez bien , et 203 mentions
passable.
Sur 10 candidats déjà pourvus du grade de bachelier èssciences, la Faculté des lettres en a admis 5.
L’année dernière , la première partie du baccalauréat scindé
avait obtenu proportionnellement un plus grand nombre de
mentions honorables ; cette année-ci c’est la seconde qui triom
phe. Je prévoyais ce résultat. Au moment où nous avons com
mencé à appliquer le nouveau programme , il ne se présentait
pour la première partie que des candidats vaillants et bien
préparés par des études régulières. 11 nous arrive maintenant
des candidats échappés la veille de la classe de seconde , quel
ques - uns de la classe de troisième , sans compter ceux
qui feraient bien d’aller, sur les bancs de la quatrième ou
delà cinquième, s’enquérir quelque peu de l’accord de l’ad
jectif avec le substantif. Je m’explique jusqu’à un certain point
la témérité , les impatiences malsaines de ces enfants; mais je
ne puis comprendre la faiblesse des pères de famille, qui se ren-
�— 42 —
dent, presque sans résistance , aux mauvaises raisons que sug
gèrent à leurs (ils l’amour de la paresse ou d’une indépendance
irréfléchie. Rien ne peut suppléer un cours d’études complètes,
faites dans un établissement de plein exercice ; que cet établis
sement soit libre ou qu’il appartienne à l’Etat, n’importe ; les
élèves qui en sortent trouvent à notre tribunal une justice im
partiale. Mais pour les maisons où les enfants vont préparer
à la bâte , presque en courant, j’allais dire à haute pression ,
les épreuves dilliciles du baccalauréat, je me plais à reconnaî
tre les services qu’elles rendent dans certaines circonstances,
je rends hommage à l’honorabilité de ceux qui les dirigent ;
mais j’estime qu’elles doivent être considérées comme des hôpi
taux de blessés et des hôtels d’invalides. Les casernes des cons
crits bien portants se trouvent ailleurs.
RAPPORT DE M. SEUX
u iu e c t e c u
ui) l ’é c o l e d e i *l e iy e x e u c ic e u e
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACI E
M onsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Un événement mémorable a marqué pour l’Ecole de Méde
cine et de Pharmacie de Marseille l’année scolaire 1875-1876.
L’an dernier, dans notre séance de rentrée, après le vote géné
reux du Conseil municipal, j’avais l’honneur de vous faire part
de mes espérances sur la prochaine transformation de notre
Ecole préparatoire en Ecole de plein exercice. J'avais raison,
car quelques jours après, était signé le décret qui créait à Mar
seille, une Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharma-
�44
cie. Notre ville qui, malgré son passé illustre et chargé d’ans,
conserve encore toute la splendeur et les espérances de la jeu
nesse, avait obtenu les prémices d’une importante et toute nou
velle institution ; un très grand pas venait d’être fait par elle
dans la hiérarchie de l’enseignement médical. En effet, au lieu
d’un nombre de cours très limité, d’une scolarité restreinte,
soumise à réduction pour les étudiants, son Ecole obtenait l’en
seignement d’une grande Faculté ; dix-sept chaires de profes
seurs titulaires, huit de suppléants, les élèves pouvaient pren
dre leurs seize inscriptions de docteur, passer leurs trois exa
mens de fin d’année ; les parents pouvaient garder leurs fils à
Marseille jusqu’à la fin de leurs études, ces jeunes gens n’étant
plus tenus qu’à un court séjour dans une Faculté pour y subir
leurs examens du Doctorat, ou auprès d’une Ecole supérieure
de Pharmacie pour les aspirants au titre de pharmacien de pre
mière classe. Marseille allait ainsi, par la voie la meilleure en
toute chose, c’est-à-dire par une marche progressive, se prépa
rer à la Faculté de Médecine obtenue d’emblée par des villes
d’une moindre importance.
La création de l’Ecole de plein exercice, qui est presque une
Faculté, a en effet admirablement préparé le terrain, soit en
donnant un nouvel aliment au zèle des professeurs, soit en ap
pelant à elle par le concours ces jeunes médecins pleins de mé
rite qui sont l’honneur de notre vieille Ecole, en un mot en
suscitant au milieu de nous un véritable mouvement scientifi
que, atmosphère indispensable à la vie d’une Faculté. Ainsi
préparée, notre ville pourra mieux que tout autre, aspirer à
l’honneur de ce haut enseignement, et ses enfants pourront
fournir au gouvernement un personnel d’une valeur éprouvée.
Mais, je m’aperçois que j’anticipe sur les événements, j’ai à
vous entretenir des dernières phases de l’existence de notre
Ecole préparatoire, vous y verrez, j’en suis sûr, comme moi,
que son enseignement était déjà à la hauteur de l’Ecole de
plein exercice.
Durant le semestre d’hiver, l’Ecole préparatoire a fonctionné
avec la régularité des années précédentes, tant par le fait des
professeurs dont le zèle ne s’est jamais ralenti, que par celui
des élèves, qui se sont fait surtout remarquer par un plus grand
empressement à suivre les travaux de dissection. Il est vrai que
le grand nombre des sujets distribués dans nos pavillons d’ana
tomie était fait pour exciter l’ardeur de notre jeunesse stu
dieuse. Cent vingt-quatre sujets venant de l’Hôtel-Dieu ont été
livrés pendant l’hiver, ce qui donne une moyenne de sept ca
davres par semaine, nombre suffisant pour l’Ecole actuelle et
que le contingent des autres hôpitaux pourra augmenter. Il est
vrai aussi que, chef des travaux anatomiques, prosecteur, aides
d’anatomie n’ont cessé de s’occuper des élèves avec ce dévoue
ment complet dont le professeur leur donnait l’exemple.
L’an dernier, je souhaitais la bienvenue à MM. Livon et
Queirel, récemment nommés suppléants, je suis heureux d’a
voir aujourd’hui à leur adresser mes félicitations sur leurs suc
cès dans l’enseignement complémentaire dont ils ont été char
gés pendant l’hiver. Le premier a inauguré l’enseignement
officiel de la micrographie à Marseille ; le second a initié nos
élèves à la connaissance des blessures par armes de guerre.
C’est aussi pendant le semestre d’hiver que, pour la pre
mière fois, a été appliqué le décret relatif au nouveau mode
d’études des élèves en pharmacie. L’obligation des travaux pra
tiques pour cette catégorie d’élèves a ouvert pour eux une ère
nouvelle qui sera féconde en bons résultats. Trois fois par se
maine, pendanl trois heures consécutives, ces travaux ont eu
lieu sous la surveillance de M. Robert, chef des travaux chimi-
�— 40
ques, qui, au moyen de conférences faites très régulièrement
et avec le plus grand zèle, aplanissait aux élèves les difficultés
des manipulations. Rien ne saurait remplacer pour les candi
dats au titre de pharmacien, ces travaux pratiques qui seuls
peuvent faire des chimistes et créer des praticiens. Il faut en
effet le reconnaître, depuis trop longtemps le pharmacien n’est
plus l’homme du laboratoire, les nombreux produits qui lui
arrivent tout préparés, les médicaments qu’on lui expédie,
l’éloignent malgré lui de ses fourneaux et de ses alambics. Par
la même cause, c’est-à-dire la facilité qu’on a aujourd’hui à se
procurer des médicaments prêts à être administrés, beaucoup
de médecins ont désappris l’art de formuler. Cependant le
pharmacien doit être chimiste, ne serait-ce que pour recon
naître la pureté des agents énergiques, souvent héroïques que
constamment il doit avoir à la disposition du médecin. Or, c’est
par les travaux pratiques qu’il deviendra chimiste, qu’il ac
querra le goût de cette science à laquelle l’art de guérir doit
tant de reconnaissance. Que l’étudiant en pharmacie profite
donc avec ardeur des nouvelles ressources mises naguère à sa
disposition par les soins de l’Université I que surtout, il n’oublie
pas, ce qui doit avec juste raison l’encourager et l’énorgueillir,
que du laboratoire du pharmacien sont sortis de très grands
chimistes I N’est-ce pas dans une des plus modestes pharma
cies de la Suède qu’en \ 774, Scheele découvrit le chlore à tren
te-deux ans ? Béguin ; Glauber ; Glazer ; Homberg ; Lemery ;
Rlapproth ; Bucholtz ; Geoffroy ; Margraff ; Rouelle ; Wenzel,
Balard et d’autres n’élaient-ils pas pharmaciens ? Le labora
toire doit être pour l’étudiant en pharmacie ce qu’est Ja clini
que pour l’élève en médecine ; ces travaux pratiques lui sont
donc indispensables. Du reste, celte catégorie d’élèves a été re
marquable par son assiduité.
Grâce à votre incessante activité, Monsieur le Recteur, et à
— 47
votre amour du progrès, l’Ecole de plein exercice fut complè
tement organisée pendant l’hiver par la nomination des profes
seurs et celle des différents employés.
Grâce à la sollicitude du Conseil municipal, à celle de la com
mission administrative des hospices, les aménagements néces
saires au service des cliniques étant terminés à l’IIôtel-Dieu, la
nouvelle Ecole put fonctionner à partir du 1er avril. Remercie
ments à vous, Monsieur le Recteur, remerciements à Monsieur
le Ministre, tant au nom de l’Ecole qu’au nom des étudiants,
pour les nombreuses facilités qui, comme mesures transitoires,
nous ont été alors immédiatement accordées I Aussi avec quel
entrain le semestre d’été a-t-il été commencé et achevé I Pro
fesseurs, par la hauteur de leur enseignement, élèves, par leur
assiduité et leur constante attention ont rivalisé de zèle. C’était
à qui ferait le mieux, tant pour les cours dogmatiques dans les
amphithéâtres de l’Ecole, que pour les cours pratiques dans
ceux de l’Hôtel-Dieu. Les cliniques, ces institutions admirables
qu’on ne saurait trop étendre, trop faciliter, car c’est là seule
ment qu’on devient médecin, ont été fort suivies. Que les hom
mes de bien qui dirigent nos hôpitaux reçoivent nos remercie
ments pour ce qu’ils ont bien voulu nous accorder ; mais qu’ils
veuillent bien comprendre et approuver nos aspirations vers un
avenir meilleur encore et se pénétrer de cette idée que sans
leur très large concours, nos travaux les plus importants se
raient paralysés, l’éducation pratique de nos élèves laisserait
énormément à désirer l qu’ils veuillent bien s’unir à nous dans
toute l’étendue de nos besoins, la science bénira leur nom et
les malades, qui y trouveront leur prolit dans le présent et dans
l’avenir, se joindront à elle ! La médecine est toute dans les dé
tails, souvent dans les détails les plus minutieux, aujourd’hui
surtout où l’analyse est poussée si loin à l’aide des nombreux
instruments que la science, dans ses nouvelles investigations, a
�— 48 —
placés entre nos mains. Eh bien, pour que l’élève suivant
l’exemple du maître puisse pénétrer avec patience et résigna
tion dans tous ces détails arides, mais dont l’étude aura un jour
pour résultat, le salut d’un père de famille, celui d’une mère
indispensable à l’éducation de ses enfants, celui d’un bon ci
toyen, il faut du temps et beaucoup de temps passé dans les
salles de clinique. On a pu dire par un sentiment très louable
au fond, que les médecins sont faits pour les malades et non les
malades pour les médecins. Qu’à ce sujet on se pénètre bien de
cette idée qui semble vulgaire tellement elle est forcée et logi
que, que de même que rien ne se perdant dans la nature,
l’homme doit rendre à la terre qui l’a nourri, ce qu’il en a
reçu, de même le malade, pour ainsi dire en récompense des
soins qu’il reçoit, doit augmenter et augmente réellement les
richesses pratiques du médecin. Quant aux malades des hô
pitaux, l’élève, même celui qui sort des bancs du lycée, qui
ressent encore dans tout son être, cette fougue si excusable de
la première jeunesse, cet élève a le respect du malade ; dans
une salle d’hôpital, cet élève est un homme sérieux, toujours
digne, toujours parfaitement convenable. Elles ont été bien ra
res, dans ma vie hospitalière, les occasions où j’ai eu des plain
tes à porter, elles ont été bien fréquentes, au contraire, celles
où j’ai demandé ou donné moi-même des éloges. L’étudiant
sait fort bien que dès le seuil de sa vie médicale, le sacrifice,
l’abnégation, le dévouement dans les grandes calamités publi
ques, le travail incessant pour la vie entière, commencent pour
lui.
Ce premier semestre de l’Ecole de plein exercice, indépen
damment des cours réguliers professés depuis longtemps par
mes habiles et distingués collègues de l’Ecole préparatoire, a vu
inaugurer des cours nouveaux ; celui d’histoire naturelle médi
cale confié au docteur Keynès, le savant directeur de notre mu
séum ; le cours de pathologie générale professé avec beaucoup
de talent par M* le docteur Villard ; le cours de gynécologie,
professé pour la première fois officiellement dans les Ecoles
françaises, et confié au docteur Queirel, un de nos distingués
suppléants, qui s’est parfoitement acquitté de la tâche à lui
confiée.
Une institution toute nouvelle aussi pour nous, est celle des
chefs de clinique qui ont marqué leurs débuts, comme auxiliai
res de l’enseignement, par leur constante assiduité et leur dé
vouement entier aux malades objet de leurs soins, à la science
qu’ils avaient à cultiver, aux élèves qu’ils étaient appelés à diri
ger conjointement avec leurs maîtres.
Le personnel de l’Ecole de plein exercice, complet au point
de vue du nombre des professeurs titulaires, qui est de dixsept, offre toutefois une lacune ; je veux parler du professeur
de physique qui sera nommé ultérieurement lorsque la ville
pourra établir un cabinet indispensable au fonctionnement ré
gulier de ce cours. Cet enseignement est nécessaire dans une
Ecole qui doit conduire l’élève du début à la fin de ses études.
Car la physique est d’une indispensable nécessité au praticien
instruit, et c’est à l’Ecole de Médecine seulement que, comme
la chimie, elle est enseignée à un point de vue spécial, au point
de vue médical et pharmaceutique.
Une lacune plus considérable encore existait au début pour
les professeurs suppléants, qui, d’après le décret d’organisation,
doivent être au nombre de huit. Au 1er avril l’Ecole n’en comp
tait que trois ; cinq étaient donc à nommer. Cette lacune vient
d’être comblée en partie par MM. Villeneuve fils et Marcorelles,
qui, à la suite du brillant concours du 10 août, ont été nommés
suppléants pour les chaires de chirurgie. Qu’ils veuillent bien
recevoir par ma bouche les félicitations de l’Ecole et les témoi
gnages de ses sympathies I quant aux trois autres places de
�— so —
snppléants, l’une pour les chaires de médecine, les deux autres
pour les chaires de sciences naturelles, les deux très remar
quables concours qui viennent d’avoir lieu donneront à M. le
Ministre la faculté d’en désigner incessamment les heureux
possesseurs. Le personnel de l’Ecole sera ainsi complet dès le
commencement de l’année scolaire 1876-1877, d’autant plus
qu’à la suite des concours qui ont eu lieu en juillet ont été
nommés : chef des travaux anatomiques, M. Gamel ; prosec
teur, M. Reynaud ; aides, MM. Rouvier et Bernard. Ces jeunes
gens d’avenir font le plus grand honneur à l’Ecole de Marseille,
Alma Mater ; qu’ils soient les bien venus ! l’Ecole compte sur
leur instruction et leur dévouement dans la tâche qu’ils ont à
remplir, soit auprès des professeurs en les assistant dans leur
enseignement et dans leurs recherches scientifiques ; soit au
près des élèves qui ont besoin d’ètre conduits par la main dans
les tâtonnements si difficiles des premières études anatomi
ques.
J ’ai fait l’an dernier l’énumération des nombreux services
que l’administration municipale, par ses largesses, nous avait
permis d’installer dans notre simple mais élégant local de l’E
cole ; je dois ajouter que nous possédons de plus aujourd’hui
un secrétariat parfaitement installé, un logement des plus con
venables pour le secrétaire agent comptable, un second labora
toire de chimie et de pharmacie pour les élèves, un beau labo
ratoire particulier pour le professeur de chimie.
Entre cette année et l’an prochain, je l’espère, seront termi
nés les travaux nécesssaires à la réalisation complète du pro
gramme formulé par M. le Ministre pour les Ecoles de plein
exercice.
Ainsi tout me fait penser que prochainement seront exécu
tés les travaux qui doivent faire de nos pavillons d’anatomie un
établissement complet, par l’addition d’un cabinet de travail
pour le professeur, d’un cabinet semblable pour le prosecteur
— B l
et les aides, d’une salle de nécropsie et d’autres pièces néces
saires au fonctionnement d’un institut anatomique.
Enfin, je suis heureux de pouvoir vous annoncer que le bâ
timent de la clinique obstétricale est en voie de construction
sur un excellent terrain, faisant partie du domaine de l’hôpital
de la Conception, terrain que la Commission administrative des
hospices a bien voulu offrir à la ville pour cette construction.
Le pavillon de clinique sera élevé, d’après les meilleures don
nées de la science obstétricale moderne, sous l’habile direction
de M. de Foucault, architecte des hospices.
Le chiffre des inscriptions, pour l’année scolaire 1875-1876
s’est élevé à 673, il se décompose de la manière suivante :
Aspirants au doctorat, 282 inscriptions ; à l’officiât de santé,
187 ; au diplôme de pharmacien de première classe, 37 ; à ce
lui de pharmacien de deuxième classe, 167.
Ce chiffre de 673 inscriptions aurait sans doute été dépassé
si l’Ecole de plein exercice avait pu fonctionner dès le Ier jan
vier, car plusieurs élèves de quatrième année, incertains sur
l’époque précise de l’ouverture de la nouvelle Ecole, sont allés
se faire inscrire dans une Faculté ; mais il était matériellement
impossible de voir l’Ecole fonctionner avant le 1er avril ; tout ce
qui pouvait être fait a été fait.
Les chiffres qui précèdent ont une signification des plus im
portantes que je m’empresse de faire remarquer, c’est d’abord
une augmentation de 83 inscriptions sur l’année précédente,
puis c’est que l’augmentation porte sur les inscriptions pour le
doctorat, 82 inscriptions de plus que l’année dernière ayant été
prises en vue de ce titre ; double résultat avantageux dont il
est inutile de faire ressortir la portée.
J ’ajoute avec satisfaction que l’année scolaire actuelle s’ouvre
avec 200 inscriptions.
�Les examens de fin d’année qui ont eu lieu du 31 juillet au
2 août, ont donné les résultats suivants : 122 étudiants étaient
inscrits ; 80 en médecine, 42 en pharmacie ; 1G ne se sont pas
présentés. La mention très bien a été accordée onze fois ; la
mention bien dix-huit fois ; la mention assez bien vingt-trois
fois ; la mention médiocre vingt-huit fois ; vingt-six ont été
ajournés.
La session de novembre qui est créée pour les ajournés et
pour les absents, a eu lieu du 0 au 8 ; 45 élèves ont été exami
nés ; 32 en médecine, 13 en pharmacie. La mention très bien
a été accordée une fois ; la mention bien neuf fois ; la mention
assez bien neuf fois ; la mention médiocre vingt-une fois ; 5
ont été refusés.
Les deux sessions règlementaires pour la réception des offi
ciers de santé, des pharmaciens de deuxième classe, des sagesfemmes et des herboristes ont eu lieu, comme de coutume, au
printemps et à l’automne, sous la présidence de M. Courty,
professeur à la Faculté de Montpellier, pour les aspirants au
titre d’officier de santé et de sage-femme ; sous celle de M.
Soubeyran, professeur à l’Ecole supérieure de Pharmacie de
la même ville, pour les aspirants au titre de pharmacien de
deuxième classe et d’herboriste.
La première session a eu lieu du 4 au 5 mai, pour les offi
ciers de santé. 12 candidats se sont présentés, cinq au premier
examen, l’un d’eux a été ajourné ; 5 au second, ils ont été ad
mis ; 11 au troisième, tous ont été admis. En résumé, onze di
plômes ont été accordés sur douze postulants.
Pour les candidats au titre de pharmacien, les examens ont
été passés du 24 avril au 1er mai.
12 candidats ont subi le premier examen, ils ont été admis ;
— 53 —
14 ont subi le deuxième, 4 ont été ajournés ; 7 seulement ont
affronté le troisième examen, 3 ont été ajournés. En somme, 4
candidats seulement sur 14 ont subi avec succès toutes les
épreuves et ont obtenu le diplôme.
La deuxième session a eu lieu pour les officiers de santé et
lés sages-femmes le 28 et le 29 septembre. Il y avait 16 candi
dats à l’officiat de santé ; 15 au premier examen, il y a eu un
ajourné ; 14 au deuxième, tous ont été admis ; 15 au troisiè
me, il y a eu un ajournement. 14 candidats ont donc été jugés
dignes du diplôme.
J ’éprouve un véritable plaisir à faire connaître les notes qui
ont été accordées dans ces quarante-quatre examens pour l’ob
tention du diplôme d’officier de santé, parce qu’elles démon
trent de la manière la plus évidente l’élévation du niveau des
études médicales à Marseille ; du reste, il a été constaté habi
tuellement que les meilleures notes, en anatomie et en clinique,
ces deux critériums du vrai praticien, étaient obtenues dans les
examens de doctorat à Montpellier, par les élèves qui sortaient
de notre Ecole.
Voici les notes obtenues par nos officiers de santé dans la
dernière session : Dix très bien ; dix-huit bien ; douze assez
bien ; deux médiocres, et deux ajournements.
Ces résultats n’ont pas besoin de commentaires, ils parlent
d’eux-mêmes.
3 sages-femmes se sont présentées ; elles ont été admises
avec des notes très satisfaisantes. Deux surtout dont l’une sor
tait de notre Maternité, qui fait de si bons élèves ; l’autre, très
bonne aussi, venait de la Corse.
Les examens des pharmaciens ont commencé le 9 octobre et
ont été terminés le 20. Il y avait 23 candidats ; 15 au premier
examen, tous ont été admis ; 18 au deuxième, il y a eu neuf
�54
ajournés ; 11 au troisième, il y a eu deux ajournements. 9 can
didats seulement ont obtenus le diplôme de pharmacien.
En somme, il est bien permis de reconnaître avec une légi
time satisfaction que l’année scolaire 1875-187C a été une an
née bien employée. Enseignement aussi complet que dans une
Faculté, augmentation du chiffre des inscriptions, installation
matérielle dont les lacunes se comblent tous les jours à vue
d’œil, bons examens de fin d’études ; c’est le cas de dire avec le
grand Shakspeare : « Ail's well that ends well. » Tout, est
bien qui finit bien. Par la même raison, ne saurais-je mieux
terminer qu’en adressant au nom de mes honorables et distin
gués collègues, les remerciements les plus chaleureux et les
plus mérités à M. le Ministre de l’instruction publique, à M. le
Recteur, à la Municipalité, à M. le Préfet du département, à la
Commission administrative des Hospices, avec nos expérances
sur l’établissement d’un centre universitaire, par conséquent
d’une Faculté de Médecine à Marseille.
J’ai la conviction profonde que la nouvelle administration
municipale, dans son amour du progrès et son désir ardent de
voir s’élever et grandir notre belle Phocée, surtout au point de
vue de l’instruction, qui aujourd’hui est la base de l’édifice so
cial, sera favorable à tout projet de l’élévation du niveau de
l’instruction médicale à Marseille.
PRI X
D é c e rn é s au x ; É lè v e s d e l ’É c o le de M é d e c in e e t
P h a r m a c ie de M a r s e ille
de
Année scolaire 1875-1876
ÉLÈVES EN MÉDECINE
3me Année
1er Prix : M. Genevey-Moutaz.
2mc Prix : M. David.
lr0 Mention honorable ex æquo : MM. Faizaut et Jourdan.
2mc Mention honorable : M. d’Astros.
2mc Année
1er Prix : M. Delarebardière.
2me Prix : M. Pluyette.
Irc Mention honorable : M. Mistral.
2mo Mention honorable : M. Estelle.
^ / re Année
Point de 1er Prix.
2mc Prix ex æquo : MM. Cousin et Alezais.
Mention honorable : M. Alexandroff.
ÉLÈVES EN PHARMACIE
5me Année
Point de 1er Prix.
2me Prix : M. Nalin.
/ re Année
Point de Prix.
Mention honorable : M. Pauchon.
�RAFPORT DE M. GAUTIER
PROFESSEUR
A
LA
FACULTÉ
DE
DROIT
Sur les Concours de l'année scolaire 1875-1 876
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Lu Faculté de Droit après avoir, par l'organe de son Doyen,
exposé l’état de ses travaux, doit encore vous présenter un
compte-rendu sommaire des concours qui s’ouvrent entre les
étudiants à la fin de chaque année. Cette publicité montre le
prix que nous attachons à nos modestes couronnes, elle encou
rage ceux qui les ont méritées à se maintenir par leurs efforts
à la place qu’ils ont conquise, elle est un stimulant précieux
pour ceux qui, moins heureux cette fois, s’efforceront à de juo-
— 57 —
chaines épreuves d’atteindre et, s’il se peut, de dépasser leurs
vainqueurs d'aujourd’hui. Puissé-je, en me livrant le plus briè
vement possible à l’appréciation dont je suis chargé, inspirer à
nos jeunes étudiants un peu de cette émulation salutaire qui,
jointe au sentiment du devoir, doit les porter à étudier avec
zèle et avec fruit.
Sur les compositions de première année je ne dirai qu’un
mot. Est-ce la faute du sujet, tiré pourtant d’une.des matières
les plus intéressantes du Droit Romain, la tradition , est-ce in
suffisance de préparation chez les concurrents, quelle qu’en
soit la cause, les compositions ont été tellement médiocres que
la commission chargée de les examiner n’a pu, malgré son bon
vouloir, décerner aucun prix. Des mentions seulement ont été
accordées à MM. Carcassonne, Fontaine etTribes. Qu’il me soit
permis de leur dire que ces mentions doivent être acceptées
par eux, moins comme des récompenses absolument méritées
par leur travail que comme le témoignage des espérances que
la Faculté fonde sur eux et que, je l’espère, ils s’efforceront de
réaliser au cours de l’année prochaine.
J ’ai hâte d’arriver aux épreuves de la seconde année. Ici les
compositions sont moins nombreuses mais aussi bien meilleu
res. Les concurrents avaient à expliquer une disposition de nos
Codes dont l’origine est fort ancienne et qui est aujourd’hui
l’objet de critiques fort vives de la part des économistes, la Ré
vocation des donations pour cause de survenance d’enfants.
Les deux compositions qui ont été faites sur ce sujet étaient
l’une et l’autre fort bonnes, à la fois suffisantes comme forme
et assez développées au fond. Aussi la commission a-t-elle hé
sité un instant pour savoir laquelle des deux serait placée la
première. Des explications plus détaillées sur divers points ont
fait donner le premier prix à M. Chamayou. M. Bayoud n’a ob
tenu qu’un second prix, mais je me fais uu devoir de constater
�que la distance n’est pas bien grande entre nos deux jeunes
lauréats. J ’ajouterai que la généreuse émulation qui les anime
nous fait espérer les meilleurs résultats pour les concours de
l’année dans laquelle nous entrons.
En troisième année les étudiants sont appelés à deux con
cours dont l’un est consacré au Droit Romain, l’autre au Droit
Français. En Droit Romain ils avaient à traiter du terme et de
la condition dans les stipulations et les testaments. C’est à
coup sûr l’une des matières qui sont le plus empreintesde celle
rigueur de déduction, de cette logique subtile qui caractérisent
les jurisconsultes romains ; aussi le grand Leibnitz n’avait-il
point dédaigné de diriger de ce côté l'effort de son puissant es
prit et il nous a laissé un traité des conditions. Des composi
tions qui nous ont été remises une seule nous a paru digne de
récompense. Le sujet est traité avec beaucoup de netteté et de
méthode, les solutions sont exactes, les développements suffi
samment complets. Aussi la commission a-t-elle sans hésitation
décerné le premier prix à son auteur, M. Henri de Fonscolombe.
Contrairement à ce qui a lieu d’habitude,les compositions de
Droit Français sont inférieures à la précédente. Le sujet choisi
était la garantie dans la vente et dans les donations. Peutêtre l’éclat du concours de l’année dernière nous avait-il fait
concevoir de trop grandes espérances, peut-être aussi l’absence
fortuite bien regrettable de deux excellents élèves est-elle la
cause de ce résultat, mais les travaux qui nous ont été remis
n’ont pas complètement répondu à notre attente. Nous avons
regretté notamment l’omission d’une des questions les plus dé
licates et les plus intéressantes du sujet, la divisibilité de la ga
rantie. Malgré cette lacune, les mérites sérieux de savoir et de
rédaction que nous avons constatés ont fait accorder un pre
mier prix à M. Martin et un second à M. Jeansoulin. La Fa
59
culté récompense en eux deux de ses meilleurs élèves, elle
pense qu’ils affronteront bientôt des épreuves plus difficiles que
celles de la licence, et elle espère qu’ils y obtiendront de nou
veaux succès.
J’arrive au concours de doctorat et vous me permettrez de
m’y arrêter davantage. Ici il ne s’agit plus d’un travail accom
pli en quelques heures, mais d’une œuvre personnelle, de lon
gue haleine, sur quelqu’un des points les plus délicats de la
science juridique et que les candidats peuvent méditer à loisir
pendant un délai d’une année.
Le sujet choisi par M. le Ministre sur la présentation de la
Faculté était bien de nature à enflammer le zèle de nos jeunes
docteurs. Ils devaient en effet traiter de l’hypothèque maritime
et de la loi récente du 10 octobre 1874. Les matières tirées du
Droit Commercial ont le privilège de toucher à la partie la plus
vivante de notre législation, à celle qui est pour ainsi dire dans
un état d’élaboration perpétuel. Sous l’aiguillon de la concur
rence étrangère, sous la pression de faits économiques nou
veaux, le commerce tend sans cesse à se dégager de toutes les
formalités gênantes, de toutes les restrictions et les entraves qui
s’opposeraient à sa marche L’étude du Droit Romain toute en
tière, le rôle immense qu’y jouait le Jus gentium n’est qu’une
confirmation éclatante de cette thèse. Mais combien cette ten
dance ne doit-elle pas se manifester avec plus de force aujour
d’hui que le monde entier s’ouvre devant nos navigateurs, que
les peuples jusqu’ici les plus rebelles à la civilisation deviennent
accessibles, et que les nations européennes s’efforcent, avec des
succès divers, d’étendre le plus loin possible leur commerce
maritime et par là d’accroitre à la fois leur richesse et leur in
fluence politique. Depuis que le Code de Commerce a pris place
dans nos lois, bien des exemples ont été donnés de ces occa
sions dans lesquelles le législateur cédant à de pressantes solli-
�F
60
citations a cherché à répondre à des besoins nouveaux ou plus
vivement, sentis par des institutions nouvelles. Parmi ces exem
ples la création de l’hypothèque maritime restera à coup sûr
comme l’un des plus remarquables.
Mais si le sujet était bien de nature à attirer les concurrents,
la tâche qui leur était proposée était particulièrement difficile.
Si l’œuvre du jurisconsulte est délicate lorsqu’il traite des ma
tières déjà explorées, lorsqu’il trouve dans les anciens auteurs
ou dans la jurisprudence des indications précieuses, son labeur
est autrement pénible lorsque s’engageant dans une voie nou
velle il a en quelque sorte tout à créer. Tour à tour législateur,
économiste, jurisconsulte, le commentateur d’une loi nouvelle
doit d’abord se pénétrer profondément des nécessités auxquel
les cette loi a voulu pourvoir, puis applaudissant aux innova
tions heureuses qu’elle contient et dont il montre les bienfai
santes conséquences, indiquant les lacunes, les défectuosités qui
la déparent, il prévoit les difficultés que son application fera
naître, montre comment à l’aide des principes du Droit ces dif
ficultés doivent être résolues et tient en quelque sorte à la main
un flambeau dont la clarté illuminera tous ceux qui viendront
après lui. Accomplir dignement une telle œuvre supposait chez
ceux qui l’entreprendraient une solide érudition, un esprit ri
goureusement logique, une élévation de vues qui permit de
bien saisir l’ensemble et d’y rattacher habilement les détails.
C’est ce qui explique sans doute que parmi nos aspirants au
doctorat un seul ait dirigé ses efforts de ce côté et qu’un seul
mémoire nous ait été remis.
Ce mémoire, qui porte pour épigraphe les mots d’Ulpien :
Navium exercitio ad summam rempublicarn pertinet, s’an
nonce dès les premières pages comme une œuvre faite avec
soin et sur bien des points remarquable. L’auteur commence
par rechercher à quels besoins correspond la loi de 1874 et la
— 61
réponse sur ce point n’est que trop facile ; on a voulu attirer
les capitaux vers la marine marchande en leur donnant des
garanties nouvelles, on a essayé de tirer notre industrie mari
time de l’état de torpeur dans lequel elle languit depuis trop
longtemps.
Ce n’est pas dans la grande cité où j’ai l’honneur de prendre
aujourd’hui la parole que j’aurai à insister sur la situation de
notre marine commercante. Comment se fait-il qu’un pays aussi
admirablement placé que le nôtre au point de vue maritime, re
gardant d’un côté l’Atlantique et le Nouveau Monde,de l’autre la
Méditerranée etles contrées de l’Orient ne tienne que le cinquiè
me rang dans la statistique de la marine marchande 1Est-ce l’elfet
de nos habitudes casanières ou des charges fiscales qui pèsent
sur nos armateurs, ou de cet esprit d’économie qui caractérise
notre race et qui lui ferait redouter les hasards de lamer?Faut-il
nous en prendre à l’état stationnaire de la population ou, com
me le veulent quelques-uns, à la situation de notre capitale si
inférieure en ce point à celle de l’Angleterre ? Quelles qu’en
soient les causes, le mal n’est que trop réel et il faut savoir gré
au législateur d’avoir essayé d’y porter remède. Mais n’auraiton pas pu attirer les capitalistes en leur donnant d’autres ga
ranties et éviter par là de déroger au principe que les meubles
ne sont pas susceptibles d’hypothèque. Bien des systèmes ont été
proposés et l’auteur du mémoire les passe en revue avec soin,
il en signale les inconvénients, puis il compare les solutions
diverses des législations étrangères et conclut à la justification
de la loi de 1874. Toute cette première partie est traitée d’une
manière magistrale.
Abordant ensuite directement le commentaire de la loi, l’au
teur adopte la division qui se présentait naturellement à l’esprit,
il recherche sur quels navires et sur quels objets peut s’étendre
l’hypothèque, comment celle-ci est constituée et conservée,
�— fis —
quels effets elle produit et comment elle s’éteint. Parmi les
questions traitées avec le plus de soin et d’originalité, je signa
lerai le pouvoir accordé aux quirataires d’hypothéquer leur
part, innovation hardie dont l’auteur nous montre les graves
dangers, la faculté d’hypolhéquer au cours de la construction
du navire, permission qui promet au contraire les meilleurs
résultats, et surtout le transfert du droit des créanciers hypo
thécaires sur l’indemnité d’assurance au cas de perte du navire,
disposition capitale et le plus vivement critiquée de toute la loi,
disposition qui a été cause d’une sorte de ligue formée par les
Compagnies d’assurances, qui presque toutes ne consentent à
traiter qu’à la condition que le navire assuré ne sera soumis à
aucune hypothèque. Notre jeune docteur se demande quel est
le motif de ces craintes si vives, il montre qu’elles proviennent
d’une fausse interprétation et d’une connaissance imparfaite du
droit et s’il trouve dans cet article 17 si redouté par les Com
pagnies d’assurances des dangers sérieux, c’est uniquement
pour les créanciers hypothécaires. Je voudrais pouvoir m’arrê
ter à ces divers points, mais les limites de ce rapport ne le per
mettent guère et je me contenterai de résumer en quelques
mots les conclusions de cet excellent travail.
Si la loi n’a pas rendu tous les services qu’on était en droit
d’en attendre cela tient à la fois à l’opposition injustifiable des
assureurs dont je viens de parler et à cette circonstance qu’elle
faisait partie d’une série de mesures que nous attendons encore
et qui, décrétées en même temps quelles auraient pu rendre un
peu de vitalité à notre armement maritime ; parmi ces mesures
la création d’une Banque maritime organisée sur le modèle du
Crédit Foncier aurait été sans doute l’une des plus efficaces.
Est-ce à dire que la loi ait été parfaite du premier coup et que
bien des modifications ne seraient pas opportunes? Non, sans
doute. Supprimer le pouvoir accordé au quirataire d’hypothé
quer sa part, permettre de prêter à un taux plus élevé que le
G 0/0, effacer l’hypothèque éventuelle, garantir les droits
du créancier dans le cas d’avaries simples, telles sont les prin
cipales réformes qui permettraient sans doute à l’hypothèque
maritime de venir puissamment en aide à notre marine mar
chande.
L’auteur du mémoire n’arrive à ces conclusions qu’après
avoir approfondi toutes les discussions qui ont été soulevées
dans le débat législatif ou qui se sont élevées depuis entre les
personnes compétentes. Son style clair, sans affectation, s’adap
te fort bien à l’exposition des choses du Droit, ses raisonne
ments s’enchaînent avec beaucoup de logique. Tout au plus
pourrait-on lui reprocher d’avoir, pour être trop complet, fait
entrer dans le sujet des questions qui ne s’y rattachaient que
d’une manière indirecte. Mais ce que je tiens surtout à relever
c’est le soin constant qu’a pris l’auteur d’interroger les législa
tions étrangères et de les mettre sans cesse en regard de la
nôtre. Méthode féconde et que je voudrais voir plus souvent
adopter par nos jurisconsultes 1 Dans cette partie de la législa
tion qui régit les intérêts économiques les problèmes se posent
presque dans les mêmes termes chez les nations civilisées et la
comparaison des solutions qu’ils reçoivent devient aussi intéres
sante qu’utile. Profiter des inventions et des expériences déjà
faites pour de là s’élancer vers des découvertes nouvelles n’estce pas le propre de toute science et en particulier de la science
juridique I
Per les rares qualités dont il portait l’empreinte, le mémoire
qui nous était remis a paru l’une des œuvres les meilleures que
la Faculté ait eu à apprécier depuis longtemps. Aussi la com
mission chargée de l’examiner a-t-elle à l’unanimité décerné à
son auteur, M. Massigli, la première médaille de doctorat. En
�— 64 —
accordant à ce jeune docteur cette récompense suprême, la plus
élevé de celles dont elle dispose, la Faculté a été heureuse de
couronner en lui un de ses disciples les plus méritants, un de
ceux qui l’honorent et dont elle s’honore, et de lui témoigner
sa profonde satisfaction pour la manière brillante dont il a ter
miné par là ses études juridiques. Puisse le succès qu’il rem
porte aujourd’hui être un heureux présage de ceux qu’il ob
tiendra sûrement dans la carrière à laquelle il se destine. Qu’il
se réserve aux spéculations de la théorie ou que la pratique ait
pour lui plus d’attraits, si le travail et l’intelligence ont quelque
pouvoir, une place digne de lui lui est réservée. De quelque
côté que se dirigent ses préférences, la Faculté l’accompagne de
ses vœux et applaudira à ses triomphes.
Et vous, Messieurs les Etudiants, puissent de semblables
exemples ranimer votre ardeur ot stimuler votre zèle. Ne vous
contentez pas d’étudier de manière à passer tant bien que mal
un examen pour oublier ensuite en quelques jours le peu que
vous en aurez appris. Etudiez pour savoir, pour posséder ce
qui vous est enseigné, étudiez pour exercer et élever votre in
telligence, étudiez encore, permettez-moi de vous le dire, par
patriotisme. La science que nous vous convions à apprendre
n’est-elle pas en elîet éminemment française I Ces Codes que
vous avez entre les mains ont depuis longtemps franchi nos
frontières et avec quelques modifications ont été adoptés chez
les nations les plus diverses. A mesure que les peuples, par une
évolution qui paraît aussi fatale que les lois de la nature, s’éloi
gnent d’un régime de privilèges pour se rapprocher de l’état
démocratique,c’est à notre législation qu’ils viennent demander
les règles qui régissent les rapports sociaux. Et n’en avonsnous pas une preuve éclatante nous qui voyons se presser au
tour de nos chaires tant de jeunes gens appartenant à des na
tions amies que nous accueillons toujours avec les sympathies
les plus cordiales !
Soyons fiers pour notre pays qu’il ait été et qu’il soit en
core l’initiateur des nations dans les voies du droit et de la jus^
tice 1 Mais n'oublions pas qu’aujourd’hui, plus que jamais,
notre devoir est de redoubler d’efforts pour maintenir, dans la
sphère du Droit, comme dans toutes les autres, la grandeur de
notre patrie et sa légitime influence.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-annuelle_1877-1878.pdf
e0f4c88a510e05317be7142391df038a
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ACADÉMIE D 'A IX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
D ES
FA C U LTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
1877-1878
ET DES L E T T R E S
ET
DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
E T DE PHARMACIE
AIX
AC H ILLE M A K À IR E , IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau , 2
1877
��ACADÉMIE D 'A IX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
D ES
FA C U LTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES L E T T R E S
ET
DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
E T DE PHARMACIE
AIX
AC H ILLE M A K À IR E , IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
S, rue Pont-Moreau , 2
1877
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES F A C U LTÉ S
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES
SCIENCES
ET DES LETTRES
e t d e l ’ é c o l e de p l e i n e x e r c i c e
DE MÉDECINE ET DE PHARM ACIE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Th éolo
gie, de D roit et des Lettres d’ A ix , de la Faculté des Sciences
et de l’ Ecole de plein exercice de M édecine et de Pharm acie
de M arseille, a eu lieu cette année à A ix , le lundi 26 novem
bre à 2 heures, dans la grande salle des actes publics de la
Faculté de D roit, sous la présidence de M . Ch. Z évort,
Recteur de l’ A cadém ie.
A 11 heures du m atin, M M . les m em bres du Conseil
A cadém ique et M M . les Professeurs des Facultés et de
l’ Ecole de M édecine assistaient à la messe du Saint-Esprit,
qui a été célébrée a l’ église M étropolitaine de Saint-Sau
veur.
Cette solennité avait attiré, com m e de coutum e, une
�nom breuse assistance. On rem arquait M . R igaud, prem ier
Président de la Cour d ’A ppel ; M . S im on, Procu reu r géné
ral ; M . le com te de Riancey, Sou s-Préfet de l’arrondisse
m ent d ’A ix ; M. de M ougins, M aire d’ A ix ; M. le Lieu te
nant-Colonel du H 2 n,e, et un grand n om bre de notabilités
de la M agistrature, du C lergé, du Barreau et des différentes
Adm inistrations publiques.
M. le Recteur a déclaré la séance ou verte, puis a donné
successivement la parole à M M . les Doyens des Facultés et
à M. le Directeur de l’E cole de M édecine pou r la lecture de
leurs rapports sur les travaux accom plis pendant la der
nière année scolaire.
M. de Pitti-Ferrandi, Professeur agrégé, a ensuite rendu
compte des Concours ouverts entre les Etudiants en D roit.
La séance a été term inée par la proclam ation des Prix
décernés aux Lauréats de la Faculté de D roit et de l’ Ecole
de M édecine.
�-
S -
I.
Le Professeur à'Ecriture-Sainte, M. l’abbé Figuières, a *
poursuivi ses études exégétiques sur le livre de la Genèse. —
Suivant la méthode judicieusement adoptée par lui, et à l’aide
de consciencieuses recherches, le Professeur a exposé et discuté
les difficultés inhérentes au récit biblique ; il a montré ensuite
comment la véracité de ce récit trouve sa confirmation dans les
sciences déjà faites, et dans celles qui se constituent chaque
jour, comme l’archéologie préhistorique.
Le côté littéraire des textes sacrés oft're aussi matière à des
études comparées, d’ un incontestable intérêt. C’est pourquoi,
à propos du fratricide de Caïn, le Professeur a cru devoir faire
connaître, en l’analysant, le beau poème de la mort d'Abel, par
Gesner,
En ce qui regarde le grand fait du Déluge, on a examiné un
à un les systèmes divers imaginés pour en expliquer la possibi
lité, pour en contrôler soit l’universalité, soit la date ; et on a
montré les curieuses hypothèses de certains savants , par
exemple, les calculs si ingénieux de Lepelletier et de Théve
nard, toujours conciliables avec les exigences du récit sacré.—
Egalement, les découvertes récentes des voyageurs, les données
de la linguistique et de l’archéologie ont fourni des éléments de
discussion et de confirmation, par rapport à cet autre fait his
torique : la confusion des langues et la dispersion des peuples
dans les champs de Sennaar.
Cette année, le Professeur achèvera l’étude de la Genèse et
commencera l’explication du livre de l’Exode.
Le Professeur d'Histoire Ecclésiastique, M. l’abbé Renoux,
a exposé le récit des révolutions religieuses accomplies en An
gleterre, sous Henri V III et Elisabeth, et le récit des luttes reli
gieuses soutenues, dans ce même pays, par Jacques I et par
CharlesI.— Persécution en Irlande ; soulèvements en Ecosse ;
vexations communes aux Puritains et aux Catholiques; ligue
des Ecossais, et leur fameux traité de Covenant, par lequel ils
s’engagent à défendre jusqu’à la mort ce qu'ils appellent « la
vraie religion et la vraie liberté » ; rôle terrible de la faction
religieuse qui surgit du sein de ces débats : la faction des Niveleurs, dont Cromwel est le chef ; enfin toutes les conséquences
funestes du fanatisme : guerre civile, procès des ministres, cap
tivité et mort violente du ro i... tous ces faits d’histoire ont été
présentés, étudiés avec érudition et impatialité.
Le Professeur continuera l’histoire religieuse de l’Angleterre,
au X V IIe siècle.
Le Professeur de Morale Evangélique, M. l’abbé Bernard,
a traité des règles de la moralité des actions humaines.
Après avoir étudié les éléments de l’acte humain : la liberté
et la volonté ; ainsi que les causes qui peuvent influer sur l’acte
libre et volontaire, le Professeur a exposé les conditions tant
essentielles qu’accessoires, qui s’imposent à la qualification mo
rale de l’acte humain. Puis, et en conséquence des principes
établis, il a déduit la responsabilité morale de l’agent : son mé
rite et son démérite ; l’habitude bonne ou mauvaise qui se
forme par la répétition des actes, c’est-à-dire la vertu ou le
vice ; et, enfin, le bien ou le mal qui en résulte pour l’individu
comme pour la société.
Dans son prochain cours, le Professeur traitera de la Morale
selon l’ Evangile.
Le Professeur de Théologie Dogmatique, — dans ses leçons
�destinées aux auditeurs libres d’Aix et de Marseille, — a exposé
les doctrines philosophiques et religieuses qui, par les écrivains
qui les ont interprétées, appartiennent à la prem ière moitié du
X V IIIe siècle. — Il présentera, cette année, la suite de cette
exposition. — Aux élèves ecclésiastiques, le Professeur a ensei
gné,, en les développant, quelques points de doctrine impor
tants, se référant aux traités dogmatiques de la Grâce et des
Sacrements.
Le Professeur d’Eloquence Sacrée, M. l’abbé Bayle, avait
commencé son enseignement, en même temps que tous ses con
frères, malgré un état de santé déjà grave. Réduit bientôt à
l’impossibilité de se rendre à Aix, il avait voulu, néanmoins,
ne pas interrompre ses cours à Marseille ; un jou r même,
on dût l’aider à parvenir jusqu’à l’amphithéâtre, jusqu’à la
chaire... Ce fut sa dernière leçon I Ce n’était pas encore son
dernier travail.
Ses souffrances étaient grandes, son mal était un martyre ;
n’importe. Soutenu par l’énergique résignation de son âme
sacerdotale, il continua de composer et d’écrire, en vue ou en
souvenir de son enseignement. — Car notre confrère aimait
son enseignement. — Il s’y était préparé de longue main.
De très-bonne heure, il avait pris, à Aix, ses premiers grades
théologiques; il s’était, ensuite, rendu à Paris, où déjà il était
connu, pour subir, en Sorbonne, les épreuves du Doctorat. Il
y présentait une thèse qui est demeurée dans l’estime des maî
tres les plus compétents; c’était une « Etudes sur Prudence »,
le poète chrétien du IV e siècle ; et il soutenait cette thèse avec
éclat, devant des juges parmi lesquels il retrouvait plus d’un
de ses anciens concurrents à la chapellenie de l’église SainteGeneviève, concours dans lequel lui, l’abbé Bayle, avait autre
fois obtenu le premier rang.
n
Dès lors, préférant son pays natal à tout le reste, et les fonc
tions de Professeur à toutes autres, il manifesta le désir, chez
lui déjà ancien, d’ appartenir un jour à notre Faculté. L ’occa
sion se présentant, ses travaux et ses titres lui obtinrent ce qu’il
souhaitait. En 1867, la chaire d’Eloquence Sacrée lui fut con
fiée ; et depuis lors, son enseignement, à Aix et à Marseille, a
été ce que chacun sait.
Doué d’une admirable facilité, l’abbé Bayle parlait comme il
écrivait. Son style fin, sobre, plein de justesse, semblait tracé
par un crayon plutôt que par un pinceau. Ainsi de sa parole :
elle se produisait sans peine et sans apprêt. La pensée toujours
nette, pure, avait à son service un langage harmonieux ; c’était
la clarté, la précision, l’élégance, avec cette simplicité native
qui caractérise les grands écrivains. Et c’était toutes ces grandes
qualités qui donnaient à sa parole cet intérêt, ce charme que
0
subissaient ses nom breux auditeurs constamment réunis autour
de sa chaire, à Aix, et dans ce grand amphithéâtre de la Fa
culté des Sciences de Marseille, où, pendant dix ans, il repré
senta, en l’honorant, l’enseignement de la Faculté de Théo
logie.
Les organes divers de la publicité ont payé un juste tribut
d’hommage à la mémoire de notre collègue et ami si regretté.
Ils ont dit : « Le bon prêtre, l’orateur éminent, l’écrivain ha« bile et fécond, le poète élégant... », le temps qui nous est
accordé, ici, ne pouvait nous permettre, à nous, de redire tou
tes ces choses comme nous les sentons; mais il était juste de
rappeler, au moins d ’un mot, ce que fut le Professeur, le maî
tre expérimenté et dévoué. — D évou é!... Nous l’avons vu ,
Messieurs, jusqu’à la fin, préoccupé de sa tâche. Tout auprès
de sa table, de cette table sur laquelle il avait tant écrit ; à
droite et à gauche de ce siège sur lequel il est mort, il avait,
pour lutter contre'ses atroces douleurs, le livre de la prière et
■... - .v
10
�le livre de ses pensées : ses manuscrits et ses notes. Il corrigeait
les épreuves d’un ouvrage dont l’ impression ne devait s’achever
qu’après lui. Cet ouvrage était le complément d’une œuvre pu
bliée l’année précédente ; mais l’une et l’autre reproduisaient
ses doctes leçons.
Il est donc mort debout, soutenu par la prière et par l’é
tude; debout, comme meurent les forts, comme meurent les
saints.
La mort de M. l’abbé Bayle était une grande perte pour la
Faculté ; le successeur qu’on lui a donné est, pour elle, une
heureuse acquisition. — M. l’abbé Peloutier ouvrira son en
seignement par une étude sur les origines de l’Eloquence Chré
tienne.
II.
Il y a un an à peine, Messieurs, le sort de la Faculté de
Théologie d’Aix était mis en question ; il est vrai que, l’an
dernier, à pareil jour, une voix autorisée autant que bien
veillante, nous donnait des espérances qui bientôt se réalisè
rent. Néanmoins, — et on le comprend, — l’incertitude avait
dû ralentir , sinon interrom pre les travaux de nos candidats.
Aussi n’avons-nous à mentionner aujourd’hui que deux exa
mens, subis avec succès. Mais, depuis qu’avec l’orage, les alar
mes se sont dissipées, on s’est remis à l’étude, en vue des gra
des ; et nous venons d’employer plusieurs jours à ju ger la va
leur de ces études par leurs résultats. Bientôt encore d’au
tres candidats viendront soutenir, devant nous, de nouvelles
épreuves.
�—
R A P P O R T DE M . C A R P E S
DOYEN
DE
LA
FACULTÉ
DE
DROIT
Monsieur le R ecteur ,
iMessieurs ,
Dans noire rapport de l’an dernier, nous étions obligé de
reconnaître que l’établissement de deux facultés nouvelles, non
loin de nous, avait occasionné quelque diminution dans le
nombre de nos élèves. Du chiffre normal des inscriptions
(1,200), nous étions descendus à 1,11 8, mais nous faisions es
pérer que l’année qui commençait nous ramènerait au chiffre
ordinaire qui nous donne le troisième rang entre toutes les
Facultés de France, Paris non compris. Nos épérances n’ont
pas été déçues, nous avons tellement approché du chiffre espéré
qu’on peut dire qu’ il a été atteint, nous avons eu 1193 ins
criptions.
15 -
Le mouvement ascensionnel paraît devoir continuer, car,
dans le prem ier trimestre de l’année actuelle, nous comptons
déjà 27 inscriptions de plus que l’année dernière à pareille
époque.
Ce qui donne plus d’intérêt à cette statistique, c’est que
l’augmentation du nombre n’est pas due à des facilités malheu
reuses qui nuisent aux études, nous avons au contraire montré
plus de sévérité. Nous disions alors : quand un danger menace,
ce n’est pas la faiblesse qui le conjure, c’est l’énergie. C’est
l’énergie en effet qui a écarté loin de nous le danger d’affaiblis
sement que des causes étrangères semblaient devoir nous
infliger.
Notre sévérité se montra surtout l’an dernier envers les élè
ves de prem ière année. Leurs compositions ne nous ayant pas
paru suffisantes, nous ne donnâmes pas de prix, nous accor
dâmes seulement des mentions ou comme on dirait des acces
sits. Si, dans les concours ouverts par l ’Institut ou par d’autres
associations littéraires, il arrive plus d’une fois qu’on ne se
contente pas de la supériorité relative entre les concurrents,
mais on exige un degré plus ou moins absolu de mérite ,
cela est plus rare, croyons-nous, dans les luttes scolaires entre
jeunes gens. Quoiqu’ il en soit, la note d’infériorité infligée aux
élèves de prem ière année, pendant que leurs condisciples des
autres années étaient récompensés, fut pour eux un aiguillon
dont ils ont senti au vif la piqûre. Aussi, profitant mieux cette
année des doctes leçons de leurs maîtres, ils nous ont donné
des compositions bonnes et nombreuses, si nombreuses qu’elles
ont fait naître l’embarras du choix. Il a fallu décerner un pre
mier prix ex-œquo.
Cet exemple a porté plus loin peut-être que nous ne pen
sions, il n’a peut-être pas été étranger au succès des élèves qui,
venus plus tard, ont formé à leur tour la première année. Pour
�être sûrs que le sort de leurs devanciers ne pourrait pas les
atteindre, ils se sont mis au travail avec ardeur dès le début et
ils nous ont donné, eux aussi, des compositions bonnes et nom
breuses qui ont fait naître l’embarras du choix ; à eux aussi il a
fallu décerner un prem ier prix ex-œquo, comme on le verra
tout à l’heure.
Nous avions eu l’an dernier 463 examens, il y en a cette
année 482. Pour en apprécier la valeur comme signe de pro
grès ou de décadence, il convient de les diviser en deux catégo
ries : d’abord les examens de baccalauréat et de la licence qui,
avec les thèses, forment la presque totalité des épreuves. —
Ensuite les examens de doctorat qui remplacent la quantité par
la qualité.
La première catégorie a fourni, en y joignant quelques exa
mens dits de capacité, 444 épreuves que nous décomposons
selon notre méthode ordinaire comme il suit : 14 candidats
ont été reçus avec totalité de boules blanches, soit éloge ou
mention très-bien. C’est l’élite de nos jeunes travailleurs, il
n’est pas étonnant qu elle ne soit jamais bien nombreuse.
152 ont été reçus avec des boules blanches mêlées à des rou
ges, mention bien ou assez-bien, c’est environ le tiers.
206 n’ont eu que des boules rouges ou des rouges-noires,
mention médiocre ou passable. C’est un peu moins de la
moitié.
Enfin 72 ont été rejetés ; c’est le 1 /6e à très peu près.
Le Doctorat n’avait fourni l’an dernier que 20 examens,
nous en avons eu cette année 32, plus 6 thèses l’an dernier et
cette année.
Les 32 examens présentent cette année 18 admissions et 14
rejets. Ceux-ci touchent presque à la moitié, tandis que dans le
baccalauréat et la licence ils ne form ent que le 6me. Cela vient
de ce qu’on ne peut être reçu, dans les épreuves du Doctorat,
qu’avec majorité ou égalité au moins de boules blanches, soit
la mention bien. Tout autre résultat amène le rejet. Si cette
règle n’existait pas, nous l’aurions inventée : la Faculté de
Droit d’Aix a depuis longtemps formulé ainsi sa pratique :
Le Doctorat est et doit rester une distinction.
Sur les six candidats qui se sont présentés pour la thèse, un
a été rejeté, les autres ont fait preuve soit dans la rédaction
écrite, soit dans la soutenance orale, d’études sérieuses et ap
profondies, quoique à des degrés différents. Un n’a obtenu que
le nombre strictement nécessaire de blanches (3 sur 6) ; deux
ont eu 4 blanches, un autre 5 ; un seul a enlevé toutes les
blanches, soit l'éloge ; c’est M. Edouard Jourdan. Il s’est sou
venu que si on disait autrefois dans un certain monde que no
blesse oblige, dans le monde de la science aussi le nom oblige,
et il n’a pas voulu dégénérer.
Voilà le tableau du travail de nos élèves. En ce qui tient à
nous et à nos ch aires, deux améliorations sont à signaler.
M. Bry, chargé depuis plusieurs années du cours de Droit ro
main, en a été nommé proîesseur titulaire. Il pourra ainsi
vouer sa vie entière aux recherches plus approfondies de cette
législation, mère de presque toutes les autres, qu’il connaissait
déjà fort bien, mais qui, comme une mine féconde, offre tou
jours de nouvelles richesses à quiconque en creuse de plus en
plus le sol.
L ’autre amélioration constitue une nouveauté remarquable.
Nous inaugurons cette année dans notre Faculté l’enseignement
de l’Economie politique. Il a été confié, comme tout l’ indiquait
d’avance, à notre collègue M. Jourdan, qui laissera les investi
gations savantes du vieux Droit Romain dont nous parlions
tout à l’ heure et avec lesquelles il était si familiarisé, pour pré
senter les théories de la science pratique et toute moderne de
l’Economie politique. Une chose nous étonne, c’est qu’en ins2
�tituant le cours nouveau on ne l’ait pas rendu obligatoire pour
les élèves dès cette année. Le Professeur saura y suppléer par
l’attrait de ses leçons. Nous pensons même que les élèves ne se
ront pas les seuls à venir l’entendre. L ’Economie politique, en
sondant et résolvant les grands problèmes de la production, de
la circulation, de la distribution de la richesse, touche à tous
les degrés de la vie sociale. Elle éclaire l'es gouvernants, les
producteurs ou industriels, les négociants, les ouvriers. Tout le
monde a intérêt à ce que la vérité sur ces grandes questions
soit connue, et à ce que de vieilles données trop longtemps ré
gnantes soient abandonnées, non parce qu’elles sont vieilles,,
mais parce qu’elles sont fausses. Peu de sujets d’étude méritent
d’attirer à un aussi haut degré l’attention publique. Nous espé
rons donc que ceux de nos concitoyens à qui les affaires lais
sent des loisirs, voudront, à l’exemple de Marseille, former une
couronne d’auditeurs bénévoles autour de la nouvelle chaire.
En rendant justice aux deux améliorations que nous venons
de signaler et en en remerciant l’autorité, il nous faut pourtant
ajouter qu’on est loin d’avoir fait tout ce qu ’il y avait à faire, et.
qu’il reste encore chez nous bien des lacunes à combler. Nous
avons souvent demandé trois agrégés, vu que ce nombre existe
dans d’autres Facultés moins importantes que la notre. Cette
demande semble n’avoir pas été entendue, car au lieu de trois
agrégés nous n’en avons qu’ un. On nous a envoyé, il est vrai,
un jeune auxiliaire que nous avons reçu avec bien du plaisir et
qui sera forcé cet hiver à doubler son travail, pour, d’ une part,
distribuer l’enseignement du haut de la chaire, et de l’autre se
préparer à la lutte qui doit s’ouvrir le 15 mars. Ce que nous
connaissons déjà de lui nous fait désirer de le voir revenir à
nous plus lard avec un litre supérieur, avec le titre qu’il va
conquérir. Mais son aide ne peut en aucun cas nous suffire.
Une circonstance douloureuse qui nous prive momentanément
■M M PI
18
(Pieu veuille que ce ne soit pas pour longtemps) d’un de nos
collaborateurs les plus distingués, a prouvé que, pour que les
cours, même obligatoires, n’aient pas à souffrir, il faut que l’un
de nous double son travail et le nombre de ses leçons. Or, ce
dévouement, poussé jusqu’au sacrifice, ne peut pas durer, il est
d’urgence que notre personnel soit augmenté. Pourquoi d’ail
leurs, indépendamment des cours obligatoires auxquels il est
de toute nécessité de pourvoir, pourquoi ne nous accorderaiton pas un personnel suffisant d’agrégés pour que nous puis
sions, à l’exemple d’autres Facultés plus heureuses que nous,
agrandir notre enseignement au moyen de cours supplémen
taires ?
Deux surtout sont indiqués par la position géographique de
notre ville. Bien des pays riverains de la Méditerranée ou de la
mer Noire nous envoient, comme nous le disions déjà l’an der
nier, un assez grand nombre d’élèves. Nous avons des Egyp
tiens, des Roumains ou Moldo-Valaques ; il nous en vient de la
Grèce, de Constantinople, sans parler de notre grande colonie
d’Afrique ni de quelques villes de l’ Inde. C’est même un Egyp
tien qui cette fois a obtenu un premier prix dans le cours de
deuxième année, comme son nom proclamé tout à l’heure vous
l’apprendra. Un jour viendra, et bientôt peut-être, où nos Fa
cultés de Provence seront pour ces pays étrangers, en ce qui
tient à la science des lois et aux choses de l’intelligence, ce que
notre grand port de Marseille leur est depuis longtemps pour
draient à mieux connaître leurs lois propres en même temps
rons cours de Droit international privé, et lequel synthétisant
plusieurs dispositions éparses, condenserait dans un cadre large
&
�—
20
—
et complet les parties de nos lois qui sont applicables aux
étrangers résidant en France. Réciproquem ent on y appren
drait quels droits les Français allant en pays étranger peuvent
réclamer ou devraient pouvoir réclamer dans l’application des
législations étrangères. Ces deux cours compléteraient ce que
le droit commercial et le droit maritime on déjà de cosmopolite.
En considérant ce qui pourrait être fait de si utile à cet
égard, mais sachant trop bien que le petit nombre de nos col
laborateurs ne nous permet pas même de tenter l’entreprise,
nous ne pouvons que nous appliquer les paroles tirées, non pas
de nos livres ordinaires, fruit de la sagesse humaine, mais d’un
autre livre qui leur est supérieur et qui aime à présenter les
enseignements les plus élevés sous l’emblème des choses les
plus simples de la vie. Il y est dit quelque part : La moisson est
mûre et abondante, mais il y a trop peu d’ouvriers, demandez
au père de famille qu’il en envoie un plus grand nombre.
Messis quidem multa, operarii autem pauci. Nous aussi nous
dirons à tous ceux qui président aux destinées de l’Enseigne
ment supérieur : Une moisson serait bien vite chez nous mûre
et abondante, envoyez-nous des ouvriers.
RAPPORT
DOYEN
DE
LA
DE M . F A V R E
FACULTÉ
DES
SCIENCES
Monsieur le R ecteur ,
Messieu rs ,
Je viens vous faire connaître le résultat des examens que la
Faculté des Sciences a fait passer cette année et les particulari
tés de l’enseignement et des travaux des professeurs.
276 candidats ont été examinés pour l’obtention du titre de
bachelier ès-sciences. On en a ajourné 158 et admis 1 1 8 :
5 élèves ont obtenu la mention bien, 41 la mention assez-bien
et 72 n’ont pu avoir que la mention passable.
Des 74 candidats qui se sont présentés à l’examen du bacca
lauréat restreint, 25 ont échoué, et 49 ont été admis ; un seul
�— 25
a bien répondu, 20 élèves ont eu la mention assez-bien et 28
ont eu la mention passable.
En comparant ces résultats à ceux de l’an dernier, on re
marque qu’il y a eu 350 examens pour le baccalauréat, c’est-àdire 40 de moins que l’année précédente et 167 admissions,
soit 3 de plus.
Quant à la licence, voici les résultats qu’elle a donnés:
16 candidats se sont présentés ; 8 ont été reçus.
Pour la licence ès-sciences mathématiques, le nombre des
concurrents était de 6 : un seul a réussi.
11 y avait 8 candidats pour la licence ès-sciences physiques :
5 ont été jugés dignes d’obtenir le titre auquel ils aspiraient.
Les deux postulants pour le grade de licencié ès-sciences
naturelles, ont réussi tous deux.
Au nombre des candidats étaient deux préparateurs de la
Faculté, deux élèves de l’ Ecole des Hautes Etudes, trois maîtres
répétiteurs au Lycée et un docteur en médecine.
Les professeurs de la Faculté ont continué leurs cours et
leurs conférences avec la régularité et le zèle que vous con
naissez.
M. l’abbé Aoust a professé l’analyse infinitésimale pour les
candidats à la licence. Il a présenté à l’Académie des Sciences
deux notes qui ont été publiées dans les Comptes-Rendus : la
première sur les développées et les développantes, par le plan
des courbes gauches ; la seconde sur les développantes obli
ques des courbes planes.
L ’électricité statique et dynamique, la théorie du potentiel et
l’exposition des principes fondamentaux de la théorie des ondu
lations de la lumière ont servi d’objets aux leçons et aux con
férences de M. Hugueny.
M. Favre a fait un cours de chimie générale dans lequel il a
développé les idées fondamentales de cette science et en a fait
l’application aux corps les plus usuels.
M. Derbès, outre ses leçons, a fait des observations sur le
' pemphigus du térébinthe.
M. Dieulafait a publié, pendant l’année 1876-1877, trois
mémoires ; deux de géologie chimique et l’autre de géologie
pure. Le prem ier est consacré à l’étude de la diffusion de la
strontiane ; dans le second M. Dieuiafait montre que l’acide
borique fait partie des eaux de mer actuelles ; le troisième,
enfin, concerne l’étude de la formation jurassique dans les
Alpes.
M. Marion a publié un mémoire sur la faune littorale du
golfe d’ Alger. Il continue ses travaux sur les animaux des sta
tions profondes des côtes de Provence et trouve dans ces études
si spéciales l’occasion de professer les théories générales con
temporaines, et leur aridité se trouve masquée par le charme
de la parole et l’élévation de la doctrine.
Le directeur de l’Observatoire, M. Stéphan, que nous som
mes heureux de posséder à la Faculté depuis un an environ,
s’est occupé de l’important et difficile calcul des orbites plané
taires ; il continue la publication des nébuleuses découvertes
par lui, au moyen du célèbre télescope de L. Foucault : le
nombre en est de 200 ; il en donnera, cette année-ci, 200 en
core. M. Stéphan a teranné, avec la collaboration de M. Lœvy,
membre de l’Institut, un mémoire sur la différence des longi
tudes entre Paris, Marseille et Alger.
Le départ de M. Morin a malheureusement interrompu les
leçons de mécanique : nous ne saurions exprimer notre regret
de le voir éloigné de nous, puisque M. le Ministre a donné satisfaction à son désir de retourner à Rennes.
Notre sympathique et vénéré collègue, M. Derbès, que re
commandent de longs et honorables services, a demandé et
�24
de l’esprit contre la nature, mais de précises découvertes.
Et, pour que ces travaux de détail, ces familières causeries du
laboratoire ne demeurent pas décousus et stériles, des confé
rences viennent fondre, souder les nouveaux faits acquis dans
des expositions didactiques qui couronnent l’enseignement.
Il ne faudrait pas croire que la science pure ainsi servie soif
dédaigneuse de la pratique. Dans tout ce qui touche à son bien
être, l’homme suit d’abord la routine ; puis, par son esprit gé
néralisateur, il cherche, comme disait Montesquieu, la dernière
raison des choses et réunit en un corps de doctrine ce qui
n’était que le résultat d’un vulgaire et antique empirisme. Et
pour n’en citer qu’ un exemple, la fabrication de la bière, qui
était connue plusieurs siècles avant l’ère chrétienne et dont parle
Théophraste 371 ans avant Jésus-Christ, a été renouvelée par
l’emploi des procédés scientifiques si ingénieux imaginés par
M. Pasteur, dont le patriotisme se révoltait à la pensée d’être
tributaire de l’Allemagne pour une aussi importante industrie.
Où pourrait-on souhaiter plus que dans notre pays, l’ensei
gnement des préceptes qui doivent guider l’industrie? Ne de
vons-nous pas nous efforcer de développer cette institution de
l’Ecole pratique des Hautes Etudes, si bien faite pour accélérer
les progrès de cette jeune génération qui forme autour des Fa
cultés une phalange compacte et impatiente de prouver que la
vie intellectuelle n’est pas disparue de notre chère patrie.
■KMHHÉ
obtenu sa mise à la retraite. Au moment de nous séparer de
lui, je croirais manquer à un devoir, si je ne lui exprimais, au
nom de la Faculté, nos sentiments de regret, d’estime et d’alfection.
M. Heckel , professeur à la Faculté des Sciences de Greno
ble, en congé, directeur du Musée d’ histoire naturelle de Mar
seille, connu par des travaux justement appréciés, succède à
M. Derbès dans la chaire de Botanique.
Un ancien élève de l'Ecole Normale supérieure, M. Charve,
attaché à l’ Ecole des Hantes Etudes de Paris, vient d’être dési
gné, au titre de chargé du cours, comme le remplaçant de
M. Morin dans la chaire de Mécanique.
La Faculté est heureuse d’accueillir ces deux nouveaux collè
gues et de leur témoigner publiquement toutes ses sympathies.
Les études, les travaux, dont nous venons de donner un ra
pide aperçu, ont été largement favorisés par le crédit extraordi
naire que le Ministère a bien voulu nous accorder : c’est pour
nous un devoir de lui en exprim er publiquement toute notre
gratitude.
A côté de cet enseignement public, vulgarisateur et toutefois
substantiel, s’en trouve un autre qui attire un moindre nombre
d’étudiants, mais qui, par là même, les conduit plus loin et plus
haut. L ’Ecole pratique des Hautes Etudes possède des labora
toires dans lesquels des instruments, des matériaux, des livres,
sont à la disposition des personnes qui veulent consacrer leur
temps aux études expérimentales.
En communion constante d’idées avec leurs maîtres, les élè
ves viennent apprendre la science, cette philosophie pratique,
qui, répudiant les vues à priori qui sont en désaccord avec les
faits, tout pédantisme, élargit l’esprit et trouve son contrôle et
son redressement continuel dans l’inflexibilité des résultats de
l’observation ; là, point de futiles discussions, point de révolte
�R A P P O R T DE M. B O N A FO U S
doyen
de
la
f a c u l t é
des
le t t r e s
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
La Faculté des Lettres se présente, cette année-ci encore,
incomplète et réduite à quatre professeurs. Cette situation fâ
cheuse dure déjà depuis dix-huit mois. Nos réclamations inces
santes, l’appui énergique de M. le Recteur, qui est témoin de
notre détresse, surtout pendant nos sessions d’examens, n’ont
jusqu’à présent obtenu que de vagues promesses, qui se fon
dent avec les neiges d’antan, et une des Facultés les plus occu
pées de France semble abandonnée à elle-m êm e, comme une
garnison oubliée dans une place lointaine, qui ne reçoit ni
ravitaillement, ni secours.
Quatre professeurs, que dis-je, trois seulement en temps
d’examen, car l’un de nous est obligé d’aller séjourner à iMarseille pour prendre part à la collation du baccalauréat èssciences, voilà tout notre elfectif. Et cependant le nombre de
nos examens augmente dans une proportion, rassurante peutêtre au point de vue de l’avenir intellectuel du pays, mais assu
rément effrayante pour nous. Nous sommes condamnés à de
véritables travaux forcés ; une seule consolation nous reste :
la santé, ce bien précieux, est devenue pour nous obligatoire ;
il ne nous est pas permis d’être malades un seul jour. A quel
que chose malheur est bon I
Non seulement le service des examens est en souffrance ;
l’enseignement souffre aussi, ce qui est encore plus regrettable.
Notre Faculté est une de ces Facultés du plus petit modèle,
dont il ne reste plus en France que quelques rares exemplai
res ; elle ne possède que les cinq chaires primitivement insti
tuées, tandis que la plupart des Facultés de province en ont
obtenu un plus grand nombre dans ces dernières années. Cinq
chaires pour développer toute la partie du programme de Fie
de la Mirandole, qui se trouve en dehors des sciences propre
ment dites, n’est-ce pas dérisoire ? Les deux grandes littératu
res classiques qui sont le suc et la nourriture de l’esprit hu
main, la littérature française dans sa longue et vaste carrière,
toutes les littératures étrangères qui fleurissent en Europe,
l’ histoire, depuis l’origine du monde jusqu’à ncs jours, et entin
la philosophie qui domine et qui féconde ces diverses études,
nous sommes cinq pour enseigner tout cela, et on a l’air de
penser que quatre peuvent absolument suffire.
Lorsque M. Ouvré fut appelé aux plus hautes fonctions de
l’administration académique, la chaire d’ histoire, qu’il avait
�occupée avec une si grande distinction, fut condamnée au si
lence. Mais quelques mois après, notre collègue, M. Reynald,
vint l’occuper à son tour. D’ importants travaux historiques,
couronnés par l’Institut, semblaient le désigner à l’avance
comme le successeur de M. Ouvré, et M. le Ministre consentit
avec empressement à un changement que l’opinion publique
ne pouvait manquer de ratifier. L ’histoire donc reprit la parole,
mais aux dépens de l’enseignement de la littérature française.
Le déplacement de M. Reynald n’était donc pas une acquisition
nouvelle; c’était un simple virement, ressource commode pour
les budgets besogneux, mais à laquelle, ce me semble, ne de
vrait pas recourir une grande et riche administration telle que
l’Université de France.
Nos forces étant ainsi réduites, nous avons dû serrer nos
rangs, multiplier nos conférences, ajouter à ces leçons publi
ques que vous venez écouter avec tant d’assiduité, des entre
tiens familiers où des disciples choisis viennent se préparer aux
épreuves difficiles de la licence et de l’agrégation. Comme Aris
tote, pardonnez-moi cet orgueilleux souvenir, nous avons deux
enseignements, l’un extérieur ou exotérique, l’autre intérieur
ou ésotérique ; le prem ier s’adresse à tout le monde ; chacun
peut y venir admirer et cueillir les fleurs les plus délicates de
l’esprit humain ; le second ne s’adresse qu’à quelques-uns, à
ceux qui veulent se nourrir des fruits savoureux de la science,
c’est-à-dire à ceux qui veuleut conquérir des grades pour deve
nir maîtres à leur tour.
Indépendamment des leçons que nous faisons à Àix, chacun
de nous se rend une fois par semaine à Marseille, et trouve
dans les amphithéâtres de la Faculté des Sciences l’accueil le
plus hospitalier. Malgré les bruits du dehors et le mouvement
d’afiaires qui entraîne la population d’ une si grande ville, un
auditoire recueilli vient écouter nos paroles avec une sympathie
qui nous honore et qui nous encourage.
Avant de vous rendre compte de nos examens et des grades
que nous avons conférés, je dois vous faire connaitn les sujets
que nous devons traiter dans nos cours.
Le Professeur Je philosophie a parlé pendant l’année précé
dente de l’histoire de la philosophie moderne : il a exposé et
discuté les doctrines de Bacon, de Descartes et de Spinosa.
L ’enseignement de cette année sera consacré aux grands méta
physiciens du X V IIe siècle, Malebranche, Leibnitz et Berkeley.
Les problèmes que ces philosophes ont approfondis et discutés
s’imposent encore aujourd’hui aux méditations des penseurs de
notre temps, en présence même de l’admirable développement
des sciences positives. La question de l’idéalisme est encore vi
vante : les discussions sur la véritable nature et sur la réalité
des corps, qui persistent aussi bien dans l’école empirique que
dans l’école rationaliste, se rattachent directement aux spécula
tions de Berkeley ; et d’un autre côté, ne trouvons-nous pas
déjà, dans les profonds systèmes de Leibnitz et de Malebranche,
l’essai d’ une explication mécanique de tous les phénomènes de
la nature, et les éléments de toutes les hypothèses contempo
raines sur la conservation de l’énergie, sur la nature des faits
vitaux, sur les rapports de l’esprit et de la matière ? Ne pour
rions-nous pas même y découvrir le germe de ces théories si
discutées sur la descendance et la transformation des espèces,
qui ne sont autre chose que l’application rigoureuse du prin
cipe de continuité à l’origine des êtres vivants? Enfin les théo
ries récentes sur le but de l’univers, sur la proportion du bien et
du mal qu’il renferme, en un mot, les luttes de l'optimisme et du
pessimisme, renouvelées de nos jours dans la philosophie alle
mande, ne semblent-elles pas faire revivre les célèbres contro
verses de Bayle et de Leibnitz ?
�51
I.e Professeur de littérature ancienne achèvera l’ histoire du
théâtre grec au siècle de Périclès, par l’étude de quatre comé
dies d’Aristophane qui lui restent à examiner. Il s’occupera en
suite de l’ histoire de l’éloquence depuis les origines jusqu a
Démosthène. Il commentera, dans les conférences du matin, le
Protagoras de Platon et le x v e livre des Annales de Tacite.
Le Professeur de littérature française a étudié, pendant le
premier semestre, les écrivains qui, placés à la fin du règne de
Louis XIV, ont ménagé la transition entre le X V IIe et le X V IIIe
siècle. Tout en restant fidèles aux traditions littéraires de leurs
prédécesseurs immédiats, ils sont avides de nouveautés et mon
trent dans leurs idées une indépendance qui va parfois jusqu’à
la témérité. Fontenelle, Perrault et Lamothe font la guerre aux
anciens ; La Bruyère décrit les mœurs de son temps en obser
vateur satirique; Saint-Simon, Fénelon et le duc de Bourgogne
veulent relever autour du trône des institutions aristocratiques,
pour limiter la royauté absolue, et prononcent même le nom
des Etats-Généraux ; partout se manifeste le désir du change
ment ; ce n’est pas encore la révolte, mais c’est déjà la liberté.
Pendant le second semestre, M. Reynald, appelé à la chaire
d’histoire, a étudié la politique extérieure du règne de Louis
X IV . Ce sujet avait été traité par le Professeur dans un mé
moire qu’ il a eu l’honneur de lire, cet hiver, devant l’Académie
des Sciences morales et politiques. La partie la plus importante
de ce travail porte sur les négociations poursuivies entre la
France et la Hollande pendant les années 1705 cl 1706. A
l’aide de documents, dont quelques-uns étaient inédits, M. Rey
nald a expliqué les divisions qui ont éclaté alors entre les alliés,
surtout à la suite de la bataille de Ramillies. La Prusse, mécon
tente de l’empereur, menaçait de se retirer de la coalition. La
Hollande, irritée d’abord contre la maison d’Autriche, puis
contre l’Angleterre, qui lui disputaient les Pays-Bas, fut sur le
point de conclure la paix avec la France; Heinsius, lui-même y
consentait. Marlborough seul put resserrer les liens de l’al
liance com prom ise; mais la campagne de 1706 n’en fut pas
moins manquée, et de celte époque datèrent, entre les coalisés,
des défiances dont la diplomatie française devait profiler un peu
plus tard. Tels sont les résultats du mémoire dont la publica
tion a déjà commencé dans le recueil de l’Académie des Scien
ces morales et politiques.
Le Professeur d’histoire étudiera cette année-ci le développe
ment du gouvernement constitutionnel en Angleterre.
Le Professeur de littérature étrangère continuera, cet hiver,
l’histoire, commencée il y a deux ans, de la littérature alle
mande au X V IIIe siècle. Jusqu’ ici il a retracé le tableau des ef
forts tentés de 1740 à 1770 par les écrivains d’outre-Rhin pour
fonder dans leur patrie une littérature nationale et indépen
dante. Le moment était enfin venu où la poésie, éteinte en
Allemagne, allait renaître à une vie nouvelle ; mais cette re
naissance ne devait pas être sans trouble, et l’ardeur généreuse
qui animait la jeune génération menaçait de l’entraîner loin
des voies ouvertes par Klopstock, Lessing et AVieland, si deux
écrivains de génie, Herder et Goethe, n’avaient pris la direction
de la révolution poétique, et n’en avaient assuré l’avenir, en
l’arrêtant dans ses excès.
C’est l’histoire de cette période de crise et d’affranchissement
qui fera l’objet du cours du premier semestre. Commençant
vers 1778, se continuant avec des périodes diverses jusqu’en
1776, marquée par des œuvres comme Werther et le Faust,
elle suffira amplement à rem plir le prem ier semestre. Quant au
second, le Professeur a pensé qu’il était préférable de l’em
ployer à une étude d’ un ordre différent et plus circonscrite,
�— 32
quoique d un intérêt plus général. L ’été dernier, il s’est efforcé
de montrer quel avait été le caractère du théâtre espagnol, en
visagé surtout dans ses deux représentants les plus illustres,
Lope de Yega et Calderon. Il se propose, l’année prochaine, de
rechercher ce qui a fait la grandeur et l’originalité du théâtre
anglais au X V Ie siècle, et en particulier de celui de Shakes
peare. A cet enseignement littéraire s’ cn joindra, comme l’an
passé, un plus particulièrement philologique et grammatical, et
le samedi de chaque semaine une conférence sera consacrée à
l’étude comparative des langues classiques et des langues
romanes.
Telles seront, Messieurs, les matières traitées par chacun de
nous. Lspérons qu’un cinquième professeur viendra joindre sa
parole à la nôtre et que la littérature nationale aura enfin un
interprète dans notre Faculté.
Dans nos fonctions de professeurs, nous réclamons toute
votre sympathie, votre assiduité à nos leçons et la bienveillante
indulgence de vos appréciations. Nous en sentons le prix, d’au
tant plus que nous sommes, comme juges, obligés d’ouvrir à
nos candidats tous les trésors d’une indulgence contre laquelle
la justice pourrait souvent protester. Nous ne vivons plus dans
le temps des études viriles et des efforts généreux ; on ne cher
che pas à conquérir, à enlever de haute main les diplômes que
nous distribuons ; on tâche de les surprendre à notre faiblesse,
à les obtenir au m eilleur marché possible. Je me plais à recon
naître cependant que les dernières réformes du baccalauréat
commencent à rendre nos examens plus sérieux et en même
temps plus faciles pour les candidats. Le nombre des mentions
honorables augmente dans une proportion rassurante.
Pas plus que les années précédentes, la Faculté n’a eu à con
férer le grade de docteur ; mais je crois que le Phénix ne tar
— 33 —
dera pas à renaître de ses cendres, et qu’il visitera la ville d ’Aix
dans le courant de l’année prochaine.
Seize candidats se sont présentés aux examens de la licence :
sept à la session de novembre, quatre à celle d’avril, cinq à celle
de juillet. Sur ce nombre, trois ont été reçus en novembre et
un au mois d’avril. La session de juillet n’a pas été sans hon
neur pour les candidats, qui avaient à soutenir le poids d’un
programme nouveau et surchargé outre mesure ; mais cet hon
neur a été l’honneur du courage malheureux, c’est-à-dire le
vaillant combat moins la fortune.
Il nous semble juste de proclamer en séance solennelle les
noms des quatre nouveaux licenciés. Ce sont MM. Arnaud, maî
tre auxiliaire au Lycée Louis-le-Grand ; Busquet, maître répé
titeur au collège Bourbon d’Aix ; Gamber, professeur dans une
institution libre à M arseille; et enfin M. Thiancourt, élève de
l’Ecole Normale supérieure, qui était venu réparer à Nice une
santé gravement compromise par des excès de travail, et qui a
été admis au grade avec la mention bien, soutenant ainsi mal
gré la maladie, l’honneur d’une Ecole qui est la gloire de l’Uni
versité de France.
La statistique du baccalauréat continue à grossir ses chiffres.
Je disais l’année dernière : « Nous n’avions examiné en 18741875 que 775 candidats ; nous en avons examiné celte année-ci
807, et s’il faut en juger par la session actuelle, nous aurons
l’année prochaine une augmentation beaucoup plus considé
rable. » Mes prévisions se sont réalisées. Au lieu de 807 cadidats, nous en avons cette année 910, augmentation 10 9; ce
n’est déjà plus un fleuve, c’est un torrent qui menace de rom
pre ses digues. La session de novembre 1877, dont les chiffres
n’entrent pas dans ce compte-rendu, nous donne le droit d’af
firm er que l’augmentation sera encore plus forte l’année pro
chaine.
3
�Les 916 candidats, examinés dans les trois sessions de l’an
née classique 1876*1877, se répartissent ainsi :
Première partie du Baccalauréat scindé. — 557 candi
dats, 282 éliminés aux épreuves écrites, 56 à l’oral ; 119 ad
mis, 8 avec la mention bien, 56 avec la mention assez-bien,
155 avec la mention passable ; moyenne 39, 13 0/0.
Deuxième partie. — 289 candidats, 125 éliminés à l’écrit,
39 à l ’oral, 125 admis, 2 mention bien, 35 assez-bien, 88pas
sable ; moyenne 43, 25 0/0.
Baccalauréat complet. — 70 candidats, 32 éliminés à l’é
crit, 10 à l ’oral, 28 admis, tous avec la mention passable,
moyenne 40 0/0.
Cette dernière catégorie, dont le petit bataillon n’a pu con
quérir une seule mention honorable, tend heureusement à dis
paraître. Ce n’est plus qu’un résidu des temps antérieurs,
où, dans chaque session, notre indulgence trouve toujours
quelqu’un à sauver, jusqu’au moment où le dernier survivant
sera reçu, n’ayant peut-être d’autre titre que celui d’être le
dernier.
Quelques bacheliers ès-sciences sont venus nous demander le
diplôme du baccalauréat ès-lettres. Onze candidats sur dixneuf ont ainsi conquis une double palme. Ce nombre, tout petit
qu’il est, devait vous être signalé, car on ne saurait assez louer
une si belle ambition.
R A P P O R T DE M . S E U X
D IR E C T E U R
DE
l/ É C O L E
DE M É D E C I N E
DE
P L E IV
E X E R C IC E
ET DE P H A R M A C I E
Monsieur le R ecteur ,
Messieu rs ,
J’ai eu l’honneur, l’an dernier, de vous indiquer les nom
breuses lacunes que l’établissement de l’Ecole de plein exercice
avait comblées dans l ’enseignement médical de notre ville ; je
suis heureux de pouvoir vous dire aujourd’hui que l’année
scolaire 1876-1877 a été une éclatante confirmation des espé
rances que la nouvelle création avait fait naître.
Pourquoi faut-il que cette première année ait été marquée
d’une croix noire par la perte successive et prématurée de
�— 36 deux nouveaux professeurs, MM. Reynès et Demeules I Reynès
le savant naturaliste dont l’acquisition avait été si sympathique
à l’E cole; Demeules, le brillant suppléant de chirurgie qui,
bien jeune encore, venait d’obtenir par son incontestable talent
une chaire dans la nouvelle Ecole 1 Reynès avait eu à peine le
temps d’inaugurer le cours d'histoire naturelle et cherchait à
accroître l’importance de notre jardin botanique, lorsqu’une
maladie cruelle nous l’a ravi. Demeules, m algré sa force et sa
jeunesse, a été terrassé dans quelques jours par un mal qui
pardonne rarement, au moment où il venait de terminer son
cours d’anatomie pathologique, branche de l ’enseignement pro
fessée pour la première fois à Marseille. Il avait aussi consacré
une partie de l ’hiver à la préparation et au classement métho
dique d’une belle collection de pièces osseuses fort importantes
pour notre muséum. Que ces deux méritants collègues reçoi
vent, dans cette réunion solennelle, l’expression des regrets
bien sincères, qu’au nom de tous, j ’adresse à leur mémoire 1
Par une transition naturelle et bien ordinaire dans ce bas
monde, que les deux professeurs qui ont été appelés à rem
placer MM. Reynès et Demeules veuillent bien agréer les félici
tations que je leur adresse publiquement au nom de l’Ecole
qui, depuis longtemps, avait su apprécier leur mérite !
M. Bouisson, dans deux concours, avait donné les preuves
des connaissances les plus sérieuses en histoire naturelle ; il
avait, durant un semestre, remplacé M. Reynès à la satisfaction
de tous ; la chaire d’histoire naturelle devait être la légitime
récompense de vingt ans de travaux assidus et d’efforts cons
tants dirigés, au m ilieu des préoccupations incessantes de la
clientèle, dans le sens de sa spécialité.
M. Villarjl était le plus ancien suppléant, il avait depuis long
temps fait ses preuves soit dans les hôpitaux, soit dans l’ensei
gnement médical ; il était tout naturellement désigné à la
chaire d’anatomie pathologique qui sera pour lui, j ’en suis cer
tain, une nouvelle occasion de succès.
Je dois aussi la bienvenue à MM. les professeurs suppléants
Caillol de Poney et INicolas-Duranly, qui, à la suite de deux
concours fort brillants, l’un pour les sciences physico-chimi
ques, l’autre pour la médecine, ont été attachés au personnel
enseignant de l'Ecole par arrêté ministériel du mois de décem
bre dernier.
Un progrès à vous signaler tout d’abord, Messieurs, est l’ac
croissement du nombre des inscriptions ; en effet, leur chiffre
qui, pour l’année scolaire '1875-1876 avait été de 673, s’est
élevé pour l’annee 1876-1877 à 732, ce qui donne 59 inscrip
tions de plus que l’année dernière.
Ce chiffre de 732 se décompose de la manière suivante:
aspirants au doctorat, 336 inscriptions; à l’officiat de santé
212; au diplôme de pharmacien de 1re classe 36 ; à celui de
pharmacien de 2me classe 148.
Jusqu’à ce jour, le chiffre le plus élevé pour l’Ecole de Mar
seille avait été de 685 inscriptions.
Les examens de fin d’année ont donné des résultats satisfai
sants et généralement supérieurs à ceux des années précéden
tes. 146 étudiants étaient inscrits ; 1 14 en médecine, 32 en
pharmacie ; 21 ne se sont pas présentés. La mention très-bien
a été accordée 6 fois ; la mention bien 48 fois ; la mention
assez-bien 38 fo is; la mention médiocre 23 fois; 10 élèves
seulement ont été ajournés.
L ’an dernier il y avait eu 26 ajournements et 28 éléves ad
mis avec la note médioere, le nombre des étudiants étant moin
dre de 19. Le niveau de l’instruction s’est donc évidemment
élevé cette année.
La session de novembre, consacrée aux ajournés et aux élè-
�-
58 —
ves qui n’ont pas répondu à l’appel à la fin du semestre d’été,
a été tenue le 5 et le 6. 26 élèves ont été examinés, 18 en mé
decine, 8 en pharmacie.
La mention très-bien a été accordée 1 fois ; la mention bien
8 fois ; la mention assez-bien 3 fois ; la mention médiocre 12
fois ; deux ont été refusés.
Les deux sessions annuelles pour les examens de fin d’étu
des ont eu lieu, comme de coutume, au printemps et à l’au
tomne, sous la présidence de M. Combal, professeur à la Fa
culté de Médecine de Montpellier, pour les aspirants au titre
d’officier de santé et pour les sages-femmes ; sous celle de
M. Jeanjean, professeur à l’Ecole supérieure de Pharmacie de
la même ville, pour les aspirants au titre de pharmacien de
2me classe et d’herboriste.
La première session a eu lieu du 12 au 21 avril pour les can
didats au titre de pharmacien. 9 candidats ont subi le premier
examen, un candidat s’est retiré durant les épreuves, 1 a été
ajourné, 7 ont été admis ; 14 ont subi le deuxième examen ,
6 ont été ajournés, 8 admis ; 12 ont subi le troisième, ils ont
été admis; en somme, 12 candidats sur 20 ont eu l’ honneur
du diplôme.
Pour les officiers de santé, les examens ont eu lieu les 24 et
25 mai. Sur les 4 candidats inscrits, 1 seul s’est présenté pour
les trois examens ; les 3 autres candidats n’ont eu à subir que
le troisième ; les 4 postulants ont été jugés dignes du diplôme.
Dans les 27 examens des pharmaciens reçus, il y a eu
2 très-bien ; 11 bien ; 14 médiocre.
Dans les 6 examens des officiers de santé, il y a eu 5 bien ;
1 médiocre.
La deuxième session a eu lieu pour les officiers de santé et
les sages-femmes les 9, 10, 11 et 12 octobre. Il y avait 14 cau-
-
59 -
didats à l’officiat de santé ; 9 au premier examen, 9 admis
sions ; 11 au deuxième, tous admis ; 14 au troisième, tous ad
mis ; les 14 candidats ont donc été jugés dignes du diplôme.
Voici les notes obtenues : 3 très-bien ; 10 bien : 13 assezbien ; 8 médiocre.
4 sages-femmes se sont présentées; elles ont été admises.
Pour les candidats au titre de pharmacien et d’herboriste,
les examens ont été passés du 16 au 26 octobre. 17 candidats
ont subi le prem ier examen ; il y a eu un ajournement ; 20 ont
subi le deuxième, tous ont été admis ; 19 ont affronté le troi
sième examen, tous admis; en somme, 19 candidats ont obtenu
le diplôme avec des notes assez satisfaisantes.
Une dame a été admise pour le diplôme d’herboriste avec la
note très-bien.
Dans mes précédents rapports, j ’ai eu l’honneur de vous faire
apprécier tout ce qui avait été fait au point de vue de l’installa
tion matérielle de l’Ecole ; je tiens à vous démontrer aujour
d’ hui que les sacrifices pécuniaires que la ville s’est imposés
pour la bonne et complète organisation des cours ne seront pas
perdus.
Tous les cours ont été faits avec le plus grand zèle et la plus
grande régularité ; je puis de plus assurer que dans son ensem
ble l’enseignement a été, durant l’année 1876-1877, à la hau
teur de celui d’une Faculté ; les professeurs ont senti qu’il de
vait en être ainsi.
Le cours d’anatomie pathologique et celui d’hygiène ont été
inaugurés cette année ; je puis en dire autant de la physiologie
expérimentale, cette science moderne, qui déjà a éclairé tant de
questions biologiques de la plus haute importance, qui a mis en
lumière tant de questions de thérapeutique, qui en somme est
appelée à donner une puissance nouvelle à l’art de guérir, si
�toutefois, dans son enthousiasme, elle n’oublie pas trop de s’in
cliner avec respect en temps opportun, devant cette autre
science d’observation qui fait la gloire de la médecine fran
çaise, la Clinique.
L ’ophthalmologie a été aussi pour la prem ière fois enseignée
dans notre Ecole d’ une manière spéciale. Pour être réellement
utile aux élèves, cet enseignement doit être fait, partie dans
l’amphithéâtre des cours, partie à l’hôpital, c’est-à-dire être
théorique et pratique en même temps. Les quelques lits consa
crés aux maladies des yeux dans nos cliniques étant insuffi
sants, j ’ai pensé qu’une consultation spéciale était indispensa
ble pour rem plir la seconde partie du programme, la plus im
portante des deux. L ’Hôtel-Dieu était naturellement désigné
pour cette consultation; l’administration des Hôpitaux ne l’a
pas autorisée. Toutefois, grâce au zèle et au dévouement de
M. Marcorelles, professeur suppléant de chirurgie, chargé de
l’enseignement ophthalmologique, il m’a été possible d’organi
ser ce service dans le voisinage de l’Ecole* et de l’Hôtel-Dieu.
Une lacune sérieuse a été ainsi comblée, la nouvelle consulta
tion étant fréquentée par un nombre très suffisant de malades.
Grâce aux facilités que la Commission administrative des
Hôpitaux a bien voulu accorder aux élèves pour leur admission
à la Maternité, la clinique obstétricale, sous l’habile et intelli
gente direction de M. le professeur Magail, a fonctionné d’une
manière plus régulière que par le passé ; les élèves ont pu as
sister à un certain nombre d’accouchements laborieux et être
ainsi initiés aux difficultés de l’art obstétrical, si facile à exercer
dans les cas usuels, parsemé au contraire de tant d’écueils lors
que la nature est sortie des voies habituellement suivies par
elle. Du reste, une ère nouvelle va commencer pour cet ensei
gnement dont la création avait été retardée à Marseille par tant
d’obstacles impossibles à surmonter et que l’établissement de
l’Ecole de plein exercice pouvait seul écarter. Le bâtiment dont
je vous annonçais la construction l’an dernier vient d’être ter
miné. Cet *édifice est un modèle du gen re; tout y a été prévu
au point de vue de l’hygiène de la femme en couches, et l’exé
cution fait le plus grand honneur à M. de Foucault, architecte
des Hospices. Le fonctionnement régulier de la clinique obsté
tricale, service indispensable à l'instruction des élèves en fin
d’études, retiendra, il n’y a pas à en douter, un plus grand
nombre d’étudiants à l’Ecole de Marseille. En effet, les élèves
pourront trouver dans cette clinique les éléments les plus com
plets d’ une instruction obstétricale sérieuse ; on peut en juger
par les succès des élèves sages-femmes qui sortent de notre
Maternité. Neuf de ces élèves qui se sont présentées cette année
devant la Faculté de Montpellier pour l’obtention du diplôme
de première classe, ont toutes été reçues avec des notes très sa
tisfaisantes. Ces élèves sont généralement remarquables par
leurs connaissances pratiques, ce qui n’est pas surprenant, car
elles sont appelées à assister durant les deux années de leurs
études à 800 accouchements environ, chacune d’elles en ayant
pratiqué personnellement plus de 60. Je calcule que notre
nouvelle clinique obstétricale aura environ 200 accouchements
par an, source très suffisante d’enseignement pratique.
Je dois citer encore comme nouvellement établi le cours de
toxicologie confié à M. Caillol de Poney, professeur suppléant,
dont la compétence et la science sont connues de tous. Ce jeune
et zélé professeur veut bien se charger aussi de faire aux élèves
un certain nombre de leçons sur la physique médicale, en at
tendant la création de la chaire de physique dont la place est
marquée dans le programme de l’Ecole.
Une de nos plus belles salles avait été, jusqu’à ce jour, occu
pée par les archives des justices de paix, dernier souvenir de
l’ancienne destination de l’édifice ; celte salle est aujourd’hui
�42 —
un beau laboratoire destiné aux travaux pratiques de chimie et
de pharmacie. 25 élèves pourront y travailler à leur aise.
L ’Ecole possède ainsi deux laboratoires qui peuvent permettre
à une soixantaine d’élèves de se livrer ensemble aux manipula
tions chimiques exigées avec juste raison par les règlements.
Ces laboratoires sont largement fournis de toutes les substances
et des instruments nécessaires à l’étude de la chimie et de la
pharmacie, soit pour les travaux pratiques, soit pour les con
férences, soit pour les cours. (1)
La bibliothèque a fait cette année de nombreuses et bonnes
acquisitions, en tête desquelles je dois placer le don intelligent
et généreux fait à l’Ecole par la Société de Médecine dg notre
ville. Cette compagnie savante a voulu faire profiter nos élèves
des nombreux spécimens de littérature médicale ancienne
quelle possédait ; que la respectable Société qui, dans quelques
années, pourra fêter son prem ier centenaire, veuille bien rece-
(1) Les principaux instruments qui se trouvent dans les laboratoi
res de l’Ecole sont les suivants : microscopes: endiomètres ; aréo
mètres ; un speclroscope ; une machine pneumatique de Deleuil ;
une balance de Collol ; un voltamètre; une pile de 25 couples,
Bunsen ; une bobine de Rumkozff ; deux trëbuchets de Collol ; un
appareil de Salleron pour la distillation des \ins ; deux appareils
à distillation continue qui fonctionnent très-bien ; deux étuves à
air chaud de W ism egg ; l’appareil de Dubosq pour la lumière de
Drumhond, pour le fonctionnement duquel a été construit celte
année un fort joli gazomètre ; un bel appareil d’Egrot pour la pré
paration des extraits et des eaux distillées dans le vide (acquisi
tion de celle année) ; abondante et bonne verrerie; verrerie gra
duée bien complète... Cet outillage est relativement considérable
pour le peu de temps consacré à son acquisition. Du reste, tou
tes nos collections, anatomie normale ; anatomie pathologique ;
matière médicale; instruments de chirurgie, augmentent gra
duellement.
voir de nouveau dans cette solennité l’expression des senti
ments de gratitude, qu’au nom de l’Ecole, je lui adresse cordia
lement I Les élèves ont eu cette année plus de 3,000 volumes à
leur disposition, de plus les journaux de médecine les plus im
portants et les collections périodiques spéciales, revues, etc., les
plus sérieuses. Je dois dire, à la satisfaction des maîtres et à la
louange des élèves, que ces derniers ont largement profité des
nouvelles ressources mises à leur disposition ; le chemin de la
bibliothèque a été un des plus fréquentés de ceux de l’Ecole.
Je ne saurais passer en revue tous les points qui sont les si
gnes les plus évidents du progrès dans un établissement scien
tifique de la nature du notre, sans dire un mot des travaux par
ticuliers émanant des membres de l’Ecole. Le Marseille médi
cal, journal toujours digne et sérieux, fondé il y a 44 ans, dans
le but unique de donner naissance à un mouvement scientifi
que lent à se produire parmi nous, contient généralement les
travaux qui viennent soit de l’Ecole, soit de la Société de Méde
cine. J’y trouve pour l’année scolaire 1876-1877, à partir du
numéro d’octobre, les noms de MM. Villeneuve fils, Pirondi,
Garcin, chef de clinique, Bernard, interne des hôpitaux, Villeneuve père, Fabre, V illard, Berlulus, Chapplain, DugoutBally, chef de clinique, Delarebardière, externe des hôpitaux,
Jourdan, interne, Bousquet, chef de clinique, Seux fils, Monier
et Jaufiret, internes des hôpitaux, Dor, élève de l’Ecole, Livon,
à propos duquel un des organes les plus accrédités de la presse
parisienne, M. le Dr Ferraud a inséré dans la France médicale,
du 27 juillet dernier, les réflexions suivantes :
« M. Livon a fait ses recherches, ce qu’il aime à constater,
dans son laboratoire de physiologie de l’Ecole de Médecine, ré
cemment fondé ; c'est une inauguration magistrale. »
MM. Bampal et Rousset ont aussi publié dans le compte
rendu des travaux du conseil d’hygiène et de salubrité, des
mémoires très importants.
�M. Gros, lauréat de l’Ecole, a publié, dans la Gazelle des
Hôpitaux, plusieurs leçons du professeur Fabre. (1)
Ne dois-je pas encore consigner ici comme une source de
progrès pour l’Ecole, comme un avantage considérable pour la
ville les sérieuses déterminations prises par le Conseil supérieur
de l’Instruction publique, dans sa dernière session ? 11 ne s’agit
rien moins, en effet, que d’autoriser les Ecoles de plein exer
cice à faire subir le premier examen du Doctorat après la qua
trième inscription, et le deuxième examen scindé en deux
épreuves; l’une, anatomie, après la dixièm e inscription ; l’au
(I) Observation d ’Anatomie, par M. Villeneuve fils, professeur
suppléant ; quelques considérations sur la Pathologie générale
des voies Urinaires, par M. le professeur Pirondi.
Marseille médical, octobre 1876.
Quelques considérations à propos delà température fébrile dans
la Pneumonie, par M. le Dr Garcin, chef de clinique médicale ; ce
travail, résultat de recherches longues et patientes, occupe un
très grand nombre de numéros du journal ; Observations prises
dans la clinique de M. le professeur Fabre, à propos d’un cancer
du foie et d’une hépatite suppurée, par M. i. Bernard, élève de
l ’Ecole, interne des hôpitaux.
Marseille médical, novembre 1876.
Mémoire sur la Panatrésie Géninale de la Femme, par M. le
professeur Villeneuve père: une Etude Clinique sur les causes
du ralentissement du Pouls, par M. J. Bernard, d ’après une leçon
de M. Fabre.
Marseille médical, décembre 1876.
Endo-péricardile d’origine Rhumatismale, par M. le professeur
Villard ; leçon d’ouverture du cours de Pathologie interne sur la
Médecine pure, son enseignement dogmatique et pratique, par
M. le professeur Bertulus.
Marseille médical, janvier 1877.
tre, physiologie, après la douzième, exactement comme ce sera
dans les Facultés. Qui ne comprend, à la simple lecture de ce
projet, tous les avantages qui vont en résulter pour nous?
N ’est-ce point un grand pas fait vers la Faculté ?
Je crois enfin qu’il y a lieu d’espérer que grâce à l’ initiative
de M. Doniol, ancien préfet des Bouches-du-Rhône, au bien
veillant appui de M. Pihoret, préfet actuel, à l’intelligente et
active impulsion de M. le Recteur, les élèves avancés dans leurs
études, les jeunes médecins trouveront prochainement une
source nouvelle d’ instruction spéciale dans l’établissement d’une
clinique à l’Asile des aliénés. L'Asile Saint-Pierre est une mine
Revue de b Clinique de M. le professeur Chapplain, par M Dugout-Bally , chef de clinique chirurgicale; une observation de
Péritonite Cancéreuse, prise dans la clinique de M. Fabre, par
M. J. Bernard ; une observation d’Hématocèle, recueillie dans le
service de M. Villeneuve fils , par M. Delarebardière , externe
des hôpitaux, élève de l’Ecole; une note sur les Parasites de
l’Urine, par M. le professeur Pirondi.
Marseillle médical, février 1877.
Note sur un cas d Hématurie, observée dans le service de M. le
Dr Flavard, chirurgien des hôpitaux, par M. X. Jourdan, interne,
élève de l ’Ecole ; un cas de Variole, sine variolis, démontrée
par l ’examen microscopique du sang et la contagion intérieure,
par M. le Dr Garcin ; article bibliographique, par le même, sur les
leçons de clinique médicale de Bernheim.
Marseille médical, mars 1877.
Extrait d’un Mémoire sur le Croton-Chloral ou Chloral-Crotonique, étude chimique, physiologique et thérapeutique , par
M. Livon, professeur suppléant ; Description des deux nouveaux
Forceps de M. Tarnicr, par M. le Dr Bousquet, chef de clinique
obstétricale.
Marseille médical, avril 1877.
�très-riche, peut-être la plus riche de France en cas pathologi
ques spéciaux ; il est vivement à désirer que ces sujets d’étude
du plus haut intérêt pour la société, ne soient plus perdus pour
l'éducation médicale de la génération actuelle. Les savants mé
decins de l’Asile, entièrement dévoués à la cause de l’enseigne
ment, n’attendent, pour commencer leurs leçons, que l’autori
sation du gouvernement qui ne saurait leur faire défaut.
11 résulte évidemment des détails dans lesquels je viens d’en
trer, que jamais l’enseignement médical à Marseille, soit par la
variété et l’élévation des cours, soit par le travail personnel des
professeurs, n’avait atteint la hauteur à laquelle il est arrivé de
puis l’établissement de l’Ecole de plein exercice. Il n’est pas
douteux pour moi, qu’avec les excellents éléments, soit anciens,
soit nouveaux qu’elle possède aujourd’hui, et ceux que le Con
cours lui donnera encore, l’Ecole aura un véritable personnel
de Faculté, actif, entreprenant, au courant de tout.
Est-ce à dire que tout va pour le mieux, qu’il ne reste rien à
faire ? Tant s’en faut, car le programme ministériel n’est pas
même entièrement rempli. Ainsi, nos pavillons d ’anatomie at
tendent encore un indispensable agrandissement qui, par des
Récit d’une opération d’Eléphantiasis de la grande lèvre droite,
suivie de guérison, par M. Villeneuve fils.
Marseille médical, mai 1877.
du bassin, recueillie par M. Dor, élève de l’Ecole, dans le service
de M. Villeneuve fils, professeur suppléant, chirurgien des hôpi
taux.
Marseille médical, septembre 1877.
Note importante sur trois cas de rétrécissement du bassin, par
M. le Dr Bousquet ; article biographique sur le Traité des Eaux
bonnes du Dr Cazeneuve, par M. le Dr Garcin.
Marseille médical, juin 1877.
Communication faite dans le courant de juillet à la Société de
Biologie, d’expériences faites dans le laboratoire de physiologie
de l ’Ecole, sur des injections de vibrioniens dans le sang, sans
phénomènes d’intoxication, par M. Livon, avec le concours de
M. le Dr Garcin.
Mémoire sur la nature de certaines manifestations morbides
survenues pendant le rhumatisme et en particulier de la pleuré
sie rhumatismale, par M. le professeur Seux fils, ce travail oc
cupe plusieurs numéros du journal ; Observation d’une opération
de Taille Hypogastrique, recueillie dans le service de M. le Dr H.
Nicolas, chiiurgien des hôpitaux, par M.Monier, interne, élève de
l’Ecole ; un article bibliographique sur le Mont-Dore, par M. Jauffret, élève de l’Ecole, interne des hôpitaux ; une note de M. L i
von, professeur suppléant, pour servir à l’histoire du Hoâng-Nâr.
Marseille médical, juillet 1877.
Communication faite par M. Livon et M. le Dr Cazeneuve Paul,
au Congrès de l ’Associaiion Française pour l’avancement des
Sciences, V Imo session, tenue au Havre en août dernier, d’un tra
vail sortant du laboratoire de physiologie de l'Ecole, mémoire
intitulé :
Nouvelles recherches sur la fermentation ammoniacale de
l’urine et la génération spontanée.
Ce travail a été publié par la revue mensuelle de médecine et
de chirurgie du mois d’octobre.
Une note sur la Médecine Militaire à l ’exposition de Philadel
phie, par M. le professeur Seux fils.
Marseille médical, août 1877.
Compte-rendu des travaux du Conseil d’hygiène et de salu
brité du premier arrondissement des Bouches-du-Rhône, par
M. le professeur Rampai, vice-président du Conseil.
Le premier volume (T. vin de la collection) contient : un ira*
Une observation de Nécrose du maxillaire inférieur et de Cancer
�— 49 —
circonstances imprévues, n’a pu être exécuté dans le courant de
l’année, comme j ’avais lieu de l’ espérer.
Nos laboratoires de clinique manquent d ’un certain nombre
d’instruments d’ une grande utilité.
Il serait aussi bien à désirer que l’Administration Municipale
pût s’entendre avec la Commission administrative des Hospices
pour qu’une mansarde à peu près inutile à l’Hôlel-Dieu, fût
transformée en salle de malades, consacrée tant à un service
d’enfants qu’à la clinique ophthalm ologique, spécialités très
vail qui a été remarqué par le Comité consultatif d ’hygiène pu
blique de France, travail dû à M. le professeur Roussel, c'est
YAnalyse chimique des eaux du canal de Marseille : un résumé
succint de toutes les conditions imposées aux diverses industries
établissant la jurisprudence des conseils d’hygiéue des Bouchesdu-Rhône. Celte partie constitue un manuel et un guide excel
lent pour tous les conseils d’hygiène et de salubrité.
Le deuxième voiume (T . tx de la collection) comprend de nom
breuses recherchas sur le mou\ement de la population, sur la
météorologie, sur la consommation et les causes de la mortalité
dans les principales villes.
Celle publication a valu à MM. Rampai et Roux, de Brignollcs,
une médaille d’argent, qui leur a été décernée par le Ministre de
l’agricuiture et du commerce, sur la proposition du Comité con
sultatif d’hygiène publique de France.
Leçons de M. le professeur Fabre, publiées par M. Gros, lau
réat de l’Ecole, dans la Gazette des Hôpitaux, en octobre, no
vembre et décembre 1876, sur 1° l’intervention des rétrécisse
ments dans les insuffisances, 2° l’anémie par affection cardiaque ;
3* les phénomènes spinaux dans les affeetions cardiaques.
Notes sur l’acide salicylique, par le Dr Garcin.
Journal de Thérapeutique, du professeur Gubler, octobre 1876.
L ’acide Salicylique et le Rhumatisme, par le même.
Même journal, 25 août et 10 septembre 1877.
insuffisamment représentées dans les cliniques de l’Ecole.
Combien il serait encore opportun, qu’en raison du grand
nombre d’élèves et de jeunes médecins qui fréquentent nos cli
niques, qui assistent à ces leçons dogmatiques mises en action,
un plus grand nombre de lits pût être mis à la disposition de
l’Ecole ! Car en définitive nos six cliniques, deux médicales,
deux chirurgicales, la clinique d’enfants et la clinique ophtal
mologique, ne possèdent en tout que 144 lits, tandis que l’Hô
pital en contient 2C0. Je sais bien d’une part que l’ Administra
tion des Hôpitaux, il faut le reconnaître, observe avec la plus
scrupuleuse exactitude les engagements pris par elle à ce sujet
avec la Ville et l’ Etat, je suis heureux d’autre part de pouvoir
déclarer que les lits fournis par l’Hôtel-Dieu sont généralement
occupés par des malades graves dont les professeurs, par leur
zèle et leur science, tirent le meilleur parti pour que l’instruc
tion des élèves soit suffisante. Mais, si le nombre des malades
était plus considérable, celte instruction serait bien plus va
riée, les malades eux-mêmes n’auraient qu’à s’en féliciter, les
élèves étant répartis autour d’un plus grand nombre de lits.
Qu’il serait heureux à tous les points de vue que tout l’HôtelDieu fût consacré aux cliniques !
Ne faudrait-il pas aussi que le service de la pharmacie fût,
dans nos hôpitaux, comme dans tous les grands hôpitaux de
France, confié à des internes en pharmacie, sous la direction
d’un pharmacien en chef? D’une part, nos étudiants en phar
macie trouveraient dans les concours qui les feraient arriver à
ces postes utiles et honorables, un stimulant et un sujet de juste
émulation, d’autre part nos si dignes et si respectables sœurs
hospitalières auraient une lourde charge de moins à supporter,
les soins si assidus qu’elles ne cessent de donner à nos pauvres
malades étant plus que suffisants pour mettre à profit leur zèle
et leur dévouement.
4
�J’ai l’honneur de soumettre toutes ces graves et importantes
questions, dont la solution peut être dilïicile, je l’avoue, soit à
l’Administration Municipale, toujours dévouée au bien-être du
pauvre et à l’instruction de nos élèves, soit à la Commission ad
ministrative des Hospices qui, secondée par la première, com
plétera, j ’en ai la certitude, l’œuvre si bien commencée par
elle.
Merci donc de nouveau cette année aux deux Administrations
qui, par leur concours éclairé, ont rendu possible l’établisse
ment d’une Ecole de plein exercice à Marseille 1 Merci pour le
passé, merci pour l’avenir ! Car si les différentes questions que
je n’ai pu aujourd’ hui qu’énoncer reçoivent une solution favo
rable, le nom de Faculté de Médecine prendra tout naturelle
ment et par une pente douce et sûre, la place de celui d'Ecole,
à la satisfaction de tous.
Je termine en disant avec l’aimable et spirituel La Fontaine,
qui sut en même temps être un moraliste profond :
Patience et longueur de temps,
Font; plus que force ni que rage
�TRAVAUX PRATIQUES OBLIGATOIRES POUR TOUS
LES
ÉLÈVES
EN PHARMACIE
2me Année
1er P rix : M. Nalin.
2me P rix : M. Bourrelly.
Ve Année
R A PP O R T DE M. DE PITTI-FE R R A N D I
PROFESSEU R -AGRÉGÉ
A LA F A C U L T É
DE
DROIT
Sur les Concours de l'année scolaire 1876-1 871
1er P rix : M. Nicolas.
2me P rix : M. Cabasse.
Mention honorable : M. Maurin Gabriel.
Monsieur le R ecteur ,
Messieu rs ,
Je dois à la bienveillance de mes collègues l ’honneur de vous
entretenir pendant quelques instants pour vous rendre compte
des résultats des concours ouverts entre les étudiants de
cette Faculté. Ce n’est pas devant vous, Messieurs, qu’il est
nécessaire de démontrer l’utilité des luttes pacifiques aux
quelles, à la fin de chaque année, nous convions nos élèves.
Votre présence dans cette enceinte ne prouve-t-elle pas, en
effet, tout l’ intérêt que vous portez à la jeunesse studieuse de
�notre Ecole, et n’est-elle pas en même temps un témoignage
éclatant de vos sympathies pour notre chère et vieille Uni
versité.
Le sujet de première année « Comment s'établissent les
servitudes prédiales en Droit Romain et en Droit Français »
a été généralement bien compris et bien traité par les candi
dats qui ont pris part au concours. La Faculté a épuisé le nom
bre des récompenses dont elle dispose, et c’est avec regret
qu’elle n’a pu accorder une mention honorable à des candidats
dont j ’aurais aujourd’hui à proclamer les noms s’ils avaient eu
à se mesurer avec des adversaires moins redoutables. Ce succès
obtenu par les élèves de prem ière année prouve avec quel pro
fit ils ont suivi les leçons de leur savant professeur, M. le doyen
Caries, dont le Gouvernement vient de récompenser les services
en le nommant chevalier de la Légion -d’Honneur. Au nom de
mes collègues et au mien, je suis heureux d’adresser publique
ment à M. le doyen Caries nos sincères félicitations pour la
haute distinction dont il vient d’être l’objet.
Parmi les compositions qui ont été soumises à notre exa
men, deux ont immédiatement fixé notre attention. L ’une d’el
les se distingue par la clarté avec laquelle son auteur a traité
toutes les difficultés delà matière, mais quelques négligences de
style la déparent ; l’autre présente quelques lacunes, mais la forme
en est remarquable et révèle chez son auteur un véritable talent
d’exposition. Après une longue discussion, les membres de la
Commission ont été d’avis de mettre sur la même ligne deux com
positions également remarquables par des qualités différentes, et
d’accorder un premier prix ex œquo à leurs auteurs, MM. Marti
neau des Chesnez et Jeanselme. M. Vernhette, qui obtient le se
cond prix, a, comme M. Jeanselme, une excellente tendance qu’on
ne saurait assez encourager : il aime à rapprocher le Droit
Français du Droit Romain, et il le fait presque toujours avec
goût et avec exactitude.
La prem ière mention a été décernée en même temps à
MM. Decori et Pontrem oli. M. Decori connait bien les principes
qui régissent l’établissement des servitudes en Droit Français,
mais il a commis en Droit Romain une erreur assez impor
tante. M. Pontremoli est méthodique et généralement exact,
mais sa discussion est parfois confuse et embarrassée.
M. Tubie est entré dans des détails inutiles et n’a pas claire
ment traité la question de savoir quelles sont les servitudes qui
peuvent être établies par la destination du père de famille. La
Faculté ne lui accorde que la seconde mention. Mais M. Tubie
est un excellent élève et au prochain concours il a le droit de
prétendre à un meilleur rang.
Le sujet du Concours de deuxième année était ainsi conçu :
« Des effets de /’obligation de donner entre les parties con
tractantes. » Indiquer pour quelles raisons la propriété est
transférée, sous l’em pire du Code Civil, par le seul effet du
consentement des parties, étudier la question des risques, ex
poser la théorie des fautes, tel était le programme que les con
currents avaient à développer.
Toutes ces questions ont été parfaitement traitées dans deux
compositions également remarquables par la netteté avec la
quelle les principes y sont traités et par l’exactitude des expres
sions juridiques. Les membres de la Commission ont longtemps
hésité entre ces deux compositions. Après les avoir minutieuse
ment examinées, ils ont été convaincus qu’il était impossible de
déclarer que l’une d’elles méritait d’être préférée à l’autre, et
fis ont été unanimes pour accorder un premier prix ex œquo à
leurs auteurs: M. Gaussorgues et M. Emine F ik ri, du Caire
(Egypte). Ce n’est pas la première fois que les jeunes membres
�57 —
de la colonie Egyptienne, qui suivent nos cours avec tant d’as
siduité, viennent recevoir ici la légitim e récompense de leur
travail, mais jamais aucun d’eux n’avait réussi à remporter un
succès aussi grand que celui qu’obtient aujourd’hui M. Emine
Fikri. Je suis heureux de saisir l'occasion qui m ’est offerte de
déclarer publiquement que, par leur application au travail et
les bonnes notes qu’ils ont méritées dans leurs examens, les
jeunes membres de la colonie Egyptienne se sont placés au
nombre de nos meilleurs élèves. Ils continueront, j ’en ai la
ferme conviction, à se rendre de plus en plus dignes de la sol
licitude de leur Gouvernement, et ils reporteront plus tard
dans leur patrie les principes de cette belle science du Droit
qu’ ils apprennent à notre Ecole.
La composition de M. Milhaud , qui obtient le second prix,
est aussi complète que celle de MM. Gaussorgues et Emine
Fikri. Toutes les questions y sont traitées clairement et dans un
ordre méthodique, mais le style n’est pas toujours très correct.
M. Fabre, auquel la Faculté décerne une prem ière mention,
a très bien expliqué la théorie des risques et fort nettement
exposé les interprétations que les auteurs ont données de la
première partie de l’article 1138 du Code Civil. Il aurait sans
aucun doute obtenu un meilleur rang s’il n’avait commis la
faute, à la fin de son travail, d’ insister sur des questions étran
gères au sujet.
M. Nathan, a mérité une seconde mention pour une composi
tion exempte d’erreurs, mais sur certains points incomplète.
Les Etudiants de troisième année sont appelés à un double
Concours, au Concours de Droit Romain, et au Concours de
Droit Français.
Le Concours de Droit Romain n’a jamais été aussi faible que
cette année. Bien que le sujet choisi par la Faculté « Des dé-
veloppcments successifs des contrats à Home », fut de na
ture à attirer les concurrents, une seule composition nous a
été remise. L ’auteur de cette composition a des connaissances
assez étendues en Droit Romain, mais il n’a pas compris le su
jet qu’il avait à traiter et a commis des erreurs très graves.
Aussi la Faculté a-t-elle pensé qu’elle ne pouvait point, sans
abaisser la valeur de ses récompenses, accorder une distinction
à une composition si insuffisante.
En Droit Français, les concurrents avaient à étudier une des
nombreuses clauses par lesquelles on peut modifier le régime
de la communauté légale : « Le préciput conventionnel » .
Une composition, qu’ un docteur ne désavouerait pas et qui est
aussi remarquable sous le rapport du fond que de la forme, a
été placée sans hésitation au premier rang. Son auteur connaît
les nuances les plus délicates du sujet et expose les controver
ses avec une netteté parfaite. Cette dissertation, à laquelle la
Faculté décerne le premier prix et ses meilleurs éloges, appar
tient à M. Gaston Chamayou, qui a eu le mérite bien rare d’ob
tenir le prem ier prix à la fin de chacune de ses trois années
d’études.
La composition de M. Beinet, qui obtient la première men
tion, est très claire et très méthodique. Quelques lacunes et une
erreur assez grave n’ont pas permis à la Faculté de lui décer
ner le second prix.
�-
58 -
— 69
Nous avons eu à juger trois mémoires.
Les aspirants au Doctorat avaient à traiter cette année
« De la propriété littéraire et artistique ».
Pour répondre au vœu de la Faculté, les concurrents avaient
d’abord à prendre parti sur l’ une des questions législatives qui
ont le plus agité l’opinion publique depuis le commencement
de ce siècle. L ’auteur a-t-il sur son œuvre un droit de propriété
qui, comme la propriété ordinaire, doit être transmissible à
perpétuité? N ’a-t.-il qu’un privilège que la loi lui accorde pen
dant toute sa vie pour le rémunérer des services qu’il rend à la
société, privilège qui, après sa mort, doit être lim ité dans sa
durée? Lorsqu’on examine cette grande question de la pro
priété intellectuelle, il ne s’agit pas de se demander si l’auteur
a un droit exclusif sur les idées qu’il a exprimées. « Les idées,
« a dit éloquemment Rivarol, font le tour du monde, elles
« roulent de siècle en siècle, de langue en langue , de vers en
« prose, jusqu’à ce qu’elles s’enveloppent d’une image sublime,
« d’une expression vivante et lumineuse qui ne les quitte plus,
% et c’est ainsi quelles entrent dans le patrimoine du genre
« humain. » Il s’agit de savoir si « cette image sublime », si
« cette expression lumineuse » , si la forme en un mot appar
tient à celui qui l ’a découverte le prem ier et à ses héritiers
pendant un temps déterminé ou à perpétuité.
Cette première question résolue, il fallait exposer l’ historique
de la propriété intellectuelle, expliquer la loi si difficile et si
obscure du 14 juillet \866 ; indiquer les garanties dont nos lois
environnent les droits des auteurs ; étudier enfin d’une manière
sommaire les législations étrangères, et les comparer avec la
législation française.
De nombreuses négligences de style et des divisions inexac
tes nous ont déterminés à écarter comme insuffisant le mé
moire portant pour divise : Audaces fortuna juvat. Ce n’est
pas à dire que ce mémoire manque absolument de valeur.
L auteur a traité complètement toutes les difficultés que soulève
l’interprétation de la loi de \866, mais il n’a pas compris
l’unité du sujet. Les questions viennent les unes à la suite des
autres, sans qu’aucun lien les rattache entre elles. La partie
historique a été trop.longuement traitée, et la partie philoso
phique a été complètement manquée. Si, pour mériter une
couronne, il suffisait d’avoir amassé des matériaux, l’auteur
du mémoire dont je parle l’aurait certainement obtenue, mais
la Faculté, qui demande aux aspirants au Doctorat, un travail
personnel, a pensé avec raison qu’elle ne pouvait pas accorder
une récompense à l’auteur d’une simple compilation.
La Commission a eu ensuite à se prononcer sur deux mé
moires qui ont tous les deux, mais à des degrés différents, une
valeur absolue, et sont dignes l’un et l’autre de la plus pré
cieuse des distinctions dont la Faculté dispose, de la médaille
d’or du Doctorat. La première médaille a été décernée à l'unanimité au mémoire portant pour devise : « A l’individu ses
droits, à la société les siens. » Son auteur est M. Emmanuel
Martin, dont le nom a été souvent proclamé dans cette enceinte
et qui a voulu, avant de terminer ses études juridiques, rem
porter le plus grand succès auquel les meilleurs élèves ont seuls
le droit de prétendre.
Le mémoire portant pour devise : « La propriété littéraire
est une propriété », est de beaucoup inférieur au travail de
M. Martin, mais il a une valeur incontestable. La Faculté a dé
cerné la seconde médaille d’or à son auteur M. Joseph Michou.
�—
60
—
Permettez-moi, Messieurs, de vous rendre brièvement compte
de ces deux mémoires.
Le mémoire de M. Martin est divisé en quatre parties.
Dans la première partie, M. Martin démontre que le droit de
l’auteur sur son œuvre est un véritable droit de propriété qui,
comme la propriété ordinaire, doit être transmissible aux héri
tiers. Si on lui fait l’objection dite de la collaboration de l’hu
manité, si on lui dit. avec Montaigne : « Nos opinions s’entent
« les unes sur les autres, la prem ière sert de tige à la seconde,
« la seconde à la tierce, nous échelons ainsi de degré en degré
« et advient de là que le plus haut monté a souvent plus d’hon« neur que de mérite, car il n’est monté que d’un grain sur les
« épaules du pénultième. » M. Martin répond que cette objec
tion, si elle était vraie, conduirait nécessairement à la négation
de toute propriété.
Après avoir posé le principe que l’auteur est propriétaire de
son œuvre, M. Martin fait rem arquer que la perpétuité n’est pas
de l’essence de la propriété, et il démontre qu’à la différence de
la propriété foncière, la propriété intellectuelle ne doit pas être
perpétuelle. L ’utilité sociale réclame, en effet, qu’après un cer
tain temps les œuvres artistiques et littéraires tombent dans le
domaine public, car « le domaine public c’est la concurrence,
la concurrence c’est le bon marché des livres, le bon marché
des livres c’est la diffusion des lumières. » M. Martin consenti
rait néanmoins à se rallier au système de la perpétuité, si la
perpétuité devait avoir pour effet d’assurer à jamais aux héri
tiers des auteurs un patrimoine suffisant pour préserver de la
misère un nom glorieux. Malheureusement, même avec le sys
tème de la perpétuité, il est impossible d’atteindre ce but si
louable et si généreux. Il sera en effet toujours vrai de dire avec
Macaulay : « La perpétuité n’aurait pas empêché la petite-fille
« de Milton de mendier, parce que la perpétuité n’aurait pas
« empêché Milton de vendre son droit à vil prix au libraire
« Thompson. »
La deuxième partie du mémoire de M. Martin est consacrée à
l’histoire de la propriété intellectuelle ; la troisième à l’étude de
la loi de 1666 ; et la quatrième à la contrefaçon littéraire et ar
tistique. Dans un appendice un peu court, M. Martin étudie
quelques législations étrangères.
Tel est en résumé le mémoire de M. Martin. Soit qu’on exa
mine le fond, soit qu’on considère la forme, le mémoire de
M. Martin est digne d’être placé à côté des meilleurs ouvrages
qui ont été écrits sur la propriété intellectuelle. Je reprocherai
toutefois à M. Martin d’avoir exposé trop sommairement l’his
toire du droit des auteurs, et de n’avoir pas indiqué la diffé
rence qui existe au point de vue de l’exercice de l’action publi
que, entre la contrefaçon littéraire et artistique et la contrefa
çon industrielle. Ce dernier reproche s’adresse également au
mémoire de M. Michou.
M. Michou a divisé son travail en quatre parties.
Dans la prem ière partie, M. Michou étudie, comme M. Mar
tin, la nature du droit des auteurs. Il n’admet pas avec Voltaire
qu’il « en est des livres comme du feu de nos foyers, on va
« prendre ce feu chez son voisin, on l’allume chez soi, on le
« communique à d’autres et il appartient à tous. » et il con
clut avec Diderot « que l’auteur est maître de son œuvre ou
« personne dans la société n’est maître de son bien. »
A la différence de M. Martin, qui veut que la propriété litté
raire et artistique soit temporaire, M. Michou défend, avec la
plus grande énergie, le système de la perpétuité. Il croit qu’il
est d’autant plus nécessaire d’adopter ce système que la pro
priété intellectuelle, comme l’a fait remarquer M. Lafond de
Saint-Mür, « n’est pas toujours fructueuse dans un temps dé
terminé. » N ’est-il pas évident, en effet, que les plus belles œu-
�—
62 —
vres de l’esprit ne sont pas toujours immédiatement comprises?
N’est-il pas vrai — pour ne citer que deux exemples — que
Athalie n’a été goûtée du public en France qu’un demi siècle
après la mort de Racine , et que les compositions de Weber et
de Beethoven étaient déjà tombées dans le domaine public
quand elles ont atteint le plus grand succès?
M. Michou n’admet aucun des inconvénients qu’on a repro
chés au système de la perpétuité. Des héritiers ignorants ou
mal intentionnés peuvent sans doute se refuser à publier des
éditions nouvelles des œuvres de leurs auteurs, mais le mal
n’est pas sans remède. Le législateur français ne peut-il pas en
effet, comme l’a fait le législateur italien le 21 juin 1865, dé
clarer que dans cette hypothèse vraiment exceptionnelle, il y
aura lieu à expropriation de la propriété intellectuelle pour
cause d’utilité publique ?
Cette première partie du m ém oire est écrite avec une très
grande clarté et ne manque pas d’originalité.
Dans la deuxième partie, M. Michou donne des détails très
intéressants, mais trop longs sur l’histoire de la propriété in
intellectuelle.
La troisième partie, consacrée à la législation actuelle, est
incomplète. M. Michou n’a pas traité quelques questions qui
auraient dû trouver place dans son mém oire. Il a eu aussi le
tort très grave de ne point prendre parti sur certaines difficul
tés que soulève le commentaire de la loi de 1866, et de se bor
ner à faire connaître les différents systèmes enseignés par les
auteurs.
Dans la quatrième partie, M. Michou étudie quelques législa
tions étrangères et il a soin de citer la loi mexicaine de 1871,
qui seule, jusqu’à ce jour, a admis le principe si contesté et si
contestable de la perpétuité de la propriété intellectuelle.
Malgré ces défauts, le mémoire de M. Michou est digne de la
— 63 haute distinction que la Faculté lui accorde. Ce mémoire con
tient des renseignements très précieux, et si un jour il est livré
à la publicité, il sera consulté avec le plus grand profit par les
praticiens et les jurisconsultes.
Vous le voyez, Messieurs, la Faculté a le droit d’être satisfaite
des résultats des Concours dont je viens de vous rendre compte.
Malheureusement au sentiment de légitime satisfaction qu’elle
éprouve vient se joindre l’expression d’un regret. Pourquoi
faut-il, en effet, que l’insuffisance du Concours de Droit Ro
main oblige la Faculté à garder des distinctions qu’elle serait si
fière de décerner à ses meilleurs élèves? Hàtons-nous toutefois
de le dire, l’indifférence avec laquelle nos élèves étudient les
lois romaines, n’cst pas la seule cause de la faiblesse du Con
cours de Droit Rom ain. Il ne faut pas oublier que les étudiants
de troisième année subissent le premier examen de licence au
mois de janvier, et que le Concours de Droit Romain n’a lieu
qu’au mois d’août. 11 est évident que ce Concours produirait de
meilleurs résultats si les étudiants étaient appelés à y prendre
part immédiatement après qu’ils ont subi le premier examen
de licence.
Cette réforme a déjà été proposée par plusieurs de mes collè
gues, et en la demandant à mon tour, je suis sûr de ne pas en
courir le reproche que Montaigne adressait à quelques réforma
teurs de son temps : « A vouloir restablir un meilleur estât en
« la place de celui qu’on a ruyné, à ceci plusieurs se sont mor« fondus de ceulx qui l’avaient entreprins, »
*
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1878-1879.pdf
7781d50938d65a35a5fe9531bdcd73ca
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Text
ACADÉMIE D 'AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES L E T T R E S
1878-1879
DE L ’ÉCOLE DE PLE IN EXERCICE DE MÉDECINE
E T DE PHARM ACIE
A1X
AC H ILLE M A K A IR E , IM PRIM EU R DE L ’ACADÉMIE
2, rue Pont-Moreau , 2
1878
�A ca dém ie
d’A ix
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
D I 36 F A C U L T É S
DE
ET
DE
M É D E C IA E
L ’ ÉCO LE
ET
DE
DE
P L E IA
P H A R M A C IE
E X E R C IC E
�ACADÉMIE D 'AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET DES L E T T R E S
DE L ’ÉCOLE DE PLE IN EXERCICE DE MÉDECINE
E T DE PHARM ACIE
A1X
AC H ILLE M A K A IR E , IM PRIM EU R DE L ’ACADÉMIE
2, rue Pont-Moreau , 2
1878
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES F A C U L T É S
DE THÉOLOGIE , DE DROIT , DES
SCIENCES
ET DES LETTRES
e t de l ’ é c o l e de p l e i n e x e r c i c e
DE MÉDECINE E T DE PH AR M AC IE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de T héolo
gie, de Droit et des Lettres d’A ix, de la Faculté des Scien
ces et de l’Ecole de plein exercice de M édecine et de Phar
macie de Marseille, a eu lieu cette année à A ix , le vendredi
22 novem bre, dans la grande salle des actes publics de la
Faculté de Droit, sous la présidence d eM . Bourget, Recteur
de l’Académ ie.
A onze heures du matin, M. le Recteur, MM. les Inspec
teurs d’Académ ie du ressort et MM. les Professeurs des
Facultés et de l’École de Médecine assistaient à la messe du
Saint-Esprit, qui a été célébrée à l’Eglise m étropolitaine de
Saint-Sauveur.
A deux heures, la séance de rentrée était ouverte. On y
�—
6
—
remarquait une nombreuse assistance, et aux prem iers
rangs M. Rigaud, prem ier Président de la Cour d’A p p e l;
M. le général Martineau Descbenet, général de division à
Avignon ; M. Simon, Procureur Général ; M. Galtier, SousPréfet de l’arrondissement ; M. Bédarride, Maire d’ A ix ;
M. le Lieutenant-Colonel du 112me de ligne et un grand
DISCOURS DE M. BOURGET
R E C T E U R
DE
L ’A C A D É M I E
nombre de notabilités de l’Arm ée, de la Magistrature, du
Clergé , du Barreau et des différentes Adm inistrations
publiques.
M. le Recteur a pris le prem ier la parole, son discours,
fréquemment applaudi, a été suivi d’ un discours de rentrée
prononcé par M. Reynald, Professeur à la Faculté des
Lettres.
M e s s ie u r s ,
M. Bry, Professeur a la Faculté de D roit, a ensuite
rendu compte des Concours ouverts entre les Etudiants en
Droit.
La séance a été terminée par la proclamation des Prix
décernés aux lauréats de la Faculté de D roit et de l’ Ecole
de Médecine.
Perm ettez - m o i, en ouvrant la séance, de vous rem ercier
de l’accueil bienveillant que vous avez fait à votre nouveau
Recteur.
Cet accueil , dont j ’ai été profondém ent touché , me rend
agréables et plus faciles les importantes fonctions dont le Minis
tre m’a chargé.
Je succède à un homme d’une grande intelligence et d’une
expérience consommée dans l’administration. M. Zévort laisse
parmi vous de légitimes regrets : il avait conquis vos sympa
thies, par la droiture de son caractère, l’affabilité de son abord
�8
—
et par son profond dévouement à l’ Université. Je m’efforce
rai de le remplacer. Comme lui je suis dévoué aux progrès
de l’enseignement national que donne l’Université ; comme lui
je veillerai avec sollicitude aux intérêts de chacun des membres
du corps enseignant. Je compte sur votre zèle et vos conseils ;
vous pouvez compter sur ma bonne volonté.
Notre fête de l’ Enseignement supérieures! malheureusement
attristée par l’absence de l’ancien Doyen de la Faculté des
Sciences. M. Fabre est retenu loin de nous par une cruelle
maladie , due sans doute aux fatigues d’ un labeur trop assidu.
Des recherches difficiles, une continuelle tension d’esprit dans
la poursuite des lois obscures de la mécanique des atomes, ont
en partie brisé les ressorts de cette belle intelligence. Nous
avons l’espoir que le repos et les soins d’ une famille dévouée le
rendront peu à peu cà la santé et aux beaux travaux dont le
monde savant regrette si vivement l’interruption.
Me s s i e u r s ,
Dans une séance de rentrée des Facultés , il est permis de
faire l’éloge de l’ Enseignement supérieur. Je veux donc parler
aujourd’hui de l’importance de cet enseignem ent, de son rôle
dans la marche de notre pays vers le progrès, et même de l’ uti
lité pratique des hautes spéculations de la science pure.
L ’Instruction primaire est maintenant l’objet légitim e des
préoccupations du Ministre de l’Instruction publique, des Cham
bres et de toutes les Municipalités. Elle est, en e ffe t, ém inem
ment et immédiatement utile. Dans un Etat politique comme le
nôtre, où chacun est appelé, en quelque sorte, à ju ger les actes
du gouvernem ent, à choisir les dépositaires du pouvoir à tous
les d e g ré s , l’instruction de tous les citoyens est d’ une nécessité
0
im périeuse, et cette instruction doit être donnée conformément
aux aspirations du pays, conform ém ent à sa Constitution. Ses
tendances ne doivent pas être celles d ’ une communion parti
culière , car elle doit préparer la jeunesse à cette communion
humaine de tous les enfants de la même Patrie, qui fait la grande
unité nationale.
Nous espérons que par la diffusion de l’instruction , par la
multiplication des maisons d’Ecole, la génération qui nous suivra
sera supérieure à la nôtre , et que l ’édifice social que nous éle
vons sera défendu aussi bien contre les violences ouvertes et les
ruines subites, que contre l’action lente et souterraine , mais
non moins destructive de la licence. Car les statistiques de la
crim inalité l’ont proclamé et le proclament chaque année : élar
gir l’ Ecole c’est en même temps rétrécir la prison.
Mais si, avec raison, notre gouvernem ent éclairé fait de grands
efforts pour am éliorer l’Instruction prim aire, il n’oublie ni l’En
seignement secondaire , ni l’Enseignement supérieur. 11 veut
d’abord que les plus déshéritées de nos communes aient une
école qui prépare à l’ Etat des citoyens instruits de leurs de
voirs et attachés à nos institutions ; mais il veut aussi que la
France conserve et accroisse l'influence que nous exerçons de
puis longtemps sur l’ Europe dans les Arts , les L ettres, les
Sciences et l’Industrie.
Si le X IX e siècle peut s’enorgueillir d ’une littérature origi
nale qui ne le cède en rien aux précédentes , on peut dire qu ’il
est absolument hors de pair par ses découvertes scientifiques.
N ’a - t - il pas introduit les qualités précieuses de l’observation
méthodique jusque dans l’analyse des chefs - d ’œuvre de l’ima
gination, et pour ne citer qu’ un nom , mais illustre , le prince
des critiques, Sainte Beuve , n’a - t - i l pas écrit qu’il essayait
de faire l’ histoire naturelle des esprits? et quel labeur en
tous sens que celui de cet admirable siècle ! Il a déchiffré
des langues inconnues ; tiré du tombeau des civilisations igno-
�10
rées; [il a créé des sciences nouvelles , l ’histoire des m ythologies et la grammaire comparée , qui , en constatant la filia
tion des langues, permettent de saisir la parentée des peuples.
11 a multiplié le temps de notre vie en rendant les communica
tions rapides au moyen de la vapeur et de l’électricité ; il trans
met aujourd’hui notre voix même à distance ; il la grave sur
une feuille d’étain , qui la répète ensuite à volonté comme un
écho fidèle. Notre Exposition nous a montré toutes les m erveil
les que le travail humain peut produire quand il est guidé par
des principes scientifiques, et tous les progrès qui s’accomplis
sent en dix années seulement sous l’ influence de l ’esprit de cu
riosité et de recherche qui anime aujourd’hui le monde
civilisé.
Il importe à la République Française de participer én ergi
quement à ce m ouvem ent, et il appartient aux membres de
l’Enseignement supérieur de propager par leurs intéressantes
leçons, le goût des études de précision , des recherches artisti
ques et scientifiques , d’exciter les esprits curieux de choses
nouvelles en ouvrant à leurs regards des horizons nouveaux, en
leur montrant des champs encore inconnus qui attendent un
explorateur hardi et patient.
Cette tâche , vous l’accomplissez , Messieurs , et par vos le
çons, par vos travaux importants dans les Lettres et les Sciences,
vous servez d’exemple à la jeunesse qui vous entoure et vous
écoule.
Je ne veux pas analyser ici les rapports intéressants de MM.
les Doyens , que le Conseil Académique entendait hier , sur les
opérations de nos diverses Facultés pendant l’année classique
1877-78 ; mais il me sera permis de jeter un coup-d’œil rapide
sur chacun de nos établissements pour mettre en relief leur
vitalité et les résultats de leur enseignement.
Les Professeurs de la Faculté de Théologie ne sont plus au
jou rd’hui occupés de résoudre les questions délicates qui divi
saient ies esprits au temps de Pascal. Nous sommes loin de l’é
poque où la Sorbonne, jouissant d’ un renom européen , rassem
blait un grand nombre d’étudiants venant y prendre leurs grades
ecclésiastiques, voyait ses décisions érigées en articles de f o i ,
combattait vaillamment les schismes, les hérésies et défendait les
libertés de l’ Eglise gallicane. La doctrine catholique est aujour
d'hui formulée définitivement sur toutes les matières qui tou
chent au dogme et aux rapports de l’Eglise et de l’ Etat ;
l’enseignement des prêtres se fait au séminaire. Aussi le rôle
des Facultés de Théologie est beaucoup plus modeste qu’avant
1789 , si modeste que les créateurs des Facultés libres ne lui
ont réservé aucune place. L ’ Université plus libérale croit qu’elles
peu ven t, par leur enseignement élevé , montrer qu’il y a com
patibilité entre les doctrines de l’Eglise catholique et les grands
principes qui meuvent les sociétés modernes ; qu’elles peuvent
amener la conciliation entre les deux camps ennemis qui divi
sent notre pays. C’est à cette tâche que s’appliquent les profes
seurs éminents de notre Faculté, et le choix que vient de faire
M. le Ministre des Cultes pour l’ Evêché de C lerm on t, m ontre
assez la haute estime du gouvernem ent pour l’esprit qui anime
ses membres. Nous espérons qu’ elle se maintiendra dans ses
bonnes traditions sous la direction du vénérable et savant abbé
Renoux, son nouveau Doyen , et que le jeune abbé Ricard , ap
pelé à la chaire de Dogme , saura , comme son prédécesseur ,
s’entourer de la sympathie de ses collègues et de ses audi
teurs.
Notre Faculté de Droit continue à prospérer et à m ériter son
ancienne réputation. Elle a une position exceptionnelle qui ex
plique ses succès. Placée au Sud - Est de la France , dans un
climat charm ant, aux portes de Marseille , elle attire naturelle
ment à elle les étudiants de la Provence , du Languedoc , de la
�12
Corse, de l’Algérie. Depuis longtemps elle a une colonie d’é
trangers venant de divers points du littoral de la Méditerranée.
Ville calme, de petite étendue , À ix offre aux jeunes gens labo
rieux des conditions éminemment favorables à des études sérieu
ses. Les plaisirs n’y sont pas nom breux, mais c’est ce qui la
rend recommandable aux familles et aux étudiants. Dans la
jeunesse , on résiste difficilement aux excitations d’ une grande
ville, et beaucoup y dissipent follement un temps précieux qu’ ils
eussent bien employé dans une Faculté moins bruyante comme
la nôtre.
Ce n’est pas en s’amusant qu’on peut faire une étude fruc
tueuse du Droit. Cette science difficile a dans ses démonstra
tions la rigueur des sciences exactes , sans en avoir l’aridité et
la sécheresse; elle offre à la fois un exercice de logique pro
fonde dans ses déductions, et un exercice littéraire et artistique
dans l’exposition. Elle met donc en jeu nos plus hautes facultés.
C’est pourquoi les hommes qui ont soumis leur esprit à la forte
discipline de l’étude du Droit, acquièrent une puissance incontes
table dans les grands conseils où se débattent les intérêts publics
par l’habitude qu’ ils ont de saisir le nœud d’une question, d’en
démêler la com plexité, d’en indiquer la solution précise.
L ’étudiant qui aspire à devenir un jour l’ une des lumières
du barreau par son savoir et ses qualités oratoires, doit com
mencer par mettre péniblement dans sa m ém oire des textes
nombreux, si bien qu’ ils puissent se présenter docilement à lui
dans l’argumentation. Il faut de plus qu’il en étudie les corollaires dans les cas variés les plus ordinaires. Il faut enfin qu’il
apprenne à s’exprim er avec ordre et clarté. Il faut donc qu ’il
médite longtemps et patiemment sur les ouvrages de jurispru
dence, et de plus qu’il s’exerce souvent à la parole soit seul,
soit en présence de camarades laborieux. Ce program m e d’étude
demande, pour être mis en pratique, des efforts continus, et les
13
grandes villes, avec leurs distractions incessantes, sont peu pro
pres à les favoriser.
A ix me semble donc une ville privilégiée pour MM. les Etu
diants, et vous ne vous étonnerez pas , après mes réflexions ,
d’entendre tout à l’ heure,à l’appui de ma thèse, les éloges qu’on
donnera à leurs travaux et à leur bon esprit.
La Municipalité est jalouse de conserver à son Ecole son an
cienne prospérité ; elle s’efforce d ’am éliorer son installation
m atérielle et demande la création de nouvelles chaires. Le gou
vernement sera , n ’en doutons pas, heureux de s’associer aux
efforts du conseil municipal, et de doter la ville de tous les mo
yens d’ instruction propres à en faire une grande Faculté de
Droit. C’est par l ’accumulation des ressources de travail que
nous pouvons lutter contre l’attraction des centres populeux voi
sins , attraction que favorisent encore les moyens faciles de
locom otion.
Les Professeurs de la Faculté de Droit ne bornent pas leur
activité à la préparation de leurs leçons ; ils travaillent encore à
des ouvrages de longue haleine destinés à élucider certaines
questions obscures de jurisprudence , et vous avez applaudi
récem m ent à la haute distinction accordée par l’Institut au der
nier ouvrage de M. Alfred Jourdan, intitulé :
Epargne et Capital , ou Du meilleur emploi de la
richesse.
C’est une exposition très-claire des principes fondamentaux
de l ’Econom ie politique.
M. Laurin, im prim e, sur le désir exprim é par le Conseil Muni
cipal de Marseille, le cours de Droit Commercial, qu’il a pro
fessé cette année. Le troisième volume du Traité àe Droit Mari
time est sous presse ; les deux prem iers volumes ont paru l ’an
dernier. Ce Traité sera une œuvre capitale sur la matière.
�— 15 —
M. Gautier, Professeur de Droit Adm inistratif, a aussi sous
presse un Précis des matières administratives dans leurs rap
ports avec les matières civiles et judiciaires.
Enfin M. N aqu et, Professeur de Procédure Civile , a publié ,
dans la France ju diciaire, un article intitulé : Observations
sur le Droit de transcription ; et dans la Revue critique , un
autre article intitulé: Des nullités relatives en matière fiscale.
Les Cours de la Faculté des Lettres ont pris depuis peu de
temps une importance nouvelle. Le Ministre a créée un certain
nombre de Bourses qui se donnent au concours et qui perm et
tent à des jeunes gens laborieux de suivre assidûment et à peu
de frais les leçons et les conférences des professeurs de la Fa
culté. Ces jeunes gens peuvent ainsi se préparer facilem ent aux
grades universitaires sans passer par l’Ecole Norm ale et donner
de bons professeurs à nos Collèges et nos Lycées.
La présence de ces candidats, de ces véritables étudiants, qui
visent à un but déterminé et dillicile à atteindre , impose aux
membres de la Faculté de nouveaux devoirs. Ils ne montent
plus en chaire, comme jadis, uniquement pour maintenir et
pour répandre au milieu de la société élégante et polie , les
saines doctrines du goût et de l'esprit Français. Ils doivent
parcourir un programme d’études déterminé, donner des sujets
de travail, corriger des devoirs. Nos jeunes professeurs s’acquit
tent de ces obligations avec un zèle auquel je me plais à rendre
publiquement justice, et notre vénérable Doyen lui-même , qui
aurait le droit de se reposer de ses longs travau x, participe à ce
surcroît de besogne, sans en paraître surchargé.
Les Professeurs de la Faculté des Lettres ne restent pas inac
tifs en dehors de leurs cours et de leurs conférences ; plusieurs
mettent la dernière main à des travaux im portants, dont j ’es
père parler l’année prochaine , et pendant l’année qui vient de
s’écouler, M. Reynald a publié deux mémoires qui ont fait sen
sation à l’étranger :
1° Sur les négociations entre la France , la Hollande et
l’Angleterre pendant les années 4705, 4706.
2° Analyse d'un ouvrage du baron d'Isola , en réponse
aux prétentions de Louis XIV au moment d elà guerre de
dévolution (Sociétés savantes).
Ce n’est pas sans raison que la Faculté des Lettres a été pla
cée à côté de la Faculté de Droit. Par ses co u rs, elle peut com
pléter les études des jeunes gens qui ont souvent quitté l’Ensei
gnem ent classique à un âge où l’esprit n’est pas form é et ne sait
pas encore tirer tout le parti possible des leçons d’un professeur.
C’est donc par une juste mesure que les règlements universi
taires ont rendu obligatoire, pour les étudiants en D roit, l’assi
duité à certains cours de la Faculté des Lettres. Cette obligation
est devenue avec le temps purement m orale, mais nous ne sau
rions trop engager ceux qui nous écoutent à s’y astreindre. Ils
ont à l’âge heureux où l’on peut n ’avoir qu ’une préoccupation,
celle de s’ instruire ; ils sont tout entiers à leur perfectionne
ment. Ils peuvent faire , sans obstacle , ces provisions de savoir
qui, non-seulement font le bonheur de l’âge mûr , mais encore
permettent à un'hom m e d ’occuper dignement les fonctions aux
quelles ses goûts et les circonstances l’appelleront. Combien
parmi eux plus tard apprécieront bien haut les études qu’ils né
gligent aujourd’hui et voudraient retourner sur les bancs de
l ’Ecole s’ ils le pouvaient! Mais il n’y a qu’ un printemps dans
l’année, qu’une jeunesse dans la vie, et si la fleur se flétrit avant
d’avoir été fécondée, l’automne ne donne pas de fruits.
Profitez donc, jeunes gens qui m ’écoutez, de toutes les occa
sions que vous avez de vous instruire, et ne négligez pas les mo
yens faciles que vous offrent libéralem ent à la Faculté des Lettres
des professeurs aussi éminents que dévoués à la jeunesse.
�17 —
La Faculté des Sciences de Marseille a eu , dans le cours de
l’année d ern ière, des vicissitudes regrettables au point de vue
des études. Nous espérons qu’elle touche à un état durable de
calme et d'équilibre.
Le cours de Mécanique, interrom pu quelque temps, est m ain
tenant confié à un jeune professeur, M. Charve, qui a déjà con
quis l’estime de ses auditeurs par les qualités de son enseigne
ment. La Faculté désire vivement qu’il puisse bientôt lui être
attaché d’une manière définitive.
Le cours de Chimie , forcém ent arrêté par la maladie de M.
Favre, sera fait cette année par le Doyen de la Faculté des
Sciences de Besançon. La délégation de M. Reboul , chimiste
distingué, à la chaire de l ’illustre M. Favre , sera , nous n’en
doutons pas, bien accueillie par les professeurs de la Faculté et
le public Marseillais.
Depuis sept mois les fonctions de Doyen ont été rem plies par
M. Àoust avec autant de zèle que d’intelligence ; qu’ il me per
mette de lui exprim er ici publiquement, au nom du Ministre et
de ses collègues, toute notre reconnaissance pour le dévouement
dont il a fait preuve dans celte occasion.
Les Professeurs de la Faculté des Sciences , quoiqu’ un peu à
l’étroit, sont placés dans des conditions favorables pour les re
cherches scientifiques. Ils ont à leur disposition une riche bi
bliothèque , des cabinets pourvus des instruments les plus déli
cats , des laboratoires assez bien installés. Ils m anqueraient à
leur mission s’ils ne répondaient pas à la confiance que l’U ni
versité a en eux pour soutenir l’ honneur de la Science Fran
çaise. Voici la liste des travaux publiés pendant cette année : ils
témoignent de la vitalité de notre Faculté :
Le Professeur d’ analyse a publié :
4° Un Mémoire mathématique sur les singularités du sys
tème astronomique qui produirait l'égalité des jours solaires;
2° L ’Eloge académique de Le V errier, sous le titre : Le Ver
rier , sa vie et ses travaux. Cet écrit a eu l ’honneur d’un
compte-rendu au sein de l’Académie des Sciences morales et
politiques.
Le Professeur de Géologie et de Minéralogie, M. Dieulafait, a
publié : *
1° Un M ém oire de Géologie contenant une élude comparée
de la formation jurassique moyenne en Suisse et en France;
2e Un Mémoire de Chimie géologique : Formation des sels
ammoniacaux dans les eaux des mers modernes et dans
leurs résidus ; formations correspondantes dans les mers des
anciens âges.
Le Professeur de Physique , M. Hugueny, a eu tous ses loi
sirs absorbés par la réorganisation du cabinet des instruments.
Par son zèle intelligent il en a fait, sans en excepter celui de
la Sorbonne, l’un des plus beaux cabinets de France.
Le Professeur de Botanique, M. Ueckel, a publié :
1° Traduction et annotation du livre de Darwin : des diffé
rentes formes des fleurs dans les plantes de même espèce ;
2° De l'influence des acides Salicique et Thimique, ainsi
que des diverses essences sur la germination(Compt. Rend.).
3° Recherche sur l’utilité des mouvements provoqués et
spontanés des organes reproducteurs dans les phanérogames
au point de vue de la fécondation soit croisée soit directe.
(Bulletin de la Société Botanique de France).
Les publications du Professeur de Zoologie, M. Marion, sont :
1° Révision de la Flore Hcersienne de Gelinder, en colla
boration avec M. de Saporta. ( Mémoires de l’Académie de
Bruxelles) ;
2° Uu rapport étendu sur les travaux entrepris par la Com2
�pagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerrannée , pour
combattre le Phylloxéra.
Ce Professeur a eu l’honneur d’être nommé , par décret du
Président de la République , membre de la haute commission
pour combattre le Phylloxéra.
Le Professeur d’Astronomie, M. Stephan, a publié :
1° Mémoire relatif à la détermination des différences de
longitudes entre Paris, Marseille et Alger, (en collabora
tion avec M. L. Lœvy).
2° Mémoire sur la détermination des différences des lon
gitudes entre Lyon et Marseille, (e n collaboration avec M.
Perrier) ;
3° Recherches sur les nébuleuses.
M. Morges , chef des travaux chimiques , a présenté à l’Aca
démie des Sciences diverses notes sur l’Eleclrolysc thermique
des sels,lesquelles ont été insérées dans les C. R . de l’Académie.
M. Vaissière, préparateur de Zoologie, a publié dans la revue
des sciences naturelles de Montpellier, les mémoires suivants :
1° Sur le Prosopistoma punctifrons, (en collaboration avec
M. Joly) ;
2° Sur la Monographie du genre Oligomuria, ( en colla
boration avec M. Joly).
L ’ Ecole des hautes études s’est aussi distinguée. La section
de Zoologie, dirigée par M. Marion , a compté onze étudiants.
Quelques-uns d’entre eux ont publié dans les comptes-rendus et
dans d’autres recueils scientifiques divers mémoires sur les
crustacés et les mollusques.
Notre Ecole de Médecine de Marseille a tous les éléments de
prospérité désirables. Grâce aux libéralités de la ville, son ins
tallation est très-bonne , tant par le côté matériel , que par le
19 —
nombre des chaires et l’éclat de son enseignement. C’est avec
une vive satisfaction que M. B erth elot, inspecteur de l’Enseig
nement supérieur, visitait, il y a quelques jours, les amphithéâ
tres, les laboratoires et les collections.
Je ne vous parlerai pas des travaux de l’ Ecole , mais je puis
vous donner une idée de l ’activité qui y règne, en vous rappelant
qu’elle possède 25 chaires ; que le nombre des inscriptions s’ac
croît chaque année, comme le montre le tableau suivant :
1874 - 75 — 618 inscriptions.
1875 - 76 —
673
»
1876 - 77 —
732
»
1877 - 78 —
826
>'
Au milieu des occupations que donne l’enseignem ent, plu
sieurs des professeurs trouvent encore le temps de travailler à
des ouvrages considérables. Je me borne à en donner la nomen
clature.
L is te des p u b lic a tio n s de l'E c o le de M éd ecin e.
M. R a m p à l , professeur d’Anatomie
seil d’hygiène du département.
:
Compte-rendu du Con
M, F a b r e , professeur de Clinique médicale, 2e chaire : Les
insuffisances relatives de la mitrale. — La phthisie capsu
laire (Archives de médecine). — Les phénomènes cardiaques
dans l'ictère. — La myocardite palustre et la myocardite
puerpérale. — Les oliguries (Gazette des hôpitaux).— Du rôle
prépondérant du rétrécissement de l"artère pulmonaire dans
la palhogènie de la Sémeiolique des affections congénitales
du cœur (Marseille médical).
M. B e r t ü l u s , professeur de Pathologie interne : La médecine
pure et son enseignement. — De quelques sciences oubliées
dans nos écoles.
�20
M. S eüx fils, professeur d’Hygiène et Médecine légale : Di
vers articles sur Uhérédité, parus dans le journal : l’H ygiène
de l’enfance.
Mémoire sur la pleurésie rhumatismale. — Paris, Ballière
éditeur.
Extraction, dosage de lapiperine dans les différents poi
vres du commerce.
M. P ir o n d i , professeur de Pathologie externe : Précis théo
rique et pratique des maladies des voies urinaires , (en col
laboration avec M. P auchon , professeur - suppléant des chaires
de Sciences naturelles).
M, D u g o u t -B a l l y , chef de clinique chirurgicale. 1rechaire:
Observations de localisation cérébrale. (Marseille médical) ;
Comptes-rendus des Sociétés savantes. (Marseille médical).
M. B o u i s s o n , professeur d'Histoire naturelle : Synopsis ana
lytique des plantes vasculaires du département des Bouchesdu-Rhône , et éléments de botanique à l'usage des étudiants
en médecine et pharmacie.
M. L ivo n , professeur-suppléant des chaires d’anatomie et de
physiologie :
Diffusion de l'acide salicylique , présence dans le liquide
cephalo-rachidien, (en collaboration avec M. J. Bernard, aide
de Physiologie). (Académie des Sciences)*
Nouvelles recherches sur la physiologie de l’epithelium
vésical, (en collaboration avec le Br P. Cazeneuve, présentées à
l ’association française*pour l’avancement des sciences). (Con
grès des Sciences, 1878).
M. Q ü e i r e l , professeur- suppléant des chaires d’accouche
ment : Introduction du programme du cours de Gynécologie,
professé en 1876, 77, 78.
M. V illeneuve fils, professeur-suppléant des chaires de Chi
rurgie : Quelques observations de chirurgie, ( Marseille
médical).
M. Caillol de P oncy , professeur - suppléant des chaires de
Sciences naturelles : Description d’un digesto-distillateur.—
Extraction, dosage, propriétés de la cafeine ;
M. L a g e t , professeur - suppléant des chaires de Médecine :
Contribution à l’étude de l'exostosëjous unguéale, (en col
laboration avec le Dr Richaud). (Marseille médical).
M. B o u s q u e t , chef de clinique obstétricale : Analyse de
l’ouvrage de M. le DTMartineau sur les maladies des femmes;
M. F a l l û t , chef de clinique médicale, 1rc chaire : Observa
tion de maladie bronzée. (C. R . de la Société médicale des hô
pitaux de Paris) ;
Observation de Cyanose. (Marseille médical). — Leçon sur
laphthisie du professeur Girard. (Marseille médical).
M. G arcin , chef de clinique médicale : Myelite aiguë cen
trale, généralisée, avec planches. (Marseille médical) ;
Lésion du cœur droit dans la phthisie. (Marseille médical);
Communications diverses à la Société de médecine.
Un malheureux décret, du 30 juin dernier, paraît devoir en
rayer la marche si rapidement progressive de l’Ecole, qui avait
l’espérance légitim e d’offrir aux étudiants presque tous les avan
tages d ’ une Faculté.
Dans la session du mois de juin 1877, sur la proposition du
com ité consultatif de l’Instruction pu b liqu e, le Conseil supé
rieur décidait que par le nouveau règlem ent, les deux premiers
examens du doctorat devaient être subis durant le cours des
études et aux sièges des écoles de plein exercice, devant un ju ry
présidé par un professeur de Faculté.
�Le Conseil d’Etat n’a pas adopté les conclusions du Conseil
supérieur de l’Instruction publique, et aux termes du décret du
30 juin dernier , les étudiants ne peuvent passer leurs deux
premiers examens que devant une Faculté.
Dans une lettre adressée au Ministre, M. Seux a montré tous
les inconvénients de cette disposition pour notre Ecole et le coup
qu’elle porte à son enseignement et à sa prospérité.
Nous avons l’espoir que sa voix sera écoutée, et que, dans un
avenir prochain , M. le Ministre soumettra de nouveau la ques
tion au Conseil d’Etat qui, mieux éclairé, donnera aux Ecoles de
plein exercice, pour la préparation au D octorat, une situation
en rapport avec l’ importance de leur enseignemant et les sacri
fices que s’imposent les municipalités.
Si notre espoir devait être déçu , nous dirions alors à la ville
de Marseille de transformer son Ecole en Faculté. Cette ville
offre à l’Enseignement médical des ressources presqu’ incomparables. Pour les utiliser il faut, à la vérité, une installation plus
large que celle de l’Ecole de Médecine actuelle ; mais Lyon et
Bordeaux ont fait de grandes dépenses pour donner aux étu
diants les riches moyens d’investigations que réclame la science
moderne , et Marseille , qui a fait de si grandes choses unique
ment pour s’embellir, ne reculera pas devant des dépenses d’une
haute utilité, quand on les lui demandera.
La Faculté des Sciences , qui est un auxiliaire nécessaire et
permanent de la Faculté de Médecine, ne pourra pas alors res
ter dans le local étroit qu’elle occupe aujourd’hui, Ses collec
tions sont entassées, ses livres dispersés dans toutes les salles ,
air et l’espace lui manquent, et les inconvéniens de sa situation
deviennent plus apparents à mesure que sa prospérité augmente.
Une ville populeuse et industrielle comme Marseille a le de
voir de seconder le mouvement d'expansion que prend l’Ensei
gnement su périeur, surtout quand elle sera la prem ière à en
recueillir les fruits.
Perm ettez-m oi, en finissant, d’insister sur cette dernière as
sertion, et de m ontrer par quelques réflexions l’ utilité matérielle
et morale du haut Enseignement.
Les personnes peu familières par leur passé avec les problè
mes scientifiques, ne comprennent guère, en général, l’impor
tance d’ une instruction supérieure dans les Lettres ou les
Sciences. Les chambres comptent d ’ordinaire plus d’ industriels
que de savants et se piquent de considérer les questions par le
côté pratique. L ’ utilité des hautes études et par conséquent des
Facultés des Lettres et des Sciences ne les frappe pas. Il est
arrivé même que certains Ministres ont regardé les chaires de
nos Facultés comme une retraite pour des professeurs fatigués
ou comme un exil pour ceux dont on était mécontent. Il est fa
cile de prouver combien cette indifférence est déraisonnable.
On peut répondre aux esprits légers qui rabaissent l ’Ensei
gnement populaire, que ce dernier ne vaut que par le prem ier.
C’est la haute Université qui fait la valeur de l’ Ecole. Renan a
dit avec raison que l’Instruction du peuple est un effet de la
haute culture de certaines classes. Les pays qui , comme les
Etats-Unis, ont créé un Enseignement populaire considérable ,
sans une Instruction supérieure , expieront longtemps cette
faute par leur médiocrité intellectuelle, par leur manque d’idées
générales, leur grossièreté relative, leur infériorité dans les arts
et les sciences.
Je vais plus loin. Ceux qui méprisent la science purement
spéculative et les établissements qui la d o n n en t, ne s’attachant
qu’aux résultats immédiatement pratiqu es, témoignent d’une
vue courte des choses, même dans le domaine de l’application.
Toutes les merveilles que nous présente aujourd’hui l’Indus
trie, la Machine à vapeur, la Locom otive, le Télégraphe électri
que, le Téléphoné, la lum ière Jablokoff, la Photographie, la Gal
vanoplastie, etc., n’ont été trouvées qu’après de longues recher
�ches de mathématiciens, de physiciens et de chimistes, occupés
uniquement de science pure, en apparence stérile , comme La
voisier , Laplace , Lagrange , Dulong , Gay Lussac , Fresnel ,
Ampère, Àrago, Dumas, etc. Les belles découvertes de Pasteur
sur les ferm en ts, transforment certaines industries. La Théra
peutique s’empare aujourd’hui de ses idées et des magnifiques
études du regretté Claude Bernard.
Les hautes spéculations de la science pure sont semblables
aux cimes arides et froides des montagnes élevées. Il semble au
prem ier abord que ces dernières tiennent inutilement la place
de vastes plaines qu’on pourrait em ployer à la culture ; mais on
ne réfléchit pas que les plaines doivent leur fertilité à ces som
mets ai ides, qui condensent les nuages, font de vastes provisions
d’eau solide, d’où s’écoulent lentement les ruisseaux, les rivières
et les fleuves qui arrosent les vallées en les fécondant.
Loin donc de regarder comme inutiles nos Facultés des Let
tres et des Sciences, donnons - leur un développem ent plus
grand, si c’est possible. Favorisons, tant que nous le pourrons ,
l’élude des sciences élevées, des problèmes philologiques et his
toriques, des hautes spéculations m athém atiques, des théories
physiques les plus ardues. Plus ces études seront florissantes ,
plus, à un moment donné, on verra les arts et les sciences d’ap
plication faire de progrès.
Notre conclusion s’accentuera davantage si nous envisageons
la même question au point de vue philosophique et spiritualiste.
La pratique de la Justice , la poursuite de la Vérité , la réali
sation du Beau, ne constituent-elles pas le triple but à atteindre
pour les nations comme pour les individus? D evo n s-n ou s
voir, dans l’ homme, seulement le corps, et croire que le combat
pour la vie doive être notre seule occupation , comme chez les
animaux ? Non, notre âme qui s’émeut au spectacle de la beauté,
au récit des actes de vertu et de générosité, qui s’enthousiasme
pour une vérité, est certainement la partie la plus noble de notre
être, et nous devons prendre son élévation , comme but princi
pal, dans les problèmes d’éducation.
Mais alors l’utile ne devient - il pas ce qui semblait d’abord
l’inutile et le superflu ? Les sciencs appliquées n ’apparaissentelles pas comme placées au-dessous des sciences abstraites, dans
l’ordre de leur importance pour l ’ homme ?
C’était l’opinion de Platon ; c’est aussi la nôtre dans le monde
Universitaire.
Continuez donc, Messieurs, à avoir le culte da la Justice dans
l’étude du D r o it, le culte du Beau dans l ’étude des Lettres , et
l’étude du Vrai dans celle des sciences spéculatives. Multipliez
vos découvertes dans tous les domaines ; attirez à vou s, par vo
tre amour du travail , des intelligences d ’élite , heureuses de
s’inspirer de vos conseils , de vos leçons, et fières plus tard de
continuer vos recherches commencées. Vous rendrez ainsi à
notre République de grands services, car vos efforts auront cer
tainement pour effet de lui préparer de nobles caractères, de
grandes et fortes intelligences, et il suffit à un pays, pour être à
la tête de la civilisation , de quelques grands hommes qui l’ai
ment , comprennent ses besoins et lui dévouent toute leur
existence.
�DISCOURS DE M. R E Y N A LD
PROFESSEUR
M o n s ie u r
A LA
le
FACULTÉ
DES
LETTRES.
R ecteur,
M e s s ie u r s ,
C’est l’ honneur de notre temps qu’il apporte à tout ce qui
concerne l’enseignement un intérêt particulier. Il a compris de
bonne heure que lorsque la démocratie force toutes les barriè
res, on ne peut la contenir dans de justes limites qu’en s’appli
quant à l’épurer et l’éclairer par l’instruction. La République
n’a pas manqué à ce devoir, et le jour même de Io n avènement
elle chargeait du soin de diriger nos écoles l’ homme le mieux
désigné par la fermeté de ses convictions et l’éclat de ses tra
vaux. Quand il est tombé du pouvoir, M. Jules Simon avait à
peine eu le temps d’indiquer des réform es nécessaires, mais
son œuvre, un moment menacée, a été reprise par des succes
seurs dignes de lui. Comme M. W addington, dont le nom res
tera toujours cher à l’Université, le Ministre libéral, à qui sont
aujourd’hui confiés les intérêts de l’ instruction publique, mar
che dans la même voie. II poursuit avec une activité infatigable
l’accomplissement de mesures depuis longtemps réclamées par
l’opinion publique, et apporte à celte tache un dévouement dont
il est déjà récompensé par une juste popularité.
Ce n’est pourtant pas de ces projets que je veux vous entre
tenir. Us soulèveront bientôt dans la presse et dans le Parle
ment des discussions qu’il ne nous appartient pas de devancer
ici. Je me propose simplement d’étudier aujourd’hui avec vous
l’organisation des universités anglaises, et plus particulièrement
celle de l’ Université de Londres. Ce sera une occasion de faire
passer sous vos yeux des coutumes et des mœurs qui n’ont rien
de commun avec les nôtres. Vous y verrez aussi par quels ef
forts des hommes intelligents et courageux ont transformé des
institutions surannées pour les accomoder aux exigences de la
société moderne.
Vous savez comment vivent Oxford et Cambridge L Organi
sées en corporations indépendantes, ces universités s’adminis
trent elles-mêmes et ne reconnaissent d’autre autorité que celle
du Parlem ent. Placées sous le patronage du souverain auquel
elles donnent le nom de visiteur (visitor), elles ont à leur tête
un chancelier toujours pris parmi des personnages considérai Pour tout ce qui concerne les règlements et la statistique, consultez
le beau rapport sur l’enseignement supérieur en Angleterre, par MM. Dem ogeotet Montucci. C’est à ce livre que j ’ai emprunté les éléments de
mon travail.
�28
blés, tels que lord Derby ou le prince Albert, mais dont les
fonctions sont purem ent honorifiques. L ’autorité réelle appar
tient au vice-chancelier, assisté de quatre procureurs (proctors)
et d’ un sénat qui se réunit tous les huit jours. Les questions les
plus importantes sont réservées à une assemblée annuelle (la
convocation) composée de tous les membres de l’ université.
Le vote peut avoir lieu par correspondance ; aussi quand les
passions politiques ou religieuses sont en jeu, l’agitation se
communique à toute l’ Angleterre, et le nom bre des suffrages
est toujours considérable.
Les étudiants sont soumis à un régim e qui rappelle la disci
pline d’une autre époque. Dès leur entrée à l ’université, ils
doivent se faire inscrire dans un collège qui leur donne la nour
riture et le logement. A défaut du collège, ils habitent dans des
hôtels ou des maisons privilégiées qui leur sont désignées par
l’ université elle-même. Tous les jours ils assistent à l’oiïice di
vin, et paraissent au moins cinq fois par semaine au réfectoire.
Ils sont libres de ne pas toucher au dîner, mais à condition de
le payer. Le soir à neuf heures ils rentrent dans leur chambre
qui reste encore quelques moments ouverte aux visiteurs. Mais
à dix heures, tout dort ou est censé dorm ir, car il n’est pas p ri
son si solide dont les jeunes gens de dix-huit ans ne parviennent
à s’échapper, surtout quand les geôliers y mettent de la com
plaisance, ce qui arrive, dit-on, dans les hôtels situés en dehors
des collèges. L ’université veille autant qu’elle le peut à ce que
ses règlements soient observés: elle impose aux étudiants de
porter en toute occasion la robe et le bonnet carré, qui les rend
facilement reconnaissables, et elle partage avec la m unicipalité
la police de la ville ; elle exerce ainsi constamment sur ses élè
ves une juridiction qu’elle défend en même temps avec une vé
ritable jalousie contre tout empiètement. 11 n’y a pas bien long
temps que les étudiants prêtaient le serment de ne jamais com
paraître, sous aucun prétexte, devant les magistrats de la cité,
et quand éclatait un conflit entre la robe et la ville (gown and
town), s’il s’agissait de défendre les droits de l’ université, ce
n ’était pas toujours les étudiants qui se montraient les plus ar
dents et les moins raisonnables.
Fières de leur antique origine, pourvues de riches dotations,
représentées au Parlem ent par des députés qu’elles élisent ellesmêmes, ces deux universités ont toute l’ influence que donnent
le pouvoir, la renommée et la richesse. Mais si ces avantages
leur imposent un juste orgueil, le respect des traditions tou
jours si puissant en Angleterre n’est pas sans avoir de fâcheuses
conséquences. Filles du Moyen Age, elles ont gardé de cette
époque l’esprit de privilège et d’ inégalité. La naissance et la
fortune établissent parmi les étudiants des distinctions qui, en
France, seraient difficilem ent admissibles. Ils sont divisés en
quatre catégories : la prem ière classe comprend sous le nom de
nobles les pairs, fils de pairs, les fils aînés de pairs ou de pairesses, les baronnets et les fils aînés de baronnets et de cheva
liers. Au-dessous d’eux se placent les pensionnaires gentilshom
mes, nourris à une table spéciale, les pensionnaires ordinaires
(commoners), enfin les boursiers [sizars) qui, il n ’y a pasencore
longtemps, payaient leur admission par des services touchant à
la domesticité ; ils balayaient les classes ou servaient à table.
Ces distinctions se retrouvent dans le costume et jusque dans
les examens. Les nobles se présentent à l’examen de bachelier
au bout de deux ans, au lieu des trois qui sont exigés des autres
candidats ; au réfectoire ils dinent à une table à part élevée sur
une estrade ; dans les cérémonies ils portent une robe chamar
rée d ’or, et, en temps ordinaire, un gland d’or à leur toque.
Les pensionnaires gentilshommes portent, une robe de soie plus
ample que la robe de laine noire réservée aux étudiants ordi
naires et aux boursiers. Ces privilèges sont d’ailleurs estimés
�— 30 —
argent comptant et servent à fixer les frais d’études. Pour se
faire inscrire sur les registres de l’université, le noble paie
200 francs, le gentilhomme pensionnaire 105, le pensionnaire
ordinaire ou boursier 62 francs 50 centimes, enfin le clerc de
la chapelle 12 francs 50 centimes.
Ces différences, il faut le reconnaître, tendent à s’affaiblir
tous les jours. Les gentilshommes pensionnaires, dont la posi
tion n’indiquait que la supériorité de fortune, ont à peu près
disparu, et quelques nobles, convaincus que les titres de l’ intel
ligence sont préférables à tous les autres, ont voulu se faire ad
mettre parmi les boursiers. Ceux-ci enfin ont été exemptés des
travaux serviles qu’ils ne supportaient pas toujours sans im pa
tience. On se rappelle comment Goldsmith , exaspéré par les
plaisanteries un peu grossières d’ un alderman, lui jeta à la tête
le plat qu’il était chargé de servir.
A Oxford comme à Cambridge, l ’enseignement se donne dans
des conditions tout autres qu’en France. Il y a d’abord les pro
fesseurs, dont les traitements sont en général considérables, car
si quelques-uns ne touchent que 15,000 francs, sur les six pro
fesseurs de la faculté de théologie d’Oxford, quatre reçoivent
42,000 francs et un d’entre eux, le regius, atteint le chiffre in
vraisemblable chez nous de 57,500 francs. Il est vrai qu’un
statut de 1839 l’a à peu près « débarrassé du fardeau incom
mode de renseignem entl . » L ’usage d’ailleurs est que ces cours
soient peu suivis. Les professeurs sont souvent des hommes
éminents à qui leur situation permet de poursuivre leurs étu-
1 Citation empruntée à M. Demogeot. — L ’ inégalité du traitement
s’explique par ce fait que toutes les chaires sont des fondations dues à
la générosité de certains personnages, ou de corporations, qui ont fixé
les émoluments à leur gré. Les anciennes donations ont pu d’ailleurs,
par suite de diverses circonstances, beaucoup augmenter de valeur.
31
des ; ils travaillent mais ne professent pas. Ils ne s’inquiètent
pas de réunir de nom breux auditeurs, et ceux-ci ont résisté à
tous les efforts tentés pour leur imposer l’assiduité.
Qui donc est chargé de l ’enseignem ent? Il semble que ce de
vrait être la tâche des fellows ou agrégés qui sont attachés à
l’université et ont part à ses revenus. Mais ces agrégés ne sont
astreints à aucune obligation, pas même à celle de la résidence,
et ils en profitent. Rien de plus curieux que riiistoire de cette
institution, où les noms, qui seuls n ’ont pas changé, ont repré
senté à diverses époques des choses bien différentes. Ces
fellows étaient à l’origine des étudiants entretenus dans les col
lèges par la libéralité des fondateurs. Assujettis à la vie com
mune et par conséquent à la résidence, obligés au célibat, ils
étaient soumis à toutes les règles de la vie claustrale ; leur mis
sion était d’étudier et de prier principalem ent pour les âmes
des bienfaiteurs du collège. Leur existence était des plus mo
destes ; ils recevaient pour leur nourriture au collège de Baillol 2 pennies (10 centimes) pour chaque jou r de la semaine,
2 pence (20 centimes) pour le dimanche. Soixante ans plus
tard, ils touchaient 11 pences (1 fr. 50) par semaine. Dans ces
conditions, ils suivaient le cours com plet des études, tel qu’il
était réglé à cette époque, sept ans pour les lettres, puis qua
torze ans dans les facultés spéciales, de manière à obtenir le
doctorat au bout de vingt années.
Peu à peu la situation des fellows a subi un changement com
plet. Avant la réform e de 1854, il en étaient arrivés à se consi
dérer comme les propriétaires naturels des revenus de l’univer
sité et avaient transformé leur charge en une douce sinécure.
Les anciens règlements avaient été respectés, juste autant qu’il
le fallait pour maintenir les abus les plus criants. Ainsi, à
Oxford, sur 540 places de fellows, 22 seulement étaient mises
au concours; les autres appartenaient à certaines familles, par
�exemple aux héritiers des donateurs, ou à des localités dési
gnées, si bien qu’on a vu des mères prévoyantes venir s’y éta
blir momentanément pour que l’acte de naissance de leur fils
lui permît d’arriver à cette position enviée. Quelques n om ina
tions appartenaient enfin à des corporations dont la capacité en
matière d’enseignement pourrait être contestée, celle des tail
leurs ou des marchands de poisson. Le fellow vivait d’ailleurs
où il voulait et comme il l’entendait, ne restant attaché à l’uni
versité que par ses appointements estimés en m oyenne à
7,500 francs.
L ’instruction est donc confiée presque exclusivement à des
tuteurs, c’est-à-dire à des maîtres particuliers qui se chargent
d’un très petit nombre d’élèves, quelquefois d’ un seul. Tout
jeune homme qui se pique d’occuper un certain rang a son tu
teur à lui. Ces maîtres, qui doivent tout enseigner, sont souvent
insuffisants, mais leur tâche est bien sim plifiée. Des titres que
confèrent Oxford et Cambridge, celui de maître-ès-arls et celui
de docteur ne sont donnés qu’assez tard et sans examen. Il suf
fit pour les obtenir d’être resté plusieurs années attaché à l’uni
versité, c’est-à-dire d’avoir payé pendant au moins six ans une
somme de 180 francs environ. Quant aux épreuves que les can
didats ont à subir, un bon juge les a comparées à ces forêts qui,
dans les contes de fées, entourent les palais enchantés ; le fourré
n ’est qu’une ombre et les épines des fantômes, qui se dissipent
dès qu’on s’en approche L C’est qu’en général ces grades sont
sollicités par des hommes d’un âge avancé, arrivés à des posi
tions importantes, et qui ne peuvent être raisonnablement sou
mis à des exercices purement scolaires. Le doctorat, qui impose
les obligations les plus difficiles à rem plir, surtout pour un an
glais, c’est le doctorat en musique, car le candidat est tenu de
i Le docteur NVhately, archevêque de Dublin, cité par M. Dem ogeot.
faire exécuter un grand morceau de sa composition ; il est vrai
qu’on ne lui demande que de la musique anglaise.
Le titre de bachelier est le seul qui soit le prix d’examens
longs et sérieux. Il ne s’acquiert qu’au bout de trois ans et
après trois épreuves successives, dont la prem ière, le petit pas
(litle go) se subit à l’entrée même du collège. Mais il y a en
Angleterre deux façons d’aborder ces examens. Les candidats se
divisent en deux classes, les laborieux qui aspirent aux hon
neurs et font de ces épreuves un véritable concours, et puis les
pass-men, c’est-à-dire ceux qui veulent simplement passer
l’examen, sans hum ilier leur camarades. Pour eux a été inventé
le bourrage (crtymming), opération qui consiste, comme son
nom l’indique, à bourrer le candidat de réponses mal digérées
à des questions plus ou moins prévues. C’est celle prescience
qui, pour eux, fait le mérite du tuteur. Les examinateurs euxmêmes se prêtent à ces manœuvres. Recrutés un peu au hasard,
toujours en dehors du corps des professeurs, ils ne prennent
pas très au sérieux des fonctions où ils ne font que passer ; ils
s’habituent eux aussi à la monotomie de demandes et de répon
ses qui ne laissent aucune place à la surprise.
Les candidats admis dans ces conditions n’en sont pas moins
proclamés, comme ceux qui ont obtenu les honneurs, dans une
séance solennelle ; ils sont présentés au vice-chancelier par un
des modérateurs, qui prononce à cette occasion un discours la
tin, pour lequel chaque récipiendaire paie à la caisse de l’uni
versité la somme de 125 francs. Ces candidats ne font pas trop
mauvaise figure , à Oxford, comme à Cambridge, comme par
tout ailleurs. D’abord ils sont en m ajorité 70 sur 100 ; puis,
c’est parmi eux que se recrutent le plus souvent les athlètes qui
rem portent les prix dans les exercices du corps si estimés en
Angleterre, les jeux de paume, le cricket, le ballon, la natation,
et ces intrépides rameurs qui, dans les luttes solennelles, sou
�tiennent à leur manière l’honneur des universités rivales. Emu
lation que je ne saurais blâmer, car je me rappelle avec quels
cris de triomphe nous accueillions nous-même à l’Ecole nor
male un de nos camarades, aujourd’hui publiciste distingué,
quand il avait, dans une course nautique, soutenu par une
nouvelle victoire la renommée de la Velléda.
Malgré ces abus, l’Angleterre n’a jamais manqué ni de
grands écrivains, ni de véritables savants ; de bonne heure s’est
formée dans ce grand pays, pour se maintenir avec éclat jus
qu’à nos jours, nne aristocratie intellectuelle, qui ne peut re
douter la comparaison avec celle d’aucun pays et d’ aucun
temps. Sans parler des œuvres si remarquables que l’Angleterre
a produit dans notre siècle, dans les lettres, les sciences et l ’his
toire, elle est en ce moment à la tête du mouvement philoso
phique en Europe. Ses hommes d’état vivent dans un com
merce familier avec l’antiquité. Lord Derby a traduit en vers
l ’Iliade. M. Gladstone a publié trois volumes sur H om ère. Sir
Rober Peel était un savant. Lord Beaconstield, en devenant un
homme politique, n’a pas cessé d’être un littérateur, et le Par
lement anglais retentit tout les jours de citations latines qui se
raient peut-être moins facilement comprises chez nous. Mais
ces brillants résultats sont dus à l’énergie du caractère anglais,
au désir de mériter l’estime de ses concitoyens et par-dessus
tout à la supériorité de ces institutions libres, qui faisant tou
jours sa place au mérite, développent toutes les ambitions,
parce qu’elles récompensent tous les services. Dans ces labo
rieuses préoccupations, l’enseignement d’Oxford et de Cam
bridge ont toujours été pour bien peu de chose.
C’est que les vieilles universités anglaises ont toujours eu une
autre ambition que de form er des érudits et même de préparer
aux carrières professionnelles. Médecins, avocats, ingénieurs
vont chercher une instruction spéciale dans des écoles secondai-
— 35 —
res, ou plutôt chez des praticiens. L ’enseignement supérieur
est réservé aux jeunes gens studieux qui se consacrent à l’ Egli
se, et aux nom breux enfants de cette société d’élite où l’on a
compris de bonne heure et mis en pratique celte vérité que les
devoirs grandissent avec les honneurs. Les universités anglaises
se sont donné pour but de réunir un certain nombre de jeunes
geus pour les préparer à la vie publique, les maintenir dans
des idées communes, enfin par le rapprochement des élèves les
plus remarquables avec les fils des plus illustres familles, for
tifier celte aristocratie intelligente, libérale, toujours ouverte,
qui a coté des Stanley, des N orfolk, des Russell, admet les
Peel, les Macaulay, les d’Israëli. Ainsi se forment souvent au
collège même des amitiés qui se continuent dans les chambres
et jusque sur les bancs des ministres. Avoir été à l’université,
c’est pour les Anglais un diplôme de gentleman,diplôme qui, à
la rigueur, tient lieu de bien d’autres. De là le prix attaché à la
résidence, dont nul ne peut être dispensé.
Malheureusement, sauf pour les boursiers, ces avantages ne
peuvent s’obtenir qu’à grands frais. A Oxford, les dépenses ri
goureusement nécessaires s’élèvent chaque année à plus de
4,000 francs. La somme est plus modérée à Cambridge, mais
elle est encore très supérieure à celle qui sutfil dans nos écoles.
Ces universités opposaient d’ailleurs à un grand nombre
d’étudiants un obstacle encore bien plus fâcheux. Créées par de
pieux catholiques, ces fondations ont été transformées, au mo
ment de la réform e, en séminaires de l’ Eglise officielle et sont
restées les plus fortes citadelles de l’orthodoxe protestante.
Elles ont toujours fermé impitoyablement leurs portes aux dis
sidents. Si à Cambridge un étudiant peut, depuis quelques an
nées, suivre les cours sans signer une adhésion aux trente-neuf
articles qui constituent le Credo des Anglicans, cette profession
�— 36
de foi lui est imposée pour devenir docteur ou maître-ès-arts ;
à Oxford elle est exigée même pour l ’im m atriculation.
C’est à ces abus qu’ont voulu rem édier les fondateurs de
l’ université de Londres, créée par une charte du Parlem ent en
1837. Par son organisation extérieure, cet établissement res
semble à ceux que nous connaissons déjà. Mais il est conçu
d’après des principes bien différents. La nouvelle université ne
donne pas l’enseignement et n ’a pas de professeurs. E lle siège
dans une modeste demeure à Burlington house, où il n’y a
guère que des salles d ’examen. Elle s’est en effet contentée de
former un corps d’examinateurs qui interrogent les candidats
sans s’inquiéter de leur origine, et comme garantie m orale leur
demandent seulement un certificat de bonne conduite. En re
vanche les examens sont sévères et m ultipliés. Dans les autres
universités, il n’existe pas d’examen d’im m atriculation. C’est
chaque collège qui juge de la capacité de ses élèves, et si cette
épreuve est sérieuse dans quelques établissements , dans d’au
tres elle est à peu près illusoire. L ’ université de Londres exige
pour l’immatriculation un examen qui correspond à peu près à
notre baccalauréat, et porte tout à la fois sur les lettres et les
sciences. Ce n’est qu’au bout de deux ans que l’étudiant peut
aspirer au titre de bachelier ès-arts, après deux épreuves suc
cessives, séparées par un an d’intervalle. Les mêmes conditions
sont exigées pour la maîtrise et pour le doctorat ès-lellres L Ici
encore le candidat doit subir à un an de distance deux examens
qui ont pour objet, le premier, le grec, le latin, l’histoire an
cienne et l’histoire moderne, le second, la littérature anglaise,
puis, au choix du candidat, le français ou l ’allemand, en y ajou
tant une des littératures suivantes, anglo-saxon, sanscrit, arabe
i Ce doctorat, qui n’existait pas en Angleterre, a été établi par l’nniversité de Londres.
ou hébreu et syriaque. Ces examens consistent à peu près ex
clusivement en épreuves écrites. Il en résulte qu’ils peuvent se
passer par correspondance. Aussi l’université de Londres estelle en relation avec plus de quatre-vingts établissements de la
Grande-Bretagne, et étend-elle son influence jusque dans les
colonies. Partout où elle compte un gradué, elle peut, quand la
demande lui en est faite, déléguer un sous-examinateur et en
voyer les questions à traiter. Les copies corrigées d’abord sur
place sont ensuite adressées à Londres où le ju ry prononce un
jugem ent définitif. Quant à la sincérité de l’examen, il a pour
garantie la probité anglaise et le respect du serment, si univer
sellement pratiqué chez nos voisins qu’ ils l’appliquent même à
la perception de l’impôt.
Cet usage a eu une autre conséquence. Il a permis d’admet
tre les femmes à des examens pour lesquels elles n’ont pas à re
douter les embarras d’ une publicité toujours pénible à suppor
ter. L ’université de Londres a créé pour elle deux espèces d’é
preuves, l’examen général et l’examen d’ instruction supérieure;
ce dernier, qui comprend le grec, le latin, les langues m oder
nes et à peu près toutes les sciences, est divisé en quatorze
branches, parmi lesquelles il est permis d’en choisir soit plu
sieurs, soit une seule. Nous aurons une idée de ce genre d’é
preuves en voyant figurer parmi les auteurs grecs Eschyle et
Thucydide.
Comme il faut toujours faire sa part à la faiblesse humaine,
l’ université de Londres admet, elle aussi, la distinction entre les
candidats qui prétendent aux honneurs et les pass-men, c’ està-dire ceux qui se contentent de franchir la barrière au risque
de se baisser un peu pour passer. Cependant, même pour ces
derniers, les épreuves sont d’une sévérité qui grandit tous les
ans, et ce qui n’est pas moins à rem arquer, le nombre des can
didats augmente en même temps que les difficultés de l’examen.
�-
38 —
Voilà comment l’université de Londres a dispensé les étu
diants des frais exagérés d’une résidence souvent dangereuse et
a relevé le niveau des examens. Mais ce n’est pourtant pas là
son plus grand m érite. Elle est née d ’une pensée ém inem m ent
libérale, de ce sentiment de tolérance qui, en A ngleterre, a
émancipé les Juifs et les Catholiques, et a voulu affranchir l’é
ducation des mêmes entraves. Les candidats qu’elle admet à ses
examens sont libres d’appartenir à la religion de leur choix et
de la pratiquer avec plus ou moins de ferveur ; l’ université ne
veut pas s’en préoccuper.
Son esprit et ses tendances sont fidèlem ent représentés dans
un collège important établi à Londres même , et qui s’appelle
Collège de l’ Université. C’est ce collège que quelques représen
tants du parti libéral voulurent d’abord fonder en 1827, en lui
donnant le nom d’Université. Mais alors s’élevèrent d’O xford,d e
Cambridge , du collège des médecins, les protestations les plus
vives. Les défenseurs de l’ Eglise ollicielle fondèrent un établis
sement rival et la querelle se prolongea pendant dix ans. C’est
alors seulement que fut créée l’université de Londres,, qui prit
sous son patronage le collège projeté et lui donna son nom .
Dans le Collège de l’ Université, l’enseignem ent a une tournure
plus m oderne; on y étudie toutes les langues de l’ Europe et
même la plupart de celles de l’Asie, y com pris l’arabe, le chi
nois, le bengali et le télégou. Mais sa véritable supériorité con
siste dans des innovations d’ une autre nature. Elle est très clai
rem ent indiquée dans une lettre de son archi-chancelier ,
M. Grole, l’illustre historien de la Grèce. « Un caractère parti
culier du Collège de l’ Université, écrivait-il à un de nos m eil
leurs maîtres M. Demogeot, c’est que, tandis que nous donnons
l’instruction la plus variée et la plus étendue dans toutes les
branches de la littérature et de la science, nous n’avons aucun
professeur de théologie, aucun enseignement religieux. Les
fondateurs du collège ont eu à cœur, dès sa fondation, de l’ou
vrir aux étudiants qui appartiennent à toutes les variétés des
croyances religieuses, et ils ont cru que le seul moyen d’obtenir
ce résultat c’était de laisser l’ instruction religieuse de chaque
élève à la discrétion des parents et en dehors des murs du col
lège. Nous avons dans notre établissement des étudiants de tou
tes les sociétés religieuses, non seulement de toutes les commu
nions chrétiennes, mais encore plusieurs Juifs des Parsis et des
Indous. »
Les sympathies n’ont pas manqué à cette généreuse tenta
tive, et sans être aussi riche que ses sœurs aînées, l’ université
de Londres jouit déjà d’une certaine aisance. Parmi les sous
criptions qui lui sont venues en aide, il faut citer d’abord celle
qui a été donnée par les Juifs, en souvenir de leur émancipa
tion. Mais il en est une encore plus significative et vraiment
touchante. Vous connaissez tous les belles paroles dans lesquel
les sir Robert Peel rappelait, à la fin de sa carrière, les services
qu’ il avait rendus à son pays. « Peut-être, dit-il, laisserai-je un
nom qui sera quelquefois prononcé avec des expressions de
bienveillance dans les demeures de ceux dont le lot en ce
monde est le travail, qui gagnent leur pain à la sueur de leur
front, et qui se souviendront de moi quand ils répareront leurs
forces par une nourriture abondante et franche d’impôt, d’au
tant plus douce pour eux qu’aucun sentiment d’ injustice n’y
mêlera son amertume. » L ’admiration publique ne tarda pas à
confirm er le témoignage que s’était rendu à lui-même le grand
réformateur de la législation sur les céréales. Les ouvriers de
Londres organisèrent, pour honorer la m ém oire de Robert
Peel, une souscription à un penny et déposèrent cette somme
au Collège de l’ Université qui est chargé d’en em ployer les
les revenus.
Tel est l'avantage de la liberté qu’à côté de ce collège a pu se
�fonder en même temps et se rattacher à l’ université de Londres
un établissement rival, The King’s College, créé par les défen
seurs de l’orthodoxe officielle et destiné, suivant l’expression
d ’un de ses plus zélés protecteurs M. Gladstone « à développer
spécialement dans le sein de l’ Eglise d ’A ngleterre un système
d’éducation qui joign e à la culture de toutes les facultés de l’es
prit humain, la satisfaction de tous les besoins de la société m o
derne. » Ici l’enseignement a pour base la théologie, et les pro
fesseurs ne doivent être suspects d’aucune hérésie, ni en r e li
gion, ni même, dit-on, en politique. Mais les étudiants y
trouvent une liberté inconnue à Oxford et à Cam bridge ! Ils
portent encore la robe noire et le bonnet carré ; mais le règle
ment n’a aucune des exigences que pourrait faire craindre un
tel costume. « La vérité religieuse, écrivait il y a quelques an
nées le docteur B arry, chargé des fonctions de principal, la vé
rité religieuse n’est imposée à personne. Tout étudiant peut
être, comme quelques-uns le sont en effet, dispensé de tout en
seignem ent théologique et de l’obligation m orale d’assister aux
offices de la chapelle. On ne constate plus maintenant par une
liste la présence des étudiants au service religieux, et leur ab
sence n’entraîne plus aucune punition. Toutes les exigences du
collège (et il use en cela d’ un droit évident) se bornent à déclarer
qu ’ il ne choisira point pour associé, ni pour membres permanents
de lacorporation, des hommes qui ne savent rien de la théologie,
science qu’ils considèrent comme la mère de toutes les au
tres l . » Ainsi se concilient dans une juste mesure le respect de
la liberté de conscience et le culte des anciennes traditions.
Les bénéfices de celte réform e se sont même étendus aux an
ciennes universités. En '1849, sur la proposition de M. H eywood, lord John Russell fit nom m er une com-mission d’enquête
i Cité par M. Dem ogeot.
qui, à travers mille obstacles, cl udia les réformes qui pourraient
être appliquées à Oxford et à Cambridge. Celles-ci opposèrent
une résistance désespérée et refusèrent même de fournir les
renseignements demandés par la commission. M. Heywood
n’en fit pas moins adopter, en 1854, une loi qui réalisait dans
l’université d’Oxford, de sérieux progrès. Les places de fellow
étaient mises toutes au concours, sauf celles qui restaient réser
vées au clergé et les dissidents pouvaient prendre leurs grades
sans aucune profession de foi. La loi fut acceptée par la Cham
bre haute, grâce à l’appui de lord Derby. Celui-ci fit seulement
ajouter une disposition qui ne permettait pas aux dissidents de
rem plir les postes occupés jusqu’alors par les ecclésiastiques.
Quant aux étudiants, ils furent autorisés à suivre les cours sans
loger ni dans les colleges, ni dans les hôtels de l’université ; ils
purent être externes libres. Cette dernière mesure obtint le
plus grand succès et donna aux études une nouvelle activité.
Deux ans plus tard, la même rétorm e fut étendue à l’université
de Cambridge.
Enfin, dans ces deux dernières années ont été préparées des
modifications plus importantes. En 1874, le duc de Cleveland
avait déposé un rapport sur les revenus des universités et si
gnalé des dépenses inutiles. Le 24 février 1876, lord Salisbury
demanda que l’on fit de ces richesses un m eilleur emploi et
sollicita la suppression des fellows payés 150 ou 200 livres pour
ne rien faire. Il proposait d’augmenter le traitement de certains
professeurs, de créer des chaires nouvelles, enfin d’encourager,
à l’aide d’un fonds spécial, la recherche de découvertes. En
même temps, lord Salisbury demandait que la direction des
collèges ne fût plus exclusivement réservée à des ecclésiastiques
et que des laïques pussent y prétendre. M. W alpole saisit la
Chambre des Communes d’un projet de loi identique. Toutes
ces mesures furent vivem ent attaquées, surtout la création du
�42 —
fonds des recherches qu’un adversaire du projet craignait, ditil, de voir transformer en recherche des fonds. L ’archevêque
de Cantorbery réclama, au nom du clergé, le maintien des pla
ces d’agrégés (fellowships) qui lui appartenaient, et le projet fut
remis à l’année suivante. Mais en 1877 a été présenté un nou
veau bill qui s’appliquait également aux deux universités. Une
commission de sept membres a été chargée de préparer pour
1 880 une loi qui réalisera les réform es indiquées par lord
Salisbury '.
Dans cette esquisse rapide, j ’ai dû négliger bien des questions
ntéressantes. Je vous en ai cependant dit assez pour vous indi
quer le caractère des universités anglaises et vous m ontrer
pourquoi nous n’avons rien à leur em prunter. Ce sont elles
plutôt qui, par leurs dernières réform es, se rapprochent de
l’ Université française, lui em pruntent quelque chose de cet es
prit libéral qui, chez nous, a de tout temps ignoré les distinc
tions de sectes et de partis, pour nous réunir tous dans un com
mun amour de la patrie, dans le culte des idées qu’elle a tou
jours représentées.
Ce que l’Angleterre aurait pu nous apprendre il y a quelques
années, c’est l’art de rendre l’enseignem ent plus pratique en
faisant une large part à l’expérien ce, c’est aussi l’ habitude
d'initier plutôt les jeunes gens aux connaissances qui ont pour
objet la vie même des peuples, l’accroissement de leurs riches
ses, le maintien et le progrès de leurs institutions. A ujou rd’ hui
ces leçons ne nous sont plus indispensables. L ’esprit d’initiative
individuelle s’est depuis quelque temps assez développé chez
nous pour donner à l’ Etat l’ exemple de tentatives faciles à sui
vre, car elles ont déjà gagné la faveur publique. Une école fon
dée et soutenue par des particuliers, sans aucune intervention
1 Pour ces discussions, voir \'Annual register, 1876, 1877.
de l’Etat, a inauguré, avec quel succès, je n’ai pas besoin de le
dire, l’élude de sciences qui n’ont pas encore droit de cité dans
nos facultés, les finances, la diplomatie, les constitutions politi
ques. Entrons hardiment dans cette voie et faisons servir la li
berté de l'enseignem ent à l’enseignement de la liberté.
Oui pourrait? se refuser à com prendre que, dans les pays li
bres, l’éducation doit de bonne heure préparer aux nécessités
de la vie publique? Ce n’est pas vous, jeunes gens, que le libé
ralisme de la loi vient, dès l’âge de 21 ans, prendre jusque sur
les bancs pour vous donner l’exercice des droits politiques les
plus étendus, avec la responsabilité qu’ils imposent. Ces tra
vaux, vous n’aurez pas à vous en repentir; plus vous connaîtrez
la France, plus vous apprendrez à l’ aimer et à l’ honorer. Vous
la verrez poursuivre à travers les siècles, au milieu des vicissi
tudes les plus diverses, une destinée toujours glorieuse, et dé
ployer, grâce à la merveilleuse souplesse de son génie, les qua
lités les plus opposées. Elle a éprouvé de cruelles infortunes,
mais elle a eu aussi des prospérités inouïes, et, après chaque
période malheureuse, elle s’est relevée plus forte et plus b ril
lante que jamais. Les guerres de religion ont été suivies du rè
gne réparateur d’Henri IV ; à la minorité de Louis X III ont
succédé Richelieu et Louis X IV . Pendant le X V IIIe siècle, elle
suppléait à la gloire des armes par celle de ses écrivains qui
gouvernaient l’ Europe. Les temps suivants l’ont vue tour à tour
proclamer les principes île la révolution, éblouir les peuples
par l’éclat de ses victoires, et donner au monde le spectacle
d’ une société libérale et pacifique, où se déployait dans les let
très et les arts, sous des formes nouvelles, la puissance d’ un gé
nie inépuisable. Votre patriotisme n’aura ni à s’attrister du pré
sent, ni à s’ inquiéter de l’avenir. Sans doute la France a
naguère subi des désastres , dont nous ne songeons pas à dissi
muler la gravité. Mais par quels miracles d ’énergie et de pa
�tience la glorieuse blessée s’est mise aussitôt à l ’œuvre pour re
lever sa fortune, vous le savez, vous en ôtes témoins tous les
jo u r s , et vous venez de voir l’ Europe entière le reconnaître
avec une sympathique admiration. Tous les peuples ont voulu
concourir à rehausser l’éclat de cette exposition où se sont
entassées les merveilles créées par le génie du travail. IJn hom
mage plus significatif peut-être est celui que les représentants
de toutes les puissances ont voulu rendre, avec les délégués de
la France entière, à la mémoire de notre illustre com patriote,
de l’éminent historien, du grand homme d ’Etat qui, après avoir
libéré le territoire, a porté le prem ier le titre de Président de la
République française. C’était reconnaître que la belle parole
de M. Thiers, promettant la victoire au plus sage, s’ était enfin
réalisée, et que la France avait toujours sa place m arquée dans
les conseils de l’ Europe. Elle l’a reconquise grâce à des qualités
qu’on a souvent été tenté de lui refuser, grâce à l’esprit de pa
tience et de mesure dont elle ne s’est pas un instant départie, et
qu’elle gardera pour ne pas com prom ettre le succès de ses der
niers efforts. C’est pour avoir pratiqué ces vertus que la Répu
blique peut se dire aujourd’ hui définitivement constituée ; c’est
en leur restant fidèle qu’elle traversera tranquilem ent la
période toujours critique du renouvellem ent des pouvoirs, et
qu’elle doublera, sans se heurter à aucun écueil, ce cap quel
quefois signalé comme le cap des tempêtes, mais dont elle fera
le Cap de Bonne-Espérance.
Ce sage libéralisme, qui sait attendre pour recuellir plus sû
rement, c’est l’esprit même de l’ Université, fille de 89, et im age
fidèle de notre société, telle que l’a faite la R évolution. C’est
par là qu’elle a conquis et maintenu, même dans les jours les
plus difficiles, une popularité qui dépasse depuis longtem ps nos
frontières et s’exerce, dans l’intérêt de la France, jusque sur
les pays les plus lointains. Nous pouvons en tém oigner nous qui
voyons les provinces danubiennes, la Grèce, l’Egypte, tous les
rivages de la Méditerranée, nous envoyer des élèves, tandis que
l’extrêm e Orient nous demande des maîtres. En élargissant le
cadre de ses études pour répondre à des exigences légitimes,
l ’Université se montrera une fois de plus digne de l’éloge que
lui accordait naguère un de ses maîtres les plus respectés :
« Elle est de son pays et de son temps ; aussi quand on lui
confie ses enfants, on sait ce qu’elle en fera, des hommes de
leur pays et de leur temps *. »
1 M. Bersot, rapport sur l’Ecole normale, à la séance du 29 juin 1868.
�R A P P O R T DE M. L'A B B É R E N O U X
DOYEN
DE
LA
M o n s ie u r
le
FACULTÉ
DE
THÉOLOGIE
R ecteur,
M e s s ie u r s ,
La Faculté de Théologie se présente à vous, cette année, avec
quelques changements ; elle vous parle par la bouche d ’un autre
interprète: son excellent Doyen qui l’avait dirigé pendant plu
sieurs années, a été élevé à la dignité Episcopale ; il est parti ,
laissant au milieu de nous un vide immense ; mais il est allé où
Dieu l’avait prédestiné, où l’appelaient ses talents et ses hautes
vertus; je ne ferai pas l’éloge de Mgr B oyer; il,est sur toutes
les lèvres ; et la voix populaire qui décerne des louanges est
souvent plus éloquente que les panégyriques les plus flatteurs.
Qu’ il me suffise de rendre un juste hommage à son administra
tion aussi sage qu ’ habile ; notre Faculté en a ressenti le bien
fa it; quand Mgr Boyer y fut nommé professeur , elle semblait
un peu affaiblie par l’âge ; plus tard, devenu son Doyen, il raviva
ses forces et étendit le cercle de son action , soit en ouvrant au
public l’enseignem ent des professeurs , soit en inaugurant les
Cours de Marseille , où il sut se faire écouter lui - même avec
tant d’intérêt et si souvent applaudir ; et depuis , dans une cir
constance critique, alors que notre existence semblait menacée,
quel ne fut pas son dévouement et sa vigilante activité ! Il
paya hardim ent de sa personne , non p a s , je m’empresse de le
dire, par un calcul d’étroit égoïsme , mais par un sentiment de
patriotisme des plus honorables ; il eut dans ses démarches le
concours de M. Zévort , aujourd’ hui Recteur à Bordeaux , ce
consciencieux administrateur dont vous venez d’entendre un si
bel éloge , et qui élendait partout sa généreuse sollicitude. —
Qu’il me soit permis , M essieurs, devant vou s, d’adresser à ces
hommes éminents , à travers les longues distances qui nous sé
parent, l’expression sincère de notre profonde reconnaissance.
Ce qui nous console dans nos re g re ts , c’est la présence du
nouveau Chef de notre ressort Académique ; il nous a donné ,
dès son arrivée, de tels témoignages de sympathie , qu’ils sont
pour nous le gage certain de sa haute bienveillance; avec notre
vive gratitude, qu’ il daigne recevoir l’assurance que nous ferons
tous nos efforts pour la m ériter toujours.
Voici maintenant le résumé de notre enseignement durant
l’année qui vient de s’écouler :
Le Professeur de Théologie dogmatique , aujourd’ hui M gr
Boyer, a consacré ses leçons à la philosophie Chrétienne ; il se
proposait d’en montrer le magnifique développement ; le X V IIe
siècle lui offrit une brillante pléiade de profonds penseurs, dont
�il analysa cl apprécia les œuvres im m ortelles avec la plus exacte
critiqu e; les doctrines philosophiques et religieuses du X Y IIP
siècle l’occupèrent dans ses dernières leçons ; il achevait de
peindre cette époque et d’en signaler les tendances , quand sa
prom otion à l’Episcopat le ravit à son enseignem ent.
La nomination du nouveau titulaire ne nous est parvenue que
depuis quelques jours ; SI. le Ministre a fixé son choix sur SI.
l’abbé Ricard , chanoine de Marseille , connu de nous par sa
science et ses doctes écrits ; grâces lui soient rendues , notre
Faculté est aujourd’hui au complet.
Le Professur d’ Ecriture Sainte, SI. l’abbé Figuières, poursui
vant ses leçons sur le Pentateuque, a expliqué les derniers cha
pitres de la Genèse , ainsi que les prem iers du livre de l’Exode.
En parcourant, au flambeau d’ une respectueuse critiqu e , la
merveilleuse histoire des anciens Patriarches , depuis Jacob
jusqu’à Moïse , il a eu l’occasion d’éclaircir une foule de points
du Livre Sacré, de mettre en relief les traits les plus marquants,
enfin et surtout de faire briller les textes d ’une plus vive lu
mière à l’aide des découvertes m od ern es, si précieuses pour
l’exégèse. Les travaux admirables de Cham pollion et des Orien
talistes de son école sur le déchiffrem ent des hiéroglyphes E gyp
tiens, lui ont fourni nn fécond sujet d’études, et lui ont servi à
prouver , devant son auditoire , la vérité des récits mosaïques.
D’ heureuses et élégantes digressions sur les beautés littéraires
des Saints Livres, semées avec goû t, au m ilieu de cette savante
exposition , lui ont donné plus de prix et d’intérêt. Les Cours
de la nouvelle année se continueront dans le même ordre d’ i
dées et auront pour objet l’histoire de Moïse et celle du peuple
Hébreu.
Le Professeur de Morale , M. l’abbé Bernard , a exposé la
science de nos devoirs, telle qu’elle est enseignée dans les Livres
divinement in sp irés, et en particulier dans l ’Evangile ; il a
montré l’excellence de la morale chrétienne de deux manières,
en faisant connaître ses principes et ses règles de conduite , et
en second lieu en la comparant avec les différents systèmes de
philosophie m orale qui se sont produits à diverses époques ; il
a prouvé que la morale Evangélique , mieux que toute autre ,
atteint son but, qui est le perfectionnement de l’ humanité, et le
bonheur des sociétés comme des individus. A ces considérations
élevées , et qui ont été présentées avec une profonde connais
sance de la matière, est venue s’ajouter une histoire comparée ,
par rapport à la m orale , des trois grandes époques : la période
patriarchale, la période mosaïque et la période évangélique. —
Les prochaines leçons traiteront de la Philosophie des Lois.
Le Professeur d'Eloquence Sacrée, M. l ’abbé Peloutier, a étu
dié les prem ières productions de la littérature chrétienne ; il a
m ontré quel fut le rôle assigné à l’éloquence , au berceau de
l ’ Eglise ; chacune des œuvres contenues dans la collection des
Pères Apostoliques , a été mise en lum ière par une judicieuse
analyse; le Professeur s’est appliqué à faire ressortir le carac
tère spécial et intime de ces lettres ou traités qui n’étaient des
tinés qu’aux croyants, et qui renferm aient comme en germ e les
genres nom breux et divers des beaux âges de la littérature ecclé
siastique. Les Cours de l’an prochain seront consacrés à l ’apo
logétique chrétienne du I I e siècle. — M. l'abbé Peloutier avait
été chargé de l’ un des cours de Marseille ; l’ heureux succès qu’il
y a obtenu nous fait croire q-ue notre regrettable collègue , M.
Bayle, aura en lui un digne successeur.
Le Professeur d ’H isloire Ecclésiastique a présenté le récit des
révolutions religieuses accomplies en Angleterre sous les pre
miers Stuarts et sous le protectorat de Cromwel ; il a parlé des
sectes nombreuses qui naquirent à celte époque , et des luttes
acharnées que provoqua leur animosité. L ’Histoire de l’Eglise
en France, au X V IIe siècle, sera exposée dans les cours de celle
année.
4
�-
50 -
La Faculté de Th éologie ne confère p lu s , elle en convient
sans peine, des grades aussi nom breux qu ’autrefois ; mais du
moins elle m aintient le chiffre de ses examens. Durant les deux
sessions de l ’exercice de 1 877-1878, elle a proclam é deux licen
ciés et deux docteurs ; les candidats qui ont reçu ce dernier
titre sont MM. Laurin et Cacchia, l’un prêtre à A ix, et l’autre à
Marseille ; ils ont obtenu les suffrages de leurs ju ges, après une
double épreuve soutenue avec succès.
Mais , en tout cas , il faudrait se dem ander si la Faculté de
théologie n ’a que ce rôle unique de la collation des grades, et si
elle n’a pas une autre tâche à rem plir : devenir un ardent foyer
d’ études , scruter les origines sacrées de l ’Eglise , établir l’au
thenticité de ses titres , explorer les œuvres littéraires et philo
sophiques de ses grands hommes, et enfin m ontrer par les plus
larges aperçus son influence m erveilleuse sur les progrès du
passé, influence qu’elle est destinée à m aintenir sur ceux de
l’avenir, n ’est-ce pas là un rôle considérable et qui semble naturellem ent dévolu à une Faculté de T h éologie? N ’est - ce pas,
dirons-nous encore, servir tout à la fois les intérêts de l ’Eglise
et ceux de l ’Etat ? Nous vou d rio n s, M essieurs, dirigers vers ce
double but nos modestes efforts, nos intelligences et nos cœurs.
Mes chers Collègues le sa ve n t, et quand il me sera donné de
faire connaître , dans cette réunion d’élite , le résultat de leurs
travaux, ce sera pour m o i, devenu leur Doyen , la plus douce
satisfaction.
R A P P O R T DE M. CAR LE S
DOYEN
DE
M o n s ie u r
LA
le
FACULTÉ
DE
DROIT
R ecteur,
M e s s ie u r s ,
Nos rapports n ’étant plus lus devant le public doivent conte
nir surtout des renseignements techniques et ceux-là ne sont
pas les moins utiles. Nous avons eu dans l’année qui vient de
finir 1,256 inscriptions. Ce nombre de 1,200, qui représente
300 élèves par an, était habituellement le chiffre de la Faculté
d’Aix. — Nous baissâmes un peu dans l’année qui suivit la
création à Lyon de deux facultés (devons-nous dire sœur s ou
rivales?), nous descendîmes au chiffre de 1118. Mais dès la
seconde année, en 1876-77, nous nous relevions vigoureuse
ment pour rem onter à 1193. Enfin, dans l ’année qui vient
d’expirer, noua n’avons pas seulement retrouvé le chiffre nor-
�mal, nous l’avons dépassé, étant allés jusqu’à 1256. Il est peutêtre intéressant de noter comme détail de statistique que dans
l’année qui précéda la création desdites facultés, nous avions eu
1259 inscriptions, et que trois ans plus tard, après un moment
de halte, le mouvement de reprise vient de nous ramener à un
chiffre presque identique, 1,256.
Les examens ont été à proportion. Nous avons eu 512 épreu
ves dont 477 pour la capacité, le baccalauréat, la licence, et 35
pour le doctorat. Ce dernier grade a une importance trop ex
ceptionnelle pour que nous ne lui donnions pas une place à
part.
Sur les 477 épreuves qui forment la grande masse, il y a eu
11 réceptions avec éloge, soit mention très-bien. C’est à peu
près 1 sur 43. Sans doute ce nombre est petit, mais le très-bien
est toujours rare en toute chose.
Majorité ou égalité de boules blanches mêlées à des rouges,
soit mention bien................................................................. 82
C’est 1 sur 5 1/2.
Minorité de blanches mêlées aux rouges , mention
assez-bien............................................................................. 94
C’est 1 sur 5.
Totalité de rouges,médiocre............................................ 71
C’est 1 sur 6 1/2
Totalité de rouges et unenoire, passable........................ 145
C’est 1 sur 3.
Enfin, rejet........................................................................ 77
C’est 1 sur 6.
En résumé, il y a un peu plus de 2/6 entre le très-bien,
le bien, Yassez-bien.
l’n peu moins de 1/6 médiocre.
2/6 passable.
1/6 nul.
Ou peut voir dans le tableau ci-joint comment ces divers suf
frages sont répartis entre les trois années d’études.
Doctorat
Les épreuves du Doctorat sont peu nombreuses comparative
ment aux précédentes, et cependant le nombre en augmente
chaque année. Nous en avons eu dans celle-ci 35.
On n’est reçu à ces épreuves qu’en obtenant la majorité
ou du moins l’égalité de boules blanches. U n’y a donc ici que
trois degrés d’appréciation : Eloge ou très-bien. —Majorité de
blanches, bien. — Egalité, assez-bien. — Hors de là rejet.
Nous n’avons eu qu’urj éloge, c’est M. Massigli (de La Cluse,
département du Doubs), qui l’a mérité dans la soutenance de
sa thèse. Il a ainsi couronné des études consciencieuses, et ses
amis y voient un prélude à de nouveaux succès qu’il va essayer
d’obtenir sur un plus grand théâtre.
Sur les autres épreuves, il y a eu 20 réceptions avec la note
bien, une assez-bien. — C’est plus de la moitié. — 14 rejets,
c’est presque l’autre moitié.
Les candidats se plaignent que la Faculté d’Aix est trop
sévère dans les épreuves du Doctorat, qu’elle l’est plus que
d’autres facultés. Nous répéterons la phrase en quelque sorte
sléréol\pée : Le Doctoral est et doit rester une distinction.
Voilà ce qui concerne les élèves.
Deux modifications seulement sont à noter dans le cadre des
Professeurs. M. de Pilti-Ferrandi qui, chargé du cours de Droit
criminel depuis plus de deux ans, y avait eu le succès que nous
avons signalé dans le temps, a mérité de devenir Professeur ti-
�— 54 —
tulaire de la chaire. Il pourra consacrer les travaux de sa vie à
cette partie du champ législatif qu'on lui donne à cultiver. Le
Droit criminel, moins chargé de détails; moins hérissé de ques
tions controversées ou controvcrsables que le Droit civil, touche
aux grands principes du droit public et permet, exige meme,
qu’on remonte souvent aux hautes conceptions philosophiques.
C’est ce que M. de Pitti-Ferrandi avait parfaitement compris et
ce qu’il continuera à faire avec le surcroît d’autorité que lui
donnera son nouveau titre.
Un autre changement à noter dans notre personnel consiste
en ce que M. Larnaude, autrefois chargé de cours chez nous, a
opté pour la Faculté de Bordeaux, plus rapprochée de son pays
natal, et a cédé la place d’Aix à M. Jourdan fils. Nous avons re
trouvé avec plaisir dans ce jeune collaborateur celui qui avait
été un de nos meilleurs élèves. La manière dont il a soutenu son
premier combat dans le concours ouvert l’an dernier à Paris,
fait espérer qu’il pourra arriver prochainement à la victoire.
Son début l’oblige à progresser toujours. Il n’aura d’ailleurs
qu’à suivre en cela les traces de son père, que nous félicitons
d’avoir obtenu deux fois, et presque coup sur coup, devant le
plus haut aréopage, une distinction qui est aussi un honneur
pour notre Faculté.
Mais l’arrivée du jeune collaborateur n’empêche pas que no
tre personnel reste incomplet. Les décrets réglementaires nous
donnent droit à deux suppléants, si bien que leur traitement
figure chaque année à notre budget et reste pour l’un inem
ployé. Nous avons fait souvent, très-souvent, la demande de ces
deux auxiliaires et toujours en vain. Il ne nous en est accordé
depuis assez longtemps qu’un, et plus d’une fois un Piofesseur
a été obligé de doubler son travail pour que le service ne fût
pas interrompu. Il nous faudra désormais crier notre demande
sur les toits jusqu’à ce que nous avions obtenu Satisfaction.
— SS —
Ce n’est même pas assez que notre personnel soit recompletté
d’après des prévisions anciennes. De nouveaux besoins ont
surgi et, pour y sullire, le cadre de l’enseignement du Droit
doit être élargi. Pour que notre Faculté, qui occupe le troisième
rang, après Paris , par le nombre de ses élèves, ne reste pas en
arrière du mouvement, il nous faudrait, outre les deux sup
pléants que les décrets réglementaires nous assurent, deux au
tres agrégés ou Docteurs adjoints. Avec leur aide nous ouvri
rions des cours complémentaires sur :
L’histoire du Droit ;
Le Droit international privé et public ;
L’enregistrement appliqué surtout au notariat ;
Le Droit maritime, dont le voisinage de Marseille démontre à
première vue la haute utilité.
Le zèle des professeurs existant suffira pour ajouter un cours
de Pandectes, et pour approfondir dans des leçons spéciales
certaines matières du Code civil.
L’an dernier, nous avions déjà signalé la nécessité de nous
adjoindre de nouveaux auxiliaires, et ce vœu était formulé, ce
semble, d’une manière assez énergique. Il a cependant passé
comme inapperçu. Sera-t-il mieux entendu cette fois?
Après ce tableau de l’état moral de notre Faculté et l’exposi
tion de ce qui lui manque, il nous resterait à dire que le maté
riel des bâtiments exige aussi des réparations considérables.
L’Autorité Municipale a bien voulu nous faire à cet égard des
promesses rassurantes, nous la remercierons doublement si l’e
xécution peut être hâtée.
�nières atteintes d’une implacable maladie. Leçon sévère donnée
aux jeunes savants qui sauront que les apôtres de la science en
sont souvent les martyrs I
IIAITOHT DE
«
LB'
TRAVAUX
UK LA
M.
FACULTÉ
L’ABBE AOUST
Les travaux de la Faculté sont : l’enseignement oral, les exa
mens pour la collation des grades, les recherches personnelles.
DES SCIENCES DE MARSEILLE
Pfodiil l’airëfc m ilite 1S77-78.
MitfsiriR i>. Bkctkür,
Messieurs,
Je \cux que mes premières paroles , dans cette réunion ,
soient des paroles de regret pour l’absence du Doyen de la Fa
culté , notre éminent Collègue , que la maladie tient éloigné de
nous, et qui a jeté tant d’éclat sur notre Corps par ses remar
quables travaux. Dévoré par le besoin d’enrichir la chimie de
faits nouveaux, infatigable travailleur courbé sur le sillon com
mencé , il n’a eu de repos qu’après l’avoir tracé complètement
avec une exactitude qui n’a été ni contestée ni surpassée par
personne. Mais quand cette rude et glorieuse tâche était accom
plie, les organes de son corps étaient usés et recevaient les der
§ I.
Enseignement oral. — Trois sortes de sciences sont ensei
gnées dans notre Faculté , lesquelles se rapportent à trois em
branchements distincts : les sciences mathématiques, les sciences
physiques, les sciences naturelles.
Les sciences mathématiques du haut enseignement sont : l’a
nalyse infinitésimale, la mécanique et l’astronomie ; chacune
d’elles est exposée par un professeur spécial, mais les trois cours
s’adressent aux mêmes auditeurs qui sont de jeunes professeurs,
des aspirants ingénieurs, des maîtres répétiteurs.
Dans son cours d’analyse , le professeur, tout en traitant les
questions du programme , a insisté sur la partie nouvelle de ce
programme, laquelle est relative aux belles recherches de Cau
chy, sur les fonctions des variables imaginaires.
Le professeur de mécanique , M. Charve , appelé à professer
pour la première fois dans les facultés, a été apprécié pour son
exposition claire et entraînante. La faculté de Marseille serait
heureuse de s’attacher ce jeune professeur d’une manière
définitive.
Le professeur d’astronomie , M. Stéphan , a fait , pour un
auditoire nombreux, un cours d’astronomie descriptive; et pour
les candidats à la licence, un cours d’astronomie mathématique.
En raison des succès obtenus par ce savant professeur, la faculté
verrait avec plaisir la création d’une chaire d’astronomie.
�s*
Les sciences physiques du haut enseignement comprennent la
physique proprement dite et la chimie. Chacune d’elles est en
seignée par un professeur spécial. Cet enseignement , qui s’a
dresse à de nombreux auditeurs, a été donné avec autant d’éclat
que de solidité par MM. Hugueny et Favre. Aucune des théories
nouvelles n’a été négligée ; aussi la théorie mécanique de la
chaleur a-t-elle été traitée d’une manière complète par le pro
fesseur de physique. Malheureusement le cours de chimie n’a
pu être terminé par suite de la maladie du professeur , lequel
pourtant a occupé la chaire jusqu’à l’entier épuisement de ses
forces.
L’enseignement des sciences naturelles est donné par trois
professeurs, MM. Dieulafait, Heckel et Marion, qui sont chargés,
le premier, de la géologie et de la minéralogie ; le second, de la
botanique ; le troisième, de la zoologie. L’étude de la nature a
quelque chose de séduisant ; tout le monde désire connaître les
lois qui régissent les êtres animés, les êtres organisés , et les
corps inorganiques. Nos savants professeurs ont pleinement sa
tisfait aux exigencesde cet enseignement; et les sympathies d’un
auditoire nombreux et fidèle ne leur ont pas fait défaut.
Conférences. — Les conférences sont spécialement destinées
aux candidats à la licence ; elles ont spécialement pour but le
développement des points les plus difficiles des cours : l’exposi
tion des méthodes de calcul , la solution des problèmes , le ma
niement des instruments , les préparations des appareils, la
répétition des expériences délicates , l’interrogation des candi
dats. Etablies dans notre faculté , avant même qu’elles fussent
réglementaires, les conférences ont produit les meilleurs résul
tats. Aussi aucun des professeurs ne néglige celte partie impor
tante de soit enseignement ; elles ont été suivies , cette année
comme toujours, avec empressement et ponctualité par nos can
didats à la licence dont le nombre augmente sans cesse.
Examens pour l’obtention des grades. — Les grades obte
nus devant les facultés sont : le baccalauréat , la licence , le
doctorat.
Baccalauréat. — Il n’y a qu’un seul baccalauréat ès-sciences, pour lequel on exige la connaissance élémentaire de toutes
les sciences enseignées dans la faculté. Il y a pourtant en faveur
des élèves en médecine un baccalauréat restreint, qui ne dif
fère du précédent qu’en ce que la partie mathématique la plus
élevée est remplacée par les éléments d’histoire naturelle. A cette
différence près, c’est le même programme.
Les trois sessions d’examens ouvertes à Marseille , dans les
mois d’avril, d’août et de novembre , et les quatre sessions ou
vertes au mois de juillet à Alger, à Ajaccio , à Bastia et à Nice ,
ont amené devant nous 380 candidats: 297 pour le baccalauréat
complet, et 83 pour le baccalauréat restreint.
Aucun n’a été jugé digne de la note très-bien, dont la faculté
a été toujours très-avare.
Neuf candidats seulemenl ont obten la note bien ; et comme
cette note ne laisse pas que d’être très-difficile à conquérir , je
proclame avec éloge et par ordre de mérite les noms de ces can
didats ; pour le baccalauréat complet :
MM. Percheron , Teissier , A ndré, Clavaud , Famelard ,
d’Eimbrodt, Gardair, Marcellel ;
Pour le baccalauréat restreint : M. Roule.
Ont été admis avec la mention passable 159 candidats : \ 25
pour le baccalauréat complet, et 34 pour le restreint.
Il résulte de là que le nombre des candidats ajournés s’est
élevé à 212 : 164 pour le baccalauréat complet, et 48 pour le
restreint.
�60
Ce nombre d’ajournements qui atteint presque 56 p. 100 ,
est évidemment trop élevé ; bous désirons ardemment le voir
diminuer progressivement, l.es mathématiques sont la partie
sur laquelle les candidats sont le plus préparés ; leur prépara
tion est moins complète sur la physique, et encore moins sur la
chimie et l’histoire naturelle. Mais la partie sur laquelle ils sont
presque tous en défaut est la partie littéraire de l’examen ; or,
comme le professeur de littérature dispose de quatre suffrages
sur onze, la principale raison des ajournements est toute dans
ce fait que les candidats négligent la version latine, la prépara
tion des auteurs latins et français , la philosophie, l’histoire, la
géographie, les langues vivantes.
—
—
Licence. — Il y a trois licences ; chacune d’elles étant rela
tive à un des trois embranchements scientifiques dont nous
avons parlé. Ce sont : la licence ès-sciences mathématiques ; la
licence ès-sciences physiques ; la licence ès-sciences naturelles.
Comme l’Université ne réclame pour chacune d’elles que la con
naissance des sciences d’un seul embranchement, elle la réclame
complète, profonde, détaillée, conformément à des programmes
qu’elle a soin de modifier, de perfectionner suivant les progrès
scientifiques les plus récents. Sous de semblables conditions , le
grade de licencié présente une grande difficulté aux candidats
qui veulent le conquérir ; aussi les conduit-il d’une manière sure
au professorat dans les collèges et les lycées.
Pendant l’année qui vient de s’écouler, 18 candidats se sont
présentés pour obtenir ce grade : 8 pour la licence ès-sciences
mathématiques, 9 pour la licence ès-sciences physiques, 1 pour
la licence ès-sciences naturelles.
Sept seulement ont été admis ; ce nombre d’admission est
évidemment trop faible quand il s’agit de candidats intelligents,
laborieux, tous élèves de notre Faculté. Mais il faut tenir compte
61
de deux circonstances regrettables qui se sont produites. Le
cours de mécanique ayant été suspendu l’an dernier par suite
du cliangement du professeur, les candidats de la session de
novembre 1877, au nombre de cinq , ont tous été ajournés à
cause de l’impossibilité où ils étaient de résoudre la question de
mécanique ; et, à la session de juillet 1878 , cinq candidats sur
six ont été également ajournés, parce que, par suite de l'inter
ruption du cours de chimie , ils ont été hors d'état de traiter la
question de chimie.
Examens des boursiers de licence. — Un arrêté ministériel,
du 5 novembre 1876 , a institué un concours pour l’obtention
de bourses dites bourses de licence, parce qu’elles profitent aux
jeunes gens qui les ont obtenues et leur permettent de préparer,
aux frais de l’Etat, leurs examens de licence près les facultés de
province. Un concours de cette espèce a déjà eu lieu cette an
née devant notre Faculté pour les sciences mathématiques. Cinq
candidats étaient inscrits ; deux seulement ont été nommés
boursiers après avoir satisfait avec distinction aux exigences du
concours : ce sont MM. Boubals et Canbres.
Déjà l’année précédente, deux étudiants, MM. Nicolas et Réguis avaient été attachés à la Faculté comme boursiers de licence
pour les sciences naturelles. Leurs progrès scientifiques leur
ont mérité la continuation de la même faveur pour l’année qui
va commencer.
Comment ne signalerai-je pas, en terminant ce qui est rela
tif aux examens, le brillant succès obtenu par M. Paris, conduc
teur des ponts-et-chaussées, qui après avoir suivi pendant trois
ans avec assiduité nos cours mathématiques, a obtenu le grade
d ’ingénieur après un examen des plus satisfaisants.
�Travaux personnels des professeurs. — Les professeurs de
Faculté sont placés dans les conditions les plus favorables pour
les recherches scientifiques. Us ont à leur disposition une riche
bibliothèque, des cabinets pourvus des instruments les plus dé
licats, des laboratoiresadmirablement installés; ils manqueraient
à leur mission s’ils ne répondaient pas à la confiance que l’Uni
versité a en eux pour soutenir l’honneur de la science française.
Il faut le dire en toute vérité, ils n’ont pas besoin d’être stimu
lés sur ce point ; et, tous les ans, des travaux de premier ordre
sont produits par les professeurs de notre Faculté. C’est du
laboratoire de chimie de la Faculté de Marseille que , pendant
24 ans s’échappait ce courant d’idées nouvelles , acceptées par
es esprits scientifiques, et qui feront à jamais l’honneur de no
tre savant professeur de chimie , M. Favre. Ses collègues, cha
cun dans la mesure de ses forces, publient annuellement des
travaux qui témoignent de la vitalité de notre Faculté. Je ne
donne que les titres à cause de l’abondance des matières.
Le professeur d’analyse a publé : 1° un mémoire mathémati
que sur les singularités du système astronomique qui pro
duirait T égalité des jours solaires ;
2° L’éloge académique de Le Verrier, sous ce titre : Le Ver
rier, sa vie et ses travaux. Cet écrit a eu les honneurs d’un
compte-rendu au sein de l’Académie des Sciences morales et
politiques.
Le Professeur de Géologie et de Minéralogie a publié :
1° Un mémoire de géologie, contenant une étude comparée
de la formation jurassique moyenne en Suisse et en France.
2° Un mémoire de chimie géologique : Formation des sels
ammoniacaux dans les eaux des mers modernes et dans
leurs résidus ; formations correspondantes dans les mers
des anciens âges.
Les premiers soins d’un professeur, après ceux qu’il accorde
à son enseignement, sont dirigés vers les riches instruments
que l’Université met à sa disposition ; le professeur de physique
s’est livré, avec autant de zèle que d’intelligence, au travail de
réorganisation du cabinet de physique, qui est devenu entre ses
mains un des plus beaux des Facultés de l’Etat ; nous le prions
de recevoir nos remercîments.
Le Professeur de Botanique a publié :
1° Traduction et annotation du livre de Darvin : Des dif
férentes formes des fleurs dans les plantes de même espèce ;
2° De l'influence des acides salicique et thymique , ainsi
que des diverses essences sur la germination. (Comptesrendus) ;
3° Recherches sur Tutilité des mouvements provoqués et
spontanés des organes reproducteurs dans les phanérogames
au point de vue de la fécondation, soit croisée, soit directe,
(Bulletin de la Société botanique de France).
Les publications du Professeur de Zoologie sont :
1° Révision de la flore hcersienne de Gœlinder; en colla
boration avec M. de Saporta. (Mémoires de l’Académie de
Bruxelles) ;
2° Un rapport étendu sur les travaux entrepris par la Com
pagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée , pour
combattre le phylloxéra.
Ce professeur a eu l’honneur d’être nommé , par décret du
Président de la République , membre de la haute Commission
peur combattre le phylloxéra.
�Ci —
L * Professeur d Astronomie a publié :
1° Mémoire relatif à la détermination des différences des
longitudes Paris-Marseille et Alger-Marseille ; en collabora
tion avec M. Lœwy ;
2° Mémoire sur la détermination des différences des lon
gitudes Lyon-Marseille ; en collaboration avec M. Perrier ;
3° Continuation de ses recherches sur les nébuleuses.
Ce professeur a eu l’honneur d’être présenté en seconde ligne
par la section d’astronomie pour une place de membre de l’Aca
démie des Sciences de Paris.
Notre jeune collaborateur, M. Morges, chef des travaux phy
siques, a présenté à l’Académie des Sciences diverses notes sur
l'électrolyse thermique des sels, lesquelles ont été insérées dans
les comptes-rendus de l’Académie.
Enfin, M. Vaissière, préparateur de Zoologie , a publié dans
la Revue des Sciences naturelles de Montpellier, après les avoir
présentés à l’Académie des Sciences de Paris , les mémoires
suivants :
4° Mémoire sur le Prosopisloma punctifrons ; en collabo
ration avec M. Joly ;
2° Mémoire sur la Monographie du genre oligomuria ; eu
collaboration avec M. Joly.
l
Ecole des hautes études. — Notre rapport serait incomplet
si nons gardions le silence sur l’école des hautes études de notre
Faculté, école créée depuis 1869.
La section de CJiimie a été dirigée par M. Morges ; les labo
ratoires ont été fréquentés par dix élèves qui ont pris part aux
travaux pratiques et ont assisté régulièrement à deux conféren
ces hebdomadaires qui ont été consacrées, l’une à l’exposition
des principes de la chimie mécanique et de la chimie descriptive,
l’autre à la description des grandes industries marseillaises.
La section de Zoologie a été dirigée par M. Marion. Onze étu
diants ont fréquenté le laboratoire ; quelques-uns d’entre eux
ont publié, dans les Comptes-Rendus et dans d’autres recueils
scientifiques divers mémoires sur les crustacées et les mollus
ques. Plusieurs professeurs des Universités étrangères, attirés
par la réputation du savant directeur, sont venus visiter ce la
boratoire et mettre à profit les avantages de notre ville pour
l’étude des animaux marins.
Tous ces succès, connus de l’administration supérieure, nous
donnent l’espérance qu’elle sera jalouse de donnera l’Ecole des
Hautes Etudes plus d’importance, en créant dans cette Ecole des
sections nouvelles , correspondantes aux divers enseignements
de la Faculté.
Il me reste, Messieurs, à signaler une omission, à mes yeux es
sentielle, commise dans lerapport fait l’an dernier par M. Favre.
Cet éminent professeur, commes’il eut pressenti le mal qui devait
l’atteindre, avait réuni, il y a deux ans, en unseul volumel’ensemble de ses recherches thermochimiques. Ce grand travail, inséré
dans les mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, formant
un corps complet de doctrine sur cette matière, attira tellement
l’attention des savants , que le grand prix de dix mille francs ,
destiné au plus bel ouvrage de chimie, fut décerné à notre collè
gue. Notre Doyen, qui était si jaloux de mettre en relief dans ses
rapports annuels, les moindres mérites de ses collègues , garda
le silence sur cette éclatante récompense qu’il avait obtenue et
si bien méritée. Il est de mon devoir de réparer cet oubli. Cet
acte de réparation , inséré dans nos annales, perpétuera la mo
destie et le talent de ce savant professeur; il sera pour ses amis,
pour ses collègues, un motif de consolation; pour son épouse, sa
fille et son petit-fils un patrimoine d'honneur, un allégement à
leur affliction I
5
�RAPPORT DE M. BONAFOUS
DOYEN
DE
Monsieur
LA
FACULTÉ
le
R ecteur ,
DES L E T T R E S
Messieurs ,
La Faculté des Lettres d’Aix inaugure dans de bonnes condi
tions la trente-septième année de son existence. La chaire de
littérature française, longtemps muette , a repris enfin la pa
role, et un jeune professeur, à qui son âge ferme pour quelque
temps encore la porte du titulariat, s’est mis à continuer les belles
traditions de ses devanciers, au nombre desquels nous pouvons
citer avec orgueil le nom de Prévost-Paradol. La bienveillance
de M. le Ministre ne s’est pas bornée à compléter notre cadre.
Elle nous a dotés d'un maître de conférences, chargé de l’étude
— 67 —
des langues et des littératures du Midi. M. Àulard , qu’un tra
vail considérable et très - remarqué sur un sujet de littérature
italienne contemporaine semblait désigner pour ces nouvelles
fonctions, va se mettre à l'œuvre, et explorer une province qui,
non-seulement par ses frontières , mais encore par son goût
classique, sa riche imagination et la sonorité harmonieuse de sa
langue , fille de Virgile et de nos vieux troubadours , semble
faire appel aux études sympathiques de la Provence et de la
Faculté des Lettres d’Aix.
Nous voilà donc au complet ; nous formons une légion bien
petite encore (nous ne sommes que six) , mais pleine de con
fiance et de bon vouloir. Nous avons cependant encore un vœu
à former. La chaire de littérature ancienne est écrasante pour
les forces d’un seul professeur. Il faudra nécessairement la di
viser , comme on l’a fait dans d'autres Facultés. Le professeur
de littérature ancienne est effrayé de la responsabilité qui lui
incombe ; il sait que les deux littératures classiques sont le nerf
et le suc de notre culture littéraire ; il ne veut pas les laisser
amoindrir; il ne dit pas , comme certains esprits frivoles : Qui
me délivrera des Grecs ou des Romains? mais substituant, com
me Figaro , la particule disjonctive ou à la copulative e t, il dit
souvent avec tristesse : Qui me dé’ivrera des Grecs ou des Ro
mains.
Le dédoublement de la chaire de littérature ancienne est no
tre plus grand desideratum. C’est un vœu qu’au nom de mes
collègues je recommande à la sollicitude éclairée de notre nou
veau Recteur, qui par son zèle du bien et l’affabilité de son ac
cueil, a déjà conquis nos sympathies respectueuses, et qui ne
saurait faire à la Faculté des Lettres un plus beau don de joyeux
avènement.
Les matières traitées dans les rapports des Doyens sont varia
bles presqu’à l’infini, quand il s’agit d’une Faculté des Lettres ;
�—
68
mais la forme et la division de ces rapports sont tonjonrs néces
sairement les mêmes. Nous avons à vous rendre compte de notre
enseignement d’abord, de nos examens ensuite.
Donnons d’abord la parole à la philosophie , qui est la maîtressa de l’humanité , dans tout ce qui n’est pas d’ordre divin.
Le professeur de philosophie a exposé , pendant l’année précé
dente , les grandes doctrines métaphysiques du xvn® siècle , et
particulièrement de Malebranche et de Leibniz. Cette année, il
étudiera l’histoire delà philosophie au xvme siècle, en s’attachant
principalement aux théories de morale et de droit naturel. Quel
est le principe de l’approbation morale ? La mesure de la valeur
de nos actions doit - elle être placée dans l’intérêt personnel ,
comme le veulent Hobbes et Helvétius, ou dans l’intérêt général,
comme l’ont pensé Hume et Bentham , et comme l’a admis ré
cemment Stuart Mill ? La source de nos jugements moraux se
trouve-t-elle dans les tendances primitives de notre nature , la
bienveillance, la sympathie , et dans les autres sentiments ins
tinctifs , qui , associés par l’habitude à l’idée de certains actes,
ou même devenus héréditaires, auraient formé progressivement
ce qne nous appelons la science morale? Ou bien enfin faut - il
reconnaître, au-dessus de ces sentiments instinctifs, des princi
pes universels de justice, tels que ceux qu’a formulés Kant, qui
constitueraient la règle invariable des droits et des devoirs ?
Telles sont les questions diversement résolues par les philoso
phes du xvin® siècle, et encore anjourd’hui controversées, qui
feront l’objet principal du cours.
Le professeur d’histoire a étudié, l’année dernière, les origi
nes du gouvernement parlementaire en Angleterre. Dans ce
pays, où la domination romaine n’avait pas laissé de traces aussi
profondes qu’en Gaule, les Angles transportèrent de la Germa
nie leurs institutions primitives, sans aucune modification. Ainsi
s’établirent les divisions en bourgs, cantons et comtés , où se
placent partout, à côté des chefs, des assemblées délibérantes ;
au-dessus de ces assemblées locales s’élève le conseil du roi, d'où
sortira plus tard le parlement.
Les Normands introduisent la féodalité en Angleterre , mais
sans supprimer les institutions locales. Guillaume leConquérant
s’en sert même pour limiter le pouvoir de la noblesse. Cette
politique est suivie par ses premiers successeurs , qui, pendant
la période où la royauté demeure élective , s’appuient sur le
peuple pour résister aux nobles et au clergé.
Peu à peu cependant s’accomplit une grande révolution.
Tandis que la royauté se fortifie et aspire au pouvoir absolu ,
s’opère une fusion complète entre les Normands et les Saxons.
Ainsi se forme, entre les barons, les évêques et le peuple , une
alliance qui limite le pouvoir de la royauté, lui impose la Grande
Charte, et aboutit à la création des Communes. Ce dernier suc
cès, dû à la persistance de Simon de Montfort, constitue défini
tivement le gouvernement parlementaire.
Cette année , le professeur étudiera l’histoire de ce gouver
nement sous les Stuart.
Le professeur de littérature ancienne, après avoir exposé l’an
née dernière l'histoire de la lutte que Socrate eut à soutenir
contre les Sophistes, commencera cette année - ci l’étude de la
grande éloquence, dansDémosthène et dans ses contemporains.
L’arrivée tardive du professeur de littérature française ne lui
a pas pas permis l’année dernière d’aborder une vaste carrière.
Il s’est borné à étudier , pendant le second semestre , le théâtre
de Richelieu et de ses poètes ordinaires : Bois-Robert, l’Estoile,
Colletet , Desmarets , Scudéry , essayant ainsi de montrer de
quelle manière l’illustre cardinal, qui avait compris l’impor
tance du théâtre comme instrument de la grandeur d’un peuple,
résolut de diriger la littérature dramatique avec l’esprit régulier
et entier qu’il apportait dans l’administration du royaume.
�-
70
-
Cette année, le professeur se propose d’étudier les vicissitudes
et les progrès de la tragédie en France , depuis la Renaissance
jusqu’au Ctd. Il a surtout l’intention de rechercher comment
notre théâtre dramatique peut, pendant cette période qui s’é
tend de Jodelle à Corneille, corroborer l’enseignement de l'his
toire et des mémoires, servir à l’clude de la société française,
des moeurs de la cour et de la ville, sous les derniers des Valois,
sous Henri IV, sous Louis XIII, et aussi à l’examen de la for
mation de la langue.
Pendant l’année qui vient de s’écouler, le professeur de litté
rature étrangère, continuant l’histoire de la littérature alleman
de au siècle dernier , a étudié tour à tour deux des plus grands
écrivains qui l’ont honorée à cette époque : Herder, le critique
original et novateur, qui ouvrit à ses compatriotes tant d’hori
zons nouveaux ; Goethe , le représentant le plus brillant de le
poésie germanique, et celui qui l’a portée à son plus haut point
de perfection. Le temps où ils ont paru était une époque de
crise,comme on en rencontre dans presque toutes les littératures
avant leur âge classique. Retracer les diverses péripéties de cette
période troublée ; montrer comment l’Allemagne , longtemps
tributaire de l’étranger , finit par son affranchir , et comment
lecole fondée par l'auteur de Goetz et de Werther, dépassant
les frontières nationales, exerça à son tour une influence considérable sur la littérature'de l’Europe contemporaine , tels sont
les différents points que le professeur s’est efforcé de mettre en
lumière dans la double étude qu’il s’était imposée.
Pour terminer sa tâche et pour achever le tableau de la litté.
rature d’Outre-Rhin pendant le xvui® siècle, il lui reste à étudier
la vie et les œuvres de l’écrivain qui futl’émule de Gœthe, touten
restant son ami, de l’auteur de la Guerre de Trente ans et de
Jeanne d’Arc, en un mot, de Schiller. C’est ce poète aussi dont
-
71
il se propose dans le prochain semestre de retracer la vie si
dramatique et si remplie, et de passer en revue les divers écrits
depuis les Brigands, qui marquèrent son entrée dans la car
rière littéraire, jusqu’à Guillaume Tell, qui en fut le couron
nement et le dernier acte. Mais ce qu’il s’attachera surtout à
mettre en évidence, c’est le caractère particulier de la poésie de
Schiller , caractère qui la distingue si porfondément de celle de
son devancier et de son maître, Gœthe ; tandis , en effet, que
celui-ci est réaliste , tandis qu’il cherche avant tout dans le
monde extérieur son inspiration , et qu’au fond de ses écrits
nous retrouvons sans cesse la nature embellie et transformée ,
le premier, au contraire, prend plus haut et plus loin le sujet
de ses chants, te sont la justice et la liberté qui sont ses muses,
c’est aux sources sacrées des vérités éternelles qu’il puise : il est
idéaliste. Est-il surprenant.dès lors, qu’après avoir subi l’in
fluence de Gœthe , il ait réagi à son tour sur le grand poète et
ait contribué à changer sa première manière? Transformation
surprenante , mais qui est manifeste dans les œuvres que ce
dernier composa à la fin du siècle, en particulier dans le roman
si original et parfois si étrange de Wilhelm Meister, et dans la
charmante idylle de Hermann et Dorothée.
Telle est l’étude, peut-être non sans intérêt, que le professeur
de littérature étrangère compte aborder l’hiver prochain ; elle
comprend , comme on le voit /la dernière période de l’histoire
littéraire de l’Allemagne au [siècle dernier , et terminera le ta
bleau qu’il s’est;proposé d’en faire il y a trois ans, et par lequel
il a tenu à inauguer le cours dont il est chargé à la Facultéd’Aix.
Cette étude suffira d’ailleurs à remplir le premier semestre
de cette année , mais n’ira pas’au-delà. Après Pâques , com
me il l’a fait jusqu’à présent, il traitera un sujet d’une na
ture toute différente. Il y a deux ans, il avait pris pour sujet de
son cours d’été Calderon et le théâtre espagnol au XVII* siècle.
�— 7$ —
L’année dernière, il a cherché à caractériser le théâtre anglais
sous le règne d’Elisabeth , en l’étudiant surtout dans son repré
sentant le plus illustre, Shakspeare ; l'été prochain, il a l’inten
lion d’étudier le mouvement poétique en Italie pendant la se
conde moitié du XVIe siècle, étude qui lui permettra de recher
cher l’influence qu’exerça à cette époque la littérature italienne,
sur le développement de la littérature française, et de montrer
quels liens étroits rattachèrent alors la France et l’Italie dans le
double domaine des arts et des lettres.
Voilà pour la grande leçon. Quant à sa conférence, le profes
seur, pour ne pas rester étranger à la préparation de la licence,
la consacrera à une étude générale et rapide de la littérature
latine et à l’explication de quelques auteurs du programme les
plus propres à donner lieu à des remarques philologiques.
Enfin, à côté de ces cours littéraires, il continuera , comme
parle passé, d’en faire un exclusivement grammatical. L’année
dernière, il a exposé la théorie comparative delà déclinaison et
de la conjugaison grecque et latine ; cette année il consacrera
une heure de chaque semaine à l’étude de la déclinaison et de la
conjugaison française, et à l’explication des premières pages de
la Chanson de Roland, prescrites par le programme de l’agré
gation de grammaire.
M. Aulard, maître de conférences de langues et de littératures
du Midi, se propose, pendant l’année scolaire 1878-1879, d’é
tudier les cinq premiers chants de r/£n/er de Dante. Il explique
ra le texte italien, et donnera des commentaires philologiques,
historiques et littéraires. Ces études seront précédées de quelques
leçons sur la littérature italienne avant Dante. Le maître de con
férences s’efforcera de faire participer ses auditeurs à son ensei
gnement; il leur demandera soit des travaux écrits, soit des
leçons orales ou des explications de textes, tantôt improvisées,
—
73
-
tantôt préparées. Ces conférences ne s’adresseront donc pas aux
personnes qui ignorent les éléments de la langue italienne , ou
qui voudraient jouer toute l’année le rôle d’auditeurs muets.
Elles ne pourront être utiles qu’à ceux qui voudront étudier
par eux-mêmes la littérature italienne , sous la direction du
professeur.
Si le maître de conférences obtient de M. Je Ministre l’auto
risation de faire quelques leçons publiques, le sujet de son cours
sera : « Du théâtre italien pendant la seconde moitié du XVIIIe
siècle. » Il étudiera , au point de vue de l’art dramatique , la
troisième Renaissance littéraire de l’Italie , e t, après une revue
rapide des œuvres de Maffei et de Métastase, il examinera prin
cipalement les comédies de Goldoni et les tragédies d’Alfieri.
Voilà les travaux auxquels vont se livrer les six professeurs de
la Faculté des lettresd’Aix. Vousremarquerez, Messieurs, que ces
travaux ont presque tous pour but immédiat la préparation à la
Licence. En effet une véritable transformation s’est opérée dans
les Facultés des Lettres. Nous ne montons plus'en chaire, comme
jadis, uniquement pour maintenir et pour répandre, au milieu
de la société élégante et polie, les saines doctrines du goût et de
l’esprit français. Nous sommes , avant tout et principalement,
des professeurs chargés de préparer le recrutement du corps
enseignant. Aux auditeurs libres sont venus se joindre de véri
tables élèves, des élèves de Faculté, soumis à un réglement et à
des travaux imposés. La Faculté des Lettres d’Aix compte neuf
de ces élèves , cinq boursiers de l’Etat et quatre maîtres auxi
liaires, travaillant uniquement en vue de la licence. Quelques
professeurs du ressort de notre Académie , peut - être quelques
élèves de la Faculté de Droit, viendront, je l’espère, se joindre
à ce petit groupe de vaillants étudiants ; nous les accueillerons
avec empressement.
Cette préparation à la licence, qui est aujourd’hui notre prin-
�— 74 —
cipale occupation, demande aux candidats des travaux , des ef
forts sérieux et soutenus. La licence est sans contredit le grade
le plus difficile que confère l’Jniversité. Nous avons une preuve
des difficultés qu’il présente dans la désespérante éloquence des
chiffres suivants : Quatorze candtdats se "sont présentés devant
nous pendant l’année elassiejae 4877 - 1878. Treize ont été
ajournés pour les épreuves écrites. Un seul a été admis définiti
vement.
Je me contenterai de vous présenter les résultats de nos exa
mens du baccalauréat. Le nombre de nos candidats grossit d’an
née en année ; le mérite des épreuves reste stationnaire.
Première 'partie. — 637 inscrits, 29 défaillants ; éliminés à
l’écrit, 321, à l’oral, 68 ; admis au grade, 219 , dont 6 avec la
la mention bien, 33 avec la mention assez bien, et 180 avec la
mention passable. Moyenne 36 0/0.
Seconde partie. — 363 inscrits, 19 défaillants ; éliminés à
l’écrit, 135 , à l’oral , 48 ; admis au grade ,161 ,2 bien, 34
assez bien, 125 passable. Moyenne 46, 50 0/0.
Baccalauréat complet. — (Nous en sommes enfin délivrés!)
— 20 inscrits, 3 défaillants ; éliminés, à l’écrit, 12, à l’oral 2 ;
admis au grade, 3.
Nous avons eu, cette année-ci, comme pour nous consoler de
ces tristesses de la licence et du baccaulauréat, le bonheur ines
péré de recevoir un Docteur ès-lettres, qui a conquis son grade
de la manière la plus honorable. M. Boissière, ancien inspec
teur en Algérie , aujourd’hui Recteur de l’Académie de Cham
béry, avait profilé de son long séjour dans notre grande colonie
africaine , pour étudier, surtout à l’aide des monuments épigra
— 75 —
phiques , l’histoire d’une légion romaine et de l’administration
de Rome en Afrique, au temps de la République et de l’Empire.
M. Boissière est venu nous présenter le résultat de ses utiles et
patientes études; il a soutenu les conclusions de sa thèse avec
une netteté de vues, une parole facile et distinguée, une conve
nance d’attitude et de langage , qui ont fait la plus heureuse
impression sur l’assistance qui remplissait notre grand amphi
théâtre. La Faculté a été heureuse de lui conférer, à l’unani
mité , le grade de Docteur.
�—
RAPPORT DE M. SEUX
DIBECTEVR DE L’ÉCOLE DE P L E I.\ EXERCICE
DE M É D E C I N E
ET DE P H A R M A C I E
77
—
ne saurait s’effacer de notre mémoire et de notre cœur. Fidèle
interprète de mes honorables collègues en manifestant ces im
pressions, je le suis encore en remerciant M. le Ministre de
l’instruction publique du digne successeur qu’il a donné à l’é
minent M. Zévort. Le choix fait dans la personne de M. le Rec
teur Bourget, dont la vie entière est pour nous une garantie
d’administration sage, éclairée et progressive, a été accueilli par
les sympathies de tous. M. Zévort a commencé l’œuvre de notre
régénération en présidant à la transformation de notre Ecole,
M. Bourget l’achèvera en nous faisant arriver à la Faculté. Mais
le véritable moyen d’arriver à cette Faculté de Médecine, que
Marseille avec juste raison revendique, lorsque des villes moins
importantes, Nancy, Lille, Bordeaux, l’ont obtenue, est de for
tifier l’Ecole de plein exercice, de l’élever, par son enseigne
ment et son installation matérielle, à la hauteur d’une Faculté.
La municipalité Marseillaise d’une part, le Gouvernement de
l’autre, pénétrés, je le crois, de cette pensée, achèveront, il faut
l’espérer, l’œuvre déjà si bien commencée.
V
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
Un nom que tous nous avons appris à respecter et à aimer
vient tout naturellement se placer en tête de mon rapport, c’est
celui de l’ancien chef de notre Académie, auquel, par un senti
ment que vous partagez, je tiens à donner, dans cette assem
blée solennelle, un témoignage public de nos regrets et de notre
reconnaissance. M. Zévort, par son expérience, sa juste appré
ciation des hommes et des choses, son intelligente activité, a
fait de l’Ecole de Médecine ce qu’elle est aujourd’hui, son nom
Les travaux de l’Ecole durant l’année scolaire qui vient de
s’écouler ont été à la hauteur de l’importance de notre grande
cité; les cours, les conférences, les travaux pratiques n’ont rien
laissé à désirer ; la régularité la plus parfaite a présidé à tous
nos actes. Messieurs les professeurs titulaires et suppléants ont
redoublé de zèle et d’activité, les excellentes leçons faites par
eux, les travaux que la plupart ont publié dans le cours de cette
année 1 en témoignent hautement.
Aussi le nombre des inscriptions s’accroît-il d’une manière
progressive :
1 Voir à la fin du rapport la liste de ces travaux.
�En 1874-75, 618 inscriptions.
1875- 76, 673
1876- 77, 732
1877- 78, 825.
Voilà des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. 11 en résulte
qu’en quatre ans le nombre des inscriptions s’est accru de 207,
et de l’année 1877 à 1878 de 93.
Les 825 inscriptions données durant l’année scolaire 18771878 se décomposent de la manière suivante: aspirants au
doctorat, 390 inscriptions ; à l’officiat de santé, 284 ; au diplô
me de pharmacien de première classe, 28 ; à celui de pharma
cien de deuxième classe, 123.
Le chiffre des inscriptions prises par les étudiants en phar
macie s’est amoindri ; 184 pour 1876-77 ; 151 seulement pour
cette année. La différence s’explique par l’application actuelle
du nouveau règlement d’études pour la pharmacie, règlement
qui rend la scolarité beaucoup plus longue, beaucoup plus dif
ficile, par conséquent plus sérieuse. Ce résultat est excellent
sans doute, mais rendant les études plus coûteuses, il doit dimi
nuer le nombre des postulants. Le chiffre général des inscrip
tions s’étant accru, il y a donc eu cette année un plus grand
nombre d’étudiants en médecine, 126 inscriptions de plus, et
moins d’étudiants en pharmacie, 31 inscriptions de moins. Ces
différents résultats donneraient lieu de ma part à des considé
rations que je serais très heureux de vous soumettre ; la crainte
d’abuser de votre bienveillante attention me retient en ce mo
ment.
Les examens de fin d’année se résument ainsi qu’il suit:
150 étudiants étaient inscrits; 116 en médecine, 34 en phar
macie. 23 ne se sont pas présentés. La mention très-bien a été
accordée 14 fois, bien 19 fois, assez-bien 41, médiocre 29.
24 candidats ont été ajournés.
79
La session de rentrée a été tenue les 11 et 12 novembre.
41 élèves ont été examinés, 26 en médecine, 15 en pharmacie.
La mention très-bien a été accordée une fois, bien 6 fois,
assez-bien 9 fois, médiocre 11 fois. 14 étudiants ont été
ajournés.
Les deux sessions annuelles pour les examens de fin d’études
ont eu lieu au printemps et à l’automne.
La première session, présidée par M. Planchon, directeur de
l’Ecole de Pharmacie de Montpellier, a eu lieu du 29 avril au
7 mai pour les candidats au titre de pharmacien. 17 candidats
ont subi le premier examen, 13 ont été admis, 4 ajournés;
10 ont subi le deuxième examen, 6 ont été admis, 4 ajournés ;
10 ont subi le troisième, 8 ont été admis et jugés dignes du
diplôme.
Pour les officiers de santé, les examens présidés par M. Moitessier, professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier, ont
eu lieu les 13 et 14 mai. 5 candidats se sont présentés, 2 ont
été ajournés au premier examen ; les 3 candidats reçus ont été
admis au deuxième ; au troisième examen, 2 seulement ont ob
tenu le diplôme.
Les pharmaciens reçus ont eu les notes suivantes : 1 trèsbien ; 2 bien\ 8 assez-bien ; 16 médiocre.
Pour les officiers de santé, la mention assez-bien a été accor
dée deux fois, la mention médiocre six fois.
Un candidat s’est présenté pour l’obtention du diplôme
d’herboriste, il a été reçu.
Deux sages-femmes ont aussi été admises dans cette session.
La deuxième session pour les officiers de santé et les sagesfemmes, a eu lieu du 15 au 17 octobre, sous la présidence de
M. Fonssagrives, professeur à la Faculté de Médecine de Mont
pellier. Il y avait 14 candidats inscrits pour l’official de santé;
10 au premier examen, il y a eu 2 ajournés ; 8 au deuxième,
�ils ont été admis ; 9 au troisième, 8 candidats ont obtenu le
diplôme.
La mention très-bien a été accordée 2 fois ; bien 6 fois ;
assez-bien 8 fois ; médiocre 8 fois.
Trois sages-femmes se sont présentées ; elles ont été admises
avec des notes satisfaisantes.
Les examens des pharmaciens, dans cette seconde session,
ont commencé le 6 novembre, sous la présidence de M. Planchon, et ont été terminés le 14. Il y avait 19 candidats; 8 au
premier examen, tous ont été admis ; 8 au deuxième, il y a eu
2 ajournés; 10 au troisième examen, ils ont tous obtenu le
diplôme.
Les notes obtenues ont été les suivantes : 1 très-bien',
7 bien ; 0 assez-bien ; 10 médiocre.
Trois candidats pour le titre d’herboriste se sont présentés,
ils ont été admis avec les notes très-bien, bien et assez-bien.
Dans mes précédents rapports, j’ai eu l’honneur de vous
faire apprécier les améliorations successives réalisées par l’Ecole,
tant au point de vue matériel qu’au point de vue intellectuel.
Je me contente de vous rappeler actuellement ces divers labora
toires installés, soit pour les travaux micrographiques et phy
siologiques, soit pour les travaux chimiques ; la consultation
publique pour les maladies des yeux, véritable clinique ophtal
mologique qui fonctionne régulièrement ; enfin ce groupe com
pacte de jeunes professeurs suppléants pleins de savoir, de ta
lents et d’activité, riche pépinière pour l’avenir.
Cette année a vu se convertir en véritables réalités ce qui,
l’an dernier, n’existait encore qu’avec le charme quelquefois
décevant de l’espérance.
Je veux parler d’abord de la clinique d’accouchements, au
jourd’hui parfaitement installée dans son élégant pavillon de
— SI —
l’hôpital de la Conception, avec son arsenal chirurgical complet
et un personnel qui ne laisse rien à désirer. Trente-trois accou
chements ont eu lieu dans le dernier trimestre de l’année
scolaire, du 1er juin au 1er septembre, trente naturels, trois la
borieux. Les élèves arrivés à leur dernière année d’études ont,
sous la direction des chefs de service, assisté à ces accouche
ments par séries de sept ; ils ont pu ainsi largement profiler des
leçons fournies par la nature prise sur le fait. Par le fonction
nement de la clinique obstétricale, l’Ecole de plein exercice a
comblé une des lacunes les plus importantes de l’enseignement
médical à Marseille. Grâces en soient rendues à l’Administration
Municipale et à la Commission administrative des Hospices I
Je veux parler ensuite de la clinique des maladies mentales,
ouverte dans notre grand asile Saint-Pierre, non seulement aux
étudiants en médecine, mais aux médecins et aux légistes. Nous
devons cet important résultat à la bienveillante et active inter
vention de M. le Préfet et à l’intelligente libéralité de M. le Di
recteur de l’Asile. Que M. le Préfet d’abord, que l’honorable
Directeur ensuite veuillent bien en recevoir nos remercîments
empressés I Je ne saurais oublier dans cette circonstance nos
très distingués collègues, les médecins de l’établissement, M. le
docteur Lagardelle entre autres, qui, ayant inauguré la clini
que, s’est acquitté de sa tâche de clinicien en praticien con
sommé.
J ’ai encore à signaler la construction d’un laboratoire parti
culier pour M. le Professeur d’anatomie; ce cabinet dont l’édi
fication rentrait dans un plan d’agrandissement de notre insti
tut anatomique, était d’une nécessité absolue. Aussi, ne voulant
pas, après tous les sacrifices que la ville s’est si généreusement
imposés pour nous, surcharger de nouveau pour le moment son
budget, l'Ecole a-t-elle cherché, par quelques économies, sans
qu’aucun service ait eu à en souffrir, à combler cette ancienne
6
�— 82 —
lacune, ce qui était bien dû à M. le professeur d’anatomie.
C’est ainsi que progressivement nous sommes arrivés à voir
tous les services régulièrement constitués et à peu près fournis
du nécessaire ; ce sera ainsi que peu à peu nous les verrons
tous richement dotés, car notre Administration Municipale ne
nous fera certainement jamais défaut toutes les fois qu’il s’agira
de dépenses utiles à l’enseignement.
En somme, l’Ecole possède vingt-cinq chaires, dont dix-sept
occupées par les professeurs titulaires, huit par les suppléants
dont le nombre s’est complété cette année, à la suite de fort
beaux et fort intéressants concours, par la nomination de
M. Pauchon, pour la section des sciences physico-chimiques, et
par celle de M. Laget pour la section de médecine. Que ces deux
distingués collègues veuillent bien recevoir publiquement nos
félicitations et l’assurance de la satisfaction que nous avons
éprouvée à les voir arriver au milieu de nous 1
Nos auxiliaires de l’enseignement se sont aussi complétés au
mois de juillet par le concours pour une place d’aide d’anatomie
et de physiologie. Nos compliments les plus sincères à M. Alezais qui a obtenu la place contre un concurrent de mérite,
M. Cousin, dont les épreuves ont été aussi très-bonnes. Ces
deux élèves font grand honneur à l’Ecole.
Quant à son installation matérielle, l’Ecole de plein exercice
possède, dans des locaux très convenables, trois amphithéâtres
pour ses cours, plus quatre autres soit à l’Hotel-Dieu, soit à
l’hôpital de la Conception pour ses cliniques; un établissement
anatomique suffisant pour le moment ; un arsenal chirurgical ;
des collections de chimie, de matière médicale et d’histoire na
turelle; une bibliothèque de 4,000 volumes avec salle d’études;
un muséum d’anatomie normale et pathologique ; un labora
toire d’histologie et de micrographie ; un laboratoire de phy-
— 83 —
siologie ; deux beaux laboratoires pour les travaux pratiques
de chimie, avec cabinet de travail pour les professeurs et dé
pendances ; une belle salle de conseil qui sert, comme les salles
de cours, aux différents actes publics ; un jardin botanique con
tenant de 800 à 1000 plantes médicinales, 90 familles environ;
cinq belles cliniques, deux médicales, deux chirurgicales et
celle d’accouchements, avec leurs cabinets de travail pour les
professeurs et les chefs de clinique ; elle dispose aussi, comme
je l’ai déjà indiqué, d’un des plus beaux asiles d’aliénés de
France, où une clinique spéciale est instituée.
Avec encore un certain nombre d’instruments, soit pour les
collections, soit pour les laboratoires ; avec une salle spéciale
pour les enfants disséminés dans nos cliniques ; une pour les
malades atteints d’affections oculaires; lacunes que déjà je signa
lais l’an dernier, notre installation ne laisserait à peu près rien
à désirer. Espérons que, par une entente entre la Ville et l’Ad
ministration des Hôpitaux, ces désidérata pourront être pro
chainement remplis !
En somme, en un temps relativement fort court, l’Ecole de
Marseille avait conquis une situation des plus satisfaisantes qui
tendait, ainsi que je le faisais observer dans mon dernier rap
port, à s’améliorer encore par le fait des déterminations prises
en Conseil supérieur de l’Instruction publique au mois de juin
de l’année dernière.
Pourquoi le malencontreux décret du 30 juin de cette année
est-il venu remettre tout en question, non seulement la marche
rapidement croissante de nos succès, mais notre existence
même ?
En effet, dans sa session du mois de juin 1877, sur la propo
sition du Comité consultatif de l’Instruction publique, le Con
seil supérieur décidait que, par le nouveau règlement, les deux
premiers examens du doctorat devant être subis durant le cours
�84 —
des études, les écoles de plein exercice (il n’y en a que deux en
France), seraient autorisées à permettre aux étudiants de passer
ces deux examens au siège de l’Ecole devant un jury présidé
par un professeur de Faculté.
Si le Conseil d’Etat n’y avait fait opposition, le décret du 20
juin promulgué dans ce sens nous aurait donné une situation
tout-à-fait en rapport avec l’importance de notre enseignement,
il en serait incontestablement résulté une nouvelle augmenta
tion dans le chiffre de nos inscriptions, tandis que le décret tel
qu’il a été définitivement libellé va forcément paralyser tous
nos efforts. La modification introduite par le nouveau règle
ment Tlans l’époque des examens et la nécessité pour les élèves
d’aller subir les deux premiers durant le cours de leurs études
devant une Faculté, les y retiendra comme l’indique de la ma
nière la plus évidente la lettre que j’ai eu l’honneur, au nom de
l’Ecole, de remettre le 5 août à M. le Ministre de l’Instruction
publique. La bienveillance avec laquelle M. Bnrdoux a bien
voulu accueillir nos doléances, la promesse que M. le Ministre
nous a faite de présenter de nouveau la question au Conseil su
périeur de l’Instruction publique, puis au Conseil d’Etat, me
donnent lieu d’espérer que, ce dernier corps, après une nou
velle étude, comprendra que, puisque les écoles de plein exer
cice ont été instituées, il ne faut pas, d’un trait de plume, leur
, enlever les moyens de vivre et de prospérer.
La Municipalité Marseillaise, à laquelle en principe nous de
vons tous nos progrès , nous a appuyés très énergiquement au
près de M. le Ministre ; le Conseil Général des Bouches-duRhône, sur l’initiative de l’honorable M. Delibes, et après un
rapport favorable de M. Mathei, a émis le vœu que ce décret du
20 juin fût modifié dans le sens indiqué dans notre lettre ou
que notre Ecole fût transformée en Faculté ; nos députés des
Bouches-du-Rhône veulent bien aussi nous seconder de leurs
efforts ; M. le Préfet est entièrement sympathique à notre
cause ; M. le Recteur nous défend et nous soutient de toute son
influence universitaire ; espérons !
Depuis quelques années, j’ai eu l’honneur bien des fois de
vous entretenir de nos besoins, de nos vœux et de nos espéran
ces légitimes. Tous ces vœux se sont graduellement réalisés ;
pourquoi notre espérance de ce jour ne suivrait-elle pas l’heu
reux sort de ses ainées ?
Disons donc, contrairement à cette interpellation fameuse du
grand poète Florentin, au lieu du terrible lasciate :
Conservate speranza !
LISTE
DES TRAVAUX PUBLIÉS PAR LE PERSONNEL DE L’ECOLE
PENDANT L’ANNÉE SCOLAIRE
1877-1878
M. R am pal , professeur d’anatomie. — Compte-rendu des travaux du
Conseil d’hygiène du département. (Médaille d’argent, ministère de
l’Agriculture et du Commerce.)
M. Fabre, professeur de clinique médicale (2me chaire). — Les insuf
fisances relatives de la mitrale. — La phthisie capsulaire (archives de
médecine). — Les phénomènes cardiaques dans l’ictère. — La myocar
dite palustre et la myocardite puerpérale. — Les oliguries (Gazette des
Hôpitaux). — Du rôle prépondérant du rétrécissement de l’artère pul
monaire dans la pathogénie et la semeïolique des affections congénitales
du cœur (Marseille médical).
.
�-
86
-
M. Bertulus, professeur de pathologie interne. — De quelques scien
ces oubliées dans nos écoles.
M. Seux fils, professeur d’hygiène et médecine légale. — Divers arti
cles sur Y Hérédité parus dans XHygiène de l'Enfance. — mémoire
(imprimé en 1878) sur la Pleurésie rhumatismale. Paris, Baillière,
éditeur.
M. P irondi, professeur de pathologie externe. — Précis théorique et
pratique des maladies des voies urinaires, avec la collaboration de M. le
docteur Panchon, professeur suppléant des chaires de sciences natu
relles
M. Villeneuve, père, professeur de gynécologie. — Des inconvénients
et des avantages de la méthode numérique en obstétrique et surtout au
point de vue de l’opération césarienne (Marseille médical).
—
87
—
propriétés de la caféine ; extractiou, dosage delà pipérine dans les diffé
rents poivres du commerce
En collaborationavec le docteur P. Cazeneuve.
M. Laget, professeur suppléant des chaires de médecine. — Contribu
tion à l’étude de l’exostose sous-unguéale avec la collaboration du doc
teur Richaud (Marseille médical).
M. D ugoot-Bally, chef de clinique chirurgicale (1re chaire). —
Observation de localisation cérébrale (Marseille médical).
Compte-rendu des Sociétés savantes [Marseille médical).
M. Bousquet, chef de clinique obstétricale. — Analyse de l’ouvrage
de M. le docteur Martineau sur les maladies des femmes.
M F allût, chef de clinique médicale (1re chaire). — Observation de
maladie bronzée, publiée dans le compte-rendu de la Société Médicale
des Hôpitaux de Paris.
Observation de Cyanose (Marseille médical). Leçon du professeur Gi
rard sur la phthisie (Marseille médical).
M. Garcin, chef de clinique médicale (2œ# chaire). — Myélite aiguë
centrale généralisée, avec planches [Marseille médical, 1878).
Lésions du cœur droit dans la phthisie (Marseille médical, 1878).—
Communications diverses à la Société de Médecine.
�—
88
PRIX
D é c e r n é s aux. É l è v e s d© l ' É c o l e de M .éd ecin e
e t d© P h a r m a c i e de M a r s e i l l e
Année scolaire 1877-1878
ÉLÈVES EN MÉDECINE
3me Année
Pas de premier Prix.
2rae Prix : M. Cousin.
Mention honorable : M. Alezais,
2me Année
1er Prix : M. Giraud Fernand.
2me Prix ex œquo : MM. Grenier et Roux.
Mention honorable : M. Folacci.
Ve Année
1er Prix : M. Reynal.
2mc Prix : M. Bidon.
Mention honorable ex œquo : MM. Boy et Santelli.
ÉLÈVES EN PHARMACIE
2me Année
1er Prix : M. Si van.
2mc Prix : M. Nicolas.
Mention honorable : M. Cabasse.
/ re Année
Pas de Prix.
Mention honorable : M. de Rocca Serra.
PRIX DES TRAVAUX PRATIQUES OBLIGATOIRES POUR TOUS
LES ÉLÈVES EN PHARMACIE
2me Année
1er Prix : M. Ripert.
2mc Prix : M. Cabasse.
Mention honorable ex œquo : MM. Nicolas et Waton.
yre Année
1er Prix : M. Guiderdoni.
2010 Prix : M. Arnulphy.
Mention honorable ex œquo : MM. Blanchet et Laurent.
�-
RAPPORT DE M. RRY
PROFESSEUR
A LA F A C U L T É
DE
DROIT
Sur les Concours de l’année scolaire 1877-JS78
Monsieur
le
R ec teu r ,
Messieurs ,
La Faculté de Droit est heureuse de présenter chaque année,
dans cette solennité académique, les vainqueurs des concours
annuels auxquels sont conviés les étudiants. Elle découvre, dans
ces premières luttes du travail, des. indices certains d’énergie
morale et d’activité intellectuelle, et c’est avec une pure joie et
un véritable orgueil maternel qu’elle montre ses brillants élèves
comme son trésor le plus précieux et son bien le plus cher.
Dans cette ville surtout, vouée par le prestige des souvenirs et
91
—
le bienfait de ses institutions présentes au culte de la science et
des lettres, il est peu de fêtes qui puissent y tenir une place
aussi importante que celles du travail, avec leurs joies et leurs
espérances. Cette année, vous allez pouvoir en juger vousmêmes, la plupart des concours ont donné d’heureux résultats :
le nombre et la qualité des travaux ont doucement récompensé
les professeurs des labeurs de leur enseignement.
Le sujet réservé par le sort aux élèves de première année
était séduisant par l’importance des principes et la variété des
matières qu’il présentait à l’esprit : De l’influence des condam
nations pénales sur la capacité civile des condamnés. Mais
il devait offrir des difficultés à de jeunes débutants, peu habi
tués encore à mettre en relief les principes dominant tout un
sujet pour en tirer toutes les conséquences et toutes les appli
cations. Cependant, treize volontaires ont pris part au concours,
et si je ne puis, il est vrai, signaler l’une de ces compositions
où la pensée ferme, toujours exacte, exprimée avec élégance,
accuse un talent déjà formé, je constate, dans la plupart, des
principes bien mis en lumière, des détails souvent bien analysés,
et une juste appréciation de la loi.
La Faculté décerne sans hésiter le premier prix à M. Henri
Segond, dont l’œuvre se distingue entre toutes par l’exactitude
des développements et la sobre facilité du style. Les aperçus
philosophiques, les raisons puissantes de justice et de morale
qui ont fait disparaître la mort civile, les progrès réalisés par
des lois récentes sont exposés avec netteté et dans un langage
toujours correct. Sans doute, quelques points sont traités sans
profondeur, la pensée de l’auteur hésite en certains endroits ;
mais ces quelques taches ne peuvent effacer les brillantes qua
lités qui placent ce travail au premier rang.
Les deux compositions qui viennent en seconde ligne et
obtiennent un deuxième prix ex œquo, se recommandaient au
�suffrages de la Commission par des mérites divers. L’une, qui
est l’œuvre de M. Raoul Ti uchy, séduit tout d’abord par une
merveilleuse abondance de détails ; les explications sont même
plus complètes et plus nourries que dans la première, et elle
eût obtenu un rang plus élevé sans une grave erreur répétée à
plusieurs fois différentes. L’autre est supérieure à la précédente
par l’exactitude des principes, par le choix et la précision des
formules générales ; mais les lacunes sont nombreuses, et l’on
remarque une grande sécheresse dans les développements.
L’auteur de ce travail, estimable, malgré ces quelques défauts,
M. Maurice Boissier, obtient également un second prix.
Au troisième rang se place une composition qui offre, à côté
de détails parfois inexacts, des connaissances étendues sur des
points délicats, des discussions vives, un style élégant, des aper
çus dans lesquels se révèle une originalité toujours heureuse.
C’est un élève de la Mission Egyptienne, M. Abdul-Azis-Kahil,
qui montre, dès son début, ces précieuses qualités, et, en le
voyant déjà si bien habitué aux difficultés de la langue juridi
que, on peut espérer qu’il continuera dans notre école les glo
rieuses traditious que nous ont laissées la plupart de ses devan
ciers. La première mention que lui décerne la Faculté est donc
un encouragement pour l’avenir et une promesse de nouveau
succès.
Une deuxième mention ex œquo est accordée à MM. Joseph
Reverdin et Eugène Fabre; dont les compositions ne sont pas
sans mérite, mais sont loin d’être aussi complètes et aussi exactes
que les précédentes.
Les étudiants de seconde année avaient à traiter des droits
de l’enfant naturel sur la succession de scs père et mère. Le
sujet était intéressant et pouvait donner lieu à l’examen de
questions vivement discutées. Montrer, en effet, comment les
rédacteurs du Code Civil avaient su, par une sage transaction,
- 93 se garder en celte matière de lu l igueur excessive du droit an
cien, et mettre à la fois un terme à la scandaleuse indulgence
de la législation intermédiaire, pour protéger l’honneur du ma
riage, les intérêts sacrés de la famille et de l’ordre social ;
exposer la nature des droits accordés aujourd’hui aux enfants
naturels, leur quotité, leur limite, tel était le cadre du sujet qui
s’imposait à l’étude des concurrents.
Onze dissertations nous ont été remises. Celle qui mérite le
premier rang est remarquable par l’érudition dont l’auteur fait
preuve, par la richesse des développements, par la clarté dans
toutes les discussions. On voit dans ce travail intelligent et sé
rieux, un esprit habitué à réfléchir, dont les conceptions sont
nettes, dont les idées aiment à s’enchaîner logiquement. La
Faculté est heureuse de pouvoir adresser de tels éloges à l’un de
ses élèves les plus laborieux et de décerner le premier prix à
M. Gaston Martineau des Chenetz. Il avait déjà l’année dernière
obtenu un premier prix ex œquo; cette année il a voulu, en
vrai fils de soldat, devancer tous ses rivaux et conquérir seul
l’honneur du premier rang.
Des détails moins complets ont tout de suite marqué l’infé
riorité des deux compositions auxquelles la Faculté décerne le
deuxième prix ex œquo. Elles sont l’œuvre de MM. Ludovic
Vernhette et Hippolyle Lottier. Le premier aborde l’étude de
notre législation actuelle sans rien dire des lois antérieures ;
mais son travail révèle un goût prononcé pour l’ordre et la lo
gique; sa rédaction se distingue par une grande précision. Le
second touche à plus de choses, mais n’approfondit pas toutes
les questions qu’il indique.
Les mêmes défauts plus accusés encore ont fait mettre au
troisième rang une dissertation qui a d’excellentes parties et
qui vaut à son auteur, M. Frédéric Jeanselme, une première
mention honorable. !1 eût même disputé le second prix s’il eût
�94 —
mieux connu les controverses qui divisent la doctrine sur la
quotité des droits accordés aux enfants naturels.
Une deuxième mention honorable est décernée à M. Paul
Barbaroux, pour un travail beaucoup moins complet que les
précédents, mais qui dénote une connaissance suffisante des
principes.
Nous arrivons, Messieurs, au concours de troisième année.
Là, nous allons trouver des concurrents moins nombreux, car
la lice n’est ouverte qu’à ceux qui ont obtenu majorité de blan
ches dans tous leurs examens. Deux candidats seulement ont
pris part au concours de Droit romain, six au concours de
Droit français. Nous pourrions nous consoler de voir peu de
concurrents, si la valeur des travaux compensait avec honneur
le défaut du nombre. Mais il n’en est pas toujours ainsi. La
préoccupation des derniers examens empêche parfois la prépa
ration sérieuse aux luttes volontaires. Le concours de Droit
romain surtout est le plus souvent d’une faiblesse remarquable,
grâce à une circonstance fâcheuse déjà signalée bien des fois et
à laquelle on n’a pas encore songé à remédier. L’étude du
Droit français absorbe tout le temps des élèves de troisième
année, et le Droit romain, laissé dans l’oubli depuis plusieurs
mois, n’a pas sans doute, malgré toute son importance et le
respect dû à cette législation mère de toutes les autres, présenté
assez de charmes à nos jeunes élèves pour imprimer dans leur
esprit de doux et durables souvenirs.
Le sujet que devaient traiter les concurrents était ainsi conçu:
Des sources, de la nature et des effets de Vobligation corréale
et de l'obligation in solidum. Il n’était pas, je dois en couvenir, sans difficultés, et pour les aplanir il aurait fallu avoir
présents à l’esprit les pr incipes les plus importants de la théorie
des obligations. La Faculté ne peut, cette année encore, décer
ner qu’une seule mention honorable. C’est M. Mohamed Magdi,
95
élève de la Missien égyptienne, qui obtient cette distinction, et
permet ainsi au Droit romain de ne pas rester inaperçu^En lui
décernant cette mention, nous avons voulu surtout récompenser
en M. Magdi son ardeur au travail et la vive intelligence dont il a
fait preuve dans les examens qu’il a toujours passés avec succès.
Vous voyez, Messieurs, que notre jeune colonie Egyptienne
tient une place honorable dans notre Faculté, et que la plupart
de ses membres ont un rang marqué parmi nos meilleurs élèves
auxquels ils disputent les palmes de nos concours. Glorieuse et
pacifique conquête du travail, que la France verra toujours
sans regret, puisqu’avec le souvenir de ces douces victoires,
ceux qui auront un jour combattu à côté de ses enfants, garde
ront, je l’espère, le culte de son droit et les lumières de sa
justice f
Le concours de Droit français a donné des résultats plus
heureux. Les candidats devaient étudier les pouvoirs du mari
comme administrateur de la communauté. M. Gaston Fabre,
dont la composition complète et bien distribuée indique un
esprit judicieux et maître de son sujet, obtient le premier prix.
Il est suivi de très-près par M. Michel Milhaud, qui l’eût em
porté sur son concurrent par lo netteté du plan et l’élégance de
la forme, s’il n’eût pas laissé dans l’ombre quelques détails im
portants.
Une première mention est attribuée avec Je troisième rang à
la composition de M. Henri Fontaine. Elle est moins complète
que la précédente, et les incorrections juridiques de pensée et
de langage sont nombreuses.
Une deuxième mention est accordée au travail de M. JeanBaptiste Philip. De l’ordre, une forme assez bonne, un exposé
suffisant des règles principales, telles sont les qualités qui re
commandaient celte œuvre aux suffrages de la Commission.
�96
Ma tache, Messieurs, serait terminée, si je n’avais à vous
parler d’un concours plus élevé et plus important que tous les
autres, du concours de Doctorat, pour lequel je réclame quel
ques instants encore votre bienveillante attention. 11 ne s’agit
plus, comme dans les concours de licence, d’une improvisation
faite en six heures, il s’agit d’un véritable ouvrage auquel plu
sieurs mois doivent être sacrifiés. Peu de jeunes docteurs se
sentent le courage ou la force d’entreprendre un tel travail, et
d’aspirer à une victoire si glorieuse, mais si chèrement achetée.
Ils craignent peut-être de perdre un temps précieux dans la mé
ditation approfondie d’une seule question, sans penser que
l’étude du Droit n’a point pour but de surcharger la mémoire
des nombreuses dispositions de nos lois, mais d’exercer la saga
cité de l’esprit, en lui permettant de pénétrer toutes les dispo
sitions qui se présentent et d’entrevoir les conséquences les
plus lointaines d’une règle ou d’un système. Et, à ce point de
vue. l’étude consciencieuse et réfléchie d’un sujet spécial, que
l’on creuse avec son propre jugement, est plus utile que de
longues lectures sur l’ensemble du Droit. On peut appliquer au
travailleur qui n’a pas reculé devant l’importance d’une telle
tâche cette heureuse expression de Montaigne : S’il n’a pas
meublé son intelligence, il l’aura forgée.
Parmi les sujets proposés par la Faculté, le choix du Ministre
s’était porté sur la compétence des tribunaux français à
l'égard des étrangers et des Français résidant à l'étranger.
11 était difficile de trouver un sujet plus attachant que celui-ci,
où la science et l’intérêt pratique fussent à la fois réunis avec
une égale importance. Le Droit des gens, le Droit civil et com
mercial et le Droit criminel s’y rencontrent et y combinent leurs
principes. L’histoire y jette sa lumière, la politique y fait par
fois éclater sa passion, la critique législative et les considérations
morales y trouvent de vastes horizons. Si, comme on l’a dit, les
97 —
lois d’une nation relatives aux étrangers constituent la mesure
de sa civilisation, on comprendra tout l’attrait que pouvait pré
senter une telle étude à un esprit avide de s’instruire. Il pou
vait suivre, à travers toutes les époques, depuis le Droit romain,
les Législations barbares et le Droit féodal jusqu’au seuil de
notre Législation moderne, et aujourd’hui même, au milieu des
réformes judiciaires, l’idée qui a dominé cette matière, suivant
les passions et les intérêts des peuples.
Deux mémoires nous ont été remis ; l’un d’eux seulement a
été jugé digne d’être couronné. Celui que la Faculté a dû re
jeter n’était pourtant pas l’œuvre d’un esprit médiocre et sans
valeur. On admirait en lui la richesse des aperçus historiques,
une discussion pleine de vie et de mouvement sur les nom
breuses décisions de la Jurisprudence, une étude intéressante
des juridictions étrangères; la forme bien que négligée en cer
tains endroits était souvent correcte, élégante même, et soute
nait l’attention. Mais toutes ces qualités devaient disparaître
devant un défaut capital qui saisissait dès le début; le plan gé
néral ne répondait pas à la question posée, l’auteur n’avait pas
étudié la compétence de nos Tribunaux à l’égard des Français
résidant à l’étranger, et laissait dans^l’ombre, avec d’importants
articles de notre Code civil, toute une partie du sujet. Ce pre
mier essai du candidat, dont je ne puis proclamer le nom, nous
donne des espérances fondées pour un prochain concours, et la
Faculté espère qu’il voudra lui procurer le plaisir d’admirer de
nouveau des qualités précieuses que l’expérience et le travail
auront encore développées.
Le mémoire qui a seul conquis nos suffrages porte pour de
vise cette pensée de Sappey : « Qu’est-ce qu’un étranger? Le
Grec orgueilleux vous dira, c’est un barbare; le Romain con
quérant, c’est un ennemi ; le chrétien seul, c’est un frère I »
L’auteur développe dans cette composition qui a près de cinq
7
�<)8 —
cents pages Loules les règles du sujei avec les nombreuses ques
tions qu’elles soulèvent. L’étendue et la variété des matières ne
l’ont pas empêché de vaincre les difficultés d’une distribution
méthodique. Ses divisions sont fermement tracées, fidèlement
suivies et révèlent la netteté de l’esprit qui les formule. Il exa
mine tout d’abord la compétence des Tribunaux français à
l’égard des étrangers, et l’on remarque dans les développements
une grande abondance ; les difficultés que fait naître l’explica
tion de nos lois civiles et pénales sont étudiées à fond, et, afin
d’éclaircir cette analyse minutieuse, l’auteur a soin de placer
au début des différentes parties de son œuvre une rapide syn
thèse indiquant les principes généraux qui prêtent aux textes
leur lumière, et aux considérations de mérite législatif leur
fondement. Dans sa seconde partie, après avoir étudié la com
pétence de nos Tribunaux à l’égard des Français résidant à
l’étranger, il expose, sans oublier des réformes récentes, les lois
et traités relatifs à la juridiction dans les Echelles du Levant et
de Barbarie, et dans l’extrême Orient. Cependant toutes les
précieuses qualités de ce travail ne lui confèrent pas cette vive
originalité, ce caractère personnel auquel on reconnaît un
esprit supérieur et qui seul peut aspirer à la plus haute récom
pense dont la Faculté dispose. Le style, loin d’être élégant, est
souvent incorrect et n’a pas cette précision qui donne à la langue
juridique toute sa vigueur et son énergie. Une juste impartia
lité devait tenir compte des qualités et des défauts ; mais en face
des connaissances variées, de l’érudition féconde que l’auteur a
montrée, en voyant tout le fond de cet ouvrage, solidement
établi sur les principes, riche en questions discutées et fouillées,
et en détails pleins d’intérêt, la Faculté a voulu récompenser
dignement ce mémoire, en décernant à son auteur, M. Auguste
Lanala, la deuxième médaille d’or du doctorat.
— 99 —
J ’ai épuisé, Messieurs, la liste de nos lauréats et accompli la
double mission de décerner à chacun d’eux, au nom de la
Faculté, les éloges que méritaient leurs combats et leurs vic
toires. Jeunes gens, vainqueurs de nos concours, vous puiserez
dans ces premiers triomphes le courage nécessaire pour affron
ter des luttes plus difficiles et aspirer à de nouvelles gloires; et
ceux qui ont dédaigné jusqu’ici les palmes noblement conquises
par un effort persévérant voudront suivre votre exemple et
goûter bientôt par eux-mêmes les douces émotions que font
éprouver les récompenses du travail et le sentiment du devoir
accompli. N’oubliez pas que la science du Droit est à la fois une
culture pour l’esprit, et pour les consciences une lumière. Elle
donne avec les leçons de l’histoire et les fruits de l’expérience,
un jugement sûr, une raison droite, et un esprit de justice et
d’équité qui vous seront nécessaires le jour où vous viendrez
prendre votre part des affaires sociales. Mais pour acquérir ces
qualités et atteindre ce but, il ne faut pas puiser la science dans
les livres qui la déshonorent, et profiter de ce système déplo
rable de dispenses d’assiduité, en face duquel il n’est pas en
France un Professeur qui ne se sente impuissant et découragé.
Ce système donne le droit de passer des examens sans avoir
étudié ; et le diplôme, arraché enfin à notre lassitude, ouvre les
fonctions publiques à des hommes qui ne peuvent y apporter le
plus souvent que les tristes faiblesses de leur incapacité. Tout
en préparant les voies de la pratique, l’enseignement des maî
tres tient l’esprit dans la région supérieure des principes, in
dispensables à la vie d’un peuple, et qui sont pour lui les vraies
sources de sa grandeur morale et de sa prospérité.
Je vous conjure donc, au nom de vos intérêts les plus chers,
de contracter dès maintenant les salutaires habitudes du travail,
et de vous préparer pour cette année des succès glorieux par
vos efforts et votre persévérance. Plus tard, quand vous aurez
�100
obtenu dans les carrières ouvertes à votre activité la satisfaction
de vos espérances, vous reporterez vos pensées vers cette école,
et vous trouverez avec bonheur, dans les modestes couronnes
de votre jeunesse laborieuse, de nobles et touchants souvenirs.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1879-1880.pdf
fc0ae2dc1e882588f22e0f4dd4f0c2e1
PDF Text
Text
ACADÉMIE
D ’A I X
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET
DES L E T T R E S
1879-1880
ET
DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
A I X
VEUVE REM ONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU, 53
1879
�ACADÉMIE
D ’A I X
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET
DES L E T T R E S
ET
DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
A I X
VEUVE REM ONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU, 53
1879
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE TH ÉO LO G IE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
e t de l ' é c ole de i>l e in e x e r c ic e
DE
MÉDECINE
ET
DE
PHARMACI E
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théo
logie, de Droit et des Lettres d’Aix, de la Faculté des
Sciences et de l’École de plein exercice de Médecine et
de Pharmacie de Marseille, a eu lieu cette année à Mar
seille, le mercredi 26 novembre, dans le grand amphi
théâtre de la Faculté des Sciences, sous la présidence
de'M. Bourget, Recteur de l’Académie.
A onze heures du matin, M. le Recteur, MM. les Ins
pecteurs d’Académie du ressort et MM. les professeurs
des Facultés et de l’École de Médecine assistaient h. la
messe du Saint-Esprit qui a été célébrée à l’Église SaintVincent-de-Paul.
A deux heures, la séance de rentrée était ouverte.
M. le Recteur a fait son entrée dans la salle, et a été salué
�6
par les applaudissements de l’Assemblée toute entière.
M. le Préfet du département, qui naguère était, un des
plus brillants professeurs de la Faculté de Droit de Tou
louse, occupait la première place d ’honneur en face de
M. le Recteur et témoignait par sa présence de l’intérêt
DISCOURS DE M. BOURGET
qu’il porte k l’Université.
RECTEUR DE I. ACADÉMIE
On remarquait dans la salle, assis à ses côtés, M. Ramagny, Maire de Marseille, M. le Sous-Préfet d’Aix,
MM. Hugueny, Castillon, de Clalpier, Delibes, membres
du Conseil Général, M. le Procureur de la République,
M. le Proviseur du Lycée, plusieurs m embres du Conseil
Municipal, et un grand nombre de notabilités de la ville
de Marseille.
M es sieu rs
les
pr o fe s s e u r s ,
M. le Recteur a pris la parole ; son discours, fréquem
ment applaudi, a été suivi d'un discours de rentrée pro
noncée par M. Caillol, professeur de plein exercice de
Médecine et de Pharmacie.
M. Edouard Jourdan, professeur k la Faculté de Droit,
a ensuite rendu compte des Concours ouverts entre les
Étudiants en Droit. M. le docteur Chapplain, professeur
k l’École de Médecine, a fait un rapport sur les travaux et
les Concours entre les Étudiants de cette École.
La séance a été levée a i heures.
C’est un devoir et en même temps un honneur pour moi,
de faire périodiquement, à pareille époque, l’histoire abrégée
des travaux de l’enseignement supérieur de l’Académie, pen
dant l’année. Je m’acquitte de celle tâche avec un plaisir
véritable.
Quoique attaché aux fonctions administratives, qui absor
bent la plus grande partie de ma vie, je suis toujours avec le
plus vif intérêt les progrès des sciences, dont l’élude a fait
longtemps mon bonheur, et le Recteur regrette souvent les
longues recherches de cabinet, les patientes expériences de
laboratoire qui occupaient jadis si agréablement les heures et
1es jours du professeur de Faculté.
�—
8
—
À défaut d’une collaboration effective dans votre fruc
tueuse activité, je me complais au spectacle de vos travaux,
de vos découvertes, des succès de vos leçons et aussi dans
celui des améliorations obtenues ou projetées par votre solli
citude et celle de mon administration.
Pussé-je dans le tracé rapide de votre satisfaisante situation
et des projets importants que nous méditons ensemble pour
l’avenir, intéresser aussi l’auditoire qui m’environne et qui,
par son empressement à assister à celle fête universitaire,
se montre si sympathique aux progrès de l’enseignement
supérieur en France.
Me s s i e u r s ,
L’Académie d'Aix a eu cette année la bonne fortune de
recevoir la visite de M le Ministre de l’instruction publique,
accompagné de l’éminent Directeur de l’enseignement supé
rieur, M. Albert Dumont. En parcourant les régions méri
dionales de la France, M. Jules Ferry a pu juger de la juste
popularité qu’il s’est acquise par un projet de loi dont le
but est uniquement d’empêcher que l’éducation de la jeu
nesse soit aux mains des ennemis déclarés de nos insti
tutions. Les ovations spontanées, qui l'ont accueilli partout,
lui ont montré qu’il avait soulevé une question vitale, dont
la prompte solution préoccupe tous ceux que leur patriotisme
intéresse à la stabilité et à la durée de la République.
Mais ce n’était pas les ovations qu’il cherchait. Il voulait
voir par lui-même les établissements d’instruction publique,
s’enquérir de leur état, de leurs besoins et il tenait particu
lièrement à connaître eu détail la situation désétablissements
consacrés à l’enseignement supérieur.
— 9
Cette visite nous a procuré des avantages très sérieux.
Grâce au bon vouloir des municipalités d’Aix et de Marseille,
grâce au instances de MM. les doyens, des questions pen
dantes depuis longtemps ont été résolues.
Faculté de Droit.
La Faculté de Droit a particulièrement attiré l’attention de
M. le Ministre. Il a jugé comme nous qu’il était nécessaire de
réparer les amphithéâtres actuels, d’en créer de nouveaux,
et il a accordé à la ville d’Aix une somme de 25,000 fr. pour
contribuer aux améliorations matérielles projetées.
Cette somme servira aussi à fonder, dans les bâtiments de
l’Ecole de Droit, une bibliothèque universitaire renfermant
les livres des trois Facultés, sous la responsabilité et la sur
veillance d’un bibliothécaire spécial. Les professeurs seront
désormais certains de voir leurs collections classées, conser
vées, entretenues et préservées des perles inévitables qu’a
mène l’absence de contrôle sur les prêts journaliers. Les
étudiants à leur tour profiteront de la nouvelle organisation,
car une salle de lecture leur sera spécialement affectée.
La sollicitude de M. le Ministre ne s’est pas bornée aux
améliorations de l’aménagement intérieur de l’École. Dési
reux de lui donner tous les éléments de travail capables
d’attirer les élèves, il a attaché au corps des professeurs un
jeune agrégé, plein d’avenir, M. Massigli, pour les suppléan
ces éventuelles et les conférences ; de plus, il s’est libérale
ment associé au conseil général, par une subvention annuelle
de 2,250 fr. pour assurer la création de trois cours complé
mentaires désirés depuis longtemps.
2
�— -H
Ces améliorations sont dues en partie aux sollicitations
réitérées de M. Caries, et je suis sûr d’élre l'interprète des
sentiments de toute la Faculté en lui adressant ici publique
ment des remerciements, et des félicitations pour l’issue
favorable de ses efforts persistants. Heureux de voir enfin
l’École de Droit dans une situation prospère et capable dé
sormais de soutenir dignement la lutte avec les écoles rivales
qui l’avoisinent, M. Caries a sollicité de M. le Ministre un
repos relatif en abandonnant les soucis de l’administration à
l’un de ses collègues. Il veut se consacrer uniquement à
l’étude. Nous espérons que les élèves auront encore longtemps
le bonheur d’écouler ses leçons animées et savantes qui ont
tant contribué à la réputation île l’Ecole d’Àix.
La Faculté reconnaissante gardera toujours le souvenir de
l’intérêt passionné que lui portait le Doyen, et de l’aménité
de son caractère dans ses rapports administratifs avec les
professeurs et les étudiants.
M. Alfred Jourdan succède à M. Caries dans le gouvernenement de l’École. Par l’autorité scientifique qui s’attache
à son nom, par l’influence qu’il exerce sur la jeunesse avide
d’écouter ses savantes leçons, il contribuera, nous n’en dou
tons pas, à accroître encore la bonne renommée de la Faculté.
Au reste, la Faculté a manifesté cette année sa vitalité par
de brillants succès. M. Edouard Jourdan a conquis une place
très honorable au concours d’agrégation, et c’est l’un de nos
étudiants les plus laborieux, M. Martineau-Deschenez, qui a
remporté le premier prix au concours général de toutes les
Facultés de Droit. Espérons que les améliorations introdui
tes dans notre enseignement rendront fréquentes ces victoires
de la jeunesse intelligente qui suit les cours de l’Ecole.
Les publications de nos professeurs montrent d’ailleurs
quelle doit être la valeur de leurs leçons; M. Laurin con
tinue son ouvrage sur le Droit maritime, dont les deux pre
miers volumes ont paru ; M. Naquela sous presse un traité
important.
Les mérites de ces travaux ne passent pas inaperçus : M. le
Ministre a conféré, il y a peu de temps, les palmes d’officier
d’académie à MM. Naquel et Gautier.
Faculté de Théologie.
Les cours de la Faculté de Théologie se font toujours avec
le même zèle et le même succès. A Marseille, en particulier,
un public nombreux se presse aux leçons de MM. Peloulier
et Ricard.
Aux recherches laborieuses qu’exigent la préparation des
cours, les professeurs ajoutent d’intéressantes publications.
M. l’abbé Bernard a créé et dirige la Semaine religieuse,
M. l’abbé Ricard a fait paraître, cette année, deux volumes
sur l'Histoire, le Symbolisme et les règles esthétiques de la
Liturgie.
Faculté des Lettres.
Quelques changements se sont opérés dans le personnel
de la Faculté des Lettres. M. Bonafous a demandé et obtenu
défaire valoir ses droits à une pension de retraite, après une
longue et laborieuse carrière. Il reste attaché à la Faculté,
qu’il a longtemps illustrée, par les litres de doyen et de pro
fesseur honoraire.
M. Reynald a remplacé M. Bonafous dans les fondions
�42 —
administratives du décanat : je n’ai pas à faire son éloge, il
est connu de vous lous par sa grande activité, par son esprit,
par ses connaissances variées et profondes.
Un jeune docteur ès-leüres, M. Lehanneur, professeur de
rhétorique au Lycée de Caen, a été appelé à la chaire de
littérature ancienne. Les brillants succès qu’il a obtenus
dans l’enseignement secondaire nous permettent d’espérer
que désormais les candidats à la licence ès-lettres trouveront
à Aix tous les éléments d’une préparation sérieuse.
Il faudrait à notre Faculté, dont le ressort étendu com
prend Nice et la Corse, un personnel plus nombreux encore.
Nous sommes en instance auprès de M. le Ministre pour ob
tenir un agrégé, capable d’alléger le service des professeurs
par sa participation aux examens et aux conférences.
Vous n’ignorez pas, en effet, Messieurs, que les professeurs
de la Faculté des Lettres ontaujourd’hui de nouvelles charges,
de nouveaux devoirs. Us n’ont pas seulement pour mission
de traiter devant un public éclairé et avide d’instruction su
périeure, des questions intéressantes prises dans le domaine
delà philosophie, de l’histoire, de la littérature ancienne et
moderne. Par une circulaire toute récente, M. le Ministre
exprime le désir que les maîtres d’études, les jeunes profes
seurs de nos Collèges et de nos Lycées trouvent à la Faculté
les ressources d’une préparation forte et régulière aux exa
mens de licence et même au concours d’agrégation. Fm con
séquence, des conférences hebdomadaires sont organisées
pour ceux qui se trouvent en contact immédiat avec les pro
fesseurs, des conférences mensuelles seront faites aux autres,
s’ils consentent à se déplacer régulièrement pour recevoir
quelques conseils, enfin des devoirs sont périodiquement en
voyés et corrigés, pour ceux qui sont dans l’impossibilité
d’assister aux conférences mensuelles.
Ce surcroît de travail exige évidemment un accroissement
correspondant du personnel de la Faculté et un homme actif
pour le diriger.
Les loisirs des professeurs de Faculté paraissent longs,
mais ils ne sont qu’apparents. C’est pendant les vacances
qu’ils méditent les brillantes leçons qui nous charment, et
qui attirent ici, à Marseille, un public nombreux et choisi.
C’est pendant les vacances, où leur sont permises de longues
méditations, qu’ils peuvent composer les articles de revues,
ou les ouvrages originaux, importants, qui rendent leur nom
illustre dans le monde littéraire ou scientifique.
Les éludes publiées celte année par M. Reynald sur de
Foë, sur l’auteur de Gulliver, sur Gil Blas, sur les lettres de
Ducis, sur Manzoni, etc., lui ont acquis une juste renommée
parmi les critiques littéraires.
M. Bizos, en écrivant le Tableau de la Tragédie en France
avant Corneille, nous a permis de goûter davantage en les
lisant les intéressantes leçons qu’il a faites l’hiver dernier sur
ce sujet.
M. Philibert n’entretient pas seulement son esprit des dis
cussions de la philosophie purement littéraire. Comme
Aristote, Descartes, Leibnitz, Goethe, il suit les progrès de la
science positive et particulièrement de l’histoire naturelle
des cryptogames. Ses recherches sur les mousses continuent
et complètent les découvertes de Schimper, et la science lui
doit plusieurs espèces nouvelles.
L’influence de la Faculté des Lettres sur la prospérité et
les progrès de renseignement secondaire n’est pas dou
teuse. A leur tour, les Lycées et les Collèges contribuent à
donner de l’importance et de l’activité aux Facultés en leur
fournissant des auditeurs d’une science déjà élevée, dont les
besoins forcent les professeurs de l’enseignement supérieur
�— U —
à un travail plus profond et plus scientifique que celui
qu’exigent les leçons du soir.
Aussi, tous mes eiïorls tendent-ils à établir à Aix un Lycée à
la place du Collège.
M. le Ministre a été vivement frappé de la situation ad
mirable du Collège actuel et de l’étendue (22,000 mètres
carrés) que la libéralité de la ville lui a donnée en achetant
le couvent de la Visitation. Il a pensé qu’un Lycée placé
dans de pareilles conditions, avec d’immenses cours et de
vastes jardins, réaliserait, après quelques appropriations fa
ciles, l’idéal rêvé pour l’éducation de la jeunesse française.
Il a promis gracieusement à la ville son concours pour la
transformation du Collège, et le projet des travaux à exé
cuter est en ce moment à l’étude.
Faculté des Sciences.
Les professeurs de la Faculté des Lettres et leurs éminents
auxiliaires de la Faculté de Théologie se meuvent dans le
monde abstrait des idées. Il leur suffit, pour travailler et
pour se produire, d’une riche bibliothèque et d’une ou deux
salles de cours.
Il n’en est pas ainsi pour les professeurs de la Faculté des
Sciences, depuis que l’observation et l’expérimentation se
sont substituées aux spéculations a priori de la scholastique.
Aussi, demandent-ils et obtiennent-ils des laboratoires spa
cieux que l’on construit à grands frais partout oii l’on veut
donner un essor nouveau aux recherches scientifiques.
Les inspecteurs généraux avaient plusieurs fois signalé à
l’attention de M. le Ministre l’exiguité des locaux affectés à
— 15 —
la Faculté de Marseille, et il a voulu étudier en détail par luimême les besoins de cet établissement auquel il porte un in
térêt bien légitime.
Il a constaté que ses amphithéâtres sont convenables, que
ses laboratoires, quoique exigus, sont bien installés, que ses
collections sont riches et bien entretenues, mais à l’étroit;
que la Faculté est admirablement située au point de vue des
cours publics, mais qu’il lui est absolument impossible de
s’étendre. Il paraît difficile de rémédier à cet état de choses
sans une très grande dépense, à moins de transporter ailleurs
certains services.
Déjà, l’observatoire forme un établissement distinct,
magnifiquement installé et doté, sous la direction spéciale de
l’éminent M. Sléphan. Les jeunes gens qui voudraient s’ini
tier à l’élude de cette science et à l’art des observations pré
cises pourraient avoir leurs conférences et leurs manipula
tions à l’observatoire.
Le jardin botanique, récemment créé par la ville, pourrait
avoir quelques laboratoires comme annexes et dégager la
Faculté de toutes les collections qui se rapportent à l’étude
des plantes.
Il serait peut-être possible d’alléger aussi le bâtiment des
collections de minéralogie un peu encombrantes, en créant,
à coté du Musée d’histoire naturelle, dans des espaces dispo
nibles, quelques salles affectées aux étudiants et contenant
les collections destinées à l’observation et à l’expérimenta
tion.
Enfin la création d’nn laboratoire de zoologie maritime,
décidée en principe par le conseil municipal, permettra aussi
de dégager la Faculté d’un service encombrant. M. le Minis
tre a promis à la ville son concours pour en hâter la réalisa
tion.
�-
16 —
Il ne resterait, après ces réformes, à la Faculté des Scien
ces, que les laboratoires de chimie et de physique qui se
trouveraient évidemment à leur aise et les cours se feraient
toujours au centre même de la ville, ce qui paraît éminem
ment favorable à leurs succès.
Pour montrer l’importance du mouvement scientifique à la
Faculté, il me suffit d’indiquer les hautes récompenses décer
nées celte année aux professeurs, soit par l’Institut, soit par
le Ministère de l’instruction publique.
M. Reboul a obtenu une médaille d’or du jury interna
tional de 1878, et l’Institut, sur les conclusions du rapport
de la section de chimie, à l’unanimité de ses membres, lui a
décerné le prix Jecker de 10,000 fr. au mois de mars 1879,
pour l’ensemble de ses travaux, mais principalement pour
ceux qui sont relatifs à l'étude de l’isomérie dans la série du
propylène.
M. l’abbé Aoust a obtenu une médaille de vermeil à l’Ex
position universelle de 1878 pour ses ouvrages de mathéma
tiques, exposés par le Ministre de l’instruction publique.
Deux mémoires nouveaux ont été ajoutés cette année à ses
nombreux travaux ; le premier sur les courbes dont les déve
loppées el les développantes par le plan sont semblables (bul
letin de la Société mathématique de France) ; le second sur
la courbe lieu des centres de courbure d'une courbe donnée
après son développement sur une droite (C. R. de l’Académie).
M. Dieulafaitarecu del’association scientifique une médaille
d’or pour ses intéressantes recherches de géologie chimique.
Il a publié celle année trois nouveaux mémoires sur le même
sujet :
1° Recherche de la lithine dans la formation primordiale
et dans les eaux des mers anciennes et modernes (Annales de
chimie et de physique, 1879) ;
-
17 —
2° Le cuivre, son existence dans toutes les roches de
formation primordiale. Conséquence relative à la formation
des minerais de cuivre (C. R. 1879) ;
3° Étude géologique des terrains traversés par le tunnel
destiné à relier les mines de Fuveauavecla mer(C. R. 1879).
Une portion du prix Barbier a été donnée par l’Institut à
M. Heckel, professeur de botanique, el M. le Ministre de
l’instruction publique lui a conféré, il y a peu de temps, les
palmes d’officier d’Académie. M. Heckel a publié cette année
plusieurs mémoires nouveaux :
1° De l’influence des solanées vireuses sur les rongeurs et
les marsupiaux (Mém. de l’Académie de médecine de Paris).
2° Du rôle des alcaloïdes dans les végétaux et de leur
action sur les mollusques gastéropodes (mem. présenté à
l’Académie des sciences pour le prix de physiologie et à l’A
cadémie de médecine) ;
3° SurlePavonia hastata (C. R. 1879);
4° Anatomie du mesembryanlhemum cristallinum (com
muniqué à l’association scientifique pour l’avancement des
sciences) ;
5° Sur les glandes particulières aux nymphéacées et sur
l’anatomie du dicranum (idem).
M. Marion a reçu du Ministère de l’instruction publique
une médaille d’argent pour son exposition de 1878 et il a
publié dans le cours de l’année les divers travaux suivants :
10 Dragages au large de Marseille (1re partie) (Annales des
sciences naturelles, 1879) ;
2° Sur l’embryogénie des clavulaires (communiqué au
congrès de l’association française) ;
3° Sur les causes de la réinvasion de juillet dans les vigno
bles traités par les insecticides (C. R. 1879);
�-
18 -
4° Emploi de sulfure de carbone au traitement des vignes
phylloxérées (Paris— Dupont, 1877).
Enfin, M. Stéphan, chargé du cours annexe d’astronomie
et qui sera très prochainement nommé professeur titulaire,
a vu couronner dignement ses remarquables travaux par son
élection comme membre correspondant de l’Académie des
sciences (section d’astronomie), dans la séance du 24 fé
vrier 1876.
L’observatoire qu’il dirige s’est signalé par de nouvelles
découvertes et la 'I0tne liste qu’il a publiée comprend qua
rante nébuleuses nouvelles, vues et étudiées par lui, à l’aide
du télescope de Foucault.
École de Médecine.
Notre Ecole de Médecine est toujours prospère, grâce aux
libéralités de la ville, au zèle constant de MM. les professeurs
et au dévouement journalier de son éminent et sympathique
directeur.
Rien n’a été épargné pour donner aux étudiants en méde
cine et en pharmacie tous les éléments de travail que néces
sitent leurs longues et laborieuses éludes, et chaque année
amène une nouvelle création ou quelque amélioration dans
les services anciens. M. le Ministre a constaté avec plaisir,
dans sa visite à Marseille, que notre Ecole de plein exercice
équivaut à une Faculté au point de vue des ressources que les
élèves y trouvent pour les cours et l’anatomie.
Plus de 150 sujets ont été fournis celte année aux salles
de dissection.
— 19 —
La bibliothèque, qui comptait l’année dernière 4,000 vo
lumes, en compte 5,000 aujourd’hui.
Le musée d’anatomie s’est enrichi de 650 préparations his
tologiques normales ou pathologiques.
L’arsenal chirurgical s’est augmenté de plusieurs instru
ments.
Les caves inabordables ont été transformées en magasins
pour la verrerie et les produits chimiques, nécessaires aux
travaux pratiques.
Une salle de travail a été créée pour le chef des travaux
chimiques.
Le grand laboratoire de chimie s’est enrichi d’un appareil
distillatoire de Wiesenegg et de l’appareil de Berlhelot pour
le traitement des substances en vase clos.
La clinique pourtant n’a pas, dans notre école, à sa dispo
sition des ressources sufiisanles. Nous espérons que les ré
clamations de M. le Directeur auprès de l’administration des
hospices modifieront peu à peu en l’améliorant l’état actuel
des choses.
Je ne passerai pas sous silence les nombreux travaux
scientifiques particuliers de MM. les professeurs pendant
l’année. Ils montrent que notre école se préoccupe cons
tamment de mettre ses leçons à la hauteur des progrès in
cessants de la science moderne.
En voici la liste :
M. Rampai, professeur d'anatomie:
iO* volume du compte rendu des travaux d'hygiène et de
salubrité du département des Bouches-du-Rliône.
M. Fabre, professeur de clinique médicale (2e chaire) :
Les deux gravelles (Revue médicale) :
Sur un souffle de la pointe du cœur (Union médicale);
�Les Pneumonies nerveuses. — La surprise, la résistance et
la défaite du cœur (Gazette des hôpitaux) ;
Sur les troubles nerveux consécutifs aux affections abdo
minales (Résumé des leçons faites par le docteur Garcin,
Marseille médical).
M. Yillard, professeur d’anatomie pathologique :
Mémoire sur l’affection vermineuse chez les enfants (pré
senté à la réunion des Sociétés savantes).
M. Pirondi, professeur de pathologie externe :
Leçons sur les luxations.
M. Caillot de Poney, professeur de matière médicale:
Recherches sur la localisation de Parsenic dans le cerveau
(en collaboration avec M. Livon, Académie des sciences,
9 juin 1879);
Dosage de l’alcool vinique (Mémoire présenté au congrès
de Montpellier, 1879) ;
Recherches sur les acides gras de l'huile de scsame (Mé
moire présenté au congrès de Montpellier).
M. Livon, professeur suppléant de physiologie :
Recherches expérimentales sur Uabsorption par la mu
queuse vésicale (en collaboration avec M. Cazeneuve, revue
mensuelle, janvier 1879);
Localisation de l’arsenic dans le cerveau (en collaboration
avec M. Caillol) ;
Contribution à la physiologie de l'acide salycilique (Mé
moire présenté au congrès de Montpellier, 1879).
M. Queirel, professeur suppléant des chaires d’accouche
ment :
De la menstruation (en collaboration avec le docteur
Rouvier, congrès de Montpellier, 1879) ;
Deux observations d'hystérotomie totale, guérison (Mar
seille médical, juin 1879) ;
M. Pauchon, professeur suppléant des chaires d’histoire
naturelle :
Là matière, les forces, la vie. — Circulation de la ma
tière et de la force chez les êtres vivants (fragments de leçons,
Marseille médical).
M. Rouvier, aide d’anatomie :
Quelques considérations sur les déviations menstruelles
(Marseille médical, mai 1879);
De quelques phénomènes supplémentaires de la menstrua
tion (Annales de gynécologie de Paris, juillet et août 1879) ;
Des rapports de la menstruation et de l'ovulation spontanée
(en collaboration avec M. Queirel, congrès de Montpellier,
1879) ;
Recherches statistiques sur la menstruation à Marseille et
dans les Bouches-du-Rhône (Mémoire en collaboration avec
M. Queirel, congrès de Montpellier, 1879).
M. Fallol, chef de clinique médicale :
Rétrécissement et insuffisance aortique;
Hémiplégie avec aphasie et hémianesthésie (Observations
avec autopsie, Marseille médical, janvier 1879) ;
A'oie sur deux cas de cancer généralisé (en collaboration
avec M. Jourdan, interne des hôpitaux, Marseille médical,
juillet 1879).
M. Garcia, chef de clinique médicale :
Observations d’aortite aiguë à forme ulcéreuse (Marseille
médical, juin 1879) ;
Étude anatomique et clinique de la cirrhose biliaire (Mar
seille médical, août et septembre 1879) ;
La tête et le crâne d’un néo-calédonien (Marseille médical,
octobre 1879).
M. Alezacs, aide d’anatomie :
Hernie crurale étranglée (Marseille médical, octobre 1879).
�Mes auditeurs me pardonneront la longueur de celte no
menclature, de ces détails techniques; je tiens à honneur de
montrer au public marseillais que la ville peut s’enor
gueillir, ajuste titre, du corps distingué de ses professeurs,
et que les sacrifices qu’elle s’impose si largement sont mis
aussi largement à profit pour les progrès de la science et la
gloire de notre pays.
L’Ecole de Médecine a eu la douleur de perdre l’un de
ses chefs de clinique. M. Garcin est mort à l’âge de trentetrois ans, victime de son amour pour la science qui l’en
traînait à un travail incessant et opiniâtre, quand il avait
besoin de repos. Toujours préoccupé de quelque recherche
médicale, il n’en était distrait que pour faire le bien; c’était
l’homme du dévouement et de l’abnégation. Puisse l’hom
mage de l’estime et des regrets, de la famille universitaire à
laquelle il appartenait, être, pour sa veuve et ses enfants,
un adoucissement à leur légitime chagrin.
Me s s i e u r s ,
Le tableau succinct que je viens de faire de la situation et
des travaux de l’enseignement supérieur dans l’Académie
d’Aix montre que, sous la vive impulsion du gouvernement
de la République, nos facultés, comme nos écoles communa
les, comme nos collèges et nos lycées, subissent une évolu
tion mesurée et progressive, qui nous placera en peu
d’années au niveau des états les plus avancés en matière d’ins
truction publique.
Après nos malheurs, nous avons été pris d’une défiance
subite de nous-mêmes et de nos institutions. Nous noussom-
23 —
mes complus dans la critique de nos défauts et nous avons
regardé comme supérieure toute l’organisation de nos adver
saires heureux. Cette défiance de nous-mêmes a été bonne,
elle nous a rendus plus réfléchis et plus prudents, mais elle
ne doit pas être exagérée. Nous voyons nos défauts de près,
nous admirons de loin les étrangers. Or, la lecture attentive
des documents publiés par la Société de l’enseignement supé
rieur sur les Universités si vantées de Bonn, de Gœttingue,
de Heidelbert, sur les habitudes des professeurs, sur les
mœurs des étudiants, montre clairement que si tout n’est pas
pour le mieux en France, tout est loin d’être parfait chez
nos voisins.
Notre organisation scolaire a pour effet d’entretenir dans
la nation, non seulement le goût des recherches scientifiques,
par la vulgarisation au moyen des brillantes leçons du soir
sur l’astronomie, la physique, la chimie et l’histoire natu
relle ; mais encore le goût de la beauté littéraire et artistique.
Par l’enseignement secondaire des humanités, par les
cours publics des Facultés, la littérature et la science ne
sont pas réservées à un cercle restreint de privilégiés, elles
pénètrent dans la société toute entière, la polissent, l’amè
nent peu à peu à un degré de culture générale où s’épanouis
sent les brillantes qualités de notre esprit et les sentiments
généreux de notre cœur.
Rien de pareil en Allemagne.
Dans les gymnases la critique sèche et philosophique a
pris la place du sentiment littéraire dans l’élude des auteurs
classiques. Les élèves savent l’origine et l’histoire des mots
employés par Virgile, mais ils n’entrent pas en familiarité avec
le génie du poète latin. « Nous ne voulons plus être un peu
ple de poètes et de penseurs, a dit récemment un écrivain
allemand, nous voulons être un peuple de soldats et de gens
d’affaires, les muses ne sont pas de bonne compagnie. »
�Dans les universités, nulle communication familière entre
le professeur et le public profane. Des élèves sérieux, avides
d’un savoir technique, dirigé avec précision vers le but pra
tique qu’ils visent, sans grand souci des synthèses et des
vues générales, viennent écouler le professeur qui, sans art,
sans préparation lit lentement, presqu’en dictant, pendant une
heure, un cahier de cours rédigé à l’avance et s’interrompt au
milieu du sujet, au moment où la pendule sonne, pour repren
dre à la leçon suivante son exposition au point où il en était
resté.
D’universités pareilles il sort des savants et des érudits,
mais non des écrivains et des hommes de goût.
Il ne faut pas s’étonner que l’application continue d’un
pareil système d’instruction ait amené la décadence rapide
de la haute littérature après Père brillante de Klospslock, de
Gœlhe et de Schiller; c’est ce qui explique aussi l’absence
d’une société cultivée telles que sont, depuis plus de 200 ans,
les sociétés anglaise et française.
Gardons-nous donc d’imiter nos voisins d’outre-Rhin.
Conservons ce qui a fait notre gloire, en le perfectionnant,
en le rajeunissant par de sages réformes. Laissons à d’autres
la passion de l’érudition patiente, qui en matière littéraire
est comparable à la passion du naturaliste collectionneur;
n’attachons qu’une importance secondaire à la restitution des
textes impurs, au déchiiïrage des parchemins illisibles, et pro
fitons, comme nous l’avons fait si longtemps, des matériaux
informes que les érudits nous fournissent pour créer des œu
vres d’art et des monuments historiques bien ordonnés.
Dans une de ses fables Lessing représente une poule fran
çaise mangeant les grains déterrés par une laborieuse poule
allemande. Ne cherchons pas à intervertir ces rôles et ne
mettons pas notre gloire à montrer que nous savons aussi
— 25 —
gratter, comme quelques érudits voudraient nous y pous
ser.
Ne dédaignons pas les observations de détail, les collec
tions de faits intéressants que des hommes patients entassent
pour servir de matériaux à l’histoire des choses et de l’hu
manité.
Mais n’oublions pas cependant que la science positive des
textes et de la matière ne donnent que les éléments de la
pensée.
La supériorité véritable se mesure à la hauteur des vues,
à l’élévation des sentiments.
Aimons et perfectionnons donc l’organisation de notre
enseignement supérieur qui se mêle à la vie quotidienne de
la société par ses nombreuses leçons sur toute la surface de
notre territoire et y entretient, à travers les préoccupations
de la vie journalière, le goût du beau et l’esprit de curiosité
purement spéculative.
Peut-être nous traitera-t-on de gens frivoles et peu prati
ques ; laissons dire. Si les principes de la mécanique positive
permettent de mesurer les forces naturelles et de calculer
exactement la quantité de travail qu’elles peuvent produire,
qui peut déterminer la puissance de la pensée et la quantité
d’influence qu’aura dans le monde l’idée juste d’un homme
de génie ou le sentiment généreux d’un noble cœur?
Agrandir et fortifier l’esprit d’une nation, accroître la
somme de son idéal en élevant ses sentiments par l’admira
tion du monde créé et la culture de l’art, c’est véritablement
travailler à la rendre plus prospère et plus forte.
V.
3
�-
DISCOURS DE M. C AILLO L DE PONCY
h m
h
PROFESSEUR A L É C O L E DE M É D E C IN E
27 —
L’homme, dans un intérêt personnel, a été forcé de se
connaître et de s’étudier, de décrire ses organes extérieurs ;
puis ne pouvant de cette simple géographie tirer un parti
utile, il a été obligé d’aller plus loin et de voir si les organes
cachés ne pouvaient lui donner l’explication des maladies.
Telle est l’origine de l’anatomie.
La seconde phase dans laquelle on recherche les usages
des organes découverts constitue la physiologie.
Dans la troisième, la plus moderne, on essaye de savoir
comment ces organes fonctionnent et par quelles transforma
tions passent nos aliments en donnant la chaleur nécessaire
pour effectuer le travail intérieur.
Ici la chimie vient en aide à la physiologie.
Les corps ne peuvent agir que si leurs molécules sont en
contact ; aussi les phénomènes chimiques ne se passeront-ils
qu’entre les éléments dans l’épaisseur même des tissus.
La chimie nous fait saisir les rapports entre les gaz que
nous respirons et ceux que nous rejetons. L’usage et la fonc
tion du sang. Elle nous montrera peut-être le secret de cer
taines maladies en donnant par là même le moyen de les
guérir.
Depuis bien longtemps déjà on savait quels services pou
vait rendre la chimie. Mais entre des mains peu exercées
elle était égarée et semblait entièrement rejetée.
C. Bernard, en montrant que tous les phénomènes vitaux
ne sont que la conséquence de phénomènes chimiques, a créé
la chimie biologique.
La physiologie a passé par bien des phases avant d’arriver
à cette conception si simple que tous les phénomènes doi
vent se passer dans la cellule.
L’anatomie, qui a été la base de la physiologie, ne localise
que le siège du phénomène.
�— 29 —
— 28 L’histologie montre l'élément anatomique, son évolution,
ses altérations.
La physiologie détermine la nature des fonctions.
Que sont ces fonctions? Elles se dévoilent à nous par des
phénomènes de chaleur, de changement de milieux, de
transformation, en un mol des phénomènes physico-chimi
ques.
« La physiologie moderne a deux racines, l’une dans
« l’anatomie, l’autre dans les phénomènes physico-chimi« ques. Ces deux racines ne peuvent être séparées et se con« fondent en un tronc unique. »
Les phénomènes vitaux ne sont que la résultante des phé
nomènes physico-chimiques, a dit C. B ernard: Définissons
les phénomènes chimiques, nous arriverons facilement alors
à définir la chimie biologique.
Les phénomènes chimiques constituent ce genre particu
lier de phénomènes qui en se produisant entre deux corps
amènent un changement complet dans leurs propriétés.
L’étude de ces phénomènes constitue la chimie.
Comme toutes les autres sciences, la chimie, n’a atteint le
point où elle est aujourd’hui qu’après de longues années et
les travaux de uombreux savants.
Ses commencements sont les mêmes.
Prévoyant les résultats qu’elle était capable de produire on
a essayé de lui faire donner la richesse.
On a cherché ses applications à l’étude des phénomènes de
la vie. Entrevoyant que seule elle pouvait trouver le pour
quoi de la vie, on élargissait son pouvoir et on lui accordait
par anticipation la faculté de refaire les éléments dont les
transformations produisent la vie; d’où la puissance de la
prolonger et de rendre la jeunesse.
Tel était le but, l’ambition des alchimistes.
Le travail de toutes les générations est arrivé à montrer
que la chimie seule pouvait expliquer ces phénomènes mais
aussi qu'elle était impuissante à les refaire tous.
Ce n’est pas sans peine que l’on a pu introduire la chimie
dans l’élude des phénomènes de la vie. Un des plus célèbres
doyens de la faculté de Paris, Guy-Patin, qui certes était un
homme instruit, voulait que tous les chimistes fussent traités
comme de faux-monnayeurs. Mais grâce à l’influence an
glaise, avec Gautier Charlelon, Willis, la chimie prend le
dessus, mais va trop loin ; tout se compare déjà à des fer
ments et on veut faire des médecins de véritables vignerons
qui n’ont qu’à surveiller et régler une fermentation. A celte
époque on voulait tout rapporter à la chimie; mais les prin
cipes étaient inconnus et les moyens d’analyse encore bien
imparfaits.
C’est par la chimie physiologique que l’on a commencé.
Si nous parcourions l’histoire de la chimie depuis Lavoi
sier jusqu’à nos jours nous verrions que tous ceux qui se
sont trouvés à la tête de la science ont eu l’ambition de créer
cette chimie physiologique. Elle n’est pas l’œuvre d’un
jour; elle ne peut être fondée que lentement et n’arriver
que quand certaines théories auront été élucidées.
Lavoisier pour poursuivre avec fruit les recherches qu’il
avait entreprises se vit forcé de posséder des éléments com
plètement inconnus de ses devanciers. La composition de
l’acide carbonique, de l’eau, tout était à déterminer. Aussi
pour abréger la besogne il appliqua le principe de la division
du travail que lui-même conseille en disant avec raison:
« La chimie marche vers sa perfection en divisant, subdi
visant et resubdivisant encore.
Il le fit comme il le conseillait et commença par la recher
che des lois suivant lesquelles les corps se combinent, en fon
dant la chimie minérale.
�—
On retire des animaux et des végétaux un certain nombre
de corps qui ont la même composition qualitative. Le car
bone, l’hydrogène, l’oxygène forment ces composés. L’azote,
le phosphore, quelques métaux viennent se joindre dans
certains cas. Ces substances, les unes neutres, les autres
acides ou alcalines, se détruisent en général sous l’influence
de la chaleur en laissant un résidu de carbone.
Les maîtres de la science, Fourcroy, Berzelius, Gerrhardl
lui-mème, croyaient que la force vitale seule était capable de
former ces composés. Ils avaient rassemblé ces corps dans
un chapitre spécial : la chimie organique : Berzélius croyait
même que des lois spéciales régissaient ces combinaisons.
Un fait important, semblait donner raison à cette divi
sion : tous les corps extraits des organes soit des animaux,
soit des végétaux ne pouvaient pas être reconstitués avec les
éléments. Dans ces dernières années, Berthelota, le premier,
renversé pratiquement cette barrière créée par des recher
ches peu approfondies.
La chimie organique, grâce à la synthèse, est entrée
depuis une vingtaine d’années dans une voie toute nouvelle.
Elle ne se borne pas à extraire les principes des organes
vivants ; elle s’attache à en déterminer la nature, la fonction
chimique, et enfin la constitution.
Cette branche de la chimie qui offre des composés si plas
tiques a permis d’étudier de plus près les lois générales de la
composition de la matière et de toucher même à la consti
tution intime des corps. En déterminant les formules de
constitution elle peut déjà expliquer certaines transforma
tions, certaines propriétés et bientôt peut-être pourra-t-elle
indiquer le pouvoir toxique ou nutritif des corps, comme
elle peut déjà prévoir la couleur d’un composé en détermi
nant la présence d’un groupement.
31
Fixons les idées par quelques exemples.
La chimie organique se charge de retirer des organes des
corps vivants certains composés particuliers que produit
l’organisme. L’alcool, par exemple, se forme sous l’in
fluence de la vie d’une cellule particulière nommée ferment.
On l’extrait par une simple distillation. Le liquide obtenu,
on en examine les propriétés; on en fixe la composition
et la constitution. Nous pouvons le représenter par de l'hy
drogène protocarboné dans lequel un atome d’hydrogène au
rait été remplacé par un groupement formé par un atome de
carbone, trois atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène.
Cet ensemble d’éléments est caractéristique et porte le
nom de CH2 OH. Toutes les fois que nous parvenons à déter
miner sa présence dans une molécule le composé que nous
avons entre les mains possédera toutes les propriétés de
l’alcool.
Nous disons que c’est un alcool.
Ce groupement peut perdre deux atomes d’hydrogène en
donnant naissance à l’aldehyde ; ce corps avide d’oxygène
complétera sa molécule en produisant l’acide acétique.
La détermination de la constitution de l’alcool a pu nous
faire prévoir ses propriétés.
La chimie organique désire faire encore plus: reconsti
tuer ce corps qu’elle connaît parfaitement. D’abord par
un procédé quelconque, ensuite par le procédé employé par
la nature.
Pour l’alcool on sait effectuer la première partie. Berthelol est arrivé lentement, il est vrai, à le refaire avec du car
bone, de l’hydrogène et de l’oxygène et même à transformer
le sucre en alcool sans le secours des ferments. Mais il n’est
pas parvenu à le reconstituer par le procédé de la nature
même.
�-
32 —
Appliquons ces données à un autre corps d’une impor
tance capitale pour l’économie.
Le sucre de canne cristallisé. Sa composition est parfaite
ment connue ; il est formé de douze atomes de carbone, vingtdeux d’hydrogène, onze d’oxygène. Sous cette forme il ne
peut rendre à l’économie aucun service ; ce n’est pas un corps
nutritif. Mais si on vient à faire bouillir sa solution avec un
acide très étendu le sucre, se dédoublera en deux corps qui
eux sont des aliments pour les ferments. Ces deux substances
nommées la glucose et la lévulose jouissent de propriété par
ticulières. Elles s’oxydent facilement comme ce premier pro
duit que nous avons formé avec l’alcool : ce sont des aldéhy
des. Mais elles possèdent aussi cinq groupements semblables
à celui qui nous a permis de caractériser un alcool. Ce sont
des alcools. Corps curieux qui jouissent cinq fois de la pro
priété alcoolique; aussi pourront-ils servir à la nourriture
des ferments.
Puisque les composants du sucre s’oxydent facilement,
pourquoi le sucre de canne ne possède-t-il pas cette pro
priété ?
Ce point intéressant la chimie organique est parvenu à
l’élucider.
Cette combinaison des deux glucoses, pour former le sucre
de canne, ne peut s’effectuer que si certains points de la mo
lécule laissent un vide. Absolument comme quand on veut
remplacer une pierre dans un édifice il faut forcément faire
un vide. Le vide s’obtient, ici en enlevant une demi-molécule
d’eau d’un côté, un atome d’hydrogène de l’autre. Ces deux
radicaux en se combinant forment de l’eau et les molécules
incomplètes de glucose se soudent justement par ce point qui
servait au glucose pour jouer le rôle d’aldéhyde. Celle place
étant comblée, n’existe plus, le sucre de canne ne peut jouer
— 33 —
le rôle d’aldéhyde. C’est un corps que nous comparons à
l’éther ordinaire.
La chimie organique détermine la constitution des corps.
Pour le corps qui nous occupe elle n’a pas pu faire ce qu’elle
a accompli pour l’alcool : le refaire avec les éléments. Quel
ques timides tentatives sont à l’étude et un élève de M. Wurtz
paraît avoir obtenu un dérivé de la glucose.
La chimie organique peut aller plus loin encore: donner
à un corps une propriété déterminée.
Par exemple: l’urée, ce principe qui existe en quantité
considérable dans l’urine et que l’on peut extraire facilement.
Si nous en déterminons la constitution nous ne retrouve
rons pas cette caractéristique de l’alcool; c’est un corps
entièrement brûlé qui ne contient aucun atome d’hydrogène
comparable à celui de l’alcool et par conséquent remplacable
par de l’oxgyène. Il ne pourra produire aucun phénomène
de calorification. Mais il contient de l’hydrogène que l’on
peut remplacer par un alcool et rendre alors cette urée, qui
était un corps neutre, corps capable de produire un phéno
mène d’échange.
Un corps semblable est peut-être la viande que nous man
geons.
J ’arrête mes exemples, déjà trop nombreux, mais ils
étaient nécessaires pour vous rappeler le but de la chimie
organique.
Ce but est clairement défini.
Extraire le principe; en fixer la composition, la constitu
tion ; tâcher de le refaire.
Les recherches ont donné un pouvoir : celui d’imprimer
à une molécule un caractère particulier.
La chimie organique montre bien le rapprochement entre
la matière organique et la matière inorganique. Mais, le vrai
�-
34 —
laboratoire de la matière organique se trouve dans les êtres
vivants et eux seuls peuvent créer de la matière vivante.
Aussi est-ce là que nous devons aller rechercher nos produits,
tâcher de les voir naître et si la chose est impraticable essayer
de saisir leurs transformations, leur migration et du connu
déduire l’inconnu, et par les modifications que nous pourrons
amener dans la nature vivante saisir les phénomènes qui se
passent réellement.
La chimie biologique étudie les composés chimiques dans
le corps même de l’individu et non au dehors, car une fois
sorti de l’être vivant ils ne peuvent être traités que comme
des produits chimiques ordinaires et ne donner dans cet
état que des renseignements souvent bien erronés.
Quelques exemples feront mieux saisir le but de cette
partie de la chimie.
Parmi les corps simples que la chimie minérale a étudié
avec le plus de soin il en est un qui, toxique par excellence
quand il est libre, devient un des corps les plus importants
pour l’économie vivante lorsqu’il fait partie d’une combinai
son. Etudier comment ce phosphore s’introduit dans l’éco
nomie, par quelles transformations il passe avant d’arriver
au cerveau dont il forme une des parties essentielles; com
ment, combiné avec nos aliments, il peut se séparer d’eux et
venir former avec l’oxygène l’acide phosphorique qui donnera
naissance au phosphate de chaux si nécessaire pour la con
fection du squelette des animaux.
Telle est en partie la tâche de la chimie physiologique.
Son rôle ne serait pas complet si elle s’arrêtait à suivre les
corps pour la formation. Elle doit chercher quelles sont les
transformations qui s’effectuent et qui donnent naissance à
tous les phénomènes que l’on observe dans l’économie
vivante.
Tous les travaux sur ces questions depuis Magendie ont
permis à C. Bernard de formuler une loi importante :
« Tout phénomène vital est la conséquence d’une réaction
« chimique. »
Dans toute réaction chimique il y a forcément deux termes.
Les matières premières et les produits de la réaction.
Notre alimentation peut se comparer à une réaction chimi
que dont le premier terme est représenté par les aliments et
le second par les déjections.
Les aliments des animaux sont des mélanges de composés
complexes dontjon ne connaît pas actuellement la constitu
tion. Mais la plupart des corps qui forment les déjections ont
été isolés. Aussi pouvons-nous les rechercher, les étudier plus
facilement. Leur connaissance nous aidera à saisir d’abord
la constitution des matières qui servent à notre alimentation,
ensuite à prévoir les transformations.
Byasson en dosant le phosphore dans les urines a vu que
cette substance augmentait sensiblement sous l’influence
d’un travail intellectuel. Cette donnée a fait rechercher le
phosphore dans le cerveau. Gobley est parvenu à isoler du cer
veau un corps qu’il a pu identifier avec une matière qu’il avait
retirée depuis longtemps du jaune d’œuf. Ce corps nommé
la lécithine est une substance des plus curieuses de la nature.
La chimie générale a donné le moyen de l’extraire de l’orga
nisme, de l’étudier.
Elle possède à elle seule les propriétés de quatre corps :
elle est à la fois alcool, éther, acide et base. Sa constitution
explique les services qu’elle peut rendre.
Comme alcool elle sert à donner la chaleur ; comme base
elle apporte l’azote nécessaire ; le phosphore est amené par
l’acide.
Le phosphore étant la seule substance minérale fixe est
celle qui se retrouvera le plus facilement.
�— 36 —
La lécithine a été refaite par la chimie organique. Cette
synthèse, plus que l’analyse, a donné la clef de ses transfor
mations. Nous l’avons préparée dans nos ballons ; mais là se
borne notre pouvoir et nous sommes impuissants cà lui faire
remplir le rôle qu’elle joue dans la nature.
Nous savons préparer de la lécithine, ce corps qui par sa
combustion doit alimenter la pensée, mais il nous est impos
sible, dans l’état actuel de la science, de demander à cette
substance le service qu’elle nous rend quand elle se forme
dans la masse cérébrale. Une fois soustraite cà l’influence de
la cellule qui l’a formée ce n’est plus qu’un produit chimique
qui ne saura rien créer par lui-même. Introduit dans
l’économie, il se décomposera, mais n’agira pas comme
celui qui se forme au point même. Avec la lécithine il est
actuellement impossible de tenter cette expérience. Un autre
exemple d’étude de chimie biologigue va nous permettre de
voir la question plus au complet.
Parmi les fonctions nombreuses dont le sang est chargé il
en est une qui consiste à prendre à l’air l'oxygène nécessaire
aux combustions qui s’effectuent dans l’économie. Pendant
longtemps on a cru que toute la masse de sang servait à cet
usage ; mais on a bientôt vu que les globules rouges avaient
seuls celle propriété, et dans ces globules une matière en
particulier : l’hémoglobine se chargeait d’absorber l’oxygène
et de le porter aux points où il était nécessaire. On a tenté
et on a réussi à isoler ce corps, on l’a étudié. Son étude a
appris que c’était une matière albuminoïde qui ne pouvait
être rapportée à aucun type connu. Cette composition com
plexe donne à penser que son rôle ne doit pas se borner à ce
transport. Elle sert à la nourriture de certains organes. Mais
sa principale propriété est de posséder cà un degré très élevé
la faculté d’absorber l’oxygène. Cette combinaison jouit de
toutes les propriétés du sang.
— 37 On est donc arrivé à extraire le corps qui sert à l’oxyda
tion et il y avait lieu de croire que dans l’économie ce corps
devait jouer le même rôle que l’oxyhémoglobine.
Dans les veines d’un animal, saigné à blanc, P. Bert
injecte du sang défibriné ; après quelques jours l’animal
avait confectionné lui-même ses globules. Mais s’il remplace
le sang défibriné par une solution d’oxyhémoglobine dans
un sérum artificiel l’animal est invariablement voué à la
mort.
Pourquoi cela ? L’oxyhémoglobine ne lui a pas été pré
sentée sous forme vivante, mais sous l’aspect d’un simple
produit chimique.
Ici la chimie est capable d’indiquer le principe chimique
auquel il faut rapporter le phénomène vital ; mais ce prin
cipe ne peut agir que par l’intermédiaire de l’instrument
délicat créé par la nature même.
La chimie du laboratoire s’exécute avec des outils cons
truits par l’homme. L’être vivant opère à l’aide d’agents et
d’appareils que l’organisme crée.
Chaque laboratoire a ses instruments. Mais en somme les
phénomènes chimiques sont les mêmes.
Il n’est pas légitime, dit C. Bernard, d’appliquer la chimie
des laboratoires aux phénomènes de la vie.
Puisque c’est dans la cellule vivante par la transformation
d’un produit, que le travail s’efièclue : on a essayé de se ser
vir de cette cellule comme d’un instrument. La force pro
duite est tantôt employée au point où elle est fabriquée, tan
tôt, au contraire, la cellule fonctionne en un point et transmet
son travail par un filet nerveux comme la pile transporte au
loin par son fil l’électricité produite par la dissolution du
zinc. Détruisez cette cellule, les transformations ne pourront
plus s’effectuer.
�-
38 —
Certains actes de l’économie sont sous la dépendance d’un
organe central, le cerveau ; enlevez-le par couches, peu à peu,
vous empêcherez certaines fonctions de s’effectuer et si votre
habileté va assez loin vous pourrez supprimer une partie
considérable de cet organe, en ayant soin de réserver certai
nes portions indispensables, dont la lésion entraîne fatalement
la mort de l’individu. Dans cet état l’animal vivra parfaite
ment, mais sera semblable à un être inerte. Il se tiendra en
équilibre dans la position que lui assigne sa forme physique ;
il digérera les aliments qu’on lui introduit dans l’œsophage,
mais c’est tout ce dont il est capable.
Cette vivisection nous permet de montrer le rôle de la
physiologie qui indique la localisation et les points que nous
pouvons enlever sans nuire à l’économie, mais c’est tout ce
qu’on peut lui demander. Comment fonctionne l’animal
maintenant qu’il ne possède plus son cerveau; les réactions
chimiques qui se produisaient ne peuvent pas avoir lieu et
l’on doit trouver dans les produits rejetés des modifications
profondes. Les corps qui proviennent de la transformation
des matériaux qui donnaient naissance à certains actes
doivent faire défaut et leur absence nous révélera forcément
le corps primilif auquel on doit rapporter le phénomène. Je
vais plus loin, de la constitution chimique de la substance
absente nous déduirons la constitution chimique de la matière
première.
Ici le rôle est double, le physiologiste s’aidera du chimiste
pour connaître les variations. Le chimiste, lui, se servira de
cette machine vivante, comme d’un puissant instrument.
Ces expériences s’effectuent actuellement. La première
partie a parfaitement réussi. Un pigeon a vécu dix mois dans
le laboratoire de l’école de Marseille, et si un accident n’a
vait enlevé à notre collègue M. Livon, le pigeon sur lequel
— 39 —
il opérait, nous pourrions vous dire aujourd’hui quels sont
les résultats donnés par la chimie.
Dans les recherches expérimentales il faut compter avec
ces accidents, recommencer ; c’est ce qu’on a fait.
La chimie biologique est capable d’amener la découverte
d’un composé par la détermination d’un produit rejeté. Elle
peut vous faire rapporter à une substance chimique un phé
nomène vital. Nous savons que ces réactions ne peuvent être
utiles à l’organisme que quand elles naissent au milieu de
lui. Il faut qu’elles prennent presque une forme vivante.
Enfin nous avons dit comment la suppression d’un organe
pouvait nous éclairer.
Il est un service, encore, que la chimie peut rendre à la
physiologie, c’est quand elle recherche la localisation de
certaines substances toxiques.
Ces recherches ont un double but: l’un entièrement
médical, car elles peuvent amener la découverte d’une nou
velle médication; l’autre plus pratique, peul-être, la recher
che d’un empoisonnement.
L’arsenic, ce toxique, connu de tous, est en même temps
un des médicaments les plus précieux que la chimie miné
rale ait mis entre les mains du médecin. L’expérience clini
que l’a classé parmi les médicaments altérants et modifica
teurs. La chimie a fixé dans quel organe et sur quel principe
agissait ce corps.
Il va dans le cerveau remplacer le phosphore de la léci
thine (1). Si ce remplacement va trop loin, la nouvelle subs
tance ne peut agir comme l’ancienne et l’animal meurt.
Corrélativement à ce phénomène il s’en passe un autre tout
aussi important. Les cellules du foie se transforment en corps
gras.
(1) C. R. 9 juin 1879.
�— 41
40 Ces recherches entreprises par MM. Gautier et Socolofï,
encore inachevées, nous permettent de dire que ce corps est
bien un altérant. Il modifie un principe du cerveau et fail
produire une certaine quantité de graisse au foie.
Cetle matière grasse du foie pourra ou être brûlée en
nature, ou transformée en sucre ; ce qu’elle devient on ne
le sait pas encore ; mais sa production aura rendu un service
et permis de donner à certains organes les matériaux détruits
par une altération de la matière vivante.
L’arsenic introduit sous forme d’acide arsénieux ralentit
les phénomènes respiratoires ; peut-être en ne permettant
à l’oxyhénoglobine de ne donner qu’exactemenl la quantité
d’oxygène nécessaire aux combustions. Ce point est à l’étude :
on ne peut rien affirmer.
Ces modifications que la chimie seule est capable d’in
diquer sont assez éloquentes pour vous faire saisir toute
l’importance de leur élude dans les applications thérapeu
tiques.
La toxicologie recueille aussi des indications précieuses.
« L’arsenic à faibles doses produits les résultats que nous
avons signalés, mais à doses un peu fortes c’est un poison
violent qui agit comme caustique et amène forcément la mort.
On le retrouve dans l’estomac, les intestins. On le recherche
dans le foie où il se rend quand il est absorbé en quantité un
peu considérable. Mais dans le cerveau la concentration ne
s’effectue que quand l’empoisonnement a eu lieu par doses
fractionnées. Aussi quand on trouve de l’arsenic dans un
cadavre le recherche-t-on dans cet organe pour tâcher de
dire à la justice si ce toxique a été administré en une seule
fois, ou bien si la main doublement criminelle a essayé de
faire croire à tous une maladie naturelle
Est-ce là de la théorie.
Devant une session des assises une bien triste affaire
s’est déroulée.
Deux hommes et une femme empoisonnés. L’homme
et la femme morts depuis six ans ; mais on n’a pu réunir
tous les détails de la maladie qui a précédé leur mort. On a
trouvé de l’arsenic dans le cerveau de ces deux cadavres.
L’autre homme est mort dans l’espace de vingt heures à
peine ; il n’y avait pas trace de poison dans son cerveau.
La conclusion était bien simple. Les deux premières
victimes avaient subi un commencement d’intoxication; la
troisième avait été empoisonnée en une seule fois. Ce que la
science indiquait la justice le retrouvait par une autre voie.
J ’ai essayé de vous montrer que la chimie physiologique
s’était imposée parce que ni l’anatomie, ni la physiologie
n’àvaient pu donner l’explication des phénomènes vitaux.
Pour cela j ’ai été obligé de définir la chimie organique, la
chimie physiologique; il me reste maintenant à vous faire
voir les rapports de ces trois branches de la science de la vie
et arriver à vous indiquer les services que la chimie physio
logique rend à la pathologie.
Deux grandes fonctions: le sang et l’urine peuvent servir
pour vous montrer ces rapports.
Le sang vous montrera la nourriture et les matières pre
mières.
L’urine les résidus et les produits fabriqués.
Le sang est un liquide qui parcourt les artères et les vei
nes ; il est destiné à porter les matériaux nécessaires à la
vie des tissus, ainsi qu’à réunir les résidus provenant de
leurs transformations. Ce sont les travaux modernes qui ont
appris son rôle et ses propriétés.
L’anatomie n’avait pu donner aucune notion sur ce liquide.
Aristote et Hériphille sans méconnaître son importance n’a-
�—
l e
vaient pas déterminé son rôle. C’est un physiologiste du
xvne siècle, Harvey, qui le premier vit le sang circuler dans
les artères et les veines des biches de Charles Ier. Il décrivit
la circulation, mais n’indiqua pas le rôle définitif du sang.
Le sang se présente à nous sous l’aspect d’un liquide rouge
vermeil quand il provient des artères, et rouge brun quand
ce sont les veines qui le donnent. Le sang veineux après
avoir recueilli sur son passage les matériaux nécessaires à
l’alimentation arrive dans l’oreillette droite du cœur ; chassé
par le ventricule droit dans les poumons où il perd par un
phénomène physique l’acide carbonique qui provient des
combustions et reprend l’oxvgène nécessaire à entretenir la
respiration des diverses cellules.
Toutes les parties du sang sont aussi importantes les unes
que les autres ; mais celle chargée d’apporter l’oxygène joue
le principal rôle : ce sont les globules sanguins. Ce principe
qui ne peut agir qu’à l’état vivant prend l’oxygène à l’air et
le porte aux tissus qui en demandent pour effectuer une com
bustion.
La chimie nous fait entrer plus avant dans le phénomène
de la nutrition. Efle nous fait connaître ces matières de nature
albuminoïde qui s’organisent et reforment les tissus.
Si dans le sang on ne peut suivre les réactions qui s’effec
tuent il est facile de s’en rendre compte en les comparant à
un phénomène plus simple étudié d’une façon merveilleuse
par Pasteur.
Le ferment alcoolique, végétal ou animal, vitaux dépens
du sucre qu’il transforme en alcool. Pasteur est parvenu à le
faire développer complètement dans un milieu constitué par
des matières minérales plus du sucre. Les matières minéra
les servent au ferment pour construire son squelette ; le
sucre est employé pour sa respiration et pour confectionner
— 13 —
ses tissus. Être à l’étal bien imparfait il a besoin d’une
matière facilement combustible, aussi ne peut-il agir direc
tement sur le sucre qui offre une certaine résistance à la
décomposition. Mais la glucose et la lévulose peuvent lui
servir de nourriture.
La fonction aldéhydique de la glucose lui permet de céder
facilement son oxygène, et l’acide carbonique se dégage.
La molécule entamée se décompose complètement et l’al
cool se forme. Mais cet être n’a pas l’énergie nécessaire pour
le brûler et l’alcool se répand dans le liquide environnant.
Le globule sanguin peut se comparer à ce ferment ; il
apporte l’oxygène nécessaire pour brûler ces matières su
crées ou albuminoïdes, mais étant d’une nature plus énergi
que, il aura non seulement le pouvoir de transformer le
sucre de canne et de brûler la glucose, mais aussi d’em
ployer l’alcool qui avait était épargné par le ferment. Les
matières abuminoïdes qui contiennent des radicaux d’alcool
sont brûlées et servent, soit à procurer la chaleur, soit à don
ner les matières nécessaires à l’édification de la cellule.
Reprenons le phénomène de la fermentation.
L’alcool est un produit d’excrétion pour le ferment ; quand
la proportion atteindra un maximum, l’être ne pourra plus
vivre il sera tué si on ne le soustrait pas à cette influence.
Tout ce travail ne s’est pas effectué sans usure des outils
employés pour l’efiècluer. Aussi irouve-l-on à coté de l’al
cool, des matières solubles qui proviennent de la désagréga
tion des cellules du ferment.
Nous sommes en présence de deux produits : l’un, l’alcool,
qui n’est pas entièrement brûlé ; les autres, des matériaux
très curieux, car ils sont identiques à ceux que l’on rencon
tre dans la désassimilation des êtres vivants.
De même pour le sang, le corps le plus oxydé auquel peut
�donner naissance la vie du globule se formera : cette ma
tière est l’urée. Si elle vient à s’accumuler elle produira de
véritables phénomènes d’empoisonnement semblables à ceux
que l’alcool fait naître sur le ferment. Le globule s’est aussi
détruit en partie pour elïectuer son travail et les matériaux
qui ne sont plus utiles doivent être expulsés.
Le ferment, cet être simple en apparence, possède tous les
organes de l'animal supérieur, mais à l’état tellement rudi
mentaire, qu’ils ne peuvent être séparés. Il ne peut vivre que
dans un milieu cosmique qui lui apporte ses aliments en partie
préparés. Ce milieu forcément liquide, devra recevoir les
déjections et les produits de transformation. Mais ceux-ci se
concentrant toujours de plus en plus, il arrive un moment
où le ferment ne pourra plus vivre.
Il en est de même du sang, qui est le milieu intérieur dans
lequel vivent les éléments anatomiques, comme le poisson
dans l’eau sans en être imbibé. Il reçoit à chaque instant
tous les produits de tranformalions et de dédoublements ; il
faut les enlever à mesure qu’ils se forment pour que le sang
soit toujours identique à lui-même. Si le milieu intérieur
vient à se modifier il agit sur les éléments des tissus et
influence par conséquent les phénomènes vitaux. C’est par
l’intermédiaire de ce milieu que s’établit la solidarité des
éléments anatomiques ; si un seul vient à être modifié tous
sont influencés.
C’est une véritable autonomie des éléments anatomiques.
Un pour tous, tous pour un.
Chacun a son office dans cette admirable république ; mais
personne ne gouverne. Chacun se livre à son travail sans se
préoccuper de son voisin ; sachant bien que c’est la solidarité
la plus parfaite qui fera toujours la force d’une collection
d’individus. Mais tous sont tellement unis pour la cause
— 45 —
commune que si un seul vient à faire défaut tout le système
en souffre.
Les matières albuminoïdes transformées : l’urée, les sels
inutiles sortiront de l’économie par un phénomène analogue
à celui au moyen duquel l’acide carbonique est chassé. Le
sang rencontre sur son passage un organe particulier qui lui
retire ces produits de transformation. Le rein est un véritable
filtre qui dans l’état normal n’enlève au sang que les élé
ments inutiles à la nutrition. L’animal ne cessant jamais
d’user de la matière, cet appareil fonctionne continuellement.
L’urine se rassemble dans une poche particulière et n’est
rejetée au dehors que de temps en temps. Dans la composi
tion de ce liquide entrent toutes les matières entièrement
brûlées. Leur nature et leur constitution est importante à
connaître à un double point de vue.
Leur nature nous dira si la combustion des tissus se fait
convenablement ; leur constitution pourra nous faire prévoir
celle de nos aliments et de là expliquer les transformations
qui se passent dans l’intérieur de nos organes.
L’urine n’est pas comme le sang un liquide vivant ; ce
n’est qu’une solution de principes chimiques parfaitement
définis et toujours les mêmes. Le plus important est l’urée
qui est le principe dans lequel se transforment tous les
autres. Ce corps qui est la dernière métamorphose de toutes
ces matières est celui par lequel ont peut juger du fonction
nement de nos organes. À côté de l’urée on rencontre un
corps qui n’est pas entièrement brûlé et que l’on peut com
parer à deux molécules d’urée dans lesquelles trois atomes
d’hydrogène onl été remplacés par un radical particulier : le
larlronvle, qui provient de l’oxydation de la glycérine.
Cet acide urique ne se trouve pas dans l’urine en quantité
considérable, mais quand sa proportion augmente il se dépose
�— 46 —
déjà dans la vessie en donnant naissance à des calculs. Un
manque d’oxygène dans la vie des tissus produit ce phéno
mène.
Cet acide n’est pas le dernier terme de la transformation
des matières albuminoïdes et contient encore de l’hydrogène
remplaçable par de l’oxygène. La transformation en urée
quelquefois n’est que partielle et alors on voit apparaître l’alloxane, l’allanloïne, l’acide oxalique, qui formant avec les
sels de chaux de l’oxalate de calcium, donnera naissance à
des calculs.
La présence de l'acide urique, sa constitution aidant,
donne l’explication de maladies très cruelles.
Cette constitution va nous mener encore plus loin.
L'urine renferme en très petite quantité un autre principe,
la xanthine qui ne contient que deux atomes d’oxygène. Dans
les muscles, surtout, se trouve une matière, la sarcine, qui
diffère des deux précédents par un atome d’oxygène en
moins.
N’est-ce qu'une coïncidence ? Ou bien ne doit-on pas voir
dans ces produits des modes de transformations d’un même
principe.
La sarcine en prenant un atome d’oxygène forme de la
xanthine qui, elle, à son tour donne naissance cà l’acide uri
que qui, lui, se transforme en urée et acide carbonique.
Si l’oxygène vient à faire défaut l’acide urique sera rem
placé par ces matières d’abord, puis les tissus fonctionnant
mal, ce sont les autres substances moins oxygénées comme
l’albumine qui pourront être rejetées au dehors de l’économie.
C’est avec le secours de la chimie que cette urologie,
peut, pratiquée par un homme exercé aux analyses chimiques,
rendre d’immenses services à la médecine.
La constitution de l’acice urique peut nous faire prévoir
celle des matières albuminoïdes.
— 47
Rappelons ce qui se passe sous l’influence du ferment. Le
sucre est transformé en une matière plus simple, l’alcool ; le
groupement aldehydique du glucose forme de l’acide carboni
que. Nous connaissons la composition de l’acide carbonique,
celle de l’alcool.
Pourquoi ne l’appliquerions-nous pas à l’acide urique.
L’acide urique ne serait qu’un corps comparable à l’acide
carbonique. Hydrogénons cet acide carbonique nous pour
rons en faire un alcool. De même pour l’acide urique rem
plaçons dans son radical tarlronyle l’oxygène par l’hydro
gène nous aurons un alcool et sous sa forme d’acide une
matière albuminoïde pouvant servir à l’alimentation.
Ce n’est donc que par l’introduction des méthodes chimi
ques dans l’étude des phénomènes de la vie que l’on peut se
rendre compte des diverses transformations qui s’effectuent
sous l’influence d’une propriété que possèdent seuls les élé
ments organisés.
L’anatomie, d’un côté, décrit l’organe ; de l’autre, la phy
siologie en désigne le rôle. La chimie est chargée, elle,
d’isoler, d’étudier le principe auquel on doit rapporter le
phénomène.
Son rôle quoique passif est bien beau, puisqu’elle est
chargée d’éclairer et de guider ces deux sciences. C’est un
conseiller saus lequel on ne peut rien faire mais qui s’égare
vite s’il veut marcher seul.
Reconnaissons tous les résultats auxquels sont arrivés les
chimistes ; ils ne sont plus, comme disait Becker :
Gens macérés dans l’eau de pluie,
Flairant de loin l’odeur de suie,
Flambés, roussis et rissolés
El par leur fumée aveuglés.
�— 49 Songez à tout ce que vous devez à la science chimique et
surtout à ces chimistes qui consacrent leur existence à la
recherche de la vérité au prix bien souvent de leur vie.
Ne vous étonnez pas de leurs recherches et surtout ne leur
adressez pas celte question oiseuse :
À quoi cela sert-il ?
Eux pourraient vous répondre :
A quoi cela sert-il que Soubeiran ait eu l’idée de distiller
de l’alcool avec du chlorure de chaux?
Cela sert à produire le chloroforme qui supprimera les
souffrances occasionnées par une opération.
A quoi cela sert-il que Dumas ait fait passer pendant des
jours et des jours du chlore dans de l’alcool?
A donner aux gens trop sensibles le colorai qui vous en
dormira sans produire les accidents que le chloroforme occa
sionne encore trop souvent.
A quoi cela sert-il que C. Bernard ait étudié comme il l’a
fait les alcaloïdes de l’opium ?
Cela sert à choisir le principe particulier qu’il faut admi
nistrer dans un cas donné. Les travaux ont permis de voir
que certains alcaloïdes de l’opium étaient toxiques ; d’autres
procuraient un sommeil dont le réveil avait lieu sans souf
frances ; d’autres enfin, sans amener le sommeil, étaient des
convulsivanls.
Voilà des travaux expérimentaux. Mais vous ne vous incli
nez pas facilement devant les recherches théoriques. Ce sont
pourtant les plus importantes.
Les théories ne sont pour les chercheurs que de véritables
déguisements que l’on endosse pour traverser une période,
pour se guider vers l’inconnu et dont on doit se débarrasser
aussi facilement que du masque nécessaire pour pénétrer
dans un bal.
Les théories sont indispensables. C'est à elles que l’on doit
tous les travaux modernes qui ont élucidé un grand nombre
de questions.
Mais comme des bonnes choses il faut en user et non en
abuser.
Ce sont ces théories qui nous ont fixé sur ha nature de ce
chloroforme, de ce chloral, de cet acide urique, de ce sucre.
C’est la théorie qui a appris que les alcaloïdes étaient compa
rables à l’ammoniaque. C’est elle encore qui a donné le pro
cédé pour les préparer artificiellement.
Laissez donc à Laurent, à Gerrhardt, à Wurtz, à Eekulé,
à Naquet, le soin de manipuler sur le papier ces petites lettres
coiffées d’un chiffre, il en sortira toujours quelque chose de
ces groupements plus ou moins igénieux.
C’est à eux que l’on doit ce fameux CH2 OH qui définit un
alcool primaire et vous permet de comprendre pourquoi cer
tains corps servent d’aliments, tandis que d’autres sont inca
pables de rendre ce service.
Toutes ces recherches ne sont pas l’œuvre d’un seul jour,
ni le travail d’un seul homme. De nombreux savants ont
occupé leur esprit à élucider ces questions. Mais parmi eux
il est deux noms qu’il faut citer : c’est à leur esprit générali
sateur que l’on doit toutes les conquêtes de la physiologie
moderne.
C. Bernard et Pasteur.
Ils sont Français, titre bien cher, sans doute, mais qui
m’embarrasse. Car je crains de voir renouveler le reproche
que l’on nous adresse trop souvent, de ne parler que des
nôtres. Tout le monde scientifique s’incline devant ces deux
personnalités : c’est ce qui m’encourage.
C. Bernard a voulu dégager la médecine de toutes ses
théories en introduisant l’expérimentation dans l’étude des
�— 50 —
phénomènes vivants. Il a chassé de la physiologie les
méthodes philosophiques et théologiques pour en faire une
science exacte s’appuyant surtout sur la chimie. — Il ne faut
pas croire qu’il ail abaissé les phénomènes vitaux en leur
donnant comme condition de manifestation les propriétés de
la matière. Il dit avec juste raison :
« La grandeur est plus dans l’unité que dans la diversité,
« la complexité seule fait la différence. La vie n’est qu’un
« résultat plus compliqué des lois de la physique et de la
« mécanique. »
Y nsieur Pasteur, cet homme éminent, à qui la science
lyer durement les secrets qu’il a su lui dérober, aétuie de la cellule dans cet être complet quoique micros1e. Le ferment lui a montré les transformations du
l’absorption de l'oxygène ; le dégagement de l’acide
i
ùque. Dans sa simplicité, le ferment lui a permis de
1 A*hr les éléments nécessaires à la vie de cet organisme et
, Vlv’. ainsi fixer ses conditions d’existeuce.
iii-ci a cherché l’explication du phénomène dans l’élémême.
ui-là a observé l’individu formé par la réunion de ces
I» f ’i ,
i (r -
sont, leurs efforts combinés qui ont introduit la chimie
élude des phénomènes vivants. Cette chimie que l’on
dée est venue à vous généreusement. De grands résul(|U été acquis. Mais les expériences étaient faites par des
I labiles et rompus aux travaux du laboratoire.
■r Reygnault, Reissel, Gavarret, Gréhant, Liebig,
Dumas, c’est dire le soin que l’on prenait pour obtenir un
nombre.
On a voulu encore plus, opérer rapidement et sûrement.
Mais ces deux mots jurent en chimie. On ne peut faire sûre
ment qu’en opérant avec beaucoup de soin.
— 51
La chimie est une science exacte par excellence, et ne
peut jamais abandonner la balance, c’est-à-dire, l’exacti
tude même. Si vous vous laissez entraîner dans de trop
grandes simplifications vous tombez dans une mauvaise voie
pour la science et la vérité. Il faut donner des études fortes,
faire naître le sentiment chimique.
Mais cette pratique ne peut s’acquérir que dans le labora
toire. Depuis longtemps on le savait, mais il n’y avait que
quelques rares adeptes qui pouvaient profiter des leçons du
maître.
Il a fallu que des hommes élevés dans ce milieu vinssent
montrer celte lacune, et fissent sentir la nécessité de don
ner aux étudiants ces notions indispensables que les nations
voisines développaient considérablement.
M. Duruy avait essayé; mais alors on avait d’autres pen
sées.
C’est M. P. Berf qui a imposé cette transformation.
Aujourd’hui les étudiants en médecine devront savoir
manipuler et devenus docteurs pouvoir se passer d’un colla
borateur pour faire leurs recherches chimiques.
Des laboratoires sont installés pour les recevoir et dans
toutes les écoles avec l’année qui commence l’expérience va
avoir lieu.
On veut plus encore: obtenir une décentralisation, lente,
il est vrai, mais qui se produira inévitablement.
La science n’a pas de patrie; elle peut naître aussi bien
au Nord qu’au Midi, à Paris qu’à Berlin, à Montpellier qu’à
Marseille, partout enfin où se trouvent des hommes avides de
s’instruire et d’instruire.
Marseille veut aussi avoir sa place.
Que lui manque-t-il? Rien. Les installations matérielles,
restreintes, il est vrai, sont à peu près suffisantes. Dans tous
�-
86
-
Le professeur de littérature française a fait l ’an dernier
l ’histoire de la famille, de la vie, et des œuvres de BoileauDespréaux. 11 se propose d’étudier cette année le roman sati
rique et bourgeois en France pendant la première moitié du
dix-septième siècle. L ’abus du roman aristocratique, pasto
ral avec d’Urfé, sentimental et métaphysique avec Mlle de
Scudérv, amena chez nous, par une réalion naturelle et iné
vitable, une contre-partie bourgeoise et railleuse. C’est celte
littérature réaliste et positive que M. Bizos se propose d’exa
miner dans ses œuvres principales.
— 87 —
Le cours de littérature ancienne de l ’année 1880 a eu pour
objet l’étude des mœurs romaines d’après les poètes du pre
mier siècle. M. Lehanneur avait pris pour objet spécial de
ses recherches le théâtre de Sénèque, et il s’était proposé de
déterminer les conclusions que l ’on peut tirer de celle élude
touchant le caractère et les mœurs du public auquel s’adres
saient ces pseudo-tragédies. Après avoir examiné et résolu
affirmativement la question de l ’identité de Sénèque le phi
losophe et de Sénèque le tragique, après avoir rapidement
rappelé l ’histoire de la tragédie latine avant Sénèque, M.
Après quelques mots consacrés à Y Euphormion de Barclay,
Lehanneur a étudié en détail chacune des pièces de Sénèque,
qui le premier alors retrace les aventures familières d’un
spécialement YHercule fu r ie u x , le Thyeslc , la Médée, où le
homme de basse condition, et a u x fragments d'Histoire Co
poète donne carrière à une imagination dépravée, éprise des
mique de Théophile, il abordera l ’œuvre romanesque de
conceptions les plus bizarres et les plus monstrueuses, les
Sorel, Polyandre, Francion, le Berger extravagant. Deux
Phéniciennes, où l ’on peut étudier par le détail les procédés
disciples de Sorel, Du Verdier, auteur du Chevalier Hypocon
de style savants et raffinés chers à Sénèque, enfin les pièces
driaque, et le sieur de Clerville, auteur du Gascon extrava
assez nombreuses où l ’ auteur croit s’inspirer d’ Euripide, et
gant, ne seront pas oubliés. Puis viendra l’ étude approfondie
qui ne servent qu’à faire éclater son infériorité par une com
du Roman Comique de Scarron et du Rom an Bourgeois de
paraison imprudemmentprovoquée. Cinq leçons sur les sali res
Furetière. Autour de ces des œuvres capitales seront groupées
de Perse, ces essais laborieux et gauches d ’un poète capable
les Histoires Comiques de Cyrano, la Précieuse de l’abbé de
néanmoins d’accents généreux, ont terminé le cours auquel
Pure, les Autobiographies de Tristan l ’ Ermite et de d’ As-
doivent faire suite les leçons de celte année.
soucy.
Le professeur d’ histoire a, cette année, exposé la politique
Le professeur de littérature française croit qu’il y a là un
de Louis X IV jusqu’au traité de Nimègue. C’est la brillante
sujet très utile à traiter. Il s’ efforcera de mettre en lumière
période de ce règne, où un prince ambitieux, ami de la gloire,
ces esprits ennemis de l ’emphase, adversaires acharnés des
né avec une âme grande, concentre dans sa main toutes les
fausses élégances et de la convention dans le style comme
ressources de la France, pour devenir le prince le plus puis
dans les manières, remontant ou essayant de remonter à l’es"
sant de l'Europe. A l ’intérieur, il réorganise les finances,
prit gaulois des Rabelais, des Duperrier, des Béroalde. Il
l’armée et la marine, développe le commerce et l ’industrie,
montrera comment leur but fut en partie le même que celui
discipline le gouvernement des provinces et porte enfin
de Boileau, qui d’ailleurs dans sa sévère et parfois trop ri
dans nosloix l ’ordre et la lumière. A l ’extérieur, il abaisse
goureuse justice a balayé leurs œuvres en même temps que
l’Espagne, à qui il enlève les Pays-Bas; la guerre de Hollande
celles de leurs adversaires.
�—
88
-
lui permet de reculer les frontières de la France vers le
examens de la licence et de l ’agrégation, quelques-uns en ont
Nord, et d’imposer la paix de Nimègue à l ’Europe pleine de
été déjà récompensés. 31. Konlz a été reçu agrégé
crainte et d’amiralion. Le seul défaut de cette politique, c’est
l’enseignement de l’allem and; 3IM. Reynaud et Fournier
pour
d’ètre sans frein. Aussi, l ’ Europe se révolte-t-elle contre le
ont été admissibles à l ’agrégation des lettres et à celle d’his
souverain dont l’ambition sans mesure est, pour sa sûreté,
toire.
une éternelle menace.
Celle coalition formée d’abord à
L’expérience de cette première année a permis de réaliser
Ausbourg, renouvelée en 1701, infligera à la vieillesse du
déjà quelques améliorations importantes. Le nombre des
grand roi les plus cruelles humiliations, et finira par lui im
boursiers a été augmenté, et l ’instruction des candidats nous
poser, avec le paix d’Utrecht, la reconnaissance de la suc
permet d’espérer de m eilleurs succès. Les maîtres auxiliaires
cession protestante en Angleterre et le démembrement de
ne seront plus distraits de leur préparation à la licence pour
l’ Espagne. La France renonce bientôt à lutter contre l ’auto
être, pendant des semaines ou des mois, employés au ser
rité despotique du grand roi ; mais elle s’épuise peu à peu
vice du lycée. Un certain nombre d ’élèves se sont également
en soldats et en finances; ses ressources tarissent, et elle est
fait inscrire, et nous comptons aujourd'hui quinze candidats
menacée d’une profonde décadence, parce que les caractères
qui suivront régulièrement les cours. Enfin, la liste de nos
s’abaissent, et que le gouvernement ne laisse subsister aucune
correspondants tend aussi à s’étendre, e t , à la correction
de ces institutions qui, en opposant au pouvoir d’utiles bar
écrite des devoirs, s’ajoutera, même pour les plus éloignés,
rières, garantissent la dignité des peuples et la grandeur des
un enseignement oral. Tous les derniers jeudis du mois, les
souverains. C’est celte période que le professeur étudiera dans
professeurs de la Faculté feront, à Aix et à Marseille, des
le cours de celle année.
conférences où les candidats pourront se rendre des divers
Mais ces programmes ne donnent qu’ une idée bien in
points de l ’Académie pour y entendre donner de vive voix
complète des occupations de la Faculté. Une réforme heu
des conseils et des renseignements auxquels les corrections
reuse a donné aux Facultés des lettres des auditeurs sérieux,
par écrit ne sauraient suppléer.
qui, dans des conférences multipliées, se préparent aux exa
Enfin , une mesure récente de M. Ferry, dont le nom
mens de la licence ; quatre boursiers, quatre maîtres et cinq
restera justement attaché à ces réformes, établit, dans chaque
auditeurs libres ont, l ’année passée, profilé de ces enseigne
Académie, une bibliothèque circulante, qui permettra tour à
ments. Aux explications des auteurs de la licence, nous avons
tour à tous les candidats d’avoir quelque temps entre les mains
ajouté la collection de devoirs régulièrement donnés tous les
ces éditions savantes, où ils apprendront par eux-mêmes com
mois. Nos leçons ne se sont même pas bornées aces conditions
ment les grands écrivains classiques doivent être étudiés et
un peu restreintes ; un système de correspondance étendu à
commentés.
toute l ’ Académie nous a permis de corriger les devoirs de
Ainsi, les secours ne manqueront pas à ceux qui voudront
tous ceux qui ont voulu s’adresser à nous. Sur les quarante
travailler; ni les livres ne leur feront défaut, ni les profes
correspondants qui se sont préparés dans ces conditions aux
seurs. Ceux-ci ne failliront pas à de nouveaux devoirs qu’ils
�1
acceptent résolument, puisque la jeunesse est appelée à
en profiter. Ils demandent seulement de pouvoir suffire à
leur tâche, et ils n ’y suffiraient pas, si le Ministre ne leur
donnait des auxiliaires. On nous a fait espérer un maître de
conférences qui serait chargé de la littérature grecque; nous
l ’attendons tous les jours avec une impatience qu’augmente
encore le nom du jeune maître appelé à ces nouvelles fonc
tions, nom resté cher à notre Faculté (I). M. Lehanneur pourra
ainsi se décharger du double fardeau qu’il a supporté cette
année avec tant de dévouement et de succès ; il se consacrera
tout entier à la littérature latine ; il y développera avec plus
de zèle encore, si c’est possible, ces rares qualités d’esprit
qui en font déjà un critique si savant et si éclairé.
Un maître de conférences, c’est quelque chose, mais ce
n’est pas assez. Les professeurs de Faculté, pour rester dignes
d’occuper les chaires de l ’enseignement supérieur, ne peu
vent se laisser absorber ni par les fatigues des examens, ni
même par la préparation à la licence ou à l ’agrégation. Il leur
faut du loisir pour se tenir au courant des travaux les plus
récents, et contribuer eux-mêmes au progrès de la science.
Aussi, faut-ii leur laisser du temps pour leurs études per
sonnelles. Il y a là pour eux des obligations que la Fa
culté d'Àix est désireuse de maintenir. Elle le prouve encore
cette année. M. Bizos a publié, sur Boileau et ses frères,
nne étude ingénieuse, spirituelle, qui nous montre que, dans
cette famille, l ’esprit et le don de la science étaient un com
mun patrimoine ; l’ héritage était considérable, et chacun en
avait sa part; ce qui n’empêchait pas quelquefois les riva
lités et les disputes, absolument comme s’ils eussent à se
(t) Nos vœux ont élé exaucés, et M. Lafayc, le fils de notre ancien
doyen, a élé nommé maître de conférences pour lailillérature grecque.
Nous sommes heureux d’en exprimer ici notre satisfaction.
partager le greffe paternel. Les travaux de M. Bizos ont
d’ailleurs reçu leur récompense ; il a élé nommé officier d ’aca
démie et définitivement attaché à notre Faculté comme pro
fesseur titulaire.
C ’est avec le même bonheur que nous
avons vu M. Lehanneur nommé d’abord maître de confé
rences devenir chargé de cours, en attendant que des mé
rites déjà constatés lui fassent décerner avec le titre de pro
fesseur la chaire de littérature ancienne, dont il
est digne
à tous égards. M. Joret, chargé d ’ une mission du Ministre
de l’Instruction publique pour délim iter les frontières du
patois bas-normand, achève en ce moment même l ’impres
sion d’un dictionnaire où il marquera l ’exacte prononciation et
le sens précis des mots de cet idiome rapproché du vieux
français. Le professeur d ’ histoire a publié diverses études sur
Carthage, sur l ’Espagne contemporaine, le Diable boiteux
de Lesage et la biographie de Simon de Montfort, qui passe
pour avoir fondé, en Angleterre, la Chambre des communes.
L'année a donc été bien rem plie; espérons que celle qui
commence ne sera pas moins féconde; les encouragements ne
nous manquent pas ; nous redoublerons d’efforts pour faire
ce qu’ont le droit d’attendre de nous l ’Université et la Ré
publique.
�— 93 —
lésions incurables, ou bien ils suscitent sur des organes plus
importants encore pour le maintien de l ’existence des pertur
RAPPORT
DE
M.
DIRECTEUR DE L'ÉCOLE DE
DE MÉDECINE ET
DE
SEUX
PLEIN
EXERCICE
PHARMACIE
bations brusques qui, par la soudaineté de leurs attaques
mortelles, surprennent et attristent profondément, témoin
Brocca, ce savant hors ligne, témoin Delpech, ce gracieux,
cet aimable et bien distingué académicien, naguère enlevé à
nos sympathies! Parm i les illustrations que l ’année scolaire
1879-1880 a vu disparaître de notre grande famille univer
sitaire, notre groupe m arseillais a perdu un de ses membres
les plus éminents; c’est le doyen Favre, dont l ’ Ecole de Mé
decine, dans laquelle il avait initié aux attrayants secrets de
la chimie plusieurs générations d’élèves, a eu particulière
ment à regretter la m ort! Favre, ce savant chimiste, dont
d’autres qui ont une compétence que je n ’ai pas le bonheur
Monsieur
le
R e cteu r ,
de posséder, ont rappelé les travaux si remarquables, a fini
par le cerveau dont il avait abusé. L ’ Ecole avait vu son éloi
Messieurs ,
gnement avec tristesse, elle a appris sa mort avec douleur.
Mon devoir est de rendre à sa mémoire les hommages dus au
Plusieurs fois déjà, j ’ai été appelé à consacrer les pre
professeur et au savant: je le fais en priant sa famille, si jus
mières lignes de ce rapport à la mémoire de collègues enle
tement affligée, de vouloir bien agréer les témoignages de
vés à notre respect et notre am itié. Coste d’abord, puis
profonde sympathie, qu’au nom de mes collègues, j ’aurais
Reynéset Demeules, Favre aujourd’hui. Pourquoi faut-il que
voulu, au moment solennel de la séparation, lui adresser
notre Ecole de plein exercice, si jeune encore, ait eu, dans
publiquement, et que, libre aujourd’ hui des entraves impo
si peu d’années, tant de pertes à déplorer? C’est une fatalité.
sées par le défunt lui-mème, j ’adresse du fond du cœur à
Toutefois, il est facile d’en découvrir le secret qui n’est qu’ap
tous les siens !
parent. Il est triste à remarquer que, depuis quelques an
Après avoir rendu
aux morts l ’hommage du à leur
nées, tous les corps savants sont réellement décimés, les
souvenir, je dois dire, en toute justice et vérité, pour
pertes s’y renouvellent bien plus qu’aux époques antérieures.
les vivants, que professeurs, suppléants et employés de tout
C’est que le travail intellectuel ne s’ accommode pas plus des
ordre de notre école, redoublent chaque année de zèle et de
excès que toute autre fonction; or, n’esl-il pas poussé bien
dévouement dans l ’accomplissement de leurs devoirs; pour
loin aujourd’hui ce travail, par la généralité des chercheurs
quoi n’en puis-je pas dire autant des élèves au point de vue
plus nombreux qu’autrefois? Dans ces conditions, les centres
de l’assiduité aux cours, qui, en général, laisse beaucoup a
nerveux surexcités sont atteints, à un moment donné, de
�-
-
94 -
95
désirer. J ’ai cependant la conviction qu’une bonne distri
devait diminuer pendant les premières années de l ’application
bution de leur temps, permettrait au plus grand nombre de
du décret; c’est ce qui s’est produit. Tout en regrettant qu’il
venir rendre, à leurs maîtres, par leur présence, à leurs sa
en soit ainsi, il n ’y a pas à se préoccuper pour l’avenir, car
vantes leçons, cet hommage que je me plais, chaque année,
l’équilibre, lorsque les esprits seront faits à la nécessité des
à rendre à la grande exactitude de mes collègues et aux qua
deux diplômes, se rétablira forcément. Du reste, nous tra
lités qui les distinguent.
versons, à ce point de vue, une période critique à cause des
J ’ai maintenant, Messieurs, à vous entretenir des inscrip
tions des élèves et des examens, puis des améliorations faites
modifications
incontestablement
avantageuses introduites
dans l ’enseignement de la médecine et de la pharmacie. Les
à l ’ Ecole dans le courant de l ’année, enfin des lacunes les
futurs étudiants ont été surpris, arrêtés un moment; la preuve
plus urgentes à combler.
c’est que l ’ensemble des inscriptions avait, depuis ces trans
Dans toutes les Facultés et Ecoles de Médecine de la Ré
formations, une tendance marquée à diminuer. Il nous faut
publique, le nombre des inscriptions a diminué; ainsi, à
traverser la crise ; ce qu’il y a de satisfaisant, c’est que, s’il y
Montpellier, il a été, pour 1877-1878, de 1,064 inscriptions;
a partout moins d ’étudiants, nous avons l ’assurance que ceux
en 1878-1879, de 914, et celle dernière année 1879-1880,
il est descendu a 851. A Nantes, Ecole de plein exercice
que nous formons aujourd’hui, ceux qui leur succéderont de
main seront des praticiens plus sérieusement préparés et plus
comme nous, pour ne citer que les établissements qui ont le
instruits. Une fois l ’équilibre rétabli, le nombre des inscrip
plus de rapport avec le nôtre, le chiffre des inscriptions qui,
tions reprendra son cours, qui toujours a été, pour notre
pour l ’année 1878-1879 avait été de 495, est descendu, pour
l'année scolaire qui vient de s’écouler 1879-1880, à 385
inscriptions.
Pour noire Ecole, le nombre des inscriptions a été, pour
1877-1878, de 825 ; pour 1878-1879, de 800, et pour cette
année, il n’est que de 658, ainsi répartis : 231 inscriptions
pour le doctorat, 200 pour l ’olliciat de santé, 49 pour le di
plôme de pharmacien de première classe, 177 pour celui de
pharmacien de deuxième classe.
Cette situation ne vous étonnera pas, si vous vous rappelez
ce que j ’avais l ’ honneur de vous dire l ’an dernier sur ce ré
sultat prévu. Le décret du 20 juin 1875, qui a exigé des can
didats au doctorat les deux diplômes, a constitué une excel
lente mesure, je vous en ai indiqué les raisons; mais, comme
je vous l’ai fait comprendre aussi, le nombre des inscriptions
Ecole, progressivement ascendant, comme le démontrent
mes précédents rapports. Le progrès, résultat des nouveaux
règlements, aura été ainsi complètement atteint, car tout ce
qui augmente l ’étendue et la durée des études médicales, est
un progrès à poursuivre dans l'intérêt de l ’humanité.
La gratuité des inscriptions, établie par le décret du
20 mars 1880, en augmentera-t-elle le nom bre? L ’avenir
seul pourra nous le dire.
Les examens de fin d ’année ont donné les résultats suivants:
candidats inscrits, 120; étudiants en médecine, 70; en
pharmacie, 50 ; la mention très bien a été accordée cinq
fois; bien, vingt et une fois; assez bien, vingt-deux fois;
candidats ajournés, 20 ; candidats absents, 15.
A la session de rentrée, les 8 et 9 novembre, 27 élèves en
médecine étaient inscrits,
12 ont été adm is,
4 ont été
�— 96 La mention très bien el la mention assez bien ont été
données une fois; médiocre, dix fois.
15 élèves en pharmacie étaient inscrits, 10 ont été admis,
2 ont été ajournés, 3 ne se sont pas présentés.
Les mentions bien et assez bien ont été accordées trois fois,
médiocre dix fois.
Les examens de la session d’automne ont eu lieu, pour les
officiers de santé et les sages-femmes, du 22 au 26 octobre.
Candidats inscrits : 18, 1 pour le premier examen seule
ment ; 42 pour les trois examens ; 1 pour le second et le troi
sième ; 4 pour le troisième seulement.
Sur les 13 candidats qui ont subi le premier examen, 12
Les examens de fin d’études pour l ’officiat de santé et pour
ont été admis, il n ’y a eu qu'un ajournement; 12 se sont
les sages-femmes, présidés par M. Estor, professeur à la Fa
présentés au second examen, 11 ont été admis, un seul a été
culté de Médecine de Montpellier, ont eu lieu, pour la session
ajourné.
de printemps, les 3 et 4 mai.
10 candidats se sont présentés pour subir le premier exa
men, tous ont été admis. 10 candidats ont subi le deuxième
examen, tous ont été également admis. 40 ont subi le troi
sième, 2 ont été ajournés. 8 ont été jugés dignes de recevoir
le diplôme d’officier de santé.
15 ont subi le troisième examen ; 2 ont été ajournés. 13
candidats ont été jugés dignes du diplôme.
La mention bien a été accordée onze fois, assez bien
quinze fois, médiocre dix fois.
Six élèves sages-femmes se sont présentées; elles ont été
admises.
Sur ces vingt-huit examens, la mention très bien n’a été
La session d ’automne pour les pharmaciens et les herbo
accordée qu’une fois; la mention bien a été donnée trois fois,
ristes a commencé le 4 octobre et s’est terminée le 14. Can
assez bien six fois, médiocre dix-huit fois.
didats inscrits, 27 ; 2 pour le premier examen seulement ;
4 élèves sages-femmes se sont présentées et ont été ad
mises.
2 pour le premier el le second ; 8 pour les trois examens ;
6 pour le second el le troisième; 9 pour le troisième seule
Pour les pharmaciens, les examens, présidés par M. Sou-
ment. Sur les 12 candidats qui ont subi le premier examen,
beiran, professeur à l’ Ecole supérieure de pharmacie de
Sont été admis ; il y a eu 4 ajournements, 13 se sont pré
Montpellier, ont eu lieu du I6 au 24 avril.
sentés au second examen; 10 ont été admis; 3 ajournés.
8 candidats ont subi le premier examen, 1 seul a été
ajourné; 19 se sont présentés au deuxième, 1 1 ont été admis;
19 ont subi le troisième, 16 ont été jugés dignes du diplôme
de pharmacien de deuxième classe.
Sur les trente-quatre examens subis avec succès, la men
tion très bien a été accordée une fois, bien sept fois, assez
bien six fois, médiocre vingt fois.
3 candidats au titre d ’ herboriste se sont présentés, un seul
a obtenu le diplôme.
18 ont subi le troisième examen ; un seul a été ajourné.
17 candidats ont obtenu le diplôme .
La mention li és bien a été accordée une fois ; bien 2 fois ;
assez bien, 11 fois; médiocre 21 fois.
Cinq candidats herboristes se sont présentés el ont été ju
gés dignes du certificat d ’aptitude.
Les examens de validation de stage exigés par le décret du
31 août 1878, et subis pour la première fois, ont eu lieu du
15 au 18 octobre. L e ju n était présidé par M. Soubeiran, pro-
�— 99 -
— 98 —
fesseur à l ’école supérieure de pharmacie de Montpellier ;
blies par elle pour notre budget, nous avons pu, cette année,
M. Roustan, professeur de pharmacie à l ’école, et M. Dus-
créer plusieurs services de la plus grande importance ; raille
saud, pharmacien de 1” classe, étaient les deux autres juges.
remercîments à la cité de la part de ses enfants reconnais
Sur 27 candidats, 21 ont été admis, 4 avec la note bien,
sants I
L ’année scolaire 1880-1881 va en effet s’ouvrir par l ’ins
8 la note assez bien, 12 la note médiocre.
Je ne dois pas quitter ce sujet sans vous faire remarquer,
tallation de quelques-uns des services dont l'an dernier je
Messieurs, que la première fois celte année, a eu lieu dans
vous faisais espérer le prochain fonctionnement. Je n’ai pas
notre école, l’application de la décision m inistérielle du 30
à vous indiquer ce qui a été fait à l'école de médecine depuis
décembre 1879,
que j ’ai l ’honneur de la diriger, mes rapports précédents
par laquelle les candidats au doctorat
étaient autorisés à passer, au siège même de l ’école, tous les
vous en donné successivement les détails; je ne dois vous
examens qui doivent être subis dans le cours des quatre an
parler que de ce qui a été fait depuis l ’an dernier ; vous
nées d’études, c’est-à-dire avant la seizième inscription. En
pourrez ainsi juger la mesure dans laquelle nos espérances
elTet, le 43 août, un jury composé de MM.
se sont réalisées.
Moitessier,
professeur de physique à la faculté de Montpelier, président,
Eslor, professeur
La chaire de physique médicale, devenue indispensable à
d’anatomie pathologique, et de Girard,
cause du prem ier examen du doctorat, a été créée par arrêté
agrégé pour les sciences physico-chimiques à la même faculté,
ministériel du 22 décembre 1879. C ’est M. Caillolde Poney,
s’est réuni dans notre grand amphithéâtre où ont été appelés
professeur de matière médicale, dé:ùgné à l ’administration
à subir les épreuves du premier examen du doctoral, les six
supérieure par ses travaux spéciaux, qui a été appelé à occu
candidats qui se sont présentés sur dix qui s’étaient inscrits.
per cette chaire, dont par son zèle et son incessante activité
On peut dire que le résultat de cet examen a été satisfaisant
il a hâté autant que possible le fonctionnement. Celui-ci ne
pour notre école, car sur les 6 candidats, quatre ont été
laissera rien à désirer celle année, car non-seulement le cabi
admis, 1 bien, I assez bien, 2 médiocre ; telles ont été les
net de physique, complément indispensable, est aujourd’hui
notes obtenues.
installé dans des conditions très convenables, mais le labora
Voilà, Messieurs, un progrès véritable à vous signaler au
toire pour les travaux pratiques de physique vient aussi
point de vue des avantages moraux et matériels des élèves
d’être achevé, de sorte que l ’enseignement de la physique
qui, par cette bienveillante mais juste autorisation, termi
médicale à noire école sera complet à l ’avenir, tant au point
nent régulièrement à M arseille leur scolarité entière, sans
de vue théorique qu’au point de vue pratique.
perte de temps et en évitant à leurs familles les dépenses,
résultat inévitable de tout déplacement.
Ce laboratoire ne se compose que d’une pièce, mais il a
deux annexes, une petite chambre noire destinée aux expé
Grâce à l ’immense générosité de l ’administration munici
riences spectroscopiques et aux préparations photographi
pale pour tout ce qui concerne l’enseignement médical à Mar
ques, plus l ’emplacement d ’une grande vitrine renfermant
seille, grâce aux excellentes combinaisons financières éta-
les balances, le baromètre, le cathétomètre et autres instru
ments délicats.
�<00
—
101
Dans la salle, a été construite avec beaucoup de soin
une grande cheminée dite paillasse et pour enlever toutes
liquéfaction des gaz : des balances de Bekrersonsde Deleuil ;
les vapeurs qui pourraient détériorer les appareils, on a muni
un baromètre normal de Régnault.
le tuyau de la hotte d’un système de becs de gaz destiné à ac
Pour l ’acoustique : un diapason à son variable ; tous les
tiver le tirage. Une cage à évaporation analogue à celles qui
appareils à flammes manométriques de kœnig; les résonna-
sont établies dans les laboratoires de Munich est annexée à
teurs d ’Helm olz ; une boîte de douze diapasons pour l ’élude
cette paillasse, elle permettra d’installer les piles et de sedé-
desmouvements par la méthode stroboscopique. Ces diapa
barasser des vapeurs qui se dégagent durant certaines opé
sons sont installés de façon à pouvoir répéter les expériences
rations.
de Lissajous sur la composition du mouvement vibratoire;
Le mobilier se compose de table munies de tiroirs, des
armoires fixées au mur régnent aussi tout autour de la salle.
Le gaz et l’eau arrivent sur les tables ; de plus, un certain
nombre de tables mobiles pourront être placées là où le be
soin s’en fera sentir.
Une fenêtre est disposée de manière à pouvoir introduire
la lumière solaire au moyen d’un héliostat.
Le cabinet de physique a été installé dans la seule pièce
disponible; la salle est un peu étroite; mais on a gagné de
un chronographe de Marey.
Pour la chaleur: un grand banc de Melloni complet pour
l'étude de la chaleur rayonnante.
Pour l ’optique: un speclroscope gouiomètre à deux pris
mes ; tous les appareils de Dubosq pour la projection des
phéuomènes électriques, la persistance des impressions lumi
neuses; un appareil pour le redressement des projections.
Pour Pélectricilé: une machine de Holtz à quatre pla
teaux;
deux piles thermo-électriques de
Clamond;
une
la place en faisant construire des vitrines qui occupent toute
grande bobine de R hum korfî ; un galvanomètre de Carpenter ;
la surface des murs. Ces vitrines sont d’une profondeur suf
un moteur Marcel Desprès; une pile secondaire de Planté ;
fisante pour loger tous les instruments; ne portant pas de
un polyscope trouvé qui a pour but d’éclairer les cavités du
cloisons intérieures, elles forment un système de galeries vi
corps des animaux; un grand appareil de tripier pour l ’élude
trées dans lesquelles les instruments, tout en étant à l ’abri de
de l ’action des courants d’induction sur l’économie animale.
la poussière, se laissent voir sous toutes leurs faces ; des
La méthode graphique est représentée par un cylindre ac
étagères mobiles permettent de grouper les instruments
tionné par un régulateur Foucault; un chariot conduit par
et d’en placer un grand nombre dans un espace restreint.
les axes du régulateur; des tambours manipulateurs et ré
Le cabinet se compose pour le moment de deux cent vingt-
cepteurs.
six instruments. À coté des appareils de fondation, l ’école
Le cabinet possède aussi un explorateur des vibrations du
s’est attachée à ne se procurer que des instruments d’une
larynx et des mouvements des lèvres, ainsi qu’un polygra-
nécessité absolue, ceux qui peuvent rendre le plus de ser
phe à projection.
vices à l’enseignement soit théorique, soit pratique. Ainsi,
C’est M. Heckel, professeur de botanique à la Faculté des
pour la physique générale : un appareil de Caillelet pour la
sciences de notre ville qui a été appelé à remplacer M. Caillol de Poney dans la chaire de matière médicale ; je me fais
�—
102
— 103 —
-
un plaisir de redire devant le conseil académique, ce que je
livre chaque jour, pendant plusieurs heures, à d’intéressants
disais à mes collègues de l ’école de médecine au sujet de
travaux que le monde savant a pu apprécier, l’autre destiné
cette nomination :
aux travaux pratiques des élèves.
« M. Heckel était désigné pour occuper la chaire de ma
Ces pièces contiguës communiquent au moyen d’une porte,
tière médicale, soit à cause de ses travaux scientifiques spé*
elles sont de grandeur différente. La première, la plus vaste,
ciaux, soit à cause de l’ enseignement qui lui avait été confié
reçoit du jour et de l’air de deux cotés ; elle est consacrée aux
à l ’Ecole préparatoire de Nantes et à l ’ Ecole supérieure de
vivisections et aux grosses manipulations.
pharmacie à Montpellier. Persuadé que ce choix était excel
Sur l’ un des cotés, sont disposées des cages ponr pouvoir
lent, j ’ai présenté moi-même M. Heckel à l ’administration su
conserver en observation les animaux opérés. Ces cages sont
périeure, et j’ai la conviction que notre nouveau collègue
arrangées de façon à pouvoir recueillir les urines. Sur les
contribuera, avec les travailleurs savants et distingués au
autres cotés, des étagères, des tiroirs, des tables permettent
milieu desquels il vient d’entrer, à l’ élévation du niveau de
d’avoir sous la main les instruments et les substances néces
l’enseignement médical à Marseille, objet de nos efforts in
saires dans le cours des expériences sur les animaux. Une
cessants, déjà couronnés de succès. »
gouttière brisée (modèle de Bernard) et des tables trouées per
L ’installation du laboratoire de physique me fournit l ’occa
mettent d’opérer sur plusieurs animaux à la fois.
sion toute naturelle de parler du laboratoire de physiologie;
Par une disposition de vasistas ouverts dans le mur m i
c’est, en effet, dans le local, occupé antérieurement par ce
toyen, les appareils enregistreurs sont toujours prêts à rece
dernier qu’a été établi le laboratoire de physique.
voir les traces des phénomènes observés.
Je vous disais l'an dernier que la v ille avait bien voulu
La deuxième pièce, un peu moins grande, aussi très bien
nous accorder un local qui, consacré à un service étranger
éclairée, est destinée aux opérations plus délicates, et ren
à l’ Ecole, se trouvait enclavé au m ilieu de nos laboratoires,
ferme daus une grande arm oire vitrée tous les instruments de
ce local suffisamment grand, bien aéré, a été ehoisi pour le
précision. La disposition de la salle permet d’y faire les ob
nouveau laboratoire de physiologie. Ce laboratoire, grâce à
servations microscopiques et les opérations de chimie déli
l ’ habile direction de M. le professeur suppléant Livon, chargé
cates. Une grande cage à évaporation ménagée dans la mu
spécialement à l ’Ecole de Médecine de l ’enseignement de la
raille, à l’instar de M unich, sert dans certaines opérations à
physiologie expérimentale et de l ’ histologie, fonctions dont il
entraîner toutes les vapeurs qui pourraient altérer les ins
s’acquitte, depuis plusieurs années, avec le plus grand zèle
truments. Des placards, des tiroirs, des étagères servent à
et la plus grande distinction, est aussi complet que les dispo
placer les ustensiles et les substances dont on a besoin à tout
sitions du local ont pu le permettre. Je crois pouvoir affirmer
moment.
que peu de laboratoires de physiologie en province sont aussi
Surune table, sont à demeure les appareils enregistreurs;
bien installés. Le laboratoire est divisé en deux parties,
les deux vasistas ménagés dans la cloison de séparation des
l’une pour le professeur qui, comme tout le monde lésait, se
deux salles, sont établis, à des hauteurs différentes, de façon
�m
—
105 —
à faire communiquer largement la table sur laquelle est fixé
non seulement de répéter les expériences déjà faites, mais
l’animal, dans la première salle, celle des vivisections, et la
encore d’y poursuivre des travaux originaux.
table où sont les appareils enregistreurs dans cette deuxième
salle.
J ’ajouterai que le laboratoire d’ histologie a eu aussi sa part
d’amélioration, car non seulement la salle a été agrandie,
Grâce «à ces ouvertures de communication, on peut enre
mais le matériel instrumental augmenté. Seize microscopes
gistrer tous les phénomènes observés chez l ’animal en ex"
avec les accessoires nécessaires sont aujourd’ hui à la dispo
périence, sans que les appareils puissent être souillés, sans
sition des élèves.
qu’il soit nécessaire de les déplacer à chaque instant.
L ’ancien laboratoire de physiologie était installé dans
Les deux pièces sont largement pourvues de gaz pour les
une seule pièce, par cela même mal disposé pour les opéra
opérations et l’éclairage, il en en est de même de l ’eau qui,
tions de toute nature que nécessitent les recherches de phy
arrivant sur dix points différents, trouve sur ces mêmes points
siologie expérimentale. Il faut donc compter la transforma
des conduites d’écoulements.
tion de ce service, comme une des plus importantes modifi
Quant aux instruments, le laboratoire de physiologie,
malgré ses modiques ressources, possède tous ceux qui sont
cations apportées à notre Ecole dans le courant de cette
année.
les plus usuels. Il va sans dire que l ’on cherche à ne se pro
J ’ai à vous dire encore que notre institut anatomique
curer que les instruments qui ne peuvent pas faire double
vient, comme c'était décidé l ’année dernière, de se complé
emploi avec ceux du laboratoire de physique, son proche
ter par la construction de plusieurs pièces indispensables au
voisin.
fonctionnement régulier de cet important service.
Le laboratoire de physiologie possède, entre autres, une
Cette division offre aujourd’ hui la grande salle de dissec
boîte à vivisections, modèle du Muséum, deux étuves avec
tion qui, grâce à de nouvelles ouvertures pratiquées avec in
régulateur, une pompe à mercure, des appareils enregis
telligence, soit dans la toiture, soit dans les murs, sera beau
treurs, des appareils graphiques tels que tambours, explora
coup mieux éclairée et susceptible d’ une ventilaltion conve
teurs, signaux, manomètres, sphygmographes, etc., qui,
nable ; l ’amphithéâtre pour les cours d’anatomie et de mé
complétés par ceux que possède le cabinet de physique,
decine opératoire; le laboratoire du professeur d’anatomie;
forme la série des instruments nécessaires pour les recher
le cabinet du chef des travaux anatomiques, du prosecteur et
ches physiologiques.
des aides d’anatomie ; une salle de nécropsie pour les clin i
Comme force motrice pour la respiration artificielle, le
ques avec l’outillage complet ; une salle de conservation pour
laboratoire est en possession du moteur Bischop, sans compter
les cadavres avec auge pour les macérations ; une pièce avec
le moteur Marcel Desprès du cabinet de physique.
fourneau et chaudière pour les préparations; une terrasse
Ainsi qu’on a pu le juger par ce rapide exposé, nous sommes
avec hangar en dessous pour l ’exposition des pièces au soleil
arrivés peu à peu à constituer un laboratoire de physiologie
et la dessication. Je saisis avec empressement l ’occasion de
qui, parfaitement à la hauteur des études modernes, permet
remercier M. le professeur d’anatomie Rampai du concoure
�—
106
—
intelligent et dévoué qu’il a bien voulu me donner pour
l ’aménagement de ces différentes pièces. M. Rampai est un
collègue précieux dont on consulte toujours avec profil la
compétence spéciale, et qu’on trouve toujours prêt, lorsqu’il
Tous ces locaux pourront être chauffés ; de plus, ils sont,
pour les longues soirées d’ hiver, pourvus de l ’éclairage au
constitue
une très
importante
améliora
tion, car, malgré l ’abondance des cadavres fournis gratui
tement aux élèves,
152
durant l ’hiver 1878 - 1879,
181 durant celui de 1879 - 1880 , les étudiants ne se
livrent pas assez longtemps dans la journée aux travaux de
dissection qu'ils ne peuvent commencer avant dix heures et
demie, ou onze heures du matin, et qu’ ils doivent quitter à
midi, puis ils reprennent à deux heures et s’arrêtent à quatre,
la nuit se fait vile en hiver ; ce temps est bien court. L'éclai
rage au gaz de la salle de dissection et des différents cabinets
de travail obviera à ce grave inconvénient, en permettant
aux élèves d’assister aux cours durant la journée et de dissé
quer le soir. De quatre heures à huit heures, ils pourront
faire un travail sérieux, un travail de longue haleine, quatre
heures consécutives, cinq s’il
—
comme dans la plupart des carrières en France, toutes les
positions du début, agrégés, suppléants, médecins, adjoints,
etc., sont mises au concours, principe essentiellement en
rapport avec nos institutions démocratiques. L ’ Ecole a pensé
qne ce principe déjà appliqué pour les suppléants, pour le
s’agit des intérêts de l’enseignement.
gaz. Ce fait
107
—
le faut, étant à leur disposi
chef des travaux anatomiques, le prosecleur et les aides
d’anatomie devait l ’être aussi pour les chefs de clinique;
aussi, M. le M inistre l'a -t-il autorisée à adopter à l ’avenir ce
mode de présentation ; cette nouvelle mesure sera appliquée
au printemps de 1882, époque de la cessation des fonctions
des derniers chefs de clinique élus. J ’ai cru devoir insister
sur ce fait comme un progrès obtenu et comme preuve de
l’esprit libéral qui anime l ’ Ecole de Marseille; celle-ci, en
effet, a toujours tenu à attirer dans son sein tous les talents,
toutes les capacités qui pourraient lui faire honneur.
Je dois vous indiquer aussi que, comme les années pré
cédentes, toutes nos collections se sont accrues; la B ib lio
thèque particulièrement s’est enrichie de nouveaux ouvrages
et des dons que plusieurs professeurs ont bien voulu faire
de nombreuses publications périodiques qui forment un fond
de littérature médicale choisi, constituant des documents
très utiles à consulter.
tion. L ’éclairage au gaz de nos amphithéâtres est donc en
A ce sujet, je ne saurais passer sous silence un exemple
core un véritable progrès, dont nous ne saurions trop nous
touchant de la reconnaissance d ’un de nos anciens élèves, le
féliciter dans l ’intérêt de notre enseignement.
docteur Philippon, de Lyon, qui, se sentant atteint d’une ma
Nos chefs de clinique ont été jusqu’à ce jour nommés par
ladie mortelle, a voulu laisser à notre Ecole, son aima mater ,
arrêté ministériel sur la présentation de l ’ Ecole, qui choisis
un souvenir rappelant le culte qu’il avait vouéà ses maîtres;
sait parmi les plus capables des jeunes docteurs. Ces positions
c’est un ouvrage de longue haleine, tout à fait d’actualité,
fort recherchées n’ont été en effet occupées, depuis la créa
le Dictionnaire de médecine et de chirurgie qui se publie
tion de l’ Ecole de plein exercice, que par de jeunes méde
sous la direction du docteur Jaccoud. Oue la famille de cet
cins distingués, dignes d’une entière confiance et tous hom
estimable confrère veuille bien agréer l ’expression de notre
mes d’avenir. Aujourd’ hui dans l ’enseignement universitaire,
gratitude pour son bon souvenir et tous nos regrets les plu*
sympathiques pour sa mort prématurée.
�%
— 109 —
— 108 —
Il y a deux ans, nous avions augmenté le nombre des
rayons de notre Bibliothèque devenus insuffisants ; la place
dans ce cas d’une phlébite utérine ; les trois autres femmes
ont été atteintes, l ’une de péricardite, une seconde de fièvre
typhoïde, la troisième de broncho-pneumonie.
nous manquant encore aujourd’hui pour classer dignement
Je ne saurais vous parler de la clinique obstétricale sans
et dans un ordre convenable notre collection de thèses, nous
remercier M. le docteur Roux, de Brignoles, qui, sur le con
avons dû aviser. Nous tenons beaucoup à ces premiers tra
sentement de l ’Ecole et l ’autorisation deM. le Recteur, a bien
vaux de la jeunesse laborieuse, qui contiennent des docu
voulu, comme les années précédentes, faire dans la salle des
ments très précieux, souvent des mémoires originaux dignes
cours de celle clinique une série de leçons sur les maladies
d’être conservés.. Aussi, sur la demande de notre zélé et in
des enfants, à la satisfaction des élèves qui se sont empressés
telligent bibliothécaire, l ’Ecole n ’a-t-elle pas hésité à tolérer,
de venir se grouper autour de ce maître estimé.
dans la salle du conseil, une petite invasion de la Bibliothè
Voilà, sans contredit, d ’importantes lacunes qui viennent
que, sa voisine, en y faisant établir, avec tout le confortable
d’être comblées; malheureusement, toutes celles sur les
nécessaire, de nombreux rayons dans un corps de bibliothè
quelles j ’avais appelé votre attention l ’an dernier ne l ’ont
que exclusivement destiné à loger les thèses que, depuis
pas encore été.
plusieurs années, les Facultés de médecine nous adressent
régulièrement.
La clinique obstétricale, établissement nouveau, mérite
L ’administration des hôpitaux, sans donner toutefois un
caractère officiel à sa détermination, a bien voulu, il est
vrai, augmenter le nombre des lits affectés à nos cliniques
encore de fixer notre attention, car il est important de dé
de l ’Hôlel-Dieu, de manière à rendre ces services beaucoup
montrer à tous que, comme l ’année précédente, ce service
plus complets et à satisfaire Messieurs les professeurs de c li
n’a rien laissé à désirer, pas plus au point de vue hygiénique
nique; mais dans le vœu que, sur ma demande, vous aviez
qu’au point de vue des accouchements, dont le nombre est
adressé à M . le M inistre l ’an dernier, il était aussi question
supérieur à celui de plusieurs de nos Facultés. Comme pour
de charger les chefs de clinique de la visite du soir faite jus
les études anatomiques, nos élèves trouvent à Marseille, pour
qu’à ce jour par le chirurgien chef interne; rien n’a été fait
l ’etude pratique des accouchements, des ressources difficiles
à ce sujet.
à rencontrer ailleurs. En effet, 427 accouchements ont eu
J ’insistais aussi dans mon rapport de l ’an dernier sur dif
lieu cette année à la clinique ; je passe sur les détails qui les
férents sujets fort importants, entre autres sur la nécessité
concernent, et je me contente de vous faire observer que,
d’une clinique spéciale d ’enfants, sur celle d’une clinique
comme l ’année dernière, aucune épidémie ne s’est déclarée
d’ophthalmologie avec sa consultation à l ’hôpital. Ces diffe
dans l’établissement, ce qui tient aux excellentes conditions
rents points sont encore à l ’état de souhaits. Espérons que,
d’aménagement que j ’ai eu l ’honneur de vous faire appré
par des modifications introduites dans quelques-uns de ses
cier dans mon dernier rapport. Sur les quatre décès qui m’ont
services, la commission administrative des hôpitaux pourra
été signalés parmi ces 427 accouchées, une seule me paraît
arriver peu à peu à satisfaire les légitimes désirs de l'Ecole,
avoir succombé par le fait de la puerpéralilé; il s’agissait
�—
111
—
désirs sur lesquels j ’ai l ’honneur d ’appeler de nouveau votre
toujours bienveillante attention.
Je termine, en adressant au nom de l ’Ecole, mes plus sin
cères remereiments à MM. Raynaut et Alezais, le premier,
LISTE DES TRAVAUX PUBLIÉS PAR LE PERSONNEL DE L’ECOLE
PENDANT L’ANNÉE SCOLAIRE 1879-1880.
prosecteur, le second, aide d'anatomie, pour le zèle constant
avec lequel ils se sont acquittés île leurs fonctions arrivées
aujourd’hui à leur terme.
Je souhaite en même temps la bienvenue aux auxiliaires
de l ’enseignement, leurs successeurs, que le concours vient
de désigner à l ’administration supérieure, d’abord M. Cousin,
aide d’anatomie, comme prosecteur, après un très bon con
cours ; puis,
comme aide d’anatomie et de physiologie,
M. Pluyette qui, déjà l ’an dernier, s’était fait remarquer par
la bonté de ses épreuves.
Voilà, Messieurs, le bilan de l ’ Ecole de plein exercice de
médecine et de pharmacie de M arseille pour l ’année scolaire
1879-1880 ; de cet exposé, vous conclurez avec moi, j ’en ai
la confiance, que, d’année en année, notre établissement se
perfectionne, et que, peu à peu, se combleront les lacunes,
encore si nombreuses il y a quelques années. Il serait sans
doute bien satisfaisant pour moi de n’ en plus avoir à vous
signaler, mais je reprends courage et j ’espère en répétant
avec l ’aimable ami de Mécène ei de Virgile :
« Durum : sed levius fit patientia
Quidquid corrigere est nefas. » (1)
(I) Horace, ode xx®, livre 1*2, ad Virgilium.
M. V illeneuve père, professeur d’accouchements. — Considéra
tions sur la craniotomie (Marseille médical, avril et mai 1880).
M. Girard , professeur de clinique médicale. — Kystes byda
tiques du foie cl de la rate (Marseille médical, juin 1880).
M. Bertolüs, professeur de pathologie interne. — Biographie du
chevalier Rose et coup d’œil sur la peste de 1720.
«
M. Rampal, professeur d’anatomie. — 11® volume du compte
rendu des travaux du conseil d’hygiène du département des Bouchesdu-Rhône (sous presse actuellement).
M. P irondi , professeur de pathologie externe. — Coup d’œil sur
quelques récentes discussions de chirurgie pratique (Marseille médi
cal, avril 1880).
Récit d’une opération insolite et des plus graves pratiquée avec un
plein succès (Marseille médical, août 1880^.
M. Chapelain , professeur de clinique externe. — Calcul vésical.—
Lilhotritie. — Taille. — Phlegmon éliaque. — Guérison. — Travail
rédigé par M. Alezais, aide d’anatomie et de physiologie (Marseille
médical, mars 1880),
M. Combalat, professeur de clinique externe. — Mémoire sur la
ligature au catgut (Société de chirurgie).
M. F abre , professeur de clinique interne. — Les relations pathogéniques des troubles nerveux (vol. in-8, 523 p. Paris, Adrien
Délayé). — Analyse des leçons cliniques du docteur Ferrand sur les
formes et le traitement de la phthisie pulmonaire (Marseille médical’
août 1880).
Fragments de clinique médicale (Delahaye, éditeur, Paris).
M. Caillol db P oncy, professeur de physique. — Localisation de
l’arsenic dans le cerveau. 2® Mémoire en collaboration avec M. Livon
(Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonné, 1880*.
M. H ec eel , professeur de matière médicale. — Recherches sur le
�—
112
—
mancenillicr el son suc, ou collaboration avec le professeur Saklagdenhaussen (Mémoire présenté à l'Académie de Médecine).
De la présence d'une algue monocellulaire dans le poumon des
tuberculeux et du traitement de la tuberculose par les inhalations de
benzoale de soude (communication au Comité médical des Bouchesdu-Rhône).
M. S eu x père, professeur de thérapeutique, — Cours de théra
peutique. Thérapeutique appliquée. Leçons sur le traitement de la
fièvre palustre (Marseille medical, septembre cl octobre 1880).
M. Livox, professeur suppléant de physiologie. — De la con
traction rythmique des muscles sous l’influence de l’acide salicylique
(Académie des sciences, tor décembre 1879).
Recherches sur l’action physiologique de l’acide salicylique sur la
respiration.
(Académie des sciences, 16 février 1880.)
De l’action physiologique de l’acide salicylique et du salicylate de
soude sur la respiration.
[Tribune médicale, 2 mai 1880).
(Marseille médical, avril 1880).
Recherches sur la localisation de l’arsenic dans le cerveau. 2*
Mémoire en collaboration avec M. Caillol de Poney.
(Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne, 1880).
Recherches physiologiques sur l’action du salicylate de soude sur
la contractilité musculaire (Mémoire lu à l’Académie de Médecine, le
10 août 1880).
Recherches sur la structure du foie et de l’intestin de l’octopus
(Association française pour l’avancement des sciences, Congrès de
Reims, août 1880).
M. Q ueirel , professeur suppléant des chaires d’accouehemenis.
— Observations d’hystérotomie, présentation de pièce pathologique
(Académie de Médecine, avril 1880).
Nouvel hystéromèlre porlecausliquc (Queirel et Rouvier, Académie
de Médecine).
Observation obstétricale communiquée à l’Académie de Médecine
par M. Tarnier, au nom de M. Queirel (octobre 1880).
M. V illeneuve fils, professeur suppléant des chaires de chirurgie.
— De la vaginalile néo-membraneuse hémorrhagique. Communica
tion au congrès pour l’avancement des sciences (Montpellier).
M. P auchon, professeur suppléant des chaires des sciences natu
relles. — Cours de chimie biologique, fragments [Marseille médical,
décembre 1879 et janvier 1880).
Recherches sur le rôle de la lumière dans la germination (Thèse de
doctoral ès-sciences).
M. Bousquet , chef de clinique obstétricale. — Revue de clinique
obstétricale. (Marseille médical, décembre 1880).
M. R ichaud, chef de clinique médicale. — Note sur un cas de
pemphigus et son traitement. iNole sur une tumeur du roédiastin
(Marseille médical, avril el juin 1880).
M. R f.y v a u t , proseclcur. — De l’ophlhalmie sympathique (Thèse
pour le doctorat). (Marseille médical, janvier 1880).
M. Cousin, aide d’anatomie. — Oxyde de zinc et diarrhée (Mar
seille médical, janvier 1880).
Grossesse gémellaire, suivie de l’expulsion d'un fœtus macéré et
d’un fœtus mort-né présentant une fracture double de la voûte du
crâne et des perforations crâniennes (Clinique d'accouchement, Mar
seille médical, août 188U).
Hydrocèle double guérie par l’injection iodée faite d’un seul côté.
Hôpital de la Conception, service de M. Marcorelles. (Marseille
médical, septembre 1880).
M. Roux, de Brignole», médecin en chef des hôpitaux. — De h
fièvre typhoïde chez les enfants. Conférence faite dans l’amphvthéàtre de la clinique obstétricale à l’hôpital de la Conception. Cours
complémentaire. (Marseille médical, février 1880).
�P R I X
D écern és a u x E lè v e s d e l'E co le d e M édecine
e t de P h a rm a c ie d e M a rse ille
Ajjoee scolaire 1879-1880.
— 115 -
*,e année
p'i* •• M. Tajasque.
2 "‘ Prix : M. Barlalier.
Menhon honorable : M. Bravav.
: ■'
ETUDIANTS EN M É D EC IN E.
t r a v a u x p r a t iq u e s d e s é t u d ia n t s en p h a r m a c ie
2 m‘ ANNÉE
3me
ANNÉE
Prix unique . M. Bidon.
Prix : M. Rabattu.
Pl'** : M. Arduin.
Mention honorable : M. Rebité.
Mention honorable ex-æ quo :
2 “ e
ANNÉE
MM. Arnaud et Gourrier.
Ier P rix : M. Oddo.
Prix : M. David.
Mention honorable : M. Cognet.
1 " ANNÉE
p,,‘ x •' M. Valette.
Mention honorable ex-æquo :
l re
ANNÉE
2'no Prix : M. Forcioli.
Mention honorable : M. Rossi.
ÉTUDIANTS EN PHARMACIE
2'uc
ANNÉE
1er Prix : M. Arnaud.
2 'i.e p , . j x
•
M. Cheval y.
Mention honorable : M. Arduiu.
MM. Anastay et Tajasque.
I
�— 117 —
travailleurs qui, mettant à profit les sacrifices souvent bien
RAPPORT DE M. PIRONDl
durs de leurs familles, attestent à la fin de l ’année scolaire,
et par des preuves irrécusables, que l’enseignement semé
par leurs maîtres a produit une bonne récolte.
PROFESSEUR
DE
l
’ ÉCOLE
DE
PLEIN
EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
L ’école de plein exercice 'de médecine et de pharmacie de
Marseille n ’a pas à regretter, qu’il nous soit permis de le
dire, le temps qu’elle consacre, avec zèle et dévouement, à
la liante mission qui lui est confiée, l ’ne voix plus autorisée
que la nôtre l ’a déjà constaté, mais nous ne pouvons nous
défendre de manifester à notre tour, un sentiment de vive
satisfaction en voyant que de jeunes élèves abordent aujour
d’hui dans les concours de fin d’année, et avec autant de
courage que de succès relatif, l ’étude et la solution de ques
M onsieur
le
R ecte ur ,
tions assez difficiles et qu’on n’aurait peut-être posées en
d’autres temps qu’à de jeunes médecins parvenus au terme
Messieurs ,
de leur scolarité.
Est-ce à dire pour cela que dans les concours de cette an
A la dernière séance publique de l ’ Académie française ua
des membres les plus riches d’esprit de celle illustre compa
gnie a rappelé d’abord que Sénèque ne connaissait pas de
plus beau spectacle que la vue de /’ honnête homme luttant
aveccouraije contre l'adversité, et il a ajouté que, pour lui
il y avait mieux, encore : c’était la vue de l'homme de bien
née tout a été parfait? On ne le croirait pas, et on aurait rai
son de ne pas le croire ; car en ceci, comme pour tout ce qui
se passe sur la surface de notre planète, U faut toujours dire
sunt bona m ixta m ali. Mais en vérité les ombres ne nuisent
pas au tableau, et font mieux ressortir, comme disent les
artistes, la pureté du dessin et la vigueur du coloris.
secourant l’infortune.
A ces deux belles pensées, aussi justes l’ une que l’autre,
I.
M. Victorien Sardou ne manquerait pas assurément d’en
ajouter une troisième si l’occasion lui était olïerte d’assister
Le double enseignement confié à notre école exige qu’on
à des cérémonies du genre de celle qui nous réunit dans cette
forme des médecins instruits et des pharmaciens capables;
enceinte. Et en elîet, pour tout corps enseignant, pour tout
c’est-à-dire qu’on prépare le mieux possible les éléments
homme prenant à cœur le résultat des constants elïorls de
de deux professions qui se complètent et ne sauraient se
notre chère Université, il n’y a pas de spectacle plus doux et
passer l’ une de l ’autre, sauf pourtant qu’on veuille se borner
plus sympathique que celui offert par la vue de ces jeunes
à faire de la médecine purement expectante, ce qui ne tour-
�—
118
—
nerail pas toujours, on peut l’affirmer, au profit des malades.
Médecins et pharmaciens ont grandement besoin de baser
leurs éludes spéciales sur la connaissance préalable des scien
ces appelées jadis accessoires et jugées aujourd’ hui nécessai
res à une instruction médicale ou pharmaceutique sérieuse.
Il est donc tout naturel que ceux, parmi nos honorables col
lègues, qui sont plus particulièrement chargés de l ’enseigne
ment de ces sciences, cherchent à élever,
d’année en an
née, le degré d’instruction de leui* jeune auditoire. Tendance
et ont eu à traiter, comme d ’habitude, deux questions: une
de chimie et une de zoologie :
1° De l ’eau considérée au point de vue de sa composition
et des qualités qui la rendent potable.
2° Des tœniadés ; de leurs caractères zoologiques et de leur
migration.
Pour la première question, et d ’après
le nombre de
points obtenus par chaque candidat, les concurrents ont été
du reste commune, disons-le de suite, à tous les professeurs
classés dans l ’ordre suivants: MM. Barlatier, Tajasque, Bra
de l'école, et parfaitement appréciée par les élèves eux-mê
vay, Anastay, Martin ; mais ce classement n’a pu être mainte
mes, car d’année en année aussi ils montrent] plus d’ému
nu pour la deuxième question, après laquelle l ’addition totale
lation et concourent avec plus d’empressement à l ’obtention
des points a fait accorder le premier prix a M. Tajasque, le
du titre de lauréats de l’école. Et celle ambition, si modeste
deuxième à M. Barlatier et une mention honorable à M.
qu’elle soit, doit infailliblement leur porter bonheur. Par ces
Bravay.
premières luttes ilss’exercent d’abord à exposeren public leurs
17 sur 18 élèves en pharmacie de deuxième année se sont
idées et les connaissances déjà acquises ; ils s’ habituent à ne
présentés à l ’examen ; 4 ont obtenu la note bien, et 3 ont
compter que sur eux-mêmes, et acquièrent ainsi l ’ utile con
concouru pour le prix : MM. Arnaud, Chevaly et Arduin.
viction que le meilleur mode de parvenir à une position ho
Pour première question, ils avaient à exposer la matière
norable et indépendante est d’acquérir, dès sa jeunesse, le
médicale, la chimie et la pharmacie du sucre, et déduire la
plus d’instruction possible. L ’ homme instruit n’arrive pas
théorie de sa préparation de ses propriétés chimiques. Des
toujours à la fortune ; cela n ’est, hélas ! que trop vrai, pour
trois dissertations soumises au jury, on a plus particulière
le médecin plus particulièrement; mais avec le savoir, il ac
ment signalé à l ’ Ecole celle de M. Arnaud comme parfaite
quiert une grande indépendance, il est libre et la richesse ne
sous tous les rapports. Tout y est exposé avec ordre et mé
donne pas toujours la liberté.
thode : on n ’y trouve pas une seule lacune.
Le règlement adopté par notre école de médecine et de
La deuxième question, relative à l ’histoire naturelle, de
pharmacie n’admet aux concours de fin d ’année que les
mandait aux candidats de décrire les caractères généraux
élèves ayant obtenu aux examens la note très bien ou bien.
des vertébrés. Et ici encore le ju ry a pu constater avec plaisir
MM. Anastay, Barlatier, Bravay, Martin et Tajasque, étu
que les trois concurrents s’étaient acquittés de leur tâche
diants en pharmacie de 1™ année, ayant pu bénéficier de
d’une manière remarquable. Prenant, en effet, pour point de
celle condition règlementaire, se sont présentés au concours
départ la fiction de Gœthe et plus particulièrement sans
doute les idées de Geoffroy Saint-Hilaire, qui assimile le
crâne à un ensemble de vertèbres renflées, et la face à une
�—
121
—
surcession d’arcs costaux, ils ont pu facilement dénombrer,
de points voulus pour obtenir le premier prix, mais le jury,
classer et grouper les parties du squelette dont ils avaient cà
et à l ’unanimilé des voix, a accordé un deuxième prix à
s'occuper.
M. Valette, elune mention honorable, ex-œquo, à MM. Anas-
Celte deuxième épreuve a beaucoup moins distancé les can
tay et Tajasque.
didats que la première ; mais le classement final a été néan
Sur 19 élèves participant aux travaux pratiquesde deuxième
moins assez facile, et M. Arnaud a obtenu le premier prix ;
aunée, 13 ont concouru pour le prix. Les épreuves étaient
M. Chevaly le deuxième, et M. Arduin une mention hono
assez difficiles ; il s’agissait : 1° de faire une analyse qualita
rable.
tive d’un mélange de deux sels, formé de tartrate d’ammo
niaque et de chlorure de zinc; 2° de préparer l'iodoforme et
Ce qui précède prouve incontestablement que les con
naissances théoriques sont en progrès chez MM. les Elèves
en pharmacie. Mais de même qu’ une connaissance parfaite de
l’anatomie, de la physiologie et de la pathologie ne saurait
suffire à MM. les Elèves en médecine pour en faire de bons
praticiens, si on les privait d’un large et complet enseigne
ment clinique, de même a-t-on pensé que des travaux pra
tiques, exerçant les élèves en pharmacie à toutes les mani
retirer l ’iodure de potassium ; 3° enfin, il fallait extraire l ’acide
benzoïque du benjoin par voie humide.
A la suite de ces sérieuses manipulations, le premier prix
a été accordé à M. Rabattu , le deuxième à M. Arduin et une
mention honorable à MM. Arnaud et Gourrier.
Il n’y a pas de concours parmi les élèves de troisième an
née, attendu qu’ils se trouvent au terme de leurs
études et
n’ont plus à subir l ’examen de lin d ’année.
pulations chimiques et pharmaceutiques, étaient indispensa
n.
bles pour former des pharmaciens sérieux, à la hauteur de
leurs importants devoirs professionnels.
Ces travaux pratiques sont classés et gradués de façon que,
Sur trois élèves en médecine de première année avant ob
dans l ’espace de trois années, les élèves peuvent être suc
tenu, à la fin des examens, la note règlementaire favorable,
cessivement exercés :
deux seulement ont concouru pour le prix ; M M . Forcioli et
1° A monter un appareil et à le faire fonctionner; à pré
parer un produit et l ’utiliser complètement ;
2° A l’analyse <iualilaiive et à la préparation des produits
organiques ;
Rossi. Comme question d ’ histoire naturelle, ils avaient à
décrire Yostéologie comparée de la tête dans toute la série des
vertébrés ; et, pour la chim ie : de l'iode et de Yaeide iodhydrigue.
.
3° A l’application de tout ce qui leur a été enseigné pen
Laqueslion de chimie n ’oiïrait, dans son ensemble, qu’une
dant les deux années précédentes; à l ’analyse quantitative
difficulté relative. Elle n ’exigeait, de la part des candidats,
et aux recherches toxicologiques.
que de la mémoire et de l ’ordre dans l ’exposition de faits
22 Elèves ont pris part au concours pour les travaux pra
tiques de première année. Aucun d’eux n ’a atteint le nombre
peu compliqués; aussi, a-t-on regretté que la rédaction des
deux épreuves laissât beaucoup à désirer.
�La question d'histoire naturelle était, au contraire, assez
compliquée, et demandait à de jeunes élèves d’être déjà quel
que peu familiarisés avec l 'étude aussi sérieuse que diflicile
des généralisations. Il s’en est suivi qu’aucun des deux can
didats n’a eu la pensée de présenter une analyse complète des
diverses parties qui composent le crâne et la face dans la
série des vertébrés, d’en décrire successivement l ’état de
liberté ou de soudure, et de signaler enfin leur diversité de
volume, de forme et de position. Chacun d’eux a choisi de
préférence et tout naturellement le terrain sur lequel il était
moins exposé à faire fausse route ; et tandis que M. Forcioli
s’est surtout occupé du système dentaire et a présenté un
résumé à peu près complet de l ’armature buccale des verté
brés, M. Rossi a plus particulièrement et presque exclusi
vement fixé son attention sur le nombre et la forme des condyles occipitaux, sur le plus ou moins de liberté ou de sou
dure des os du crâne, sur les empreintes musculaires exté
rieures, et sur le volume relatif de la face et du crâne.
Les questions posées étaient les suivantes : I n des fermen-
tatalions digestives ; 2° des signes des fractures du crâne.
D'une manière générale, le jury a constaté que toutes les
compositions témoignaient des études sérieuses et des con
naissances solidement acquises. La question de physiologie a
été plus particulièrement bien traitée; mais, à la vérité, elle
elle était de beaucoup la plus facile. Presque tous les candi
dats ont prouvé qu’ ils possédaient à fond le sujet, et aucun
d^ux rfa omis de signaler les faits fondamentaux de la di
gestion.
La deuxième question a été évidemment moins bien com
prise, et le jury a dû regretter, dans la plupart des compo
sitions, un défaut d’ordre et de méthode, deux choses si né
cessaires, par tout et toujours.
Cependant ici encore, deux candidats, MM. David et Oddo,
ont fait preuve d ’un savoir peu commun chez des élèves de
deuxième année. La dissertation de M. David est écrite dans
un style très remarquable, et la plume court sous ses doigts
avecaulant de facilité que d ’élégance. Toutefois, celle grande
Malgré les nombreuses lacunes constatées dans les deux
facilité de rédaction a entraîné M. David hors du chemin
compositions, l ’Ecole, tenant compte de la difficulté d’une
qu’il avait à parcourir, et c’est ainsi que le quart au moins
des questions soumises à des élèves de première année, ainsi
de son travail est inutilement employé à discuter sur le mode
que de la note obtenue aux examens et de leur assiduité aux
de résistance du crâne aux traumatismes, et sur la question
cours, a accordé un deuxième prix à
desavoir si cette boîte osseuse résiste aux choses extérieures
M. Forcioli et une
mention honorable à M. Rossi.
comme sphère ou comme voûte. Pas n ’est besoin, je crois, de
faire comprendre ici que lorsqu’il s’agit de constater sur un
ni. *
malheureux blessé, s’il y a, oui ou non, fracture des os du
crâne, peu importe au chirurgien, cliniquement parlant, de
22 élèves en médecine de deuxième année se sont pré
savoir au préalable si celte boîte osseuse aurait mieux résisté
sentés à l’examen, et le jury a eu la vive satisfaction de pou
comme sphère que comme voûte, et vice versa.
voir accorder à neuf d’entre eux le droit de concourir. Sept
seulement en onl profilé : MM. Dubois, Oddo , David,
mérite littéraire de celle de M. David, mais elle rachète ce
Vincentelli, Cognel, Godreau et Henry.
La dissertation de M. Oddo n ’a pas, à beaucoup près, le
�— 125 —
124 —
désavantage par une meilleure ordonnance du sujet, par la
que tous les trois possèdent, à quelque nuance près, les qua
clarté et par le grand nombre de faits qu’on y trouve cités.
lités nécessaires à ceux qui ambitionnent la réputation de
De toutes les compositions de pathologie externe, celle de
bons praticiens.
M. Oddo est incontestablement la plus complète et décèle déjà
chez ce jeune élève un sens clinique des mieux prononcés.
Après les dissertations de MM. David et Oddo, le jury a
signalé à l'Ecole le travail de M. Cognet comme digne de ré
Lç jury a dû cependant signaler le travail de M. Bidon
comme beaucoup plus complet que les deux autres, et en
somme le pointage a donné 10 à M. Boy, 11 à M. Rebité et
14 à M. Bidon.
compenses, malgré les lacunes et imperfections qu’on y cons
Quant à la deuxième question, relative à un procédé parti
tate; on a conséquemment accordé un premier prix à M.
culier de version, il nous faut convenir, non sans regret,
Oddo, un deuxième prix à M. David et une mention hono
qu’aucune des trois dissertations n’ a satisfait à la légitime
rable à M. Cognet.
exigeance de notre honorable collègue chargé de l’enseigne
ment obstétrical. Cependant M. Bidon est encore, des trois
IV.
concurrents, celui qui s’est maintenu le moins éloigné du
but qu’il fallait atteindre ; mais nous lui reprocherons d’avoir
J ’ose espérer qu’en vertu d’ un proverbe bien connu,
MM. lesElèvesen médecine de troisième année ne se croiront
pas trop négligés si je m’occupe d’eux en dernière ligne.
Trois candidats, MM. Boy, Bidon et Rebilé, ont concouru
pour le prix de fin d’année scolaire. Elèves distingués, ayant
déjà fait leurs preuves dans d’autres luîtes, ils ont eu à traiter
deux questions fort importantes et d’une solution peu aisée ;
une de clinique chirurgicale et l ’autre de pratique obsté
tricale.
La première était formulée de la manière suivante : Des
signes différentiels des tumeurs du testicule , de nature tu
berculeuse, syphilitique ou cancéreuse.
La seconde demandait aux concurrents de décrire le pro
cédé de version dans la position dorso-postérieure.
L ’examen fait par le jury des trois compositions chirurgi
cales a surabondemment prouvé que la question posée au
concurrent n’était pas au-dessus du savoir des trois candidats,
et ici encore l’ Ecole de médecine est heureuse de constater
émis, à cette occasion, un principe contre lequel on ne sau
rait trop s’élever. L’expectation, dit-il, est presque toujours,
sinon toujours une
fa ut e
en obstétrique!
Qu’on nous permette de l ’avouer humblement, l’exagé
ration choque, en général, et en toutes choses, les opinions
prudentes et modérées ; et en obstétrique, comme ailleurs
peut-être, le vrai savoir et l ’expérience veulent qu’on sache
attendre. Et à cet égard il n ’est pas inutile, ce nous semble,
de rappeler aux jeunes praticiens que de l’ancienne devise :
cito, tuto et ju cu n d e, on peut jusqu’à un certain point laisser
subsister le troisième terme, grâce aux bienfaits de l ’anes
thésie; mais il faut absolument intervertir l ’ordre ou classe
ment des deux autres, car le tuto doit passer incontestable
ment avant le cito. Faites bien d’abord, et ce sera toujours
assez vite.
Après mur examen l ’ École a décidé qu’un prix unique se
rait accordé à M. Bidon et une mention honorable à M. Rebité.
�Monsieur
le
H ecteur ,
Messieurs ,
Ici, termine la tâche dont on m ’a fait l ’ honneur de me
charger, et je m’aperçois, un peu trop tard assurément, que
j ’aurais pu abréger de beaucoup mon rapport.. Mais, je
l’avoue, le but qu’il m ’importerait d’avoir atteint serait de
prouver qu’à l ’exemple des savantes Facultés qui honorent
l’Académie d’Aix, l ’École de plein exercice de médecine et de
pharmacie de Marseille fait de son mieux pour accroître,
sans relâche, le degré d’instruction de ses élèves. Elle lient
à ce que le temps qu’ils passent dans nos amphitéâtres et
dans nos hôpitaux soit très utilement employé, et elle a foi
dans une transformation ultime, indiquée depuis longtemps
par les ressources nombreuses et de tous genres que notre
grande cité offre à une instruction médicale essentiellement
pratique, qui est, au demeurant, la plus utile entre toutes.
Enumérer ces ressources, en développer toute l ’importance
serait chose facile assurément, mais il ne faut pas qu’on puisse
nous dire que nous plaidons pro domo nostra , quoique il y
ait un âge où l’on ne saurait, en vérité, être taxé d’ambition
personnelle. Qu’il nous soit seulement permis d’ajouter, en
terminant, que si le gouvernement de la République veut
non seulement maintenir, comme on n ’en saurait douter,
mais encore accroître la légitime influence que l ’Université
française exerce un peu partout, il ne refusera pas de secon
der le patriotique bon vouloir de nos édiles, et il accordera
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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1880-1881.pdf
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ET DE PHARMACIE
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DES FACULTÉS
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DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théologie, de Droit et des· Lettres d'Aix. de la Faculté des
Sciences et de l'École de plein exercice de Médecine et
de Pharmacie de Marseille, a eu lieu cette année il Aix,
le mardi:23 novembre, dans une des salles de la Faculté
de Droit, sons la présidence de M. Bourget, Recteur de
l'Académie.
A onze heures du matin. M. le Recteur, MM. les Inspecteurs d'Académie du ressort et MM. les proresseurs
des Facultés et de l'École de Médecine assistaient à la
messe du Saint-Esprit qui a été célébrée il la Basilique
de Saint-Sauveur.
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A deux heures, la séance de rentrée était ouverte.
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M. le Recteur a fait son entrée dans la salle, et a été salué
par les applaudissements de l'Assemblée toute entiére.
On remarquait dans la salle tous les professeurs de
l'enseignement supérieur, les membres du conseil académique; M. Bédarride, maire de la ville; M. Bessat,
-
-.
procureur général; M. Schœl, président du tribunal;
M. Grassi, procureur de la République; plusieurs conseillers il la Cour et des fonctionnaires appartenant aux
diverses administrations de la ville et du département.
M. le Recteur a pris la parole; son discours fréquemment applaudi, a été suivi d'un discours de rentrée prononcé par M. l'abbé Peloutier, professeur d'éloquence
sacrée il la Faculté de Théologie.
M. Laurin, professeur il la Faculté de Droit, a ensuite
rendu compte des Concours ouverts entre les Étudiants
en Droit . M. le docteur Pirondi, professeur il l'École de
Médecine, a fait un rapport sur les travaux et les Concours entre les Étudiants de cette École.
La séance a été levée à 4, heures .
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DISCOURS DE M, BOURGET
RECTEUR DE L'ACADÉMIE
"
MESSIEURS ,
« L'éducation de la jeunesse a toujours été regardée par
• les plus grands philosophes et par les plus fameux légis« lateurs comme la source la plus cCl'laine du repos et du
« bonheur, non seulement des familles, mais des états mêmes
« et des empires, »
Ainsi s'exprime Rollin dans le septième livre du Traité
des Etudes,
,'
C'est qu'en eITet la jeunesse est comme la peplOlere de
l'Elat; c'est par elle qu'il se renouvelle el qu'il se perpétue,
Ce qu'elle renferme de bon ou de défeclueux se retrouvera
un jonr dans les pères de famille et dans les citoyens qui participeront il divers degrés au gouvernement de la nation,
C'esl pourquoi .Ies anciens, » dit encore Rollin, « avaient
.
~
"
�.
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~.
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( .... ..::
t
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•
'-<1."
.•..
~
-8« pOUl' maxime capitale que les enfants appartiennent plus
« à la République qu'à leurs parents, et qu'ainsi ce n'est
« point aux caprices de ceux-ci qu'il faut abandonner leur
« éducation, mais que la Républiqne doit se charger de ce
« soin; que, pour cette raison, on doit les élever non en
« particulier et dans la maison paternelle, mais en commun
« et sous une même discipline, afin qu'on leur inspire de
« bonne beure l'amour de la patrie, le respect des loi. du
« pays, le goût des principes et des maximes de l'Etat dans
« lequel ils ont à vivre. »
Nous n'affirmons pas aussi résolument aujourd'hui les
droits de l'Etat à s'emparer de l'éducation de la jeunesse,
droits que Rollin ne conteste pas. Nonscroyons que la liberté
du père de famille doit être respectée, dans une certaine mesure. Toutefois, nous pensons qu'il est de l'intérêt de la République de faire que le plus gl'and nombre des enfants soient
élevés dans l'esprit de ses institutions. Pour qu'elle vive,
pour qu'elle prospère sans secousses violentes, il faut que
la génération des jeunes gens d'aujourd'hui, qui sera demain
celle des hommes faits, soit animée de l'esprit moderne,
qu'elle croie à la science, au progrès, à la raison humaine,
et qu'elle ne jette pas un regard de regret snI' un passé poétisé par le temps et la distance; cal' ce passé, sous le nom de
bon vieux temps, ne présente à l'historien impartial que le
règne de la misère, de l'ignorance, de la superstition et de
l'injustice.
C'est pourquoi la majorité de la nation applandit anx saclifices que les Chambres lui imposent ponr le développement de l'instrnclion publique à tous les degrés; c'est ponrquoi aussi elle voit avec plaisir l'Etat reprendre peu à peu
les droits qu'il n'aurait jamais dû abandonner sur la direclion de l'éducation de la jeunesse. Nous revenons anx prin-
�-9-
..
'.
'T. :
;
'
cipes des anciens et de Rollin, principes dont la justesse est
reconnue par les ennemis mêmes de l'Université, M. de
Falloux, l'un des principaux au teurs de la loi de 1850,
disait: « Entre toules les obligations du gouvernement,
« l'éducation du peuple tient incontestablement le premier
« rang: àla profondeur où la société s'est trouvée ébranlée,
« elle ne peut recouvrer sa sécurité qu'en voyant grandir
« autour d'elle des générations qui la rassurent, »
Ces paroles semblent être écri tes pour notre époque, et
quoiqu'elles viennent d'un ennemi de la République, elles
expriment un p\'incipe juste que le gouvernement actuel
veut appliquer en redonnant à l'Université le rôle prépondé·
rant qu'elle doit avoir.
L'année qui vient de s'écouler marquera dans les annales
de l'instruction publique, et le nom de notre éminent ministre restera allaché aux grandes et heureuses réformes qui
commencent comme une è,'e nouvelle de l'Université. Il ne
semble pas inopportun, dans cette séance solennelle où se
trouvent réunis les membres du conseil académique et de
l'enseignement supérieur, d'en précise,' les traits les plus
saillants et d'en montrer l'esprit et l'importance.
Ces réformes sont de plusieurs sortes:
La collation des gmdes a été restituée aux membres de
l'Université qui représente l'Etat, Les professeurs des Facultés
ont toujours montré pal' leUl' impartialité et leur esprit
d'équité qu'ils étaient dignes de celle haute mission et à l'abri
de (out soup~on d'indulgence exceptionnelle pour les élèves
des établissementss universitaires, Aux yeux de la nation,
ces jurys présentent certainement plus de garanties que les
jurys mixtes.
Le principe électif a été, pOUl' la première fois, appliqué à
ta formation des grandes assemblées directrices de l'Uni ver-
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sité, savoir les conseils académiques et le conseil supérieur,
Les deux tiers du nombre des membres qui composent ce
dernier sont des mandataires des corps savants ou des grandes
écoles publiques ou libres, Les résolutions de ce conseil résultent de délibérations, de discussions graves entre des
hommes indépendants, compétents et spéciaux, appartenant
à toutes les branches de l'instrnction publique; on peut donc
affirmer que les réformes proposées par lui sont nécessail'es
et scientifiquement élaborées,
La réforme inaugurée cette année n'est donc pas l'œuvre
d'un homme, poussé par les passions politiques du momeut;
e'est une œuvre méditée, répondant aux besoins depuis longtemps exprimés de la société actuelle, société renouvelée par
la science, l'activité industl'ielle et commerciale, la facilité
extraordinaire des communications,
Dans le vaste programme des études nouvelles la littérature ancienne n'est pas sacrifiée, mais une part plus large et
mieux ménagée est faite aux langues vivantes, aux sciences
naturelles, aux sciences physiques et mathématiques,
Le cercle des études présente trois périodes qui conduisent
successivement à l'acquisition de connaissances bien déterminées, suivies d'examens donnant dl'oit à des certificats de
capacité:
Je ne veux pas entrer dans le détail des progl'ammes nouveaux, mais je tiens à dire que les différences avec les
anciens programmes ne sont pas aussi grandes que quelques
critiques l'ont prétendu, Les nouveaux programmes diffèrent
des anciens surtout par une distribution plus rationnelle des
matières et par une gradation plus scientifique des difficuités,
Le conseil supérieur n'a pas seulement voulu ordonner
jD;eux les matières de l'enseignement secondaire, il a voulu
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encore modifier profondément les méthodes mêmes d'enseignement. Dans un siècle de discussion, de libre examen,
il faut développer de bonne heure et dès le début des études
la raison de l'enfant, il faut surexciter chez lui les facultés
de comparaison, de généralisation, d'induction et de déduction. Comme le dit Spencer, l'évolution politique, sociale et
philosophique, qui a transfiguré le vieux monde du moyen
âge, tend à éliminer graduellement le dogmatisme et l'ascétisme dans la discipline scolaire. Plus d'oracles qui coupent
court à la discussion ou qui dispensent l'élève de réfléchir;
l'usage de faire tout apprendre par cœur est tombé eu discrédit; le développement spontané et l'appel à l'effort doivent peu à peu prévaloir.
D'autre part, toute méthode qui fait de l'étude un tourment doit être condamnée; on doit savoir perdre du temps et
ménager le corps dans l'intérêt de l'esprit; nous croyons
qu'on sert la pensée en faisant la bête robuste. Il faut que le
travail mental soit accompagné de plaisir, parce que le bonheur
n'est plus estimé l'objet d'un désir pervers, et que le gOÎlt
manifesté par un enfant pour un objet d'étude est un signe
qu'il a de l'aptitude pour cette étude, et qu'il y profitera.
Nous pensons aujourd'hui que l'enfant, pour apprendre
véritablement, doit comprendre; il faut donc mettre l'étude
il sa portée et l'y intéresser; il faut par l'interrogation socratique l'associer largement au travail de sa propre instruction.
Aux règles abstraites, aux formules, il faut substituer l'enseignement par la pratique et par les choses el aller toujours
du concret à l'abstrait, du simple au composé, de l'exemple
à la règle, de l'empirique au rationnel.
Montaigne, dans sa langne énergique du 16' siècle, a formulé ces principes d'une manière admirable; je me permets
de vous rappeler une page du chapitre xxv de ses Essais,
que j'ai toujours trQl1vée d'une haute philosophie:
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« Je voudrais, dit-il, que le précepteur se con'dnisit en sa
« charge d'une nouvelle manière, On ne cesse de criailler
« à nos oreilles, comme qui vfrserait dans un entonnoir, et
« notre charge ce n'est que redil'e ce qu'on nous a dit. Je
« voudrais qu'il corrigeât cette partie, et que de belle ani« vée, selon la portée de l'âme qu'il a en main, il commen« çât à la mettre sur la mOlltre, lui faisant goûter les choses,
« les choisir et discerner d'elle-même, Quelquefois lni ou« vrant le chemin, quelquefois le lui laissant ouvrir, Je ne
« veux pas qne le précepleur invente et parle seul: je veux
« qu'il écoute son disciple parler il son tour, Socrate, et de« puis Arcesilas, faisaient premièrement parler leUJ's disci« pies et puis ils parlaient à eux. Il est bon qu'il le fasse
« trotler devant lui pour juger de son train, et juger jusqu'à
« quel point il se doit raval/e1', pour s'accommodel' à sa force,
« Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots
« de la leçon, mais du sens et de la substance; et qu'il juge
« du profit qu'il aura fait, non par le témoignage de sa mé« moire mais de sa vie.
« C'est témoignage de crudité et indigestion de regorger
« la viande comme on l'a avallée: l'estomac n'a pas fait son
« opération s'il n'a fait changer la façon et la forme, à ce
« qu'on lui avait donné à cuire,
« On nous a tant assujettis aux cordes, que nous n'avons
« plus de franches allures: notre vigueur et liberté est
« éteinte, Qu'il lui fasse tout passer par l'étamine, et ne
« loge rien dans sa tête par simple autorité et à crédit, Les
« pl'incipes d'Aristote ne lui soient principes non plus que
« ceux des stoïciens ou épicuriens, Qu'on lui propose cette
« diversité de jugements; il choisira, s'il peut: sinon, il de« meurera en doute,
Che non men che saper dubbiar m'aggrada.
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« Qui soil on aotre, il ne suil rien; il ne trouve rien;
« voire il ne cherche rien.
« Les abeilles pillotent de
ça et de là les fleurs,
mais elles
« en font après le miel, qui est toot leur; ce n'est plos thym
« ni marjolaine. Aiosi les pièces emprllDtées d'autrui, le
« disciple les transformera et confondra pour en faire un
« ouvrage tout sien; à savoir son jugement, son institu« tion. »
Ainsi ~arle Montaigne, et Rabelais, avant lui, dit des choses semblables sur l'éducation. Vous voyez, ~Iessieurs, que
la méthode qu'on veut introduire dans nos établissements
universitaires n'est pas nouvelle; on peut même dire qu'elle
a été souvent appliqué par des professeurs habiles; mais on
veut qu'elle devienne systématiquement la méthode universelle d'enseignement pour toutes les classes et surtout pour
les premières classes, où l'enfant doit prendre de bonnes
habitudes d'esprit. Depuis plusieurs années, ces méthodes
ont été particulièrement essayées dans divers établissements
de Paris avec le plus gl"llnd succès: l'Ecole Alsacienne, SainteBarbe des Champs, Monge doivent leur prospérité il leur
application dans les classes enfantines.
L'Université est onverte à toutes les iunovations rationnelles et déjàappataissentde toutes parts des ouvrages de grammaire, d'histoire, de science élémentaire rédigés dans l'esprit de ces nouveaux procédés pédagogiques. Il est certain
que d'ici à peu de temps l'aspect de nos classes de lycées
aura changé et qu'à la place de jeunes gens fatigués et ennuyés des études classiques, nous aurons dans nos classes
primaires des enfants studieux et curieux d'apprendre, auxquels succèderont des jeunes gens actifs d'esprit, judicieux,
capables de raisonner sainement sur les objets de leurs études et possédant des méthodes sûres pour s'élever plus tard
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il la connaissance des diverses sciences qu'ils voudraient étudier seuls.
Nous n'avons pas la prétention de changer la nature hnmaine et par conséquent nous ne visons pas à supprimer
l'ennrt sans le lequel le travail utile n'ex iste pas. ~Iais nous
croyons connaître mieux celle nature humaine et par suite
être plus capables que nos pères de la bien diriger. Les études philosophiques sur l'éducation depuis Rollin, Rousseau
jusqu'à Pestalozzi et Spencer nous ont montre la meilleure
voie pédagogique à sui vre et c'est à systématiser dan's la pratique de l'enseignement primaire et de l'enseignement
secondaire les principes généraux formulés et élucidés pat'
ces philosophes que l'Universite s'allache aujourd'hui.
Cette longue digl'ession sur les réformes inaugurées celte
année dans les deux ordres d'enseignement primaire et
secondaire est-elle déplacée devant les professeurs de l'enseignement supérieur? Non, Messieurs, les trois ordres d'enseignement se touchent et les progrès des OI'dres inférieurs
résultent précisément des progrès et des travaux de l'enseignement supérieur.
C'est grâce aux profondes recherches des grammamens
et des philologues que l'étude des langues renouvelle ses
procédés; c'est grâce à la critique historique'- à l'étude scientifique de la géographie que l'enseignement de l'h istoire s'est
tl'ansformé et que l'étude du développement des institutions,
des progrès de la civilisation a remplacé le récit détaillé des
l'ois et des batailles qu'ils ont livrées. C'est dans les laboratoires des facultés et des écoles de hautes études que l'ou
prépare les éléments de l'instruction scientifique des enfants,
car pour mettre la science à la portée des ignorants, il faut
beaucoup de savoir et un esprit philosophique élevé.
A vous donc certainement, ~Iessieurs les professeurs de
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15-
l'enseignement supé,'ieur, revient l'honneur de la révolution
qui s'accomplit tous les jours et dans les matières de l'instruction générale et dans les métbodes employées pour la
rendre accessible et agréable au plus grand nombre,
Je voudrais, dans cette solenniLé qui vous est consac,'ée,
faire connaître en détail le travail intérieur de chacune de;
facultés de l'Académie, mais ceUe tâche serait impossible il
remplir dans le court espace de notre séance, je me bornerai
donc à en présentel' un résumé rapide,
Les membres de la faculté de tbéologie, avec leur zèle et
leur talent accoutumés, ont accompli le cycle annuel de leur
double programme, L<lS cours faits au séminai,'e ont été suivis avec empressement par un gl'and nombre d'élèves; je
suis heureux, pour ma part, de cette alliance enLre l'Université et le clergé.
Quelques publications montrent d'ailleurs que MM. les
professeurs de la faculté ne se bornent pas à la préparation
de leurs cours et travaillent en leur particuliel', soit il des
œuvres d'érudition, soit il des œuvres d'art destinées à l'édification des âmes pieuses.
La faculté de droit entre ceUe année dans un bâtiment entièrement restauré à neuf, agrandi et embelli (1 ). Les étudiants y seront il l'aise pendant les heures de cours, par suite
des modifications du matériel scolaire, et la bibliothèque bien
tenue, enrichie de tous les livres appartenant à la faculté
des leures et à la faculté de théologie, leur olTrira à des heures déterminées, dans une salle spacieuse, des séances de lectures utiles et agl'éables, Espérons qu'ils seront nombreux ,
malgré la concurrence d'une école récemment créée.
(1) C'est à l'initiative de son vénérable Doyen honoraire M. CarIes, c'est JUX liberalilés du ministre el de la municipalité que l'on doit
les impol'Lantes améliorations de l'école .
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et de nos meilleurs professeurs. M. Grellaud Auguste-Alexaudre-Ladislas est décédé à La Flotle (île de Ré), son pays nalaI. Il était né le 20 juin 4812.
Docteur en droit à 28 ans, il fut nommé le t2 janvier
1841 suppléant pI'ovisoire à la faculté de Poitiel·s. A la suite
d'un brillant concours en t 843, il fut nommé à l'unanimité
professeur suppléant à la faculté d'Aix, qn'il n'a pas quittée
depuis, sauf une année (1855-1856) qu'il a passée à Grenoble comme professeur suppléant de droit romain. Il professait à Aix le Code civil depuis le 5 juin 1867.
Le concours de 1843 àla suite duquel ~I. Grellaud fut nommé professeur suppléant a laissé des souvenirs durables dans
la ville d'Aix, pour deux raisons: il fut présidé padI. Rossi,
il en résulta la nomination de quatre professeurs :
lI. Etienne, professeur de droit romain;
M, Cabantous, professeur de droit administratif;
M, Grellaud et M. !Iartin, professeurs suppléants.
M. Grellaud fit une le~on de droit civil SUI' la preuve tesl~
moniale qui fut remarquée par M. Rossi et qui entraîna sa
nomination.
Depuis, M. Grellaud prit part, mais sans succès, à trois
concours pour une chaire à Aix. Ces échecs successifs, après
?Il brillant début, avaient quelque peu aigri son caractère.
M. GI'ellaud laissera à la faculté et au palais un vide réel.
Homme d'alTail'es remarquable, jurisconsulte consommé, professeur élégant et disert, il avait marqué partout sa place.
Ses avis faisaient autorité, ses leçons étaient des modèles.
Les étudiants garderont longtemps le souvenir de sa verve,
de sa parole causlique, de ses comparaisons piltoresques et
imagées où tant de justesse se cachait sous tant d'esprit. ~Ia
ladie et impotent depuis quelque temps déjà il vivait se!!l et
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retiré, mais ses amis savent que sous des dehors un peu
froids, il était foncièrement bon et ses coilègues se souviendront toujours de l'émotion qu:il témoignait chaque année,
quand il les retrouvait à la rentrée et de l'accueil chaleu,'eux
et cordial qu'il leur faisait cbaque fois qu'il les ,"oyai!.
Nous avons perdu encore un bon agrégé, que nous aurions
voulu retenir; la facuité nouvelle de !Iontpellier nous a enlevé M, Massigli, Disons que le voisinage de cette facullé
rivale nous inspiœ quelque inquiétude: il peut se faire que
quelques-uns des étudiants qui se,'aient venus à Aix, p,'éfèrent la résidence plus gaie de Montpellier, Il vous appartient, MessieUl's les professeurs, de conserver il notre école
sa vieille réputation de supériorité, en redoublant de zèle,
s'il se peut. Les élèves affiuent toujours il la longue dans
les facultés où se font les meilleurs cours et, sons ce rappor',
celle d'Aix n'a rien à envier aux autres, jusqu'" présent. Les
professeUl'S n'y sont pas seulement remarquables par le zèle
et la science qu'ils montrent dans leurs fonctions journalières, mais encore par la publication d'ouv..ages qui font autorité au loin dans le monde savant et judiciaire; il me suffit
de rappeler à votre mémoire les travaux d'économie politi que de lI. Alfred Jourdan, les publications de ~nl. l'Iaquet,
Gautie,' sur le d,'oit comme,'cial et administ..ati f et celle de
~1. Laurin sur le droit maritime qui lui ont valu les palmes
d'ollicier de l'Instruction publique,
Vous avez tous applaudi, comme moi, il la baute distinction accordée à M, Alfred Jourdan, notre excellent et é~
nent doyen, nommé récemment chevalier de la Légion d'honneur, Cette distinction était bien due au savant dont l'érudition profonde et l'esprit élevé ont élucidé des questions ardues d'économie politique dans des ouvrages devenus aujonrd'hui classiques, Qu'il reçoive ici de nouveau l'expression de nos sincères et sympathiques félicitations,
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Comme la fac ulté de droit, la faculté des sciences a eu son
deuil. ~1. Fabre, doyen honorail'e, s'est éteint après une longue agonie de 18 mois, Son intelligence était, hélas 1perd ne
pour la science depuis plus longtemps encore, mais il laisse
de nombreux et importants travaux qu i resteront comme
témoignage de son ardeur au tJ'avail et de sa haute valeur
scientifique. L'Académie des sciences de Paris, dont il était
membre correspondant, s'est associée à nos regrets. Puissent
toutes ces marques de sympathie adoucir le chagrin de sa
veuve et de toute sa fam ille.
A côté de ses peines la faculté des sciences a eu aussi ses
joies. La haute distinction d'officier de la Légion d'honneur
est venue récompensel' les tm vaux mathématiques et en quelque sorte couronner la longue et honorahle cal'l'ière de M.
l'abbé Aoust, dans l'Université. Ce n'est pas seulement le
professeur zélé qui a été récompensé, c'est surtout le savant
dont les recherches ont attiré souvent l'attention de l'Institut. L'attachement et le dévouement de ~I. l'abbé Aoust à
l'Université s'est manifes té en plus d'une occasion, aussi
tou tes les facultés ont applaudi iL la promotion qui lui a été
si justement accordée.
Les serYices exceptionnels de M, Marion dans la lutte contre le phylloxera lui ont valu de la part du !Iinistre de l'agri,culture et du commer'ce la cl'oix de la Légion d'honneUl', et
de la pal'! du Ministre de l'instl'uction pu blique les palmes
académiques. Ces serl'iœs ne sont pas seulement app réciés
citez nous: au mois d'octobre dernier, AI. ~Iarion a reçu la
cl'oix de commandeur de l'ordre de Portugal. Ces nombreux
témoignages d'es ti me montrent l' importance des recherches
scientifiques de M. Marion au point de vue pratique et au"i
les succès qu'il obtient dans son enseignement.
l I. Heckel a été nommé membre cOITes pondant de I:Aca-
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démie de médecine, pour ses nombl'eux et remarquables travaux de botanique; qu'il reçoive aussi uos félicitations,
M, Charve a obtenu, il y a peu de jours, en Sorbonne le
grade de docteur ès-sciences mathématiques. La brillante
thèse qu'il a soutenue lui a valu les éloges de la faculté et
l'unanimité de ses sulfl'ages,
Ai-je besoin, après cela, de vous parler des laboratoires de
~Iarseille 1 des tl'avaux de chimie, de minéralogie, de zoologie, de bO~1nique qui occupent les professeurs et élèves
groupés autour d'enx 1 Qu'il me suffise de vous dire que la
faculté est devenue tl'Op étroite et qu'il a fallu faire un nouvel appel à la libéralité de la ville, Grâce à sa bonne volonté,
une station zoologique a été créée à Endoume, un laboratoire
de botanique au jal'din Borelly, Avec ces annexes et ces
dégagements la faculté pourra toujoUl's se maintenir dans
les bâtiments qu'elle occupe aujourd'hui; bàtiments dont
la situation est éminemment favorable à la prospérité des
cours publics,
La faculté des lettres a, cette année, poursuivi le cours
de ses occupations avec autant de zèle que d'exactitude,
Les cours publics ne sont pl us la seule chose importante
pour MM, les Professeurs, Les véritables étudiants, boursiers
de la Faculté, maîtres auxiliaires du collège, maîtres répétiteurs, jeunes professeurs de collèges communaux, deviennent
chaque année plus nombreux el plus préoccupés de la préparation à la licence ès-lettres. La Faculté, sous l'impulsion
de ~1. le ~linistre, multiplie ses confél'ences, en vue d'entretenir et d'activer ce mouvement si favorable au recrutement
du personnel enseignant. Chaque Facultédevient ainsi comme
une succursale de l'Ecole normale supérieure,
Ponr ces besoins nouveaux, le personnel de la Facnlté des
lettres doit être augmenté, et un maître de conférences au
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moins est nécessaire à Aix. Il nous a ete promis, et nous
comptons recevoir bientôt la nouvelle de sa nomination.
Le nombre des candidats au baccalauréat ès-lettres a été,
pendant l'année classique, de 777; le nombre des admis n'a
pas dépassé 225, soit 30 pour 100. Le petit nombre des réceptions tient-il, comme on le ldit, à la sévérité relative des
professeurs? Je ne le crois pas. Quand on assiste aux épreuves orales, quand on lit les compositions des candidats, on
est frappé de leur faiblesse excessive, et l'on est plutôt disposé à demander compte à la Facu l t~ de son indulgence pour
les candidats heureux que de sa sévérité pour ceux qui ont
échoué.
C'est avec un sentiment de vive satisfaction que nous
avons tous accueilli la nomination de M. Bizos, comme professeur titulail'e de la chaire de la littérature fran~aise. Ses
brillante, et remarquables le~olls, qui captivent chaque hiver
un nombreux auditoire, méri taient cette récompense et la
décoration d'officier d'Académie, qui lui a été accol'dée.
~Iais ce qui nous a fait peut-ètre plus de plaisir, c'est la
distinction si bien méritée de chevalier de la Légion d'honneur donnée à M. Reynald au mois de janvier dernier. Ses
travaux historiques, nombreux et remarquables, les services
qu'il a rendus au pays, soit comme professeur, soit comme
membre du conseil municipal, le distinguaient depuis longtemps déjà à l'attention de ~I. le Ministre. Nous sommes heureux de lui renouveler aujourd'hui nos sincères félicitations.
J'ai visité, il y a quelques jours, dans tous ses détails,
l'Ecole de médecine. J'ai constaté, avec le plus grand plaisir,
que, grâce à l'activité de son sympathique directeur et à son
excellente administration, l'Ecole renferme maintenant tous
les éléments nécessaires aux travaux des élèves et des .pro-
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fesseors, L'espace un peo étroit dont elle dispose a été si bien
aménagé, que beaucoup de Facultés de médecine sont peutêtre moins hien dotées au point de vue des amphilhéàt~es et
des laboratoires, Il m'est donc pel'mis d'adresser à ~1. Seux
mes sincères félicitation, pour l'intelligente et rapide appropriation de l'espace que la ville lui a cédé,
Je n'ai pas besoin de dire que les pl'ofesseurs et les élèves
profitent largement des facilités de trayail qui leur sont accordées, Chaque année, la liste des publications de l'Ecole de
MUI'seilie devient plus longue, et je me permettrai aujourd'bui de la passer sous silence; vous la trouverez dans le
rapport que ~1. le Dil'ecteur doit lil'e au Conseil académique,
et qui sera inséré dans le compte rendu de notre séance,
A vous, Messieurs le, Etudiants, mes dernières paroles, Il
m'est peJ'mis, le jour de l'ouverture de vos cou l'S, de voos
donner quelques conseils et d'arrêter uu instant votre réflexion sur quelques graves pensées,
Vous vivez à une époque agitée de transformation, d'élaboration lente et progressive d'un nouvel or(he de choses,
de la consti tution d'uue nouvelle [ol'me de gouvernement,
seule forme qui pamisse logiquement compatible avec le
suffrage universel. Il serait chimérique de penser que ce
grand problème social puisse êll'e l'ésolu sans elTorts, sans
luttes, sans divisions, CUI' il s'agit d'allier, d'harmoniser tous
les éléments de la stabili té et de la conserva tiou sociale bien
entendues, avec les éléments nécessaires à un progrès régulier, et possible sans violentes révolutions; ces efforts, ces
luttes, ces divisions constituent la vie politique à laquelle
vous devez vous préparer, car vous êtes sur le point d'y participer,
Ces luites inévitables peuvent cependant devenir fécondes
en résultats heureux, et la vél'ité peut se faire jour au travers
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�-22des discussions même passionnées; mais il faut pour cela
qne ceux qni discutent aient l'esprit ouvert et large, qu'ils
ne sbient pas renfel'més trop longtemps dans un cercle étroit
d'idées absolues et exclusives; il faut qu'ils aient frotté leur
esprit contre celui du voisin, comme dit Montaigne; qu'ils se
soient pénétrés de bonne heure de ce principe qu'il est bon
de faire voyager son âme comme son corps hors de sa demeure habituelle, de lire et d'écouter l'exposé des systèmes
contradictoÏJ'es à ceux que l'on croit vrais, sur toute espèce
de sujets,
Le proverbe timeo hominen unius libr; peut être invoqué iJ. ce pl'OpOS, L'homme qui n'a lu qu'un livre, qui n'a
jamais converse qu'avec sa pensée, et qui n'a écouté que
des gens pensant comme lui, finit par croire qu'il possède la
vérité absolue et que ses jugements sont infaillibles. Cet
état constitue une véritable maladie mentale, car, hélas 1 la
vérité en toute chose est difficile à trouver, la vraie science
ne marche qu'avec timidité et u'affil'me qu'avec hésitation;
lewai sage dit souvent « peut-être », et ce que l'on appel'çoit le mieux quand on a beaucoup étudié et beaucoup vécu,
c'est que l'on ne sait pas grand.chose et que l'on s'est trompé
souvent.
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Dans des problèmes aussi complexes que celui du gouvernement des bommes, la vérité ne peut pas être trouvée d'emblée par un seul; elle est le résultat d'une lente élaboration
de tous leS: esprits éminents qui s'en occupent, de longues
discussions entre eux; elle sera le résidu obtenu à la fin par
l'élimination progressive de nombreuses eneursqoi l'entourent
encore et en masquent l'éclat. Vous devez participel', chacun
dans la mesure de vos forces et de vos talents, à cette œuvre
d'où d~pend l'avenir de notre pays,
Ces principes admis, vous comprendrez l'avantage qu'il y
a pour vous à être en contact fréquent les uns avec les aulres,
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�- 23 à vivre non isolés en petits groupes formant chacun une
égl ise fermée, mais en vrais camarades, en f,'è,'es,
Vos pères sont divisés d'opinions, peut-être; les terribles
années qu'ils ont traversées expliquent les discordes ' qui
lr'oubleot encore la nation; mais vous êtes jeunes, vous avez
le cœur ouvert et aimant, vous n'avez entendu que l'écho
des événements de 1870, vous n'avez pas les mêmes raisons
pour formel' des camps ennemis et vous en avez pour reste,'
unis el vivre côte à côte dans un généreux sentimjnt de
conf,'alernité,
Il vous sera donné, je l'espè,'e, de revoir sur le tard de la
vie des camarades d'école, Que cette rencontre soit une fête!
Que YOUS ne vous retrouviez pas pour vous rappeler que vous
étiez il peu près étrangers les uos les autres, mais qu'au contraire vous viviez dans une atmosphère commune d'idées et
de sentiments. Il vous se ra doux alors d'évoquer les souvenirs de vot,'e jeunesse laborieuse, de serrer la main d'un
vieux compagnon, en vous rappelant mutue llemen~ le bon
temps où vous discutiez avec ardeur, avec passion : de omne
re scibili et de quib,.sdam alùs,
Voilà pou rquoi, mes chers amis, après vous avoir vus assis1er aux mêmes cours, jaimel'ais à vous voil' encore chercher
ensemble les mêmes dist,'actions, unis dans une vaste camaraderie où toutes les opinions seraient tolérées et respectées,
Dli sans acrimonie elles pourraient se rencontrer, se heurLer'
même et par suite s'éclai,'er mutuellement.
Dans celle vie commune, vous développeriez, vous fortilieriez en rous l'amoul' de la patrie, sentiment généreux eL
élevé qui n'est pas autre chose que l'extension de l'amour
filial, de l'amour de la famille; sentiment qui rend une
nation forte et invincible quand il fait battre il l'unisson le
cœur de la jeunesse,
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�DISCOURS
Sur le mérite littéraire et l'influence sociale
de Saint Césaire d'Arles,
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Par M, l'abbé PELOUTIER
Professeur d'Eloquence sacrée à la Faculté de Théologie
~IONSIEUR LE RECTEUR,
MESSIEURS,
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C'est l'honneur et la destinée de tous les hommes qui ont
régné sur leurs siècles par l'éloquence et la grandeur de l'esprit, de se survivre dans des disciples qui reprenant leur
œuvre la perpétuent en la développant. Augustin venait
de mourir SUl' la plage africaine, au bruit des Barbares qui
allaient dévaster sa ville épiscopale et renverser jusqu'en
ses fondements la Basilique de la Paix. Mais son œuvre était
faite, et son génie qui pendant un demi-siècle avait plané
sur tous les sommets de la pensée chrétienne, demeurait
immortel dans ses livres. Répandus dans le monde romain
avec la rapidité de sa renommée, ces éC"its pleins de données
Ei fécondes et de vues si hautes sur tous les pl'Oblèmes qui
agitent l'esprit humain, furent accueillis avec une faveur
spéciale tIans le pays que nous habitons. Ils )' formèrent des
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philosophes et des orateurs nombreux; et je voudrais, ponr
répondre au devoir qui m'est confié, vous exposer brièvement l'éloquence et le caractère d'un de nos maîtres, plus
que disciple de l'évêque d'Hippone, qui pa,' ses discours et
son influence parut la fidèle image d'Augustin ;saint Césaire,
évêque d'Arles, au sixième siècle,
Tout ce que je vais dire est antique ; mais vous me pa,'donnerez, j'espère, de vous ramener vers un lointain passé qui
ne fut pas sans gloire ni sans douleur pour la Provence, A
défant de l'intérêt attaché aux choses actuelles, l'archéologie
littéraire a du moins l'avantage de réuni,' assez facilement
tous les esprits cultivés,
Bien que chacun de mes collègues eût mieux porté cet honneur, c'est au nom de la Faculté de Théologie que parle;
et dès lors la haute raison qui vous distingue n'aura pas de
peine à comprendre que je vienne vous ent,'etenir pendant
quelques instants d'un évêque provençal, célèbre à son époque parmi les Eglises qui couvraient les Gaules et l'Espagne,
et aujourd'hui demeuré une des plus nobles figures de notre
histoire locale.
Le christianisme, ~Iessieurs, a fait de la parole humaine
l'instrument de sa domination sur les âmes, Il a bien un livre
qui contient, avec les annales du monde, lesmémoÎ,'es sacl'és
de son fondaleur : mais l'épopée biblique, si riche qu'elle
soit de poésie et de doctrine, n'est pas le moyen premier ni
suffisamment efficace pour donner la persuasion de la vé,'ité
religieuse. Enfermé dans une forme immuable, le livre même
divin est toujours un maître aveugle: il ne sait se plier aux
exigences diverses de l'enseignement, à l'inégalité constante
des intelligences, à la variété des el'l'eurs, des préjugés, des
coutumes. Aucun des vieux cultes n'avait élevé dans les
temples un trône à la parole, Mais le Christ n'avait rien écrit;
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26-
il avait annoncé sa bonne nouvelle pa,' la parole; ceux qui
durent la perpétner resurent comme leur première mission
le devoir de parler: l'éloquence devint leur nécessaire ambition,
Pendant un épiscopat qui dura quarante ans, Césaire
d'Arles remplit largement cette tâche, et pOUl' difficile qu'il
soit de recueillir, à une telle distance, l'écho de ses discours,
nous pouvons en entrevoir le mérite par les copies diminuées
qui nous sont parvenues,
De longues et persévévantes étude:; l'avaient préparé à un
si grave ministè,'e ; celle condition que le poète alTi l'me indispensable et sû,'e pOUl' donner à l'expression de la pensée
toute sa puissance, l'es lecta potenter, ne lui faisait certes
pas défaul.
Encore enfant il fut clerc et m~ine : c'éLait alors, personne
ne l'ignore, le meilleur moyen de s'instruire, Comme le séjour
de Châlon, sa patrie, répondait imparfaitement à ses désirs, il
descendit bientôt vers la Provence qu'il ne devait pins quitter, Dans l'Île de Lerina, près de Cannes, florissait la grande
école publique des Gaules (1) , Les maîtres en étaientillustres;
les manuscrits de l'antiquité, tant sacrée que profane, s'y
voyaient reproduits par une foule de copistes , La paix indispensable aux études n'avail cessé de régne,' dans ce sancluaire des lettres, quela mer protégeait cont,'e les invasions,
C'est là que le futur évêque d'Arles vint acquérir les connaissances réclamées pal' son esp,'it, 11 ne s'éloigna de Lérins
qu'après avoir compromis pa,' ses lravaux une santé toujours
débile, el pour trouve,' dans la Rome des Gaules, aup,'ès du
rhéleur africain Pomerius, quelque délassement dans les
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(1) Voir la Chronologie de Lérin" par don Barralis; Lérins au
cinquieme siècle. par ~Igr Goux. évêque lie '"ersaille;.
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- 27jeux oratoires habituels anx professeurs de l'époque. Désigné, il l'âge de trente ans, par l'acclamation populaire,
pour le siège épiscopal de celle ville, il dut dépenser en faveur du peuple qui l'avaitélu, tout ce qu'il avait ainsi ajouté
par ses méditations aux aptitudes naturelles dont il était
doué. Dès cette heure, la prédication fut son occupation la
plus chère.
S'atlachant à détruire ce qui restait encore des cultes surannés dans l'estime puéri;e des aruspices et des augures, ainsi
que dans les honneurs rendus aux arbres et aux sources, il
était surtout moraliste, imitant en cela celui de tous les orateurs sacrés qu'il avait il Laina choisi de préférence pour
modèle, saint Augustin,
L'exégèse homilétique etle sermon proprement dit partagèrent tout le temps qu'il donna il la parole publique, et sont les
seuls genres contenus dans les cent vingt discours qui nous
restent de lui, Sous l'une et l'ault'e fOl'me, le but de son éloquence est toujours le même: rendre meilleurs ceux qui
écoutent son enseignement. Les défauts du siec!e qui n'étaientpas moindres que ceux des âges qui suivirent, il les
peint dans des tableaux pleins de vie; et l'on pourrait,
à l'aide de la collection de ses discOUI'S, l'etracer aisément la
physionomie morale de cette époque, où le christianisme-avait
il lulter non plus contre les persécutions qui l'avaient fortifié,
mais contre tous les vices d'une société vieillie.
Quel art, quel oubli de soi -même, et quelle insinuation il
fallait pOUl' faire accepter des leçons d'une morale austère
dans des circonstances semblables! Ceux-là seulement qui
ont pris la peine de parcourir ces instructions peuvent s'en '
rendre un compte exact. Mais en dehors de ce l'enseignement,
leur mérite est suffisamment indiqué par ce fait, qu'écoutés .
d'abord par une foule chaflue joUI' plus nombreuse, les homé-
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lies et les sermons de Césaire étaient ensuite transcrits et
répandus dans les Gaules et dans l'Espagne, où les évêques
des divers églises ne trouvaient rien de meilleur, pour s'acquitter de leur charge, que Je les relire à leurs peuples.
La brièveté du discours est une nécessité quandon s'adresse
à la multitude peu capable de suivre longtemps le développement d'une vérité, et bien plus susceptible d'être émue par
les accents de l'âme que par les déductions prolongées du
raisonnement. Aussi était·ce un usage constant aux anciens
prédicateurs d'arrêter leUl'S allocutions dans d'étl"Oites limites.
Il est vrai que les convenances du moment en Caisaient une
particulière obligation. C'était debout qu'on écoutait l'orateur
sacré, et celui-ci devait ne pas laisser son auditoire, d'où les
femmes et les enfanls n'étaient pointexclus, se fatigue)' trop.
Un sentiment plus digne était cause de la brièveté des discours de Césaire. Il voulait, disait-il, que l'on sortit assez tôt
du temple pour ne pas laisser languir à la porte les pauvres
que devaient nourrir les offrandes recueillies pendant la
liturgie.
Faits pour le peuple et non par un auditoire imaginaire,
ces discours où la vigueu)' de la pensée n'est jamais absente,
se distinguent SUltout pal' une grave et limpide simplicité, par
l'expansion de l'ol'Oteu)' qui sait, chose rare, Jescendre jusqu'à son auditoi)'e pour instruire et pour guérir, sans rien
perdre de sa dignité.
La lecture de saint Augustin étant aussi familière à l'évêque
d'Arles que nous l'avons indiqué, il n'y a rien d'étonnant que
son style reproduise celui de ce Docteur. On ne choisit un
modèle que par les affinités intimes qui nous attirent vers lui,
et l'on rapporte presque à son insu de ce commerce fréquent
avec un maître àimé une grande conformité d'idées et de
langage. Il lui alTivait même, sans doute par respect plutôt
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-29que par besoin, d'unir à ses propres paroles de longues
citations de son auteur .de choix; et la sagacité des critiques
n'a pas été rarement surprise, en négligeant de distinguer
ces pièces de rappOlt dans un tissu qoi paraissait si uni.
Livrée aux antithèses, à l'enflure, aux poiotes et aux jeux
de mots, la langue latine avait soulIert sous les coups des
Barbares comme la société elle-même; elle avait eu sa part
des ravages et de la dévastation; elle élait incofl·ecte.
Les Noces de la philologie et de illercure ne se célébl'aient
que dans le ténébreux roman de ~Iartianus Capella, L'évêque
était de son temps, et il serait aussi peu judicieux de lui reprochel' l'altération du goût littéraire, moins apparente chez
lui que dans la plupart de ses contemporains, qu'on ne saurait lui reprocher justement de n'avoir pas vécu au siècle
d'Auguste, Telle qu'elle étai t, sa parole avait assez de puissance pour al'l'achel' des larmes et pour captiver un peuple qui
n'eut jamais la réputation d'être docile, Or, nonobstant le
chagrin que peuvent en éprouver' les grammairiens, quand
même elle n'offre poinlla correction des siècles classiques, il
n'y a pas de parole humaine supérieure à celle qui sait le
mieux émouvoir et persuader,
Malgré le talent qu'eut Césaire pour la composition, il ne
paraît pas qu'il se soit servi de sa plume autrement que pour
l'instruction des chrétiens confiés à ses soins, ou de ceux qui
s'adressarent à lui de divers côtés, afin d'en recevoir on pareil
bénéfice(l), C'est ce qu'annoncent ses écrits: ce ne sont point
des œuvres de long travail, mais seulement des exhortalions,
des lettres et autres pièces semblables.
(t) cr. Histoire littéraire de la France, rééditée par Paulin Paris ,
tome 8, art. St. CéSd.ire d'Arles .
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�- 30-
Cependant son autorité doctrinale, quoique non établie par
des livres, est assez démontrée par l'histoire des nomb,'eux
conciles qu'il présida et dont il fut l'oracle,
Arles, à cause de son glorieux passé et du choix qu'en avait
fait l'empire pour la résidence d'un préfet du prétoire, jouissait d'une prééminence qui éclipsait aisément les villes voisines, Ses évêques avaient partagé cette situation exceptionnelle, et les souverains pontifes les avaient investis d'une
juridiction très étendue.
Les chrétientés de Provence étaient en ce moment le théâtre
d'un tumulte intellectuel, inutile à raconter ici, qu'il suffit
de désigner comme la continuation des querelles suscitées pa,'
Pélage, contre lesquelles ilavait fallu tout le génie de saint
Augustin et ses efforts incessants, Instruit par l'étude quotidienne des traités de ce maît,'e contre les sophismes qui tantôt exaltaien t outre mesu,'e et tantôt dégradaien t la liberté
morale, l'évêque eut l'honneur d'anêter, en le flétrissant
dans des assemblées de pontifes et de magistrats séculiers, le
système que Bossuet appelait l'erreur des ~Iarsei ll ai s,
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A Agde, à Toulouse, à Vaison et surtout à Orange, il
réunit sous sa présidence des assises doctrinales, dont les
arrêts dictés par lui sont devenus classiques sur la matière et
la lucide expression de l'enseignement catholique,
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Mieux que sa charge qui le rendait par un décret de Symmaque, juge de la chrétienté depuis Trèves jusqu'il Gadès,
l'éloquence et la doctrine de l'évêque d'Arles lui avaient
acquis une influence géné,'ale, L'usage qu'il en fit pour la
conservation des lettres et pour le bien du peuple, sont un
titre aussi vrai que ses disconrs et que ses travaux à l'estime
de la postérité,
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L'heure approchait où Grégoire de Tours pourrait écrire:
Vœ nohis quia periit st"di",n litterar"m a nobis (1); et
déjà si ce n'est pas encore la mort pour la littérature, elle
avait à gémir d'une profonde décadence.
La Provence qui avait vn passer sur ses rivages ou dans ses
vallées toules les grandeurs du vieux monde, était fonlée
comme lenr route ol'dinaire pal' des hordes dévastatrices.
Les chaires de rhélorique de ~Ial'seille et d'Arles,jadis entourées ,l'une jeunesse avide, l'eslaient muettes et abandonnées,
Dans ceUe invasion de peuples plu~ habiles à manier le
glaive que sensibles aux charmes du disCOUl'S, Lérins, les cloÎtres de Saint-Viclor de lIarseille, l'école épiscopale d'Arles,
[urenl l'asile où se réfugièrent les débris des leltres et des
sciences échappés à la tourmente: sans le culte dont elles y
fU\'ent l'objet, elles auraient complètement disparu parmi
nous, Entre les institutions semblables, nulle n'eut aulant
d'éclat que l'école sinon fondée du moins rehaussée par
Césaire.
Les disciples y accouraient de toute part, car les portes en
étaient ouvertes à tous, et les enfanls du peuple y recevaient
gratuitement la connaissance de ce qui formait alors le
cycle des humanités, Grégoire de Tours nous a conservé le
programme de cet enseignement: il était simple, car il comprenaittout. On y donnait, dit cet auteur, d'après les principes
des premiers temps, des leçons de grammaire, de rhétorique,
de géométrie, d'astronomie, d'arithmétique, de chant et de
poétique. Venait ensuite pour ceux qui en avaient le gOlÎt,
l'enseignement spécial et réservé de l'Ecl'iture, des Pères,
de la doctrine et des lois (2).
(1) Grégoire de Tours, Histoire des Francs, préface.
('.!) Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre JO, chapitre 3i ,
LI" 49 eLsuivants.
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32-
L'évêque ne dédaignail pas de s'abaisser lui-même au rôle
de simple pédagogue, ce qu'il faisail, raconte son historien
et son disciple Cyprien de Toulon, avec une grâce qui charmail ses auditeurs (-I), En expliquant, il n'avait pas de plus
grand plaisir que de se voir adresser des questions SUI' les
eudroits difficiles des textes, afin de les mieux éclail'Cir, et
souvent il se plaignait qu'on ne lui en proposait pas assez.
Ce que valaienl ce dévouemenl el cetle méthode, l'histoire
ecclésiastique et littéraire' le prouve suffisamment, en mont,'ant, dans la pluparl des Provençaux de celte période, qui
furent pasteurs des Eglises ou gens de letlres, les anciens
écoliers de l'évêque d'Arles (2).
Là, ne s'arrêtail point la sollicitude de ce grand esprit
pour la vulgarisation et la conservation du savoir. i'lon loin
de sa calhédrale, il avait élevé une demeure pour celles qui
voulaient yivre séparées du commerce ordinaire de la vie,
Elles y furenl bientôt au nombre de deux cents, el la règle
qu'il leur donna, règle devenue depuis le type de tous les
établissements de ce genre, était autanl un programme
d'éludes qu'un code d'ascétisme, La lecture des auteurs grecs
eL latins dont Fortunat nous a gardé la liste (3), leur était
prescrite chaque jour pendant deux heures, de six heures du
matin il buit heures, et le reste du temps que n'emportaient
poinL le chant des psaumes en grec ou les exercices monastiques, elles le consaeraient il L,'anscrire d'une main habile
ces mêmes auteUl's donL elles avaienL assez pénétré le génie
pour que leur langage habituel en portât l'empreinte (4).
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(1) Vie de Césaire, écriLe par ses disciples, dans les Âcta sanctorum
de Mabillon, tome 5.
(i) Cf. Histoire littéraire de la France, rééditée par Paulin Paris,
l. 8.
(3) Forlunal, Hisloire de la reine sainte Radegonde, liv. 8, cbap. t.
{4) Hisloire littéraire de la France, an. sainle Césarie, t. S'a
�-
33-
Conserver ainsi le goût de l'instmction et des leUres cher
nu peuple que les troubles politiques condamnaient souvent à
l'oubli des choses de l'intelligence était sans doute une œuvre
ulile; maisd'aulresbesoins aussi impérieux attiraient l'attention de Césaire. Porté parles vœux de tous à la dignité dont il
était revêtu, celui qu'on dut chercher pendant plusieurs jours
dans les solitudes funèbres des Aliscamps pour le contraindre
à s'asseoir sur un siège qu'il refusait, parce qu'il en étail
digne, n'eût pas de plus grand souci que de dépenser en faveur de l'indigence el du malheur les richesses déposées
enlre ses mains par les peuples el les rois. Fonder des hôpitaux, racheter les prisonniers de gnerre que les Goths asservissaiept à d'humiliantes vexaI ions, partager ses biens avec
les mendiants el les pauvres était sa meilleure joie; el, déLail touchant que rapporte un témoin oculaire, il ne prenait
jamais un repas, sans qu'un de ses clercs ne lui eût amené
des convives recueillis parmi les plus déshérités de ses concitoyens.
Pour subvenir aux inspirations de sa générosité, il lui
arriva souvent de vendre les vases d'or de son égl ise, disant
à ceux qui le priaient d'épargner ces richesses sacrées que les
membres de ceux qui soulTrent avaienl encore plus de prix à
ses yeux. De quelque indilTérence que l'on soil prévenu, on
ne résiste pas à la sympathie devant un pareil caractère;
aussi, commandail-il le respect aux cœurs même farouches,
et la ville d'Arles, fréquemment visitée par les peuples du
Nord, ne fut jamais, gl'ôce à l'autorité de son évêque, victime
des pillages qui d'ordinaire suivaienl la conquête.
Il manquait il tant de mérite la perfection achevée que le
malheur ajoute à la vertu. CeUe gloire ne lui fuI pas refusée . .Trahi par un des siens, il fut accusé auprès du
roi barbare qui s'était soumis notre conlrée de tramer des
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3', complots et cie chercher il livrer la Provence au roi des
Bourguignons. Condamné sans autre procédure à subil' l'exil,
il dut fuir à Bordeaux où toute sa vengeance, en aLlendant
qu'Alaric reconnût son erreùr, fût d'apaiser le peuple qui
suppol'lait mal la domination étrangèl·e.
En 508, Arles était assiégée par Clovis et par Gondebaud.
lles gens de négoce et de tl'afic, qui n'avaient de commun
avec le reste des habitants ni la religion , ni la nationalité (1 l,
soutenaient avec peine l'assaut des troupes confédérées. Ils
laiblissaient; et afin d'éviter le sac de leur quartier en dissimulantleUl' laiblesse, ils ouvrirent des intelligences avec les
assiégeants, accusant en même temps l'évêque d'être l'auteur
du cl·ime. Pour confirmer cetle accu;ation que .Je peuple ne
voulait pas croire, ces étrangers padai'ent de jeter Césaire an
Rhône, quand uue leUre tombée des remparts et qui n'était
pas arrivée à son adresse, fit connaître et l'innocence du pontile et la pel'fidie Je ses détracteurs.
Quelque temps après, Arles et la Provence étaient devenus
tributaires des souverains de Ravenne. Sur un semblable
prétexte, l'évêque eut:i end urer des mêmes ennem i, de pareilles tribulations. Il lut conduit devant Théodoric qui, loin
d'accueillir les dénonciations lOI'mulées contre lui, le combla
d'honneurs et de présents, employés aussitôt à ramener dans
leur patrie les prisonniers de guerre des bords de la DUI'ance
et du pays d'Orange.
Dans sa vie comme dans ses discours, il se montrait ainsi
le véritable disciple de l'évêque d'Hippone, et méritait le nom
qui lui ont justement décerné nos annales de second Augustin,
Je laisse à la chaire le soin de redire les vertus privées de
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(1) Les Juirs .
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35-
Césaire et les lilres spéciaux qui lui onl valu des autels. Ce
côlé de sa vie demanderait un panégyrique et le recueillement religieux des lem pies,
Alon dessein, dans cette solennité académique, a été seulement de vous esquisser à grands traits son mé,'ite lilléraire
et son innucnce sociale, Je ne finirai point sans répudier, au
nom de cette gl'ande mémoi,'e, l'honneur douteux qu'on a
voulu lui fai,'e, en lui allribuant un ol'acle aussi jeune qu'ambigu, où auraient été déc,'ilS d'avance les fasles politiques de
la France (1 J, Œuvre d'un inconnu, celte pièce que l'on peut
avec de la bonne volon lé accommoder à loutes les causes,
obtint naguè,'e un regain de célébrité, Il imporle médiocrement d'en connaître la paternité légilime. Mais ce qui est
certain, c'est que l'évêque n'avait aucun besoin de cette attribulion,
Pendant sa vie, Arles et la Provence changèrent trois fois
de maître, Comme tous ses conlempOl'ains, il essuya le ~hoc
de ces révolutions, mais tant est gl'ande la puissance de la
vertu, que vainqueurs et vaincus se cOUl'baient d'admiration
devant lui, Il élait de ces nobles âmes qui, au milieu des dissensions excilées par la luite des intérêts, savent vivre plus
haut, dans les régions sereines de la pensée et du dévouement, et qui ne descendent de ces sommelSqne pour en rapporter à tous la vérité et la paix,
(1) V, la prophétie dite de saint Césaire,
Vatiluerro.
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Jans Je Liber mirabllil d.
�RAPPORT DE M, L'ABBÉ RENOUX
DOYEN DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE
MONSIEUR LE RECTEUR,
MESSIEURS ,
La FacuiLé de Théologie vient vous rendre compte de ses
travaux durant l'année écoulée ('1 879-1880): elle a accompli sa tâche avec le concours régulier de ses membres, et
,avec le soin que celle tâche comporte: chacun de nous s'est
efforcé de conformer son enseignement au milieu auquel il
s'adresse; en présence des élèves du Grand-Séminaire, qui
se préparent au sacerdoce, nous avons Irai té des sujets d'une
utilité plus pratique, et pouvant contribuer à leur éducation
ecclésiastique; à leur lour, nos jeunes audi teurs ont répondu à nos efforts, en assistant réguliè,'ement aux legons de chaque jour, en nolant et même en résumant ces leçons pour les
rendre plus fructueuses, et eu conserver un meilleur souvenir.
A l'Amphitbéâtre la situation est un peu changée et les
goûts sont diffé,'ents : nos méthodes devaient aussi vaI'ier,
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�-37Tout en conservant le fond et la couleur du sujet, nous
aimons à lui donner des développements empruntés à l'histoire et à la littérature; j'ose même dit'e que c'est l'élément
historique et lillémi,'e qui prédomine dans nos cours publics,
L'Église a eu toujours, vous le savez, llessieurs, le culte des
belles-leUres et des peaux-arts; elle a ses poètes, ses historiens et ses orateurs; elle a aussi sa langue propre, langue
sacrée, qui esl celle des Ecritures et des Pères, idiome rajeuni et renouvelé de la Grèce et de Rome, el qui en passant
dans ce domaine nouveau, a gagné en mâle vigneur ce qu'il
perdait l'eut-êtt'e en gt'àce et eu élégance. Les récits de 1.
Bible, la vie et les œuvres des grands Docteurs, tels sont,
en définitive, les plus fréquents sujets de nos études, désireux d'y intéresserl'aLLenlion et le goût de l'auditoire qui nous
entoure, - Voici, du reste, un court résumé de nos legons :
Le professeur d'Ecriture Sainle, M. l'abbé Figuières,.
étudié la législalion de Moïse avec la double pensée d'exposer et de justifie,' celle partie si importante de nos Ecritures;
il a constaté que celte législation esl le Code le plus original
et le plus fécond que nous ait légué l'antiquité; mais il ne
l'a envisagée, celle année, qu'au point de vue religieux; dans
cet ordre d'idées, il a été amené à donner d'intéressants détails SUL' le tabernacle el le temple des IIébreux sur le GrandPrêlre el les lévites, sur les sacrifies et les cérémonies sacrées; - dans son COurs de la nouvelle année il se propose
de poursuivre le même sujet et de le compléter.
Le professeur de momie évangél ique, iII. l'abbé Bernard,
a exposé quelle est l'obligation qui résulte des lois; elie a un
double caractere; comme les hommes appartiennent à deux
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sociétés distinctes, la société religieuse et la société civile,
ils sont soumis à une double autorité; ces deux autorités sou-
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veraines, chacune dans sa sphère et indépendantes l'une de
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l'autre, u'imposent jamais aux hommes des devoirs contradictoires; elles peuvent se mouvoir librement dans leurs limites, sans porter atteinte à leurs droits réciproques; et si
elles se prêtent un mutuel appui, elles contribueront à leur
but commuu,le bonheur des sociétés et de leurs membres.Ces graves questions ont été traitées par le professeur avec
celle sûreté que donnent l'expérience et le savoir et il achèvera de les résoudre dans ses prochaines leçons.
Le professeur d'éloquence sacrée, ~I. l'abbé Peloutier, a
parlé des principaux écrivains de l'école chrétienne d'Alexand"ie: Clément et Origène en fureur les maîtres les plus illustres; ces grands hommes ont été tour â tour étudiés dans
leur vie et leur doctrine, Origène surtout, dont l'existence
tourmentée et les œuv!'es colossales olI,'aient un champ si
vaste à la critique, -Le professeUl' a su traiter avec élégance
un sujet qui était tout d'érudition, il abordera, l'an prochain
l'histoire de Te,·tullien.
Le professeur de dogme, M. l'abbé Ricard, a achevé de
peindre Port-Royal et les dern ières vicissitudes du jansénisme;
ceUe secte célèbre eut pour défenseurs des hommes dont il
serait bien inutile de contester le talent et le génie; SaintCyran, Arnaud, Nicole et Pascal s'efTo,'cèrent de la soutenir;
mais toute leur éloquence ne put la sauver d'u!,e condamnation et d'une rnine prochaine; tel est le tableau que M.
l'abbé Ricard a présenté dans ses cours en l'émaillant dïnté,'essants épisodes que lui fournissaient ses souvenirs d'historien. - Il expose"a, durant les leçons de la nouvelle
année, la doctrine de Lamennais et de son école.
Le professeur d'bistoire ecclésiastique a parlé de l'Eglise
en France pendant le XVIIm. siècle; il a raconté ses vicissitudes en face du pouvoir souverain de Louis XlV et en face
de l'hérésie; la révocation de l'édit de Nantes fut un acte
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39-
regrettable et condamnee par une sage politique; cet acte,
Bossuet ne le conseilla point, Bossuet, celle gloire si française
et si chl'etienne, que le professeur ne pouvait pas passer
sous silence; sa voix est étein te, mais ses œuvres subsistent,
dignes toujours d'être lues admirées, - Fenelon son émule
foumim le sujet des prochains cours,
Les cours qui ont eu lieu il ~Iarseill e se sont faits, comme
toujours, avec succès.
La Faculté de Théologie a conféré aussi des grades; et je me
plais il constater que le nombre de nos candidats s'est accru:
six jeunes prêtres sont venus nous demander le diplôme de
bachelier, trois autres celui de licencié, et deux sont en instance pour obtenir les honneurs du doctorat; les diocèses
d'Aix, de Fréjus et de Digne nous fournissent le plus de sujets a nos examens; il nous en vien t aussi quelques-uns du
Gard, Généreuse émulation dont nous saluons le réveil avec
joie! La science, ai,je besoin de le dire une fois de plus, est
le patrimoine de tous, et chacun peut prendre place dans
son vasle domaine; pour ma part je suis heureux de constater ses pl'Ogrès, partout oi! je les rencontre; mais il y a des
hommes pour qui elle devient non pas un privilège, mais un
devoi r ; et quand un min istre de la religion, utilisant ses rares
loisirs, se livre à des études sérieuses et pour ItS couronner
aborde les épreuves de nos examens, nous applaudissons à
ses projets et nous les secondons de tous nos vœux,
Nous allons, Messieurs, reprendre nos travaux, confiants
rlans la bienveillance ole )1. le ministre, qui vient de nous
en donnel' une preuve nouvelle, en nous accortlant un crédit
de mille francs pour l'ameublement nécessaire de nos salles,
soutenus aussi par l'appui tout sympathique que veut bien
nous prêter le chef éminent de notre Académie; qu'il me soit
permis de leUl' olTril', au nom de tous mes collègues, l'hom-
�-.0 mage ds notre respectueuse reconnaissance. Vous-mêmes,
Messieurs les ~Iembres du Conseil Académique, nous l'espé-
rons, vous nous accorderez volre concours en donnant votre
assentiment à nos demandes budgétaires .
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RAPPORT DE M. ALFRED JOURDAN
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
MONSIEUR LE RECTEUR,
~IESSIEURS
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Le tableau annexé à ce rapport donne le nombre des inscriptions plises pendant l'année scolaire 1879-1880; le
détail de ces inscriptions par trimestl'e indique en vue de
quels grades eUes ont été prises, la nature et la valeur des
épreuves subies, en tant que celte valeur peut résulter du
mode de notation très imparfait adopté dans nos écoles.
J'extrais de ce tableau les chilTres qui présentent un intérêt
particulier.
Pour l'année 1878-1879, nous avons eu 11 68 inscri pt ions ;
nous n'en avoDS eu, pour l'année 1879- -1880, que H08.
Cette diminution s'explique en partie: 1· par la création de
l'Ecole de Droit d'Alger, qui était un fait accompli l'année
dernière; 2· par la perspective de la création d'une Faculté
de Droil à MontpeUier, qui vient de se réaliser, il)' a quelques jours. Il esl probable que cette diminution dans le nombre des inscriptions ne s'arrêtera pas la, car, celte année, un
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-'2 certain nombre d'étudiant, qui, par leur lieu d'origine, appartiennent naturellement à la Faculté de Montpellier, DOUS
sont l'estés fidèles, afin d'achever leurs études là où ils le.
avaient commencées.
Voici , toutefois, une anomalie étrange ..Je ne sais pas ce
qu'il en sera du trimestre prochain, mais, pour ce premier
trimestre de l'année 1880-1881, nous avons plus d'inscriplions que nous n'en avions au premier trimest,'e de J'année
dernière, Comment expliquer ce fait, alo,'s qu'Alger et Montpellier retiennent évidemment un certain nombre d'ctudiants
qui seraient venus à Aix ? Cela peut teni,' ; J'accroissement
général du nomb,'e des jeunes gens qui se di,'igent vers les
écoles de droit; mais cela tient en partie; la g,..tuité desinscriptions, Tel qui n'aurait pas pris une inscription; 40 fI',
ne se refuse pas une première inscription; 2 fI', 50, sauf il
De pas y revenir,
Je constate avec plaisir qu'avec UD Dombre total d'iDs,
criptions moindre, nous avons eu un plus grand nomb,'e
d'inscriptions de doctorat, 59 au lieu de 41. Les aspirants au
doctOl'at sont l'espoir de l'Ecole. Je constate avec moins de
satisfaotion que nous avons eu un numbre d'ajournements
moindre que J'année précédente : 66 contre 88, et, évidemment, la dilTérence 22 n'est pas simplement proportionnelleà la diminution dans le nombre des ép,'euves subies
qui est de 53. Je voudrais bien pouvoir affirmer que ce
nombre d'ajournements tient à la qualité supérieure des
épreuves, mais je crains que la facilité que donue la rouge
noire n'y soit pour quelque chose.
L'année dernière, au nom de la Faculté, je remerciais la
Municipalité d'Aix, le Conseil gcnéral des Bouches·du-Rhône
et M. le Ministre de J'inst,'uctioD publique, dODt les libéralités nous assuraient des améliorations importantes. Je leur
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•
�-13dois une nouvelle expression de notre gratitude, aujourd'hui
que toutes ces améliorations ont été réalisées à notre complète satisfaction,
Trois cours complémentaires: de droit maritime, d'enregistrement et de notal'iat, d'histoil'e du droit, confiés à des
maîtres éprouvés, M~1. les professeurs LaUl'in, Naquet et
Gautier, ont auil'é l'élite de nos étudiants, J'espère qu'ils
montreront le même empressement pendant l'année qui va
s'ouvrir.
Les réparations et augmentatioos des bâtiments de la Faculté de Droit soot aujourd'hui accomplies, L'installation de
la bibliothèque n'est pa, eucore faite; on met à peine la main
à l'élégante sculptUl'e qui doit décorer le fronton; mais enfin
le service n'a pas été ent ...vé; les cours et les examens ont
eu lieu à l'époque ol'dioaire, et on peut très bien juger dès
il présent du mérite de ces travaux, C'est l'opinion générale
qn'ils ont été pal'faitement conçus et exécutés, C'est mieux
qu'une restauration; c'est une création, Nous n'aurons pas
seulement un local spacieux, commode; le rez-de-chaussée
et le premier étage ont encore un certain caractc.-e de grandeUl' et d'élégance, Au nom de la Faculté, j'adresse de sincères félicitations à M, l'al'chitecte Huol.
A nos deux anciens amphithéâtres rendus plus commodes,
il en a été ajouté un troisième dans une salle qui existait
déjà, Nous ayons de plus conquis, SUl' l'ancienne cour, une
qüatrième salle, "ù il n'a pas été installé d'amphithéâtre:
elle sera consacrée aux conférences et eXCI'cices divers que
nous désirons voir se multiplier dans le sein de l'Ecole,
Il me reste à vous dire quelques mols des changements
survenus dans le personnel de la Faculté de Droit.
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M, Massigli, nommé agrégé il la suite du dernier concours,
dans lequel il avait brillé aux premiers rangs, nous a quittés
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pour aller prendre possession d'une chaire de Code civil à la
Faculté de Droit de Montpellier, Quelques regl'ets que nous
inspire celte séparation que je voudrais bien pouvoir croire
n'être pas définitive, je reconnais que M. le Ministre de
l'instl1lction publique ne pouvait mieux faire un meilleur
choix pour assurer les débuts de la nouvelle Faculté. ~r.
Massigli réunit, dans une juste mesure, ces deux précieuses
qualités: l'ardeur de la jeunesse et la solidité de l'âge mûr.
M. Massigli a été remplacé par un jeune docteur, ~1.
Maréchanx, qui a été aussi remarqué au' demier concours.
Nous ne possédons M. Maréchaux, au milieu de nous, que
depuis quelques jours, mais nous avons déjà pu apprécier la
distinction de son esprit eU' utile collaboration qu'il nous
apporte et qui nous est si nécessaire au moment où la Faculté
est cruellement éprouvée pal' la mort d'un de ses anciens.
M. Greliaud est mort, il y a trois mois, loin de nous, à l'Ilede-Ré, son pays natal, mais on peut le dire, loin de sa patrie
d'adoption, qui était bien la ville d'Aix. M. Grellaud a tenu
une place considérable, soit il l'Ecole, soit au Barreau comme
avocat consultant. Il était issu de ce brillant concours de
18'3, qui a laissé ici de vivants souvenirs, car il donna à la
Faculté ,j'Aix quatre maîtres dislingués, M. Elienne. M.
Cahanlous, M, Greliaod et M. ~larlin, et fut présidé par
M. Rossi. Il était donc à la Faculté d'Aix depuis trente-sept
ans. La plupart de ses collègues avaient été ses élèves, tous
étaient ses amis. Tous ces liens ont été brisés subitement, en
un jour, pendant l'absence de tous, et revenus ici, nous ne
nous sommes pas encore faits à l'idée de ne plus le retl'Ouver
à la place qu'il occupait depuis si longtemps. M. Greliaud,
professeur, bl'illaitpar l'ampleur et la clarté de l'expl'ession;
avocat consultant, par la netteté el la précision de ses réponses : il aurait pu briller dans le monde par son esprit;
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mais il avait rait au monde et à lui-même le tort de préférer
nne vie solitaire et retirée, Puisque les circonstances dans lesquelles il est mort n'ont pas per'mis de lui ,'endre avec éclat
les honneurs qui élaienl dus à son mérite, à sa silualion dans
l'Ecole et au Palais, il était juste qu'aujourd'hui, au milieu de
la plus complète représentation de la grande famille universitaire, je paie à la mémoire de not,'e cher collègue, maître
et ami, ce t,'ibut de pieux regrets,
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�-.6 ANNÉE SCOLAIRE 1879-1880
Admis Ajourné, Toul
1" examen de Bachelier
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Majorilé 011 éga lité de bl:mches ....
Minorilé de blanches ..•.........
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Majorité ou égalilé de blanches ....
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Capacité
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Minori té de blanches ............
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1er examen de Licence
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Report .......
i" examen de Doctorat
Eloge ....•.....•..•...
Quatre boules blanches et une blan·
che rou~e . . " ............•...
Trois hliwches et deux rouges ....
Troi~ blanches, une rouge et unt!
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Ajournemems ..................
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1
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2"· examen de Doctorat
1
Trois blanches el deux rouges ....
Ajournemellls .•............ • ...
3
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Thèse de Doctorat
Cinq boules blanches el une rouge ..
Trois blanches el trois rouges ....•
Trois blanches el deux rouges-
noires ....... . ....•........•.
1
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TOT.UX ..........
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RELEVÉ DES INSCRIPTIONS
Prises pendant l'année scolaire 1879-1880.
Trimestre de lIovembre 18ï9....
»
de jaD\'icr 1880.... . . .
»
d'avril 1880..........
»
de juillet ISSU. .. . ...
2;7
259
309
263
Tolal ......... 1108
Répartition des inscriptions prises
Pour la
»
le
»
la
le
capacité. • . . . . . . • .. . . . .
75
baccalaurêat..... . .... .. 668
licence....... . . . .. .... 306
dolorat....... .. .. . . .. .
59
Total. ....... " 1108
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RAPPORT DE M. LAURIN
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT
MONSIEUR LE RECTEUR,
MESSIEURS ,
Il m'échoit de nouveau, apres treize années d'un enseignement non interrompu, de pOI·ter, du chef de la Faculté de
Droit, la pal'ole dans cette· solennité scolaire, et de proclamer pour elle les noms de ses lauréats. Je ne puis, aujourd'hui encore, penser sans émotion à celle date de 1867; je
n'ai pas oublié l'accueil affectueux fait à mes débuts par les
maîtres de celte école et le public de ces séances, et il me
sera bien permis de rappeler en passant que le rapport présenté à celte époque obtint un certain succes, succès qu'il
dut avant tout (et c'est pourquoi je le constate) au mérite
des travaux dont il contenait l'exacte et impartiale analyse.
Pareil compliment ne pourra, hélas 1 être adressé au compte
rendu de celle année, et si pauvre qu'elle soit, la forme
n'aura pas de peine à l'emporter our le fond. Notre dernier
concours a été d'une fagon génél'ale, et sauf des réserves
qui seront dans un instant même précisées, maigre et faible;
il Y a plus une année tout entière, la pIns importante, 1.
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troisième, manque entièrement à l'appel. C'est la prcmière
fois qu'uo pareil fait se produit, et nos annales scolaires n'en
foumissent pas d'autl'e exemple, La Faculté accomplit un
pénible devoir en le signalant; mais quelles que soient les
causes de cette abstention inattendue, elle peut se rendl'e
cette justi!'e, que rien dans les actes ou J'enseignement de ses
maîtres n'a pu la justifiAI' ou simplemeoL J'excuser. ~1. le
DOl'en en sait quelque chose, lui dont la sollicitude pour les
jeunes gens s'est affirmée d'une façon si nouvelle et si délicate. Aussi ai-je la ferme confiance que les étudiants sauront,
à J'avenil', réparel' cette défaillance d'une heure, eL donner
au dévouement de tous leurs maîtres la seule récompense
qu'ils aient jamais ambitionnée, celle de leur assiduité, de
leur application et de leur succès.
La première année ouvre pal' un sujet de composition classique : nes qualités et conditions requises po"r contracter ma riage en droit romilin et en draie français . Mat ière très
vaste, très riche de matériaux, très impol·tante pal' lé parallélisme forcé qu'elle établit entre les deux législations et
la philosophie qui s'en dégage; laquelle se trouvaiL dès lors
parfaitement convenil' il de jeunes esprits, encore tout
empregnés du parfum de leurs études littéraires, et plus
sensibles aux détails de mœUI'S, de coutumes, de religion
même qu'évoquait un pareil sujet, qu'aux raisonnements
et aux notions strictement juridiques, Huit copies nous ont
été remises; six ont été jugées dignes de récompenses, dans
J' DI'dre sui van 1.
~!. de Vallavieille arrive en Lête et obtient le premier pl'ix
avec un travail sage, suffisamment exact eL compleL, écrit
d'un bon style, élégant et simple, L'auteur a fait la part qu'il
convenait aux considérations que j'indiqnais tout il l'heure,
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et qui etaient en quelque sorte inhérentes au sujet, mais il!'a
fait avec une sobriété de bon goût, sans tombel' dans la
phrase, sans ralen ti l' ni allourdir son exposition , Si la citation n'était un peu trop ambitieuse, je lui appliquerais le
mot du poète: semper ad eIJentum (estinat, Quelques lacunes, que lques légères el'l'eUl'S, quelquefois un manque de
précision, entàchent cette œuvre qui indique un esprit distingué et déjà maître de 1ui,
D'un tout autre caractère est la composition de M, Chaouky,
classée au deuxième rang. C'est ici un vrai travail d'écolier
par la sécheresse de la rédaction, l'incorrection ole la fOI'me,
la maigreUl' des développements, Mais le jeune concUl'l'ent
rachète ces désavantages, très conceyables du reSle chez lui,
en raison de son extranéité, par une méthode sÛI'e, une précision de détails très gl'ande, une exactitude à laquelle il n'y
a à peu pl'ès rien à redire, C'est lui qui a le mieux traité la
délicate et difficile ques ti on du mariage de l'interdit, La Facullé n'a donc été que rigoureusement juste en décel'llant la
seconde de ses récompenses à ce travail modeste et sél'ieux,
Avec ~m, Paol itis et ToteIT, qui obtiennent une première
mention ex œquo, nons sommes déjà sensiblement descendus.
L'œuvre du Pl'emier ne manque pas d'un certain méJ-ite;
notre jeune adepte a fait preuve de savoir; il tl'aite des
questions qni ne se tl'Ouvent pas ailleurs, celle de la deductio
in dominum mariti, pal' exemple; mais tout cela est maigre,
décousu, et très souvent à peine indiqué. M, ToteIT est, lui,
plus abondant; sa coruposition est plus nourrie, sans être
moins claire; mais elle contient des erreurs qui rétablissent
bien vite la balance. En somme, il y a eu ici de part et
d'autre une préparation sérieuse qui, malgré des défaillances,
méritait d'être récompensée.
Enfin, une deuxième mention, également ex léqua, a été
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accordée à M~1. Marmet et Sabatier pour un travail bien dissemblable en ses qualités et en ses défauts , M, Marmet est
assez complet, mais il est très inexacl, sa rédaction est lâche,
et la Cl'ilique manque complètement à son œuvre: c'est un
esprit jeune, inexpérimenté, qu i a gmndement besoin de la
di scipline du droit pOUl' se fOl'mer et se posséder complètement lui-même, 11. Sabatier a usé d'une méthode originale,
il a présenté parallèlement et comme dans un tableau synoptique les conditions exigées pour contmcter mariage, soit en
droit romain, soit en droit français . C'était une idée ingénieuse, à une condilion œpendant, de ne pas oublier les
points qui ne se rappl'ochent qu'à l'une ouâ l'autl'e des deux
législations j c'est pal" malheul" ce qu'a fait notre jeune
homme, il a péché par omission, Je dois aussi mettre M, Sa·
batier en gal'de contre une tendance à la déclamation. La
théorie juridique du mariage compol'te sans doute d'autres
considérations que celles que peuvent fail'e naÎtl'e les questions de se l~vi lude ou de mur mitoyen, et je ne suis pas ràché
que M, Sabatier ait voulu, au début de son travail, dire son
mot SUI' l'uniolllibre: mais il n'était nullement nécessaire de
consacrer deux pages il la réfutation de cette en'eur anti-so
ciale, par la double raison que c'était d'abord peine inutile ,
et ensuite que ce n'était pas le lieu.
La deuxième année se présente avec un sujet d'une toule
autre natUl'e que le précédent; aulant celui-ci portait à la
digl'ession littéraire et historique, aulant celui - là est abstrait et strictement juridique : De la rondit ion résolutoire,
soit expresse. soit tacite, Sujet intéressant néanmoins,
en ce qu'il touche au régime de la propriété, et donne
la main iL des questions économiques de l'ordre le plus
élevé, Tout cela a-t-il un peu sUl'pris nos jeunes adeptes?
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II est permis de le penser, car les copies qu'on nous a remises (je demande pardon de l'observation à des jeunes
gens que j'ai déjà appris à connaÎlre et à estimer) sont d'une
fa~on générale médiocres; sur dix compositions, quat ra
seulement ont été distinguées et récompensées, et encore
avec les réserves suivantes.
~I. Arnaud, qui est en tête, nous a donné un travail net,
exact et bien divisé, mais d'une rédaction aussi sèche et aussi
scolastique que possible. On sent que M. Arnaud ne se doute
pas de l'importance des inté"êts que recouvrent en quelque
sorte les questions par lui trailées . Il n'a pas encore vécu ces
choses, et ne soupsonne même pas qu'elles puissent ellesmêmes vivre, c'est-à-di" e donner lieu à des especes pl1ltiques
intéressantes. Sa composition aurait pu, sans rien y perdre,
être ramenée il quelques axiomes jUl'idiques d'une demipage environ. Aussi, la Faculté, tout en classant ce travail en
première ligne, ne lui a-t-elle décerné que le second prix.
~IM. Bouisson et Bousquet vieunent ensuite avec une première mention ex œquo. ~1. Bouisson est abondant, il y a dans
son œuvre des parties assez bien traitées, nolamment en ce
qui concerne les effets de la condition résolutoire expresse;
d'aulre part, son slyle est meilleur que celui de M. Arnaud.
Blais on rencontre avec cela chez lui des erreurs capitales;
il s'est fait, au début, une singulière idée de la condition résolutoire tacite. La fin de son travail est écourtée et confuse; beaucoup d'alliage, eu un mot. De même, pour M,
Bouquet, dont la copie dénote une suffisante el générale connaissance du sujet, mais est remplie de détails inexacts et de
questions mal posées. Tout cela est très mêlé, et laisse une
impression peu satisfaisante à l'esprit.
M. Jullian, qui a obtenu une deuxième mention, doit encore être apP"écié plus sévè,·ement. Notre jeune élève ,Prend
�-
53-
texte de la condition résolutoire pour se lancer à fond dans
la matière des donations; il contient aussi des erreurs fréquentes et graves qui contrebalancent les quelques notions
exactes qu'on peut signaler dans son travail. En résumé, la
Faculté s'est mont"ée très indulgente en couronnant toutes
ces compositions; ses récompenses ont été plutôt une prime
donnée au travail par lequel les élèves de celle année se sont
toujours di stingués, et dont ils ont, par leurs examens
oraux, fourni la preuve, que l'acquittement d'une detle à
l'égard d'œuvres dont une est estimable, mais rien de plus.
J'ai déjà dit que la troisième année faisait défaut. Cela
demande néanmoins une petite rectification. Un étudiant,
un seul, un dispensé s'est p"ésenté, et a composé à la fois en
droit romain et en droit fran""is. Mais, hélas 1ses forces ont
trahi son courage, sa science n'a pas été égale il sa bonne volonté, et il a combattu sans remporter la victoire. La Faculté n'en devait pas moins un souvenir il cet inconnu, qui a
soutenu tant bien que mal de ses mains défaillantes le drapeau
abandonné.
J'arrive il la partie principale de cet exposé, celle relative
au mémoire de doctorat. Le sujet était, cette année, particulièrement bien choisi: Du chèque considéré au:epoints de VUe
économique et législatif. Celte matière, sur laquelle de récents
débats parlementaires et d'importants travaux de doctrine
ont appelé l'attention, et qui se relie il la grande question de
la liberté eommerciale, devait par sa nouveauté même et sa
singularité plaire il nos jeunes aspirants au docto,.. !, et
les solliciter par l'espoir d'une œuvre neuve et originale. On
sait dans quel but les auteurs de la loi de 1865 ont essayé de
naturaliser en France le check anglais; on a voulu parlà en-
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·.
5~-
courager les dépôts en banque, augmente,' la monnaie fiduciaire, indispensable auxiliaire des espèces métalliques et
aliment du crédit puhlic, enfin rendre possibles ces paiements par compensation ou échanges de titres, qui donnent
tant de facilité el tant d'essor au négoce anglais, En un mot,
la loi de 1865 a été, dans la pensée de ses rédacteu,'s, une des
mesures pa,' lesquell es on a voulu me~tre l'industrie nationale à même de lulte,' contre la concurrence étrangère,
concurrence devenue singul ièrement menasante, depuis que
le régime des tl'aités avait été substitué à celui de la protection, et établi une liberté commerciale relative, Quoi qu'il en
soit, on ne saUl'ait affirme,' que le but du législateur de 1865
a été atteint; le commerce f... n~ais, un peu ,'outinier par habitude, méfiant à l'endroit des nouveautés, n'a guère vu dans
le chèque qu'une sorte de lettre de change à vue, obéissant
il des conditions particuliè,'es, mais jouissant par contre d'immunités fiscales non à dédaigner; et, pour bénéficier des
immunités, il a rempli tant bien que malles conditions , Estce il dire que la loi de 1865, avec ses imperfections de détail,
avec le vice radical du système dont il sera parlé plus loin,
soit restée lett,'e morte, et n'ait produit aucuu bien' Non
certes, elle n'aurait donné aux commer~anls fran~ais qne la
facilité dont ils ont usé, de transformer leurs lettres de
change à vue en chèques et de s'exonérer par là de taxes
onéreuses; que l'œuvre du législateur mode me serait encore
bienfaisante , et mériterait, en dépit des critiques aux,
quelles elle a donné lieu, d'être conservée, Nous sommes loin
sans doute du but grandiose qu'on s'était assigné à 1'00'igine ; mais le bien, en matière de négoce comme ailleurs, ne
s'improvise pas, etce n'est pas avec sept articles d'une loi qu'on
peut transformer en un clin d'œil des habitudes commerciales invétérées,
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En résumé, l'esprit dans lequel un pareil travail devait
être fait, s'impose en quelque sOlte de soi . Il fallait, en
étudiant tout d'abord le fonctionnement du chèque anglais,
montrer comment la pratique des dépôts en banque avait
produit le chèque, comment le chèque avait donné lieu à son
tour aux paiements par compensation, et comment les paiements par compensation avaient enfin déterminé la création
de ces cleai"!J-/wllts, sortes de halles ou marchés d'elTets de
commerce, où d'énormes paiements se font par voie d'échange
de titres. Il y avait là une filiation forcée, et c'est pour ne
pas l'ayoir compl"is ce point fondamental que le législateur
de ,1865 a tout d'abord erré. Passant ensuite au chèque français, et se tenant toujoars sur le tel'l'ain économique, il fallait
indiquel' comment le premier anneau de cette chaîne manquait, savoir l'habitude, même pour des sommes minimes,
. même pour l'argent courant, des dépôts en banque. L'erreur
des auteurs de la loi de 1865 a donc été de cl'Oil'e que c'était
la création du chèque qui avait amené le mouvement des
banques, tandis que c'est le contraire, etc'est l'accumulation
des capitaux entl'e les mains des banquiers qui a pl'Oduit ces
mandats de paiement ou ces reçus anticipés, source première,
mais secondaire de tout ce que a suivi, et merveilleux instrument du crédit commercial; c'est ce faux point de vue
primOl'dial ~ui a entmÎné l'insuccès de la loi. Enfin, arrivant
il l'étude même des règles établies, il fallait en dégager les
points culminan ts, la condition de la provision préalable,
l'absence de terme, le transfert de propriété par l'endossement en blanc, les immunités fiscales, le point le plus délicat,
celui qui a donné lieu, à cause de l'affinité de la lettre de
change et du chèque, aux plus grandes difficultés d'application.
Un seul mémoire nous :a été remis, portant, je ne sais
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�-56pourquoi, pour devise ce passage tiré de Rabelais: Si notre
dame la Rey"e voulait, nous serions aussi grands comme
vous; ce sera quand illni plaira, Ce travail est - il conqu
dans le sens du programme qui vient d'être tracé, et répondil anx desiderata ci-dessus exprimés? Pas entièrement, on
Il'a, pOUl' s'en convaincre, qu'à parcourir la table des matières : mécanisme de la lettre de change, instruments de circulation de crédit et de paimw'l, banques de dtp6ts, comptes
couranl8, versements et compensations, origines du chèque,
du. chèque en France, etc, C'est, comme on le voit, un dé-
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dale d'éxplications et de notions de toutes sortes, 0;' il est un
pen question de tout, même du sujet, et où l'idée dominante
de celle étude, savoir la filiation rationnelle du chèque et de
ses dérivés pratiques, n'apparaît point; tout cela est un peu
jeté pêle-mêle, et on ne saisit pas bien le lien qui relie toutes
ces choses, De même pour la partie juridique, les spécialités
de la matière ne sont pas mises en relief avec toute la netteté
désirable; et, pour donner une idée du défaut de méthode,
qui est un peu la caractéristique de ce travail, il me suffira
de faire remarquer ce fait, que not,'e jeune auteur tmite des
questions de compétence, après une section consacrée aux
formes du chèque, et avant d'arrive,' aux droits et devoirs du
porteur, Je n'aime guèl'e non plus la conclusion à laquelle a
abouti notre jUl'isconsulte économiste, Il prétend que les
auteurs de la loi de 1865 auraient évité tout reproche et supp,'imé toule dilTiculté d'application, s'ils avaiènt fait du chèque
le privilège exclusif des banquiers, Je me con Lentemi de lui
demander pour LouLe réponse, et en dehors de LouLe auLre
considération, où commence et finit le banquier, s'il faut et
s'il suffit à la fois pou,' être banquie,' d'avoir l'enseigne de la
profession, si le commissionnaire, pal' ~xemple, qui prête
!'ur mal'chandise~, ne fait pas par cela même une ~pé-
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,'ation de banque, s'i l y a enfin en ces matie l'es quelque
chose d'assez précis et d'assez délimité, pour que la profession en soit immédiatement caractérisée, Non, le législateur
de 1865 n'avait que deux partis à prendre, celui de laliberte,
c'est-à-dire celui qui consistait à donner à quiconque avait
provision préalahle la facullé d'émettre un chèque sur n',mport3 qui, et cela au risque de verser dans la lellre ,de
change, et, ce qui est plus grave, de manque,' le but même
de la loi, ou bien celui du privilège, auquel cas il rallait
aller jusqu'au bout, faire de l'émission des chèques l'apanage
exclusif de quelques grandes compagnies présentant, comme
la Banque de Fl'ance, tou tes garanties au public par les conditions de leUl' organisation et de leur gestion, et provoquer
par là les dépôts en banque, point de départ de tout le systeme, el, en même temps, pal' une évolution nécessaire, son
couronnement dernier, Entre ces deux lignes de conduite
opposées, il n'y.a pas de milieu, et tout système intermé(liaire doit être condamné comme inefficace, comme ne donnant de satisfaction à aucun principe et à aucun intérêt.
Il ne faut pas néanmoins, Messieurs, que les imperfections,
tranchons le mot, les défauts de ce travail nous fassent fermer les yeux sur ce qu'il l'a de bon, et même d'excellent
en lui, La partie économ ique contient en somme des idées
saines et sainement exprimées; on est étonné el charmé il la
fois de la facilité et de la souplesse avec lesquelles notre
jeune sprcialiste se meut dans ce cercle des absll'actions économiques, et de l'entente parfaite qu'il a de toutes ces choses,
Une fois le défaut de lien entre toutes ces tè tes de chapitres
admis, on ne saurait exiger une meilleure et plus complète
exposition, Le style, sans avoi,' de l'éclat, est net et sobre,
sauf un ou deux endroits, où notre auteur n'a pas pu se prése,'ver rie CGS lieux-communs b,'illant, et inutiles, qui sont
�- 58-
l'écueil des jeunes esprits. La partie juridique est également
irréprochable dans ses détails, et les solutions marquées au
coin de la plus grande exactitude. Aussi la Faculté, tenant
compte de la nouveaulé du sujet, des difficultés d'exposiliou
etde concenlralion d'id~es qu'il p,'ésentait, a-t-elle élé d'avis,
après quelques hesilatious, de décerner à t'auteur du mémoire, M. Cbausse, la plus haute de ces récompenses, et lui
a-t-elle accordé le premier prix de doctorat.
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Tels sont, Messieurs, analysés aussi fidèlement que possible, les résultats du demier concoUl'S, ~'avais-je pas raison
de dire que tout cela n'est pas entièrement .. tisfaisant, et
accuse un abaissement sensible dans le niveau des épreuves ~
Je ne voudrais pas néanmoins, en terminant, faire entendre
une note par trop décourageante; j'ai la certitude au contraire que cette éclipse partielle ne 'era qu'une éclipse, c'està-dire quelque chose d'instantané et de fugitif, et que la
cause doit, dans lous les cas, en être cherchée ailleurs que
dans un défaut d'assiduité ou d'applicalion. Nous sommes il
un moment de discussion el de rénomtion généi'ales Je
toutes les idées et de tous les systèmes de vie politique
intense et ardente, qui doit forcément préoccuper de
jeunes imaginations, et, en divisant les esprils, faire sentir
son action jusque sur les travaux scolaires. Yais-je conseiller
il nos élèves de fermer t'oreille à tous ces bruits du dehors?
NOD certes, ce ne serait ni possible, ni juste, ni même souhaitable, car il faut un apprentissage il la difficile pratique
des droits du ciLoyen. Mais qu'au moins ils l'estent unis dans
l'amour de lenrs études et l'accomplissement de leurs devoirs
d'écoliers; que, sur ce terrain neutre de t'Ecole de Droit, ils
apprennent, quelle que soit la diversité de leurS:opinions p<,liqnes et religieuses, à s'estimer et à s'apprécier; qu'il, ap-
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�- 59-
prennent aussi à apprécier, comme ils croienlle mériter,
indistinctement tous leurs maîtres. Et alors, Messieurs, la
divergence de vue n'empêchera pas l'unité d'eITorts de toutes
parts, on tendra, peut-êtl'C, par des raisons et avec des aspirations diITérentes, vers un but commun, la supériorité du
devoir et du mé,·ite. Il en sera, à notre point de vue (qu'on
me passe la comparaison), comme eu musique de ces
dissonnances partielles, qni ne nuisent nullement à l'harmonie de l'ensemble, mais se fondent au contraire dans la
savante ordonnance du morceau .
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�RAPPORT
DE
M,
REBOUL
DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES.
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Mon premier devoir est de rappeler la perte que la science
et la Faculté de ~Iarseille ont faite cette année dans la personne de Favre, professeur doyen honoraire, attaché à la
Faculté depui, 1856, c'est-a-dire un ou deux ans après sa
fondation, et devenu son doyen en 1872, C'est le 17 février 1880, que mon éminent prédécesseur s'est éteint après
une longue agonie de dix-huit mois, emportant les regrets de
sa famille qui le chérissait, de la science.qui lui doit des déconvertes importantes, de ses amis qui l'estimaient. Le Recteur ~t les Memb)'es de l'Académie d'Aix, le Doyen et les
J'rofesseurs de la Faculté et de l'Ecole de Médecine de Marseille l'ont accompagné il sa del'Dière demeure dans un doulonreux recueillement. Si aucun discours n'a été prononcé
sur sa tombe, c'est pour se conformer à ses dernières volontés empreintes de simplicité et de modestie, comme toute
sa vie; elles avaient été formellement exprimées pal' sa veuve
à celui que ses fonctions désignaient pour rendre à Favr":, le
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64 -
juste tribut d'éloges dû il une vie entiè,'ement consacrée au
travail et à l'accomplissement du devoir,
Ce n'est pas ici le lieu d'insister SUI' les recherches devenues classiques de Favre, et qui ont fait de lui un des principaux fondateurs de la thermo-chimie, ni sur ses travaux de
haute portée relalifs à la tmnfo,'mation et à l'équivalence des
rorceschimiques, physiques et mécaniques, Jelme suis acquitté
de ce devoir dans une autre circonstance, lorsqu'" la fin de
4879, j'ai été appelé à remplacer Favre, mis, sur sa demande, il la relraile pal' suite de l'élat de sa santé gravement altérée, qui l'avait obligé de suspend,'e ses cours depuis
plus d'un an, Je me bornerai à l'appeler que l'importance de
ses travaux avait été, il plusieurs reprises, reconnùe pal' l'Académie des Sciences, qui le nommait son correspondant dans
la seclion de chimie en 1863, et lui décernait le prix Jecker
en 4869, puis le p,'ix Lacaze en 4875,
Cetle perle, Messieurs. n'a pas élé ressentie seulement par
la Faculté qu'il avait honorée par ses remarquables reche,'ches, mais encore pal' les corps savants les plus illuslres,
M, Dumas, au nom de l'A.cadémie des Sciences, avait, il la
nouvelle de la mort de Favre, prononcé quelques pa mies
émues dans la séance du 23 février dernier pour rappeler les
circonstances de sa vie scientifique et la valeur de ses travaux, Il terminait par ces mots: {( L'Académie perd en ~1.
Favre un de ses correspondants les plus dévoués, les plus
laborieux et les plus dignes de regret par le caractère autant
que par ses talents et ses services, »La Société d'encouragement pour l'industrie nationale témoignait, par l'organe
.le M, F, Leblanc, membre du conseil, dans une notice nécrologique, résumant la vie scientifique de Favre, toute l'estime qu'elle avait pour ses remarquables recherches. Plus
récemment, l'A.cadémie de Bruxelles s'associait aux éloges el
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62-
aux regrets exprimés il ceLle occasion par l'un de ses membres
les plus distingués, ~1. Melsens, ami de notre défunt collègue,
Enfin, la Société des Amis des Sciences, rendant justice aux
services rendus il la science et à l'enseignement par Favre,
vient d'accOl'der il sa veuve une rente annuelle de 800 fr"
qui n'a pu être portée plus haut, à son grand regret, par
suite de l'état relativement insuffisr,nt de ses ressources,
Les modifications survenues dans le personnel de la Faculté des Sciences depuis la session du mois de novembre
4879 sont peu nombreuses, Je ne saurais compter parmi
elles la nomination de M, Stéphan comme p,'ofesseur titulaire de la chai,'e d'ast,'onomie (janvier 4880), car, depuis
tl'Ois ans, ~l. Stéphan était chargé de ce cours et nous le
considérions comme un des nôtres, Je suis heureux de le voir
ainsi définitivement attaché il une Faculté dont il contribue à
augmenter l'éclat par ses travaux et par son enseignement,
et où il ne rencontre que des amis ,
Par arrêté ministé,'iel en date du 4" octobre dernier,
M, Macé de Lépinay vient de nous être adjoint comme maître
de conférences de physique, M, ~Iacé, fils de l'honoJ'able
doyen de la Faculté des LeLlres de Grenoble, est sorti de
l'Ecole normale en 1875, P,'ofesseur de physique au Lycée
de Grenoble de i875 à f878, il passa au lycée de ~Iarseille,
où il est resté deux ans, pour entrer ensuite et tout récemment dans l'enseignement supé,'ieur où l'appelaient ses aptitudes et ses goûts pour les ,'echerches du laboJ'atoire. Remarqué d'abOl'd pour sa thèse SUI' la double réfraction accidentelle soutenue à Paris, il ya un an, puis, pour quelques
notes communiquées à l'Académie des sciences pendant l'année courante, M, ~[acé s'est posé déjà comme un physicien de
mérite, sur l'avenir scientifique duquel on est auto,'isé à
compter,
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En réalité un seul changement s'est effectué cette annre
dans notre personnel. M. Nouguiel', secrétaire de la Faculté
de ~Ial'seille depuis une douzaine d'années, a permuté avec
M. Rivière, secrétaire des Facultés des Sciences et Lellres à
Lyon. Il s'agissait pour M. Nouguier d'un avancement considérable; aussi s'est-il décidé à quitter la résidence qu'il
aimait et à laquelle il a renoncé non sans hésitalion. Nous
l'accompagnons de tous nos vœu' dans la nonvelle silualion
qu'il occupe.
M, Ririère, qui lui succède, esl un ancien fonclionnaire
de l'Unh-ersité, comptant 29 ans de services, d'abord sousprincipal du collège de Toulon, puis surveillant général lors
de la transformation de ce collège en lycée, En 1874 il fui
nommé secrétaire de la Faculté des Lellres d'Aix où nous
l'avons connu et apprécié, Partout où il a passé, il a pu se
concilier les sympathies et l'estime de tous. Aussi esl-il le
bienvenu pal'mi nous,
Vous me saurez gl'é, ~Iessieurs, de vous épargner l'audilion des programmes même sommaires des 2-1 COUl'S ou
conférences que nous faisons pal' semaine, sans compter
les 12 COUI'S annexes confiés il quelques-uns de nos collègues des Facultés d'Aix, Il est nécessail'e et suffisant,
pour employer une tournure chère aux mathématiciens,
que je constate ici dans mon rappol't ce qu'il vous importe de
savaiI', c'est-à-dire que pendant l'année qui vient de s'écon1er le sCl'vice s'est fait avec la plus gJ'ande régularité; que
les professeurs ont continué comme par le passé à pOl'ter lous
leurs soins à leurs legons publiques, ce que prouve l'atlluence
du public qui ne s'est pas démentie; que leUl's conférences
ont été suivies assidGment Pal' les candidats aux licences auxquels elles sont exclusivement destinées et ont porté les
meilleul's fruits , comme l'administration a pu le constatel' par
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les notes que j'ai envoyées mensuellement à ~1. le Recteur et
qui correspondent' soit aux interrogations, soit aux devoirs,
soit aux compositions.
Quant à son imtallation matérielle, la Faculté se trouve actuellement bien dotée en ce qui concerne la physique, la chimie, la minéralogie et la géologie. Les Laboratoires dezoologie
et de botanique sont insufllsants, mais l'État et la ville, partageantégalement la dépense, ont voté une somme de 80,000 fr.
pour la création d'un laboratoire de zoologie il Endoume,
cetle somme devant se solder en deux annuités de 40,000fr.
chacune, L'Etat a déjà vel'sé la portion qui lui incombe, soit
20,000 fr., depuis le 15 juillet. En second lieu la ville a
donné au Château-Borél)' l'emplacement nécessail'e pOUl' la
création d'un jardin botanique, ainsi que le pavillon du Lac
destiné à être transformé en laboratoire de botanique, pour
l'aménagement duquel l'Etat a versé 8,000 fr. dans la caisse
municipale. Bientôt donc la zoologie et la botanique n'auront
rien à dési"er et poulTont laisser à la faculié une ou deux
salles qui seront utilisées comme salles de conférences. Not"e
grande lacune est un nouvel amphithéâtre donL la nécessi té
s'impose de plus en plus, Nous n'en possédons en elTet que
deux pour nos 27 lesons qu'il faut augmenter des 12 cours
annexes. Le service, déjà dimcile, deviendra sous peu impossible et il est urgen t d'avisel' dès iL présent aux moyens de
nous procurer cet amphithéâtre supplémentaire,
Examens. -1' Thèses de doctorat: ~1. MORGES, chef des
travaux chimiques à l'école des hautes études, a présenté celle
année une thèse inti tulée : recherches sur la constitution des
sels doubles et SUI' leur électrolyse thermique. Cette thèse
de thermo-chimie a subi l'épreuve de la ~iscussion publique
le lundi U juin j 880 devant la Faculté de Marseille. Elle
accuse une véritable habileté dans les recherches thermiques
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�- 65auxquelles le jeune savant avait été initié par mon éminent
prédécesseur, son maître, et renferme des faits nouveaux et
intéressants d'où l'auteur a tiré des conclusions qui, tout en
soulevant plus d'une objection sérieuse, s'imposent à l'aUention. Après une soutenance où M. Morges a fait preuve d'un
vrai talent comme professeur, le jury l'a jugé digue du grade
de docteur ès-sciences physiques.
M. IMBERT, chef des travaux physiques il la Faculté de médecine de Lyon, et ancien élève de la Faculté de Marseille,
où il a pris ses deux licences mathématique et physique,
nous a présenté cette année une thèse intitulée: Recherches
sur l'élasticité du caoutchouc. - Ce tl'avail se recommande
par des qualités sérieuses et solides. Quelques résultats fort
curieux méritent d'y être signalés. Si l'on relève quelques incertitudes ou quelques lacunes, il ne faut pas oublier qu'il
s'agissait d'un genre de recherches fort délicat, et le jury, en
jugeant M. Imbert digne du grade de docteur, l'a félicité des
efforts consciencieux qu'il avai t faits pour surmonter les difficultés de son sujet.
Je citerai deux autres thèses, celles-là de doctorat ès-sciences naturelles, soutennes à Paris au mois de juillet et de
novembre de l'année courante; étant sorties des laboratoires
de la Faculté, celle-ci a le droit de les revendiquer.
La première, due il M. le docteur E. Jourdan, est un travail zoologique et histologique sur les zoanthaires du golfe de
liarseille. Il contient des résultats nouveaux impol·tants sur
le système nerveux dilTus des zoaothaires, ainsi que des considérations utiles sur l'embl'yogénie de ces cisintél·és. Il a
été inséré dans les Annales des sciences naturelies.
La seconde, soutenue à Paris il y a quelques jours, a pour
auteur le docteur Pauchon, professeur suppléant il l'école de
médecine de Marseille. Elle a pour titre: De l'influence de
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la lumière sur la germination. On y trouve des résultats
nouveaux établis par un grand nombre d'eïpériences bien
conduites.
Licences ès-sciences.
35 aspirants aux trois licences ès-sciences ont fréquenté
assidûment nos cours et nos conférences pendant toute l'année scolaire. SUI' ces 35 candidats 9 étaient boursiers, le
reste étant constitue par des maîtres auriliail'es ou répétiteurs
du lycée ou par des étudiants libl·es.
22 se sont présentés aux licences: 7 pour les mathématiques, sur lesquels 4 admis, dont 3 boursiers; 7 pour les sciences physiques dont 6 admis (tl'ois maîtres répétiteurs et trois
étudiants libms; ["un d'eux, M. Rolland, avec la note bien,
S pour les sciences natlll'elles, sur lesquels 7 admis, dont un
boul'sier, M. Nicolas, 2 pharmaciens militaires, et les autres
étudiants libres, parmi lesquels ~L Rietsch a obtenu la note
bien.
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En résumé 17 admissions sur 22 candidats, et sur 5 boursiers qui se sont pl'ésenlés 4 ont été reçus: le 5 m• M. Cambres, qui avait échoué au mois de juillet, vient d'obtenir son
diplôme il l'a quelques jours.
Baccalauréat complet. - 302 candidats se sont présentés, sur lesquels 118 ont été jugés dignes du grade, 3 avec la
mention bien: ce sont MM. Amaud, Batt et Lapiane, ce dernier du lycée de Marseille et déja bachelieJ' ès-lettres ; 21
avec assez bien et 9 .. avec passable. Proportion 39 0/0.
L'année dernière elle avait été de 43,5 0/0.
Baccalauréat restreint.- SUI' 73 candidats inscrits, 34 ont
été admis, dont 1 avec la mentien bien, ~I. Schnell ; 11 avec
assez bien et22 avec passable. Propol"tion des admis '\6,50/0.
L'année dernière H,8 ,O/0 .
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67 -
En tout pour les deux baccalauréats 375 présentations et
{52 admissions, Proportion 40,50/0,
L'année passée sur 385 candidats présentés 167 avaient
été admis; soit 43,3 0/0, proportion supérieure de 3 % à
celle de cette année, Quant au nombre absolu des examens
il a augmenté sensiblement de 30 bien qu'i l soit en apparence in fé,'ieUl' de 10; car il faut tenir compte et défalquer
du nombre 385 correspondant à l'année 1878-1879 les 40
examens que nous avions en moyenne à Alger et dont heureusement nous ne sommes plus chargés,
MESSIEURS,
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L'activité de la Faculté des sciences ne s'est pas démentie
pendant l'année scolaire qui vient de s'écouler, Entrant
complètement dans la voie ouverte pal' M, Banloux et par
son successeur le ministre actuel de l'Iustruction publique,
notre atl~ntion s'est principalement portée su,' les conférences p,'éparatoires aux diverses licellces et sur les exercices
pratiques que nous nous elTorsons de multiplier, cal' c'est
réellement là la partie faible de ces examens, Chaque professeUl', à côté de la leson publique qu'i l fait une fois par semaine pendant toute l'année, a fait deux conférences hebdomadai,'es destinées exclusivement aux boursiers, aux maîtres
auxiliaires ou répétiteurs, et enfin aux étudiants libres qui se
destinent à la licence, Elever le niveau de l'enseignement en
multipliant le nombre des licenciés et en leur assurant une
instruction de jour en jour plus forte; 2° créer ainsi une pépinière de professeurs capable' pour les collèges et les lycées,
tel est le but que )1. le ministre s'est proposé et qu'il s'efforce d'atteindre en multipliant les conférences et les exercices pratiques et en augmentant le nombre des bourses, L'ex-
�-68périence est venue confirmer ses prévisions et les résultats
obtenus sont déjà sérieux; c'est M. le Ministre lui-même qui
le constate au commencement de sa circulaire du 1" octobre
dernier. Il peut compter sur notre concours le plus dévoué,
mais je désire appeler son attention sur un point fort important, selon moi, parce qu'il me semble toucher de très près
aux intérêts les plus sérieux de l'enseignement secondaire.
Quelle doit être la durée moyenne de la préparation à chacune des trois licences, en supposant qu'il s'agisse des boursiers dont tout le temps peut et doit être consacré à cette préparation T Les circulai"es olli.;ielles ne s'expliquent pas nettement là-dessus, et si dans certains de leurs passages on lit
qu'une bourse de licence ès-sciences physiques, par exemple,
pent être accordée sans concours sur un l'apport favorable
du Doyen appuyé par le Recteur, au boursier de mathématiqnes reçu licencié avec une bonne note, de certains autres
an contraire, il semble se dégager que l'administration supérieure considère qu'un an doit être un intervalle de temps
sullisant ou tout au moins le désideratum vers lequel il faut
tendre.
Certes le déve.loppement des matières de chacnne des diverses licences pourrait se faire dans l'espace d'une année,
mais avec nn personnel plus nombreux que celui de notre
.'aculté. Pour les scieuces mathématiques qui disposent de
trois professeUl's; c'est presque réalisable; mais si nous passons à l'ord"e des sciences physiques, représenté par deux
professeurs seulemen t et dont le programme est plus étendn,
il faut au moins deux ans. Il en est de même pour les sciences naturelles, bien qu'elles soient enseignées par trois professeurs. Si l'on veut en outre tenir compte des le~ons spéciales nécessitées par la préparation à l'agrégation et dont
on ne peut songer à charger les professeurs titulaires, à qui
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- 69on ne saurait demauder plus qu'ils ne faut sans les empêcher de se livrer à leurs travaux personnels, il est facile de
voir qu'il nous faudrait pour réaliser ce programme d'enseiguement dans un an l'adjonction de quatre maîtres de
conférences; un pour les mathématiques, un pour la physique, un pour la chimie et un pOUl'les sciences naturelles,
Mais ce n'est pas tout que d'aller vite, il est bon de s'inquiéter aussi, de savoir si l'assimilation des matières enseignées peut s'effectuer dans l'esprit des élèves. Or je n'bésite
pas à dire que cet intervalle d'un an est absolument insuffi.
sant pour les candidats aux licences physiques et naturelles,
et que la licence ès-sciences mathématiques pent bien difficilement être préparée dans ce court espace de temp3. Qu'on
n'objecte pas qne les deux licences mathématique et physiqne sont préparées en deux ans à l'école normale supérieure.
C'est d'abord tout ce qui est possible, car tous n'arrivent pas
et les auditoires sont loin d'être les mêmes, En premier lieu,
les élèves qui arrivent à l'école normale sont triés sur 19 volet et possèdent en entrant une instruction fondamentale
fort sérieuse dont ne jouissent pas nos candidats à la licence,
même après le concours de bourses, 2' Ils ont 10 mois de
préparation et d'enseignement, tandis qu'en réalité nous disposons de 8 mois à peine, :il au moins étant absorbés par les
examens de novembre, de mai et surtout de juillet, et:2 par
des vacances dont personse ne songe à contester la nécessité
pour des professeurs fatigués par dix mois de travaux, 3' Enfin notre personnel est inférieur comme nombre à celui dont
dispose l'école normale supérieure et là il n'y a pas pour chaque pl'ofesseur un cours public par semaine. Tout l'enseignement y est absolument consacré aux élèves. Il y aurait
donc injustice à exiger de nos boursiers de passer leurs deux
licences mathématique et physique dans un intervalle de
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temps inférienr en réalité de plus de six mois anx deux ans
assignés aux élèves de l'Ecole normale supérieure, Tout ce
qn'on pourrait faire serait de fixer nn intervalle de temps de
3 ans comme minimum, en admetlant pOUl' durée maximum
4 ans, soit deux ans pOUl' chaque licence, Ce n'est pas
excessif et remarquons, Messieurs, qu'il s'agit ici des intérêts les plus graves de l'enseignement secondai,'e auquel il
faut fournir des maîtres sél'ieux, Des préparations hâtives
et insuffisantes, iraient contre le but qu'on s'est fixé et compromettraieut d'une manière fâcheusse les résultats qu'on se
propose d'atteindre,
Bien que je n'ai pas eu son rapport en mains, je crois que
les considérations précédentes coïncident sensiblement, sinon
dans leurs détails (ce qui est impossible, vu les diITérences qni
existent entre les enseignements supérienrs des sciences et
des letll'es), mais dans leur ensemble avec celles qui vous
ont été développées au mois de juillet demier par mon éminent collègue de la Faculté des Lettres avec le laient d'exposition et l'élégance de forme qui sont un de ses mérites indiscutés, - Si j'ai cru devoir lin peu insister, c'est que j'ai
vouln chercher à établir: l' que, pour faire de bons licenciés, il faut de dix-huit mois à deux ans; 2' comme conséquence, qu'il serait à désirer que, lors de la distribution des
bourses, avant de songer aux plus méritan,s parmi ceux qui
ont concouru, on pourvût d'abord les boursiers re~us licenciés ès-sciences mathématiques ou physiques avec une bonne
note, qui sollicitent une bourse pour l'autre licence nécessaire
en vue de l'agrégation, En définitive, ils ont rempli leur devoir, et, en outre, ils sont généralement snpérieurs à ceux
qui ont pris part à un concour,; dont le programme n'est pas
défini, et qni, par suite, ne donne pas et ne peut donner de
très bons résultats,
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Tout en s'acquittant de la tàche, devenue un peu trop
lourde, des préparations aux licences et à l'agrégation, soit an
siège de la Faculté, soit par correspondance, préparations
compliquées de nombreux examens qui s'élèvent il 400 par
an pOUl' Marseille, les membres de la Faculté n'ont cependant pas négligé ce qu'ils considèrent comme un de leurs
principaux devoirs, je veux dil'eles recherches personnelles ou
les tl'avaux originaux exécutés dans leurs laboratoires sous leur
direction et ayec leurs conseils, Yous trouverez il la fin de ce
rappOltla liste des diverses publications dues à MM, les Professeurs pendant l'année qui vient de s'écouler; enfin,
l'énoncé des hautes récompenses, dues pl'incipalementàleurs
recherches originales, qui sont venues honorer récemment
quelques membl'es de la Faculté, et, avec eux, la Faculté
elle-même,
Messieurs, ce noble devoir de contl'ibuer chacon dans la
mesure de nos fOl'ces à l'avancement de la science, nous le
considérons comme la partie la pIns haute de nos fonctions,
et c'est de son accomplissement que dépendent l'autorité et
l'éclat de notre enseignement supérieul". M, le Ministre de
l'Instruction publique le proclame lui-même dans sa circulaire
du 1" octobre 1880, «II faut qu'il y ait dans chaque Faculté,
dit-il, une liste d'élèyes et de maÎtl'es qui fassent école, La
contribution que chaque nature d'enseignement apporte au
progrès de la grande culture littéraire ou scientifique est
forcément le signe par lequel on juge du mél'ite relatif des
Facultés, Nous irions tout à fait il l'encontre des résultats
que nous voulons atteindre, si les occupations matérielles
surchargeaient les maîtres au point de les détourner du travail personnel. Je cherche donc tous les moyens d'alléger la
charge des professeurs. Dans les Facultés des Sciences, où
les examens sont relativement peu nombreux, il suffit de
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créer nn certain nombre de maîtres de conférences ponr qne
les savants aient à eux le temps qu'illenr fant, •
Et en terminant: « Nous arriverons au moment où la
préparation aux grades étant devenue une habitude facile et
un accessoire, nous songerons surtout à la science et aux
hautes études qui sont le grand devoir des Facultés devant le
pays, »
Ce grand devoi,', la Faculté de Marseille, Messienrs, l'a
tonjonrs noblement et vaillamment accompli, Son senl désir
est de pouvoir persévérer dans cette voie, en demandant à
M, le ~linistre la réalisation de ses promesses, qui donnera
aux professenrs le temps nécessaire pour leurs travanx,
Distinctions hlJlllJ1'ifiques :
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Par décret dn président de la Républiqne dn 4' jnillet 4880
et sur la présentation dn ~Iinistre de l'Instruction publique,
a été promu au grade d'officier de la Légion d'honneur
ftl. l'abbé Aoust, chevalier depuis t 860, Je félicite, an nom
de tous, notre digne collègue de cette haute distinction méritée par ses longs et glorieux services,
Par décret p,'ésidentiel, en date d'avril 4880, et sur la
proposition tlu Ministre de l'agriculture et du commerce,
~J. Marion a été nommé chevalie,' de la Légion d'honneur
pour les services exceptionnels qu'il a rendus dans la question du Phylloxera, services qui, appréciés en dehors de notre
pays, lui valaient, an mois d'octobre dernier, la croix de
commandeur de l'ordre du Ch,'ist de Portugal. Enfin, le nlinistre de l'Instruction publique l'avait nommé officier d'académie au mois d'avril. Voilà, certes, des témoignages d'estime nombreux et éclatants donnés à notre jeune collègue,
tant à l'occasion de ses travanx de science pure et de son en-
�- '73-
seignemenl, qn'à celle de ses efforts conronnés de snccès pour
combaLtre ou enrayer l'invasion qui désole nos vignobles. Je
suis heureux de les consigner ici et d'y applaudir.
Enfin, l'Académie nationale de Médecine, en s'associant
tout récemment ~1. Heckel comme membre correspondant,
a voulu montrer à quel point elle apprécie les travaux 'aussi
intéressants que nombreux de.mon collègue de botanique. Je
lui renouvelle les compliments sincères que je lui ai adressés
verbalement au sujet de celte haute distinction.
Tra~au.,
publiés pendant l'année /879-/880 par "M. les
professeurs de la Faculté des sciences de Marseille et par
leurs élèves.
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M. CHARVE. - De la réduction des formes qnadratiqnes
ternaires positives et de leur application 'aux irrationnelles
du 3m• degré. (Thèse de doctorat, soutenue le 3 novembre
1880 devant la Faculté des sciences de Paris).
~1. STÉPHAN. - Tel'miné les calculs relatifs à la dilTérence
de longitude entre le nouvel observatoire de Lyon et celui
de ~Iarseille. (En collaboration avec ~L le lieutenant-colonel
Perrier, membre de l'Institut).
Positions précises de 40 nébuleuses nouvelles. (Comptes
rendus 1880, p. 837).
Obs8l"Vations diverses de planètes, comètes, etc.
M. REDOUL. - Etude sur la composition des vins de raisins secs. (Mémoil'e inséré dans les cahiers d'août et septembre 1880 du Journal de Pharmacie et de Chimie).
M. DIEuLAFAIT. - Existence normale du cuivre dans
toutes les plantes qui se développent sur les roches de la formation primordiale. (Ann. de chimie et de physique).
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Diffusion complète du zinc dans toutes les roches de la
formation primordiale. Origine des minerais à guangue de
sulfate de baryte. (Ann. de chimie et de physique).
M. HECKEL.- Tératologie et tératogénie végétales. (Revue
scientifique du 28 ré""iel' 1880).
Do pilosisme défol'mant dans quelques végétaux de la
région méditerranéenne. (Comptes l'endus 9 août 1880).
De l'inOuence des hautes tempél'atures humides et non
continues SUl' la germination. Action du benzoate de soude,
de l'acide benzoïque et de l'acide sulfUl'eux sur ce processus.
(Comptes rendus, 16 juillet 1880).
Nouvelles rechel'ches SUl' le mancenillier et sur le suc
toxique de cette plante, en collaboration avec M. SchlagdenbauITen. (Mémoire présenté à l'académie de médecine de
Paris).
Observations sur une algue unicellulaire indiquée comme
cause de la tuberculose. (Communication au comité médical).
Polymorphisme Ooral et pétalodie staminale observés dans
le conrolt"lus arvens;s D. et le tiburm,m tillus L. (Comptes rendus, 4 oct. 1880).
Sur les prétendues glandes hyméniales du pleuratus glalldltlasus. (Bulletin de la société botanique de France, nov.
4880).
M. MARION. - Rapport annuel sur les travaux entrepris
par la compagnie P .-L.-~I. contre le phylloxera.
Additions à la faune méditerranéenne.
M. MACÉ DE LÉPINAY, maître de confél'ences de physique.
Double réfraction accidentelle. (Thèse de doctorat soutenue à Paris, 1879).
Recherches sur la distribution de la lumière dans le spectre. (En collaboration avec M. le D' Nicati). (Trois notes publiées dans les Comptes rendus, 1880).
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..
�-75 Travaux effectué. dans les laboratoires de la Faculté.
M. MORGES. - D'ès-sciences physiques, chef des travaux
chimiques de l'Ecole des Hautes Eludes.
Recherches sur la constitution des sels doubles et sur lenr
elcetl"Olyse thermique. (Thèse de doctoral, Marseille, l i
juin 1880).
M. JOURDAN, DI' ès-sciences.
Recherches zoologiques el histologiques sur les Zoanthaires du golfe de Marseille. (Thèse de Doctorat soutenue à
Paris en juillet 1880 et insérée dans les Annales des sciences naturelles).
AI. PAUCHON, D'ès-sciences, professeur suppléant à l'école
de méJecine.
De J'influence de la lumière sur la germination. (Thèse
pour le doctoral soutenue à Paris le 16 novembre 1880).
M. VAYSSIÈRE, prépaI'ateur de zoologie à la Faculté. Anatonomie de divers types de Bullidées. (Ann. des sciences naturelles).
Notes sur les Pleurobranches du golfe de ~Iarseille. (Revne de conchyliologie).
Observations sur les métamorpboses du P·rosopistomum.
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�RAPPORT DU DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES
AU CONSEIL ACADÉMIQUE
Pour la session de novembre 1880
MONSIEUR LE RECTEUR,
MESSIEURS,
La Faculté des Lettres a, cette année, poursuivi le cours
de ses occupations avec autant de zèle que d'exactitude.
Nos travaux, vous le savez, sont de plusieurs sortes; ils
comprennent l'enseignement., les publicalions personnelles et
les examens.
Les examens, surtout ceux du baccalauréat qui commencent l'année, la terminent, et même interrompent brusquement le, études au mois de mars, sont de beaucoup la partie
la plus pénible de notre tâche; aussi verrions-nous avec recoun.i;s.nce supprimer ' cette ses~ion de m,,'S, qui suspend
les cours mal à pl'OpOS, au moment même où ils offrent le plus
d'intérêt.
Voici les résnltats des examens pendant l'année scolaire
t879-1880.
Session de novembre 1879, première partie : ~ndida!s
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présentés, U9; refusés, pour les compositions, 97; pour
l'examen oral, 17; re9ns définitivement, 35. Pour la seconde
partie: candidats inscrits, 103; ajournés ponr les compositions, 66; pour l'examen oral, 15; admis, 22.
Session Je mars 1880 : première partie, candidats qui se
sont présentés, 64; éliminés à l'écrit, 40; ajournés à l'oral,
8; admis, 16. Pour la seconde partie, se sont présentés:
46 candidats; refusés pour les compositions, 30; pour l'exa'
men oral, 5; re9us définitivement, t 1,
Session de juillel et août. - Pour la première partie: candidats qui se sont présentés, 267; ajournés pour les compositions, 16t; pour l'examen oral, 21 ; admis, 82. Pour la seconde parlie : candidats qui se sont p" ésenlés, 148; éliminés
à l'écrit, 31; il l'examen oral, 18; définitiv~ment re9us, 59.
La moyenne des admissions est en novemb"e, pour la premièrepartie, de23, 490/0; pour la seconde, de 2-1,36. En mars
pour la première par lie, 250/0; pour la seconde partie, 24 0/0.
En juillet, pour la première partie, 31 0;0; pour la seconde
partie, 40 0/0. Quant anx mentions, elles se décomposent de
la fa~on suivante: bien 5, assez bien 34, passables 239.
Cette Slatistique est assez éloquente par elle-même; elle
provoque cependant quelques observations, Elle indique
d'abord, chez la plupart des candidats, une faiblesse déplorable, La mention bien n'a pu être accordée que cinq fois, et,
dans la session de juillet, c'est-à-dire celle où se présentent
les meilleurs élèves. Elle a été obtenue, pour la pre~ière
partie, par M11. Emmanuel et ~Iaille, du lycée de Nice; pour
la seconde parlie, par ~IM, Taulier, du collège d'Aix, Monod
et Pélissier du lycée de ~Iarseille . Félicitons-Ies de leur
succès, mais regrettons leur petit nombre. A côté d'enx
nons devons encore ci ter dans un senliment que tout le
monde comprendra un candidat de soixante-trois ans, le pins
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vénérable de nos bacheliers, A l'àge où ceux qui ont le plus
appris ont déjà le droit d'oublier, U, Goron n'a pas craint
d'alrronter les épl'euves du baccalauréat, première partie, et
s'en est tiré avec honneur, C'est l'augure d'une nouvelle
victoire pour la session du mois de juillet prochain,
Pour la mention assez bien le chilTl'e 34 est bien insuffisant, quand il s'agit de toute une année, Telle n'est pas malheureusement l'opinion du plus grand nombre des candidats;
ils n'aspirent qu'à la note passable, qui constate à peine une
triste médiocrité; ils se rangent volontiers parmi ceux qui se
contentent de faire nombre et di,ent avec Horace:
Nos numerus sumus,
C'est à peine, pour beaucoup, s'ils ne se conCondent pas
avec les candidats reCusés ; mais si petite que soit la distance
qui les sépal'e, elle suffit à leUl' ambilion,
Quant à ceux qui ont échoué, si grand que soit leur nombre, leur défaiLe s'explique aisément. Le discours latin ne
donne plus, sauf de rares exceptions, que des résultats
lamentables,
Qu'attendre d'une éprenve officiellement condamnée 1
Seulement le discours laLin n'est pas morl sans Caire encore
de nombreuses victimes, Ces funérailles nous Cont involontairement penser à celles des l'ois barbares qui se Caisaient
précéder aux enCers par un grand nombl'e de serviteurs et
de parents égorgés SUI' leur Lombeau, Celles du discours latin, si l'on compte le nombre des morts, auront été magnifiques,
Ce qui est pins grave et nous pré,age, avec l'application
des nouveaux programmes, de terribles hécatombes, c'est
que l'examen oral, en ce qui concerne le français-, donne
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des résultats vraiment désolants, Est-il pourtant une étude
plus importante? Le malheUL', c'est que les candidats n'en
soupçonnent pas la difficulté; lire du Pascal et du Corneille, rien n'est plus simple, tant qu'on n'en a pas fait l'expérience, et la plupart réservent celte expérience pour le
jonr de l'examen, Ils expient alol's leur elTeur, trop souvent, hélas 1 sans se COl'l'igel', car beaucoup à la quatrième ou
la cinquième épreuve répondent adssi mal qu'à la p,'emière,
POUL' les examens de la ,econde pal,tie, j'ai aussi à exprimer
bien des regrets; les mathématiques, la physique SUL'lout,
sont tout à fait négligées. En scindant le baccalauréat en
deux ép"euves, l'Université a voulu permettre aux candidats
d'étudiel' plus profondément d'abord les lettres, puis les
sciences philosophiques et mathématiques, qui sont unies
par des liens si étl·oits. Bien peu paraissent l'avoir compris.
Les langues vivantes, l'allemand surtout, ne donnent pas des
résultats plus satisfaisants. Je signale dès aujourd'hui à M~l.
les professeurs et à tous les chefs d'établissements scolaires
cette mauvaise tradition. Elle a déja causé des échecs fâcheux; elle en causera bien davantage, il partir du mois
de juillet, quand à une version, où le dictionnaire et le hasard peuvent sel'vir l'ignol'ance hal'die, succèderont les thèmes qui exigeront une connaissance profonde des règles de
la gramlr..ire et une comparaison exacte des deux langues,
avec l'apPl'éciation exacte de cbaque mot.
En général je dois rappeler ici aux écoliers la nécessité
absolue d'un travail plus sérieux. Perpétuer ces vieilles traditions de candidats comptant SUI' le hasard de l'examen, le
bonheur de la mémoire, la fraude même, ce n'est pas seulement se condamner à des échecs successifs, c'est méconnaître le premier des devoil's, c'est, je ne crains pas de le dire,
dans les temps où nous vivons, manquer de patriotisme .
�-80Licence ès-lettres.
"
."
Session de novembre /879.
Candidats présents à l'examen ..••. • ... 4
Eliminés à l'écrit.....•..... .. ..... 21
Admis ........•.............•. 2
M. de ~Iaumigni, étudianllibre
b
21
MentIOns passa le ..
M. J aubert e't ud'lant I"b
1 re
! "
Sesriande juin /880.
Candidats présents à l'examen. . . . . . .
Eliminés à l'écI·il. . . . . . . . . . .. . . .. ..
Ajournés à l'oral. .... " . . . . . • • . • • ..
Admis......• " ... " ..•... " . . . ..
9
fi
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~Ientions
M. Jaubert, boursier de la Faculté
assez bien ...•
M. Airaud, étudiant libre de la Faculté ~
M. Chaudoin, maître auxiliaire au col- passable ..
lège d'Aix
Docloral ès-leUres.
Session de juillet /880.
M. Bardinet, seul candidat, a été reçu le t9 juillet.
Les examens de licence pêchent à peu près tous par un vice
capital. Les candidats s'en tiennent strictemenl à la préparation dn texte de leurs auteurs, sans étudier, sans même
soupçonner la plupal·t des questions qui s'y rattachent. L'histoire littéraire, l'histoire politique, la philosophie, la philo-
,
•.
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8t -
logie sont ,ystématiquement négligées, C'est 1. un mal auquel
nous nous efTorcerons d'apporter un remède prompt et efficace, en donnant à la science une part de plus en plus
grande dans les compositions écrites et dans les épreuves
orales,
Les examens de doctorat sont rares dans les Facultés de
Pro,'in ce , Nous tenons nous-mêmes il honneur d'adresser les
candidats il la Faculté de Paris, En cas de succès, leUl's titres
sont tenus en plus haute estime, et, par un scrupule peu têtre exagél'é de notl'e dignité, nous sommes obligés d'apporter à l'examen des thèses une plus grande sévérité, Nous
avons dû, cependant, cetle année, accordel' le t,tre de doeteur il M, Bardinet, professeur d'histoil'e au lycée de Limoges, Ce candidat nous a, en efTet, présenté deux excellentes
études sUl'l'histoire de l'Université d'Avignon et sur la condition des Juifs dans Avignon et le Comtat. Ces sujets sont de
ceux qui conviennent le mieux aux examens dl) doctorat,
Etudier dans le pays même des questions locales, mettre à
profit les documents originaux, manuscrits, diplômes, minutes des notai l'es, archives des familles, monuments ou soigneusement consel'vés, ou mutilés soit par le temps, soit par
la main des hommes, églises, monastères, portes, bas-reliers,
piloris, etc" ressaisil' ainsi des indices précieux, et rattacher
pal' l'élévation des vues ces renseignements à l'histoire générale ou de la vie des peuples, ou de la pensée humaine, c'est
accomplil' un travail utile, plein d'intérêt et toujours permis à
la pl'ovince_ C'est dans cet espl'it que ~l. Bardinet a d'abord
reconstitué l'histoire exacte, trop détaillée peut-êtl'e de l'Univef'ilé d'Avignon, Aune 1iste bien longue des maîtres de cetla
Université, nous aUl'ions pl'~réré quelques lraits qui nous auraient aidés à retrouver le véritable caractère de cetle Université rondée pal' le Saint-Siège en terre papale, pour comG
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battre l'hérésie, et qui reste fidèle à la politique ultramoDtaine coDtre des Universités plus libérales, cODtre les prétentions gallicanes de Louis XIV, enfin contre les Jansénistes,
La thèse fmnsaise tl'aite d'un sujet plus important et ouvre
des horizons plus étendus, C'est l'histoire des Juifs dans
Avignon et dans le Comtat Venaissin, Les Juifs d'Avignon ont
toujours eu une existence à part; ils se distinguent même
par certains de leUl's rites, des Juifs allemands et des Juifs
du Midi de l'Europe espagnole et portugaise, Dans le Comtat
même, ils nous présentent l'image de deux conditions bien
différentes, Tandi.; que , dans les autl'es villes du Comtat,
principalement à Carpentras, ils sont violemment persécutés,
ils jouissenL, au conlraire, dans Avignon, sous la protection
des Papes, d'une tranquillité relative, Aussi leur existence
était-elle prospère, et, par une conséquence naturelle, mais
qui échappait alol's à tous les yeux, ils donnaient dans celle
ville l'exemple de vertns, que les préjugés populaires leur
refusentencorea"jomd'hui, au moins à l'étranger, Ils développaient chez eux avec la vie de famille, des institutions charitables que les Chrétiens amaieDt pu leur envier, ils demaDdaient au travail honDête, au commerce, à des iDdustries parfois assez humbles des fortunes modestes et que ne déshonorait pas l'usure, La tolérance les rendait digDes d'estime,
M, Bardinel. s'est seulemeDt laissé dominer par l'idée qu'il a
si bien miseen lumière, et il a, dans certains endl'oits, fermé les
yeux sur des mesures qui étaient de véritables perséclitions,
Les Juifs étaient moins malheureux à Avignon que partout
ailleUl's; mais, même dans cette ville, les vexations, les outrages, les taxes injustes ne leUl' étaient pas épargnés, De DOS
jours, ce qui était, au moyen âge, une preuve de clémence,
paraîtrait le comble de l'injustice et de la tyrannie,
Quoi qu'il en soit, M, Bardinet a traité ce sujet avec une
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palience d'érudit, rehaussée par un rare talent d'observations. Son nom figurel'a avec honnenr snr la liste de nos docteurs, à côté de ceux de MM. de Laprade et Boissière.
Les cours auxquels est admis le public ont eu lieu réguliè rement dans les deux seme,tres.
Le professeur de philosophie a continué pendant l'année
t879-80 l'étude des doctrines morales et politiques du dixhuitième siècle; il a examiné particulièrement les théories
relatives aux pl'incipes du droit; il a étudié à ce point de
vue les doctrines de Montesquieu, de Rousseau et de Kant.
Cette année il tl'aitem, dans les le~ons du soir, de l'tistoire
de la philosophie ancienne. Il montrera d'abord comment
la philosophie et les sciences ont pris naissance en Grèce, et
il cherchera à faire connaître, d'après les sources etles fragments authentiques, les nombl'eox systèmes, philosophiques
et scientifiques de la première période, celle qui a précédé
Socrate; il montrera ensuite comment à la suite d'one crise
de scepticisme, à laquelle se rattachent les sophistes, un
nouveau mouvement commence sous l'influence de Socrate,
pour aboutir aux gJ'ands doctrines de Platon et d'Aristote.
1
Dans les conférences du matin destinées spécialement aux
candidats à la licence, le professeur s'occupera de la philosopbie moderne. Espérant qu'une revision pl'Ochaine des
conditions de la licence altribuera une plus large part dans
cet examen aux connaissances historiques et philosophiques,
il a Cl'U devoir dès à présent préparer à ces épreuves les élèves de la faculté par l'étude simultanée de la philosophie ancienne et moderne,
Pendant l'année scolaire 1880-81, le professeur de lilléJ'ature étrangère se pl'opose de faire l'bistoire de la poésie
épique et lyrique au moyen âge, en particulier en Allemagne
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L
- 8lel en itali.; ce sujet, il le croit du moins, se recommande
par les rapprochements qu'il permet de faire entre notl'e litrérature nationale el la liuérature rles pays voisins, el par là
il offrira peut-être quelque chose de l'intél'êl qu'ont paru
présenter les le~ons consacrées, duranl l'année qui vient de
s'écouler, à l'histoire du théâtre espagnol au seizième et au
dix-septième siècle el aux imitations dont il a été l'objel chez
nous, Mais ici la matière s'agrandil et le point de départ est
tout aull'e , C'esl en France, en elTet, et à la fois au nord el
au midi, que prend naissance le mouvement littéraire qui
pendant pl'ès de deux siècles a fait de notre paIrie l'initiatrice
des peuples de l'Europe occidentale: tanrlis que la poésie lyrique des troubadours était recueillie avec un curieux empressement en Italie, en Espagne et dans l'Allemagne méridionale, la poésie épique des Irouvères, dépassant nos fronlières, trouvait à son lour dans les mêmes pays, en Angleterre et jusque en Scandinavie et en Grèce, des imitateurs et
des disciples, el la liUerature de ces peuples n'est bien sonvent qu'un écho plus ou moi us alTaibli, une reproduction plus
ou moins heureuse des inven tions ùe nos vieux poètes. Cependant la muse du nord comme celle du midi, ne l'esta pas
stérile pendant ce long espace de temps, A côté des imitati,ons
de nos chansons de gestes el des romans de la Taule ronde,
l'Allemagne, pal' exemple, eut les Nibelunge·., le poème de
Glldrun et ses épopées nationales qui fleurirent SUl'tOUt au treisième siècle, Là elle ne nous imite plus, ene est vraiment elle
et originale, L'Italie nous présente un spectacle analogue au
siècle suivant, l'âge d'or de sa litlérature; Danle, Pétrarque,
Boccace meUenl sa poésie hors de pail', et sa littérature, naguère inconnue, va, comm'e l'avait fait si longtemps noIre
propre littéralure, sel'vir maintenant de modèle à l'étranger:
influence toute puissante que l'oltude de l'antiquité ne fera
qu'affermir et iui assurera pour de nombreuses années, -
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C'est l'histoire de ce grand mouvement littéraire, qui commen~ant en France avec Bertrand de Born et la chanson de
Rolland se termine, en passant par Dante et Pétr3l'que, à la
Renaissance, dont l'histoire fera, celle année, l'objet du
cours de littérature étrangère; ce n'est rien moins, on le voit,
que le tableau de la civilisation de l'Europe occidentale du
onzième au quinzième siècle, civilisation qui eut alors
pour principaux représentants, après la France, l'Italie et
l'Allemagne, Cet exposé, il est à peine besoin de le remarquer, sem plus que suffisant pour remplir les graudes leçons
des deux semestres de cette année, et si elles lui étaient seules réservées, bien des points inté.'essants pourraient rester
inexpliqués ou dans l'ombre; aûssi, pour donner à ce sujet
tout le développement qu'il comporte, surtout en ce qui
concerne l'Angleterre el l'Allemagne, le professeur dans sa
conférence du samedi, soumettra à une révision détaillée les
questions générales, traitées dans la leçon publique précédente, el y fera, en particulier l'histoi.'e nouvelle à tant
d'égards, des rapports si curieux et si divers de notre ancienne liUél'ature avec celle de l'Angleterre et de l'Allemagne; ce sera un moyen de rendre peut-être plus attrayante
cette confé.'ence, dans laquelle sem aussi enseignée, en vue
des candidats au certificat et à l'ag,'égation des langues, la
grammaire bistorique el comparée de l'allemand et de l'anglais, Dans une seconde conférence, consacrée l'an passé à
la théorie de la déclinaison et de la conjugaison grecque et
latine, le professeur exposera celte année les regles de la
formation du français el du provençal, en étudiant la première de ces deux langues spécialement dans la Chanson de
Rolland et dans les auteurs du seiz;ème siècle, dont la grammaire et l'o.'thographe seront l'objet d'un examen complet et
approfondi,
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-86Le professeur de littérature française a fait l'an dernier
l'hi,toire de la famille, de la vie, et des œuvres de BoileauDespréaux. Il se propose d'étudier celle année le roman satirique el bourgeois en France pendant la première moitié du
dix-seplième siècle. L'abus du roman arislocralique, paslorai avec d'Urfé, sentimenlal et mélaphysique avec ~lIIe de
Scudéry, amena chez nous, par une réalion naturelle et iné·
vitable, une contre-partie bourgeoise et railleuse. C'est celle
littérature réaliste et positive que M. Bizos se propose d'exa·
miner dans ses œuv"es p,·incipales.
Après quelques mots consacrés à l'Eupho1'mion ~e Barclay,
qui le premier alors retrace les aventures familières d'un
homme de basse condition, et al/X fragments d' His/oire Comique de Théophile, il abordera l'œuvre romanesque de
Sorel, Polyandre, Francion, le Berg,r' extravagant. Deux
disciples de Sorel, Du Verdier, aoteur du Chevalier Hypocondriaqu" et le sieur de Clerville, auteur du Gascon extravaganl, ne serout pas oubliés. Puis viendra l'étude approfondie
du Roman Comique de Scanon et du Roman Bourgeois de
Furetière. AuloUl' de ces des œuvres capilales seront g"oupées
les Histoires Comiques de Cyrano, la Précieuse de l'abbé de
Pure, les Autobiographies de Tristan l'Ermite et de d'Assoucy.
Le professeur de littérature française croit qu'il y a là un
sujet très utile à trailer: Il s'eITorcera de mettre en lumière
ces esprits ennemis de l'emphase, adversaires acha"nés des
fausses élégances et de la convention dans le slyle comme
dans les manières, remanIant ou essayant de remonter à l'es·
'prit gaulois des Rabelais, Jes Duperrier, des Béroalde. Il
monlrera comment leur bul fut en parlie le même que celui
de Boileau, qui d'ailleurs dans sa sévère et parfois trop ri·
goureuse justice a balayé leurs œuvres en même temps que
celles de leurs adversairel;,
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Le cou,', de litté,'ature ancienne de l'année ,1880 a eu pour
objet l'étude des mœurs romaines d'après les poètes du premier siècle, M, Lehanneur avait pris pOUl' objet spécial de
ses recherches le théât,'e de Senèque, et il s'était proposé de
déterminer les conclusions que l'on peut tirer de celle étude
touchant le caractère et les mœurs du public auquel s'adressaient ces pseudo-tragédies, Après avoir examiné et résoln
affirmativement la question de l'identité de Sénèque le philosophe et de Sénèque le tragique, après ",'oi,' rapidement
rappelé l'histoire de la t,'agédie latine avant Sénèque, ~I.
Lehanneur a étudié en détail chacune des pièces de Sénèque,
spécialement l'Hercule {Ul'ieux, le Thyeste, la ,IIed,e, où le
poète donne carrière à une imagination dépravée, éprise des
conceptions les plus bizarres et les plus monstrueuses, les
Phéniciennes, où l'on peut étudier pal' le détail les procédés
de style savants et l'affinés chers à Sénèque, enfin les pièces
assez nombreuses où l'auteu,' cl'Oit s'inspi,'"r d'EUI'ipide, et
qui ne servent qu'à faire éclate,: son infériol'ité par une comparaison imprudemment provoquée, Cinq le~ons SUI' lessaLires
de Perse, ces essais labo";eux et gauches d'un poète capable
néanmoins d'accents généreux, ont le,'miné le cours auquel
doivent faire suite les legons de cetle année,
Le professeur d'histoire a, cette année, exposé la politique
de Louis XIV jusqu'au traité de Nimègue, C'est la brillante
période de ce règne, où un prince ambitieux, ami de la gloire,
né avec une âme grande, concentre dans sa main toutes les
ressoUl'ces de la France, pour devenir le prince le plus puissant de l'Europe, A l'intérieur, il réorganise les finances,
l'armée et la marine, développe le commel'ce et l'industrie,
discipline le gouvernement des provinces et porte enfin
dans nos loix l'ordre et la lumière, A l'extérieur, il abaisse
l'Espagne, à qui il enlève les Pays-Bas; la guerre de Hollande
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lui permet de reculer les frontières de la France vers le
Nord, et d'imposer la paix de l'iimègue à l'Europe pleine de
crainte ct d'amiration, Le senl défaut de cette politique, c'est
d'être sans frein, Anssi, l'Europe se révolte-t-elle contre le
sauverain dont l'ambition sans mesure est, pour sa sûreté,
une éternelle ilIenace, Celle coalition formée d'abord à
Ausbourg, renouvelée en 170,1, infligera à la vieillesse du
grand roi les plus cruelles humiliations, et finira par lui imposer, avec le paix d'Ut,'echt, la reconnaissance de la succession protestante en Angleterre et le démembrement de
l'Espagne, La France renonce bientôt il luller contre l'autorité Jespotique du grand roi; mais elle s'épuise peu à peu
en soldats et en finances; ses ressources tarissent, et elle est
menacée d'une profonde décadence, parce que les caractères
s'abaissent, et que le gouvernement ne laisse subsister aucune
de ces institutions qui, en opposant au pouvoir d'utiles barrières, garantissent la dignité des peuples et la gmndeur des
souve,'ains, C'est ce !te période que le professeur étudiera dans
le cours de cette année,
lIais ces prog,'ammes ne donnent qu'une idée bien incomplète des occupations de la FaClilté, Une réforme heu,'euse a donné aux Facultés des lettres des auditeurs sérieux,
qui, dans des conférences multipliées, se préparent aux examens de la licence; quatre bOlll'siers, quatre maîtres et cinq
auditenrs lib,'es out, l'année passée, p,'ofité de ces enseignement., Aux explications des auteul's de la licence, nous "'ons
ajouté la collection de devoirs régulièrement donnés tous les
mois, Nos legons ne se sont même pas bornées à ces conditions
un peu restl'eintes; uu système de co,...espondauce étendu à
toute l'Académie nous a permis de corrigel' les devoirs de
tous ceux qui ont voulu s'adresse,' il nous, Sur les '1uarante
correspondants qui se sont préparés dans ces conditions aux
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examens de la licence et de l'agrégation, quelques-nns en ont
été déjà récompensés, M, Kontz a élé regu agrégé pour
l'enseignement de l'allemand; ~m, Reynaud et Fournier
ont été admissibles à l'agrégation des lettres et à celle d'histoire,
L'expérience de cette première année a permis de réaliser
déjà quelques améliorations importantes, Le nombre des
boursiers a été augmenté, et l'instruction des candidats nous
permet d'espérer de meilleurs succès, Les maîtres auxiliaires
ne seront plus distraits de leur préparation à la licence pour
être, pendant des semaines ou des mois, employés au service du lycée, Un certain nombre d'élèves se sont également
fait inscril'e, et nous comptons aujourd'hni quinze candidats
qui suivront régulièrement les cours, Enfin, la liste de nos
correspondants tend aussi à s'étendre, et, à la correction
écrite des devoirs, s'ajoutel'3, même pour les ' plus éloignés,
nn enseignement oral. Tous les derniers jeudis du mois, les
professeurs de la Faculté feront, à Aix et à ~rarseille, des
conférences où les candidats pourront se rendl'e des divers
points de l'Académie pour y entendre donner de vive voix
des conseils et des renseignements auxquels les conections
par éCl'it ne sauraient suppléer,
Enfin, une mesUl'e récente de M, Ferry, dont le nom
restera justement attaché à ces réformes, établit, dans chaque
Académie, une bibliothèque circulante, qui permettra tonr à
tonr à tous les candidats d'avoir quelque temps entre les mains
ces éditions savantes, où ils apprendront par eux-mêmes comment les grands écrivains classiques doivent être étudiés et
commentés.
Ainsi, les secours ne manqueront pas à ceux qui voudront
travailler; ni les livres ne leur feront dMaut, ni les professeurs, Cenx-ci ne !ailliront pas à de nouveaux devoirs qu'ils
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acceptent résolumeut, puisque la jeunesse est appelée à
eu profiler. Ils demandent seulement de pouvoir suffire à
leur tâche, et ils n'y suffiraient pas, si le Ministre ne leur
donnait des auxi liaires. On nous a fait espérer un maître de
conférences qui serait chargé de la littérature grecque; nous
l'attendons tous les jours avec une impatience qu'augmente
encore le nom du jeune maître appelé à ces nouvelles fonctions, nom resté ched nOll'e Faculté (-I). M. Lehanneurpourra
ainsi se décharger du double fardeau qu'il a supporté cette
aunée avec tant de dévouement et de succès; il se consacrera
tout entier à la litté ... ture latine; il Y développera avec plus
de zèle encore, si c'est possible, ces rares qualités d'esprit
qni en font déjà un critique si savant et si éclairé.
Un maître de confé"ences, c'est quelque chose, mais ce
n'est pas assez, Les professeurs de Faculté, pour rester dignes
d'occuper les chaires de l'enseignement supérieur, ne peuvent se laisser absorber ni par les fatigues des examens, ni
même par la préparation à la licence ou à l'agrégation . Il leur
faut du loisir pour se tenir au courant des trava ux les plus
récents, et contribuer eux-mêmes au progrès de la science,
Aussi, faut-ii leur laisser du temps pOUl' leurs études personnelles. Il y a là pour eux des obligations que la Faculté d'Aix est dési,'euse de maintenir. Elle le prouve encore
cette année. M, Bizos a publié, sur Boileau et ses frères,
une étude iugénieuse, spirituelle, qui nous monll'e que, dans
celte famille, l'esprit et le don de la science étaient un commun patrimoine; l'héritage était considérable, et chacun en
avait sa part; ce qui n'empêchait pas quelquefois les rivalités et les disputes, absolument comme s'ils eusseut à se
(f) Nos vœux ont été exaucés, et M. Lafaye, le ms de notre ancien
doyen, a été nommé maitre de conférences pour Jalliltéralure grecque.
Nons $Ommes heureux d'en exprimer ici Dotre satisfactioo.
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partager le greffe paternel. Les travaux de ~1. Bizos ont
d'ailleu,'s "e~u leur récompense; il a été nommé officier d'académie et définitivement atlaché il notre Faculté comme pro·
resseur titulaire. C'est avec le même bonheur que nous
avons vu M. Lehanneur nommé d'abord maître de conférences devenir chargé de.cours, en altendant que des mé"ites déjà constatés lui fassent décerner avec le titre de proresseur la chaire de littérature ancienne, dont il est digne
à tous égards. M. JOI'et, c;hargé d'une mission du Ministre
de l'Instruction pu!>lique pour délimiter les frontières du
patois bas-normand, achève en ce moment même l'impression d'un dictionnaire où il marquera l'exacte prononciation et
le sens précis des mots de cet idiome rapproché du vieux
français. Le proresseur d'histoire a publié diverses études sur
Carthage, sur l'Espagne contemporaine, le Diable boiteux
de Lesage et la biogl"aJlhie de Simon de Montfort, qui passe
pour avoir fondé, en Anglele""e, la Chambre des communes.
L'année a donc été bien remplie; espél"Ons que celle qui
commence ne sera pas moins féconde; les encouragements ne
nous manquent pas; nous redoublerons d'efforts pour faire
ce qu'ont le droit d'aUendre de nous l'Université et la République .
�RAPPORT DE M.
SEUX
DIRECTEUR DE L'ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET' DE PHARMACIE
MONSIEUR LE RECTEUR,
MESSIEURS,
Plusieurs fois déjà, j'ai été appelé à consacrer les premières ligues de ce rapport à la mémoire de collègues enlevés à notre respect et notre amitié. Coste d'abord, puis
Reynés et Demeules, Favre aujourd'hui. Pourquoi faut-il que
notre Ecole de plein exercice, si jeune encore, ait eu, dans
si peu d'années, tant de pertes à déplorer1 C'est une fatalité.
Toutefois, il etit facile d'en découvrir le secret qui n'est qu'apparent. Il est triste à remarquer que, depuis quelques années, tous les corps savants sont réellement décimés, les
pertes s'y renouvellent bien plus qu'aux époques anlérieures.
C'est que le travail intellE:ctuel ne s'accommode pas plus des
excès que toute aulre fonction; or, n'est-il pas poussé bien
loin aujourd'hui ce travail, par la généralité .des chercheurs
plus nombreux qu'autrefois 1 Dans ces conditions, les centres
nerveux surexcités sonl atteints, à un moment donné, de
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lésions incorables, ou bien ils snscitent sur des organes plus
importants encore pour le maintien de l'existence des perturbations brusques qui, par la soudaineté de leurs a!laques
mortelles, surprennent et aLtl'istent profondément, témoin
Brocca, ce savant bors ligne, témoin Delpech, ce gracieux,
cet aimable et bien distingué académicien, naguère enlevé à
nos sympathies 1 Parmi les illustrations que l'année scolaire
1879-1880 a vu disparaître de notre grande famille universitaire, notre groupe marseillais a perdu un de ses membres
les plus éminents; c'est le doyen Favre, dont l'Ecole de ~lé
decine, dans laquelle il avait initié aux attrayants secl'ets de
la chimie plusieurs générations d'élèves, a eu particulièrement à regretter la mort! Favre, ce savant chimiste, dont
d'autres qüi ont une compétence que je n'ai pas le bonheur
de posséder, ont rappelé les travaux si remarquables, a fini
par le cerveau dont il avait abusé, L'Ecole avait vu son éloignement avec tristesse, elle a appris sa mort avec douleur,
Mon devoir est de rendl'e à sa mémoire les hommages dus au
professeur et au savant: je le fais en priant sa famille, si justement affiigée, de vouloir bien agréer les témoignages de
profonde sympathie, qu'au nom de mes collègues, j'aurais
voulu, au moment solennel de la séparation, lui adresser
publiquement, et que, libre aujourd'hui des entraves imposées par le défunt lui-même, j'adresse du fond du cœur à
tous les siens 1
Après avoir rendu aux morts l'hommage dû à leur
souvenir, je dois dire, en toute justice et vérité, pour
les vivants, que professeurs, suppléants et employés de tont
ordre de notl'e école, redoublent chaque année de zèle et de
dévouement dans l'accomplissement de leurs devoirs; pourquoi n'en puis-je pas dire autant des élèves au point de vue
de l'assidu ité aux cours, qui, en général, laisse beaucoup.
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désirer. J'ai cependant la conviction qu'une bonne distribution de leur temps, permellrait au plus grand nombre de
venir rendl'e, à lem's maîtres, par leur présence, à leurs savantes legons, cet hommage que je me plais, chaque année,
à rendre à la grande exactitude de mes collègues et aux qualités qui les distinguent.
J'ai maintenant, ~Iessieurs, à vous entretenir des inscriptions des élèves et des examens, puis des améliorations faites
à l'Ecole dans le courant de l'année, enfin des lacunes les
plus urgentes à combler,
Dans toutes les Facultés et Ecoles de ~Iédecine de la République, le nombre des inscriptions a diminué; ainsi, à
Montpelliel', il a été, pour ·1877-1878, de 1,OG' inscriptions;
en 4878-1879, de 914, et celle dernière année 1879-1880,
il est descendu a 85'1, A Nantes, Ecole de plein exercice
comme nous, pour ne citer que les établissements qui ont le
plus de rapport avec le nôtre, le chilTre des inscriptions qui,
pour l'année t878-1879 avait été de '95, est descendu, pour
l'année scolail'e qui vient de s'écoulel' 1879-1880, à 385
inscriptions,
Pour notl'e Ecole, le nombre des inscriptions a été, pour
i877-l878, de 825; pour 1878-1879, de 800, et pour celle
année, il n'est que de 658, ainsi répal'tis: 231 inscriptions
pour le doctorat, 200 pour l'officiat de santé, '9 pour le diplôme de phal'macien de première classe, 177 pour celui de
pharmacien de deuxième classe,
Cetle situation ne TOUS étonnera pas, si vous vous rappelez
ce que j'avais l'honneur de vous dire l'an dernier sur ce résultat prévu, Le décret du 20 juin 1875, qui a exigé des candidats au doctorat les deux dipl(Îmes, a constitué une e1cellente mesure, je vous en ai indiqué les raisons; mais, comme
je vous l'ai fait comprendl'eaussi, le nombre des inscriptions
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�- 95devait diminuer pendant les premières années de l'application
du décret; c'est ce qui s'est produit. Tout en regreuant qu'il
en soit ainsi, il n'y a pas à se préoccuper pour l'avenir, car
l'équilibre, lorsque les esprits seront faits à la nécessité des
deux diplômes, se rétablira forcément, Du reste, nous traversons, à ce point de vue, une période critique à cause des
modifications incontestablement avan tageuses introduites
dans l'enseignement de la médecine et de la pharmacie. Les
futurs étud iants ont été surpris, alTêtés un moment; la preuve
c'est que l'ensemble des inscriptions avait, depuis ces transformations, une tendance marquée à diminuer. Il nous faut
traversel'la cI'ise; ce qu'il ya de satisfaisan t, c'est que, s'il y
a partout moins d'étudiants, nous avons l'assurance que ceux
que nous formons aujoUl'd'hui, ceux qui teur succèderont demain seront des praticiens plus sérieusement préparés et plus
instruits. Une fois l'équi libre rétabli, le nombre des inscriptions reprendra son cours, qui toujours a été, pour notre
Ecole, progressivement ascendant, comme le démontrent
mes précédents rappolts. Le progrès, résultat des nouveaux
règlements, aUl'a été ainsi complètement atteint, cal' tout ce
qui augmente l'étendue et la dUl'ée des études médicales, est
un progl'ès à poursui ne daus l'intérêt de l'humanité.
La gratuité des inscriptions, établie par le décret du
20 ma"" H;80, en augmentera-t-elle le nombre 1 L'avenir
seul pourra nous le dire.
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Les examens de fin d'année ont donné les résultats suivants:
candidats inscrits, 120; étudian ts en médecine, 70; en
pharmacie, 50; la mention très "ien a été accordée cinq
fois; bien, vingt et une fois; assez bien, vingt-deux fois;
candidats ajournés, 20; candidats absents, 15.
A la session de rentrée, les 8 et 9 novembre, 27 élèves en
médecine étaient inscrits, 12 ont été admis, , ont été
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La mention très bien et la mention assez bien ont été
données une fois; médiocre, dix fois.
15 élèves en pharmacie étaient insc";ts, 10 ont été admis,
\! ont été ajoul'llés, 3 ne se sont pas présentés.
Les mentions bien et assez bien ont été accordées trois fois,
médiocre dix fois.
Les examens de fin d'études pour l'officiatde santé et pour
les sages-femmes, présidés par M. Estor, professeur à la Faculté de Médecine de Montpelliel', ont eu lieu, pour la session
de printemps, les 3 et 4 mai.
10 candidats se sont présentés pour subir le premier examen, tous ont été admis. 10 c.ndidats ont subi le deuxième
examen, tous ont été égalëment admis. 10 ont subi le troisième, 2 ont été ajournés. 8 ont été jugés dignes de recevoir
le diplôme d'officier de santé.
Sur ces vingt-huit examens, la mention très bien n'a été
accordée qu'une fois; la mention bien a été donnée trois fois,
assez bien six fois, médiocre dix-huit fois .
.. élèves sages-femmes se sont pl'ésentées et ont été ad"
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mises.
POUl' les pharmaciens, les examens, présidés par M. Soubeiran, professeur à l'Ecole supérieul'e de pharmacie de
Montpellier, ont eu lieu du 16 au 2.. avril.
8 candidats ont subi le premier examen, 4 seul a été
ajourné; 19 se sont présentés au deuxième, Il ont été admis;
t 9 ont subi le troisième, 16 ont été jugés dignes du diplôme
,de pharmacien de deuxième classe.
SUl'ies tl'ente-quatre examens subis arec succès, la mention très bien a été accordée une fois, bien sept fois, assez
bien six fois, médiocre vingt rois.
3 candidats au litre d'herboriste se sont présenlés, llO seul
a obtenu le diplôme.
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Les examens de la session fi'automne ont eu lieu, pOUl' les
olliciers de santé et Jes sages-femmes, du 22 au 26 octobre.
Candidats insc,'its : 18, 1 pOUl' le p,'emier examen seule·
ment; 12 pour les t,'ois examens; 1 pour le second et le troi·
sième; .\. pour le troisième seulement.
SUI' les 13 candidats qui ont subi le p,'emier examen, 12
ont été admis, il n'y a eu qu'un ajoumement; 12 se sont
présentés au second examen, 11 ont été admis, un seul a été
ajourné.
15 on t subi le troisième examen; 2 ont été ajoumés. 13
candidats ont été jugés dignes du diplôme.
La meu tion bien a été accorMe onze fois, assez bien
quinze fois, médiocre dix fois.
Six élèves sages-femmes se sont p"ésentées; elles ont été
admises,
La session d'automne pour les pharmaciens et les herbo·
ristes a commencé le 4 octob,'e et s'est terminée le U , Candidats inscrits, 27; 2 pour le p,'emier examen seulement;
2 pour le p"emier et le second; 8 pour les Il'ois examens;
6 pour le second et le troisième; 9 pour le troisième seulement. SUI' les 12 candidats qui ont subi le p,'emier examen ,
8 ont été admis; il Y a eu 4 ajoul'llements, 13 se sont présentés au secoml examen; 10 ont été admis; 3 ajournés.
18 ont subi le troisième examen; un seul a été ajoumé ,
17 candidats ont obtenu le diplôme.
La mention très bien a été accOl'dée une fois; bien 2 fois ;
assez bien, 11 fois; médiocre 2'( fois.
Cinq candidats herboristes se sont présentés et ont été jugés dignes du certificat d'aptitude,
Les examens de validation de stage exigés par le décret du
31 août 1878, el subis pour la première fois, ont eu lieu uu
15 au 18 oclobre. Le jury éLuil présidé pUJ' ~1. Sonbeirnn, pror
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-98 fessem' il l'école supérieure de pharmacie de Montp ellier ;
11. Roustan, professeur de pharmacie à l'école, et M. Dussaud, pharmacien de 1" classe, étaient les deux autres juges,
Sur 27 candidats, 2\ ont été' admis, t avec la note bien,
t! la note assez bien , 12 la note médiocl'e,
Je ne dois pas quiller ce sujet sans vous faire remarquer,
Messieurs, que la Pl'emière foi s celle année, a eu lieu dans
notre école, l'app lication de la décision ministérielle du 30
décembl'e 1879, par laquelle les candidats au doctorat
etaient aulori~és à passer, au siège même de l'école, tous les
examens qui doivent être subis dans le cours des quatre années d'études, c'est-il-dim avant la seizième inscl'iption, En
effet, le 13 août, un JUI')' composé de MM, Moitessier,
professeur de physique il la faculté de Montpelier, président,
Estor, professeUl' d'anatomie pathologique, et de Girard,
agregé pour les sciences physico-chimiques à la même faculté,
s'est réuni dans notre grand amphithéâtre où ont été appelés
à subir les épreuves du premier examen du doctorat, les six
candidats qui se sont présentés sur dix qui s'étaient inscrits.
On peut dire que le résultat de cet examen a été satisfaisant
pour notre école, Cal' sur les 6 candidats, quatl'e ont été
admis, 1 bien, 1 assez bien, :l médiocre; telles ont été les
notes obtenues,
Voilà, ~Iessieurs, un progrès véritable à vous signaler au
point de vue des avantages moraux et matériels des élèves
gui, pal' ceUe bienveillante mais juste autorisation, terminent régul ièrement à ~Iarseille leur scolarité entière, sans
perte de temps et en évitant à leurs familles les dépenses,
résultat inévitable de tout, déplacement.
Grâce à l'immense générosité de l'administration municipale pour tout ce qui concerne l'enseignement médical à ~Iar
seille, grâce aux excellentes combinaisons financières éta-
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hlies par elle pour notl'e budget, nous avons pu , cette année,
créer plusieurs sel'vices de la plus gl'ande importance; mille
remel'cÎments à la cité de la part de ses enfants reconnaissants!
L'année scolaire 1880-1881 va en efTet s'ouvrir par l'installation de quelques-uns des services dont l'an dernier je
vous faisais espérer le prochain fon ctionnement. Je n'ai pas
à vous indiquer ce qui a été fait à l'école de médecine depuis
que j'ai l'honneur de la diriger, mes rapports précédents
vous en donné successivement les détails; je ne dois vous
parler que de ce qui a été fait depuis l'an dernier; vous
pourrez ainsi juger la mesure dans laquelle nos espérances
se sont réalisées,
La chaire de physique médicale, devenue indispensable à
cause du Pl'emier examen du doctorat, a été créée par arrêté
ministériel du 22 décembre 1879, C'est M. Caillol de Poncy,
professeur de matière médicale, dé;igné à l'adminisll'a tion
supérieure par ses ll'avaux spéciaux, qui a été appelé à occupel' celte chail'e, dont par son zrle et son incessante activité
il a hâté autant que possible le fonctionnement. Celui-ci ne
laissera rien à dcsirer celle année, car non-seulement le cabinel de physique, complément indispensable, esl aujourd'hui
installé dans des conditions très convenables, mais le laboraLoire pour les travaux pratiques de physique vient aussi
d'être achevé, de sorte que l'enseignement de la physique
médicale à noll'e école sera complet à l'avenir, tant au point
de vue théorique qu'au poinl de vue pratique,
Ce labol'ato:re ne se compose que d'une pièce, mais il a
deux annexes, une petite chambre noire destinée aux expériences spectroscopiques et anx préparations photogl'aphiques, plus l'emplacement d'une grande vilrine l'enfermant
les balances, le baromètre, le cathétomèlre et autres insll'uments délicats,
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Dan, la salle, a été construite avec beaucoup de soin
une grande cheminée dite paillasse et ponr enlever toutes
les vapeurs qni pourraient détél'iorer les appareils, on amuni
le tuyau de la halle (i'un système de becs ùe gaz destiné à activer le tirage, Une cage il évaporation analogue à celles qui
sont établies dans les laboratoires de Munich est annexée à
cette paillasse, elle permettra d'installer les piles et de se débarassel' des vapeurs qui se dégagent durant certaines opérations.
Le mobilier se composa de table munies de tiroirs, des
armoires fixées au mul' règnent aussi tout autour de la salle.
Le gaz et l'eau anivent sUl'les tables; de plus, un certaiu
nombre de tables mobiles pourront êll'e placées là où le besoin s'en fera sentir,
Une fenêtre est disposée de manière à pouvoir introduire
la lumière solaire au moyen d'un héliostat.
I.e cabinet ùe physique a été installé dans la seule pièce
disponible; la salle est un peu étroite; mais on a gagné de
la place en faisant construire des vitrines qui occupent toute
la sUl'face des murs. Ces vitrines sont d'une pl'Ofondeur suffisante pour loger tous les instruments; ne portaut pas de
cloisons intérieures, elles forment un système de galeries vitrées dans lesquelles les instruments, tout en étant à l'abri de
la poussière, se laissent voir sous toutes leurs faces; des
étagèl'es OIobi les permellent de grouper les instl'Uments
et d'en placer un grand nomhre dans un espace restreinl.
Le cabinet se compose pour le moment de deux cent vingtsix instruments. A côté des appareils de fondation, l'école
s'est attachée à ne se procul'el' que des instruments d'une
nécessité absolue, ceux qui peuvent rendre le plus de services i l'enseignement soit théorique, soit pratique. Ainsi,
pour la physique générale: un appareil de Cailletet pour la
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...
101 -
liquéfaction des gaz: des balances ne Bekcer,oDs de Deleuil ;
nn b~romètre normal de Regnault,
Pour l'acouslique: un diapason à son variable; tous les
appareils à flammes manométriques de Kœnig; les résonnateurs d'Helmotz; une boîtede douze diapasons pour l'étude
des mouvements par la méthode stroboscopique, Ces diapasons sont installés de façon à pouvoi)' répéte)'les expériences
de Lissajous sur la composition du mouvement vibratoire;
un chronog)'aphe de Marey,
Pour la chaleur: un grand banc de Melloni complet pour
l'étude de la chal eu)' rayonnante,
Pour l'optique: un spectroscope gouiomètre à deux prismes: tous les appareils de Dubosq pour la projection des
phénomènes électriques, la persistance des impressions lumineuses; un appareil pour le redressement des projections,
Pour l'électricité: une machine de Holtz à quat)'e plateaux; deux piles thermo-électriques de Clamond ; une
grande bobine de RhumkorlT; un galvanomètre de Carpenler;
un moteur Marcel Desprè<; une pile secondai)'e de Planlé;
un polyscope trouvé qui a pour but d'éclairer les cavités du
corps des animaux; un grand appareil de tri pie)' pour l'étude
de l'action des courants d'inductiou sur l'économie animale,
La méthode grapbique est )'eprésentée par un cylindre actionné par un régulateur Foucault; un chariot cond uit par
les axes du régulateur; des tambours manipulateurs et récepteurs.
Le cabinet possède aussi un explorateur des vibrations du
larynx et des mouvements des lèvres, ainsi qu'un polygmphe à projection,
C'est M, Heckel, professeur de botanique à la Faculté des
sciences de notre ville qui a été appelé à remplacer M, Cail101 de Poncy dans la chaire de matière médicale; je me fais
�-
102 -
un plaisir de redire devant le èonseil académ ique, ·ce que je
disais à mes collègues de l'école de médecine au sujet de
cette nomination:
« M. Heckel était désigné pOUl' occuper la chaire de matière médicale, soil à cause de ses travaux scientifiques spéciaux, soit il cause de l'enseignement qui lui avait été confié
a l'Ecole préparatoire de Nantes et il l'Ecole supél'ieure de
pharmacie il Montpelliel'. Persuadé que ce choix était excellent, j'ai présenté moi-même M. Heckel il l'administration supérieure, et j'ai la conviction que notre nouveau collègue
contribuera, avec les trarailleurs savants et dislingués au
milieu desquels il vient d'entrer, il l'élévation du niveau de
l'enseignement médical il Marseille, objet de nos elTorts incessants, d~jà couronnés de succès. »
L'installation du labol'atoi1'6 de physique me fournit l'occasion toute natU1"elle de padel' du labol'atoire de physiologie;
c'est, en en'et, daus le loca l, occupé autérieurement pal' ce
dernier qu'a été établi le laboratoire de physique.
Je vous disais l'an dernier que la ville avait bien voulu
nous accorder un local qui, consacré à un serv ice étranger
à l' Ecole, se trouvait enclavé au milieu de nos laboratoires,
ce local suffisammeut grand, bien aéré, a été ehoisi pour le
nouveau laboratoir~ de physiologie. Ce lahoratoire, grâce à
l'habile direction de M. le proresseur suppléant Livon, chargé
spécialement à l'Ecole de Médecine de l'enseignement de la
physiologie expérimentale et de l'histologie, fonctions dont il
s'acquitte, depuis plusieurs années, avec le plus gl'and zèle
et la pins grande distinction, est aussi complet que les dispositions du local ont pu le pel'mettre. Je ~rois pouvoir affirmer
que peu de labo ... toires de physiologie en province son t aussi
bien installés. Le laboratoire est divisé en deux pal'lies,
l'une pour le proresseur qui, comme tout le monde le sait, se
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livre chaque jour, pendant plusieurs heures, à d'intéressants
travaux que le monde savant a pu apprécier, l'autre destiné
aux IJ'avaux pratiques des élèves,
Ces pièces contiguës communiquent au moyen rI'une porte,
elles sont de grandeur différente, La première, la plus vaste,
reçoit du jour et de l'air de deux côtés; elle est consacrée aux
vivisections et aux grosses manipulations.
Sur l'un des côtés, sont disposées des cages ponr pouvoir
conserver en observation les animaux opérés. Ces cages sont
arrangées de façon à pouvoir recueillir les urines, Sur les
autres côlés, des élagères, des tiroirs, des tables pel'mettent
d'avoir sous la main les insll'umenls et les subslance; nécessaires dans le cours des expériences sur les animaux, Une
goutlière brisée (modèle de Bernard) et des lables trouées permettent d'opérer sur plusieUl's animaux à la fois,
Par une disposition de vasistas ouverts dans le mur mitoyen, les appareils enre.gislreurs sont toujours pl'êts à recevoir les traces des phénomènes observés,
La deuxième pièce, un peu moins grande, aussi très bien
éc1ail'ée, est destinée aux opémtions plus délicates, et renferme dans une grande armoire vitrée tous les instruments de
précision. La disposition de la salle permet d'y fail'e les observations microscopiques et les opémtions de chimie délicates. Une grande cage à évaporation ménagée dans la muraille, à l'instar tIe Munich, sert dans certaines opérations à
entraîner toules les vapeul's qui pourmient altél'er les instruments. Des placards, des tiroirs, des élagèl'es servent à
placer les IIstensiles et les substances dont on a besoin ù tout
moment.
Sur une table, sont à demeure les appal'eils enregistreurs;
les deux vasistas ménagés dans la cloison de s';~aration des
deux salles, sont établis, à des hauteurs dilTérentes, de 'n'JOu
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à faire communi~Der largemeDt la table ,ur laquelle est fixé
J'animal, dans la premiè,'e salle, celle des yivisections, et la
tableoù sont les appareils enregistreurs dans cette deuxième
salle,
Grâce à ces ouvertures de communication, on peut em'egistrer tODS les phénomènes obsel'Yés chez J'animal en expérience, sans que les appareils puissent être souillés, sans
qu'il soit nécessaire Je les déplacer à chaque instanl.
Les deux pièces SOllt largement pourvues de gaz ponr les
opérations et l'éclairage, il en en est de même de l'eau qui,
arrivaDt SUI' dix points différents, trouve sur ces mêmes points
des conduites d'écoulements,
Quant aux instl'Uments, le laboratoire de physiologie,
malgré ses modiques ressources, possède tous ceux qni sont
les plus usuels , Il va SHDS dire qne J'on cherche à ne se procnrer que les instl'Uments qui ne peuvent pas fa ire double
emploi avec ceux du laboratoire de physique, son p,'oche
VOlSlD .
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, Le laboratoire de physiologie possède, ent,'e autres, une
boîte à vivisections, modèle du ~Iuséum, deux étllves avec
régulatelll', une pompe à mercure, des appa,'eils eDl'egistreUl's, des appa,'eils g,'aph iques tels que tambours, exploraleurs, signaux, manomètres, sphygmographes, etc., qui,
complétés par ceux que possède le cabinet de physique,
forme la série des instl'Uments nécessaires pour les recherches physiologiques,
Comme force motrice pour la respiration artificielle, le
laboratoire est en posse"ioD du moteur Bischop, sans compter
le moteur Marcel Despres du cabinet de physique ,
Ainsi qu'on a pu le juger par ce l'apide exposé , nous sommes
arrivés peu à peu à constituer un laboratoire de physiologie
qui, parfaitement à la hauteur des études modernes, permet
�-
105 -
non seulement de répétel' les expél'iences déjà faites, mais
encore d'y poursuivre des travaux originaux,
J'ajouterai que le laboratoire d'histologie a eu aussi sa part
d'amélioration, car non seulement la salle a été agrandie,
mais le matériel instrumental augmenté, Seize microscopes
avec les accessoires nécessaires sont aujourd'hui à la disposition des éleves,
L'ancien laboratoire de physiologie était installé dans
une seule piece, pal' cela même mal disposé pour les opérations de toute nature que nécessitent les recherches de physiologie expérimentale. Il faut donc compter la tl'ansformation de ce sel'vice, comme une des plus importantes modifications apportées à notre Ecole dans le couran t de cette
année.
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J'ai à vous dire encore que notre institut anatomique
vient, comme c'était décidé l'année derniere, de se complé ·
ter par la construction de plusieurs pièces indispensables au
fonctionnement régulier de cet important service.
Cette div ision oITre aujourd'hui la grande salle de dissection qui, gràce à de nouvelles ouvertures pratiquées avec intelligence, soit dans la to iture, soi t dans les murs, sera beaucoup mieux éclairée et susceptible d'une ventilaltion convenable ; l'am pbithéâtre pour les cours d'anatomie et de médecine opératoil'e; le laboratoire du professeu r d'anatomie;
le cabinet du chef des travaux anatomiques, du prosecteur et
des aides d'anatomie; une salle de nécropsie pOUl' les eliniquesavec l'outillage complet; une salle de conservation pour
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Jes cadavres avec auge pour les macérations; une pièce avec
fourneau et chaudière pour les préparations ; une terrasse
avec hangat' en dessous pour l'exposition des pièces au soleil
et la dessieation. Je saisis avec empressement l'occasion de
remercier ~I. le pl'oresseur d'anatomie Rampal du concours
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106 -
intelligent et dévoué qu'il a bien voulu me donner pour
l'aménagement de ces dilTé,'entes pièces, M, Rampal est nn
collègue p,'écieux dont on consulte toujoUl's avec profit la
compétence spéciale, et qu'on troul-e toujours prêt, lor'qu'il
s'agit des inté"êts de l'enseignement.
Tous ces locaux pourront être chaulTés j de plus, ils sont,
pour les longues soi,-ées d'hiver, pOUl'VUS de l'éclairage au
gaz. Ce fait constitue une très importante 1mélioration, car, malg,'é l'abondance des cadavres foumis gratuitement aux élèves, 152 durant l'hive,' 1878 - 1879,
181 durant celui de 1879 - 1880, les étudiants ne se
livrent pas assez longtemps dans la journée aux travaux de
dissection qu'ils ne peuvent commence,· avant dix heures et
demie, ou onze heures du matin, et qu'ils doivent quitter à
midi, puis ils reprennent à deux heures et s'arrêtent à quatre,
la nuit se fait vite en hiver; ce temps est bien court- L'éclairage au gaz de lasalle de dissection et des dilTérents cabinets
de travail ob\'iera à ce grave inconvénient, en permettant
aux élèves d'assister aux COUl'S durant la joumée et de disséquer le soir, De quatre heures à huit heures, ils pOUiTont
faire nn travail sé,'ieux, un travail de longue haleine, quat,'e
heures consécutives, cinq s'il le faut, étant à leur disposition. L'éclairage au gaz de nos amphithéâtres est donc encore un véritable progrès, dont nous ne saurions trop nous
féliciter dans l'intérêt de noh'e enseignement.
Nos chefs de clinique ont été jusqu'à ce jour nommés par
a]'l'êté ministél'iel sur la p"éseDlation de l'Ecole," qui choisissait parmi les plus capables des jeunes docteurs. Ces positions
fort recherchées n'ont été en elTet occupées, depuis la création de l'Ecole de plein exe,'cice, que par de jeunes médecins Jistingués, dignes d'une entière confiance et tous hommes d'avenir. Aujourd'hui dans l'enseignement universitaire,
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comme dans la plupart des carrières en France, toutes les
positions du début, agl'égés, suppléants, médecins, adjoints,
etc., sont mises au concours, principe essenLiellement en
l'apport avec nos institutions démocratiques, L'Ecole a pensé
qne ce principe déjà appliqué pour les suppléants, pour le
chef des travaux anatomiques, le p,'osecteu,' et les aides
d'anatomie devait l'être aussi pour les chefs de clin ique;
aussi, M, le )Iinistre l'a-t-il autorisée à adoptel' à l'aven ir ce
mode de présentation; cette nouvelle mesUl'e sel'a appliquée
au printemps de 1882, époque de la cessation des fonctions
des derniel's chefs de clinique élus, J'ai cru devoir insister
sur ce fait comme un progl'ès obtenu et comme preuve de
l'esprit lihéral qui anime l' Ecole de ~Iarseille; cell e-ci, en
efTet, a toujours tenu il attirel' dans son sein tous les talents,
toutes les capacités qui pourl'aient lui faire honneUl',
Je dois vous indiquel' aussi que, comme les années précédentes, toutes nos collections se sont accrues; la Bibliothèque particulièrement s'est enrichie de nouveaux ouvrages
et des dons que plusieurs professeurs ont bien voulu fa ire
de nombreuses publications périodiques qui fo rmen t un fond
de liltérature médicale choisi, constituant des documents
très utiles à consulter,
A ce sujet, je ne saUl'ais passel' sous sil ence un exemple
touchant de la reconnaissance d'un de nos anciens élèves, le
docteur Philippon,de Lyon, qui, se sentant atteint d'une malad ie mortelle, a voulu laisser ànotre Ecole, son alma mater,
un soul''enir l'appelan t le culte qu' il avait voué à ses maîtres;
c'est un ouvrage de longue haleine, tout à fait d'actualité,
le Dictionnaire de médecine et de chirurgie qui se publie
sous la direction ùu docleur Jaccoud, Que la famille de cet
estimable confrère veuille bien agréer l'expression de notre
gratitude pour son bon souvenir et tous nos regrets les plus
sympathiques pour sa mort prématurée,
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JI Y a deux ans, nous avion~ augmenté le nombre de~
rayons de notre Bibliothèque devenus insuffisants; la place
nous manquant encore aujourd'hui pour classer dignement
et dans un ordre convenable notre collection de thèses, nous
avons dû aviser. Nous tenons beaucoup à ces premiers travaux de la jeunesse laborieuse, qui contiennent des documents très précieux, souvent des mémoires originaux dignes
d'être conservés. Aussi, sur la demande de notre zélé et intelligent bibliothécaire, l'Ecole n'a-t·elle pas hésité il tolé"er,
dans la salle du consei l, une petite invasion de la Bibliothèque, sa voisine, en y faisant établir, avec tout le confortable
nécessaire, de nombrenx rayons dans un co"ps de bibliothèque exclusivement destiné à loger les thèses que, depuis
plusieurs années, les Facultés de médecine nous adressent
régulièrement.
La clinique obstétricale, établissement nouveau, mérite
enCOl'e de fixe,' notre attention, car il est important de démontrer à tous que, comme l'année précédente, ce service
n'a rien laissé à désirer, pas plus au point de vue hygiénique ,
qu'au point de vue des accouchements, dont le nombre est
supérieur à celui de plusieurs de nos Facultés. Comme pour
les études anatomiques, nos élèves trouvent à Marseille, pour
l'etude pratique des accouchements, des ressources difficiles
à rencontrer ailleurs. En elTet, 127 accouchements ont eu
lieu celte année à la clinique; je passe SUl' les détails qui les
concernent, et je me contente de vous faire observer que,
comme l'année dernière, aucune épidémie ne s'est déclarée
dans l'établissement, ce qui tient aux excellentes conditions
d'aménagement que j'ai eu l'honneur de vous faim apprécier dans mon dernier rapport. Sur les quatre décès qui m'ont
été signalés parmi ces 127 accouchées, une seule me pa"aît
avoir succombé par le fait de la pue"péralité; il s'agissait
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dans ce cas d'une phlébite utérine; les lI'ois autres femmes
ont été atteintes, l'une de péricardite, une seconde de fièvre
typhoïde, la t"oisième de broncho-pneumonie.
Je ne sau"ais vous parler de la clinique obstétricale sans
remercier M. le docteur Roux, de Brignoles, qui, SU" le consentement de l'Ecole et l'autorisation deM.le Recteur, a bien
voulu, comme les années p"écédentes, fai"e dans la salle des
cours de cette clinique une série de lesons sur les maladies
des enfants, il la satisfaction des élèves qui se sont empressés
de venir se grouper autour de ce maître estimé.
Voi", sans contredit, d'importantes lacunes qui viennent
d'être comblées; malheureusement, toutes celles sur lesquelles j'avais appelé votre attention l'an dernier ne l'ont
pas encore été.
L'administration des hôpitaux, sans donner toutefois un
caractère officiel à sa détermination, a bien voulu, il est
vrai, augmenter le nombre des lits affectés à nos cliniques
de l'Hôtel-Dieu, de manière à rendre ces services beaucoup
plus complets et à satisfaire Messieu,'s les professeurs de cli-
nique; mais dans le vœu que, sur ma demande, vous aviez
adressé à M. le Ministre l'an dernier, il était aussi question
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de charger les chefs de clinique de la visite dn soir faite jusqu'à ce jour par le chirurgien chef interne; rien n'a été fait
il ce sujet.
J'insistais aussi dans mon rapport de l'an dernier sur dif·
férents sujets fort importants, entre autres sur la nécessité
d'une clinique spéciale d'enfanls, sur celle d'une clinique
d'ophthalmologie avec sa consultation il l'hôpital. Ces différents points sont encore à l'état de souhaits. Espérons que,
par des modifications inll'oduites dans quelques-uns de ses
services, la commission administrative des hôpitaux pourra
arriver peu à peu à s.tisrai,·e les légitimes dés;,'s de l'Ecole,
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désirs SUI' lesquels j'ai l'honneur d'appeler de nouvean votre
toujours bienveillante attention,
Je tel'mine, en adl'essant au nom de l'Ecole, mes plus si ncèl'es l'emel'CÎments à 1I1I. Raynaut et Alezais, le premiel',
prosecteUl', le second, aid e d'anatomie, pour le zèle constant
avec lequel ils se sont acquittés de leurs fonctions arrivées
aujourd'hui à leur terme,
Je souhaite en même temps la bienvenue aux auxiliaires
de l'enseignement, leurs successeurs, que le concours vient
de désigner à l'administration supérieure, d'abord M, Cousin,
aide d'anatomie, comme pl'osecteur, après un très bon conCOU I'S ; puis, com[lle aide d'anatomie et de physiologie,
M, Plu)'eue qui, déjà l'au demier, s'était fait l'emarquer par
la bonté de ses épreuves,
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\'oila, Messieut's, le bilan de l'Ecole de plein exercice de
médecine et de pharmacie de )Iarseille pour l'année scolaire
1879-1880; de cet exposé, vous conclut'ez avec moi, j'en ai
la confiance , que, d'année en an née, notre étab li ssement se
perfectionne, et que, peu à peu, se combleront les lacunes,
encore si nombreuses il y a quelques années, Il serait sans
doute bien satisfaisant pour moi de n'en plus avoir à vous
signaler, mais je reprends courage et j'espère en répétant
avec l'aimable ami de Mécène et de Virgile:
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Durum : sed levitls fit patientia
Quidquid corrigere est nefas,» (1)
t ll Horace. ode xx·, livre 12, ad P'irgili um.
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LISTE DES TRAHUX PUBLIÉS PAR LE PERSONNEL DE L'EcOLE
PENDANT L'ANNÉE SCOLAIRE
1879-t880.
At. VILLENEUVE père. professeur d'accouchements. - Considérations sur la craniotoruie (~farseille médical, avril et ma i 1880).
M. G IRARD, professeur de cl inique mé,ij<:3)e. Kystes byda.
tiques du foie ct de la rale (Jfarseille médical, juin 1880).
M. BERTULUS, professeur de pathologie interne. chevalier Hose ct coup d'œil sur la peste de 1720.
Biographie du
M. RAMPAL, professeur d'anatomie. - 11- volume du compte
rendu des travaus: du conseil d' hygiène du département des Bouchcs-
du·Rhône (sous presse actuellement).
M. PIRON DI, professeur de pa thologie externe. - Coup d'œil sur
quelques récentes discussions de chirurgie pratique (Marseille médical, .vriI 1880).
Récit d'une opération insolite et des plus graves pratiquée avec un
plcin succès (Marseille médical, 30111 1880) .
M. CUAPPLA IN, profe sseur de cliniq ue externe. - Calcul vési('al.LilhOiril ic. - Taille. - Phlegmon éliaque. - Guérison. - 'fra\'ail
rédisc par 1\1. Alezais, aide d'anatomie et de physiologie (Alarseille
médical, mars 1880),
M. COMBALA.T, professeur de clinique ex terne. ligature au catgut (Société de chirurgie).
."
Mémoire sur la
M. FABRE, professeur de clinique interne. - Les relations pathogéniqu es des troubles nerveux (\'01. in-8, 523 p. Paris, Adrien
Delaye). - Analyse des leçons cliniques du dodeur Ferrand su r les
formes et le lra itement de la phthisic pulmonaire (Alar.eille médical •
• oùt 1880) .
Fragments de cl inique médic:llc (Delahaye, éditeur, Paris).
lI. C.t.ILLOL DE Po~CY, professeur de physique. - Localisation de
l'arsenic dans le cerveau. 2' Mémoire en collaboration avec U. Livon
(Réunion des Socî/lés savantes à la Sorbonne, 1880).
~I. HECKEL ,
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professe ur de watière médicale. - Rechercbessur le
�- 112 mancenill ie r e l 50n su c, en coll ahorati on avec le professeur Saklagdenhau sscn (Mémoire présenté:i l'Academie de Médecine).
De la présence d'une algu e monocellulaire dans le poumon des
tub erculeux et du traitement de la tuberculose par les inbalalions de
benzoate de soude (communication au Comité médical des Bouchesdu-Rhône).
M. SEUX père, professeur de thérapeutique. - Cours de thérapeutique. Thérapeutiqu e appliquée. Leçons sur le traitement de la
fièvre palustre (JUarseille médical. septembre ct octobre 1880).
M. Lu'os, professeur ~uppl éanl de physiologie. - De la COIILraction rythmique des muscles sou s l' influ ence de l'acide salicylique
{Âcadémie des sciences , 1er décembre 1879).
Recherches sur l'action physiologique de l'acide salicylique sur la
respiration.
(Acad émie d es sciences, 16 février 181'10.)
,
-'
Oc l'ac:ion physiologiqu e de l'a cide sali cylique et du salicylate de
soude sur la respiration.
(Tribune médicale, 2 mai 1880).
(Marseille médical, avril 1880).
Recherches sur la localisation de l'arsenic dans le cerveau. 2Mémoire en collaboralion avec 31. Caillol de PODCy.
( Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne, l880).
Recherches physiologiques sur l'action du salicylate de soude sur
la contractilité musculaÎre (Mémoire lu à l'A.cadémie de Médecine, le
10 .oùt 1880).
Recberches sur la structure du foie et de l'intestin de l'octopus
(Association française pour l'avancement des sciences, Congrès de
Reims, aoù' 1880).
M. QUKIREL, proresseur suppléant des chaires d'accouchemenls.
- Observations d'hystérotomie, présentation de pièce pathologique
(Académie de Médecine, avril 18BOJ.
Noutlet hy$léromètre porlecauslique (Queirel el Rouvier, Académie
de Médecine).
Observation obstétricale communiquée à l'Académie de Médecine
par M. Tarnier, au nom de M. Queirel (oclobre i88U).
,
M. VILLENE(]VE 61s, proresseur suppléant des chaires de chirurgie.
- De la vaginalite néo-membraneuse bémorrbagique. Communication au congrès pour l'avancemenl des science& (llontpell ie r) ..
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113 -
M. PAveRoN, professeur suppléant des chaires des sciences natu ..
relies. - Cours de chimie biologique, fragments (Marleille médical,
décembre 1879 el janvier 1880).
Recherches sur le rôle de la Jum!ère dans la germination (Tbèltc de
doctoral ès-sciences).
M. BO!J SQUET 1 chef de clinique obstétricale. - Revue de clinique
obSlélricale. (Alamillemédical, décembre 1880).
M. RICBAUD, chef de clinique médicale. - Note sur un cas ~e
pemphigus et son traiLement. NOle sur une lumeur du médiastin
(ltlarseillemédical, avril el juin 1880).
1\1. REYNAUT, prosecteur. - De l'ophthalmie sympathique (Thèse
pour lIe dOCLorat). (blarstille médical, janvier iSSO).
'.
M. COUSIS, aide d'anatomie. - OIyde de zinc et diarrhée (Mar,eille médical, janvier 1880).
Grossesse g~me1l3 ire, suivie de l'expulsion d'un fœtus macéré et
d'un fœtus mort-né présentant une fracture double de la voùte du
cràne et des perforations craniennes (Clinique d'accouchement, Marteille médical, août 1880),
Hydrocèle double guérie par "injection iodée raite d'un seul cOté.
Hôpital de la Conception, seryiee de M. &tareorelles. (Mar.eille
médical, septembre 1880).
.'
M. ROUI, de Brignoles, médecin en chef des hôpitaux. - De la
6èvrè Iyphoide chez les enrants. Conférence faite dans l'amphythéMre de la clinique obstétricale à l'hôpital de la Conception. Cours
complémenLaire. (Marseillt midical, février t88O).
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PRIX
Décernés aux Elèves de l'Ecole de Médecine
et de Pharmacie de Marseille
AlDi.
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!879·18S0,
ÉTUlllANTS EN ~IÉllECINE.
Prix unique. lI. Bidon,
Mention honOl'able : ~1. Rebilé.
~Ienlion
1" Prix : ~1. Oddo.
2m• Prix : M. David.
Ilonol'able: M, Cognel.
2 m" Prix :&1. Forriolt.
)Ien tion honorable: M. Rossi.
ÉTUIlIANTS EN PHARMACIE
t" Prix
2m • Prix
Mention honorable
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M. Arnaud.
M, Chevaly ,
~1. Arduin.
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115 -
i~ .4.NNÉR
1" Prix: M. Tajasque.
2 m• Prix : ~1. Barlatier.
Mention honorable: M. Bravay.
TRAVAUX PRATIQUES DES ÉTUDIANTS IlN PHARMACIIl
1" Prix
2m• P,'ix
M. RabaUu.
M. Arduin.
Meution honol'able ex - requo
~m.
Arnaud et Gourrier.
ire
ANNÉE
2 m • Prix : AI. Valette.
Men tion honorable ex - requo
ml. Anastay et Tajasque .
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�RAPPORT DE M. PIRONDI
PROFESSEUR
DE L'ÉCOLE
DE
PLEIN
EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
MONSIEUR LE RECTEUR,
aIESSIEURS,
A la derniere séance publique de l'Académie rran ~aise un
des membres les plu, riohes d'esprit de ceUe illustre compa-'
gnie a rappele d'abord que Sénèque ne connaissait pas de
plus beau spectacle que la vue de l' honnête homme luttant
avec courage coutre l'adversité, et il a ajouté que, pOUl' lui
, il Yavait mieux encore: c'était la vue de l'homme de bien
secouranll'in(ortune.
..
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"
.'
A ces deux belles pensées, aussi justes l'une que l'autre,
M, Victo,'ien Sardou ne manquerait pas assUl'ément d'en
ajouter une troisième si l'occasion 'lui était offerte d'assister
à des cé,'émonies du genre de celle qui nous ,'éunit dans cette
enceinte, Et en effet, pour tout corps enseignant, pour lout
homme prenant à cœur le résultat des constanls elTorts de
notte cbère Université, il n'y a pas de spectacle plus doux et
plus sympathique que celui offert par la vue de ces' jeunes
�-
117-
travailleul's qui, mettant il profit les ,"'orifices souvent bien
durs de leurs familles, attestent il la fin de l'année scolaire,
et par des preuves irrécusables, que l'enseignement semé
pal' leUl's maîtres a produit une bonne récolte,
L'école de plein exercice de médecine et de pharmacie de
Marseille n'a pas à regretter, qu'il nous soit permis de le
dire, le temps qu'elle consacre, avec zèle et dévouement, à
la haute mission qui lui est confiée, Une voix plus autorisée
que la nôtre l'a déjà constalé, mais nous ne pouvons nous
défendre de manifester à notre tour, un sentiment de vive
satisfaction en voyant que de jeunes élèves abordent aujoul'd'hui dans les concours de fin d'année, ct avec autant de
courage que de succès l'elatif, l'étude et la solution de questions assez difficiles et qu'on n'aurait peut-être posées en
d'autres temps qu'à de jeunes médecins parvenus au terme
de leur scolarité,
Est-ce il dire pour cela que dans les concours de cette année tout a été parfait1 On ne le croirait pas, et on aurait raison de ne pas le croire; car en ceci, comme pour tout ce qui
se passe sur la surface de notre planète, il faut toujours dire
sunt hona mixta mali, Mais en vérité les ombres ne nuisent
pas au tableau, et font mieux ressol'!ir, comme disent les
artistes, la pureté du dessin et la vigueur du coloris ,
1.
Le double enseignement confié à notre école exige qu'on
forme des médecins instruits et des pharmaciens capables;
c'est-ô-dire qu'on prépare le mieux pûssible les éléments
de deux professions qui se complètent et ne sauraient se
passer l'une de l'autre, s.ufpourtant qu'on veuille se borner
il faire de la médecine purement exprotan/e, ce qui ne tOuf-
.... .'~.
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J
'\,,!i- ...
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nerait pas toujours, on peut l'affirmer, au profit des malades.
Médecins et pharmaciens ont grandement besoin de baser
leurs études spéciales sur la connaissance préalable des sciences appelées jadis accessoires et jugées aujourd'hui n4cessaires à une instruction médicale ou phalmaceulique sérieuse.
Il e~t donc lout naturel que ceux, ~armi nos honorables collègues, qui sont plus particulièrement chargés de l'enseignement de ces sciences, cherchent à élever, d'année en année, le degré d'instruction de lenr jeune auditoil·e. Tendance
du reste commune, disons-le de suite, à tons les professéurs
de l'école, et parfaitement appréciée pal' les élèves eux-mêmes, car d'année en année aussi ils montrent plus d'émulation et concourent avec plus d'empressement à l'obtention
du litre de lauriats de l'école. Et cette ambition, si modeste
qu'elle soit, doit infailliblement leur pOl'ler bonheur. Par ces
premières lutles ilss'exercent d'abord à exposeren public leurs
idées et les connaissances déjà acquises; ils s'habiluent à ne
compter que sur eux-mêmes, et acquièrent ainsi l'utile conviction que le meilleur mode de pal'venil' à une position honorable et indépendante est d'acquérir, dès sa jeunesse, le
plus d'instruction possible. L'homme instruit n'arrive pas
toujours à la fortune; cela n'est, hélas 1que trop vrai, pour
le médecin plus particulièrement; mais avec le savoir, il acquiert une grande indépendance, il est libl'e et la richesse ne
donne pas toujours la liberté.
Le règlement adopté par notre école de médecine et de
pharmacie n'admet aux concours de fin d'année que les
élèves ayant obtenu aux examens la note Irès bien ou bien.
MM. Anaslay, Barlatier, Bl'avay, Martin et Tajasque. étudiants en pharmacie de 1" année, ayant pu bénéficier de
celte condition règlementaire, se sont présentés an concours
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419-
et ont eu il traiter, comme d'habitude, deux questions: une
de chimie et une de zoologie:
l' De l'eau considérée au point de vue de sa composition
et des qualités qui la rendent potable.
2' Des tœniadés; de leurs caractères zoologiques et de leur
migmtion.
Pour la première question, et d'apl'è_ le nombre de
points obtenus par chaque candidat, les concurrents 001 été
cla,sés dans l'ordre suivants: lUI. Barlatier, Tajasque, Bravay, Anastay, ~Iartin ; mais ce classement n'a pu être maintenu pour la deuxième question, après laquelle l'addition totale
des points a fait accol'der le pl'emier pl'ix il M. Tajasque, le
deuxième à M. Barlatier et une mention honorable à M.
Bravay.
17 sur 18 élèves en pharmacie de deuxième année se sont
présentés il l'examen; " ont obtenn la note bien, et 3 ont
concouru pour le prix : ~IM. Arnaud, Chevaly et Arduin.
Pour première question, ils avaient à exposer la matière
médicale, la chimie et la pharmacie du sucre, et déduire la
théorie de sa préparation de ses propriétés chimiques. Des
trois dissertations soumises au jury, on a plus particulièrement signalé à l'Ecole celle de M. Arnaud comme parfaite
sous tous les rapports. Tout y est exposé avec ordre et méthode : on n'y trouve pas nne seule lacune.
La deuxième question, relative à l'histoire naturelle, demandait aux candidats de décrire les caractères géniraux
des t'ertibr!s. Et ici encor~ le jury a pu constater avec plaisir
que les trois concurrents s'étaient acquittés de leur tâche
d'une manière remarquable. Prenant, en eITet, pour point de
départ la fiction de Gœthe et plus particulièrement sans
doute les idées de GeolTroy Saint-Hilaire, qui assimile le
crâne à un ensemhle de vertèbres renflées, et la face à une
.,
.
�-120 -
succession d'arcs costaux, ils ont pn facilement dénombrer,
classer et grouper les parties du squelette dont ils avaient à
s'occuper.
Celle deuxième épreuve a beaucoup moins distancé les candidats que la première; mais le classement final a été néanmoins assez facile, el M. Arnaud a oblenu le premier prix;
M. Chevaly le deuxième, et ~I. Arduin une mention honorable.
,
0"
~
Ce qui précède prouve incontestablemenl que les connaissances théoriques sonl en progrès chez MM . les Elèves
en pharmacie. Mais de même qu'nne connaissance parfaite de
J'anatomie, de la physiologie et de la pathologie ne saUl'ait
suffire à MM, les Elèves en médecine pour en faire de bons
praticiens, si on les privait d'uu large et complel enseignement clinique, de même a-I-on pensé que des travaux pratiques, exer~anl les élèves en pharmacie à toutes les manipulalions chimiques et pharmaceutiques, étaienl indispensables pour former des pharmaciens sérieux, à la hauteur de
lems importants devoirs prof&ssionnels.
Ces travaux pratiques sont classés et gradut'sde fa~on que,
dans J'espace de t,'ois anuées, les élèves peuvent être successivement exercés:
1" A mou ter un appareil et à le faire fonctionner; à préparer un produit et l'utiliser complètement;
2° A l'analyse qualitative et à la préparation des produits
organiques;
3° A l'application de tout ce qui leur a été enseigné pendant les deux années précédentes; à J'analyse qua.ntitative
et aux recherches toxicologiques.
22 Elèves ont pris part au concours pour les travaux pratiques de première année. Aucun d'eux n'a atteint le nombre
�-
.,
t21-
de points voulns pou,' obtenir le premie,' prix, mais le jury,
et à l'unanimité des voix, a accordé un deuxième prix à
~1. Valette, etune mention honorable, ex-œquo, à !IM, Anastay et Tajasque.
Sur t 9 élèvesparticipantanx travaux pratiques de deuxième
aunée, 13 ont con~ouru pour le prix. Les épreuves étaient
assez difficiles; il s'agissait: 1· de faire une analyse qualitative d'un mélange de deux sels, formé de tartmte d'ammoniaque et de chlorure de zinc; 2· de préparer l'iodofo,'me et
retirer l'ioduredepotassium; 3· enfin, ilfallait extraire l'acide
benzoïque du benjoin par voie humide.
A la suite de ces sérieuses manipulations, le premier prix
a été accordé à ~1. Rabaltu, le deuxième à M, Arduin et une
meution hono,'able à MM, Arnaud et Gourrier,
Il n'y a pas de concours parmi les élèves de troisième année, attendu qu'ils se trouvent au terme de leurs études et
n'ont plus à subir l'examen de fin d'année,
~.
H,
Sur trois élèves en médecine de première année ayant obt3nu, à la fin des examens, la note règlementaire favorable,
denx seulement ont conconru pour le prix; Ml), Forcioli et
Rossi, Comme question d'histoire naturelle, ils avaient à
décri,'e l'ostéologie comparée de la tétedans toute la série des
vertéhrésdet, pouda chimie: de l'iode et de l'acide iodhydrigue,
<
,
,
Laquestion de chimie n'offrait, dans son ensemble, qn'une
difficulté relative, Elle n'exigeait, de la part des candidats,
qne de la mémoire et de l'o,'dre dans l'exposition de faits
peu compliqués; aussi, a-t-on regretté que la rédaction des
deux ép,'euves laissât beaucoup à désirer,
�- 122-
,
.
La question d'histoire naturelle était, au contraire, a"ez
compliquée, et demandait il de jeunes élèves d'être déjà quelque peu familial'isés avec l'~tuJe aussi sérieuse que difficile
des généralisations, Il s'en est suivi qu'aucun des deux candidats n'a eu la pensée de présenter une analyse complète des
diverses parties qui composent le crâne et la face dans la
série des vertéhrés, d'en décrire successivement l'état de
liberté ou de soudure, eL de signaler enfin leur diversité de
volume, de forme eL de position, Chacun d'eux a choisi de
préférence et tout naturellement le terrain sur lequel il était
moins exposé il faire fausse route; et tandis que M, Forcioli
s'est surtout occupé du système dentaire et a présenté un
résumé il peu près complet de l'armature buccale des vertébrés, M, Rossi a plus particulièrement et presque exclusivement fixé son attention sur le nombre et la forme des condyles occipitaux, sur le plus ou moins de liherté ou de soudure des os du cràne, snI' les empreintes musculaires extérieures, et sur le volume relatif de la face et du CI'âne,
Malgré les nomhl'euses lacunes constatées dans les denx
compositions, l'Ecole, tenant compte de la difficulté d'une
des questions soumises à des élèves de première année, ainsi
que de la note obtenue aux examens et de leur assiduité aux
conrs, a accordé un deuxième prix il M, Forcioli et une
mention honorahle à M. Rossi,
III,
élèves en médecine de deuxième année se sont présentés à l'examen, et le jUl'y a eu la vive satisfaction de pouvoir accorder il neu{d'entl'e eux le droit de concoUl'i!', Sept
seulement en ont pl'ofité : am, Duboi" Oddo, David ,
Vincentelli, Cognet, Godreaa el Hemy ,
j!j!
.'
,.'
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�-
423-
Les questions posées élaienL les sui van Les : l' des (.""trI-
tata/ions diges/ives; 2' des sig"es des (ractures d" .rdne.
D'une manière générale, le jury a consLaLé que toutes les
compositions témoignaien t des études sérieuses et des connaissances solidement acquises. La question de physiologie a
été plus particuliè"ement bien traitée; mais, il la vérité, elle
elle était de beaucoup la plus facile. Presque tous les candidats on t prouvé qu'i ls possédaient à fond le sujet, et aucun
d'eux n'a omis :de signaler les faits fondamentaux de la digestion.
La deuxième question a été évidemment moins bien comprise, et le jury a dù regreller, dans la plupart des compositions, un défaut d'ordre et de méthode, deux choses si nécessaires, par tout et toujours.
Cependant ici encore, deux randidats, ml. David et Oddo,
ont fait preuve d'un savoi r peu commun chez des élèves de
de uxième an née. La dissertation de ~l. David est écrite dans
un style très remarquable, et la plume co"rt sous ses doigts
avecau lan t de facili té que d'élégance. Toutefois, celte grande
facilité de rédac tion a entraîné M. David hors du chemin
qu'il avait à parcourir, el c'est ainsi que le quart au moins
de son travail est inu til ement employé àdiscuter surie mode
de rrsistance du crâne aux traumatismes, et sur la question
de savoir si cette boîte osseuse résiste anx choses exté"ieures
comme sphère ou comme vaate. Pas n'est besoin, je crois, de
faire comprendre ici que lorsqu'il s'agit de constater sur un
malheureux blessé, s'il y a, oui ou non, fracture des os du
crâne, peu importe au cl.iru'·gien, cliniquement parlant, de
savoir au préalable si cette boîLe osseuse anrait mieux résisté
comme sphère que comme voûte, et fJice verBa.
La dissertation de ~I. Oddo n'a pas, il beancoup près, le
mérite littéraire de celle de 11. David, mais elle rachète ce
�-
124-
désavantage par nne meilleure ordonnance dn sujet, par la
clarté et par le grand nombre de fails qu'on y trouve cités.
De toutes les compositions de pathologie externe, celle de
~I. Oddo est inconteslablement la plus complète et décèle déjà
chez ce jeune élève un sens clinique des mieux prononcés.
Après les disse,·tations de ~IM. David et Oddo, le jury a
signalé à l'Ecole le travail de M. Cognet comme digne de récompenses, malgré les lacunes et imperfections qu'on y conslate; on a conséquemment accordé un premier prix à ~1.
Oddo, un deuxième prix il ~1. David et une mention honorable à M. Cognet.
,
IV.
..
,.
.
J'ose espérer qu'en vertu d'un proverbe bien connu,
&IM. les Elèves en médecine de troisième année ne se croiront
pas trop négligés si je ru'occupe d'eux en dernière ligne.
Trois candidats, MM. Boy, Bidon et Rebité, ont concouru
pour le prix de fin d'année scolaire. Elèves distingués, ayant
déjà fait leurs preuves dans d'autres lulles, ils ont eu il traiter
deux questions fort importantes et d'une solution peu aisée;
une de clinique chil'U"gicale et l'autre de pratique obstétricale.
La première était formulée de la manière suivante: Des
.ignes différentiels des (ume'trs du testicule, de na/UT. /Uberculeuse, syphilitique ou cancéreuse.
La seconde demandait aux concurrents de dtcri,e le procédé de version dans la position dorsa-posterieure.
L'examen fait par le ju,'y des trois compositions chirurgicales a surabondemment pl'Ouvé que la question posée au
conculTent n'était pas au-dessus du savoir des trois candidats,
etici encore l'Ecole de médecine est heureuse de conslater
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125-
que tous les trois possèdent, à quelque nuance près, les qualités néce,saires à ceux qui ambitionnent la réputation de
bons praticiens.
Le jury a dù cependant signaler le travail de M, Bidon
comme beaucoup plus complet que les deux autres, et en
somme le pointage a donné 10 à ~1. Boy, 11 à M, ReMé et
1.. à ~1. Bidon,
Quant à la deuxième question, relative à 1In procédé parti- I
culier de version, il nous faut convenir, non sans regret,
qu'aucnne des trois dissertations n'a satisfait à la légitime
exigeance de notre honorable collègue chargé de l'enseignement obstétrical. Cependant ~I. Bidon est encore, des trois
concurrents, celui qui s'est maintenu le moins éloigné du
but qu'il fallait atteindre; mais nous lui reprocherons d'avoir
émis, à cette occasion, un principe contre lequel on ne saurait Irop s'élever, L'expectation, dit-il, est presque toujours,
sinon toujours une FAUTE tn obstétrique!
Qu'on nous permette de l'avouer humblement, l'exagération choque, en géné,'al, et en toutes choses, les opinions
prudentes et modérées; et en obstétrique, comme ailleurs
peut-être, le vrai savoir et l'expé,'ience veulent qu'on sache
attendre, Et à cet éga,'d il n'est pas inutile, ce nous semble,
de rappele,' aux jeunes praticiens que de l'ancienne devise:
cito, tuto et jucunde, on peut jusqu'à un cerlain point laisser
subsister le Il'oisième terme, grâce aux bienfaits de l'anesthésie; mais il faut absolument intervertir l'ordre ou classement des deux autres, cal' le tuto doit passer incontestablement avant le cita, Faites bien d'abord, et ce sera toujonrs
assez vite.
Après mûr examen l'École a décidé qu'un prix nnique serait accordé à M, Bidon et one mention honorable à M, Rebité,
�- 126-
MONSIEUR LE RECTEUR,
MESSIEURS,
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.
1-"
•
Ici, termine la lâche dont on m'a fail l'honneur de me
charger, elje m'aper~ois, un peu trop tard assurément, que
j'aurais pu abréger de beaucoup mon rapport. Mais, je
l'avoue, le but qu'il m'importerait d'avoir a!teint serait de
prouver qu'il l'exemple des savanles Facultés qui honorent
l'Académie d'Aix, l'École de plein exercice de médecine et de
pharmacie de ~Iarseille fait de son mieux pour accroître,
sans relâche, le degré d'instruclion de ses élèves. Elle tient
à ce que le temps qu'ils passent dans nos amph itéâtres et
dans nos hôpitaux soit très utilement employé, et elle a foi
dans une transformation ultime, indiquée depuis longtemps
par les ressources nombreuses et de tous genres que noire
grande cilé offre a une instruction médicale essentiellement
pratique, qui est, au demeurant, la plus ulile entre toules.
Enumérer ces ressources, en développer Ioule l'imporlance
serait chose facile assurément, mais il ne faul pas qu'on puisse
nous dire que nous plaidons pro domo nos/ra, quoique il y
.it un âge où l'on ne saurait, en vérité, être taxé d'ambition
personnelle. Qu'il nous soit seulement permis d'ajouter, en
terminant, que si le gouvernement de la République veu t
non seulement maintenir, comme on n'en saurait douler,
mais encore accroître la légitime influence que l'Université
fran~ise exerce un peu partout, il ne refusera pas de seconder le patriotique bon vouloir de uos édiles, et il accor~era
.
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127 -
à ~Iarseille, el par conséquenl à l'Académie d'Aix, lous les
sages el utiles compléments univel'silaires qu'on sollicite et
qui aboutissent en définitive an urai progr~s : celui qui dure
et fructifie,
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Text
A C A D É M I E D' AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
E T DES L E T T R E S
1881-1882
ET
HE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
m 'VE r EMONDET-AUBJN , IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU, 53
188 1
��A C A D É M I E D' AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
E T DES L E T T R E S
ET
HE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE
ET DE PHARMACIE
AIX
m 'VE r EMONDET-AUBJN , IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU, 53
188 1
�SÉANCE SOLENNELLE UE RENTRÉE
DES F ACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
et de l ’école de plein exercice
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théo
logie, de Droit et des Lettres d'Aix, de la Faculté des
Sciences et de l’École de plein exercice de Médecine et
de Pharmacie de Marseille, a eu lieu cette année à Mar
seille, le lundi, 28 novembre, dans le grand amphi
théâtre de la Faculté des Sciences, sous la présidence de
M. Bourget, Recteur de l’Académie.
A 9 heures 1/2 du matin, M. le Recteur, MM. les
Inspecteurs d’Académie du ressort et MM. les professeurs
des Facultés et de l’École de Médecine, assistaient à la
messe du Saint-Esprit.
A 10 heures 1/2, la séance de rentrée était ouverte.
M. le Recteur a fait son entrée dans la salle, et a été salué
aux applaudissements de l’Assemblée toute entière.
�—
fi
—
On remarquait dans la salle tous les professeurs de
l’enseignement supérieur, les membres du conseil acadé
mique et les fonctionnaires appartenant aux diverses
administrations de la ville et du département.
M. le Recteur a donné la parole à M. Laurin, chargé
du discours de rentrée ; le sujet choisi était : de l'Elo
quence juridique, son passé et son avenir. Ce dis
cours, fréquemment interrompu par les applaudisse
ments de l’Assemblée, a été suivi de l’éloge de M. Bertulus, par M. Seux, Directeur de l’École de Médecine,
qui a rendu un juste hommage à la mémoire et aux
travaux de son regretté collègue.
M. Gautier, professeur à l’École de Droit, et M. Ni
colas Duranty, ont ensuite rendu compte des concours
ouverts entre les Étudiants.
La séance a été levée à midi.
DISCOURS DE M LAURIN
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
Habentsua fata libelli — cela est vrai de la langue et de la
littérature du droit, comme de toute langue et de toute litté
rature. Les livres ont leurs destinées, ce qui signifie, sans
doute, qu’il y a pour eux, comme pour le reste, des époques
de grandeur et de décadence, de retentissement et d’oubli ;
mais ce qui veut dire aussi, en un autre sens, que les œuvres
se transforment avec les âges, par suite de nécessités nou
velles, appelant des procédés nouveaux. La rédaction de nos
Codes a déterminé dans le domaine de la jurisprudence l’une
de ces évolutions ; à la période du traité, du traité philoso
phique autant que juridique, elle a substitué celle du com
mentaire, ou, pour parler d’une façon plus générale, de
l’exégèse. On peut le regretter ; on peut, en se plaçant à
l’unique point de vue de la valeur littéraire, se demander si
l’on y a gagné. C’en est fait néanmoins, une situation nou
velle est née qu’il faut résolument accepter. Que p0n se
rassure, du reste; le talent, à défaut meme de génie, se
-
�— B—
trouvera toujours’sa voie, et à d’autres exigences répondra par
d’autres qualités. Quelles doivent être, comparativement au
passé, ces qualités? En d’autres termes, et dans un ordre
d’idées plus large, par quels caractères s’est recommandée
autrefois la littérature juridique ? Quels sont, d’autre part,
ceux qu’elle doit avoir aujourd’hui , et quels procédés
nouveaux d’investigation ou de rédaction doit-elle employer ?
J’ai cru, Messieurs, qu’il y avait quelque intérêt, dans cette
séance qui a pour but d’initier le public à l’esprit comme aux
résultats de nos travaux, à poser celte question et à la ré
soudre. Blanchi déjà dans le métier , m’étant convaincu
par moi - même de l’extrême difficulté de l’art d’écrire,
homme de bonne foi autant que de bonne volonté, j’ai
peut-être quelque droit, bien que n’apportant ici que l’ex
pression de ma pensée personnelle, de parler de ces choses;
et je m’estimerais très heureux, si, à la suite de ces réflexions,
en même temps que les ignorants trouvaient à s’instruire,
les habiles qui m’entourent pouvaient, eux, se souvenir !
La manière des jurisconsultes romains est connue : ayant
à appliquer à tous les besoins de la vie civile des textes
législatifs, ou très rares, ou très spéciaux, ou très ambigus,
obligés de résoudre avec ces textes toutes les difficultés de la
pratique, les jurisconsultes romains ont véritablement, dans
leurs consultations orales, comme dans leurs œuvres écrites,
fondéledroil. Us l’ont fondé de deux façons : premièrement,
par les solutions particulières qu’ils ont d’eux-mêmes appor
tées en des points divers de la jurisprudence, et que l’autorité
de leur nom a peu à peu fait accepter ; secondement et sur
tout, par l’action générale qu’ils ont exercée sur le dévelop
pement ultérieur de la législation. Si le vieux droit romain a,
en effet, dépouillé sa rude écorce, s’il s’est assoupli en
—9—
même temps qu’humanisé, c’est a leur inspiration constante
en même temps qu’à leur collaboration directe que ce résul
tat est dû. Mais de là le caractère spécial de leurs écrits.
N’ayant, — en dehors de quelques matières qui étaient du
droit public autant que du droit privé, et que l’Etat avait cru dès
lors, pour la sauvegarde de son organisation politique, devoir
réglementer,— d’autre raison de décider que leur sens indi
viduel, ils ont été essentiellement les philosophes de la juris
prudence, ou plutôt ils ont fait de la jurisprudence et de la
philosophie une science unique, ayant pour objet la recher
che du vrai et du juste, susceptible seulement de varier dans
les applications. Par là s’expliquent les différences profon
des que l’on remarque en eux, différences qui ne sont pas
seulement dans les solutions, qui portent encore sur la
méthode, sur le raisonnement, sur l’esprit général des doc
trines, et constituent dès lors, par rapport à eux, le côté
particulier, le côté humain, si l’on veut, de leur talent ou de
leur génie. Ces divergences devaient infailliblement se pro
duire, car elles ne sont, en ce qui les concerne, que la
résultante de l’éducation morale et politique qu’ils avaient
reçue.
o
Tout le monde connaît la célèbre division de la jurispru
dence romaine en deux écoles, celles des Proculiens et des
Sabiniens. On donne généralement à cette division des causes
politiques, et l’on a raison si l’on veut seulement tenir compte
du rôle joué ou de l’attitude prise par leurs deux fondateurs,
Labéon et Capiton. Mais la chose a, je crois, d’autres racines,
et l’on peut, sans crainte d’erreur, y démêler et y signaler le
contre-coup des doctrines de deux autres écoles qui se par
tageaient philosophiquement à cette époque le monde des
lettres et des hommes politiques : l’école Académique, d’un
caractère large et humain dans les idées, mais un peu scep-
�— fO —
tique et hésitante clans l’action, dont Cicéron avait été naguère
l'adepte le plus brillant et le représentant le plus élevé, et
d'autre part, l’école Stoïcienne, plus austère, plus triste, plus
exclusive, il faut bien le dire, qui avait trouvé dans Caton sa
personnification devenue à jamais historique.
Voyez, en effet, le sabinien Gaius : une clarté et une
méthode exquises, une latinité d’une pureté classique, une
justesse et une finesse de solutions si bien dénommées par
lui-même juris elegantia, ont fait de ses commentaires un
vrai chef-d’œ u\re. Mais comme on sent avec cela un peu de
scepticisme ! Gaius a mis en pratique le précepte d’IIorace surle
nil admirari ; il ne s’étonne ni ne s’émeut de rien. C’est avec
un parfait détachement d'esprit et une impartialité absolue
qu’il mentionne ou note en passant les vieilleries les plus
grotesques ou les plus incompréhensibles de la loi des XII
tables, et d’autre part les inventions les plus humaines des
Àntonins. Tout cela se trouve scrupuleusement enregis
tré, analysé avec une légèreté et une sûreté de main in
comparables, mais de lacrymœ rerum point. Il y a de cette
éclectique indifférence un exemple plus curieux encore,
que je tiens par cela même a rapporter. Au sujet du
grand acte juridique de la stipulation , qui , sauf cer
taines conventions particulières, servait de cadre à toutes les
transactions de la vie sociale, Gaius fait remarquer que la
formule spondes ne spondeo, par un souvenir sans doute du
vieux droit civil, était réservée aux seuls citoyens romains.
Il ajoute néanmoins, sur la foi d’autres, qu’on peut s’en
servir dans une circonstance particulière à l’encontre des
étrangers, celle d’un traité de paix conclu avec un prince ou
peuple ennemi. Cela lui paraît néanmoins une subtilité : quia,
dit-il,si quid advenus paclionem fiat,non ex stipulatu agitur,
sed jwre belli res vindicatur. Cette opposition du jus belli et de
Yactio ex stipulatu, cette sorte d’équivalence admise entre
la force et le droit, ne provoquent-elles pas un sourire, et
n’est-ce pas pousser l'optimisme et la bonhomie un peu loin,
que de transporter les formules juridiques jusque sur un
pareil terrain ?
Que l’on place maintenant en regard de cet aimable et
attachant jurisconsulte l’austère figure des hommes de loi de
l’école opposée, et du plus grand de tous, Papinien. Ici plus
de grâces de langage, une latinité correcte encore, à la diffé
rence de celle du Bas-Empire, mais abrupte dans son extrême
concision. Et pourtant quelle mâle fermeté, quelle vigueur
dans les déductions, quel culte des principes, quel sentiment
profond de la dignité et de la grandeur morale de l’homme !
Un mot sublime, autant que ses écrits, a rendu le nom de
Papinien impérissable. Voici quelque chose de moins connu,
d’aussi grand, sinon par l’action, du moins par la pensée, et
qui sert encore mieux à établir ma thèse, parce qu’il en
résulte qu’en Papinien le jurisconsulte et l’homme ne se dis
tinguaient pas. Mais, pour l’intelligence de ce qui va suivre,
quelques explications préliminaires sont indispensables; cet
auditoire voudra bien, malgré leur caractère technique, me
les pardonner.
Il était de règle à Rome que le père de famille devait ins
tituer héritiers, ou exhéréder ses enfants en puissance : il ne
pouvait, sous peine de nullité de ses dispositions testamen
taires, les passer sous silence. On avait de ceci tiré cette con
séquence, que ni institution, ni exhérédation ne pouvaient
être conditionnelles; la condition étant, en effet, de sa nature
suspensive du droit, il en serait résulté, si cela avait été
possible, qu’avant son accomplissement, et dans l’incertitude
de cet accomplissement, l’enfant n’aurait été ni institué ni
exhérédé. Mais quid de la condition potestative, c’est-à-
�—
42
—
dire de celle dont l’accomplissement dépend uniquement de
la volonté de l’obligé? Pour celle-ci, on avait décidé que ce
n’était pas une véritable condition, puisque l’héritier pouvait,
en l’exécutant immédiatement, faire comme si elle n’avait
jamais existé. C’est en suite de ces prémisses, que Papinien est arrivé à se demander s’il faut voir une condition
potestative dans celle qui contraindrait l’héritier à commettre
un crime. Et il n’hésite pas à répondre non; savez-vous
pourquoi ? Le passage, très court du reste, mérite en raison
de sa simple et sévère éloquence d’être cité en entier : nam
quæ facta lœdunt pilatum, existimationem, verecundiam, et,
ut generaliter dixerim, contra bonos mores fiurit, nec facere
nos posse credendum est ; parce que, dit-il, quant aux choses
qui blessent la religion, l’honneur, l’honnêteté, ou qui,
d’une façon générale, sont contraires aux bonnes mœurs, on
doit considérer qu' il n ’est pas en notre pouvoir de les accom
plir. Nec nos facere posse ! Le Papinien de l’histoire, le Papinien de Caracalla, le Papinien qui disait qu’il était plus aisé
de commettre un crime que de l’excuser, et qui le prouvait,
il est là tout entier dans celle formule juridique; et si,
suivant le mot de Longin, le sublime est le son que rend une
grande âme, de quel nom peut-on appeler, je vous prie, une
pareille conception du droit, si simplement et si éloquem
ment exprimée?
En résumé les jurisconsultes romains ne se sont pas bornés
à être les interprètes du droit ; il en ont été, par la force des
choses, les fondateurs. Ils l’ont fait à l’image de leur pensée;
ils lui ont imprimé le cachet de leur personnalité, et lui ont
donné par là ce caractère scientifique qui en a fait un modèle
à tous les âges et dans tous les pays, et qui est cause qu’aujourd’hui encore il est là, au seuil de l’éducation juridique,
comme le vestibule forcé de tout le droit.
—
13 —
Les docteurs de notre vieille école française ne pouvaient
plus conserver cette liberté d’allure ; ils n'écrivaient plus sur
une table rase ; et à défaut des textes législatifs modernes,
des coutumes et ordonnances royales intervenues sur des
points divers de la législation, le droit romain lui-même
était là, ainsi qu’il vient d’être dit, il s’imposait à eux tantôt
comme loi, tantôt comme raison écrite, et il était accepté, dans
tous les cas, avec une religion qui, à cette époque, n’a jamais
eu de libres-penseurs. Mais ce n’est pas en vain qu’on a été
élevé à pareille école; on y a puisé une puissance et une
étendue de conception, une vigueur de raisonnement, et
pour tout dire, un esprit philosophique, qui peuvent encore
conférer, à celui qui les possède à un degré éminent, une
véritable originalité. D’ailleurs le droit romain ne peut avoir
tout résolu ; la façon même dont il s’est formé, les couches
successives qui en ont complété peu à peu la structure, son
caractère essentiellement doctrinal, impliquent forcément
l’existence de contradictions, d’obscurités, d’incohérences,au
sujet desquelles le sens individuel de chacun peut encore
s’exercer, et se faire avec honneur sa place. Enfin quinze ou
seize cents ans de christianisme, et ce qui s'en est suivi,
c’est-à-dire un bouleversement complet dans les mœurs et les
institutions, soit politiques, soit civiles de l’Europe, ne sont
pas sans avoir renouvelé le terrain juridique, et suscité des
idées nouvelles, comme conséquences des faits nouveaux.
Aussi quelle sève dans celle vieille école française, quel
éclat, quelle intéressante diversité des aptitudes et des écrits !
Je ne parle pas de Cujas, le plus éloquent et le plus autorisé,
commentateur du droit romain, de Cujas aussi grand huma
niste que grand rom aniste, mais qui ne fut que cela. Mais
voici son contemporain et émule, l’oracle de la jurisprudence
moderne, comme l’autre le fut du droit romain, le dialecticien
�Dumoulin. Molinoeus I si j’en crois les distiques composés en
son honneur, et qui ornent le frontispice du tome premier
de ses ouvrages, il fut un astre éclatant qui apporta la lu
mière dans l’océan du droit.
Commonstrans cælum sidusque forensibus undis,
Quod nobis Helicè, quod Cynosura foret.
Cet éloge peut prêter à sourire dans sa naïve et mytholo
gique expression, il est au fond strictement vrai, et l’obscur
disciple qui, dans son admiration, a fait appel à tous les noms
de la Fable, a au fond parlé le langage de la postérité. Ce n’est
pas que Dumoulin soit d’une lecture très facile; et ce serait
lui faire un compliment dont sa grande ombre serait peu
flattée, que de dire qu’il sacrifia aux Grâces. Sa latinité (car
tout s’écrivait en latin à celle époque), d’une forme scolasti
que, toute hérissée de néologismes, n’est pas d’une absorp
tion très facile, et demande à être prise à très petites doses.
Mais, si l’on ne se laisse pas rebuter par cette rude écorce,
si l’on a le courage de pénétrer, jusqu’au fond de la pensée, à
ce que Rabelais appelle quelque part la substantifigue moelle,
quel dédommagement! Comme l’on est insensiblement en
traîné par cette logique serrée, par celte précision de mots et
de choses, par cette force de déduction qui sait conduire un
principe depuis sa souche, en quelque sorte, jusqu’à ses der
nières ramifications ! On comprend, après cela, l’influence
que Dumoulin a eue sur tous ses successeurs ; il a été la
source à laquelle sont venus s’abreuver tous les jurisconsultes
des époques suivantes, et tout ce qui a été écrit pins tard dans
l’ancien droit n’a été que le développement de ses idées, c’està-dire des principes posés par lui. Rn ce sens, on peut dire de
lui aussi qu’il a véritablement fondé le droit français.
La partie la plus originale de son œuvre se trouve dans
ses traités de droit féodal, et cela se conçoit. Il était ici sans
précédents, il se trouvait en présence d’un assemblage de
règles incohérentes et contradictoires, sans fixité ni sta
bilité, qui presque toutes portaient la marque du pouvoir
violent et inique qui les avait établies. Il a fait de tout cela
un corps de doctrines, une œuvre scientifique, il lui adonné,
en un mot, l’empreinte du droit. Mais une pareille intelli
gence, où quelle s’applique, n’abdique jamais, et même sur
les parties du droit civil pur, celles oii s’était exercée avec
tant d’éclat la sagacité des jurisconsultes romains, et où, dès
lors, la discussion pouvait sembler épuisée et les idées
définitivement arrêtées. Dumoulin s’est montré neuf et ori
ginal; il a été créateur. Je n'en veux pas d’autre preuve
que sa théorie sur la solidarité entre codébiteurs. S’il est une
matière où se soit fait sentir l’élaboration scientifique du
droit, où les anciens jurisconsultes aient déployé leur m er
veilleuse science d’analyse, où, après être parti de toute la
rigueur du droit civil, on soit arrivé à fous les tempéra
ments de l’équité, c’est bien celle-ci ; tout semblait, suivant
le mol de La Bruyère, avoir été dit. Et, néanmoins, cette
matière, Dumoulin, par la nouveauté de ses aperçus, l’a
tout entière reconstruite. D’un coup de crayon superbe, et.
en quelques lignes inoubliables, il a dessiné la formule
des obligations des codébiteurs, soit dans leurs rapports entre
eux, soit vis-à-vis du créancier commun. Et, comme à cette
époque, tout se faisait à l’aide des textes du droit romain et
en quelque sorte sous leur égide, ces textes, il les a de force
pliés à l’expression de ses idées, il leur a fait signifier ce
qu’ils ne voulaient pas dire, tant il est vrai que l’homme de
génie reste original, même dans Limitation, et marque à son
insu de sagriiïe tout ce qu’il louche. Du reste, dans cette lutte
�avec ses grands devanciers, c’est en somme Dumoulin qui a
eu l’avantage, et sa théorie est devenue, sauf quelques re
touches dues à la main élégante de Pothier, celle des articles
1200 et suivants du Code civil.
Que dire maintenant d’une autre illustration, d’une illus
tration non moins haute, quoique fort différente, de Domat?
Dom atn’apas la verve et l’originalité puissante de Dumoulin ;
il n’est pas créateur comme lui. Il indique lui-même, dans
la préface du traité des Lois civiles, que son but n’a été que
de mettre en un ordre méthodique les décisions du droit
romain. Mais par quelle éminente compensation Domat ra
chète cette infériorité de son plan ou de son point de vue!
Il a d’abord écrit en français, et dans le français le plus pur,
c’est-à-dire dans cette langue didactique du XVIIe siècle, si
simple, si sobre, si adéquate en quelque sorte à la pensée,
qu’on a de la peine à les séparer l’une de l’autre. Voilà pour
la forme ; quant au fond, ce qui caractérise plus particulière
ment sa manière, c’est la sérénité philosophique, c'est la
belle et majestueuse ordonnance du tout : c’est enfin ce par
fum de christianisme chaste et austère, qui fait involontai
rement penser à Port-Royal, et que l’on retrouve également
avec tant de charme dans Pothier. Quelle grandeur calme et
simple dans la préface des Lois civiles ? La façon dont Domat
dégage l’origine et la filiation du droit, dont il en rattache
les règles, même secondaires, aux grands principes de mo
rale, mérite d’être signalée : « Tout ce qu’on a de lois et de
règles, dit-il, sur les matières du droit, a été le fruit d’une
infinité de réflexions sur les événements d’où sont venus
les différends de toute sorte. On a commencé par la vue des
principes naturels et immuables de l’équité, comme sont, par
exemple, ces vérités générales : qu’il ne faut faire tort à per
sonne, qu’il faut rendre à chacun ce qui lui appartient, qu’il
— 17 —
faut être sincère dans lesconvenlions, et fidèle en toutes sortes
d’engagements. Et on est descendu ensuite aux règles parti
culières, comme sont, par exemple, celles-ci : que tout ven
deur doit garantir, que la perle et le gain doivent se com
muniquer entre associés, que celui qui emprunte quelque
chose d’un autre doit en avoir soin, que le tuteur doit servir
de père au mineur à qui il en tient lieu, et mille autres lois
semblables qui sont les règles naturelles de la société des
hommes. » Et, ailleurs, dans le chapitre intitulé des Premiers
principes des lois, après avoir indiqué que ces premiers prin
cipes doivent se tirer de la fin de l’homme, et après avoir dé
montré que cette fin ne peut être que Dieu, il ajoute, en
forme de conclusion, dans un langage que n’eut point ré
pudié Bossuet, et qui semble un écho du traité de la Con
naissance de Dieu et de soi - même : « C’est donc pour Dieu
même que Dieu a fait l’homme; c’est pour le connaître qu’il
lui a donné un entendement ; c’est pour l’aimer qu’il lui a
donné une volonté ; c’est par les liens de cette connaissance et
de celte volonté qu’il veut que les hommes s’unissent à lui,
pour trouver en lui leur véritable vie et leur unique félicité. »
Un jurisconsulte qui sait le prendre de si haut, qui a de pa
reilles vues sur le droit, qui, jusque dans les couches les plus
exlrêmesde son ouvrage, reste pénétré de la même pensée, et
en emprègne tout ce qu’il dit, cet homme est plus qu’un
analyste du droit romain ou de l’ancien droit, et il indique luimême de qui il procède. Domat, c’est le spiritualisme car
tésien du XVIIe siècle importé dans la jurisprudence ; c’est ce
gallicanisme sage et profondément religieux qui a été la
gloire, non seulement de l’Eglise, mais de la société française
à cette époque.
On ne saurait parler de l’ancienne jurisprudence sans
évoquer enfin le souvenir de celui qui en a été l’expression
O
�— t8 —
la plus complète, la plus fidèle et la plus attachante, qui en
resté en quelque sorte le représentant définitif, de Pothier.
Pothier a été, en somme, inférieur à ses deux illustres de
vanciers; il n’a eu ni la vigueur de pensées de l’un, ni la
hauteur philsophique de l’autre ; il a été, avant tout, ce qu’on
est convenu d’appeler aujourd’hui un vulgarisateur. Mais,
dans cet ordre d’idées, il a fait preuve des qualités d’esprit
les plus précieuses ; il a eu la méthode, la précision, la cri
tique, le goût. Son style est un des plus faciles et des plus cou
lants qui se puissent lire. Pothier écrit comme il pense, sans
eiïorts; c’est le classique de la jurisprudence.
Sa doctrine est, sans doute, sauf de légères variantes, celle
des jurisconsultes romains ou de Dumoulin, auxquels il se
rattache directement. Mais n’esl-ce pas déjà une originalité
que d’avoir pu exprimer avec une sorte de grâce aisée, ce
qui avait été auparavant l’objet de discussions parfois si sub
tiles, ou d’une argumentation si heurtée? Le traité des Obli
gations est, sous ce rapport, un chef-d’œuvre. Pothier, ainsi
que nous venons de le dire, avait sous la main, grâce à son
immense érudition, d’excellents matériaux, tirés soit du droit
romain, soit de l’ancienne doctrine, de Dumoulin surtout,
dont la lecture lui était si familière, et avec qui, non moins
qu’avec les jurisconsultes de l’ancienne Rome, il était en
commerce assidu. Mais tout cela était sans cohésion, épars,
pour ainsi dire, çà et là; rien, en un mot, de construit. De
tout cela, Pothier a fait un véritable monument, un monu
ment qui se recommande également par l’harmonie de l’en
semble et la perfection des détails. On s’explique, cela étant,
l’infiuenceen quelque sorte exclusive que Pothier a exercée
sur les rédacteurs de nos Codes. Aux dons les plus hauts et
les plus brillants de l’esprit, notre tempérament français
préférera toujours la clarté, la mesure, l’exacte convenance
— 19 —
de la forme et du fond. Les articles de notre Code civil
étaient virtuellement contenus dans l’ouvrage de Pothier; le
législateur moderne n’a eu qu’à les détacher, et à y imprimer
le sceau de l'autorité souveraine. Ils étaient déjà lois, et près
de quatre-vingts ans d’application n’ont fait qu’en démontrer
davantage la sagesse et l’équité.
On voudra bien me pardonner d’avoir tant insisté sur ces
précédents de notre littérature juridique; la situation est
aujourd’hui tant changée, et les conditions d’écrire si dis
semblables I La rédaction de nos Codes a produit, à ce point
de vue, plusieurs résultats, quelques-uns immédiats, d’autres
Don, qu’il importe d’abord, pour la justification de ce qui va
suivre, de faire connaître. Elle a, par le fait même de l’éta
blissement de règles précises et forcément indiscutées, mis fin
à beaucoup de controverses et considérablement rétréci le
terrain de la discussion. Il serait parfaitement oiseuxaujourd'ui
de traiter à nouveau certaines questions, si ce n’est par ma
nière d’historique, de ressusciter certaines querelles, et d’op
poser Covarruvias à Marquardus ; ce serait le plus sûr moyen
et en quelque sorte une recette infaillible pour ne pas être lu.
On ne saurait nier de plus que le fossé qui sépare le droit de
la philosophie pure, et le fait incliner de plus en plus vers les
sciences d’application, ne se soit considérablement élargi."
On ne répudie certes pas les idées que Domat a inscrites en
tête de son ouvrage ; mais si spiritualiste que l’on soit, on n’y
fait pas tenir tout le droit. Dans tous les cas, on ne s’attarde
plus à démontrer le lien qui les unit à la jurisprudence; on
croirait empiéter sur le domaine d’une autre science: nous
sommes essentiellement dans le siècle de la spécialité, du
compartiment, de la classification. Enfin, troisième et der
nière considération (et ce n’est pas celle dont il faille tenir le
�—
20
—
moins de compte), le droit est devenu beaucoup plus facile à
écrire, grâce aux textes de loi eux-mêmes, qui fournissent au
travail de l'écrivain un substratum tout trouvé, qui lui
épargnent le souci de la création ou de l’invention. Par
malheur, la facilité est tout près de la médiocrité ; elle y mène
en quelque sorte forcément.
» Quel a été, en définitive, le résultat de toutes ces causes
réunies? C’est que la matière juridique s’est trouvée beau
coup diminuée, et la littérature du droit par contre-coup
s’est desséchée et appauvrie. Je dois ici faire toutes les
réserves que la justice et la vérité commandent. Il y a eu
aujourd’hui, comme de tout temps, des travaux sérieux ,
des monographies intéressantes, quelques grandes publi
cations, que je n’ai pas autrement à désigner, parce que
chacun les a présentes à l’esprit comme moi. Mais, à côté de
cela, quel vide et quelle pauvreté I Les uns se sont bornés à
une exégèse stérile des règles du Code; ils en ont simple
ment paraphrasé le texte, et cela dans le langage le plus sec,
le plus plat, le plus dépourvu de charme qui se puisse lire;
il est tel de ces auteurs dont le style donne exactement la
sensation du gravier. D’autres ont voulu racheter cette indi
gence ou cette insignifiance du fond par un certain éclat de la
forme; ils se sont livrés à l’amplification, ils ont fait de la
rhétorique. Et cela leur a d’abord réussi ; le public aimera
toujours les livres bien écrits. Mais on s’est très vite aperçu
du vide que recouvrait cette brillante surface; on a cherché
quelque chose sous cette phraséologie élégante, et on a été
étonné de ne trouver qu’une érudition d’emprunt, un défaut
complet de sens juridique, et quelquefois les idées les plus
téméraires. Alors, une réaction s’est faite ; des esprits posi
tifs, pénétrés des nécessités de la pratique, ennemis par tem
pérament des exposés de doctrine et des discussions d’école,
ont voulu rompre avec ces errements; parlant de cette idée
que le droit est fait avant tout pour être appliqué, ils ont
voulu faire, et uniquem ent faire des ouvrages d’application.
Dans ce but, ils ont demandé aux précédents judiciaires, aux
plus minces faits de la pratique, le plus souvent à leur expé
rience personnelle, ce qui leur paraissait faire défaut ailleurs,
c’est-à-dire le commentaire actuel et vivant de la loi ; et c’est
le résultat de tous ces éléments réunis qui est devenu sous
leurs mains un livre. Il ne faut pas, Messieurs, trop faire fi de
ce genre d’ouvrages ; ils contiennent au moins quelque chose,
et il y a profit à les feuilleter. Le m alheur est qu’ils se con
sultent, mais ne se lisent pas. Ils ont deux défauts : la com
position leur manque généralement, et ils sont médiocrement
ou mal écrits; d’autre part, ils font double emploi avec les
recueils judiciaires, si répandus aujourd’hui, si précieux
pour qui sait s’en servir, mais si dangereux par les secours
mêmes qu’ils apportent, et les tentations qu’ils donnent
d’écrire aux empressés , aux ignorants et aux inexpéri
mentés.
Telle ne peut être cependant la dernière expression de la
littérature juridique. Si la rédaction de nos codes avait dû
produire définitivement cette conséquence, je le dis bien
franchement, il faudrait le regretter. Pour science d’applica
tion que soit le droit, il ne peut pas, plus que d’autres, se
passer d’une certaine spéculation, c’est-à-dire d’une certaine
élévation dans les idées, d’une certaine nouveauté dans les
vues, d’un certain charme dans le discours. Mais où sera le
remède, et de quel côté viendra la rénovation? Il ne s’agit
plus encore une fois, de reprendre la manière des anciens
maîtres; on ne copie pas plus Domat ou Pothier que Cor
neille ou Bossuet; les pastiches sont des pastiches, et n’ont
jamais trompé personne.
Mais si ce passé est bien tiui, si le lien étroit qui unissait
�— 23 —
le droit à la spéculation pure est à jamais relâché, si ce serait
peine inutile que de vouloir le renouer, ainsi que cela est ar
rivé à un éminent professeur de la Faculté de droit de Paris, qui
était au'fond un grand et original esprit,— que de perspectives,
d’un autre côté, que d’horizons, que d’excursions possibles,
et en quelque sorte que de mains tendues ! Une science est
née que nos pères (je dis nos pères en droit) ne connaissaient
que très imparfaitement, qui est appelée à renouveler en le
fécondant le terrain juridique, c’est Véconomie politique,
c’est-à-dire cette observation rationnelle, scientifique des
conditions matérielles d’existence de la société. C’est elle qui
est venue enfin frapper à nos portes, qui est parvenue à
se les faire ouvrir, qui est aujourd’hui plus que notre auxi
liaire forcé, qui est l’aliment même du droit.
Comment ! depuis la promulgation de nos codes, une
transformation complète s’est opérée dans les hommes et les
choses ; les barrières se sont partout graduellement abaissées,
les intérêts se sont confondus, les classes, par l’identité,
sinon par l’unité d’éducation, se sont mêlées et ne se distin
guent plus; il s’est produit dans toute notre société française,
et jusque dans ses couches les plus profondes, une marche
ascendante non interrompue vers le bien-être matériel.
L’œuvre d’émancipation, l’œuvre sociale de la Révolution
française a été, sous l’impulsion de publicistes de toute
opinion et de toute valeur, reprise, étendue, poussée jusqu’à
l’extrême limite qui sépare la réalité pratique et féconde de
l’utopie. D’autre part la propriété a changé de nature; de
territoriale, elle est devenue avant tout mobilière; d’autres
intérêts sont nés qui appelent d’autres garanties. L'agricul
ture, sous le coup de crises de toute sorte, se plaint des la
cunes et des imperfections de la loi; elle sollicite par tous les
moyens le crédit qui lui manque. L’industrie, à la suite des
traités de commerce qui ont substitué un libre échange modéré
au régime de protection antérieurement établi, a renouvelé
son matériel, transformé son outillage, changé ses procédés;
des institutions et des instruments de crédit sont nés de ces
besoins mêmes, que l’on ne connaissait pas encore, que l’on
essaye à peine, et qui tâtonnent encore dans l’expérimenta
tion. Euc’està ce spectacle que le jurisconsulte assisterait in
différent! C’est à cet ensemble de choses qu’il dirait nescio
cos! Esclave d’un texte écrit, il y aura bientôt un siècle, par
les descendants des philosophes et des littérateurs du XVIII*
siècle, il se traînerait dans l’ornière d’un simple commentaire,
d’une simple explication littérale de la loi, sans se préoccu
per des faits économiques que cette loi est destinée à régir !
L’Académie des Sciences morales et politiques a eu un
autre sentiment des nécessités de l’heure présente, lorsqu’elle
a mis, il y a quelques années, au concours la question des
rapports du droit non-seulement avec les principes de la
morale, mais avec l’économie politique, et l’on sait de quelle
façon son appel a été entendu et son programme réalisé (1 .
La est, en effet, la voie nouvelle, la voie féconde ouverte au
jurisconsulte. Il faut qu’il connaisse le fait avant de dire le
droit; il faut que rien de ce qui concerne le développement
de la richesse publique ne lui soit étranger. Alors non-seule
ment il pourra se rendre compte de ce qui manque à la loi,
et le signaler avec autorité ; mais encore il en donnera une
explication neuve et originale, marquée au coin de ses idées
et de son esprit. Par une sorte d’opération prétorienne, il lui
fera rendre tout ce qu’elle peut donner, et quelque autre
chose encore; il fera enfin une œuvre vivante, une œuvre
personnelle, au lieu de se traîner dans les redites, ou bien,
(1) M. Jourdan, doyen de la Faculté de droit d'Aix, est l'auteur
du mémoire couronné en première ligne.
�- 24 —
qu’on me passe cette expression, de ramasser simplemenl les
épluchures de tous ceux qui ont passé avant lui.
C’est dans cet esprit de progrès sage et contenu, ouvert à
toutes les nouveautés, prêt à les discuter, mais non à les mé
connaître, que le droit est enseigné chez nous, et plus parti
culièrement dans cette chère Faculté d’Aix dont je ne puis
parler qu’avec émotion, qui m ’a adopté comme un de ses
maîtres, après m’avoir élevé comme un de ses enfants. L’heure
présente est trouble, sans doute; le choc quotidien et ardent
de toutes les opinions, la discussion ouverte sur tous les
principes, la remise en cause de ce qui ne paraissait plus
contestable, ont modifié chez quelques-uns la vue du devoir
et amené par là de douloureuses scissions. Des esprits sincè
res et convaincus ont cru que parla s’imposaient au maître
des obligations nouvelles, qu'il y avait une vérité relative
dont il fallait tenir compte en même temps que de la vérité
absolue. Nous rendons hommage aux intentions de qui que
ce soit, nous reconnaissons le mérite partout où il se trouve,
et pas n’est besoin pour nous de l’estampille officielle ; nous
admettons toutes les libertés, et tendons loyalement la main
à tout le monde. Mais là s’arrêtent toutes les concessions que
nous pouvons faire, et rien ne nous fera dévier de notre ligne.
Pour nous la vérité est une, et le droit est le droit; toutes les
secousses intérieurs et extérieures ne peuvent rien contre ses
principes, et ses applications n ’ont d’autre mesure que l’utile,
c’est-à-dire la prospérité matérielle du pays, dont nous
sommes, sans réticence, sans réserve, sans arrière-pensée, les
serviteurs. Si je pouvais ici m’emparer d’un mot célèbre, je
dirais, en terminant, à mes très cbers et honorés collègues :
nous sommes aujourd’hui ce que nous étions hier ; ensei
gnons.
R A P P O R T D E M. L 'A B B É R E N O U X
DOYEN DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs ,
La Faculté de Théologie s’eiïorce de maintenir le niveau
de ses éludes et de douuer à son enseignement toute l’élendne qu’il comporte. Les cours du Grand Séminaire sont suivis
par un nombre régulier d’auditeurs ; il se compose de jeunes
étudiants appliqués, assidus, désireux de s’instruire, aux
leçons de leurs maîtres, de la science ecclésiastique et de
leurs devoirs professionnels; ces leçons familières et prati
ques leur sont données en vue du ministère paroissial qu’ils
doivent exercer et se renferment dans l’unique programme de
la science sacrée.
Les cours faits à l’amphithéâtre sont suivis par un audi
toire plus mobile, qui varie selon les jours et les saisons,
suffisant toujours, et où l’on compte en définitive des
hommes désireux de s’instruire; et c’est là l’important.
Nous savons, Messieurs, que notre amphithéâtre n’est pas
celui de la Sorbonne, ni que Paris n’est pas dans nos murs ;
�aussi bien, nous cherchons moins à supputer le nombre des
auditeurs, qu’à leur parler un langage correct, sérieux et
instructif; n’y eût-il dans nos salles que quelques personnes
désireuses d’en profiter, nous serions assez récompensés de
notre peine.
Au reste, nous nous efforçons d’imiter les exemples que
l’on nous donne : les professeurs de nos Facultés françaises
s’honorent tout à la fois par leur enseignement, et surtout,
peut-être,par les travaux personnels auxquels ils se livrent;
l’utilité de ces travaux est incontestable ; tandis que la parole
du maître s’évapore, celle de l’écrivain se fixe et se vulga
rise; et, en définitive, les grands progrès de la science, les
idées nouvelles dans toutes les branches des connaissances
humaines ont leur source primitive dans les études solitaires
et prolongées, qui font l’honneur de l’écrivain sérieux, et la
gloire des lettres françaises.
Voilà, Messieurs, les modèles qui ont excité notre émulalation, si modeste quelle soit; l’un des nôtres, M. le profes
seur Ricard, a publié, avec quelques brochures, trois livres
dignes d’intérêt; le premier en date est intitulé : Souvenirs
du clergé marseillais, c’est une sorte de pieux uécrologe,
renfermant une notice des prêtres de Marseille, qui ont vécu
dans ce siècle ; fauteur n’a d’autre but que de conserver le
souvenir de ces hommes vénérés et souvent inconnus, qui
ont exercé leur ministère dans cette ville et de contribuer
ainsi à l’honneur de son Eglise; mais si la pensée du livre
est modeste, futilité en est grande, car elle peut, comme tous
les bons exemples, exciter plus d’un dévoûment et plus d’une
vertu.
Les deux autres publications de M. Ricard sont consacrées
à reproduire la vie de deux célébrités contemporaines, de
Lammenais, el Mgr Gerbel ; il a fort habilement groupé ce que
- 27 —
ces deux existences, pleines de vicissitudes et de grandeur,
présentent de véritablement intéressant ; sans doute, nous
connaissions déjà une partie des détails qu’ils contiennent;
mais fauteur a su les présenter avec un tel relief et un style
si expressif, qu’on les goûte avec un nouveau plaisir.
Un autre de ses confrères a publié à son tour un travail
sur les prédicateurs célèbres de l’Allemagne; je n’en parle
ici que pour mémoire, el pour vous convaincre, Messieurs,
qu’en somme nous ne restons pas inactifs.
Enfin, nos examens ne ralentissent pas ; leur nombre
semble s’accroître ; deux ecclésiastiques, M. l’abbé Henry,
du diocèse de l’Hérault, M. l’abbé Réné, du diocèse du Gard,
sont venus nous demander le diplôme de bachelier, et ils
font obtenu avec distinction. Ouatre candidats ont subi
l’épreuve de la licence avec des succès divers ; ce sont
MM. Gauthier et Yillevieille, du diocèse d’Aix, el MM. Jauffret
et Verlaque, d’un diocèse voisin. Enfin, un modeste prêtre
de campagne, M. Fournier, nous a présenté une thèse doc
torale, qui a réuni les suffrages de la Faculté4; cette thèse
renferme un aperçu historique sur le rôle de la Papauté
dans la science et le culte des beaux-arts; le mérite de la soute
nance et le résultat suffisant de l’examen oral ont valu à son
auteur le titre de docteur de théologie.
Cependant, Messieurs, durant notre session d’examen, un
souci nous préoccupait; un de nos collègues, M. l’abbé
Bernard, qui, durant de longues années, nous avait prêté un
concours si intelligent, devait nous être ravi. Elevé parla
confiance de Monseigneur l’Archevêque à la dignité de grand
vicaire, il allait faire au milieu de nous un vide regrettable ;
le fait est aujourd’hui consommé ; mais la sollicitude éclairée
de M. le Recteur pour notre Faculté n’a pas tardé à combler
ce vide ; qu’il veuille bien agréer notre vive et respectueuse
�—
28 —
reconnaissance. Un jeune prêtre, docteur de Sorbonne, qui
vient de publier une thèse remarquable sur l’Histoire uni
verselle du président de Thou, a été agréé par M. le Ministre,
et nommé chargé du cours de morale évangélique, devenue
vacante par la démission de M. l'abbé Bernard. C’est un
choix heureux, Messieurs; tout nous en donne l’assurance:
les rares aptitudes de notre nouveau collègue, l’aménité de
son caractère et ses vertus professionnelles.
Je donnerai, selon l’usage, un résumé de cours à la Fa
culté.
M. l’abbé Figuières, professeur d’écriture sainte, a déve
loppé le programme qu’il avait indiqué au commencement de
l'année, et qui se résume, dit-il, dans la table des malières;
je la transcrirai en partie : — La famille des païens chez les
Hébreux; — Polygamie et divorce chez les Juifs; — La
Puissance paternelle ; — de l'Esclavage dans la polygamie
chez les Hébreux — de la Propriété garantie que lui assure
la loi de Moyse; — Egalité et stabilité des fortunes... Le
professeur a également traité la partie politique de la légis
lation des Hébreux : — Notice exacte de la théocratie des
Hébreux ; — Conciliation admirable de l’autorité et de la
liberté ; — Tendances sagement démocratiques. — Telles
sont les idées que M. Figuières a développées dans ses leçons.
Il se propose d’étudier, cette année, le livre de Josué et les
Juges.
M. l’abbé Peloutier, professeur d’éloquence sacrée, a parlé,
dans ses leçons publiques, sur la vie et les œuvres de Tertullien : successivement païen, défenseur du catholicisme,
puis hérétique et chef de secte, dans les phases diverses de
sa vie tourmentée, cet écrivain célèbre ne cesse de mani
fester son activité littéraire par de nombreux écrits. Le pro
fesseur a donné une analyse complète et une critique éclairée
des ouvrages de cet apologiste fameux. — Il se propose
d’étudier prochainement la vie et les œuvres de saint Athanase d’Alexandrie.
M. Ricard, professeur de dogmatique, a exposé la vie et la
doctrine de Lamenais et de Mgr Gerbet; il l’a fait de manière
à reproduire ses leçons si intéressantes en deux volumes,
dont j ’ai eu occasion de parler. — Dans les prochains cours,
il appréciera le dogmatique de Lacordaire.
Le professeur d’histoire ecclésiastique a parlé des évène
ments religieux accomplis dans la dernière partie du règne
de Louis XIV. Le siècle languit, des questions bien subtiles
agitent les esprits: Molinos, Fénelon, Ouesnel prétendent im
primer une direction nouvelle à la doctrine de l’Eglise ; mais
ce n’est pas seulement la ruine du dogme que préparaient
ces esprits aventureux, c’est la ruine de toute morale et de
toute discipline. — Le professeur abordera, l’an prochain,
l’histoire de l’Eglise au XVIIIe siècle.
Une nouvelle année scolaire va s’ouvrir pour nous; nous
allons reprendre nos travaux, nous renfermant, comme de
passé, dans les limites de nos programmes. Dévoués à la
science religieuse, nous la cultivons paisiblement, désireux
d’affermir de sincères et loyales convictions ; et cet objet nous
suffit; en effet, quel plus vaste champ que celui des SaintesEcritures où sont rassemblées les plus respectables traditions
dupassé et les enseignements d’une morale élevée; quel intérêt
plus pressant que celui qui s’attache à l’histoire de nos dogmes,
de notre discipline et des grands écrivains qui l’ont défendue !
Surtout, Messieurs, quand, tout à coté de l’histoire reli
gieuse, nous touchons inévitablement aux annales glorieuses
de notre pays; et nous ne méconnaissons jamais cet intéres
sant voisinage ; en parlant des gloires de l’Eglise, nous n’ou
blions jamais celles de la Patrie ; devant notre jeune auditoire
�comme en présence du public, si nous rappelons l’immortel
avenir de l’humanité, nous savons montrer aussi les destinées
promises à notre chère France I Avec les vertus chrétiennes,
nous prêchons toujours les vertus civiles et les nobles devoirs
qu’impose le patriotisme. — En un mot, hommes de paix et
de conciliation, notre vœu le plus cher est de voir toutes les
grandes choses d’ici-has s’unir dans un commun effort pour
le bien de l’humanité : la philosophie et la théologie, la re
ligion et les beaux-arts, et par-dessous tout comme un cou
ronnement glorieux, l’Eglise et la civilisation française.
C’est avec confiance que nous demandons au Conseil aca
démique de nous accorder le crédit demandé.
RAPPORT DE M. ALFRED JOURDAN
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs .
La Faculté de droit a reçu de notables accroissements
pendant l’année scolaire 1880-1881.
Lanouvelle organisation de la licence a entraîné la créa
tion de deux cours nouveaux : en première année, le cours
d’histoire générale du droit français; en troisième année, le
cours de droit international privé. Ainsi, dans chaque année,
il y a quatre cours réglementaires. Si on joint à cela les trois
cours complémentaires de droit maritime, d’enregistrement
et notariat, d’histoire du droit et le cours de Pandectes qui
s’adressent spécialement aux aspirants au doctorat, et les
conférences facultatives pour les élèves des trois années, on
arrive à un total de cinquante leçons par semaine. Il y a de
quoi exciter et satisfaire le désir de s’instruire.
Cette extension du programme d’enseignement a eu pour
conséquence naturelle une augmentation du personnel en
seignant. M. Turgeon, agrégé, issu du dernier concours, a été
attaché à la Faculté de droit d’ Vi\.et chargé du cours île droit
�international privé. M. Martin, docteur en droit, qui a pris
part au meme concours, que d’excellentes épreuves d’ad
missibilité semblaient désigner pour un succès définitif, a
été chargé, à litre provisoire, des fonctions d’agrégé. Le
compliment de bienvenue que j’adresse à ces jeunes collègues
n’est pas simplement affaire de courtoisie. J ’ai été leur juge;
pendant deux mois, je les ai vus à l’œuvre ; je puis attester,
en connaissance de cause, que l’un et l’autre possèdent les
qualités essentielles de fond et de forme qui font le profes
seur, et je ne crains pas d’ajouter que, si cela n’eût dépendu
que de mon vote, M. Martin eût été du petit nombre des
élus, et que M. Turgeon, dont le succès n été complet, aurait
obtenu un rang supérieur à celui que lui a assigné la fortune
des scrutins.
Les accroissements qu’a reçus la Faculté de droit ont été
considérables dans l’ordre matériel. L’année dernière, à pa
reille époque, les grands travaux de restauration étaient
accomplis; ils viennent de recevoir tous les compléments
désirables. L’élégante sculpture, qui décore le fronton de
l'édifice, était à peine ébauchée. File est aujourd’hui terminée.
Elle fait honneur à notre compatriote M. Ferrât. Il a tiré le
meilleur parti de ces pierres qui, depuis, un siècle, atten
daient le ciseau du sculpteur.
Un dernier crédit que nous devons à la libéralité de M. le
Ministre de l’instruction publique, a permis à M. l’architecte
Huot d’achever son œuvre en renouvelant ou complétant le
mobilier des pièces réservées aux professeurs, la salle des dé
libérations, le cabinet du doyen et le vestiaire.
La bibliothèque universitaire est aujourd’hui le patrimoine
commun des trois Facultés de théologie, de droit et des
lettres, mais, puisqu’elle est installée dans les bâtiments de
la Faculté de droit, parmettez-moi de dire que cette installa-
— 33 —
tion ne laisse rien à désirer, et que ce résultat est dû au zèle
intelligent de M. le bibliothécaire Capdenat.
Si, dans la journée d’hier, les professeurs et le doven de
la Faculté de droit d’Aix avaient eu la bonne fortune de
faire les honneurs de leur maison à M. le Recteur et à leurs
collègues des autres facultés, vous n’auriez certes pas trouvé
chez nous un empressement plus cordial qu’à la Faculté des
sciences de Marseille; mais le plus aimable doyen du monde
ne peut donner que ce qu’il a... Nous étions en mesure de
vous offrir, au point de vue purement matériel, une hospi
talité plus digne de vous: et notamment, au lieu d’un am
phithéâlre coupé de gradins, de tables, de barricades, empê
chant toute circulation et vous condamnant, pour la plupart,
à un disgracieux et incommode entassement, un confortable
salon d’attente, décoré avec une austère élégance, d’où on se
rend,non point par un étroit escalier de service, mais par un
corridor spacieux, à la vaste salle que vous connaissez, salle
assez vaste pour contenir, même en plus grand nombre que
nous ne les avons vues hier, à Marseille, les personnes dis
tinguées que nous convions à venir ajouter, par leur pré
sence, à l’éclat de nos solennités académiques.
Un nombre plus considérable d’élèves a-t-il correspondu à
tant d’accroissements dans le personnel du corps enseignant
et dans l’outillage ? Il faut distinguer :
Dans l’année qui vient de s’écouler (1880-1881), nos cours
ont été assidûment fréquentés par un nombre d’élèves plus
considérables que l’année précédente (1879-1880).
Mais si je compare le relevé des inscriptions pour ces deux
mêmes années, je vois que nous avons eu moins d’inscrip
tions en 1880-1881 qu’en 1879-1880, c'est-à-dire 1076
contre 1108, soit 32 inscriptions de moins.
Ces résultats sont-ils contradictoires ? Nullement. Tous les
3
�— 35 —
étudiants domiciliés en Algérie étaient , de plein droit, dis
pensés, et se dispensaient en effet de l’assiduité au cours.
Voilà vingt à trente Algériens qui ont cessé de surcharger nos
registres d’inutiles inscriptions : que nous importe ?
Je constate encore, à l'avantage de la dernière année sur
la précédente que, avec un nombre d’inscriptions moindre,
nous trouvons un nombre d’inscriptions de doctorat supé
rieur : 73 contre 59.
Nous avons été en mesure d’apprécier la valeur des modi
fications introduitesdans les épreuves exigées pour la licence,
et sur lesquelles vous avez été consultés précédemment.
L’événement a confirmé nos prévisions. Il est certain que les
élèves considèrent le double examen de fin d’année comme
une épreuve plus sérieuse que les examens de l'ancien sys
tème. C’est à cela que je crois pouvoir attribuer une fréquen
tation plus assidue des cours, alors que le nombre des ins
criptions a notablement diminué. La première année de
1880-1881, qui a été soumise en entier au nouveau régime
d’examens, a été une des meilleures que j’ai vues à la Fa
culté.
Les maîtres ont donné, comme toujours, le bon exemple
aux élèves. Les cours règlementaires et complémentaires, les
conférences et exercices, se succèdent sans interruption.
Plusieurs de nos collègues trouvent le temps de publier d’im
portants travaux. M. Laurin a publié son Traité des assu
rances en deux volumes. M. Naquet vient de publier, en
trois volumes, un Traité théorique et pratique des droits d'en
registrement. M. Gautier a publié le premier fascicule d’une
Histoire du droit. Enfin, M. Alfred Jourdan, doyen de la
Faculté, vient de livrer à l’impression un Cours d'économie
politique.
ANNÉE SCOLAIRE I[S8 0 -1 8 8 1
\,r examen de Baccalauréat
K AdiDfS Ajournés Total
(ANCIEN PROGRAMME)
Eloge..........................
Majorité ou égalité de blanches.
Minorité de blanches................
Totalité de rouges....................
Rouges et noires......................
Ajournements............................
1" examen de Baccalauréat
(nouveau prog.) 1 r* partie
Eloge........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches
Totalité de rouges ...
Rouges et noires
Ajournements............
l*r examen de Baccalauréat
(nouveau pr o o .) 2 " partie
Eloge........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches.
Totalité de rouges...
Rouges et noires....
Ajournements............
examen de Baccalauréat
2
5
4 28
21
7
28
56
55
3
56
17
10
/j 56
52
4
56
3
7
13
10
M
9
56
47
9
56
10
7
8
19
12
6
8
3
10
(ANCIEN PROGRAMME)
Eloge..........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches.
Totalité de rouges...
Rouges et noires....
Ajournements.
2“* examen de B accalau réat
(NOUVEAU PROG.) l r* partie
Eloge...................................
Majorité de bianches.........................
Minorité de blanches.....................
Totalité de rouges.............................
Rouges et noires.................................
Ajournements..........................
A reporter. ..
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l
17
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27 J117
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36
—
—
Examinés Admis Vjonrnés Total
217 190 27 217
R eport. ..
2m' examen de B a c c a la u ré a t
(nouvbaü PROG.) 2m" partie
Eloge ...............................
Majorité de blanches.......................
Minorité de blanches......................
Totalité de rouges...........................
Ajournements..................................
Examen de C apacité
Eloge ..............................
Majorité ou égalité de blanches---Minorité de blanches......................
Totalité de rouges......................
Rouges et noires.............................
Ajournements..................................
l*r examen de L icence
Eloge ................................
Majorité ou égalité de blanches---Totalité de rouges..........................
Rouges et noires............................
Ajournements..................................
2“' examen de L icence
Eloge................................
Majorité ou égalité de blanches---Minorité de blanches......................
Totalité de rouges...........................
Rouges et noires............................
Ajournements..................................
T hèse de L icence
Eloge..............................
Majorité ou égalité de blanches...
Minorité de blanches......................
Totalité de rouges..........................
Rouges et noires.............................
Ajournements ................................
2)
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A reporter___ . , . . .
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R eport. .
1" examen de D o cto rat
Eloge................................
Quatre boules blanches et une blanche-rouge.....................................
Quatre blanches et une rouge....
Trois blanches, une blanche-rouge
et une rouge................................
Trois blanches et deux rouges . .. .
Trois blanches, une rouge et une
rouge-noire..................................
Ajournements..................................
2“' examen de D o cto rat
Eloge................................
Quatre blanches et une blancherouge............................................
Quatre blanches et une rouge.......
Trois blanches, une blanche-rouge
et une rouge................................
Trois blanches et deux rouges....
Trois blanches, une rouge et une
rouge-noire.................................
Ajournements..................................
T hèse de D o cto rat
Eloge................................
Quatre blanches et une rouge........
Trois blanches une blanche-rouge
et une rouge................................
Trois blanches et trois rouges........
Ajournements.................. 7.............
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T> 1z
------ —
436 378 38 436
—
Examioés Admis Ajournes Total
436 378 f i 436
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1
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1
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4
1
5
5
472 : 405
67 472
�R E L E V É DE S I N S C R I P T I O N S
P rises pendant l’année scolaire 1 8 8 0 -1 8 8 1 .
Trimestrede novembre 1880 . . . .
» de janvier 1880............
» d’avril 1881...................
» de juillet 1881 .............
29*7
287
255
237
RAPPORT
DE M. G A U T I E R
P R O F E S S E U R A LA F AC UL T É DE DROI T
Total................ 1076
Monsieur
R épartition d es in scrip tion s p rises :
«
Pour la capacité............................. 59
» le baccalauréat...................... 655
» la licence............................... 289
» le dotorat............................... 73
le
R ecteur ,
Messieurs ,
Je suis chargé, au nom de la Faculté de Droit, de procla
mer devant vous les noms des lauréats qui ont été couronnés
dans les concours de la dernière année scolaire. L’usage veut
cjue chaque année il soit rendu compte de ces concours en
séance publique, et, si la solennité de cette assemblée ne
peimet pas une critique minutieuse el détaillée des travaux
qui ont été jugés dignes de récompense,elle a ce grand avan
tage de montrer à nos jeunes étudiants l’intérêt qui s’attache
a leurs travaux et la sollicitude que nous portons tous à cette
jeunesse qui est la tleur et l’espoir de la Patrie. Je me con-'
tenterai d ailleurs de présenter, le plus sommairement pos
sible, les observations que suggère l’examen des composi
tions qui ont été couronnées.
Le sujet qui a été attribué par le sort aux étudiants de pre
mière année était conçu : De /’émancipation en droit romain
et m droit français. Cette matière permettait aux étudiants
d*j bien mettre en relief les différences entre les deux légis
�— 40 —
huions. Ils avaient à faire ressortir comment, dans le droit
romain, où la puissance paternelle était regardée comme un
droit rigoureux établi dans l’intérêt du père de famille et se
prolongeant jusqu’à sa mort, l’émancipation avait pour objet
d’expulser delà famille un membre indigne, ou de permettre
au iils d’acquérir pour son propre compte, tandis que dans
la législation française, plus rapprochée en cela des in
dications de la nature, et où la puissance paternelle n’est plus
considérée que comme un devoir de protection et de sur
veillance, l’émancipation n’a qu’une importance très res
treinte et n’est plus qu’un moyen de donner aux mineurs
une capacité suffisante pour les initier aux affaires.
Sept compositions nous ont été remises, la plupart renfer
mant des erreurs graves ou des développements incomplets.
Toutefois, deux d’entre elles ont paru à la commission chargée
de les examiner dignes de récompense, mais aucune n’avait
sur l’autre une supériorité marquée. L’une, mieux écrite, pré
sentait de graves lacunes ; l'autre renfermait, il est vrai, une
erreur peu excusable, mais donnait plus de développements,
et laissait supposer chez son auteur une connaissance plus
approfondie de la matière. La Faculté, pensant que ces qua
lités et ces défauts se faisaient équilibre, a décerné un pre
mier prix ex œquo aux auteurs de ces deux compositions,
MM. Brunet et Vidal-Naquet. Une première mention a été
accordée à M. Pangalo, pour un travail qui n’est pas sans
mérite, mais qui est sensiblement au-dessous des précé
dents .
En seconde année, les candidats avaient à traiter des Do
nations de biens à venir par contrat de mariage et de la do
nation cumulative de biens présents et à venir.
Montrer par quel procédé ingénieux les rédacteurs du
Code civil ont su encourager les donations fai tes en faveur du
mariage, tout en respectant les scrupules des donateurs qui
hésiteraient à se dépouiller de leur vivant, tel était le sujet de
cette composition, sujet délicat sans doute, et dans lequel les
concurrents pouvaient à l’envi faire preuve de discernement
et de sagacité juridique. Celte matière eut d’ailleurs large
ment gagné en étendue et en intérêt, si, jetant un regard sur
le passé, nos jeunes gens avaient rappelé le rôle si considéra
ble que jouaient, dans notre ancien droit, ces donations de
biens à venir qui, sous les formes les plus diverses et no
tamment par les désignations de fils aîné et héritier princi
pal, étaient l’une des institutions les plus caractéristiques d’un
état social fondé sur le privilège ; mais je ne saurais faire un
reproche aux étudiants de seconde année de n’avoir pas
donné, sur ce point, des développements qui ne rentraient
point dans le cadre de leurs cours.
Neuf concurrents se sont présentés, et, sur ce nombre,
cinq ont mérité, à des degrés divers, les récompenses dont la
Faculté dispose. Comme en première année, l’attribution du
premier prix a un peu embarrassé les juges. Deux com
positions étaient supérieures à toutes les autres, celles de
MM. Doutreleau et Chaouki. Le premier, dans une forme
nette, dégagée, qui fixe l'attention à première vue, a fort
bien exposé la matière, mais a laissé échapper quelques
inexactitudes regrettables ; le second nous a présenté un
travail très complet, ne contenant pas les mêmes défauts,
mais d’une rédaction moins nette et moins précise. Aussi, la
Faculté, tenant scrupuleusement compte de ces mérites di
vers, a-t-elle accordé à MM. Doutreleau et Chaouki un pre
mier prix ex œquo, confondant ainsi dans un même
triomphales deux adversairsqui avaient si vaillamment com
battu. Nous sommes heureux de décerner cette haute ré
compense à l’un des élèves les plus distingués de cette co-
�— 42 —
Ionie égyptienne, qui est unie à la Faculté d’Aix par des liens
si étroits, et dont nous voyons avec un légitime orgueil les
anciens membres occuper aujourd’hui des fondions élevées
dans la magistrature et l’administration de l’Egypte. L’Occi
dent et l’Orient ont donc rivalisé d’ardeur pour se disputer
uos pacifiques couronnes. Heureuses compétitions, croisades
véritablement saintes que celles qui n’ont d’autre objet que
de lutter ensemble pour arriver à la possession commune de
la science et de Injustice, et pour laquelle chrétiens et mu
sulmans sont désormais confondus 1
Un second prix a été décerné à M. de Vallavieille pour un
travail dont certaines parties sont fort bonnes, mais qui est
moins complet que les précédents. M. de Valavieille s’était,
l’année dernière, placé au premier rang, et sans doute les
circonstances douloureuses qui l’ont arraché un moment à
ses éludes l’ont seules empêché de se maintenir à la
même hauteur. Mais la Faculté connaît et apprécie le mérite
de son jeune lauréat, et elle ne doute pas de le trouver, à la
fin de la troisième année, parmi les premiers de ses concours.
Une première mention a été décernée à M. Massot pour
une composition dont le style est original, mais qui contient
quelques graves erreurs ; une seconde à M. Jacquinet pour
un travail, peu développé sans doute, mais dans lequel la
Faculté toute entière a trouvé de l’exactitude et une suffi
sante netteté.
J ’arrive aux concours de troisième année, et ceux-ci sont
de deux sortes, l’une porte sur le droit romain, l’autre sur le
droit civil. Du droit romain d’abord, je n’ai pas grand chose
à dire. Un seul concurrent s’est présenté et nous a remis un
travail dont, malgré le bon vouloir de la commission qui l’a
examiné, la valeur était insuffisante pour mériter une ré
compense. Voilà bien des années que ce concours de droit
romain donne de médiocres résultats. La faute en est sans
doute au zèle modéré des étudiants pour celle partie de la
science, mais, soyons juste, elle est bien un peu aussi au rè
glement qui a placé, en troisième année, pendant la période
de préparation des derniers examens de licence, une compo
sition qui porte sur les matières d’un cours de seconde an
née. Heureusement, il est question île faire disparaître ce
règlement malencontreux, et le concours de droit romain,
remisa sa véritable place, brillera sans doute dans l’avenir
d’un éclat d’autant plus vif qu’il a été plus médiocre et plus
terne dans le passé.
Pour le concours de droit français, les candidats avaient à
traiter du principe de la publicité des hypothèques et des excep
tions qu’il reçoit en ce qui concerne l'hypothèque légale des mi
neurs et interdits et celle de la femme mariée. Un tel sujet
était vaste et ne manquait pas d’intérêt, s’il est vrai qu’une
bonne organisation du régime hypothécaire soit une condi
tion essentielle du développement du crédit immobilier, et
par suite d’un des éléments principaux de la richesse pu
blique.
Six copies nous ont été remises. Quatre ont été écartées
comme se tenant en dehors du sujet, et renfermant de graves
inexactitudes. Un premier prix a été accordé, sans hésita
tion, àM. Bergasse pour un travail qui est très net,suffisam
ment complet, et ne contient pas d’erreur notable. Une pre
mière mention seulement, a été donnée à M. Pradelle pour
une composition qui n’est pas sans valeur, mais dans laquelle
les explications relatives au rang des hypothèques légales
ont été complètement sacrifiées.
J’arrive au concours de doctoral, et ici je me trouve en
présence, non de sujets qui doivent être traités hâtivement
en quelques heures, mais d’une question sur laquelle nos
�- 45 -
jeunes aspirants au doctorat sont appelés à réfléchir pendant
toute une année, avant de nous donner le résultat de leurs
méditations. Rien 11 e vaut, à mon sens, un semblable travailt
et je ne saurais trop engager nos jeunes docteurs à entre
prendre en plus grand nombre la préparation de ces concours.
En concentrant leurs efforts sur une matière déterminée, ils
apprennent, et c’est ce qui importe, à faire œuvre person
nelle; ils développent en eux le sens et l’intelligence de l’his
toire ensuivant à travers les âges les vicissitudes d’une ins
titution; ils aiguisent leur dialectique dans la discussion des
controverses; ils exercent enfin leurs facultés critiques en
comparant notre législation à celle des autres peuples, com
paraison toujours féconde en enseignements précieux.
Le sujet agréé par le ministre de l’instruction publique
pour le concours de l’année dernière était ainsi formulé :
Des associations syndicales en matière de travaux d’intérêt
commun, loi du 2/ juin (865, historique, commentaire,
critique. Celte matière importante 11 ’a pas encore beaucoup
attiré jusqu’ici l’attention des jurisconsultes qui, suivant en
cela le courant du siècle, ont plutôt dirigé leurs efforts vers
les sociétés commerciales et industrielles et laissé un peu dans
l’ombre ce qui louche aux associations agricoles. Certes, l’as
sociation a produit dans l’industrie des résultats merveilleux;
en permettant l’accumulation de capitaux énormes, elle a dé
veloppé dans des proportions prodigieuses les moyens de
crédit, elle a sillonné l’Europe de chemins de fer, percé les
montagnes, rapproché les mers et bientôt deux océans, et,
pourtant, elle n’a joué jusqu’ici qu’un rôle bien modeste en
matière agricole. N’est-elle pas, cependant, appelée à rendre
de grands services, surtout dans les pays où, comme dans le
nôtre, domine la petite propriété? Qu’un riche propriétaire
anglaisait besoin dans ses vastes domaines de drainer ses
terres humides, de dessécher ses marais, de construire des
canaux pour arroser ses prairies, il possède par lui-même les
ressources, ou tout au moins le crédit, qui lui permettront de
réaliser ses desseins; mais dans un pays comme la France, où
Indivision, et l’on pourrait dire l’émiettement du sol, sont
poussés si loin, que peut faire le petit propriétaire, sans res
sources personnelles, sans crédit, se heurtant à l’indiffé
rence ou au mauvais vouloir de ses voisins, s’il leur propose
d’entreprendre quelques travaux d’utilité commune ? L’as
sociation ne se présente-t-elle pas dès lors comme un correctif
nécessaire de la division du sol ? Ne nous offre-t-elle pas le
moyen de conserver les avantages que présente la petite pro
priété, dont on peut dire avec raison qu’elle sert de lest à
notre société démocratique en intéressant des milliers d’in
dividus à la conservation sociale, et d’obtenir, d’autre part,
les bienfaits de la grande culture, qui permet l’emploi des
machines et la création en canaux, en digues, en tuyaux de
drainage, de l’outillage nécessaire pour développer la fé
condité du sol et en tirer toute l’utilité dont il est suscep
tible ?
Un tel sujet, on le voit, ne manquait pas d’attraits; et
pourtant il ne paraît pas avoir tenté un grand nombre de nos
jeunes docteurs. Un seul mémoire nous a été remis, et, à
l’épigraphe qu’il portait, cedant arma togæ, nous avons com
pris que nous étions en présence d’un de nos jeunes étu
diants, momentanément séparé de la Faculté par les obliga
tions du service militaire, mais sachant à la fois accomplir ses
devoirs de citoyen et trouver encore du temps pour les aus
tères éludes du droit.
L’auteur de ce mémoire, après un aperçu général sur le
rôle et la nature économique des associations syndicales, en
retrace en quelques pages l'historique, recherche quels sont
�— 46 —
les travaux en vue desquels elles peuvent être formées, et
entre ensuite dans le commentaire de la loi de 1865, en exa
minant successivement les associations syndicales libres et
les associations autorisées.
Ce travail nous a paru nettement conçu, bien divisé, au
courant delà jurisprudence la plus récente, et si l’auteur a
m isa profil les publications antérieures qui ont été faites sur
le meme sujet, son œuvre porte en maint endroit la trace de
recherches personnelles et d’observations originales. L’idée
dominante du mémoire que l’auteur met en pleine lumière,
et qui lui sert à résoudre les questions parfois si délicates que
les lacunes et les imperfections de la loi ont fait soulever,
c’est qu’il convient d’accorder aux associés une liberté aussi
complète que possible pour tout ce qui regarde l’objet de
l’association, tout en sauvegardant étroitement les intérêts
des tiers. Je ne saurais, sans excéder les limites de ce rap
port, entrer dans l’examen détaillé de ce mémoire, qui a plus
de 300 pages compactes. Pour ma part, j’aurais voulu plus
complets lesdéveloppemenls donnés dans la partie historique
à ces curieuses communautés serviles du moyen âge, qui ont
joué un rôle si intéressant dans l’histoire de notre droit;
j’aurais peut-être désiré un peu plus de netteté dans la dé
termination des attributions respectives du directeur, des
syndics et de l’assemblée générale dans les associations au
torisées ; mais, je me hâte de dire que ce sont là des taches
légères dans un travail dont l’ensemble est excellent, et qui
nous donne une œuvre complète sur une matière importante
et peu étudiée jusqu’ici. Aussi, la Faculté a-t-elle estimé ce
mémoire digne de la plus haute récompense dont elle dispose
et décerné à son auteur la première médaille de doctorat. En
déchirant le pli qui recouvrait le nom du vainqueur, elle a
été heureuse de trouver le nom d’un de ses élèves les plus
- 47 -
distingués, d’un des lauréats habituels de ses concours de
licence, M. Henri Segond. Que le brillant succès remporté
par notre jeune docteur soit pour lui d’un heureux présage à
son entrée dans la carrière ! Quelle que soit la profession vers
laquelle le dirigeront ses préférences, le souvenir de la dis
tinction qu’il a méritée aujourd’hui le suivra comme un vé
ritable titre d’honneur, comme un précieux témoignage d’in
telligence et de savoir.
J ’ai épuisé, Messieurs, la liste de nos récompenses. Puisse
l’exemple de leurs camarades les plus intelligents et les plus
laborieux stimuler le zèle de nos jeunes gens et les amener
plus nombreux et mieux préparés à de nouveaux concours I
Qu'ils s’associent à ce mouvement qui paraît, de nos jours,
devoir imprimer à la science du droit une impulsion nou
velle et féconde ! Depuis quelques années, il semble que le
cercle des études juridiques se soit agrandi. L’enseignement
du droit ne consiste plus seulement dans l’étude, essentielle
sans doute, mais peut-être un peu étroite, des textes et des
controverses auxquelles ils ont donné lieu. Déjà, l’économie
politique permet à nos jeunes auditeurs d’envisager les lois
auxquelles obéit le développement des sociétés au point de
vue delà production eid e la distribution de la richesse;
l’histoire du droit, en leur faisant rechercher et suivre à
travers les âges les origines de nos institutions, les amènera
à mieux apprécier les motifs et le caractère de la législation
actuelle et à reconnaître en elle le produit d’une évolution
manifeste ; le droit international va porter leur attention sur
ces rapports de peuple à peuple qui sont aujourd’hui si fré
quents et pour lesquels, en dépit de tant de causes de dis
corde, s’élaborent néanmoins lentement des principes nou
veaux. Profilez, Messieurs les étudiants, des facilités nou
velles qui vous sont données pour étendre le champ de vos
�— 48 —
éludes; abreuvez-vous à ces sources fécondes d’éruditionel
de savoir : secondez par votre zèle et par une assiduité in
telligente les efforts de vos maîtres. Après de semblables
études, vous entrerez dans la pratique, ayant du droit el du
rôle qu’il joue dans la société une idée plus haute, et la
France aura en vous des enfants dignes d’elle, des hommes
véritablement instruits el éclairés.
R A P P O R T DE M. R E B O U L
DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENGES
Momsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Le rapport annuel dont je suis chargé se réduira à l’exposé
des affaires qu’il vous importe de connaître.
La nature du sujet aussi bien que mes habitudes profes
sionnelles expliquent et motivent une concision dont vous
me saurez certainement gré.
Nos leçons, cours publics ou conférences, ont eu lieu pendont toute l’année avec la plus grande régularité.
Les cours publics, ceux des sciences mathématiques ex
ceptés, ont été, comme d’habitude , fort suivis par une
moyenne de 300 à 350 auditeurs. S’adressant à un public
nécessairement hétérogène, cet enseignement ne peut qu’ex
poser la science dans ses grandes lignes et faire connaître
ceux de ses progrès qui ont été l’objet d’applications impor
tantes. On y choisit ce qu’il y a de particulièrement intéres
sant ou de facilement abordable et on a soin d’éviter les
difficultés. Essentiellement vulgarisateurs et rendaut toute
fois des services que je suis loin de méconnaître, ces cours
4
�— 50 —
sont cependant beaucoup moins sérieux et utiles que ceux
qui, sous le nom impropre et modeste de conférences, sont
réserves à des auditeurs choisis, destinés à faire à leur tour,
et à courte échéance, des élèves et à répandre dans le pays
les bienfaits inestimables de l’instruction.
Ces conférences ont été suivies durant toute l’année
scolaire 1880-1881 par un personnel inscrit de 40 auditeurs
se préparant aux diverses licences et composé de 12 boursiers
(dont un pour l’agrégation des sciences physiques), de 4
maîtres auxiliaires, de 8 maîtres répétiteurs et de 16
étudiants libres.
Sur ces 1 1 boursiers de licence, 7 se sont présentés
au grade et 6 ont été reçus. I/un, M. Roule, avec la mention
très bien ; un second, M. Lavigne, avec la note bien; les 4
autres avec la note assez bien. Un seul a été ajourné, mais
il vient de réparer récemment son échec accidentel du mois
de juillet dernier.
Les quatre boursiers qui ne se sont pas présentés étaient
tous de première année. Ils ne se sont pas considérés comme
suffisamment prêts et se sont abstenus. Ils ont bien fait. Hui1
mois de préparation, même bien employés, sont un délai
trop court, pour n’importe laquelle de nos licences. C’est un
tour de force qui ne doit pas être encouragé.
En somme au bout de deux ans au plus tous nos boursiers
deviennnenl de bons licenciés. Cette excellente institution
porte donc les fruits qu’on était en droit d’en attendre. Les
résultats, très satisfaisants déjà pour l’année qui vient de
s’écouler, le seront encore plus je l’espère l’année prochaine,
le nombre de nos bourses venant d’être à peu près doublé
par suite de la libéralité de l’Etat d’une part et celle du con
seil général des Bouches-du-Rhône et du conseil municipal
de Marseille d’autre part. L’Etat nous donne, en effet, pour
1881-1882, 10 bourses et 4 demi-bourses de licence, et
2 bourses d’agrégation ; le Conseil général et le Conseil
municipal, sur ma demande motivée, chacun 2 bourses
de licence. Total 20. Je prie ceux de nos collègues qui re
présentent ces deux corps administratifs au sein de cette
assemblée de vouloir bien leur transmettre, au sujet de cette
nouvelle preuve du haut intérêt qu’ils portent au développe
ment et à la diffusion de l’enseignement supérieur, l’expres
sion de mes plus vifs remerciements, auxquels voudra bien
s’associer, sans nul doute, le Conseil académique tout entier.
Les préparations à la licence, les cours publics et les travaux
originaux constituent pour chacun de nous une tâche déjà
assez lourde pour qu’il eût été possible de l’accroître encore
par l’installation spéciale de nouvelles leçons destinées aux
aspirants à l’agrégation. Dès le commencement de la dernière
année scolaire, un premier pas a été fait dans la voie de
l’augmentation du personnel, augmentation reconnue néces
saire par le Ministre dans sa circulaire du Ier octobre 1880.
La nomination de M. Macé de Lépinay comme maître de
conférences de physique nous a permis de pouvoir préparer à
l’agrégation correspondante. Une bourse d’agrégation était
donnée à M. Sirguey, qui malheureusement s’est vu obligé,
pour raisons de famille, d’y renoncer au mois de juillet der
nier.
Ce que l’Etat avait fait pour la physique il vient de le faire
ou à peu près pour trois autres chaires en créant près la
Faculté de Marseille, un cours complémentaire de chimie
industrielle qui a été confié à M. Morges, un de zoologie et
histologie dont il a chargé M. Jourdan, et enfin un troisième
de botanique dont M. Fauchon est chargé. Chacun de ces
jeunes docteurs fera par semaine une leçon publique et une
conférence. Nommés par arrêté ministériel, en date du 16
�mai 1880, c'est-à-dire uq mois el demi à peine avant l’époque
de nos examens, il n’y avait pas à songer à installer pour un
délai aussi restreint les cours publics qui leur sont confiés.
En faisant deux conférences par semaine jusqu’au 1er juillet
et en prenant une certaine partie du fardeau des examens
du baccalauréat, nos jeunes collègues nous ont prêté un con
cours utile dont je tiens à les remercier.
MM. Pauchon, Jourdan et Morges, dont je signalais les
thèses de doctorat dans mon précédent rapport, sont tous les
trois des élèves de la Faculté. Elle les connaît depuis long
temps et sait apprécier leur valeur. C’est avec plaisir qu’elle
se les est vu atttacher de plus près. Ils sont les bienvenus
parmi nous.
L’enseignement des sciences physiques et naturelles se
trouve donc à présent bien doté. Il ne reste qu’une lacune
(j’écrivais ceci avant hier) qui, je l’espère, sera bientôt
comblée. Elle est relative à la section mathématique, pour
laquelle il nous faudrait un maître de conférences. D’accord
avec M. le Recteur, j’ai demandé qu’on complétai notre orga
nisation par l’annexion d’un maître distingué que nous avons
recommandé au choix du ministre. Si nous sommes écoulés
il peut savoir dès à présent, car il entend les paroles que je
prononce, qu’il peut compter sur le meilleur des accueils.
Messieurs, ce qui hier n’était qu’une espérance est devenu
aujourd’hui une réalité. M. Amigues, professeur de mathé
matiques spéciales au lycée, vient d’être chargé de conféren
ces de mathématiques à la Faculté.
Si le nombre de nos leçons, telles qu’elles sont déjà
installées, est largement suffisant pour les diverses exigences
de notre enseignement, les locaux dont nous disposons
sont beaucoup trop exigus. 37 cours ou conférences
augmentés des 12 qui sont faits jusqu'à Pâques par nos
- Mcollègues d’Aix, constituent un total de 49 leçons par semaine
pour nos deux amphithéâtres. Une pareille condensation
serait impossible si la moitié au moins de nos conférences
ne se faisait dans les laboratoires, ce qui est souvent peu
commode et parfois fort gênant. Remarquons en outre que
les cours publics de physique, de chimie, d’histoire naturelle
qui ont lieu dans le grand amphithéâtre ne sauraient être as
similés à des cours littéraires, de droit, de théologie, de
mathématiques. Il suffit pour ceux-ci que l’amphithéâtre soit
libre une demi-heure avant la leçon, tandis que pour les
premiers il faudrait une journée entière afin d’installer con
venablement les expériences, monter et régler les appareils,
etc., et souvent nous ne disposons que de deux ou trois
heures. Aussi sommes-nous forcés de beaucoup écourter la
partie expérimentale, ce qui est fâcheux.
Un semblable état de choses ne saurait se prolonger long
temps. Je croyais pouvoir vous annoncer aujourd’hui qu’il
allait incessamment prendre fin par suite du concours simul
tané de la ville et de l’Etal. J ’ai dù renonce)1momentanément
à cet espoir. Des difficultés de plus d’un genre ont surgi tant
pour l’agrandissement de la Faculté que pour la construc
tion du laboratoire de zoologie marine. Je m’efforcerai de
les applanir.
Licences. — J ’arrive aux examens et je commence par
ceux de licence. 18 candidats se sont présentés : 10 pour les
mathématiques, 4 pour les sciences physiques, 4 pour les
sciences naturelles. 8 ont été reçus, MM. Gérard et Roule
avec la note très bien, M. Lavigne avec la mention bien, les
5 autres avec la note assez bien. Ces résultats, mauvais dans
leur ensemble, sont au contraire très satisfaisants pour les
boursiers qui, sur 7 présentés, ont été reçus au nombre de 6
comme je l’ai dit plus haut.
�- 54 —
Baccalauréat complet. — 279 candidats. 95 admis, dont
2 avec bien, et 30 assez bien; le reste avec passable. Propor
tion 34 0|0. Le nombre des candidats a diminué de 23. Une
diminution plus regrettable est à constater dans la proportion
des admissions qui depuis 3 ans suit une progression décrois
sante ; d’abord 43 0|0, puis 39 0|0, enfin cette année 34 0(0.
Baccalauréat restreint. — 07 candidats, 26 reçus. Pro
portion 39 0|0. Même remarque. — L’an dernier 46 0|0.
Contribuer, chaque année, par leurs travaux particuliers,
aux progrès de la science, est un devoir auquel les membres
de notre Faculté n’ont jamais manqué. J ’ai consigné à la fin
de ce rapport la liste nombreuse des mémoires ou des livres
publiés par eux cette année.
Je ne veux pas terminer ce compte-rendu sans adresser ici
le juste tribut de regrets que nous devons au ministre qui a
tant fait pour le développement et l’amélioration de l’ensei
gnement à tous ses degrés et aussi pour ceux qui en sont
chargés. L’impulsion que M. Jules Ferry a donné sera féconde
et son successeur ne manquera pas de la confirmer dans la
même direction. Nous en avons pour garant les paroles que
M. le ministre actuel de l’instruction publique a prononcées
lorsqu’il a reçu le 23 novembre dernier, dans les salons de
la rue de Grenelle, le personnel de tous les services extérieurs
relevant de son département. Il résulte du langage qu’il a
tenu aux diverses députations qui se sont présentées « qu’il
est décidé à marcher dans la voie ouverte par son prédéces
seur en travaillant dans le même esprit progressif et prudent
que par le passé. » Il ajoute plus loin « qu’il ne veut eu
rien ébranler l’édifice universitaire qu’on a eu tant de peine
à construire. » L’éminent physiologiste, actuellement grand
maître de l’UniversiLé, que nous nommions, récemment
encore, notre représentant au Conseil supérieur, sait par
- 55
conséquent qu’il possède notre confiance et qu’il peut compter
sur notre concours dévoué.
Distinctions honorifiques :
Par arrêté m inistériel, en date du 5 janvier 1881 ,
M. Dieulafait, professeur de géologie et de minéralogie à la
Faculté des sciences de Marseille, a été nommé officier de
l’instruction publique.
Dans le premier semestre de l’année 1881 ont été nommés
officiers d’académie : MM.
Stéphan, professeur d’astronomie à la Faculté, directeur
de l’Observaloire;
J ourdan, chargé d’un cours complémentaire de zoologie
et d’histologie ;
Enfin M. Vayssière, préparateur de zoologie, s’est vu
décerner cette année par l’Institut le prix Thore pour son
travail sur les métamorphoses du prosopystomum.
LISTE des travaux publiés par le personnel de la Faculté
des Sciences, pendant l’année scolaire 1880-1881.
M. l’abbé Aoust, professeur d’analyse :
Des bissectrices d’un réseau de lignes tracées sur une surface quel
conque (Journal de mathématiques deM. Liouville).
M. Cuarve, professeur de mécanique :
Réduction des formes quadratiques quaternaires (Comptes rendus
de l’Académie des Sciences).
�- 57 -
M. Stépiian , professeur d’astronomie :
Posilions précises de 6ü nébuleuses antérieurement découvertes
par lui (Comptes rendus, l. XCII, 1881, n05 20, 21 et 22).
M. Reboul, professeur de chimie :
Recherches snr les monamines tertiaires.
I. Action de la triéthylamine sur les propylènes monobroiués
(Comptes rendus de l’Académie des Sciences, juin 1881).
II. Action de la chaleur sur le bromure d’allyltriéthylammonium
(Ibid., juin 1881).
III. Action de la triéthylamine sur les éthers à hydracides des al
cools secondaires et tertiaires (Ibid., juillet 1881).
IV. Action de la triéthylamine sur l’épichlorhydrine ; composés de
l’oxallyltriélhylammonium (Ibid., août 1881).
M. D ieu l a fa it , professeur de géologie et de minéralogie :
I. Serpentines de la Corse: leur âge et leur origine (Comptes
rendus de l’Académie des Sciences, t. XCI, 1880).
II. L’acide borique : son existence dans les lacs salés de la période
moderne et dans les eaux salines naturelles (Ibid., t. XC1II, 1881).
III. Les bauxites : leurs âges et leur origine. Diffusion complète du
titane et du vanadium dans toutes les roches de la formation primor
diale (Comptes rendus, novembre 1881).
M. U eckel , professeur de botanique :
I. Recherches sur la germination et la nutrition intraséminale de
l'embryon pendant la période germinative (Mémoire adressé au con
cours de l’Académie royale de Belgique).
IL Le mouvement dans les végétaux. Traduction annotée (avec
une introduction) d'un ouvrage anglais de Ch. Darwin (Paris-Reinwald, 1881).
III. Recherches au point de vue botanique, chimique et physiolo
gique sur le Kola acuminata (en collaboratiou avec M. Schlagnenhauffen).
IV. Recherches au point de vue botanique, chimique et physiolo
gique sur le Kola acuminala (en collaboration avec M. Schlagdenhauffen). (Journal de thérapeutique, 1881).
V. Recherches de morphologie, de tératologie et de tératogénie
expérimentale (Bulletin de la Société botanique et horticole de Pro
vence, 1880).
M. Marion, professeur de zoologie :
I. Notes préliminaires sur les cœlentérés atlantiques recueillis par
la commission de draguages de l’aviso « Le Travailleur. »
II. Sur la floraison du Dracœna rjaldicana.
III. Sur le Daphné Mazeli.
En collaboration avec M. de Saporta :
IV. L’évolution du règne végétal, 1er volume : Les Cryptogames.
V. Sur les Williamsonia.
VI. Sur lesJÉrom’ofina.
M. Macé de Lépinay, maître de conférences de physique :
I. Sur le psychromètre à fronde (Journal de physique, janvier
1881).
II. Recherches sur la comparaison photométrique des diverses
parties d’un même spectre (en collaboration avec M. le docteur Nicati)
(Ann. de chimie et de physique, novembre 1881).
III. Etude de la distribution de la lumière dans le spectre solaire.
Spectre des Daltoniens (Comptes rendus de l’Académie des Sciences,
décembre 1880).
IV. Héméralopie et torpeur rétinienne (Ibid., juin 1881). (En col
laboration avec M. Nicati).
V. Différents articles comme collaborateur au Journal de phy
sique.
M. E. J ourdan, chargé d’un cours complémentaire de zoologie
et d’histologie :
I. Sur l’organisation des Distomes.
IL Sur les organes du goût des poissons.
M. Morges, chargé d’un cours complémentaire de chimie indus
trielle :
Articles sur les industries marseillaises, comme collaborateur au
dictionnaire industriel de Lami et Tharel.
M. Paucbon , chargé d’un cours complémentaire, s'est occupé
de la construction d’appareils spéciaux destinés à étudier l’influence
de la lumière sur les animaux et les êtres vivants en général.
M. Vayssière, préparateur de zoologie :
Sur l’organisation et l’état parfait du Prosopistoma punclifront.
(Prix Thore décerné par l’Iustitut).
�Tableau, des examens faits pendant Tannée scolaire 1880-1881.
--------------- --
MENTIONS
très bien assez
proportio
bien
bien pass.
ORDRE D’EXAMENS Examines Admis
! Baccalauréat complet 279
!
(/
1 Baccalauréat restreint ï 67
/\
Licence mathématique ^ 10
i
l
'
(
Licence naturelle >
J
(
1
Licence physique
95
U
26
»
5
1 1
4
2
4
1
2
»
63 34 0[C
6
20 39 0/0
4
1
1
30
1
— —•---------OBSERVATIONS
Mention bien :
M. Maurel, élève du lycée de Bastia.
M. F érié , élève du lycée de Marseille.
Mention très bien:
M. Gérard, maître répétiteur au lycée
d’Alger.
Mention bien :
M. Lavigne, boursier de la Faculté.
Mention très bien :
M. Roule, boursier de la Faculté.
,
CO
I I
CO
H ta« •
a
22
;::...
N
�- 61 —
RAPPORT
DE M. R E Y N A L D
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LET1RES
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Voici le compte rendu des travaux accomplis cette année
à la Faculté des Lettres :
1° E xam ens
Les examens du baccalauréat ès-letlres ont donné les ré
sultats suivants :
SESSION d’octobre-NOVEMBRE 1880
Candidats inscrits pour la première partie.............. .......... 127
id.
pour la deuxième partie............................ 66
Défaillants pour la première partie......................................... 73
id. pour la deuxième partie..........................................
Présents à l’examen pour la première partie.......................... 120
63
id.
pour la deuxième partie.......................... 73
Eliminés à l’écrit pour la première partie............................. 33
id.
pour la deuxième partie............................. 13
Ajournés à l’oral pour la première partie............................. 9
id.
pour la deuxième partie............................
Admis définitivement pour la première partie
id.
pour la deuxième partie................
Ont mérité la mention bien pour la première partie
idpour la deuxième partie___
Ont mérité la mention assez bien pour la première partie
idpour la deuxième partie.
Ont mérité la mention passable pour la première partie..
idpour la deuxième partie...
Moyenne des admissions pour la première partie... . 28, 33 0/0
idpour la deuxième partie__ 33, 33 0/0
La mention bien pour la deuxième partie a été obtenue par Made
moiselle Julie Rochas, dont la sœur était reçue, le même jour, avec
la mention assez bien.
exclusivement réservée aux candidats de la deuxième partie
du baccalauréat.
Inscrits.......................................................................................... 43
Défaillants..................................................................................... 6
Présents........................................................................................ 23
Eliminés à l’écrit......................................................................... 16
Ajournés à l'oral.....................
l
Admis définitivement.................................................................. 10
Mention bien.........................................................................................
Mention assez bien...................................
1
Mention passable......................................................................... 9
Moyenne des admissions.................................................. 27, 02 0/0
�—
62
—
Eliminés à l'écrit pourla première partie................................ 142
id.
pourla deuxième partie................................ 63
Ajournés à l'oral pourla première partie................................ 30
id.
pourla deuxième partie................................ 19
Admis définitivement pour la première partie......................... 84
id.
pour la deuxième partie......................... 34
Mention bien pour la première partie...................................... 2
id.
pour la deuxième partie...............................................
Mention assez bien pour la première partie............................ 14
id.
pour la deuxième partie............................ 8
Mention favorable pour la première partie............................. 68
id.
pour la deuxième partie............................. 26
Moyenne des admissions pour la première partie.... 32, 80 0/0
id.
pour la deuxième partie___ 28, 81 0/0
Mention bien, M. Lieby Adolphe, élève du Lycée de Toulon, et
M. Berriat, maître d’étude au Collège de Draguignan, ancien élève du
Collège d’Aix.
Licence ès-lettres.
SESSION DE NOVEMBRE 1 8 8 0
Inscrits..........................................................................
Eliminés à l’écrit...........................................................
Ajournés à l'oral...........................................................
Admis définitivement....................................................
Pas de session en avril.
5 candidats
5
2
aucun.
SESSION DE JUILLET
Candidats inscrits......................... ....................................*----- 11
Présents........................................................................................
Eliminés à l’écrit........................................................................... ~
Eliminés à l’oral.............................................................................néant
Admis définitivement.................................................................... 4
Mention bien : MM. Fournier et Petit, boursiers de licence de la
Faculté.
Mention passable........................................................................... 2
Parmi ces candidats, deux, MM. Fournier et Petit, mé
ritent une mention toute spéciale; M. Fournier est entré à
l’Ecole normale supérieure ; M. Petit a passé aussi un excel
lent examen, qui est le gage d’un bel avenir. Nos suivrons
toujours de nos vœux les plus ardents ces jeunes gens, qui
promettent à l'Université d’excellents fonctionnaires. C’est
aussi les services rendus au Collège d’Aix par M. Martin,
professeur de quatrième , que nous avons été heureux
de récompenser en l’admettant à la licence. Chargé au
jourd’hui d’une partie de renseignement de l’histoire au
Lycée de Marseille, ce maître zélé et expérimenté va se con
sacrer tout entier à un genre d’enseignement qu’il atoujours
préféré, et se préparer sérieusement au concours d’agrégation
d’histoire.
Il nous reste à présenter, à propos des examens du bacca
lauréat et de la licence, quelques observations, qui trouvent
naturellement leur place dans cette réunion.
Le nombre des candidats reçus ne présente pas une aug
mentation sensible. Ainsi, se sont évanouies les illusions des
candidats qui croyaient trouver un avantage dans la suppres
sion du discours latin. La composition française, nous les
en avions prévenus, devait présenter des difficultés plus
sérieuses. Pour traiter ces sujets, il ne suffit plus d’arriver
avec une mémoire plus ou moins ornée d’un certain nombre
d’expressions latines et lieux communs préparés d’avance, à
l’aide desquels un travail, où les idées faisaient complète
ment défaut, pouvait séduire un juge trop indulgent. Nous
demandons aujourd’hui au candidat de prouver des études
sérieuses, des connaissances précises et positives. Nous
exigeons encore de lui qu’il mette un peu d’art dans la
composition même du sujet, et surtout qu'il y joigne cer
taines qualités de style. Ecrire correctement en français,
�s’exprimer à la fois avec précision et avec élégance, ce n’est
pas un talent qui s’improvise, et les candidats en ont fait la
dure expérience. Tour les langues vivantes, la substitution
du thème à la version a aussi beaucoup augmenté les
difficultés d’une épreuve qui, pendant longtemps, a passé
pour peu sérieuse ; ainsi s’expliquent les échecs qui, cette
année, ont de beaucoup diminué le nombre des élus.
Le chiffre des candidats s’est aussi sensiblement abaissé.
Nous en convenons sans peine, et nous ne nous plaignons
pas que cette diminution ait pour cause la sévérité que nous
nous sommes quelquefois entendu reprocher. Cette sévérité,
d’ailleurs beaucoup trop exagérée par des victimes qui auraient
mieux fait de s’accuser elles-mêmes, nous nous en ferions vo
lontiers un litre d’honneur. Chargés par l’Etat d’opposer une
barrière à l’ambition présomptueuse de ceux qui ne veulent
que conquérir un diplôme à n’importe quel prix, à l’aide
d’un hasard heureux ou d’une surprise inespérée, nous
devons à l’Université, gardienne des bonnes études, nous
nous devons à nous-mêmes de déjouer ces calculs et de laisser
passer, sauf des défaillances inévitables, ceux-là seuls qui en
sont dignes. Du reste, nous ne sommes pas une exception.
Ils le savent bien les déserteurs qui nous ont quittés pour
aller chercher fortune auprès d’autres Facultés. Rendons
cette justice à nos voisins, que l’invasion dont ils ont eu à se
plaindre cette année, véritable invasion de barbares,ne lésa
ni troublés, ni attendris. Ils leur ont opposé une fermeté in
flexible, de sorte que l’Hérault, l’Isère, la Garonne ont re
tenti d’autant de gémissements que les Bouches-du-Rhône.
Ainsi finira, nous l’espérons, ce vagabondage qui a profité
seulement aux compagnies des chemins de fer.
La licence, au contraire, a donné de meilleurs résultats.
Si les candidats n’ont pas été beaucoup plus nombreux, ils
ont au moins fait preuve de connaissances plus solides et plus
variées; ils ont tous contribué, même ceux qui n’ont pas
réussi, à relever leniveaude l’examen.C’estle premier bienfait
des utiles réformes, des dotations généreuses d’un ministre,
qu’il nous est permis de louer sans réserve, aujourd’hui qu’il
n’est plus au pouvoir, de M. Jules Ferry. Il nous est parti
culièrement agréable de lui adresser publiquement ce té
moignage de notre reconnaissance et de notre affection.
Son nom restera, avec celui de M. Guizot, comme le nom
d’un des ministres qui ont le plus contribué au relèvement
des études. C’est sa récompense dans le présent; c’est,
pourquoi ne dirions pas toute notre pensée, dans un avenir
prochain, le gage de nouveaux succès.
L’enseignement des professeurs se divise, depuis quelques
années, en deux parties essentiellement distinctes. Dans leurs
grandes leçons, ou pour parler plus justement, dans les leçons
consacrées au grand public, voici les sujets qui ont été
traités.
Le professeur d’histoire a retracé à grands traits la politique
de Louis XIV, depuis la paix de Nimègue. En ce moment, le
grand roi est l’arbitre de l’Europe, qui le laisse achever pa
cifiquement par ses chambres de réunion les conquêtes dues
à son habileté diplomatique et aux victoires de ses géné
raux. Mais, bientôt apparaissent les signes de la décadence
qui se manifeste dans les dernières années de ce grand
règne. Les prétentions de Louis XIV sur le Palatinat provo
quent contre lui une coalition, dans laquelle entre l’Angle
terre après la révolution de 1688. A la politique incertaine
des Stuarts, succède l’action énergique, persévérante de
Guillaume III, qui fait servir à ses desseins contre Louis XIV
les forces de l’Angleterre protestante. Aussi, les succès sont-ils
mêlés de revers, dont quelques-uns paraissent irréparables
5
�— 67 —
Le grand Roi lutte pourtant encore avec avantage contre ses
ennemis, et s’il est obligé de renoncer à quelques-unes de
ses conquêtes, si, par un sacrifice plus pénible encore, il doit
reconnaître Guillaume comme roi d’Angleterre, il dicte en
core la paix de Ryswick, et se trouve libre de préparer,
pour un de ses petits-fils, la succession au trône d’Es
pagne.
C’est celle dernière entrepi ise de Louis XIV que le pro
fesseur se propose de traiter cette année.
Dans ses conférences, le professeur a étudié Tite-Live et
Saint-Simon. Il étudiera cette année Tacite, livres 1 et 2, et
Montesquieu, Esprit dès lois.
Le professeur de philosophie a étudié, pendant l’année
1880-81, la première période de la philosophie grecque,
celle qui se termine à la mort de Socrate.
La philosophie de cette époque est une philosophie de la
nature; elle naît de l’étonnement, de l’admiration excitée par
les grands phénomènes de l’univers, elle veut en découvrir
les causes. C’est une recherche purement désintéressée : on
ne prévoit pas encore l’utilité pratique de la science, ses ap
plications, l'influence qu’elle exercera sur le progrès du bienêtre et sur la puissance de l’homme. Socrate introduit l'étude
de l’esprit et le but moral; de ces idées nouvelles, jointes
aux spéculations des deux siècles précédents, naissent les
doctrines plus larges de Platon et d’Aristote. Ces deux
grandes doctrines seront l’objet du cours de cette année.
Dans les conférences destinées aux candidats à la licence,
le professeur continuera d’exposer les principaux systèmes
de la philosophie moderne, en discutant les théories qui y
sont contenues.
L’année dernière, le professeur de littérature étrangère a
fait l’histoire de la poésie épique et lyrique pendant les pre
miers siècles du moyen âge, à l’époque où les nations voi
sines subissent l’influence de la France. L’histoire d’un mou
vement littéraire tout différent l'occupera cette année ; c’est
celui qui, sorti de l’étude de l’antiquité, a son point de départ
en Italie et rayonne de là chez tous les peuples de l’Europe
occidentale; en un m ot, la Renaissance, commencée au
XIV1'siècle avec Dante, qui représente les traditions du passé,
tout en étant le premier homme des temps modernes, se con
tinuant avec Pétrarque, Roccace et les érudits du XVe siècle.
Ce développement littéraire, à peine interrompu quelques
années, aboutit, au siècle suivant à l’Arioste et à Machiavel
qui en marquent l’apogée; c’est l’histoire de la vie et des
œuvres de ces grands écrivains et des artistes dont ils furent
les contemporains et parfois les inspirateurs, et le tableau de
l’influence féconde qu’ils exercèrent au-delà des frontières
delà Péninsule, qui feront, pendant l’année 1881-82, l'objet
principal du cours de littérature étrangère. En même temps,
une conférence d’une heure sera consacrée à l’exposé des
principes généraux de la grammaire comparée des langues
classiques et romanes, étude à laquelle les exigences du nou
veau programme de la licence donnent un intérêt plus im
médiat encore que par le passé. Enfin, dans une seconde
conférence, qui durera une heure et demie, et se composera
de deux parties, le professeur fera, dans la première, l’his
toire de la littérature allemande, en l’étudiant surtout dans
ses rapports avec la littérature française; dans la seconde
partie, d’un caractère exclusivement grammatical, il expo
sera, jusqu’à Pâques, les règles de la grammaire historique
de l’allemand, et, après Pâques, celles de la grammaire an
glaise. Les deux catégories d’élèves qui suivent le cours
�trouveront ainsi, tour à tour, dans celte conférence, un en
seignement approprié à leurs besoins.
Le professeur de littérature française a fait, l’année der
nière, l’histoire du Roman satirique et bourgeois en France
pendant la première partie du XVIIe siècle. L’abus du Roman
aristocratique, pastoral avec d’Urfé, sentimental et métaphy
sique avec Mademoiselle de Scudéry, amena chez nous, par
une réaction naturelle et inévitable, une contre-partie posi
tive et railleuse. Il y a eu là toute une littérature réaliste qui
a été largement étudiée dans une foule d’œuvres curieuses
depuis le Francion de Sorel jusqu’au Roman comique de
Scarron.
Cette année, M. Bizos se propose d’examiner, dans le
détail de sa vie et de ses ouvrages, le plus grand de nos
poètes comiques après Molière, Regnard, en le comparant à
son illustre devancier et aussi aux contemporains, ses rivaux
et ses émules, Dancourt, Palaprat, Dufresny, Lesage. Les
premières leçons, consacrées aux ouvrages de la jeunesse,
c’est-à-dire au roman de la Provençale, aux voyages en
Flandre, en Hollande, en Scandinavie, nous montreront
Regnard insouciant, alerte, ardent, donnant carrière à son
humeur aventureuse. La lecture de ses épitres et de ses
poésies légères nous le présentera trésorier de France à
Paris, recevant dans sa maison de la rue de Richelieu et
aussi dans sa belle terre de Grillon, près Dourdan, grande et
joyeuse compagnie. Ses querelles avec Boileau et avec son
collaborateur Dufresny, devenu son ennemi, ne seront pas
négligées ; car elles sont utiles pour bien connaître les mœurs
littéraires de la fin du XVIIe siècle.
Puis viendra l’étude complète du théâtre de Regnard.
Après avoir mis [en lumière ses qualités de premier ordre,
Finépuisahle gaîté, la verve, l’aisance, le mouvement,
- 69 —
l’abondance, un style merveilleusement vif et spirituel, il
faudra reconnaître les défauts, le scepticisme sans mesure,
l’abaissement du sens moral, le souci unique d’être amusant,
le manque de profondeur dans la conception des caractères.
La conclusion de cette étude sera que, si une grande distance
sépare l’auteur du Joueur de l’auteur du Tartuffe, Regnard
n’en est pas moins, de tous nos poètes comiques, celui qui a
le plus approché de Molière.
M. Bizos consacrera les conférences, réservées aux étu
diants de la Faculté, à faire l’histoire de la langue et de la
littérature en France au moyen âge : il expliquera, en outre,
les prosateurs inscrits au programme de la licence.
Publication : Leçons d'ouverture sur Thistoire du Roman
depuis les origines jusqu'au siècle de Louis XIV.
Le professeur, chargé du cours de littérature ancienne, a
pris pour sujet de ses leçons en 1880-1881, Juvénal et
Martial. Après avoir préalablement discuté la question con
troversée de la sincérité de Juvénal et repoussé le re
proche de déclamation adressé à ce grand poète, le profes
seur a cherché dans les Satires et dans les Epigrammes les
détails les plus intéressants pour l’histoire des mœurs ro
maines au VIIe siècle. Juvénal et Martial nous font connaître,
entre autres choses, la triste condition des gens de lettres
du temps, la faiblesse incurable de cette littérature dé
pourvue de toute action sur le grand public, la serv ilité de la
plupart des écrivains, dont les plus fiers subissent et même
applaudissent l’Empire; les misères des avocats mal rétribués
et les tribulations des maîtres d’éloquence, que les pères des
jeunes Arcadiens du temps avaient déjà appris à rendre res
ponsables de l’ineptie de leurs élèves. Puis, notre attention
est attirée sur ce fait étrange du nombre prodigieux des
�-
mendianls de toute classe à Rome : le peuple-roi est à la
mendicité, et les classes les plus élevées tendent la main,
quand de riches patrons distribuent la Sportule. Un fait ana
logue se produit : c’est le développement extraordinaire du
Parasitisme, véritable profession, aussi vieille à Rome que la
civilisation grecque. Une seule classe eut pu retarder ou ar
rêter les progrès de la corruption , l’aristocratie, riche et in
fluente encore: au contraire, elle donnait elle-même l’exem
ple de toutes les i nfamies et présentait ce spectacle instructif
d’une noblesse autrefois intelligente et forte, finissant, par
l’effet naturel des choses, dans l’avilissement et l’imbécilité.
JuYénal, sincère admirateur des grands Romains du passé,
ne ménage point à leurs descendants indignes, les reproches
les plus sanglants. Il n’a pas non plus d’images assez flétris
santes pour peindre cette tourbe Gréco-Orientale qui se pres
sait à Rome, et cette race exécrée et sordide des Juifs, qui
disposaient si mal les Romains en faveur des Chrétiens mal
heureusement confondus avec eux. Une seule chose est
respectée alors : c’est la force, et les lourds centurions peu
vent impunément vexer à plaisir ces hommes au visage pâle
et au long manteau grec qui prétendent représenter la
Science, la Raison, la Vertu, les Philosophes; trop souvent,
ceux-ci ne sont eux-mêmes que des fourbes passés maîtres
dans toutes les turpitudes. Pourquoi faut-il que leurs in
famies forment comme une transition naturelle qui nous mène
à la peinture des Femmes par le Satirique? Juvénal en veut
aux femmes; il raille les travers et flétrit les vices de ses
contemporaines avec l’âpreté d’un homme désespéré de ne
pouvoir louer leurs vertus.
Heureusement, Juvénal n’est pas seulement un redoutable
satirique : c’est encore un moraliste, sévère sans doute, mais
aussi parfois aimable et souriant. Il parle à merveille des
71 -
douceurs de la médiocrité, des charmes de l’amitié; il goûte
les plaisirs innocents de la campagne, et la dure morale
stoïcienne prend quelquefois dans sa bouche une douceur
inattendue. Une étude sur Juvénal moraliste repose donc
l’esprit et le délasse agréablement des horreurs de la Rome
impériale.
Plaute sera le sujet des leçons de cette année. Le profes
seur étudiera, à propos des pièces les plus remarquables du
comique latin un certain nombre de questions historiques et
littéraires, entre autres le changement opéré dans les mœurs
romaines par l'introduction à Rome des lettres grecques, —
et le degré d’originalité auquel atteint Plaute, malgré ses
fréquentes imitations.
Dans les conférences destinées aux candidats à la licence,
le professeur a étudié plus particulièrement l’hisloire des
poètes latins, avec explication et commentaire des textes les
plus remarquables.
Nous avons encore à signaler les travaux de deux maîtres
de conférences attachés à cette Faculté.
A Marseille, dans cette colonie grecque, qui se souvient
encore de son origine, M. Blancard a été chargé d eludier la
littérature de la Grèce moderne. Il s’en acquitte avec le goût
et l’expérience d’un français, qui s’est fait de la Grèce une
seconde patrie.
A Aix, Monsieur le Ministre a comblé nos vœux en nous
donnant, pour maître de conférences, le tils de notre ancien
doyen, M. Lafaye. Aucun choix ne pouvait nous être plus
�agréable. M. Lafaye nous a déjà montré qu’il portait digne
ment un nom cher à notre Faculté, et qui a laissé dans cette
ville de si honorables souvenirs. 11 est un de ceux qui conti
nuent les traditions paternelles et servent à former dans
l’Université des familles comme il y en a dans la magistrature,
familles dont les membres portent, dans l’accomplissement
de leurs devoirs, la double garantie de leur valeur person
nelle et des souvenirs domestiques.
M. Lafaye a expliqué, pendant l’année scolaire 1880-81,
la septième olympique de Pindare et la moitié des Chevaliers
d’Aristophane, en complétant ses explications par des leçons
sur les principales questions de littérature que faisait naître
l’interprétation des textes : Des règles du lyrisme grec, la
Politique d'Aristophane, Cléon le démagogue, l'Ordre des
Chevaliers à Athènes, etc. 11 a montré comment il fallait se
servir de la pièce d’Aristophane pour arriver à connaître la
vérité sur les contemporains du poète. En outre, il l’a étudiée
au point de vue littéraire ; il a analysé les différentes parties
dont se compose le développement dramatique (parabase....
etc.), en donnant des explications sur l’organisation maté
rielle du théâtre grec.
Une partie des conférences de M. Lafaye a été consacrée
à l'enseignement de la grammaire grecque et à la correction
des thèmes des candidats à la licence.
Pendant l’année 1881-82, il expliquera, d’après la mé
thode qu’il a suivie jusqu’ici, les Perses d’Eschyle.
A ces travaux, il faut encore ajouter les corrections des
devoirs donnés aux candidats à la licence et disribués régu
lièrement tous les mois à de nombreux correspondants dans
tout le ressort de l’Académie. Nous ne nous plaignons pas de
ce surcroît de fatigue, puisque nous en avons déjà recueilli des
fruits. Partout, se sont manifestés des efforts sérieux, un
—
73
—
amour du travail qui, dans un temps plus ou moins long,
donnera aux Collèges communaux des maîtres excellents.
Déjà, nous avons eu cette année à constater quelques brillants
succès. Un de nos élèves par correspondance, M.Reynaud,
a été reçu agrégé des lettres ; parmi nos licenciés, M. Fournier
a été reçu à l’Ecole normale supérieure, et son camarade,
M. Petit, était désigné pour le même succès. Il serait ar
rivé sans doute si, au moment des concours, il n’avait été
trahi par la m aladie.il a obtenu, à Paris, une bourse d’agré
gation d’histoire, et il réussira certainement avec autant de
rapidité que notre ancien élève M. Garnier, qui vient de
conquérir brillamment son litre d’agrégé, et en a été ré
compensé par sa nomination au Lycée de Nice.
On comprend sans peine que les professeurs,absorbés par
des travaux aussi nombreux, n’avaient guère plus de temps
pour se livrer à des éludes personnelles. Pourtant, plusieurs
d’entre nous ont encore trouvé moyen de ne pas abandonner
leurs travaux particuliers. C’est ainsi que M. Joret a continué
sur le patois Bas-Normand des études lues par lui à l’Acacadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, et qui ont vive
ment intéressé l’Institut. M. Philibert, qui sait si bien allier
le culte de l’histoire naturelle à celui de la philosophie, a pu
blié de nouvelles études sur les mousses. M. Bizos, qui aurait
pu nous donner une histoire si curieuse et si complète du
roman bourgeois, s’est contenté, pour celle année, de publier
sa première leçon; M. Blancard a également publié deux
leçons de son cours de grec moderne.
Lé professeur d’histoire a fait paraître, à propos des sa
vants ouvrages de MM. Chanlelauze et Chéruel, diverses
éludes sur Philippe de Commines, sur la politique du car
dinal Mazarin et sur le projet de mariage de la nièce du car
dinal, Marie Mancini avec Louis \IV . Il a rapporté d’une
�mission à Vienne les éléments d’un travail sur le baron
Lisola, diplomate au service de l’Empereur d’Allemagne, qui
s’est montré l’ennemi implacable de Louis XIV, ou plutôt de
la France, depuis le ministère de Richelieu jusqu’au milieu
de la guerre de Hollande. La première partie de ce travail
doit paraître dans la Revue historique. 11 a, en outre, adressé
au journal le Temps sur l’empire d’Austro-Hongrie une
série de lettres qui vont être réunies en volume. A ces pu
blications, il convient d’ajouter dans la Nouvelle Revue, deux
articles sur l’Espagne musulmane; enfin, une notice sur
l’Andorre qui, si elle est la plus petite des Républiques de
l’Europe, n’est pas la moins agitée depuis quelques années.
Le projet de l’établissement d’une maison de jeu a provoqué,
dans ce pays, qui passe encore pour primitif, des troubles
heureusement apaisés à l’heure présente.
M. Lafaye, qui a rapporté, de l’Ecole de Rome , un vif
amour pour les études archéologiques, en même temps qu’il
préparait, sur le culte d’Isis, une thèse aujourd'hui terminée,
a encore trouvé le temps de faire dans l’Epigraphie quelques
excursions heureuses.
I. Inscription de Taurominion. Dans les mélanges d’ar
chéologie et d’histoire, publiés par l’Ecole française de
Rome. Fascicules ï et II, mars 1881, pages 1 à 17.
IL Un monument romain de l'Etoile d'Isis, bas-relief iné
dit du iNlusée kircher. Ibid., publié par l’Ecole française de
Rome. Fascicules 111 et IV, juin 1881, pages 192 à 214.
ILI. Quelques Inscriptions des Bouches-du-Rhône. Dans
le Bulletin épigraphique de la Gaule. Fascicule de juilletaoût 1881, et fascicule de septembre-octobre.
IV. Une Inscription de la Corse. Ibid. Fascicule de sep
tembre-octobre. ’
*
Tel est, Messieurs, le bilan de nos travaux. Il me semble
qu’il n’est pas méprisable. Il serait encore plus satisfaisant,
si, comme nous l’avions demandé et espéré, l’Administration
supérieure nous avait fourni les ressources nécessaires. Pour
cette année encore, nous devons nous passer d’un maître de
conférence de philosophie et d’un maître de conférence
d’histoire, qui nous seraient absolument indispensables. Nous
avons aussi vu avec un véritable chagrin que, dans la répar
tition des élèves boursiers, la Faculté d’Aix a été à peu près
oubliée. Cette parcimonie, surtout en présence des prodiga
lités faites en faveur des Facultés qui n’en avaient peut-être
pas besoin, nous ne pouvons pas le laisser passer sans pro
testation. Négliger la Faculté des Lettres d’Aix serait, comme
nous l’avons déjà écrit officiellement, une injustice et une
faute_lJne injustice, car je puis le dire au moins pour mes
collègues, je n’ai vu nulle part des maîtres plus attentifs à
leurs devoirs, plus honorables dans l’exercice de leurs fonc
tions; ce serait aussi une faute, une faute considérable, puis
que la Faculté d’Aix est une de celles qui exerce sa juridiction
dans un des ressorts les plus vastes et les plus intéressants.
Elle s’étend d’Avignon jusqu’à Nice, elle a Marseille, où la
pratique du commerce ne nuit pas à l’amour des lettres et des
arts; Toulon, qui fournit tous les ans dejeunes recrues à notre
marine; enfin, la Corse, où l’esprit français remplace de plus
en plus les traditions italiennes. Nous sommes avec la Faculté
de Droit et la Faculté des Sciences dont nous tenons à ne pas
nous séparer, comme autant de sentinelles avancées du côté
de l’Orient, qui se rattache à la France par les liens d’étu
des communes. Voudrait-on nous opposer qu’Aix est une
ville moins considérable que celles où siègent les autres Fa
cultés? Mais ce ne sont pas les plus grandes villes qui sont le
plus favorables aux études sérieuses. Àix, d’ailleurs, a fait
�ses preuves ; elle a compté et elle compte encore de profonds
jurisconsultes, des avocats éloquents, des littérateurs émi
nents. Elle compte parmi ses gloires les Siméon, les Porta
lis, les Mignet, les Thiers, les Giraud. Elle a conservé le
culte des nobles traditions et des grandes pensées, et, si son
étendue est limitée, on peut lui appliquer le vers de Virgile :
R A P P O R T D E M. S E U X
DIRECTEUR DE i/ÉCOLE EN PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
Ingentes animos augusto in corpore versât.
Monsieur
le
R ecteur ,
-•BT-
Messieurs ,
Noire Ecole de plein exercice ne compte pas encore six
ans d'existence, et, pour la quatrième fois, j’ai la douleur de
vous signaler la perte d’un de ses professeurs ! L’an dernier,
j’ai consacré les premières lignes de mon rapport à la mé
moire de M. Favre; celte année, c’est M. Bertulus, qui a
droit à tous nos regrets, d’autant plus que, pour me confor
mer à ses dernières volontés, je n'ai pu, quand l’Ecole lui a
rendu les derniers devoirs, adresser, au nom de celle-ci, à
la mémoire de notre regretté collègue, les hommages qui lui
étaient dus.
Compter quatre décès en six ans, c’est bien triste, surtout
lorsque ceux de nos collègues, que la mort a séparés de nous,
étaient jeunes et actifs, ou bien à l’âge où, dans la maturité
du talent, l’homme est appelé à rendre de grands services.
�-
78
—
Il en était ainsi de Bertulus, qu’une longue et cruelle ma
ladie nous a ravi au mois de février dernier.
M. le professeur Bertulus avait commencé sa carrière pro
fessionnelle dans la marine, dans ce corps d’où, après une
vie pleine d’abnégation, de sacrifices et de dévouement, sont
sortis tant de professeurs du plus grand mérite.
A son arrivée au milieu de nous, notre regretté collègue,
encore en pleine jeunesse, venait d’obtenir la croix de la
Légion d’honneur, en récompense de sa belle conduite durant
l’épidémie de fièvre jaune, qui venait de ravager le golfe du
Mexique. Là, embarqué sur la Caravane, en qualité de chirur
gien major,il avait lutté contre cet horrible fléau avec toute
l’énergie que donnent à l’homme l’amour du devoird’unepart,
le talent professionnel de l’autre. Atteint lui-mème, il faillit
être victime de son dévouement.
C’est de cette époque que date le combat à outrance sou
tenu par notre savant collègue, en faveur de la contagion de
la fièvre jaune en particulier et de toutes les maladies infec
tieuses, zymotiques en général. Je vous assure que, dans ce
lemps-là, il fallait un véritable courage et une grande force
de volonté, pour défendre les idées de contagion qu’une école
passionnée voulait détruire, pour arriver ensuite à la des
truction des quarantaines.
Bertulus convaincu est resté toute sa vie sur la brèche pour
défendre ce qu’il croyait la vérité. Cette guerre opiniâtre,
dans laquelle il a fini par triompher, est, sans contredit, un
des plus beaux fleurons de sa couronne professorale. L’opi
nion a fini par donner raison à ce vigoureux champion;
l’immense majorité des médecins croit, en effet, aujourd'hui
plus que jamais, à lalransmissibilitéd’ungrandnombre demaladies. Les découvertes immortelles de Pasteur, cet infatigable
—
79
—
et éminent chercheur, vont peut-être nous dévoiler bien des
secrets sur ce sujet que nous déclarions inconnu, en répétant
avec le grand observateur de Cos,
quid divinum.
Mêlé moi-même à la lutte et partageant sur ce point les idées
de notre courageux collègue, j’ai pu, mieux que personne,
apprécier l’active persévérance de ses efforts et la valeur des
nombreux travaux publiés par lui sur cet important sujet
d’hygiène publique et privée.
Ce fut durant l’été de 184-5, que le docteur Bertulus fit,
en-qualité de professeur suppléant, son entrée à l’Ecole pré
paratoire de médecine de Marseille où il fut chargé d’un
cours qui se rattachait complètement à sa spécialité, l’hy
giène navale. Ce cours, fait avec une grande distinction, at
tira non seulement les élèves, mais beaucoup de marins qui
se trouvaient heureux d’être initiés aux enseignements de
l’hygiène, dont le rôle dans la pratique de la médecine prend
tous les jours, avec juste raison, une si grande importance,
tant au point de vue prophylactique qu’au point de vue
curatif.
L’ancienne Ecole préparatoire de médecine et de phar
macie, ayant été réorganisée en 1856, notre cher collègue y
devint professeur adjoint de clinique médicale, puis, quel
ques années après, professeur titulaire de pathologie in
terne, chaire dans laquelle il fut maintenu à la création de
l’Ecole de plein exercice.
Bertulus n’a cessé, jusqu’au dernier moment, de s’acquitter
de ses fonctions de professeur avec le dévouement le plus
complet; aussi, successivement, reçut-il les palmes d’officier
d’académie, puis celles d’officier de l’instruction publique,
que ses longs services, comme médecin du Lycée, appelaient
aussi sur sa poitrine.
Notre savant collègue, tout en se livrant avec le plus
ti
<1>co v ,
�grand zèle à son enseignement et à l’exercice de notre art,
employait les loisirs qui lui restaient à des études sérieuses
de cabinet et à des publications fort remarquées qui, en
somme, ont élé nombreuses et variées.
Le cachet particulier de cet enseignement soit clinique,
soit dogmatique, était le vitalisme, c’était du Montpellier,
mais du Montpellier modifié; ce maître avait sa personnalité.
La doctrine vitaliste, qui compte parmi ses adeptes d’excel
lents cliniciens, tous les bons observateurs finissent toujours
par se mettre d’accord sur le terrain clinique, la doctrine
vitaliste, dis-je, était un peu dépaysée à l’Ecole de Marseille,
dont les tendances organiciennesont toujours été manifestes.
Elève de Rostan, père de l’organicisme, organicien moimême, je dois reconnaître que l’intervention de Berlulus eut
l’avantage de faire connaître aux élèves une doctrine célèbre
qui a compté et compte encore dans ses rangs des hommes
remarquables, des médecins du plus grand mérite.
Cet enseignement vitaliste a pu aussi, par de sages restric
tions, amener au milieu de nous la conciliation scientifique
entre gens dont les doctrines paraissaient diamétralement op
posées. L’esprit qui a présidé à cet enseignement a donc porté
des fruits dont la génération actuelle profite. L’organicisme
exclusif, le vitalisme pur ne sont pas plus l’un que l’autre
l’expression de la vérité scientifique ; l’association d’un vita
lisme modéré à l’organicisme constitue en elïet la doctrine
philosophique la plus vraie et la plus utile dans la pratique
de la médecine. Le médecin se trouvant toujours face à face
avec l’organisme, c’est-à-dire avec des organes animés par la
vie, non avec la matière inerte, rien dans les nombreux et
remarquables travaux de notre époque ne s’oppose à cette
heureuse alliance.
Bertulus était porté aux idées générales ; avec ses ten
dances philosophiques, les détails le touchaient peu, c’était le
reproche qu’on pouvait faire à son enseignement. Il aimait
les questions de pathologie générale, sur lesquelles il s’attar
dait volontiers. Sa parole était comme son style, souvent
presque naïve, ce qui donnait à sa phrase un caractère d’ori
ginalité; toutefois, il avait de l’entrain et ne manquait pas
d’un certain mordant lorsqu’il attaquait les ennemis de ses
doctrines tant médicales que philosophiques ; quelquefois
même il emportait le morceau à belles dents.
A la mort de M. le professeur Cosle, mon prédécesseur
dans la direction de l’Ecole, M. Bertulus était un des anciens
de notre compagnie, membre de l’Académie de Marseille et
de plusieurs Sociétés savantes, il avait une notoriété scien
tifique et littéraire incontestable, il fut désigné pour faire
l’intérim, par l’éminent Recteur qui était alors à la tête de
l’Académie. Notre bien regretté collègue s’acquitta de ces
fonctions intérimaires avec un zèle et un dévouement audessus de tout éloge.
L’Ecole de plein exercice fut créée, la chaire occupée par
Bertulus vit son cadre s’élargir; à la pathologie interne, fut
ajoutée la pathologie générale. Heureux de pouvoir se livrer
à ses éludes favorites, notre collègue choisit l’enseignement
de cette dernière, et le suppléant de sa section fut chargé de
la pathologie avec ses détails minutieux.
Pendant quelques années, Bertulus fut heureux de pou
voir exposer aux élèves ses études sur les grandes questions
populaires qui se rattachent aux maladies épidémiques, aux
divers typhus, peste, fièvre jaune, choléra, typhus des ar
mées. Cette année, il avait commencé à traiter une question
qui, depuis longtemps, fixait son attention et attirait ses re
cherches, la mortalité en général ; mais les maux dont sa
physionomie fatiguée portait depuis longtemps la triste ex-
�—
82 —
pression s’aggravèrent brusquement ; Rertulusse vit forcé de
quitter cet enseignement qui lui était cher.
Deux mois des plus vives souffrances mirent à l’épreuve
cette âme fortement trempée ; quelques décevantes illusions
amenaient bien encore de temps en lemps un léger sourire
sur les lèvres décolorées de notre dévoué collègue, toutefois
la conviction d’une fin prochaine reprenait bientôt le dessus
et son courage redoublait ; il semblait avoir pris pour de
vise le posce à Dits animam fortem morlis terrore carenlm
du poète, dont bien souvent il avait admiré le génie.
Les croyances au vitalisme poussent naturellement au spi
ritualisme; Bertulus était spiritualiste, il croyait à Dieu, à
une vie future, ses livres en font foi ; je me contente de citer
comme preuves deux des ouvrages qui se rattachent à cette
croyance : « Delà Spiritualité de l’âme et de l’impuissance
de la médecine à fonder et soutenir le matérialisme, 1850. »
L’athéisme du XIXe siècle devant l’histoire, la philosophie
médicale et l’humanité, 1869. »
Notre courageux et résigné collègue est mort dans ces
principes et soutenu par eux.
N’ayant pu, au moment des suprêmes adieux, témoignera
la famille de notre regretté collègue, la part que nous pre
nions à sa juste douleur, au nom de l’Ecole de Médecine, je
crois pouvoir dire au nom du corps universitaire, je la prie
de vouloir bien agréer l’expression de nos plus vives sym
pathies.
C’est M. Villard, professeur d’anatomie pathologique qui,
sur sa demande, a été appelé a remplacer notre bien regretté
collègue dans la chaire de pathologie interne. M. Villard a,
depuis plusieurs années, donné la mesure de son talenl pro
fessoral, nul doute qu’il n’obtienne les mêmes succès dans un
enseignement qui est complètement en rapport avec les tra
vaux de sa vio médicale entière.
M. Nicolas Durantv, professeur suppléant de la section de
médecine, élait naturellem ent désigné pour la chaire d’ana
tomie pathologique qu’il occupera, il n’y a pas à en douter,
avec la distinction dont il a donné plusieurs fois des
preuves.
Cette juste promotion a été l’occasion d’un concours ou
vert en ce moment pour une place de professeur suppléant
en médecine.
Je ne veux pas quitter ce sujet des modifications appor
tées dans le personnel de l’Ecole, sans souhaiter publique
ment la bienvenue àM. Rietsch, nommé professeur suppléant
pour les sciences physico-chimiques, à la suite d’un excellent
concours. La vie laborieuse de M. Rietsch, ses antécédents
universitaires et surtout ses excellents débuts à l’Ecole de
Médecine, pendant l'été dernier, nous démontrent, de la ma
nière la plus évidente, que l’enseignement médical et phar
maceutique à Marseille vient de faire une acquisition des
meilleures.
Messieurs, en vous signalant, à la rentrée de 1879, comme
une excellente mesure, le décret du 20 juin 1875, qui a
exigé des candidats au doctorat les deux diplômes de ba
chelier, je vous annonçai comme un efiet immédiat, certain
pour moi, la diminution du nombre des inscriptions dans
toutes les Ecoles et Facultés de médecine. Vous avez pu
voir, par mon rapport de l’an dernier, que je ne m’étais pas
trompé dans mes prévisions; mais j’ajoutai que la surprise
et l’émotion produites par le décret une fois dissipées, l’équi-
�— 84 —
libre se rétablirait. J ’ai la satisfaction de vous annoncer qu'à
ce point de vue, mes espérances se sont réalisées.
En effet, nous avons, cette année, 1880-1881, donné
101 inscriptions de plus que l’an dernier, en voici le
détail :
L’an dernier, le chiffre des inscriptions avait été de 658 ;
cette année, il s’est élevé à 759, ainsi réparties : 210, pour
le doctorat ; 256, pour l’officiat de santé ; 27, pour le di
plôme de pharmacien de première classe ; 266, pour celui de
pharmacien de deuxième classe.
Les examens de fin d’année ont donné les résultats sui
vants : candidats inscrits, 118; étudiants en médecine, 63;
en pharmacie, 55. La mention très bien a été accordée quatre
fois; bien, dix-sept fois; assez bien, vingt-trois fois; mé
diocre, trente-six fois ; candidats ajournés, 25 ; absents, 13.
A la session de rentrée, les 3 et i novembre, ont eu lieu
les examens de fin d’année pour les ajournés et les absents.
36 élèves ont été examinés; 19 en médecine, 17 en phar
macie; 26 ont été admis, 10 refusés. La mention bien a été
accordée trois fois; assez bien, neuf fois; médiocre, seize
fois.
Je dois vous faire remarquer que le chiffre des élèves exa
minés en fin d’année est toujours inférieur à celui des ins
criptions qui, à notre Ecole, représente 200 élèves environ.
Celte différence vient de ce que tous les etudiants arrivés à
leur dernière année n’ont pas d’examen scolaire à subir, et
que, de plus, depuis deux ans, les examens de fin d’année
ont été remplacés, pour le doctorat en médecine, par trois
examens de fin d’études subis avant la seizième ou dernière
inscription.
J ’ai, du reste, la satisfaction de vous dire, à ce sujet, que,
pour la seconde fois, le premier examen du doctorat a eu
- 85 —
lieu au siège de l’Ecole. Cette année, il a été subi les 8, 9 et
10 août, devant un jury composé de M. Planchon, profes
seur de botanique à la Faculté de Montpellier; M. Engel,
professeur de chim ie, et M. de Girard, agrégé pour les
sciences physico-chimiques à la même Faculté. L’an dernier
n’avait fourni que six candidats, cette année, il y en a eu
seize sur lesquels neuf ont été admis avec les notes sui
vantes : deux candidats ont obtenu la note bien ; cinq, la
note assez bien; deux, la note médiocre; voilà un ré
sultat satisfaisant à différents points de vue ; les familles en
particulier doivent se réjouir de ce que, pendant leurs études,
les jeunes gens n’ont pas à quitter l’Ecole pour les examens
du doctorat.
Les examens pour l’olficiat de santé et pour les sagesfemmes, présidés par M. Jaumes, professeur à la Faculté de
Médecine de Montpellier, ont eu lieu, pour la session du
printemps, le 31 mars. Cinq candidats ont subi le premier
examen d’officier de santé ; quatre ont été admis. Cinq ont
subi le second, trois ont été admis; enfin, six candidats
ont subi le troisième examen, cinq ont été jugés dignes du di
plôme. Sur ces douze examens subis par les candidats admis,
la mention bien a été accordée cinq fois; assez bien, deux
fois; médiocre, cinq fois.
Deux sages-femmes se sont présentées, elles ont été admises.
Pour les pharmaciens, les examens, présidés par M. Jeanjean, professeur à l’Ecole supérieure de pharmacie de Mont
pellier, ont eu lieu du 28 avril au 5 mai.
Six candidats ont subi le premier examen, cinq ont été
admis; huit se sont présentés au deuxième, six admissions ;
quinze ont subi le troisième, douze ont obtenu le diplôme de
pharmacien de deuxième classe.
Sur les vingt-trois examens subis avec succès, la mention
�— 87 -
bien a été accordée une lois: assez bien, quatre fois; mé
diocre, dix-huit fois.
Un candidat au titre d’herboriste s’est présenté et a été
jugé digne du certificat d’aptitude.
Les examens de validation de stage en pharmacie ont eu
lieu le 30avril, sous la présidence de M. le professeur Jeanjean, de l’Ecole supérieure de pharmacie de Montpellier;
M. Caillol de Poney, professeur de physique à l’Ecole, et
M. Jacquèmes, pharmacien de première classe, étaient les
deux autres examinateurs. Sur seize candidats inscrits, un
ne s’est pas présenté ; les quinze élèves examinés ont été
admis ; deux ont eu la note bien ; quatre, la note assez bien ;
neuf, médiocre.
Les examens de la session d'automne ont eu lieu, pour
les officiers de santé et les sages-femmes, les '18, '19, 20 et
21 octobre, sous la présidence de M. le professeur Jaumes.
Sept candidats ont subi le premier examen de l’officiat de
santé, un seul a été ajourné. Sur les six admis, la mention
très bien a été donnée une fois ; la mention bien deux fois;
assez bien, une fois; médiocre, deux fois. Huit candidats se
sont présentés pour le second examen, il n’y a eu qu’un
ajourné. Sur les sept qui ont été admis, la mention très bien
a été donnée deux fois; bien, une fois; assez bien, une fois;
médiocre, trois fois.
Il y a eu onze candidats pour le troisième examen, tous ont
obtenu le diplôme d’officier de santé, quatre ont eu la men
tion assez bien ; sept, la note médiocre.
Cinq sages-femmes étaient inscrites, toutes ont été jugées
dignes du certificat d’aptitude.
Les examens des pharmaciens et des herboristes ont eu
lieu du 17 au 26 octobre, sous la présidence de M. le pro
fesseur Jeanjean.
25 candidats étaient inscrits : 3, pour le premier examen :
1, pour le premier et le deuxième examen ; 11, pour les trois
examens; 4, pour le deuxième et le troisième; enfin, 6,
pour le troisième examen seulement. Sur les 15 candidats
qui ont pris part aux douze examens, 12 ont été admis,
3 ajournés. 14 candidats ont subi le deuxième examen,
12 ont été admis, 2 ajournés.
16 ont passé le troisième examen. Tous ont été jugés
dignes d’un diplôme de pharmacien de deuxième classe.
Sur ces quarante examens, la mention très bien a été ac
cordée deux fois; bien, douze fois; assez bien, onze fois;
médiocre, quinze fois.
4 candidats ont subi l’examen d’herboriste; 3 ont été admis.
Durant cette session d’automne, il y a eu aussi, comme
dans celle du printem ps, un examen de validation de
stage.
Il a eu lieu les 24 et 25 octobre ; même jury qu’au mois
d’avril. 28 candidats étaient inscrits; 21 ont été admis ; 3,
avec la mention bien; 5, avec la mention assez bien; 13,
médiocre ; 7, ont été ajournés.
L’an dernier, Messieurs, j’ai eu l’honneur de vous faire
l’énumération détaillée des améliorations nombreuses et im
portantes que nous avons pu faire à l’Ecole, grâce à la bien
veillance et à la générosité du Conseil municipal, auquel je
ne cesserai, au nom de mes honorables collègues et au nom
des élèves, d’adresser nos remercîmenls. Celle année, ces
améliorations ont porté leurs fruits; jamais, en effet, les
travaux pratiques n’avaient pu se faire d'une manière aussi
régulière.
L’éclairage au gaz a donné aux élèves la faculté de pro
longer les dissections jusqu’à une heure avancée de la soirée ;
je nouveau cabinet de physique et le laboratoire ont permis
au professeur de préparer pratiquement, d’une manière très
�convenable, les étudiants en médecine, en vue du premier
examen du doctorat ; les nouveaux laboratoires de phy
siologie et d’histologie ont, par leur excellente installation,
facilité la tâche du professeur qui a pu exercer très sérieu
sement les élèves à ces indispensables travaux, qui leur per
mettront de se présenter dignement au deuxième examen du
doctorat.
On ne saurait donner trop d’encouragements et de facilités
à toutes les séries de travaux pratiques exigés aujourd’hui
avec juste raison par les règlements.
Autrefois, on discourait, on philosophait, on dissertait des
années entières sur l’interprétation des textes, les études mé
dicales se faisaient surtout dans les livres et les cours dog
matiques. Aujourd’hui, l’esprit scientifique s’est heureuse
ment introduit dans nos travaux, et tend tous les jours à faire
de notre art, pour un grand nombre de ses parties, une vé
ritable science tout aussi positive que peuvent l’être les
sciences physico-chimiques.
Il est facile de comprendre l’avantage de ces tendances
nouvelles ; en effet, pour devenir habile médecin, c’est-à-dire
pour connaître les maladies et pouvoir les traiter, ne faut-il
pas étudier par soi-même l’anatomie et la physiologie, vivre
au lit du malade, connaître les instruments de physique, les
les procédés chimiques, l’histoire naturelle, qui fournissent
les éléments d’un bon diagnostic et toutes les ressources de
l’hygiène et de la thérapeutique? Peut-on aussi devenir
bon pharmacien sans les manipulations? Peut-on, sans elles,
devenir physicien, chimiste ; connaître pratiquement la ma
tière médicale ? Impossible. Eh bien I sans les labora
toires afférents à ces nombreux travaux, les études médi
cales et pharmaceutiques ne peuvent se faire. Aujourd’hui,
on juge l’importance d'une Ecole de médecine à son outillage.
— 8y —
Les améliorations obtenues l’an dernier avaient donc leur
raison d’être, elles ont été d’une incontestable utilité; mais
il est de toute nécessité de ne pas s’arrêter en chemin ; quel
ques lacunes restent à combler.
Par ses votes généreux et intelligents, la municipalité veut
bien nous fournir les moyens d’arriver à ce résultat.
Les besoins d’urgence sont l’agrandissement d’un des la
boratoires de chimie et de pharmacie dont l’exiguité rend
très difficile, pour ne pas dire impossible, le fonctionnement
des travaux pratiques pour les différentes séries d’élèves.
Cet agrandissement est matériellement possible, et peut se
faire à peu de frais.
De même que l’Ecole possède un chef des travaux anato
miques et un chef des travaux chimiques, il est urgent
d’avoir un chef des travaux pour l’histoire naturelle et les
études micrographiques qu’elle comporte; le professeur ne
peut pas, en effet, en dehors de ses heures de leçons, sur
veiller et diriger les élèves durant une grande partie de la
journée dans le laboratoire d'histoire naturelle. Ce supplé
ment que, sur ma demande, la ville a bien voulu ajouter
cette année au budget de l’Ecole, lui permettra de rendre ces
travaux pratiques aussi complets que tous les autres, et de
leur donner l’importance qu’ils doivent avoir.
Durant l’année scolaire 1880-1881, tous les services de
l’Ecole ont fonctionné avec la plus parfaite régularité, ce
qui est dû particulièrement au zèle et à l’exactitude de tous
les professeurs.
La clinique obstétricale, dans son élégant pavillon de l’hô
pital de la Conception, continue à donner les meilleurs ré-
�— 90 —
sultats, non seulement pour l’enseignement pratique des
élèves, mais aussi au point de vue sanitaire. En ell'et, il y a
eu, cette année, à la clinique, du 12 novembre 1880 au
12 septembre 1881,rcent vingt-cinq accouchements, pour
lesquels on n’a pas compté un seul décès. Il n’y a eu à signa
ler, parmi ces 125 femmes, qu’une seule malade, c’est une
albuminurique durant la grossesse, état morbide qui a com
plètement disparu après la parturition. La femme avait été
soumise à la diète lactée.
Dans le courant de l’année, l’Administration des hôpitaux
a pris une détermination dont on ne saurait trop la féliciter;
la place de pharmacien en chef des hôpitaux a été donnée au
concours. N’v a-t-il pas à espérer que l’épreuve publique,
qui a fait arriver à ce poste important notre nouveau sup
pléant, M. Kielsch, sera le point de départ d’autres concours
destinés à la nomination d’internes en pharmacie, tels qu’ils
existaient dans nos hôpitaux, il y a quarante ans. Dans un de
mes précédents rapports, j’ai tellement insisté sur l’impor
tance de cette création d'internes en pharmacie, que je dois
aujourd’hui me contenter d’en signaler la nécessité. Je suis
heureux de vous dire, Messieurs, que celte espérance ne
tardera pas à se réaliser, l’administration ayant décidé qu’un
concours serait ouvert pour la nomination d’élèves pharma
ciens, le 28 décembre prochain.
Il y a longtemps aussi que le besoin d'une clinique ophtal
mologique se fait sentir; le seul service pratique que nous
possédions sur ce point est une consultation qui, jusqu’à ce
jour, s’est faite en dehors des hôpitaux dans un local loué par
l’Ecole. Merci à la Commission administrative des hospices,
qui a bien voulu nous autoriser à faire, dans de bien meil
leures condilions, cette consultation à l'Hôtel-Dieu. Cette
intelligente autorisation est un acheminement vers la clinique
ophtalmologique pour laquelle nous faisons un nouvel appel
à la philanthropie de Messieurs les Administrateurs.
J ’en dirai tout autant du projet de clinique infantile,
projet qui, jusqu’à ce jour, n’a pu aboutir. Cette année en
core, M. Roux, de Brignoles, a bien voulu faire, dans son
service de la Conception, une série de leçons sur ce sujet
plein d'intérêt. Merci, cette année encore, à notre honorable
collègue des hôpitaux.
Il serait aussi bien à désirer, comme je l’ai dit et écrit
maintes fois que, pour l’unité du service, les chefs de clinique
fussent appelés à faire la visite du soir confiée au chirurgien
chef interne. Espérons.
Le véritable moyen de voir toutes nos espérances se réa
liser, ne serait-il pas la conversion de notre Ecole de plein
exercice en Faculté ? Bien des gens sont de cet avis.
�LISTE
DKS TRAVAUX P U B L IE S PAU LE P E R S O N N E L DK L’ECOLE
PEN D A N T L 'A N N É E SCOLA1HE 1 8 8 0 - 1 8 8 1 .
M. G irard , professeur de clinique interne. — Leçons sur U
phthisie pulmonaire.
M. Rampai, professeur d’anatomie. — Compte rendu du conseil
d’hygiène et de salubrité du département des Bouches-du-Rhône,
année 1879.
M. P ir o n d i , professeur de pathologie externe. — Des effets se
condaires ou attardés de l’anesthésie.
M. F abre , professeur de clinique interne. — La chlorose arthri
tique (Gazelle des Hôpitaux). — Du rétrécissement mitral latent
chez les jeunes Ullçs (Gazelle des Hôpitaux).
M. Combalat , professeur de clinique chirurgicale. — Mémoire
sur les kystes dermoïdes du plancher buceal. — Mémoire sur la
ligature de l’iliaque externe.
M. H eckel , professeur de matière médicale. — Nouvelles re
cherches au point de vue botanique, chimique et physiologique sur le
strvehnos (poison d’épreuve des Gabonais), Mémoire en collaboration
avec le professeur SchlagdemhaufTen (Journal de l'anatomie et de la
physiologie de Cli. Robin, mars 1881.)
M. Ltvux, professeur suppléant d'anatomie et de physiologie. —
t* Recherches sur la structure des organes digestifs des poulpes
(3 planches, '27 ligures). (Journal d'anatomie et de physiologie,
mars, avril. 1881).
2* Quelques réilexions à propos des travaux delà commission chargée
d’examiner les viandes de porc de provenance américaine
(Marseille médical, 1881).
M. Q u eir el , professeur suppléant d’accouchements :
1* Mémoire sur les varices dans la grossesse yAnnales de gynéco
logie) .
2° Mémoire sur la ligature élastique dans les fistules (Société de chi
rurgie, Paris).
3° Observation de kyste dermogène Soriélé anatomique).
— 93 —
M. V illeneuve fils, professeur suppléant de chirurgie :
1° Observations sur la taille hypogastrique.
2" Sur le testicule tuberculeux.
M. L aget , professeur suppléant de médecine. — Travaux du
laboratoire d’histologie (un fascicule, èii collaboration avec les doc
teur Richaud, Nicati et Fallot).
M. R ietsch , p ro fesseur SuppïéaiVf des séiences physico-chim iques.
— Notes sur le slernasp is scuta ta (Comptes rendus de l’Académie des
sciences, 11 avril et 2 m ai 1881).
M. R iciiaud , chef de clinique interne.—Recherches sur la cirrhose
biliaire du lapin domestique (en collaboration avec le docteur Nicati,
Archives de physiologie).
M. Cousin , prosecteur d’anatomie. — Deux cas de pustule ma
ligne (Marseille médical, juin 1881).
�D écernés au x É lèves de l'Ecole de Médecine
et de Pharm acie de M arseille.
Année scolaire 1880-1881.
ÉTUDIANTS EN M ÉD ECIN E.
3 Œe
ANNÉE
1er Prix : M. David.
2“e Prix : M. Oddo.
Mention honorable : M. Salvarelli.
2me A N N É E
2œe Prix : M. Forcioli.
Mention honorable : M. Arnaud.
ÉTUDIANTS EN PHARMACIE.
2Œe A N N É E
1*r Prix : M. Tajasque.
2me Prix : M. Pize.
1 ” ANNÉE
*er Prix : M. Collard.
2m® Prix : M. Lajard.
Mention honorable : M. Pignol.
—
— b—ü—
�— 9T —
RAPPORT DE M. NICOLAS -DURANTY
PROFESSEUR A L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE.
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
L’école de plein exercice de médecine et de pharmacie,
après avoir fait passer les examens de fin d’année, demande
aux élèves qui ont eu les notes bien et très bien, quelque
chose de plus ; elle les convie à des concours pour des prix.
Ce sont les résultats de ces concours, que je vais avoir
l’honneur de vous faire connaître. Je serai bref et j’éviterai
autant que possible les détails trop spéciaux, car je ne dois
pas oublier que l’auditoire d’élite qui assiste à notre séance
de rentrée, n’est pas exclusivement composé de médecins et
de pharmaciens.
Je commencerai par MM. les pharmaciens. Les étudiants
en pharmacie de première année ont eu pour question de
chimie: des sulfures métalliques; pour question de phar
macologie: des extraits. — Quatre candidats ont concouru,
trois ont été récompensés.
lrc question. — Des sulfures métalliques. — M. Lajard
a fait une excellente monographie des sulfures. Définition,
état naturel, préparation. Examinant les propriétés chimi
ques, il a fait ressortir l’importance de l’alonicité comme
moyen de classification et l’influence de la quantité de soufre
sur la neutralité du composé. Il indique avec soin le rôle
des sulfures. Enfin son exposition est méthodique.
M. Collard nous a donné un travail bien présenté, mais
les développements ont moins de largeur de vue que
dans la composition de M. Lajard. Toutefois ce travail est
complet.
Nous signalerons ensuite la composition de M. Pignol.
2“e question. — Des extraits. — M. Collard a traité la
question d’une manière méthodique, fort exacte et avec un
vrai talent d’exposition.
M. Lajard, grâce à ses connaissances chimiques, a pu
donner une bonne théorie des extraits, qu’il a fort bien ex
posée ; malheureusement, ses connaissances en pharmacie
pratique sont insuffisantes. Le jury le regrette, car il lui
aurait accordé la première place avec satisfaction.
M. Pignol a traité la question d’une façon satisfaisante.
La réunion des professeurs de l'école a accordé un pre
mier prix à M. Collard, un second prix à M. Lajard et une
mention honorable à M. Pignol.
Les étudiants de deuxième année ont eu pour question de
physique, la théorie des tuyaux sonores ; pour question de
matière médicale, botanique et pharmacie, des Rubiacées.
Quatre élèves ont été par leurs notes appelés à prendre
part au concours, trois se sont présentés, mais un des can
didats n’a pas traité la question de physique, et il a dù être
éliminé du concours, quoiqu’il ait fait une composition très
complète au point de vue de l’histoire naturelle et surtout
�— 98 —
de la pharmacie. 11 n’est plus resté que deux concurrents,
MM. Pize et Tajasque.
Ire question.— Théorie des tuyaux soyiores.— M. Tajasque
fait avec ordre et méthode, la théorie complète des tuyaux
sonores.
Il décrit les tuyaux, montre leur fonctionnement puis dé
duit théoriquement l’existence et la position des nœuds et
des ventres. Enfin, il termine en décrivant les dispositions
diverses des expériences qui permettent de contrôler les faits
qu’il avance.
M. Pize est moins net, moins précis, son exposition est
diffuse. Le côté théorique de la question est négligé et il
n’insiste pas assez sur les expériences.
La composition de M. Tajasque est incontestablement su
périeure.
2m,‘ question. — Des rubiacées — M. Pize, est diffus,
sans méthode dans son exposition. Mais il a traité la ques
tion de botanique et de matière médicale d’une manière
complète; dans la pharmacologie il a accumulé une grande
quantité de faits.
M. Tajasque présente toujours les mêmes qualités, l’or
dre, la méthode, la précision. Malheureusement, la botani
que est incomplète et contient quelques erreurs de détails.
Dans la matière médicale, il n'a pas été exact en parlant des
dosages relatifs de la quinine et de la cinchonine dans les dif
férents quinquinas. La pharmacologie est bien présentée et
avec beaucoup de faits.
L’école, sur le rapport du jury, a accordé : un premier
prix à M. Tajasque; un second prix à M. Pize.
MM. les élèves en pharmacie sont exercés à toutes les ma
nipulations chimiques et pharmaceutiques; cette étude con-
— 99 —
stitue ce que l’on appelle l e s travaux p r a t iq u e s . Ces travaux
pratiques sont classés et divisés de telle manière, que dans
l’espace de trois années les élèves acquièrent les connaissan
ces techniques et pratiques, qu’ils doivent posséder pour
l’exercice de leur profession.
Première année. — La question a été : monter un appareil
de Woolff; le faire fonctionner.
Un seul appareil a été établi d'une manière satisfaisante.
Les autres manquaient d’élégance. En général les élèves
n’ont pas bien terminé leurs produits.
Un second prix a été accordé seulement, et il est divisé
entre MM. Bernardi et Reybaud.
Deuxième année. — Deux questions ont été posées, une
d’analyse chimique, une de préparation de chimie organi
que.
Ire question. — Analyse chimique. — Mélange de sul
fate de chaux et d’acétate de baryte.
Les candidats ont tous déterminé les bases et l’acide sul
furique, ils ont été moins heureux pour l’acide organique.
Leur exposition est bonne.
2m8 question. — Préparation de chimie organique. —
Préparer le cyanate de potasse. — Cette préparation de
mande quelques précaulious. Trois élèves l’ont parfaitement
réussie.
Un 1er prix a été décerné à M. Tajasque: un 2“* prix à
M. Marcantelli.
Une mention honorable à M. Vérignon.
Troisième année. — Trois questions ont été posées. Une
question d'histologie végétale, une de chimie analytique,
une enfin de toxicologie.
Irt question. — Histologie végétale. — Les candidats
�— îrtn —
doivent présenter des préparations microscopiques, accom
pagnées de dessins et de légendes explicatives.
Analyse de la fleur du Tritania varia. — M. Arnaud a
fait de bonnes coupes transversales et longitudinales de
l’ovaire. Bonne préparation du pollen. Dessins nets et précis.
Dans l’organographie de la Heur nous ne signalons qu’une
seule erreur.
M. Gourrier a donné de bonnes préparations organographiques, son histologie est inexacte. Les notions du candidat
sont confuses sur la constitution de l’ovaire, des ovules, du
placenta. M. Rabattu a commis quelques erreurs dans
l’examen microscopique. En étudiant les étamines il s'est
également trompé.
M. Micheletti a fait une analyse trop sommaire.
2me question. — Chimie analytique. — Dosage de la
quantité de chlorure de baryum contenue dans une liqueur.
— MM. les élèves opèrent très convenablement et pren
nent les précautions qu’exigent une détermination quan
titative. Les nombres trouvés ne s'écartent pas des nom
bres théoriques et ils se servent des poids équivalents
pour calculer les résultats.
M. Arnaud a donné le résultat sous la meilleure forme;
ses concurrents le suivent de très près.
3m# question. — Toxicologie. — Recherche du sulfate
de zinc dans un vin et présenter le résultat sous forme dt
rapport.— M. Arnaud a donné une bonne composition, c’est
la meilleure .
M. Rabattu a bien exposé ses recherches.
M. Gourrier s’est perdu dans une multitude de détails.
M. Micheletti a fait une excellente expertise.
<01
—
Après un examen attentif de toutes ces épreuves, le jury
a proposé à l’école de donner les récompenses suivantes :
1er prix: M. Arnaud.
2me prix M. Rabattu.
Mention honorable ex-œquo: MM. Gourrier et Micheletti.
Bassons maintenant aux concours des étudiants en méde
cine.
MM. les élèves de 2me et de 3me année ont seuls donné
des concurrents. Les élèves de 1re année n’ont eu ni con
cours, ni prix. Cela ne veut pas dire que ces étudiants
n’aient pas été assidus aux cours et qu’ils aient passé de
mauvais examens; au contraire, les élèves de 1re année ont
suivi les cours régulièrement et ont passé des examens sa
tisfaisants. Il est nécessaire d’entrer dans quelques détails
pour expliquer celle situation qui peut paraître paradoxale.
D’après le décret du 20 juin 1878, les étudiants en méde
cine pour le doctorat doivent subir le premier examen de fin
d’études après la quatrième inscription. Les étudiants qui
ont subi cet examen étaient précisément ceux qui auraient eu
les meilleures notes et auraient été les concurrents pour les
prix. En effet, les matières enseignées pendant la première
année et constituant les sujets du premier examen du doc
torat, sont : la physique, la chimie, l’histoire naturelle. Ces
sciences font l’objet de cours très élevés, conformes aux pro
grammes de l’enseignement supérieur. Elles ont déjà été étu
diées par les aspirants au doctorat, alors qu’ils préparaient
leur baccalauréat ès-sciences, tandis que les aspirants à l’of
ficial de santé abordent ces cours sans préparation scienti
fique. Les premiers, les bacheliers ès-sciences, se sont pré
sentés à l’examen pour le doctorat ; les seconds, les aspirants
à l'olïiciat de santé, sont restés pour l’examen de fin d’an-
�— 103
née. Ils l’ont passé convenablement, en prouvant qu’ils
avaient travaillé, mais sans donner des résultats brillants
appelant des récompenses.
Pour la deuxième année, quatre candidats ont concouru;
deux seulement ont été désignés pour une récompense,
MM. Forcioli et Arnaud.
Les questions étaient : i° circulation veineuse; 2° des
varices.
Ire question. — Circulation veineuse. — M. Forcioli est
entré dans de nombreux détails anatomiques et physiologi
ques, ce qui lui a fait perdre de vue l’ensemble de la ques
tion. Il rachète cependant cette faute par une exposition
très complète du sujet. Enfin, malgré quelques légères er
reurs, celle question est bonne.
M. Arnaud a donné une composition écrite dans un style
net , précis. Son exposition est méthodique , très claire.
Malheureusement, il n’est pas assez entré dans le détail, il a
trop écourté ses descriptions.
2me question. — Des varices. — M. Forcioli expose
d’une manière très claire la formation des varices. Il étudie
ensuite les autres points de la question avec ordre et mé
thode. 11 envisage son sujet du côté pratique et il le fait avec
un esprit très judicieux. On voit le praticien et le travailleur
consciencieux.
M. Arnaud se montre dans cette question avec les mêmes
qualités et les mêmes défauts que dans son élude sur la cir
culation veineuse. Composition écrite dans un style très clair,
très net; exposition méthodique, bien ordonnée. Mais pas
de détail, il effleure son sujet. Le jury a présenté, en pre
mière ligne, M. Forcioli, et, en deuxième ligne, M. Arnaud.
L’Ecole, tout en appréciant le travail de M. Forcioli, a fait
remarqner qu’il contenait quelques erreurs, et elle lui a
accordé un second prix. Une mention honorable a été accor
dée à M. Arnaud.
En troisième année, quatre concurrents se sont présentés,
et trois ont été jugés dignes d’être récompensés.
Les questions étaient : 1° causes et signes de la chorée;
2° pustule maligne et traitement; 3° des indications de l’ac
couchement prématuré.
l re question. — Causes et signes de la chorée. —
M. David est incomplet dans l’étude des causes de la
chorée; ainsi, il ne parle pas de l’influence du rhumatisme
sur cette maladie. L’action du système nerveux dans la pathogénie de la chorée est au contraire fort habilement traitée.
Les symptômes sont étudiés trop rapidement, de nombreuses
omissions sont malheureusement à signaler. Le talent d’ex
position de M. David est remarquable. Style imagé, coulant;
l’expression est choisie, nette, précise.
M. Oddo est également incomplet dans l’étude des causes.
Il insiste, d’une manière judicieuse et avec des dévelop
pements très corrects, sur l’action que l’alcoolisme du père et
de l’hystérie chez la mère, peuvent avoir sur les enfants au
point de vue du développement de la chorée. La partie de la
composition consacrée aux signes est assez complète, et la
question du diagnostic est traitée avec un esprit pratique,
digne d’être noté. L’exposition est claire, méthodique.
M. Salvarelli est sorti des limites de la question. U a exa
miné des points qui n’entraient pas dans le sujet, et a laissé
de côté des parties qui primaient dans la question. U a montré
des connaissances étendues, mais peu de méthode.
2œe question.— Pustule maligne et traitement. — Cette
question est pleine d’actualité. Les beaux travaux de
�M. Pasteur sont parfaitement connus par les candidats.
Beaucoup de monographies ont été faites, dans ces derniers
temps, sur ce sujet, et l’abondance des matières présentait
un obstacle. Il est facile de s’égarer dans cette immense
question des germes, des microbes. Les concurrents ont
évité les écueils avec prudence, et le sujet a été traité d’une
façon très remarquable par tous ces Messieurs.
M. David a étudié la question avec une grande largeur de
vue. Sa composition nette, précise, équilibrée dans toutes
ses parties, est, au point de vue plastique, si je puis me servir
de cette expression, supérieure à celles de ses condisciples.
Malheureusement, nous notons quelques omissions et pas
assez de précision technique dans certains détails.
M. Oddo nous adonné une composition éminement pra
tique et tout-à-fait supérieure à ce point de vue. Il indique la
position de la question d’une manière sobre et précise. Le
traitement est exposé, si vous me permettez de le dire, de
main de maître.
M. Oddo entre dans les plus petits détails, en appliquant
les données les plus récentes de la science. Il se montre
praticien sagace et instruit.
M. Salvarelli connaît son sujet, mais il le possède moins
bien que MM. David et Oddo. Il est incomplet dans ses des
criptions ; le traitement est abordé d’une manière trop géné
rale.
3me question. — Des indications de Vaccouchement préma
turé. — Cette question est délicate, elle renferme des points
dont l’examen est difficile, et il faut une grande lucidité
d’esprit pour l’envisager sous toutes ses faces. Des consi
dérations très diverses préoccupent le médecin dans les si
tuations qui demandent l’accouchement prématuré.
M. David n’envisage pas la question bien en face; cepen
dant, il dit d’excellentes choses et les écrit, comme toujoursr
d’une manière attachante.
M. Oddo, dans son esprit pratique, trace les indications
de l’accouchement prématuré avec précision, mais il est trop
bref.
M. Sal varelli présente bien la question, ses divisions sont
bonnes, pratiques, mais il n’est pas assez précis, assez
net.
Le jury a mis en première ligne les compositions de
MM. David et Oddo. Celles de M. David brillent par une ré
daction très remarquable ; celles de M. Oddo sont plus con
densées, plus nourries de détails pratiques. Si le jury a pré
senté à l’Ecole M. David en première ligne, c’est parce que
sa note à l’examen oral avait été supérieure à celle obtenue
par M. Oddo.
L’Ecole a donc décerné un premier prix à M. David ; un
second prix à M. Oddo, et une mention honorable à M. Salvarelli.
Tels sont, Messieurs, les résultats des concours pour les
prix. Les développements dans lesquels nous sommes entrés
nous ont conduit à faire une part à la critique, une part à
l’éloge. Laissez-moi, maintenant, vous dire, ce que nous
avons constaté d’une manière générale, dans toutes les com
positions, aussi bien dans celles qui ont été couronnées que
dans celles qui n’ont pas été jugées dignes de récompense,
c’est un véritable esprit scientifique. Vous ne vous êtes pas
contentés de l’observation pure, d’une description simple ,
vous avez comparé entre eux les phénomènes que vous avez
décrits, et toutes les fois que cela était possible, vous avez
appelé à votre aide l’expérimentation. Messieurs, c’est par
celle méthode d’étude que la science progresse toujours.
C’est Là la voie du progrès, du progrès graduel, successif,
�—
106
—
incessant. L’observation, la comparaison, l'expérimentation
et l’examen judicieux et impartial de tous les phénomènes,
tels sont les éléments qui doivent servir de base à l’édifice de
la science. Permettez moi, pour term iner, de synthétiser ma
pensée, en vous citant les paroles d’un maître illustre, de
M. Charles Kobin. « Nulle investigation scientifique , de
« quelque ordre qu’elle soit, ne se borne à l’investigation
« pure, toute observation entraînant au moins les rudiments
« d’une comparaison entre les diverses faces d’un objet ou
« les diverses phases successives d’un phénomène, et cela
« sans parler des cas si nombreux dans lesquels doit interve« nir l’expérimentation (1). »
(1) Programme du cours d’Hislologie.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1882-1883.pdf
7b077af30ef595c88b9ccf3ea339e8e4
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ACADÉMIE
D’ AI X
SÉANCE SO LE N N E LLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE TH ÉO LO G IE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET
DES
LETTRES
1882-1883
ET
UT,,1LJ
DE L ÉC0LE DE PLEIN exercice de médecine
ET DE PHARMACIE
A I X
VEÜVE
E MONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU,
1882
53
��ACADÉMIE
D’ AI X
SÉANCE SO LE N N E LLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE TH ÉO LO G IE, DE DROIT, DES SCIENCES
ET
DES
LETTRES
ET
UT,,1LJ
DE L ÉC0LE DE PLEIN exercice de médecine
ET DE PHARMACIE
A I X
VEÜVE
E MONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU,
1882
53
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET DE L ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉ DE C I N E
ET DE PHARMACI E
L a séa n ce s o le n n e lle d e r e n tr é e des F acu ltés de T h é o
logie c a th o liq u e , d e D r o it et des L e ttre s d 'A ix , de la
F aculté d es S c ie n c e s et d e l’ É c o le d e p lein e x e rc ic e de
M éd ecin e et d e P h a r m a c ie d e M a rs e ille , a eu lieu à A ix ,
le m e rc re d i, 6 d é c e m b r e 1 8 8 2 , à d eu x h eu res, dans le
grand a m p h ith é â tre d e la F a c u lté de D roit, sous la p r é
sidence d e M . B e lin , R e c te u r d e l ’ A c a d é m ie .
L es p la ces r é s e r v é e s é ta ie n t occu p ées par M . R igaud,
p rem ier P r é s id e n t d e la C o u r d ’ A p p e l d ’A ix , M . C o m o let, S o u s -P r é fe t d e l ’a rro n d is s e m e n t d ’A ix , M . S ch a ell,
P résid en t du T r ib u n a l d e p r e m iè r e In sta n ce, des m agis
trats, des c o n s e ille r s m u n ic ip a u x , les ch efs des d ivers
�s e rv ic e s p u b lic s résid a n t à A ix , M . le P r in c ip a l et une d é
lég a tio n d es P ro fe s s e u rs d u C o llè g e .
M M . les In s p e c te u rs d ’A e a d é m ie , M M . les D oyen s et
P ro fe s s e u rs des d iv e rs e s F a c u lté s , M . le D ir e c te u r et des
DISCOURS DE M. BELIN
RECTEUR DE
l ’ a CADÉMIE
P ro fe s s e u rs d e l ’É c o le d e M é d e c in e et d e P h a rm a c ie , tous
en g ra n d co stu m e, a va ie n t p ris p la c e su r l ’estra d e autour
d e M . le R e c te u r.
D es étu d ian ts en g ra n d n o m b r e é ta ie n t g ro u p é s dans la
s a lle .
Messieurs,
M. B e lin , a p rè s a v o ir d é c la r é la séa n ce o u verte, a
p ro n o n c é l ’a llo c u tio n su iva n te.
En prenant au jou rd ’ hui la place du savant, dont j ’ai été
l’un des prem iers collab orateu rs, et dont j ’ai su apprécier,
comme vous, la rare b ien veilla n ce et l’esprit d ’équité, je dois
d’abord rem ercier M. le M in istre de l’ instruction publique
du décret qui m ’a ap p elé à la d irection de l’ Académ ie d ’A ix.
Celte faveur, je m e hâte d e le d ire , je ne l ’ai point sollicitée;
je connaissais, par une ex p érien ce personn elle, les difficultés
de la tache laborieuse im posée ici au recteur; et, d ’autre part,
je quittais avec r e g r e t cette terre algérien n e, qu’on ne peut
habiter quelque tem ps, sans se sen tir aussitôt pris pour elle
d’une sorte d ’a ffectio n ; cette F ran ce n ou velle, où ceux qui
dirigent et distribu en t l’en seign em en t ont leur part m arquée
dans l'œ uvre de colon isation et d ’assim ilation progressive que
nous avons com m en cée depuis un dem i-siècle, et où le peu
que j ’ai tenté de fa ire, durant un trop court séjour, n ’aura
�— 8 —
pas été absolum ent in u tile. T o u tefo is, j'a u ra is mauvaise grâce
à dissim uler devan t vous une satisfaction qui est réelle: je
ren tre dans un m ilieu u n iversita ire où de nom breuses sym
pathies m e sont ch ères, où la capacité et le dévoùm ent sont
chose ord in aire, où l’on s’est depuis lon gtem p s appliqué à rem
p lir le rôle que le gou vern em en t de la R ép u b liq u e ajustement
assigné à l’ U n iversité, quand il a vou lu refa ire notre éduca
tion n a tion a le; et je vais p o u vo ir ren ou er d ’anciennes rela
tions avec des corps élus, avec des m u n icip alités qui poursui
ven t le m êm e but que nous, qu i, toutes, sont désireuses d’ai
d er de leurs efforts les réform es apportées dans l’enseigne
m en t par les pou voirs publics et le conseil supérieur de l’ Uni
versité, et qui sont, avan t tout, jalou ses d ’assurer aux en
fants de chaque cité cette in stru ction solid e et sincère, qui,
donnée par des m aîtres u n iversitaires, p rép are à la France
des citoyens qui seront de leu r pays et de leu r temps.
Vous n ’attendez pas de m o i, M essieurs, que je remplisse,
en cette p rem ière solen n ité, l ’olllce en qu elqu e sorte propre
au recteu r; que j ’ essaie de vous ex p oser la situation, les pro
grès, les vœ u x de n otre en seign em en t supérieur ; ce soin
regard e M M. les doyens et M. le d irecteu r de l’école de mé
decine, e t.il y aurait de ma part tém érité à m ’en vouloir aus
sitôt ch arger. Je ne ra p p ellerai m êm e pas les mesures récem
m ent prises p a r le conseil su p érieu r pou r accoutum er MM. les
étudiants en d roit et en m éd ecin e à a p p o rter plus de conti
nuité, plus de suite dans leurs étu d es; et pour rendre plus
efficaces des ép reu ves,ù ion t les difficu ltés étaient trop sou
ven t éludées. Je ne p arlerai pas d avan tage de la transforma
tion qu 'a dû subir en p artie n otre en seign em en t supérieur
scientifique et littéra ire, par la création depuis quelques an
nées d'u n au ditoire p a rticu lier, u n iq u em en t composé de jeu
nes hom m es qui se destin ent au p rofessoral, et qui, se prépa
rant à l’a gréga tion ou à la licence, dem andent avant tout
qu’on leu r en seign e qu elqu e chose, fût-ce d’ une manière
sèvère et sèche. A ces auditeurs nouveaux, vous le savez, les
rem arques p rofon d es, les réflexions spirituelles, quelqu’en
soit l’agrém en t ou l ’im p révu , ne suffisent p lu s; ils veulent
sentir, sous l’ éléga n te am pleu r de la phrase, sous le coloris
intense du sty le, ou une dialectiqu e vigoureuse et serrée, ou
un fonds solide de connaissances étendues et positives. J’ai
beaucoup à ap p ren d re de vous, M M . les doyens et M. le di
recteur ; j ’ai à m ’ in stru ire de ce qu ’a fait chaque faculté, de
ce qu ’elle se propose de fa ire, de ce qu ’elle doit, dans l’inté
rêt de la science q u ’ e lle représen te, d em a n d era une adminis
tration su p érieu re, dont vous connaissez, com m e m oi, la con
stante bonne vo lo n té ; j ’ai à étu dier avec vous toutes ces ques
tions d ’o rd re sou ven t d ivers, qui, discutées d ’abord dans les
assem blées de M M . les professeurs, sont traitées par vous avec
une com pétence et une hauteur de vue que je n ’ignore point ;
je sais que je puis co m p ter sur votre dévoùm ent éclairé, sur
le soin ja lo u x avec leq u el vous v e ille z à tous les intérêts de
l’école que vou s d irig e z; je sais surtout que j ’ ai le rare avan
tage d ’a vo ir pou r collab orateu rs des savants qui honorent
cette académ ie, et dont l ’Institut de France récom pense, pour
ainsi p a rler, ch aqu e an n ée, les découvertes et les travaux. En
retour, M essieurs, je vous apporte une certaine expérience
adm in istrative, le sen tim en t profond des devoirs que j ’ai à
rem plir ici en vers l ’ U n iversité et le gou vernem ent de la R é
publique, et une h ab itu d e qui nous est com m une, l ’habitude
d’un travail soutenu et rég u lier. Nous pourrons ainsi conti
nuer sû rem en t ce q u ’a com m en cé l’adm inistration de mon
regretté p réd écesseu r; et, quand l’ heure sera venue, nous
essaierons, dans l ’en seign em en t supérieur, d ’entreprendre
à notre tour.
�I
—
10
—
L ’en seign em en t secondaire, si florissant dans nos grands
établissem ents publics, et dont l ’objet p a rticu lier est d ’assou
plir pour d’ autres éludes les jeu nes in tellig en ces, réclam era
d ’ une m anière plus p articu lière qu e l’en seign em en t supé
rieu r notre attention et nos soins. Dans cette au tre lâche,
j ’aurai pour collaborateurs M M. les inspecteurs d ’ Académ ie,
dont j ’ai été longtem ps le co llègu e, qui ont appris, dans l’ad
m inistration, à ne m esu rer ni leu r lab eu r ni leu r z è le ; et qui,
autant que m oi, ont l ’ habitude des hom m es et des choses de
l’en seign em en t ; aussi som m es-nous d ’ava n ce assurés, sur ce
point, du succès de nos com m uns eiïo rts. Vous savez tous,
Messieurs, qu elles réform es p rofon d es ont été récem m ent
apportées dans notre en seign em en t secon d a ire : les anciennes
m éthodes ont disparu ; elles ont fait p lace à une discipline
n o u velle, plus ration n elle, plus ap p ro p riée aux. besoins et aux
aspirations de notre société d ém ocratiqu e. Les esprits super
ficiels et légers ont souri des p ro gra m m es élab orés par notre
conseil supérieur ; d ’autres, le regard sans cesse tourné vers
les universités étran gères, les on t trou vés presqu e insuffi
sants ; mais, tels q u ’ils ont été arrêtés, p atiem m en t et sérieu
sem ent suivis, ils d on n eron t, nous en avon s la con viction , aux
générations élevées par nous, des habitudes d ’esp rit plus v iri
les, et, avec le désir de savoir ré e lle m e n t, le besoiu plus rare
de se ren d re com pte de ce q u ’ on sait. C om m e l ’a dit en ter
mes excellen ts l ’ém in en t ad m in istrateu r, dont le passage
parm i vous a laissé de si du rab les traces, et qui peut reven
d iqu er sa la rg e part dans la rén ova tion de n otre vieil ensei
gnem ent secondaire, j'a i nom m é M . Ch. Z évort, nous vou
lons en seign er à pen ser, nous vou lon s am en er l’enfant « à
contracter des habitudes de réflex io n qui d evien d ro n t plus
tard la règ le de sa v ie . » M ais une m éth od e n e réussit point
par sa seule effica cité; il faut, pour en assurer le succès, le
— il —
concours de ceux qui sont ch argés de la m ettre en œ uvre ; et
nousavons, M M . les inspecteurs d ’Académ ie et m oi, à nous
préoccuper de constater si l ’esp rit de la doctrine nouvelle a
partout p én é tré ; si partout on en poursuit l’application avec
ténacité, avec sin cérité, avec conviction. Edicter, prom ul
guer, n ’est pas tou jours d iffic ile ; exécuter, au contraire, de
mande du tem ps, e x ig e des efforts, com m ande m êm e parfois
l’abnégation.
A côté de l’en seign em en t secondaire réservé à nos fils, il en
est un autre plus n ou veau , lon gtem p s m éconnu et disputé,
établi enfin, l’en seig n em en t secondaire des filles, dont nous
devons, dans tous les gran d s centres du ressort, poursui
vre l’organisation et assurer le fonctionnem ent. D erniè
rement, en in au gu ran t à R ou en un lycée de filles, M. le Mi
nistre de l’instruction p u b liq u e indiquait, avec l’autorité qui
lui appartient, le but qu e s’est proposé le législateur en adop
tant la loi C am ille S ée, et les d evoirs nouveaux imposés au
jourd'hui à l ’ U n iversité de F ran ce. Nous saurons, dans l’Aca
démie, m ettre en p ratiqu e d ’aussi sages conseils. Dans l’œu
vre difficile et d élica te d e l ’éducation des filles, nous aurons
soin de d em an d er d ’abord aux m ères de fam ille leur appui,
leur collaboration presqu e q u otid ien n e; nous ne voulons
point, nous, nous substituer à e lle s ; nous voulons, au con
traire, q u e lle s ga rd en t intacte sur leurs enfants une autorité
que nous estim ons légitim e et sacrée; et nous ne ca
chons point le dessein qu e nous poursuivons. Aux qualités
aimables, qui font qu e nos filles sont la parure, le charm e,
parfois la consolation de n otre fo y e r dom estique, nous vou
lons ajouter un support solid e. Nous voulons qu’ elles s’ac
coutument à tr a v a ille r avec ré g u la rité , avec su ite, et
non plus par accès ; nous vou lon s qu ’elles sentent le be
soin de v o ir, d ’o b s e r v e r , de s’en qu érir du pourquoi des
�—
12
—
ch oses; nous voulons qu ’ elles aien t, sur tous les objets dont
l’étude leur est perm ise, des connaissances à la fois précises
et com plètes. Il faut, q u ’en tre nos fils et nos filles il y ait
en q u elq u eso rte com m unauté d ’études, afin q u ’ il y ait com
m unauté de sentim ents et d ’id é e s ; afin qu e, deven u e à son
tour m ère de fa m ille, la jeu n e fille soit, pou r celui qu’elle
aura librem en t accepté, (je rép ète, M essieurs, ce qu'on ne
doit point se lasser de rép éter) « la cla irvo y a n ce qui avertit,
le bon conseil qui éclaire et en cou ra ge. » Et cette intimité
des jou rs heu reu x et m a lh eu reu x , qu e nous souhaitons plus
en tière en core dans l’in térêt de la p aix sociale elle-m êm e,
elle ne d evien d ra une réalité qu e si, sous l'œ il de m aîtres ani
m és d ’ un m êm e esprit, nos fils et nos filles appren n en t à lire
les m êm es caractères, à penser et à a g ir suivant les mêmes
lois, suivant les lois im m uables de la raison.
C 'est en core au concours de M M . les inspecteurs d ’Académ ie que je ferai appel pou r constater les p rem iers résultats
de la révolu tion vérita b le ap p ortée dans le systèm e de notre
en seign em en t p rim aire. Le tem ps est passé oii l’on croyait
avo ir assez fait pour l’ instruction p o p u la ire, si l’on apprenait
à l’enfant peu favorisé de la fortu n e à lire , à écrire et à
com pter ; la dém ocratie a com p ris q u ’e lle devait d’une
autre m anière é le v e r le fu tu r .cito y en ; et c ’est à le former
com m e corps, com m e in te llig e n c e , com m e volon té, qu elle
veut qu ’on s’attache sans relâ ch e, en ap p liqu an t les lois que
vous connaissez. Mais je ne puis, m êm e b rièvem en t, exposer
ici les conséquences prochain es de cette radicale transfor
m ation ; il ne nous est donné d ’assister à ce grand travail
qu ’en spectateurs, nous ne som m es poin t en A lg érie, où les
instituteurs font com p lètem en t partie de notre fam ille uni
versitaire ; et nous attendons le jo u r où, en France, les maî
tres de nos écoles ne d ép en d ron t plus que de chefs, qui se
-
13
—
sont, com m e eu x, voués tout entiers à l’en seign em en t et le
représentent. T o u tefo is, une large part nous a été réservée
presque en tière dans le dom aine de l’enseignem ent prim aire ;
et nous avons, de ce coté, avec d ’ im portants devoirs à rem plir,
une responsabilité que nous saurons reven d iqu er. C’est, en
effet, à MM. les inspecteurs d ’Académ ie et au recteur qu’in
combe la tâche de s u rv e ille r les écoles norm ales, d ’en contrô
ler la d irection , et de v o ir si l’on form e le jeu n e instituteur,
comme nous vou lon s q u ’il form e à son tour les enfants que
lui confie la société, c’est-à -d ire, si l ’on fait appel à son ini
tiative, si l’on suscite, si l’on d évelop p e toutes ses facultés ;
si, à la place de la m éth od e d ’au torité, on prend pour règle
absolue de ne lui rien im poser, qui n ’ait été d ’abord ou prouvé
par l’ex p érien ce, ou d ém on tré d ’ une m anière rationnelle. Le
vieil axiom e p éd ago giq u e « tant vaut le m aître, tant vaut
l’élève » n ’a point cessé d ’être une vérité ; et nous n’ou
blierons pas qu e l’a v e n ir de l’en seign em en t prim aire dépend
en partie de ceux qu i, receva n t dans ces séminaires nou
veaux des jeu n es gen s que d ’au tres ont préparés, doivent,
après trois années d ’études sagem ent graduées et mesurées,
en faire de vérita b les éducateurs.
Messieurs les étudiants, en prononçant devant vous, pour
la prem ière fois, l’allocu tion d'u sage, j ’ai tenu, parce qu’il
s’agit de vous et de vos destinées, à m arquer l’idée qui a
présidé à la con cep tion n o u velle de notre enseignem ent na
tional à tous ses d egrés ; et le but qu’on s’est proposé par
l’application de celte con cep tion . Ce but est essentielle
ment patriotique. Le gou vern em en t de la R épublique a vou
lu, de celte façon , p r é p a r e r a la France des générations v i
goureuses de corps, au ju gem en t sain, aux volontés viriles,
prêles à tous les efforts pou r la défense de la liberté et du
droit, et cm m êm e tem ps accoutum ées au respect de la loi et
�14 incapables des gran des défaillan ces ; ei nous altendons avec
confiance les nécessaires effets de ce travail réparateur. Le
poète officieux d ’Auguste, H ora ce, o b servan t avec tristesse
ses contem porains, osait, dans une strop h e célèb re, affirmer
q u ’ils valaien t m oins que leurs p ères, et que les enfants qui
grandissaient, par l’effet d ’ une loi in élu ctab le, seraient pires
en core. Nous nourrissons un esp oir plus fortifian t et une am
bition plus salutaire ; nous souhaitons qu e les jeunes gens,
que nous élevon s, soient m eilleu rs qu e nous, soient plus heu
reux que n o u s; nous souhaitons surtout qu e, par un souci
constant de leu r respon sabilité et de leurs devoirs, ils se
m ontrent dignes de ressentir ces joies patriotiqu es qui nous
on t été refusées. L ’U n iversité de F ran ce a pu changer de
m éth o d es; les m éth odes ne sont poin t im m uables, elle n’a
pas changé d ’esprit : les yeu x fixés sans cesse sur l’image de
la patrie, soutenue et en cou ragée p ar un gou vernem ent qui
l’estim e enfin à sa ré e lle va leu r, e lle con tin u era, comme ré
crivait n aguère un de ses m aîtres les plus courageu x, qui, en
tout temps, a su jo in d re l’e x e m p le au précepte, M. Bersof,
elle continuera à vous d on n er, M essieurs les étudiants, « le
« respect de la vérité, la sin cérité parfaite, fut-ce à vos dé« pens, le sentim ent de l ’h on n eu r, en un m ot, ces qualités,
« qui, [en d ’autres tem ps] pourraient nu ire à votre tran« q u illilé e t à votre avan cem en t, m ais qui valent ce qu’elles
« co û ten t: la netteté dans l ’esprit et dans la vie. »
M . le R e c te u r d o n n e e n s u ite la p a r o le à M . Marion,
p ro fe s s e u r à la fa cu lté d es s c ie n c e s d e M a rs e ille , chargé
d e p r o n o n c e r le d isco u rs d ’ u sage.
D IS C O U R S
Sur les p r o g r è s réc en ts des Sciences naturelles
P rononcé
p a .r
M. A . F. MARION
Professeur de Z oologie
Monsieur
le
à
la Faculté des Sciences.
R ecteur,
Messieurs,
Dans ces réu n ions solen nelles qui inaugurent les travaux
de l’année sco la ire, chacun de nous apporte un sentiment
profond de solid arité qui prend sa source dans une complète
com m unauté de goûts pour les choses de la science. Notre
pensée est éga lem en t sollicitée par tous les genres d ’études,
par toutes les sortes de rech erches. Mais le dom aine de l’es
prit hum ain est d éjà si vaste que ses tenanciers n’en peu
vent plus p a rco u rir toutes les dépendances, et la notion de
notre insuffisance nous o b lig e bientôt à nous confiner dans
un petit coin , dont la cu ltu re à elle seule exige tous nos efforts.
C’est aussi avec un in térêt m arqué que chaque année, nous
écoutons le c o llèg u e à qui incom be la tache de nous entre
tenir un instant de la science qu ’il aim e, en nous esquissant
�—
16
-
ses récentes conquêtes, ou ses n ou velles tendances. In vité à
prendre à m on tour la parole, j ’ ab ord e sans aucune hésita
tion cette sorte de revu e qu e vous réclam ez de m oi.
Vous avez assisté, M essieurs, à la su rp ren an te progression
des sciences naturelles. O u vertes à toutes les in telligen ces,
à toutes les aptitudes, elles s’en rich issa ien t, depuis longues
années, d ’une foule de faits p én ib lem en t accum ulés par de
patients analystes, que d ’injustes sarcasm es ven a ien t parfois
troubler dans leurs rech erch es ; et, com m e d ’ un sol profon
dém ent creusé, nous avons vu ja illir b ru squ em en t une florai
son brillante de conception s p h ilosop h iqu es et d ’applications
utiles.
D evant une réun ion d ’ hom m es d ’un caractère m oins élevé
que le vo tre, en présen ce de gens qui vo u d raien t classer
uniquem ent la science d ’après l’aid e q u ’e lle peut prêter à la
satisfaction des nécessités m a térielles de la v ie, nous aurions
de longues énum érations à d évelo p p er..
Nons d evrion s ra p p eler les d écou vertes rela tives à la vie
des ferm ents, ces végétau x élém en ta ires si u n iversellem en t
répandus, et dont l’existen ce se m a n ifeste par les phénom ènes
les plus contradictoires. Nous d irion s par qu elles expériences
m agistrales on a su les saisir et les d irig e r , tantôt au cours
des fo n d io n s ch im iqu es dont leu r évo lu tion s'accom pagne,
tantôt au m ilieu des affections m orb id es q u ’ ils déterm inent
au sein des organism es. A côté de ces brillan tes conquêtes, si
salutaires déjà, et qui o u vren t à l’ h ygién iste des horizons ras
surants, nous oserions à p ein e in d iq u er les efforts, souvent
efficaces, que d ép loien t une fo u le de p raticien s dans leur
lutte contre les d iverses m alad ies parasitaires qui ont si pro
fondém ent trou blé n otre écon om ie a g ric o le , aussi graves par
leur retentissem ent sur le régim e des sociétés actuelles, que
les maux qui en frap p en t d irectem en t les individus. Nous
pourrions d ire en core les secours que l’ industrie ou le com
merce réclam en t ch aqu e jo u r de la zoologie, de la botanique,
ou de la g éo lo g ie ; m ais il nous convient de dem eurer sur le
terrain de la science pu re.
Tout un m on d e d 'id ées n ou velles a été agité pendant ces
vingt dernières années par les biologistes. Les points de vue
n’étaient p eu t-être pas absolum en t inconnus, mais il était in
dispensable de les v is e r de plus près. L ’érudition à ses ch ar
mes; elle ne peut su ffire cepen dan t aux nécessités changeantes
des sociétés, qui p rogressen t avec le besoin toujours croissant
d’un plus gran d n o m b re de vérités o b jectives. Com m e les ter
res longtem ps cu ltivées, cette base physique de nos connais
sances serait fa ta lem en t condam née à un prochain épuise
ment, si de la b o rieu x o u vriers ne ven aien t sans cesse lui ad
joindre l ’apport de n o u ve lles décou vertes.
L ’accueil si em pressé qu e les doctrines évolu tives ont reçu
des m eilleurs esprits, nous persuade que des perspectives
non encore soupçonn ées s’o u vren t aux discussions p h iloso
phiques, et leu r p rép a ren t un essor in esp éré; et quand nous
voyons nos co llègu es, les h istorien s, les psychologues, les
moralistes, les économ istes, intéressés au spectacle du m onde
desêtres que nous étudions, em p ru n ter nos m éthodes, et appli
quer les lois o rga n iqu es qu e nous form ulons, nous com prenons
que les sciences d ’o b serva tio n , d égagées du trouble des pre
miers temps, ont en fin reco n n u la vo ie vérita b le et qu ’elles
atteignent une position p réém in en te.
Plus que les au tres bran ch es, la g éo lo gie a tiré profit des
recherches récen tes. N ous n ’avons pas à faire ici l’ historique
de ses th éo ries; il est bon pou rtant de retracer le chem in
parcouru depuis la « Description des envirotis de Paris » et
le «D isco u rs sur les Révolutions du Globe. » Ces travaux
comme ceux d’ E lie de B eaum ont, avaient préparé l’œ u vre de
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d ’O rb ig n y . L ’ hypothèse des p ériod es successives, limitées
par des cataclysm es m ettant fin à toute une population ani
m ale et végétale, et an non çant l’a vèn em en t d ’ un monde
nouveau, à régn é lon gtem ps sans conteste. Q uelques esprits
perspicaces ob jectaien t bien qu e rien dans la nature actuelle
ne ju stifiait de telles idées, et qu ’ il était sage de n ’employer
dans la science que des ex p licatio n s basées sur de rigoureu
ses observations ; m ais la th éo rie des lentes évolutions or
ganiques et de la contin u ité des p h énom ènes géogéniques
ne d evait s’affirm er que plus tard .
In au gu rée après l’ex p lo ra tio n d ’ une portion du globe re
lativem en t très restrein te, la ch ro n o lo g ie géologiqu e allait
s’ enrichissant sans cesse d ’étages, d ’époques, et de périodes.
Dans l’esprit de d ’O rb ig n y , ch aqu e strate étudiée en un point
qu elconque de la F ran ce, rép on d ait à une création spéciale
et contenait par conséquent une faune p rop re. Elèves de
l ’un des disciples les plus arden ts de celte école, nous étions
habitués, au début de notre ca rriè re scientifique, à l’idée
que telle coqu ille trou vée fossile dans un terrain particulier,
pou vait bien p ara ître id en tiq u e à des éch an tillon s découverts
dans d’ autres terrains, mais que tous ces êtres avaient dû né
cessairem ent ap p arten ir à des espèces d ifféren tes puisqu’ils
avaient vécu à diverses ép oqu es. N ons suivions du reste
l’exem p le d ’ un naturaliste de gran d nom , Agassiz, qui, dans
son liv re sur « l ’ E spèce, » é c riva it récem m en t qu ’on ne con
naissait aucune form e an im ale ou vég é ta le ayant échappé aux
révolu tion s du g lo b e, et qu e des êtres m orphologiquem ent
identiques, si l ’on ven ait à les ren con trer, les uns vivants,
les autres fossiles, ne d evra ien t être considérés que comme
« les m anifestations de deux créations différen tes. »
Certes, de telles d octrin es ne sont plus au jourd’hui accep
tables ; les êtres qui peu plent nos m ers et nos continents se
t
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—
m ontrent à nous com m e les descendants des animaux et des
végétaux qui les ont précédés. C ’est dans les phénom ènes
géologiques anciens qu e nous trouvons la raison de leur
association. Ces p h én om èn es géologiqu es eux-m êm es, nous
les connaissons d ’une m an ière bien plus exacte, grâce aux
explorations d ’ une fou le de savants qui ont eu la mission
d’éien d rea u x d iverses parties du g lo b e le s é tu d e s com m en
cées en Europe.
Le cham p qui d em eu re ou vert aux recherches est encore
immense ; on peut d ire cep en d an t qu’ il a été reconnu en ses
divers p o in ts , et toutes les belles découvertes qui ont
marqué les p rem ières étapes, donnent une idée exacte de ce
que l’on peut atten d re de l’a ven ir. Le faisceau des faits nou
vellem ent rassem blés est tellem en t touffu, que nous ne pou
vons évid em m en t a ttirer l’attention que sur quelques-uns
d’entre eux, choisis parm i ceux qui touchent le plus à la
science gén éra le.
La géologie ne se préoccu pe pas seulem ent de déterm iner
les caractères des êtres qui se sont succédé à la surface du
globe: elle préten d aussi faire l’ histoire des phases que
notre terre a subies, d esp h én om èn es m écaniques et physi
ques qui ont présidé à ce qu e l’on pou rrait appeler sa propre
évolution. Du reste, ces diverses sortes de recherches se
prêtent un m utuel ap p u i, et se pénètrent pour ainsi dire.
L’une des questions qui ont, sans contredit, le plus éveillé
la curiosité, est c e lle des clim ats anciens. M ieux que les asso
ciations anim ales, les plantes d ’ une contrée dénotent avec
exactitude le rég im e th erm iqu e auquel le pays est soumis. Aussi,
la géographie b otan iqu e et la p aléon tologie végétale ont-elles
donné au géo lo g u e de rem arqu ab les indications. L ’étude des
flores anciennes est au jou rd ’ hui très avancée, et c’est grâce
aces em preintes de feu illes patiem m ent recueillies en tous
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lieu x , dans les dépôts les plus d ivers, et laborieusem ent inter
prétées à l’ aide de caractères sou ven t bien fugaces, que l’on
a pu reconstituer avec qu elqu e p ro b a b ilité les scènes des
temps passés. C ’est ainsi q u ’a été fix ée l’ép oqu e vers laquelle le
refroidissem ent p olaire s’est m a n ifesté pou r la prem ière fois.
Cet évèn em en t, si im portant, dans l ’écon om ie de notre globe,
correspond à la p ériod e d ésign ée sous le nom d'époque infracrétacée. Jusqu’à ce m om en t les plantes qui croissaient dans
les différen tes parties du m on d e p résen taien t à peu près le
m êm e faciès.
Les flores hou illères récem m en t o b servées en Cochinchine,
dans l’ In d e, en S ib érie, dans l ’A m ériq u e du N ord , ne se dis
tinguent en rien , ni par l ’aspect g én éra l des végétaux qui
les com posent, ni m êm e par les espèces prin cipales qu’elles
com prenn en t, de celles des bassins eu ropéen s. Nous les re
trouvons identiques au m ilieu des dépôts contemporains
découverts dans les région s arctiqu es par les explorateurs an
glais, am éricains, suédois et russes. Il ne s’agit pas d’une
vue de l’esprit plus ou m oin s p ro b a b le, m ais d ’ un fait positif,
incontestable. Lors de la fo rm a tion de la b o u ille des terrrains
prim aires, les m êm es cryp togam es, les m êm es Lcpidodendrées, les m êm es Calamites, les m êm es Fougères , croissaient
depuis le 25° jusqu’ au 78° de latitu de n ord .
L ’ observateu r qu i, à ces ép oqu es loin tain es, se serait élevé
de la C hine ou du cen tre de la F ra n ce, à travers la Sibérie
ou à travers l’ E u rope, ju sq u ’au S p ilz b e rg , ju squ ’au Groen
land, n’aurait pu saisir au cune d ifféren ce dans la végétation
de ces contrées, qui sem blent au jou rd ’ hui si étrangères les
unes aux autres. C ette m êm e égalitép ersistait encore entre les
m êm es région s lors de la p ériod e ju ra ssiq u e; la flore fossile
recu eillie au S p ilzb erg , aux en viro n s du cap Boheraan,
vers le 78° de latitude, com p ren d plus de trente espèces
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21
-
ayant végété p o sitivem en t sur les lieux où elles sont fossili
sées ; et d ix d ’en tre elles sont absolum ent identiques avec
des form es décrites dans l’o o lilh e de la France ou de l’A n
gleterre. Au S p itzb e rg , com m e plus bas en Enrope et jusque
dans l’In d e trop icale où Feistm antel vient B e les signaler,
les flores ju rassiqu es m on traien t la m êm e association de Fou
gères, d ’ Ëquisetacées, d eC yca d ées et de C onifères. Les mêmes
genres et sou ven t les m êm es espèces se reproduisaient à tra
vers cet im m ense esp a ce, et pénétraient dans l’ hém isphère
sud, car les plantes fossiles du Cap, de l ’Australie et du C hili,
n’offrent pas d ’au tres caractères.
Il est donc bien é v id e n t qu e, durant celte longue période
correspondant à la form ation des terrains prim aires et des
étages jurassiqu es, aucune influen ce clim atérique ne corres
pondait au x latitudes. Une tem pératu re égale, une m êm e com
binaison des saisons, régn a ien t assurém ent des tropiques aux
pôles alors q u ’une vég éta tio n u n iform e s’étendait partout.
El il ne s’agit pas seu lem en t d ’attribu er à ces régions polaires
en proie au jou rd ’ hui aux froid s les plus rigoureux, un ciel
plus clém en t; les d écou vertes de la paléontologie végétale
nous obligen t à pen ser qu e les jou rs y succédaient régu lière
ment aux nuits. Sans doute les plantes de la houille appartien
nent à des fa m illes cryp togam iq u es qui, dans la nature ac
tuelle, affection nen t les stations om breuses, les vallées bai
gnées par une bru m e tièd e et h u m id e; mais une nuit de trois
mois aurait suffi p o u r a rrê te r leu r développem ent. Une
abondante lu m ière est en core bien plus indispensable aux
Cycadées et aux C on ifères qu i, cependant, lors de l ’époque
jurassique, cou vraien t les terres du S pitzberg.
D’ailleurs, ce rég im e astronom iqu e que nous attribuons au
pôle des tem ps anciens ne disparaît pas brusquem ent. Il se
montre à nous com m e un état p rim itif qui ne se m odifie que
�progressivem ent à travers les âges. Lors de la période infracrétacée, un p rem ier refro id issem en t se m anifeste, mais nous
som m es en core bien loin des nuits de trois m ois. La végéta
tion continue à être exu b éran te ; tou tefois nous voyons au
tour du cercle p olaire les C on ifères d o m in er et revêtir les
caractères de plusieurs g en res actuels. D es Séquoia, des
Torreya, des cèdres, des sapins, com m en cen t à se montrer,
en m êm e temps qu e les D ico ty léd o n es font leur première
apparition. Ce d ern ier p h én om èn e, qui était destiné à opérer
une si gran d e action sur le m on d e v ég éta l, coïncide à la fois
avec ce refroidissem en t p o la ire, et avec l’extension considé
rable que les continents on t p rise vers la m êm e époque. Nul
doute que l’évolu tion des p lan tes angiosperm es, qui de
vaien t un jo u r su bordon ner tous les types de Conifères, de
Cycadées, et de C ryp togam es, ne se soit réalisée à l’écart, au
sein d ’ une terre lon gtem ps é m erg ée, loin des rivages de la
m er, et p eut-être dans une con trée m ontagneuse. Il est cer
tain de toutes m an ières que les D icotyléd on es se présentent
brusquem ent aux p aléon tologistes, déjà diversifiées et répan
dues sur des espaces con sid érab les, à l ’ép oqu e cénomanienne,
en B ohèm e, dans le m idi de la F ran ce, dans le centre de
l’A m ériqu e du N o rd . E lles sont à p ein e annoncées, lors de
l'in fra-créta cé par une espèce p o la ire qui a été considérée
com m e dénotant l’existen ce d ’ une so rte de Peuplier. Bien
tôt les M agnolia, les N ym p h éacées, les Menisperraées, les
A raliacées, les La u rin ées, les Q u ercin ées, se multiplient et
préparen t pour ainsi d ire les com binaisons végétales de la
période tertiaire, durant laqu elle les plantes revêtent pro
gressivem ent les p articularités m orp h ologiqu es des espèces
actuelles.
P ou r l’ h istoire des tem ps tertiaires les documents abon
dent. Leu rs flores terrestres nous sont connues par des
gisem en ts, riches en em prein tes de tous genres, placés
sous toutes les latitudes, au B résil, à J a v a , en Ita lie, en
Espagne, en F ran ce, en A llem a g n e , en A n gleterre, enfin,
dans ces région s polaires qui constituaient alors un vaste
continent sur les deux h ém isp h ères.
Vers la fin des dépôts éocènes et au début des form ations
dites aquilanienn es, la végétation de l ’ Europe m éridionale
possédait un aspect nettem en t tropical. Une réunion de
Palm iers, de Lau rin ées, de Bom bacées, de M orées, de Mimosées, de Sapindacées, indiqu e une m oyenne therm ique oscil
lant entre 22 et 2 4 ° c. L ’ influen ce de la topographie d ’une
région est dès lors cepen dan t assez grande pour am ener,
suivant les lieu x, des d ifféren ces de faciès très intéressantes.
Sur le bord du plateau central par ex em p le, à Alais dans le
Gard, à Arm issan dans l’ Aude, les plantes dicotylédones
offraient un feu illa g e am p le, et s’ associaient à diverses Coni
fères dénotant une vég éta tio n forestière. Ailleurs, dans le
bassin de M a rseille, com m e aux en viron s d ’A ix, les arbustes
à feuilles étroites et coriaces dom inaient et couvraient de
massifs épars les p lages de d ivers lacs peu éloignés des bords
de la m er. Mais, à m esu re que nous nous élevons vers le
nord, la scène ch an ge. Il ne s’agit plus de différences locales,
peu im portantes au fond ; les flores tertiaires septentrionales
portent in con testab lem en t l’ em p rein te d ’un clim at plus froid.
Vers le 50° de latitu d e n ord , la m oyenn e therm ique s’abaisse;
elle a dû cepen dan t être en core voisine de 18° c. sur les
bords de la B altiqu e actu elle, où les derniers Palm iers se
montraient. Ces sim ples rem arqu es suffiraient déjà pour nous
faire penser que le refro id issem en t polaire, à peine sensible
lors de la p ériod e in fra -crétacée, n ’a cessé depuis de s’accen
tuer en réagissant len tem en t sur les terres voisines, et en
refoulant p ro gressivem en t vers l ’équateur les flores tropicales
�-
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prim itives, si u n iform ém en t répan dues au trefois du nord au
sud.
Soum ises, dans la zon e arctiqu e, aux prem ières influences
d ’un clim at nouveau, ces flo res d u ren t se p rêter à des éla
borations n ou velles. P o u r rép o n d re au contraste des saisons
dont les d ifféren ces s’a ffirm a ien t tou jours davantage, des
repos de végétatio n d e v in re n t nécessaires et la chute des or
ganes appendicu laires p rit peu à peu les caractères d’un
phénom ène rég u lier. Les p rem ières plantes à feuilles cadu
ques se m on tren t dans les couches tertia ires arctiques de l’Is
lande, du S p itzb erg, du G roen lan d , d e la terre de Banks, des
île s P a r r y , d u 65° au 78° d e latitu d e N . Tan d is qu ’en Provence
les genres européens actuels étaient rep résen tés par des espèces
à feu illes persistantes, qu e nos O rm es tertiaires étaient des
Microplelea, qu e nos P eu p liers ap p arten aien t au type du Peu
p lier de l’E u ph rate, qu e nos B ouleau x étaient des Helulaster
tels qu e ceux l’Asie cen trale ou m érid io n a le actuelle, les Bou
leaux p roprem en t dits, les O rm eau x vérita b les, les Peupliers
blancs, les T illeu ls, les H êtres, les C oudriers, les Chênes
parents de nos rou vres, les C h âtaign iers, les Platanes, do
m inaient vers le N o rd . R éalisés dans les terres arctiques, ces
types nouveaux se p rop a geaien t en rayonn an t vers le sud,
sur les terres am éricain es com m e sur le continent européen,
s’avançant plus ou m oins à la fa v e u r des m ontagnes, tendant
à descen dre dans les va llées ou dans les plaines basses, à me
sure que le refro id issem en t progressait.
Nous le répétons, un état n o u veau s’est établi depuis l’épo
que h ou illère. Il ne peut plus être question d ’égalité de
clim ats. Les saisons rigou reu ses ont d ébu té vers le pôle, mais
cependant, à l ’époqu e m iocèn e, les associations végétales
du G roenland, v e rs le 7 0 ° de la tjlu d e nord, n ’ont pu être
soumises à une tem p ératu re m o yen n e in férieu re à 10° ç.
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Plus haut, au S p itzb erg, m a lgré la prédom inance des Coni
fères, le clim at ne d evait pas d ifférer beaucoup de celui de
l’A llem agn e sep ten trion ale actuelle. Les botanistes n’admet
tront pas qu e le rég im e des longues nuits d ’ h iver fut dès lors
établi, en dedans du c ercle polaire. Ils ne pourront croire aisé
ment que des S équ oia et des Cyprès-chauves, identiques à
ceux de la C a lifo rn ie, que des Platanes, que des Magnolia,
que des K ak i et des G in ck go analogues à ceux du Japon, aient
végété et constitué des bois de haute futaie, dans une con
trée où la lu m ière leu r aurait été refusée pendant plu
sieurs m ois. C ’est bien plutôt à l’établissem ent progres
sif de ces nuits polaires et à l’aggravation toujours crois
sante du fro id , q u ’ iis attribueron t l’élim ination des végétaux
m iocènes arctiqu es au jou rd ’ hui rélégués jusqu’au delàdu 45°,
et le rem p lacem en t des forêts qu ’ils constituaient autrefois,
par les tapis d ’arbustes ram pants qui donnent de nos jours,
aux pays du p ôle com m e aux sommets des grandes monta
gnes, leu r cachet de désolation.
Ces con sidération s que l’on form ulait tim idem ent, il v a dix
ans à p ein e, alors qu e nous avions à professer un cours de
géologie p ro ven ça le, se sont prom ptem ent affirm ées, grâce aux
découvertes des exp lorateu rs étran gers et aux belles études
du professeur H e ç r ; m ais il n ’est que juste de faire rem ar
quer que si les notions qui en découlent se sont définitive
m ent établies dans la science, des savants français ont su
contribu er par leurs publications com m e par leur enseigne
m ent, à le m ettre en r e lie f et à leur donner leur véritable
sign ification.
Un ch ap itre im p ortan t a été ainsi ajouté à l’ histoire de
l’évolu tion du règ n e végéta l. C’ est maintenant à nos collègues
les m ath ém aticien s astronom es, qu ’il appartient de rech er
cher la raison de ces phénom ènes cosmiques inattendus, dont
�—
les flores fossiles arctiques ont ré v é lé l’existen ce. Eux seuls
peuven t nous d ire le rô le q u ’aurait jou é aux époques ancien
nes un soleil n ébu leu x, com p ren an t en core dans sa masse
les planètes intérieu res, plus p roch e de la te rre , offrant donc
un plus grand diam ètre et p ro jetan t sur n otre glob e un im
m ense faisceau de lu m ière.
C’est à eux que nous d em an d eron s l’ évalu ation du temps
qui a pu s’écou ler en tre cet étal so la ire et l’établissement
des conditions actuelles, persuadés qu e la science astronom i
que saura fix er avec qu elq u e exactitu d e la d u rée des pério
des géologiqu es, pendant lesqu elles la v ie végéta le, comme
la vie anim ale, ont subi des évo lu tion s si com plexes.
Nous venons de d ire qu el secours les exp loration s géolo
giques ont prêté aux éludes botaniques. E lles n ’ont pas été
m oins profitables aux trava u x des zoo lo gistes. Le tableau du
règne anim al serait incom plet si, à coté des types vivants, la
place des espèces fossiles n ’était réservée. La plus grave
préoccupalion des naturalistes co n tem p o ra in s est, sans con
tredit, de d écou vrir et de retra cer les vo ies m u ltip les du m er
veilleu x en chaîn em en t des ê tre s ; et ch aqu e jo u r, les géolo
gues apportent les élém en ts de la déterm in ation de quelque
nouveau stade in term éd ia ire. N ous étions am enés, par des
études d ’ un o rd re p articu lier, à supposer une parenté intime
en tre les rep tiles et les oiseau x, en ap p a ren ce bien éloignés
les uns des autres. L e m ode de d évelop p em en t de ces verté
brés se m anifestait aux yeu x des spécialistes avec de telles
analogies, qu ’ il était naturel d ’ad m ettre, non pas com m e on
veut, m alicieu sem en t sans dou te, le fa ire d ire aux transfor
m istes, que les rep tiles actuels ont, un beau m atin , enfanté
nos oiseaux, m ais que les oiseau x n ’ont pas toujours possédé
les caractères ex térieu rs, ni les particu larités ostéologiques
qui les distinguent au jou rd ’hui, et que leurs ancêtres étaient
les proches de ceux dont les rep tiles actuels sont issus.
27
—
Les dém onstration s expérim entales sont, les plus souvent,
refusées aux naturalistes ; ils possèdent cependant, à l’appui
de leurs th éories, un g en re de preuves susceptibles de faire
naître la co n victio n . L ’em b ryogén ie, qui nous montre les di
vers stades du d évelop p em en t d ’un être, la paléontologie,
qui nous appren d les phases traversées par la fam ille de cet
être, nous fou rn issen t des notions dont la concordance est si
gn ificative, et les p reu ves de cette rem arquable convergence
s’offrent fréq u em m en t.
Les couches jurassiques de l’ A llem agne ont livré récem
ment aux géo lo gu es les restes d ’ un curieux anim al, [’Arché
optéryx, en core bien voisin des reptiles par sa longue queue,
par ses m âch oires garn ies de dents, par son épaule, par son
aile dont les d oigts ne sont qu ’im parfaitem ent transformés,
mais cou vert de plum es et se dressant sur deux patte sem
blables à celle s d ’un vérita b le oiseau. Dans des terrains
d ’ une ép oqu e plus récen te, aux Etats-Unis, dans les assises
crétacées si u tilem en t exp lorées par les professeurs Cope
et M arsh, les oiseaux se m ontrent plus évo lu és; ce sont
alors des an im au x don t le port aurait fait penser à nos
cygnes ou à nos échassiers, mais leur tête gard e, comme
souvenir d e leu r o rig in e, des m âchoires arm ées de dents.
Ces O d on torn ith es s’éteign en t au début du tertiaire, et à ce
niveau apparaissent des légions de m am m ifères.
C om m ent en qu elqu es m ots résum er tous les progrès réa
lisés dans cette b ran ch e de la science? Nous devrions suivre
la succession des form es innom brables dont les fam illes ac
tuelles ne sont qu e la d ern ière expression. Les recherches
d’ O w en ,d e R u tim e y e r, de G au dry, de Voldem ar kow alevsky,
d’A lp h . M iln e E dw ards, de F ilh o l, les travaux si importants
des naturalistes am éricain s, nous m ontreraient bétonnante di
versité, la p lasticité presqu e sans borne des m am m ifères ter
tiaires.
»
�-
?8
—
Nous aurions à dresser de vérita b les gén éa lo gies zoologi
ques, avec des branches collatérales disparaissant sans des
cendance, tandis que d ’autres souches plus vigou reu ses s’é
panouissaient en ram eaux n om b reu x. N ous ve rrio n s le Che
val actuel précédé par des g en res chez lesquels les doigts la
téraux se réduisaient p ro gressivem en t pou r réaliser le type
solipède. Nous pourrions rech erch er l’o rig in e de nos A n tilo
pes, de nos Cerfs, dans ces B isulques am bigus et com m e « syn
thétiques » de l’éocène su périeu r, et nous serions ainsi ame
nés à reconn aître l’ étroite parenté des Su id ien s et des Rum i
nants. Nous assisterions aux débuts d illiciles de ces derniers,
subordonnés d ’abord, prenant en suite un essor inespéré, à la
faveu r de la m u ltiplication des gram in ées herbacées.
Nous ne pouvons qu ’esquisser à gran ds traits le sens de ces
études. A m esure que nous nous éloign on s de l ’époque ac
tuelle, les espèces, les gen res, puis les o rd res au x-m êm esd e
m am m ifères, perden t la n etteté de leurs caractères et nous
nous trouvons en face d ’organism es m oins spécialisés. Mais
nos arch ives p aléon tologiqu es d em eu ren t incom plètes. Nous
devons attendre que de n o u velles d écou vertes vienn ent rat
tacher aux D id elp h es ou aux M o n o lrè m e s d u Jurassique les
M onodelphes tertiaires. N ous ne possédons en core qu’ une
dent de m am m ifère crétacé, trou vée, il y a qu elqu es semaines
à peine, en A m ériq u e. Le professeu r C ope fera sans doute
ressortir bientôt sa curieuse co m p le x ité, et nous dira comment
de sa couronn e hérissée de plus de v in g t croissants, il est pos
sible de faire d é riv e r toutes les com b in aison s dont les molai
res des m am m ifères ont été susceptibles.
De sem blables ren con tres se re p ro d u iro n t. La question
des origin es des m am m ifères fix e en ce m om en t l’attention de
tous les paléontologistes, et nous pouvons com p ter que dans un
aven ir plus ou m oins proch ain , qu elq u e squ elette des cou-
— w —
ches triasiques vien d ra s’o iïrir à nous, aussi étrange que
l ’Archéoptéryx dont nous rappelions plus haut l'existence, et
rattachera aux rep tiles la souche des M am m ifères eux-mèmes.
Mais com m en t n ier qu e les docum ents paléontologiques ne
soient ven us m o d ifier déjà le point de vue auquel se plaçaient
naguère les naturalistes les plus distingués ? Pourrions-nous
aujourd’ hui ten ter sans hésitation la reconstitution d ’ un
animal fossile, à l'a id e seulem ent de quelques ossements iso
lés, alors qu e nous connaissons une fou le d ’êtres unissant à
la dentition d ’ un g en re, les m em bres ou le tronc d ’un autre
genre, la tête d ’un rep tile aux plumes et aux pattes d’ un
oiseau, les m â ch oires d 'u n rum inant aux jam bes d ’un san
glier, les dents d ’ un ch ien aux pieds d ’ un ours.
A m esure qu e l’ h ypothèse des cataclysmes disparaissait
des doctrines g éo lo g iq u es, la notion de l’enchaînem ent des
êtres, de leu r évo lu tion p rogressive, de la transform ation
len te de leurs caractères, se fortifiait et déterm inait une
révolution co m p lète dans les th éories de zoologie pure.
11 serait superflu de ra p p eler l ’infiuence que le livre « De
l’origine des espèces » a ex ercé sur la direction des éludes. La
doctrine de la p lasticité des organism es n’avait pu, du temps
d eL a m a rck , se fa ire jo u r au m ilieu des préoccupations tech
niques d ’ un m on d e d e savants, prin cipalem ent analystes, et
dont la m ission était de don n er à la connaissance anatom ique
des anim aux l’exactitu d e qui lui avait fait défaut jusqu’alors ;
elle a trou vé avec l ’œ u vre de D arw in tous les esprits préparés
à la recevo ir. O n ava it établi pour les deux règnes, des clas
sifications rigid es, m ath ém atiquem ent divisées, et le naturaliste
descripteur d em eu rait satisfait lorsqu ’il avait signalé dans
chaque grou p e sp écifiqu e une particularité m orphologique
supposée p erm a n en te. M ais souvent, à mesure que nos in
form ations s’ éten d a ien t, le « bon caractère » s’ am oindris-
»
�—
30
—
sait ou s’ éleign ail com p lètem en t. L a rech erch e des dilTérences deven ait d ’ailleu rs si m inu tieuse, qu e le nom bre des
espèces se m u ltipliait à l’ infini dans nos cadres systémati
ques, au point que la conception de l ’ indépen dance et de la
stabilité des form es organ iqu es s’ obscurcissait, de m êm e que
l’ hypothèse des créations successives n ’avait pu, en géologie,
résister à la décou verte d ’ un gran d n om b re d ’étages secon
d a ires dans la série des terrains.
D e leu r côté, les em b ryogén isles offra ien t, à l’appui fies
idées nouvelles, les belles d éco u vertes d ’ une science dont
l’im portance s’accroît tous les jo u rs .
S ’ il est exact que les anim aux aien t fait leu r apparition sur
le glo b e, distincts les uns des autres, et revêtu s dès l’origine
de tous leurs attributs, leu r d évelop p em en t depuis l’œ uf jus
qu ’à l’état adulte doit d ifférer totalem ent d ’ un type à l’autre,
et son élude ne pourra nous fa ire assister q u ’à la brusque
réalisation d ’ un organism e co m p lexe. T e lle n ’est point la si
gnification des phénom ènes em b ryo gén iq u es. Tandis que la
théorie cellu laire s’établissait dans la science et que les
histologistes suivaient la gen èse des tissus v iv a n ts , on
devait écarter l’étran ge pensée qu e l ’em b ryo n existe tout
form é dans l'œ u f, qu oiqu e in visib le, et qu e l’incubation
d éterm ine seu lem en t le grou p em en t et l’apparition de ses
parties.
La nature u n icellu laire de l ’o vu le ava it été prom ptem ent
constatée. P révo st et Dum as avaien t vu sa segm entation, et
un gran d nom b re d ’ob servateu rs s’étaient consacrés à la re
ch erch e des phénom ènes consécutifs, m ais les faits qu’ils
avaient constatés n ’étaient ni grou pés ni coordonnés. Déjà
sans doute, en 1828, de B aër, dans son m ém orab le traité du
dévelop p em en t, avait d it que les em b ryo n s ou les larves des
types supérieurs correspon dent à des étals perm anents chez
-
31 -
les form es m oin s élevées, mais celte proposition exigeait,pour
être form u lée com m e une loi véritable, des études plus pro
fondes, plus m inu tieuses, servies par des m éthodes et des pro
cédés plus exacts.
H u xley fit, le p re m ie r, rem arqu er que le corps des Cœlen
térés, des C oraux ou des Méduses, est form é de deux cou
ches qui rep résen ten t les deux feuillets prim itifs des em
bryons des vertéb rés : il était réservé à Alexandre Kowalevsky de p ou rsu ivre la rech erch e de ces analogies dans toute
la série an im ale. L ’œ u vre du célèb re professeur de l’U n iver
sité d ’ Odessa est vérita b lem en t considérable. Il n’est pas un
seul grou p e d ’êtres qui n ’ait attiré son attention. Il ne s’agit
plus d ’o b server su p erficiellem en t, à travers les membranes
de l’œ uf plus ou m oins transparentes, l’apparition des orga
nes. L ’o vu le, durci par des réactifs qui fixent ses éléments
aux divers m om en ts de l’évolu tion de l’em bryon, est coupé
en tranches m inces suivant toutes les directions. On ne se
laisse pas a rrê te r p ar la taille infim e de l’objet. Les actes les
plus fu gitifs, les plus cachés, viennent ainsi se révéler sous
le m icroscope.
Im m éd iatem en t après sa fécondation, l’œ uf est le siège
de phénom ènes qui com pliqu ent sa structure. Il est déjà
susceptible de s’in d ivid u a liser, et les infusoires ne sont
autre chose qu e la réalisation zoologique de ce prem ier
état em b ryo n n aire ; m ais tandis que les Protozoaires se
fixent à ce stade, et réunissent dans une seule cellule toutes
les d ifféren ciation s don t l’ élém ent prim ordial est capable, les
autres anim aux, constitués par des agrégats cellulaires, pas sent par d ’autres phases. C hez tous, deux feuillets blastodermiques se fo rm en t, l'u n extérieu r, effectuant les fondions de
relation par lesqu elles l ’être réagit sur le m ilieu qui l’en
toure, l’au tre in tern e, ch argé de la nutrition. Ces deux cou-
�-
3*2
—
-
elles, K ow alevsk y les m on tre dans tous les em branch em en ts;
il s'efforce de p rou ver que si elles s’organ isen t d ’après des
procédés particuliers suivant les types, elles ne cessent pas
d ’ être hom ologues, car les d ifféren ces, constatées souvent
chez des espèces voisines, ne d ép en d en t qu e de la proportion
des substances nu tritives réun ies dans l’œ uf.
Tout un grou p e d ’anim aux, celui des C œ lentérés, ne dé
passe point ce stade caractérisé par l’ ex isten ce de deux feuil
lets, ainsi qu ’H u x ley l’avait reconn u. Les autres ne le m on
trent plus qu ’à des m om ents em b ryo n n aires ou larvaires,
com m e un souvenir ataviqu e de leu r o rig in e ; ch ez eux, une
troisièm e couche blastoderm iqu e apparaît, interposée aux
deux p rem ières, et elle p résid e à l ’o rgan isation d ’ une cavité
du corps et d ’un appareil circu latoire.
Poussant plus loin la rech erch e de la parenté des divers
types, K ow alevsk y, après a vo ir fix é les prin cipau x traits du
développem ent de l ’A in p h io x u s, nous appren d que les étals
larvaires des Ascidies se rap p roch en t in tim ém en t de ceux de
ce vertéb ré p r im itif.il nous in d iqu e aussi ch ez les vers, des ru
dim ents em bryonn aires qui p eu ven t passer pour des ébauches
d e c h o rd e dorsale. Des v o ix plus autorisées qu e la m ienne ont
dit qu elle profon de im pression avaien t p rodu ite les belles
publications du naturaliste ru sse; on peut affirm er que son
œ u vre a inauguré l’ère em b ry o g én iq u e a ctu elle. E lle a donné
unessor nouveau aux rech erch es, en en tra în an t toute unelégion de jeu nes ch ercheu rs, dont l'a c tiv ité s’est m ontrée promp
tem ent féconde. De toutes parts, en R ussie, en A n gleterre, en
Au triche, en Suisse, en F ran ce, aux Etats-Unis, l’em bryogénie
est en faveu r. On a pu ab o rd er d éjà les études de détail, rec
tifier ou com p léter les p rem ières donn ées et nous voyons le
m om ent prochain où les docum en ts seron t assez nom breux,
assez variés, assez sûrs, pour s e rv ir à un essai de synthèse
33
-
em bryogénique, qui restera com m e l’esquisse la plus exacte
d’une classification g én éa lo g iq u e du règne anim al.
Nous ne résistons q u ’avec peine, Messieurs, au désir d’a
nalyser devant vous, d ’ une m an ière plus com plète, tous les
progrès récents de cette b ran ch e de la science; mais nous
nous voyons en traîn és à des expositions trop techniques et
nous sentons bien qu e nous avons abusé déjà de votre atten
tion b ien veillan te. Il est e n c o re , cependant, tout un groupe
de recherches qu e nous ne pouvons passer sous silence, et
qui à elles seules su ffiraien t pour don n er un éclat particulier
à l’ histoire de la z o o lo g ie d u rant la seconde m oitié de notre
siècle: nous vou lon s p a rler de l’exp loration des grandes pro
fondeurs des océans, et d e la connaissance des êtres qui en
peuplent les abîm es.
Plus encore qu e les som m ets des hautes m ontagnes, les
fonds de la m er sont d em eu rés longtem ps inaccessibles aux
naturalistes; et par suite d ’un concours de circonstances dé
favorables, les p re m iè re s tentatives faites pour pénétrer leur
mystère ont été de n ature à reb u ter les observateurs.
En 1841, F orbes d ragu an t dans la m er Egée fut frappé
de l’appauvrissem ent rap id e de la faune, à mesure qu’il dé
passait dans ces eaux les profon d eu rs de 200 à 300 m ètres,
et il fut ainsi con d u it à pen ser que le « zéro » de la r ie ani
male était prom p tem en t atteint lorsqu 'on descendait au-des
sous de 500 brasses.
Les études de F orb es portaien t le cachet d ’une grande exac
titude: ses conclusions fu ren t généralisées et acceptées sans
peine. On aurait bien pu ra p p eler que John Ross, en 1819,
avait dit que dans la baie de Baffrn des Encrines s’étaient trou
vées fixées à des lign es de sonde par 800 brasses de fond, mais
ces êtres avaieut été p eu t-être saisis par la corde au m om ent
où elle était retirée. Il a fallu les sondages de B rooke en
3
�-
34 -
1854, ceux de W a llic h en 1800 dans les m ers du nord,
l'étu d e des câbles sous-m arins re le v é s en 1 8 6 0 du lit de la
M éd iterran ée, puis les dragu ages m éth od iqu es de Sars sur
les côtes de N o r v è g e , les croisières m u ltip liées des explora
teurs anglais, suédois, n o rv é g ie n s , am éricain s, français, ita
liens, allem ands, au trich ien s, pour nous a p p ren d re que nous
n ’avions aperçu ju squ ’ ici qu ’ une fa ib le p ortion de la faune
m arin e, et que dans les gran d es p ro fo n d eu rs tout un monde
était caché aussi va rié que celui de la surface.
Ces travaux ex ig ea ien t une installation que les naturalis
tes ne pou rraien t réaliser avec leurs ressources personnelles.
P ou r je te r une d ragu e dans des fonds de 300 m ètres, il faut
disposer déjà d ’ un bateau d ’assez fort ton nage, muni de
treuils puissants; et s’ il est qu estion d ’attein d re les abîmes
de la m er, de 2 0 0 0 à 5 0 0 0 m ètres, l’ en trep rise devient chan
ceuse, et ne d oit en tous cas ê tre ten tée que par un navire à
vapeur parfaitem ent ou tillé. Les gou vern em en ts doivent alors
in terven ir et faire appel à un person n el techn ique. Grâce à
l’ in itiative de l’ illustre d oyen des zoologistes français, notre
pays est enfin venu p ren d re part à ces recherches.
Elles n ’ intéressent pas u n iqu em en t, M essieurs, la zoologie
d escriptive. Sans doute, la d éco u verte d ’ une foule d’animaux
inconnus aurait suffi à e lle seule pour ju stifier ces explora
tions, mais elles ont fourni à la p h ysiqu e du glohe et à la
g éo lo g ie g én éra le des notions inattendu es et de la plus haute
im portance. C on tra irem en t à toutes les anciennes hypothè
ses, les nappes in férieu res du lit de l’ O céan ne sont pas uni
form ém ent soum ises, en toutes les parties du globe, à la tem
pérature d e - f- 4 0 c. L ’eau de m e r au gm en te de densité jusqu'à
son point de co n g éla tio n ; le th erm o m ètre descendu réguliè
rem ent de la surface ju squ ’ à 1000 ou 2 0 0 0 m ètres, accuse
une dim inution p ro gressive de la tem pératu re. Il atteint fré-
—
35
-
quemment 0 P c. à 7 0 0 ou 800 m ètres, puis il pénètre dans
des courbes en core plus froid es. Les eaux du courant polaire
déterm inent ainsi dans les gran des profondeurs des zones
plus ou m oins épaisses, dans lesquelles la vie n’est nulle
ment étein te. C ette nappe glacée s’ étend du pôle à l’équa
teur, sans être an im ée tou tefois de m ouvem ents bien én ergi
ques, car les d ép o u illes des anim aux les plus fragiles res
tent intactes dans le lim on qui cou vre le fond. En quelques
régions, le th erm o m ètre accuse une tem pérature un peu plus
élevée, d e - f- 4° à - f- 6° c ., mais ce sont là les seuls écarts que
l’on puisse constater. Les abîm es de l’ Océan sont donc carac
térisés par des con dition s physiques et biologiques d ’ une re
marquable u n iform ité. Le rayonn em en t solaire, sous les di
verses latitudes, ne p rodu it sur eu x aucune iufluence, et tout
indique que cet état n ’a point va rié depuis que le pôle a
atteint son d e g ré de refroid issem en t actuel. Oue de problè
mes nouveaux surgissent à l’ esprit du naturaliste !
La faune des abîm es présen te un caractère archaïque incon
testable. Les cires qui la com posent ont dû prendre posses
sion de leur d om ain e à m esure que le re lie f des continents
s’accentuait, en op p osition avec l’alTaissemenl du lit de la
mer. A ces époques g éo lo g iq u es lointaines, s’ il est M*ai, comme
les flores fossiles nous l ’ indiqu en t, que la tem pérature fut
égale partout à la su rface de n otre terre, les différences ther
miques entre les couches p rofon d es et les zones superficielles
ne devaient pas être aussi tranchées que de nos jours. Mais
nous savons que les an im au x ne sont gravem ent im pression
nés que par les écarts brusques, par les alternatives fré
quentes de fro id et de ch aleu r. B ien m ieux que ceux des
régions littorales, les cires des grands fonds sont soustraits à
ces changem ents com m e à tous les genres de variations dans
la nature am biante. Aussi, tandis que vers la côte, les faunes
�-
pouvaient plusieurs fois se ren o u v eler, que les espèces des
région s vaseuses, par e x em p le, étaient rem placées fréquem
m ent par celles des sables ou des p rairies d ’ algues, tandis que
l ’établissem ent des zones clim a tériq u es actuelles entraînait
une foule de conditions n o u velles sur les rivages, les ani
m aux des grandes p rofon d eu rs n ’ava ien t à su bir que la dimi
nution lente et p ro gressive de la ch a leu r, phénom ène qui ne
pouvait avo ir à lui seul un gran d reten tissem en t sur la mor
p h ologie des organism es.
Tout nous prou ve en effet qu e la distribu tion des faunes
profondes n ’est point ré g ie p ar de sim ples différences ther
m iques. Lorsqu e l ’a n n é e d e rn iè re , nous exp lorion s avec la
com m ission de l’aviso « le T ra v a ille u r » , le bassin occidental
de la M éditerran ée, nous retrou vion s sur les côtes de Pro
ven ce, à p artir de 400 m ètres, d iv e rs anim aux que desdraguages antérieurs nous a va ien t m on tré dans l’ Atlantique.
Les conditions de m ilieu étaient cepen dan t ici bien différentes;
la M édileraan ée ne com m u n iqu e plus, de nos jours, avec
l’ O céan, que par le canal su perficiel de G ib raltar. Notre mer
intérieu re est ainsi soustraite à l’ in flu en ce des zones froides
des grands fonds atlantiques, et e lle possède un régim e parti
cu lier.
Tandis que les couches de surface ont, en été, au large de
M arseille, une tem pératu re de 18° à 20° c ., à 200 mètres de
p rofon deu r, le th erm om ètre m arqu e 13° c.. et à partir de ce
point, ju squ ’à 3 0 0 0 m ètres, on ne constate plus, suivant les
lieux ou les saisons, que des oscillations insignifiantes de
quelques d ixièm es de d eg ré. C ependant les invertébrés qui,
dans l’A tlan tiqu e, habiten t les zon es froid es, se retrouvent
dans le bassin m éd iterran éen . Déjà en 1875, les naturalistes
du lab oratoire de zo o lo g ie m a rin e de M arseille, avaient ren
contré au sud de P la n ie r, par 6 0 0 m ètres de profondeur, les
37
-
éponges siliceuses (P h ero n em a Carpenteri) et les crustacés
caractéristiques des gran des profondeurs (1). L ’expédition du
« T rava illeu r » et c elle du bateau italien le « W ashington » ,
ont au gm enté notablem en t le nom bre des espèces abys
sales m éd iterran éen n es. On a recueilli dans des eaux rela
tivem ent lièd es lesB risin g a , les Archaster, les W illœm hæsia.
Une d ifféren ce de 13 à 15° c. n ’est donc point funeste aux
animaux de la faune p rofon d e, et nous pouvons admettre
que ces êtres p ou vaien t ex ister autrefois dans un océan,
dont la tem p ératu re m oyen n e aurait été égale à celle des
côtes voisines, sous la m êm e latitude.
Nous devon s, pou r co m p léter cette rapide analyse, signa
ler les curieuses particu larités qui donnent à la M éditerranée
un caractère ex cep tio n n el.
Les anim aux de se profon d eu rs ne diffèrent en rien sans
doute de ceux de l ’ O céan , m ais ils n ’ v existent qu’en faible
quantité, et leu r taille reste le plus souvent très réduite.
Il est incontestable que le régim e d ’ une m er intérieure est
défavorable au d évelop p em en t de la vie dans les abîmes.
L ’aération ne se réalise que très im parfaitem ent dans les cou
ches in férieu res dont la tem pérature uniform e ne contraste
pas suffisam m ent avec celle de la surface. Les apports d’al—
luvion des gran d s fleu ves déterm inent, d ’autre part, la pro
duction de qu an tités considérables d ’acide carbonique, qui de
m eurent en dissolution dans des eaux chargées de sulfate de
m agnésie. Ces d iverses causes ont notablem ent appauvri la
M éditerranée. L ors du p lio cèn e, com m e nous l ’indiquent les
dépôts de la S ic ile et des Alpes M aritim es, la faune profonde
était plus v a riée et e lle offrait de nombreuses analogies avec
celle qui habite en core l’ Atlantique. E lle a du s’ am oindrir
(1) Ethusa granulata, Lophogaster typicus.
�—
38
—
progressivem ent à m esure qu e les com m u nications avec l'O
céan deven aient m oins d irectes. T ou tefo is les stations litto
rales conservaien t des associations an im ales et végétales
d ’une richesse ex trêm e, au m ilieu d esqu elles les naturalistes
trou veron t, pendant lon gtem ps en core, d ’im portants sujets
de recherche^.
Tontes les questions qui p réoccu p en t les biologistes con
tem porains se rattachent à l’ étude des faunes marines.
C’est dans la m er que les prin cip ales différenciations
anim ales se sont réalisées, c ’est dans son sein que nous trou
vons les types organ iqu es p rim itifs. Le zoologiste à qui l’ac
cès des rivages m aritim es serait in te rd it, ne pourrait arriver
qu ’à une bien vagu e conception du m on d e anim al, et ses tra
vaux n ’auraient q u ’ un fa ib le retentissem en t sur les progrès
de la science. Aussi la m er est-elle au jo u rd ’ hui le rendez-vous
des savants de tous les pays. À N ap les un établissem ent in
ternational est disposé pour les re c e v o ir. En Angleterre, en
Suède, en H ollan d e, dans l’ A d riatiq u e à T rieste, dans la Cri
m ée à Sébastopol, aux E tats-Unis, des laboratoires scientifi
ques ont été établis.
En F ran ce, sous l ’ im pulsion d ’ un hom m e qui nous donne
fous les jou rs l’ex em p le du d évou em en t le plus absolu à la
science, le m inistère de l ’ instruction p u bliqu e fondait, il va
quelques années, le lab oratoire d e R oscoff, sur les bords de
l’ Océan ; d ’autres stations du m êm e g e n re étaient bientôt ins
tituées sur d ivers poin t de nos côtes. La Faculté de Marseille
dont la création , il y a 25 ans, rép on d ait à des besoins d’un
ord re purem ent ad m in istratif, se trou ve au jourd’ hui, à ce
point de vu e, dan su n e position p riv ilé g ié e . Son laboratoire de
zoo lo gie m arin e rend déjà de n om b reu x services aux natura
listes français et étran gers, m ais bien tôt une installation
m ieux ap p rop riée aux besoins de la science viendra accroître
son im portan ce.
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Tout ce qui tend à rehausser notre école vous touche éga
lem ent, M essieurs ; je puis donc espérer que vous vous asso
cierez aux sen tim en ts de gratitu d e que nous éprouvons en
vers les adm in istration s m u nicipales, les assemblées départe
mentales, com m e en vers la direction supérieure de l’ensei
gnem ent, dont la b ien veilla n te sollicitude est toujours prête
à seconder nos efforts. Vous affirm erez ainsi cette solidarité
qui doit nous u n ir, et qui d evien t d ’autant plus nécessaire que
la com plexité des élu d es et les progrès mêm es de la science
nous en tra în eron t plus loin.
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DISCOURS DE M. SEUX
DIRECTEUR DE L ’ ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs.
Le 19 a vril d ern ier, l ’ É cole de M édecin e et de Pharmacie
de plein ex ercice a perdu son 'doyen d âge, M. le docleur
V illen eu ve p ère. P a r un sen tim en t de m odestie qu’on ne
saurait b lâm er, ou plutôt sous l ’em p ire de cette idée qu’un
ch rétien ne doit a vo ir autour de son cercu eil que des paroles
de foi ou des p rières, n o tre très re g re tté collègue avait ma
nifesté le d ésir q u ’aucun discou rs ne fût prononcé sur sa
tom be ; il a été o b éi.
A u jo u rd ’ hui lib re de tou te e n tra ve, je viens, au nom de
l’É cole, avec l’ assentim ent de n otre bien aimé Recteur,
ren dre à notre vén é ra b le co llèg u e l’ hom m age qui lui est dû.
J ’avais d ’autant plus à cœ ur de re m p lir ce d evoir, qu’un sen
tim ent personn el de reconn aissan ce m e le dictait ; c’était,
en effet, M. V illen eu ve qu i, il y a 38 ans, au nom du corps
41
—
m édical de M arseille, adressait les adieux suprêmes à mon
aïeul, le d o cleu r S eu x, au m om ent de la séparation au champ
de repos.
N otre b elle et n ob le profession a le p rivilège d ’attirer à elle
la partie in tellig en te, mais la partie peu fortunée de la jeu
nesse des écoles. Q ue de n om breu x, que d ’ illustres exemples
je pourrais citer à ce sujet tant autour de nous qu’au loin !
la plupart de nos gran des célébrités m édicales s’est en effet
trouvée dans ce grou p e intéressant au plus haut degré.
Ce fait s’ex p liq u e facilem ent ; la m édecine pratique qui,
chaque jo u r, prend les vigoureuses allures d ’ une science, est
un art dans lequ el on ne peut ex celler qu’après s’être d’a
bord a p p ro p rié les notions fournies par toutes les autres
sciences, puis après a vo ir passé de laborieuses années auprès
de ces gran ds artistes qu ’on appelle les grands médecins, les
grands ch iru rgien s. Ce n ’est qu ’à la suite de longues, pénibles
et dangereuses études qu ’ on devient m édecin, qu’avec la per
sévérance, une vo lo n té ferm e et la plus com plète abnégation
qu’on se fait un nom . O n com prend dès lors que les favori
sés de la fortu n e se tou rnen t volontiers vers une carrière plus
facile à p arco u rir.
Le d octeu r V illen eu ve se trouvait dans le groupe des jeu
nes gens peu fortunés ; mais, fils de m édecin, il avait sucé
avec le lait, les germ es d ’ une vocation qui souvent est irré
sistible, il ava it la volon té et Tardent désir de prouver à son
père que les n om b reu x sacrifices que ce dernier s’était im po
sés ne seraien t pas perdus ; sa vie nous prouvera qu’il réussit
dans ses n ob les aspirations.
On com pte en Fran ce un assez grand nombre de familles
îpédicales ; et b ien, presqu e tous les anciens de ces familles
qui, p a r le tra va il, se sont élevés dans la hiérarchie sociale,
ont débuté par la m odeste profession de chirurgien gagnant
�m aîtrise du siècle d e r n ie r ; le p ère de M . E tienne Villeneuve
était de ce nom bre. C ’est à M arseille, rue d ’ Au bagne, dans
l’ hu m ble in térieu r de cet hom m e h o n n ête, que le 12 floréal
an v in , 29 avril 18 0 0 , naqu it n otre bien aim é collègue. Le
blocus continental avait fait de la g ra n d e et b elle Phocée une
sorte de désert dans lequ el on avait bien de la peine à vivre.
Le père V illen eu ve se vit o b lig é de tran sp orter ailleurs son
m odeste bagage ch iru rg ica l. Ce fut dans le v illa g e de SainlCannat, à qu elques k ilo m ètres d ’A ix , qu ’ il vin t dresser sa
lente. Là point d ’école pour son fils qui dut faire péniblem ent
ses prem iers pas dans la v ie en a lla n t ch aqu e jou r, comme
un soldat faisant son étape, dans la p etite v ille de Lambesc,
pour y ap p ren d re les p rem iers élem en ts de toute instruction.
Plus lard il fut placé au p etit s é m in a ire d ’A ix pour y termi
n er ses éludes classiques, et ce fut le d octeu r Guiaud, père
d ’un de nos plus distingués co n frères, plus tard aliéniste
ém inent, qui à M arseille lui a p p r it les p rem iers élém ents de
notre art.
Le 4 n ovem b re 1 8 1 6 , le jeu n e E tien n e put être admis à
l ’hôtel D ieu, com m e é lè v e en c h iru rg ie et l ’année suivante il
fut nom m é ex tern e. L e d octeu r Dugas était m édecin en chef,
M oulaud, l’ un des plus habiles op érateu rs de l ’époque, chirur
gien de l’ hôpital. L e je u n e é lè v e , sous l ’ h a b ile direction de
ces m aîtres ne tarda pas à se fa ire rem a rq u er parm i les bons
de l’ époque. P o u rta n t une faute bien lé g è re l’exposa à un
naufrage en vu e du p ort. On était en 1 8 1 8 ; à celte époque
l’appel des élèves attachés à l’ H ô le l-D ie u se faisait deux fois
par jo u r, celui du m atin à six heu res en toute saison. Villeneu ve, com m e beaucoup d ’étudiants, n ’ava it pour régulateur
que la lu m ière du jo u r ; il m anqua deu x fois à l’appel durant
l’ h iver, la disciplin e était alors d ’ une sévérité plus que m ili
ta ire ; le jeu n e hom m e fut im p ito y a b lem en t exclu par Mou
laud. Du reste, un de mes m aîtres les plus illustres et des
m eilleu rs,le ch iru rg ie n V elp eau ,était aussi im pitoyable; tout
étudiant qui par lui avait été pointé trois fois dans le mois
pour n ’a vo ir point répondu à l’appel, sans m otif légitim e,
était ren vo y é du service. Moulaud pourtant, au bout de quel
ques mois, finit par céd er aux supplications m atern elles; elle
dut être bien éloq u en te celte bonne m ère, car le chirurgien
de l'H ô tel-D ieu n ’était pas facile à attendrir.
V illen eu ve red ou b lan t alors d ’efforts et d ’assiduité, fut en
1819 nom m é ex tern e logé à l’ hôpital, c’était un grand soula
gem ent pour sa resp ectab le fa m ille qui n’avait pas vu ses
revenus s’a cc ro ître avec le nom bre des enfants.
Deux ans après, le 19 mars 1821, il arriva à l’internat,
poste un peu m ieux rétrib u é, il est vrai, ce qui n’allait pour
tant pas ju sq u ’à lui p erm ettre de faire de nombreuses écono
mies.
A cette époqu e les m anteaux étaient à la mode ; mais notre
jeune in tern e se réch au ffait avec ses vingt ans ; il paraît tou
tefois qu ’ il n ’y réussissait pas com plètem ent, a ir un jou r d’ hi
ver, un m archand d ra p ier de la G rand’R ue, com m erçant ami
de son p ère, vo yan t passer V illen eu ve velu d ’ un costume
presque p rin ta n ier, l’ in terp ella en donnant des ordres pour
qu’un m anteau fut mis à sa disposition. Cet homme de bien
Gl cesser les résistances du jeu n e hom m e par ces bonnes pa
roles : « m on am i, vous vous acquitterez envers moi lorsque
vous le p ou rrez » . N otre hon orab le in tern e accepta mais il
n’osa plus passer devan t ce magasiu tant qu’il n’eut pas ac
quitté sa d ette.
Le concours, cet e x c e lle n t m ode de recrutement pour tou
tes les positions scientifiqu es au xqu elles est appelée la jeunes
se, n ’est pas, com m e beaucoup sont portés à le croire, une
institution m o d ern e ; dans le siècle d ern ier c’était par le con-
�—
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cours qu ’on a rriva it à un gran d n o m b re de fon d ion s, seule
m en t au jourd’ hui on en use sur une plus g ran d e échelle ; ne
serait-on pas près d ’abu ser du p rin cip e ? Peu t-être bien.
Toujours est*il qu ’à l ’ép oqu e où le je u n e V illle n e u v e était sur
les bancs de l’école, ou n ’a rriv a it à l ’H ô lel-D ie u de Marseil
le, com m e au jourd’ hui, aux positions d ’ é lè v e interne et de
ch ef interne que par le concou rs. Plu s souven t on est entré
dans ce cham p clos, plus on est h a b ile à s’y défendre et à
triom p h er. Aussi V ille n e u v e ap p ren an t en 1 8 2 2 qu ’une place
de ch iru rgien c h ef in tern e était vacan te à l ’ hôpital d ’Aix, se
présenta-t-il avec trois autres con cu rren ts, il obtint la se
conde place.
L ’année suivante, ce fut à M a rseille q u ’il entra en compé
tition pour le ch ef in tern a t ; le ju ry le plaça le second, ce qui
lui donnait le d roit, après a vo ir été second ch ef interne,
de succéder à celui qui avait été n o m m é le p rem ier ; toute
fois victim e d ’ une injustice, il fut m is de côté. Villeneuve en
éprouva un profond ch agrin qu i, jo in t au travail excessif au
quel il s’était liv ré de jo u r et de nu it, fit n aître chez lui une
fièvre typh oïde g ra v e qui, pen dant qu elqu es jours, com
prom it son existence ; la con valescen ce passée auprès de son
père à Saint-C annat fut lon gu e, d ifficile et fort coûteuse. En
fin, il se rétab lit et le 21 mai 1823, fut nom m é chirurgien
ch ef interne à l’ hospice de la C h arité, où il rem p lit ces fonc
tions ju squ ’en 1826. Ce fut à cette ép oqu e qu ’il fut envoyé
en m ission, par le p réfet de V illen eu ve, dans la commune
de C arry, décim ée par une ép id ém ie de fièvres pernicieuse.
Son m andat accom pli à son gran d h on n eu r, il rentra à Mar
seille pour s’y p rép a rer à de n o u ve lles luttes.
L ’ad m in istration des hôpitau x lui avait offert en témoi
gnage de satisfaction les m ém oires de l ’académ ie de chirur
gie, prem iers ru dim en ts de sa b ib lio th èq u e future, et lè gou-
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vern em en t l’ex on éra de ses frais d ’inscriptions et des droits
d’exam ens.
Ce fut dans ces excellen tes dispositions qu’en 1828, Villeneuve se pi'ésenta au concours de ch ef interne ; pour cette
fois, il obtint le p rem ier ran g et fut installé en qualité de
prem ier ch iru rg ien c h e f in tern e à l’ Hôtel-Dieu de Marseille
le 4 février.
Ce fut c e lle m ôm e année qu ’ il fut autorisé par M. le m i
nistre de l’ instruction pu bliqu e à faire un cours d ’accouche
ments à l’ H ôtel-D ieu ; la vocation spéciale de notre honora
ble collègu e se d évo ila it.
A tous les points de vu e, cette nom ination de chirurgien
ch ef-in tern e fut un gran d b on h eu r pour lui et pour sa famil
le, car par des circon stances difficiles à expliquer, le jeune
V illen eu ve ne fut pas appelé à profiter de la juste rém uné
ration p écu n iaire accordée à son m érite, ni d ’ une m édaille
d’ or que le conseil su périeu r de l’ instruction publique avait
dem andée p eu r lu i.
N ’est-ce pas le cas de rem arqu er qu’en fait de récom pen
ses h a b itu ellem en t donnée.s en Frauce au m érite, une sorte
de fatalité a sem blé b a rrer la route à M. V illeneu ve dès son
entrée dans la ca rrière, car ce noble vétéran de la m édecine
et du professorat n ’ a jam ais obtenu la croix de la Légion
d’ honneur ? Il est vra i que pendant plus de trente ans l’opi
nion publique la lui a décern ée ; le sort a été d’autant plus
acharné con tre lui à ce sujet que, son digne fils, il faut bien
le proclam er à l ’élog e de ce d ern ier, prisonnier de guerre en
1870 et proposé pour la croix à cause de sa belle conduite
comme ch iru rg ien m ilitaire, manifesta le désir qu’aucune
suite ne lïit donn ée à cette proposition si son père n ’était pas
proposé avant lui.
Le 9 ju ille t 1830, Etienne V illen eu ve fut nommé docteur
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en m édecine, après a vo ir soutenu à M o n tp ellier une thèse
qui indiquait nettem ent ses aptitudes et dessinait en traits
ineffaçables la vo ie spéciale qu e pen dant 52 ans il devait par
courir avec tant de distinction . « Des vices de conform ation
du bassin considérés com m e obstacles à l'accouchem ent »
tel est le litre de celle thèse in au gu rale qui fut très remar
quée et com m ença à étab lir la réputation de son auteur. Dès
ce jo u r , en effet, M. V illen eu ve fut con sid éré com m e accou
cheur. Son séjour pendant trois ans, com m e ch e f interne,
à l’ hospice de la C harité, où se trou vait alors l ’école d’ac
couchem ents, lui avait fourni d ’im portan ts m atériaux pour
cette thèse dont les corolla ires constituen t de vérita b les axio
mes basés sur des relevés statistiques fo rt bien groupés ; ce
travail révéla it déjà cet esprit scien tifiqu e dont plus lard
M. V illen eu ve donna tant de preu ves. Ses aptitudes spéciales
pour l’art d ivin isé par les anciens dans la figu re m yth ologi
que de Lucine étaient tellem en t évid en tes et reconnues de
ceux qui avaient vécu auprès de M . V ille n e u v e , que l’admi
nistration des hôpitaux lui o ffrit la place de chirurgien en
ch ef de la M aternité. C ette place ven ait d ’ être déclarée va
cante par la dém ission du titu laire le d octeu r C auvière, qui
par sa haute capacité et la finesse ex cessive de son esprit a
laissé dans la v ille de M arseille des so u ven irs qui se perpé
tueront pendant de lon gues années. M . V ille n e u v e accepta
l ’offre de l’adm inistration et d evin t ainsi ch iru rgien en chef
de la M aternité, position qui lui ou vrait une fort belle car
rière dans la gran d e v ille , m ais qui pour le m om ent ne lui
assurait que des appoin tem en ts de 3 0 0 fr ., bien m aigre pi
tance pour un jeu n e m édecin sans fortu n e, ayant à sa charge
une fa m ille en tière.
N otre excellen t co llègu e était fort an x ieu x , toutefois se
condé par des am itiés que ses qu alités lui avaient attirées, il
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put faire face à ses p rem iers frais d ’établissem ent. Bientôt la
clientèle lui adressa ses p rem iers sourires qui m irent le calme
dans l’câme h o n n ête par trop modeste du jeune accoucheur;
l’aven ir qui s’ était m on tré à lui sous de som bres couleurs
com m ença à s’ é cla ircir, l'esp o ir lui donna des forces.
La M atern ité à celte ép oqu e, avait été, sous l'influence du
docteur C a u vière, tran sportée dans les bâtiments occupés
m aintenant p ar la F acu lté des sciences; Mme Rouget, élève
de Mme La C h ap elle, était m aîtresse sage-fem m e, Mlle Hélène
Jolly, fille et sœ ur de m édecins distingués de ChâteauT b ierrv, était seconde m aîtresse sage-fem m e, M. Villeneuve,
chirurgien en ch ef, M. C au vière, ch iru rgien consultant.
Dans ce m ilieu écla iré M . V illen eu ve trou va tous les élé
ments (jui p ou vaien t v ie illir rapidem ent sa jeune expérience,
c’était fort bien pou r ses c lie n te s ; mais ce qui pour lui fut
encore m ieu x , c’ est q u ’ il y trouva aussi une com pagne d’élite.
Ce fut en effet à c e lle ép oqu e, q u ’ il épousa M IU H élène Jolly,
qui par son sa voir spécal était bien digne de s’unir à lui.
Depuis qu elqu es années, M . V illen eu ve avait acquis la ré
putation d ’accou ch eu r h a b ile, réputation qu’à juste titre il
conserva ju sq u ’à la fin de sa longue vie, c’est qu’ il ensei
gnait en m êm e tem ps q u ’il pratiquait et rien ne donne une
instruction solid e com m e la nécessité d ’ instruire les autres.
De 1831 à 1874, c’ est-à -d ire pendant 43 ans, il fit, en qua
lité de ch iru rg ien en c h e f de la M aternité le cours annuel
d’accouchem ents aux élèves sages-fem m es. De plus, depuis
l’année 1828, ép oqu e où il fut autorisé par M. le ministre de
l’instruction p u b liq u e à fa ire un cours gratuit d’obstétrique
à l’H ôlel-D ieu ju sq u ’ au jo u r de sa m ort, il a appartenu, on
peut le d ire, à l ’U n iversité com m e professeur d’accouche
m en t, de 1828 à 1839 à l’H ôlel-D ieu , de 1837 à 1841 à
l’école secon d aire de m édecine, de 1841 à 1876 à l’école
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p réparatoire de m éd ecin e et de p h a rm acie, de 1876 à 1882
à l’école de plein ex ercice où il occupait une ch aire de gy
n écologie qui ne fut pour lui qu e la contin uation du cours
qu ’ il avait toujours professé, accou ch em en ts, m aladies des
fem m es et des nouveaux-n és. Bien certain em en t personne
n ’a jam ais aussi lon gtem ps que lui en seign é l’obstétrique, 54
ans de professoral constituent en effet un espace de temps
considérable, ex em p le p eu t-être u n iqu e dans les annales
universitaires. M. V ille n e u v e a, durant son professoral, as
sisté à toutes les transform ations que l’en seign em en t de la
m édecine à M arseille a subies, il a vu de près les nom breu
ses am éliorations successives obten u es ; l’école préparatoire
de m édecine et de pharm acie a été un p ro grès sur l’école
secondaire ; l ’école de plein e x ercice a constitué un progrès
plus grand en core. M. V ille n e u v e en bon citoyen se réjouis
sait de cette m arche p ro gressivem en t ascendante, comme
nous il pensait aussi que M arseille était au jou rd ’ hui une ville
trop im portante, trop rich e en élém en ts d ’ instruction médi
cale pour ne pas a rriv e r au d eg ré le plus é le v é de l’enseigne
m ent m édical, à la faculté. T ou t nous porte à croire que,
sous l’ im pulsion de l’adm in istration m u n icip ale actuelle qui
ne recu le devan t aucun sacrifice lorsq u ’ il s’agit d ’ instruc
tion publique et par la b ien veilla n ce du gou vern em en t, les
prévisions de n otre reg retté co llèg u e se réa lis e ro n t.
Les services hospitaliers de n otre vén éré collègu e dépas
saient en core de quatre ans celte lon gu e p ériod e du profes
soral, car de 1 816, année où il fut attaché à l’ Hdtel-Dieu
com m e élève en ch iru rg ie à 1 8 7 4 , ép oqu e où volontaire
m ent il prit sa retra ite de ch iru rg ien en c h e f de la Maternité,
on com pte 58 ans. 58 ans de services civils I Q u elle activité I
Q uel am our du tra v a il! V ille n e u v e possédait au plus haut
d egré ces deux qualités que tou te sa p ersonn e révélait. Les
49 nombreuses p réoccu p ation s de la jeunesse, temps qui fut
pour lui une ép oqu e d ’ ép reu ves et de rudes labeurs, avaient
laissé sur sont fron t ces traces ineffaçables que l’âge seul
im prim e au visa ge ; ses ch eveu x avaient blanchi avant le
temps. Sa rich e c h e v e lu re d ’argen t im prim ait toutefois à sa
physionom ie un cara ctère tout p articu lier de douce sévérité
tempérée p ar un so u rire toujours bienveillan t et souvent
plein de viva cité. M . V illen eu ve, d ’une taille élancée, portail
en effet dans sa d ém a rch e habituellem ent rapide et dans
toute sa personn e les caractères de l’activité d ’un hom m e
laborieux ; vers la lin de ses jou rs seulem ent, l’âge avait très
légèrem ent cou rbé son dos. Ces form es extérieures donnaient
une très exacte idée de l’ hom m e in térieu r; excellen te santé,
amour constant du tra va il, foi religieu se des plus vives, tel
fut en effet du rant sa lon gu e vie , tel était notre vénérable
collègu equ elqu es jo u rs ava n t sa m ort. Trois jours de m aladie
l’ont plongé d ou cem en t dans ce som m eil dont on ne s’ éveille
plus, il est v ra i, m ais qui pour lui juste par excellen ce, devait
être la résu rrection et la v ie dans un m on de m eilleu r.
V illen eu ve était un ex cellen t praticien , c’était aussi un
homme de cab in et. In n om b rab les sont les docum ents écrits,
les notes m anuscrites que son distingué fils aura à m ettre en
ordre, c’était toujours la science obstétricale, l ’art des ac
couchements qui m ettaien t en jeu sa grande activité intellec
tuelle. Je vou d rais tout citer, je dois ici me contenter de
rappeler ses travau x les plus im portants. D ’abord sa thèse
inaugurale sur les rétrécissem en ts du bassin, travail Je lon
gue haleine dans leqpiel l ’au teu r fait connaître d ’une m anière
très précise, par les n om b reu x relevés statistiques que j ’ai
déjà signalés, les d ifféren te s d ifficu ltés qui attendent l'accou
cheur dans ces circon la n ces. Je citerai le m ém oire sur les po
sitions occip ito-p ostérieu res, dans lequel Villeneu ve réfute
4
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50
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l ’opinion du C apuron (1 8 3 4 ) ; celui qu i a Ira it à la conver
sion des positions occip ito -an térieu res (1 8 3 6 ) ; le mémoire
sur l’absorption du placen ta (1 8 3 7 ) ; l ’éth érisation dans les
accouchem ents (1 8 4 8 ); le m ém oire sur le rapport existant
en tre le volu m e des enfants et leu r résistance vitale dans
l’accoüchem ent norm al (1 8 6 9 -1 8 7 0 ) ; des inconvénients et
des avantages de la m éth od e n u m ériqu e en obstétrique
(1 87 8 ) ; plusieurs com ptes rendu s des accouchem ents obser
vés à la M aternité de M arseille pen dant de nombreuses an
nées. Je dois surtout in d iqu er d ifféren ts m ém oires fort re
m arquables publiés de 1 8 4 7 à 1 8 6 2 , soit sur l ’avortement
p rovoqu é, soit sur l’ op ération césa rien n e. U ne cam pagne chi
ru rgicale s’ ou vrait avec succès en A n g le te rre , il y a une
trentaine d ’années, à propos d e l’ a vo rtem en t provoqué dans
un certain nom b re de circon stances où la v ie de la m ère était
m enacée ; cette p ratiqu e, ou peut d ire , est restée dans les ha
bitudes anglaises ; en F ran ce on h ésitait. N otre honorable
collègu e ch ercha dans les m ém oires que je sign ale à réhabi
liter l’opération césarien ne, soit pou r rem p lacer la céphalotripsie, soit pour se soustraire à l’a vo rtem en t provoqu é, ma
nœ uvres dans lesqu elles il faut sa crifier l ’en fan t. Par de sa
vantes statistiques n otre c o n frè re ch erch a à dém ontrer que
par l ’opération césarien ne on peut sau ver beaucoup d'enfants
sans im m oler la m è r e .
Il faut recon n aître tou tefois qu e n o tre distingué collègue,
ch rétien ferve n t, par conséquen t spiritu aliste, s’était armé
en gu erre contre toutes les m a n œ u vres qui faisant périr l’en
fant le p rivan t du baptêm e. Sa foi v iv e ex a g éra it sans doute
à ses yeux certains résultats p ra tiq u es; il est juste cependant
de d ire que toutes ses conclusions sont essen tiellem ent scien
tifiques et basées sur l’ob serva tio n .
Je m e rap p elerai toujours les n om breu ses et chaudes dis-
—
51
-
eussions que ces sujets du plus haut intérêt soulevèrent, au
sein de la société de m édecin e de M arseille ; je vois encore
les cham pions qui pen dant plusieurs mois entrèrent en lice ;
que de lances rom pues, qu e de boucliers brisés !
Dans ces tou rnois scientifiques, mes com tem porains ne
l’on certainem ent pas ou b lié, M . V illen eu ve fit preuve d ’ une
très gran de éru d itio n spéciale, de beaucoup de dignité et
toujours d ’ une ex cessive m odestie. S ’ il ne rallia pas tout le
monde à ses idées, ce qui est fort difficile, pour ne pas dire
impossible en toute m a tière, du m oins poussa-t-il à de nou
velles rech erch es qui ne sont pas restées im productives. De
puis celte époqu e, en effet, l ’opération césarienne à laquelle
on avait à peu près ren on cé a été em ployée de nouveau et
couronnée de succès surtout depuis les pratiques listériennes.
Si V ille n e u v e aim ait son art, qu ’il exerça toujours avec
une grande p h ila n th rop ie, il aim ait par dessus tout son en
seignement dont il s’occupait avec une sollicitude paternelle.
Il travaillait son cours q u ’ il ren dait très instructif et fort in
téressant en dépit d ’ une élocution difficile, par conséquent
quelque peu fatigu an te pou r l’auditeur. Il aimait l’école de
médecine, vou lan t q u ’e lle fû t réellem en t pour les élèves l'ai
ma mater. P a r son d évo u em en t, son zèle, son exactitude, il
n’a cessé de nous d o n n er à tous de bons exem ples à suivre,
d’autant plus que toutes ces qualités, au lieu de s’ am oindrir
avec l’âge s’étaien t au con traire accentuées de plus en plus,
l’enseignem ent fa it par lui à l’ école étant devenu sa plus im
portante occupation .
Je ne saurais m a n q u er de sign aler les autres dévouem ents
de notre bien aim é co llèg u e ; les sept épidém ies de choléra
dans lesquelles il avail fait noblem en t son devoir et que
quelques m éd a illes seu lem en t sem blent rappeler ; son active
participation au co n grès m édical te n u à P a r is e n 1845, com -
�—
52
—
m e délégu é de l’école de m éd ecin e de M a rseille ; son con
cours éclairé dans toutes les sociétés m éd icales marseillai
ses à la tète desqu elles il fut placé à plu sieu rs reprises com
m e président ; sa nom ination de corresp on d an t de diverses
sociétés savantes nationales et étra n g è re s ; les services ren
dus par lui à plusieurs reprises d e 181 7 à 1837 à l’autorité
m ilitaire, com m e m éd ecin requ is ; la p art fo u rn ie par lui aux
travaux du jou rn al le Marseille m édical , dont il était mem
b re fondateur ; les sei'vices q u ’ il ren d it à la v ille et au dé
partem ent com m e co n seiller m u n icip a l, co n seiller d ’arron
dissem ent et p résident de la com m ission d ’ inspection des bu
reau x de n ou rrices.
D ’autres services rendus p a ra llèle m en t par Etienne Villen eu ve seraient en core à sign a ler, cepen dan t je m ’arrête ; je
crains en ellet de froisser d eva n t une tom be récem m ent fer
m ée ces sentim ents de m odestie q u i fo rm a ien t, com m e chez
tout savant honnête, le fon d du caractère de notre regretté
collègu e, .le ne puis tou tefois term in er sans rép éter avec la
gran de v o ix p u b liq u e, q u ’après d e si lon gs, de si laborieux
services n ob lem en t rendu s au pays, ou au rait dû vo ir l’étoile
de l ’ honneur b rille r sur une p o itrin e si d ign e de la porter.
Mais tâchant de m ’id en tifier au x sen tim en ts de notre vénéra
b le collègu e, je dis avec l ’écritu re ce qu e tout le m onde pense
de lui et c’est une bien gra n d e consolation pour ses enfants :
« Transiil benefacicndo . »
R A P PO R T DE M. L ’ABBÉ RENOUX
DOYEN DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE
Monsieur
le
R ecteur.
Messieurs,
L ’année qui vien t de s’écou ler a été pleine d’incertitude
pour la faculté de th é o lo g ie ; néanm oins chacun de nous,
fidèle à son poste, a rem pli sa tâche avec dévouem ent; notre
confiance se fon d ait sur lesym p ath iqu e appui dequelques hom
mes gén éreu x ; au jo u rd ’ hui cet espoir se confirm e avec le vote
récent du p a rle m e n t; nous repren dron s nos travaux, résolus
à suivre in va ria b lem en t la lig n e de nos devoirs, ce qui, en
définitive, est la m e illle u re garan tie de notre existence.
Les cours publics et les conférences du grand séminaire se
sont faits rég u lièrem en t dans l ’o rd re indiqué par le program
me. Voici m ain ten an t un court résum é de nos leçons :
M. l’abbé F ig u ières, professeu r d ’É criture sainte, a e x p li
qué les deux liv re s b ibliqu es de Josué et des Juges; il a
montré que la législation m osaïque trouvait son application
�—
54
-
dans ces liv r e s ; mais il s’est attaché surtout à prouver la
réalité h istoriqu e des évén em en ts q u ’ils ren ferm en t. On a con
testé l’au thenticité et la v é rité de ces faits en les am oindris
sant, ou en dénaturant tout-à-fait, leu r caractère. Le profes
seur a repoussé ces fausses appréciation s et il a in voqu é pour
soutenir sa thèse, soit le tém oign age des auteurs profanes
qui con firm en t les récits b ib liqu es, soit les com m entaires qui
les exp liqu en t, sans ou b lier les affirm ation s des voyageurs
ou des savants m od ern es qui ju stifien t souvent le texte sacré
d ’ une m anière aussi o rig in a le q u ’ in attendu e.
M. l’abbé P e lo u tie r, p rofesseu r d ’ éloqu en ce sacrée, a ex
posé la v ie et les œ uvres de saint À th an ase, évêq u e d ’ Alexan
d rie . Il a m on tré cet hom m e h éroïqu e aux prises avec
l ’Arian ism e, et. puisant dans sa foi une fo rce plus grande
que tous les p o u v o irs : d om in an t à N icée par son élo
qu ence, à T y r par son in trép id ité, saint A thanase arrête l’em
p ereu r Constantin lu i-m êm e pour lui d ire hardim ent la
v é r ité ; il m eu rt enfin après un d em i-siècle de com bat, sans
a vo ir jam ais sacrifié sa conscience aux in térêts de ce monde.
Les œ uvres de ce grand d octeu r ont été égalem en t appréciées
avec soin.
M. l’ abbé R ica rd , professeur de d o gm e, a p arlé de Lacordaire et de sa d o gm a tiq u e; cette existen ce si pleine de vicis
situdes et de gran d eu r lui a fou rn i le sujet de plus d’ un
tableau aussi va rié q u ’ intéressant. M ais l’apologiste ne pou
va it être ou blié ; le professeur a été am ené à ju g e r les écrits
et les discours du célèb re orateu r, m êlant à sa critique les
justes éloges q u ’ils m ériten t.
M . l’ abbé R an ce, professeur de m o rale évangéliqu e, a
traité des m oralistes ch rétien s dans les tem ps m odernes; le
professeur a constaté tout d ’abord l’état des esprits au
X V Imc siècle, au point du vue relig ieu x , p olitiqu e et littéraire.
-
55
-
Cet état se p erson n ifie, pou r ainsi d ire, dans un homme cé
lèbre, E rasm e; cet écriva in prend part aux luttes et à tous
les évén em en ts de son époqu e, et sa plume facile compose
une foule de traités de m orale. Le professeur était naturel
lement porté à p a rle r de la Renaissance et de la R éform e,
et il l’a fait avec l’ exacte connaissance des hommes et des
choses.
Le professeur d ’ h istoire ecclésiastique a présenté le tableau
de l’ Eglise vers le m ilieu du X Y I I I me siècle ; c’est une époque
de lutte : d ’ un côté, le Jansénism e, qui se meurt mais qui
cherche à r e v iv r e , et avec lui une ph ilosop h ie nouvelle qui
entre en lic e ; de l ’au tre, l’ E glise ch rétienn e voulant défendre
sa foi, et com m e tou jou rs tran qu ille sur l’issue du combat.
Le professeur a fait ressortir du fond du tableau quelques
hommes illustres d ign es de fix er l ’attention, Massillon en
France et B en oit X IV en Ita lie .
M. l’abbé R ica rd a contin ué à M arseille la série de ses
leçons supplém en taires, au m ilieu d ’ un auditoire nom breux,
qui est la m eilleu re p reu ve de son succès. Le cours d’élo
quence sacrée a été m om en tan ém en t suspendu.
Nos exam en s se sont réd u its, cette année, à deux séances
doctorales : M. l’ab b é G au tier, vicaire à la M adeleine,
nous a présenté une thèse sur la vie et les œuvres de saint
Léon le G rand ; ce trava il rem arqu able, composé avec un
soin consciencieu x, a va lu à son auteur les suffrages de la
Faculté. L ’exam en oral subi avec distinction a répondu
à la valeu r de la thèse.
M. l’abbé J a u ffre l, p rêtre de M arseille, a été égalem ent
jugé digne du litre de d o c te u r; le sujet de sa thèse était l’il
lustre Belsunce, é v ê q u e de M arseille, dont il a étudié la vie
ainsi que la lu tte sou ten u e par lui contre les Jansénistes pro
vençaux ; c ’est, pou r ainsi d ire, un épisode d ’histoire locale,
�—
56
—
habilem ent m is en r e lie f; le candidat a subi avec succès la
d ou ble ép reu ve de son ex am en .
Je dois ajou ter en term in an t, M essieurs, qu e nos travaux ne
se born en t pas à l’accom plissem ent de nos d evo irs profession
nels ; nous consacrons nos loisirs à des études personnelles.
M . l ’abbé F igu ières a p u b lié le récit du procès de Galilée ;
il a s u r a v iv e r ce sujet déjà connu, par la nouveauté des
aperçus e t l ’en train de la n arration ; il s’est efforcé, au reste,
d ’attribu er à chacun, dans ce débat trop sou ven t dénaturé,
la responsabilité qui lui appartient.
M . l ’abbé R ica rd nous a don n é une notice intéressante
sur M gr L a B o u ille rie , co ad ju teu r du card in al D on n el, arche
vêq u e de B ord ea u x ; dans celte cou rte b io g ra p h ie l’auteur a
su m êler au ch arm e des sou ven irs toute la tendresse du
sentim ent ; on sent q u ’ il d ép io re la p erte d ’un maître qui
fut aussi son am i. A cette p rodu ction ajoutons la v ie de Mgr
Salinis, arch evêq u e d ’Auch ; celte v ie fa it le pen dant de celle
de M gr G erb el ; M . R ica rd se p laît à fa ire passer sous nos
yeu x les gran des illu stration s ch rétien n es de n otre époque.
Enfin, M. l’abbé R an ce a m is en lu m ière des lettres encore
inédites de F én elo n ; ces curieuses lettres sont adressées à la
princesse M arie-C h ristin e de S alm , au sujet de quelques dé
m êlés survenus dans le ch ap itre de R e m ire m o n l. Convenons
qu e cette publication o ffrira un v if in térêt à tous ceux qui
chérissent la m ém oire de l’arch evêq u e de C am brai ; le jeune
auteur a su l’en tou rer de sp iritu elles rem arqu es qui en font
bien con n aître l’ob jet. Q uand la co llectio n , qui n’est pas
term in ée, sera com p lète, on en p ou rra m ieu x ju g e r la valeur
et le p r ix .
R A P PO R T DE M. ALFRED JOURDAN
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
L ’année d ern ière, j ’avais l ’ hon neur de vous rendre compte
d’une organ isation n o u ve lle de la licence en droit. L ’ensei
gnem ent ava it été éten d u , de nou velles chaires créées; nous
avions inau gu ré un nou veau systèm e d ’exam ens. Cette année,
ce sont les ép reu ves du doctorat qui ont été m odifiées. Aux
termes du d écret du 20 ju ille t 1872, pour obtenir le grade
de docteur, il faut su bir trois exam ens devant quatre exam i
nateurs, au lieu d e deux exam ens devant cinq examinateurs.
Le prem ier exam en p orte sur le droit rom ain, son histoire,
l’explication des textes des Pan dectes; le deuxièm e sur )e
droit civil fran çais et son histoire ; le troisièm e sur trois ma
tières d ifféren tes, p arm i lesquelles le droit constitutionnel
est ob ligatoire, les d eu x autres étant laissées, dans une cer
taine m esu re, au ch oix du candidat. Ce program m e nécessi-
�—
lait l’organisation d ’ un trip le en seig n em en t: un cours de
Pan dectes, un cours d ’ h istoire du d roit, un cours de droit
constitutionnel. L e cours d 'h is to ire du d ro it existait déjà; il
continue d ’ être confié à un m a ître ép ro u vé, M . A lfred Gau
tier, professeur de d ro it ad m in istratif. Le cours de Pandec
tes reven ait natu rellem en t à M . B ry , professeu r de droit
rom ain. M. Edouard Jou rd an , le plus an cien de nos agrégés,
ch argé du second cours de d ro it rom ain , a été chargé, en
outre, du cours nouveau de d roit con stitu tion n el. Si on ajoute
à cela le cours de d ro it m a ritim e et le cours de notariat et
d ’en registrem en t que professen t avec une si haute compé
tence M M. Lau rin et N aqu et, on a les cin q cours com plém en
taires parm i lesquels les aspirants au d octorat pourront choi
sir les m atières spéciales sur lesqu elles ils seront interrogés
à leu r troisièm e exam en .
Nous n ’avons pas en core in au gu ré ce nouveau système
d 'exam en pou r le doctorat, par la raison qu e le décret du
20 ju ille t n 'ayan t pas d ’effet rétroa ctif, tous ceu x qui avaient
subi leu r p rem ier exam en à cette date ont un d ro it acquis à
ne passer qu ’ un d eu xièm e exam en con form ém en t à l’ancien
systèm e. M ais le n ou vel en seign em en t est organisé et vous
voyez que la plupart des m es co llègu es d o iven t faire double
besogne afin de suffire à d ix-sep t cours, douze cours de
licen ce et cinq cours com p lém en taires de doctorat.
Au m om en t où la faculté n ’ava it pas trop du zèle et du
d évou em en t de tous ses m em b res, e lle s’est vu e tout à coup
p rivée du concours de trois d ’ en tre eu x , M. M aréchaux et
M. M artin, ch argés à titre p ro v is o ire des fonctions d'agrégé,
et M. C aries, p rofesseu r de C ode c iv il.
M . M aréchaux et M. M artin étaien t allés p ren d re part au
concours o u vert à P aris depuis le m ois de septem bre, afin
de con qu érir leu r litre d ’a g rég é. L a fortu n e des concours,
50
—
qui est un peu c elle des com bats, les a trahis. Je ne puis
attribuer leu r insuccès qu ’à une de ces défaillances contre
lesquelles les plus ferm es esprits ne sont pas assurés. Mais
ils sont gens à se r e le v e r et à prendre leur revanche. Nous
le souhaitons et l’ espérons ; nos regrets et nos vœux les
accom pagnent dans leu r retra ite m om entanée.
M. Caries a d em an d é sa retraite. Attaché, le 16 décem bre
1840, en qu alité de suppléant provisoire, à la faculté de
droit d ’ A ix , M. C aries com ptait 42 ans de services. Depuis
32 ans il occupait une ch aire de Code civil. Il était entré, le
29 septem bre d e rn ie r, dans sa 7 6 rae année. Il avait acquis
le droit de se rep o ser. Sa vigo u reu se constitution lui aurait
sans doute p erm is de su p p orter qu elqu e temps encore les
fatigues de l’en seign em en t : il n ’a pas voulu attendre que le
repos lui fû t ab solu m en t im posé par l’affaiblissem ent de ses
forces physiqu es ou in tellectu elles, et il s’est retiré en pleine
possession de lu i-m êm e. C 'est sagem ent calculé; et nous es
pérons qu ’il jo u ira lon gtem ps de sa verte vieillesse. Vous
dirai-je quels so u ven irs M . C aries laisse parmi nous? Il n’y a
qu’une v o ix sur l’ h om m e, si bon, d ’ un com m erce si facile et
si doux, ch ez lequ el la sim p licité des m anières s’alliait aune
grande é lé v a tio n d e sentim ents et d’ idées. La plupart de
ses collègues a va ie n t été ses élèves. Ils avaient pu, à ce dou
ble titre, a p p récier la p ro fo n d eu r de ses connaissances ju ri
diques et ils re g re tte n t q u ’ il n ’ail pas songé à élever à la
science du d ro it un m onu m en t plus durable que de fugitives
leçons orales.
La retraite de M. M aréch au x et de M. Caries laissait va
cantes deux ch aires de code c iv il. M. Naquet a été, sur sa de
mande, tran sféré de la p rocéd u re à une de ces deux chaires.
Par son p rem ier en seign em en t, p ar ses travaux, par ses
rares qualités d 'e s p rit, un gran d sens pratique joint à de so-
�— fit lides connaissances th éoriq u es, une rem arqu ab le clarté d ’ex
position, M. N aqu et était tout d ésign é pou r l ’ enseignem ent
du d ro it civil. M ais ce n ’ était là q u ’un d ép lacem en t, et il res
tait toujours deux ch aires vacantes, une de code civil et celle
de procédure. Ces vid es vien n en t d ’ê tre en p artie comblés.
M . M illet, a grégé de la facu lté d e D ijon , où il était chargé
du cours d ’ histoire de d ro it, v ie n t d ’ ê tre tran sféré, sur sa
dem ande, à la faculté d ’A ix et ch a rg é du cours de procé
d u re civ ile . M. M illet n ’est, qu e d ’ h ier p arm i nous, mais nous
avons déjà pu recon n aître qu e nous trou veron s en lui un
ex cellen t co llèg u e, auquel nous savons g ré notam m ent d’être
ven u à A ix sur sa dem ande et pou r y rester. Com bien de nos
jeu nes agrégés, apparten an t p ar leu r o rig in e à d ’autres ré
gion s de la F ran ce, ne sont ven u s parm i nous que décidés
à nous qu itter le plus tôt possib le, d éterm in és en gran de par
tie par un sen tim en t fo rt resp ectab le, le r e g re t du pays na
tal, m ais un peu aussi par la situation ex cen triq u e de la ville
d ’ A ix qui est la facu lté la plus é lo ig n é e de P a r is ; et ils son
geaien t p eu t-être, bien à tort sans d ou te, au p roverb e:
loin des yeux, loin du cœur.
Je term in e le ch ap itre du p erson n el en seign an t par une
courte notice sur les tra va u x p a rticu liers des professeurs.
M . Lau rin a publié les deux d ern iers volu m es de son Cours
de droit maritime. P arm i toutes les qu alités qui distinguent
M. L a u rin , celte publication m et en lu m ière sa m odestie et
son d évou em en t à la science. Ce liv r e en effet modestement
in titu lé: Cours de droit maritime de M. Cresp, annoté, com
plété et mis a u courant de la jurisprudence la plus récente
par M. Laurin. Si le m aître illu stre d on t M. Laurin a été
l’élève, le suppléant et le d ign e con tin u ateu r, si M . Cresp
pouvait r e v iv r e et v o ir son œ u vre ainsi a ch evée, complétée,
rajeu n ie, nul doute qu e, dans sa ju stice et sa loyauté, il ne
dit à M. La u rin : « ce n ’est pas là mon œ uvre ! C’est votre
oeuvre! » T o u t au plus accepterait-il qu’on d ise: notre œu
vre. M. Lau rin v ie n t, en ou tre, de livrer à l’impression son
cours de d ro it co m m ercia l en deux volum es. Je sais bien ce
que sera ce liv r e ; m ais il con vien t de n’en p arler qu’après
qu’il aura paru.
M . N aqu et a fait p a ra ître, tout à fait au commencement
de la d ern ière an n ée scolaire, son Traité théorique et prati
que des droits d’enregistrement en trois volum es. Ce n'est
point là un sim p le guide ou manuel à l’usage des receveurs
de l’en registrem en t ; c ’est un travail considérable, l’œuvre
d’un ju riscon su lte. Ce liv re est déjà invoqué com m e une au
torité, à la cou r de cassation, non seulem ent par les avocats,
mais par les m em b res du parquet et les conseillers rappor
teurs.
M. A lfred G au tier a p u b lié un Précis de l’hitoire du droit
français. Il a tro u vé les élém en ts de ce travaitdans le savant
cours d ’ h istoire g é n é ra le du d ro it qu ’ il fait pour les aspirants
au doctorat. M . G au tier a rèndu par là un véritable service
aux étudiants d e 1” an n ée qu i retrou veront dans son livre
la substance de l’ en seign em en t oral qui leur est donné sur
cette m atière d élicate p ar un m aître excellen t, M . Pison,
professeur de C ode c iv il, ch argé en même temps du cours
d’histoire du d ro it français que suivent les élèves de 1rc
année.
Pour co m p léter cette statistique, je dois ajouter que le
doyen de la Facu lté a pu b lié les deux ouvrages suivants :
1° Cours analytique d'économie politique professé à la Fa
culté de droit ; 2° Du rôle de l'État dans l'ordre économique
en économie politique et socialisme, couronné par l’Institut.
Vous trou verez a n n ex é à ce rapport un tableau des divers
examens subis p en dan t la d e rn iè re année scolaire et un re-
�—
levé des inscriptions prises, avec leu r rép a rtition p ar semestre
et p ar nature d ’exam en . Je m e b o rn e a vous présenter quel
ques réflexion s qui m e sont su ggérées p ar l’étude de ces do
cum ents et mes p ropres sou ven irs.
Ces réflexion s sont loin d ’ être com p lètem en t satisfaisantes.
Les regards sont tout d ’ abord attirés p ar ces deux chiffres,
478 exam ens, 77 ajou rn em en ts ; c ’est-à-d ire en viron 16
pour 100. Sans doute on ne peut pas d ire à p riori qu’ il y a
eu trop d ’adm issions, trop peu d ’ ajou rn em en ts, car tout dé
pend de la force des candidats ; cep en d an t, d ’après l’ idée
qu ’on se fait gén éra lem en t de la fo rc e , de l ’intelligen ce et
surtout de l’application de nos élèves, ont est assez porté à
d ire : 16 ajournem ents, ou si vous aim ez m ieu x, 86 admis
sions sur 100 exam ens, c ’est trop peu d ’ajournem ents, c'est
trop d ’adm issions ; et, à l’appui de ces affirm ation s, on invo
que tout natu rellem en t les hécatom bes que nos collègues des
Facultés des lettres et des sciences sont bien obligés de faire
aux exam ens de baccalauréat. Je suis le p rem ier à reconnaî
tre, et je crois ex p rim e r en cela le sen tim en t de mes collè
gues, que le niveau des exam en s d o it être re le v é ; qu’il con
vient de d ép loyer une sévérité plus g ra n d e, ce qui aboutira à
un nom bre d ’ ajou rn em en ts plus co n sid érab le, à moins que
les candidats ne s’ am en d en t n o ta b lem en t. M ais n ’y a-t-il pas
contradiction en tre cet aveu et les résultats que je viens de
vous sign aler ? C’est sur quoi je dois m ’ex p liq u er briève
m ent.
Il faut, a i-je-d it, r e le v e r le n iveau des exam en s ; mais ce
n ’est point chose facile, qu e de d éracin er ces habitudes invé
térées d ’ in d u lgen ce, tant ch ez les élèves que chez les maî
tres. Je m e souviens d ’ un tem ps où un ajou rn em en t était con
sidéré com m e un m anque d ’égard s de la part des profes
seurs.Cela était absolum ent vrai quant aux rares exam ensde
63
—
doctorat qui étaien t alors passée, surtout devant les Facultés
de provin ce. Ce q u ’on ne vo y a it pas alors, c’ était un étudiant
refusé deux fois de suite. O n était toujours assuré de passer
sinon au ch oix, au m oins à l ’ancienneté. Il faut reconnaître
que les choses ont un peu ch angé de face. L ’année dernière
nous avons eu qu in ze prem iers exam en s de doctorat; il y a
eu huit ajou rn em en ts, sans com pter les candidats qui se sont
fait justice à eu x-m êm es, en ne se présentant pas bien qu’ils
se fussent fa it in scrire.
Ce qui m ’a pal*u cara ctériser d ’ une façon générale les exa
mens de la d e rn iè re an n ée scolaire, c’est une certaine m édio
crité fort em b a rra s s e n le pou r les exam inateurs. Nous avons
eu beaucoup de can didats qu i étaient sur la lim ite indécise
entre l’adm ission et l’a jo u rn e m e n t. Il est un point sur lequel
j ’ai déjà ap p elé l’atten tion de m es collègues. Tous nos ex a
mens de licen ce sont m ain ten an t à trois exam ens, et on peut
être reçu avec deu x bou les ro u g es et une boule noire. Mais
il y a rou ge et ro u g e, et su rto u t il y a noire et noire. Cette
noire peut être un m a l, un très m al, un zéro. Je voudrais
qu’en présence d ’ une n o ire de nullité , les deux autres exam i
nateurs vou lu ssen t bien co n sid érer si leurs rouges ne pour
raient pas être nuancées de n oir, ce qui aboutirait à un
ajournem ent m é rité . J ’ai lie u d ’espérer que nous entrerons
dans celte v o ie .
J’ai dit qu e les ajou rn em en ts étaient avec les examens su
bis dans le rap p ort de 16 pour 100. Ce n’est pas com plète
ment exact. Un certain n om b re d ’élèves de la dernière année
scolaire, qui au raien t dû subir leurs examens en ju illet ou
août d ern ier, ont d em an d é à être renvoyés en novem bre.
C’est ainsi que depuis la ren trée, nous avons fait passer 73
examens. O r, sur ces 73 exam ens il y a eu 17 ajournements
ce qui rep résen te en viro n 24 pour I0 0 d ’ajournements au
�-
lieu de 16 pour 10 0 . C elte p rop ortion plus g ran d e d ’ajour
nem ents s’ex p liqu e par ce fait que les étudiants qu i, en juil
let et août, dem andent l’au torisation de ne passer leurs exa
m ens qu ’en n ovem b re, sont loin d ’être les m eilleu rs. Ils al
lègu ent des raisons de d iffé re r plus ou m oin s plausibles ; ils
ne sont pas prêts, d isen t-ils, et ils em p lo iero n t les vacances
à se p rép arer. T ro p sou ven t ils ne les em p loien t qu ’à oublier
le peu qu ’ ils savent.
Il résulte de là que ce re n v o i au m ois de n ovem bre des
exam en s de fin d ’année ne d e v ra être au torisé qu ’avec plus
de réserve. L ’esprit de la réfo rm e qui a été introdu ite dans
les exam ens de licen ce est que ces exam en s ne soient plus
passés, com m e cela se faisait au trefois, à une époque quel
conque de l ’année, ce qui d étou rn ait les élèves de suivre ré
gu lièrem en t les cours sous p rétex te de prép aration à l’ exa
m en. V oilà pourquoi il n ’y a plus, en p rin cip e, qu e des exa
m ens passés à la fin de l’an née, alors qu e les cours sont ter
m inés. O r, q u ’avons-nous vu , dans la seconde quizaine du
m ois d ern ier l A lors qu e tous les cours éta ien ten activité, des
élèves de seconde et de troisièm e an n ée subissaient les exa
m ens de 1 rc et de 2 mc an née, qu ’ ils au raien t dû subir en juil
let ou en août. Vous pensez bien qu e ces candidats, préoccu
pés de leurs exam en s, n ’étaient pas assidus aux cours. Il fau
drait que ces candidats attardés en n o v e m b re fussent assez
peu nom b reu x, pour qu’ on put s’ en d ébarrasser dans les
deux jou rs qui précèdent, l ’o u vertu re du cours. L'inconvé
nient n ’existerait pas au m êm e d eg ré p ou r les étudiants de 3me
année qui n 'aya n t plus de cours à su ivre à la ren trée, pour
raient plus fa cilem en t o b ten ir leu r re n v o i à c e lle époque.
Dans les ju gem en ts qu ’ on p orte sur les exam ens de la Fa
culté de d roit, on p ro cèd e assez sou ven t par comparaison.
C ’est ici le cas de d ire que com paraison n ’est pas raison, et
65 -
je liens à vous fa ire v o ir que ces jugem ents m anquent de jus
tesse et de ju stice. Il faut évid em m en t exclure de ces compa
raisons toutes les ép reu ves qui ont le caractère de concours,
dans lesquels on n ’ad m et q u ’un nom bre préfix, quel que
soit le m érite des candidats non admis. Dans les examens
proprem ent dits on adm et tous ceux qui sont capables. Cette
capacité et laissée à l’ appréciation des exam inateurs. C’est ici
qu’ il y a m atière à com paraison entre le plus ou moins de sé
vérité des uns et des autres, et on croit pouvoir s’étonner, par
exem ple, qu ’à la F acu lté de d ro it il n’ v ait que 25 pour 100
de rejetés, tandis q u ’à la Faculté des lettres les candidats au
baccalauréat su ccom ben t dans la proportion de 50 ou 75 pour
100. Il n ’y a n u llem en t, lieu de s’en étonner. Nos collègues
de la Faculté des lettres font un triage et nous envoient, en
somme, la lleu r, l’é lite des jeu n es gens qui ont fait un cours
complet d ’études. Il y a qu elqu e jours à peine, j ’ai constaté
que, sur une série de 2 0 candidats au baccalauréat, 2 ° partie,
17ont succom bé à l’é p re u v e écrite, 2 aux épreuves orales; un
seul a passé, et est ven u im m édiatem en t prendre son inscrip
tion à la Faculté de d ro it. Il est probable que cet unique
vainqueur subira a ve c succès son exam en de droit ; mais si,
sans avoir été aussi soign eu sem en t criblés par la Faculté des
lettres, les v in g t de cette série étaient arrivés tout droit chez
nous, il est p ro b a b le qu e bon nom bre d’ entre eux auraient
fait une assez triste fig u re aux exam ens de fin d’année.
N’ous tenons sans d ou te plus à la qualité qu’à la quantité
de nos élèves ; nous ne pouvons cependant pas nous désinté
resser com plètem en t de ce second élém ent de prospérité de
nos écoles. Dans l ’an n ée scolaire 1880-1881 nous avions eu
1076 inscriptions, n o m b re déjà in férieu r à celui des années
précédentes. Dans la d ern ière année scolaire 1881-1882,
nous n’avons eu que 9 0 0 inscriptions, c’est-à-dire 176 de
O
�—
-
.66 —
m oins : cette d im in u tion co n tin u era -t-elle d ’année en année
ou bien som m es-nous d éfin itivem en t a rrivés à un chiffre
n orm al qui ne d oit plus v a r ie r sen sib lem en t ! L ’aven ir nous
le d ira .
D em ain, en séance so len n elle de ren trée, un de nos jeu
nes collègu es, M . T u rg e o n , vou s re n d ra com p te des résultats
de nos concours de fin d ’an née. Il est toutefois un lauréat
qui a d ro it à une m en tion spéciale, et don t le nom doit être
p roclam é ic i. Dans le concours g én éra l de toutes les Facultés
de F ran ce, M . D ou treleau a ob ten u la 2 me m en tion . Je n’ai
pas besoin d ’insister sur ce q u ’ un p a reil succès a d ’hono
rab le.
ANNÉE
67 -
SCOLAIRE
1881- 1882
l'r e x a m e n d e Baccalauréat
(ANCIEN PROGRAMME)
Exam
ines Âdm
i Ajournés
E lo g e .................................
Majorité on égalité de b lanches.. .
Minorité de blanches..............
Totalité de r o u g e s . . . .
Itouges et n o i r e s ....................
Ajournements........................................
2
» j
6
4
2
72
62
10
(
2)
l're x a m e n d e Baccalauréat
(NOUVEAU PROG.) 1r* p a rtie
Eloge .................................
Majorité de b lan c h e s.. . . . . . . . . .
Minorité de b la n c h e s ...........................
Totalité de r o u g e s ............... ................
Rouges et n o i r e s ..................
Ajournements..................
1
23
20
8
10
\A
l*r examen de Baccalauréat
(nouveau prog.) 2“° partie
E lo g e ............................
Majorité de b lanches..........
Minorité de b lan c h e s..........
Totalité de ro u ge s.................................
Rouges et noires.............
Ajournements..........
2
62
11
12
6
44 1
Baccalauréat
(ANCIEN PROGRAMME)
examen de
„ .
E l o g e ..............................
Majorité de b lanches. . . .
Minorité de blanches.
totalité de rouges
Rouges et noires.
Ajournements.
2a’
K
22
15
9 ( 73
11 }
examen de
(nouveau
î 1
5/
4 } 18
2 1
6 /
■
■
Baccalauréat
1” p a rtie
pr o g .)
u . . Eloge .......................
Majorité de b la n c h e s..
Minorité de blanches . .
totalité de rouges .
R°uges et noires.......... ..........................
Ajournements
Q
10
8 /
14 (
10 ]
54
45
223
185
9
î
0 /
A
reporter ..........
38 22
�R e p o r t . ...
Exàmcnde Licence (nouy. prog .)
E lo g e .................................................
Majorité ou é g a lité d e b l a n c h e s ------Minorité de b la n c h e s .................................
Totalité de r o u g e s ........................................
Rouges e t n o ire s .............................................
Ajournements......................................
1"
exam en de
D octorat
E lo g e ................................................
Trois b lan ch e s e t d e u x b l a n c h e s rouges ..............................................................
Trois blanches et deux r o u g e s . . . .
Trois blanches, une rouge et une
ro u g e -n o ire ...................................................
A journem ents...................................................
exam en de
D octorat
Eloge........................................
Quatre blanches et une ro uge..........
Trois blanches et deux blanchesrouges ...................................................
Trois blanches, une blanche-rouge
et une rouge........................... ' ...........
Trois blanches et deux ro u g e s ___
Ajournements.........................................
»
2
1
to
2"'
Thèse de D octorat
Eloge ( cinq blanches ) . . .
Quatre blanches et une rouge..........
Trois blanches , une blanche-rouge
et une rou ge...................................
Trois blanches et deux rouges,
bois blanches, unç rouge et une
rouge-noire..............................
Trois
blanches et deux rouges-noi
res................
Ajournem ents..............................................
T otaux. . . .
1
1
1
2
1
i
»
�Prises pendant l'année scolaire 1 8 8 1 -1 8 8 2 .
T r im e s tr e
))
D
»
de n o v e m b re 1881 .
d e j a n v i e r 1 8 8 2 -----d ’a v r il 1 8 8 2 ..................
d e j u il le t 1 8 8 2 . . . .
243
230
201
224
Pour
»
»
»
la
le
la
le
c a p a c ité . . .
b a c c a l a u r é a t.
l i c e n c e ............
d o t o r a t ............
62
528
252
58
RAPPO RT
DOYEN
DE
Monsieur
LA
le
DE M. R E Y N A T D
FACULTÉ
DES
LETTRES
R ecteur ,
Messieurs,
Le compte rendu des tra va u x d e la F aculté des lettres se
divise actuellem ent en d eu x p a rties, d ’ un in térêt bien in éga l,
l'enseignement et les ex a m en s. C ’est p ar ceu x-ci qu ’il m e
parai! plus utile de co m m en cer, car c ’est de beaucoup le su
jet le moins agréab le à tra iter. Q u elqu es éloges s’y m êlen t
pourtant à des plain tes, h élas ! trop légitim es. A insi les exa
mens de la licence nous o n t d o n n é assez de satisfaction. Dans
la se^ion de ju ille t, 1 2 can didats s’ étaien t fait in scrire, dont
9 pour la licence ès-lettres, 3 p ou r la licen ce d ’ histoire. Un
candidat, un de ceux qui nous d on n aien t les m eilleu res espémnces, M. R aym on d, ne s’est pas ren d u à l ’ap p el p a r suite
^ d isp o sitio n ; cin q can didats de l ’o rd re des lettres
e*e a^mis ^ l’ ex a m en o ra l et ju g és d ign es du g ra d e de
icencié. Ce sont M M . S a n lia g g i, b o u rsier de la F acu lté,
e%üiot, ecclésiastique, é lè v e d e la Facu lté lib re de L yo n ,
�— 73 —
R a v e l, boursier de la Faculté, N ico llet, m aître élém entaire
du lycé e de N ice, et D agan, é lè v e b o u rsier d e la Faculté.
En n o vem b re, nous avon s eu en core à ex a m in er six can
didats, deux pour la licen ce d ’ h istoire, qu atre pour la li
cence ès-lettres. D eux candidats ont été adm is au grade de
lic e n c ié : dans l’ o rd re des lettres M . T e is s ie r, é lè v e depuis
trois ans de la Faculté, qui a récom p en sé en lui avec plaisir
des éludes lon gues et p ersévéra n tes, p ou r la licen ce d ’ his
toire M. R u iï, qui nous ven a it d ’A lg é r ie . Dans les exa
m ens d ’ histoire nous avon s eu le concou rs de M. G erm ain,
doyen hon oraire de la Faculté de M o n tp ellier, m em bre de
l ’In stitut. Nous sommes heu reu x d ’ ad resser ici nos rem ercie
m ents au vén éra b le co llègu e qui jo in t à une éru dition im
m ense la viva cité d ’ un esprit p lein de jeunesse, et cette
b ien veillan ce qui est la m arqu e d ’ une v é r ita b le supériorité.
Nous ne dem andons qu ’à p r o file r lo n g tem p s en core de son
ardeu r et de son ex p érien ce.
Ces résultats, don t nous d evon s nous féliciter, sont dus en
gran de p artie à cette fécon de institu tion des boursiers, dont
cependant on ne paraît pas assez a p p récier les avantages, au
m oins dans n otre rég io n . E lèv es de p h iloso p h ie, m aîtres ré
pétiteurs, professeurs m êm e des co llè g e s com m unaux trou
vera ien t là un m oyen fa cile et sûr de con q u érir un grade
toujours d ifficile, et de s’ assurer, avec une instruction solide,
un avancem ent m érité. N ous leu r faisons de nouveau un
appel qui sans doute ne restera pas sans réponse.
A propos de la licen ce, nous ne fero n s qu e deux observa
tions. Les candidats qui se présen ten t p ou r l’ histoire ou la
ph ilosop h ie ne paraissent pas a v o ir b ien com pris dans quel
esprit ont été créées, à côté de la licen ce ès-lettres, ces deux
licences spéciales. Ils ont cru ê tre désorm ais clispensésd'étu
dier sérieusem ent les littératu res anciennes. Si on les a
débarrassés du thèm e g re c et des vers la tin s c ’est que ces
exercices ne ren tren t pas dans le cad re de leu r en seign em en t ;
mais ils n’en d oiven t pas m oin s v iv r e dans le com m erce assidu
des grands écrivain s qu e nous a laissés l’an tiqu ité. C elte
étude, qui se rattache à l’ h istoire m êm e du d évelop p em en t
de l’esprit hum ain n e peut pas rester étra n gè re à des p h ilo
sophes ou à des h istorien s. N ou s croyon s m êm e q u ’e lle doit
servir de fon dem en t à toutes les au tres. Aussi les candidats
ne peuvent pas se p la in d re qu e l’ex am en de leurs disserta
tions littéraires p récèd e celu i de leu rs com positions h istori
ques et décide de leu r sort. D e m êm e dans l’exam en oral, ils
sont tenus de rép o n d re sur tous les auteurs qui figu ren t
dans le p rogram m e com m u n . N i A ristop h a n e, ni E schyle,
n iP in d aren e d o iven t leu r rester inconnus. Ces écrivain s ne
représentent-ils pas, dans l ’ étu d e du g én ie g re c , des m anifes
tations qui intéressent é g a le m e n t l’ h istoire ou la p h ilo so p h ie?
Quant à nous, le p ro g ra m m e d e la licen ce ne nous paraît
mériter qu’un re p ro c h e , celui du tira ge au sort pour toutes
les questions. Sans d ou te, le sort parait p résen ter certains
avantages; il étab lit en tre les can didats une sorte d ’égalité,
mais il a le tort d ’e m p riso n n er trop souven t et l’élè v e et le
professeur dans un c e rc le trop é tro it, et q u ’il sera it qu elq u e
fois utile de fra n c h ir; certa in es qu estions p eu ven t d ’ailleu rs
deveniraçsez em barrassantes. P eu t-o n , p a re x e m p le , être très
sévère pour un can didat qui ne con n aît pas dans les détails
l’histoire de la littéra tu re g re c q u e au siècle d ’A u gu ste?
Les exam ens du b acca la u réa t sont toujours la partie la
plus pénible de nos fon ction s, et par le tem ps qu ’ ils nous
prennent et aussi par l’ im p ression d ésagréab le que nous cau
sent certaines réponses. N ou s n ’en trero n s pas dans ces tristes
détails, mais la statistiqu e seule a b ien son éloq u en ce.
En novem bre 1881, le n o m b re des candidats inscrits a été:
�— 75 —
— 74 —
pour la p rem ière p artie, d e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
125
P o u r la d eu xièm e partie, d e .......... ........
54
P r e m iè r e p artie.
D éfa illa n ts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
D eu xièm e p artie.
Id e m . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
Présents à Vexamen.
P re m iè re p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
D eu xièm e p a r t ie .. . . : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
52
Eliminés après Vépreuve écrite.
P rem ière p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
69
D eu xièm e p a r tie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Ajournés après l’épreuve orale.
P rem ière p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D eu xièm e p a r t ie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Admis définitivement.
P rem ière p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D euxièm e p a r t ie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13
9
38
15
P rem ière p a r tie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . néant
D eu xièm e p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . néant
P re m iè re p a rtie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
D eu xièm e p a r t i e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . néant
Dans cette session le n o m L re des candidats inscrits a été
de 300 pour la p re m iè re p a rtie et d e 13 2 p ou r la d eu xièm e
partie.
Première partie.
Deuxième partie.
Défaillants.......................................
^
2
Première partie................................... 288
Deuxième partie.................................. 130
Eliminés après l’épreuve écrite.
Mention passable.
32
15
La moyenne des admissions a été:
è
SESSION DE JUILLET-AOUT 1 8 8 2
Présents à l'examen.
Mention assez bien.
P o u r la p rem ière p artie, d e ..................
Pou r la d eu xièm e partie, d e . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nombre des can didats in s c rits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 0
Défaillants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
\
Présents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29
Eliminés après l’ é p re u v e é c r it e .................
9
Ajournés à la suite d e l ’ex a m en o r a l ..........
5
Admis défini tiv e m e n t. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ,|5
Ont m érité la m en tio n très L ie n . . . . . . . . . . . . . . . . . . néant
Ont m érité la m en tio n L ie n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . néant
Ont m érité la m en tio n assez L ie n .............. néant
Ont m érité la m e n tio n p a s s a L le . . . . . . . . . . . . . . . . 15
La m oyenne des adm issions a été d e ..........
51 72 •/•
Défaillants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mention bien.
P rem ière p a r tie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D euxièm e p a r tie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
SESSION DE MARS 1 8 8 2 , RESERVEE AUX CANDIDATS
A LA DEUXIÈME PARTIE.
31 6 6 0/°
28 84 0/°
Première partie.................................. 167
Deuxième partie.................................. 68
Ajournés après Vépreuve orale.
Première partie..................................
Deuxième partie.................................
25
20
�— 76 —
— 77 —
Admis définitivement.
P rem ière p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D eu xièm e p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
06
42
Mention très bien.
P rem ière p a r tie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . néant
D euxièm e p a rtie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
Mention bien.
P re m iè re p a r tie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D euxièm e p a r t ie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4
3
Mention assez bien.
P rem ière p a rtie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D eu xièm e p a rtie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
'
30
9
Mention passable.
P re m iè re p a rtie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D euxièm e p a rtie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
62
29
La moyenne des admissions a été
P rem ière p a rtie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
D euxièm e p a rtie . . . . . . . . . . . . - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
33 33
32 30
°/ 0
°/ 0
La m ention très bien a été accord ée pou r la deu xièm e par
tie à M . L ieb y A d o lp h e, é lè v e du lycée de T ou lo n ; ce candi
dat avait obtenu, l ’année d e rn iè re , la m en tion bien pour
l’exam en de la p rem ière partie.
La Faculté a donné la m en tion bien pou r la prem ière
partie à M M . Chappuis, élève du lycée de T o u lo n , Rachon,
élève du lycée de M arseille, P ie r r e t, é lè v e du lycée de Tou
lon, et C liid e, élè v e du lycée de M a rs e ille ; et pour la deuxiè
m e partie, à M M . G leize, M iran d e et Y essiot, du lycée de
M arseille.
Une m ention très bien , sept, m en tion s bien, c’ est là un ré
sultat bon à constater et qui tém oign e ch ez qu elqu es élèves
un travail rem a rqu a b le. E lles déposent aussi en faveu r de la
Faculté, qui sait ren d re ju stice au vrai m érite quand elle le
rencontre. M alh eu reu sem en t ces m en tion s, m êm e en y ajou
tant 51 assez bien, ne nous con solen t pas des n om b reu x échecs
qui figurent en core dans nos tab leau x .
Ces échecs, ceux su rtou t d e la seconde p artie, s’exp liqu en t
très naturellem ent p ar l’a d jo n ctio n de deux com positions
nouvelles: le thèm e su bstitué p o u r les langues vivan tes à la
version, c’est-à-d ire la conn aissan ce des règ les de la gram
maire, au lieu du hasard d ’ une traduction où l’in telligen ce
et surtout la fortu n e jo u e n t un si gran d r ô le ; cette leçon a
surtout pu être com p rise p ar les can didats assez tém éraires
pour croire que la p ratiqu e du p ro ven ça l ou du corse peut
suppléer à l ’élu d e de l ’ita lie n . D ans les ép reu ves de la seconde
partie, l’introdu ction d ’ u n e com p osition en m ath ém atiqu es a
causé encore de plus g ra n d s désastres. Un p h ilosop h e ancien
avait fait g ra v e r sur la p o rte de son é c o le : Que personne
n'entre ici, s'il n'est géomètre! La p lu p art de nos candidats
n’auraient pas pu étu d ier sous un tel m a ître. L e plus sou
vent ceux qui ont ob ten u une assez b o n n e note en p h iloso
phie échouent pou r les m a th ém atiqu es, et ceu x qui savent
les mathématiques n ’ en ten d en t rien à la p h ilosop h ie. Il en
est cependant qu i, p a r un rem a rq u a b le sentim ent d ’im p artia
lité, ne savent ni les m ath ém atiqu es, ni la p h iloso p h ie. C eu xlà ne doivent m a lh eu reu sem en t pas être blâm és seu lem en t
pour leur ign oran ce. C ’est dans la fra u d e q u ’ ils m ettent tout
leur espoir; ils com p ten t, p o u r le u r com position écrite, soit
sur la com plaisance d ’ un cam ara d e, soit sur des notes in tro
duites par des ruses plus ou m oin s heureuses. M ais, q u ’ ils le
sachent bien, l ’insuffisance de l’exam en oral trah it ces ruses
que la Faculté est d écid ée à a ttein d re p ar les peines les plus
sévères; car ces hab itu d es n 'o n t pas seulem ent l’in co n vén ie n 1
I
�d ’en cou rager la paresse ; e lle d évelo p p era ien t, si e lle s n ’étaient
vigou reu sem en t rép rim ées, les vices les plus antipathiques à
l’esprit français, la trom p erie et la dissim u lation.
Il nous reste à fa ire une d ern ière rem a rq u e. Dans la statis
tique publiée par le M in istère de l’ instruction p u b liq u e, la Fa
culté d ’ À ix tient un ran g des plu s h o n o ra b les; e lle est parmi
celles qui ont refu sé le p lu s de ca n d id a ts aux exam ens de
rh étoriqu e, et pour la seconde partie, e lle ob tien t sans con
testation le p rem ier ran g. M ais, ceci est un avis que com
p ren d ron t les candidats. T ou lou se et M o n tp ellier viennent
im m édiatem ent après elle ; la m oyen n e des réceptions, qui est
ici de 32 0/0, est à Toulouse de 3 5 , à M o n tp ellier de 3 0 ; il
n’y a pas dans ces proportions des d ifféren ces assez grandes
pour légitim er autant de d éplacem en ts.
Une au tre considération ressort de l ’exam en de ce tableau,
c’est que dans le N ord les candidats sont plus nom breu x et
les notes m eilleu res. N ous ne tenons pas à v o ir cro ître le ch if
fre des candidats. Nous estim ons q u ’ il y a en France, dans
l ’agricu ltu re, dans l’ industrie, dans le com m erce, bien des
occupations au xqu elles se liv re ra ie n t avec plus de succès des
jeunes gens retenus par de vieu x p réju gés dans ces études
classiques, qui ne con vien n en t pas à tous les esprits. Mais ce
qui nous affligerait réellem en t, ce serait de v o ir s’ affaib lir dans
le M idi ce culte des lettres, qui pendant tant de siècles lui a
fait le plus gran d h on n eu r, qui est la plus b elle partie de sa
g lo ire. Les exem p les ne m anquent pourtant à la jeunesse ni
dans le passé, ni dans le présen t.
C’est avec plus de satisfaction que j ’ a rriv e aux travaux
personnels des professeurs de la F acu lté, au com pte rendu
de leu r en seign em en t. V oici d ’abord l’analyse des cours pu
blics qui ont eu lieu cette année soit à A ix , soit à M arseille.
Le professeur de p h ilo so p h ie a traité, pendant l’année
1881- 82, de la p h iloso p h ie de P laton ; il a exposé d ’abord la
théorie des Idées et discuté les d ifféren tes in terp réta tion s que
l'on donne en core a u jo u rd ’ hui de celte gran d e doctrine
métaphysique; il a co m m en cé en su ite l ’étude de l’esthétique
platonicienne, en la com p aran t à qu elqu es systèm es m o d er
nes sur les m êm es qu estion s. Il con tin u era pendant l’année
1882- 83 l'étude de cette p artie rem a rqu a b le des doctrines
de Platon, pour a r r iv e r en fin à ses th éo ries m orales et p o liti
ques. Il exposera en su ite la p h ilo s o p h ie d ’ A ristote.
Dans les co n féren ces consacrées à la préparation à la li
cence philosophique, il co n tin u era d ’e x p o s e r et de discuter
les principaux systèm es d e la p h ilo so p h ie m o d ern e ; il étu
diera d’abord l’ id éalism e de B e r k e le y , les th éories sur la
perception ex térieu re de R e id , H a m ilto n et Stuart M ill ; il
exposera ensuite les d o ctrin es m orales et politiqu es du
18“ * siècle.
L’année d ern ière, le p ro fesseu r d e littéra tu re étra n gère a
retracé l’ histoire de la R en a issa n ce en Ita lie , depuis son o r i
gine jusqu’en 1530 ; il p o u rsu ivra cette étu de les jeu dis de
cette année, et la con tin u era ju s q u ’à la m ort de M arin i. M ais
la littérature italien n e ne sera pas le seul o b jet qui d oive l’oc
cuper dans ses gran d es leçon s. La R en aissan ce ne resta pas
toujours ren ferm ée dans les b orn es étroites de l ’Ita lie ; de là
elle se répandit dans les pays voisin s : l ’ Espagne, la F ran ce,
l’Angleterre, l’ A llem a g n e la con n u ren t tour à tour, et on \ vit
naître des écoles d ’artistes ou de p oètes dont le caractère
commun fut l’oubli ou le d éd ain du m oyen âge et le culte de
l’antiquité. Dans une h istoire d e la Renaissance à la fin du
16me ou au com m en cem en t du 17 me siècle, ce m ou vem ent lit
téraire el artistique a sa p lace m a rq u ée ; une partie considéra-
�—
80
-
ble du cours lui sera consacrée. Q u e fut la Renaissance en
E spagne, en A n g le te rre et en A lle m a g n e ? Q uel caractère y
a lïecla -t-elle ? L ’étude des œ u vres de M endoza et de Cervan
tes, de H aus-Sachs, en fin de S p en ser, de S h ak esp eare et des
grands tragiques con tem p orain s d ’ E lisab eth s e rv ira de ré
ponse à celle double qu estion .
En m êm e temps le professeu r, contin u ant son étude com
m encée en 1880 dans sa co n féren ce du lu n d i, fera l’ histoire
de la littératu re allem an d e au 17mcet au 'I 8 me siècle, c’est-àd ire pendant la p ério d e la plus b rilla n te. L e sam edi un sujet
tout différen t l’occupera ; l’an n ée d e rn iè re il a exposé les rè
gles de la ph on étiqu e et de la fle x io n du français et com
m encé l’étude de la s y n ta x e ; cette année il term inera cette
partie de la gram m aire fra n ça ise et fe r a ensuite la théorie
com parative de la déclin aison et de la conju gaison grecque
et latine. C om m e par le passé, le d e rn ie r qu art d ’ heure de
cette con féren ce sera consacré à l’ ex p lica tio n des vers de la
Chanson de R olan d , portée au p ro gra m m e de l’agrégation
île gra m m a ire; com m e par le passé aussi une d em i-h eu re cha
que sem aine à la suite de la co n féren ce du lundi sera em
p loyée à l’exp lication du th éâ tre allem an d pendant le prem ier
trim estre, anglais p en d a n t le second.
L e professeur de littératu re française a étudié l’année
d ern ière, dans le détail de sa v ie et de ses œ u vres, le plus
gran d de nos poètes com iques après M o lière, R egn ard , en le
com parant à son illu stre d eva n cier et aussi à ses contem po
rains, D ancourt, D ufresny, Lesage.
M. B izos se propose de fa ire c e lte an n ée l’ h istoire de la co
m édie larm oyan te et de la tragéd ie bou rgeoise au 18“ * siècle.
Il m on trera D estouches, im p ortan t d ’ A n g le te rre en France
le nouveau g en re de co m éd ie, dont le caractère essentiel est
devisera ém ou voir les passions plutôt qu 'à e x citer la gaîté.
Pourtant, l’auteur du Glorieux m êle le rire aux larm es. B ien
tôt on va plus loin. L'im p u issa n ce à fa ire n aître le com iqu e
est tournée en m érite, et La C haussée se g lo r ifie d ’a v o ir créé
un genre en én ervan t la co m éd ie. Le succès du Préjugé à la
mode paraît résoudre la qu estion du m élan ge des deux g en res.
Voltaire, qui a d ’ab ord ra illé cette com éd ie d ite larmoyante,
ne résiste pas à l’ém u la tion des succès de La Chaussée. Puis
vient Diderot ; son T ra ité d e la poésie d ram atiqu e est le code
où, nouvel et au d acieu x législa teu r, il a la p réten tio n d ’ins
crire les règles de la co m éd ie sérieu se. Il sera intéressant
d’étudier l’en sem ble des th éo ries sur lesqu elles il appuie ses
deux pièces, le Père de fam ille et le Fils îialurel, et de
mettre en lu m ière co m m en t D id e ro t peut être considéré
a bon droit chez nous com m e le c ré a te u r du d ram e m od ern e
et le premier des ro m a n tiq u es.
Les théories de D id ero t in sp iren t à S ed ain e le Philosophe
sans le savoir, œ u vre c h a rm a n te ,p le in e de naturel et de sim
plicité ingénue; elles sont en suite rep rises par B eaum archais,
qui, renforçant la recette du m a ître, d on n e Eugénie. Il fait
d’ailleurs précéder cette pièce d ’une p réfa ce qui tient lieu de
manifeste et qu ’il in titu le Essai sur le genre dramatique
sérieux. Le dram e est né avec ses d éfau ts et ses m érites : il
faudra en étudier les b ég a iem en ts dans le Béverley de S au rin,
dans la M anie de La H a rp e , et dans la 11ère coupable de
Beaumarchais.
Dans les conférences réservées au x élèves de la Faculté,
M. Bizos exp liqu era les au teu rs français inscrits au pro
gramme de la licen ce, et sp écia lem en t la Lettre de Rousseau
sur les spectacles.
Le professeur de littéra tu re la tin e avait pris pour sujet de
6
�notions précises, m eu re les jeu n es gen s en état de travailler
u tilem en t plus tard par eu x-m êm es, tel a été le double but
que l’on s’est proposé dans R en seign em en t de la littérature
latine.
Le professeur d ’ histoire a étu d ié cette an n ée la dernière
période du règn e de Louis X IV . Il a d ’ ab ord exp osé, à l’aide
de docum ents inédits, les n égociation s poursuivies entre
Louis X IV et G u illau m e III au su jet des deux traités de p a r
tage; puis l’ h istoire du testam ent de C h a rles I L 11 m an
qu erait à un d e v o ir, s’ il ne ra p p ela it ici q u ’ il doit ces docu
m ents à l’ob ligean ce de M. M ign et, qu i lu i-m êm e a publié
sur la succession d ’ Espagne des travau x de p rem ier ordre.
Le professeur a ensuite je té un coup d ’œ il rap id e sur la poli
tique in térieu re de la F ra n c e ; il a m on tré com m ent l'e x e r
cice du p ou voir absolu, m êm e au x m ains d ’ un gran d homme
com m e Louis X IV , tarit peu à peu toutes les ressources d ’ un
pays, abaisse les caractères, et en tra în e fatalem en t des dé
sastres d illicilesà rép arer.
C ette année, le p rofesseu r étu d iera les o rigin es du I 8 1"*
siècle, el traitera plus sp écialem en t d e la K égen ce.
O utre ces cours publics, dont le m ain tien est justifié par
l’em pressem ent d ’ un n om b reu x a u d itoire, la Faculté a poul
ies candidats aux grad es u n iversitaires un en seign em en t plus
spécial, qui consiste en co n féren ces et en corrections de de
v o irs ; donnés rég u lièrem en t soit aux élèves résidant à Aix,
soit, par correspon dan ce, à d iv e rs m aîtres du ressort. Nous
vous donn eron s une id ée suffisante de cet enseignem ent en
vous disant que le n om b re des corresp on d an ts inscrits a été
cette année de 5 3 . Ouant aux co n féren ces, voici comment
elles ont été d istrib u ées; chacun des professeurs a fait une
conférence par sem ain e sur la p artie de l ’en seign em en t dont
il est chargé. M. L eh a n n eu r et M . .foret ont fait en outre
une seconde con féren ce, la p re m iè re sur les institutions
romaines, la seconde sur la g ra m m a ire com parée.
Les professeurs ont d ’ a illeu rs trou vé un ex cellen t au xi
liaire dans leur m aître de co n féren ces, >1. L a fa y e, qui a si
bien justifié par ses qu alités ém in en tes le ch oix de M. le Mi
nistre de l’Instruction p u b liq u e.
Le maître de co n féren ces de littéra tu re an cien n e a fait
expliquer sous sa d ire ctio n , p en d a n t la d e rn iè re année sco
laire, les Perses d ’ E sch yle. P a rm i les pièces du théâtre grec
qui nousonl été co n servées, il n ’y en a p e u t-ê tre pas dont le
texte nous soit p arven u dans un plus m au vais état. De la des
difficultés que les can d id ats à la licen ce ne sauraient com
ment résoudre, si le p ro fesseu r ne leu r ap p o rtait, après une
préparation ap p ro fo n d ie, le secou rs qu e peuven t o ffrir les
éditions critiques les plus ré c e n te s ; les travaux d e G o d e fro v
Hermann, de P rin ce, de W e il, pou r ne citer que les plus re
marquables, ont fait la lu m iè re sur bien des points dont l ’obs
curité avait pendant lon gtem p s d ésesp éré les savants. Les
Perses sont l’un iqu e é ch a n tillo n qui nous reste d ’ un gen re
littéraire autrefois très goû té ch ez les G recs et que des œ uTres d’un grand m érite a v a ie n t ren du p o p u la ire : considérée
comme drame h istoriqu e, cette tra g éd ie p rête à des rap p ro
chements el à des discussions du plus haut in térêt. Enfin elle
renferme des scènes fam euses, d ’un puissant effet, dont on
n’apprécie toute la p o rtée q u e par une an alyse e x a c te : le
Songe d'Atossa, l’apparition de Darius am ènen t n atu relle
ment des com paraisons a ve c les p ièces dans lesqu elles E schyle
ouïes poètes des tem ps p ostérieu rs ont usé des m êm es m oyens
dramatiques. Pendant le d e rn ie r m ois, M. Lafaye a esquisse
àgrands traits, dans u n e série de leçon s, l ’ histoire d e l’art
�-
86
—
g rec, don! la connaissance est e x ig é e de nos élèves par les
nouveaux p ro gra m m es. Il a com p lété les explications qu’il
leu r a données de v iv e v o ix sur ce sujet en mettant sous leurs
veu x des p h o togra p h ies q u 'il a rapportées de ses voyages.
A ce propos, il se p erm et d ’ e x p rim e r le vœ u que M. le Minis
tre v eu ille bien lui a llo u e r un créd it spécial, destiné à sub
v e n ir aux frais d ’ achat d ’ une collection d ’étude qui réuni
rait à la B ib lio th èqu e u n iversita ire des reproductions des
prin cipau x m onu m ents an tiqu es du m onde gréco-romain.
Cette fa veu r, qui a d éjà été accord ée à d ’autres facultés des
lettres, serait tout à fait p ro p re à fou rn ir à nos élèves ce
com plém ent de l’instru ction classiqu e, que quelques-uns des
agrégés sortant de l ’ E cole N o rm a le v o n t chaque année cher
ch er à l’étran ger. Sans v o u lo ir fa ire des archéologues de tous
les jeunes professeu rs qui sont confiés à nos soins, ce qui
serait un abus des plus fâch eu x, on peut souhaiter qu’ils aient
tous des idées précises sur les restes de l’art antique; nulle
part elles ne leu r sont plus nécessaires q u ’en Provence, où les
traces du séjour des G recs et des R om ains frappent leur yeux
presque à chaqu e pas.
Pen dant l’année 1 8 8 2 -8 3 , M. La faye fera expliquer le Dis
cours de R ém oslh èn e con tre M idi a s; il étudiera de plus dans
ses leçons la constitu tion ath én ien n e. Il corrigera, comme il
l’a fait ju squ ’ ici, les thèm es grecs des candidats à la licence et
à l ’agrégation .
Pou r l’an née qui va com m en cer, M . le M inistre de l’Ins
truction p u bliqu e a bien vou lu nous donner un nouveau
m aître de co n féren ces sp écialem en t ch argé de la philologie
grecqu e et latin e. N ous souhaitons la bienvenue à ce jeune
m aître, qui s’acqu ittera a ve c succès, nous n ’en doutons pas,
de ces délicates et d ifficiles fo n d io n s.
— 87 —
Pour être ju ste en vers la Faculté, il faut ajouter à tous ces
travaux au m oins la m ention des études publiées par qu el
ques-uns de ses m em bres. Le professeur de littérature fran
çaise, M. Bizos, a publié c e lle année la conférence qu ’ il a faite
à M arseille sur les poèm es de Joseph Autran, et dans la Jeune
Revue scientifique et littéraire , des articles de critiqu e sur
Mlle de Scudéry, sur le T ra ité de l’éducation des filles, de
Fénelon, sur les Fables de La Fontaine.
M. Joret, qui contin ue ses élu d essu rle patois bas-norm and,
a obtenu une m ission pour a lle r ch erch er dans la péninsule
Scandinave l’o rig in e de ce lan gage et les étym ologies qui
attestent cette paren té. Les nom breux et curieux docu
ments qu’il a rapportés de son vo y a g e jetteron t de vives
lumières sur cette intéressante question.
Le professeur d ’ histoire a publié d ivers articles de criti
que sur les d ern ières études de M. de Laprade, sur l’ H is
toire de la R estauration de M. Daudet, sur l’ H istoire de
Philippe II de M. F orn eron . Il a enfin term iné son lon g ou
vrage sur la succession d ’ Espagne, dont il a pendant les va
cances lu un fragm en t à l’ Académ ie des sciences m orales.
Outre sa thèse française pour le doctorat, qui a été accep
tée par la S orb on n e, et sa thèse latine, qu ’il vien t de term i
ner, M. Lafaye a écrit d ivers articles d ’arch éologie et d ’épigraphie classiques :
Trois inscriptions des bords du Yerdon. Dans le Bulletin
épigraphique de la G aule. Fascicule de ja n v ie r-fé v rie r 1882.
Quelques inscriptions des Bouches-du-Rhône (suite). Ib id .
Fascicule de m ai-ju in .
Quelques inscriptions de Vichy. Ib id . Fascicule de septem
bre-octobre.
Articles Cisium et Clabularis, dans le D ictionnaire des A n
tiquités grecqu es et rom aines de MM. D arem berg et Saglio
( 8 * fascicule).
�—
88
—
Notice sur une balance romaine du Musée d’Aix, insérée
dans le catalogue de ce m usée, <|ui a été publié récemment
par le conservateu r, M. H on o ré Gibert. (À ix , Makaire, 1882,
n° 9 6 3 ).
Notice sur les poids antiques du 1lusée d’Aix. Ibid.,
n 05 1696 à 1707.
Notice sur une tablette gnostique du 1lusée d'Ai.r, Ibid.,
n° 1707.
Le Musée d'Aix en Provence. C om pte rendu bibliographi
que du catalogue de M . G ib ert, in séré dans la Revue archéo
logique. Livraison de ju in 1882.
Cet en sem b le de travau x atteste suffisam m ent dans la Fa
culté des lettres d ’A ix une a ctivité à laquelle je suis heu
reu x de re n d re h o m m age d evan t vous.
J ’aurais term in é m a lâ ch e, s’ il ne m e restait pas à rem
p lir un dou lou reu x d e v o ir. Au m ois de ja n v ie r dernier, nous
avons été p én ib lem en t surpris par la m ort de M. Bonafous.
Depuis qu ’ il avait pris sa retra ite, dans un sentiment de di
gn ité qu e nous com p ren ion s tout en le regrettant, M. Bona
fous jou issa it dans sa cam pagne de Sain t-N orb ert d’un repos
q u ’il avait bien m érité. 11 y goû tait en fa m ille ces plaisirs
de la v ie ch am p être qui l’ava it tou jou rs attiré, et qu'il avait
voulu céléb rer par la tradu ction du 1 0 * livre de Colamelle.
Il p artageait son tem ps en tre le soin de ses plantations et une
traduction de D ém osthèn e, quand une m ort imprévue est
ven u e l'a ttein d re, sans le su rp ren d re, car il était de ceux
qu’elle ne surprend pas. C’ était la fin d ’ une existence con
sacrée tout en tière au tra va il, et constam m ent dirigée parles
principes d ’ une relig io n non m oins tolérante que sincère.
L ’élog e de M. Bonafous a déjà été fait avec tant d’éclat et
de succès par un de nos m eilleurs collègues ( 1 ) , qu’ il
semble ne nous avo ir laissé plus rien à dire. Heureusem ent
cette carrière a été si bien rem p lie qu’en rappeler les prin
cipaux traits, c ’est lui don n er la m eilleu re des louanges,
celle qui ressort des faits eux-m êm es.
M. Bonafous est né à À lb i, d ’ une fam ille nom breuse ; il
était le treizièm e fils de parents qui désiraient une fille et
l’obtinrent un peu plus tard. L ’éducation d’ un enfant est tou
jours un g ra ve p ro b lèm e. Il l’était en core plus à cette époque
oii l’Université, à peine réorgan isée, n’avait de bons établis
sements que dans les grands centres. H eureusem ent s’était
établi non loin d ’A Ib i, dans le canton m ontagneux d ’Alban,
un vieil ecclésiastique qui avait consacré à l’éducation de la
jeunesse sa lon gu e ex p érien ce et son hum eur indépendante.
Il avait réuni dans un cou ven t en ruines plus de deux cents
enfants qu ’il é le v a it à sa m an ière, les nourrissant com m e les
paysans des en viron s, les rudoyant volontiers, mais les élevant
bien; c’était pour eux un père, mais un père de l’ancienne
école, de celle qui avait pour d evise bene amat, qui bene castigat. Il fortifiait leu r corps par de longues prom enades et de
violents ex ercice s; qu an ta leu r esprit, il l’excitait sans Tasser
vir, et ne le su rch argeait pas. (I pensait, contrairem ent à ce
que nous voyon s au jou rd 'h u i, qu ’il vaut m ieux apprendre
peu et le savoir, q u ’entasser sans o rd re les élém ents d ’ une
vaste en cyclop éd ie pour en ch a rger un cerveau qui en est
écrasé. Soit que la m éth ode fût bonne, soit que le jeu n e Bo
nafous en eût bien p rofité, il était bach elier à l’âge de qua
torze ans. Un peu plus tard , il entra dans l’enseignem ent
comme m aître élém en ta ire au collège d ’ AIbi. P eu t-être y
(1) M . J o u r d a n , d o y e n d e la F a c ilité d e d ro il, d a n s so n d is c o u rs
de ré c e p tio n à l'A c a d e m ie d 'A ix .
�— 91 —
sera it-il resté toute sa v ie, car à cette ép oqu e il ne manquait
pas d ’ hom m es distingués qui se contentaien t de positions mé
diocres ; mais un in cid en t vin t ch a n g er sa carrière. Il y avait
alors à Âlbi un conseil m u nicipal économ e des deniers pu
blics, ou peu soucieux des in térêts u n iversitaires. Le collège
avait besoin de rép ara tio n s; le conseil se décida a ie s faire,
m ais aux frais des professeurs. Su r son traitem ent, qui s’éle
vait à 600 fr., M. B on a fo u sen v it p ré le v e r cent qui devaient
payer le pavage d ’ un c o rrid o r. Il p artit et vin t à Paris oc
cuper au lycée H en ri IV les fo n d io n s de m aître d’études.
M algré les occupation s m a térielles qui lui prenaient beau
coup de tem ps, il lui sulïit de trois ans pour conquérir la
licence et m ériter d ’être e n v o y é com m e professeur de seconde
au co llège royal de C lerm o n t. R eçu a g rég é l’année suivante
avec des concu rrents co m m e M M . E g g er et Caboche, M. Bonafous fut successivem ent ch a rg é de la rhétorique à Tou
louse, à M arseille. A v e c qu el succès il occupa ces deux chai
res, bien des tém oins p o u rra ien t l’attester, car ses anciens
élèves n ’ont ou b lié ni celte im m en se m ém oire qui n’avait
jam ais une d éfa illa n ce, ni cette v e r v e piquante qui entraînait
les auditeurs, ni le goû t ex cellen t qui tem pérait avec bonheur
les inspirations si hasardées ch ez d ’autres de la Gascogne et
de la P ro ven ce.
Au m ilieu de ces occupations, il trou va le temps de faire
deux thèses ju stem ent rem arqu ées, sur A n ge Politien et
VAstrée. La p rem ière était le fruit de ses nom breux voyages
en Ita lie, qui en avait fait presqu e un com patriote des Ita
liens de la R enaissance, et lui valu t l ’ honneur d’être reçu
m em bre de la S ociété des A rcades ; il y entra sous le nom du
b erger P além on . L’Astrée est une lon gu e et curieuse étude
sur le principal m onu m en t de c e lle poésie pastorale, à la
fois si ch arm ante et si m en teuse, où les bergers sont toujours
am oureux, les b ergères toujours constantes, fictions agréa
bles quand elles ne se p rolon gen t pas trop, et qui sont éga
lem ent instructives, si l’on sait retrou ver au m ilieu de ces
tableaux la p eintu re de l’ép o q u e ’ m êm e où viven t les é c r i
vains.
Ces thèses désignaien t naturellem ent M. Bonafous au
choix du M inistre, qui voulut créer la Faculté d ’A ix. C’était
M. Salvandy, hom m e d ’ un esprit élevé, d ’ un cœ ur généreux,
fondateur de l'É co le d ’Athènes, dont l’ U n iversité devra tou
jours h on orer la m ém oire, et auquel nous sommes heureux
de rendre ici un hom m age m érité. M. Bonafous fut chargé de
la chaire de littératu re ancienne. Il l’abandonna un m om ent
pour la littératu re française, m ais quand notre brillant et in
fortuné cam arade M. P révo st P aradol fut nom m é à Aix,
M. Bonafous revin t sans peine à l’élude de l’antiquité ; c’était
sa vocation n a tu relle, et il le prouva autant par la solidité et
l’éclat de son en seign em en t que par sou ex cellen te traduc
tion d ’ Aristote.
Dépourvu d 'am b ition , il n ’accepta le décanat que lorsque
la mort de M . L a faye lui en lit une nécessité ; c'est qu ’il lui
fallait ren on cer à ce séjou r de Salon, don! il s’était fait une
douce habitude. Ce fut son seul regret pendant les longues
années où il d irig e a la Faculté avec une b ienveillan ce qu ’il
m ’est doux de rap p eler ; c ’est un ex em p le qu ’ il nous laisse
à suivre.
Il n ’a pourtant pas disparu tout e n tie r ; avec ses souve
nirs qui vivro n t lon gtem ps en core, il reste de lui des livres
rem arquables. Il lègu e surtout à l'U n iversité deux fils qui,
voués tous les deux à l’en seign em en t, nous donnent déjà par
leurs succès plus que des espérances. Il ne suffit pas de ci
ter à leur propos le vers si connu de V irgile :
l ‘iio a v u ls o , n o n d e lic il a lle r ,
�— 9? —
ou m êm e d ’a jo u ler :
A u r e u s , e t s im ili f r o n d e s c it v irg a m é ta llo .
De ce tron c v ig o u reu x sont sorties deux branches qui ont
déjà donné des fleurs et des fruits.
R A PPO R T DE M. REBOUL
DOYEN DK LA FACULTÉ DES SCIENCES
Monsieur
le
R ecteur,
M ESSIEURS,
J’ai à vous ren d re com pte, suivant l’usage, des travaux
de la Faculté des sciences pendant l’anpée qui vient de s’é
couler. D urant cette p ériod e, aucune m odification n ’est sur
venue dans le personnel des professeurs. .Nos collections
scientifiques ont continué à s’accroître, nos laboratoires ont
été m ieux dotés, par suite d ’ une augm entation de 5000 fr.
environ sur le ch iffre de l’ ancien crédit qui se trouve ainsi
porté à 2 2 .6 0 0 fr. La b iblioth èqu e, mise en o rd re, ce dont
elle avait fort besoin, est m aintenant fréquentée assidûment
et qu otidien nem en t par un certain nom bre d ’élèves de la Fa
culté. Mais le créd it spécial dont elle dispose est à peine suf
fisant et nous som m es convaincus que M. le m inistre, s’ il veut
qu elle v iv e , recon n aîtra la nécessité de le m aintenir sinon
de l’augm enter.
�('ours préparatoires aux licences et à l'agrégation.
Cet en seign em en t a cq u iert de plus en plus une prépondé
rance bien ju stifiée p ar l’im p ortan ce du but à atteindre, les
licen ciés et les a grégés étan t en effet la pépinière des profes
seurs de l’en seign em en t secon d a ire. Il se com pose de 22 le
çons orales et de 5 co n féren ces pratiqu es par semaine poul
ies candidats à la licen ce et à l’ a g ré g a tio n , et de 3 conféren
ces destinées ex lu sivem en t à ces d ern iers.
Ces leçons ont été suivies par une qu aran tain e d ’élèves ré
gu lièrem en t inscrits, sa v o ir : 14 b ou rsiers de licence, 2 d’a
g régatio n , 12 m aîtres a u x ilia ire s ou rép étiteu rs du lycée, 9
élèves lib res. Nous n ’avon s eu q u ’ à nous louer de leur tra
va il, surtout de celui des b o u rsiers. O u tre les notes mensuel
les qui en font foi, les résultats sont venus le prouver. Sur
9 boursiers qui se sont p résen tés aux d iverses licences, G ont
été reçus, et parm i les 3 ajou rn és, deux vien n en t de conqué
rir leur grad e à la d e rn iè re session du m ois de novembre
188 2 . Su r 12 m aîtres ou étu diants lib res ayant suivi les
cours préparatoires et qui ont subi les ép reu ves de l'examen,
7 ont été ju gés d ign es du g ra d e , .le crois qu ’on peut se dé
cla rer satisfait, sans être taxé de trop d ’ indulgence.
La préparation aux agréga tion s m ath ém atique et physique
est à peine installée. M M . C h a rve , Am igues et M acédeLépinay en sont spécialem en t ch argés. Nous avons lieu d’es
p érer q u ’e lle d on n era de bons résultats dès l’année pro
ch aine.
Cours publics. — Ils sont au n om bre de 11 par semai
ne, sans com p ter les cours an n exes faits par MM. les profes
seurs des Facutiés d 'A ix . Il ne m ’appartien t pas d’en faire
le lo g e . .le constate seulem en t q u ’ ils ont réuni un auditoire
aussi nom breu x que par le passé. Q uant aux matières variées
qui en ont fait l’ob jet, ce com p te rendu est trop restreint
pour que je puisse e n trer à cet égard dans des d évelop p e
ments condam nés par la nature de mon travail qui doit être
un rapport et non pas d even ir une leçon de Faculté.
Travaux personnels. — Je ne saurais non plus songer à
analyser, qu elqu e in térêt qui s'v attache, les 30 et quelques
publications faites par les professeurs de la Faculté depuis le
mois de d écem b re d ern ier. M algré les charges nouvelles qui
leur sont im posées par le d évelop p em en t de l’enseignem ent
préparatoire à l’agrégation et aux licences, ils ont tenu à
rem plir aussi hon orab lem en t que par le passé cette partie de
leurs obligations, celle qui contribu e plus que tout le reste à
donner aux m en bres de l’enseignem ent supérieur l ’autorité
dont ils jouissent com m e savants, com m e professeurs et com
me exam inateurs. Je ne puis, à m on grand regret, que don
ner les titres de ces publications. Ils sont consignés à la fin
de ce rapport.
Examens de licence. — Nous n ’avons pas eu cette année
d’examens de d octo ral. Mais deux thèses soutenues à Paris
ont été faites dans le lab oratoire de z o o lo g ie de la Faculté,
l’une, de M. Vayssière, prép arateu r de zoologie, pour l’ob
tention du grad e de d octeu r ès-sciences naturelles, l ’autre
de M. R ielsch pou r l’obten tion du titre de pharm acien supé
rieur.
31 candidats ont subi les ép reuves de la licence ; 14 se sont
présentés pour la licen ce m ath ém atiqu e; 1 1 pour la licence
ès-sciences physiques ; 6 pour la licence ès-sciences naturel
les. Sur ces 31 candidats 17 ont été jugés dignes du grade.
Trois d ’entre eux ont passé leurs exam ens d ’ une m anière b ril
lante ; ce sont :
M M . Clavaud (lie. m a th .), bou rsier.
Rressy (lie. p h ys.),
Id.
G érard (Id .),
m aître rép étiteu r au lycée d ’A lg e r.
Les doux p rem iers, boursiers de la Faculté.
�\
—
%
—
— 97 -
C om m e o rig in e ils se décom posent ainsi :
Ont suivi l'enseignement de la Faculté.
P r é s e n té s
R eçus
P ro p o rtio n 0/0
B oursiers
9
6
66,66 0/0
M aîtres au xiliaires et rép éti
teurs du ly c é e . . . . . . . . . . . . . .
7
4
57,1 0/0
Etudiants lib r e s . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
3
60,0 0/0
E tra n g ers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . # .
10
4
40,
0/0
L ’année d ern ière il n ’y avait eu <|ue 18 exam inés et 8 re
çus. — O n vo it la p rogression tant sous le rapport du nom
bre des présentés que sous celu i d e la p roportion des reçus.
Baccalauréat complet. — J’ a rriv e aux exam ens du bac
calauréat. C’ est là pour nous une lâch e lourde, peu altrayan
te, parfois m em e d ésagréa b le, qui nous confisque à peu près
deux m ois de l’ année, lesqu els sera ien t bien m ieux employés
à des rech erch es ou à des leçon s, m ais qu ’ il y aurait toutefois
plus d ’ un in con vén ien t sérieu x à nous e n le v e r.
282 candidats sur lesquels 89 sont adm is dont 3 avec la
note bien, 20 avec assez bien. P ro p . 0/0 3 1 ,5 0/0 — à 3
unités près c’est le m êm e n o m b re d ’ exam ens que l’an der
nier, mais la p ro p o rtio n des adm is a en core baissé. Les nom
bres qui la rep résen ten t pour 18 7 9 , 1880, 1881 et 1882
sont 43 0/0, 39 0/0, 34 0/0 et 3 1 ,5 0/0. Ils sont significa
tifs. Les causes de ce décroissem en t contin u sont certaine
m ent m u ltip les et je n ’ ai pas la prétention de les connaître
toutes. Je puis cepen dan t en in d iq u er deux principales.
La p rem ière est la tendance de plus en plus marquée des
candidats à se p rocu rer le plus tôt possible leur diplôme avec
la m oin d re som m e de tra va il. B ien qu e se sachant parfaite
m en t insuffisants, beaucoup n ’ hésitent pas à tenter d’obtenir
par un hasard h eu reu x le p a rch em in q u ’ ils ambitionnent afin
d ’être, com m e ils d isen t, débarrassés de cet obstacle gênant.
Je veux en citer un ex em p le tout récen t. Dans une série de
baccalauréat com plet du m ois passé, compos ée uniquem ent
de bacheliers ès-leltes, 5 candidats sur 7 sont refusés. Tous
ces refusés, ils l’ont avoué, avaient été reçus bacheliers èslettres ( 2 m* partie) au m ois de ju ille t et au m ois d ’août d er
niers. Ces m essieurs ont cru pou voir se présenter au bacca
lauréat ès-sciences après deux mors et demi à trois mois de
préparation pendant les vacances. Je devais dire « n’ont
pas cru » car ils ont reconnu eu x -m êm es qu’ ils étaient loin
d’être prêts mais q u ’ils avaient voulu « courir la chance » .
Il y en a beaucoup d ’autres qui pensent ainsi.
La deuxièm e cause est la p roportion croissante de jeunes
gens qui nous vien n en t de l ’enseignem ent secondaire sp écia l.
Ils sont nuis ou à peu près nuis sur la partie littéraire. Mon
collègue des lettres, par les m ains duquel ils passent, pourra
confirm er l’exactitu de de cette assertion.
Ouand nous en serons a rrivés à refu ser 80 0/0 ou m êm e
plus, des candidats, ce qui n ’est pas bien éloign é si la loi de
décroissement dont je parle continue à se vérifier, il est à es
pérer que les jeu nes gens trop pressés, voyant que nous te
nons bon dans l’in térêt des études dont il ne faut pas peu à
peu laisser s’abaisser le n iveau, renonceront à tenter une
surprise qui ne leu r réussit «Tailleurs que rarem ent.
Baccalauréat restreint. — 50 Exam ens. — 25 réceptions
dont 21 avec la note passable, 3 assez bien et I bien. — On
le voit, ces exam ens donnent toujours des résultats peu sa
tisfaisants. Est-il pourtant opportun de supprim er ce grade,
en considérant celui de b a ch elier ès-lettres 2 m* partie com
me équivalent ? La Faculté ne le pense pas et j ’ai donné les
principales raisons de celte opinion dans un rapport spécial
dont les conclusions seront discutées dans une des séances qui
vont suivre.
7
�— 98 —
Si aucun ch an gem en t n ’a en lieu c e lle année dans le per
sonnel de la Faculté, il n ’en est pas de m êm e pour l’admi
nistration académ iqu e qui vien t de p erd re son chef, envoyé,
sur sa d em ande, à C lerm o n t oii l’ ap p elaien t de sérieux inlérêts. Il in ’esl im possible, en m e séparant de lui, de ne pas
d ire à quel point les n o m b reu x fon ction n a ires placéssous ses
ord res avaient su a p p ré c ie r la b ien veilla n ce de l’administra
teur et la p a tern elle au torité du savant. Ses éminentes quali
tés laisseront de son passage dans ce lle Académ ie un durable
et e x c e lle n t sou ven ir. Je v e u x m e b orn er ici, sans essayer de
les retracer, à in v o q u e r com m e tém o ign a ge personnel de re
g ret et d ’adieu co rd ia l, les sen tim en ts de bonne camaraderie
que m ’a p rodigu és M. B ou rg et en qui j ’avais un ami bien
plus qu 'u n c h e f.
M. le M inistre a ch erch é à nous dédom m ager de celle perle
en lui donnant pou r successeur un de nos anciens collègues
qui, il y a trois ans à p ein e, siégeait au m ilieu de nous dans
ce conseil q u ’ il p résid e au jo u rd ’ hui. Le choix du Ministre
sera ratifié par tous ceux qui pensent que la direction d’une
A cad ém ie doit être con fiée à un adm inistrateur expérimenté
qui saura, com m e vous, M. le R e c le u r, accroître une sym
pathie déjà conquise par d ’ an cienn es relations et confirmer
l’estim e p a rticu lière m éritée par des travaux littéraires dont
la valeu r a été con sacrée par ce ju g e com pétenl, impartial et
souverain , « l'In stitu t de F ran ce, » qui les a couronnés.
[
-
99 —
Liste des travaux publiés par le personnel de la Faculté
des sciences pendant l'a n n é e scolaire 1884-4882.
M. Cuarye. — D e la r é d u c tio n d e s fo rm e s q u a d r a tiq u e s q u a ie r
n aires. (Annales de l'école norm ale).
M. Stépiian. — D é c o u v e rte e t o b s e r v a tio n d ’u n g ra n d n o m b re d e
n é b u le u se s n o u v e lle s . (S u ite d e s a n n é e s p r é c é d e n te s ) .
O b se rv a tio n s d iv e r s e s d e p la n è te s e t d e c o m è te s .
M. R bboul. — A c tio n d e la trié lh y la m in e s u r la t r ic h lo r h y d r ie n e
s y m é triq u e e t s u r le s d e u x g ly c id e s d ic h lo r b y d riq u e s is o m è re s .
(C om ptes r e n d u s d e l’A c a d é m ie d e s s c ie n c e s , n o v e m b re 1 8 8 2 ).
C o n trib u tio n à l’h is to ir e c h im iq u e d e s E th e r s m ix te s . (M êm e r e
c u eil).
M. Dieulafait. — É lu d e s s u r le s t e r r a in s o p h iliq u e s e t le s t e r
ra in s s a lifè re s d e s P y r é n é e s . (C o m p te s r e n d u s d e l’A c a d e m ie d e s
s c ie n c e s ).
O rig in e e t m o d e d e f o r m a tio n d e s s e ls d is s o u s d a n s le s e a u x d e s
m ers d e to u s le s â g e s . O rig in e e t m o d e d e fo rm a tio n d e s e a u x m in é
ra le s s a lin e s . (B ulletin de l’association scientifique de France).
La s tr in tia n e , la lith in e e t l’a c id e b o r iq u e d a n s les e a u x m in é ra le s
de C o n tre x e v ille e t d e S c h in z n a c h ‘ (S u is s e ). (C o m p te s r e n d u s , n o
v e m b re 1 8 8 2 ).
M. Heckel. — N o u v e lle s r e c h e r c h e s té ra to lo g iq u e s e t l é r a to g e n iq u e s. (Bulletin de la société botanique de France).
O b s e rv a tio n d e la té r a to lo g ie c ry p to g a m iq u e . (R evue m ycrologigue,
ju ille t 1 8 8 2 ).
MM. Heckel e t Scblagdendauffen. — Du h o la (S lercu lia acu m inala ). (Annales de chim ie et de p h ysiq u e).
Des G lobularia a lyp u m cl vu lg a ris. (M êm e r e c u e il).
M. M a r i o n . — Les A etin iaires d u « T r a v a ille u r , o (N o te p ré lim i
n aire e t m é m o ir e , a v e c p la n c h e s ) .
Les Alcyonaircs d u g o lfe d e M a rse ille . (C o m p te s r e n d u s d e l’A c a
d ém ie d e s s c ie n c e s ).
O b se rv a tio n s s u r le D racœ na goldicana e t s u r c e r ta in s c a r a c tè r e s
m o rp h o lo g iq u e d e s asparagées.
S u r Yalliberiia in term ed ia , n o u v e a u g e n r e d'am aryllidées.
�—
—
10(1
R a p p o r t s u r l’a p p lic a tio n d u s u lf u r e d e c a rb o n e au traitement
a n n u e l d e s v ig n e s p h y llo x é r é e s .
MM. M a r io * e t K o w a l b y s k i . — E tu d e s s u r le s neomenia (Zoolo-
yisches A nzeiger).
S u r le d é v e lo p p e m e n t d e s alcyonaircs. (C o m p te s re n d u s ].
M. Macé
de
L é p in a y , m aître de conférences.
C o m p a r a is o n p h o to m é t r iq u e d e s d iv e r s e s p a r tie s d ’un m êm e spec
t r e . (E n c o lla b o r a tio n a v e c M. N ic a ti). (A nnales de chim ie et de phy
sique\ 1 8 8 2 ).
R e la tio n s e n tr e le p h é n o m è n e s d e P u r k in g e e t la loi de BouguerM a s s o n . (C o m p te s r e n d u s d e l’A c a d é m ie ) .
A fa it p a r a îtr e d a n s le j o u r n a l d e p h y s iq u e d iv e r s a rtic le s :
1° S u r la d ill'ra c tio n a v a n t l’é c r a n .
2° S u r u n p h é n o m è n e d ’o p ti q u e p h y s io lo g iq u e . (E n collaboration
a v e c M . N ic a ti).
3* D e s a n a ly s e s d e tr a v a u x fa its à l’é tr a n g e r .
M. Jo u r d an , chargé d’ un cours complémentaire de zoologie et
d’ histologie.
S u r l 'a n a to m ie d e s H olothuries. (C o m p te s r e n d u s , av ril 1882).
S u r le s o r g a n e s s e x u e ls m â le s e t le s c o r p s d e C u v ie r d e s Holothu
ries (Ib id . J u ille t 1 8 8 2 ).
S u r la s tr u c t u r e h is to lo g iq u » d u tu b e d ig e s tif d e l’ Hololhuria lubulosa. (Ib id . s e p t. 1 8 8 2 ).
M . P auchon, chargé d’un cours complémentaire de botanique.
L a lu m iè r e c l le s ê tr e s , à p r o to p la s m e incolore. R echerches île
p h y s io lo g ie e x p é r im e n ta l e . (S o c ié té d e b io lo g ie ).
M. V a y s s iè r b , préparation de zoologie.
E lu d e s u r le s E pliém érines. (T h è s e d e d o c to r a t.
c e s n a tu r e lle s ) .
Annales des scien
101 —
�— 103 —
RAPPORT
D IR E C T E U R
DE
DE
l
'É C O L E
M É D E C IN E
Monsieur
le
DE
ET
EN
DE
M. S E U X
P LE IN
EXERCICE
P H AR M ACIE
R ecteur,
M essieurs,
Je vous disais l'an d e rn ie r qu e la nom ination de M. Nico
las- D uranty à la ch aire d ’an atom ie pathologique avait été
l’occasion d ’ un concours pour une place de professeur sup
pléant en m éd ecin e. Ce concou rs nous a donné dans la per
sonne de M. le d octeu r R ich a u d , un jeune collègue des plus
distingués, dont les débuts dans l ’enseignem ent de la pa
th o lo gie g én éra le ont été fo rt b rillants.
M . R ichaud a rem p lacé M. L a gel nom m é professeur titu
laire de la ch aire d ’ h y g iè n e et de m édecine légale, promo
tion m éritée, car bien qu e je u n e en core, notre honoré collè
gue par ses n om b reu x concours toujours remarqués, par ses
travaux s’est placé au p rem ier rang.
P o u r la p rem ière fois celte année la nomination des chefs
de clin iqu e s’est faite p a r le co n co u rs; ces places ont été
obtenues pour les cliniques m édicales par MM. les docteurs
d’Aslros et M a u rel; pour les cliniques chirurgicales par
MM. les docteurs M on ier et A rn a u d ; pour la clin ique obsté
tricale par M . le docteu r M istral. L ’arrivée de ces jeunes pra
ticiens parm i les au xiliaires de l’enseignem ent constitue une
excellente acquisition pour nos services pratiques.
Le concours pour l’adjuvat d ’ anatom ie et de physiologie
nous a d o n n é M M . G iraud et Cam oin.
Que tous ces jeu n es hom m es soient les bien venus! l’ Ecole
sait que tous sont à la hauteur de leu r tâche et q u e lle peut
compter sur leu r zèle et leu r dévouem ent.
Je vous signalais l’an d ern ier des besoins d ’ urgence à sa
tisfaire; c’ était d ’ une part l'agrandissem ent d ’ un des labora
toires de ch im ie et de pharm acie ; d ’autre part la création
d’une place de ch e f des travaux d ’ histoire n aturelle et de
m icrographie. Le conseil m unicipal, par deux votes généreu x,
a bien voulu co m b ler ces lacunes.
Ce laboratoire qui ne pouvait adm ettre aux travaux prati
ques que vin g t élèves, trente au plus dans de mauvaises con
ditions, pourra au jou rd ’ hui en recevo ir facilem ent trente,
même quarante. Son am énagem ent a subi aussi différentes
transform ations qui sont com plètem ent en rapport avec les
perfectionnem ents m o d ern es ; l ’eau et le gaz sont sur toutes
les tables; l’ aération a été com bin ée de façon à en lever tous
les produits de la com bustion des gaz et perm ettra aux é lè
ves de tra va iller dans d ’excellen tes conditions hygiéniques.
De plus le lab oratoire des travaux pratiques d ’ histoire n a
turelle et de m icro gra p h ie a obtenu un ch ef des travaux.
C'est M. R ou le, licen cié ès-sciences naturelles, qui a été
nommé à cette position q u ’il a occupée pendant toute l’année
scolaire avec succès. Félicitations à ce jeune au xiliaire de
l’enseignem ent dont l ’a v e n ir scienlilique s’annonce de la ma
nière la plus heureuse.
�♦
— 104 —
L e conseil m u nicipal a bien vou lu aussi, durant les va
cances, fa ire exécu ter d ifféren te s réparations des plus utiles
soit à la b ib lioth èq u e soit dans plusieu rs amphithéâtres de
cours.
Le lab oratoire de p h ysiqu e dans lequel le soleil ne se mon
trait que pendant qu elqu es heures a subi une heureuse trans
form ation par la p ossib ilité au m oyen d ’ une ouverture pra
tiquée avec in tellig en ce, d ’ad m ettre des rayons solaire: de
puis le lever du soleil ju sq u ’à son cou ch er. Celte disposition
a perm is à un de nos an ciens é lèves d ’étu dier l’action de cer
taines radiations lum ineuses sur la germ in ation .
Un p erfection n em en t qu e je dois sign aler encore est l'ins
tallation des téléph on es. Les lab oratoires n ’étant pas sur le
m em e étage, il fallait au tant qu e possible faciliter les com
m unications, soit en tre ces salles, soit entre celles-ci et les
am phithéâtres de cours. Ce résu ltat a été obtenu de la ma
n ière la plus satisfaisante au m oyen de téléphones qui relient
les deux étages de l’éco le. Un poste cen tral a été placé dans
le gran d am p h ith éâtre des cours pou r q u ’une communica
tion pût ex ister avec tous les points de l’ établissement. On
peut ainsi facilem en t d em a n d er les objets nécessaires pour les
leçon s; la son n erie sert en m êm e tem ps à appeler les élèves.
Ces ex cellen tes dispositions sont dues à l’ intelligence pra
tique et au zèle à toute ép re u v e de M. le professeur de phy
sique C aillol de P o n ey.
Un service qui a été aussi con sid érab lem en t amélioré du
rant l’année qui v ie n t de s’ éco u ler, est celui des projections
lum ineuses si utiles dans les cours pour les démonstrations
au m oyen soit de la p h o to g ra p h ie soit du dessin direct sur
une lam e de v e r r e , on peut rep ro d u ire les moindres détails
d ’ un objet, notre co llectio n sur ce poin t s’est tellement accrue
que dans le cours de b otaniqu e on a pu faire 150 projec-
t0 5 —
lions; dans le cours d ’ histologie et d ’analonom ie pathologi
que 4 0 0 ; en ch im ie, pour les m étaux, 15 0 ; en physique
1 0 0 0 ont été faites dans les trois années du cours.
N otre cabinet de physiqu e a vu cette année ses collections
se com pléter par l’a rrivée de plusieurs instrum ents im por
tants dont la construction a dem andé un temps assez long,
comme c’était prévu.
Nos cliniques possèdent depuis quelques mois les appareils
électriques de T ro u vé.
Si vou lez bien, m essieurs, vous rappel 1er la longue énu
mération que dans m es précédents rapports, j ’ai eu l’ hon
neur de vous faire des am éliorations de toute espèce que
l’école a obtenues, vous aurez avec moi la conviction que
tout ce qui est nécessaire à un enseignem ent m édical sérieux
existe dans n otre établissem ent.
Des desiderata existen t pourtant, mon d evo ir est de les
signaler.
Plusieurs laboratoires particuliers m anquent aux profes
seurs; cette lacune est sans aucun doute le résultat de l'e x i
guïté du local ; je vois que le vérita b le rem ède à cernai d eve
nu chronique est la transform ation de l’école de plein ex er
cice en fa cu lté; le traitem ent sera peut être un peu ch er,
mais la guérison sera d éfin itive.
Les autres lacunes à co m b ler sont du ressort de l’adm inis
tration des hôpitaux à la b ien veillan ce de laquelle je m ’a
dresse avec l’esp oir qu e, com m e dans d ’autres circonstances,
elle nous aidera à p erfection n er nos services cliniques.
D’abord la nécessité de ch a rg er le ch ef de clinique de la
visite du soir en core con fiée au jou rd’ hui au ch ef interne. Il
est facile de com p ren d re quels seraient les avantages incon
testables «pii résulteraient de cette m odification au règlem ent
soit pour les m alades soit pour ren seign em en t. Le ch ef de
�—
106
—
clin iq u e a l’opin ion du m a ître qu i, en sa présence a fait la
visite le m a tin ; le c h e f in tern e ne peut se trou ver dans celle
situation.
Il serait aussi bien im portan t que les salles d’enfants qui
existen t à l'h ôp ita l de la C on ception pussent cire consacrées
à un service clin iqu e pour celte classe si intéressante de ma
la d e : car, dans la situation actu elle, depuis que M. le docleu r R ou x d e B rig n o le s a qu itté le service actif des hôpitaux,
on peut d ire que cet en seign em en t dont il avait bien voulu
se ch a rger n ’est plus fait d ’ une m a n ière spéciale.
L ’an d ern ier, l’ad m in istration des hôpitaux a bien voulu
au toriser l’établissem ent d ’ une consultation publique pour
les m aladies des v e u x ; cette consu ltation constitue, il est
vra i, une sorte de clin iq u e o p h lh a lm o lo g iq n e pour les élèves,
m ais il faudrait q u ’on put ad m ettre dans une salle spéciale
à l’ H ôtel-D ieu une certain e ca tég o rie de malades, surtout
ceux qui sont dans la n écessité de su b ir des opérations.
D urant l’ année scolaire 1 8 8 1 -1 8 8 2 , tout le personnehle
l’ E cole a rem p li sa m ission avec le zè le et le dévouement que
j’ai eu l’ h on n eu r de vous sign a ler les années précédentes.
P a r le fait des am élioration s m a térielles successivement obte
nues, et à l’aide d ’ un personn el plus nom breux, tous les
travaux pratiques, organ isés m ieu x que par le passé, ont été
très rég u lièrem en t exécu tés.
A van t l’a rid e série de ch iffres que je dois vous présenter,
p erm ettez-m oi d ’ a p p eler en d e rn ie r lieu votre attention sur
un service p ratiqu e dans lequ el les élèves trouvent de nom
breux et excellen ts élém en ts d ’instruction spéciale; je veux
p arler de la clin iq u e ob stétricale, dont l’installation est si
bonne que depuis six ans q u ’e lle fonction ne, jamais aucune
ép id ém ie ne s’y est d évelo p p ée. C e lle im m unité peu commune
— 107 —
dans les m aisons d ’accouchem ents est en partie due aux
grandes précautions hygiéniqu es prescrites par M. le pro
fesseur ch argé du service, mais aussi, à l’excellen t am énage
ment de l ’édifice et aux cham bres d ’ isolem ent dans lesquel
les les fem m es atteintes de m aladies puerpérales sont im
m édiatem ent séquestrées. L e la t hygiéniqu e de ce pavillon
annexe de l’ hôpital de la Conception est tel que, quatre fem
mes y ont subi avec le plus grand succès l’ovariotom ie.
132 accouchem ents ont eu lieu celte année à la clinique,
c’est vous d ire que nos élèves ont aussi de ce côté de très
nombreuses occasions de s’ instruire. Sur ce nom bre d ’ac
couchem ents 2 fem m es ont succom bé, l’ une à une m étropéritonile, l’autre à une b ron ch op n eu m on ie; 12 fem m es seu
lement ont été m alades.
Le ch iffre des inscriptions données cette année est à peu
près sem blable à celui de l’an d ern ier, soit 728 réparties
ainsi qu ’il su it: 165 pour le doctorat ; 280 pour l’official de
santé; 35 pour le diplôm e de pharm acien de 1"* classe; 248
pour celui de pharm acien de 2 mc classe.
Les exam ens de fin d ’année ont donné les résultats sui
vants qui peu ven t se résum er ainsi : 93 étudiants étaient ins
crits; 42 en m éd ecin e, 51 en p h arm acie; il ne faut pas ou
blier que les candidats ou doctorat dans les conditions ac
tuelles n ’avaien t pas d ’exam en de lin d ’année à su bir: 7 étu
diants ne se sont pas présentés. La m ention très bien a été
accordée une fois ; bien 14 fois ; assez bien 21 fois ; m édiocre
33 fois; 17 candidats ont été ajournés.
A la session de n ovem b re, ont eu lieu les exam ens de fin
d’année pour les ajournés et les absents, 30 candidats étaient
inscrits, 6 en m édecine, 24 en pharm acie. Des 6 étudiants
en m édecine, 3 ne se sont pas présentés, 2 ont été admis
�108
—
avec assez bien el m éd iocre. En p h arm acie 1 ne s’esl pas pré
senté, 9 ont été ajournés, 14 ont été adm is, il y a eu 2 très
bien, 1 bien, 2 assez bien et 9 m éd iocre.
Cette année en core le p re m ie r exam en en vue du doctorat
a eu lieu à M arseille les 7 el 8 août, devan t un jury com
posé de M. P lan ch on , p rofesseu r de botanique à la Faculté de
m éd ecin e de M o n tp ellier, d e M. E n g el, professeur de chimie
et M . de G irard , a g ré g é pou r les sciences physico-chimiques
à la m êm e faculté, 9 candidats ont été exam inés : six ont
été adm is : 1 avec la m en tion b ien , 3 avec la mention assez
bien, 2 avec la m en tion m éd io c re.
Les exam en s pour l'o fficia t de santé et pour les sages-fem
mes présidés par M . D u b ru eil, professeu r à la Faculté de mécine de M on tp ellier, on t eu lieu pou r la session de printemps
du 25 au 27 a v ril. 8 candidats ont subi le 1er exam en, ils on!
été a d m is; 11 ont subi le 2 roe exam en , ils ont été admis éga
lem ent ; 12 ont passé le 3 me exam en , 8 ont été admis, 4 onl
été ajo u rn és; la m en tion bien a été accordée deux fois; la
m ention assez b ie n , huit fo is ; la m en tion m édiocre dix-sepl
fois.
T ro is sages-fem m es se sont p résen tées; 1 seule a été
reçue.
L a session d ’au tom n e a été tenue du 9 au 11 octobre. 20
candidats ont été ex a m in és pou r l'o fficiat de santé, l ‘ r exa
m en, 19 ont été a d m is; 16 on t subi le 2 me exam en, ils ont été
a d m is; 22 ont passé le 3 mc, 19 on t été ju gés dignes du di
p lôm e d ’o fficier de santé. La m en tion très bien a été accordée
une fois ; bien 6 fo is ; assez bien 2 2 fo is; m édiocre, 25 fois.
D ix sages-fem m es se sont présentées, elles ont été admises.
Les exam ens en vu e du d ip lô m e de pbarm atien onl eu
lieu sous la p résid en ce de M . P la n ch o n , professeur de bota
nique à M o n lp ellier, pour la session du printemps, du 27
- lo'J —
avril au 3 m ai. 8 candidats ont subi le 1er exam en, ils ont été
admis ; 10 ont subi le 2 mc, 7 onl été admis ; 9 ont abordé
le 3me exam en , 7 on l été ju gés dignes du diplôm e. La m en
tion très bien a été accordée 1 fois ; bien 3 fois ; assez bien,
3 fois ; m éd iocre, 15 fois.
Trois herboristes ont obtenu le certificat d ’aptitude à leur
profession.
La session d ’autom ne a com m encé le 27 octobre et s’esl
term inée le 7 n o vem b re. 17 candidats ont subi le 1*r exa
men, tous ont été adm is ; 16 ont passé le 2 me exam en, 2 onl
été ajournés, 14 o n l été reçus ; en fin des 2 1 candidats qui
ont abordé le 3 “ ® exam en , 19 ont été jugés dignes du d ip lô
me. La m ention très bien a été accordée 5 fois ; bien 6 fois ;
assez bien 19 fois ; m éd iocre 20 fois.
Un herboriste s’esl présenté, il a été adm is.
Les exam ens de validation de stage ont eu lieu les 8 et 9
novem bre. Le jury était aussi présidé par M. le professeur
Planchon, assistés de MM. Rouslan, professeur à l’ Ecole,
pharm acien de 1re classe, et Laurens pharm acien de 1 re classe.
Sur 22 candidats, il n’y a eu qu ’ un ajournem ent. La m en
tion très bien a été accordée 6 fois, bien 3 fois, assez bien 5
fois, m éd iocre 9 fois.
Je term ine, M essieurs, en vous faisant rem arquer avec sa
tisfaction, que dans les exam ens de fin d ’études, les ajourne
ments ont été peu nom breu x et que les bonnes notes onl été
plus souvent accordées.
Grâce aux travau x pratiques et aux diverses am éliorations
que j'ai eu plusieurs fois l’ honneur de vous sign aler, le ni
veau des études s’est évid em m en t re levé ; c’est du reste l'o
pinion m anifestée par M M . les présidents des ju rys d ’exa
mens.
�L iste
des travaux publiés par
PENDANT
le personnel de l’Kcolf.
L ’ANNÉE SCOLAI RE
1 8 8 1 -1 8 8 2 .
M . R ampai., p r o f e s s e u r d ’a n a to m ie . — C o m p te re n d u d e s travaux
d u c o n s e il d 'h y g iè n e e t d e s a l u b r it é d u d é p a r te m e n t d e s Boucliesd « - R h ô n e . T. xiii.
M . F a b r k , p r o f e s s e u r d e c lin iq u e in te r n e . — L ’b is té rie chez
l’h o m m e . ( G azetle m édicale de P a ris). — L e s p h lliis ie s laten tesel
l a r v é e s . — L e s p n e u m o p a th ie s c a r d ia q u e s . (G az. des hôpitaux). —
L e s a n é m ie s p a r a ffe c tio n c a r d ia q u e . — A c tio n d u fo ie m alad e sur les
o r g a n e s v o is in s . — L a p h th is ie p le u r a le . — P h é n o m è n e s cérébraux
c h e z le s p h th is iq u e s . (M arseille m ed ica l).
M. Chapplain. p r o f e s s e u r d e c lin iq u e e x te r n e . — L eço n s sur les
r é tr é c is s e m e n ts d e l 'u r è t h r e e t l e u r s c o m p lic a tio n s .— (Marseille mé
dical, a v ril 1 8 8 2 ).
M . Combalat, p r o f e s s e u r d e c lin iq u e e x te r n e . — M ém oire pré
s e n té à la S o c ié té d e c h ir u r g i e s u r la r é s e c tio n d u m ax illa ire supé
r i e u r (21 d é c e m b r e 1 8 8 1 ).
M é m o ire s u r u n e o b s e r v a tio n d e K y s te d e rm o id e du plancher
b u c c a l. (B u lletin de la Société de ch iru rg ie, 17 ju in 1 8 8 2 ).
M. Caillol de Poncy, p r o f e s s e u r d e p h y s iq u e . — D égénérescence
d e s o r g a n e s d a n s l 'e m p o is o n n e m e n t c h r o n iq u e p a r l’a rse n ic . (Comptes
r e n d u s , A c a d é m ie d e s s c ie n c e s , 17 o c t o b r e 1 8 8 2 ).
D é g é n é re s c e n c e s d e s o r g a n e s d a n s l’e m p o is o n n e m e n t chronique
p a r l'a n tim o in e . ( C o m p te s r e n d u s , A c a d é m ie d e s s c ie n c e s, 16 octo
b r e 1 8 8 2 ).
T r a v a u x e n c o lla b o r a tio n a v e c le d o c te u r L iv o n .
M . Heckbl, p r o f e s s e u r d e m a tiè r e m é d ic a le . — N o u v elles recher
c h e s s u r le s g lo b u la ir e s , g lo b u la r ia a l y p u m e t C I. v u lg a ris . (Comptes
r e n d u s , A c a d é m ie d e s s c ie n c e s ) .
Du K o la (A n n a le s d e c h im ie e l p h y s iq u e ) . — N o u v e lle s m onstruo
s ité s v é g é ta le s . (B u lle tin d e la S o c ié té b o ta n iq u e d e F ra n c e).
M . L ivon , p r o f e s s e u r s u p p lé a n t d ’a n a to m ie e t d e physiologie. —
M a n u e l d e v iv is e c tio n s , i n - 8 , a v e c 1 1 9 lig . n o ir e s e t colo riées (Pa
r is , 1 8 8 2 , J .- B . B a illiè r e , fils). L ip o m e f ib r e u x . (S o ciété de biologie,
6 m a i 1 8 8 2 ).
D é g é n é re s c e n c e s d e s o r g a n e s d a n s l'e m p o is o n n e m e n t c h ro n iq u e p a r
l’a rs e n ic . — I d . id . p a r l ’a n tim o in e . — C o lla b o ra tio n a v ec le p ro fe s
s e u r C a illo l d e P o n c y .
M . Q u e i r b l , p r o f e s s e u r s u p p lé a n t d ’a c c o u c h e m e n ts e t d e g y n é
co lo g ie. — D e l’e m p lo i d e s e a u x m in é ra le s , d e l’h y d r o th é r a p ie , d e s
b a in s d e m e r p e n d a n t la g r o s s e s s e . (Ce m é m o ire a o b te n u u n e m e n
tio n à l’A c a d é m ie d e m é d e c in e , p rix C a p u ro n , 1 8 82).
De la lig a tu r e é la s tiq u e d a n s le s fis tu le s . (Société de chirurgie,
o c to b re 1 8 8 2 ).
K y ste h y d a tiq u e s u p p u r é d u fo ie . (C o m m u n ic a tio n à l’A c a d é m ie d e
m é d e c in e , a v ril 1 8 8 2 ).
M. Villeneuve, p r o f e s s e u r s u p p lé a n t d e c h i r u r g i e . — N o te s s u r
la lig a tu re é la s tiq u e . — H y s té ro to m ie e t a b la tio n d 'u n fib ro m e p e
sa n t 6 k il. — G u é r is o n .
M. P a o c h o n , p r o f e s s e u r s u p p lé a n t p o u r les s c ie n c e s n a t u r e l l e s .—
In flu e n c e d e la lu m iè r e s u r le s ê tr e s à p ro lo p la s m a in c o lo re . (R e c h e r
c h e s e x p é r im e n ta le s , 1 e r m é m o ir e ) .
M. Rietscu, p r o f e s s e u r s u p p lé a n t d e s s c ie n c e s p h y s ic o -c h im iq u e s .
— R e p ro d u c tio n d e s c r y p to g a m e s .
M . Richaud, p r o f e s s e u r s u p p lé a n t d e m é d e c in e . — L e ç o n d ’o u
v e rtu re d u c o u r s d e p a th o lo g ie g é n é r a le .
M. Roule, c h e f d e s tr a v a u x p r a tiq u e s d ’h is to ire n a tu r e lle e t d 'h is
to lo g ie . — S u r la b r a n c h ie e t l'a p p a r e il c irc u la to ir e d e la Ciona
inleslinalis , 19 ju in 1 8 8 2 . — S u r le s o rg a n e s s e x u e ls d e la Ciona
m testina lis, 5 j u il le t 1 8 8 2 . (C o m p te re n d u d e s s c é a n c e s d e l’A c a d é m ie
d es s c ie n c e s ).
�PRIX
Décernés aux E lèves de l'Ecole de Médecine
et de Pharm acie de M arseille
.innée scolaire
1881 - 1882 .
RAPPO RT
Sur les Concours de la Faculté de droit d’A ix
É T U D IA N T S EN M É D E C IN E .
Par M. Charles T U R G E O N
4“ * A N N É E
P rofesseur a g ré g é à la Faculté.
1er P r ix : M. O d d o.
2 m* P rix : M . Im b ert.
3 me
année
2 m* P rix : M. L o u ge.
M ention hon orab le : M. Cam pana.
2 me A N N É E
P rix : M. R ég n a u lt.
Monsieur
le
R ecteur ,
Messieurs,
M ention h o n ora b le ex-æ qu o
MM. F erra n d et F on la.
l re A N N É E
2m° P rix : M. B a rb iéri.
E T U D IA N T S EN P H A R M A C IE
2 me ANNÉE
M ention h on ora b le : M. Sasia.
1r* ANNÉE
P rix : M. Arizern .
M ention h on ora b le ex-æ quo :
M M . G u eirard et L io la rd .
année en séance pu blique le résultat de ses concoui“s. Celte
solennité trad ition n elle rattache l’a ven ir au passé, en r a v i
vant, par l ’ex em p le du travail accom pli et récom pensé, les
sentiments d ’ém u lation et de solidarité qui d oiven t unir, dans
notre gran de fa m ille, les jeu n es aux aînés. Nous n ’avons pas
la prétention de cou ron n er des ch efs-d ’œ uvre : nos lauréats
n’ont pas m êm e la préten tion d ’en faire. N otre but commun
est plus m odeste et plus p ratiqu e.
La jeunesse est im patiente de succès et avid e de distinc
tions. Ces aspirations généreuses ont besoin d ’être en treleques et disciplinées : les concours leu r apportent un alim ent
nécessaire et une satisfaction en via b le, en procurant aux étu
diants laborieux la m eilleu re occasion de se produ ire et de
8
�— 114 —
s’ a ffirm er. L ib rem en t en trep rise et loyalem ent pratiquée,
c e lle concu rrence de l’esp rit d é velo p p e l’activité, exerce la
pensée et a fferm it la vo lo n té. C ’est le p ropre de nos luttes
annu elles d ’en h a rd ir le tim id es, d ’ en cou rager les faibles et
de récom pen ser les forts. Ce résultat suffit pleinem ent à notre
am bition .
Je m e félicite, pour ma p art, de l ’ hon neur qui m’est échu
c e lle année de p résen ter à celte assem blée universitaire nos
étudiants les plus studieux et les plus fortunés. Cette mission
de confiance m ’est d ’autant plus précieuse qu ’elle me permet
de rem ercier p u bliqu em en t m es collègu es de l’accueil immé
rité dont ils m ’ont b ien veilla m m en t h on oré. Chargé d’appré
cier les travaux de leurs élèves, il m ’est doux de pouvoir, de
la sorte, ren d re h om m age à leu r en seign em en t sans offenser
leu r m odestie : les succès du d iscip le sont le plus bel éloge
du m a ître.
Première année.
Les concu rrents de p rem ière année devaient nous présen
ter en droit civil, un tableau co m p ara tif « du rôle de lapos« session d ’ Etat en ce qui co n cern e, soit la preuve duma« riage, soit la p reu ve de la filiation . »
La Faculté a été très sali faite des résultats de cette première
ép reu ve. T re iz e com position s nous ont été rem ises; six d’en •
Ire elles m ériten t par leu r su p ériorité un encouragement of
ficiel.
L e p rem ier p rix est d écern é à M . V ale n si , dont le tra
vail net, précis et co rrect r é v è le des qualités juridiques que
l’on ren con tre rarem ent ch ez un débutant. Plus d’ampleur
dans les discussions, plus de ferm eté dans la dialectique, et
sa com position serait irrép ro ch a b le.
Le second p rix appartien t à M. ( iui .lirnki.vn, qui se recom
-
115 -
mande par une science ap profon die du sujet et une égale sû
reté dans les solutions. M alheureusem ent, le style pénible et
tourm enté, dont il em barrasse m a lgré lui sa pensée, m ani
feste trop sensiblem ent son origin e étrangère. M. Gulbenkian fera sagem ent de v e ille r sur les distractions de sa plum e
et de l’assujettir, en com posant, à la correction des fQrmes
françaises.
Une prem ière m ention honorable revient à M. F a b r e , pour
une com position m oins substantielle et m oins exacte que les
précédentes, mais supérieure, à mon sens, par la clarté de
l’exposition et la sim plicité élég a n te du style. A vec une
science m ieux n ou rrie, je prédis à M. Fabre un succès plus
complet.
MM. Benet et P ossel suivent M. Fabre à une distance
respectueuse. Leu rs com positions, de valeu r égale, m éritaient
une égale récom pense : la Faculté accorde à chacun d ’eux
une seconde m ention ex œquo, en regrettant toutefois qu’ils
n’aient pas su rach eter par une exactitude plus rigoureuse
leur extrêm e b rièveté.
Enfin une troisièm e m ention hon orable est attribuée à
M. N a m e t a l a , dont le trava il, m oins facilem ent écrit elm oin s
judicieusem ent ord on n é, présente, à côté de qualités réelles,
quelques erreu rs de détail.
En Droit romain, la lutte a été m oins vive. Le « droit
d’accroissement en m atière de legs » est célèb re à l’école par
la variété des transform ations successives qu’ il a subies. Il
faut join dre la fid élité de la m ém oire à la finesse de l’analyse
pour vaincre sûrem ent les difficultés d ’exposition qu ’il p ré
sente aux esprits les m oins novices.
Aussi la sim ple lecture de ce sujet a-t-elle déterminé une
panique générale dans les rangs pressés de nos jeunes re-
�-
116 -
crues. P r is d ’ une fra y eu r subite, le gros de l’armée s’est dé
bandé m a lg ré les ex h o rta tio n s de ses chefs et s’est eufui avec
arm es et bagages.
D eux com battants seu lem en t sont restés sur la brèche. Je
ne d irai rien du p re m ie r, l'e ffa re m e n t lui a fait perdre la
m ém oire.
L e second, au co n tra ire, a fait p reu ve d ’ un réel sang-froid.
Il appartient à n otre légio n étra n gè re : sa nationalité transpa
raît visib lem en t dans son sty le et dans son orthographe.
N éanm oins, la com m ission p ren an t en considération les diffi
cultés ex cep lio n n elles du sujet et la valeur intrinsèque du
trava il unique qui l’avait in sp iré, a d écern é un premier prix
à M. G u l b e n k ia n , d éjà cité à n otre ord re du jour. C’est jus
tice, à la g u erre, de d éco rer les braves.
Deuxième année.
Les étudiants de secon d e an n ée se sont signalés par un
em pressem ent à co n co u rir d ign e de tous nos éloges.
La vé rité , tou tefois, m e co n seille de placer ici une obser
vation gén éra le : adressée à tous, e lle ne blessera personne.
La Faculté se p lain t de ren co n trer trop rarem ent une com
position bien écrite. G ard ez-vou s de croire, MM. les étu
diants, q u ’ il soit p erm is, dans u n e œ u vre juridique, de s’af
fra n ch ir im p u n ém en t des règ les littéraires. La langue «lu
d roit n ’exclu t jam ais l’ élég a n ce et la correction ; en revanche,
elle e x ig e toujours la p récision et la sobriété. Surveillez donc
atten tivem en t les écarts «le v o tre im agination : les calculs de
le raison n’on t rien de com m un avec les frivolités de la fan
taisie. Si le d roit est la science de la v ie , il importe que le
style ju rid iq u e s’ harm on ise exactem en t avec les réalités sé
vères de son ob jet. C 'est pou rqu oi nous le voulons simple et
pratiqu e, n erveu x et v iv a n t.
—
\
17 -
En Droit romain , le sujet désigné par le sort offrait aux
concurrents une la rg e ca rrière. « Le principe de la non-re« présentation en m atière contractuelle et les m odifications
« qu’il a s u b ie s » présentent, en effet, une physionom ie
très com plexe, em p rein te à la fois de form alism e et d ’équité,
de hardiesse et de su b tilité. La solution de ce problèm e ju ri
dique exigeait une connaissance approfondie du droit rom ain
et l’intelligen ce com plète de son dévelop p em en t historique.
M. V ictor G aw r o n sk i l’em porte sur tous ses rivaux par
l’exactitude et la sûreté de ses aperçus. Personne n’ aborde
lesu jeta vec plus de vigu eu r et n ’en prend possession avec
plus d ’autorité. L ’ach em inem ent graduel de la jurisprudence
romaine vers le prin cip e au jourd’ hui dom inant de la repré
sentation contractu elle y est exposé avec une louable préci
sion. Çà et là, néanm oins, la discussion devient obscure à
force de sécheresse et incom plète à force de sobriété. Ces im
perfections de détail n ’ont pas em pêché la Faculté d ’accorderà M. V ictor G aw ronski le p rem ier prix de droit rom ain.
Le deuxièm e prix appartient à M. V id al -N aquet , dont la
dissertation ré vèle un esprit m éthodique et une instruction
solide. Q uelques défaillan ces de m ém oire jointes à quelques
négligences de style l’ont fait descendre au second rang.
M. B runet obtient une p rem ière m ention honorable ; sa
composition est élégam m en t écrite et logiquem ent distribuée,
mais elle fait p reu ve d ’ un savoir m oins précis et d ’ une éru
dition m oins rich e.
Enfin, le travail de M. C harles de M ougins -R oquefort se
distingue par la vivacité du style et l’originalité de l’exposi
tion : ces qualités lui ont valu une mention honorable. Je
conseille à l’auteur de se pénétrer davantage des règles de la
méthode et des obligations de la logiqu e; il saura trouver, à
ce compte, sans sortir de son sujet, des occasions plus sûres
de montrer ce qu ’ il sait.
�—
118
—
« D e là tran scription des donation s » tel clait le sujet de
Droit civil proposé aux étudiants de seconde année. Douze
com positions nous on t été présentées : cinq ont retenu l’at
tention de la F aculté.
Dans cette ép reu ve, M. B runet a conquis brillamment la
p rem ière p lace. Sa dissertation courte et vigoureuse, mar
ch e d ’une a llu re v iv e et pressée. Le plan est méthodique
m en t concu et rigou reu sem en t suivi : les principes sont nets,
les solutions exactes, l’argu m en tation serrée : c’est une œu
v r e de synthèse h ab ilem en t construite.
M . V i d a i -INaquet a, cette fois en core, mérité le second
p rix ; son travail est la rg e, abondant, fertile en développe
m ents : c’est une œ u vre d ’analyse minutieusement compo
sée. Ce dou ble succès n ’éton n era personne : M. Yidal-Naquel
a, près de lui et près de nous, son m od èle.
V ien n en t ensuite trois com position s qui se distinguent par
des qualités d iverses et au xq u elles la Faculté a décerné trois
m entions h on orab les. La com position de M. L augif.r porte
l’em p rein te d ’ une science étendu e et so lid e; nous regrettons
seu lem en t qu e l’au teu r ait p erdu , dans une digression inu
tile, un tem ps p récieu x q u ’ il eût m ieux em ployé à dévelop
per les parties essen tielles de son sujet.
L e travail de M. V ictor G w vronski annonce un jugement
p én étran t et réfléch i ; m ais la rédaction est pesante et né
g lig é e .
E nfin, la com position de M. Chaules de Mougins-Roque
fort est l ’œ u vre d ’ un esp rit élégan t et personnel; malheu
reusem ent l’exposition est in égale et la division embarrassée.
A vec plus d ’o rd re et de décision dans le fond et dans la
fo rm e, ces trois concu rrents seront en droit d ’ambitionner un
m eilleu r sort.
-
119 -
Troisième année.
En arrivan t à la troisièm e année, j ’ai le regret de consta
ter que le zèle de nos étudiants de licence s’est gravem ent
attiédi : les concurrents ont été peu nom breux. Le com m erce
du droit, perdrait-il ses charm es avec le temps et l’ habitude ?
Personne ne le croira. La science du droit a l’ heureux
privilège de faire des ingrats. Il en est de l’ esprit com m e du
cœ ur: tous deux sont inconstants et m obiles. Nous pouvons,
d’ailleurs, nous consoler des défaillances et des infidélités
que nous signalons chaque année, en songeant que le temps
écarte les volages, m anifeste les vocations sérieuses et forti
fie par l’épreuve la ferve u r des vrais disciples.
La question de Droit civil mise au concours était ainsi for
mulée : « C om m ent se fait le rem ploi des propres des époux
« sous le régim e de la com m unauté et des im m eubles dotaux
« de la fem m e quand l’aliénation est autorisée sous le ré« gim e dotal. » Su r ce point très pratique, la Faculté n ’a
récompensé que les travaux auxquels elle a reconnu une su
périorité réelle et une valeu r absolue.
M. Gaud, dont j’aurai plusieurs fois à prononcer le nom
et toujours pour un élog e nouveau, a m ontré, dans cette pre
mière ép reu ve, une science abondanté fidèlem ent servie par
une m éthode irrép roch a b le et un style lum ineux. M. Gaud
est un esprit déjà m ûr et m aître de sa pensée : il a sur toutes
les parties de son sujet des idées arretées, les expose avec
précision, les d évelop p e avec m esure et ne se laisse jam ais
tenter par un rapprochem ent contestable ou une digression
inopportune. Le p rem ier p rix lui appartient sans contesta
tion.
IM. MassotsuU M. Gaud d ’assez loin . Sa dissertation, très
�—
120 —
française de style, est m oins bien conduite et moins bien
d iv is é e ; l’ irrégu la rité du cad re nu it à l’œ u vre entière. Néan
m oins la sûreté de la d o ctrin e et la vigu eu r de la dialectique
lui m érita ien t la rgem en t un d eu x ièm e p rix.
Une m en lion très h on ora b le a été décern ée à M . Doutre
l e a u , pour une com position sob re et concise, qui révélait trop
discrètem en t les ex cellen tes qu alités de son esprit pour lui
perm ettre de disputer avec succès les récom penses dues à ses
com pétiteurs. M. D ou treleau réserva it, sans doute, toutes
ses forces pour un tou rn oi plus b rilla n te ) plus difficile. Le
succès a ju stifié ses es p é ra n c e s : M . D outreleau a remporté
une d eu xièm e m en tion au concours gén éral de licence ouvert
chaque année en tre toutes les Facultés de droit de France.
1
En Droit administratif, les étudiants de troisième année
d eva ien t fix e r les conséquences ju rid iq u es « des dommages
résultant des travau x p u b lic s .» C ’était un problème plein
d ’in térêt et d 'actu alité.
Là, en core, M. G àud s’est p lacé au p rem ier rang. M.Gaud,
en effet, sait co m p o ser. Il m et en p lein e lum ière l’idée maî
tresse de son sujet, m esu re ex actem en t ses développements à
l’ im portance des questions q u ’ il discute, et jette sa pensée sur
le papier avec l’en train fa cile que donnent l’amour de la
science et la ferm eté de la co n victio n . Je lui signalerai seu
lem ent une om ission h is to riq u e : il n ’est fait aucune allusion,
dans son trava il, à la lutte fam euse qui divisa longtemps le
Conseil d ’ Etat et la C our de cassation à l’occasion des dom
m ages perm anen ts. M . G aud est trop instruit pour ignorer
cet an tagon ism e a u jo u rd ’ hui disparu ; mais son érudition
n’en d evra it pas ê tre sou pçonn ée. C ette tache légère ne fait,
d ’ailleurs, q u ’atténu er in sen sib lem en t les mérites de sa dis
sertation, et j ’applaudis, pour ma part, à ce double succès,
qui récom pense, dans la personne d ’ uri de nos m eilleurs
élèves, un travail ex em p laire et un attachem ent invariable à
tous les d evoirs de l’étudiant.
M. M a s s o t s’est m aintenu égalem ent à la seconde place.
Sa com position, écrite avec aisance et déduite avec sûreté, a
été ju gée d ign e du deuxièm e prix. L ’idée, m alheureusem ent,
chem ine qu elqu efois à l’aven tu re. Je rappelle à M. Massot
que la m éth ode est l ’a u xilia ire indispensable du droit.
M . M a s s i è r e s’est sou ven u de ce précepte essentiel. Nous
l'en avons récom pen sé en décernant à son travail une m en
lion honorable. L ’exposition m arche d'un pas alerte et régu
lier. Mais il faut d ire que, pour ab réger sa route, l’auteur
tourne lib rem en t qu elques obstacles.
Messieurs, il sied à un rapporteur d ’être court : la b rièveté
est une qualité m odeste qui fait oublier l’absence des autres.
A cet égard, nos aspirants au doctorat sem blent a v o ir pris à
cœur de fa ciliter m a tâche. J ’aurais voulu, pourtant, vous
parler du concours o ffert chaque année à leu r activité. Nous
leur dem andons presqu e un liv re en leur donnant un an
pour le p rép arer. La question « des magasins généraux, »
agréée par M. le M in istre de l’ instruction publique, présen
tait un intérêt d ’actualité incontestable. Mais les dificu ltésdu
sujet ont inspiré plus d ’effroi que les honneurs de la récom
pense n ’ont ex cité d ’am bition . Aucun docteur n’est entré
dans la lice.
Celte in d ifféren ce, Messieurs, vous rappellera, peut-être
bien in volon tairem en t, cet étudiant célèbre du \ Y m” siècle,
qui prom enait dans Faris les joyeuses fantaisies de la vie in
souciante, se répétant gaiem en t à lu i-m êm e :
« P e tit e n fa n t, j ’ai o u i r e c o r d e r
« Q u ’il n ’e st tr é s o r q u e d e v iv re à so n a ise ! »
�— 123 —
Plus tard, nous le retrou von s v ie illi et désabusé, laissant
tom b er de sa plu m e attristée ces vers m élancoliques :
«
a
«
«
H é d ie u , si j ’ e u s s e e s tu d ié
A u te m p s d e m a fo lle je u n e s s e !
E n e s c r iv a n l c e tte p a r o le ,
A p e u q u e le c u e u r n e m e fe n d ! »
Puissent les « m agasins g én éra u x » laisser à nos docteurs
des regrets m oins am ers ! S i, du m oins, quelque jour, nos
coupables pleuraient en bon ve rs leu r o isiveté passée, la Fa
culté p eu t-être leu r serait in d u lgen te : un bon poète vaut
bien un m auvais licen cié. P erso n n e, toutefois, ne s’avisera
d ’excu ser par les tentations de la m use, la froideur inaccou
tum ée de nos jeu n es légistes pour le d roit commercial. Nous
n ’accuserons pas d ava n tage de leu r abstention unanime les
distractions ex igea n tes du service m ilitaire. De nos jours, il
est vrai, la plupart de nos é lèves passent brusquement de la
lib re v ie de l’ école à la v ie sév è re des cam ps. Mais ce dualis
m e nécessaire ne d oit pas nous e ffra y e r : l’élude combinée
des choses de la paix et des choses de la guerre élargit le
cœ ur sans rapetisser l’esp rit. In lru ils dans l ’art de bien dire,
nos étudiants p ra tiq u ero n t m ieu x l'a rt de bien faire.
Sachons recon n aître fra n ch em en t les causes de celle in
sensibilité croissante don t la Faculté de droit d’Aix n’est pas
seule à sou ffrir : on veu t v iv r e trop tôt de la vie réelle et ar
r iv e r trop vite aux fonctions pratiques et aux travaux sala
riés. Des v o ix plus autorisées que la m ienne ont signalé sou
ven t les dan gers de cette p récip itation mal conseillée. Nous
vivon s dans un siècle où tout se conqu iert. Les premières
places ne se donnent plus ; elles se prennent. Toute situation
acquise doit être une victo ire g agn ée par le talent, le travail
et l ’ h on nêteté. Les ca rrières lib éra les sont encombrées : pour
d om in er les ran gs pressés de la foule qui les assiège, il est
nécessaire de se gran d ir par l ’étude et de se distinguer par
le succès. L e forum vous attend, Messieurs les docteurs ;
mais pour y a rriv e r sûrem ent, passez, croyez-m oi, par nos
académies.
Messieurs, la Faculté à le droit d ’espérer que ses m eil
leurs élèves b rigu eron t celte année avec moins d ’indifférence
les honneurs du concours de doctorat.
Le sujet agréé par M. le M inistre de l ’instruction publique
est bien fait pour ten ter leu r curiosité et réveiller leur ém u
lation. La question des « syndicats professionnels » est à
l’ordre du jo u r ; et si périlleuses que soient les difficultés de
ce problèm e social, nos docteurs n ’en seront pas intim idés.
L ’économ ie p olitiqu e, dont il relève principalem ent, ne pos
sède pas en core, il est vrai, com m e notre droit positif, des assi
ses solides qui la m ettent à l’ abri du choc des systèmes et des
fluctuations de la politiqu e. Mais elle s’est en rich ie récem
ment de m onum ents illustres, couronnés maintes fois par
l’Institut aux applaudissem ents de tous, et à l’om bre desquels
les disciples pourront m arch er sûrem ent dans la carrière avec
les fortes et saines doctrines du m aître.
�— 125 -
d ’histoire n atu relle : la p rem ière intitulée, du potassium et
de ses dérivés, la seconde de l'origine el du développement
des corps de \\olff. Sur cinq élèves qui s’étaient présentés à
R A P P O R T DE M. LA C E T
PROFESSEUR A
l
’ ÉCOLE
DE MÉDECINE
Monsieur
le
ET
DE PLEIN
DE
EXERCICE
PHARMACIE.
R ecteur.
Messieurs,
L a réun ion des professeurs de l’ É cole de médecine a voulu
que ce fut le d e rn ie r nom m e de ses m em bres qui rendît
com pte des concours institués en tre les étudiants pour les
p rix de fin d ’année.
C ’est cà celte décision qu e je dois l’ honneur de prendre
au jou rd’ hui la parole.
J’ aurais le d e v o ir de d em a n d er d ’abord l’indulgence de
mon au d itoire pour les détails bien arides que je vais avoir
à d on n er, si je n'étais con vain cu que rien de ce qui intéresse
l’aven ir des jeu n es gén éra tio n s m éd icales ne vous est indilTérent.
I
Les étudiants en m éd ecin e de p rem ière année ont eu à
traiter par écrit deu x questions, l’ une de chimie, l’autre
ce concours, un seul en a subi toutes les ép reu ves: c’est
M. B arbiéri à qui l ’école décern e un 2 mL' prix.
En d eu xièm e année, trois questions ont été donn ées: une
d ’anatom ie ( anatomie du foie), une de physiologie (physio
logie de la hile) et une de pathologie extern e (fissure anale
et son tralternent). Six candidats ont pris part au concours.
M. R égnault a traité la p artie anatom ique et physiologique
avec beaucoup de m éth ode el de cla rté ; sa composition pa
thologique est m oins com plète, m ais elle ne contient pas
d’erreurs. A une certaine distance viennent MM. Ferrand
et Foata. Un p rix unique est attribué à M. R égnau lt, des m en
tions honorables à M M. Ferran d et Foata.
Nous avons eu en troisièm e année trois candidats aux
quels nous avon s posé les questions qui su iven t: pour la
pathologie in tern e, des complications cardiaques du rhuma
tisme articulaire aigu, pour la pathologie extern e, de l'hygrorna du genou et de son diagnostic différentiel, et pour les
accouchements, de la conduite o tenir dans 1 accouchement et
la yrossesse gémellaires. Ils ont eu aussi, com m e épreuve
pratique, à ex a m in er un m alade et à réd iger une consulta
tion écrite au sujet de cet exam en .
Les questions de pathologie interne et extern e ont été trai
tées d ’une façon vraim en t satisfaisante par deux des candi
dats, MM. Lou ge et Cam pana. M. L o u g e a pris dans la par
tie pratique une avance notable sur ses deux concu rrents: il
a mieux exam iné son m alade, est a rrivé à un diagnostic plus
complet q u ’il a discuté avec soin, faisant ainsi preuve de
qualités cliniques réelles. Aussi le ju ry u ese serait-il pas co n
tenté de décern er, com m e il l’a fait, un deuxièm e prix à
�— 12G M. Lou ge et une m ention h o n ora b le à M. Campana, si la
com position d 'accou ch em en ts avait été à la hauteur des au
tres ép reu ves.
En qu atrièm e an née, les con cu rren ts ont eu à examiner
deux m alades et à fa ire une com position écrite sur la pathogénie et le traitement de l’éclampsie. Si le ju ry a regretté
q u ’ il n ’y eut que deux can didats, du m oins est-il heureux
d ’ex p rim e r toute sa satisfaction au sujet de la valeur des
ép reu ves. M M . O ddo et Im b e rt se sont en effet fait remar
qu er par la précision et l’éten d u e de leurs connaissances,
tant th éoriq u es que p ratiqu es. N ous som m es heureux de dé
cern er à M . O ddo un p rem ier p rix et un second prix à
M . Im b e rt.
II.
Q u atre questions th éo riq u es sont échues aux étudiants en
pharm acie de p re m iè re an n ée : une de physique (des ther
momètres), une de p h a rm a c o lo g ie (du chlore au point de rue
chimique et pharmacologique), deux d ’ histoire naturelle (des
organes respiratoires des poissons, du pollen). Tour l’épreuve
p ratiqu e, ils ont dû con stru ire un appareil simple et prépa
rer du p ro to ch lo ru re de m ercu re. C ette d ern ière épreuve a
été faite dans de très bonnes conditions par les trois candi
dats. Tous trois aussi ont m o n tré une instruction solide tant
en h istoire n a tu relle qu ’en p h ysiqu e. M . V izern , grâce à sa
com position de ch im ie, distance ses concurrents et remporte
un p rix unique. N ous donnons des m entions honorables à
M M . G u eirard et L io ta rd .
Pou r la d eu xièm e an née, les questions ont été les sui
vantes : ép reu ves th éoriq u es : (c h im ie et pharmacologie)
des composés cyaniques ; (h is to ire natu relle) des ceslodes,
des crucifères; ép reu ves p ra tiq u e s : (analyse chim ique) mé
lange de phosphate d'ammoniaque et de nitrate mercurique; (h istoire n a tu relle) analyse d’une crassulacée par
— 127 —
section transversale, par dissociation et par séparation d’épi
derme. Su r cin q candidats qui se sont présentés, trois se sont
retirés du concours soit après les épreuves théoriques, soit
après la p rem ière ép reu ve pratique. Le ju ry le regrette
d'autant plus vivem en t que deux d ’entre ces jeunes gens
avaient rem is d ’ex cellen ts travaux écrits. Nous donnons une
mention hon orable à M. S a tio q u i a fait de bonnes épreuves
pratiques et dont les com positions indiquent une instruction
scientifique sérieuse.
Les candidats de troisièm e année étaien t au nom bre de
quatre. Les sujets suivants de com position leur ont été don
nés: (chim ie) composés basiques des alcoolés ; pharm acologie
des vins médicinaux ; (h istoire naturelle) caractères géné
raux et classification des insectes, fécondation chez les végétaux
phanérogames, fleur des liliacées; pour les épreuves prati
ques, (chim ie) recherche d el’iodure de potassium dans le lait,
(histoire naturelle) structure d’une écorce de cannelle de
Chine. Disons d 'a b ord que les questions d ’ histoire naturelle,
quoique d ’ une réelle difficulté, ont été traitées par trois
de ces élèves d ’ une façon qui m érite des éloges.
Pour l’ép reu ve pratique d ’ histoire naturelle, épreuve d é
licate aussi, deux d ’en tre eux se sont distingués par la net
teté de leurs coupes et la fid élité de leurs dessins. Il est fâ
cheux que l’ép reu ve pratique de chim ie ait abouti à un résul
tat négatif et que la question de ch im ie traitée soit étran gère
à celle qui avait été proposée.
Dans ces conditions, nous avons le regret de ne pouvoir
décerner aucune récom pense pour celte année d ’études.
III.
•l’ai, à plusieurs reprises, au cours de ce rapport, parlé
des épreuves pratiques que nous avons imposées à nos élèves:
je désire, en term inan t, ap p eler sur elles toute vo lrea llen tion .
�—
128
—
C e lle an née, en ell'el, p o u r la p rem ière fois, des épreuves
pratiques o n l été d em an dées à tous les étudiants qui ont pris
part à nos concours : c ’est une inn ovation que le conseil de
l ’école a vo tée sur la proposition d ’ un d irecteu r toujours atten
tif au p rogrès des études.
(Juoi de plus ju ste au fond qu e cette union de la pratique
et de la th éo rie ? Et il ne s’a git pas seu lem en t ici du point de
vu e profession nel qui n ’est certes pas à dédaigner. Mais, à
con sid érer les choses de plus haut en core, n ’esl-ce pas l'hon
neur de la m éd ecin e co n tem p o rain e que celte importance
q u ’elle attrib u e aux faits, q u 'il s’ agisse d'observations recueil
lies à l’ hôpital ou d ’ex p érien ces faites dans les laboratoires?
Des faits d ’a b o rd , de leu r com paraison se dégagent ensuite
les lois. C ’est p arce q u ’e lle s’est débarrassée des théories
creuses que lui a va it légu ées le m oyen âge et qu’elle a fran
ch em ent adopté la m éth od e des sciences inductives, c’est grâce
aux travau x des B ich a l, des Laën n ec, des Bouillaud, des
Claude B e rn a rd , p ou r ne p a rler qu e des plus éminents par
mi les m éd ecin s français, qu e la m éd ecin e ne mérite plus les
sarcasm es que lui d éco ch a it la v e r v e de M olière.
L ’ inn ovation dont je parlais tantôt à propos de nos con
cours est en apparen ce bien m odeste. Un esprit superficiel
pou rrait cro ire q u ’il n e s’agit là qu e d ’ une simple mesure
d ’o rd re in térieu r. Il est pou rtant aisé de v o ir que c’est uni
qu em en t grâce à celte a llia n ce de la pratiqu e et de la théo
rie, allian ce que nous avon s vou lu ren d re aussi intime que
possible, que p eu ven t se fo rm e r non pas seulement des mé
decins con scien cieu x, m ais en core des savants capables de
m arch er sur les traces des hom m es de gén ie dont je citais les
nom s.
SÉA N CE SO LEN N ELLE DE R E N TR ÉE
DES FACULTÉS ET DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
I
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1883-1884.pdf
2d121cb22adc51059039ad4752483d7d
PDF Text
Text
ACADÉMI E
D ’A IX •
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
e t
d e s
l e t t r e s
1883-1884
ET
DE L'ÉCO LE DE PLE IN EX ER C IC E
DE
MÉDECINE
ET DE PH AR M ACIE
AI X
VEUVE REMONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU,
1883
53
�Celle année, en effet, pour la première fois, des épreuves
pratiques ont été demandées à tous les étudiants qui ont pris
part à nos concours : c’est une innovation que le conseil de
l ’école a volée sur la proposition d’ un directeur toujours atten
tif au progrès des études.
Quoi de plus juste au fond que cette union de la pratique
e id e la théorie? Et il ne s’agit pas seulement ici du pointée
vue professionnel qui n’est certes pas à dédaigner. Mais, à
considérer les choses de plus haut encore, n’esl-ce pas l’hon
neur de la médecine contemporaine que celte importance
qu’elle attribue aux faits, qu’ il s’agisse d'observations recueil
lies à l ’ hôpital ou d ’expériences faites dans les laboratoires?
Des faits d’abord, de leur comparaison se dégagent ensuite
les lois. C’est parce qu’elle s’est débarrassée des théories
creuses que lui avait léguées le moyen âge et quelle a fran
chement adopté la méthode des sciences inductives, c’est grâce
aux travaux des Bichat, des Laënnec, des Bouillaud, des
Claude B ernard, pour ne parler que des plus éminents par
mi les médecins français, que la médecine ne mérite plus les
sarcasmes que lui décochait la verve de Molière.
L ’ innovation dont je parlais tantôt à propos de nos con
cours est en apparence bien modeste. Un esprit superficiel
pourrait croire qu’il ne s’agit là que d ’une simple mesure
d’ordre intérieur. Il est pourtant aisé devoir que c’est uni
quement grâce à cette alliance de la pratique et de la théo
rie, alliance que nous avons voulu rendre aussi intime que
possible, que peuvent se former non pas seulement des mé
decins consciencieux, mais encore des savants capables de
marcher sur les traces des hommes de génie dont je citais les
noms.
�ACADÉMI E
D ’A IX •
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES
e t
d e s
l e t t r e s
ET
DE L'ÉCO LE DE PLE IN EX ER C IC E
DE
MÉDECINE
ET DE PH AR M ACIE
AI X
VEUVE REMONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L ’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU,
1883
53
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
et
de
l ’é c o l e d e
DE MÉ DE C I NE
p l e in
e x e r c ic e
ET DE P HARMACI E
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théo
logie catholique, de D roit et des Lettres d ’A ix, de la
Faculté des Sciences et de l ’École de plein exercice de
Médecine et de Pharm acie de M arseille, a eu lieu à Mar
seille le lu ndi 10 décembre 1883 à deux heures, dans
le grand am phithéâtre de la Faculté des Sciences, sous la
présidence de M. B e lin , Recteur de l ’Académie.
Les places réservées étaient occupées par M. Cazelles,
préfet des Bouches-du-Rhône ; M. Brochier, maire de
M arseille; M. Naquet, procureur général prés la Cour
d’Appel d 'A ix ; M . Borm and, procureur de la R épubli
que près le T rib u n a l de première instance de Marseille ;
�—
6
—
M . le docteur M affre, d ire cte u r du service de santé du
1 5 e corps d ’armée ; des con se illers de préfecture; des
co n se illers m u n icip au x ; des officiers supérieurs de la
ALLOCUTION DE M. BELIN
garnison de M a r s e ille , des fonctionnaires appartenant
aux divers services p u b lics ; M . le Proviseur et une délé
RECTEUR DE l ’ a CADÉMIE
gation des professeurs du Lycée.
M M . les Inspecteurs d ’Académ ie, MM. les Doyens et
Professeurs de diverses Facultés, et de l’ École de Méde
cine et de Pharm acie, tous en grand costume, avaient
pris place sur l ’ estrade au tour de M . le Recteur.
Messieurs,
Un grand nom bre de dames, d ’ étudiants, de person
nes étrangères à l ’ enseignem ent, remplissaient la salle.
Nous avons tous présent à la mémoire le remarquable
discours que prononçait ici, il y a quelques mois, dans une
cérémonie que nous n’oublierons point, l ’éminent Directeur
M . le R ecteur B e lin , après avoir déclaré la séance ou
verte, a prononcé l ’a llo cu tio n suivante :
de l ’enseignement supérieur ; et, en relisant ces pages d’un
style à la fois sobre et précis, où les devoirs du haut ensei
gnement sont si nettement tracés, où les services que la
culture désintéressée des sciences et des lettres rend «à la
démocratie sont si simplement et du meme coup si fermement
exposés, je me suis demandé plus d’une fois si un discours
nouveau sur le même objet n’était pas chose absolument
superflue; et, comme tout ou à peu près avait été dit en
termes excellents, si je ne devais pas aujourd’hui observer
un silence qu’il me serait aisé de justifier. Toutefois, après
réflexion, j ’ai pensé qu’il ne serait, peut-être, pas sans utilité
de mettre quelque peu en lumière le réel profit que Marseille
retirera de hautes études scientifiques complètement organi-
�—
8
—
— 9 —
sées ; que je pouvais, sans crainle aucune, louer vos conseils
de ses relations, par l ’éclat dont son nom est au loin entouré,
municipaux de ce qu’ils ont commencé, de ce qu’ils se pro
était désignée d’avance pour remplir, en partie, le rôle que la
posent d’achever prochainement ; e t , puisqu’ils faisaient
France s’est, sous ce rapport, depuis longtemps assigné. Pen
œuvre, pour ainsi parler, nationale, j ’ai cru que je pouvais
dant que la Faculté de Droit d’Aix, dont nous nous efforce
les en remercier publiquement, et essayer en même temps
rons d’assurer la prospérité, continuera «à réunir autour d’elle
d’indiquer quelles obligations nouvelles imposait cette même
nombre d'élèves étrangers, qui viennent étudier, avec nos
œuvre à ceux qui par patriotisme et par devoir étaient tenus
lois, l’esprit qui a présidé à leur élaboration ; il importe, en
d’en préparer, d’en assurer le succès.
effet, que les Facultés de Médecine et des Sciences de Mar
Ce n’est pas à moi, et dans ce lieu, qu’il appartient de
seille exercent, en quelque sorte, la même attraction sur tout
montrer la place qu'occupe Marseille dans la prospérité et la
le bassin méditerranéen et au-delà. Sans doute les jeunes
puissance financière de la France ; de rappeler avec quel
gens, que nous enverront et le Levant et l ’ Extrême-Orient,
merveilleux instinct du progrès économique, qui partout
et que les professeurs de nos facultés sauront retenir, n’au
s’ accomplit, votre ville est, en peu de temps, devenue la
ront point le même esprit que nos étudiants et n’apporteront
grande cité industrielle dont le pays est justement fier; mais
point toujours les mêmes préoccupations : le temps n’est
je puis dire que c’ est le même esprit d’initiative hardie et
pas encore venu où ils pourraient être pour leurs maîtres
d’habile prévoyance qui a inspiré votre assemblée commu
de réels disciples et d’ utiles collaborateurs. Ce qu’ils vou
nale, quand, par la construction d’ une nouvelle Faculté des
dront d’abord connaître, ce seront les résultats acquis par
Sciences et le vote d’ une Faculté de Médecine, elle a voulu
la science moderne et ses plus récentes applications ; ce
faire de Marseille un véritable centre de hautes éludes scien
seront nos dernières découvertes industrielles, afin de pou
tifiques. Votre m unicipalité a compris que les intérêts ma
voir, de retour dans leur pays, faire un meilleur usage ou
tériels, si puissants qu’ils soient, n ’existent pas seuls;qu’ils
des richesses que leur sol récèle ou des matières premières
peuvent, par la lente action du temps et des hommes, à
qu’il produit ; — ce qu'ils demanderont à votre Faculté de
celle époque d’ardente lutte pour l’existence, s'affaiblir gra
Médecine, ce ne sera point l’exposition savante des travaux
duellement ; que les intérêts de sentiment, dont on sourit
et des recherches des maîtres de la physiologie; ce sera l’art
volontiers, sont quelquefois aussi vivaces que les premiers,
de reconnaître les maladies les plus fréquentes et les plus
qu’ils leur servent souvent de support, et que nous ne devons
dangereuses, avec les moyens d’en arrêter les progrès, d’en
point nous contenter de rester les protecteurs désintéressés
soulager les souffrances et parfois d’en prévenir le retour; ils
de ces populations de l ’Orient qui ont toujours les yeux tour
voudront, et pour en tirer un profit presque immédiat, re
nés vers la France, mais que nous pouvons et que nous devons
cueillir des leçons qu’ils auront reçues, des cours qu’ils au
être pour elles des initiateurs, ou plutôt des éducateurs, au
ront suivis, une somme déterminée de connaissances certaines
vrai sens du mot. Elle a également pensé que Marseille, par
et positives. Mais, de l ’ accueil qui leur sera ici réservé, de
sa situation exceptionnelle, par l ’étendue et la multiplicité
leur commerce quotidien avec leurs condisciples et leurs
�—
10
—
professeurs, des relations familières qui en seront la néces
saire conséquence, ils emporteront autre chose qu’ un souve
nir et des diplômes, dont on ne conteste nulle paî t, nous le
savons, la valeur et le prix ; leur pensée se détachera diffi
cilement du pays qui les aura disciplinés et formés, de la cité
qui, à leurs yeux, représentera réellement la France; et,
quand vos hardis négociants, qui portent sur toutes les côtes
de l ’Asie et de l ’Afrique, avec l ’influence française, leur
activité et leur commerce, aborderont en ces pays que nous
sommes appelés à éclairer et à instruire, ils trouveront dans
ces hommes, dont la jeunesse se sera passée au milieu de
vous, qui vous devront ce qu’ils auront appris, peut-être
même ce qu’ils seront, ils trouveront des amis, des alliés ;
ils seront déjà connus, ou plutôt attendus.
d’une nation s’établit ; on sait de plus que, si les conquêtes
morales ne s’effectuent que lentement, elles ont, en retour,
le précieux avantage de se pouvoir préparer,sans exciter d’or
dinaire les jalousies et les défiances; et que la conquête ma
térielle est presque faite, quand on est devenu maître des
esprits; aussi ne recule-t-on devant aucune réforme pour
arriver au but qu’on s’est résolument proposé d’atteindre;
aussi marche-t-on à ce but avec une ténacité, avec un esprit
de suite, dont l ’exemple n ’est point pour nous inutile. Atti
rer à soi les jeunes gens, qui, dans ces contrées d'Asie et
d’Afrique où la civilisation moderne ne pénètre qu’avec ef
forts, auront, par l'effet même de l ’instruction qu’ils rece
vront en Europe, une influence incontestée sur leurs compa
triotes; les habituer à vous considérer comme les dépositai
On peut traiter de chimères ces lointaines espérances ; et,
res de cette science dont les applications les étonnent ; leur
parce que les profils d’une pareille entreprise n ’apparaîtront
donner, en même temps que l ’usage de votre langue, le be
que plus tard, quelques-uns seront, peut-être, tentés de les
soin de conserver et d’entretenir avec vous des relations
dédaigner ou de les nier ; mais notre démocratie ne veut
dont ils sentiront bientôt l ’impérieuse et bienfaisante néces
s’interdire ni « les longs espoirs »ni « les vastes pensers » ;
sité, n’est-ce pas préparer sûrement le succès des futures
elle prétend ne p o in ls’enfermer dans le souci égoïste du pré
relations industrielles et commerciales ? n ’esl-ce pas, sur
sent ; elle a mission, en s’appuyant sur un passé qui dans
certains marchés du monde, s’assurer aisément une des pre
l ’Orient n’est pas sans gloire, de préparer l ’avenir pour nos
mières places, ou se mettre en mesure de la disputer pacifi
fils; elle n’oublie point surtout que tous les éléments de pros
quement aux autres? Notre m unicipalité, Messieurs, avec ce
périté d’ une nation sont solidaires; et qu’en négliger un seul,
sens avisé qui vous distingue, a vu aussitôt sur quel point la
c’est presque travailler à la destruction des autres. D ’ailleurs,
concurrence, qui est aujourd’hui la loi universelle, allait se
quand ceux qui représentent votre cité n ’auraient pas eu la
porter ; et, avec réflexion, avec résolution, elle n’a point
patriotique ambition de faire de Marseille, dans le bassin
attendu les sollicitations de l'Etat ; elle a proposé et elle a
méditerranéen, le premier des centres scientifiques, le spec
agi. M. Albert Dumont félicitait récemment votre assemblée
tacle de ce qui se passe autour de vous, à vos portes pour
ainsi dire, aurait suffi à les pousser, à les entraîner à l ’action.
On sait ailleurs qu’il faut du temps pour assurer les influen
ces et que ce n’est pas en un jour que le prestige extérieur
communale de l’esprit, qui, dans les choses de l ’enseigne
ment supérieur, a présidé à ses délibérations: nous pouvons
la féliciter également, dans son fier désir de faire par ellemême, d’avoir compris quelles obligations imposait à Mar-
�un
— 13 —
de l’exemple, et en haussant les cœurs ainsi que les coura
— 12 —
seille le titre qu’on lui a donné et qu’elle mérite de « Heine
ges. Dans la démocratie d ’un pays, qui, comme le nôtre, a
de la Méditerranée ».
une histoire et de grandes destinées à rem plir, il faut qu’on
Mais, il ne faut pas se le dissimuler, si nous voulons fon
ne se cantonne pas en soi-même, qu’on ne se renferme pas
der pour la durée, nous regarderons au-delà de l ’œuvre ma
tout entier dans l ’intérêt personnel, mais qu’on s’accoutume
térielle, dont l’accomplissement va se poursuivre sous nos
à négliger cet intérêt et au besoin à le sacrifier, dès que l ’in
veux. Quand les vastes édifices, que vous vous proposez d’é
térêt général l ’exige ; il faut qu’on ne s’arrête pas aux seuls
lever à la science, seront achevés ; quand les laboratoires se
desseins dont le succès paraît prochain, mais qu’on sache se
ront pourvus de tout ce qui permet et facilite, soit les recher
condamner aux labeurs et aux efforts, dont profiteront les
ches personnelles, soit les travaux d’ensemble, vous n’aurez
générations qui nous succéderont, et qui seront, de la même
fait que ce qu’on peut entreprendre en tous lieux avec de la
manière, chargées d ’assurer à leur tour la vitalité de la pa
bonne volonté et d’abondantes ressources financières ; la par
trie; il faut enfin que, par le souci constant de la chose pu
tie de notre lâche la plus laborieuse, et en meme temps la
blique, la poursuite obstinée du progrès sous toutes ses for
plus féconde en résultats, sera à peine commencée. Ce qui
mes, on se rende capable d ’agrandir la fortune nationale, et
devra être, en effet, une de nos premières préoccupations,
de la transmettre intacte à ses descendants.
ce sera de faire comprendre à tous l ’opportunité, la nécessité
Cette éducation patriotique des esprits est votre tâche,
de ces sacrifices que nous réclamons en faveur de l’ensei
MM. les professeurs; et vous saurez la rem plir dignement,
gnement supérieur; ce sera d ’amener partout l ’opinion pu
ou plutôt vous la remplissez tous les jours. Quel que soit l ’ob
blique à reconnaître que la prospérité matérielle d’un pays
jet de vos études, vous n ’avez qu’une ambition, la recherche
est, en quelque sorte, liée à l ’avenir de ces hautes éludes,
de ce qui est; et vos devoirs envers la vérité, vous les prati
qui, au premier abord, semblent réservées à une élite; ce
quez sansostentation, estimant qu’il vous suffit de les enseigner
sera de faire pénétrer dans tous les esprits celle vérité, que
aux’autres par votre exemple. Vous ne vendez pas le pain de
proclamait hier un des maîtres de la science française,
la science ; mais vous le distribuez généreusement à tous ceux
M. Berthelot, à savoir que « tous les peuples civilisés sont
qui vous le viennent demander, persuadés'que les bienfaits
« obligés, pour augmenter leur puissance, c’est-à-dire, sous
de celte science que vous représentez doivent se répandre
« peine de déclin, de maintenir, chacun chez soi, le niveau
partout et aisément, si l ’on veut qu’ un pays soit à la fois
« des connaissances théoriques au point le plus élevé. » Là
éclairé et prospère;] et vous ne ressentez pas de mesquine
encore ne se borneront ni ne s’arrêteront nos devoirs. « La
jalousie, si d’autres usent de vos découvertes, les mettent en
victoire du faible contre le fort, écrivait-on naguère au-delà
œuvre, en tirent des applications nouvelles, pourvu que la
de nos frontières, est presque tout entière dans la supério
France soit la première à profiter de ce détachement des
rité morale du premier sur le second ; » celle supériorité
biens particuliers qui vous distingue. Quand l ’enseignement
morale, nous nous efforceronsde l’établir et de la consolider
supérieur est ici placé en de telles mains, nous pouvons,
par la forte éducation des esprits, par le spectacle salutaire
T
�— 14 —
DES
RAPPORTS
Messieurs, être rassurés sur son avenir; et, pour étendre
et mieux armer cet enseignement, les villes, comme les dé
IKTELLEi-TDELS ET LITTÉRAIRES DE LA FRANCE AVEC L’ALLEMAGNE
partements, peuvent, à l ’envi, faire les plus grands sacrifi
AVANT
ces. Les laboratoires de nos professeurs, il convient de ne
1789
pas l ’oublier, sont, à leur manière, des écoles de patriotisme.
A côté de maîtres, qui, au jour du danger commun, ont
montré comment on sait, dans l ’Université, servir son pays,
les jeunes gens, qui aujourd’hui sont encore des élèves, mais
qui demain seront appelés à instruire ou à diriger leurs con
citoyens, apprennent, en effet, et c’est là le but suprême de
D IS C O U R S
P R O NO NC É
P AR
M.
C.
J OR E T
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LETTRES
la haute éducation qu’ils viennent ici chercher, c’est là, je le
répète, après les votes de vos assemblées et de vos conseils,
l’obligation qui nous incombe, apprennent à placer au-des
sus de tout les qualités qui constituent la force et la solidité
d’une démocratie, c’est-à-dire, l ’amour passionné du vrai
sous toutes ses manifestations, l ’initiative à la fois résolue et
Messieurs,
prudente, la pratique du désintéressement, et l ’habitude,
quoi qu’il en coûte, de ne jamais reculer devant l ’accomplis
sement d’un devoir.
On a fait à madame de Staël l ’honneur d’avoir révélé à la
France la littérature allemande ; c’est là une erreur dont
l’histoire mieux étudiée du X V IIIe siècle montre l ’évidente
fausseté ; bien des années avant que parut le livre célèbre
de l 'Allemagne la littérature d ’oulre-Rhin était connue,
admirée, imitée même chez nous; mais, ce qui est vrai,
jusqu’au milieu du siècle dernier, elle y fut ignorée. Comment
la France a-t-elle pu rester si longtemps étrangère à la litté
rature d’ une nation voisine, avec laquelle elle a toujours eu
des rapports politiques d ’une si grande importance? Pour
quoi, après une si longue indilférence, s’intéressa-t-elle toutà-coup à celle littérature qu’elle avait jusqu’alors dédaignée?
Il y a là un problème non encore résolu, et dont l ’étude m'a
paru digne de fixer un instant l'attention, une lacune dans
�— 17 —
l ’histoire de noire passé littéraire, qu’ il n ’est peut-être pas
inutile d’essayer de combler (1).
cette hégémonie politique à laquelle elle aspira ou qu’elle
posséda pendant des siècles.
Plus grande el plus incontestée fut alors aussi son in
I.
fluence littéraire. I/idiom e que tant de chefs-d’œuvre de
vaient illustrer était sorti bien lentement de la transfor
mation du latin, parlé dans l ’ancienne Gaule ; il fut néan
Sorties des débris d’un même em pire, sans frontières
nettement définies, la France, et l’ Allemagne étaient con
damnées à entrer fatalement en lutte, en même temps qu’à
exercer l ’ une sur l’autre une action considérable. Parvenue
la première, non seulement à se constituer, mais à former,
sous les O th o n s, une puissance redoutable, l ’Allemagne
aurait dû, il semble, devancer la France, dans la voie de la
civilisation; il en fut autrement. Tandis qu’elle s’épuisait dans
la lutte stérile du sacerdoce et de l ’ Empire, la France, toute
divisée qu’elle était en un grand nombre d’étals indépen
dants, arrivait peu à peu à la conscience de son unité comme
nation ; le sentiment d’ une grande mission à rem plir l’ani
mait ; destinée, elle le croyait, à être le champion de la
Chrétienté contre l ’Infidèle, elle entraînait à sa suite l ’ Europe
entière en Orient, exerçant déjà, malgré sa réelle faiblesse,
moins, sous sa double forme, la langue d’oc et la langue
d’oil, le premier formé des idiomes romans; le premier aussi
il servit d’organe à la poésie, qui, au A L el au X I I e siècle,
prend naissance à la fois au nord et au midi de la Loire.
Mais les chants en langue vulgaire, qu’après le silence des
premiers temps du moyen âge, firent entendre les trouba
dours et les trouvères ne restèrent pas renfermés dans
l’étroite limite des pays où ils furent composés; ils furent
redits, récités bien au-delà des frontières de la France, dans
les châteaux de la Castille et de l ’Aragon, sur les places pu
bliques ou dans les théâtres de la Lombardie et de la Tos
cane, devant les fils des conquérants de l’ Angleterre, ainsi
que dans les cours féodales des bords du R hin et de la
Souabe, enfin jusque dans la Grèce, conquise par les Croisés,
et sous le sombre ciel des Scandinaves (IL Mais nulle part
ils ne furent accueillis avec plus de faveur qu’en Allemagne.
L’Allemagne avait cependant alors, — cequi manquait aux
(1)
Dans son Histoire des Idées littéraires au X IX ' siècle et de
leurs origines dans les siècles antérieurs, Alfred Michicls a consacré
sept pages du chapitre xui à l’élude de la littérature allemande en
France au XVIIIe siècle ; mais l’examen qu’il en a fait, superficiel et
incomplet,indique à peine quelques-uns des faits les plus curieux de
l'influence allemande au siècle dernier. — Dr. F. H. Otto NVcddingen
dans la Geschihle der Einwirkungen der dcutsclicn Lilteralur auf
die Lilteralur der übrigen europœischen hullurvœlker der Neuzeil
(Leipzig, in-12, 1882), a été encore plus incomplet; deux pages à
peine lui suffisent pour indiquer les rapports littéraires de la France
et de l'Allemagne avant la Révolution.
nations de race latine, la France exceptée, — une poésie épi
que, non moins admirable par la profondeur des concep
tions que nationale par les souvenirs qu elle rappelait, elle la
dédaigna pourtant ou du moins elle lui préféra les fictions
de nos trouvères; les chansons de gestes si nombreuses du
(i) Le Clerc, Discours sur l ’état des lettres, etc., au X IF siècle
Paris, 187-4, iu-8, il, 20. — Fauchel : liecveil de l'origine de la lan
gue et poésie françoise, ry nu et romans. Paris, 1581. in-4, p 41.
�— lô -
— 19 —
cycle carolingien, comme les épopées chevaleresques du
la France, comme celle de la décadence politique (1); une
cycle d’ Arthur et du Saint-Graal, les romans d’Alexandre et
poésie recherchée,
de la guerre de Troie, furent traduits, imités ou remaniés
originale des âges précédents ; mais la décadence politique
par les plus grands poètes de l’ Allemagne contemporaine ;
et littéraire de l ’Allemagne fut encore plus grande; comment
mais, — et à cette ignorance des choses de l ’étranger on
aurait-elle pu [exercer maintenant sur la France une in
reconnaît un trait de notre caractère national, — tandis que
fluence quelle n’avait pas eue aux temps les plus brillants
les chants de nos trouvères étaient ainsi refaits et admirés en
de son histoire? La Réforme elle-même, qui eut l ’Allema
Allemagne, les chants que les minnesœnger, ces trouvères
gne pour berceau, ne changea rien à cet état de choses;
germaniques, redirent ou composèrent, restèrent toujours
ce furent bien des Allemands, il est vrai, professeurs ou élè
inconnus en France. L ’ Allemagne b rilla it cependant alors
ves de nos universités, qui en répandirent legerme en France,
conventionnelle,
succéda à la poésie
d’ un éclat assez vif pour fixer les regards; les Hohenslaufen
mais elle n’y prit vraiment racine qu’en devenant française
avaient assis leur domination sur les deux versants du Jura
avec Calvin; les écrits des polémistes d’outre-Rhin ne fu
et des Alpes; la Bourgogne, l ’ancien royaume d’ Arles, la
rent connus en France qu’autant qu’ils étaient en latin ;
Lombardie reconnaissaient leur suzeraineté; toutefois, celle
Luther même y resta presque sans action, tandis que les
puissance redoutable qu’ils avaient donnée à leur patrie ne
doctrines de Calvin furent accueillies avec faveur dans les
put rendre nos poètes curieux de sa littérature ; plusieurs
provinces occidentales de l ’Allemagne et pénétrèrent jusqu’à
visitèrent la cour des puissants empereurs, mais sans appren
la cour de Brandebourg. C ’est là ce qui explique l ’intérêt
dre la langue qui s’y parlait ou se demander quelles œuvres
que les princes allemands prirent aux guerres de religion,
elle pouvait bien avoir produites. Alors et encore bien long
qui désolèrent la France pendant la seconde moitié du XVI*
temps après la France ne connut de l ’ Allemagne que ce qui
siècle.
était écrit en latin, dans celle langue universelle, la seule
qu’employât la science du temps, la seule aussi dans la
quelle se donnait l ’enseignement des écoles, en particulier
dans celte université de Paris, dont 1’inlluence fut si grande
pendant tout le moyen âge (1) et survécut meme à celle
de notre ancienne littérature.
L ’époque de la décadence littéraire vint, en effet, pour
Le zèle religieux toutefois ne fut pas le seul mobile qui
les anima; quand les Guises et le prince de Coudé allèrent
chercher des secours en Allemagne, ce fut encore moins sui
tes sympathies de coreligionnaires qu’ ils comptaient que sur
l’ardeur militaire ou l’amour du butin de soldats accoutumés
à servir dans les armées françaises. Comme les Suisses, les
Allemands y entrèrent en foule depuis la fin du XV* siècle ,
ce furent les mercenaires enrôlés en Allemagne qui sauvè-
(1)
o L’université de Paris alors presque unique pour la théo
logie estoit encore très fameuse en toutes autres sciences, lesquelles
invitaient les «Etrangers à y venir apprendre les lettres latiues. » Fauchet : op. cil. p. 46.
(1) « Celle langue que j’appelle Françoise fui jadis plus prisee
qu’elle n'esl, à cause des victoires de nos rois eslendues plu^ loin
que maintenant. » Fauchel : op. cil., p. 39.
�çais. Commines connaît déjà celui de lansquenet (1); les reirent l'armée de Charles VIII à Fornoue(l); François Ier trouva
tres, ces
en eux des auxiliaires précieux, dans sa lutte contre Charles
Quint, et c’est à l ’alliance
Empistolés au visage noirci,
des protestants d ’oulre-Rhin,
qu’Henri 11 fat redevable de la conquête des trois évêchés.
Mais c’est surtout dans les guerres de religion qui rempli
rent le règne des derniers Valois, que les mercenaires venus
d’ Allemagne jouèrent un rôle considérable ; catholiques et
protestants réclamèrent à la fois leur assistance; on en trouve
également dans les armées des deux partis; les lansquenets
protestants de MansfelJ furent écrasés à Montconlour, mais
le rhingrave et le margrave de Bade, chefs des auxiliaires
catholiques, y furent tués. Sans 1 intervention des princes
allemands, les guerres civiles des dernières années du XVI*
siècle n’eussent été ni aussi longues, ni sans doute aussi san
glantes ; avec Elisabeth d’Angleterre et Philippe II, ils furent,
à celte époque troublée, les vrais arbitres de la France.
On pourrait croire, en présence de l ’action puissante que
la poliliqueou les armes de l’Allemagne exercèrent alors sur
les destinées de notre patrie, que la civilisation germanique
y lit aussi sentir d’ une manière non moins puissante son in
fluence; il n’en fut rien cependant. Sans doute dans ce con
tact prolongé des troupes françaises avec les mercenaires alle
comme les appelle le satirique Passerai, se rendirent trop
redoutables pour que leur nom ne passât pas pour toujours
dans notre langue, et tout ce qui se rapporte à la rude
manière de vivre des soldats allemands, à leurs exigences
inflexibles ou à leur métier, les Mémoires de l ’époque le
désignent par des mots
empruntés à leur idiome; ces
mots ont disparu pour la plupart (2), mais quelques-uns
ont été conservés jusqu’à nos jours, comme trinquer (trinken) que Rabelais emploie déjà, mais encore dans son sens
étymologique de « boire » ; tel que boulevard (bolwerk),
blocus (blockhus), peut-être bivouac (beiwache) et d’autres
semblables. Le nom huguenot lui-même est d’origine ger
manique (3).
C’est à l ’adoption de ces quelques vocables toutefois que
se borna l ’influence allemande en France au X V Ie siècle, tan
dis que l’influence française, favorisée par les progrès de la
religion réformée, se fait partout sentir en Allemagne. En
s’y répandant, les disciples de Calvin y portèrent, avec notre
mands, la langue de ces alliés nécessaires cessa d’être sinon
étrangère, du moins dédaignée en France; on pensa même
qu’il pourrait être d’utile de la connaître ; Jean de Saulx
Tavannes raconte (2) qu’à l ’àge de 1 1 ans, il fut, envoyé
avec son frère en Allemagne pour apprendre la langue du
pays, et plus d’ un mot allemand pénétra alors dans le fran-
(1) Commines, Mémoires, n, 453, Ed. Dupont.
(2) Mémoires de Gaspard de Saulx-Tavannes, ed. Poujoulat,
p. 267, a. 1568.
(1) « Lancequenetz », Mémoires, ii , 506. Ed. Dupont.
(2) Par exemple branschallcr (brandschatzen), Siège de Met:, 5, 8 ;
btslallong (Bestalluug), arigell (Anriltgeld) dans Castelnau avec Morgensuppe et faire hall ; schlaflroncg, schlafron « chambre à cou
cher, » Mém. de Yieilleville, etc.
(3) « La véritable souree de ce non», dit de Saulx-Tavannes
(Mém., 292), nous vient de Suisse, de l’état populaire et rébellion
contre la maison d’Autriche, dont les premiers associes usèrent de ce
mot allemand (eid, genosen) ; le mol eid signifie foy et genosen, asso
ciez et tels se sont nommés. »
�-
23 —
langue, le goiït de notre civilisation; déjà à cette époque on
(es un instrument docile; aucun grand objet d’ailleurs ne les
parle français dans les cours princières des bords du Rhin:
inspire et la satire presque seule, avec le drame populaire,
c’est en français que Jean Casimir, ce condottiere célèbre
fleurit en Allemagne dans cet âge de transition ; mais Fischart
des guerres de religion, écrivit ses mémoires, et les fils des
le plus célèbre des satiriques allemands du siècle n’a fait bien
maisons souveraines d’ Allemagne commencent dès lors à se
souvent qu’imiter Rabelais; comment les compatriotes de ce
rendre en France pour achever leurs éludes ou compléter
dernier auraient-ils pu être curieux de lire ses ouvrages?
leur éducation. Ils n’étaient pas les premiers à y venir ; au
Quelques livres populaires, comme la sombre légende de
temps de sa splendeur, l’Université de Paris avait compté,
Faust, traduite à la fin du siècle par Palma Cayet (1), l ’ his
parmi ses élèves, bien des jeunes Allemands; ils lui restèrent
toire symbolique du J u if
Errant (2) ou les gaies aven
fidèles au temps de sa décadence ; ils revinrent en plus grand
tures de Till
nombre visiter nos écoles vivifiées par l ’esprit de la Renais
voilà tout ce que la France emprunta alors à l’Allemagne:
sance; Reuehlin apprit à Paris le grec qu’il devait, avant de
d’œuvre d’un caractère vraiment littéraire elle n’en con
Eulenspiegel
apportées
des Pays-Bas (3),
retourner en Allemagne, enseigner à Orléans et à Bour
nut qu’une, la N e f des Fous de Sébastian Brant (4); mais
ges (I), et, au plus fort de la guerre civile, le célèbre juris
celle « satire divine, » comme l ’appelle un traducteur, ne
consulte Freher vint en France, recevoir le bonnet de doc
dut sa réputation et sa rapide dilTusion de ce côté-ci des Vos
teur des mains du grand Cujas (1485). (2).
ges qu'à cette circonstance, — caractéristique du goût de
Cet attrait puissant que la France exerçait ainsi sur l’Alle
l'époque et de l ’ indifférence qu’inspirait encore la littérature
magne se révèle par l ’intérêt qu’on y portait à notre littéra
germanique, — c’est qu’elle fut, au lendemain de sa publi
ture; ce n’est pas qu’elle se recommandât alors, — si l’on
cation, traduite en latin et avait par là, en quelque sorte,
excepte Rabelais et Montaigne, J— par son originalité ou sa
cessé d’être allemande.
grandeur : la poésie du temps n’est guère qu’ une poésie d’imi
Aiusi à la tin du siècle de la Réforme, la France en réa
tation, sans profondeur et sans caractère national; mais elle
lité ne savait encore rien de la littérature allemande ; elle ne
se réclame de l’ antiquité et à ce litre elle se recommande
devait pas chercher à la connaître davantage au siècle sui-
déjà aux yeux des fils de la Renaissance; d’ailleurs elle se
montre facile, aisée, harmonieuse même parfois, digne en
fin d’ un idiome qui achève de se former. Que la poésie alle
mande était loin alors d’avoir ces qualités I En vain Luther a
fixé la langue de sa patrie ; dédaignée par les savants, cette
langue sera de longues années encore avant d’o iïrir aux poè-
(1) Biographie universelle. Art. Reuehlin.
(2) Gazette littéraire de l'Europe ( 1T64-1766;, u, 359.
(1) L'Histoire prodigieuse et lamentable du docteur Fauste, avec
sa mort espouvanlable, in-8, Paris, 1598.
(2) Gaston Paris : Le Juif-E rrant, p. 1 1. (Extrait de YEncyclo
pédie des sciences religieuses).
(3) Il est à peine besoin de rappeler que notre mot espiègle est
une corruplion d’Eulenspiegel.
(4) Charles Schmidt: Histoire littéraire de l’Alsace à la fin du
JP et au commencement du A T / siècle. Paris, 1879, i, 313. Cf. G.
Brunet: La France littéraire au AT siècle, Paris, 1863, in-8.
�-
— 24 —
25 —
vant, où le sentiment de sa grandeur politique la rendit si
guerrecivile.de l ’ Espagne et de l ’Autriche humiliées, elle
insoucieuse de tout ce qui se faisait à l’ étranger. L ’abaisse
était déjà la puissance la plus redoutable du continent; la
ment de l ’Allemagne pendant celle période explique, s’il ne
paix des Pyrénées et les traités qui la suivirent mirent le
suflit pas à la justifier entièrement, la dédaigneuse indiffé
sceau à sa grandeur. La Restauration avait soumis l ’Angle
rence que la France eut alors pour la littérature et la civili
terre à son influence, l ’établissement de la ligue du Rhin
sation germaniques.
lui livra l’Allemagne; les alliances qu’il conclut avec ses
princes, les subsides ou les pensions qu’il leur payait, en
II.
firent pour longtemps les clients de Louis XIV (I). L ’inva
sion de la Hollande et l ’équilibre européen menacé suscitè
La guerre de trente ans a été pour l ’Allemagne l’époque la
plus funeste de son histoire; déchirée de ses propres mains,
envahie tour à tour par les armées du Danemarck, delà
Suède et de la France, elle sortit de celte lutte terrible san
rent, il est vrai, contre le grand roi une coalition formida
ble, mais il en triompha : la Franche-Comté asservie et con
servée, ses ennemis partout vaincus portèrent à son comble la
puissance de la France et elle fut vraiment alors l’arbitre de
glante et épuisée; la moitié, les deux tiers peut-être, de sa
l’Europe. Si elle l ’était par les armes et dans le domaine po
population avait p é ri; ses villes les plus opulentes étaient
litique, elle ne le fut pas moins dans le domaine des idées,
dévastées, d’ innorabrales villages avaient été détruits, quel
par l’éclat que jeta alors sa littérature et sa civilisation.
ques-uns pour toujours; ses habitants, endurcis par le spec
Celle hégémonie intellectuelle qu’elle avait exercée au
tacle de tant de désastres, étaient presque retournés à la bar
moyen âge, mais qu’elle avait perdue plus tard, la France la
barie ; les études étaient délaissées ou avilies dans ses uni
ressaisit alors et la garda plus d ’un siècle. Elle avait, depuis
versités dégénérées; les arts qui avaient fleuri au X V I' siè
les guerres de Louis XII et de François P r au-delà des Alpe>,
cle avaient disparu et la poésie, sans attache avec la nation
subi l’influence de l ’Italie; elle subit bientôt aussi l’influence
et vaine occupation de quelques esprits oisifs ou frivoles, ne
non moins grande de l ’ Espagne, dont la puissance politique
fut guère qu’ un pastiche grossier de la littérature des nations
fit si longtemps échec à la sienne. Cette manière recherchée
voisines (I). Quel spectacle dilférenl oiïre alors l’état politi
et précieuse de penser et d’écrire qui prit alors naissance à
que, social et intellectuel de la France !
la fois dans les deux péninsules, ce style cultivé, dont Gon-
Le traité de W eslphalie qui consacrait l’abaissement de
goraet Marini furent les créateurs et les modèles, fut accueilli
l’ Allemagne jeta les bases de la grandeur politique de la
dans la patrie de Montaigne et de Rabelais; Malherbe lu i-
France; follement
même y sacrifia à ses débuts, l ’ hôtel de Rambouillet en fut
organisée en
présence de l’Allema
gne affaiblie et divisée, de l ’Angleterre déchirée par la
(1) Karl Hillcbrand : S ix lectures on tlie hislorxjof german ihoutjht.
London, in-12, 1880, p. 40 et suivantes.
(i)
Mignet: La succession d'Espagne, in-4, 1843, n, p. 13. Valfrey : Hugues de Lionne, sts ambassades en Espagne et en Allema
gne, Paris, in-8, 1882, p. 69 el suivantes,
�-
%
—
comme le sanctuaire longtemps inviolable et, pendant près
d’un tiers de siècle, nos écrivains n ’en connurent guère d’au
tre. Mais l'Espagne ne fut pas seulemenl la patrie du cul
tisme, — c’est le nom qu’y prit le style précieux, — elle
donna naissance à un genre nouveau, adopté bientôt par toutes
les littératures : le roman picaresque ; elle fut aussi, et'cela
suffirait à sa gloire, le berceau d’ une poésie dramatique ad
mirable entre toutes, et qui, s’ il lui manque l ’étonnante pro
fondeur de Shakespeare, par sa richesse et la fécondité de
ses inventions, par son caractère éminemment national, ne
peut être comparée qu’à la tragédie grecque. Ce drame pé
nétra alors en France comme dans les autres contrées de
l’ Europe; dans l ’ indigence où l ’oubli des traditions du passé
les avait laissés, il fournit longtemps à nos poètes les sujets
qui leur faisaient défaut et suscita le génie de Corneille.
C’est le prélude du développement littéraire qui marqua
en Fiance la seconde moitié du XVII* siècle, de celle école
classique dont Boileau fut le législateur et Racine le repré
sentant le plus b rilla n t; il est vrai, il manque à celle poésie
une originalité profonde, il lui manque aussi d’être vraiment
nationale ; mais ce fut cela même, avec le costume pseudo
antique dont elle se revêtit, qui fil sa fortune à l’étranger;
elle allait bientôt se répandre chez toutes les nations voisi
bientôt, chez tous les peuples de l ’Europe, la langue de la hante
société; les savants eux-mêmes l ’adoptèrent et chaque jour
vit s’étendre son domaine. Depuis ces temps reculés, — la
remarquées! de l ’ historien Philippson, — où la civilisation
gréco-romaine s’imposa à toutes les nations de l ’ancien monde,
jamais peuple n ’avait exercé une influence aussi considéra
ble; des rivages de l'Espagne et du Portugal à ceux de la
Suède et de la Norvège, de l ’Angleterre jusqu’en Bohême, en
Pologne, et bientôt jusqu’au fond de la Russie, notre langue,
notre manière de penser, notre littérature furent acceptées
et firent loi (1). De toutes parts les regards se tournaient
vers la France comme vers un foyer de lumière, de toutes
parts on s’accoutuma à y venir chercher les règles du bon
goût (2); Paris et Versailles, la capitale intellectuelle et la
capitale politique de la France, furent considérés comme le
centre du monde ; c’était de Versailles que parlaient les ordres
qui faisaient le destin de l ’ Europe ; là régnait « cetautre Char
lemagne, » comme l ’appelle Leibnitz (3), destiné à être le
protecteur de l ’ Allemagne contre les dangers qui la mena
çaient ; » c’était à Paris que naissaient ces chefs-d’œuvre
qui faisaient l’admiration des esprits cultivés danst l ’Europe
entière; en se rendant en France l ’étranger croyait venir
dans sa patrie véritable, et le Français en visitant les gran
nes, chez celles mêmes dont le génie semblait le plus opposé
des villes de l ’étranger, y retrouvait partout une image de sa
au génie français; elle devait faire oublier ou dédaigner
patrie, mais une image affaiblie, qui lui donnait le sentiment
Shakespeare dans sa propre patrie et pendant de longues
années elle sera le seul modèle que reconnaîtront les écri
vains allemands.
En même temps que notre littérature, l’étranger adopta
nos modes, nos usages, notre idiome; depuis le traité de
Weslphalie, le dernier dont l ’instrument fut rédigé en latin,
le français était devenu la langue de la diplomatie; il fut
(1) « Nous avons fait par les lettres ce que les Romains n’avaient
pu faire que par les armes; la langue française est enûn devenue
celle de l’Europe. » Journal étranger, nov. 173f>, p. 5.
(2) Philippson : Dax Zeilaltcr Ludirigs des 27 F1*", p.207.
(3) Hetlner : Literalurgeschiehte des aehtzehnlen fahrhunderls.
m, 1, p. 18.
�— 28 —
et la conscience de sa supériorité (1) : comment n ’eùt-il
lement déchoir ; enivré de ses victoires, le grand roi ne sut
pas dédaigné l ’idiome de nations qui parlaient sa langue, les
respecter ni les droits, ni l ’indépendance ou la dignité de ses
écrivains de peuples à qui l ’admiration de la littérature fran
voisins; comme autrefois Philippe II, il se fit l’adversaire de
çaise faisait oublier ou dédaigner leur propre littérature?
la liberté religieuse; comme Philippe II, il fut vaincu et la
C’est surtout en Allemagne qu’ il en fut ainsi; quelque
grande qu’ait été l ’influence de la civilisation française dans
les autres contrées de l ’Europe, nulle part elle se ne fit sen
tir avec autant de force qu’au-delà du R h in ; l ’imitation de
la France fut comme un besoin, une seconde nature de l’Alle
mand du XVII® siècle ; elle lui fit mépriser les mœurs, les usa
ges de sa propre patrie; les écrits du temps sont pleins de
protestations indignées contre cette mode funeste. « Si l’on
pouvait ouvrir le cœur de l ’un de nos petits-maîtres épris des
nouveautés étrangères, dit un satirique contemporain (2),
on y reconnaîtrait à première vue que cinq huitièmes en
sont français, un huitième espagnol, un huitième italien et à
peine un huitième allemand. » Et Leibnitz s’indigne contre
ces jeunes nobles qui, dit-il (3), « pleins d’admiration pour
tout ce qui est français, n’ont que dégoût pour la langue et
les mœurs de leur patrie et contribuent ainsi eux-mêmes à
France avec lui. Cette défaite toutefois fut loin de mettre fin
à l’influence française à l ’étranger, et les persécutions con
tre les dissidents qui marquèrent les dernières années du
règne de Louis X IV devaient même bien plutôt contribuer à
l’accroître. En allant chercher un asile dans les pays protes
tants, les réfugiés y portèrent avec eux l ’industrie, les arts et
le renom de leur patrie (I). Les revues françaises qu’ils y
fondèrent firent encore mieux connaître notre langue et no
tre littérature au-delà de nos frontières, et grâce à elles,
notre idiome devint comme l ’organe universel et partout
accepté de la pensée européenne (2). Depuis leur établisse
ment Berlin fut une v ille presque française, et quand Fré
déric II eut reconstitué l ’Académie des sciences, fondée par
Leibnitz sur le modèle de la nôtre, ce fut un Français, Mauperluis, qui en fut président et ce fut en vers français qu’un
autre Français, Francheville, célébra cet heureux évène
la faire mépriser. » Ces plaintes et ces protestations devaient
ment (3). Pourrait-on s’étonner après cela du règne per
rester stériles et elles furent impuissantes à entraver l’in
sistant en Allemagne de notre civilisation et du peu de souci,
fluence de la France; cette influence irrésistible devait se
quand notre langue y était ainsi parlée, qu’on mettait en
faire sentir en Allemagne bien longtemps encore, et elle y
France à étudier l ’allem and? « N ’allez pas croire, écrit Vol
survivra à la grandeur politique de notre pays.
taire à son ami d’Argenlal au mois de novembre 1750 (4),
Le moment vint où la puissance de Louis X IV devait fata(1) Phiüppson : op. cil. p. 208.
(2) Moscherosch, Gesiclile des Philander von Sittewald, cité par
Grucker (Histoire des doctrines littéraires et esthétiques en Allema
gne, Paris, 1883. p. 68).
(3) Unvorgreifliche Gedanken, par. 26.
(1) « Les colonies de nos concitoyens qui se sont établies par
milliers dans les différentes contrées de l'Allemagne y ont porté nos
usages, nos goûts, la connaissance de nos bons livres. » Hérissant :
Observations historiques sur la littérature allemande, p. 216.
(2) Hcrder : Adraslea [Zur philosophie und geschichle, xi, 79).
(3) Chr. Barlholmess : Histoire philosophique de VAcadémie de
Prusse, i, 158.
(4) Lettre du 28 novembre, datée de Postdam.
�34 que j ’apprenne sérieusement la langue tudesque ; je me
borne prudemment à savoir ce qu’ il en faut pour parlera
III.
mes gens et à mes chevaux. » Et dans une lettre écrite un
mois auparavant (1): « Je me trouve ici en France, dit-il,
on ne parle qne notre la n g u e .. . En qualité de bon patriote,
Jusque là les nations romanes seules avaient été les initia
je suis un peu flatté de voir ce petit hommage qu’on rend à
trices de la civilisation européenne ; la France à deux repri
notre patrie à trois cents lieues de Paris. » « La langue qu’on
ses, l’Ilalie et l ’ Espagne en avaient eu successivement la
parle lemoins à la cour, écrivait-il au mois d’août à un autre
direction; le moment est venu où les peuples de race germa
correspondant (2), c’est l ’allemand. Je n’ en ai pas encore
nique en seront à leu/’ (ourles promoteurs ou contribueront
entendu prononcer un mot. Notre langue et nos belles-let
du moins à ses progrès. La poésie anglaise était arrivée, sous
tres ont fait plus de conquêtes que Charlemagne. »
le règne d’Elisabeth, surtout dans le genre dramatique, à une
Nous avons là un témoignage saisissant et irrécusable de
hauteur que n ’avait encore atteint celle d ’aucun peuple mo
l ’influence que la langue et la littérature françaises exer
derne; mais toute admirable qu’elle est, celle poésie était
çaient en Allemagne au milieu du X V IIIe siècle. Le temps des
restée inconnue au reste de l ’Europe, et bientôt même, au
grands écrivains qui avaient illustré le règne de Louis XIV
milieu des troubles de la Révolution, elle avait été proscrite
était bien loin cependant; leurs successeurs n’avaient pas su
ou oubliée ; il n ’en fut pas de même de la philosophie qui
maintenir la poésie à la hauteur où ils l ’avaient portée, et
prit naissance en Angleterre vers la même époque ; fondée
bientôt même les doctrines classiques, attaquées de toutes
par Bacon, développée à la lin du siècle par Locke, illustrée
parts, allaient, en Allemagne du moins, tomber dans un décri
par les découvertes d ’un Newton, elle allait transformer ou
profond ; comment expliquer alors ce culte dont les lettres
plutôt créer la science moderne et lui ouvrir ces horizons
françaises continuaient d’ être l ’objet à l ’étranger, celle faveur
immenses dont elle est loin d’avoir atteint les dernières
ininterrompue que notre littérature conservait malgré sa
limites; c’en était fait des conceptions cosmogoniques de
décadence incontestable ? La raison en est dans le caractère
l’antiquité et du moyen âge ; la théorie de la gravitation,
même qu’elle prit à celle époque; le temps de sa perfection
complétant ou confirmant les découvertes de Képler et de
était passé sans doute, celui de son rôle politique commence ;
Galilée, la mettait à néant ; la terre cessait d’être le centre
il assurera à la France une influence plus grande encore que
du monde, mais l ’homme n ’en était pas moins grand, puis
celle qu’elle avait exercée dans Page précédent ; mais celte
que l’expérience offrait à l ’activité de son génie un champ
influence elle la partagea avec l ’Angleterre et elle lui en fut
vraiment illim ité.
redevable.
Par ces vérités que renfermait ou que proclamait la phi
losophie nouvelle, l ’Angleterre ne pouvait manquer d’exer
(1) Lettre du 24 octobre, au marquis de Thibouville, datée de
Postdara.
(2) Lettre du 24 août à Mme Denis, datée de Berlin.
cer une action considérable sur la marche de la civilisation
moderne; mais c’était à la condition qu’elles fussent connues
�sur le continent ; or la langue dans laquelle elles étaient
fluence de la philosophie anglaise ; mais c’est à eux que cette
exprimées n ’était ni assez répandue, ni assez étudiée pour
philosophie fut redevable de l ’accueil qu elle reçut sur le
qu’il en fût ainsi; la littérature anglaise elle-même n’était
continent; ce furent les disciples qu’elle compta chez nous
guère alors qu’ une littérature d’ imitation ; une des premières
qui la firent connaître du reste de l ’ Europe. La France, suivant
elle avait pris pour modèles les grands écrivains français
l’expression pittoresque de Macaulay, fut comme l’Aaron de
du siècle de Louis X IV , et dans la patrie de Shakespeare
la révélation scientifique dont l ’Angleterre avait été le Moïse;
dédaigné s’ était fondée une école de poètes qui reconaissaient
elle lui servit d ’interprète auprès des autres nations (1). En
dans Boileau un maître et un législateur. Celte docilité, que
traduisant, en développant dans leur langue connue de tous
Pope, tout en donnant l ’exemple, a voulu contester (1), celte
la doctrine des philosophes anglais, nos écrivains la rendirent
imitation de l’ étranger qui rabaissait en réalité la littérature
aussi accessible à tous ; ils firent entrer dans le domaine pu
anglaise, fut pourtant ce qui contribua à là faire accepter sur
le continent; mais si elle devait bientôt y trouver un accueil
empressé, ce n’est pas elle cependant qui assura à l’Angle
terre une part dans les progrès de la civilisation européenne,
mais les théories de ses savants et de ses philosophes ; elles
allaient enfin sortir des bornes étroites de l'île où elles
avaient pris naissance.
et de justice, érigées d’abord en système en Angleterre, et,
avec celle logique inflexible propre à notre race, ils en tirè
rent les dernières conséquences. C’est là ce qui explique l ’im
mense faveur dont jouirent, non seulement en France, mais
dans l’Europe entière, les écrivains du parti philosophique;
grâce à eux la France, au m ilieu de sa décadence politique,
Comme par un instinct secret, nos grands écrivains du
X V IIIe siècle, depuis Bufion et Voltaire jusqu’à Montesquieu
et Rousseau, se sentirent de bonne heure attirés vers l’An
gleterre ; on sait quelle influence le séjour qu’y fil Voltaire
eut sur sa manière de penser; Montesquieu y vint étudier les
principes du gouvernement représentatif; Mauperluis et
Bufion les avaient devancés ou suivis ; si Rousseau n’alla
point y chercher les doctrines sur le gouvernement et l’édu
cation dont il se fit le propagateur et l ’apôtre, il en puisa du
moins les éléments premiers dans les ouvrages de Locke.
Ainsi partout chez nos écrivains on retrouve maintenant l’in-
f1)
blic les maximes de liberté civile et religieuse, de tolérance
We, brave Britons foreign laws despised,
Fierce for lhe liberlies of wil.
Essay on crilicism, v. 715.
conserva cette royauté intellectuelle qu’elle avait, dans l ’âge
précédent, due à sa grandeur littéraire.
Celte influence philosophique que la France exerça désor
mais se fit sentir successivement chez tous les peuples, dan
l’Angleterre même, berceau de la rénovation scientifique et
sociale dont la France se faisait à son tour l ’initiatrice, mais
avant tout en Allemagne, où depuis un siècle notre langue,
notre littérature dominaient sans obstacle. De même que la
France avait son « siècle de lumières », l ’Allemagne eut son
Aufklœrung ; W ieland en fut le représentant, comme en Vols
(1)
« The literalure of France lias been to ours whatAaron was to
Moses, lhe exposilor of gréai trulhs which would else hâve perished
forwant of a voice, to ulter ihem wilh dislinciness. » Critical and
hislorical essays ; éd. Tauchnilz, u . 184. (Article sur les Lellers of
Walpole).
3
�-
34 -
taire, auquel on l'a comparé, s’est personnifié le premier.
ses efforts, et il lui fut donné de ramener la poésie alle
Toutefois les doctrines nouvelles ne s’établirent pas sans
mande à ses sources nationales, tandis que Winckelmann lui
opposition de l ’autre côté du R h in ; elles entrèrent bientôt
offrait dans l ’antiquité révélée ou mieux connue les modèles
en lutte avec le piétisme, qui, battu d’abord en brèche,
incomparables qu’elle devait aspirer à atteindre et à imiter.
trouva enfin dans Klopslock un poète qui s’en fit l ’interprète
Déjà Klopstock et W ieland, chacun dans une voie diffé
et le champion convaincu : rivalité féconde qui devait servir
rente, avaient montré que l ’Allemagne pouvait, elle aussi,
au développement de la littérature allemande. Le moment
produire des chefs-d’œuvre et rivaliser enfin, dans le do
approchait où cette littérature allait à son tour prendre place
maine littéraire, avec les nations voisines. Sa poésie disputera
parmi les grandes littératures de l ’ Europe moderne.
le premier rang à la leur, quand avec Herder, Gœlhe et
A Gotlsched revient l ’ honneur d’avoir le premier essayé
Schiller, ces représentants d ’une génération plus grande que
de la tirer de son abaissement ; disciple et admirateur des
celle qui avait précédé,
écrivains français de l ’école classique il crut que la littérature
point de développement. Klopstock, Wieland et Lessing ont
elle aura atteint à son plus haut
de son pays ne pouvait se relever ou se fonder qu’en les
écrit leurs œuvres les plus importantes de 1750 à 1770;
im itant; ce point de vue étroit, sans doute, devait lui sus
c’est un peu avant cette seconde date que Herder publia ses
citer de nombreux contradicteurs, et en face de lui s’éleva
premiers ouvrages de critique, un peu après que Gœthe fit
une école rivale, qui ne montra peut-être pas plus d’origi
nalité créative mais qui fut mieux inspirée, en cherchant ses
modèles dans la littérature anglaise; Goltsched n’en inaugure
pas moins dans l ’ histoire des lettres en Allemagne une ère
nouvelle ; c’ est de lui véritablement que date l’avénement de
la littérature allemande moderne ; c’est lu i qui, en groupant
antour de sa chaire à Leipzig les jeunes talents dui jour,
fonda la première école poétique dont la réputation ne devait
pas s’effacer; ce fut lu i encore qui, en essayant de créer un
théâtre national dans sa patrie, prépara la voie à Lessing.
Celui-ci, il est vrai, devait avoir une vue bien autrement
nette que Gotlsched des conditions dans lesquelles il fallait
régénérer la scène allemande ; presque dès ses débuts, il se
donna la lâche patriotique d’affranchir de l’infiuence étran
gère la littérature de son pays et il entreprit contre l’ccole
classique celte guerre sans merci oii ses qualités de critique
se montrèrent à un degré si ém inent; le succès couronna
ses débuts comme poète ; plein de dédain pour les théories
classiques, admirateur enthousiaste du théâtre de Shakes
peare, à la connaissance duquel Herder l ’avait initié, Gœlhe
allait donner à l ’Allemagne celle poésie nationale à la fois
et originale qu'elle ignorait depuis le moyen âge; Sch iller
devait continuer son œuvre, et l ’union des deux grands
poètes, associés, vers la fin du siècle, dans un effort commun,
allait achever de porter la littérature allemande à son plus
haut degré de grandeur et de perfection.
Il était impossible qu’ un développement littéraire aussi
rapide et aussi m erveilleux restât inconnu des autres peuples
de l’Europe, il en fut aussi tout, autrement.
Bien avant
que Gœlhe et S ch ille r eussent paru, la littérature allemande
avait déjà fixé l’attention des nations voisines, en particulier
de la France. L ’ heure était favorable. Le mépris ou le dédain
qu’avait inspiré si longtemps la littérature germanique à
l’étranger tenait, sans doute, à son peu de valeur poétique;
�— 37 —
— 36 —
il tenait encore pins peut-être à la situation de dépendance
ou d’ infériorité dans laquelle se trouvait alors l ’Allemagne
vis-à-vis des autres peuples de l ’ Europe occidentale. 11 n’en
était plus de même aujourd’ hui; un état, petit encore, mais
singulièrement ambitieux, allait la relever de son abaisse
ment: c’était le Brandebourg. La politique habile de ses
ducs, au m ilieu de la rivalité de la France et de l’Autriche,
affermit leur puissance ; l'un deux avait même, au commen
cernent du siècle, mis sur sa tête la couronne royale, invitant,
en quelque sorte, par ce signe de « vaine grandeur » — le
mot est de Frédéric II, — ses successeurs à oser davantage (1).
Cet appel fut entendu : à peine monté sur le trône, le petit,
fils du premier roi de Prusse ne songea qu’ à agrandir ses
humain qui lui manquait encore ; et c’est ainsi que, malgré
son mépris pour la langue de son pays, malgré son dédain
suprême pour ses écrivains, l ’ami de Voltaire fil plus pour
relever la littérature allemande que ne l ’aurait su faire le
protecteur le plus zélé, s’il n ’eut été qu’un prince faible et
impuissant. Ce n’est donc pas par une coïncidence purement
fortuite que le développement littéraire si étonnant dont je
viens de parler est contemporain du règne de Frédéric II ;
il lui est dti en grande partie ; c’est à lui aussi en partie que
l’Allemagne est redevable d’avoir vu les œuvres de ses écri
vains, jusque là dédaignées, accueillies enfin, comme vingt
ans auparavant celles des écrivains anglais, avec faveur en
France.
Le rôle considérable que l ’Angleterre avait joué dans la
propres états et à soumettre à son influence les étals voisins,
guerre de la ligue d ’Augsbourg et dans celle de la succession
il devait y réussir ; les victoires qu’il remporta dans la
d’Espagne avait contribué puissamment «à appeler l ’attention
guerre de la succession d’Autriche lui assurèrent la posses
de l’Europe sur ses institutions, ses savants et enfin sur sa
sion de la Silésie ; l ’ heureuse issue de la guerre de Sept ans
littérature. Quinze ans après le traité d’ Ulrechl, Voltaire
fil de son royaume le centre politique de l ’Allemagne pro
entreprit de les faire connaître en France; tel fut le but des
testante. Mais là ne se borna pas le rôle ou l ’influence de
Lettres sur les A nglais,dont le retentissement fut si grand (I).
Frédéric, le fermeté dont il fit preuve au milieu des plus
Depuis lors l’Angleterre, ses mœurs, sa poésie furent à la
grands dangers, le courage qu’il montra en luttant, souve
mode en France (2); sa littérature devint l ’étude favorite de
rain d’un étal de trois m illions d’habitants, contre l’ Europe
quelques-uns de nos écrivains les plus connus; le fils du
coalisée, remplirent l ’Allemagne d ’adm iration; elles lui ren
grand Racine traduisit le Paradis perdu de M ilton; Pope
dirent ce qu’elle avait perdu depuis plus d’ un siècle, le sen
eut ses admirateurs et bientôt même ses imitateurs; Shakes
timent et la conscience de sa force comme nation. « Toute
peare lui-même fut traduit et pendant un demi-siècle Voltaire
poésie est vaine, dit Gœlhe, si elle ne repose sur les destinées
des peuples et de leurs chefs » ; par ses victoires, Frédéric
donna à la littérature allemande cet intérêt national et
(1 ) « Frédéric 1er, dit Frédéric II, en érigeant ta Prusse en royaume
avait, par celle vaine grandeur, mis un germe d'ambition dans sa
postérité, qui devait fructifier tôt ou lard. »
(2) Dichlung und Wahrheil, livre vin.
(1) Lettres sur les Anglais ou lettres philosophiques. Paris, 1732.
(2) « Lorsqu’on nous cul ouvert les sources de la littérature anglaise,
dit Dorât (Idée de la poésie allemande, p. 43), il se fil bientôt une ré
volution dans la noire, le Français, qui s'échauffe aisément, n’accueillil, n'estima plus que ce qui se rapprochait du goût britannique.
Tragédie, romans, systèmes, modes, tout devint anglais. »
�essaiera de deviner l ’énigme de son génie dramatique, sans
temporain. Mais personne n’avait songé jusque-là à faire
pouvoir y réussir.
connaître en France les poètes et les écrivains que possédait
Ce qui était arrivé pour l ’Angleterre et pour sa littérature
devait arriver aussi pour la littérature allemande ; de même
alors l’Allemagne; l ’ heure vint enfin où ils allaient nous
être révélés (1).
qu’après les guerres des dernières années du règne de
Louis X IV , la France se prit d’ un intérêt croissant pour tout
IV.
ce qui venait d’Angleterre, de même après la guerre de la
Succession d’Autriche la littérature régénérée de l ’Allemagne,
jusque-là inconnue en France, y pénétra à son tour. Les savants
Au mois d’octobre 1750, celte date est mémorable dans
allemands n ’y étaient sans doute jamaisrestésinconnus. Leib
l’histoire des rapports littéraires de la France et de l’A lle
nitz avait, pendant la plus grande partie de sa vie, été en rela
magne, parut dans le Mercure une lettre qui retraçait à
tion avec quelques-uns des écrivains français les plus célè
grands traits l ’ histoire de la littérature allemande ; le tableau
bres de l ’époque, en particulier avec Arnaud et avec Bossuet ;
était loin d’être complet et toujours exact, mais ce n’en était
et ses œuvres étaient lues, étudiées, discutées en France, avec
pas moins une révélation inattendue; la France apprenait
non moins de curiosité qu’en Allemagne. Les écrits de Pu
enfin, ce qu’elle ne paraissait pas encore soupçonner (2),
fendorf, son contemporain, regardé depuis la publication
que l’Allemagne aussi avait une littérature digne de fixer
du Droit de la N ature d des Gens, comme l’émule et le rival
l’attention. L ’auteur de l ’article nécessairement remarqué
de Grotius (I), ne furent pas moins bien accueillis chez nous
du MercuYe n ’avait pas eu sans doute un bien grand mérite à
que ne l ’avaient été ceux du savant hollandais. Les grands
le faire, ou du moins il avait pu l ’écrire sans de grands ef
médecins qui, au commencement du X V III0 siècle, parurent
forts, car j1 était allemand : c’était le futur auteur de la
de l ’autre côté du R hin ne jouirent pas non plus d’ un moin
Correspondance littéraire, à qui ses relations puissantes v a
dre crédit en France que dans leur patrie; Stahl, l’auteur de
lurent dans la suite tant d ’ honneurs, mais qui n ’était alors
l ’animisme, y compta des disciples fervents et les ouvrages de
Hoffmann et de H aller
tirent longtemps autorité dans nos
écoles. Mais Leibnitz avait écrit surtout en français, Stahl,
H aller et Hoffmann en latin ; celle circonstance explique la
rapide diffusion de leurs doctrines en France. Si Wolff, qui
écrivit en allemand, y fut bientôt connu, le mérite en revient
au réfugié Beausobre, le vulgarisateur des théories du « plus
grand philosophe du siècle » , comme l’appelle un cond ) D’Argens ; Lettres juives, m , 507, La Haye, in-12, 17-42.
(1) Cette révélation avait, à vrai dire, été déjà faite en 1758, du
moins pour le théâtre, par Louis Riccoboni, qui avait consacré un
chapitre de ses Réflexions historiques et critiques sur les différents
théâtres de iEurope à l'examen du « théâtre germanique a. D’Ar
gens dans ses Lettres juives avait aussi en 1712 donné quelques
renseignements sur la littérature allemande; il cite en particulier
Brockcs, mais sans en connaître évidemment autre chose que le nom.
(2) « Nous ne les soupçonnions pas (les Allemands) de cultiver la
poésie et la belle littérature. » Fréron: Lettres sur quelques écrits
de ce temps, an. 1752, v, 194.
�— 41 —
— 40 —
que l ’hote assez humble du comte de Friesen ; aventurier
des Pensées sur l'im itation des Grecs de « Winckelmann », et
littéraire venu d’Allemagne, depuis moins de deux ans (1),
des Lettres sur la littérature de Lessing, ainsi que des Consi
pour tenter la fortune en France : Grim m enfin. L ’exemple
dérations sur la solitude, ouvrage de Zimmermann non en
que l ’ami de Diderot et des Encyclopédistes donnait ainsi ne
core oublié aujourd’ hui (1). La part faite dans la Nouvelle
fut pas perdu. Le temps n ’était plus d’ailleurs où l’auteur
Bibliothèque à la littérature allemande était déjà grande, on
des Lettres Juives, d’ Argens, pouvait contester aux
le voit ; elle devait l ’être bien plus encore dans les Revues
Alle
mands « le don de la poésie » (2) et où l’on avait vu en
fondées à son imitation. Dans ses Lettres su r quelques
pleine Allemagne, un
publiciste célèbre, Mauvillon (3),
écrits de ce temps, Fréron, suivant l’exemple de Formey,
leur reprocher, sans être contredit, la pauvreté de leur litté
fut un des premiers à faire connaître en France Haller,
rature ; celte littérature restaurée fera désormais leur or
« le Pope » et Gellert le « La Fontaine de l’Allemagne »,
gueil, désormais aussi elle deviendra en France un objet fa
comme il appelle ces deux poètes (2). Mais ce fut surtout le
vori d’étude, l’entretien habituel des Revues et des Jour
Journal étranger qui poursuivit l’œuvre de révélation, inau
naux qui s’y succédèrent alors si rapidement.
gurée en France par Grim m , en Allemagne dans la Biblio
La Bibliothèque germanique de B e rlin , reconstituée par
thèque de Formey. « L ’orgueilleuse ignorance de la littéra
Formey, regardait déjà comme son « but principal de répan
ture des nations voisines, dont on s’é lail, » suivant le mol de
dre dans les pays voisins la connaissance des bons livres que
Fréron (3), « piqué jusque-là », devait cesser ; le moment
l’Allemagne produit » (4), et de 1750 à 1759 elle consacra
était venu où « chaque peuple enrichi des trésors de ses ri
plusieurs articles importants à ceux qui venaient de paraître:
vaux », — c’est Grim m qui parle ainsi (4), — l ’ Europe en
le poème des Alpes de H alle r, les essais critiques et les poè
tière se trouvera plus savante et plus philosophe ». C’était
mes de Bodmer, les fables et les odes de Gellert, les Poésies
donc une revue internationale que, grâce à l’ universalité de
morales de Hagedorn, les Badinages de Gleim, etc., y fu
la langue française (5), les directeurs du Journal étranger,
rent successivement annoncés (5); on y trouve une analyse
i
Prévost et Fréron, prétendaient fonder ; leur ambition était
(1) Il est probable que Grimm dut arriver à Paris à la fin de 1748
ou tout au commencement de 1749; dans une lettre du 18 dé
cembre 1748, il annonçait à Goitsched son projet de voyage en
France, projet qui ne put guère tarder à être mis à exécution. Danzel.
Goitsched und seine /c il, 549.
(2) n i, 404 et 409. — « 11 y a trente ans, remarque Dorât en
1768 (Idée de la poésie allemande, p. 116) que la poésie allemande
était l’objet de nos plaisanteries et de nos dédains. »
(3) Lellres françaises et germaniques. . . . sur les Français el les
Allemans. Londres, 1740, p. 402.
(4) Nouvelle bibliothèque germanique, préface, année 1746.
sans doute trop haute et ils durent bientôt renoncera une
(1) Ibid, i, 122 ; v, 57 ; v u , 450 ; vin, 2,407 ; îx, 228 ; xm, 1,195 ;
xiv, 228; xvii, 302 ; xvm , 71 ; xx, 457 ; xxii, 208; xxiv, 196.
(2) Ibid., v, 194 et 211.
(3) Avertissement de Fréron, septembre 1755.
(4) Préface de Grimm, avril 1754.
(o)
Les rédacteurs reviennent à plusieurs reprises (Cf. p. 26, note I)
sur ce caractère de notre langue. « La langue française, avait déjà
dit l’abbé Goujei (Bibliothèque française, i, 4), a cei avantage sur les
autres qu'elle est aujourd'hui celle de presque toute l’Europe... elle
a pris en quelque sorte la place de la langue latine. »
�— 43 —
Mais qu’on fasse abstraction de ces défaillances on de cette
lâche au-dessus de leurs forces ; Arnaud, qui les remplaça,
ne fu i pas plus heureux ; en 1761 la publication du vaillant
journal cessa, el la Gazelle littéraire qu’Arnaud et Sicard
essayèrent de lui substituer ne devait pas vivre deux années
entières. Mais l ’œuvre qu’ils avaient entreprise ne fut pas
stérile, ni leurs efforts inutiles (1).
On peut l ’affirmer hardiment, jamais la France n’a été
aussi bien renseignée sur ce qui s’est passé en Europe dans le
monde littéraire, qu’elle le fut pendant les dix années
d'exislence de ces deux revues; elles ne purent faire naître
sans doute le « siècle glorieux de l ’ Europe entière » comme
disaient les fondateurs du Journal étranger, dans leur cosmo
politisme et leur style un peu étrange ; mais pour la première
fois elles répandirent en France le goût et la connaissance
de la littérature des nations voisines, en particulier de l’Alle
magne. On est surpris, quand on parcourt les nombreux volu
mes du Journal étranger de la richesse d’ information qu’on
y rencontre sur l’état des lettres en Allemagne pendant cette
période; pas un ouvrage nouveau qui ne soitpresque aussitôt
annoncé, apprécié, analysé; pas un écrivain de quelque re
nom qui ne soit étudié et jugé. Je ne prétends point que tous
les jugements qu’on y trouve soient définitifs ou irrécusables ;
on peut signaler plus d’ une erreur dans la cri tique des œuvres
dont il est fait mention, plus d’ une exagération dans l ’appré
ciation des hommes ou des choses. On ne peuts’empècher de
sourire, quand on voit un correspondant d’Allemagne compa
rer Klopstock « au chantre divin de la colère d’Achille, » et
quand en 1761, on l ’entend dire que « nos derniers neveux
seront encore fiers » du « génie original » de Lessing.
(1)
a La poésie allemande, dit Dorai (Idie de la poésie allemande,
p. 119), en parlant d'Arnaud, lui osi surtout redevable de la faveur
qu’elle a conservée parmi nous. »
inexpérience de critique el l ’on sera forcé d’avouer qu’il était
impossible de mieux in itie r au mouvement littéraire de l’Alle
magne contemporaine que ne le firent les directeurs du Jour
nal étranger ; les nombreux poètes qui parurent de l ’autre
côté du Rhin au lendemain du traité d’Aix-la-Chapelle pas
sent dans leur revue tour à tour sous nos yeux : Je fabuliste
GeJ!ert,Zachariæ, l ’auteur d ’épopées, alors si célèbres, Schlegel, l’un des restaurateurs du théâtre allemand, Gotlschedet
Bodmer, les chefs de deux écoles rivales, Kleist, ce disciple
de Thomson; les premiers chants de la Messiade el les idyl
les de Gessner, Lessing, d ’abord fabuliste et poète anacréontique, mais devenu, depuis les Lettres sur la littérature , le
maître de la critique allemande, les débuts si pleins de pro
messe de Wieland, les Chants guerriers de Gleim el les Ba
dinages de Gerstenberg, les comédies ou les poésies légères
deWeisse, ainsi que les écrits philosophiques de Mendelssohn,
rien n’est oublié dans celte revue consciencieuse de la litté
rature allemande contemporaine.
Mais le Journal étranger ne fut pas le seul recueil pério
dique qui entreprit de la révéler en France; dans l'Année
littéraire qu’il fonda l ’année même où parut ce journal et qu'il
publia sans interruption jusqu’en 1774, Fréron ne cessa de
faire une large part à l ’élude de cette littérature naguère in
connue et devenue tout à coup si populaire chez nous ; les tra
ductions d’œuvres allemandes qui désormais vont sans cesse
en se multipliant, lui offraient une occasion toute naturelle
d’en entretenir ses lecteurs; il n ’y manqua pas el il continua
ainsi pendant vingt ans l ’œuvre de révélation commencée
par le Journal étranger. Chaque année de nouvelles éditions
de ses idylles venaient rajeunir la gloire de Gessner ; Wie
land publiait ses premières œuvres anacréonliques,
près-
�-
44 —
que aussitôt traduites en français ; Haller s’essayait dans le
roman; des poètes nouveaux, comme Thummel, venaient de
paraître; Lessing et W inckelm ann achevaient de se rendre
célèbres; que de sujets divers à traiter I Fréron ne porta
pas toujours sans doute un jugement également sur dans les
éludes qu’il leur consacra ; il y avait souvent bien de l ’exagé
ration danssa critique, on comprend dillicilem enl par exemple
qu’en 1760 il n ’ hésite pas à dire que « l ’Allemagne est par
venue à son plus bel âge par rapport à la poésie (1) ; on n’est
pas moins surpris qu’après avoir appelé klopslock « le Mil
ton de l ’Allemagne, » il ajoute « qu’il en pourra devenir
encore le Shakespeare (2). » Mais ces erreurs d’appréciation
n ’étaient point rares alors et elles ne sauraient diminuer les
services réels rendus par l ’ infatigable critique à la diiïusion
de la littérature allemande en France.
Ce qui devait achever de l'y
faire connaître ce furent les
éludes souvent étendues dont elle fut alors l’objet. Dès 1752
un étranger, mais qui maniait notre langue comme un vé
ritable Français, le baron de B ielefeld, avait publié, sous le
titre de Progrès des Allemands dans les sciences, les belles-
préliminaire où il se proposait, disait-il, de donner quelque
idée de la littérature allemande, encore trop « peu connue en
France (1). » De R ivery s’était évidemment inspiré du ba
ron de Bielefeld ; mais cela importe peu; ce qu’il faut re
marquer, c’est le but qu’il poursuivait et l’accueil fait à son
livre; c’est celle tentative généreuse du jeune traducteur et
celle que bien d ’autres écrivains feront après lui pour répan
dre en France le goût de la littérature allemande.
En 1762, un traducteur célèbre de l ’époque, Junker,
écrivit un Essai sur la poésie allemande (2) ; quatre ans
après, Huber, traducteur non moins connu en retraçait à son
tour, dans une esquisse habile, le tableau rapide, mais com
plet (3). En 1772 nous retrouvons encore Junker faisant
cette fois en tète du Théâtre qu’il publiait avec Liébault l ’ his
toire de la scène allemande, depuis ses origines jusqu’au
temps présent (4). Friedel, un de ses émules, écrivit aussi
une Histoire abrégée du théâtre allemand (5). Enlîn en
1768 on voit Dorât essayer de donner une Idée de la poésie al
lemande, (6) et six ans plus lard un des premiers Français
lettres et les arls, une véritable histoire de littérature alle
mande, de ses origines à l’ époque actuelle. Grimm était dé
passé et son œuvre incomplète achevée ; Bielefeld avait donné
à la fois un exemple et un modèle
qui devait être suivi.
Deux ans à peine après lui, — tant la littérature germanique,
jusque là si dédaignée en France y offrait maintenant d’at
trait ! — un écrivain resté assez obscur, mais enlevé à lafleur
de l’âge, Boulanger de R ive ry, écrivait, en tête d’un essai
de traduction en vers des fables de Gellert, un discours pré(1) An. 1760, i, lettre xv, p. 342.
(2) An. 1762, iii , lettre xi, p. 265.
(1) Gellert: Fables et Contes traduits envers français, 1754, in12, Paris, p. 4.
(2) En télé des Nouveaux principes de la langue allemande, 2 v.
in-12. Paris, 1762.
(3) « Discours préliminaire », en tête du Choix de poésies alle
mandes, 4 v. in -12, Paris.
(4) Théâtre allemand ou recueil des meilleures pièces dramati
ques, tant anciennes que modernes qui ont paru en langue allemande,
précédé d’une dissertation sur l’origine, les progrès et l’état actuel
delà poésie théâtrale en Allemagne, Paris, in -12, 1772, nouv. édi
tion, 1785, in—J2.
(5) Dans le Nouveau théâtre allemand, Paris, 1782, 12 v. in-8.
(6j En télé du Recueil de contes et de poèmes, 4e édit. La Haye,
1776, in-8.
�qui allèrent au-delà du R h in étudier sur place la langue et
chaque année en se m ultipliant ; en 1775 on en compte déjà
la littérature germaniques, Hérissant, écrivait encore de cu
quinze, et je ne suis pas sûr de n’avoir point fait d’omissions;
rieuses Observations historiques sur la poésie du pays qu’ il
en 1781 et en 1789 j ’en ai relevé jusqu’à dix-huit. Les ouvra
venait de visi 1er(1 ).Cet intérêt incessant porté ainsi à la litté
ges les plus divers passèrent ainsi dans notre langue ; mais
rature allemande ne devait pas s’épuiser avant la Révolution ;
ceux qui eurent le plus de succès (I) furent les poésie's de
un des écrivains les plus connus de l’époque, Mercier, l’auteur
Gessner, l’auteur de la Mort d’Abel, du Premier navigateur
du Tableau de Paris, non content d’y chercher des exemples
et d'idylles qui nous paraissent à nous presque illisibles, mais
pour la rénovation littéraire qu’ il rêvait, en fil le sujet de quel
qui charmèrent les contemporains. Ce qui en fil la fortune,
ques-unes de ses meilleures éludes, en même tempsqu’il con
c'est qu’on y trouve cette sentimentalité douceâtre qui fleurit
tribuait à la faire connaître par ses traductions (2) ; il n’est
dans la seconde moitié du X V IIIe siècle ; aussi traducteurs et
pas jusqu’à Mirabeau, qui ne dérobe quelques instants à
critiques, tous s’accordent pour combler d’éloges ce pâle dis
la politique pour s’occuper de littérature allemande ; un des
ciple de Bodmer et de klopstock ; » c’est le peintre de la na
chapitres de la Monarchie prussienne lui est consacré et il
ture, le chantre de l’ hum anité» (2); Diderot l ’exalte, le
fil, on le sait, l ’éloge et l’apologie de l ’ami de Lessing, Men-
grave Turgol écrit une préface pour une nouvelle traduc
delssohn (3).
tion de ses œuvres (3), Marmontel s’en inspire (4) et Rous
Ainsi de 1750 à la veille de la Révolution tout, éludes cri
seau lui-même ne dédaigne pas de l ’imiter (5). Il sem
tiques, traductions et, on va le voir, imitations, contribua à
bla personnifier un instant la littérature allemande; ce fut
répandre en France la connaissance de la littérature germa
lui du moins qui contribua le plus
nique, à la faire rechercher et goûter. Les traductions d ’ou
nous(6).
à l ’accréditer
chez
vrages allemands jouent, on le comprend sans peine, dans
cette œuvre de vulgarisation, un rôle important ; depuis
1750, date des premières que je connaisse (4), elles vont
(1) Dans les OEuvrcs choisies de M. Gessner. Paris. 1776, in-12,
p. 2 1 9 -2 51.
,
(2) En 1767, Mercier avait traduit YHomme sauvage de Pfeil, en
1802 il traduisit la Jeanne d'Arc de Schiller.
(3) En 1786. La Monarchie prussienne est de 1788.
(4) Une traduction des fables et contes de Gellerl publiée à Stras
bourg porte cette date ; la même année la nouvelle bibliothèque ger
manique annonça aussi une traduction des Alpes de Haller, publiée
sans lieu ni date. Ce sont là les deux plus anciennes versions d’œu
vres poétiques et littéraires ; mais on avait bien auparavant traduit
en français des ouvrages scientifiques écrits en allemand.
(1) « M. Gessner est celui de tous les poètes allemands qui a eu le
plus de succès en France, o Année littéraire, 1764, m , 20.
(2) Année littéraire, 1774, m , 20.
(3) La traduction des Idylles par Huber, à laquelle Turgot passait
pour avoir collaboré. Nouvelle biographie générale. Art. Turgot.
(4) Le sujet du Sylvain de Marmontel est tiré d’une idylle de Gess
ner.
(5) Dans le Lévite d'Ephraïm en I762. « Je me rappelai, dit
Rousseau (Confessions, livre xi), les Idylles de Gessner que son tra
ducteur Huber m’avait envoyées, il y avait quelque temps... Je vou
lus essayer de traiter à la manière de Gessner le sujet du Lévite
d'Ephraïm. »
(6) « M. Gessner est celui qui peut-être a le plus contribué à ac
créditer la littérature allemande parmi les étrangers. » (Préface des
OEuvrcs choisies de M. Gessner par Huber, xxiv).
�— 48 L ’admiration qu’inspirait Gessner rejaillissait sur l'Alle
les (I) était dépassée; elle avait fait place à une admira
magne tout entière, et on ne douta plus en France que la
tion non moins grande pour tout ce qui était allemand. Fréron
littérature qui avait produit un pareil écrivain ne fût une des
avait prédit dès longtemps celte vogue singulière dont jouis
plus grandes des temps modernes. « Bientôt, disait dès
saient maintenant les ouvrages venus d ’Allemagne : « Je ne
1760 le Journal etranger (1), l ’Allemagne n ’aura rien à
doute pas, disait-il déjà en 1752 (2), que les traductions de
envier aux autres nations de l ’ Europe. Ses poètes embrassent
livres allemands ne deviennent bientôt à Ja mode et ne rem
tous les genres et les traitent avec succès. » « On paraît con
placent les versions anglaises qui ont succédé aux italiennes. »
venir, » ajoulede son côté, en 1766, Brute de Loiselle, traduc
Le succès était allé bien au delà des prévisions du critique ;
teur de Gessner, il est vrai,«que les ouvrages que l ’Allemagne
bientôt on ne se contenta plus de les traduire, on imita encore
produit depuis plusieurs années lui assurent aujourd’hui le
les ouvrages allemands.
premier rang parmi les nations savantes après l’Angleterre
C’était presque une imitation déjà qu’avait essayée Bou
et la France (2). » Dorai ira plus loin dans son admiration :
langer de R ivery dans ses Fables et Contes en vers publiés
« O Germanie, s’écrie-t-il dans son étude sur la poésie alle
en 1754 ; c’en est une véritable que, dix ans plus lard,
mande (3), nos beaux jours sont évanouis, les tiens com
l’abbé Aubert, ce fabuliste loué par Voltaire lui-mème, tenta
mencent. Tu renfermes dans ton sein tout ce qui élève un
dans la Mort d'Abel (3); ce n ’est plus ici une traduction plus
peuple au-dessus des autres, des mœurs, des talents et des
ou moins libre de la célèbre id ylle de Gessner; l ’églogue p ri
vertus... et notre frivolité dédaigneuse est forcée de rendre
mitive a été transformée et le poète français, s’inspirant de
hommage aux grands hommes que tu produis. »
klopstock, a fait un drame de ce qui n ’était guère qu’un récit
Sans doute il faut faire la part de l’exagération naturelle
aux traducteurs ou à des imitateurs intéressés à vanter leurs
modèles, dans ces jugements portés sur une littérature qui
n’avait point encore produit ses plus grands écrivains; mais
il est incontestable aussi qu’ à cette époque la littérature ger
manique fut en France l'objet d’ une faveur, je devrais dire
d’ un engouement, dont nous avons peine à nous faire idée
aujourd’ hui ; Yanglomanie si blâmée des années précédeu-
(1) Année 17G0. Lettre
xxxii.
(2) Pastorales et poèmes de M. Gessner, traduits de l'allemand.
Paris, 17(36. in—12.
(3) En 1768. Idée de la poésie allemande, p. 133.
et un tableau chez Gessner. Si l ’imitation est moins hardie
ou originale dans Selim et Selim a (4), cette nouvelle que
Dorât, imitant ou plutôt traduisant AVieland , donna peu
après, ce poète facile m ontrait du moins le parti que les
(1)
Son transport l’autre jour était l’anglomanie ;
Au-dessus de Corneille il mettait Shakespeare.
(De B o i s s y , La Frivolité).
«Noire génie, dit Dorai, op. cil., s’altéra par le mélange mons
trueux d'un génie (le génie anglais) qui lui élait étranger. »
(2) Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1752. Lettre ix, v, p.
198.
(5) La mort d'Abel, drame en trois actes, en vers, imité du poè
me de Gessner, Paris 1763, in-8.
(4) Recueil de contes et de poèmes par M. D. 3* éd. 1770. La
Haye, p. 141. Le conte de Wieland était de 1752.
4
�Lichtfeld, dut à l ’imitation d ’Auguste La Fontaine et d’au
jeunes talents pouvaient tirer des nombreux ouvrages qui
tres romanciers d ’outre-Rhin la réputation dont elle jouit si
chaque année paraissaient en Allemagne ; là se trouvait une
longtemps (\ ).
ample matière sur laquelle leur muse pouvait s’exercer en
liberté ; ils ne la négligèrent pas; il n ’est guère de poème
allemand qui n ’ait alors été refait ou remanié en France;
presque tous les poètes secondaires de l ’époque se sont for
més par cette imitation. Je viens de parler de Dorât et j ’ai
cité Boulanger de R ivery, mais que de noms non encore ou
bliés il me serait facile d’ajouter ici : François de Neufchôleau,
de Boissy, Blin de Sinmore, le chevalier de Cubières, Gilbert,
le comte deLaurencin, Imbert, Léonard, Marteau, Poinsinet,
de Chamfort, Marmontel, Mercier, Sédaine, Villemain d'Ablancourt, bien d’autres, se 'sont d’abord fait connaître par
des imitations ou des traductions en vers des poésies alle
mandes (i). Il se forma chez nous, par l’ étude de Gessner,
Mais ce fut surtout quand le théâtre, restauré en Allema
gne, eut commencé à produire des œuvres originales, que nos
poètes se firent les tributaires empressés des écrivains ger
maniques ; l ’esprit novateur dont les dramaturges d’outre"
Rhin étaient animés devait faire accueillir avec faveur leurs
pièces en France ; Miss Sara Sampson de Lessing, ce premier
essai d’une tragédie bourgeoise en Allemagne, fut, peu de
temps après son apparition, jouée à Saint-Germain sur le thé
âtre du duc d ’Ayen (2) ; plus lard on fit des lectures publi
ques d’Emilia Galotti. Mais on ne devait pas longtemps s’en
tenir à une simple admiration. Nous avons vu Aubert tirer
d’une idylle de Gessner le sujet ,d’ un drame biblique : la
toute une école de poètes bucoliques, dont Léonard et Ber-
Mort d'Abel ; KIopstock, qu’Auberl avait pris pour modèle,
quin furent les principaux représentants. La pastorale bibli
fut à son tour l ’objet de nombreuses imitations ; la Mort
que importée d’Allemagne trouva bientôt de fervents adeptes
d'Adam, en particulier, fut refaite parVillem ain d’Ablancourt
en France; la fable rajeunie par l ’imitation des poètes ger
et Mme de Genlis (3). Le drame national que KIopstock avait
maniques y eut comme un regain de faveur (2), et l’étude
aussi abordé devait bien vite tenter ses admirateurs, et son
deWieland allait aussi y faire naître une école anacréontique,
Hermann inspira dès 1767 à Bauvin la tragédie des Ché-
aussi féconde, il est vrai, que médiocre. Le roman allemand
rusques, « représentée par les comédiens ordinaires du roi »
devait également rencontrer de nombreux adhérents en
France (3), plus d’un écrivain de mérite s’en inspira, et
Mmc de Montolieu, en particulier, l ’auteur de Caroline de
(1) Les essais de ces poètes se trouvent en partie dans les OEuvres choisies de M. Gessner.. . . suivies de poésies diverses de l’al
lemand, aussi en vers français. Paris, in-12, 1774.
(2) Gellert, Gleim, Lichtwer en particulier furent imités par Im
bert.
(3) Bonneville publia en 1786 un Choix de petits romans imités de
l’allemand.
(1) Caroline de Lichtpeld parut en 1786 ; les autres romans cé
lèbres de Mm0 de Montolieu sont de beaucoup postérieurs et appar
tiennent au XIX siècle; elle y a imité Zsckokke, J.-G. Muller, Car.
Pichler, Meissner, la Motte Fouqué, etc., et même le Visionnaire de
Schiller.
(2) Correspondance de Grimm, décembre 1764.
(5)
La pièce de Villemain d’Ablancourt parut dans l’Ami de l'Evfance, celle de M1 de Genlis dans le Théâtre d'éducation à l'usage
de la jeunesse, Paris 1779,
�-
— 52 —
le 26 septembre 1772 (1). L ’année précédente Mercier em
pruntait à un jeune poète, emporté à la fleur de l ’àge, de
Cronegk, le sujet d ’Olinde et Sophronie, et bientôt Rochon
de Cbabannes, s’emparant de la M inna de Barnhelm de Lessing, en tirait le drame des Am ants généreux, joué avec suc
cès sur le théâtre français (2).
Plus d'une pièce allemande d ’auteurs presque inconnusdevait avoir la meme fortune; c’est ainsi qu’en 1781 on voit la
Discipline militaire du N ord, œuvre du plus obscur des poè
53
titre germanique fut la tentative d’un jeune écrivain, Ramond de Carbonnières,. qui tira du Werther de Gœlhe, deux
ans après l’apparition du célèbre roman, le sujet d’un drame :
les Dernières années du jeune d'Olban. Si le Gœtz du grand
poète, ce « drame original et unique », comme l ’appelait
un critique (1), ne fut pas mis sur la scène française, il fut
du moins traduit, ainsi que Clavigo et Stella dans le théâtre
de Friedel ; les B rigands de Sch ille r parurent aussi dans
cette curieuse collection, avec le N athan le sage de Lessing,
tes, Mœller(3), « représentée sur le théâtre desTuileries (4) »,
des pièces de Weisse, le Jules de Tarente de Leisewitz. Ainsi
et, sept ans après, le meme sujet, sous le titre du Comte de
non-seulement les écrivains de la génération illustrée par
Wallron ou la Subordination, était repris et arrangé par Da-
Klopslock, Wieland et Lessing, mais aussi les poètes plus
lainvel pour le théâtre de Monsieur (o) » ; tant le goût du
grands de la génération suivante, Gœlhe et Schiller, étaient
théâtre allemand avait pénétré dans toutes les classes! Une
révélés à la France avant 1789. Les Brigands du dernier,
preuve frappante de la faveur dont jouissait alors la liltéra-
grâce sans doute à l ’esprit de révolte qui les anime, allaient
même y susciter plus d ’ une imitation.
(1) » Les Chérusques, tragédie tirée du théâtre allemand. » Pa
ris, 1773. La pièce de Bauvin, terminée en 1767 sous le litre de la
Défaite de Varus avait été publiée deux ans après sous celui d'Arminius.
(2) Année littéraire MI S, vm , 34.
(3) Le nom de Mœller ne se trouve même pas dans le Grundriss pourtant si complet der Gcschichle der deutschcn Litcratur de
Gœdckc. Ivoberslein, dans une note de la page 331, t. v, de sa
Deutsche Nalionallileralur a donné quelques renseignements sur ce
poète-acteur, et t. iv, 209, il cite le Graf Wallron, comme une co
médie larmoyante.
(4) La discipline militaire du Nord, drame en quatre actes, en
vers libres, par M. Moline, représentée pour la première fois sur le
théâtre des Tuileries, par MM. le comédiens français ordinaires du
roi, le 12nov. 1781. A Paris, 1782.
(5) Le comte de Wallron ou la Subordination, pièce en trois ac
tes, arrangée pour le théâtre de Monsieur, frère du roi, par M. Dalainvel. (D’après la traduction de J.-11. E. associé honoraire del’académiedes Beaux-Arts.) A Paris, 1789.
La réputation de celte pièce dut contribuer à attirer l’at
tention sur Sch iller, et elle lui valut peut-être le titre de
citoyen français qui lui
fut officiellement décerné, ainsi
qu’à Klopslock, par l ’Assemblée législative (2). Le chantre
delà Messiade, avec son enthousiasme ordinaire, avait salué
comme l’aurore d ’ une ère nouvelle de bonheur et de liberté,
la Révolution de 1789 (3) ; mais quand elle eut dévié de ses
(1) Nouveau théâtre allemand par M. Friedel (Paris 1781, 12 vol.
in-8), i, p. 33.
(2) Décret du 6 août 1792. rendu sur la proposition de Roland.
Dœring, htopslocks Lcbcn, in-18, 1S23, p. 241.
(3) Par exemple dans l’ode Ludicig der Sechzehnte (1789), et
même Der Freiheilskrieg (1792). Au reste Klopslock n’avait pas
attendu 1789 pour « montrer son civisme », l’ode intitulée « Les Etats
généraux, » de l’année 1788 en est la preuve, comme il ledit luimême dans une lettre adressée à Roland, le 19 novembre 1792. Ibid,
p. 246.
�— 54 —
aspirations premières, quand la liberté fut opprimée,’ que le
sang coula sur les places de Paris, l ’admiration fit place chez
le poète à un sentiment de tristesse et de colère (1). Cet éloi
gnement de klopstock pour la Révolution qu’ il avait chantée
est comme le symbole de l’éloignement qui, à cette époque,se
produisit entre la France et l'Allem agne; la guerre qui venait
l’âge monarchique que Napoléon aspirait à restaurer. L'Al
lemagne d e Mme de Staël, paraissant au moment où fleuris
sait cette poésie bâtarde (I), était donc sans doute une nou
veauté; ce ne fut pas en réalité la révélation d’une civilisation
inconnue, mais bien plutôt une invitation éloquente et pres
sante à revenir à l ’étude d ’une littérature autrefois admirée,
d’éclater entre elles pour durer jusqu’ à la Restauration ne
et depuis quelques années négligée de nouveau ou dédaignée.
mit pas fin toutefois aux relations littéraires qu'elles entrete
Toutefois, si ce livre célèbre inaugure une ère nouvelle dans
naient depuis près d’ un demi-siècle. En \ 702 on voit Le-
l’histoire des rapports intellectuels de la France et de l ’A l
gouvé abordera son tour le sujet de la Mort d'Abel traité d’a
lemagne, il ne faut pas oublier que vingt-cinq ans aupara
bord par Gessner ; alors paraissent aussi les imitations des
vant, la littérature germanique était assurément mieux con
Brigands de S ch iller (2), et Cabanis, qu’on ne s’attendrait
nue en Fiance qu’elle ne le fut même après Mmc de Staël;
pas à trouver ici, publiera encore en 1797 des Mélanges de
il ne faut pas oublier que pendant de longues années elle
littérature allemande ; mais qu’on est loin de l ’ardeur cu
avait été l ’objet de l ’étude la plus fructueuse, que nombre
rieuse avec laquelle on suivait en France, vingt ans aupara
d’écrivains s’en étaient inspirés et que l ’Allemagne qui avait
vant, le mouvement littéraire de l ’Allem agne! Les chefs-
au XVIIesiècle et pendant la première moitié d u X Y I ir siècle
d’œuvre de Goethe et de S ch iller qui parurent à celte époque
subi, d’une manière si irrésistible, l ’influence de la France
passèrent presque inaperçus, ils ne furent du moins l’objet
faisait alors à son tour sentir en France l ’influence de sa lit
de nulle imitation, tandis que Gessner en avait, pendant un
térature rajeunie et de sa civilisation grandissante.
quart de siècle, suscité sans cesse de nouvelles.
Le temps était maintenant à la politique, non à la poésie.
Pourquoi celte influence, malgré les écrits nombreux qui
en témoignent, a-t-elle été à peine remarquée jusqu’à pré
Toute grande œuvre littéraire était peut-être impossible pen
sent? Pourquoi n ’a-t-elle pas laissé de monument plus du
dant la Révolution, et la poésie pseudo-classique qui prit
rable et n’a-t-elle point provoqué un mouvement de régéné
naissance sous l ’Em pire ne pouvait guère avoir de sympathie
ration littéraire analogue à celui dont la Restauration donna
pour la littérature romantique de l ’ Allemagne ; ce ne fut pas
le spectacle? La cause en est avant tout dans la persistance
non plus à l ’étranger qu’elle chercha d ’ordinaire ses modè
des doctrines classiques, au m ilieu du X V IIIe siècle, dans la
les, mais dans l ’ancienne France et parmi ces écrivains de
puissance et la faveur q u ’elles conservaient encore à celle
époque ; cela tient aussi à cette circonstance que les parti-
(I) Evidemment je ne parle ici que de la poésie officielle et je fais
abstralion bien entendu de Chateaubriand, dont les Martyrs sont de
cette époque.
�— 56 —
sans et les admirateurs de la littérature allemande en France
furent presque tous des adversaires du parti philosophique;
celte opposition devait porter m alheur à leur crédit et nuisit
RAPPORT DE M. L’ABBÉ RENOUX
à leurs efforts. D ’ ailleurs au m ilieu des préoccupations poli
tiques ei sociales qui agitaient les esprits à la veille de la Dé
DOYEN DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE
volution, la poésie fut ou sacrifiée et méconnue ou réduite à
un rôle subalterne. E lle devait Vôtre bien plus encore au mi
lieu de la tourmente des dernières années du siècle et c’est
ainsi que tant de tentatives généreuses demeurèrent presque
stériles, que la réforme littéraire entrevue et poursuivie en
particulier par Mercier fut ajournée de cinquante ans et que
les efforts pour amen'er un rapprochement entre la France
Monsieur le R ecteur,
et l’ Allemagne philosophique et littéraire du X V IIIe siècle
furent en partie perdus. Mais s’ils ont été longtemps oubliés
Messieurs,
ou ignorés, c’est le devoir de l ’histoire d’en retrouver la
trace effacée et d’en consacrer le souvenir ; c’est ce que je me
suis efforcé de faire, d’une manière bien incomplète sans
doute, mais avec assez de développements peut-être pour
rendre au mouvement littéraire de 1750 sa physionomie
propre, pour montrer tout ce qu’ il y eut alors de curiosité
studieuse, d’efforts soutenus, de tentatives ardentes, afin de
faire connaître en France la dernière venue des littératures
de l’ Europe moderne, mais l ’une de celles aussi qui devait
arriver au plus haut degré d ’originalité et de perfection.
La Faculté de Théologie n ’a subi, durant l’année qui vient
de s'écouler, aucun changement dans son personnel, ni dans
ses travaux habituels ; elle s’est efforcée de suivre son pro
gramme, uniquement occupée de le rem plir dignement. La
science qu’elle cultive offre assez de variété et d’étendue,
pour qu'il ne faille chercher en dehors un intérêt qui serait
déplacé ; c’est elle seule qui est le hut de nos recherches et
l’objet de notre enseignement dans nos leçons publiques
comme dans nos conférences fermées. Heureux si nos mo
destes efforts ne sont point infructueux et contribuent à la
diffusion des lumières.
Nos conférences s’adressent aux élèves du grand sémi
naire qui viennent nous entendre en nombre déterminé ;
l’attention qu’ils y portent et les notes prises par eux dans le
courant de la leçon témoignent de leurs habitudes studieuses.
Les cours publics ont lieu à l ’amphithéâtre, en présence d’un
4.
�— 59 —
— 58 —
auditoire varié et qui se recrute aisément autour de nous.
doctrines de l ’école menaisienne, et son système d’apologéti
Chaque professeur fait par semaine une leçon publique et
que ; il a raconté les vifs débats soulevés à son sujet, mêlant
une conférence, sur un sujet différent. Voici, du reste,
à son récit de curieux épisodes : l ’apparition du journal
Messieurs, un résumé de notre enseignement.
l'Avenir, la rénovation de Part chrétien, Y Histoire de sainte
Le professeur d’Écrilu re sainte, M. l ’abbé Figuières, a
Elisabeth, par M. de M onlalem bert...; de sérieux documents
commencé une série de leçons sur la concorde évangélique ;
puisés à bonne source ont permis à M. l ’abbé Ricard d’ajou
l ’étude comparée qu’il a du faire des quatre Évangiles lui a
ter des traits nouveaux à cette histoire déjà si frappante ; il
servi à former le tissu de la vie de Jésus-Christ. Les mer
l’achèvera l ’an prochain, pour compléter l ’intérêt qui s’y
veilles de celle vie s’annoncent chez les Gentils par les pres
attache.
sentiments des philosophes et des poètes, et chez les Juifs,
Le professeur de morale, M. l ’abbé Rance, a continué ses
par le langage des Prophètes. Mais c’est surtout dans le récit
éludes sur Erasme ; après avoir raconté rapidement la vie
des Évangiles que le professeur a suivi l’ histoire du Sauveur
quelque peu aventureuse de ce personnage célèbre, il a
prenant pour guide le texte sacré, dont il éclaircissait le sens
abordé la critique de ses œuvres. Erasme fut un théologien,
à l ’aide des plus savants commentaires; il a conduit celte
un exégète et aussi un moraliste ; c’est sous ce dernier rap
étude intéressante jusqu’au commencement de la vie publique
port qu’il a été étudié. La morale d ’Erasme est animée par
de Jésus-Christ ; et il se propose de la poursuivre l’année
l’esprit chrétien ; mais elle offre un curieux mélange des pré
prochaine.
ceptes évangéliques et des maximes de la philosophie païen
Le professeur d’éloquence sacrée, M. l’abbé Peloutier, a
ne; cette alliance n ’avait d ’autre b u t, dans la pensée de
traité de la vie et des œuvres de saint Basile ; il a raconté
l’auteur, que d ’unir la religion et la raison dans une lutte
d’abord l ’éducation brillante que reçut ce Père auprès de
commune contre le vice. Le professeur a habilement caracté
Libanius, et à Athènes, éducation qui explique le caractère
risé les tendances de ce brillan t écrivain, sans méconnaître
et l’influence de son génie. Pour donner à son auditoire une
les défauts qui le déparent. Un autre moraliste, Montaigne,
juste idée de l ’éloquence de cet orateur, le professeur l’a
fera prochainement le sujet de ses leçons.
considéré dans les principaux ouvrages qu’ il nous a laissés ;
Le professeur d’ histoire ecclésiastique a exposé les vives
puis il a montré que la source de l ’éloquence de saint Basile
controverses qui signalent le m ilieu et la fin du X V IIIe siè
se trouve dans la Bible, dont il emprunte la poésie majes
cle; quelques philosophes qui se sont séparés de l ’ Eglise, la
tueuse et les fortes images, en les alliant sous une forme
combattent sans relâche mais aussi sans loyauté ; d’autres, au
simple et persuasive à la science des Grecs.
contraire, doués d ’un génie égal, lui rendent hommage, ou
Le professeur a traité ce beau sujet avec toute l ’ampleur
du moins la traitent avec respect : elle-même compte dans
qu’il mérite et dans les prochains cours il abordera une autre
ses rangs de sérieux défenseurs ; peut-être ces derniers ne
grande illustration chrétienne, saint Jean Chrysostome.
Le professeur de dogme, M. l ’abbé Ricard, a exposé les
brillent pas, comme leurs rivaux, par toutes les grâces de
l’esprit; mais ils l ’emportent sûrement par la courtoisie de
�—
leur polémique et la dignité de leurs convictions. Le profes
seur étudiera , pendant la nouvelle année , l ’histoire de
l ’Eglise en Europe à la meme époque. Des deux cours sup
plémentaires qui ont lieu à la faculté des sciences de Mar
seille un seul a été maintenu, celui de M. l ’abbé Ricard et
qui est suivi par un nombreux auditoire. Le chiffre de nos
examens continue de se maintenir. M. l ’abbé \erlaque, de
Toulon, nous a présenté une thèse historique sur la vie de
Jean X X II, pape célèbre d’Avignon ; cette thèse soutenue
avec pièces a valu au candidat le titre de docteur.
Trois autres ecclésiastiques, MM. Bellon, de Digne, Léon,
de M arseille, et Lacroix, de Tarbes, ont subi les épreuves
du baccalauréat, et ont été déclarés admissibles à ce grade
avec des mentions honorables.
Voilà, Messieurs, pour nos devoirs professionnels; mais
voués à l’élude, nous lui consacrons encore nos loisirs; chacun
de nous se livre à des travaux personnels ; les uns ont des
livres en préparation, les autres les achèvent et les livrent à
l ’impression. Ainsi M. l ’abbé Figuières vient de publier un
intéressant opuscule sur la culture de la vigne chez les an
ciens; professeur d’ E crilu re sainte, il a lu dans le Deutéro
nome une parole de Moyse qui semble indiquer l’existence
du phylloxéra dans les temps reculés. L ’auteur se demande
si la Bible a voulu réellem ent indiquer ce ver dévastateur;
il paraît en douter ; mais quoiqu’il en soit il prend texte du
passage biblique pour écrire une savante dissertation sur la
matière.
M. l’ abbé R icard nous a donné également quelques pu
blications; mais, à mon avis, la dernière venue offre le plus
d’ intérêt ; en voici le titre: Rome sous Léon XIII; j’y ai
retrouvé pour ma part, les m eilleures qualités de l’écrivain,
des aperçus ingénieux, et un style coulant et facile; M. l’abbé
61
-
Ricard sait rendre fidèlement les impressions que lui font
les hommes et les choses; de Là les peintures animées et les
portraits ressemblants qui ém aillent son ouvrage et qui en
feront le succès.
M. l’abbé Rance a tenu la promesse qu’il nous fit l ’an
dernier; il a achevé la publication des lettres inédites de
Fénelon ; il en a lu quelques-unes au Congrès des Sociétés
savantes ; celle lecture a été remarquée et a valu à notre
collègue de précieux suffrages; citons encore une élude sur
Hugues de Noyers et Pierre de Courlenav, héros d’ un curieux
épisode de l'histoire d ’Auxerre au XIII®6 siècle, et différents
articles parus dans les revues, venant de la même plume.
Tel est, Messieurs, le résumé de nos modestes travaux ; il
vous prouvera du moins que nous vivons, et que nous ne
voulons pas tomber en décadence; un de nos plus illustres
collègues, M. Germain, doyen honoraire et professeur à la
faculté des lettres de M ontpellier, lisait naguères à l ’Institut
une notice très remarquable sur l ’histoire de la Faculté de
Théologie de Montpellier, avant 89; à l ’aide de documents
originaux il a retrouvé le berceau de celte faculté, et il a
raconté les vicissitudes de prospérité et de déchéance qu’elle
eutàsubir; à la fin, nous dit son historien, elle ne fesait
plus que vivoter, et avant d ’être supprimée, comme le furent,
du reste, les autres compagnies savantes, elle avait cessé de
vivre ; nous voulons, Messieurs, échapper à cette précoce
mortalité, et quoiqu’il arrive, accuser notre existence, en
maintenant notre place au sein de l’Université.
Nous allons reprendre notre lâche, Messieurs, confiants
dans la haute bienveillance du chef éminent de notre Acadé
mie, et dans le précieux concours que vous voudrez bien
nous prêter.
�-
63 —
d’un père et d’une mère dont il est justement l ’orgueil. Ses
collègues, et je puis le dire, moi surtout qui avait été juge
RAPPORT DE M. ALFRED JOURDAN
dans son concours d’agrégation, nous avions apprécié ses
qualités solides et son aptitude pour l ’enseignement ; mais
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
vous tous, Messieurs, ou au moins la plupart d’entre vous,
vous n’avez certainement pas oublié le rapport qu'il vous a
présenté, dans notre dernière séance de rentrée, sur les con
cours de nos élèves, ce rapport si lestement écrit et dit avec
tant de verve et d’entrain ; et vous avez pu vous convaincre
qu’une élude approfondie du droit n’a pas nécessairement
Monsieur le R ecteur ,
pour effet d’alourdir l ’esprit.
M. Caries avait demandé sa retraite ; M. Turgeon nous
Messieurs ,
quittait; M. Maréchaux ne revenait pas: il fallait combler
ce triple vide. On nous a tout d ’abord envoyé M. M illet, agrégé
delà Faculté de Dijon, et, bientôt après, MM. Bouvier-Bangil-
Je vous annonçais, l ’année dernière, qu’une organisation
lon et Michoud, agrégés issus du dernier concours qui ne s’est
nouvelle venait d ’ètre donnée au doctorat en droit; nous
terminé qu'à la fin de décembre. Quelles destinées diverses
l ’avons vu fonctionner dans le courant de la dernière année
représentent tous ces noms ! M. Caries, qui vient d’entrer
scolaire, et nous avons inauguré le nouveau système d’exa
dans sa 77e année, porte légèrement le poids des ans et sem
mens, mais nous ne sommes pas encore en mesure d’en ap
ble avancer en tàge sans v ie illir ; M. Turgeon a été heureux
précier les résultats. Je pourrais louer le dévouement et le
de nous quitter pour un soleil moins pur mais de plus vertes
zèle de mes collègues, mais je n ’ai rien de particulier à vous
campagnes; MM. Bouvier-Bangillon et Michoud sont tout à
dire sur notre enseignement, car, si toute liberté nous est
la joie de leur récent succès... M illet est mort. « Je ne veux
laissée dans le choix des méthodes, nos programmes sont
plus quitter A ix », nous avait-il dit, et trois mois après on
invariables.
emportait son cercueil à l ’autre bout de la France. Je ne r é
De grands changements se sont produits dans le personnel
péterai pas ici les douloureux adieux que j ’ai adressés à ce
de la Faculté. Je les énumère dans leur ordre chronologique
brave cœur au m ilieu de la foule émue de ses collègues, de
en vous disant les sentiments divers q u ’ils ont fait naître en
ses élèves, de ses amis.
nous.
M. Bouvier-Bangillon a été chargé du cours de droit ro
Dèsle début de l ’année scolaire,M.Turgeon, agrégé,chargé
main que M. Edouard Jourdan a abandonné pour le cours de
du cours de droit international privé, nous quittait pour la
Code civil laissé vacant par la retraite de M. Caries ; et
Faculté de Rennes. Il se rapprochait ainsi de son pays natal,
M. Michoud a été chargé du cours de droit international
�privé. Il est plus facile de faire l ’éloge des absents que des
quelle les anciens se sont déjà offert pour suppléer leurs jeu
présents; je me bornerai donc à exprim er le vœu que nos
nes collègues.
deux nouveaux collègues, dont nous avons apprécié les ap
Indépendamment du cours de Code civil qui a été confié
titudes professionnelles et les plus rares qualités de l’esprit
à M. Rémond, M. Naquel laissait vacant un cours complé
et du cœur, nous restent définitivement attachés.
mentaire de Notariat et d’ Enregislrement. Il avait marqué
M. M illet n’était pas encore remplacé qu’ un autre vide se
son passage dans cet enseignement par une œuvre considé
faisait dans nos rangs : M . Naquel était nommé procureur
rable, son Traité théorique et pratique des droits d ’enregistre
général près la Cour d’appel d’ Aix. M. Naquel laisse à l’école
ment. Ce n’était donc pas la moins redoutable partie de sa
de droit de vifs regrets ; je sais qu’ il en emporte des souvenirs
succession à recueillir : mais celte tache ne sera pas au-des
qui ne s’effaceront pas, et que sa pensée se reportera sou
sus de l’intelligence et du zèle que M. de Pilti-Ferrandi ap
vent vers nous, vers le calme asile consacré à l ’élude désin
porte dans l’accomplissement de tous ses devoirs profes
téressée du droit. Il n ’oubliera pas que si nulle mission n’est
sionnels.
plus élevée que celle de faire régner la justice parmi les
M. Laurin vient de publier la deuxième et dernière partie
hommes, il n’en est pas de plus noble que celle de les prépa
de son Cours élémentaire de droit commercial. C’est là un
rer à la comprendre, à la respecter et à l ’aimer, comme la
modèle de ces livres qui sont destinés à servir de soutien
première des vertus publiques et. privées. Il sera sur son siège
à l’enseignement oral, et à inspirer le goût d’approfondir
de magistrat ce qu’ il a été dans sa chaire de professeur ; il y
une science dont les principes y sont présentés avec clarté
portera celte éloquence simple et vraie qui est faite de science,
et agréments à la différence de ces manuels rebutants à l ’u
de ferme conviction et de clarté ; et sa parfaite justesse d’es
sage des étudiants encore trop nombreux qui ne se soucient
prit s’y traduira en esprit de justice. Je ne saurais faire un
ni d’étudier, ni d’apprendre, mais seulement de passer tant
plus bel éloge de M. Naquel qu’en disant tout ce que nous
bien que mal leurs examens.
souhaitons et espérons de lu i dans la haute position à laquelle
il vient d’ être appelé.
M. Gautier vient de publier une seconde édition de soq
Précis de l'histoire du Droit français. La rapidité avec la
Pour combler le double vide que je viens de signaler,
quelle la première édition a été épuisée atteste le succès de
M. le ministre nous a envoyé MM. Jay et Rémond, deux
l’ouvrage; et cette deuxième édition, complètement rema
jeunes docteurs en droit qui se sont fait remarquer au der
niée et considérablement augmentée est, en réalité, un livre
nier concours où ils ont été déclarés admissibles. Ils ne sont
nouveau. M. Gautier a le culte de la science ; mais c’est un
au m ilieu de nous que depuis quelques jours; ils ont déjà
devoir pour ses amis de lui rappeler qu’il doit ménager ses
conquis toutes les sympathies, et nous en savons assez sur
forces.
leur capacité etsur leur aptitude pour leur prédire un succès
Sous le titre modeste de Répétitions écrites sur le Code de
complet au concours qui s’ouvrira le 1er mars prochain. Les
Procédure civile, nous possédions un bon livre élémentaire
élèves n’auront p a s à s o u iïrir de cette absence, pendant la
de Frédéric Mourlon, nom populaire dans nos écoles.
Ce
�— 67 —
livre avait toutefois un grave défaut. : il ne contenait abso
examen à six interrogations portant sur les quatre matières
lument rien sur l ’organisation judiciaire, la compétence, la
enseignées pendant l ’année. Il est de principe que tout exa
théorie générale des actions; on pouvait dire que ce n’était
men où le candidat mérite deux boules noires entraîne le
que la seconde partie du livre tel qu’ il aurait dû être. Cette
rejet. Or qu’arrive-t-il avec le système du dédoublement?
lacune vient d’être comblée, celte première partie vient
Un candidat est reçu avec une noire à chaque examen, en
d’être faite, et de main de maître, par M. Naquet, qui a
somme, avec deux noires. J ’admets, jusqu’à un certain point,
occupé avec tant de distinction la chaire de Procédure civile
les compensations lorsque cette noire est accompagnée de
à la Faculté de D roit d’ À ix. Ce livre nous appartient tout
blanche, mais lorsqu’elle n ’est escortée que de deux rouges,
entier, car s’ il est signé par le Procureur général près la
d’un rouge sombre? Il y aurait lieu de se demander si, eu
Cour d'A ix, il est bien exclusivement l ’œuvre du professeur
égard à une noire caractérisée, l’ une de ces boules rouges
de la Faculté de Droit.
Vous trouverez annexé à ce rapport un tableau contenant
le relevé des inscriptions prises et des examens subis pen
ne devrait pas plutôt être transformée en rouge-noire, ce qui
entraînerait le rejet.
Je dois mentionner le succès obtenu par un de nos élèves
dant l’année scolaire 1882-1883. Le principal intérêt de ce
dans le concours général des Facultés de Droit*. M. Gransault
tableau, c’est sa comparaison avec le même travail qui a été
a obtenu la 5° mention. Pour apprécier ce succès à sa juste
fait pour l ’année 1881-1882. Voici les cbilîres sur lesquels
valeur, vous ne devez pas oublier que la 3e année, dans les
je crois devoir attirer votre attention :
treize Facultés de France, représente environ 2000 élèves.
1° Inscriptions. 900 peur l’avant-dernière année; 905
pour la dernière.
2° Nombre d'examens subis. 478 contre 501. Cette diffé
En style d’enseignemenl secondaire, de lycées, nous dirions
donc : un 5e accessit sur une classe de 2000 élèves. C’est
bien quelque chose.
rence en plus pour la dernière année tient à ce que le sys
Je ne puis, en terminant, m’empêcher de jeter un regard,
tème de dédoublement des examens annuels a été plus com
et, je dois le dire, un regard quelque peu attristé, sur l ’an
plètement appliqué.
née qui commence. Tout nous présage un nombre total d’in
3° Nombre de rejets. 77 contre 74.
scriptions égal à celui des années précédentes; mais ce n ’est
4° Inscriptions de doctorat. 58 contre 60.
point le chiffre des inscriptions, c’est l ’effectif présent sous
Vous le voyez, les deux années se suivent et se ressem
les drapeaux qui me préoccupe. Les étudiants inscrits pour
blent. .le persiste à croire que le nouveau système d’exa
la D 'année sont moins nombreux que l’année dernière; la
mens produira de bons résultats, mais à la condition que les
présence au cours est m oindre; et je suis particulièrement
examinateurs tiendront compte d’ une circonstance que je
louché de ce que cette diminution porte surtout sur les étu
dois signaler ici. Il n ’y a plus qu’ un examen de fin d’année.
diants de nationalité étrangère. Est-ce à dire que nous nous
Pour la commodité des élèves cet examen est scindé en deux
soucions moins des étudiants français, nos compatriotes?
épreuves subies à un jour d’ intervalle. C’est, en réalité, un
Nullement; mais si nos compatriotes se détournent d’ Aix,
�-
ANNÉE
69 -
SCOLAIRE
nous savons qu’ ils vont, dans une autre faculté française, et
le mal n ’est pas grand, après tout. Si ce sont, au contraire,
I" examen de B a c c a la u r é a t
( a n c ie n
des étudiants étrangers qui ne viennent plus à nous, il est
permis de supposer qu’ils s’ en vont dans les universités d’I
talie, d’Autriche ou de Trusse. Il y là évidemment un intérêt
national. Eh bien, j ’ai constaté qu’en 2e année, il y a seize
étudiants, grecs, turcs, égyptiens, cypriotes, roumains, bul
gares, tunisiens. En ) r# année il ne nous est arrivé que qua
encore que ces étudiants ne viennent que s’inscrire pour ne
pas suivre nos cours, comme le font tant d’autres de nos
compatriotes qui demandent des dispenses d’assiduité. Ils
travaillent avec ardeur, et les résultats l ’attestent : vous
avez assez vu quelle place ils occupent parmi les lauréats
de nos concours. Ils sont très sensibles à l ’accueil hospita
lier qu’ ils trouvent chez nous, à la bienveillance toute par
ticulière qu’on leur témoigne. M. le Ministre de l’Instruction
publique vient de leur en donner une nouvelle preuve. Sur
(n o u ve a u
r é g im e )
le noble langage et les beautés morales de nos grands écri
vains, les fortifier dans leur amour de la France, qu’ils ont
choisie comme une seconde patrie et qui les a adoptés comme
ses enfants.
Ajournés
Total
78
66
12
78
79
71
1" p a rtie
Eloge........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches
Totalité de rouges ..
Rouges et noires
Ajournements............
1er e x a m e n
de
(n o u v e a u
9
14
U
6
23
12
B a cca la u ré a t
r é g im e )
2“° p a r t i e
Eloge........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches.
Totalité de rouges__
Rouges et noires.. . .
Ajournements............
exam en de
Lettres un cours de langue et de littérature française à l’u
sage spécial des étudiants étrangers; et il a confié ce cours
Admis
1" e x a m e n de B a c c a la u r é a t
la proposition de M. le Recteur, il a institué à la Faculté des
à M. le doyen Bizos, qui saura si bien, en leur faisant goûter
Examinés
r é g im e )
Eloge............................
Majorité on égalité de blanches.,
Minorité de blanches..................
Totalité de rouges.......................
Rouges et n oires........................
Ajournements...............................
tre étrangers. Remarquez-le bien : 46 étrangers, c’est large
ment la moitié de l’effectif présent au cours. Remarquez
1882-1883
N O M B R E D E CANDIDATS
8
23
20
8
79
12
8
B a c c a la u r é a t
(ANCIEN RÉGIME)
Eloge ........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches.
Totalité de rouges...
Rouges et noires___
Ajournements............
2“
exam en de
(n o u veau
B a c c a la u r é a t
r é g im e )
l ro p a r t i e
Eloge.................................
Majorité de blanches........................
Minorité de blanches.......................
Totalité de rouges.........
Rouges et noires...............................
Ajournements...............
A re p o rte r.
1
17
]5
10
66
12
66
199 ! 34
233
54
11
12
233
�— 71 —
— 70 —
Examines Admis Ajoornés Total
E xam ines Admis A journes Total
R e p o r t ... —
233
199
34
233
Examen de L ic e n c e (2m*partie)
68
F.lngo................................
Majorité de blanches.......................
Minorité de blanches......................
Totalité de rouges..........................
Rouges et noires.............................
Ajournements..................................
2“° examen de B a c c a la u r é a t
2“' partie
Eloge ................................
Majorité de blanches.......................
Minorité de blanches............ .
Totalité de ronges............................
Ronges el noires..............................
Ajournements................ ..................
5
14 l
18
7 i
14
10
68
58
10
1" exam en de L icen ce (a n .
1
3
1 i
» /
2 )
»
7
7
»
7
r ê g .)
Eloge .................................
Majorité ou égalité de blanches---Minorité de blanches......................
Totalité de rouges...........................
Rouges el n o ires.............................
Ajournements...................................
»
2
3
3
7
S
I
i
}
-
20
15
5
20
»
3
12 '
3
5
11
O
341
23
11
A reporter........
Eloge................................
Trois blanches et une blancherouge ...........................................
Trois blanches et une rouge..........
Deux blanches , une blanche-rouge
et une rouge...............................
Deux blanches, une blanche-rouge
cl une rouge-noire.....................
Ajournements.................................
Eloge ...............................
Quatre blanches et une blancherouge ..........................................
Quatre blanches cl une ronge........
Trois blanches, el deux blanchesrouges .........................................
Trois blanches, une blanche-rouge
et une rouge...............................
Trois blanches et deux rouges___
Ajournements.................................
Ajournement.....................
3
15 |
17
6 t
11 1
3
4
13
11 ■ 52
6
16
2
t;o
63
417
KO
1
2
2
15
9
6
15
10
8
2
10
1
1
JD
1
1
1\
2
3 1
»)
O
6
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6
3 I
1
6
»
1
1I
1 (
I
1
4
2
2”' e x a m e n de D o c to r a t
(NOUVEAU RÉGIME)
,
Examen de L icen ce
( n o u v e a u r é g i m e , l re partie)
Eloge..............................
Majorité ou égalité de blanches...
Minorité de blanches.......................
Totalité de rouges...........................
Rouges et noires..............................
Ajournements...................................
354
2“* e x a m e n de D o c to r a t
(ancien programme)
2 'exa m en de L icen ce (a n . r é g .)
Eloge.................................
Majorité ou égalité de blanches---Minorité de blanches......................
Totalité de rouges............................
Rouges et noires.............................
Ajournements...................................
417
—
1» e x a m e n de D o c to r a t
(nouveau régime)
Examen de C ap acité
Eloge ...............................
Majorité ou égalité de blanches....
Minorité de blanches......................
Totalité de rouges...........................
Rouges el noires..............................
Ajournements...................................
R e p o r t. .
T h èse d e D o c to r a t
(ancien régime)
35
417
52
354
3
63
55
417
Eloge...............................
yuatre blanches et une rouge........
trois blanches el deux rouges . . . .
Ajournements........
T otaux..........
501 | 427
74
501
�rapport
doyen
de
la
Monsieur
le
de m . r e b o u l
faculté
des
sciences
R ecteur,
Messieurs,
Les cours publics el fermés, les conférences pratiques et
manipulations, organisés en 1883 comme ils l’avaient été
l’année précédente, sans modification aucune, ont eu lieu
régulièrement à deux exceptions près. Je n’en veux citer
qu’une. Le cours public de chimie, mais non les conférences
préparatoires à la licence, a du être suspendu pendant le
2 esemestre
par suite d’ un accident grave arrivé au professeur
dans son laboratoire. Je ne parle pas de progrès accomplis.
Quand le bien est atteint ou à peu près, le mieux ne peut
être réalisé que lentement par des accroissements du person
nel, des locaux et des collections que les nécessités d’ un
budget déjà fort chargé ne permettent d ’accorder que peu à
peu.
Le but principal assigné à l ’enseignement actuel des fa
cultés est de former des maîtres pour l’enseignement secon
daire, car il est indispensable d’assurer le recrutement du
personnel aujourd’ hui si nombreux des collèges et des ly5
�-
n -
cêes. L ’importance des cours publics s’ eiïace de plus en plus
devant celle toujours croissante des cours fermés préparatoi
—
75 —
J ’espère que les facultés insisteront sur la nécessité du
maintien des cours publics.
res aux agrégations et aux licences. Certes on ne peut qu’ap
Préparation aux agrégations. — Depuis deux ans la pré
plaudir à celle tendance utilitaire, les résultats obtenus sont
paration aux agrégations est venue s’adjoindre à l ’enseigne
là pour le prouver. Mais faut-il pousser jusqu’au bout l’imi
ment dont nous étions chargés et au reste. Elle est impossible
tation de ce qui se fait dans un pays voisin oii les cours pu
avec le personnel dont nous disposons. L ’administration
blics n’existent pas dans les universités et où la forme est
centrale l ’a si bien compris qu’au mois de juin dernier elle
comptée pour peu de chose dans les leçons données aux élè
affirmait elle-même celte impossibilité et nous demandait
ves, en ce qui concerne les sciences du moins? Je ne le
d’indiquer celles de ces agrégations auxquelles la Faculté
pense pas. Dans une société démocratique comme la nôtre,
pourrait se charger de préparer.
où chacun se préoccupe d’ une manière par trop exclusive
La Faculté consultée a répondu, à l ’unanimité des mem
peut-être île parvenir au plus vite, n’est-il pourtant pas né
bres présents, que, bien que la tâche fut rude, elle était
cessaire de laisser aux gens de loisir qui se livrent à l’élude^
disposée à continuer seule la préparation à l ’agrégation
qui désirent s’ instruire platoniquement, la possibilité de
mathématique ; qu’avec ses trois chaires de sciences natu
trouver des amphithéâtres oii des maîtres autorisés, laissan1
relles et ses deux chargés de cours complémentaires de bota
de côté les détails inutiles, les tiennent au courant des pro
nique et de zoologie, elle se chargerait aussi de l’agrégation
grès des sciences et, leur ouvrant des horizons nouveaux,
ès sciences naturelles, surtout si le maître de conférences
provoquent parfois chez quelques-uns d’entre eux des voca
demandé pour la minéralogie et la géologie était accordé.
tions scientifiques? Les paroles récentes que j ’ extrais d’une
Qu’enfin elle n’était pas en mesure de préparer à l ’agréga
récente circulaire de M. le Ministre ne s’appliquent-elles pas
tion physique sans l ’adjonction d’un nouveau maître.
au point en question? Jugéz-en.
Quoiqu’il en advienne, pendant l ’année dernière, deux
Après avoir soumis à l ’examen des facultés un certain
conférences par semaine pour les sciences mathématiques,
nombre de questions graves qui comportent un profond re
une pour les sciences physiques, ont été suivies, les premiè
maniement dans l'organisation de l’ enseignement supérieur,
res par six élèves, dont quatre boursiers, la seconde par un
M. le Ministre ajoute :
ancien boursier de la Faculté, actuellement professeur au
« Mais il importe de tenir compte de l’esprit public, du
lycée de Marseille. On a fait faire des leçons aux candidats,
« passé de notre pays, des traditions déjà anciennes parmi
de nombreux devoirs ont été corrigés. Celte préparation est
« les professeurs et l ’opinion. INous n’ avons pas le droit de
insuffisante, quoiqu’on ait atteint les limites du possible. 11
« faire des expériences dont le résultat serait douteux. Sj
nous faut absolument des auxiliaires, si l ’ Etat désire que
« la moindre incertitude peut subsister sur le succès des
nous remplissions d ’ une manière utile les nouveaux devoirs
« changements qui sont soumis à l ’examen des facultés,
qu’il nous propose ; car les partager avec une faculté voisine
« ellesont le devoir de le dire. »
est chose qui rencontrerait dans l'application des difficultés
presque insurmontables.
�— 77 —
Faut-il s’ étonner si au concours d’agrégation de celte an
dans un rapport spécial adressé il y a deux ans à M. le Mi
née aucun de nos candidats n’a réussi, surtout si l’on ■ vent
nistre, ont été approuvées par lui, mais jusqu’à présent les
bien tenir compte du grand nombre d’appelés et du peu
allocations demandées pour frais de déplacement des candi
d’élus.
dats ne nous avaient pas été accordées. Cette lacune vient
En effet, 83 candidats se sont présentés cette année au
d'être comblée il y a quelques jours à peine. M. le Recteur
mois d’août pour l’ agrégation mathématique. Onze ont été
m’a en effet prévenu tout dernièrement qu’ un crédit spécial
reçus ; sept sortaient de l ’École normale ; les quatre autres
était ouvert à cet effet pour l’année scolaire qui vient de
étaient professeurs de l’enseignement secondaire. La Faculté
commencer.
de Marseille avait envoyé cinq ou six élèves, dont un avait
Préparation aux licences . — Cet enseignement se compose
été admissible dans un très bon rang l’année dernière. Elle
de 22 leçons et 5 conférences pratiques par semaine durant
comptait presque sur sa réception celle année. Le professeur
toute l ’année. Si on y joint les 10 leçons publiques que les
dont il s’agit, fort méritant d’ailleurs, a malheureusement
élèves sont tenus de suivre et qui, pour la plupart, sont de
manqué une de ses épreuves écrites.
vrais cours de licence, on a un total de 37 leçons qui ont
Quant à l’agrégation physique, 74 maîtres ont pris part
été suivies par 40 candidats inscrits, dont 12 boursiers de
au concours. Treize ont été admis, dont trois boursiers de
l’Etat, 2 du département, 2 de la ville ; le reste est composé
faculté. INous n’avons envoyé qu’un seul candidat qui n’a
de maîtres répétiteurs ou auxiliaires et de quelques étudiants
pas été heureux.
libres.
Lorsqu’on voit l ’enseignement donné à la Faculté même
Ces 40 travailleurs, animés d’ un excellent esprit, se sont
par les professeurs être insuffisant, que penser du profil
montrés, à de rares exceptions près, très assid,us. En outre,
qu’on peut retirer d’ une préparation par correspondance,
nous avons constaté, chez la plupart d ’entre eux, surtout
comportant un ou deux devoirs au plus par mois? Et ce que
chez les boursiers, un travail sérieux et soutenu. Les notes
je dis ici s’applique également aux licences. Si pour les scien
mensuelles que j ’envoie sur leur compte en font foi. Les ré
ces mathématiques il y a une ombre d’utilité (et elle n’existe
sultats constatés aux examens des sessions de novembre 1882
que pour ceux qui sont déjà fort avancés), en ce qui concerne
et de juillet 1883 prouvent encore mieux l ’exactitude de mon
les sciences physiques et naturelles la préparation par cor
assertion. 11 suffit de jeter un coup d’œil sur le tableau sui
respondance est purement illusoire. Le seul service qu'on
vant :
puisse rendre aux professeurs de collèges communaux on
maîtres d’ études qui ne sont pas au siège de la Faculté, est
31 candidats ont subi les épreuves en novembre 1882 et
juillet 1883.
d’allouer à ceux pour lesquels l ’éloignement n’est pas un
Licence mathématique, 12 examinés, 5 admis.
trop grand obstacle, une indemnité qui leur permette de
—
physique,
13
10
venir assister une ou deux fois par mois à des leçons ou a
—
naturelle,
6
4
31
19
des conférences pratiques. Ces vues <jue j ’avais développées
Prop. 61 0/0
�78 —
— 79 —
fesseurs pour leurs recherches personnelles n ’est déjà que
O rigine des candidats.
Présentés.
Admis. Proportion.
11
9
81 0/0 .
6
2
33 0/0.
Etudiants libres suivant les cours.
6
3
50 0/0 .
Candidats étrangers à la Faculté.
8
5
62 0/0 .
B o ursiers...................................
Maîtres auxiliaires
ou
répéli-
teurs. , ...............................
trop écourté. Il ne faut pas réduire leur rôle à celui de pré
parateurs à certains grades, quelque sérieux que soient ces
grades. « ün irait loul-à-fait à l'encontre des résultats que
« je veux atteindre, dit M. le Ministre (1er octobre 1880), si
« les occupations matérielles surchargeaient les maîtres au
« point de les détourner du travail personnel. Je cherche
« donc tous les moyens d’alléger la charge des professeurs.
Je me fais un plaisir d’ajouter que la session de juillet a
« Dans les Facultés des Sciences où les examens sont relati-
donné pour la licence physique des résultats qui n’avaient,
« vement peu nombreux, il suffît de créer un certain nom-
je crois, jamais été atteints, et qui ne se reproduiront peut-
« bre de maîtres de conférences pour que les savants aient
être pas de longtemps. Sur 8 candidats, 7 ont été reçus ;
« à eux le temps qu’ il leur faut.
l ’ un, M. Berg, avec la note exceptionnelle très bien et trois
« Des crédits pour les collections vont êlredoublés au bud-
avec la mention bien : MM. Clavaud, Dilhan (Emile) et Mes-
« gel de 1881. Chaque chaire aura désormais un prépara-
trallet. Tous les quatre étaient boursiers de la Faculté.
« teur et un garçon dont les traitements seront divisés par
Un autre boursier, M. Herse, a été également reçu avec
la note bien, aux examens de licence mathématique.
T ravaux personnels. — Utilisant de leur mieux le temps
dont ils disposent, temps trop limité par les exigences crois
santes de l ’ enseignement, les professeurs de la Faculté de
Marseille ont tenu à rem plir aussi dignement que par le passé
« classes. J ’ai lieu de penser que les frais de cours et d’exer« cices pratiques seront aussi augmentés. Il n’y aura donc
« plus dans beaucoup de Facultés qu’un souci : assurer aux
« maîtres et aux élèves des laboratoires suffisants. »
Et plus loin :
celle partie la plus élevée de leurs obligations. Ce sont en
« L ’année qui commence (1881) verra se produire d’heu-
effet les travaux originaux qui sont l ’ honneur et l’ une des
« reuses améliorations et nous arriverons au moment où la
principales raisons d'être de l’enseignement supérieur. Ce
« préparation aux grades étant devenue une habitude facile
sont eux qui donnent à ses membres l ’autorité dont ils jouis
« et un accessoire, nous songerons surtout à la science et
sent comme professeurs et comme examinateurs. Malgré l’in
« aux hautes études qui sont le grand devoir que les Facul-
térêt que présentent beaucoup de ces publications, je ne
« tés ont à l ’égard du pays. »
saurais vous en présenter ici la trop longue analyse et je dois
Tel était le langage du ministre de l ’instruction publique
me borner, suivant mon habitude, à en consigner les titres à
il y a trois ans. Je me plais à constater qu’ une partie du pro
la fin de ce rapport. Mais je considère comme un devoir et
gramme précédent, qu’on ne saurait trop louer, a été ou va
un service à rendre à l ’enseignement supérieur, de dire ici
être réalisée pour nous. Ainsi nos crédits pour collections
hautement que le temps laissé à l ’ heure présente aux pro-
ou frais de cours ont été portés de 17,000 fr. à 26,000 fr.
�—
L ’insuffisance de nos locaux va bientôt disparaître par suite
de la création d’une nouvelle Faculté largement installée que
nous devons à la fois à la libéralité de la ville de Marseille et
à celle de l ’ Etat, et dont la première pierre a été posée le 20
du mois d’août dernier. Mais il faut en même temps conve
n ir que, malgré la bonne volonté du Ministre, une partie de
ces améliorations devenues nécessaires, reste encore à l’etat
de lettre morte. Ainsi on n ’a pu encore alléger la charge en
combrante des professeurs, au contraire. En second lieu,
nous sommes loin d ’avoir encore un garçon de laboratoire
par chaire et c’est en vain que je demande depuis deux ans
la réalisation de cette partie des promesses de la circulaire
du l*r octobre. Espérons qu’on nous accordera bientôt ce que
d’autres Facultés ont déjà obtenu.
Examens du baccalauréat.
81
qui sont beaucoup trop chargés, surtout en ce qui concerne
les sciences naturelles, et qu’il est nécessaire de remanier en
les simplifiant. Celte observation s’applique d’ailleurs, sui
vant moi, plus ou moins, à tous les programmes. Parcourez
par exemple ceux du nouveau baccalauréat de l ’enseigne
ment secondaire spécial et vous serez effrayés de tout ce qui
s’y trouve. On est donc souvent obligé de se contenter d'è
peu près dans les réponses. Il vaudrait mieux avoir à inter
roger sur moins de choses et exiger qu’on sache bien celles
qui sont demandées.
Le personnel de la Faculté est resté cette année ce qu’il
était l’an passé. Toutefois nous avons eu le m alheur de per
dre, non un collègue immédiat, mais un collaborateur qui
depuis 26 ans s’était fait connaître, estimer et appréciera
Marseille par les leçons remplies de verve, d ’érudition et
d’esprit qu’ il faisait dans notre grand amphithéâtre pendant
Baccalauréat com plet . — 299 présentés ; 98 admis. 3
les semestres d’ hiver. Il ne m ’appartient pas de faire ici l’é
avec la mention très bien, 7 avec bien, 15 avec assez bien,
loge de M. Reynald, qui, comme professeur, comme savant,
73 avec passable.
Proportien 32,7 0 /0 . C’est une moyenne
comme écrivain et comme publiciste de mérite, laissera parmi
plus élevée de 1 0/0 que celle de l’année précédente. Je la
les lettrés des regrets qui ne s’éteindront pas de longtemps.
signale cependant parce qu’elle marque, je l ’espère, la lin de
Ce juste tribut dû à une vie si noblement remplie lui a été
la période décroissante dont je disais quelques mots il y a un
rendu au bord de sa tombe, dans deux discours éloquents
an.
prononcés parM . le recteur Belin et par M. le doyen Bizos.
Baccalauréat restreint. — 46 candidats, 22 admis : \ très
bien , 1 bien, 4 assez bien, 16 passable. Prop. 45,65 0/0.
Ce que je veux dire, c’est qu’il laissera des regrets non
moins durables parmi ses amis. Je tiens à joindre publique
Baccalauréat ès lettres, deuxièm e partie. — Les éléments
ment ma voix à la leur, en affirmant que si chez Revnald
d’une statistique exacte sur ce point me font naturellement
l’esprit était parfois in cisif et railleur, l'homme était essen
défaut. M ais la conclusion qu’on peut tire r des examens faits
tiellement bon, serviable, toujours prêt à prendre à son
cette année avec le nouveau programme est qu’ils ont été très
compte la plus grande partie des besognes pénibles. Il est
faibles. S ’il y a une large part à faire à une préparation hâ
mort debout, se sachant perdu, sans se plaindre. Noble fin,
tive et incomplète, il y en a certainement une autre qu’il
bien digne de servir d’exemple.
faut faire remonter aux programmes scientifiques eux-mêmes
�83 —
T ravaux publiés pendant Tannée 1882-1883.
M. L’abbé Aoijst. — Considérations sur les Eludes géométriques
et cinémadqucs de M. Habicli de Lima. (Marseille, Barlalier, impri
meur, 1882).
Méthode pour obtenir, au moyen d’une intégrale définie multiple,
une formule contenant l'intcgrale générale de l’équation linéaire de
forme Euléricnne. (Comptes rendus de l'académie des sciences de
Paris).
Sur l’unité de décomposition d'une fraction rationnelle en frac
tions plus simples. (Mémoires de l'académie de Marseille).
Nouvelles considérations sur les bissectrices des courbes d'un ré
seau tracé sur une surface quelconque. (Journal de mathématiques
publié par M. Résal).
M. Cbarve. — Table des formes quadratiques quaternaires posi
tives dont le déterminant est égal ou inférieur à l’unité. (Comptes
rendus).
M. Stéphan. — Observation du passage de Vénus. — Découverte
d’un nombre notable de nébuleuses.
Publication des positions précises de 96 nébuleuses nouvelles
(C. R. de l’acad.). Observations diverses.
M. R eboul. — I. Recherches sur les ammoniaques composées
oxygénées. Hydroxallyl-diamines. (C. R. de l’acad. déc. 1883).
IL Monamines et triamines oxygénées résultant de l'action de
l’epichlorhydrine sur l'éthylamine et la diélhylamine. (Ibid.).
M. Dieülafait. — 8 janvier: Le manganèse dans les terrains dolomitiqnes. Origine de l'acide azotique qui existe souvent dans les
bioxydes de manganèse actuels.
12 février : Recherches géologico-chimiqucs sur les terrains salifères des Alpes suisses, et en particulier sur celui de Bar.
12 mars : Le manganèse dans les eaux des mers actuelles et dans
certains de leurs dépôts ; conséquence relative à la craie blanche de
la période secondaire.
\ juin : Evaporation comparée des eaux douces et des eaux de mer
à divers degrés de concentration. Conséquences relatives à la mer
intérieure de l’Algérie.
18 juin : Evaporation de l’eau de mer dans le sud de la France, et
en particulier, dans le delta du Rhône.
2 juillet: Gisements, association et mode probable deformation
de la barytine, de la célcsiine eide l'anbydrite.
13 août: Evaporation des eaux marines et des eaux douces, dans
la delta du Rhône cl h Constantine.
8 octobre: Les serpentines et les terrains ophiolithiques de la
Corse ; leur âge.
22 octobre: Horizons dioritiques de la Corse; leurs âges.
12 novembre: Calcaires saccharoïdes et ophites du versant nord
des Pyrénées.
Origine et mode de formation des minerais métallifères, conférence
faite à la Sorbonne. (Bull, de l’association scientifique de France).
M. IIeckel. — Nouvelles recherches sur les Kolas au point de vue
botanique, chimique et thérapeutique en collaboration avec le pro
fesseur Sclilagdenhauffcn (de Nancy), travail couronné par l’Union
scientifique des Pharmaciens de France (prix Bussy).
Le coloris des fleurs alpines. (Bulletin de la société Botanique de
France, août 1883).
Observations de nouvelles monstruosités végétales et recherches de
leurs causes. (Bulletin de la société Botanique de France, septembre
18SÔ, 20 pages avec une planche).
Articles: sulfuraircs et globulaires dans le Dictionnaire Encyclopé
dique des sciences naturelles de Deehambre.
Nouvelles observations de tératologie mycologique.
M. Macé be Lépinay, dans le Journal de physique, en collabora
tion avec M. W. Nieali. — Recherches sur la comparaison pholométrique des sources diversement colorées, et en particulier sur la
comparaison des diverses parties d’un même spectre (2' série, t. n,
p. 6K).
Théorie des courbes incolores dans les cristaux biaxes (2" série,
t n, p. 162).
Dans les Annales de Chimie et de Physique, en collaboration avec
�T ableau d es e x a m e n s fa its p en d a n t l ’a n n ée sc o la ir e 1 8 8 2 - 1 8 8 3 .
ORDRE D’EXAMENS
Examinés
Admis
au
grade
PROPORTION
des ad m is
MENTIONS
très bien
bien
assez bien passable
OBSERVATIONS
sur cent
ex am in és
Mention très bien
; Baccalaureat complet.
299
98
3
7
15
73
M. Boivin.
M. R a i b a u d .
M. V e s s i o t E .
M. Vessiot P.
32.77
M. F e r a u d .
M. S e g r é .
M. Plumier.
M. S a v e .
M. S u n h a r y de
V erville.
Baccalauréat restreint
46
22
1
1
4
16
45.65
Licence mathématique
12
0
»
1
1
3
9
»
i Licence physique... «
13
10
1
3
3
3
»
M. B e r g .
1
i Licence n a tu re lle ....
Mention bien
M. Blanc.
M. Cbapplain.
M. H e r s e .
M. Clavaud.
M. D i l h a u E .
M e slrallel.
M.
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Il
cz, OO
T-
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£ 5
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�cacher une vaste érudition, d ’une causticité alerte et prompte,
il faisait de ses leçons autant de causeries aiguisées et fines,
RAPPORT DE M. BIZOS
pleines d’ une verve étincelante, nourries de souvenirs abon
dants et précieux, intarissables en citations et en anecdotes
DOYEN DE LA
FACULTÉ
DES LETTRES
toujours heureuses. Puis, quand il descendait de sa chaire et
rentrait dans son cabinet, il transformait c&s leçons justement
«
applaudies en des livres nets et clairs que l ’ Institut a cou
ronnés. Tour à tour professeur de littérature étrangère dans
les Facultés de Poitiers et de Caen, professeur de littérature
française et professeur d’ histoire à A ix, il abordait avec la
Monsieur le R ecteur,
même aisance, avec la même sûreté de méthode et de goût,
avec la même science, les sujets les plus variés. Il passait
Messieurs ,
d’une thèse sur Johnson à une histoire de la Restauration,
d’une histoire contemporaine d’Angleterre ou d’Espagne à de
remarquables études sur Mirabeau et la Constituante ou à un
La Faculté des Lettres vous parle cette année par la bouche
grand ouvrage d’ histoire diplomatique sur Louis X IV et
d’un nouvel interprète. L ’ homme si distingué, qui là diri
Guillaume III. En même temps, comme pour se reposer et
geait comme doyen depuis 1879 et qui lui appartenait comme
se distraire, il publiait de savantes éditions précédées de spi
professeur depuis seize ans, lui a été prématurément enlevé
rituelles préfaces, il donnait au journal le Temps, dont il
par un mal impitoyable. Quand M. Herm ile Reynald, ancien
était le collaborateur assidu, à la Revue Politique et Littérai
élève de l ’ Ecole Normale supérieure et de l ’ Ecole d’Athènes,
re, à la Revue Historique, des articles vivement écrits sur les
vint occuper ici la chaire de littérature française illustrée
matières les plus diverses. Il fut un écrivain élégant, un pu
avant lui par ses camarades Prévosl-Paradol et Weiss, il fut
bliciste libéral et courageux, un professeur érudit et disert.
dès le premier jour le digne successeur de ces maîtres bril
11
lants. J'ai dit ailleurs dans une cérémonie douloureuse et je
l’ami le plus dévoué, le chef le plus bienveillant et le plus
ne puis que répéter aujourd’ hui quel Normalien fut jusqu’au
discret dans ses conseils. Ce qui tempère un peu notre dou
fut aussi le m eilleur des époux et des pères, le collègue et
fond de l’àme M. Reynald, quelle fidélité ce lumineux et fer
leur, c’est qu’il n’a pas disparu tout entier. Avec son souve
tile esprit avait gardée aux préceptes de sa chère Ecole, quel
nir qui vivra longtemps dans nos cœurs il laisse des livres
amour il avait des lettres vraiment françaises, de quelle ar
qui dureront. Il lègue surtout à l ’ Université un fils qui, nous
deur il voulait un haut enseignement conforme au génie
l’espérons, sera l’ héritier de ses talents et marchera sur ses
national de notre pays. Doué d’une mémoire prodigieuse,
traces.
d’ une facilité exquise et souriante, qui ne parvenait pas à
M. Reynald vient d’être remplacé dans la chaire d’ his
�-
88
—
toire par M. Georges Guibal, qui, après s’être marié dans
-
M -
l ’une des plus honorables maisons de celte ville, a désiré
manquera jamais de solliciter ses conseils et de prendre
être transféré de la Faculté de Poitiers à la Faculté d’Àix.
l’avis de son expérience.
Comme son prédécesseur, notre nouveau collègue est un
Ce n’est pas là le seul changement qui se soit produit cette
Norm alien; comme lui il occupe dans notre haut enseigne
année dans notre Faculté. Le professeur de littérature an
ment une des premières places. En 1870 il était à la Faculté
cienne, M. Lehanneur, nous quille pour aller occuper la
de Strasbourg le suppléant de M. Fustel de Coulanges et
même chaire à Clerm ont-Ferrand. Il va retrouver en Auver
pendant le siège de la malheureuse cité il remplit vaillam
gne l’affection de M. le recteur Bourget, il y va chercher
ment son devoir dans les rangs de la garde nationale. Devenu
aussi un pays plus rapproché du sien, des coutumes et des ca
en 1872 professeur à la Faculté de Poitiers, il y lit descours
ractères, une nature el un climat plus conformes à ses goûts.
universellement goûtés pour les sentiments généreux, les ce-
Nous lui souhaitons d’y rencontrer une amitié aussi franche
cherches érudites, la chaleur oratoire. Il est l’auteur d’un li
que celle que nous lui portions.
vre sur la guerre de Cent Ans. <<Cet ouvrage, a dit un juge
La chaire, que M. Lehanneur abandonne, a été dédoublée.
« excellent (1 ), a le mérite de nous montrer les ressources
Le Ministre a compris que l ’enseignement de la littérature
« d’énergie et d'indomptable espérance que notre pays a
ancienne était écrasant pour les forces d ’un seul professeur.
« trouvées en lui-même aux plus mauvais jours de son passé,
La littérature latine et les antiquités romaines sont confiées à
« en traversant les crises les plus dangereuses et les plus
M. Conslans, qui nous vient de la Faculté de Toulouse. Nous
« longues qui aient jamais mis en question son existence.
accueillons avec empressement le savant linguiste. L ’étendue
« L ’auteur a su tirer de l ’examen attentif de nos anciennes
el la sûreté de ses connaissances et ses fortes habitudes de
« chroniques et de la comparaison des contemporains un
travail lui promettent un grand ascendant sur nos élèves,
« tableau précis, animé, coloré de ces années néfastes dont
qui n’ignorent pas ses études sur nos dialectes provinciaux
« l ’horreur a été vaincue non seulement par la gloire popu-
et sa remarquable thèse sur la langue de SaJIuste.
« laire de Jeanne d’Arc, mais aussi par le courage des trois
M. Georges Lafaye, qui rem plit avec tant de zèle et de dis
« ordres de l ’ Etal. » Certes la scienceelle talent sont grands
tinction depuis deux ans les fondions de maître de conféren
chez M. Guibal ; mais nous savons qu’ il a en outre au plus
ces, est délégué dans la chaire nouvelle de langue et d ’insti
haut point la loyauté du caractère, l’aménité des mœurs, la
tutions grecques. Dans quelques jours il doit soutenir en Sor
modestie el le désintéressement. A Poitiers il a refusé les
bonne les épreuves du doctorat, qui seront légères à ce jeune
honneurs du décanat, il aurait pu les briguer et les obtenir
maîtredontla pénétration archéologique ne se sépare jamais
à A ix ; il a mieux aimé les laisser à un plus jeune, qui ne
du goût exquis des beautés littéraires. Bientôt il sera défini
tivement attaché à celle Faculté d ’Aix, qui est comme son
(!) Discours de M. Alibertin à ta rentrée des Facultés (Poitiers,
1875).
foyer natal el où il ne peut faire un pas sans qu’il ne sente
monter de son cœur à ses lèvres les nobles paroles du poète
latin « Vestigia palris adora. »
6
�—
La chaire de philosophie, elle aussi, passe à un nouveau
professeur. M. P h ilib e rt a demandé et obtenu de faire valoir
ses droits à une pension de retraite. Elève de l’ Ecole ÎSormale
en 1840, M. P h ilib e rt fut nommé agrégé de philosophie en
1846. Ses deux, thèses pour le doctorat attirèrent sur lui
l’attention du monde savant et furent suivies d’un important
Mémoire, qui traitait des principes de la morale et qui fut
couronné par l ’Institut. Dès cette époque M. Philibert passait
justement pour un helléniste : Platon et Aristote, ses auteurs
favoris, n’eurent pas pour lui de secrets. Après avoir ensei
gné la logique dans les grands lycées de Grenoble, de Mont
pellier, d’ Angoulème, il fut en 1867 chargé du cours de
philosophie à la Faculté d’ A ix. Deux ans après il était pro
fesseur titulaire. Esprit exact et ferme, il tourna ses éludes
vers les sciences naturelles et surtout vers la botanique. Herboriseur et classificateur infatigable, il ne tarda pas à se faire
une place parmi les savants grâce à d’ utiles et patientes re
cherches sur les lichens et les mousses. Amateur de la cam
pagne, il se montrait rarement à la v ille et dans le monde.
Sachant se passer des dignités et des honneurs, d’ une hu
meur calme et modeste, notre collègue n’a jamais aliéné une
part de sa liberté qu’ il a entièrement consacrée au travail
désintéressé. 11 a passé volontairement sa vie dans la solitude,
heureux de rester indifférent aux compétitions, de ne se point
m êler aux intrigues, et de se tenir à l ’écart dans une attitude
discrète. Dès qu’ il a pu faire valoir ses droits à la retraite, il
s’ est empressé de demander à être relevé de fondions, qui
devenaient lourdes pour son âge, pour sa santé et pour ses
goûts de méditation silencieuse.
M. P h ilib e rt est remplacé par M. Colsenet. Ancin élève du
lycée Henri IY, où il fit de brillantes études, nommé élève
de l ’ Ecole Normale supérieure en 1868, M. Colsenet appar-
01
lient à une famille universitaire. Son père, qui fut professeur
au lycée de Strasbourg et censeur au lycée d’Amiens, lu i
donna dès ses premières années un perpétuel et frappant
exemple d’ une vie toule de labeur et de dévouement profes
sionnel. Remarqué à l’ Ecole Normale pour sa maturité pré
coce, M. Colsenet entra dans la section de philosophie, fut
reçu agrégé en 1872, et débuta dans la très importante
chaire de philosophie du lycée de L ille . Son enseignement
valut à ses élèves les plus beaux succès. Bientôt il soutenait
en Sorbonne deux thèses, dont l’ une sur la vie inconsciente
de l’esprit lui attira les félicitations les plus flatteuses. Il en
tra dans l ’enseignement supérieur comme professeur sup
pléant à la Faculté de Besançon, où le M inistre est allé le
prendre pour l ’appeler à A ix. I! nous vient comme chargé
du cours de philosophie, il ne lardera pas à devenir titu
laire.
Un arrêté, en date du 2 octobre 1883, nomme maître de
conférences d’ histoire ancienne près notre Faculté M. Clerc,
professeur au lycée de Rouen, ancien élève de l ’Ecole d’A
thènes. Nous savons tout ce que les antécédents universitaires
de ce jeune maître nous promettent d’érudition et de talent,
et nous remercions vivement M. le Ministre d’avoir créé cette
conférence nouvelle, qui nous fera attendre avec plus de
patience le dédoublement de la chaire d’ histoire. Nous le
remercions aussi d’avoir chargé M. Agabriel, professeur au
lycée de Marseille, de venir chaque jeudi faire à A ix un cours
de géographie, dont le succès a été grand et mérité : je
suis heureux de rendre ici un public hommage au zèle, à la
science, à l’excellente méthode de M. Agabriel.
Vous le voyez, Messieurs, l’ancien et noble navire, où les
Forloul et les Zeller, les Lafaye et les Bonafous, les Weiss et
les Prévôl-Paradoi, les Ouvré et les Reynald ont servi avec
�— 93 -
— 9^ —
tant d'éclat, quitte le port celte année fortement armé pour
consacré aux cours spéciaux qui sont réservés aux seuls étu
des courses nouvelles. Il a un jeune et ardent équipage, qui
diants. Nos conférences préparatoires à la licence compteront
s’efforcera de n’ êlre ni brouillon ni téméraire, mais d’être
actif, v iril, avide de sages et nécessaires progrès.
Les leçons données par la Faculté sont de deux sortes.
Chez nous l ’enseignement d’ autrefois subsiste à côté de l’en
seignement des conférences et des cours privés qui s’organise
partout, se développe et tend même à se substituer dans cer
tains endroits au premier. Nous ne voulons pas que nos
cours publics, qui sont fréquentés soit à Aix soit à Marseille
par un si intelligent auditoire, disparaissent, et nous conci
lierons les exigences de l ’enseigemenl technique et de l’en
seignement public, qui, à notre avis, doivent s’éclairer et se
compléter l ’ un par l ’autre. Nous ne saurions nous associer
aux critiques énormément exagérées dont les cours publics
sont trop souvent l ’objet. Nous n’avons jamais vu qu’ils fus
sent, comme on l ’ a dit injustement, des écoles de déclamation.
Mais en revanche nous avons toujours vu les professeurs di
gnes de ce nom y condenser le résultat de leurs recherches,
y résumer les théories récentes, y exposer leurs idées per
sonnelles dans un langage b rilla n t et châtié, avec ordre et
clarté. Nous savons que les beaux livres des Guizot et des
Villem ain, des Michelet et des Saint-Marc Girardin, et de
tant d’ autres illustres maîtres, sont sortis de leurs leçons pu
bliques. Nous estimons enfin qu’ il serait déplorable que les
professeurs du haut enseignement ne fussent plus que des
répétiteurs lisant dos notes plus ou moins indigestes et deve
nant peu à peu incapables de cette parole facile, élégante,
correcte, qui depuis les Gaulois nos ancêtres est dans le génie
de notre race et de notre pays.
Nous continuerons donc pendant le premier semestre à
faire nos cours publics. Le second semestre sera entièrement
de vingt à vingt-cinq auditeurs assidus, boursiers, maîtres
auxiliaires, maîtres répétiteurs, élèves libres. Chaque mois
nous enverrons aux professeurs du ressort, qui réclament
nos soins, des textes de devoirs imprimés, en les priant de
s’habituer à une grande exactitude. Nous savons par expé
rience que ces devoirs venus du dehors, très abondants en
novembre, deviennent de mois en mois plus rares et finissent
par ne plus nous arriver. La viligance de M. le Recteur n’ hé
sitera pas à rappeler à ceux qui perdraient courage que la
régularité est la condition du succès.
Quelle que soit la lourde charge que ces travaux multiples
et variés nous imposent, nous ferons plus encore. Nous crée
rons cette année chaque jeudi toute une série de conférences
préparatoires aux différentes agrégations. Les professeurs et
les maîtres déjà licenciés ne seront plus seulement en corres
pondance avec nous ; ils pourront venir suivre directement
des cours, oü tantôt nous leur expliquerons les auteurs, tan
tôt nous leur rendrons compte de leurs devoirs, tantôt nous
leurs céderons la parole pour des exercices pratiques dont
l’importance est capitale. L ’ Etat, nous en avons la certitude,
ne sera pas pour eux moins libéral que pour leurs collègues
des ressorts voisins : nous espérons même que bientôt les
conseils généraux et les conseils municipaux se feront un
honneur de s’associer à une œuvre si généreuse et si féconde.
Dès celle année cinq candidats se sont fait inscrire pour l ’a
gréation de grammaire, cinq pour l ’agrégation des lettres,
trois pour l’agrégation d’ histoire, et deux pour l’agrégation
d’allemand.
J’arrive maintenant au compte rendu détaillé de notre en
seignement. Le professeur de littérature française, après
�— 95 —
— 94 —
avoir fait l'an dernier l ’ histoire de la comédie larmoyante et
de toutes ces œuvres animées d’ un esprit nouveau nous amè
nera aux productions dramatiques de Ducis et de Marie-Jo
du drame bourgeois en France au 18e siècle, se propose d’é
seph Chénier, c’est-à-dire, au seuil même du théâtre mo
tudier cette année les transformations subies par la tragédie
derne. Dans les conférences préparatoires aux examens,
à la même époque et ses acheminements successifs vers le
M. Bizos expliquera les auteurs français inscrits aux pro
drame moderne. Il aura d ’abord à montrer comment La Mol-
grammes de la licence et de l’agrégation des lettres.
te-Houdar le premier, plaidant en faveur d’un art indé
Le. professeur de littérature étrangère, M. Joret, a refait
pendant et libre, attaqua les Unités, les Expositions, les
l’an dernier l ’histoire de la Renaissance pendant sa seconde
Récits, les Confidents, la Versification monotone, et aurait
période. Le Tasse et Guarini l ’ont successivement occupé;
sans doute fait sur notre théâtre, dès le commencement du
18e siècle, une révolution féconde, si, au lieu d’être seule
ment un critique original, il eût été un poète au génie créa
teur. Puis vient Voltaire, qui visite l ’Angleterre, voit jouer
Shakspeare à Londres, et rapporte de son commerce avec le
grand auteur anglais tout un plan d’innovations. Costumes,
action, appareil scénique, choix des sujets, caractères des
personnages, versification, il essaie de tout renouveler; il
agence d’un main sans doute bien timide encore, mais auda
cieuse pour son époque, les éléments essentiels du drame
héroïque moderne, dont sa pièce de Tancrède est chez nous
au 18e siècle comme le prem ier exemplaire qui ail mérité de
survivre. Cependant Shakspeare devient de plus en plus en
faveur dans notre pays : plus connu, grâce aux traductions
de La Place et de Lelourneur, il inspire à de Belloy l’idée
de ses tragédies patriotiques, le Siège de Calais, Gaston ei
Bayard , au président Hénault l ’idée de son drame historique
François 77, que suivent les drames de Sébastien Mercier,
Childeric I er et Jean Hennnyer. Vers la même époque et sous
la même influence de Shakspeare, Baculard d’Arnaud, par
son drame intitulé le Comte de Comminge , et de Belloy, par
sa Gabrielle de Vergy, inaugurent la théorie du genre sombre
et donnent les premiers modèles des pièces orageuses et san
glantes que notre théâtre du '19° siècle a tant aimées.L’étude
puis, passant en Angleterre, il a étudié le développement
qu’y prit la littérature dramatique sous le règne d’ Elisabeth :
c’est dans le théâtre de Shakspeare qu’il en a cherché les
traits caractéristiques. Celle année il ne quittera pas l ’An
gleterre et il étudiera la littérature de ce grand pays pendant
une des périodes les plus troublées de son histoire, depuis
l’avènement des Stuart en 1606 jusqu’à leur chute définitive.
Le règne des Puritains devait changer profondément le ca
ractère national de l ’Angleterre. C’en est fait pour toujours
de la joyeuse humeur des hommes de la Renaissance : une
austère gravité lui succède : on en retrouve le reflet et l’écho
dans les écrits de Milton. Mais la république de Crormvel ne
devait avoir qu’ une courte durée : les Stuart sont rappelés, et
avec eux l’ influence étrangère pénètre en Angleterre : la
littérature française, qui atteint à sa perfection, va servir de
modèle aux écrivains anglais. Dryden le premier en subit
l’influence tout en la combattant : en lui se personnifie la
littérature poétique anglaise à l’ époque de la Restauration :
c’est Dryden aussi avec M illon qui fera l ’objet principal du
grand cours de littérature étrangère pendant l ’année qui
commence. Dans la petite leçon M. Joret étudiera la littéra
ture allemande dans ses débuts laborieux au 17e siècle et
dans son développement si rapide et si grand au I 8 1' siècle,
�—
%
-
— 97 —
en s’attachant à faire ressortir les rapports intellectuels qui
partie du Gorgias de Platon, qui est prescrite par le pro
pendant celle longue période rattachent l ’une à l ’autre Ib
gramme de la licence ; pendant le second semestre il donnera
France et l’ Allemagne. Le jeudi deux conférences par mois
aux élèves des notions sur la religion des Grecs, conformé
seront oonsacrées à un cours de grammaire comparée des
ment à l’arrêté ministériel du 7 août 1881.
langues romanes à l ’ usage des candidats à l ’agrégation de
M. Conslans, chargé du cours de littérature latine, se pro
grammaire; deux autres, destinées aux candidats à l’agréga
pose d’étudier les quatre grands historiens latins, Sallusle,
tion d’allemand, seront employées à faire l ’étude des auteurs
César, Tile-Live et Tacite, qui nous offrent des modèles#des
portés au programme de cette agrégation.
différents genres historiques, monographies, mémoires, his
M. Georges Lafaye, chargé du cours de littérature grec
toire générale, histoire politique. Le professeur insistera
ques, étant l ’année dernière encore m aître de conférences, a
principalement sur le style et la méthode de chacun de ces
fait expliquer le discours de Démosthène contre Midias.
historiens, et recherchera quelle influence peuvent avoir eue
Mais, avant d’aborder le texte, il a pendant les premiers
sur le choix du genre historique qu’ ils ont préféré leur ca
mois traité en une série de leçons de l’organisation politique
ractère personnel, l'époque et le m ilieu où ils ont vécu, et
et judiciaire de la république athénienne. 11 est bien difficile
dans quelle mesure ces divers éléments ont contribué à for
en effet de pénétrer la procédure suivie par l ’orateur, si l’on
mer leur style et à lui donner l ’originalité qui le caractérise.
n’a pas étudié auparavant dans leur ensemble les principales
Dans les conférences M. Conslans expliquera quelques-uns
institulions de la démocratie qu’ il dirigeait. Celte année,
des auteurs latins inscrits aux programmes de la licence et
M. Lafaye traitera dans ses leçons publiques de Théocrite et
de l’agrégation de grammaire.
de l ’idylle. Ce genre littéraire s’est développé le dernier
Le professeur d’ histoire, M. Guibal, a choisi pour sujet de
chez les Grecs. Il est né de ce besoin qui aux époques de
son cours public Louis X V I etson temps. Il s’arrêtera à lachule
décadence porte les âmes à chercher dans le calme de la vie
de Loménie de Brienne et au commencement du second m i
champêtre une trêve aux agitations de la ville. On peut sui
nistère de INecker. Il réserve pour l ’année suivante l ’élude
vre même chez les écrivains de la grande époque les progrès
de la période électorale de 1788-89 et l ’analyse des cahiers
de ce sentiment de lassitude. Mais la forme nouvelle, dont
généraux. Dans les leçons, qui composeront le cours public
Théocrite est l ’inventeur, a son originalité. Elle se rapproche
de la présente année, le professeur s’attachera particulière
encore assez des plus beaux ouvrages de la Grèce pour que Vir
ment à l ’étal économique du pays; il étudiera les idées et
gile l ’ait jugée digne d’ être imitée. Elle a été transportée une
les mœurs; il insistera sur les réformes et sur les plans de
des premières dans notre littérature nationale. Le professeur
Turgol, de Necker, même de Calonne et de Loménie de Brien
montrera comment Théocrite, élevé à l ’école des Alexan
ne. Dans les conférences, qui auront lieu tous les jeudis
drins, dans un siècle où toute inspiration semblait tarie, a su
pour l’agrégation d’ histoire, M. Guibal expliquera pendant
trouver une source de poésie à laquelle personne n’avait en
le semestre d’hiver le traité de Ilincm ar de Ordine palaLii et
core puisé. Dans ses conférences M. Lafaye fera expliquer la
fera préparer le sujet de thèse inscrit dans le programme du
�— 98 —
concours de I 8 8 i sous le titre suivant: « Etudier à l’aide
-
99 —
maines. La troisième conférence, préparatoire à l’agréga
« des documents originaux les événements qui ont amené
galion, sera consacrée à l ’ examen des institutions d’Athènes :
« rétablissement de l ’empire latin de Constantinople. » Le
à celte élude se reliera naturellement la préparation de la
second semestre sera consacré à l’explication de Yillehar-
thèse sur les Heliasles. Ce cours sera interrompu de temps
douin et à la préparation du troisième sujet de thèse: « Elu-
à autre pour permettre aux candidats de faire quelques le
« dier d’après les actes orignaux les principaux traités con-
çons sur l ’ histoire grecque et romaine.
« cjus par la France pendant les années 1713 et 1714. » Dans
M. Agabriel, chargé d’ une conférence hebdomadaire de
les conférences préparatoires à la licence historique du pre
géographie, traitera de la géographie physique, historique,
mier semestre, le professeur, confiant aux élèves le soin de
économique de la France centrale. Son but est d’offrir aux
résumer en devoirs écrits et en expositions orales l’histoire
candidats à la licence des leçons de méthode et de préparer
des évènements extérieurs, se réservera île présenter une
les candidats à l’agrégation en vue de la composition écrite,
analyse des institutions mérovingiennes, carolingiennes, et
dont le sujet a été, depuis dix ans, i nvariablement emprunté
féodales. Dans le deuxième semestre, appliquant une mé
à la géographie de la France.
thode analogue, il exposera la lutte du sacerdoce et de l’em
pire en insistant plus particulièrement sur les règnes de Fré
déric Ier et de Frédéric I L
M. Colsenet, chargé du cours de philosophie, se propose
de traiter des sentiments m o ra u x. Il analysera les divers
éléments qui composent ces faits en apparence simples ; il
s’ efforcera de remonter à l ’origine de chacun d’eux. Diffé
rentes théories ont été émises à ce sujet par les moralistes et
les philosophes ; elles feront l’objet d’ une étude particulière.
L ’ une des plus récentes, celle de l ’évolution, a droit par son
importance à une discussion toute spéciale ; on recherchera
quelle part de vérité elle renferme et dans quelles limites
ses lois peuvent trouver dans la conscience leur application.
M. Clerc, maître de conférences d’ histoire ancienne, fera
par semaine deux conférences préparatoires à la licence.
Dans l ’ une il étudiera à tour de rôle un historien grec, Hé
rodote, et un historien français, Join ville . Dans l’autre con
férence, après quelques leçons sur l ’ histoire ancienne des
peuples de l ’Orient, il abordera l’élude des institutions ro-
M. R igal, maître de conférences de philologie grecque et
aline, a expliqué l’année dernière le 6 ° chant de l ’Odyssée et
le livre IV des odes d’ Horace. Il a fait en outre un cours de
métrique grecque et latine. Celle année il fera d’abord ex
pliquer aux candidats à la licence le 3e livre du poème de
Lucrèce, en leur faisant connaître d ’après les travaux les
plus récents la langue et la grammaire particulière au de
Natura rerum. M. Rigal fera ensuite un cours régulier de
grammaire comparée des langues grecque et latine. Par des
exercices pratiques il s’efforcera d’ habituer nos étudiants à
l ’application des théories grammaticales. Avec les candidats
à l ’agrégation de grammaire il s’occupera quelque peu de
métrique et il examinera les ouvrages grammaticaux portés
au programme. Pour l ’agrégation des lettres il expliquera
quelques-uns des textes officiellement désignés. Enfin M.
Rigal a bien voulu se charger de la correction des vers la
tins et des dissertations grammaticales.
Tel est l ’enseignement d e là Faculté des Lettres: voyons
comment les examens s’y sont passés pendant la dernière
�—
101
—
annee scolaire. Au mois de novembre 1882 une session de
première partie la moyenne des admissions a été 30, 33 0|0,
licence s’est ouverte pour six candidats. Trois ont été admis
pour la deuxième partie 34, 33 0/0.
sibles aux épreuves orales, après lesquelles un a été ajourné.
Deux ont été définitivement admis, un pour les lettres, un
pour l ’ histoire. Au mois de juillet 1883 7 candidats se sont
présentés; 3 ont été éliminés après les compositions; 4,
dont 3 boursiers de la Faculté, ont été définilement reçus.
Aucun n’est sorti des lim ites d ’ un honnête médiocrité.
La session d’avril 1883, réservée aux candidats de la se
conde partie, s’est ouverte pour 45 candidats inscrits, qui se
sont tous présentés. 30 ont été éliminés à l ’écrit et 14 ajour
nés à l’oral ; 1 1 ont été admis: il y a eu deux mentions assez-
bien; la moyenne a été de 25 0/0. Pour la session de
juillet 1883 le nombre des candidats inscrits a été :
Les examens du baccalauréat sont toujours la partie la
plus pénible de nos fondions. 11 est si rare dans celte fonle
Pour la première partie de.................................290
de jeunes gens, qui briguent le diplôme, d’en trouver quel
Pour la seconde partie d e ..................................
156
ques-uns d’ un mérite moins banal et d ’ une distinction un peu
Défaillants pour la première p a r t ie ....................
9
personnelle! En revanche nous sommes obligés de lire et
Défaillants pour la seconde p a r t ie ....................
8
d’entendre tant de puérilités I
Présents pour la première p a r t ie ........................
281
Présents pour la seconde p a r t ie ........................
148
En novembre 1882 le nombre des candidats nscrilsa été :
Eliminés à l ’écrit pour la première partie . . . .
156
Pour la première partie d e ...............................
Eliminés à l ’écrit pour la deuxième partie
. . .
84
Eliminés à l ’oral pour la première partie.
. . .
28
182
Pour la deuxième partie d e ............................... 102
Défaillants pour la seconde partie.....................
4
Eliminés à l ’oral pour la deuxième partie . . . .
Défaillants pour la seconde p a r t ie .....................
6
Admis définitivement à la première partie
. . .
97
Présents à la première p a r t ie ............................
178
Admis définitivement à la deuxième partie
. . .
56
Présents à la deuxième p a r t ie ...........................
96
A la première partie 14 candidats ont obtenu la mention
Elim inés à l ’écrit pour la première partie . . . .
104
bien : ce sont MM. Gendarme de Bévotte, Duiïren, Lécat, du
Eliminés à l ’écrit pour la deuxième partie. . . .
56
lycée de Marseille, Bebergue, Jam in, Lescure, du lycée de
Ajournés à l’oral à la première p a r t ie .............
20
Toulon, Agostini, Serra, Vero, du collège d’Ajaccio, Bour-
Ajournés à l ’oral à la deuxième p a r t ie .............
7
guet, du collège d ’A ix, et. le jeune Georges Reynald, le fils
Admis définitivement à la première partie . . .
54
de notre regretté doyen, du collège R ollin, auxquels il faut
Admis définitivement à la seconde partie . . . .
33
ajouter messieurs Richermoz et Bontoux, élèves d’établisse
A la première partie il n’y a pas eu de mention bien; 17
candidats ont obtenu la mention assez-bien; à la seconde
8
ments libres. En outre nous avons accordé à 22 candidats la
mention assez-bien.
partie un candidat, M. R aibaldi, du lycée de Toulon, a eu la
A la seconde partie 3 candidats ont obtenu la mention
note bien, six candidats ont eu la note assez-bien. Pour la
bien : ce sont MM. Gastinel, du lycée de Toulon, Bonnard et
�—
10?
—
Dobler, du lycée de Marseille. Il y a eu 9 mentions assez-
bien.
J ’aurais terminé ma tâche, s’ il ne me restait pas à adres
RAPPORT DE M. GIRARD
ser l ’expression publique de ma reconnaissance à M. le Mi
nistre, qui a bien voulu me confier l ’ honneur de diriger la
DIRECTEUR INTÉRIMAIRE DE L’ ÉCOLE DE MÉDECINE
Faculté des Lettres d ’A ix, et à M. le Recteur, qui n’a cessé
ET DE PHARMACIE
de me témoigner une confiance persévérante et de me prêter
son appui avec une bienveillance affectueuse, dont je ne per
drai jamais ni le souvenir ni la gratitude !
Monsieur le R ecteur,
Messieurs,
Je dois à mon âge de diriger l ’Ecole de Médecine en ce
moment. Je ne peux donc donner le détail des faits accom
plis pendant l ’année scolaire 1882-1883. Je me bornerai à
lire les notes qui me sont fournies. Mais je liens, auparavant,
à vous exprimer les regrets que nous fait éprouver la perte
de notre directeur, qui, par son zèle, son activité et son ca
ractère conciliant, avait donné à l ’ Ecole une vie nouvelle, qui
avait transformé l ’ Ecole préparatoire en Ecole de plein exer
cice, et qui espérait voir celte dernière devenir Faculté de
Médecine. Les nombreux éléments d’instruction médicale
que renferme notre cité lui en donnaient la juste espérance.
La mort ne lui a pas laissé le temps de voir l ’accomplisse
ment de ses désirs. Espérons que son successeur, plus heu
reux, récoltera ce que le directeur Seux a semé.
On dirait que la mort prend uu sauvage plaisir à abattre
es meilleurs; ainsi, le docteur Richaud, uu de nos profes-
�seurs suppléants les plus distingués, qui avait dans de nom
breux concours donné des preuves incontestables de sa va
leur, a succombé après quelques jours de maladie.
Les examens, pour l ’officiat de santé et pour les sagesfemmes, présidés par M. Engel, professeur à la Faculté de
Médecine de Montpellier, ont eu lieu, pour la session de
printemps, du 18 au 2 0 avril.
2
Dans le courant de l ’année scolaire '1882-1883, il a été
donné 549 inscriptions. Ce nombre se décompose comme il
suit :
Inscriptions de doctoral
91
»
d ’ofGiciat de santé
»
de pharmacien de 1 re classe
»
»
»
4
»
ont passé le 2 c
5
»
se sont présentés au 3e examen. 3 ont été
»
2 ont été reçus.
jugés dignes du diplôme d ’otlicier de santé.
La mention très-bien a été donnée 1 fois.
188
2e
candidats ont subi le 1 er examen. 1 a été admis.
30
240
»
bien
»
1
»
»
passable
»
1
»
»
médiocre
»
3
»
Les examens de fin d’année ont donné les résultats sui
vants :
81 étudiants étaient inscrits pour la session de juillet.
34, en médecine ;
La session d’automne a été tenue du 29 octobre au 2 no
vembre.
47, en pharmacie.
8
6
sages-femmes se sont présentées. 4 ont obtenu le certifi
cat d’aptitude.
candidats ne se sont pas présentés.
17 candidats ont subi le 1 er examen. 13 ont été admis.
La mention très-bien a été donnée 4 fois.
»
bien
»
7
»
»
assez-bien
»
16
»
»
passable
»
7
»
»
médiocre
»
19
»
Il y a eu 20 ajournements.
»
H
»
»
2e
»
11
ont été reçus.
se sont présentés au 3e, 10 ont été définilive-
raenl jugés dignes du diplôme d’ officier de santé.
La mention bien a été donnée 4 fois.
»
assez-bien »
14
»
»
médiocre
16
»
»
A la session de novembre, 33 candidats étaient inscrits.
1 4, en médecine ;
17 sages-femmes se sont présentées devant le jury, 15 ont
19, en pharmacie.
8
obtenu le certificat d’aptitude à leur profession.
candidats 11e se sont pas présentés.
La mention bien a été accordée 2 fois.
»
»
»
10
assez-bien
passable
médiocre
»
»
»
Les examens en vue du diplôme de pharmacien et d’ her
»
boriste de 2 "classe ont eu lieu sous la présidence de M. Sou-
7
»
beiran, professeur à l ’ Ecole supérieure de Pharmacie de
4
»
Montpellier, pour la session de printemps, du 3 au 12 avril.
7
2
candidats ont été ajournés.
�— 107 —
7 candidats ont subi le 1er examen. 5 ont été admis.
7
»
ont passé le 2"
»
5 .ont été reçus.
8
»
se sont présentés au 3e, 7 ont été jugés di
gnes du diplôme.
bien
»
3
»
»
assez-bien
»
5
»
»
médiocre
»
8
»
lations des élèves de première année ne possédait qu’une
pour les évaporations acides, ni un grand bain de sable.
En remplacement de la cuve à eau nous avons fait cons
truire trois petites cuves, une devant chaque table. Les élè
ves peuvent alors travailler tous en même temps et préparer
minée le 49.
19 candidats se sont prés, au 1 c-examen. 18 ont été reçus.
24
»
ont passé le 2°
»
4 6 ont été admis.
19
»
ont subi le 3e
»
13 ont été jugés di
gnes du diplôme.
1
La ville nous a encore, celte année, fait une réparation
grande cuve à eau pour la préparation des gaz ; pas de cages
La session d’automne a commencé le 8 octobre et s’ est ter
1
été apportées dans divers
importante: Le laboratoire de chim ie consacré aux m anipu
La mention très-bien a été donnée 1 fois.
»
Quelques améliorations ont
services.
candidat a mérité la mention très-bien.
7
»
la mention bien.
44
»
la mention assez-bien.
25
»
la mention médiocre.
leurs gaz individuellement. Ces cuves servent aussi de réci
pient pour l ’eau.
Les cages a évaporation sont indispensables. Elles ser
vent à faire disparaître toutes les vapeurs nuisibles à la santé,
et, par leur construction, à augmenter l ’aération de la salle.
Elles ont été établies aussi simplement que possible, mais
d’après les plans donnés dans les ouvrages spéciaux.
L ’établissement d’un bain de sable fermé nous a permis
d’utiliser un espace entièrement perdu.
herboriste s’est présenté devant le jury et a obtenu le
Nos collections continuent à s’accroître chaque année.
La collection des produits chimiques s’ est enrichie de dé
certificat d’aptitude à sa profession.
rivés nombreux de chimie organique ; on a commencé cette
Enfin, les examens de validation de stage en pharmacie
année une collection de produits pharmaceutiques.
ont eu lieu le 13 avril et les 18 et 19 octobre. Le jury était
Le cabinet de physique continue à recevoir les appareils
aussi présidé par M. le professeur Soubeiran, assisté de
qui doivent le meubler. Nous citerons parmi les réceptions
MM. Heckel, pharmacien de 1re classe, professeur, et Eber-
de l ’année :
lin, pharmacien de 1 re classe de la v ille .
Une machine de Meriténs produisant la lumière électrique
Sur 30 candidats examinés il n’ y a eu que 3 ajourne
ments.
et servant pour les projections. Un schéma de Gariel pour
la théorie de la vision;
La mention très-bien a été donnée 1 fois.
»
bien
»
7
»
»
assez-bien
»
7
»
»
médiocre
»
12
»
L ’appareil de Craver pour la production des interférences;
Le complément de l ’appareil de Kœnig pour l ’inscription
des mouvements vibratoires ;
�— 108 —
Les appareils destinés à l ’exposé de la théorie de la ba
lance.
La bibliothèque s’est augmentée de deux dons très im
portants :
M. le docteur Villeneuve a bien voulu nous donner toute
la bibliothèque obstétricale de son père.
Dans ce don se trouvent toutes les observations recueillies
par cet éminent praticien pendant ses longues années de ser
vice à la Maternité !
Un autre don fait par feu M. le docteur Blache a ajouté à
notre bibliothèque des ouvrages importants surtout au point
de vue de l ’histoire de la médecine jusqu’à ce jour. Notre bi
bliothèque n’avait qu’un catalogue provisoire. Notre biblio
thécaire a dû entreprendre la confection du catalogue normal.
Le registre d’entrée-inventaire est bien avancé et nous pour
rons, l’année prochaine, vous annoncer que les catalogues
sur fiches alphabétiques et méthodiques sont terminés.
— 109 —
Enfin les concours augmentent chaque année le nombre
de nos pièces d ’anatomie pathologique.
Après vous avoir parlé de nos richesses bien relatives, je
dois vous signaler quelques desiderata sur lesquels j ’appelle
d’une manière toute particulière l ’attention de M. le Rec
teur.
Nous n’avons actuellement que deux salles de cours. Il
nous en faudrait absolument une troisième qui servirait en
même temps de salle d ’actes. Nos cours sont trop souvent
suspendus soit par des examens, soit par des concours.
De plus, le décret du 1er août 1883 a imposé des travaux
pratiques aux étudiants en médecine, aspirants à l ’officiat de
santé. Nos laboratoires actuels ne sont plus assez spacieux.
Il nous en faudrait un pour la chimie et la pharmacie, pou
vant conlenir au moins 60 élèves.
Notre laboratoire de physique actuel n’est à peine qu’ un
cabinet de travail. Nous ne saurons vraiment pas, cet été,
où réunir tous les étudiants en médecine de première année,
Le matériel des cliniques est toujours entretenu en bon
état. Nous avons acquis cette année pour la clinique chirur
au nombre de 26, pour leur faire faire des travaux prati
ques de physique exigés par le décret précité.
gicale un appareil complet de Gustave Trouvé pour la pro
duction des courants.
Les vitrines de notre muséum d’anatomie pathologique
construites l ’année dernière ont été rapidement occupées.
Liste des travaux publiés par le personnel de l'Ecole
pendant Vannée scolaire 1882-18S3.
M. le docteur Boulan, un éminent praticien qui est venu
se retirer à Marseille, sa ville natale, nous a donné une im
portante collection de plâtres et de pièces sèches sur les dé
viations de la taille qu’il a recueillies pendant ses longues an
nées de pratique. Il a bien voulu classer lui-même toutes ces
pièces. Nous ne saurions trop le rem ercier de son don géné
reux d’abord, de sa complaisance ensuite.
M. Rampal, professeur d’anatomie. — Compte rendu des travaux
du conseil d’hygiène et de salubrité du département des Bouchesdu-Rhône, pendant l’année 1882. (A l’impression pour paraître en
décembre).
M. F abre, professeur de clinique médicale (2' chaire). — L’hys
térie viscérale. — L’hystérie simulant les tumeurs abdominales. —
L’hystérie simulant les affectious cérébrales. — Les dilatations du
�— 110 —
cœur droit. — Fréquence et dangers des complications rénales dans
les maladies. (Paris, Delahaye et Lerminier, Marseille médical, Ga
zelle des hôpitaux).
M. V illard, professeur de pathologie interne. — Palhogénie de
l’érysipèle (Marseille médical).
M. P irondi, professeur de pathologie externe. — Examen des
nouvelles doctrines sur la syphilis.
M. H e c k e l , professeur de matière médicale. — Nouvelles recher
ches sur les Kola au point de vue botanique, chimique et thérapeu
tique, en collaboration avccj le professeur Schlagderhaussen [Jour
nal de pharmacie el de chimie, juillet, août et septembre 1883). Tra
vail couronné par l’ünion scientifique des Pharmaciens de France
(prix Bressy).
Décoloris des fleurs alpines (Bulletin de la société Botanique de
France, août 1883).
Nouvelles monstruosités végétales (id., septembre 1883).
M. Livon, professeur suppléant des chaires d'anatomie et de phy
siologie. — Du pouls veineux (Revue mensuelle de médecine, avril
1885).
De l’évolution générale de la physiologie [Rcvtie scientifique, no
vembre 1883).
M. Q u e ir e l , professeur suppléant des chaires d’accouchements.
— Mémoire sur la ligature élastique (Société de chirurgie).
Mémoire sur la périnéoraphie (Société de chirurgie).
Mémoire sur l’ictère de la grossesse (Académie de médecine).
M. Villenedye, professeur suppléant des chaires de chirurgie. —
Lettre sur la ligature élastique (Marseille médical, octobre 1882).
Fongus bénin du testicule (Gazette hebdomadaire [de médecine el
de chirurgie,9 février 18S3).
Observation de taille suspubienne chez une jeune fille vierge, pour
un double calcul formé autour d’une épingle à cheveux (Annales des
maladies des organes génitaux urinaires. 1er mars 1883).
Cliniques du jeudi à l'hôpital de la Conception, rédigées par M.
Wallich, externe des hôpitaux (Marseille médical).
De la balnéation continue {Marseille médical, 30 janvier 1883).
Sur deux opérations de tumeurs utérine et ovarienne (Société de
chirurgie de Paris, rapport de M. Terrier, 7 mars°1883).
Dilatation préalable de l’urèthre dans l'opération de la fistule vesico-vrginale (Société de chirurgie de Paris, 7 mars 1883, rapport de
M. Polaillon.
f De la substitution de la taille hypogastrique aux différentes'mé
thodes’de taille périnéale comme méthode générale^de cystolomie
(Revue de chirurgie, septembre 1883). ,
M. P allot, professeur suppléant des chaires de médecine. —
Leçons de médecine légale publiées dans le Marseille médical de
1883.
M. A rnaud, chef de clinique chirurgicale (1r chaire). —t De l’ar
thrite tuberculeuse primitive (Revue de chirurgie, juillet 1883).
M. Maurel, chef de clinique médicale. — Rétrécissement de l’ar
tère pulmonaire (Communication au comité médical).
M. D’Astros, chef de clinique médicale. — Néphrite et gangrène
symétrique des extrémités (Communication au comité médical).
M. Robert, chef des travaux chimiques. — Méthode générale d’a
nalyse qualitative.
M. Roule, chef des travaux d’histoire naturelle. — Recherches sur
les ovules et les enveloppes ovulaires des ascidies (Phallusiadées).
(Comptes rendus de l’académie des sciences, mai 1883).
Sur le sytème nerveux et les organes voisins des ascidies (Comp
tes rendus octobre 1883).
Sur les Phallusiadées (Tuniciers) du golfe de Marseille et des côtes
de Provence (Comptes rendus, novembre 1883).
�étudiants sont-ils appelés d’ une façon prévue à traiter en
première et deuxième année un sujet de droit civil français,
RAPPORT DE M. BOUVIER-BANGILLON
en deuxième année un sujet de droit romain.
Mais les autres branches de l ’enseignement ne sont pas
AGRÉGÉ
complètement sacrifiées, et parmi elles, dans chaque année,
un tirage au sort désigne celle qui sera l’objet d’ un deuxième
concours.
L ’usage veut, Messieurs, que je vous annonce tout d’abord
les résultats du concours de première année.
Monsieur le R ecteur,
Messieurs ,
1re ANNÉE.
En première année, le rôle « de la prescription acquisitive
et extinctive en matière de servitude » était le sujet du coq
cours de droit civil français. La prescription, cette institu
Je viens, au nom de la Faculté de Droit, vous faire connaî
tre ses lauréats, et j’en suis deux fois heureux.
Mes collègues m'ont témoigné une cordiale et affectueuse
bienveillance ; il m ’est doux de les remercier publique
ment.
tion tutélaire, patrona generis hum ani, a dans l ’école, jo
ne sais trop pourquoi, une fort mauvaise réputation. Quel
ques étudiants seulement ont concouru, et la Faculté n’a re
tenu que quatre compositions.
Deux se détachent en tête et obtiennent un premier et un
Les étudiants m ’ ont accueilli avec sympathie; je les aime
second prix. E lles présentent des qualités communes, même
beaucoup et je suis fier de vous entretenir de leurs travaux
netteté dans les divisions, même intelligence du sujet, même
et de leurs succès.
sûreté de doctrine. M. Léon Lenoir l ’emporte sur M. Michel
Vous connaissez, Messieurs, l ’organisation de nos con
cours ; une pensée intelligente a présidé à leur réglementa
Kepetzy par un style m eilleur et d’ une allure plus mâle. Le
premier prix revient à M. Lenoir, le second à M. Kepetzy.
tion. Assurer aux matières les plus importantes de l’ensei
Vient, ensuite M. M intchovitch avec une première men
gnement juridique une prépondérance obligée, laisser aux
tion. Sa composition n ’est pas sans mérite, mais contient plu
autres un rôle plus effacé, mais néanmoins suffisant : telles
sieurs inexactitudes de doctrine, le style est pénible et em
étaient les données du problème qui devait être et a été
barrassé. La Faculté récompense l ’effort d’un esprit distin
résolu.
gué. Elle attend M. Mintchovitch à d’autres concours.
En chaque année, la matière la plus importante de l’ensei
Une deuxième mention est accordée à M. Samama-Nissim.
gnement est nécessairement l ’objet d’ un concours. Aussi nos
M. Samama-Nissim est un travailleur rare, beaucoup trop
�— H5
— 114 —
peut-être. D’ où dans son étude des digressions nombreuses,
périeur : science abondante et exacte, intelligence complète
des détails inutiles. Les positions ne sont plus à leur place,
du sujet, rapprochements ingénieux, telles sont les qualités
ne se présentent ni avec leur importance réelle, ni sous leur
qui se remarquent tout d’ abord et qui paraissaient donnera
véritable jour. Que M. Samama-Nissim veille sur sa plume,
M. Mintchovitch la première place, avant MM. Benja et Ke
elle est trop féconde.
pelzy. Pourquoi faut-il que les deux dernières pages de la
Le concours de droit crim inel a été de beaucoup supérieur
au concours de droit civil. Les étudiants devaient nous faire
connaître « les voies ordinaires de recours contre les juge
composition de M. Mintchovitch rejettent au troisième rang
un travail excellent !
M. Dorlhac de Borne aurait peut-être, lui aussi, prétendu
au premier rang. Le sujet est traité méthodiquement, avec
ments du tribunal correctionnel. »
Le premier prix a été conquis de haute lutte par M. Jean
intelligence, dans un style cla ir et limpide. Les développe
Benja. Son travail est méthodiquement divisé. La doctrine
ments sont exacts et abondants. H élas! la'com position de
y est sainement et clairement exposée. Trop modeste, notre
M. Dorlhac contenait une grave erreur de droit.
étudiant avait pris pour devise : P arturiunt montes, nas-
Une deuxième mention récompense le travail sérieux de
cetur ridiculus m us. La petite souris est une belle et bonne
M. Aube (Ernest). Quelques défaillances de doctrine expli
composition que nous sommes heureux de couronner.
quent le rang modeste que
Une petite critique cependant. Le style de M. Benja est
tient
un étudiant distingué.
M. Aube prendra sa revanche.
un peu sec. C’est un léger défaut qui se corrigera facile
ment.
2 e ANNÉE.
Très près de M. Benja nous retrouvons M. Kepelzy.
M. Kepetzy est arrivé à Aix au mois de novembre 188Ü
Nos étudiants devaient en droit romain traiter : « des pro
avec une connaissance très insuffisante de la langue française.
messes et stipulations pour autrui. » Le sujet touche d’une
Son brillant succès dans deux concours prouve ce que peut
façon étroite à l ’une des théories les plus délicates du droit
un travail opiniâtre soutenu par une volonté énergique.
Pourquoi
M.
Kepetzy
n ’a-t-il
romain, la théorie de la non-représentation dans les actes
qu’ un deuxième prix?
juridiques. C’est vous dire, Messieurs, sa difficulté excep
M. Kepetzy a un défaut. Sans jamais sortir du sujet, il est
tionnelle. La Faculté a été très satisfaite des compositions
trop long dans ses développements, revient trop souvent sur
qui lui-ont été remises ; les nombreuses récompenses qu’elle
les mêmes idées ; son travail est d’une allure un peu gênée.
a décernées le prouvent. Deux prix, deux premières men
Et puis M. Kepelzy a commis une petite erreur juridique.
tions ex-œquo, deux secondes mentions aussi ex-œquo.
M. M inlchovitch, que nous avons déjà rencontré, elM . Dorlhac de Borne obtiennent une première mention ex-œquo.
MM. Gulbenkian et Valensi se sont partagé les deux pre
mières récompenses.
La composition de M. Mintchovitch se divise en deux par
La composition de M. Gulbenkian, qui lui a mérité le
ties bien distinctes. La première est d ’ordre absolument su-
1er prix, est presque irréprochable. Le plan est bon, la mé-
�Je ne veux pas quitter les étudiants de deuxième année
thode d ’exposition est bonne, la doctrine est sûre et le style
sans remercier au nom de la Faculté ceux d ’entre eux qui
précis.
ont pris part au concours ouvert sur la procédure civile. Us
L ’étude de M. Valensi est peut-être plus complète, mais
ont compris qu’ils rendaient un dernier hommage à l’ ensei
la méthode en paraît critiquable et les développements que
gnement du professeur distingué et sympathique dont nous
comporterait le sujet sont présentés dans un ordre défec
pleurons encore la perle, et qui, étant venu plein de jeunesse
tueux. La Faculté accorde à M. Yalensi un 2e prix.
Quatre concurrents ont encore, à différents litres, droit à
et d’espoir, leur prodigua les trésors de sa science et de son
dévouement.
des encouragements.
3e ANNÉE.
Une première mention ex-œquo récompense les composi
tions de MM. Gabriel Le Clos et Isidore Méritan. Dans le
En troisième année cinq concurrents ont traité et le sujet
travail de M. Le Clos nous ne rencontrons ni lacunes ni dé
de droit civil français et le sujet de droit international privé
faillances, mais M. Méritan possède des qualités d’ordre et de
que le sort avait désigné.
méthode qui manquent à M. Le Clos. La Faculté a pensé qu’il
était de stricte justice de mettre MM. Le Clos et Méritan sur
un pied d’égalité.
Une deuxième mention ex-œquo était due à MM. Bellais et
Rossel. Leurs compositions, inférieures aux précédentes, se
recommandent par un mérite incontestable.
En droit civil quatre compositions ont été couronnées, en
droit international privé trois seulement.
La capacité de la femme mariée séparée de biens était en
droit civil d’une élude intéressante et délicate.
Le premier p rix appartient sans conteste à M. Emile B ru
net.
MM. Gulbenkian et Yalensi devaient se retrouver en pro
M. Brunet a le style juridique. Il connaît son sujet et l ’ex
cédure civile. « Conditions et effets de l ’appel, » tel était le
pose bien. Peut-être lu i reprocherons-nous un peu de sé
sujet proposé. M. Gulbenkian a triomphé. Un premier prix
cheresse et, dans certaines portions, des développements trop
est venu récompenser son travail sagement conçu et ordonné,
brefs et même incomplets.
d’ une science riche et exacte.
La Faculté décerne un deuxième prix à M. Albert Yidal-
M. Yalensi a obtenu le deuxième prix. Que M. Yalensi
Naquet. Le travail de M. Naquet a une sérieuse valeur, mais
ajoute aux excellentes qualités qu’il possède la précision et
la forme laisse un peu à désirer. Le style manque de netteté.
la méthode, et il luttera avec avantage dans d’autres con
Nous signalerons un petit défaut à notre jeune licencié. Il a
cours.
tendance à morceler les questions; il en résulte qu’une por
Yient ensuite M. Roux (Etienne) avec une première men
tion du premier plan ainsi divisé perd de son importance et
tion. Son étude contient des points bien traités, mais pré
n’occupe dans l ’économie de la composition que la place d’une
sente malheureusement des lacunes et quelques inexactitu
question secondaire.
des. Une deuxième mention, enfin, encourage les efforts d’un
bon étudiant, M. Marius Benet.
Un excellent étudiant, M. Gransault, n ’obtient qu’une pre
�mière mention. Son travail est estimable, mais quelques
lacunes s’y remarquent, et son style est un peu pressé.
M. Gransault nous présente un travail dont certaines par
ties sont excellentes, mais qui contient une grande erreur.
M. Gransault ne tardera pas à prendre sa revanche, et
Depuis deux ans, Messieurs, la plus haute des récompen
seul il soutenait l'honneur de la Faculté d’A ix au concours
ses dont la Faeulté dispose, la médaille d’or de doctorat, n’a
ouvert entre toutes les Facultés de Droit.
pas été décernée. Les « magasins généraux » et « les syndi
Une deuxième mention récompense enfin une étude de
cats professionnels » ont eu même sort. Aucun mémoire n ’a
M. Charles de Mougins-Roquefort. Sa composition est inté
été présenté. Pourquoi ? L ’excellent agrégé qui l ’année der
ressante, mais un peu superficielle. Ajoutez des hors-d’œu
nière avait l ’ honneur d’être le rapporteur des concours de
vre et en revanche des lacunes, et vous qvez l ’explication du
la Faculté de Droit, vous l ’indiquait avec tristesse dans un
rang un peu inférieur qu’occupe un esprit distingué et per
langage plein d’élévation. On veut arriver trop vite aux
sonnel.
fondions pratiques et aux travaux salariés. On veut vivre
En droit international privé laissez-moi, Messieurs, vous
trop tôt de la vie réelle. C'est là une tendance funeste et que
présenter trois lauréats qui ne sont pas des étrangers pour
des voix plus autorisées que la mienne ont souvent condam
vous.
née.
1er p rix , M. Brun et; 2e prix, M. Yidal-Naquel ; 1r»men
tion, M. Gransault.
M. le Ministre de l'Instruction publique a cette année agréé
pour le concours de doctorat, une étude sur la saisine héré
La Faculté n ’a pas été pleinement satisfaite des résultats
ditaire. J ’espère, Messieurs les étudiants, je compte même
de ce concours. Pour accorder trois récompenses, et de celte
que plusieurs d ’entre vous entreront dans la lice et que le
valeur, elle a pris en considération, outre le mérite réel des
collègue qui proclamera l ’année prochaine, en séance publi
travaux couronnés, la dilïiculté exceptionnelle du sujet pro
que, les noms des lauréats, n ’aura pas comme moi, en ter
posé. Etudier la règle « locus régit actum » et ses principales
minant sa tâche, un regret à exprimer.
applications, était une tâche délicate qui exigeait un esprit
critique et une mémoire fidèle.
Je ne reviendrai pas sur les qualités qui distinguent
MM. Brunet, Yidal-Naquet et Gransault. Je me contenterai
d’indiquer sommairement les desiderata de la Faculté.
M. Brunet est coupable d’ une lacune assez grave et d’un
hors-d’œuvre final. Quelques questions assez importantes
sont à peine indiquées.
M. Yidal-Naquel est inférieur à M. Brunet dans la partie
la plus difficile du sujet proposé, lorsqu'il s’agit de déterminer
les principales applications de la règle « locus régit actum ».
�— 121 —
ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
DE MARSEILLE
Les concours pour les prix de fin d’année sont, au con
traire, purement facultatifs, et il est tout naturel de présu
mer en faveur des élèves qui osent s’y présenter une plus
grande dose d’intelligence et d’énergie pour le travail.
RAPPORT
Sur le s C oncours pour le s p r ix de fin d'année
de l ’E x e r c ic e 1 8 8 2 - 1 8 8 3 .
Présenté à la séance solennelle de rentrée de novembre 1883
Par le professeur Gustave BOU1SSON.
Mieux que tout autre, ce genre d’épreuves donne la mesure
exacte de la force des sujets les mieux doués, et s’il n’a pas,
comme les examens, le privilège de conférer le diplôme, il
oiïre du moins au candidat victorieux une couronne dont il
a lieu d’être fier au jour du triomphe, et dont il saura se
prévaloir à bon droit en maintes circonstances.
C’est parce qu’elle connaît la bienfaisante influence de
cette précieuse institution sur l ’émulation de la jeunesse, que
Monsieur l e R ecteur,
l’Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharmacie de
Marseille appelle à ses concours de fin d’année toutes les
Messieurs ,
bonnes volontés, et qu’elle ouvre l ’arène aux étudiants de
toutes les catégories. E lle espère ainsi obliger toutes les ca
Un établissem entim iversilaire, quelque peu soucieux du
progrès de son enseignement et de l ’ élévation du niveau de
ses éludes, ne manque pas de s’inform er, chaque année, de
la quantité de travail réalisé par ses élèves et du plus ou
moins de fruit qu’ils ont su retirer des leçons de leurs maî
tres. Pour obtenir ce résultat, il a à sa disposition deux
moyens, dont l ’usage a consacré l’ incontestable utilité, mais
qui rendent des services sensiblement différents suivant le
but que l ’on se propose d’atteindre : ce sont les examens et
les concours de fin d’année.
pacités à se révéler, et retenir auprès d’elle et sous son con
trôle ses disciples les plus distingués, que la nécessité du
passage des examens de doctorat tend à lui disputer, pour
les placer sous la juridiction des Facultés.
Je vais m ’acquitter aujourd'hui de la flatteuse mission,
qui m’a été dévolue par notre vénéré et regretté directeur
M. Seux, de rendre compte, en cette séance solennelle de
rentrée, des résultats de la lutte, et de proclamer les noms
des lauréats. Mais il est aussi de mon devoir de rendre un
légitime hommage au zèle dévoué des professeurs, qui est
Les examens de fin d’année, obligatoires pour tous, per
loin d’être étranger au succès des candidats. A quoi servirait
mettent d’établir, avec une certaine approximation, le degré
en effet l ’application de l ’élève sans la solidité de l ’ensei
d’instruction des élèves à la fin de chaque scolarité, de les
gnement du m aître? Je voudrais qu’il me fût permis de
classer, de jalonner, pour ainsi dire, leur route par des no
louer avec insistance les efforts généreux et incessants de
tes qui enregistrent leurs progrès, et de les conduire par
mes collègues pour rehausser l ’éclat de cette Ecole. Entrer
étapes successives jusqu’à la collation du diplôme ambitionné.
dans celte voie serait manquer à la réserve que m ’impose à
8
�moi-même l ’ honneur que j'a i eu d’être leur collaborateur.
La sobriété de mes louanges à leur égard n’a pas d’autre
Prem ière année. — Officiât de santé.
excuse.
ETUDIANTS EN MEDECINE.
6
Première année. — Doctorat.
candidats se sont présentés. Les questions étaient :
En chimie. — Composition chimique de l ’eau ; caractères
d’une eau potable.
Un seul candidat s’est présenté à ce concours : c’est M.
ges des organes constitutifs de la fleur.
Pagliano Vincent.
Les épreuves posées étaient les suivantes :
Chimie. — De l ’air atmosphérique au point de vue de
En anatomie. — De l’os clavicule; énumérer les muscles
qui s'y insèrent.
Deux copies seulement se sont fait remarquer par des qua
sa composition.
Histoire naturelle. — Caractères différentiels des plantes
monocotylédones et dicotylédones.
Physique. —
En histoire naturelle. — Enumération, caractères et usa
De la marche des rayons lumineux dans
l ’œil.
M. Pagliano a traité la première question d’une manière
lités sérieuses ; ce sont celles de MM. Tasso et Brignon.
La composition de chimie de M. Tasso est complète, mais
non pas irréprochable. On y a rencontré une erreur et un
oubli.
Celle de M. Brignon est assez bonne. Mais à coté d’excel
exacte, mais un peu écourtée. Il a passé trop rapidement
lentes qualités, on a relevé dans son travail quelques inuti
sur la méthode importante des pesées de MM. Dumas et
lités et un oubli fâcheux, la synthèse de l ’eau par le pro
Boussingault. A part ce léger reproche, le jury n’a relevé
cédé de Dumas.
dans sa copie aucune erreur grave.
En histoire naturelle, M. Tasso est le seul qui ait envisagé
La seconde question a été traitée par le candidat d’uue
la question sous toutes ses faces. Le point de vue physiolo
manière pleinement satisfaisante. Son exposition des carac
gique, négligé par ses concurrents, a été abordé par lui avec
tères a été sobre, claire et méthodique, tout en étant com
tous les développements qu’il comportait. Il y a cependant
plète et correcte au point de vue technique. En un mot, cette
chez lui quelques inexactitudes.
composition est digne d’éloges.
La troisième question, celle d’anatomie, n’a été convena
La question de physique est bonne, et ne renferme aucune
blement et complètement traitée que par M. Tasso. La copie
erreur. Mais pressé sans doute par le temps, le candidat a
de M. Brignon n ’est cependant pas sans mérite, et offre des
dû terminer promptement sa composition sans donner à son
sujet l ’étendue qu’on était en droit d’exiger.
L ’École a décerné un second grand prix à M. Pagliano
Vincent.
qualités de rédaction qui permettent de la classer honora
blement au second rang.
L ’École a accordé :
Un premier prix à M. Tasso et une mention honorable à
M. Brignon.
�— 124 —
-
125 —
nées de doctorat et de troisième année des aspirants à roffi-
Deuxième année. — Doctorat.
ciat de santé s’est composé d'une épreuve clinique et d’une
Deux candidats seulement se sont présentés : MM. Delmas
épreuve écrite.
Neuf candidats se sont présentés à l ’épreuve clinique. Us
et W allich.
ont eu à examiner un malade et à émettre leur opinion sur
Les questions proposées étaient :
le diagnostic, le pronostic et le traitement du cas examiné.
Anatom ie. — De la vessie.
Physiologie et pathologie chirurgicale. —
Phénomènes
En quatrième année, M. Louge a montré des qualités sé
rieuses de praticien, notamment pour asseoir et justifier son
physiologiques de l’anesthésie.
Quoique incomplet dans sa question d’anatomie, M. Del
mas s’est relevé dans la deuxième question, qu’ il a assez
bien traitée, si on lui fait grâce de quelques détails inuliles
diagnostic. Le traitement a été un peu écourté.
En troisième année, les étudiants ont posé le diagnostic
exact, mais trois seulement l’ont justifié d’une manière sa
tisfaisante.
et de quelques erreurs.
Quant à M. W a llich , il a présenté une bonne question
d’anatomie. Quoique complet dans cette épreuve, on regrette
de ne pas lui accorder de récompense à cause de la façon
dont il a traité le sujet de physiologie.
M. Laplane, aspirant au doctorat, a présenté l ’ histoire
clinique de la maladie avec une lucidité remarquable et un
grand esprit de méthode. Il a mérité le premier rang.
M. Schnell, très précis ettrès complet, a montré qu’il avait
l’habitude des maladies. Son épreuve a été bonne, moins
L ’ Ecole a décidé :
complète cependant que celle de son concurrent. Il a été
Pas de prix.
Mention honorable à M. Delmas.
classé le second.
Parmi les aspirants à l ’oflQciat, M. Ferrand a surpassé de
Deuxième année. —
Officiât de santé.
beaucoup ses concurrents et a dû être classé à part. Il a fait
preuve de savoir et de qualités cliniques réelles.
Sept candidats ont pris part à ce concours. Question d’a
natomie : le pharynx. Question de physiologie : du glossopharyngien. Pathologie chirurgicale : fractures du péroné.
Un seul candidat a traité convenablement les trois ques
tions; c’est M. Àrnulphy. Aussi l ’ Ecole lui a-t-elle accordé un
premier prix.
Troisième et quatrième années. — Doctorat.
Pour la deuxième épreuve, les élèves avaient à traiter trois
questions :
1° Anatomie pathologique. — Hémorrhagie cérébrale.
2° Pathologie interne. —
Des signes de la péricardite
sèche:
3° Obstétrique. — Indications de la version.
M. Louge a traité ces trois questions d’nne façon assez
complète. La question de l’ hémorrhagie cérébrale lui a fourni
Troisième année. — Officiât de santé.
l’occasion de m ontrer des connaissances micrographiques
très étendues.
Le concours des étudiants de quatrième et troisième an-
�— 127 —
— 126 —
Pour la péricardite sèche, il a traité la question plutôt en
savant qu’en praticien, et s’est trop spécialement apesanti
sur un ou deux signes importants à l ’exclusion des autres.
La question obstétricale a été traitée d’ une manière com
plète, sauf quelques indications discutables, et insuffisam
ment démontrées par le candidat.
Quoi qu’il en soit, les épreuves de cet élève témoignent de
connaissances étendues, et l ’Ecole l ’a jugé digne d’un second
Ces épreuves ont été au nombre de deux :
1° Une épreuve écrite de physique et de chimie ;
2° Une épreuve pratique de manipulations chimiques.
Question de physique. — De la pile de Yolta.
Les élèves, sans exception, ont traité cette question d’une
manière convenable.
Question de chim ie. — Classification des métalloïdes.
Sauf trois candidats, bonne classification, mais sans au
cune explication justificative. Il n’y a réellement qu’une
bonne copie, celle de M. Fabre.
prix.
En troisième année, doctorat, la lutte s’est circonscrite
entre MM. Laplane et S clin e ll. A les juger seulement par
celte composition écrite, on pourrait les classer ex-œquo.
L ’épreuve pratique a également roulé sur deux questions :
l° Montage de l ’appareil de Cavendish pour la synthèse
de l’eau ;
M. Laplane a b rillé surtout dans la question de l ’hémorrha
2° Préparation du sous-acétate de plomb liquide.
gie cérébrale, qui se recommande par des qualités d’ordre
La plupart des appareils étaient montés d’une façon conve
et de méthode. M. Schnell a excellé dans la question obsté
nable ; quelques-uns d ’entre eux avec une certaine élégance.
tricale. En sorte que les deux candidats doivent conserver le
Les candidats ont donné, à peu près tous, comme acétate
rang qui leur a été donné en clinique.
L ’Ecole a donné :
de plomb liquide, un produit de densité et de limpidité par
faites.
Un premier prix à M. Laplane ;
L ’Ecole a décerné :
Un deuxième prix à M . Schnell.
Un premier p rix à M. Fabre ;
Enfin M. Ferrand, aspirant à l'official de santé, a été jugé
digne d ’un second prix pour la façon remarquable dont il a
traité les trois questions écrites. Nous ne sommes pas habi
tués, dans cette catégorie d’élèves, à trouver autant de sa
voir et autant d’éléments d ’instruction.
Etudiants en pharmacie.
Première année.
Quatorze candidats, sur ving t-trois inscrits, ont pris part
aux épreuves.
Une première mention à M. Bain ;
Une deuxième m ention à M. Boureau.
�— 129 —
EPREUVES ECRITES.
En conséquence, l ’Ecole a décerné :
Un premier prix à M. Vizern, avec éloges:
/° Chimie et pharmacologie : de l ’acide tarlrique et des
tartrates aux points de vue chimique et pharmacologique.
Un second p rix ex-œquo à MM. Clarency et Cosle ;
Une mention à M. Bouisson.
M. Vizern a été parfait, et a laissé à distance tous ses con
currents.
Les autres ont généralement fait preuve de savoir, notam
ment MM. Clarency, Cosle et Bouisson.
C oncours p our le s p r ix de fin d ’année.
E x e r c ic e 1 8 8 2 -1 8 8 3 .
2° Histoire naturelle : caractères et classifications des soE
lanées.
La première partie, caractères, a été généralement bien
traitée. Quant à la seconde partie, classifications, elle n’a été
traitée convenablement que par MM. Vizern, Clarency, Bouis
son et Hugues. Ajoutons que M. Vizern a évidemment sur
passé ses concurrents et de beaucoup.
ÉPREUVES PRATIQUES.
/° Chimie : déterminer la nature d ’une solution constituée
par le mélange de deux sels (le borate de soude et le tartrale
d’ammoniaque).
Un seul* des élèves a trouvé la composition exacte delà
solution, c’est M. Vizern. Les autres candidats ont commis
des erreurs de détermination plus ou moins graves. Toutefois
MM. Clarency et Cosle se sont le plus rapprochés de la vé
rité.
2° Histoire naturelle : coupes tranversale et longitudinale
d’ une lige de crucifère.
La netteté des préparations, la délicatesse du dessin déno
tent en général chez les candidats une certaine habitude de ce
genre de travail : MM. Vizern, Clarency et Coste sont encore
ici les candidats qui ont le mieux réussi.
t u d i a n t s
e n
m é d e c i n e
lr* année. — Doctorat.
2” Prix : M. Pagliano.
Officiât de santé.
2e Prix: M. Tasso.
Mention honorable: M. Brignon.
Pas de Ier Prix.
2* année. — Doctoral.
Pas de Prix.
Mention honorable : M. Delmas.
Officiât de santé.
1er Prix : M. Arnulphy.
3* année. — Doctorat.
T r Prix : M. Laplane.
2' Prix : M. Schnell.
Officiât de Santé.
2' Prix : M. Ferrand.
-4* année. — Doctorat.
2* Prix: M. Louge.
É T U D I A N T S EN P HARMACI E
1" Prix : M. Fabre.
1” Mention : M. Bain.
2' Mention : M. Boureau.
2® année.
..
i “r Prix: M. Vizern, avec éloges.
2° Prix : M. Clarency.
—
M. Coste.
Mention : M. Bouisson.
Ca 3' année des étudiants en Pharmacie n’a pas pris part au
concours.
8
.
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https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1884-1885.pdf
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PDF Text
Text
1884-1885
�ACADÉMIE
D ’A I X
SÉANCE SOLENNELLE DE REN TR ÉE
DES FACULTÉS ET DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
��SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE THÉOLOGIE, DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
e t de l ’é c o l e de p l e in exercice
DE
MÉDECINE
ET
DE
P H A R MA C I E
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Théo
logie catholique, de Droit et des Lettres d'A ix, de la
Faculté des Sciences et de l’École de plein exercice de
Médecine et de Pharmacie de Marseille, a eu lieu à Aix,
le jeudi 4 décembre 1 8 8 4 , à deux heures et demie,
dans une des salles de la Faculté de Droit, sous la
présidence deM . Belin , Recteur de l’Académie.
Les places réservées étaient occupées par M. Bessat,
Premier Président à la Cour d’Appel d’Aix ; M. Naquet,
Procureur Général près la même Cour; M. Comolet,
Sous-Préfet de l’arrondissement d’Aix; M. Gautier,
Maire d’Aix; M. Charve, adjoint, représentant M. le
Maire de Marseille; M. de Mougins-Roquefort, conseil
ler-doyen à la Cour d’Appel d’Aix; M. Bujard, Avocat
général près la même Cour; MM. les Membres du
�--------------------------- -
-
6
—
Conseil Académique ; des Officiers supérieurs de la
garnison
d’Aix ; des fonctionnaires appartenant aux
divers services publics, etc.
ALLOCUTION DE M. LE RECTEUR
DE LACADÉMI E
MM. les Inspecteurs d’Académie ; MM. les Doyens et
Professeurs des Facultés; Directeur et Professeurs de
l’École de Médecine et de Pharmacie, tous en costume
universitaire, ainsi que M. le Proviseur et une déléga
tion de Professeurs du Lycée d’Aix, avaient pris place
sur l’estrade autour de M. le Recteur.
Messieurs ,
Un grand nombre de Dames , d’Étudiants, de person
nes étrangères à renseignem ent, remplissaient la salle.
Après avoir ouvert la séance et prononcé une allocu
tion, M. le Recteur a donné la parole a M. le Dr Livon,
professeur à l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de
Marseille, chargé du discours de rentrée.
L’année scolaire qui vient de s’écouler n’a apporté, dans
le régime de nos établissements d’enseignement supérieur,
ni innovation ni modification, qui mérite de vous être ici par
ticulièrement signalée; mais elle a été attristée par des
deuils nombreux ; et ce n’est pas sans une émotion doulou
M. le Doyen Jourdan a ensuite lu un rapport et pro
reuse que nous tournons nos regards vers la place vide
clamé les noms des lauréats des concours de la Faculté
encore, qu'occupaient, il y a un an à peine, des collègues
de Droit; M. le D rG. Rouisson a donné lecture de son
rapport sur les concours de l'École de Médecine et de
aimés et respectés. Ces disparitions inattendues, ces pertes
répétées ont brisé plus d’une espérance ; mais elles n’ont ni
Pharmacie.
arrêté la marche, ni suspendu les progrès de nos Facultés et
de notre Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharmacie.
La séance a été levée à 4- heures.
C’est, en effet, l’un des privilèges des établissements aux
quels vous appartenez, MM. les professeurs, que de rajeunir
en se renouvelant, et de ne point sentir le déclin de l’âge ;
sans doute, le flambeau de la science, suivant l’antique
image, ne se passe pas régulièrement de main en main ; et
l’éclat que jette une chaire disparaît par fois pour un temps
avec celui qui l’occupait; mais aussitôt d’autres enseigne
ments viennent soutenir le renom de la Faculté la plus affli-
�-
gée; la lumière peut se déplacer, elle ne s’éteint jamais.
Tout autre est la tristesse et plus difficile est la consolation,
quand l’homme qni nous est enlevé illustrait, non point une
Faculté ou une Académie, mais l’Université tout entière, et
qu’il succombe, sans avoir rempli la tâche, qu’un consente
ment presque unanime lui avait, en quelque sorte, imposée.
C’est un sentiment de cette nature que nous avons tous
éprouvé, lorsque est venue nous surprendre la brusque mort
de l’éminent directeur de l’Enseignement supérieur, M. Al
bert Dumont. Le Grand Maître de l’Université, les succes
seurs et les confrères de M. Dumont, ont rappelé, avec une
éloquence mêlée de regrets et de larmes, tout ce qu’avait
fait cet esprit élevé, tout ce qu’il se proposait de faire, dans
la partie de l’enseignement public dont la direction lui avait
été autrefois confiée ; mais, si son œuvre n’est point achevée,
ce qu’il en laisse suffira pour sauver son nom de l’oubli, et
les Facultés conserveront pieusement le souvenir de celui,
qui voulait qu’elles eussent sur leurs destinées «une influence
prépondérante » ; et qu'elles fussent, autant que peuvent
l’être des institutions humaines, maîtresses de leur organisa
tion et de leur fortune.
C’est de cette vie nouvelle, sous l’apparence d’un régime
qui remonte au premiers temps de l’Université; c’est de cette
vie de liberté, d’indépendance, j’allais dire d’autonomie,
que vivent en réalité aujourd’hui les Facultés du ressort; et,
pour se convaincre de cette vérité, il suffirait d’examiner
comment elles se meuvent, comment elles établissent leur
enseignement, comment elles le distribuent, comment elles
en assurent l’efficacité et les sanctions ; mais ce n’est point
ici le lieu d’entreprendre une pareille démonstration ; et je
dois, suivant l’usage, me contenter de rappeler brièvement
devant vous le rôle, que remplissent dans l’Académie les di
9
—
verses Facultés, et les importants services qu’elles ne cessent
de rendre à la fois à la science et au pays.
Avec le caractère particulier de ses cours et la situation
spéciale faite à ses professeurs, la Faculté de Théologie n’a
point vu, en notre temps du moins, l’administration supé
rieure de l’Instruction publique s’immiscer dans son ensei
gnement ou ses programmes ; et elle sait avec quel soin
scrupuleux nous la laissons marcher, de l’allure qu’elle veut
bien prendre, dans la voie qu’elle se trace elle-même. Ce
que nous lui demandons seulement, c’est de continuer à
réunir autour de ses chaires un auditoire choisi; c’est d’attirer
et de retenir des élèves, et surtout de prouver, par les
examens qu’elle fait subir, qu’on vient rechercher auprès
d’elle autre chose que l’attrait d’une parole, toujours élo
quente ou austère. Cette année, la Faculté de Théologie a
conféré trois diplômes de bachelier, deux diplômes de licencié
et deux diplômes de docteur ; et, comme ces diplômes sont
devenus, en quelque sorte, honorifiques, comme ils n’assurent
ni privilèges ni droit, ils sont une sérieuse preuve de l’estime,
en laquelle on lient justement la plus ancienne de nos Facul
tés. Le savant doyen que nous regrettons, M. l’abbé Renoux
n’a point encore été remplacé ; et la Faculté s'administre,
pour ainsi parler, elle-même, sous la direction du plus
ancien de ses professeurs.
Les Facultés de Droit n’ont point, dans l’ordonnance et la
distribution de leur enseignement, une liberté aussi grande
que celle qui est, depuis longtemps, accordée aux Facultés
des Sciences et des Lettres ; chargées de préparer à des
examens dont les programmes sont d’avance arrêtés, d’expo
ser, devant des auditeurs nouveaux, des matières qui,pour le
professeur, ne sont pas toujours nouvelles, c’est, peut-être,
moins par l’objet propre de leur enseignement que par la
�—
10
—
méthode et l’esprit, qui le dirigent qu’elles se rattachent aux
Hautes Etudes, où elles tiennent si légitimement une pre
mière place. Mais, dans notre Faculté de Droit, MM. les
professeurs ne se contentent pas de renouveler chaque
année, par la méditation et les recherches, un enseignement
qui, faute de ce soin, risquerait de devenir monotone, ils
continuent ou reprennent les travaux, qui, dans certaines
parties de la science du droit, leur ont, depuis longtemps,
valu une autorité incontestée ; et, pendant que l’un de nos
jeunes chargés de cours nous revient, après avoir, dans le
difficile concours de l'agrégation, emporté la première place,
le savant doyen de la Faculté de Droit, M. Alfred Jourdan,
donnant à tous l’exemple, est, pour la quatrième fois, cou
ronné par l’Institut de France. Des succès si éclatants et si
répétés permettent d’affirmer que MM. les étudiants sont
certains de trouver près de la Faculté de Droit d’Aix un en
seignement aussi brillant que solide; et nous pouvons, je
crois, regretter que la création de nouveaux centres d’étude
du droit aient détourné, d’une faculté que connaissaient les
pères, plus d’un élève qui lui eût sûrement fait honneur
Sans doute, si nous ne supputions que le chiiïre des ins
criptions qui sont chaque année délivrées, il nous serait facile
encore de nous faire illusion ; mais qui excuserait notre
aveuglement, en nous voyant compter comme de véritables
élèves des jeunes gens, qui, loin de la Faculté, aidés de je ne
sais quels manuels, acquièrent pour un examen d’une heure
une science d’un .jour; et s’imaginent, volontairement ou
non, qu’ils peuvent, par des recueils et des traités, remplacer
ce à quoi rien ne saurait suppléer, à savoir la parole vivante
et l’accent convaincu du maître? C’est ce secours quotidien,
ce sont ces rapports constants entre les professeurs et l’élève,
qu’il soit français ou étranger, et nous avons, peut-être, ici,
— U
par l’elïet d’un patriotisme éclairé, une sorte de prédilection
pour les jeunes gens que nous envoient les nations voisines ;
ce sont, dis-je, ces relations presque familiales, qui rendent
le séjour d’Aix si fructueux pour les étudiants de notre
Faculté de Droit. MM. les professeurs, et nous les en remer
cions publiquement, n’estiment pas leur tâche terminée,
quand ils ont, chaque semaine, aux heures d’avance fixées,
régulièrement et consciencieusement fait leur cours ; ils sont
presque à la disposition de MM. les étudiants, qu’il s'agisse
d’éclairer pour l’un un point demeuré obscur, pour l’autre de
rattacher plus étroitement à un principe une conséquence
qui lui paraissait trop lointaine; et c’est souvent dans un
entretien presque amical que s’achève pour quelques-uns la
leçon qu’ils viennent d'entendre sur les bancs de l’amphi
théâtre. Le temps n’est plus, où le professeur se croyait
absolument quitte envers la Faculté, quand il y avait passé
le nombre d’heures indiqué sur l’affiche, et n’avait ensuite
nul souci, soit du travail des étudiants, soit du renom de
l’institution à laquelle il était attaché ; aujourd’hui les maîtres
del’Enseignement supérieur veulent avec raison honorer, par
leurs publications et leurs recherches, la Faculté dont ils
sont membres; et ce ne sont point seulement des auditeurs,
ce sont des élèves, des disciples même qu’ils ont le légitime
désir de s’attacher.
Sous l’active impulsion d’un doyen, qui comprend son
devoir et a le ferme dessein de le remplir tout entier, la
Faculté des Lettres a su, dès cette année, grouper autour de
ses chaires un nombre assez considérable d’auditeurs appli
qués et sérieux : boursiers de licence, maîtres auxiliaires, maî
tres répétiteurs, élèves bénévoles; et, en conduisant à la
licence quelques-uns des plus laborieux après une seule
année d’études, en faisant inscrire, succès rare, sur la liste
�—
f? —
supplémentaire des candidats admis à l’Ecole normale supé
rieure, l’un de ses plus jeunes boursiers, elle a, du premier
coup, prouvé qu’elle était en mesure d’ajouter à ses cours
publics, qui n’ont cessé de jeter l’éclat que vous savez, ces
cours fermés, si prônés aujourd’hui, et où la plus solide éru
dition ne se sépare jamais ici de l’art de bien dire. Ils ne
sont pas en très grand honneur aujourd’hui, messieurs, les
cours publics; on n’hésite guère à les déclarer inutiles, quand
on ne les regarde pas comme un vain bruit, un assemblage
harmonieux de paroles sonnantes et vides ; mais on ne devrait
pas oublier, lorsqu’on les condamne de si haut, qu’il est tou
jours facile de ne point faire de grandes leçons, et que la
composition d’un cours n’est pas encore devenue un exer
cice à la portée du plus ignorant. Il avait des leçons magis
trales une toute autre idée, ce savant illustre dont personne
ne saurait en France récuser l’autorité, et qui a laissé dans
la science pure une si lumineuse et si profonde trace, je veux
nommer M. J.-B. Dumas. « N’allons pas, écrivait l’illustre
« chimiste, quelque temps avant sa mort, remplacer, dans la
« chaire publique, par des faits entassés, décrits en style de
« télégramme, les hautes pensées et le noble langage, qui
« élèvent l’âme de la jeunesse.... et maintiennent dans leur
« plénitude et dans leur force les traditions les plus pures du
« génie national. » — Il convient cependant de le reconnaî
tre, en province, dans nos Facultés des lettres, les cours fer
més, comme la préparation par correspondance, peuvent
paraître d’une utilité plus immédiate: c’est, en effet, parce
système qu’on nous prépare pour l’enseignement secondaire
des agrégés et des licenciés; et le jour n’est pas éloigné, où,
dans nos plus modestes collèges communaux, le diplôme de
bachelier ne suffira plus à celui qui voudra avoir le privilège
et l’honneur d’enseigner. Toutefois les Facultés de Lettres,
13
—
malgré leur constante bonne volonté, ne peuvent, sous tous
rapports, façonner et former le jeune professeur; elles don
nent l’instruction ; elles initient aux méthodes ; mais elles
n’accoutument point leurs élèves à communiquer ce qu’ils ont
appris, et ne leur enseignent point, ce qui en matière d’édu
cation est pourtant l’essentiel, à savoir l’art de se rendre
maître du cœur et de l’esprit de l’enfant. D’ailleurs on peut
se demander si ces jeunes boursiers de licence, qui nous
viennent de tous côtés, qui n'ont pas toujours été élevés dans
le même esprit, qui ne sont point, comme les élèves de l’École
normale supérieure, soumis à une réelle discipline, salutaire
a la fois pour l’intelligence et le caractère, qui ne parais
sent à la Faculté qua des heures déterminées, sont, comme
il convient, préparés à ce que je ne crains pas d’appeler leur
métier; il ne serait pas, je crois, inutile qu’en suivant les
cours qui leur sont imposés ils fussent mis en contact plus
voisin avec des élèves qu’ils serontappelés à diriger prochai
nement, et qu’ils pussent ainsi affermir ieur vocation, par le
spectacle plus fréquent des devoirs de nature diverse, qu’ils
auront à remplir un jour. — A celte triple obligation pres
crite aux professeurs des Facultés des Sciences et des Lettres,
et que leurs collègues des autres Facultés, plus favorisés
sous ce rapport, ne connaissent qu’eu partie: obligation de
contribuer par leurs cours ou leur travaux à l’avancement
de la science qu’ils représentent, obligation de donner aux
boursiers de licences et d’agrégation l’enseignement imposé
par les programmes, obligation de préparer par correspon
dance à des examens de plus en plus difficiles les professeurs
de nos lycées et de nos collèges, qui comprennent qu’aujourd’hui, dans l’Université, rien ne peut remplacer les grades,
vient s’ajouter, vous le savez, la lourde tâche des examens du
baccalauréat; et ce n’a pas été pour la Faculté des Lettres une
�—
14
—
—
médiocre fatigue que d’avoir, celle année, corrigé les composi
tion de (635) candidats et reconnu 1’insuiïisante préparation
de (363) d’entre eux. Des esprits éminents ou distingués,
que préoccupent à bon droit toutes les questions d’instruc
tion, voudraient qu’on enlevât aux professeurs des Facultésdes
Sciences et des Lettres une besogne d’ordre secondaire, qui
les accable sans profit pour la science ; mais je n’ose affirmer
que ce qu’ils proposent puisse aussi aisément se pratiquer
qu’ils l’affirment ; et, pour des raisons que je ne dois ni expo
ser ni discuter devant vous, Messieurs, dans l’état actuel de
l’enseignement en France, nous serons, sans doute long
temps encore, obbligés de prier MM. les professeurs des
Facultés des Sciences et des Lettres de constater, en faisant
subir de véritables examens de passage et de sortie, ce que
valent, ce que produisent en somme, pour la formation des
jeunes intelligences, les programmes souvent remaniés de
notre enseignement secondaire.
15
-
censeurs de ceux qui ont fondé la Faculté des Sciences ont
toujours tenu à honneur de conserver en son haut degré la
réputation méritée qu’elle a su de bonne heure acquérir ;
et il suffit de parcourir les rapports que publie chaque
année M. le Doyen, pour demeurer convaincu que les recher
ches originales n’ont jamais été plus multipliées et plus fécon
des. Cette année encore, l’Académie des Sciences vient de
décerner un de ses prix les plus enviés, le prix Valz, au
savant professeur d’astronomie, M. Sléphan; et nous avons
le ferme espoir qu’à côté de cette récompense si justement
enviée, on en saura prochainement trouver d’autres, desti
nées à encourager des travailleurs infatigables, qui, dans le
coin de la science où ils se sont volontairement cantonnés,
n’ont d’autre souci que l’incessante poursuite du vrai. Comme
la Faculté des Lettres, la Faculté des Sciences trouve par
fois un peu pesant le fardeau que lui imposent ses multiples
obligations; sans doute elle examine moins de candidats au
baccalauréat que la Faculté des Lettres (cette année elle en a
Marseille partage avec Aix le privilège de posséder de
grands établissements publics d’enseignement supérieur; et,
si leur fondation est de date presque récente, leur dévelopement a été si rapide qu’ils ont bientôt rivalisé d’importance
avec les institutions voisines les plus anciennes. Il n’a pas
fallu vingt ans à la Faculté des Sciences de Marseille pour se
placer presque au premier rang, aussi bien par le talent de
ses professeurs que par la valeur et l’éclat de leurs travaux ;
et elle n’a pas attendu la création des bourses d’agrégation
et de licence pour réunir, dans ses deux laboratoires des
hautes études, des jeunes gens avides d’instruction, et qui,
en têle-à-têle, pour ainsi parler, avec leurs maîtres, appren
nent d’eux, avec la vérité découverte hier, la méthode qui
permet d’atteindre à ce qui sera demain la vérité. Les suc-
reçu 138 et éliminé 170) ; mais, en retour le nombre de
ses candidats aux diverses licences est toujours très élevé ;
et, depuis longtemps, elle prépare, non sans succès, à l’agré
gation et au doctorat. Il est pour la Faculté des Sciences une
préoccupation plus légitime: malgré l’ingénieux parti qu’on
a su tirer de locaux, qui, il y a trente ans, paraissaient presquetrop vastes, les amphithéâtres ne suffisent plus aujour
d’hui aux nombreux cours qui s’y succèdent ; et les
laboratoires deviennent
trop
étroits pour les
travaux
de nature diverse qu’on y entreprend chaque jour. C’est
souvent,
vous le savez,
dans
les laboratoires de
savants que se préparent et s’achèvent,
nos
en notre siè
cle, les découvertes qui enrichissent une industrie ou un
pays; et il y a, à la fois, équité et reconnaissance à ne point
�—
16
—
mesurer à ces créateurs désintéressés de nos richesses le peu
quhls réclament, à savoir l’espace, la lumière, avec les instru
ments indispensables à toute recherche. La ville de Marseille
sait quels sont, sous ce rapport, ses obligations strictes; et
elle n'est point disposée à oublier ce qu’elle doit à la science,
qui n'est pour elle ni un ornement, ni une parure, mais bien
une supériorité et une force.
L’Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharmacie,
malgré le privilège que lui confère son titre, ne compte
point autant d’élèves que nous le souhaiterions ; mais ce
qui doit surtout attirer notre attention, ç’est le nombre,
toujours insuffisant à nos yeux, des aspirants au grade de
docteur en médecine et de pharmacien de première classe
inscrits sur ses registres. Les étudiants en médecine, pour
vus des deux baccalauréats, hésitent, soit à commencer, soit
à continuer leurs éludes près de l’Ecole; et, si celte hésita
tion devenait un fait constant, notre grand établissement
médical se transformerait
insensiblement en une sorte
d’institution, chargée de préparer, avant tout, des officiers
de santé et des pharmaciens de seconde classe. Cette trans
formation, qui n’apparaîtrait qu’aux plus clairvoyants, ne
serait point sans danger pour les études. Ce qu’on vient, en
elïet, chercher d’ordinaire dans les Ecoles préparatoires de
Médecine et de Pharmacie, ce n’est point l’initiation aux
méthodes scientifiques, c’est, au contraire, une somme dé
terminée de connaissances positives, un véritable enseigne
ment professionnel ; et, quelles que soient les tendances et
les habitudes de son esprit, le professeur, dans ces écoles,
est obligé, s’il veut être compris et suivi, d’approprier, de
proportionner son enseignement au degré de préparation et
de culture de ceux qui le viennent écouter. Cette situation
faite à l’Ecole n’a point échappé à ceux de nos jeunes pro
17
-
fesseurs, qui veulent, à l'exemple de leurs collègues et maî
tres, faire leurs preuves ; ils ont compris que, pour se main
tenir, dans l’enseignement supérieur, à la place qu’ils ont
l’ambition de conquérir, ils ne doivent pas se contenter de
donner un enseignement régulier et solide ; et ils multiplient
leurs observations et leurs recherches; et ils n’hésitent point,
en les publiant, à les soumettre au jugement des savants les
plus autorisés. Nous ne pouvons que les exhorter à se mon
trer, sous ce rapport, obstinés et persévérants ; c’est en
continuant de ce côté leurs efforts, c’est en poursuivant leurs
études désintéressées, qu’ils feront reconnaître par tous la
possibilité d’une transformation prochaine en Faculté de
notre Ecole de plein exercice. Il ne faut pas l’oublier; il y a
autre chose qu’une différence d’appellalion entre une Ecole
de Médecine et une Faculté de Médecine ; et une faculté ne
peut vivre et grandir que par l’autorité scientifique et les
travaux justement estimés de ceux qui sont appelés au diffi
cile honneur de la fonder. Celle vérité que je rappelle,
MM. les professeurs de l’Ecole la reconnaissent comme nous ;
et c’est parce qu’ils ont conscience de leur valeur qu’ils de
mandent, peut-être avec plus d’instance que nous encore, la
création à Marseille d’une Faculté mixte de Médecine et de
Pharmacie.
Telle est, Messieurs, rapidement résumée, l’œuvre accom
plie chaque année, par les établissements publics d’ensei
gnement supérieur du ressort, œuvre qui se poursuit sans
bruit, sans souci de la publicité, car dans l'Université on
fait simplement son devoir et l’on n’a point l’habitude des’en
vanter, mais qui n’en est pas moins féconde en conséquences
et en résultats. Sans redire, une fois encore, que MM. les
professeurs de nos Facultés répandent et vulgarisent les dé2
�—
18
—
couvertes, cherchent à leur tour la vérité, et enseignent
avant tout la méthode, cette « âme de la science », comme
l’appelle M. Pasteur, ne sommes-nous pas autorisés à affirmer
que c’est pour MM. les étudiants, à l’âge oii se forme défini
tivement le caractère, une sorte de faveur, que d’être les
élèves de maîtres, qui apportent dans leurs leçons tant de
probité, dans leurs recherches tant de conscience, une exac
titude si scrupuleuse dans l’accomplissement de leur tâche
quotidienne? Et ces qualités professionnelles, qui ne trahis
sent aucun effort, se transforment aisément, vous le savez,
en vertus civiques, dès qu’apparaît un danger public. C’est
avec uu légitime orgueil que j ’ai signalé à M. le Ministre de
l'Instruction publique le dévoùment infatigable et l’intrépi
dité d’âme, dont MM. les professeurs de l'enseignement supé
rieur ont à Marseille, durant l’épidémie qui vient d’attrister
la région, donné de si éclatantes preuves. Au premier appel
de M. le Préfet du département et de M. le Maire de Mar
seille, MM. les professeurs de l’Ecole de Médecine sont tous
accourus; et on les a vus ne reculer devant aucune fatigue,
pour porter, dans toutes les localités atteintes par le fléau,
avec le secours qu’ils pouvaient seuls donner, la parole qui
console, le conseil qui encourage et soutient ; de leur côté,
MM. les professeurs de la Faculté des Sciences, que des
fonctions librement recherchées attachaient à Marseille, ont
avec raison estimé qu’on ne doit accepter un mandat que si
l’on est décidé à le remplir, quoi qu’il arrive ; mais, si je
tentais ici de parler de leur fermeté ou de leur courage, ils
refuseraient de m'entendre, car ils nous ont déjà déclaré
qu’ils n’avaient droit à aucun éloge. — Cet exemple de ci
visme, donné par vos professeurs, ne saurait être sans
profit pour vous, MM. les étudiants ; il vous apprend
que le privilège d’être l'un des maîtres de la jeunesse com
-
19
-
porte de grandes obligations ; et que la haute culture intel
lectuelle, que vous venez chercher près de nous, élève en
même temps les cœurs et fortifie la trempe de l’âme. Gardez
donc le souvenir des leçons que vous avez reçues, des actes
dont vous avez été, celte année, les témoins : vos maîtres se
croiront assez récompensés, si, au jour d’une calamité publi
que, vous êtes, grâce à eux, du nombre de ceux qui, suivant
la belle expression d’un ancien, n’ont rien à se reprocher,
rien dont ils puissent rougir devant leurs concitoyens.
�21
DI SCOURS
Sur le progrès dans les sciences biologiques
par l'expérimentation.
Par M. le Docteur Charles LIVON
Professeur de physiologie à l’Ecole de plein exercice de Médecine
et de P h arm acie de Marseille.
M o n s ie u r l e R e c t e u r ,
Me ssieu rs,
L ’esprit humain ne peut être mieux comparé qu’à un
voyageur qui, après une pénible ascension, se retourne avec
satisfaction pour contempler le trajet parcouru et étudier, en
quelque sorte d’une façon rétrospective, toutes les sinuosi
tés, toutes les irrégularités du sentier qu'il a suivi pour par
ven ir au sommet escarpé qu’ il désirait atteindre. Malgré une
curiosité que rien ne peut assouvir, au milieu même de celte
course que rien ne peut arrêter, l’esprit humain, lui aussi,
se retourne volontiers, pour jeter un coup d’œil en arrière
et récapituler à travers les diverses étapes qu’il a parcou
rues, les moyens dont il a fait usage, pour en arriver aux
connaissances acquises, dont le cercle va s’agrandissant de
jour en jour.
Ce n’est pourtant pas avec ce contentement du voyageur
qui est arriva à son but, car, toujours en avant, telle est la
devise de l’esprit humain qui ne voit jamais arriver de terme
-
à sa course. Un résultat n'est pas plus lot connu, que surgis
sent de nouveaux problèmes à résoudre, et le voilà qui s’é
lance aussitôt sur celte route nouvellement ouverte, emporté
par le charme qu’a pour lui la recherche de l’inconnu.
Les lettres et les sciences, telles sont les deux grandes
voies qu’il a suivies, et, pour quiconque sait observer, il est
facile de constater que sa marche a subi bien des lluctuations,
suivant qu’il s’est engagé dans l’ une ou l’autre voie. Dans le
sentier aride de la science, malgré de légères lluctuations, il
a suivi une marche toujours ascendante, tandis que l’on ne
peut en dire autant de sa course à travers le sentier fleuri de
la littérature. C’est qu’il y a une première dilTérence capitale
à établir. Les productions de la littérature et de l’art ne peu
vent vieillir, elles représentent des sentiments qui sont inva
riables et toujours identiques dans la nature humaine. L’es
prit humain a des aspirations qui se renouvellent toujours,
qui ont enfanté tous les systèmes philosophiques et donûé
naissance à tous ces chefs-d’œuvre de la poésie et de l’art,
qui font notre admiration et que l’on ne peut surpasser. Ces
aspirations, ces expressions ne peuvent varier qu’avec la
nature hum aine; or, la nature humaine restant toujours à
peu près la même, il est facile d’expliquer pourquoi la mar
che de la philosophie, de l’art et de la littérature a été et sera
fluctuante. La science, au contraire, représente l’ensemble
des connaissances humaines, elle doit nécessairement gran
dir avec la somme de ces connaissances, que le temps accroît
chaque jour, et forcément la science moderne doit dépasser
la science des anciens, comme la science de l’avenir dépas
sera la science actuelle.
Un second point dont il faut tenir compte, ce sont les bases
sur lesquelles l’une et l’autre s’appuient. Assurément, si
l’imagination est appelée à jouer un rôle prépondérant dans
�les productions littéraires, sa place doit être nulle dans les
œuvres scientifiques ; de même que la méthode expérimen
tale rigoureuse, qui a élevé la science au niveau qu’elle a
atteint aujourd’hui, doit être repoussée par la littérature.
Cette distinction n’a pas toujours été bien faite. C’est ainsi
(jue dans les temps passés, l’imagination jouait un rôle beau
coup trop grand en m atière scientifique e tq u ’aujourd'hui, la
littérature a trop de tendance à se laisser envahir par le na
turalisme, pour em ployer le mot consacré.
Mais dira-t-on,pour définir l’ homme et ses fondions, pour
dépeindre les modifications que son intelligence subit sous
l’ inlluence des divers âges et de la maladie, pour montrer
enfin les passions humaines dans toute leur horreur, il faut
bien se conform er à la dure vérité? Je répondrai alors, point
de terme milieu. Prenez un traité de physiologie pure; lisez
les cliniques de la Salpétrière; mais que la littérature, que
l’art restent ce qu’ils doivent être. Que l’imagination ait
encore son petit rôle à jouer, et qu’elle soit appelée encore
quelquefois plutôt à deviner, qu’à se trouver en face de la
réalité toute crue.
Je ne saurais mieux comparer la physiologie en littérature
qu’à la poésie en science. Ce m élange finit par ne plus rien
être. Quoi de plus grotesque que l’anatomie ou la physio
logie décrites en strophes !
Mais je m’écarte un peu de mon sujet, loin de moi l’in
tention de faire une étude comparative des lettres et des
sciences, je tomberais peut-être, dans l’excès que je viens
de signaler et je mettrais trop de physiologie en littérature
etprobablem ent pas assez de poésie en science. Je ne tiens
à m’attacher qu'à un seul point. Les sciences, ai-je dit, ont
suivi une marche toujours ascendante. Quelle est la cause de
celte progression croissante? Voilà ce que je me propose de
rechercher, en jetant un coup d’œil en arrière. Mais afin que
l’on ne puisse m ’appliquer ce qu’un Crates disait des écrits
d’Héraclite « qu ’ils avaient besoin d’ un lecteur bon nageur »
je ne veux pas me noyer au milieu de toutes les branches de
la science. Je me bornerai à envisager quels sont les moyens
qui ont contribué le plus et qui contribuent encore aux pro
grès incessants des sciences biologiques. Nous pourrons éta
blir ainsi un parallèle entre la science moderne et la science
d’autrefois. Nous verrons la science de la vie, prendre nais
sance peu à peu, sortir de ce chaos que l ’on appelait la
science de la nature, pour en arriver graduellement au point
où nous la trouvons aujourd’hui.
Laissant aux littérateurs le style fleuri et la phrase agréa
ble, nous sommes contraints de nous renferm er dans cette
rigueur scientifique, dépourvue d ’imagination, qui fait la
force de nos descriptions et qui oblige à sacrifier l’élégance
de la tournure à la rigueur de l’exposition des faits. La
science doit garder un caractère assez austère pour ne pas
démériter de son nom.
Mais, dans une réunion comme celle-ci, on n’est point em
barrassé de parler science, quelle que soit l'Apreté du style
on est sûr d ’avance d ’être compris.
Les sciences biologiques, telles que nous les comprenons
aujourd’ hui, c’est-à-dire, celles qui s’occupent de la recher
che des lois qui régissent les phénomènes qui se passent dans
un organisme, n’ont été bien définies qu’au x ix e siècle, per
dues qu’elles étaient au milieu de la philosophie, qui avait la
prétention d ’embrasser l’universalité des connaissances hu
maines. Aussi, pou rsu ivre leur développement, est-on obligé
de trier au milieu de tous ces systèmes philosophiques, qui
tenaient sous leur domination les diverses branches de la
�science. On arrive ainsi peu à peu à constituer réellem ent la
biologie, cette science de l'être vivant, cette science dont le
domaine est immense. Mais que de temps et de labeur il a
fallu pour conquérir ce champ si vaste et si fertile. Ce n’est
pas a d iré que la conquête soit finie ; loin de moi, bien loin
de moi celte pensée, je sais trop combien les divers points
en sont inaccessibles, combien la place est forte, pour ne pas
ignorer les difficultés inouïes qu’ il faut surmonter pour vain
cre Si la biologie étonne parfois par la hauteur de ses vues,
si son but est sublime, elle n’en progresse pas moins. Sonder
les profondeurs de la nature, les mystères de la vie, semble
au-dessus des forces humaines. J ’espère vous faire voir
qu’avec une méthode rigoureuse, l’on peut y prétendre, et,
n’aurail-on pour preuve que les progrès accomplis, que les
résultats obtenus, que cela doit faire bien augurer de l’avenir
et donner de la confiance.
De tout temps, il faut le reconnaître, l’ homme a cherché
à se rendre compte des phénomènes qui se passent en luimême et chez tous les êtres organisés qui l’entourent. Sa
curiosité naturelle le poussait forcément vers cette élude.
Mais au commencement, livré à lui-même, il n’avait que les
sens seuls pour observer et les sens trompent quelquefois si
facilement, que ju ger par eux c’est souvent prendre le faux
pour le vrai, ce qui faisait dire à M ontaigne: « Quant à
l’ erreur et incertitude de l’opération des sens, chacun s’en
peut fournir autant d’exem ples qu’ il lui plaira, tant les fautes
et tromperies qu’ils nous font sont ordinaires. » Aussi, ne
faut-il pas être trop surpris de voir l’ homme se laisser parfois
entraîner par son imagination.
Il est assez difficile dans l’antiquité de suivre nettement
la progression des sciences biologiques, au milieu de tous les
systèmes philosophiques, plus ou moins contradictoires, qul
ont égaré les premiers chercheurs. Pourtant, pour nous
rendre compte de la m arche des sciences qui nous occupent,
nous allons aussi rapidement que possible, indiquer à grands
traits, les principaux personnages qui par leurs travaux ont
contribué à jeter de la lum ière sur l’élude de l’être organisé.
Sans se perdre à la recherche de l’origine des premières
observations scientifiques, qui constitue plutôt une sorte de
m ythologie, dans laquelle il est assez difficile de bien voir,
la prem ière grande figure qui se présente dans l’antiquité
en matière de science, est sans contredit Aristote, qui met
tant à profil les seuls moyens dont il dispose, l’observation
par les sens, établit ses descriptions qui sont d’ une si grande
exactitude. Seulement pour corriger les erreurs dues aux
sens, Aristote, trouve un contrôle infaillible dans le raison
nement basé sur le syllogism e ; d’où, tout un système phi
losophique.
C’est avec Aristote, cet esprit généralisateur par excellence,
que commence vraim ent la science de la nature. Après lui,
il faut arriver à Galien pour voir une nouvelle impulsion
donnée à tout ce qui concerne la science de l’être vivant.
Avec Galien, commence vraiment la méthode expérimen
tale. Le prem ier, il interroge la nature sur l’animal vivant ;
le prem ier, il se base sur l’expérimentation pour établir le
rôle, l’utilité de chaque organe. C’est ce qui me faisait dire
un jour en ouvrant le cours de physiologie : peu d’ hommes
ont fait pour la physiologie ce qu’a fait Galien.
On peut déjà en parcourant les écrits du médecin de Pergame, apprécier les bienfaits de l’expérimentation. Mais il
aurait fallu que celte expérimentation fût débarrassée d ’une
philosophie malsaine. Malheureusement à son époque, la
philosophie avait encore trop d’empire sur les questions
scientifiques et m algré son génie investigateur, Galien ne put
se soustraire aux idées régnantes.
�— 27 —
Il semble qu’à partir de ce moment, l’élude des êtres orga
nisés aurait dû rentrer dans la voie expérim entale. Aussi,
est-on surpris, lorsque l’on voit que tout s’éteint avec
l’ homme qui a ouvert une ère si féconde.
Aristote et Galien sont certainement les deux hommes qui
dans l’antiquité ont jeté les bases fondamentales les plus
solides des sciences biologiques. Mais malheureusement après
eux, les disciples quoique nombreux, se sont contentés de
copier et de commenter les maîtres. La science en est restée
au point où l’avait laissée ses fondateurs.
Faute d’ une méthode rigoureuse, aucun disciple n’a cher
ché à dépasser le maître. C’est que comme nous le verrons
plus tard, il n’y a vraiment qu’ une seule méthode qui puisse
donner en science des résultats féconds, c’est la méthode
expérim entale ; elle seule permet de s’affranchir de l'autorité
personnelle, remédiant ainsi à l’erreur de la scolastique,
pour ne s’appuyer que sur des faits certains, démontrés et
démontrables. Le seul critérium en leur possession étant le
raisonnement, il était difficile de raisonnements en raison
nements, de syllogismes en syllogism es, d’arriver à trouver
les lois qui président aux phénomènes de la vie.
Aussi, cette prem ière étape ne doit pas nous arrêter lon g
temps, la philosophie y tient une place beaucoup trop grande.
Philosophie nageant dans des régions trop élevées pour être
initiatrice et favoriser les progrès scientifiques, tout au con
traire, elle ne fait que retarder et entraver la marche en
avant des sciences.
Après avoir vu les sciences biologiques naître avec Aristote
et Galien, on est en droit de se demander pourquoi après ces
deux génies, elles sont restées à l’état d’em bryon? Pourquoi
cet embryon ne s’est-il pas développé? C’est qu’il a été
frappé de mort dans l’œuf par les systèmes philosophiques.
On ne peut pas dire le contraire; la méthode expérimentale
était créée, elle avait déjà fait ses preuves, car entre les
mains de Galien, elle avait donné des résultats magnifiques,
elle lui avait permis de rectifier bien des erreurs. Mais, au
lieu de constater les résultats de l’expérience avec un esprit
dépouillé d ’ hypothèses et d ’idées préconçues, ce n’était qu’à
travers ce prisme déform ateur que l ’on considérait les don
nées de l’expérim entation. Au lieu de posséder celte har
diesse et celte liberté d ’esprit nécessaires en sciences, les
successeurs de Galien étaient dominés par des croyances
philosophiques ou religieuses qui les enchaînaient à l’erreur.
Voilà pourquoi après Aristote et Galien les sciences de
l’être organisé sont reslées si longtemps stationnaires et sont
même tombées dans un étal effrayant de barbarie. Dépourvu
d’un fil conducteur l’esprit humain est allé çà et là à l’aven
ture, au lieu de suivre cette m arche progressive qui lui est
familière.
Il ne faut donc pas parler de progrès à celle époque, mais
bien des extravagances de l’esprit humain, de ses hallucina
tions, si je puis ainsi parler. Qu’arrive-t-il en effet jusqu'au
milieu du X V I* siècle? Les esprits se laissent aller aux théo
ries spéculatives, aux conceptions philosophiques. Nous
sommes en plein dans la magie, la sorcellerie, les supersti
tions.
Quiconque au m ilieu de cet immense chaos, cherche à
démêler une idée vraim ent scientifique, se perd dans ce dé
dale fabuleux où l’imagination joue un grand rôle, emportée
qu’elle est vers l ’extraordinaire, aveuglée par une ignorance
absolue.
Les systèmes philosophiques naissent et disparaissent avec
la même facilité ; ils se succèdent, présentant tous les mêmes
exagérations, ayant tous à leur tête des hommes pleins de
bQnne volonté peut-être, pleins d’orgueil quelquefois.
�Il était impossible que les sciences biologiques aient pu
lirerun grand profil d’une pareille époque. Aussi arrive-t-on
à sa fin, sans trouver un pas de fait ; beaucoup de discus
sions, beaucoup de dissertations, beaucoup de phrases et pas
un fait probant à l’appui de tous ces beaux discours. Ail lieu
de tout cela que fallait-il ? Il fallait, comme l’a dit ML Chau
veau, « des faits, de vrais faits, c’est-à-dire des faits qui par
leur exactitude, leur constance, leur enchaînement se pré
sentent si clairs et tellem ent significatifs, qu’ils n’ont besoin
d’aucun artifice de langage pour être interprétés » .
Les plus raisonnables se jettent sur Galien, l’analvsenl, le
commentent. C ’était la grande préoccupation des hommes
du commencement du X III4 siècle. C'est vraiment le cas de
dire qu’ils aimaient mieux se tromper avec Aristote et Galien,
plutôt que de rechercher la vérité et d'entrer dans une voie
nouvelle avec tout autre.
C’est que la domination des systèmes ôte aux esprits leur
clairvoyance et empêche non seulement de trouver, mais
même de chercher la signification d’un fait simple en luimême. Des observations quelquefois vraies, mènent à des
conclusions erronées, lorsque le peu de développement des
sciences ne permet pas d’établir scientifiquement la base du
jugement.
Il est bien inutile de vouloir chercher quoique ce soit qui,
durant cette période de plusieurs siècles, ait contribué aux
progrès des sciences biologiques. Peut-on trouver quelque
chose, par exem ple, qui ait avancé d’ un anneau la chaîne
scientifique dans le système de Paracelse, le cerveau le plus
déréglé de son temps. Pour qui tout était bon, sorcellerie,
astrologie, et qui assurait à ses disciples qu’il consultait le
diable quand Dieu ne voulait pas l’aider ; que Galien lui
avait écrit des enfers, absurdités qui comme de tout temps,
ont du succès auprès des ignorants.
*
Paracelse qui osa avancer que par le moyen de la chimie
il produirait un enfant vrai et vivant, qui à la grosseur près,
ressemblerait dans toutes ses parties aux enfants ordinaires.
Si la méthode expérim entale avait régné alors, il eut été
facile de confondre l’imposteur en lui demandant simple
ment de se m ettre à l’œuvre.
Peut-on ne pas rire en voyant Van-Helmont se vanter
d’avoir fait plus de progrès dans les sciences, en rêvant et
par des songes et des apparitions nocturnes que par sa raison ?
Non, Messieurs, ce serait fatiguer inutilement votre atten
tion que de vous accabler de tous ces systèmes philosophi
ques et vous seriez en droit de me rappeler au milieu de ce
déploiement fastidieux d ’imagination le mot de Dandin à
l’intimé: Au fait! au la itI
Il faut donc jeter un voile sur toute cette longue série
d’années qui s’étend de la fin du I I e siècle au milieu du X V Ie.
L’histoire de l’esprit humain peut certainement trouver
beaucoup dans cette période, mais l’ histoire des sciences bio
logiques est nulle. Les connaissances de Galien, plus ou
moins modifiées, voilà tout.
L'anatomie, cette base fondamentale de la science du corps
humain, commençait à progresser, non pas dans le silence
du cabinet, ni à force de syllogismes, de raisonnements ou de
tournures de rhétorique, mais bien à l’amphithéâtre, grâce
aux dissections.
Celte science qui n’est qu’ une simple science d’observa
tion, était enfin débarrassée de ses entraves, entraves de
toutes sortes, parmi lesquelles il faut compter au début la
domination rom aine. Le peuple-roi qui se réjouissait en
voyant couler le sang sur les champs de bataille ou, dans les
cohsées, avait scrupule de toucher à un cadavre dansun but
scientifique !
�31 -
Enfin les sciences d’observation pouvaient suivre leur
essor.
Rien ne fixant aussi bien les idées comme les exemples,
je ne crois pouvoir mieux faire que de vous en citer un,afin
de suivre plus facilement les progrès accomplis.
Les motifs ne manquent pas. Rien de plus aisé que de
prendre dans le vaste domaine des sciences biologiques, un
sujet quelconque. Je pourrais prendre comme exem ple, cette
série de découvertes, qui se succèdent avec une rapidité telle,
que l’esprit est ébloui et se demande au milieu de cette
grande clarté qui jaillit de toute part, jusquesoù leur auteur
arrivera. Je pourrais, dis-je, vous citer toutes les décou
vertes immortelles de M. Pasteur, de cet homme de science
qui, comme le disait naguère à Blois M. Grimaux, « recher
chant exclusivement la vérité, àchaque découverte, augmente
d’un anneau cette chaîne infinie forgée par tant de généra
tions et apporte sa part au patrimoine indestructible de
l’ h u m an ité». Mais, à mon avis, je serais trop au-dessous
d’un sujet qui a été si m agistralem ent traité par un homme
éminent, M. Bouley. Je préfère prendre comme exemple,
une question dont la technicité des termes ne soit pas trop
effrayante, et qui, ayant frappé les prem iers observateurs,
sans qu’ ils aient pu la résoudre, n’a trouvé de solution que
grâce aux progrès des méthodes d ’observation. Permettezmoi de vous parler de la circulation, cette fonction dont le
but est de porter dans toutes les parties du corps, le sang,
ce liquide nourricier, cette chair coulante, comme l’ ap elait
Bordeu, ou encore mieux, ce milieu intérieur, suivant la
juste expression de Cl. Bernard.
La circulation du sang chez les êtres organisés, est certai
nement un sujet qui a occupé tous les âges et cette fonction,
dont je ne veux pas refaire com plètem ent l’ historique, si
bienfait déjà par Flourens, est assurément celle, qui nous
permettra le m ieux de suivre à travers les siècles, les progrès
accomplis dans un ordre de phénomènes biologiques, qui
nous paraissent actuellem ent si simples, que l’on ne songe
plus aux controverses auxquelles ils ont donné lieu et, que
l’on est encore à se demander, comment des génies comme
ceux dont nous avons déjà parlé, ne sont pas arrivés à les
découvrir avec leur esprit investigateur, grâce à leurs dis
sections, grâce à leurs vivisections. Mais, comme le dit avec
vérité M. Biol : « Rien n’est plus clair que ce qu’on a trouvé
hier, rien n’est plus difficile à voir que ce qu’on trouvera
demain. »
Il faut arriver au milieu du X V Ie siècle pour que l’on
commence à entrevoir d ’ une façon exacte le mécanisme de
la circulation. Jusque-là, quelques points clairs jetés par ci
par là au milieu d ’ une grande obscurité.
Envisager les connaissances acquises sur la circulation
depuis l’antiquité jusqu’à cette époque, c'est assez se rendre
compte du peu de progrès que toutes les fonctions biologi
ques ont faits.
La circulation n’était pas soupçonnée, on peut le dire, à
en juger par les passages des écrivains, et ce qui contribua à
obscurcir la question , fut d ’abord que les connaissances
anatomiques étant insuffisantes, on s’obstinait à chercher
l’origine des veines. C’est ainsi que pour Aristote elles nais
saient du cœur ; tandis que pour Galien leur point d ’origine
était dans le foie.
Un second point qui devait nécessairement rendre l'idée
de circulation incompréhensible était la différence que l ’on
établissait entre le contenu des veines et celui des artères.
Pour Aristote les veines contenaient du sang et les artères
de l’air. Avec Galien un prem ier pas est fait vers la vérité
�Les arlères contiennent de l’air et du sang. Lorsqu’ une ar
tère est ouverte, l’air s’échappe d’abord, puis, par suite de
l’horreur du vide et en raison de la communication des
veines et des artères, le sang remplace l ’air et s'échappe à
flots.
Mais, voyez combien quelquefois la théorie commande, et
comment souvent l’esprit le plus observateur se laisse in
duire en erreur. Pour bien expliqu er la présence del’écoulement sanguin après la section d’ une artère, Galien, qui
voit que le cœur est formé de fibres s’entrecroisant en diver
ses directions, pour les besoins de sa cause, dis-je, Galien
invente, c’est le mot, une communication entre les deux
ventricules, et c’est cette idée qui a régné si longtemps avec
lui.
Quelques observateurs moins crédules, cherchaient bien,
il est vrai sans la trouver, cette communication sur le cœur
des animaux ou des cadavres; mais, répondait-on, elle existe
sur le vivant et disparaît après la mort. Exactement comme
lorsque sous l’ influence des progrès de l’anatomie, l’on dé
couvrait des contradictions entre les dissections et les écrits
anciens, l’ on mettait la différence sur le compte de la nature
qui avait changé depuis.
L ’on ne peut s’ em pêcher de songer à la phrase que Mo
lière place dans la bouche de Sganarelle répondant à Géronte, qui lui fait observer qu’ il a placé le foie à gauche et le
cœur à droite. « Oui, cela était autrefois ainsi, mais nous
avons changé tout cela et nous faisons maintenant la méde
cine d’une méthode toute nouvelle. »
A côté de ces erreurs, Galien a de bons moments quand il
observe ; il voit que le cœur jouit d’ un mouvement propre et
qu’il continue à battre en dehors de l’organisme. Mais
arrive bientôt l’im agination, la folle du logis. Pour lui le
cœur est la source d elà chaleur naturelle, des esprits vitaux,
le siège de la colère et des passions violentes.
A l’élude de la circulation se rattache directement celle du
pouls. C’ est à Praxagore que l ’on doit d’avoir observé le pre
mier l’étroite liaison qui existe entre les variations du pouls
et le degré d’énergie de la réaction vitale. Dès lors, le champ
est ouvert aux définitions. C’est que l’on a trouvé le régula
teur, la mesure exacte des vicissitudes du principe vital. Il y
avait un pouls pour chaque maladie. Galien a écrit sur ce
sujet un cours com plet en 4 sections, comprenant chacune
4 livi es, outre plusieurs monographies. Dans le premier livre
de la première section, il signale déjà plus de soixante espèces
de pouls. Je vous grâce du reste.
Si l'on recherche les définitions données, on voit que pour
les uns, les pulsations artérielles sont dues au sang que cha
que contraction du cœur fait affluer dans les artères ; poul
ies autres, que c’est le passage des esprits; pour d'autres
enfin et Galien en particulier, la faculté pulsative est trans
mise du cœur aux tuniques artérielles par continuité de
tissu.
Telles étaient les idées que l’on avait sur cette grande
fonction biologique de la circulation au IIe siècle ; telles
étaient les idées qui régnaient encore vers 1550. Ce qui
prouve on ne peut mieux que tous les raisonnements les
plus subtils n’ont pas pu faire disparaître cet esprit subtil
qui circulait dans les vaisseaux et dans l’imagination des
philosophes.
On discute, on ergote et si les faits ne se présentent pas,
selon la théorie, c’est que la nature se trompe.
Nous arrivons enfin à une véritable époque de renaissance
pour les sciences biologiques. Après s’être laissé guider d’a
bord par le sentiment, puis par la raison, l’esprit humain
3
�-
commença à comprendre que l'expérience devait le diriger.
Mais au début, ce n’était qu’avec timidité que l’on osait
faire connaître le résultat d’ une saine observation. C’est que
le bûcher était toujours allumé pour ceux qui cherchaient à
s'affranchir des idées régnantes ; et si l’esprit d ’investigation
a été, dans les temps modernes, poussé si loin, c’est que
nous pouvons chercher et parler librem ent, sans avoir cette
perspective d’ètre condamné demain à être brûlé v if comme
hérétique. Ce n’est pas à dire pourtant, que tout savant soit
compris comme il le m érite, car si les auto-da-fé ne sont plus
de notre époque, plus d’ un sont morts de faim et de misère ;
ce qui permettrait de dire qu’il n’y a là qu’une nuance.
L ’ignorance est certainement ce qui a entravé le plus les
progrès scientifiques. J’ ai accusé la philosophie d’avoir arrêté
en bon chemin la méthode expérim entale. Pour être juste et
vrai, je ue puis passer sous silence la religion. Oui, la reli
gion aussi doit porter une partie du poids de l’accusation for
mulée contre tout ce qui a entravé le progrès. Elle doit par
tager celte accusation avec toutes les causes qui basées sim
plement sur l’exagération des passions humaines, aveuglent
la raison au point de lui ferm er les yeux à la lum ière.
Tel a été le résultat de toutes les luttes intestines qui ont
ravagé le moyen âge. Tel a été le résultat de tous ces incen
dies allumés par les dérèglem ents de la raison, par les pas
sions religieuses et politiques.
Les hommes de science devraient rester invulnérables
à de pareilles atteintes, m alheureusem ent il n ’en est pas
ainsi et les exemples ne sont pas rares dans l’ histoire,d’ hom
mes qui ont pavé de leur vie la soif qu’ils avaient du vraiOui, de ces hommes qui ont tout sacrifié et qui ont fait abné
gation de leur existence par amour de la vérité, celle vérité
que Cicéron regardait avec tant derespecl et connu e l’essence
de la divinité.
35 -
C’est au milieu du X V Ie siècle que l’anatomiste Vésale
démontra qu ’il n’y avait pas de communication directe entre
les deux ventricules ; prem ière étape vers la vérité. Presque
en même temps, Michel S ervel niait le passage du sang à
travers la cloison inter-ventriculaire et indiquait le circuit
que le sang fait à travers le poumon pour passerdu ventricule
droit dans le ventricule gauche. Mais, comme preuve de ce
que j ’avançais précédemment, victime de la jalousie de Cal
vin, Servet fut brûlé v if pour crim e d’hérésie.
Lorsqu’ un homme s’applique à la recherche de la vérité,
il devrait m ériter certainement la reconnaissance la plus vive
de la société. Ce sont cependant ces hommes que la société
persécute le plus souvent et contre lesquels elle est toujours
prévenue au point de leur préférer les ignorants qui ne font
que nombre, parmi les êtres purement végétatifs.
Il est curieux de voir qu’après un silence scientifique de
plusieurs siècles, presque en même temps, des données nou
velles surgissent de tous cotés pour élucider celte fonction de
la circulation. Chaque jour, les connaissances que l’on a sur
le circuit du sang dans l’organisme s’accroissent, jusqu’au
moment ou arrive enfin la grande découverte. De même que
dans un orage que l’on voit se préparer au loin, les nuages
s’amoncellent peu à peu, le tonnerre gronde, le ciel s’obs
curcit de plus en plus, jusqu’à ce que tout à coup la foudre
éclate, déchirant les nues et surprenant par son impétuosité
toutes les créatures terrestres, de même, la découverte de
Harvey, préparée par les travaux de ses prédécesseurs, étonna
tout le monde savant et bouleversa de fond en comble les
sciences médicales.
Feu de temps après Michel Servel, Colombo de Padoue
démontra anatomiquement la petite circulation ou circulation
pulmonaire, il démontra le rôle des valvules cardiaques.
�— 36 —
Césalpin d’Orezzo alla un peu plus loin et entrevil la grande
circulation. Mais comme ombre à ce tableau lumineux tracé
par ces hommes, nous voyons Colombo admettre avec Ga
lien que le sang vient du foie et Césalpin croire que les deux
ventricules com m uniquent, m algré les démonstrations de
Vésale et de Servet. Ce qui montre combien il est dangereux
de s’ attacher opiniâtrement à des opinions qui ne reposent
sur aucunes preuves solides et qu'il ne faut point prendre
pour décision ce qui peut présenter du doute ou de l’incer
titude. C’est que tous les esprits ne jouissent pas de la
meme clairvoyance, ils n’ont pas tous celte aptitude à voir
juste, il faudrait quelquefois leur répéter ce que Nicomaque
disait à un spectateur qui ne trouvait rien de beau dans un
tableau d’Apelles : « Prens donc mes yeux et vois. »
Que fallait-il? Une expérience bien sim ple, mais bien
conduite. Que fallait-il pour tirer de cette somme d’erreurs
et de vérités, l’expression de l’exactitude? Pour faire taire
cet ensemble de théories nées spontanément dans le cerveau
des savants et basées sur des faits incomplets ou mal obser
vés. Que fallait-il? L ’application rigoureuse de la méthode
expérim entale par un homme de génie. Cet homme, ce fut
Guillaume Harvey. Assurément, avant lui l’on connaissait
certains détails de la circulation ; mais on ne possédait
aucune idée sur l’ensemble de cette fonction. La découverte
était entière à faire et elle a été faite. La gloire de Harvey
doit rester intacte.
Grâce à une observation rigoureuse, Harvey établit par
des expériences nombreuses et admirablement interprétées
la grande et la petite circulation. Mais il faut suivre les tra
vaux de ce chercheur et voir avec quelle circonspection il
expérimente. Ce n’est qu’après quinze ans d ’épreuves et de
contre-épreuves de toute espèce qu’il se décide à livrer à
l’impression, en 1628, le résultat de ses observations. Je ne
puis mieux faire que de vous citer ses propres paroles quand
il parle des obstacles qu’il a rencontrés : « M’étant appliqué,
dit-il, a discerner l’ usage et l’ utilité des mouvements du
cœur dans les animaux, par un grand nombre de vivisec
tions, j ’ai trouvé d ’abord la chose si pleine de difficultés, que
j ’ai pensé longtemps avec Fracastor, que ce secret n’était
connu que de Dieu seul. Je ne pouvais distinguer ni de quelle
manière s’opèrent la systole et la diastole, ni en quel lieu ou
à quel instant s’effectuent la dilatation et la conslriction, à
cause de la célérité des mouvements du cœur, qui, dans la
plupart des animaux s’exécutent en un clin d ’œil comme le
passage d’ un éclair. Je flottais indécis sans savoir à quelle
opinion m ’arrêter. Enlîn en redoublant de soins et d’atten
tion, en multipliant et variant mes expériences, en compa
rant les résultats divers, je crus avoir mis le doigt sur la
vérité et m ’être débrouillé de ce labyrinthe. Je crus avoir
saisi le véritable mouvem ent du cœur et des artères, ainsi
que son usage. Dès lors je n ’ai pas hésité à communiquer
mon sentiment sur celle matière , soit à mes amis, soit
au public dans mes cours académiques. »
C’est vraim ent là une des preuves les plus belles que l’on
puisse donner de la rigueur et de fu tilité de la méthode
expérimentale et, ce qu’il y a de beau, c’est de voir cet
homme en possession d ’ une découverte immense, d’une dé
couverte qui n’était rien moins qu’ uue révolution en physio
logie et en m édecine, conserver ce doute expérimental dont
parle Cl. Bernard et qui ne doit céder que devant l’é v i
dence. C’est là, que l’on peut reconnaître l’esprit supérieur.
Il faut de la patience et de la prudence pour bien observer
et celui qui ne sait com prim er les élans de son imagination
trop ardente ne sera jamais un bon biologiste, car il faut se
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38 —
méfier de ces conclusions hâtives qui quelquefois ne tiennent
que sur un pied ou qui ne durent que le temps nécessaire
pour les form uler. C’est ce qu’ avait parfaitem ent compris
Harvey. Il avait compris qu’en m atière expérim entale, on
doit se m éfier de soi-même. Les expériences peuvent four
nir des preuves et des explications exactes sur la vérité d’un
phénomène, mais tant de causes peuvent faire varier les ré
sultats d’une expérience qu'il ne s’agit pas de dire j ’ai vu, il
faut savoir si les conditions dans lesquelles on a vu étaient
les conditions normales.
Il ne faut cependant point croire que m algré l’évidence de
la découverte de H arvey, que m algré l’ensemble des preuves
soigneusement accumulées par lui, tout le monde admit de
suite la circulation telle que la décrivait l’ illustre observa
teur. Une polémique acerbe, sous laquelle s’ abritait, sans
doute, la jalousie, s’éleva entre les circulateurs, comme les
appelait Guy-Patin, et les adversaires de la circulation, parmi
lesquels le plus caustique était ce même Guy-Patin qui re
gardait la circulation comme paradoxale, inutile à la méde
cine, fausse, impossible, inintelligible, absurde, nuisible à
la vie de l’ homme I Mais pourtant, m algré l’acharnement
déployé, Harvey, avant de m ourir, eut la douce satisfaction
de voir sa découverte admise par tout le monde. La vérité
plus forte que toutes les clameurs avait imposé silence et ré
duit à néant toutes les contradictions. Telle est la force de la
méthode expérim entale bien appliquée à la recherche du vrai.
Elle acquiert une autorité telle, qu’elle s’ impose, rien ne peut
lui résister, les plus grands hommes, comme les plus médio
cres sont obligés de s’incliner devant ses résultats. C’est que
l’expérimentation seule peut perm ettre de résoudre un pro
blème et de substituer dans la plupart des cas la certitude à
la probabilité.
39 -
La circulation était parfaitement connue et parfaitement
décrite, une nouvelle preuve ne devait pas tarder à en être
donnée, grâce au m icroscope qui venait au secours du sens
de la vue.
En effet, eh 1658, un an après la mort de Harvey, qui
n’eut pas la douce satisfaction de voir dans les tissus ce qu’il
avait si bien expliqué , Swammerdam observa les corpuscu
les du sang de grenouille ; en 1661 Malpighi, pour la pre
mière fois, démontra la progression des particules qui sont
dans le sang, à travers les petits vaisseaux. Ainsi, comme le
dit Longet, Malpighi montra aux veux ce que Harvey avait
montré à l’esprit.
A partir de ce moment, les connaissances que l'on acquiert
sur cette grande fonction de la circulation ne sont que des
perfectionnements dus à la méthode rigoureuse que l’on em
ploie. Une fois m aître des prem ières données sur la circula
tion, une fois en possession des moyens d'investigation four
nis par la science m oderne, l’esprit humain n'a pas tardé à
fouiller son sujet. C’est que satisfait des découvertes qu’il a
faites, il devient toujours plus avide, à mesure que le cercle
de ses connaissances s’agrandit , et il est d'autant plus
captivé par un objet nouveau, qu’il a été plus intéressé par
ceux qu’il a déjà connus.
Plus nous avançons, plus nous approchons de l’époque où
l’on a réellem ent compris tout le parti que l’on pouvait tirer
de l’application de la science expérim entale, et en présence
des beaux résultats qu’elle a donnés, on peut le dire avec un
certain orgueil, la méthode expérim entale dans la science
des phénomènes biologiques, a été inaugurée par la science
française. C'est un grand honneur, une grande gloire pour
elle. Il suffit de citer les recherches de Lavoisier et Laplace
sur la respiration et les grands travaux de Magendie, dont
�-
40
toute la v ie s ’est passée à dém ontrer combien l’ explication des
phénomènes biologiques pouvait être éclaircie par l’expé
rimentation.
C’est en effet, grâce à cette méthode que peu à peu tous
les problèmes afférents à la circulation ont été élucidés.
Ce sont autant de questions que la méthode expérimentale
a, sinon complètement élucidées, du moins vivem ent éclai
rées. Grâce surtout aux perfectionnements apportés aux ins
truments dont elle s’est servie et qui sont venus remédier à
l’imperfection de nos sens.
Aucun secours n’a été plus utile que celui de la méthode
graphique, qui permet de conserver une image fidèle et du
rable d’un phénomène que nos sens auraient eu de la peine
à distinguer. La précision de cette méthode est d’autant plus
grande que dans la m ajorité des cas c’est l’organe lui-même
qui enregistre le phénomène que l’on veut étudier, phéno
mène qui quelquefois ne dure qu’une fraction de seconde et
qui n’en laisse pas moins sur le papier un tracé indélébile.
C’est ainsi que marchant toujours de conquête en conquête,
l’esprit humain soulève sans cesse de nouveaux problèmes à
résoudre. Aussi peut-on s’écrier avec Alfred de Musset:
Effroyable levier que la pensée humaine !
Quand on considère les progrès accomplis dans ces der
niers temps on est obligé de reconnaître que sans méthode
expérim entale, jamais de pareils progrès n’eussent été réa
lisés. L ’expérimentateur, comme le d it Cl. Bernard, force la
nature à se dévoiler en l’attaquant et en lui posant des ques
tions dans tous les sens.
Comment élucider cette question si intéressante: l’influence
du système nerveux sur la circulation ? l’expérimentation
seule, pouvait donner la clé de ces phénomènes si complexes.
Et, non seulement, il fallait l’expérim entation, mais encore
— 4t -
une grande clairvoyance comme celle de Cl. Bernard ; car la
fameuse expérience qui lui lit entrevoir les vaso-moteurs,ces
petits filets nerveux qui nous font pâlir ou rougir suivant les
émotions que nous éprouvons, celle expérience, dis-je, avait
été faite en 1727, par Pourtour du Petit, sans que le phéno
mène important eut frappé l’expérimentateur. C’est que le
point de vue oii se plaçait Pourtour du Petit était bien diffé
rent, et souvent l’on ne voit bien que ce qui intéresse. Ce qui
a fait dire à Rousseau q u e « les philosophes les plus sensés qui
ont passé leur vie à observer le cœur humain, n’ont pas vu
les signes de l’amour, aussi bien que la femme la plus bornée
qui est amoureuse. » Le philosophe, en effet, ne voit que
d’après ce qu’ il croit devoir penser et cette femme ne voit
que d’après ce qu ’elle sent.
J’ai parlé de l’influence du système nerveux sur la circu
lation ; la biologie m oderne est allée bien loin dans cette
voie. Elle en est arrivée à concevoir le mécanisme physiolo
gique à l'aide duquel le cœur se lie aux manifestations de
nos sentiments. C’est qu’en effet, maintenant il est facile
d’expliquer le rapport qui existe entre le cerveau et le cœur
et tous ces phénomènes qui vont de l’émotion à la syncope,
trouvent une explication simple sans que pour cela les
observations et les données de l’art ne soient contredites.
Le cerveau, cet organe si délicat et le plus sensible de
tous les organes, reçoit le prem ier l’impression nerveuse
sensitive qu’ il transmet avec plus ou moins de force, suivant
l’impression reçue, au cœur, sous forme de reflexes, par l’en
tremise des nerfs cardiaques.Sous ces influences, la circula
tion est accélérée ou ralentie, d ’où toute une série de m odi
fications dans l ’irrigation des organes. « L ’expression de nos
sentiments, dit Cl. Bernard, se fait par un échange entre le
cœur et le cerveau, les deux rouages les plus parfaits de la
3,
�-
42 —
machine vivante. Tout ce mécanisme m erveilleux ne tient
qu’ à un fil et si les nerfs qui unissent le cœur au cerveau
venaient à être détruits, cette réciprocité d ’action serait in
terrompue et la manifestation de nos sentiments profondé
ment troublée. »
La physiologie explique comment le cœur reçoit l’impres
sion de tous nos sentiments et les expressions: avoir le cœur
brisé par la douleur, avoir le cœur gros, n ’indiquent que des
phénomènes réflexes qui sous l ’influence des impressions
reçues modifient la fonction cardiaque. C’est aussi une réalité
physiologique et non pas une simple formule poétique que de
dire que l’amour fait palpiter le cœur.
L ’homme, sous l’influence de la volonté et de l’ habitude,
peut arriver à maîtriser bien des actions réflexes de celte
nature et si les médecins parviennent à vaincre certains ré
flexes, ce n’est pas à dire pour cela, comme on est tenté de
le prétendre, qu’ils soient dépourvus de cœur. Ils ne font
qu’user de cette force nerveuse qui permet de dominer les
actions réflexes et qui est bien plus développée chez l’ homme
que chez la fem m e. Aussi, dans le domaine de la sensibilité
m orale et physique, on ne peut contester à la femme la
suprématie et c’est ce qui a fait dire qu’elle a le cœur plus
tendre que l'hom m e.
C’est ainsi que les sciences biologiques ne se bornent pas
à étudier les phénomènes purement m atériels, mais elles ont
encore la juste prétention d’expliquer ceux qui paraissent
être d’un ordre plus élevé.
M algré des résultats dont le nom bre grandit chaque jour,
la science expérim entale n’a pas manqué de détracteurs.
Oubliant qu’elle n’est franchem ent cultivée que de date
assez récente, on lui a repproché d ’être pauvre en données
exactes. Elle n’a nullem ent à se préoccuper des traits qu’on
lui décoche, ils n’a n iv e n lp a s jusqu’à elle; elle leur oppose
un bouclier qu’ils ne peuvent traverser. Ce bouclier, c’est
l’ensemble des connaissances acquises grâce à l’expérimentalion. Eh quoi ! viendra-t-on dire après les éludes approfon
dies faites sur la circulation, éludes que j ’ai essayé de vous
esquissera grands irails, que la méthode expérimentale ne
fournil point de résultats précieux ! Quoi, en présence des
merveilleux travaux de Pasteur sur le charbon, le choléra
des poules, la rage, viendra-t-on nier l’importance de la mé
thode expérim entale ! Non, Messieurs, les esprits réellement
supérieurs, les esprits vraim ent scientifiques sont loin d’en
visager les choses de cette manière. Ils s’adressent volontiers
à la méthode expérim entale, mais ils savent s’y adresser et
ne se laissent em porter par aucun système, par aucune idée
préconçue, car celle clairvoyance qui fait réellement la supé
riorité de certains esprits disparaît sous la domination d’un
système quelconque.
Le savant, comme dit Bacon, doit conserver son esprit
calme et libre et ne jamais avoir l’œil humecté par les pas
sions humaines. Nous ne savons malheureusement que trop
qu’il n’en est pas toujours ainsi.
On a cherché et l’on cherche toujours à entraver la mar
che des sciences biologiques par l ’expérimentation, on a sou
levé bien souvent des tracasseries, je dirais même des
querelles enfantines. Ce ne sont pas seulement des arguments
d’ordre scientifique qu’on a cherché à opposer, on a fait
même intervenir la m orale et la religion. C’est ainsi qu’à
propos de l’inoculation vaccinale, on a été jusqu’à prétendre
que c’était com m ettre un attentat criminel contre la P rovi
dence que d ’essayer de se soustraire à ses décrets, en tachant
de rendre plus bénigne par la méthode nouvelle, une maladie
infligée aux hommes en punition de leurs péchés.
�— 45 -
Que dire alors aussi, de ceux qui au mépris de tous les
dangers, ne craignent pas d’entreprendre des recherches qui
ont pour but de diminuer la gravité des maladies frappant
l’espèce humaine? Que dire de ceux qui, faisant abnégation
de tout, n’ayant d’ autre but que l’amour du vrai, n’ont pas
hésité pendant la douloureuse période que le midi de la
France vient de traverser, à entreprendre des expériences
multiples, pour tâcher d’élucider celle grande question de la
nature de l’élém ent cholérigène ?
Doit-on les considérer comme des crim inels ou comme des
bienfaiteurs de l ’ humanité ?
Quoiqu’on fasse, la méthode expérim entale restera défini
tivement maîtresse du terrain. Sem blable à une coulée de
lave, elle marche droit devant elle, les obstacles sont un jeu
pour elle, elle sait les surmonter, et si quelquefois ils lui
occasionnent un léger temps d’arrêt, c’est pour ainsi dire un
temps de réflexion, après lequel elle repart avec un nouvel
essor. Sous elle les anciennes doctrines systématiques dispa
raissent comme ont disparu les villes latines sous la cendre
et les coulées de lave, et cette couche nouvelle devient un
terrain d’ une fertilité inouïe.
Quelle méthode vraim ent, a jamais pu fournir de pareils
résultats ! Que de belles données témoignant de la puissance
de la science expérim entale I Ne voit-on pas dans certaines
questions, un simple coup de lancette résoudre ce quêtant
de dissertations doctrinales n’ont jamais pu faire.
Un progrès, comme le dit M. Bouley, entraîne toujours un
autre progrès, toujours une découverte est grosse d’une dé
couverte nouvelle. Quand une fois une déchirure a été faite
à la robe d’Isis, c’en est fait de la résistance de la déesse,
toujours et nécessairement la déchirure s’élargira et il faudra
bien qu’elle finisse par laisser exposé à tous les regards ce
quelle s’était obstinée à tenir caché si longtemps.
Si les sciences biologiques ont si largement profité de la
méthode expérim entale, ce n ’est pas à dire, que celle mé
thode puisse donner des idées neuves et fécondes à ceux qui
ont l’esprit vide. De même que le m eilleur sol ne peut faire
germer que ce que l'on y sème, de même la m eilleure mé
thode ne peut faire fructifier que les idées que l’on développe
avec son concours. Et ce sont souvent les gens étrangers
aux sciences biologiques, ou ceux qui n’ont pu trouver en eux
les idées propres à être développées, qui se posent en adver
saires. Tout le monde n ’est pas appelé à cultiver avec le
même fruit la science biologique. J ’ajouterais même qu’il
faut avoir une certaine force de caractère pour entrepren
dre de pareils travaux. Pourra-t-on jamais établir une com
paraison, entre ce philosophe qui dans son cabinet, au milieu
de ses livres, m ollem ent assis, les pieds sur les chenets, mé
dite ou pour mieux dire rêve sur les contradictions qui exis
tent entre les divers systèmes philosophiques et ce biolo
giste, qui, dans un laboratoire froid et généralem ent humide,
malgré souvent bien des dangers, interroge la nature sur
l’animal vivant et la force à se dévoiler. Cela sent mauvais,
diront les odorats délicats. C’est de la barbarie, crieront les
sensibilités exagérées.
Eh bien f quoique l’on puisse d ire , c’est là, qu’est la source
la plus féconde en résultats; c’est là, qu’est le fil d’Ariane
qui doit conduire à travers le labyrinthe des phénomènes
de la vie ; c’est là, que le savant trouve les joies les plus pures
et la récompense de ses veilles e id e ses labeurs;c’est là, qu’il
oublie volontiers toutes ses fatigues, lorsqu’après des semai
nes, des mois, des années même de recherches, il arrive à
découvrir une de ces lois qui président aux phénomènes bio-
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46 -
logiques. Il se trouve alors, transporté pour ainsi dire dans
une sphère nouvelle et c’est ce que Ponsard a fort bien ex
primé quand il fait dire à Galilée :
« Jusqu’au règne du vrai la science nous hausse. »
De toutes les joies que l’esprit humain puisse goûter, il
n’en est certes pas de plus vives pour lui que celles de la
découverte. Il est vrai qu’ il est toujours tourmenté par l’in
connu qui se présente sans cesse à lui à la lueur meme de
l’éclair qui jaillit de sa découverte. Aussi celle joie s’ évanouitl-elle bien vile, pour faire place à l’anxiété que lui occasionne
la recherche de cet inconnu, mais il a au moins la douce
satisfaction de voir, de constater des progrès incessants.
Ce qui fait, maintenant, la force des sciences biologiques,
c’est d’ avoir mis de côté ces longues dissertations, sur le
principe de la vie, les éléments du corps, la cause première
de la génération et une foule d’autres mystères tout aussi
impénétrables; de s’êlre bornée à définir et à déterminer
pour chaque phénomène les conditions m atérielles qui pro
duisent sa manifestation ; d’avoir su établir qu’il n’y a point
de différence entre les principes des sciences biologiques
et ceux des sciences physico-chim iques; d’avoir su appli
quer enfin cette grande loi de la corrélation des forces.
C’est ainsi que peu à peu se sont dévoloppées ces sciences
qui font l’ honneur de notre époque.
C’est ainsi que peu à peu l’expérim entation a su tirer du
chaos, l’explication de la plupart des phénomènes biologiques
et en déterm iner les conditions, en empêchant l’esprit, livré
à lui-même, de se laisser aller à toute espèce de conjectures,
de raisonnements plus ou moins hypothétiques et d’errer à
son plaisir, ce qui avait fait dire aux philosophes: la liberté
commence où le déterminisme finit.
Et que l’on ne s’y trompe pas, la science n’est pas la seule
à avoir profilé de tous ces progrès, l’ humanité tout entière
en a retiré un grand bénéfice. Je ne citerai comme terme de
comparaison que l’époque où bien des malheureux ont été
brûlés vifs comme possédés ou hérétiques et qui n’étaient que
de pauvres malades n ’ayant besoin que de soins. A quoi doiton d’avoir fait cesser un pareil état de choses, si ce n’est aux
données fournies par la méthode expérim entale et transpor
tées dans le domaine de la clinique?
Plus l’on approfondit, plus on voit la grandeur des résul
tats obtenus, plus on s’aperçoit de l’immensité de l’édifice
qui grandit peu à peu.
Oui, Messieurs, cet édifice scientifique s’élève majestueu
sement, pierre à pierre, étage par étage, chaque pierre
demandant, il est vrai, quelquefois plusieurs années pour être
taillée. Mais en revanche, sa solidité est en rapport avec le
soin que l ’on met à édifier.
Les fondations en sont posées, les premiers étages com
mencent à paraître; nous n’aurons certes pas la satisfaction
d’en voir le faîte; nous laissons à nos descendants le soin de
l’achever. Mais, s’ils peuvent dire un jour avec orgueil, en
montrant le monument term iné: voilà notre œuvre, nous
pouvons, nous, hommes du X IX e siècle, revendiquer une
bonne part de cette gloire, car cet édifice sera construit sur
les fondations que nous avons si solidement jetées.
Commencé grâce à cette précision due à l’emploi de la mé
thode expérim entale, il ne pourra être achevé que grâce
aux perfectionnements que l’on ne cesse et que l'on ne cessera
d’apporter à celte méthode, et nos descendants, récoltant le
fruit des siècles passés, pourront graver sur le fronton:
À la science expérim entale, l’ humanité reconnaissante.
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RAPPORT DE M. L’ABBÉ FIGUIÈRES
CHARGÉ DES FONCTIONS DE DOYEN DE LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE
Mo n s i e u r le R e c t e u r ,
M ess ie u rs,
Par suite de dispositions administratives dont nous n’avons
pas le secret, M. l’abbé Renoux, décédé en décembre der
nier, n’a pas été encore officiellem ent remplacé, ni comme
doyen de la Faculté de Théologie, ni comme professeur.
Depuis un an la chaire d’ histoire et de discipline ecclésias
tiques est vacante, et la direction de la Facultéaété déléguée
au plus ancien professeur, celui même qui a l’ honneur de
vous parler en ce moment.
Avant de vous présenter le rapport d’ usage sur l’état de
notre Faculté pendant l’année scolaire 1883-1884, permettez-moi de vous dire, Messieurs, combien il est désirable que
cette situation, évidem m ent défavorable à nos intérêts, ne se
prolonge pas plus longtemps. La bienveillance de l’admi
nistration centrale, aussi bien que celle de M. le Recteur,
nous est connue. Mais il n’est pas moins vrai que cet état de
choses autorise des bruits fâcheux sur notre existence
future, décourage nos candidats, et paralyse nos efforts.
J’aime à croire que M. le Ministre trouvera dans sa sagesse
le moyen de nous constituer d’une manière normale, et je
serai heureux si le Conseil Académique veut bien s’ associer
au vœu que j ’en exprim e ici. J’arrive maintenant à l’exposé
de notre situation scolaire pendant l’année écoulée.
Les cours de la Faculté, réduits à quatre par le décès de
M. Renoux, ont eu lieu avec une régularité parfaite, au
grand séminaire comme à l’ amphithéâtre académique.
Car vous n ’ignorez pas Messieurs, que nous avons à notre
charge un double enseignement. L ’ un, donné au siège même
de l’Académie, s’adresse à tout le monde, aux laïques comme
aux ecclésiastiques, plus encore aux premiers qu’aux seconds.
Ce cours est un exposé critique et apologétique de la science
religieuse, dans les diverses branches qui la constituent.
Dans un temps où les questions d’exégèse sacrée, de philo
sophie, d ’ histoire et de littérature religieuses, tiennent une
si grande place dans les discussions publiques, l’ Université de
France, celte grande institutrice de l’esprit national, ne peut
se tenir en dehors d’un enseignement aussi important ; alors
surtout que, données avec l’approbation de l’épiscopat, nos
leçons présentent toutes les garanties d’orthodoxie désirables.
Je suis heureux de constater que nos auditoires ont été
satisfaisants pour le nombre et l’assiduité, relativem ent au
temps que nous traversons, et au milieu dans lequel nous
nous mouvons. Le temps présent, vous le savez, n’est pas à
la théologie ; et dans les petites villes surtout, les profes
seurs qui, comme nous, n’ont point d’auditoire officiel, ne
doivent pas se m ontrer trop exigeants. Le cours que M. l’abbé
Ricard fait à Marseille réunit naturellement plus d ’auditeurs
que ceux faits à Aix, en raison de la différence énorme de
population.
Au grand Séminaire, nos conférences, analogues à celles
4
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faites par les Facultés des Lettres, s’ adressent spécialement
aux jeunes ecclésiastiques, dont elles complètent l’ instruc
tion théologique.
Dans cet ordre d'idées, voici quel a été cette année le
sommaire de nos cours. M. l’abbé Ricard, professeur de
dogme, a achevé, dans ses cours d’A ix et de Marseille, ses
études sur l’ école Menaisienne. 11 a examiné plus particu
lièrem ent le rôle rem pli par le comte Charles de Montalembert
parmi les disciples de Lamennais. A cet effet, il a dû entre
tenir ses auditeurs des écrits polémiques de Montalembert
dans le journal CAvenir ; de ses travaux hagiographiques et
esthétiques. Il a dû leur parler égalem ent de l’action du
grand orateur catholique à la tribune sous le gouvernem ent
de Juillet, en appréciant cette action au point de vue d e là
nouvelle apologétique, nécessitée par le changement de tac
tique des adversaires du catholicisme.
Pendant le second semestre, le professeur a étudié la nou
velle méthode historique introduite dans la défense de la
religion par l’école Menaisienne, et mise en œ uvre par l’abbé
Rohrbacber, dont il a exposé le pian, les moyens et l’in
fluence au concile du Vatican.
M. Ricard traitera cette année de la Divinité de l’ Eglise.
M. l’abbé Rance, professeur de m orale évangélique,a étudié
le livre des Essais de Montaigne. Après quelques conférences
consacrées à faire connaître la prem ière éducation, les éludes
et les auteurs favoris de Montaigne, le professeur arecherché
quelles influences prépondérantes se rem arquent dans les
Essais. Successivement il a passé en revue l’ influence de l’an
tiquité païenne et de l’antiquité chrétienne, celle de la
réform e, celle de la renaissance, celle enfin de quelques
auteurs en particulier, tels que Am yot, Sénèques, Plutarque,
etc. Enfin il a examiné les opinions de Montaigne sur divers
sujets de morale, l’ amitié, l ’éducation, etc., en rapprochant
ces opinions de celles d’écrivains du même siècle. De cette
analyse des essais le professeur a tiré un portrait de Montai
gne, écrivain, penseur et moraliste. Puis, il a conclu ses
études sur cet auteur en recherchant les causes des succès
des Essais, depuis le X V Ie siècle jusqu’à nos jours. Dans une
autre série de conférences, le professeur a étudié les origines
religieuses et mystiques de la réform e, et analysé le dévelop
pement des conceptions religieuses de Luther, sous la double
influence du génie germanique, et des écoles mystiques du
moyen âge allemand.
Ses leçons de la présente année auront pour sujet l’élude
des sacrements et de la liberté morale.
M. l’ abbé Pelou tier, professeur d’éloquence sacrée, a traité
de la vie et des œuvres de saint Jean Chrysostome. Il a
raconté d’abord par quelle éducation Chrysostome fut pré
paré au rôle glorieux qu’ il devait rem plir. Il a dit comment
l’influence de sa mère, les leçons de Libanius, le séjour au
désert dans les solitudes monastiques, la lecture de la Bible,
contribuèrent à form er son esprit et son éloquence. Il a dit
ensuite la vie publique de Chrysostome, mêlée de triomphes
et de revers, tourm entée par m ille vicissitudes, et aboutissant
du siège archiépiscopal de Constantinople aux souffrances de
l’exil sur une plage barbare.
En exposant la vie de Chrysostome, le professeur a fait
connaître en m êm e temps ses œuvres, qui complètent et
expliquent son histoire. Il a étudié ce père comme orateur,
polémique, exégète et écrivain ascétique. En groupant ses
principaux ouvrages sous chacun de ces titres, il lui a été
possible d’apprécier dans son ensemble l’œuvre considérable
de cet illustre évêque.
M. Peloutier traitera cette année de saint Ambroise,
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archevêque de Milan, l’un des quatre grands docteurs de
l’Eglise latine.
M. l’abbé Figuières, professeur d’écriture sainte, a con
tinué des études exégéliques sur l’Evangile, sujet qui l ’occu
pera encore cette année.
Après l’exposé de notre enseignement, voici, Messieurs, le
relevé de nos actes, ou soit des grades que nous avons con
férés.
La Faculté a eu à délivrer dans le courant de l’année
36 inscriptions, prises par 9 candidats, dont 4 pour le bacca
lauréat, 3 pour la licence et 2 pour le doctorat. Un candidat
pour la licence a dû être ajourné à une prochaine session.
Le nombre des grades conférés par nous dans l’année est
supérieur à celui des autres Facultés de Théologie, y compris
celle de Paris.
Les deux candidats que nous avons admis au doctorat,
nous ont présenté des thèses remarquables, formant chacune
un volum e in-8°, d’une étendue fort respectable.
Le premier, M. l’abbé Henri, curé du diocèse de Mont
pellier, a traité du rôle de François Bosquet, évêque de
Lodève et de M ontpellier, dans les affaires du jansénisme,
des réguliers et de la régale. Le rôle de ce savant évêque,
qui fut aussi un diplomate du prem ier ordre, et un écrivain
remarquable, a été très convenablem ent apprécié dans cette
thèse, extraite d’ un ouvrage plus considérable que M. l’ abbé
Henri prépare sur François Bosquet.
Le second docteur admis par nous appartient au diocèse
d’À ix. C’ est M l’abbé V illevielle, vicaire à la Métropole. Il
nous a présenté une étude bien écrite et complète en son
genre sur la vie de saint Césaire, évêque d’Arles, person
nage très célèbre dans notre histoire ecclésiasque locale.
Ces deux thèses accusent l’une et l’autre un travail con
sidérable, et nous les avons admises bien volontiers dans le
répertoire déjà important de nos thèses doctorales.
Ces neuf candidats qui se sont présentés à nos grades,
constituent un nombre relativem ent intime, je le reconnais,
si on le compare aux escadrons d’aspirants de tout ordre, qui
défilent chaque année devant les autres Facultés du ressort.
Il y a lieu cependant d’en tenir compte, si l’on se rappelle
que, par suite de la situation qui nous est faite, nos grades
ne sont pas obligatoires pour le clergé, et qu’ils n’alteslent
que deux choses, la bonne volonté et la science des candidats.
Oui, Messieurs, dans l’état présent de nos institutions, alors
que nos diplômes ne conduisent à aucun but pratique, que
l’acquisition en est laborieuse et souvent peu encouragée,
j ’estime qu’il faut savoir gré à ces jeunes prêtres qui, par le
seul amour de la science religieuse, s’imposent des études
pénibles, et bravent m êm e courageusement certains préjugés.
Ces jeunes prêtres estiment que la reconnaissance canonique si
souvent sollicitée et si vivem ent désirée pour nos grades leur
donnerait sans doute un éclat considérable, mais dont ne
dépend pas cependant leur valeur scientifique. Us ont en
conséquence le bon esprit de se dire que l’obligation qu’ils
s’imposent à eux-mêmes, en sollicitant nos suffrages, est
pour eux un stimulant d’études excellent, et que ce résultat,
serait-il le seul à obtenir, vaut bien la peine qu’on y vise.
Provoquer le travail et l’étude au sein du jeune clergé, n’estce pas déjà un but excellent à atteindre ? Notre Faculté
poursuit ce but de son mieux, et non sans quelques succès.
Je suis heureux d’affirm er devant vous que m algré la situa
tion précaire qui nous est faite depuis quelques années, m al
gré les obstacles de tout genre et souvent inattendus qui se
dressent devant nous, le nombre de nos candidats tend à
s’accroître. Ce nombre serait certainement très considérable,
�— 54 —
pour peu que les circonstances au milieu desquelles nous
nous mouvons vinssent à se modifier.
Avant de finir, perm ellez-raoi de vous dire un mot de nos
travaux personnels, auxquels il est juste d ’attacher une im
portance, qu’ il ne faut pas cependant exagérer.
Ces travaux se rapportent ou à des publications dans la
presse, ou aux fonctions personnelles que nous remplissons.
Nous n ’avons pas tous au même degré, Messieurs, la noble
passion de communiquer nos pensées au public, et de faire,
comme on dit vulgairem ent, gém ir la presse. Mais un senti
ment qui nous est commun, c’est la volonté d’em ployer nos
heures de loisir à des travaux vraim ent utiles, dans l’ordre
de notre double vocation de professeurs et de prêtres.
M. l’abbé Rance a publié une brochure sur le Secret de la
Confession, une autre sur le berceau de saint Bernard, et,
dans diverses revues lo c a le s , des articles de critique
historique sur l’école Menaisienne , sur les mémoires
de Madame de Tourzel, — sur le centenaire et une nou
velle biographie de Luther, et quelques autres sujets. Il a
lu en outre en Sorbonne, au congrès des sociétés savantes,
un mém oire, déposé au comité des travaux historiques, sur
un projet de réform e de l’ Université de Paris d’après un
manuscrit de la bibliothèque Méjanes.
M. l ’abbé Ricard, tout en dirigeant la revue marseillaise
intitulée les Annales de Provence, a publié sous le titre de
Montalembert, sa vie elses œuvres, un livre qui est le troi
sième et dernier volum e de son école Menaisienne. Il a
publié également divers ouvrages d’ascétisme el de spiritua
lité ; tout récemment encore une étude intitulée Une Vic
time de Beaumarchais ; ainsi qu’un volum e in-8° à’Homélies
sur les Evangiles, selon la méthode des Pères.
M. l ’abbé Peloutier va faire paraître une étude philoso
phique sur le stoïcisme chrétien de saint Jean Chrysoslome,
étudié dans les lettres de ce père à Olyrapias.
Je mentionne seulement ces divers ouvrages sans les
apprécier; car la Faculté aurait mauvaise grâce de se louer
ici elle-m êm e.
Mais en nous adressant au public par la voix de la presse,
nous ne pouvons oublier, Messieurs, que nous sommes fonc
tionnaires de l’Université, et prêtres catholiques.
Au prem ier de ces litres, nous prenons part, mes collè
gues et moi, aux travaux que nous imposent la confiance de
l’administration ou l’élection de nos pairs dans le Conseil
Académique, dans l’examen des candidats aux divers degrés
de capacité, dans les commissions administratives. Comme
prêtres catholiques, nous avons toujours pensé qu’ il convient
à notre honneur personnel, autant qu’à l'influence d e là
Faculté, de rem plir les devoirs du ministère ecclésiastique
compatibles avec nos obligations de professeurs.
Mgr l’ archevêque d’ Aix, dont la bienveillance à notre
égard est parfaite, nous fait l’ honneur de nous confier cer
taines fonctions ecclésiastiques, qui attestent sa confiance en
nous.
Appelés chaque année à prendre part, comme juges, à
l’examen des jeunes prêtres, nous rendons au diocèse, en
qualité d’aumôniers, de prédicateurs ou de confesseurs, des
services désintéressés et laborieux. Nous siégeons dans di
verses commissions qui s’occupent, à des titres différents,
d'affaires diocésaines. Enfin quelques-uns d’ entre nous font
partie de la commission très importante, qui pose aux prê
tres du diocèse les questions à traiter dans les réunions men
suelles, désignées sous le nom de conférences ecclésiastiques.
A ce litre, nous avons à exam iner les travaux écrits de ces
conférences, à les apprécier, el à en faire rapport à l’évêque.
�— 56 —
Ce travail, laborieux, et délicat, nous intéresse autant qu’il
nous honore. Nous en assumons la tâche avec empressement,
persuadés que l’Université n’a qu’à gagner à voir ses membres
ecclésiastiques entourés de la confiance de l'autorité épisco
pale.
Voilà, Messieurs, un aperçu des travaux personnels aux
quels nous nous livrons, indépendamment de nos occupa
tions professionnelles. Vous voyez par là que la Faculté de
Théologie d’A ix est plus active que bien des gens peuvent le
supposer.
Vous pouvez ju ger égalem ent par cet exposé que, soit par
nos actes, soit par nos travaux personnels, nous constituons,
au sein de l’Académie d’A ix, un centre d’études ecclésiasti
ques, qui a sa raison d’être et son im port ance.
Vous regretterez avec nous, Messieurs, que des malenten
dus qu’on se plaît trop souvent à exagérer, ne permettent
pas à nos institutions théologiques, telles qu’elles sont consti
tuées en France, de rendre tous les services qu’on pourrait légi
timement en attendre. Vous regretterez plus encore que des
passions politiques qui, à notre sens, méconnaissent à la fois
et les inlérêtsde l’Université, et ceux de la science religieuse,
et ceux de l’Etat, mettent périodiquem ent, depuis quelques
années, notre existence en question.
Nos Facultés de Théologie ont pour mission de représenter,
au sein de l’Université française, la science religieuse, celte
science qui n’ est pas cantonnée dans une spécialité confes
sionnelle, mais qui, dans sa grandiose universalité,touche au
droit, à la philosophie, à l’ histoire, à la littérature, à la lin
guistique, à l’archéologie, à toutes les connaissanses humai
nes ; cette science qu’un pays savant comme la France, ne
peut ni dédaigner, ni abandonner à d ’autres, ni compro
mettre par des interprétations peu autorisées.
Cela est si vrai, Messieurs, que dans les projets élaborés
récemment en vue de la suppression de nos Facultés de Théo
logie (1), on a demandé expressément que des chaires de
droit ecclésiastique, de langue hébraïque, de littérature
chrétienne, d ’ histoire religieuse, soient créées dans les
Facultés de Droit et des Lettres : mesure qui équivaudrait
évidemment à rétablir, sous une autre étiquette, renseigne
ment dont nous sommes chargés. Ce que la science religieuse
aurait à gagner à celte transformation, je n’ai pas à le
rechercher; mais ce que je sais pertinemment, c’est que le
budget de la France, loin de bénéficier de ce remaniement,
serait au contraire très lourdement grevé par la création de
chaires plus nombreuses et bien plus rétribuées que les
nôtres.
Je conclus que nos Facultés de Théologie, telles qu’elles
fonctionnent dans leur sphère modeste, répondent à des
besoins réels ; et que si l’on ne veut pas entraver leur fonc
tionnement, elles peuvent rendre de très grands services.
Elle sont tout au moins une pierre d’attente précieuse, poul
ie jour où l’enseignem ent scientifique de la religion, sera
établi en France de manière à satisfaire les intérêts de tous,
sans blesser les susceptibilités de personne. Ce jour arriverat-il pour nous, Messieurs? ou devons-nous sous peu voir
tomber sur nos têtes celte épée de Damoclès qu’on y tient
depuis si longtemps suspendue ? Je l’ignore. Ce que je sais,
c’est que si nos Facultés sont emportées par l’orage qui les
menace, elles entraîneront avec elles ce que je puis appeler
sans orgueil personnel, puisqu’il s’agit ici de principes et non
de personnes, un fleuron de la couronne universitaire qui
(IJ Rapport de M. Paul Bert, à la Chambre des députés, du 7 février
1882.
4.
�fait la gloire de notre patrie, et en particulier la fortune de
la ville d’ Aix. Pour nous, professeurs de la Faculté de Théo
logie d’ Aix, il nous resterait, dans ce désastre, la satisfaction
d’avoir rempli notre devoir jusqu’au bout, et le souvenir de
la sympathique confraternité que nous avons toujours trouvée
au sein de cette Académie.
RAPPORT DE M. ALFRED JOURDAN
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs,
Le choléra ou, pour parler plus exactement, la peur du
choléra est venue troubler la régularité de nos exercices de
fin d’année. Dès les derniers jours du mois de juin, une
émotion assez vive se répandit parmi nos étudiants pressés
de quitter la ville d’Aix qu’ils regardaient comme [devant
être à bref délai envahie par l’épidémie. Une pétition se
couvrit de signatures, demandant que l’ouverture de la
session d’examens fût avancée et que tous ceux qui en fe
raient la demande fussent autorisés à renvoyer leurs exa
mens au mois de novembre. Ces craintes étaient pour le
moins prématurées. Toutefois, l’autorité universitaire crut
devoir accueillir des réclamations qu’elle voulut bien consi
dérer comme un écho des alarmes maternelles.
Le départ précipité, ou du moins avancé de la plus grande
partie de nos étudiants dut entraîner comme conséquence
une troisième mesure : le renvoi aux premiers jours de no
vembre des concours de fin d’année.
�A la séance solennelle de rentrée on vous dira ce qu’a été
ce concours ainsi renvoyé. Quant aux examens, voici ce qui
s’est passé. Tandis que, au mois de juillet 1883, vingt-huit
étudiants seulement avaient été autorisés à renvoyer leurs
examens à la session de n ovem bre, en juillet 1884 près de
cent ont remis leurs examens à la session qui vient de se
clore. Il résulte de là que le tableau annexé à ce rapport et
destiné à vous faire connaître ce qu’ ont été les exarn ens
pendant la dernière année scolaire, ei à établir uneco n paraison avec les années précédentes, ce tableau, dis-je, est
non-seulement incomplet mais encore trompeur, en ce sens
que les étudiants qui se sont présentés en ju illet et ceux qui
ont renvoyé leurs examens en novem bre form ent deux ca
tégories, probablement assez ditïérentes quant aux condi
tions dans lesquelles ils ont subi leurs épreuves et aux notes
qu’ils ont méritées ou obtenues, ce qui n’est pas tout-à-fait
la même chose. Mais, c’ est un fait attesté par l’expérience
que, dans les temps troublés par quelque fléau, les juges, je
parle des juges universitaires, ne tiennent pas la balance
d’une main aussi ferme et qu’ils sont portés à avoir, peutêtre un peu plus que de raison, égard aux préoccupations
qui vienneul accroître la timidité naturelle aux candidats.
Dans l’ année scolaire 1882-1883, nous avions eu 905
inscriptions. Dans la dernière année, 1883-1884, nous n’en
avons eu que 863 ; c’est une diminution de 42 inscriptions.
Mais encore ici je dois faire la rem arque, qu’ un certain
nombre d ’étudiants qui ont renvoyé leurs examens au mois
de novem bre, ont remis à ce même moment la prise de leurs
inscriptions et que, par conséquent, des inscriptions qui figu
reront sur le tableau de l’année scolaire 1884-1885, devront
en réalité être portées à l’actif de l’année 1883-1884.
Il y aura, en somme, l’année prochaine un. certain dé
compte à faire pour attribuer à chaque année ce qui lui re
vient, et notamment établir la situation comparative de l’an
née scolaire 1883-1884 en cè qui concerne le chiffre des
inscriptions, la quantité et la qualité des épreuves subies.
L ’immutabilité de nos programmes me dispense de vous
rendre compte des matières qui ont fait l’objet de notre en
seignement. J ’ai seulement à vous entretenir des changements
qui se sont produits dans le personnel de la Faculté.
Nous avons perdu M. Rémond et M. Michoud. M. Rémond,
chargé d ’un cours de Code civil, avait dû se présenter au
dernier concours afin d’y conquérir le titre d’agrégé. Il a
échoué. Il n’a pas sollicité une nouvelle délégation, il a pré
féré se consacrer tout entier à la préparation d’ un nouveau
concours dans lequel nous espérons qu’il réussira.
M. Michoud, agrégé, chargé du cours de Procédure, a été
transféré à la Faculté de Grenoble. Il nous laisse les plus
vifs regrets : nous avions apprécié comme elles le méritent
ses qualités d’esprit et de cœur. Il ne nous a quittés que pour
se rapprocher de sa fam ille dont les soins affectueux contri
bueront à rafferm ir une santé un peu ébranlée.
Le vide que le départ de MM. Rémond et Michoud avait
fait dans nos rangs a été comblé par l’envoi de deux jeunes
agrégés, MM. Timbal et Merignhac. Je ne puis séparer leurs
noms de celui de M. Jay, qui était déjà attaché à la Faculté
d’Aix en qualité de chargé de cours, et qui, comme MM. Tim
bal et M erignhac, a conquis le grade d’agrégé au dernier
concours (M. Jay a été nommé le prem ier, M. Merignhac le
second et M. Tim bal les suit de près). C’est donc la fleur de
ce concours qui nous est échue en partage. M. Jay et M. Me
rignhac ont remplacé, le premier M. Rémond dans le cours
de Code civil, le second M. Michoud dans le cours de Pro
cédure. M. Timbal a pris le cours de Droit international
�—
6?
—
privé à la place de M. Jay. La satisfaction que nous cause
l’arrivée de ces jeunes collègues, pleins de zèleel d’ardeur,
est quelque peu troublée par la pensée qu’ils désirent, non
pas précisément nous quitter, mais se rapprocher des pays
où sont concentrées toutes leurs affections.
Le plus ancien de nos agrégés, M. Edouard Jourdan,
chargé de cours depuis six ans, a été nommé titulaire de la
chaire de Code civil laissée vacante par la retraite de M Car
ies. M. Edouard Jourdan a obtenu à cet effet une dispense
d’âge de quelques mois. C’est une faveur qu’il justifiera, je
l’espère: je puis affirm er qu’ il n ’v épargnera ni son temps ni
sa peine.
L ’année dernière, notre collègue, M. Naquet, était nommé
procureur général près la Cour d ’appel d’Aix. C’était une
séparation accompagnée de regrets réciproques. Cette année,
la ville d’Aix est venue demander son prem ier magistrat mu
nicipal à la Faculté de droit ; mais M. Gautier nous reste
loul entier. Par son patriotisme, son dévouement, par les
aptitudes dont il a fait preuve, il demeurera un exem ple de
la manière dont on doit accepter ces fonctions publiques, les
rem plir et les quitter. M. Gautier, que ses goûts studieux et
une santé délicate tenaient trop éloigné du monde, semble
s’être révélé en un jour au public. Mais ceux qui vivaient
avec lui depuis longtemps dans un commerce plus étroit sa
vaient bien qu’il était par son mérite à la hauteur de toutes
les situations, par son caractère supérieur à toutes les for
tunes.
Quelques-uns de nos collègues, MM. Laurin, INaquet,
Gautier ont publié au début même de l’année scolaire des
ouvrages dont j ’ai pu faire mention dans mon dernier rap
port. Je ne reproduirai pas ici le juste tribut d’éloges que je
leur ai pavé. Le doyen de la Faculté de Droit vient de pu
blier tout récemment un travail sur les Rapports entre le
Droit et l'Economie politique ou Philosophie comparée de
FEconomie politique et du Droit. Cette question avait été mise
au concours par l’ Académie des sciences morales et poli
tiques.
�-
ANNÉE
64 —
SCOLAIRE
1883-1884
NOMBRE DE CANDIDATS
Examinés Admis Ajournés Total
Examen de Capacité
E loge..........................
Majorité ou égalité de blanches.
Minorité de blanches................
Totalité de rouges....................
Rouges et noires......................
Ajournements.............................
V examen de Baccalauréat
1r* parlie
Eloge..........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches
Totalité de rouges . . .
Rouges et noires
Ajournements............
6
15
8
8
55
47
55
49
46
49
60
55
60
10
8
1*' examen de Baccalauréat
2“* partie
Eloge.............
Majorité de blanches..
Minorité de blanches..
Totalité de rouges----Rouges et noires........
Ajournements..............
4
18 j
15
I
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5
examen de Baccalauréat
(ancien régime)
Eloge..........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches.
Totalité de rouges...
Rouges et noires___
Ajournements............
il
examen de Baccalauréat
l repartie
Eloge........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches
Totalité de rouges . . .
Rouges et noires.
Ajournements..........
A reporter...
5
16
17
6
9
7
171 ! 150
21
171
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66
—
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" ----------Examinés Admis Ajournes Total
348
R eport . .
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e x a m e n de
323
25
348
D o c to r a t
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2
10
8
2
10
1
1
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1 (
9
5
4
9
Pour la capacité........
» le baccalauréat.
» la licence........
» le doctorat___
Total..........
1
4
863
6?6
503
253
41
863
En 1883, 28 étudiants, dont 10 de première année, 13 de deuxième
année, et 3 de troisième année avaient été autorisés à renvo)er leur
examen à la session de novembre.
0
2
1
2
En 1884, 88 étudiants, dont 31 de première année, 31 de deuxième
année et 26 de troisième année ont été autorisés à renvoyer leur
examen en novembre.
2
»
8
1
y
346
32
378
»
T h è s e d e D o c to r a t
( ancien régime)
T otaux ........
d'avril 1884... . . . . 209
de juillet 1884 ., 1 8 6
inscriptions se répartissent ainsi qu'il suit :
( nouveau régime)
Eloge.................................
Quatre blanches et une rouge........
Trois blanches et deux rouges___
Ajournements.................................
»
»
Total____ . . . .
3“* e xam en de^Doctorat
Eloge ................................
Deux blanches, une blancbe-rouge
et une rouge................................
Ajournements .................................
I NSCRI PTI ONS
Trimestre de novembre 1883.. 231
»
de janvier 1884___ 237
I
e x a m e n de D o c to r a t
(nouveau régime)
Eloge ..............................
Trois blanches . et une blancherouge.............................................
Trois blanches et une rouge..........
Deux blanches, et deux blanchesrouges...........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge................................
Ajournements...................................
DES
Prises pendant l'année scolaire 1883-1884
(NOUVEAU RÉGIME)
Eloge ................................
Trois blanches et une blancherouge.............................................
Deux blanches et deux blanchesrouges ...........................................
Deux blanches , une blanche-rouge
et une rouge.................................
Ajournements...................................
RELEVÉ
1
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4 1
1
378
I
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RAPPORT DE M. REBOUL
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DOYEN DE
LA FACULTÉ
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Messieurs,
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Faire des licenciés el des agrégés étant devenu la partie
la plus importante de nos fonctions, voyons en prem ier lieu
quels ont été sous ce rapport les travaux de la Faculté durant
la période 1883-1884.
Cet enseignement s’est composé, comme l’année précé
dente, d’une trentaine de leçons par semaine, suivies avec
assiduité, surtout en ce qui concerne les boursiers, par
61 élèves inscrits, répartis de la m anière suivante: (voir le
tableau ci-contre).
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Agrégation
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M. C o m b e s , professeur au L y cée, élève de la Faculté, a été reçu cette année agrégé des
sciences mathématiques.
70
47 se préparaient aux diverses licences ; 14 aux agréga
tions mathématique et physique, mais de ces derniers qua
tre ou cinq à peine se sont montrés assidus.
Licences. — 16 candidats ont été reçus sur 25 examinés.
Proportion 64 0/0. L ’an dernier il y avait eu 19 reçus sur
31 présentés, soit une proportion sensiblem enlla même :
61 0/0.
Le nombre des élèves inscrits aussi bien que celui des
candidats admis au grade appellent l’attention. Je trouve
que c’est beaucoup, j ’allais même dire que c’est trop. Il y a
peut-être lieu, en effet, de se préoccuper, dès à présent,
de difficultés déjà naissantes et qui ne peuvent que s’ag
graver, résultant du nom bre élevé des licenciés fournis
annuellement par l’enseignement supérieur. Le recrutement
des chaires de l’enseignem ent secondaire est non seulement
assuré mais assez largem ent dépassé. L'encom brem ent com
mence. Au m om ent où je parle, six ou sept de nos licenciés,
dont deux pourvus de deux licences, attendent encore une
nomination. Il en est ainsi à peu près partout. Les Facultés
ont fait environ 150 licenciés ès sciences dans l’année 18831884(1), Paris non compris. Si l’ on évalue à un m illier le
nombre des chaires de sciences dans les lycées et collèges des
départements, ce qui dépasse probablem ent la vérité, on est
frappé d’ une disproportion dont la conséquence sera de lais
ser bien des licenciés sans emploi et de discréditer le grade.
N’y a-t-il pas lieu de songer à enrayer plus ou moins une pro
duction exagérée? Il ne m ’appartient pas d’en rechercher
les moyens. Peu t-être serait-il utile de diminuer un peu le
(1) Paris a reçu, pendant l’année scolaire 1885-1884 , 85 ficenciés, dont
30 pour les sciences mathématiques, 59 pour les sciences physiques et
t6 pour les sciences naturelles. L’Ecole normale n'est pas comprise dans
ces résultats, qui ne font qu’aggraver les difficultés que je signale.
�— 72 —
nombre des leçons. Les professeurs en profileraient pour
leurs recherches et leur enseignement public. Les élèves ne
perdraient rien, au contraire, à ce qu’ une plus large part
fût faite à leur travail personnel.
Agrégations. — Ce que j ’ai à dire des agrégations est à
peu près le contraire de ce que je viens d ’indiquer à propos
des licences. Réceptions nulles ou à peu près m illes, vu le
nombre trop limité des élus et préparation généralem ent in
suffisante qui ne se réalise chez nous que par suite d’ un excès
pénible de travail et d’un dévouement qui ne peuvent être
indéfinis.
L ’insuffisance du personnel des Facultés appelé à rem plir
des fondions aussi multiples que celles dont on l’a chargé,
rend nécessaire la création de plusieurs centres de prépara
tion convenablement dotés. Les succès seront encore fort
restreints si l’on songe à la Faculté de Paris et à l’ Ecole nor
male supérieure, si bien organisées dans ce but, et dont l’en
seignement s’adresse à des élèves choisis.
La part qu’ont les Académies dans les nominations d’agré
gés est naturellement très faible et ne dépasse pas quatre ou
cinq par an. Le reste, c’est-à-dire à peu près le lout, appar
tient à l’Ecole normale ou à la Sorbonne. Donner des bourses
d’agrégation en province dans les conditions actuelles, pen
dant deux ans, est donc une question sur laquelle il est per
mis de penser que l’administration supérieure aura à ré
fléchir.
Quoiqu’il en soit, la Faculté a cette année un succès à en
registrer. M. Combes, un de ses élèves, professeur de mathé
matiques au lycée de Marseille, vient d’être reçu agrégé des
sciences mathématiques. L ’ honneur en revient en partie aux
deux maîtres qui l’ont guidé, et notamment à M. Charve, qui
depuis trois ans n’a pas craint de doubler son travail en se
chargeant d ’ une préparation supplémentaire aussi délicate
que celle de l’agrégation.
Docloral ès sciences. — Je citerai enfin pour clore ce sujet
des grades supérieurs universitaires, deux thèses de doctorat
ès sciences naturelles reçues avec mention honorable parla
Faculté de Paris et soutenues par MM. Roulle et Gourret, qui
les ont faites dans le laboratoire de zoologie de la Faculté,
sous la direction et avec les conseils de M. Marion.
Cours publics. — Ils ont eu lieu avec leur régularité or
dinaire et le public a prouvé par son assiduité qu’il était re
connaissant de ce qu’on essaie de faire pour lui. Je signale,
pour la forme seulement, de nombreuses lacunes dans un de
nos cours com plém entaires ; elles sont devenues tellement
habituelles qu’il n’y a plus lieu d’y faire attention.
Collections. — ]Nos collections continuent à s'accroître et
sont dans un état fort satisfaisant. C’est la place qui com
mence à nous m anquer.
Locaux.— Nos locaux sont en effet trop restreints. Les am
phithéâtres nous font défaul. Il n’y a pas d’espace suffisant
pour les laboratoires ou cabinets de physique, de zoologie et
de botanique. J ’exposais déjàcet état de choses, qui ne fait que
s’aggraver, dans mon rapport de 1880. Il est vrai que dès
l’année suivante la création d’ une grande Faculté était dé
cidée. Trop grande et trop coûteuse peut-être, car bien qu’elle
soit commencée, je crains que nous ne soyons pas près de la
voir achever. Bien des difficultés sur lesquelles je n’ai pas à
m’expliquer sont survenues. Comment seront-elles résolues ?
Je l’ignore.
Bibliothèque. — N otre bibliothèque est en pleine voie de
prospérité. Par suite du crédit ordinaire de 2800 fr. princi
palement destiné à l’achat des périodiques et d’un crédit ex
traordinaire de 2000 fr. dont elle a pu disposer cette année
�I
— 75 —
— 74 -
en dehors des Irais de reliure et dechanITage, elle a vu le
nombre de ses volumes porté de 6300 à 7100, avec accroisse
ment de 800 volumes pendant la période 1883-1884. Elle est
ouverte tous les jours le malin et l’après-midi, et fréquentée
par une vingtaine de lecteurs. Je ne puis que rem ercier
notre sous-bibliothécaire de l’ordre qu’il y a établi ou rétabli,
ainsi que du soin avec lequel il la surveille sous la direction
de l’ honorable bibliothécaire de l’Académie.
Baccalauréats. — J'arrive à cette partie, la plus ingrate
de notre tâche, la plus ingrate aussi pour le rapporteur. On
dit qu’elle va nous être enlevée pour passer dans les mains
de l’enseignement secondaire. Ce sera certes pour nous un
bon débarras, à plus d’ un point de vue. Mais qu’y gagnerat-on? Notre compétence et notre autorité ne seront point
dépassées et l’impartialité des juges sera certainement expo
sée à plus de suspicion de la part du public.
Les résultats des examens du baccalauréat pendant l’année
scolaire qui vient de s’écouler sont consignés dans un tableau
spécial annexé à mon rapport.
Je vous en épargne les détails. Il me suffira de vous citer
les nombres suivants que je ne puis vous éviter.
Année 1883-1884.
Examinés.
Reçus.
Baccalauréat com plet.............
—
restrein t............
276
32
123
15
T o ta l. . .
308
Proportion.
45 0/0
47 0/0
Année 4882-4883.
Examinés.
Baccalauréat com plet...............
—
restrein t.............
T o ta l.. .
276
46
345
Admis.
98
22
Proportion.
32,7
45,6
35 candidats de moins que l’an passé par suite de la per
turbation amenée dans les examens par l’épidémie cholérique
qui a régné à M arseille pendant trois mois à partir de ia fin
du mois du juin dernier.
�Personnel. — Le personnel de la Faculté est resté ce qu’il
était autrefois. J’ai pourtant une modification à signaler.
M. Vayssière, préparateur de zoologie, docteur ès sciences
naturelles, a changé de fonctions. Il a été nommé chargé de
conférences au laboratoire de zoologie m arine annexé à la
Faculté des Sciences.
Les distinctions honorifiques sont, à mon avis, trop ména
gées aux professeurs de la Faculté de Marseille. Certes je me
félicite, ainsi que mes collègues, d ’avoir vu décerner au mois
d’ août dernier les palmes d ’oiïicier de l’ instruction publique à
M. Macé de Lépinay, dont nous estimons tous le talent et les
travaux. Mais il m ’est perm is, je crois, de regretter que l’ad
ministration centrale se soit trouvée jusqu’à présent dans
l’impossibilité d’accorder à des travailleurs infatigables, à des
savants dont le nom jouit d’ une juste autorité, la distinction
honorifique que je sollicite depuis longtemps pour eux.
Travaux des professeurs. — M algré le haut intérêt que
présentent beaucoup de ces publications, je dois me borner
à en consigner les titres à la fin de ce rapport. Parm i les
noms des auteurs, je n'en veux reten ir qu’ un cette année,
celui de M. Sléphan, m em bre correspondant de l’Académ ie
des sciences, à qui l’Institut vient de donner le p rix Valz
(1883) pour ses belles recherches sur les nébuleuses.
5079 nébuleuses étaient enregistrées dans le m agnifique
catalogue d ’ H erschell, publié en 1864. Depuis cette époque,
1400 nébuleuses nouvelles sont venues porter ce nom bre à
6500 environ. M. Stéphan, à lui seul, en a découvert 700,
soit la moitié, et sur ces 700 il a publié les positions exactes
de 420. Il fera connaître prochainem ent les positions d ’ une
centaine d’ autres.
Ce travail fait honneur à l’astronomie française. Il honore
aussi la Faculté qui compte M. Stéphan parmi les siens.
�Liste des travaux publiés par MM. les Professeurs de la Fa
culté des Sciences pendant l'année 1883-4884.
M. i/abbé A oust. — Des asymptoses paraboliques, d'un
ordre quelconque, des courbes planes (Mémoires de l'Aca
démie de M arseille).
M. Sté phan . — Continuation des recherches sur les né
buleuses. — Observations diverses.
M. R eboul. — Ammoniaques composées dérivées de
l’épichlorhydrine (Suite).
M. D ieulafait . — Relations des roches ophitiques avec
les substances salines, particulièrem ent dans les Pyrénées
(C. R. décembre 1883).
Existence du manganèse à l’état de diffusion complète
dans les marbres blancs de Carrare, de Paros et des Pvrénées (C. R. mars 1884).
Manganèse dans les marbres cipolins de la formation pri
m ordiale. Conséquences géologiques (C. R. mars 1884).
Origine de certains phosphates de chaux en amas dans les
calcaires de la série secondaire et de certains de fer apparie •
nantà la division des minerais en grains. (C. R. mars 1884).
Dépôts de m er et d ’eau douce au point de vue agronomi
que suivant qu’ils sont ou ne sont point sulfurés: alluvions
de la Durance. Relations avec les phosphates (C. R. avril
1884).
Origine des phosphoriles et des argiles ferrugineuses dans
les terrains calcaires (C. R. août 1884).
Nouvelle contribution à la question d’origine des phos
phates de chaux du Sud-Ouest de la Fiance (C. R. septem
bre 1884).
Origine et mode de formation des phosphates de chaux
en amas dans les terrains sédimentaires. Leur liaison avec les
terrains sidérolitiques (C. R. novem bre 1884).
Recherches sur l’évaporation des eaux douces et des eaux
marines (C. R. de la société météorologique des Bouches-duRhône).
M. H eckel. — Nouvelles recherches tératologiques sur
les champignons (Journal de m ycologie de Roumeguère).
De l’écorce de Doundaké (M orinda Doundaké, Heckel)
dictionnaire encyclopédique des sciences médicales.
Du bois piquant (Nanthoxylum Perrolettii D. C.) de la
Guyane (C. R. avril 1884).
Articles des algues dans la grande encyclopédie du
XIXe siècle.
— Esquisse d’une topographie zoologique du
golfe de Marseille.
Considérations sur les faunes profondes de la Méditerranée.
Documents pour servir à l’ histoire embrvogénique des
Alcyonaires (En collaboration avec M. kowalevski).
Sur les caractères d ’une conifère tertiaire voisine des
Damraarées.
L’évolution du règne végétal : Phanérogames (2 vol. de
la bibliothèque scientifique internationale. En collaboration
avec M. de Saporta).
M. Marion .
M. Macé de L épinay (M aître de conférences de phvsiqueL
— Sur une m éthode pratique pour la comparaison photométrique des sources usuelles diversement colorées (comptesrendus de l’Académ ie des sciences, t. 97, p. 1428-1883.—
Reproduit intégralem ent dans la Lumière électrique).
Recherches sur la comparaison photométrique des sources
diversement colorées, et en particulier sur la comparaison
des diverses parties d ’un meme spectre (2e mémoire . — En
�—
80
—
collaboration avec M.TV. Nicali (Journal de Physique, 2 ' sé
rie, t. II, p. 64-1883).
Théorie des courbes incolores dans les cristaux biaxes
(Journal de Physique, 2* s. t. II, p. 162-1883).
Application de la méthode graphique de M. Cornu à
l’étude des franges de diffraction produites par une tige
opaque (Journal de Physique, 2e s. t. III, p. 11-1884).
M. Jourdan. — Le cerveau de l’ Eunice Harassii (C. H.
mai 1884).
Sur la structure des otocvstes de l’ Arenicola Grubii (C. H.
mars 1884).
RAPPORT DE M. BIZOS
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES
Monsieur
le
R ecteur,
M essieurs ,
J
Le compte rendu des travaux de la Faculté des lettres se
divise en deux parties, l’enseignement et les examens. C’est
par ceux-ci que je vais commencer. L ’épidémie, qui a désolé
notre région, nous les a rendus celle année particulièrement
durs et difficiles. Les professeurs, qui formaient la commis
sion chargée du baccalauréat en Corse et à Nice, n’ont échappé
que par m iracle aux quarantaines et n’ont fait des bacheliers
qu’a force de patience et d’énergie. Au siège même de la
Faculté, la session, qui devait avoir lieu en juillet et en août,
n’a pu s’ou vrir qu'au m ilieu de septem bre: elle nousa forcés
à revenir en pleines vacances et à sacrifier la m eilleure partie
d ’un repos, que nous avions bien gagné. La race des candi
dats est irritable et délicate : quelques-uns des jeunes gens,
que nous avions à ju ger, se sont plaints non sans amertume
du trouble que le renvoi de la session leur a causé. S’ils s’en
sont prisa nous, ils ont eu tort: nous étions tous à notre
poste et nous avons subi une remise que nous étions loin de
6
�désirer. S’ils pensent en avoir reçu quelque préjudice, ils
n’ont pas moins tort; car nous avons scrupuleusement tenu
compte des circonstances exceptionnelles dans lesquelles ils
venaient à nous, et nous avons cette fois poussé notre indul
gence ordinaire jusqu'à l’extrêm e limite où elle serait de
venue de la faiblesse. Je soupçonne même que plusieurs
candidats doivent à cette funeste épidémie d’avoir obtenu en
septembre un diplôme qui leur eût peut-être échappé en
juillet : d’ailleurs j ’en appelle à l’éloquence de la statistique.
En novembre 1883 le nombre des candidats pour la pre
m ière partie a été :
In s c rits ....................................... 145
Défaillants....................................
5
Eliminés après l’épreuve écrite.......... 65
Ajournés après l’épreuve o ra le .......... 19
Admis d éfin itivem en t.....................
56
Ont mérité la mention B ien .............
4
Ont mérité la mention Assez-bien........ 10
Ont eu la note Passable...................
42
La m oyenne des réceptions a été de 40 0/0.
En septembre le nombre des candidats pour la première
partie a été :
In scrits.......................................
Examinés..............................
Eliminés après l’épreuve écrite..........
Ajournés après l’épreuve orale...........
Admis définitivem ent......................
Ont mérité la mention B ien .............
Ont mérité la mention Assez bi n ......
Ont eu la note Passable..................
La moyenne des réceptions a été de 44 0/0.
332
265
131
28
114
8
25
81
Pour la seconde partie, en novembre 1883, le nombre des
candidats a été :
In s c rits ...................................... 60
D éfaillants...................................
'3
Ajournés après l’épreuve écrite.........
20
Ajournés après l’épreuve orale.........
12
Ont m érité la mention Bien..............
2
Ont m érité la mention Assez-bien......
4
Ont eu la note Passable...................
19
La m oyenne des réceptions a été de 45 0/0 :
Au mois de mars 1884 s’est ouverte la session réservée
aux candidats à la deuxièm e partie ; leur nombre a été :
In s c rits ....................................... 48
Exam inés..................................... 47
Eliminés après l’examen écrit...........
18
Ajournés après l’examen ora l...........
10
Admis définitivem ent......................
19
A m érité la mention B ien ................
I
Ont eu la note Passable...................
18
La m oyenne n'a été que de 38 0/0.
En septem bre le nombre des candidats pour la deuxième
partie a été :
In scrits....................................... 179
D éfaillants...................................
45
Exam inés..................................... 126
Eliminés après l’épreuve écrite.........
46
Ajournés après l’épreuve ora le.........
22
Ont m érité la mention Très-bien........
2
Ont m érité la note B ien .................
5
Ont m érité la note Assez-bien...........
9
Ont eu la note Passable................... 49
La m oyenne s’est élevée «à 47 0/0, »
�— 84 —
Je pense, Messieurs, qu’ il est utile de descendre un peu
plus avant dans le détail de la statistique et d’ajouter aux
renseignements, qui viennent de vous être donnés, quelques
indications qui les complètent et les éclairent. Des 101 can
didats à la première partie, qui ont été éliminés après les
épreuves écrites, 28 ont été refusés pour la composition fran
çaise, 15 pour la version laliue, lO p o u r le thème de langue
vivante, 87 pour deux compositions à la fois, et 51 sont tom
bés sous le poids de trois notes mal. Des 85 candidats à la
seconde partie, qui ont été éliminés après les épreuves écri
tes, 21 ont été refusés pour la dissertation de philosophie,
24 pour la composition scientifique, et 39 pour les deux com
positions à la fois.
Au mois de novem bre 1883 une session de licence s’est
ouverte pour onze candidats, dont quatre ont été déclarés
admissibles aux épreuves orales et deux définitivem ent ad
mis. De si nombreux échecs exigent quelques explications.
Depuis que les Facultés ont des boursiers de licence et que
cette excellente institution fonctionne au grand profil de nos
étudiants, le niveau de l’examen s’est sensiblement élevé. Il
en résute que les maîtres répétiteurs et les professeurs des
lycées et des collèges, qui ne peuvent venir assister à nos
conférences, ont besdfn d’ un renouvellem ent d ’efforts et de
travail pour affronter avec succès des épreuves devenues plus
difficiles et plus étendues. Nous les exhortons à se mettre en
relations avec nous et avec nos étudiants ; nous ne leur refu
sons ni nos conseils ni nos soins ; chaque mois nous leur en
voyons des textes de devoirs imprimés, en les suppliant de
s’ habituer à une grande exactitude. Malheureusement ces
devoirs nous arrivent ou trop rares ou trop faibles, et, quand
l ’ heure de l’examen a sonné, le candidat du dehors se pré
sente avec un bagage insuffisant en concurrence avec des
— 85 —
jeunes gens bien prêts et bien armés. En outre les licences
spéciales d’ histoire et de philosophie trompent des espéran
ces qui sont le plus souvent des illusions. On se découvre
volontiers une vocation d ’ historien ou de philosophe par
crainte du thème grec et des vers latins, et, après une ou
deux années de préparation hâtive, on aboutit à faire médio
crement les compositions spéciales et très pauvrement les
compositions communes, c’est-à-dire, les dissertations litté
raires en français et en latin. Que si on a le bonheur d’être
admis aux épreuves orales, on vient échouer devant un texte
latin, que l’on explique mal, et devant un texte grec, que
l’on n'expliqu e pas du tout.
Au mois de juillet 18 8 i la session de licence s’est ouverte
en pleine épidém ie : la plupart des candidats, sur lesquels
nous comptions, ne sont pas venus. Six seulement se sont
présentés, tous pour la licence littéraire ; deux ont été reçus :
ce sont MM. Laplane et Baltesti, boursiers de la Faculté.
.l’arrive maintenant au compte rendu de nos leçons, qui
sont de deux sortes. Chez nous l’enseignement public subsiste
pendant le prem ier semestre, à côté de l’enseignement des
conférences et des cours privés. Contrairement à ce qui se
passe, pâraît-il, dans d ’autres Académies, nos leçons publi
ques sont suivies régulièrem ent soit à Aix soit à Marseille
par un auditoire d ’année en année plus nombreux : certains
cours ont à Marseille d ’ une manière très assidue quatre cents
et à Aix deux cents auditeurs. Le second semestre est entiè
rement consacré aux cours spéciaux qui sont réservés aux
seuls étudiants. Nos conférences préparatoires à la licence
comptent une trentaine d’auditeurs, boursiers, maîtres auxi
liaires, maîtres répétiteurs, élèves libres. Enfin, nous avons
créé, à partir du 1er novem bre 1883, chaque jeudi, toute une
série de conférences préparatoires aux différentes agréga
�tions. Les professeurs e( les maîtres déjà licenciés n ’ont plus
été seulement en correspondance avec nous ; ils ont pu venir
suivre directement des cours, où tantôt nous leur avons ex
pliqué les auteurs, tantôt nous leur avons de vive voix corrigé
leurs devoirs, tantôt nous leur avons cédé la parole pour des
épreuves pratiques dont l’importance est capitale. Dès celte
année quatre candidats sont venus à nous pour l’agrégation
des lettres, un pour l’agrégation d’histoire, un pour l’agrétion de philosophie, deux pour l’agrégation d ’allemand, trois
pour l’agrégation de gram m aire. La Faculté avait appuyé les
demandes de jeunes gens candidats à des bourses d ’agréga
tion, qui n’ont pu nous être accordées. Nous venons d'être
plus heureux : M. le Ministre nous a nommé, il y a quelques
jours, trois boursiers pour l’agrégation des lettres. Ce sont
MM. Laplane, ancien boursier de licence, M ichel, professeur
au lycée d ’Auch, Santiaggi, professeur au collège d'Ajaccio.
Nous connaissons ces jeunes gens, et ils nous connaissent,
puisqu’ils ont tous les trois été déjà nos élèves : nous les sa
vons intelligents et laborieux, ils nous savent pleins de zèle
et de dévou ment : nous sommes en droit de bien espérer du
travail qu’ils vont faire sous notre direction.
L ’année dernière, le professeur de philosphie, M . Colsenet, a traité des sentiments moraux. Il a analysé les divers
éléments qui composent ces faits en apparence simples et il
s’est efforcé de remonter à l’origine de chacun d ’eux. Diffé
rentes théories ont été émises à ce sujet par les moralistes
et les philosophes ; elles ont été l’objet d’une élude parti
culière. L ’une des plus récentes, celle de l’évolution, ré
clamait par son importance une discussion toute spéciale.
M. Colsenet a recherché quelle part de vérité elle renferme
et dans quelles limites ses lois peuvent trouver dans la con
science leur application. Celte année il se propose d ’exposer
les progrès des idées morales relatives à l’homme, à la fa
mille et à la société, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours.
Quellesopinions régnaient aux diverses époques sur le respect
du à la vie humaine et à la liberté? Quel idéal les différentes
écoles ont-elles proposé a l’ homme en ce monde? Quelles
sont les conceptions qui ont dominé tour à tour au sujet de la
vie future? L ’ homme ne doit pas seulement être considéré en
lui-même, il vit en famille. Quelles sont les origines de la
famille? Quelles en ont été les principales form es? Enfin, la
société elle-m êm e a subi de profondes transformations.
Quelles ont été les phases de son développem ent? Quels
sont les rapports de l’individu et de l’Etat? Telles sont les
graves questions qui feront l’objet du cours de philosophie.
Pendant l’année qui vient de s’écouler, le professeur d’ his
toire, M. Guibal, a traité de Louis XVI et de son temps. Il
s’est arrêté à la chute de Loménie de Brienne, après s’être
attaché particulièrem ent à l’état économique du pays et avoir
étudié les idées et les mœurs. Il se propose de retracer cette
année la période électorale de 1789. Il consacrera d’abord
quelques leçons à la prem ière assemblée des notables, aux
assemblées provinciales, aux conflits de la royauté avec le
parlement, au coup d ’ Etat anli-parlementaire du 8 mai 1788,
au second m inistère de Necker. Le professeur étudiera en
suite les règles compliquées que les lettres patentes du 24 jan
vier prescrivaient aux opérations électorales des trois ordres,
la manière dont ces règles furent appliquées, l’origine et la
confection de nom breux cahiers, le caractère général des
élections, les luttes auxquelles elles donnèrent lieu en Bre
tagne, en Provence et à Paris. Les campagnes en 1789, les
rapports des seigneurs avec leurs vassaux, les conditions d e s
paysans et l’ état de l'agriculture, les villes, les vicissitudes du
régime municipal auquel elles ont été soumises depuis l’édit
�-
88
-
de 1692, le travail et les plaisirs, qui se partageaient l’existence
de leurs populations, Paris et la vie parisienne à la veille de
la révolu tion , seront comme les prem iers chapitres d’une
étude, dont l’objet comprendra en outre l’enseignem ent pu
blic à ses trois degrés, le clergé séculier et le clergé régu
lier, le droit criminel et l’opinion en 1789, la magistrature
et le barreau. Dans les conférences préparatoires à la licence,
M. Guibal continuera d’exposer l'histoire des institutions po
litiques de l’ancienne France, qu’il a conduite celte année
jusqu’à l’aVénement de Philippe V I. Dans les conférences
préparatoires à l’agrégation d ’ histoire l’explication d ’un ou
de plusieurs auteurs inscrits au program m e alternera avec la
préparation des thèses indiquées par ce program m e.
Le professeur de littérature française, M. Bizos, a étudié
les transformations subies par la tragédie au X V IIIe siècle et
ses acheminements successifs vers le drame m oderne. Il a mon
tré comment La Motte-Houdar le prem ier attaqua les unités,
lesexpositions, les récits, les confidents, la versification mono
tone ; puis est venu Voltaire, qui visite l’Angleterre, voit
jouer Shakspeare à Londres et rapporte de son commerce
avec le grand auteur anglais tout un plan d ’ innovations.
Cependant Shakespeare devient de plus en plus en faveur
dans notre pays : plus connu, grâce aux traductions de La
Place et de Lelourneur, il inspire à de B elloy ses tragédies
patriotiques, au président Hénault l’idée de son drame histo
rique François 11, que suivent les drames de Sébastien Mer
cier. Baculard d’ Arnaud, par sa pièce intitulée le Comte de
Comminge, inaugure la théorie du genre sombre. L ’élude
de toutes ces œuvres animées d ’un esprit nouveau a conduit
le professeur aux productions dramatiques de Ducis et de
Marie-Joseph Chénier, c’est-à-dire au seuil meme du théâtre
moderne. Cette année M. Bizos se propose d ’étudier les œu-
— 89 vi es des poètes dramatiques qui forment comme la transition
de l’école classique à l’ école romantique, Pierre Lebrun,
Alexandre Guiraud, Alexandre Soumet, Casimir Delavigne,
Alfred de V ign y, esprits conciliants, trop modérés pour rougir
d’admirer les chefs-d’œ uvre de notre théâtre national, mais
aussi trop im prégnés du génie de leur époque pour traiter
de folies les innovations et les hardiesses fécondes. Sans
doute de tels écrivains n’ ont pas l’essor de la grande ambition
littéraire en ce qu’elle a parfois de suprême et de téméraire,
ils n’ont pas au plus haut degré la faculté du beau et de l’ i
déal ; mais, sans oser rompre avec le passé, ils ont le besoin
du nouveau, ils ont le goût qui circonscrit leurs entreprises;
ils ont encore l’em preinte de l’époque antérieure, mais ils ne
s’y immobilisent pas ; ils prennent l’esprit littéraire au point
juste oü il est et le poussent du premier jour à l’innovation
dans une mesure habile et réfléchie. M. Bizos consacrera,
comme l’année dernière, les conférences préparatoires aux
examens à la correction des dissertations françaises et à
l’explication des auteurs français inscrits aux programmes de
la licence et de l’agrégation des lettres.
M. Conslans, professeur de littérature latine, a étudié,
pendant l’année qui vient de s’écouler, les quatre grands
historiens latins, Sallusle, César, Tite-Live, Tacite. Il a in
sisté sur le style et la méthode de chacun d’eux, recherchant
quelle influence peuvent avoir eue sur le choix du genre
historique qu’ils ont préféré leur caractère personnel, l’épo
que et le m ilieu où ils vécu, et dans quelle mesure ces évé
nements ont contribué à form er leur style. Cette année,
M. Conslans se propose d’ exposer comment le moyen âge a
compris l’antiquité classique, qu’il n’a jamais cessé d’étudier,
le latin directem ent, le grec au moyen de traductions latines.
Il faut reconnaître cependant que les abrégés ont eu une fa6.
�veur marquée, que l’intelligence véritable îles textes fait à
peu près complètement défaut, et que l’ esprit classique est
étranger à ceux qui connaissent le mieux les textes. Dès le
XII9siècle, des laïques, élevés d’ailleurs par des clercs, in
troduisent dans l’étude de l'antiquité un esprit nouveau et
cherchent à répandre dans la foule les œuvres classiques au
moyen d’imitations qui d’ ailleurs les dénaturent par des
transformations presque inconscientes : Benoît de SainteMore, l’ Enéas, le roman de Troie ; le roman de Thèbes ; le
roman de Jules César ; le roman d ’A lexa n d re; l'O vide mo
ralisé, etc. En même temps se form e une littérature didacti
que dont la source est grecque et latine, mais où le moyen
âge apporte son esprit de discussion étroite et subtile, et son
mysticisme naïf: Spéculum hisloriale, Sommes, Lapidaires,
Bestiaires, etc. Enfin, dès la deuxièm e moitié du X IIIe siècle
et surtout au X IV e, on voit apparaître les traductions pro
prement dites qui font apercevoir la Renaissance. Dans les
conférences préparatoires aux examens, M. Conslans corri
gera les dissertations latines et expliquera quelques-uns des
auteurs latins inscrits aux programmes de la licence et de
l’agrégation.
M. Lafaye, chargé du cours de littérature grecque, a traité
d eTh éocrite et de l’idylle. Ce genre littéraire s’est dévéloppé
le dernier chez les Grecs. Il est né de ce besoin qui aux épo
ques de décadence porte les âmes à chercher dans le calme
de la vie champêtre une trêve aux agitations de la ville. Le
professeur a suivi d’abord même chez les écrivains de la
grande époque les progrès de ce sentiment de lassitude ; puis
il a fait voir que la form e nouvelle, dont Théocrite est l’in
venteur, a son originalité et qu’elle se rapproche encore des
plus beaux ouvrages de la Grèce, puisque Virgile l’a jugée
digne d’être imitée ; il a rappelé qu’elle a été transportée une
des prem ières dans noire littérature nationale. Celte année
M. Lafaye se proposait de traiter d’Aristophane, lorsqu’ un
récent arrêté ministériel l’a chargé du cours de littérature
latine à la Faculté des Lettres de Lyon. ISotre jeune collègue
n’a pas quitté sans de vifs regrets cette Faculté d’Aix toute
pleine encore des souvenirs de son père, qui l’a honorée
longtemps par les m érites d ’ un enseignement solide et d'une
direction habile. Il y suivait noblement un noble exem ple.
Au nom de ses collègues et de ses élèves je lui adresse ici le
témoignage public de nos regrets.
M. Lafaye n’est pas encore remplacé, m algré nos pressan
tes instances. Ce n’est pas que l’administration supérieure,
dans sa haute sollicitude pour les progrès des études grec
ques, ne comprenne qu’il importe de ne pas laisser en souf
france un enseignement si important. Mais il paraît que les
hellénistes pourvus du titre de docteur sont à cette heure
extrêmement rares I L ’ Ecole d’Athènes nous envoie des ar
chéologues habiles à déchiffrer les inscriptions, à tirer du sol
les ruines enfouies depuis des siècles, à disserter savamment
sur les m erveilles de l’art le plus admirable qui fut jamais.
Qu’il nous soit permis de souhaiter qu’elle n'oublie pas de
nous form er aussi des professeurs de laugue et de littérature
grecques! Si l’on n’y prend garde, les chaires d’archéologie
et d’ histoire ancienne seront assiégées par une foule de con
currents, tandis que les chaires de littérature latine et sur
tout de littérature grecque seront pendant des mois entiers,
au grand détrim ent des étudiants, condamnées au silence
faute de maîtres prêts à les occuper.
Le professeur de littérature étrangère, M. Joret, a l'année
dernière étudié la littérature anglaise pendant la République
et à l’époque de la Restauration ; deux grandes figures sur
tout, celles de Milton et de Dryden, ont fixé son attention, et
�— 03 —
il s’est efforcé de faire connaître dans leur activité si variée
et si m erveilleuse le poète du Paradis perdu et celui A'Absalon et ù’Achiropliel. Pendant le prem ier semestre de cette
année il se propose d’exam iner la littérature si originale du
règne de la reine Anne et des premiers princes de la maison
de Hanovre. La révolution de 1688 ne fait pas seulement
époque dans l’ histoire politique de l’ Angleterre, elle fait épo
que aussi dans son histoire poétique; la littérature licencieuse
de la Restauration fait place à une littérature m orale et pres
que austère; les œuvres de l’esprit ne doivent plus seule
ment plaire aux. lecteurs, elles doivent encore les instruire :
de là l’importance des Revues d’ Addison et de Sleele. En
même temps les théories classiques finissent par être adop
tées chez les Anglais d ’une manière définitive : Pope devient
le chef d’ une école nouvelle, qui rivalise avec celle dont
Boileau fut en France le législateur, et le Caton d’Addison
fonde pour un demi-siècle la tragédie classique. Cependant
la littérature anglaise ne se borne pas aux genres cultivés
par les grands écrivains du siècle de Louis X IV : S w if com
pose l’ histoire humoristique et satirique de Gulliver ; de Foë
son Robinson. Cela ne sutlit pas à ces écrivains ; ils voulu
rent aussi se faire un nom dans la politique et ils se jetèrent
avec ardeur dans la lutte des partis. C’est là ce qui donne à
leur vie un intérêt si considérable. Il faut ajouter que les
rapports intellectuels, qui s’établissent alors entre la France
et l’Angleterre, rendent l’étude de cette période particuliè
rement attachante. Dans les conférences préparatoires aux
examens, M. Joret continuera ses leçons de gram m aire com
parée et ses explications d’auteurs allemands et anglais.
M. Rigal, maître de conférences de philologie grecque et
latine, a expliqué l’ année dernière le 5e livre du poème de
Lucrèce et il a fait un cours régulier de gram m aire comparée
des langues anciennes. Par des exercices pratiques il s’est
efforcé d ’ habituer nos étudiants à l’application des théories
grammaticales en même temps qu’il s’est occupé de métrique.
Cette année il commentera l’ Art poétique d’ Horace et il expo
sera la déclinaison du grec et du latin : il sera chargé de la
correction des vers latins et des dissertations grammati
cales.
M. Clerc, m aître de conférences d'histoire ancienne, fera
cette année, comme l’année dernière, deux conférences pré
paratoires à la licence par semaine : dans l’ une il étudiera à
tour de rôle un historien grec et un historien latin. Dans une
troisième conférence il continuera pendant le premier semes
tre son cours d ’ histoire grecque et pendant le second semes
tre son cours d ’histoire romaine.
M. Agabriel, chargé d’ une conférence hebdomadaire de
géographie, a traité de la géographie physique, historique,
économique de la France centrale. Son but est d’offrir sur
tout des leçons de méthode aux candidats à la licence et à
l’agrégation. Cette année il exposera la Géographie physique
et historique de /’Europe centrale ; il se propose de décrire à
grands traits dans chaque leçon une région déterminée et de
montrer ensuite ses transformations successives an moyen
âge et dans les temps modernes.
Enfin, M. le m inistre vient de nous adjoindre un nouveau
collaborateur. M. Raym ond Bonafous, professeur de rhétori
que au lycée de M arseille, est chargé d ’une conférence heb
domadaire de littérature française.
Ancien élève de l’ Ecole
«
Normale supérieure, agrégé des lettres, ce jeune maître est
le fils du regretté M. Norbert Bonafous, le savant helléniste,
qui fut pendant de longues années doyen de notre Faculté et
qui n’a pas disparu tout entier, puisqu’il a légué à IT n iv e r -
�site et à sa chère Faculté d’ Aix un digne héritier de ses ta
lents.
Tel est, Messieurs, le résumé de nos travaux, de nos sou
haits, et de nos espérances; il vous montrera nettement, je
l'espère, dans quelles proportions s’est accru depuis deux ans
le labeur des professeurs de la Faculté des Lettres d’ Aix.
Cours publics à Marseille, cours publicsèi Aix, cours prépa
ratoires aux différentes licences et aux différentes agréga
tions, examens à faire subir à Nice et en Corse, à Marseille
et à Aix, correction régulière par correspondance des devoirs
qui nous arrivent chaque mois d'un vaste ressort académi
que, telles sont les multiples occupations qui nous incombent.
Nous avons la conscience d’avoir accompli toute notre tâche.
RAPPORT DE M. CHAPPLAIN
DIRECTEUR
UF. l/ÉCOLE
I>K MEDECINE ET
DE PIHRMACIF
M o n s i e u r le R e c t e u r ,
Messieurs ,
Monsieur le ministre de l’Instruction publique m’ayant
fait l’ honneur de m ’appeler à la direction de l’ Ecole de plein
exercice de Médecine et de Pharmacie de Marseille, je viens,
pour accomplir mon devoir, vous présenter un rapport sur
les faits qui se sont accomplis à l’ Ecole pendant l’année sco
laire 1883-1884.
L ’année qui vient de s’écouler n’a pas été clémente poul
ie personnel des professeurs de l’ Ecole. Dans le rapport
qu’il vous a présenté au mois de novembre 1883, notre
doyen d’âge, M. le professeur Girard, chargé par intérim
de la direction de l’Ecole, vous a déjà parlé des pertes
cruelles qui ont marqué la fin de l’exercice dernier; mais
vous me pardonnerez d’évoquer un moment encore ces dou
loureux souvenirs et de payer un juste tribut de regrets à
celui qui fut notre chef, à ceux qui furent nos collègues.
Il est dans la vie des institutions, des hommes qui ont
�- 00 —
marqué leurs (races d’ une manière si profonde qu’on ne sau
rait trop redire ce qu’ ils ont fait de bon et d ’utile dans leur
trop court passage au milieu de nous.
Parmi ces hommes regrettés, je dois parler d’abord de
M. le professeur Seux, qui,pendant de longues années, fut le
directeur de l'Ecole. Tous ceux qui l’ont connu, et nous par
ticulièrement ses collègues, conserveront toujours le souve
nir de cet homme si bienveillant, si affectueux, si conciliant:
de ce chef qui avait consacré à l’ Ecole de Médecine tout ce
qu’ il avait d’activité, de dévouement et d’énergie. J’ai pu le
juger à l’œuvre alors qu’il travaillait à la transformation de
l’ Ecole préparatoire en Ecole de plein exercice. Tout alors
ne fut pas facile pour lui ; il rencontra de nombreux obsta
cles et, s’il put arriver au succès, ce fut à l’aide de son
caractère affable et conciliant Ce progrès n’était à ses yeux
qu’un temps d’arrêt. Il espérait voir bientôt noire institution
franchir le dernier degré de la hiérarchie de l’enseignement
supérieur. Mais il ne devait pas assister à la réalisation de
ses espérances. Il ne devait pas être le prem ier doyen de la
Faculté de Médecine de M arseille!
Quelques jours après que nous eûmes perdu notre chef,
l’ Ecole était de nouveau frappée en la personne d’ un de nos
collègues les plus jeunes. Richaud, entré à l’ Ecole depuis
peu de temps à la suite d ’ un brillant concours, avait acquis
l’estime et l’affection de tous par sa douceur et ses manières
agréables. Ses connaissances étendues, ses brillantes qualités
de professeur lui avaient mérité la considération et l’estime
de tous ses collègues qui voyaient en lui une des espérances
du haut enseignement médical.
Nous devions compter alors que la mort cesserait sès ra
vages et que de longtemps nous n’aurions pas à enregistrer
de nouvelles pertes; et cependant, nous étions à la veille
— 97 —
d’une de ces catastrophes imprévues qui par l’ importance de
la victim e prennent l’importance d’ un malheur public. La
mort elle-m êm e étonnée de la grandeur de l’acte qu’elle va
accomplir, mesure ses coups à la hauteur de l’ hom m e; une
nuit lui suffit pour accomplir son œuvre. Fabre, fort et puis
sant encore au moment où le soleil disparaissait sous l’ ho
rizon, ne devait plus le lendemain ouvrir ses yeux à la
lumière du jou r I
Ce n’est pas en quelques mots qu’on peut faire l’éloge de
Fabre ; son dévouement, sa bienfaisance, sa charité demeu
reront longtem ps légendaires dans la ville qui fut témoin de
ses vertus. Je ne puis parler ici que du vide profond que sa
perte a produit dans l’enseignem ent de l’ Ecole. Observateur
sagace, il avait marqué sa place par des ouvrages estimés
parmi les hommes de progrès : professeur savant et sympa
tique, il voyait accourir auprès de lui de nombreux élèves
qui le respectaient et l’aimaient comme un père et comme un
ami.
L ’âge devait à son tour enlever à l’activité un de nos pro
fesseurs les plus anciens, les plus éminents dont l’enseigne
ment avait été des plus remarquables et des plus fructueux.
Dans sa longue carrière, M. Robertv avait professé non
seulement à l’ Ecole, mais encore dans cette salle de la rue
d’ Aubagne qui fut à Marseille le prem ier enseignement
scientifique municipal et plus tard à la Faculté des Sciences
lors de sa création. Frappé dans ses affections les plus chères
et les plus intimes, il est allé dans la retraite près du tom
beau de sa fille, chercher un soulagement à sa douleur. M .le
ministre a consenti à le relever de son enseignement et l’a
maintenu au nombre des professeurs de l’Ecole en lui accor
dant le litre de professeur honoraire.
Ces pertes si nombreuses ne sont pas encore comblées.
�-
08 -
Les chaires vacantes n’ont pas toutes reçu encore leurs nou
veaux titulaires. Celles qui sont aujourd’ hui remplies l’ont
été, soit par des professeurs ayant sollicité des permutations
qui leur permit de se classer selon leurs études préférées,
soit par des suppléants ayant donné des preuves de leur
science et de leur aptitude à l’enseignement.
M. le professeur Villard a obtenu la chaire de clinique
médicale vacante par le ilécès de M. Fabre. C’est là une
lourde succession, mais les brillantes qualités de notre col
lègue lui promettent le succès dans sa nouvelle chaire.
M. le professeur Nicolas-Duranty a pris possession de la
chaire de pathologie médicale, branche de renseignem ent
qu’ il avait déjà professée, avec succès, en qualité de profes
seur suppléant.
M. le professeur Lagel, temporairement appelé à professer
la thérapeutique pendant le dernier semestre, passe, sur sa
demande, à la chaire d ’anatomie pathologique. C’est là un
théâtre sur lequel il utilisera ses connaissances profondes en
histologie normale et pathologique.
M. Livon, notre distingué professeur suppléant d’anato
mie et de physiologie, dont les travaux sont déjà connus du
monde savant, a remplacé M. Roberty dans la chaire de
physiologie.
La bienveillance du conseil municipal à l’égard de l’ Ecole
lui avait fait conserver, lors de la mort de M. V illeneuve, la
seconde chaire d’accouchements qui fut transformée, par
arrêté de M. le ministre, en chaire d’ histologie, laquelle
jusqu’à cette année n’avait pas de titulaire. Ce vide a été
comblé par la nomination de M. Jourdan au titre de chargé
de cours.
L ’ Ecole a accueilli cette nomination avec une grande satis
faction. Le nouveau titulaire est un de nos anciens élèves
— 99 —
qui sous des dehors modestes cache une grande valeur, ce
qui l’a déjà fait nommer chargé de cours à la Faculté des
Sciences. M. Jourdan est laborieux, dévou é,et son enseigne
ment sera très utile à nos élèves.
Deux concours pour deux places de professeurs suppléants
devront avoir lieu devant la Faculté de Médecine de Mont
pellier. D ’abord fixés aux mois de novem bre et décembre,
ces concours ont été renvoyés de trois mois par suite de l'é
pidémie de choléra qui vient de ravager notre ville. Pendant
ce temps de calamité, nos jeunes docteurs qui alimentent ces
luttes scientifiques ont dû plus particulièrem ent se vouer aux
soins des malades et abandonner leur travail de cabinet.
M. le m inistre, sur la demande de l’Ecole et l ’avis favorable
de M. le Recteur, a renvoyé le concours de m édecine au mois
de février et celui d’anatomie et de physiologie au mois de
mars.
Les concours pour le clinicatqui ont eu lieu à l’ Ecole, ont
amené la nomination de MM. Bov-Teissier et Bidon en m éde
cine, de MM. Pluyette et Dor en chirurgie et de M. Benet en
obstétrique.
lin dernier concours d ’aide d’anatomie vient de se terraim iner, et le ju ry a proposé à M. le ministre la nomination
de M. Roux. Il est à regretter que dans une Ecole où les
moyens d ’étude de l’anatomie sont aussi complets, cette
place d ’aide d ’anatomie ne soit pas l’objet d’ une plus grande
compétition. Il y a peut-être à cela plusieurs causes qui récla
ment toute l’attention de la direction, mais l’une de celles à
laquelle il me paraît utile d ’obvier immédiatement est l’épo
que où ces concours ont lieu. Ouvert, au mois de juillet, les
candidats ont trois mois pour préparer des pièces anatomi
ques à l’ époque la plus chaude de l’année, où les cadavres,
après les 24 heures règlem entaires, sont dans un état com -
�plet de putréfaction. Dans de semblables conditions, non
seulement les épreuves deviennent plus difficiles, mais en
core, au milieu de ces émanations putrides, la santé des
candidats court des dangers. J ’aurai dans un avenir pro
chain à proposer une modification à ce sujet, qui, je l’ es
père, aura l’approbation de M. le Recteur,
Les cours, dans le courant de l’année scolaire, se sont faits
avec la plus grande exactitude et les professeurs se sont scru
puleusement attachés aux programmes qui vous ont été sou
mis. Je ne dois pas oublier de m entionner ici l’insuffisance
des sommes affectées dans le budget aux frais de cours. J’ai
dem andé une faible augmentation sur ce chapitre qui sera
certainement accordée p a rle Conseil municipal.
Les travaux pratiques ont été suivis très régulièrem ent et
cependant ils doivent, vu leur importance, fixer l’attention
de tous, car ils comportent encore des améliorations im por
tantes.
La physique manque encore d’une sal le spéciale pour l’exé
cution de ses travanx pratiques, mais il y a lieu d’espérer
que par une combinaison actuellem ent soumise à l’autorité
municipale, nous posséderons bientôt un local qui satisfaira
aux besoins des exercices pratiques de physique.
L ’anatomie,qui doit être chez nous une des études les plus
prospères, réclame une attention et une surveillance lout-àfait spéciales de la part du personnel attaché à celte branche
de l’enseignemenl, car, dans le courant de l’ h iver dernier,
les salles de dissection n’ont pas été fréquentées comme elles
auraient du l’être. J’ai apporté au matériel de ces travaux
pratiques des améliorations importantes. Les cadavres seront
désinfectés et leur état de conservation enlèvera ce qu’il
peut y avoir de répugnant et de dangereux dans la dissection.
Il permettra également de conserver plus longtemps les ca
davres et d’en faire une distribution plus régulière.
L ’assiduité des élèves, dans les salles de dissection, régle
mentée d ’ une manière sérieuse me permet d’espérer que les
travaux de l’am phithéâtre seront suivis dans l’avenir avec
une parfaite régularité.
Le stage hospitalier réclame également la plus grande at
tention et la plus grande sévérité de la part des professeurs
de clinique. Beaucoup d’élèves cherchent à s’y soustraire,
d’autres sont loin d'y apporter la régularité voulue. Il y a
lieu de réprim er tous ces écarts et pour ne pas hésiter dans
la répression il suffit d ’être convaincu que la visite journa
lière des malades, l'assistance aux visites des professeurs sont
les éléments les plus importants d’ un saine éducation mé
dicale.
Alors que les travaux de l’année scolaire paraissaient lou
cher à leur term e, et que les professeurs de l’ Ecole aspiraient
au repos des vacances, l’épidémie ch olérique est venue fon
dre sur notre ville. Dans ces douloureuses circonstances
l’ Ecole s’est élevée a la hauteur des devoirs que lui imposait
celle calamité publique.
Les professeurs ont renoncé aux loisirs que leur promeltuit, chaque année, la période des vacances. Ceux qui ap
partiennent aux services hospitaliers ont conservé leur ser
vice et facilité ainsi la tâche de l’administration des hôpitaux.
L ’ un d ’eux, alors que le service des cholériques a été dédou
blé, a eu l’ honneur de prodiguer ses soins aux victimes du
fléau dans les salles de l’ hôpital spécialdu Pharo.
M. le Préfet avant voulu, dès le début de l’épidémie, réu
nir au près de lui un certain nombre de médecins sur lesquels
il put s’appuyer pour l’aider à subvenir à toutes les indica
tions qui pourraient naître de la marche de l’épidémie, créa
une commission de vigilance dont ont fait partie, presque
exclusivem ent, des professeurs de l’Ecole.
�— 103 —
M.le Maire établit également deux commissions sanitaires,
l’une permanente, l'autre consultative. Dans la prem ière
dont les travaux journaliers ont duré autant que l’épidém ie,
nous voyons siéger deux professeurs de l’ Ecole et parmi eux
celui de nos collègues qui est médecin des épidémies dans le
département.
La seconde commission, dont les travaux furent moins
importants et moins réguliers, comprenait égalem ent plu
sieurs professeurs de l’ Ecole.
Plusieurs de nos jeunes collègues se firent inscrire dans les
bureaux de secours où ils furent suivis par ceux de nos élè
ves qui étaient demeurés à M arseille pendant les vacances.
En donnant ainsi aide et assistance aux autorités et aux
malades de notre ville, l’ Ecole n'avait pas encore rempli sa
lâche, car si elle est un foyer de dévouement, elle est encore,
à plus juste titre, un foyer de science et de travail.
Deux de nos collègues, par des travaux incessants, ont
plus particulièrement cherché à élucider les problèmes si
nombreux et si complexes que le choléra asiatique présente
à la sagacité de l’intelligence humaine. Deux laboratoires
d’expérim entation furent établis l’ un au P h a ro, l’autre à
l’Ecole, sous la direction de MM. les professeurs Livon et
Rietsch. Leurs recherches et leurs expériences se continuent
encore et si nous en croyons les bruits qui sont arrivés jus
qu’à nous, elles n’auraient pas été stériles et m arqueraient
un progrès dans la science.
Les laboratoires et le matériel de l’ Ecole ont été mis à la
disposition de tous les savants qui de divers points de la
France et de l’étranger sont venus dans notre ville pour y
étudier le fléau .
Malgré le dévouement de tous, on a pu constater l’insuffi
sance du nombre des étudiants pour répondre aux besoins
de notre grande cité. Combien cette insullisance se fut fait
fait cruellem ent sentir si l’épidémie avait suivi la marche as
cendante qu’elle avait paru prendre pendant quelques jours I
Ce n’est pas là la faute des hommes, mais bien celle de la
subordination des institutions médicales que possède Mar
seille. S ’ il était besoin d’une expérience pour démontrer la
nécessité de créer dans la seconde ville de France des insti
tutions médicales d’ordre supérieur, l’épidém ie actuelle de
choléra se serait chargée de la faire. Ce n’est pas dans un
rapport comme celui que j ’ai l’ honneur de vous adresser que
je puis exposer les raisons qui éloiguent les étudiants de
notre Ecole. Qu’il me suffise de dire que si Marseille possé
dait une Faculté de Médecine les étudiants y afflueraient par
certaines, peut-être par m illiers, et que dans les temps d ’épi
démie non-seulement ils peupleraient les bureaux de secours
de notre ville, mais pourraient encore prodiguer leurs soins
aux cités voisines.
L ’infériorité de nos institutions médicales ne se fait pas
seulement sentir dans des temps exceptionnels comme ceux
que nous venons de traverser ; mais dans les temps ordinai
res eux-mêmes, on s’aperçoit que les élèves instruits nous
manquent parce qu’ ils sont appelés dans les Facultés par les
besoins de leur scolarité. Notre internat hospitalier se recrute
parmi des jeunes gens qui, pour la plupart, ne présentent pas
des garanties suffisantes parce qu’ils sont encore dans leurs
prem ières années d ’études. Aussi l’administration des hôpi
taux vient-elle d’offrir des avantages à ceux des élèves des
Facultés voisines qui viendront concourir pour l’ internat.
Je ne crains pas de dire que sou but sera difficilem ent
atteint. Les bons sujets, les sujets d’élite demeureront là où
ils ont l’espérance de voir leur travail les conduire aux po
sitions les plus élevées de notre profession ; or, Marseille üe
�In4 —
leur donnera ces espérances <|lie lorsqu'elle sera devenue le
siège d’un haut enseignement, qu’elle aura enfin obtenu sa
Faculté de Médecine.
Quelques travaux importants ont été publiés par les pro
fesseurs de l’ Ecole. J’en ferai l’énumération à la fin du pré
sent rapport.
L’épidémie cholérique est devenue le principal objectif de
notre littérature médicale. L ’ Ecole aura une large part dans
les publications diverses qui doivent faire I’ histoire de l’épi
démie, dans les diverses recherches qui intéressent à tant de
titres non seulement le monde savant mais les populations
entières.
Le local de l’ Ecole est devenu insuffisant, et si nous n’a
vions l’espérance de voir bientôt nos vœux se réaliser, nous
aurions à demander à la municipalité un agrandissement
devenu indispensable.
Dès aujourd’ hui nous avons du rech erch er les locaux qui
nous permettraient de donner asile à la nouvelle chaire
d’histologie. De concert avec M. l’adjoint à l'instruction pu
blique, nous avons du prier M. le m aire de perm ettre à l’E
cole de prendre possession du local affecté au logement du
secrétaire de l’ Ecole, auquel on donnerait une indemnité de
logement.
Celte partie du batiment de l’ Ecole, convenablem ent ins
tallée, nous permettrait de donner d ’abord un cabinet à
MM. les professeurs d’ histologie, d ’anatomie pathologique et
de matière médicale, puis un local qui serait affecté aux tra
vaux pratiques de physique ; enfin, une dernière partie serait
accordée à M. le professeur de physiologie pour y loger les
animaux en expérience.
L’insuffisance des locaux coïncide avec l’amélioration du
matériel dans des proportions satisfaisantes qui nous font
— J05 —
désirer encore plus d’avoir des salles de travail en rapport
avec nos besoins.
L’anatomie a fixé plus particulièrement mon attention.
Cette science, base de tout l’édifice médical, possède à notre
Ecole des moyens d ’étude tellement abondants qu’il y avait
un intérêt majeur à faciliter aux élèves l’accès des salles de
dissection et à vaincre les difficultés qui les arrêtent dès le
début de leur scolarité.
Dans ce but j ’ai apporté quelques améliorations aux salles
de dissection, et amené quelques modifications importantes
que je crois devoir signaler.
L ’osléologie constituera, dans l’ avenir, un cours spécial
professé par M. le prosecleur ; et, à l’issue du cours, les élèves
auront à leur disposition tous les os dont ils auront besoin
pour leur étude. Pour cela j ’ai fait préparer plusieurs sque
lettes et ai acheté les pièces trop fragiles pour êtres livrées
aux élèves. Ces pièces placées sous globe pourront être étu
diées dans la salle de la bibliothèque.
Afin de rendre le séjour de la salle de dissection moins
désagréable, de perm ettre aux étudiants de conserver plas
longtemps leurs préparations et de régalariser la distribution
des cadavres, j ’ai fait préparer le matériel pour leur désin
fection. Une cuve a été construite pour faire prendre un bain
arséniqué aux cadavres autopsiés ; les autres seront soumis à
une injection conservatrice.
L’ histologie a été déjà dotée d’ un matériel suffisant pour
que le cours du professeur puisse être fructueux, mais l’ou
tillage ne sera com plet que lorsque la somme de 5000 fr.
portée au budget de 1885 aura été votée par le conseil mu
nicipal.
Les divers autres cours ont eu également leur part dans les
améliorations m atérielles, notamment les branches de l’en-
�seignement qui ont dû réclam er les instruments nécessaires
aux recherches relatives à l’épidémie du choléra.
Notre minuscule jardin botanique si utile à nos élèves
m algré son insuffisance, contenait un bassin sans écoulement
qui devenait par les chaleurs de l’été un véritable cloaque.
Il a suffi d’appeler sur ce point l’attention de l’édililé pour
qu’une amélioration importante y ait été apportée. Le bassin
est actuellement relevé, l’écoulement en est facile et il con
tient une certaine quantité d’eau qui, bien qu'insuffisante à
l’arrosage, est cependant utile à l’époque du chômage du
canal.
L ’ Ecole porte un intérêt tout particulier à sa bibliothèque
et ne recule devant aucun sacrifice pour l’enrichir. En de
hors de l’allocation budgétaire, elle lui consacre la plus
grande partie des arrérages du legs Cauvière.
Dans le courant de l’année qui vient de s’ écouler, des dons
importants lui ont été faits. D ’une part, M. le professeur Roberly lui a donné sa bibliothèque médicale, et, d’autre part,
Mme veuve Fabre, en nous léguant la bibliothèque de son
mari, a voulu nous laisser un souvenir de notre regretté col
lègue.
Ces diverses acquisitions occupent non seulement le local
ordinaire de la bibliothèque, mais encore l’annexe qui a été
établie dans la salle du conseil, et cependant m algré nos
acquisitions les vides qui existent dans nos collections sont
considérables; aussi ai-je dû exposera M. le m aire combien
il serait important que la ville, en nous laissant la libre
disposition des rétributions versées par les élèves «à titre de
droit de bibliothèque, voulût bien nous conserver l’alloca
tion qui est ordinairement inscrite au budget.
Passant actuellement aux actes de l’année scolaire 18831884, nous comptons que 536 inscriptions ont été prises et
Doctoral................
143
Officiât de santé.......
148
Pharmaciens de 1reclasse....
29
Pharmaciens de 2e classe.. . .
216
Si nous comparons l’année qui vient de s'écouler à celle
qui la précède, nous constatons que nous avons donné, en
1883-1884, 13 inscriptions en moins.
Les élèves, dans ces deux années, sont groupés de la ma
nière suivante :
1883-84 1882-83
Doctorat.....................
143
91
en plus
52
Officiât de santé...........
148
188
en moins
40
Pharmaciens de 1re classe.
29
30
en moins
1
Pharmaciens de 2 me classe.
216
240
en moins
24
Les étudiants se destinant au doctorat ont progressé d ’ une
manière importante, car l’année courante compte 52 inscrip
tions de plus que l’année précédente. Nous avons, ensuite, à
constater un déficit pour les étudiants des autres catégories.
Les examens de fin d’année ont donné les résultats sui
vants :
A la session de ju illet, 71 étudiants se sont fait inscrire :
24 pour la médecine, 47 pour la pharmacie. 56 ont sub*
leurs examens et sur ce nombre 46 ont été admis et 10 ajour
nés à la session de novem bre.
Les notes obtenues ont été :
4 fois.
Très-bien
�— 108 —
— J 09 —
r ~ )
10 fois.
Bien
8 »
Assez-bien
4 »
Passable
20 »
Médiocre
La session de novem bre a donné les résultats suivants :
27 élèves se sont fait inscrire : 9 pour la m édecine, 18 pour
la pharmacie. 2 ne se sont pas présentés. 25 ont subi leurs
examens et sur ce nombre 15 ont été admis, 10 ont été
ajournés.
Les notes obtenues ont été :
Très-bien
I fois.
Assez-bien
2 »
Passable
1 »
Médiocre
11 »
Les examens de fin d’étude ont eu lieu aux diverses épo
ques fixées par le règlem ent.
Le ju ry du prem ier examen de doctorat a été composé de
M. le professeur Moitessier, président, ayant pour assesseurs
M. le professeur Planchon et M. l’agrégé V ille.
7
candidats s’ étaient fait inscrire, 6 ont été admis ; 1 seul
a été ajourné.
Les élèves admis ont eu pour note d’examen :
1 bien,
4 assez-bien,
2 médiocre.
Les examens pour l’olBciat de santé se sont passés dans les
mois d’avril et de novem bre.
La première session a été présidée par M. le professeur
Castan, de la faculté de M ontpellier. Les examens ont eu lieu
les 24, 25 et 26 avril.
4 candidats se sont présentés au prem ier examen : 3 ont
été admis, 1 ajourné.
!
5 candidats ont subi le deuxième examen et ont tous été
admis.
8
enfin se sont présentés au troisième examen, sur lesquels
5 seulement ont été jugés dignes du diplôme.
Les notes qui ont été accordées aux différents examens,
sont :
Très-bien......
1 fois
Assez-bien. . . .
6»
M éd iocre....... 6 »
Pour la seconde session, le ju ry, présidé par M. le pro
fesseur Grasset, s’est réuni les 28, 29 et 30 octobre.
11 candidats se sont présentés au l* r examen, 10 ont été
admis.
8 ont subi le 2mp examen el ont (ous été admis.
12 ont passé le 3 mc examen sur lesquels 11 ont obtenu le
diplôme d’officier de santé.
La mention très-bien a été accordée 1 fois.
»
»
bien
8 »
»
assez-bien »
12 »
»
»
médiocre
8 »
D’après le témoignage de M. le président celte série de
candidats a été exceptionnellem ent bonne.
Conformément à la circulaire de M. le ministre, nous
avons eu à faire subir aux aspirantes au diplôme de sagefemme de 2m* classe el préalablement à leur examen profes
sionnel, une épreuve constatant qu’elles savent lire, écrire et
orthographier.
S ’il existait quelqu’un qui put douter de l’importance de
l ’obligation de l’instruction primaire, il eût suffi pour le con
vaincre de celte nécessité, de lui soumettre les compositions
écrites de la plupart de ces aspirantes. Dans la prem ière
session, il a fallu la bienveillance extrêm e du jury pour que
�sur 8 aspirantes inscrites, 4 puissent être admises à cet
examen et plus tard à l’examen professionnel dans lequel
elles se sont montrées beaucoup plus instruites, car elles ont
toutes été admises.
Dans la seconde session, l’examen préparatoire a eu un
m eilleur résultat, car sur 6 aspirantes 5 ont été admises.
Ces dernières ont été ensuite jugées dignes du diplôme de
sage-femme.
Les examens des pharmaciens de 2* classe ont été pré
sidés, dans les deux sessions, par M. Jeanjean, professeur de
l'Ecole de Pharm acie de Montpellier.
La prem ière session a eu lieu du 2 au 10 mai.
4 candidats ont subi le I er examen, tous ont été admis.
12
»
se sont présentés au 2e, 11
»
17
»
enfin se sont présentés au 3e, dans lequel 14
ont été définitivement admis.
Les notes accordées dans ces diverses épreuves ont été :
Assez-bien. . . . 9 fors.
Passable.......
6 »
M éd iocre...... 18 »
La seconde session a eu lieu du 21 au 30 octobre. Les
résultats ont été:
Pour le
1erexamen, 15 candidats, 13admis.
»
2e
»
14
»
14
»
» 3*
»
17
»
14 »
Les notes ont été meilleures que dans la prem ière session.
La mention très-bien a été accordée 1 fois.
»
bien
»
13 »
»
assez-bien
»
8 »
»
passable
»
8 »
»
médiocre
»
11 »
Le jury d ’examen pour la validation de stage était composé
de MM. Jeanjean, président, Caillol de Poney, professeur et
pharmacien de 1r# classe, et de M. Ripert, pharmacien de
1rc classe.
Cet examen a donné les résultats suivants :
Dans la prem ière session, I l candidats se sont présentés,
parmi lesquels un seul a été ajourné.
Les notes obtenues ont été ;
B ien ......
2 fois.
Assez-bien.
3 »
2 »
P a ssa b le..
M éd io cre..
3 »
Dans la 2* session, 19 aspirants s’ élaient fait inscrire :
4 en vue du diplôme de 1 " classe, 15 pour la 2* classe.
3 ajournements ont été prononcés et 6 candidats admis avec
les notes suivantes :
B ien ......
2 fois.
Assez-bien. . . . 2 »
Passable . . . . . 3 »
Médiocre .. . .. 9 »
Trois herboristes (trois femmes) ont subi avec succès
l’examen d ’ herboristes de 2e classe : une à la session de mai,
les deux autres à la session d’octobre.
Nos séries d’examen se sont terminées le 23 octobre par
les épreuves exigées par l’arrêté ministériel du l ”r août 1879,
des aspirants et aspirantes au litre d’ herboriste et de sagefemme de 1r* classe.
9
aspirantes étaient inscrites sur lesquelles 4 ont mérité le
certificat : 2 avec la note bien ; I avec la note assez-bien et
la dernière avec la mention passable.
Je term ine, M. le Recteur, celle longue énumération des
actes accomplis à l’ Ecole en proclamant le nom des lauréats
des derniers concours. Messieurs les étudiants en pharmacie
�— 113 —
Liste des travaux publiés par le personnel de l'Ecole
pendant l'année scolaire 1883-1884.
professeur de pathologie externe. — Commu
nications à l’Académie de médecine relatives à l’epidémie
cholérique. — Enquête sur le développement de cette épi
démie dans le canton de Solliès-Pont (Var).
M. V i l l a r d , professeur de clinique médicale :
1° Péritonite et péritonisme. Leçons faites à l’ Ecole de
Médecine (Marseille m édical).
2° Du pouls. Considérations cliniques ( Marseille mé
dical).
M. C ail lo l de P oncy , professeur de physique :
1° Appareil enregistreur des dégagements gazeux.
2° Action chimique des rayons solaires. Réunion des so
ciétés savantes, avril 1884. Comptes-rendus de l’Institut.
M. H e c k e l , professeur de m atière m édicale: Recherches
sur l’écorce dite bois piquant de la Guyane ( zantftoxilum
perrotelii DC) employé comme fébrifuge ( comptes-rendus de
l’ Institut, avril 1884).
Nouvelles recherches sur le kolas au point de vue botani
que, chimique et thérapeutique (Paris, Flammarion, 1884).
M. N i c o l a s - D ur a n t y , professeur de pathologie interne :
Note sur les pigments de l’urine. Note sur les injections intra
veineuses dans le traitement du choléra.
M. L ivo n , professeur de p h ysiologie: Recherches sur le
choléra. Expériences faites au laboratoire de physiologie p L
contenues dans le rapport de la commission de la Société
nationale de Médecine.
M. J o u r d a n , chargé du cours d ’ histologie :
1° Sur la structure des otocystes de l’arenicola Grubii.
M. P i r o n d i ,
8
�Com ptes-rendus de l’Académie des Sciences (2 4 mars
1884).
2° Le cerveau de l’ Eunicce Harassii et ses rapports avec
l ’hypoderm e. Comptes-rend us de l’Académie des Sciences
(19 mai 1884).
M. Q u e i r e l , professeur suppléant : Travaux sur le choléra
présentés à l’ Académie de Médecine.
M. R i e t s c h , professeur suppléant : Structure histologique
de la trompe de la Bonellie. Communication à la Société
Philom atique de Paris.
M. F a l l o t , professeur suppléant :
1° Analyse du travail intitulé : Du rôle de la congestion
du foie dans les moladies chroniques, par le docteur Poucel
(Marseille médical).
2° Note sur l’autopsie d ’ un Polynésien (Marseille mé
dical).
RAPPORT
Sur les Concours de la Faculté de Droit
Par M. Alfred JOURDAN, Doyen.
M o n s ie u r le R e c t e u r ,
Me s s ie u r s ,
Le choléra a exercé une fâcheuse influence sur nos con
cours de fin d’année. Bon nombre d'étudiants ont demandé
à subir leurs examens dès les premiers jours du mois de ju il
let ; d ’autres les ont renvoyés au mois de novem bre. Ils
avaient hâte de quitter la ville d’Aix qu’ils croyaient mena
cée par l'épidém ie. Je dois dire que quelques-uns ont tenu
bon et ont attendu l’ouverture de la session ordinaire, c’ està-dire le 15 juillet. Dans ces conjonctures il parut convena
ble de rem ettre à la rentrée les concours qui devaient avoir
lieu vers le 10 juillet. Les compositions furent fixées aux 5
et 7 novembre. Je vous en présente ici sommairement le
résultat, qui n’est pas de tout point satisfaisant. Quatre mois
de vacances et les préoccupations du choléra n’ont pas été
une bonne préparation pour cette épreuve.
En troisième année, le concours a été nul. La Faculté a
décidé qu’il n’y avait aucune distinction à accorder, ni prix,
ni mention.
�En prem ière année, il en est un peu autrement. Un se
cond prix est décerné à M. Hanrigou pour son travail sur
la Condition des personnes et Vêlât du, sol pendant les pério
des mérovingienne et carlovingienne. Une belle question : les
origines du régime féodal, de ce rude essai de reconstitution
qui embrassa tous les rapports de la vie sociale I M. Hanrigou
a fait preuve de savoir ; mais il n’a pas toujours suffisam
ment distingué entre les deux époques : l’époque m érovin
gienne ou barbare, époque de trouble et de confusion, où
tons les liens de la société semblent rompus, et l’époque car
lovingienne durant laquelle commencent à se dessiner net
tement les traits distinctifs du régim e féodal.
En seconde année les meilleurs élèves ont pris part au
double concours — Endroit romain, ils avaient à traiter du
Damnum injuria dalum, autrement dit de la loi Aquilia qui
avait en quelque sorte organisé l’action en dommages-inté
rêts. C’est un intéressant exem ple de la m anière dont le
droit civil romain s’est développé par l’action combinée de
ses trois organes essentiels : le législateur, les jurisconsultes
et le préteur. — En procédure, ils avaient à traiter des Ju
gements par défaut et des Oppositions. Je ne me livrerai pas
à une analyse des mérites particuliers des différentes compo
sitions, ce qui m’entraînerait dans des détails par trop tech
niques ; je me bornerai à vous dire qu’en descendant des
premiers prix aux seconds prix et aux mentions nous allons
du très bien au bien. J ’ajoute que les quatre élèves qui se les
sont partagés et dont je vais proclamer les noms ont tons
passé leurs examens avec totalité de boules blanches et
éloge.
Droit romain. 1er prix : M. Michel Kebedgy ; 2e p r ix :
M. Nissim Samama; 1r“ mention : M. Aube; 2* mention :
M. Dorlhac de Borne.
Procédure civile. I ‘r prix : M. Michel Kebedgy. En se
conde ligne, avec un m érite égal, viennent MM. Aube et
Dorlhac de Borne. Que devait être cette égalité, cet exæquo?
La Faculté aurait voulu que ce fût un second prix. Mais
M. le Ministre lui a rappelé que, aux termes des règlements
on ne peut pas décerner des prix ex œquo. Ce ne sera donc
officiellement qu’ une l rc mention, une mention très honora
ble, que nous estimons in petto valoir un prix, et nous comp
tons dem ander à M. le Ministre de vouloir bien accorder
gracieusement à MM. Aube et Dorlhac pour leur mention
tous les avantages qui sont attachés à un prix.
Vous rem arquerez que, sur nos quatre lauréats de 2e an
née, deux sont de nationalité étrangère : M. Samama et
M. Kebedgy. Ce dernier, qui a eu la part du lion, mérite une
mention spéciale : il est certainement un des élèves les plus
distingués qu’ait vus la Faculté d’ Aix.
Ainsi, tout compte fait, nous n’avons eu de concours sé
rieux qu’en 2 r année où la qualité des concurrents a sup
pléé à la quantité. D’ailleurs : peu de chose en 1” année,
absolument rien en 3e année. J’ajoute qu’aucun mémoire n’a
été déposé pour le concours de doctorat, bien que la ques
tion proposée fût des plus intéressantes. D'après un usage
constant, l’ honneur de vous rendre compte de ces concours
annuels revient à un de nos agrégés. C ’était aujourd’ hui le
lou rd e M. Jay. Mais la Faculté, allan t,je le crois bien, au
devant d’un désir, non formellement exprimé, la Faculté a
pensé que M. Jay, le brillant candidat du récent concours
d’agrégation, dans lequel il a obtenu le premier rang, méri
tait mieux que l’ honneur, médiocrement enviable cette fois,
de rem plir la lâche dont je viens de m’acquitter tant bien
que mal. Nous vous le réservons donc pour la prochaine
rentrée solennelle, et nous espérons que nos élèves des trois
�années et les aspirants au doctorat auront à cœur de lui four
nir la matière d’ un rapport plus digne de lui et plus honora
ble pour eux.
RAPPORT
Sur les concours de prix de fin d'année 1883-488i ,
A l’École de plein exercice de Médecine et de Pharmacie
de Marseille,
Par le professeur Gustave BOUISSON.
M o n s i e u r le R e c t e u r ,
Mesdames,
Messieu r s,
Les concours de fin d’année sont un critérium excellent de
l’élévation du niveau des études dans un établissement uni
versitaire. Celle précieuse institution est pour l’ Ecole de Mé
decine de Marseille un instrument habituel, et, pour ainsi dire,
une pierre de touche, dont elle aime à se servir pour éva
luer, chaque année, le m érite et la force de ses élèves, et
la solidité de l’enseignement de ses professeurs.
La scolarité que nous venons de parcourir semblait nous
promettre encore, celte fois-ci comme toujours, de brillants
tournois à 1 occasion des concours de lin d année, à eu ju^er,
du moins, par l ’assiduité constante et par l’émulation soute
nue des élèves. Dieu m erci, notre espoir n’a pas été déçu en
ce qui concerne notamment les étudiants en m édecine: nous
avons eu la satisfaction d’enrégistrer d’excellentes copies
sorties de la plume des m eilleurs d ’entre eux, et c’est à bon
droit que notre Ecole s’honore de posséder de pareils sujets.
�Nous devons encore rendre justice au zèle et à l’application
dont les élèves en pharmacie ont fait prevue dans le cours de
l’année ; mais il est aussi de notre devoir d’avouer que leur
courage a molli à la dernière heure, et de reconnaître que
leur défection serait impardonnable sans les circonstances
calamiteuses qui leur servent d’excuse, et qui sont venues
tout à coup refroidir leur ardeur à se disputer des couronnes
naguère si enviées.
Quoi qu’ il en soit des motifs qui ont poussé ces jeunes
gens à se désintéresser de la lutte, nous sommes heureux de
trouver une sorte de compensation dans les épreuves subies
par les étudiants en médecine, et le rapporteur peut se féli
citer de la flatteuse mission qui lui a été confiée, de signaler,
en celte solennelle assemblée, le m érite des compositions, et
de proclamer les noms des lauréats.
Concours pour les prix de fin d'annee.
I re A N N É E .
Elèves en médecine. Doctoral.
Quatre élèves ont pris part à ce concours; ils ont eu à
traiter trois questions :
1° Question de physique. — Du spectroscope et de ses
applications ;
2° Question de chimie. — Des sels de m ercure ;
3° Question d’ histoire naturelle. — Caractères des Trématodes ; Evolution des Douves.
M. Chapplain a fait une composition de physique excel
lente à tous les points de vue. Il n’y a rien à ajouter, rien à
retrancher.
Sa compostion de chimie est également bonne. On ne peut
lui reprocher qu’ une omission, une erreur et quelques lacu
nes.
Le candidat, rapprochant le mercure du cuivre, qui fait
partie du même groupe parmi les métaux diatomiques, fait
rem arquer qu’ils fournissent deux sortes de combinaisons :
les unes avec l’atome llg , diatomique, les autres avec un
atome double Iîg*, fonctionnant également comme diatomi
que ; il donne l’explication théorique de ce fait. Il fait ensuite
l’élude de chacun des composés du mercure : sels mercureux, sels mercuriques, et s’étend plus spécialement sur les
chlorures raercureux et mercuriques, qui sont des corps si
importants à connaître pour le m édecin. Il termine sa com
position par les caractères chimiques des deux sortes de
composés. C’est là que se trouvent une erreur d’analogie et
deux omissions importantes. Il n’est rien dit de l’action de la
potasse sur les sels m ercuriques; rien encore de l’action de
l’ammoniaque sur ces mêmes sels, qui donne naissance au
précipité blanc des Allemands, chloram idure m ercurique,
employé en médecine surtout en Allem agne.
La composition d’ histoire naturelle de M. Chapplain se
recommande par la clarté, la précision, la méthode et les
exquises qualités de la forme. On ne peut rien lui demander
de plus au point de vue de la médecine parasitaire.
En somme, M. Chapplain a distancé de beaucoup ses con
currents, et m érite à tous égards une place d’ honneur parmi
eux.
M. Stéfani n’a pas donné de copie de physique, peut-être
parce que la rédaction des deux autres compositions ne lui
en a pas laissé le temps. Ces deux compositions sont rem ar
quablement bien faites, et celle d’ histoire naturelle est à la
hauteur de celle du précédent candidat.
La composition de chimie est bonne. >1. Stéfani divise,
8.
�quoiqu’un peu brièvement, les sel> de m ercure eu selsm ercureux et sels mercuriques, et commence d’em blée l’élude
de ces différents sels par celle du chlorure mercureux (calo
mel), sur lequel il s’étend complaisamment. L ’équation qui
rend compte de la préparation de ce corps renferm e une
erreur contre les règles de l'atom icité. Lorsqu'il traite les
caractères des sels mercureux, il oublie ceux que déterm i
nent l’ hydrogène sulfuré, le sulfhvdrale d’ammoniaque et
l'iodure de potassium.
Les sels mercuriques sont étudiés d’ une manière assez
complète, comme par le candidat précédent. L ’action de
l’ammoniaque sur les sels mercuriques est oubliée.
Enfin dans sa question d’ histoire naturelle, M. Stéfani
brille par l’érudition, par l’exactitude de la description ana
tomique, par l’exposition irréprochable de l’évolution des
Douves et leslcaraclères des principales espèces connues.
Quanta M. Augias, sa copie de physique est parfaite aux
points de vue littéraire, historique et astronomique, mais
laisse tout à désirer au point de vue physique, le seul que l’on
réclamait.
En chimie, il s’attarde à étudier le m ercure qui ne lui est
pas demandé, et traite néanmoins d’ une manière convenable
la composition et la formation des divers sels de m ercure. Il
commet deux erreurs regrettables à propos des sels m ercu
reux et mercuriques.
L’ Ecole a décerné : un 1er prix à M. Chapplain et une
mention houorable ex æquo à MM. Stéfani et Augias.
C oncours de 1 re a n n é e .
Elèves pour ï Official de santé.
Quatre élèves ont pris part à ce concours ; ils ont eu à
traiter aussi trois questions :
— 123 —
1° Question de physique. — Du baromètre et de ses ap
plications.
2° Question de chim ie. — Du potassium et de la potasse.
3° Question d’ histoire naturelle. — De la colonne verté
brale chez l’ homme et chez les animaux vertébrés.
Deux des élèves se sont distingués par la bonté de leur
travail, et ont été jugés dignes de récompenses : ce sont
MM. Jassoud et Gilchrist.
En physique, M. Jassoud a été complet; sa copie est bonne
à tous les points de vue.
En chim ie, sa composition est excellente, et ne laisse sur
prendre aucune faute grave.
En histoire naturelle, M. Jassoud a fort bien interprété la
m orphologie générale des vertébrés, et les particularités re
latives à leurs diverses classes. Son exposition est faite avec
beaucoup de clarté et de méthode. Les memes qualités se
rencontrent dans sa question d ’ostéologie humaine.
M. Gilchrist a fait une composition de physique un peu
écourtée. A part cela tout est exact.
Sa question de chimie est bonne ; peut-être manque-telle aussi un peu de développements.
En histoire naturelle, le candidat a donné les mêmes
preuves de savoir. Description générale, caractères spéciaux
des divers groupes, notions d’anatomie humaine, tout cela
est exact et complet. Mais la forme est peu soignée, sans
doute à cause de l’origine étrangère du candidat.
L ’ Ecole a décerné :
Un 4PT prix à M. Jassoud , et un 2e prix à M. Gilchrist.
�Concours de 2""
année.
Elèves de Doctorat.
l Tn seul élève s’est présenté;! ce concours, M. Pagliano.
Les questions proposées étaient :
1° Question d’anatomie. — Disposition générale des vais
seaux lym phatiques;
2° Question de physiologie. — De la lymphe ;
3° Question de pathologie externe. — De l’angioleucile.
La copie remise par cet élève était exacte comme détails.
Kl le était rédigée avec ordre et méthode, et si le ju ry n’a
proposé qu’un second prix, ce n’est pas pour dim inuer le
mérite de celte composition, mais uniquement parce qu’il a
pensé que l’isolement de ce candidat ôtait au concours une
partie de sa valeur. Il a dû se demander à quelles circons
tances on pouvait attribuer le peu de propension manifestée
par les élèves pour des épreuves universitaires qui, dans sa
pensée, ont un rôle important pour la prospérité de l’ Ecole.
Il regrette de signaler l’ influence fâcheuse que les nouveaux
règlements adoptés pour les épreuves probatoires exercent
sur l'esprit des élèves.
En effet il est constant que depuis la mise en vigueur des
nouveaux règlements, le relâchement, au point de vue de
l ’assiduité au concours, est allé en s’accentuant d ép lu s en
plus. Le jury est trop attaché à ses devoirs et à la prospérité
de l’ Ecole pour ne pas m entionner ce point intéressant, dont
l’administration fera, nous osons l'espérer, l’ usage le plus
utile pour le succès des études.
L ’ Ecole a décerné un second prix à M. Pagliano.
Les candidats de l’ordre des otliciers de santé ont été plus
nom breux: ils se sont présentés au nombre de trois. Mais la
faiblesse relative de leurs épreuves n’a permis au jury que
de proposer une mention honorable pour M. Tasso.
Les questions à traiter étaient:
1° Question d’anatomie. — Du pancréas;
2° Question de physiologie. — Du suc pancréatique;
3° Question de pathologie externe. — Des fractures de
l’extrém ité inférieure du radius.
La faiblesse de ce concours s’explique naturellement par
l ’insuffisance des études premières qui ont précédé l’arrivée
de ces jeunes gens à l’ Ecole de Médecine.
Concours de 3e an n é e .
Elèves en 1ledecine, Officiât de santé.
Un seul élève, après les examens de 3* année, est resté
au concours pour le prix.
M. Marquis, aussi intelligent que studieux, et bien apprécié
de tous les professeui-s par son zèle et son assiduité aux
cours, a eu à traiter :
1° De l’éclamptie puerpérale;
2° De la pleurésie sèche.
La prem ière question a été traitée d'une manière assez
complète. Nous relèverons cependant quelques erreurs ou
omissions plus ou moins importantes. Parmi ces erreurs.
�— 127 —
nous en signalerons une: le danger pour la m ère seulement
après un nombre trop considérable d’accès convulsifs.
La seconde question a été peut-être moins bien comprise.
M. Marquis a quelque peu confondu la pleurésie sèche avec
la pleurésie concomitante de la tuberculose. Il faut ajouter
aussi que le temps lui a sans doute manqué pour donner à
celte question la même extension qu’à la prem ière.
Quoiqu’il en soit, ni dans l’une ni dans l’autre, le can
didat n’a été au-dessous de sa tâche, et en lui accordant un
second prix, l’Ecole a couronné un élève qui en était digne,
puisque aux trois examens de l’ofliciat subis trois mois après
le concours, il a trois fois obtenu la note bien, qui est une
des meilleures que l’on puisse ambitionner.
L’ Ecole a donc décerné un second prix à M. Marquis.
Comme nous l’avons déjà dit, les élèves de doctorat de
3e année n’ont pas pris part au concours. Mais l’abstention
de cesjeunes gens trouve sa justification toute naturelle dans
ce fait que la mise en vigueur des nouveaux règlements
universitaires les appelle, à celte époque, dans les facultés,
pour y subir leurs examens probatoires.
En résumé, voici les résultats de nos concours pour les
prix de fin d’année :
/° Elèves de Doctorat en Médecine de /re année.
1er Prix : M. Chapplain.
Mention honorable exœquo : MM. Stéfani et Augias.
T Elèves pour l’OjJiciat de santé de I" année.
1Pr Prix : M. Jassoud.
2e P rix : M. Gilclirist.
3° Elèves de Doctorat de 2* année.
2e Prix : M. Pagliano.
4° Elèves pour /' Officiât de T année.
Mention honorable : M. Tasso.
Elèves d'Official de 3e année.
2e Prix : M. Marquis.
���
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1885-1886.pdf
aa144e7c6f2d71393553c67ca8e9b228
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Text
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
StSSEr
DES FACULTÉS
DE D R O IT , D E S S C IE N C E S E T D E S L E T T R E S
e t de l 'é c o l e de p l e in ex ercic e
DE M É D E C I N E ET DE P H A R M A C I E
1885-1886
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Droit
et des Lettres d’Aix, de la Faculté des Sciences et de
l’École de plein exercice de M édecine et de Pharm acie
de M arseille, a eu lieu à M arseille le m ardi 3 novem
bre 1885, à deux heures, dans le grand am phithéâtre de
la Faculté des Sciences, sous la présidence de M. Belin,
R ecteur de l’Académ ie.
Les places réservées étaient occupées par M. N aquet,
procureur général prés la Cour d’appel d’Aix ; M. Allard,
m aire de M arseille ; MM. les Adjoints au m aire de Mar
seille ; M. Le Roux, secrétaire général de la préfecture
des B ouches-du-R hône, représentant M. le Préfet absent ;
��SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
StSSEr
DES FACULTÉS
DE D R O IT , D E S S C IE N C E S E T D E S L E T T R E S
e t de l 'é c o l e de p l e in ex ercic e
DE M É D E C I N E ET DE P H A R M A C I E
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Droit
et des Lettres d’Aix, de la Faculté des Sciences et de
l’École de plein exercice de M édecine et de Pharm acie
de M arseille, a eu lieu à M arseille le m ardi 3 novem
bre 1885, à deux heures, dans le grand am phithéâtre de
la Faculté des Sciences, sous la présidence de M. Belin,
R ecteur de l’Académ ie.
Les places réservées étaient occupées par M. N aquet,
procureur général prés la Cour d’appel d’Aix ; M. Allard,
m aire de M arseille ; MM. les Adjoints au m aire de Mar
seille ; M. Le Roux, secrétaire général de la préfecture
des B ouches-du-R hône, représentant M. le Préfet absent ;
�- h
—
M. F abre, président du Tribunal civil de M arseille ;
M. Dorm and, procureur de la R épublique près le même
Tribunal ; M. Hugueny, ancien adjoint au m aire de Mar
seille; des conseillers de préfecture ; des conseillers
m unicipaux ; des officiers supérieurs de la garnison de
Marseille ; des fonctionnaires appartenant aux divers
services publics.
MM. les Inspecteurs ri’Académie, MM. les Doyens et
Professeurs des Facultés, et de l’École de M édecine et
de Pharm acie, tous en grand costum e, avaient pris place
sur l’estrade autour de M. le Recteur.
DE L’I N F L U E N C E
Sl'U LE DEOIT PRIVÉ DES PROGRÈS DES SCIENCES POSITIVES
ET DE LEURS APPLICATIONS
DISCOURS
Prononcé à la séance solennelle de rentrée des Facultés
PAR M. GAUTIER
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Un grand nom bre de dam es, d etudiants, de personnes
étrangères à l’enseignem ent, rem plissaient la salle.
Après une courte allocution de M. le Recteur, la
parole a été successivement donnée à M. G autier, pro
fesseur à la Faculté de Droit d’Aix, chargé du discours
de rentrée ; à M. Bouvier-Rangillon, agrégé, chargé de la
lecture du rapport sur les concours de la Faculté de
D roit; enfin à M. le professeur Livon, rapporteur pour
les concours de l’Ecole de Médecine et de Pharm acie.
La séance est levée k quatre heures, après la distri
bution des prix et médailles aux lauréats
Lorsque les années précédentes j’enleiulais mes savants
collègues de la Faculté des Sciences et de l’Ecole de Méde
cine exposer, dans de remarquables éludes que nous n ’avons
pas oubliées, les progrès accomplis dans leurs sciences res
pectives, je ne pouvais m’empêcher de faire un retour vers
la science du Droit et de me demander si le progrès des
sciences positives n’avait pas aussi dans celte branche des
connaissances humaines exercé quelque influence.
Qu’esl-ce, en effet, que la science du Droit, si ce n’est
l’ensemble des règles qui président aux rapports des hommes
entre eux? Mais nous savons depuis Montesquieu que ces
rapports varient avec le climat, avec l’agriculture, le com
merce, la religion, les mœurs d’un peuple, eu d’autres ter
mes avec l’étal économique et moral de la société que le
droit est appelé à régir. Si donc les progrès des sciences
�8
—
positives apportent quelque modification dans le milieu so
cial, rien d’étonnant à ce que le Droit suive ces variations et
se trouve placé sous l’empire des memes tendances qui exer
cent sur la société leur action progressive. Demandons-nous
donc en quel sens les progrès des sciences de la nature ont
agi sur les rapports sociaux, quels sont les besoins nouveaux
qu’ils ont introduits et auxquels il faut désormais satisfaire,
et nous verrons par là si nos lois sont suffisamment d’accord
avec ces modifications et nous pourrons signaler ce qui reste
à faire pour mettre notre Droit en harmonie avec l’état de la
société moderne.
Je ne veux d’ailleurs m’occuper dans cette étude que du
Droit privé. Le Droit public et administratif a trop reçu le
contre-coup de nos vicissitudes politiques et bien des change
ments qu’il a subis s’expliquent par des considérations qui ne
sont pas toujours très rationnelles, par des motifs souvent
tirés de l’intérêt ou du caprice de ceux qui les ont adoptés.
Voyons donc quel a été sur notre Droit privé l’influence
des progrès des sciences positives, et pour la connaître com
mençons d’abord par nous demander quelle a été sur la so
ciété elle-même l’action de ces mêmes progrès. L’historien
qui, dans l’avenir, recherchera par quels traits leXIXe siècle
se distingue de ceux qui l’ont précédé, ne manquera pas de
signaler les merveilleux résultats auxquels sont arrivées les
sciences de la nature, depuis qu’elles sont fondées sur la mé
thode d’observation et d’expérience. Sans doute à la fin du
siècle dernier une énergique impulsion fut imprimée à cet
ordre de recherches, mais les applications les plus rem arqua
bles des travaux scientifiques ne remontent guère au-delà
du siècle actuel. Quand on rédigea le Code Civil qui mit si
heureusement un terme aux variations infinies de nos cou
tumes, le législateur consacra d’une manière définitive les
résultats politiques de la révolution do 1789, il dégagea le
Droit des principes féodaux dont il était encore imprégné et
assura par la réserve le triomphe de l’égalité civile. Mais il
ne pouvait prévoir à ce moment la transformation économi
que qui devait être la conséquence des progrès des sciences
et de leurs applications. C’est ce que reconnaissait l’un des
hommes qui ont le plus honoré l’enseignement du Droit,
l’illustre Rossi, dans un mémoire lu à l’Académie des Sciences
Morales et Politiques: « INos Codes, par le cours naturel des
« choses, se sont trouvés placés entre deux faits immenses
« dont l’un les a précédés et dont l’autre les a suivis : la
« révolution sociale et la révolution économique. Ils ont
« réglé la première, ils n’ont pu régler la seconde. » Ce
n’est en effet qu’après les guerres du premier empire et sur
tout à partir de la monarchie de 1830 que commencèrent à
se faire sentir les effets des inventions nouvelles.
Au premier rang de ces découvertes qui devaient trans
former les conditions économiques du monde civilisé se pla
cent celles qui ont révolutionné les moyens de transport et
accru dans une proportion prodigieuse les facilités de com
munication entre toutes les parties du globe terrestre. De
puis l’invention de l’imprimerie il n’en est aucune sans doute
qui ait autant contribué aux progrès de l'humanité. Cin
quante ans à peine nous séparent du jour où, dans une Cham
bre française, le 9 juillet 1835, fut volée la loi de conces
sion du premier chemin de fer à voyageurs, celui de Paris à
Saint-Germain. Presque à la même époque le plus grand
poète du siècle célébrait ce triomphe de l’homme sur la na
ture en s'écriant :
O poètes 1 le fer et la vapeur ardente
Effacent de la terre, à l’heure où vous rêvez,
L’antique pesanteur à tout objet pendante
Qui sous les lourds essieux broyait les durs pavés.
�— io
Aujourd’hui la prophétie de Victor Hugo est réalisée.
L’homme a triomphé de la pesanteur et de la distance ;
la France, l’Europe, le monde entier sont sillonnés de
voies ferrées innombrables , les mers sont incessamment
parcourues par des légions de navires renfermant dans
leurs flancs d’immenses richesses, les obstacles meme que
la nature apportait à la rapidité des communications ont
disparu ou sont en voie de disparaître devant les progrès de
la science, le télégraphe et le téléphone ont supprimé les
distances, et toutes les parties du monde habité sont liées
entre elles par d’incessants et d’intimes rapports.
Combien sont et seront multiples les conséquences de
ces conditions sociales nouvelles, c’est ce que nul aujour
d’hui ne peut prévoir ; mais, si les effets éloignés nous
échappent, les plus directs se produisent en quelque sorte
sous nos yeux. Nous renfermant dans le domaine de la lé
gislation, nous allons montrer par quelques exemples l’in
fluence qu’exercent sur notre Droit privé l'effacement des
distances, la multiplicité des relations entre les peuples et
l’accroissement de la fortune mobilière, conséquence non
moins certaine, quoique moins directe peut-être, des pro
grès de la science et de l’industrie.
I. — La diminution et, en quelque sorte, l’effacement de
la distance par les chemins de fer, la navigation à vapeur,
le télégraphe, ont dû naturellement influer sur les disposi
tions de nos lois dans lesquelles des délais ont été calculés
d’après les distances. Ainsi l’article 1er du Code Civil éta
blissait pour la publication des lois des délais variant suivant
que chaque département était plus ou moins éloigné de la
capitale. Un décret de 1870 a substitué avec raison à ce sys
tème que la loi serait réputée publiée dans chaque arrondis
sement un jour après l’arrivée effective du Journal officiel
au chef-lieu de cet arrondissement.
- *
- 11 Dans le Code de Procédure civile, les délais des assigna
tion fixés en 1808 ont dû être l’objet de réductions qui les
ont mis en harmonie avec les facilités nouvelles données à la
circulation.
Mais c’est surtout dans le Droit Maritime q u e , même
après les modifications que lui a fait subir une loi toute
récente, se trouvent encore en grand nombre des disposi
tions qui sont en désaccord complet avec la rapidité actuelle
de transmission des nouvelles. Ainsi, dans la matière des
assurances, l’article 366 du Code de Commerce évalue à une
lieue et demie par heure la plus grande vitesse d’un mes
sage. Voilà, certes ! une présomption qui pouvait se rappro
cher de la vérité en 1681, au moment où fut rédigée la
grande ordonnance sur la marine dont le Code a reproduit
les dispositions, mais qui n’a plus qu’une valeur archaïque
en présence de la transmission presque instantanée des dé
pêches électriques. Aussi y aurait-il aujourd’hui quelque
ridicule à réclamer le bénéfice d’un semblable article. —r De
même certaines dispositions relatives au délaissement, quoi
qu’elles aient été modifiées en 1854 et 1862, sont déjà de
venues surannées. Ainsi, qu’un navire fasse naufrage aux
environs de Port-Saïd, l’assuré aura six mois à partir du
jour où il en aura reçu la nouvelle pour faire le délaisse
ment et réclamer le montant de l’assurance ; que le naufrage
ait lieu à Suez ou dans la mer Rouge, et, d’après l’arti
cle 373, le délai sera triplé et porté à dix-huit m ois.— Ainsi
encore un navire est-il parti pour un porl de la Méditer
ranée, si l’on est resté six mois sans en recevoir de nou
velles, il est censé perdu et l’assuré pourra demander le
paiement de l’assurance ; était-il à destination de Suez ou
de la mer Rouge, la perle ne sera présumée qu’au bout
d’un an.
�— 12
Ces distinctions qui nous paraissent aujourd’hui singuliè
res avaient sans doute leur raison d’être avant le percement
de l’isthme de Suez et l’invention de la télégraphie sousmarine ; les progrès de la science et le génie persévérant
d’un de Lesseps les ont rendues surannées.
]Von seulement des dispositions spéciales, mais des chapi
tres entiers de notre Droit Maritime sont frappés de cadu
cité. L’antique prêt à la grosse, le vénérable naulicum fœnus
des Romains, ne sera peut-être bientôt plus qu’un souvenir
juridique. Jadis le capitaine dont le navire avait subi des
avaries et qui abordait dans un port éloigné d’où il ne
pouvait communiquer avec son armateur avant de longs
mois, était obligé pour réparer son navire de recourir à
ce mode d’emprunt. Il se faisait prêter les sommes néces
saires à celte condition qu’en cas de perle ou naufrage il
serait affranchi de tout remboursement, et que par contre,
en cas d’heureuse arrivée, il paierait un intérêt considéra
ble. Aujourd’hui, dans la plupart des ports où relâche le
navire, l’armateur sera averti par télégramme dès le lende
main de l’arrivée des avaries que le navire a éprouvées.
Rien de plus facile dès lors que d’ouvrir par dépêche un
crédit au capitaine chez un banquier de la localité où il a
abordé. Aussi le prêt à la grosse, qui a eu jadis une grande
importance, qui a rendu de grands services au commerce
maritime, devient de plus en plus /a re et doit fatalement
disparaître.
Par contre les abordages maritimes, à peine prévus dans
deux articles du Code de 1807, ont pris aujourd’hui une
grande importance et sont soumis à des règles qui ont cessé
d’être d’accord avec les conditions nouvelles faites à la na
vigation. Jadis les abordages entre navires à voiles étaient
extrêmement rares. Les bâtiments, loin de suivre une ligne
droite, étaient obligés de louvoyer pour prendre le vent et
dans ces conditions ils étaient toujours très distants les uns
des autres, même quand ils se croisaient allant dans des di
rections inverses l’une de l’autre. Quand un abordage se
produisait, c’était dans l’intérieur d’un port ou d’une rivière,
les avaries étaient peu graves et d’une constatation facile.
Aussi la loi décidait-elle que le capitaine du navire abordé
devait dans les vingt-quatre heures signifier sa réclamation
au capitaine du navire abordeur. Rien de plus simple en
effet, l’un et l’autre se trouvant présents sur les lieux et dans
le port même où l’accident s’était produit.
Aujourd’hui l’emploi de la vapeur comme force motrice a
fait à la navigation des conditions toutes différentes. Les ba
teaux à vapeur suivent autant que possible la ligne la plus
directe entre le point de départ et le point d’arrivée. Par là
se forment en quelque sorte sur la mer de grandes routes
sillonnées de navires sur lesquelles, par un temps de brume
ou par suite d’une fausse manœuvre, se produisent parfois
des rencontres qui entraînent les plus terribles conséquences.
Or, dans ces sinistres en pleine mer, comment le capitaine
du navire abordé, en supposant qu'il ait survécu, pourraitil se conformer aux prescriptions du Code de Commerce ?
Peut-être est-il arrivé dans un port étranger, chez un peuple
dont il ignore la langue? Peut-être est-il absolument sans
ressources, et dans tous les cas où retrouvera-t-il le capi
taine du navire qui a causé ce désastre ? Comment et à
qui adressera-t-il la signification qui lui est prescrite? Com
ment observera-t-il le délai de vingt-quatre heures qui lui
est imparti? Pourrait-on dès lors sérieusement contester que
nous ne nous trouvions encore ici dans un de ces cas où les
conditions nouvelles faites à la navigation ont rendu inappli
cables des textes législatifs qui ont perdu leur raison d’être !
�—
14
—
Mais pourquoi chercher dans le Droit Maritime des exem
ples de dispositions que les progrès de la science ont rendues
surannées? Le Code Civil lui-mème ne nous ofire-l-il pas
dans une de ses importantes matières, celle de l’absence,
l’exemple frappant d’une législation qui survit aux cir
constances où elle a pris naissance. On sait quelles sont à ce
sujet les dispositions principales du Code. Lorsqu’une personne
est absente de son domicile pendant un laps de temps de
cinq ans après sa disparition ou ses dernières nouvelles, la
justice pourvoit à l’administration de ses biens. A l’expira
tion de ce délai les héritiers présomptifs sont envoyés en
possession provisoire et investis du droit d'adm inistrer les
biens de l’absent. Enfin ce n’est que trente ans après que ces
mêmes héritiers sont considérés comme propriétaires et ont
le droit d’aliéner les immeubles qu’ils détiennent.
Combien ces précautions prises par la loi pour sauvegar
der les droits de l'absent de retour paraissent aujourd’hui
rigoureuses et exagérées I ( I) Combien cette inaliënabilité dont
le patrimoine de l’absent va être frappé pendant trente-cinq
ans est-elle peu justifiée? La disposition du Code était sans
doute fort explicable au temps où les mers étaient infestées
de pirates, où des voyageurs pouvaient être maintenus en
état de captivité dans les Etats barbaresques, sans aucune
possibilité de transmettre de leurs nouvelles à leur famille
ou à leurs amis. Aujourd’hui, Dieu merci ! et depuis long(I) Il est tellement vrai que noire législation sur l’absence est trop
compliquée, entraîne trop de lenteurs, que, dans les cas où il y a eu, a la
suite d'une guerre prolongée, une série d’absences à constater, le légis
lateur a dù intervenir d’une façon spéciale en abrégeant les formalités et
les délais que nécessiterait l’observation du Code Civil. Il y en a deux
exemples bien connus, l’un dans la loi du 13 janvier 1817 a la suite des
guerres du premier empire, l’autre dans celle du 12 août 1871 à la suite
des désastres de l'année terrible,
—
15
-
temps, les pirates ont disparu des mers de l’Europe et le
pavillon de la France flotte sur la plus grande partie des
anciens États barbaresques. Aujourd’hui presque partout se
trouve un bureau de poste ou une station télégraphique
destinés à recevoir les lettres et dépêches adressées à la fa
mille de l’absent. Il faudrait vraiment tout un concours de
circonstances extraordinaires pour que l’absent se trouvât
dans l’impossibilité de transmettre de ses nouvelles. Celui
qui garderait le silence ne serait pas excusable et ne méri
terait guère la protection de la loi. Aussi telle législation
plus récente que la nôtre, celle des Pays-Bas, par exemple,
a-t-elle corrigé sur ce point les longs délais du Code Civil.
Au bout de cinq ans l’absent est présumé décédé, ses biens
sont remis à ses héritiers présomptifs, et ceux-ci ont le droit
de les aliéner ; ils sont seulement astreints pendant dix ans
à donner caution qu’en cas de retour de l’absent ils resti
tueront ces biens ou, s’ils les ont vendus, le prix qui en a été
retiré. A mon sens, c’est par des dispositions de ce genre
qu’il conviendrait de rajeunir les articles compliqués et un
peu vieillis de notre Code sur la matière de l’absence (I).
(1) Un projet soumis aux Chambres et tendant h la modification des
articles 105 et 108 du Code de Commerce se rattache au même ordre
d idées. D’après ces articles, la réception des objets transportés et le
paiement de la lettre de voilure éteignent toute action contre le voitu
rier pour avaries ou pertes partielles. Le projet nouveau approuvé par
les tribunaux et les chambres de commerce propose de donner au desti
nataire de la marchandise un délai de deux jours francs a partir de la ré
ception et du paiement pour notifier au voiturier ses protestations. Ce
n’est qu’après l’expiration de ce délai qu’il serait déchu de tout recours.
Ces innovations ne sont encore qu’une conséquence des conditions nou
velles faites a l’industrie des transports. Jadis les transports s’effectuaient
par charrettes ; le prix de la voilure ne dépendait pas de tarifs compli
qués et pouvait être l’objet d’une vérification facile; d’ailleurs le voiturier
repartait le même jour ou le lendemain et ne pouvait rester longtemps
•
�r
—
16
-
II. — Voilà quelques-unes des conséquences directes
qu’entraînent ou doivent entraîner à bref délai les facilités
de communication qui se sont établies entre les peuples.
Mais les chemins de fer et les télégraphes ont produit bien
d’autres changements importants en rendant les relations
entre les nations diverses infiniment plus fréquentes qu’elles
ne l’ont été en aucun siècle. Les hommes, au lieu de passer
comme autrefois leur vie entière au sein de la localité où ils
ont pris naissance, ont vu l’horizon s’élargir à leurs yeux et
le monde entier s’ouvrir en quelque sorte au développement
de leur activité. Ces rapports fréquents entre personnes qui
appartiennent à des nations différentes ont été féconds en
conséquences juridiques. Toute une branche de la science
du Droit est aujourd’hui en voie d’élaboration pour répondre
à des besoins qui ne s’étaient jamais manifestés avec autant
d’intensité. Tous les jours des étrangers viennent s’établir en
France, des Français vont demeurer à l’étranger. Nous le
savons mieux que personne, nous qui ne sommes pas éloignés
de la frontière et qui voyons affluer dans nos cités un grand
sous le coup de réclamations incessantes. De nos jours les chemins de
fer ont transformé de fond en comble l’ancien état de choses. La quantité
de marchandises, le nombre de colis qu’un négociant reçoit de la gare voi
sine, sont plus considérables qu'autrefois ; il n’est pas toujours possible
de faire les vérifications nécessaires, tandis qu'il est, au contraire, sou
vent difficile de se reconnaître à travers le dédale des tarifs appliqués
aux transports par voie ferrée, et cela est tellement vrai que dans les
grandes villes une profession nouvelle s'est créée qui consiste a vérifier
pour le compte des commerçants les notes d'expédition et h relever les
erreurs commises. Dans ces conditions on voit que les arides 10o et 108
du Code de Commerce sont devenus une gêne pour les rapports com
merciaux et qu'il est aujourd'hui nécessaire d’accorder un délai aux
destinataires de marchandises ou autres objets transportés par un voi
turier ou par chemin de fer afin qu'ils puissent réelamer contre les
avaries ou pertes partielles dont ils auraient a se plaindre.
—
17
-
nombre d’Italiens, de même que les départements du Nord
sont envahis par les Belges. Ajoutez qu’une sorte d’équilibre
pareil à celui des vases communiquants tend à s’établir entre
des peuples dont la population s’accroît d’un façon inégale.
Ces étrangers se marient, vendent, achètent, accomplissent
les divers actes de la vie civile, meurent, et à chacun de ces
actes, à chacune des périodes de leur existence des difficultés
s’élèvent. Il faut fixer les conditions de leur mariage, l’ou
verture de leur succession, le règlement de leurs intérêts. La
jurisprudence, la doctrine, les conventions diplomatiques,
ont dû intervenir pour résoudre des questions qui se présen
tent plus fréquemment chaque jour. Souvent même, des ju
risconsultes , de simples particuliers prenant eux-mêmes
l’initiative en dehors de l’action de leurs gouvernements res
pectifs, des congrès internationaux se réunissent, élaborent
des projets de lois et de conventions et cherchent par leurs
travaux à faciliter la tâche du législateur et l'accord entre
les divers peuples.
Il serait trop long, je ne dis pas d’examiner, mais même
d’énumérer seulement les principales questions agitées en
droit international. A quelles conditions sera acquise ou per
due la nationalité française, quelle sera au point de vue de
la jouissance des droits civils la situation des étrangers en
France, quel effet auront dans notre pays les jugements ren
dus par les tribunaux étrangers, quelle sera la condition
légale des sociétés étrangères, quelles conséquences la faillite
déclarée à l’étranger produira-t-elle en France, voilà certes I
d’importants et délicats problèmes qui tiennent souvent en
suspens les plus graves intérêts et qui se posent à l’esprit de
recherche et d’investigation de nos jurisconsultes. Sans
doute les travaux des hommes de loi n’ont ici rien de com
mun avec les commentaires d’un texte ; il s’agit de résoudre
�l
— 18 —
le conflit de législations souvent contradictoires, et la deci
sion proposée n’a rien d’obligatoire pour les Etals intéressés,
mais combien n’est-il pas utile de frayer la voie aux modifi
cations du Droit positif et de préparer le terrain sur lequel
s’établira un jour l’entente commune entre les peuples civi
lisés (1).
Un exemple montrera combien est grand l’intérêt de ces
questions internationales et quelle somme d’efforts il faut
réunir pour essayer d'arriver à une solution satisfaisante.
Depuis la fin du siècle dernier des conceptions juridiques
nouvelles se sont établies au sujet du droit des écrivains et
des artistes sur les produits de leurs œuvres, des inventeurs
sur le produit de leurs inventions. Le temps n’est plus où
un éditeur avide obtenait, par concession et privilège du roy,
la faculté d’imprimer et de vendre une œuvre littéraire, où
les écrivains les plus illustres vivaient, non du produit de
(1) Non seulement ces questions se présentent tous les jours plus nom
breuses, mais même la façon de les concevoir et de les résoudre semble
varier, les jurisconsultes étant inconsciemment portés par les faits qui se
passent sous leurs yeux il modifier leurs doctrines traditionnelles. Pen
dant bien longtemps la théorie dominante, celle dont paraît s’être inspiré
le Code Civil, a été celle des statuts réels et personnels. Elle repose en
substance sur ce principe que les immeubles doivent être régis par la
loi du lieu où ils sont situés, tandis que les meubles sont soumis a la loi
de la personne qui les possède ; d'où la conséquence, en matière de suc
cession notamment, que les immeubles seront dévolus selon la loi du ter
ritoire où ils se trouvent et les meubles, au contraire, suivant celle qui
découle de la nationalité du défunt. Celte théorie remonte jusqu'aux
glossateurs de l'école de Bologne et a Barthole et elle fut développée par
les jurisconsultes du XVIe siècle, les Dumoulin et les d’Argenlré. Elle se
conciliait du reste à merveille avec le Droit féodal. Chaque seigneur étant
souverain sur sa terre était jaloux de sauvegarder l'autorité de ses cou
tumes locales et n’aurait pas souffert «pie des immeubles situés sur son
territoire fussent régis par des lois émanant d'une autorité étrangère.
Ajoutez a cela le peu d'importance des objets mobiliers a cette épo
que, ce qui explique comment le seigneur, désireux de conserver dans
leurs œuvres, mais des pensions qui leur étaient accordées
par le roi ou par quelque opulent seigneur de la cour, où un
La Bruyère vivait dans la domesticité des Condé, où un
La Fontaine trouvait naturel de se décharger sur de nobles
amitiés des soins matériels de la vie.
Certes, l’écrivain visait alors à la gloire plus qu’à la for
tune, mais cette situation précaire ne portait-elle pas atteinte
à l’indépendance de l’homme ! N'est-il pas triste de voir
Corneille vieilli rappeler à Louis XIV ses succès dramatiques
passés et terminer des vers admirables par une demande de
secours? Aujourd’hui toutes les législations modernes s’ac
cordent à reconnaître que l’auteur a droit aux produits de
son œuvre, non comme jadis par concession ou privilège,
mais en vertu du litre d’acquisition le plus légitime, celui
qui est fondé sur le travail personnel. C’est par une loi de
1793 que la France a pour la première fois proclamé ce
l’étendue de son fief une autonomie complète, n’avait porté son attention
que sur les immeubles et avait dédaigné de s’occuper des meubles qui
auraient pu y être momentanément apportés.
Les modifications qu’ont subies les sociétés modernes font aujourd’hui
pencher les jurisconsultes vers des doctrines différentes que déjà le Code
italien a d’ailleurs consacrées. La tendance actuelle est de faire prévaloir
dans les cas douteux, et spécialement dans les successions, le statut per
sonnel, c’est-h-dire la loi qui découle de la nationalité de la personne et
de réserver le statut réel aux seuls cas dans lesquels l’ordre public du
pays, envisagé au double point de vue économique et moral, ne pourrait
se concilier avec la loi personnelle de l’étranger. Il est difficile de ne pas
voir dans ces tendances nouvelles l'influence, h la fois d’une conception
moderne de la souveraineté moins étroitement attachée au sol, et d’au
tre part de conditions sociales différentes de celles du passé. Les
voyages sont devenus plus faciles, les changements de résidence plus
fréquents, les hommes quittent souvent leur pays d'origine sans avoir le
moindre désir de renoncer a leur nationalité et l'on s’explique dés lors
que, partout où ils se trouvent, ils soient en principe régis par leur Ui
personnelle.
�principe dont l’application fut d’abord limitée à toute la durée
de la vie de l’auteur et à dix ans après sa mort. De
puis, des lois nombreuses ont, au cours de ce siècle, succes
sivement porté de 10 à 20, 30 et 50 ans la période pendant
laquelle les héritiers de l’auteur ont un droit exclusif aux
produits de son œuvre.
Mais l’auteur n’aurait qu’une garantie incomplète si on ne
lui assurait celle jouissance reconnue par la loi qu’à l’égard
de ses compatriotes. Les droits de cette nature sont plus que
d’autres en effet sujets à usurpation. L’œuvre littéraire, si
elle obtient quelque succès, aura rapidement franchi la fron
tière et sera souvent l’objet de reproductions illicites, si l’on
peut espérer à l’étranger en retirer quelque profit. Il faut le
dire à l’honneur de la France, l’influence de ses écrivains, de
ses auteurs dramatiques, de ses peintres et de ses composi
teurs a été et est encore assez grande pour qu'elle ait plus
que toute autre nation à souffrir de ces actes de piraterie
internationale. Nos auteurs sont le plus pillés, le plus imités.
En matière de théâtre et de roman les traductions et les
adaptations non autorisées des œuvres françaises foisonnent.
Notre langue a été consacrée par les admirables chefs-d’œuvres de nos grands écrivains ; elle est encore adoptée par la
diplomatie et toutes les nations se plaisent à reconnaître
qu’elle a des qualités de clarté et de logique que ne possède
aucune autre. Aussi nos œuvres sont-elles souvent repro
duites et, depuis longtemps, les pouvoirs publics ont dû cher
cher à protéger les écrivains et les artistes contre les actes
de spoliation dont ils étaient victimes.
Dans le cours de ce siècle de nombreuses conventions di
plomatiques ont sauvegardé les intérêts de nos auteurs et de
nos artistes dans un grand nombre d’Etats de l’Europe et de
l’Amérique. Des conférences ont été fréquemment tenues qui
—
21
-
ont exercé sur les gouvernements, au sujet de ces questions
internationales, une salutaire influence. Pendant l’exposition
universelle de 1878 des congrès littéraires et artistiques
réunirent à Paris les hommes portant les noms les plus illus
tres dans les lettres, les sciences et les arts. Le congrès litté
raire s’ouvrit sous la présidence du grand poète auquel la
France reconnaissante faisait il y a quelques mois à peine de
si magnifiques funérailles, et il proclama solennellement
ce principe qu’il proposa à l’adoption des législateurs de
tous les peuples : « Dans tout pays civilisé l’étranger jouira
« pour ses œuvres des mêmes droits que les nationaux. »
A la même époque un vœu identique était formé par le con
grès international de la propriété artistique, sur l'initiative
du grand peintre Meissonnier : « Les artistes de tous les
« pays doivent être protégés de la même manière que les
« nationaux. » Depuis, le 8 septembre 1884,une conférence
diplomatique entre les représentants ^d’un grand nombre de
nations s’est réunie à Berne et a adopté, en principe, un pro
jet d’union internationale qui serait destinée à protéger les
droits des auteurs sur cette base que, les écrivains et artistes
appartenant à l’un des pays constitués à l’état d’union, joui
raient dans tous les aulres*des avantages que la loi accorde
aux nationaux, à condition que leurs droits dans le pays
d’origine ne soient point périmés. Tout récemment encore,
le 7 septembre 1885, se réunissait à Bruxelles un congrès
de la propriété littéraire qui a proclamé les mêmes principes
et consacré les mêmes doctrines. Espérons que tant d’elïorts
réunis finiront par assurer dans le monde entier, à nos
auteurs, la protection légitime qui leur est due (1).
(1) Au sujet de la propriété industrielle, te 6 juin 188-4 a été promul
guée une convention formée pour la protection de celte propriété entre
la France, la Belgique, la Suisse, l’ilalie, l'Espagne, etc. Aux termes de
�-
22
—
III. —* Enfin à côté de ces questions internationales dont
la gravité et la fréquence ne font que s’affirmer de plus en
plus chaque jour, une autre cause indue non moins énergi
quement sur la transformation de notre Droit privé, cause
connexe à la précédente, c’est la modification qui s’est pro
duite dans la fortune des particuliers et l’immense dévelop
pement de la richesse mobilière. Les progrès des sciences
positives ont non seulement rapproché les peuples, mais
encore imprimé une activité féconde aux affaires industrielles
et commerciales. Pour procéder aux grands et coûteux tra
vaux que nécessitait la création des chemins de fer, pour
organiser d’immenses exploitations industrielles au courant
des derniers progrès de la science et les munir du matériel
indispensable, les fortunes privées les plus considérables
étaient insuffisantes et il a fallu faire appel à de colossales
agglomérations de capitaux sous la forme d’actions et d’obli
gations. Déjà en 1835 ce fait avait frappé l’esprit observateur
de Rossi : « La richesse mobilière, disait-il, cette richesse si
« variable, je dirai presque si capricieuse, aspire évidem« ment à se placer en première ligne ; malgré l’irrégularité
« de ses mouvements, son niveau s’élève à vue d’œil et,
« n’en douions pas, il s’élèvera de plus en plus. > Qu’aurait
dit l’éminent professeur s’il avait pu assister au développe
ment prodigieux des sociétés par actions et des entreprises
ce trailé « les citoyens de chacun des Etals contractants jouiront dans
tous les autres Etats de l'union, en ce qui concerne les brevets d'inven
tion, dessins ou modèles industriels, les marques de fabrique ou de com
merce et le nom commercial, des avantages que les lois respectives ac
cordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux. En
conséquence ils auront la même protection que ceux-ci et le môme re
cours légal contre toute atteinte portée k leurs droits, sous réserve de
l’accomplissement des formalités et des conditions imposées aux natio
naux par la législation intérieure de chaque Etat. »
-
23
—
de toute nature qui ont fait appel au crédit public sous toutes
ses formes 1
A ne parler que des chemins de fer, on a calculé que nos
six grandes compagnies ont dépensé pour la construction de
leur réseau et l’achat de leur matériel une somme de plus de
11 milliards. Et celte somme, les compagnies l’ont obtenue
par des émissions de titres de plus en plus avidement recher
chés par le public, et qui représentent aujourd’hui, au dire
d’économistes très compétents, 16 milliards au minimum.
Qui pourrait évaluer en outre les capitaux énormes emprun
tés par l’Etat, par les départements et les communes, les
valeurs étrangères qui sont entre les mains des capitalistes
français et la richesse mobilière représentée par les puis
santes sociétés qui exploitent des concessions de mines ou
ces usines si nombreuses aux environs des grandes villes et
dont les hautes cheminées forment autour d’elles comme
une forêt de mâts 1
Ne pourrait-on aujourd’hui retourner le vieil adage vilis
mobüium possessio et traiter à son tour de vile la possession
de bien des immeubles ruraux devenus improductifs? C’est
donc une banalité que de constater l’importance qu’a acquise
la fortune mobilière. Or si l'on songe que notre ancien
Droit reposait presque tout entier sur cette idée qu’il fallait
surtout garantir la conservation dans les familles des biens
immeubles considérés comme les seuls importants, et que le
Code Civil, héritier de nos anciennes coutumes, a été rédigé
à une époque oit l’on ne pouvait même pas soupçonner cet
accroissement extraordinaire des valeurs mobilières, on ne
sera pas étonné d’apprendre que notre législation civile est
loin d’être à cet égard en accord parfait avec les conditions
économiques actuelles.
Aussi non seulement la jurisprudence a dû faire tous ses
�25
efforts pour combler les lacunes de la loi, par exemple pour
faire bénéficier la femme mariée sous le régime dotal d’une
protection spéciale concernant sa dot mobilière, mais le lé
gislateur a dû intervenir à diverses reprises et devra encore
intervenir fréquemment pour conformer le Droit à des néces
sités nouvelles. Ainsi la loi du 15 juin 1872 est venue
permettre aux propriétaires des titres au porteur qui en se
raient dépouillés par un événement fortuit, de se garantir
contre les conséquences de cette perte, et meme dé se faire,
à de certaines conditions, délivrer de nouveaux litres. En
1880, une loi du 27 février a eu pour objet de protéger les
mineurs et interdits contre les aliénations de valeurs mobi
lières qui pourraient être témérairement consenties par
leurs tuteurs. Celte loi était depuis longtemps réclamée par
l’opinion publique, et, s’il y a lieu de s’étonner, c’est seule
ment de voir qu’elle ait été votée à une époque si tardive.
Des projets ont été présentés aux Chambres pour garantir
d’autres incapables, tels que les femmes mariées, les prodi
gues pourvus d’un conseil judiciaire, contre les inconvé
nients qui résulteraient de la conversion en litres au porteur
de titres nominatifs leur appartenant. 11 est probable que
nous verrons avant peu adopter ces mesures qui sont de
plus en plus commandées par l’étal de la foi-lune privée à la
fin du XIX* siècle.
11 serait encore facile à ce point de vue de m ontrer com
bien la survivance d’une règle de Droit aux conditions dans
lesquelles elle a pris naissance peut présenter à un moment
donné de dangers et de périls. Ce qui se passe pour les do
nations manuelles en fournit une preuve manifeste. Notre
Code Civil a, avec beaucoup de raison, entouré de toutes
sortes de formalités protectrices la donation entre vifs. Il a
voulu garantir les familles et le donateur lui-même contre
-
des entraînements irréfléchis, mais, à l’exemple de l’ancien
Droit, il ne soumet à aucune forme spéciale les donations
manuelles, c’est-à-dire portant sur des objets qui se trans
mettent de la main à la main. Avant la création des titres
au porteur ces donations, en effet, ne pouvaient guère s’ap
pliquer qu’aux simples cadeaux et présents d’usage et leur
peu d’importance avait conduit à les exonérer de toute for
malité. Aujourd’hui un grand nombre de particuliers ont
dans leur fortune en quantité plus ou moins considérable des
titres au porteur. Dans ces conditions, est-il logique d’affran
chir les donateurs de ces litres des solennités prescrites pour
toutes les autres libéralités? S’il a paru utile de garantir un
donateur et sa famille contre les moments d’irréflexion et de
faiblesseoîi il pourrait consentir l’abandon de ses immeubles,
ne doit-on pas lui accorder pour des valeurs mobilières
souvent aussi importantes une protection égale ? La pratique
n’a que trop montré combien la lacune de la loi laissait ici le
champ libre à toutes les surprises, aux captations et aux sug
gestions. Toutes les règles légales sur le rapport, sur la ré
serve, sur les incapacités de recevoir, sont tous les jours vio
lées par suite des facilités laissées à la transmission des litres
au porteur. Le fameux adage en fait de meubles possession
vaut titre, établi par le Code en faveur du possesseur d’ob
jets mobiliers, n’a trop souvent servi, malgré les efforts de
la jurisprudence, qu’à consacrer le vol et la fraude. Aussi les
législations étrangères récemment remaniées ont-elles réagi
contre la règle qu’elles avaient puisée dans notre législation,
et le nouveau Code italien notamment n’admet-il la validité
du don manuel que dans la limite où il est possible de voir
en lui un simple témoignage de gratitude et d’affection. Il
serait sage de s’inspirer de ce précédent pour faire dispa
raître du Code une lacune qu’il importe de combler au plus
tôt.
3
�Je pourrais multiplier ces exemples et m ontrer com
bien sont nombreuses les conséquences qui résultent ou
doivent résulter, au point de vue du Droit privé, des
transformations qui se sont accomplies dans la société du
XIXe siècle. Ce ne sont pas du reste uniquement les m odi
fications matérielles, mais encore les modifications morales
qui entraînent dans la législation des variations correspon
dantes. On pourrait à ce point de vue étudier les conséquen
ces des tendances démocratiques et égalitaires qui, déjà bien
manifestes dans nos Codes, se font sentir tous les jours avec
une plus grande intensité. Il me suffit de vous avoir montré
que le Droit n’est pas une science stationnaire, qu’il est
comme une résultante des conditions économiques et mo
rales dans lesquelles les sociétés sont placées. Les nations
modernes subissent des changements continuels, et d’elles,
comme des choses de la nature, il est vrai de dire avec le
poète :
Partout le mouvement incessant et divers,
Dans le cercle éternel des formes fugitives
Agite l’immense univers.
En quoi consistera donc le progrès dans le Droit? Dans
une adaptation de plus en plus parfaite à des conditions so
ciales changeantes. Les sociétés étant soumises à un déve
loppement et à une croissance continus, les institutions qui
convenaient à l’état social passé doivent tendre à s’harm oni
ser de plus en plus avec les conditions nouvelles produites
par le cours des âges.
Il y a ici un double danger à prévenir : si les lois restaient
immuables, elles finiraient par être en désaccord sensible avec
l’état social et ne pourraient donner aux besoins nouveaux
les satisfactions qu’ils réclament ; d’où une cause de trouble
et de malaise. Telle disposition qui a été excellente à son
origine peut devenir une entrave dans les rapports sociaux,
parce que les besoins auxquels elle répondait ont cessé ou se
sont transformés. Suivant l’énergique parole d'un écono
miste, ce qui a été l’aliment d’une génération peut devenir
pour une autre un poison. Ce n’est pas sans raison, à mon
sens , qu’on a comparé le développement des institutions
humaines à celui des organismes vivants. Comme eux elles
se trouvent en germe dans un milieu social donné, elles
y prennent naissance, grandissent, se développent, main
tiennent leur action et leur influence tant qu’elles sont en
harmonie avec l’état de la société, puis s’altèrent et doivent
disparaître quand les conditions d’où elles tiraient leur
origine se sont modifiées ou ont disparu. C’est le rôle du
législateur de suivre ces variations et de maintenir un ac
cord aussi parfait que possible entre les lois positives et
l’état de la société. Que si, comme il arrive trop souvent,
il est distrait de cette œuvre par des préoccupations d’un
autre ordre, le désaccord entre le droit et le milieu social
se manifeste et va s’accentuant tous les jours de plus en
plus. Quelquefois la jurisprudence , aux prises avec les
nécessités urgentes de la pratique, s’efforcera, par voie d’in
terprétation, de corriger le texte de la loi et de l’adapter à des
situations nouvelles. Le texte finit alors peu à peu par être
comme recouvert d’une couche de décisions judiciaires qui
en dissimulent le sens primitif ; il est frappé d’inertie et
ressemble à ces fossiles qui ont joué leur rôle utile dans
les enchaînements de la vie animale et qui ne sont plus
que des témoins des âges disparus. Mais si la jurisprudence
n’a pas celte hardiesse, si elle n’ose ou ne peut tourner
une disposition dont le sens ne présente aucune ambiguité,
la loi survivra aux conditions dans lesquelles elle a pris
�—
28
—
naissance, au grand détriment des personnes qui auront à
en subir l’application et des rapports sociaux qui en seront
profondément altérés.
Le Droit ne doit donc pas être stationnaire ; mais, d’au
tre part, des changements trop rapides devançant l’évolution
de la société exposeraient les nations à de moins vives souf
frances. Un grand philosophe dont les vues profondes nous
ont été rendues accessibles par les travaux d’hommes émi
nents, Herbert Spencer, le remarque avec raison : « On ferait,
dit-il, autant de mal à une société, en détruisant ses vieilles
institutions avant que les nouvelles soient assez bien organi
sées pour prendre leur place, qu’on en ferait à un amphibie
en amputant ses branchies avant que ses poumons soient
bien développés. »
Pour ma part, j’ai souvent pensé que la plupart des fautes
commises par trop de précipitation étaient une conséquence
de la brièveté de la vie humaine. A peine avons-nous en
trevu quelques innovations qui nous paraissent justes et
désirables que nous voudrions les voir se réaliser au gré de
notre impatience. Êtres éphémères, nous savons que nous
ne sommes ici que pour un jour eL nous sommes pressés de
voir réussir les projets que nous avons conçus. Nous ou
blions combien est grande la différence entre notre vie in
dividuelle, si brève et si passagère, et l’existence collective
d’une nation ou d’une cité qui va se prolongeant durant des
siècles. Nous oublions qu’en matière sociale les changements
durables sont l’œuvre du temps, et qu’à vouloir précipiter
les choses on risque, par une réaction fréquente dans les
affaires humaines, d’obtenir un résultat diamétralement
contraire à celui que l’on poursuit.
Comment donc échapperons-nous et aux dangers de l’état
stationnaire et à ceux qui résulteraient de changements
inopportuns? Ce sera par celte observation que les lois doi
vent progresser, sans doute, mais seulement dans les limites
que détermine l’observation du corps social. Et c’est ici que
l'unité de méthode me paraît rapprocher étroitement les
sciences morales des sciences de la nature. Tant que ces
dernières ont procédé par la voie déductive, tant quelles ont
posé des principes à priori d’où elles déduisaient des séries
de conséquences, elles sont restées à l’état rudimentaire ;
elles n’ont abouti, en fait d’astronomie, qu’à une astrologie
chimérique, en fait de chimie qu’à une alchimie puérile, en
fait de physiologie qu’à la médecine de Molière. Un joui’est
venu où, sous l’influence des idées modernes, on a dit adieu
à la scolastique, à la métaphysique, au syllogisme; on s’est
mis à observer, à expérimenter, à rassembler et comparer
des faits ; on ne s’est servi des hypothèses que comme d’ex
plications provisoires destinées à faire place à d’autres le
jour où elles cesseraient de rendre compte des phénomènes
observés. Dès lors, les sciences reposant enfin sur une base
solide, ont réalisé ces merveilleux progrès qui nous frappent
aujourd’hui d’admiration. Ne nous y trompons pas, ce n’est
pas dans des conditions différentes et par d’autres méthodes
que l’observation et l’expérience, que se réaliseront les pro
grès dans les matières sociales et notamment dans les lois (1).
Si le Droit est vraiment une science, s’il est l'expression
(1) Les progrès récents des sciences naturelles et les théories fameuses
qui ont en quelque sorte donné h ces sciences une vie nouvelle sont
loin d’avoir été sans influence sur l’étude du Droit. A mon sens, elles
n’ont pas peu contribué a l’impulsion vigoureuse qui a été donnée a l’his
toire du Droit dans ces dernières années. Cette partie de la science si
longtemps délaissée est aujourd'hui cultivée par une légion de travailleurs
et elle s’est déjà enrichie dans ces derniers temps de remarquables
ouvrages (Voir notamment les dernières publications de M. Paul Viollet
et de M. Fustel de Coulanges).
�-
30
de rapports qui n’ont rien d’arbitraire el qui dérivent de
la nature des choses, et depuis Montesquieu il n’est guère
permis de le mettre en doute, les questions qu’il soulève
doivent être résolues, non sous l’influence du sentiment
ou de la passion, mais au moyen des méthodes qui ont
porté si haut el si loin les sciences de la nature. Comme l’a
si bien dit J.-B. Say, dans son Cours d’économie politique,
« les lois générales dont se composent les sciences politiques
el morales existent en dépit des disputes. Tant mieux pour
qui saura découvrir ces lois par des observations judicieuses
el multipliées, en m ontrer la liaison, en déduire les consé
quences. Elles dérivent de la nature des choses tout aussi
sûrement que les lois du monde physique ; on ne les imagine
pas, on les trouve ; elles gouvernent les gens qui gouver
nent les autres el jamais on ne les viole impunément. »
Un jour viendra, on peut du moins l’espérer, où les mem
bres des assemblées représentatives, au lieu d’opposer les
uns aux autres des affirmations contradictoires, ou de se
livrer à des discussions d’autant plus stériles souvent qu’elles
sont plus ardentes, se réuniront seulement pour rapprocher
el contrôler, dans un esprit calme et im partial, les obser
vations qu’ils auront faites et pour en tirer les légitimes in
ductions qu’elles comportent.
Cette unité de méthode ne rend-elle pas plus saillante en
core la solidarité qui relie entre elles les diverses sciences,
même celles qui paraissent n’avoir entre elles que les rapports
les plus lointains ? Tout progrès important des sciences positi
ves fait sentir à la longue son influence sur l’état matériel ou
moral des sociétés el par suite réagit forcément sur les rap
ports sociaux et sur les règles qui président à ces rapports,
c’est-à-dire sur le Droit. Qu’une invention nouvelle facilite
les relations entre les peuples et par là même elle aura hâté
-
31
le moment où les barrières légales qui séparent les nations
seront abaissées. Ainsi dans la construction du vaste édifice
des connaissances humaines, quoique, par une division du
travail toujours plus marquée, chaque ouvrier intellectuel se
renferme de plus en plus dans une occupation spéciale, tout
en poursuivant l’achèvement de sa tâche, il a la satisfaction
de penser que chaque pierre qu’il taille servira en quelque
sorte d’assise à une pierre nouvelle, que les progrès qu’il
réalise produiront non seulement leurs conséquences diverses
et immédiates, mais entraîneront encore par une réper
cussion nécessaire une série d’effets éloignés et indirects dont
il ne peut soupçonner le nombre el la portée. Puisse cette
grande idée de la solidarité entre les sciences, qui s’affirme
plus nettement chaque jour, stimuler l’ardeur et le zèle de
tous ceux qui cultivent à des titres divers une portion quel
conque de l’immense domaine ouvert à l’activité inlellectuelle de l’homme,el les porter à redoubler ces efforts heu
reux qui doivent répandre sur l’humanité une série indéfinie
de bienfaisantes conséquences !
Mais si la méthode d’observation est la seule qui convienne
à la science juridique , gardons-nous surtout de ces pré
tendus principes, de ces form ules, de ces axiomes posés
à priori el dont les applications logiques devraient, dit-on,
guérir tous les maux du corps social. Un grand orateur,
dont la perte prématurée couvrit la France d’un voile de
deuil, a, dans un discours resté célèbre, déclaré qu’il n’v
avait pas une question, mais des questions sociales. Rien
n’est plus vrai , à mon sens. L'évolution d’une société
complexe soulèvera toujours, et en nombre infini, des pro
blèmes difficiles dont les solutions ne pourront être trou
vées que par des observations approfondies el compor
teront souvent l’action bienfaisante du temps. De même
�\
- 32
qu’à la théorie des destructions et des créations succes
sives a succédé en géologie celle des actions lentes, de
meme dans la science sociale, au projet conçu par quelques
rêveurs de faire table rase et de bâtir de toutes pièces une
société nouvelle, doivent succéder les innovations partielles,
prudentes, ne se produisant que dans la limite indiquée par
les modifications du milieu social.
Laissons la logique pure dans le domaine qui lui est pro
pre, celui de la science mathématique. Ne croyons pas qu’elle
doive en matière sociale, et notamment dans la législation,
régner en souveraine maîtresse. Ne soyons pas trop surpris
des illogismes, des contradictions plus ou moins saillantes
qui peuvent parfois se rencontrer dans l’ensemble de nos
lois. Pour que la vie sociale suive son cours régulier, les
institutions anciennes doivent subsister jusqu’à ce que les
nouvelles soient prêtes, et ce compromis perpétuel est l’ac
compagnement indispensable du développement normal des
sociétés.
Pour ma part je désire pour mon pays que dans l’ordre
du Droit, comme dans celui des Lettres, des Sciences et des
Arts, la France maintienne le rang qui lui appartient parmi
Iss peuples civilisés, qu’elle concoure de concert avec les
autres nations à ces congrès, à ces conférences, à ces conven
tions internationales qui deviennent de plus en plus fré
quentes et qui ne peuvent avoir pour la civilisation que les
plus heureuses conséquences, en préparant ou en posant les
bases d’une entente commune entre les peuples. J ’espère
pour nos jurisconsultes que, sans abandonner le travail né
cessaire, quoique un peu ingrat, du commentaire des textes,
ils sauront étudier les conditions économiques et morales de
notre pays et dégager la solution des problèmes juridiques
qu’a soulevés le XIXe siècle. Les études nouvelles qu’avec
-
33
—
tant de raison on a introduites dans nos Facultés, économie
politique, histoire du Droit, Droit international, Joivent avoir
pour résultat de rendre notre enseignement plus vivant et
plus fécond, et d’ouvrir aux conceptions de nos légistes des
horizons plus vastes et plus étendus. Enfin je souhaite que
nos législateurs ne se laissent pas trop absorber par les préoc
cupations et discussions d’ordre exclusivement politique,
qu’ils consacrent la plus grande partie de leur temps à l’étude
des réformes pratiques qui restent, à réaliser dans notre
Droit civil, notre Code de procédure, notre législation pé
nale, notre Droit industriel et commercial, qu’ils profilent
‘des matériaux déjà élaborés, qu’ils s’inspirent des observa
tions que les gens spéciaux, penseurs et hommes pratiques,
ont accumulées, qu’ils s’éclairent de toutes les lumières
qu’une grande nation comme la notre renferme naturelle
ment dans son sein.
Au commencement de ce siècle la France a eu l’honneur
d’être la première à faire passer dans la législation civile les
principes du Droit moderne. C’est ce que reconnaissait, il y a
peu de temps encore, un illustre avocat italien qui, venant
plaider devant la Cour d’Aix, célébrait l’alliance des deux
barreaux italiens et français en disant : « Ils puisent aux
mêmes sources du Droit, et la France a un mérite de plus,
car c’est à elle et à sa grande Révolution que nous devons la
codification moderne. » Puisse notre chère et généreuse pa
trie ne pas être infidèle à cette tradition glorieuse! Puisset-elle prendre l’initiative de tous les progrès que comportent
l’esprit et les besoins de notre temps, dans le domaine juri
dique comme dans tous les autres ne se laisser de\aucer par
aucun peuple, et tenir toujours haut et ferme dans sa main
puissante le drapeau de la Justice et du Droit |
�-
RAPPORT DE M. LE PROFESSEUR LAURIN
MEMBRE
DÉLÉGUÉ
DE
LA
FACULTÉ
DE
DROIT
AU
CONSEIL
ACADÉMIQUE
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Je dois, en l’absence de M. le doyen Jourdan, vous présen
ter le compte rendu annuel de la situation scolaire de la
Faculté de Droit. Le trait saillant de celte situation, celui
qui la caractérise heureusement par rapport à l’année pré
cédente, c’est une progression notable dans le chiffre des
inscriptions et des examens. Ce chiffre, qui n’avait été anté
rieurement pour les premières que de 863 et pour les
seconds de 378, a atteint cette année le double total de 918
et de 603, accusant donc un excédent de 55 d’une part et
de 225 de l’autre. Il y a donc là une amélioration réelle,
dont il ne faut pas néanmoins s’exagérer l’importance et
sur la signification de laquelle surtout il ne faut pas se mé
prendre ; la chose s’explique un peu par les circonstances,
et M. le doyen, dans son rapport de l’année dernière, avait
déjà, avec sa sagacité habituelle, fait pressentir le fait.
L’épidémie cholérique, qui a sévi une première fois à la fin
35
-
de l’année 1883-1884, avait déterminé une panique géné
rale parmi nos étudiants ; de là une assez forte diminution
dans le chiffre des inscriptions qui devaient être prises et
des examens qui devaient être subis pendant le mois de
juillet. Il était à présumer que tout cela se trouverait re
porté au mois de novembre suivant, et que 1884-1885
bénficierail de tout ce qui avait manqué en 1883-1884.
C’est ce qui est arrivé ; toutefois le fait en lui-même est
d’assez bon augure, et sans s’abandonner aux longs espoirs
et aux vastes pensées que ne comporte pas la situation ac
tuelle, l’on peut provisoirement s’en féliciter.
A un autre point de vue, les résultats que je viens de
vous faire connaître provoquent dans l’esprit quelques ré
flexions. 918 inscriptions, divisées par 4, donnent un per
sonnel de 230 étudiants environ. Ce total n’est pas déjà
très élevé, et nous avons connu des temps autrement heu
reux ; tel qu’il est, néanmoins, il serait à peu près suffi
sant, pour garnir nos bancs et animer nos cours, si la
population qu’elle représente était à peu près toute entière
groupée autour de nous. Mais il s’en faut qu’il en soit
ainsi, et il y a sous ce rapport un terrible décompte à faire I
Je ne veux pas insister outre mesure sur ce que cet état
de choses a d’anormal et de déplorable ; le mal a été déjà
maintes et maintes fois signalé, et par des voix autrement
éloquentes et autorisées que la mienne. Si je joins ma pro
testation ou plutôt ma plainte à la leur, c’est uniquement à
l’effet d’indiquer que la situation n’a pas changé, qu’elle n’a
pas cessé d’être précaire, et qu’un remède urgent doit tou
jours y être apporté.
La statistique des examens donne lieu, de son côté, à une
double observation. Il est à rem arquer en premier lieu
que le nombre des rejets, qui n’avait été précédemment que
�- 37 —
de 32 su r 3 7 8 , soil d ’un douzièm e en viro n, est m o n té à p rès
d ’un sixième, 97 sur 6 0 3 ,— ce qui rép on d, je crois, au r e p r o
che de faiblesse ou d ’indulgence excessive q ue l’on form ule
quelquefois contre n ou s; — et en second lieu, q u e le chiffre
des exam ens de doctorat, à l’en co n tre de ceu x d e licence,
a dim inué d ’une façon assez m a rq u ée, 19 c o n tre 3 0 . C’est
une om bre au tableau. Ce d échet est-il fortuit et m o m e n
tan é? N ’indique-t-il pas, au co ntraire, de la p a rt, soit des
élèves, soit de leurs familles, une ten dan ce à a b r é g e r le p lu s
possible le temps des études ? J e suis d ’a u ta n t m o in s r a s
suré à cet égard q u ’u n p h én o m èn e an alo g u e s’est p ro d u it
depuis quelques années pour les co nco urs de d o c to ra t ;
ces concours sont désertés (l’observation a d éjà été faite
dans le docum ent lu à la séance p ublique de ren tré e) m a lg ré
les brillantes récompenses qui y sont attach ées, et le fruc
tueux et durab le h o n n e u r qui doit en rejaillir s u r le lau
réat. Toutefois il serait tém éraire en co re de se p ro n o n c e r
su r ce sujet ; attendons et espérons.
Je n ’ai rien à dire louchant nos p ro g ra m m e s et nos co urs ;
les uns sont invariables, les au tres se sont, co m m e to u jo u rs,
très régulièrem ent faits. En rev an c h e nous allons av o ir d ’as
sez grandes m utations dans le personnel e n se ig n a n t. M. J a y ,
qui a occupé avec succès la ch aire de Droit civil , n o u s
quille pour aller à G renoble, son pays d ’o rig in e et d e p r é
dilection. Il va sans dire que nos m eilleu rs so u v en irs l’y ac
com pagnent , et de longtem ps nous n ’o u b liero n s ce qui
s’alliait si h eu reu sem en t chez lui aux conn aissan ces ju r i d i
ques, savoir l’exquise distinction de l’esp rit, la c la rté et
l’élégance de la diction. Il a pour successeur d a u s cet e n
seignem ent du Droit civ il, d ’une si capitale im p o rta n c e ,
M. Mérignhac, qui ne peut m a n q u e r d ’y a p p o rte r les q ualités
dont il a ailleurs fait preuve, exactitude rigo ureu se des idées,
finesse d ’analyse, sens p ro n o n c é des choses du Droit. Il est
rem p lacé à sou to u r dans l’e n se ig n e m e n t de la P ro cé d u re
civile p a r M. B o uv ier B angillon, qui délaisse p o u r cela le
D roit ro m a in . Q uelle grand iose n écropole que le Corpus
juris\ Mais c’est u n e nécropole, et ap rès q u elq u es an n ée s
d 'u n e p ro m e n a d e solitaire d an s ces ru in es, on ép ro u v e assez
g é n é ra le m e n t le besoin de r e v e n ir à la région des virants,
c ’est-à-dire à la législation m o d e rn e . M. B o uv ier B angillon a
subi en cela un sen tim en t qui a en v ah i bien d ’a u tre s a v an t
lui. Il co nsacrera à l’explication de ces nouvelles m atières
l’atten tio n soutenue, la m é th o d e ex cellen te , enfin la parole
sim ple et persuasive qui est le cachet de sa sy m p ath iq u e
p erson nalité.
Il reste donc à p ou rv oir à la seconde ch aire de Droit ro m ain ,
ainsi q u ’à l’e n seig n em en t de l’histoire du Droit, M. P ison ,
qui a professé j u s q u ’à ce jo u r cet en seig n em en t, et qui l’a fait
avec la conscience et l’autorité que l’on sait, n ’av an t pu que
p ro v iso irem e n t s’en c h a rg e r. Ce sera affaire aux agrégés du
concours qui est su r le point d e se clô tu rer, et d on t la v en u e
nous a été form ellem en t prom ise. P o u r la p re m ière fois,
d epuis lon gtem ps, les cadres de la Faculté sero nt complels,
et l’en seig n em en t ju rid iq u e rep résen té en toutes ses parties.
�— 39 —
Examinés Admis Ajournés Total
Report . ..
387
81
387
»
1
4
3
7
306
2“* examen de B a c c a la u r é a t
(ancien régimb)
M ajorité de b la n ch e s........................
M inorité de b la n c h e s......................
A jo u rn em en ts..................................
1
»
D
■
1
Exam en sp é c ia l pour le d ro it
rom ain e t l ’É con. p o lit.
E lo g e ................................
M ajorité ou égalité de b la n ch e s---M inorité de b la n ch e s.......................
T otalité de ro u g e s ...........................
R ouges e t n o ire s .............................
A jo u rn e m e n ts .................................
»
i
7
E xa m en de L icen ce
(lrf partie)
E lo g e ................................
M ajorité ou égalité d e b la n c h e s .. . .
M inorité de b la n c h e s.......................
T otalité de ro u g e s ...........................
R ouges et n o ire s .............................
A jo u rn e m e n ts .................................
5
39
22 1
7,
18
2
93
91
2
93
7'
31
23
11
17
6;
95
89
6
95
1
1
1
584
492
E xam en de L icen ce
(2“cpartie)
E lo g e ...............................
M ajorité de b lan ch es.......................
M inorité de b lan ch es.......................
T otalité de ro u g e s............................
R ouges e t n o ire s .............................
A jo u rn e m e n ts.................................
E xam en sp é c ia l de L ic e n c e
subi p o u r un élève de l’Ecole de
d ro it de P o n d ich éry .
M ajorité de b la n c h e s ......................
A reporter
0
92
1
584
�- 40 —
— 41 —
Examines Admis
Report.
384
492
Eloge ..........................
T rois blanches cl une blancherouge ..........................................
T rois blanches et une ro u g e ..........
Deux blanches et deux blanchesrouges ........................................
Deux blanches , une blanche-rouge
et une r o u g e ...............................
A jo u rn em en ts.................................
T rim estre
»
»
»
INSCRIPTIONS
de n ovem bre 1884.. 282
de ja n v ie r 1885___ 203
d ’avril 1 8 8 5 ............ 166
de ju ille t 1885 . . . . 267
T o ta l..............
2“' examen de D octorat
918
Ces 9 1 8 in sc r ip tio n s s e r é p a r tis s e n t a in si qu'il s u it
E loge .............................
T rois blanches et une b la n ch e rouge ..........................................
T rois blanches et une ro u g e ..........
Deux blanches et deux blanchesrouges ........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
e t une ro u g e ..............................
A journem ents.................................
Pour
»
»
»
la
le
la
le
c a p a c ité ___ 108
b ac ca la u ré at. 461
lic e n c e ....... 295
d o c to ra t___
54
T otal
3me examen de D octorat
Eloge
T rois blanches et une blanchero u g e...........................................
Trois blanches et une ro u g e ..........
Deux blanches et deux blanchesro u g es.........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une ro u g e ...............................
A journem ents............
T h èse de D octorat
E lo g e...............................
T rois blanches et une blancherouge.....................
Trois blanches et deux r o u g e s .. . .
Deux blanches, une blanche-rouge
et une ro u g e...................
A jo u rn em en ts........
T otaux.
DES
P r is e s p en d a n t l ’an n ée sc o la ir e 1 8 8 4 - 1 8 8 5 .
1" examen de D octorat
CL;
RELEVÉ
603
506
918
�43 -
RAPPORT DE M. REBOUL
DOYEN
DE LA FACULTÉ
DES
SCIENCES
Monsieur le R ecteur,
Messieurs ,
L’abbé Aoust, professeur de calcul différentiel et intégral à
la Faculté des Sciences de Marseille, v ie n t de m o u r ir il y a
quinze jours à peine, à l’âge de 71 ans. S e s e n ta n t à bout
de forces, il avait dem andé sa m ise à la r e tr a ite et il l ’avait
obtenue depuis le 1er du mois co u ran t. — O n p e u t donc
dire q u ’il est m ort su r la b rèche. C’est u n e p erle sensible
pour la science, considérable p our la Faculté.
Les débuts de la carrière u niversitaire d e M. Aoust re
m o nten t à l’an née 1 8 4 5 . P o u rv u du g ra d e de d o c te u r depuis
un an, il en tra à celle époque au lycée S tan islas d ’abord,
puis au lycée de S trasb ou rg . P e n d a n t cet in terv alle de q u a
tre ans, il se fit recevoir agrégé des Facultés p o u r les scien
ces m athém atiques. Dès 1849 il fut appelé à la F acu lté de
Besancon, où il ne resta que cinq ans, p o u r v e n ir en 185 4
être l’un des fondateurs des la Faculté de M arseille. Il y a
depuis lors occupé là ch aire de calcul infinitésim al q u ’il a
illustrée par ses travaux et par son en seig n em en t.
Au d ébu t de sa vie scientifique, M. Aoust sem ble avoir
hésité su r la voie qu'il su ivrait d ans les sciences m a th é m a ti
ques. Il m ê le à ses publications su r la géom étrie des m ém oi
res su r l ’astro no m ie, la m é can iq ue et le calcul intégral.
Après avoir ind iqu é p ar là l’universalité de ses connaissances,
il se consacra tou t e n tie r aux re c h e rc h e s g éom étriques, et ses
d écouvertes lui a ss u rè re n t un ra n g élevé parm i les géom ètres
co n le m p o ra in s.il eu t le g ra n d h o n n e u r d ’a b o rd e r le p re m ier
l ’étu d e des coord on nées cu rvilign es. Les n o m b re u x travaux
publiés depuis su r le m ê m e sujet o nt ap p o rté de larges d é v e
lop pem en ts aux p re m ières conceptions de l ’abbé Aoust et
d é m o n tré la v a le u r de la n ouvelle m é th o d e , si féconde en
résultats im p ortan ts, d o n t plu sieu rs o nt été form ulés
p ar lui.
C om m e professeur, la n etteté et la h a u te u r de son e n s e i
g n e m e n t captivaient d ’a u ta n t plus l’atten tio n de ses élèves,
q u ’à ces qualités se joig nait l’au torité scientifique du m a ître.
Aussi a-t-il été toujours e n to u ré p a r eux de reconnaissance
et de resp ect. Si son cara ctère p résen tait des aspérités trop
connues p o u r q ue je puisse les n ie r ou m ê m e les passer sous
silence, elles s’ex p liq u e n t p e u t-ê tre p a r la solitude à laquelle
il se trouvait en q u elq u e sorte co n d am n é, p ar u n e santé d é li
cate, p a r des lab eu rs co ntinu s et excessifs. Ces im perfections
n e s’eflacent-elles pas, d ’ailleurs, d ev an t l’au stérité et la
dig nité de sa vie ?
L ’U niversité n e s’est point m o n tré e ing rate vis-à-vis de
l’abbé Aoust. Elle l’a réco m p ensé ch aq u e fois q u ’elle l’a pu,
en le n o m m a n t su ccessivem ent officier de l'in stru c tio n p u
b lique, ch evalier, puis officier de la Légion d ’h o n n e u r en
1 8 7 9 . — Lors de la création des classes de p rofesseurs, il
avait été placé dans la p re m iè re . Enfin ses publications lui
avaient valu de la p a rt des sociétés savantes u n e m édaillle
�— <i4 —
d ’arg ent en 1870, une médaille d ’or en 1 8 7 4 , et u n e de v er
meil à l’exposition de 1 8 7 7 .
Ces h on neu rs et ces dignités qui lui ont été d écern és, il
avait su les m é rite r par son d évo uem en t au d evo ir, son infa
tigable énergie et la h aute v aleu r de ses tra v a u x .
M. Aoust est rem placé p ar M. S au vag e, qui n o u s v ie n t de
Montpellier, où il avait été d ’abord le co lla b o ra te u r, puis le
successeur d ’un hom m e ém in en t, M. R o che, m e m b r e co rres
pondant de l’Institut, qui fut q u e lq u ’un d ans les sciences m a
thém atiques et astronom iques co ntem po raines. C es d e u x pos
tes donnés successivem ent et dès ses d ébu ts d an s l ’en seig nem e n lsu p é rie u r à notre jeune collègue sera ie n t déjà u n e p re u v e
de ce q u ’il vaut, si ses précédents n e nous en fou rnissaient
pas d’autres. — Il est le bienvenu parm i n ou s.
La chaire de physique a aussi ch an g é de titu la ire . M: IIugueny, après cinquante ans de services d an s l’U n iversité,
vient d ’être mis à la retraite su r sa d e m a n d e et n o m m é p ro
fesseur honoraire. En allan t rejo in d re un frè r e et u n e sœ u r
octogénaires à S trasb ou rg , il em po rte d ’ici l’estim e et le re s
pect de tous. Nons l’accom pagnons de nos v œ u x et de nos
regrets dans une retraite q u ’il a si d ig n e m e n t m é rité e .
M. H ugueny ne faisait p artie de l’en seig n em en t s u p é r ie u r
que depuis onze ans. Il y était e n tré p o u r ainsi d ire p a r ac
cident, au sortir des fo n d io n s d ’inspecteur d ’a ca d ém ie q u ’il
avait rem plies à Nancy d ’abord, puis à B esanco n, d e 1871 à
1874. J e ne v oudrais pas rép o n d re q u ’il ne se fût v o lo n ta ire
m ent h eu rté contre quelq ues-u ns des n o m b re u x écu eils dont
sont semées les carrières adm inistratives : ce q u e je puis
affirmer c’est que son passage d ans la M e u rth e -e t-M o se lle et
dans le Doubs a laissé de lui le m eilleur so u v en ir et com m e
h om m e et comme ad m in istrate u r.
C ’est en sortant de Besançon que M. H u g u en y est venu
o ccuper la ch aire de p hy siqu e à la Faculté de Marseille. Il y
était appelé p ar sa com pétence spéciale p o u r l’en seig n em en t
d ont il était c h arg é . Elève sorti de l'Ecole n o rm a le en 1839,
il avait été envoyé, en effet, p ou r ses d ébuts en q ualité de
p ro fesseur de p h y siq u e au lycée de Dijon, où il séjourna dix
ans, puis au lycée de S trasb o u rg , q u ’il n e quitta q ue par
suite des tristes év én e m en ts de 1 8 7 0 . P e n d a n t ces tre n te ans
passés d ans l’en seig n em en t secondaire, il trouva m oyen de
p ub lier q uelq ues trav au x o rig inau x intéressants, parm i les
q uels il faut r e m a r q u e r u ne élude im p ortan te su r la d u reté
des corps, et se fit r e m a r q u e r p a r toutes les qualités du p ro
fesseur. Ses n o m b reu x élèves d ev en u s ses am is, n ’ont point
oublié ce q u ’iIs d oivent à le u r m a ître. Ces qualités, il les a
m anifestées à M arseille su r un plus vaste t h é â t r e ; à peine
est-il besoin de ra p p e le r q ue depuis onze ans, tous les m ardis
soir, la g ra n d e salle de la F aculté était co n sta m m en t rem plie
d ’a u d iteu rs attentifs à des leçons où la précision et l’élégance
du langage s’alliaient à la la rg e u r des ap erçu s, et dont un
des p rin cip a u x attraits était de n o m b reu ses et b rillan tes
expériences p ré p aré es avec soin sous la direction du m a ître.
Intelligence o u v erte à tout, n a tu re essentiellem ent droite,
on lui a dem an d é ici de tous cotés un concours q u ’il n ’a jam ais
refusé. M em bre du conseil académ iqu e, des commissions
d ’hygiène, des hospices, de la bib liothèqu e, de l ’a v a n t-d e rn ie r
conseil m u nicipal, ajoint au m a ire de Marseille dont il a
rem pli les fonctions p e n d a n t quelq ues mois, il a laissé p a r
tout l’im périssable so uv enir de ses h au tes aptitudes, de son
d évo uem en t et de sa loyauté.
J e n ’ai pas, Messieurs, à faire l’éloge du je u n e sav an t qui
succède à M. Ilu g u e n y , dont il a été l’ami et le co llabo rateur.
M. Macé de L épinay est u n des n ôtres. Attaché à la Faculté
des Sciences d epuis cinq ans en qualité de m a ître de confé-
�— 46 —
rences de physique, il a publié plu sieu rs tra v a u x fort im p o r
tants sur quelques points délicats de l ’o ptique, qui lui o n t déjà
assigné une place h onorable parm i les p hysiciens.
Une chaire de chimie ind u strielle a été créée celle an n ée
à la Faculté de Marseille. M. Duvillier, p ro fe s s e u r'd e chim ie
à l'école supérieure d ’Alger, en avait été n o m m é le titu laire :
mais la m ort rapide de M. Morges qui l’av ait r e m p la c é à Al
ger où il a succombé u n mois à peine ap rès son a r r iv é e , sans
avoir pu faire u n e seule leçon, a p erm is à M. D u v illier de
rep ren d re son ancien poste q u ’il ne quittait q u ’à r e g r e t . Bien
q u ’entré depuis fort peu de tem ps dans l’e n s e ig n e m e n t supé
rieu r, M. Klein, ing én ieur civil, ancien élève d e l’école des
mines, qui nous a été envoyé à sa place co m m e su p p lé a n t,
est un jeu n e chim iste d’av enir, bien co n n u déjà p a r ses
recherches su r les com binaisons du T ellu re et s u r les BoroTungslates. J e ne cite que les principales. 11 a su, d ep u is son
arrivée, se concilier l’estime et l’affection de ses collègues.
Monsieur le M inistre nous a en o u tre accord é, s u r la d e
m and e de M. Dieulafait et su r la m ie n n e , des co nférences de
minéralogie. 11 en a ch arg é M. W a lle ra n t, élèv e d e l ’Ecole
norm ale, agrégé des sciences n aturelles, p ro fesseu r au lycée
de Marseille. L ’en seig nem ent tan t oral q u e p ra tiq u e don né
par M. W alleran t p end ant celle an n ée a eu u n succès des
plus mérités. Nous espérons bien que dès q u ’il se ra docteu r,
et il le sera dès q u ’il p ou rra disposer d ’un p eu de tem p s pour
term in er sa thèse, il sera attaché à la F a c u lté p a r d es liens
encore plus étroits.
Je n ’ai pas à rev en ir su r l’insuffisance d e n o tr e in s ta lla
tion. Une nouvelle Faculté qui, p a r l’a m p le u r d es locaux a f
fectés à ses divers services, d o n n era la rg e m e n t satisfaction
non seulem ent à tous nos besoins actuels, m ais en co re à ceux
de l’avenir, a été consentie à la fois p ar l’E tat et p a r la m u n i
cipalité. L ’Etat v erse sa p a rt co ntributive d epuis le traité
passé avec la ville ; m ais l’em placem en t prim itif du nouvel
édifice avait été m al choisi ; on en a adopté un nouveau qui
est m e illeu r de l’avis de tous. S eu le m en t les constructions
n e sont point à la veille d ’être en trep rises et il est impossible
de se faire u n e idée, m em e ap pro chée de l’époque à laquelle
il nous sera d o n n é de p re n d r e possession du g rand é ta b lis se
m e n t qui nous est p ro m is.
Agréga'ion. — J e disais dans m on ra p p o rt de l’an n ée
d e rn iè re que la préparatio n aux ag régatio ns des sciences en
province ne pouvait d o n n e r de bons résultats p o u r p lu sieu rs
m o tifs : Ecole n o rm a le su p érieu re et Facultés de Paris, fort
bien organisées d ans ce but et dont l’en seig n em en t s’adresse
à des élèves choisis. — Insuffisance du person nel relativ e
m e n t restrein t des Facultés de province, qui a de n o m b reu x
licenciés à p ré p a re r, des cours publics à faire, des trav aux p e r
sonnels à effectuer, sans co m p ter la besogne en co m b ran te des
ex am e n s du b accalauréat qui confisquent deux mois entiers
en v iro n . Enfin petit n o m b re d ’élus. L ’ad m inistratio n supé
rie u re sem ble avoir tenu com pte des o bservations (|ue je p ré
sentais à ce sujet l ’an passé, qui subsistent i n l a d e s e l q u e b e a u
coup d ’au tres ont p ro b a b lem en t form ulées en m êm e tem ps que
moi ; car cette an n ée un e seule prolongation de bourse d ’a g r é
gation nous a été accordée ; les cinq bourses d em an dées p ar
la Faculté en faveur des doubles licenciés reçus d an s de très
b o n n e s conditions p ou r la p lu p a rt ont été, sans exception,
refusées. Il en est de m ê m e à peu près p artou t.
Quoi q u ’il en soit, nous avons eu cette an n ée n euf élèves
p o u r les agrégations ; q u atre p ou r l’agrégation m a th é m a tiq u e
dont un a été adm issible, M. M osnat, et cinq p o u r l’a g ré g a
tion p hysique dont d eu x , MM. S alm on et B eaulard , ont été
égalem ent admissibles, le p re m ie r d an s un tel ran g (6") que
�/
CD* —.
£5 __
CD
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ACADÉMIE
ANNÉE SCOLAIRE
FACULTÉ DES SCIENCES DE M A R SEILLE
1 8 8 4 -8 5
D A IX
RÉSULTAT DU CONCOURS DE L’AGRÉGATION DES LYCÉES
ADMI SSI BLES
NOMS
ÉLÈVES
des E lè v es
p ré p a ré s p a r
la F a c u lté
q u i se so n t
p ré se n té s
S c ie n c e s m a th é m a tiq '1 C h e v a lie r
M e strallet
D u R o u rg u e t
M osnat
C h e v a lie r
M e stra lle t
D u B o u rg u e t
M o sn at
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4
0
O R D R E D ’A G R É G A T I O N
4
AUX
ÉPREUVES
Boursiers
Correspondants
ADMIS
ADMI S
ORALES
Total
M o sn at
M osnat
1
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Definitivement
Boursiers
Correspondants
néant
néant
néant
0
0
0
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T otal
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B e a u la rd
G a u d e m a rt
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B e a u la rd
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S alm o n
B e a u la rd
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S alm o n
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56
- 51 —
ANNEE SCOLAIRE 1884-85
Som m e toute, s’il n ’y a pas lieu de se féliciter des résu ltats
obtenus, on peut, sans vanité, ne pas se m o n tr e r m é co n ten t.
Trois admissibles su r n euf présentés n e c o n stitu e n t p as une
proportion décourageante.
Licences h sciences. — Q u aran te-sep t élèves inscrits o n t
suivi nos cours et conférences, d o n t d ix -h u it b o u rs ie rs (15 d e
l’Etat, 2 du d épartem ent, 1 de la ville). T ren te -six se so nt
présentés tant d ans la session de n o v em b re 1884 q u e d an s
celle de juillet 1885. — Vingt ont été reçus.
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( MM. G am et, ) b o u rs ie rs d e
Deux avec la note bien j
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Desplans) lie. p h y s.
Huit avec la note assez-bien.
Dix avec la m ention passable. (Voir le tableau ci-an nex é).
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�Enfin, pour clore celte énum ération, et j ’aurais dû com
m encer par là, puisqu’il s’agit du grade universitaire le plus
élevé, je dirai que M. Charreyre, préparateur de botanique
à la Faculté, a été reçu au mois de décembre 1 884 docteur ès
sciences naturelles par la Faculté des Sciences de Paris. Sa
thèse « Recherches sur les Cystolithes » avait été faite dans
le laboratoire de botanique de la Faculté de Marseille, sous
la direction et avec les conseils de M. Heckel.
Baccalauréats. — Les deux baccalauréats, complet et res
treint, ont compté dans les trois sessions de novem bre, de
Pâques et juin-juillet, 432 candidats ainsi répartis :
386 pour le complet,
48 p o u r le restreint.
Sur les 386 candidats au baccalauréat complet 118 ont
été reçus, 3 avec la note très-bien :
MM. Gay, élève du lycée de Marseille ;
Chevrel, élève du lycée de Bastia ;
Colonna d’istria , élève du collège d ’Ajaccio.
10 avec la mention bien, leurs noms sont inscrits au ta
bleau ci-joint.
%
16 avec la note assez-bien et 39 avec la m ention passable.
— Proportion 30, 5 0/0.
Des 48 candidats au restreint 26 ont été admis, 1 avec
très-bien : M. Dufour.
9 avec assez-bien et 16 avec passable. — Proportion
54 0/0.
L’année dernière il y avait 308 candidats pour les deux
baccalauréats, soit 37 candidats de moins que l’année précé
dente (1882-1883), déchet dû à la perturbation amenée par
l’épidémie cholérique.
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EXAMENS DES BA CCALAURÉATS
1B10X
�—
56
—
-
Cette année en à vil augm enter très sensiblement le n o m
bre, car il y en a eu 78 de plus que l’an d ern ier, 41 de plus
qu’en 1883. Quant aux proportions des admis, sensiblem ent
la même pour le restreint, elle a baissé de 45 0/0 à 30 0/0
pour le complet et s’est trouvée à peu près la m êm e q u ’en
1883. Ce sont là des oscillations que je ne me charge pas d ’ex
pliquer.
Travaux des professeurs. — Malgré le h au t in térêt que
présentent beaucoup de ces publications, fort nom breuses
d ’ailleurs, je dois me. borner à en consigner les titres à la fin
de ce rapport. Mais je me fais un devoir de signaler deux
hautes récompenses dont certaines recherches de deux de
mes collègues viennent d ’être le sujet de la part de l’acadé
mie des sciences. Le grand prix des sciences physiques a été
décerné à M. Marion par l’Institut dans sa séance du 23 fé
vrier 1885 pour ses travaux « sur la topographie zoologique
du golfe de Marseille et sur les faunes profondes de la Medi
terranée » et le prix Barbier vient d ’être donné à M.
Heckel, conjointement avec M. Dufour, pour ses recherches
« sur le Doundaké au point de vue botanique, chim ique,
thérapeutique et industriel. »
M. Sléphan, correspondant de l’Institut. — Outre les o b
servations diverses afférentes à son service d ’astronom ie, M.
Sléphan a continué, à l’observatoire de Marseille, les rech er
ches sur les Nébuleuses qu ’il poursuit depuis 1866.
On sait que ces recherches com prennent deux parties dis
tinctes : l’exploration du ciel en vue de la découverte des
Nébuleuses nouvelles et la détermination précise ultérieu re
des coordonnées de ces Nébuleuses ainsi que leur descrip
tion.
C’est sur cette seconde partie q u ’ont particulièrem ent
porté, celle année, les travaux de M. S léphan.
57
-
Une nouvelle liste com prenant les positions précises de
cent nébuleuses, a été publiée, en avril, dans les comptesrendus de l’académie des sciences et dans les Aslronomischc
ISachrichten (C. R. T. C. pp. 1043 et 1 1 0 7 ; Ast. Nack.
Band. III, n° 26 6 1 , p. 321).
M. Macë de Lépinay, maître de Conférences de physique :
Etude de la dispersion de double réfraction du quartz
(Journal de physique (2), t. iv, 1885),
Application des spectres cannelés de Frizeau et Foucault
(Journ. de phys. (2), t. iv, 1885).
Méthode optique pour la m esure absolue des petites lon
gueurs (C. R. de l’Académie, T. C. 1885). (Reproduit inté
gralement par le Philosophical magazine).
Diverses analyses de travaux publiés à l’étranger parues
dans le Journal de Physique.
MM. Klein' et Morel. — Action de l’eau et de l’acide azo
tique sur l’azotate basique de bioxyde de tellure (Comptes
rendus des séances de l’Académie des sciences, l. XCIX,
p. 567).
MM. D. Klein et J. Morel. — S u r le dimorphisme de
l’anhydride tellureux et sur quelques-unes de ses com binai
sons (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences,
t. C, p. 1140).
M. Dieulafait :
1° Composition des cendres des équisétacées ; application
à la formation houillère (Comptes rendus de l’Académie des
sciences).
2° Origine des m inerais métallifères existant autour du
plateau central, particulièrem ent dans les Cévennes (Comp
tes rendus de l’Académie des sciences).
3° Origine du fer, du manganèse et du zinc (Comptes
rendus de l’Académie des sciences).
�—
4U Nouvelle contribution à la question de l’orige de l’acide
borique. Application aux eaux m inérales de Montecalini
(Italie) (Comptes rendus de l’Académie des sciences).
5° Origine et mode de formation des phosphates de chaux
et des terrains sidéroliliques. (Annales de Chimie et de p h y
sique, 6’ série),
6° Nouvelle contribution à la question de l’acide borique
(Comptes rendus de l’Académie des sciences).
7° Application de la thermochimie à l’explication des phéA nomènes géologiques ; minerais de m anganèse (Comptes
rendus de l’Académie des sciences).
8° Application d e là therm ochim ie à l’explication des p hé
nomènes géologiques ; minerais de m anganèse et de fer
(Comptes rendus de l’Académie des sciences).
9° Application de la therm ochim ie à l’explication des
phénomènes géologiques ; carbonate de fer (Comptes rendus
de l’Académie des sciences).
10° Application de la thermochimie à (l’explication des
phénomènes géologiques ; carbonate de zinc (Comptes rendus
de l’Académie des sciences).
M. Heckel :
1* Nouvelles monstruosités mycologiques. (Revue Mycologi
que, de Toulouse, n° 25-4885).
2° Du üoundakê (sarcocephalus esculeyitus) ,e t de son écorce
«
dite quinquina d'Afrique, quinquina du Rio-Nunez au point
de vue botanique, chimique et thérapeutique, en collabora
tion avec le professeur Schlagdenhauffen (de Nancy). (C.
Rendus de i Acad, des sciences, 5 janvier 4 8 8 5 et Journal de
Pharmacie et de Chimie. — 1er avril 1885 et 15 avril 1885),
avec deux planches lithographiques.
3° De Yartemisia yallica, Wild. comme plante à san lo nine et de sa composition chimique (en collaboration avec le
59
professeur Schlagdenhauffen) (Comptes rendus de l’Acadé
mie des sciences. — 16 mars 1885).
4° S ur quelques faits nouveaux et rem arquables dans la
formation secondaire de l’écorce (Bulletin de la Soc. bot. de
France. — 1885, avec une planche lilhog.).
5° S ur les origines botaniques des Doundakés africaines.
(Bulletin de la Soc. bot. de France. — 13 m ars 1885), avec
une planche lithographique.
6° Des graines de chaulmoogra (gynocardia odorata,
Roxb.) et sur leur composition chimique. (Journal de yhar.
et de chim. — 4 " a v r i l 1885), en collaboration avec M. le
professeur Schlagdenhauffen.
7° Recherches morphologiques sur un organe unicellulaire,d ’origine thrichomatique propre àcertaines plantes aq u a
tiques (Cellules en G odet), avec deux planches lith o g ra
phiques (Revue des sciences naturelles, juin 1885).
8° Recherches sur les graines d ’hydnocarpus Wighliana
Roxb. succédanné de celles de chaulmoogra, en collabora
tion avec le professeur Schlagdenhauffen (Journal depharm.
et de chim. — 1er juillet 1885).
9° Des écorces de morinda citrifolia, L., sublituées ou
mêlées à celles de doundaké (Sarcocephalus esculentus Afz.)
et des moyens de les reconnaître chimiquement (Journal
de pharm. et de chim. — 15 ju in 1885), en collaboration
avec Je professeur Schlagdenhauffen.
10° S ur un nouvel arb re à Gutta-percha ( Comptes-rendus
de l’Acad. des sciences. — 11 mai 1885 et journal la Nature,
du 24 octobre 1885).
41° Les champignons au point de vue évolutif (Bulletin
de la Soc. mycologique. — Août 1885, n° 2), en collabora
tion avec M. C hareyre.
12° Les algues au point de vue évolutif (Journal d'his-
�- 61 —
taire Nat. du sud-ouest. — Octobre 1885), en collaboration
avec M. Chareyre.
13° Sur Barringlonia inlermedia, Miers (Jlulleiin de la
Soc. bot. de France , n° 4. — 1885).
14° Articles algues de l’encyclopédie du XIXe siècle ; en
collaboration avec M. Chareyre.
15° Du Téli (Erythrophlœum Guineense, Graél). (Article
entièrement original du Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, reproduit par le journal les nouveaux Re
mèdes de Paris, n° du V* octobre 1885), poison d ’épreuve
des nègres de la côte occidentale d ’Afrique.
16° De la nature et de la valeur des caractères évolutifs
(Revue scientifique, du 16 octobre 1885), en collaboration
avec M. Chareyre.
17° Sur l’organisation anatomique des ascidies de sarracenia, darlinglonia et nepenthes, en collaboration avec M.
Chareyre (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, le 16
septembre 1885).
18° Anatomie des urnes de Cephalotus follicularis , Latill.
en collaboration avec M. Chareyre (Comptes rendus de l’Acad. des sciences, le 3 octobre 1885).
M. Marion :
Sur les caractères d ’une conifère tertiaire, voisine des
Dammarées(Comptes-rendus, novem bre 1884).
L’évolution du règne végétal (en collaboration avec M. de
Saporta), (Phanérogames, 2 vol. in- 8° de la bibliothèque
scientifique internationale).
Les organismes problématiques des anciennes m ers (Revue
scientifique, juin 1885).
L’ordre des Aplacophores ou Solénogastres (Dans T raité de
conchyologie de Fischer, août 1885).
M. Jo u rd an :
S tructure des élytrès de quelques Polynoês (Zoologischer
Anzeiger, 2 m ars 1885, n° 189, Leipzig).
M. Vayssière :
S u r les T ectibranchesdu golfe de Marseille (Note présentée
à l ’Académie des sciences, séance du 2 juin 1885).
S u r l’organisation d e là Truncalella (Note présentée à l’A
cadémie des sciences, séance du 7 septem bre 1885).
Monographie anatom ique de la T runcalellaT runcalula (Tra
vail inséré dans la 4",e fasciculedu journal de Conchyliologie,
année 1 885, p. 1 à 35. — PL XII et XIII).
Description du ScyphidiaFischeri (infusoire nouveau de la
famille des Vorticellidés). (Journal de Conch. 4 n,e fasc. p.
35, 38. — PL XIII). Cet animal est fixé d ’ordinaire sur
l’organe copulaleur de la Truncatella Truncatula.
Communication sur une espèce de cochenille qui détruit
les fusains dans le midi de la Fronce (Bulletin de la société
d’Agricullure de Vaucluse, n e d ’octobre 1885).
�— 63 -
RAPPORT DE M. BIZOS
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES
Monsieur
le
R ecteur ,
Me ss ie u r s ,
J'ai l’honneur de vous présenter le compte ren d u des
travaux de la Faculté des Lettres d ’Àix, p en d an t le cours de
l’exercice scolaire.
Trois sessions ont eu lieu pour le baccalauréat, en no
vembre, en mars et en juillet.
En novembre le nom bre des candidats pour la prem ière
partie a été :
I n s c r its ................................................. 190
Défaillants.............................................
11
Éliminés après l’épreuve écrite............. 85
Ajournés après l’épreuve o ra le .............. 22
A d m is...................................................
72
Ont mérité la mention B ien ...................
3
Ont mérité la mention Assez-bien........
10
Ont eu la note Passable......................... 59
La moyenne des réceptions a été de 38 0/0.
En juillet le nom bre des candidats pour la prem ière partie
a été :
I n s c r its .................................................. 350
Défaillants.............................................
7
Eliminés après l’épreuve é c r i t e ............ 189
Ajournés après l’épreuve o ra le ..............
14
A d m is .................................................... 140
Un candidat a obtenu la mention très-bien, neuf ont mérité
la mention bien, vingt-cinq la mention assez-bien, cent-cinq
ont eu la note passable. La moyenne des réceptions a été de
44 0/0.
Pour la seconde partie du baccalauréat, en novembre, le
nombre des candidats a été :
I n s c r i t s .................................................. 105
Défaillants.............................................
9
Élim inés après l’épreuve é c rite ........ . 40
Ajournés après l’épreuve o ra le ............. 10
Adm is....................................................
46
Ont mérité la m ention B ie n ...................
5
Ont m érité la mention A ssez-b ien........
8
Ont m érité la note P assab le................. 33
La m oyenne des admissions a été de 50 0/0.
Au mois de m ars 1885 s’est ouverte la session réservée
aux candidats de la seconde partie : leur nom bre a été :
I n s c r i t s .................................................
50
Défaillants.............................................
7
Eliminés après l’épreuve é c r i t e ............... 19
Ajournés après l’épreuve o ra le ..............
2
A d m is...................................................... 22
Un candidat a obtenu la mention bien, deux ont obtenu la
mention assez-bien, dix-neuf ont eu la note passable.
La m oyenne des réceptions a été de 55 0 /0 .
�-
64
—
En juillet le nombre des candidats pour la deuxièm e p ar
tie a été :
I n s c r i t s ................................................. 2 1 0
Défaillants.............................................
41
Éliminés après l’épreuve é c rite ............ 85
Ajournés après l’épreuve o ra le ............
26
A d m is ...................................................
88
Un candidat a obtenu la mention très-bien, huit on t obtenu
la mention bien, quatorze la mention assez-bien, soixantecinq ont eu la note passable.
La moyenne des réceptions a été de 44 0/0.
Je pense, Messieurs, q u ’il est utile de descendre n n peu
plus avant dans le détail de la statistique et d ’ajo u ter aux
renseignements, qui viennent de vous être donnés, quelques
indications qui les complètent et les éclairent. Des 2 8 8 can
didats à la prem ière partie, qui ont été éliminés après les
épreuves écrites, 67 ont été refusés pour la composition f r a n
çaise, 40 pour la version, 10 pour le thèm e de langue vi
vante, 113 pour deux compositions à la fois, et 58 sont tom
bés sous le poids de trois note mal. Des 145 candidats à la
seconde partie, qui ont été éliminés après les épreuves écri
tes, 43 ont été refusés pour la dissertation de philosophie,
53 pour la composition scientifique, et 49 pour les d e u x com
positions à la fois.
Au mois de novembre 1884 une session de licence s'est
ouverte pour onze candidats, dont huit étaient pour les lettres,
deux pour l’histoire, un pour la philosophie. Cinq ont été
admis.
M. Mane, m aître élémentaire au lycée de Marseille,
(histoire).
—
65
-
MM. De Verville, étudiant libre.
j
Faral, professeur au collège de Blidah. f lettres.
Peloux, étudiant libre.
i
Alet, professeur au collège d ’Arles.
/
Au mois de juillet 1885 la session s’est ouverte pour dix
candidats, dont deux étaient pour l’histoire, deux pour la
philosophie, et six pour les lettres. Cinq de ces candidats ont
été admis.
MM. Colonna d 'Islria, (philosophie).
t
...
\
Cecaldi, m aître auxiliaire au lycée
d ’Aix.
!
Patin, boursier de la Faculté.
/ lettres.
Seiller,
«
«
\
Ganel, étudiant libre.
/
M. Colonna d ’Istria a passé un rem arquable exam en de
philosophie : la Faculté a été heureuse de donner à cet excel
lent étudiant la m ention bien .
P o u r la prem ière fois nous avons eu le regret de voir deux
de nos boursiers de seconde année échouer. Nous leur
avions prédit leur insuccès : car ils ont eu le tort de se refu
ser, m algré nos avertissements, à faire des vers latins, qui
au raien t pu leur être un appoint sauveur, et de négliger le
thèm e grèce, qui les a perdus l
Au mois d'avril 1885 nous avons eu une soutenance de
thèses pour le doctorat. M. Aubert, qui, quoique très occupé
à Marseille dans d ’actives fonctions commerciales, consacrait
depuis de longues années sa fortune et ses loisirs à l’élude
désintéressée de la linguistique et de la gram m aire comparée,
nous a présenté deux thèses intitulées, l’une, de usuparticipiorum proesentis in sermone Gallico, l ’autre, des emplois
syntaxiques du genre neutre en français. La Faculté, après
avoir fait appel pour cet important exam en au bienveillant
�—
et précieux concours de Messieurs Benoist et T hom as, p ro
fesseurs à la Faculté des Lettres de Toulouse, a reconnu que
M. Aubert avait fait preuve, m algré des erreu rs de m éthode,
d ’une science toujours sérieuse et parfois assez pénétrante.
C’est pourquoi, rendant hommage au m érite réel q u ’il y
avait pour lui à avoir traité, presque sans guide, des sujets
aussi abstraits d ’une m anière satisfaisante, elle a cru pouvoir
avec justice le déclarer digne du grade de docteur.
J ’arrive m aintenant au compte rendu de nos leçons, qui
sont de deux sortes. Notre enseignement public, qui pendant
le prem ier semestre se maintient à côté de l’enseignem ent des
conférences et des cours privés, continue à être très pros
père : nous avons soit à Aix soit à Marseille un auditoire in
telligent, nom breux et fidèle. Le second sem estre est en tière
ment consacré aux cours spéciaux, qui sont réservés aux
seuls étudiants. Nos conférences préparatoires à la licence
ont compté une moyenne de trente-cinq à q u a ra n te au d iteu rs
assidus, boursiers, maîtres auxiliaires, m aîtres répétiteurs,
élèves libres. Nous avons eu la satisfaction d ’a ttire r à nous
quelques-uns des meilleurs étudiants d e l à Faculté de Droit,
et nous espérons que l’exemple de ces jeu n es gens laborieux
et lettrés sera suivi p a r le u rs condisciples encore hésitants.
Nos conférences préparatoires aux différentes agrégations
se développent très heureusem ent. Six candidats à l’agréga
tion des lettres, deux à l’agrégation d ’histoire, q u atre aux
agrégations d'anglais et d ’allemand, ont suivi les leçons que
nous leur avons particulièrement destinées. D’au tre p a rt
nous n ’avons pas, malgré plus d ’une désillusion, renoncé à
nous tenir en correspondance avec les professeurs et les
maîtres du ressort trop éloignés pour venir au siège de la
Faculté. Vingt-cinq candidats aux différentes licences, deux
à l’agrégation des lettres, un à l’agrégation de gram m aire,
67
—
un à l’agrégation d ’allemand, et quatre au certificat d ’apti
tude à l’enseignem ent des langues vivantes, nous ont plus ou
moins régulièrem ent envoyé des devoirs, que nous avons cor
rigés avec soin, ou nous ont dem andé par écrit des conseils,
que nous ne leur avons jamais refusés.
P en d an t l’année qui vient de s’écouler, le professeur de
philosophie, M. Colsenet, a exposé les progrès des idées mo
rales relatives à l’hom m e, à la famille et à la société depuis
l’antiquité ju sq u ’à nos jours. Le professeur d ’histoire, M.Guibal, a retracé la période électorale de 1789. Le professeur
de littérature française, M. Bizos, a étudié les œuvres des
poètes dram atiques, qui forment comme la transition de l’é
cole classique à l’école rom antique, Pierre Lebrun, Alexan
dre Guiraud, Alexandre Soumet, Casimir Delavigne, Alfred
de Vigny. Le professeur de littérature latine, M. Constans,
a m ontré comment l’antiquité classique a été comprise par
le m oyen âge. M. Bompard, délégué dans la chaire de litté
rature grecque, s’est occupé des origines de la tragédie. Le
professeur de littérature étrangère, M- Joret, a étudié la lit
térature si originale du règne de la reine Anne et les pre
miers princes de la maison de H anovre. A ces cours princi
paux et aux conférences qui s’y rattachent ont été ajoutées
des conférences complémentaires. MessieursÀgabriel et Bonafous, professeurs au lycée de Marseille, nous ont prêté leur
concours, le prem ier pour l’enseignem ent de la géographie,
le second pour celui de la littérature française. M. Rigal,
m aître de conférences de philologie grecque et latine, s’est
efforcé d ’habituer par des exercices pratiques nos étudiants
à l’application des théories grammaticales en m êm e temps
q u ’il s’est occupé de métrique. M. Clerc, m aître de confé
rences d ’histoire ancienne, a fait pendant le prem ier semes
tre un cours d ’histoire grecque et pendant le second semes
tre un cours d ’histoire romaine,
�-
68
—
Les programmes choisis et approuvés pour la présente
année n ’oflrironl, j ’en ai l’espoir, ni moins d ’utilité ni moins
d ’attrait que par le passé.
Notre nouveau collègue M. Souriau, chargé du cours de
philosophie en remplacement de M. Colsenet, transféré sur
sa demande à Besancon, où l’ont rappelé l’am o u r de la ville
natale et les plus chères affections de famille, s’occupera des
doctrines esthétiques et exposera la philosophie de l’art.
M. Guibal a pris pour sujet Henri IV et son temps ; M. Bizos,
Fénelon éducateur et moraliste ; M. Jo ret, l’histoire des
idées littéraires et estétiques en Allemagne et en A ngleterre
de 1720 à 176 5 ; M. Constans, l’élude des légendes d ’origine
classique au moyen âge.
M. Bompard, dont le talent et le zèle laisseront de d u ra
bles souvenirs à la Faculté d ’Aix, n ’a fait que passer dans la
chaire de littérature grecque. Nommé récem m ent professeur
de rhétorique au lycée Lakanal, il est remplacé p ar M. Boissière, docteur ès lettres, qui, rem ontant à la large source,
où l’antiquité trouvait et puisait tout comme dans u ne ency
clopédie, parlera de celui que les Grecs nom m aient p ar excel
lence le poète, d ’Homère.
M. Clerc, maître de conférences pour l’histoire ancienne,
entretiendra nos élèves des institutions de la Grèce et de
Borne ; M. Rigal leur fera un cours de m étrique et conti
nuera ses savantes leçons de philologie grecque et latine.
M. Agabriel pour la géographie nous ap portera la m êm e col
laboration que par le passé.
Enfin, M. le Ministre a bien voulu nous d o n n er deux
nouveaux collaborateurs. M. Maury, agrégé des lettres, pro
fesseur de rhétorique au lycée d ’Agen,nous est envoyé comme
maître de conférences de littérature grecque, et M. Lena,
ancien élève de l’Ecole normale supérieure, agrégé des
lettres, professeur de rhétorique au lycée d ’Aix, est chargé
d ’un cours complémentaire de littérature française. Nous
souhaitons la bienvenue à ces jeunes maîtres, qui s’acquitte
ront avec succès, nous n ’en doutons pas, des importants
enseignements qui leur sont confiés.
�— 71 —
RAPPORT DE M. LE D' CHAPPLA1N
DIRECTEUR DE l/ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MEDECINE
ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
Monsieur
le
R ecteur ,
Mess ieurs ,
L’an dernier, à pareille époque, quand fut appelé devant
le conseil académique l’examen du budget de l’Ecole de
plein exercice de Médecine et de P harm acie, nous dûmes
demander, M. Dieulafait et moi, le renvoi de la discussion
en priant le conseil de laisser la priorité de cet exam en au
conseil municipal de Marseille.
Peu de temps après, ce budget fut présenté et discuté au
conseil municipal de notre ville qui ne vota que les 10/12
des sommes nécessaires à l’exercice de 1 8 8 5 .
Il est important de rappeler les raisons qui o n t déterm iné
ce vote qui a paru, un moment, m enacer l’existence de notre
enseignement médical.
Le conseil municipal fut frappé du petit nom bre des étu
diants et particulièrement des étudiants en m édecine qui s’é
taient fait inscrire et de la diminution progressive de la
prospérité de l’Ecole. Il dut alors se dem an d er si l’Ecole de
plein exercice remplissait le but que se proposait Marseille
en subventionnant un enseignem ent médical.
Il lui p aru t que la création d ’une faculté de médecine pou
vait seule, donner à notre ville, un enseignem ent médical
utile et à l’avantage de notre région. Comptant sur l’impor
tance de ses hôpitaux et sur tous les éléments de prospérité
que Marseille pouvait fournir aux études médicales, il espéra
obtenir du m inistre de l’instruction publique cette facnlté de
médecine que Marseille réclame depuis si longtemps et la
voir fonctionner au mois de novem bre 1 8 8 5 .
Ces espérances ne se sont pas réalisées, et dans le courant
de cette année la question a subi une transformation n o u
velle qui est clairement établie dans l’im portant rapport de
M. Dieulafait, l’adjoint à l’Instruction publique, rapport
qui n ’a pas été encore discuté à l’Hôtel de Ville.
Bien des raisons ont été données pour expliquer la déser
tion dont notre Ecole est victime ; je me contenterai de les
én u m érer car elles ont été déjà bien des fois appréciées à
leur juste valeur.
Ce so n t: I e Les modifications apportées aux règlements
relatifs aux exam ens de fin d ’études pour le doctorat, les
quelles ont entraîné cette conséquence fâcheuse que l’étu
diant ne travaille plus q u ’en vue de ses exam ens et q u ’il
cherche des protecteurs auprès de ses exam inateurs futurs
en suivant leurs leçons. De là, la nécessité pour lui d ’habi
ter au siège de la Faculté ;
2° Pour l’officiât de santé, P augmentation du temps de la
scolarité portée de trois à quatre ans et l’obligation pour
l’étudiant de subir, en dehors de son exam en de gram m aire,
un examen complémentaire sur les sciences accessoires qui
vont faire l’objet des éludes de la prem ière année ;
3° Parmi les causes transitoires, il y a lieu de citer la dou-
�.
ble épidémie qui a frappé notre ville. Le courage et le dé
vouement dont nous avons vu de nom breux exem ples parmi
nos élèves ne s’acquiert q u ’à l’Ecole de Médecine et l’on
comprend sans peine, que bien des p arents, dans leu r sol
licitude pour leurs enfants, les éloignent d ’une ville qui a le
triste privilège d ’être toujours une des p rem ières frappée par
le fléau ;
4° Une cause de dépopulation de notre Ecole su r laquelle
on n ’a pas suffisamment insisté et q u ’il m ’ap p artien t de signa
ler, réside dans l’insuffisance des locaux et des laboratoires
destinés chez nous aux études médicales.
Une évolution immense s’est opérée depuis u n q u art de
siècle dans les sciences médicales. Les faits acquis l’ont été,
surtout, par les progrès opérés dans les sciences physiques et
chimiques et plus particulièrement à l’aide d u microscope
qui a permis de connaître les modifications apportées p ar la
maladie en pénétrant dans l’intimité m êm e des tissus.
Sous l’influence de ces trav au x , les laboratoires ont pris
un développement considérable. Us ont paru, m êm e, devoir
se substituer à l’anatomie et à la clinique qui n ’en sont pas
moins toujours la vraie base de la science du m éd ecin . Les
travaux pratiques qui n ’étaient d ’abord exigés que des étu
diants en pharmacie, sont devenus, plus tard, obligatoires
pour les aspirants au doctorat et dans ces d ern iers temps ont
été imposés aux étudiants pour l’officiat.
Ces besoins nouveaux ont eu leur contre-coup dans les
édifices qui paraissaient antérieurem ent devoir suffire à l'en
seignement médical. Paris a agrandi sa Faculté dans des
proportions considérables. Lyon a construit un édifice sp len
dide, trop grand, toutefois, pour les. besoins de sa région.
Montpellier également a vu s’élever son double institut de
chimie et de physique, et tous ses laboratoires s’ag ran d ir
en superficie. Marseille, pendant que tout progresse, de
m eure stationnaire et n ’a pas l’égalité des arm es pour lutter
avec ses riches et heureuses rivales.
On se plaint avec raison du petit nom bre d ’inscriptions
prises à notre Ecole, mais tel q u ’il est le local qui est des
tiné à l’exécution des travaux pratiques prévus par les règ le
ments et pour lesquels les élèves paient une rétribution est
insuffisant pour satisfaire aux besoins de ce petit nom bre
d ’étudiants. La physique et l’histologie n ’y ont q u ’une place
insuffisante. Quant à l’anatomie pathologique, elle a dû se
réfugier en dehors de l’Ecole.
Celle situation réclame toute l’attention du gouvernem ent
car telle q u ’elle est notre Ecole ne rem plit pas les conditions
nécessaires pour conduire à bien un enseignem ent médical,
par le fait seul de l’insuffisance de ses locaux. En l’état des
dispositions de la municipalité, qui comprend la nécessité
pour la ville de posséder une faculté il n ’y a pas lieu d ’espérer
que l’on obtienne d ’elle les sommes indispensables pour don
ner à l’Ecole de plein exercice les locaux qui sont nécessaires
à son fonctionnement régulier.
La seule solution pratique se trouve dans la satisfaction
aux vœux émis depuis de longues années par les divers con
seils qui se sont succédés à l’Hôtel de Ville, la création de la
Faculté.
L’insuffisance des locaux est d ’autant plus regrettable que
le matériel destiné à l’enseignem ent est plus considérable et
que nos nombreuses richesses accumulées les unes sur les
autres, dans un espace trop étroit, ne peuvent être utilisées
par nos élèves.
Je ne puis m ’appesantir plus longtemps sur cet exposé
des besoins de l’Ecole, qui, je l’espère, seront satisfaits dans
un avenir prochain. Je dois, actuellem ent, vous exposer ce
G
�qui a été fait dans le courant de l’année scolaire 1884-1885
pour améliorer les locaux et compléter l’outillage de nos dif
férents cours. Tour cela, je vais faire passer sous vos yeux les
différentes chaires et vous énum érer les trav au x et les achats
qui ont été faits pour chacune d ’elles :
1° Je dois placer en télé de cette én u m ératio n l’anatomie
qui est la base de toute science médicale et qui constitue
pour nous une des forces sur lesquelles nous pouvons baser
nos droits à la possession d ’une faculté.
Les améliorations apportées dans les locaux affectés à l’ana
tomie, sont :
a Une modification dans l’éclairage au gaz de la salle
de dissection par la multiplication des becs et leu r disposition
plus favorable au travail de l’èlève ;
b L’établissement de casiers individuels pour permettre
aux élèves de placer leurs instrum ents, leurs livres et leurs
blouses et la substitution de sièges particuliers aux bancs.
c La construction d ’une cuve en cim ent p o u r baigner et
désinfecter les cadavres soumis à l’autopsie.
Les achats com prennent des pièces anatom iques, notam
ment les os les plus fragiles de la tête cjui, placés sous globe
et fixés à des tables construites à cet effet, peu v en t être étu
diés facilement.
2° Dans le projet de budget soumis au conseil municipal,
j ’avais porté dans le chapitre des dépenses extraordinaires,
une somme de 5 ,0 0 0 fr. pour achat du m atériel destiné à
la chaire d’histologie qui avait été établie p ar un vote
d’un conseil municipal antérieur.Ce projet de budget n ’ayant
pas été pris en considération, le vote des 10/12 ayant été
fait sur le total de la somme affectée l’année précédente
à l’Ecole, j’ai du chercher à subvenir à ce défaut d ’affec
tation et assurer le fonctionnement du cours. P o u r obtenir
cela j ’ai consacré à cette chaire une somme de 2 ,7 4 2 fr.
Les principaux instrum ents achetés à cet effet sont :
Un microscope avec les accessoires de Prazmowski, des
microtomes parmi lesquels ceux de Malasses et de Ranvier
— des appareils d ’éclairage, — une cham bre claire, — un
appareil à polarisation, — un appareil spectral, — une
lampe à gaz à verre bleu, — une platine chauffante —
des seringues de Robin, de R anvier — un appareil à injec
tion système Morlot, etc.
J ’ai le reg ret de dire que, vu l’absence de tout local où le
professeur puisse préparer ses cours et les pièces nécessaires
aux travaux pratiques, la plupart de ces instrum ents sont
encore dans leurs caisses.
La nouvelle chaire a nécessité également l’achat d ’une
bibliothèque spéciale à l’histologie, afin de m ettre sous les
yeux de nos élèves les ouvrages importants et les collections
de jo u rn au x se rattachant à celle science.
3° La part de la physiologie dans nos achats de matériel
est la suivante : un instrum ent à inscrire la vitesse du sang,
— un explorateur des battem ents du cœur. — Un explora
teur de la respiration et divers instrum ents propres à m ain
tenir les anim aux en expérience.
M. le professenr Livon m ’avait adressé des dem andes plus
importantes, mais les délais apportés à la livraisons des ins
trum ents par les fabricants doit faire reporter ces dépenses à
l’exercice prochain.
4° L’anatomie pathologique a réclamé pour sa part une
somme de 2 ,5 8 2 fr. 85 c..
Le choléra qui a ravagé notre ville et qui a réclamé les
investigations des hommes spéciaux, m 'a fait un devoir de
leur fournir tous les moyens d ’investigation qui devaient ré
pondre à l’importance de leurs travaux.
C’est dans cette pensée que j ’ai acquis, pour cette chaire
�un microscope de Dronslein, et ses accessoires — un micro
tome de Matasses et de Ranvier, — l’étuve de D’arsonval,
— un calorimètre pour le sang, — u ne lam pe à gaz, —
plusieurs micromètres et un grand nom bre d ’au tres instru
ments dont il m ’est impossible de d o n n e r l’én u m ératio n .
Bien que M. le professeur suppléant Rietsch appartienne
nominativement à la chimie et à la physique, la nature de
ses recherches relatives au choléra, m ’autorisent à classer
dans l’anatomie pathologique les appareils spéciaux qui ont
été acquis pour favoriser ses travaux.
Ce sont : un objeclit à immersion, — un appareil à stéri
lisation à courant de vapeur, — un appareil à stérilisation
du sérum du sang, — un appareil p o u r coaguler le sérum,
— une étuve à régulateur direct pour culture, — u ne loupe
de Brucke, — des chambres hum ides, etc ..
5° L’arsenal de chirurgie négligé depuis quelques années
manquait d’un grand nombre d'in slru m eu ts nécessaires soit
à l’enseignement, soit à la pratique des opérations. J ’ai du
combler ces vides dans la limite du possible.
Les principaux instruments dont j ’ai fait l’acquisition sont :
une boîte complète de résection dont M. F arab eu f, le savant
chef des travaux anatomiques de la Faculté de Médecine de
Paris, a bien voulu surveiller la composition.
Une boîte contenant tous les in stru m en ts nécessaires au
diagnostic et au traitement des maladies des oreilles.
Un appareil pour la Galvano-causlie.
Des instruments pour les maladies de l’œ sophage du la
rynx, — des voies urinaires, — de l’utérus, — de l’ovaire,
etc...
6° La chaire d ’accouchements a réclamé, égalem ent, l’achat
des instruments nouveaux que la science a pro d u it dans ces
dernières années. Ce sont : une couveuse artificielle dans
laquelle on place les enfants venus avant term e afin de lesm aintenir au degré de chaleur indispensable pour assurer
leur existence en dehors du sein de leur m ère, jusqu'au mo
m ent où ils ont acquis le term e ordinaire de la gestation. —
Le basiolribe de Tarnier. — Divers forceps et instruments
dont il serait trop long de d onner le détail.
7° J ’ai acheté pour la physique le barom ètre, le therm o
m ètre, l’hygrom ètre enregistreurs de R ic h a rd — le galvano
mètre de Siemen. — L’appareil de Berlin pour les lois de
l’induction. — L’appareil pour la démonstration des lois de
la vision et de la théorie de l’œil. — L’am ètre et le volta
m ètre de Berfin et l’oculaire fluorescent de Soret.
8° J ’ai acquis pour le cours d ’histoire naturelle deux piè
ces plastiques d ’Auzoux venant s’ajouter à celles que nous
possédons déjà ; ce sont : le dindon comme type des oiseaux
et le ver-à-soie à l’état de chenille et de papillon, comme type
de la classe des v erset des lépidoptères.
Une modification im portante a été apportée égalem ent à
notre jardin botanique. On y a construit un bassin pouvant
perm ettre l’arrosage pendant le chùmage du canal.
Telles sont les amélioration que j ’ai apportées d an slem atériel destiné à nos cours, améliorations qui répondent aux
besoins qui m ’ont été exposés par mes honorables collègues.
Malgré l’insuffisance des crédits affectés à la bibliothèque,
cette partie si im portante de notre m atériel d ’enseignement
s'est accrue de plusieurs miliers de volumes.
Outre, q u ’avec l’autorisation de M. le Recteur, nous y
avons affecté les arrérages du legs Cauvière, nous avons aussi
à m entionner les libéralités dont nous avons été l’objet de la
part de plusieurs de nos collègues.
Le don le plus important nous a été fait p a r M. le profes
seur Pirondi qui a témoigné de l’intérêt q u ’il portait à la jeu-
�-
78
—
nesse de notre Ecole en la faisant jouir, de son v ivant, de la
riche collection de livres q u ’il avait réunie p e n d a n t u n e lon
gue carrière de travail. Cette généreuse donation nous a
obligé à faire construire de nouvelles bibliothèques et à les
placer dans la salle du conseil.
Le docteur Fabre, dont nous ne cessons de reg retter la
perte, nous a également légué ses livres.
La veuve du regretté docteur Garcin, n o tre ancien chef
de clinique, nous a donné aussi un certain n o m b re de volu
mes.
Je dois enfin ajouter, au nom de ces g én é re u x donateurs,
celui de notre collègue Villeneuve qui nous a fait don de quel
ques livres précieux ayant appartenu à son père.
Je ne veux pas term iner cette én um ération des richesses
acquises par notre Ecole, sans rem ercier les familles Seux,
Villeneuve et Fabre qui ont fait cadeau à l’Ecole des portraits
de nos collègues si regrettés. Leur souvenir était encore bien
vivant dans notre pensée et dans nos cœurs, mais dans les
réunions de l’Ecole, ils paraîtront encore vivants au milieu
de nous.
Le personnel de l’Ecole a subi diverses transformations.
M. Girard, notre doyen-d’âge, professeur de clinique mé
dicale, a demandé et obtenu sa mise à la retraite et termine
ainsi une longue carrière d ’enseignem ent très honorablem ent
remplie.
M. Girard appartenait à l’Ecole de Médecine de Marseille
depuis de longues années et la plupart d ’en tre nous le comp
tent au nombre de leurs maîtres. Ancien in tern e des hôpi
taux de Paris, médecin des hôpitaux de Marseille, il appar
tint d’abord à l’ancienne Ecole préparatoire à titre de profes
seur adjoint ; et quand la chaire de clinique m édicale devint
vacante, il fut désigné à la haute situation de professeur de
—
79
—
celte chaire par sa pratique déjà longue et la confiance q u ’il
avait su inspirer à la population de notre ville.
C’est q u ’en effet M. Girard a toujours m ontré les grandes
qualités du clinicien. À une instruction prem ière très pro
fonde sur toutes les parties de la science, il joignait les q u a
lités de l’homme de l’a r t : Exactitude dans le diagnostic, rec
titude du jugem ent, critique sévère des opinions, sécurité
dans les indications et avec cela de la clarté dans l’élocution,
de la sobriété dans le débit ; aussi nos élèves ont-ils été cons
tamment fidèles à ses leçons.
o
Nos plus vifs regrets suivent M. Girard dans sa retraite et
nous sommes satisfaits que tous liens n ’aient pas été brisés
entre nous et que M. le Ministre ait bien voulu le conserver
à l’Ecole en qualité de professeur honoraire.
Les chaires qui étaient demeurées vacantes à la fin de l’an
née dernière, ont été remplies par la nomination de denx
chargés de cours.
M. Pauchon, tout en conservant sa situation de suppléant
d ’histoire naturelle, a été chargé du cours d ’hygiène.
M. le docteur Roux (de Brignoles) qui, pendant son exercice
dans les hôpitaux, avait fait à nos élèves un cours de clinique
sur les maladies des enfants, a été chargé du cours de th éra
peutique.
Celle année a été m arquée par la prem ière application du
décret transportant devant les Facultés les concours pour les
suppléances des Ecoles de Médecine.
Celle question de transfert des concours en dehors des Fa
cultés et Ecoles auxquelles appartiennent les vacances que le
concours doit combler est encore aujourd’hui fort controver
sée. L’Ecole de Marseille doit compter parmi celles qui
ont été le plus satisfaites de cette mesure.
Les résultats ont été d ’ailleurs des plus satisfaisantes pour
�- 80 —
l’enseignement de noire Ecole. Là où nos candidats n ’ont pas
été victorieux, ils ont acquis la considération et l’estime de
leurs juges et ont de plus obtenu leurs éloges p o u r la ma
nière brillante dont ils ont soutenu leurs épreuves.
Le concours pour la suppléance de m édecine m ettait en
présence cinq concurrents appartenant à des Facultés diffé
rentes. Lyon et Montpellier avaient chacune u n candidat,
Marseille était représentée par trois de nos jeu n es docteurs.
C’est au candidat lyonnais qui, a été dévolu le triomphe.
M. Boinet promet à notre école un professeur qui, à une ins
truction solide, joint une élocutiou brillante. MM. d ’Astros et
Boy-Teissier, de notre Ecole, ont suivi M. Boinet de très
près. Le candidat de Monpellier n ’est arrivé q u ’au quatrième
rang.
■' Le concours pour la suppléance d ’anatom ie et de physio
logie n ’a compté que des candidats a p p arten an t à l’Ecole de
Marseille. Au témoignage de leurs juges, les concurrents ont
fait de savantes et brillantes épreuves qui les ont pleinement
satisfaits.
M. Gamel, le vainqueur dans la lutte, est apprécié depuis
longtemps de nos élèves auxquels il faisait un cours d ’ana
tomie en sa qualité de chef des travaux anatom iques. L’Ecole
qui connaît sa valeur a applaudi à son succès et compte
sur ses bons services.
Un concours d ’aide d ’anatomie a eu lieu au sein de l’Ecole
et s’est terminé par la nomination de M. Schnell un de nos
élèves les plus intelligents et les plus laborieux.
M. Schnell ne devait entrer en fondions que le 1 er janvier
prochain, mais l’obligation où se trouvent nos élèves les plus
instruits de se rendre au siège des Facultés p o u r y subir leurs
examens ety présenter leur thèse, nous a enlevé avant l’heure
M. Louge auquel je suis heureux de d o n n er en même
—
81
—
temps un témoignage de regret et de satisfaction pour les
bons services q u ’il a rendus à l’Ecole.
Les cours ont eu lieu avec la plus grande régularité.
Les travaux pratiques se sont effectués d ’une manière a
peu près complète grâce au dévouem ent de nos chefs des tra
vaux et de quelques-uns de nos professeurs.
Il est intéressant de suivre les modifications qui se sont
produites parmi nos étudiants dans les trois dernières an
nées.
En 1 88 4-85, le nom bre des inscriptions prises a été de
484-, ainsi divisées :
D octorat......................................................... 114
Official........................................................... 109
Pharm acien de 1re classe.............................. 27
«
de 2 me classe................................. 234
484
Distribuées par années, l’ordre est la suivant :
1re année 2e année 3e année 4e année
Doctorat............. ...
Officiât................ .
P h arm . de 1re c l . .
«
de 2 me c l . .
24
37
70
41
47
4
109
1 30
201
23
25
12
55
26
«
«
«
114
109
27
234
12^
26
484
11
En 1 8 8 3 -8 4 , 538 inscriptions.
l re année 2e année 3e année 4e année
24
28
Doctorat.............. . 59
34
145
.
53
40
55
«
Officiât................
148
5
12
12
«
29
P h arm . de 1re cl. .
56
61
«
216
«
de 2œe c l. . 99
216
132
156
34
538
�- 8? -
- 83 —
En 1882-83, 541 inscriptions.
l re année 2e année 3e année 4e année
87
Doctorat............. . 21
34
22
10
Officiât................ . 43
69
«
185
73
Pharm . de 1 r0 c l . . . 12
«
30
16
2
«
de 2me c l ... 80
91
«
239
68
156
191
184
10
541
Le nombre des inscriptions est allé en d im in u an t chaque
année : en 1882-83, il y en a 581, — en 1 8 8 3 -8 4 , 5 3 8 ,
— en 1884-85, 484.
Si nous examinons les perles au point de vue de la m éde
cine et de la pharmacie, nous trouvons :
En 1882-83 — Médecine, 272 in sc rip t.— P h arm acie 269
1883- 84
»
293
»
»
245
1884- 85
»
2 23
»
»
261
Dans la Médecine :
En 1882-83 — Doctorat,
87 Officiât 185
1883- 84
»
145
»
148
1884- 85
»
114
»
109
l'on a obligé ces étudiants à subir nn examen complémen
taire sur la chimie, la physique, l’histoire naturelle. —
Cette année-là nous ne comptons que 5 aspirants à l’officiat,
Les examens de fin d ’année ont donné les résultats
suivants :
Officiât de santé. — 1 Session de Juillet.
1r* année — 6 candidats — 6 admis
2 me année
11
»
10 »
—
La mention
»
»
»
»
Très-bien i été donnée
Bien
»
Assez-bien
»
Passable
»
Médiocre
»
I ajourné.
1 fois
3
4
4
4
fois
fois
fois
fois
2° Session de Novembre.
1rs année — 2 candidats — aucun ne s’est présenté
2“ * année — 2 candidats — 1 admis avec la mention
médiocre.
Session de Juillet. — Pharmaciens de 1rc Classe.
De la comparaison que je viens d ’établir en tre les trois
années il résulte :
1re année — 3 candidats se sont présentés et ont été admis
2 “ * année — Pas de candidats.
1° Que les étudiants en médecine ten d en t à d im in u er et
que le nombre des pharmaciens dem eure stationnaire ;
Examen semestriel passé le 28 Mars.
2° Que les aspirants au doctorat subissent des oscillations
considérables, mais que leur nombre est à peu p rès station
naire ;
3® Que le nombre des inscriptions prises p ar les officiers
de santé diminue d’une manière progressive et que nous
constatons tout particulièrement cette dim inution dans la
première année de 1884-85 qui correspond à l’époque où
3 candidats se sont présentés et ont été admis
Mentions Assez-bien 3 fois
Médiocre 3 fois
Pharmaciens de 2 me Classe.
1r* année — 15 candidats — 11 admis — 4 ajournés
2mc année — 28 candidats — 20 admis — 8 ajournés
�— 85 —
- 84 —
2“ e Session.
La mention Très-bien a été accordée 1
7
»
»
Bien
8
»
»
Assez-bien
15
»
»
Médiocre
fois
fois
fois
fois
1er examen — 8 candidats —
2 me
»
8
»
3“ *
»
Session de novembre.
Dans la session de novembre. 1 aspirant de 1r# année au
grade de pharmacien de 1re classe s’est présenté et a été admis
avec la mention : Très-bien.
Pharmaciens de 2 mc Classe.
T* année — 6 candidats — 3 admis
2me année — 9 candidats — 5 admis
Mention : Bien accordée 2
»
Assez-bien
2
»
Médiocre
4
— 3 ajournés
— 4 ajournés
fois
fois
fois
Examens probatoires.
Les examens probatoires pour le doctorat se sont limités
au 1er examen. Aucun candidat ne s’étant présenté pour les
deux parties du second examen.
7 candidats ont été examinés, — 5 ont été adm is et 2
ajournés.
Les mentions sont : Bien
2 fois
»
Assez-bien 2 fois
»
Médiocre 1 fois
Officiât de santé. — 1re Session de 1 8 8 5 .
1*r examen — 7 candidats — 4 admis — 3 ajournés
2ŒC »
5
»
4
»
1
»
3Be
»
5
»
5
»
»
Mentions : Bien
1 fois
»
Assez-bien 5 fois
»
Médiocre 7 fois
8 admis — 3 ajournés
5»
8
»
8»
Mentions : Très-bien 2 fois
»
Bien
5 fois
»
Assez-bien 4 fois
»
Médiocre 10 fois
Sages-femmes de 2 ine classe.
1re session 1885 — 10 aspirantes — 10 reçues
2 mc
»
8
»
7
»
Examen prescrit par l’arrêté ministériel du 1er août 1879
pour les aspirantes sages-femmes de l r* classe et les aspi
rants et aspirantes au diplôme d ’herboriste de 1re classe.
1re session 1885, — 13 aspirantes — 10 admissions.
Notes : 2 Très-bien.
1 Bien.
5 Assez-bien.
2 Passable.
2 me session de 1 8 8 5 , — 7 aspirantes examinées, — une
seule admise avec la note Passable.
Pharmaciens de 2 rae classe.
Conformément au décret du 25 juillet 1885 qui supprime
la session d’avril pour la réception des pharm aciens de
2me classe et y substitue deux autres sessions, l’une en août
et l’autre en novem bre, nous avons eu celle année trois ses
sions d ’examens. La dernière en novem bre ayant été réservée
aux aspirants refusés à la session de septem bre.
1ro session. - - 1er exam en,
»
2 me
»
»
3m*
»
— 4 candidats, — 4 admis.
4
»
4
»
8
»
t>
v
�— 86 —
Mentions : 2
»
7
»
1
»
1
»
3
session,
— r r
Très-bien.
Bien.
Assez-bien.
Passable.
Médiocre.
examen, — 13 candidats,
Officiât de Santé.
Mentions honorables : MM. Marchetti et Tasso.
Pharmacie.
1ro Année.
—
11 admis.
»
A4
»
12
»
12
»
»
3 m#
r
25
»
23
»
:
»
»
»
session,
»
»
__ /jer
examen,
2mo
»
3me
1
15
15
15
—
2 candidats,
1
LAURÉATS DE L’ ANNÉE SCOLAIRE
2mo Année.
1er Prix : M. Manivet.
2™ Prix : M. Bourret.
Très-bien.
Bien.
Assez-bien.
Médiocre.
Mention honorable : M. Clément.
3mc Année.
—
»
CO
Mentions
Mention honorable : M. Calhelineau.
1
admis.
1
»
3
»
1er Prix : M.* Aubert.
2 mc Prix : M. Emily.
1 8 8 4 -8 5 .
Médecine.
l r# Année. — Officiât de Santé.
2™ Prix : M. Comier.
Mention honorable : M. Çolonna d ’Istria.
2me Année. — Doctorat.
2 me Prix : M. Augias
Mention honorable : M. Stéfani.
Officiât de Santé.
Prix : M. Gilchrist.
Prix : M. Fioravanti.
3m® Année. — Doctorat.
1^ Prix : M. Pagliano.
Liste des travaux publiés par MM. les professeurs pendant
l'année scolaire {884-1885.
M. le professeur R am pai. — Compte ren d u du choléra
de 1884 en collaboration avec MM. les professeurs Yillard,
Nicolas-Duranty et Queirel.
Opuscule sur le rôle de l’assistance judiciaire en cas d’ac
cidents (Marseille Médical).
Observations médicales sur la loi du recrutem ent (Mar
seille Médical).
M. le professeur Combalal. — Rapport à M. le Ministre
du commerce sur l’épidémie de choléra qui a ravagé le dépar
tement en 1884.
M. le professeur Yillard. — Monographie sur la prophy
laxie du choléra (épidémie de 1884). — Rapport adressé a
�—
88
-
M. le préfet îles Bouches-du-Rhône, par le comité sanitaire
de vigilance.
M. le professeur Caillol de P o n ey . — Elude su r le climat
de Marseille présentée au congres des Sociétés savantes de
1885.
M. le professeur Heckel.
1° Sur la racine de Danais fragrans, Com m . ou liane
jaune des Mascareignes en collaboration avec M. Schlagdenhaufïen, au point de vue botanique et chim ique (Comptes
rendus de l’Institut, — novembre 1 8 8 5 .)
2° Du Doundakê ou quinquina d'Afrique ou feina de RioNunez en collaboration avec M. S chlagdenhaufTen. — Mé
moire couronné par l’Institut (prix Barbier) adressé à l’aca
démie des Sciences et inséré dans les annales de chimie et
de pharmacie, — n° de novem bre 1 8 8 5 .
5° Sur un nouvel arbre à Gulla-Percha (au point de vue
chimique et botanique) dans le journal La Nature n" des 12,
19, et 28 novembre 1885 et Com ptes-rendus de l’Institut
(Académie des Sciences, — novem bre et décem b re 1885).
4° Sur l’huile de Gynocardia odorata R oxb (huile de chaulmoogra) et sur celle de Hydnocarpus wightiana Roxb qui lui
est subsliluée (Journal de pharm acie et de chim ie, — 1885).
en collaboration avec M. SchlagdenhaufTen.
M. le professeur Nicolas-Duranty.
Monographie du choléra au P haro.
Rapport adressé à M. le préfet des B ouches-du-R hône par
le comité sanitaire de vigilance.
M. le professeur Livon :
Recherches sur le choléra. — Comptes ren d u s de la So
ciété Nationale de Médecine de Marseille (Marseille Médical,
— 1885).
*•
-
$9
-
M. Jo u rd an , chargé de cours :
Structure des élylres des Polvnoës (Zoologischer Anzeiger,
— leipzig 1885.)
M. Roux (de Brignoles), chargé de cours.
Rédaction du Marseille Médical (Journal de Médecine de
la région.)
Mémoire sur l’éleclrothérapie (Marseille Médical, —
n° d ’octobre.
M. le professeur-suppléant Queirel :
Ce choléra dans le départem ent des Bouches-du-Rhône.
— Rapport à M. le Préfet (Monographie du comité de vigi
lance).
Recherches sur l ’ictère dans la grossesse. — 2 IU0 note à
l’Académie de Médecine (Docteur Peler, rapporteur).
M. le professeur-suppléant Rietsch :
En collaboration avec le docteur Nicali :
1° Vitalité du bacille-virgule (Revue scientifique, — 22
novembre 1885).
2° Efi'els toxiques des produits de fermentation du bacillevirgule (Comptes rendus de l’Académie des Sciences, — 24
novem bre 188 J).
3° Caractère des colonies du bacille-virgule (Comptes
rendus de l’Académie des Sciences, — 26 janvier 1885).
4° Vitalité du bacille-virgule (Revue scientifique, — 28
février 1885).
5° Expériences d ’inoculation sur le choléra (Revue de Mé
decine, — juin 1 8 8 5 ).
Gu Vitalité du bacille-virgule (Revue d ’hygiène 1885, —
l. VII, n° 5).
7° Recherches sur le choléra (Archives de physiologie, —
30 juin 1885).
8° Atténuation du virus cholérique (Comptes rendus de
l’Académie des Sciences,— 13 juillet 1885).
i
�9° Ptomaïne du choléra (Journal de pharm acie el de chi
mie, — 1ff octobre 1885).
10° Ptomaïne du choléra (Journal de pharm acie et chimie,
— 4*r novembre 4885).
11° Ptomaïne du choléra (Journal de pharm acie el chimie,
— •45 novembre 4 885).
Seul :
12° Recherches sur les acides biliaires (Journal de p h ar
macie et chimie, — 1#r février 1885).
M. le professeur-suppléant Fallût :
Communication au comité médical sur le choléra (Bulletins
du comité).
RAPPORT DP; M. JAY,
agrégé
S u r les concours de la F a cu lté de D roit (t).
i
Monsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
En vous rendant compte des concours de 1884 retardés
puis désorganisés par suile de l’épidémie cholérique, M. le
doyen exprimait P espérance que les travaux de nos étudiants
rendraient plus intéressante, à la fois par leur nom bre et par
leur valeur, la lâche du rapporteur de 1885.
Cette espérance n ’a pas été déçue. Si la Faculté de Droit
a le regret d e v o ir une fois de plus le concours de doctorat
déserté, elle a pu du moins distinguer dans chacun des co n
cours q u ’elle a ouverts aux étudiants de licence des travaux
sérieux qu'elle est heureuse de récompenser.
PREMIÈRE ANNÉE.
Les étudiants de prem ière année ont concouru en Droit
civil et en Droit pénal.
M. Jay, ayant été nommé à la Faculté de Droit de Grenoble, ce rap
port a été lu par M. Bouvier Bangillon, agrégé près la Faculté de Droit
d’Aix.
�-
En Droit civil ils avaient à traiter « îles Meubles par dé
termination de la loi. »
M. Georges Reynald, à qui la Faculté décern e le premier
prix, connait son sujet. Il l’expose en général avec clarté et
précision. Ces qualités s’affirment particulièrem ent dans
l’élude des actions ou intérêts dans les compagnies de finance
et d’industrie. Elles l’abandonnent, au contraire, un peu
lorsqu’il compare les renies foncières et constituées et cherche
à m arquer les transformations que le Code Civil a fait subir
au caractère de ces droits. On peut m ê m e parfois se de
mander s’il a nettem ent aperçu ces transform ations.
M. Dobler obtient un second prix. Sa dissertaIion mérite
la plupart des éloges que nous venons d ’ad resser à M. Rey
nald. Mais l’élude qu’il consacre aux diverses espèces de
renies est beaucoup moins complète que celle de son concur
rent.
Deux mentions ont été accordées. La p rem ière à M. Gassin.
La seconde à M. Fabre. Tous les deux connaissaient les lignes
générales du sujet, bien que certaines lacunes puissent être
signalées dans leurs compositions. M. F ab re doit faire tous
ses efforts pour a r riv e r a une rédaction plus claire. L’em
barras de son style l’amène à form uler parfois de véritables
erreurs.
En Droit pénal, « la Récidive » était le sujet proposé. La
question paraissait plus propre q u ’aucune au tre par son im
portance et aussi par son actualité, à exciter l'émulation des
concurrents. Depuis le com m encem ent de ce siècle l’accrois
sement incessant et progressif du nom bre des récidivistes
vient chaque année dém ontrer l’impuissance du système de
répression organisé par le Code Pénal et effrayer l’opinion
publique. De là des tentatives de réform e qui ont abouti il y
a trois mois à la loi sur la transportation d es récidivistes. Au
93
—
m om ent où l’année scolaire se terminait celte loi était votée
mais non encore appliquée. Cependant devançant, pour ainsi
dire, les pouvoirs publics, le professeur de Droit pénal en
avait déjà donné à son cours un commentaire détaillé. Il
avait su répartir dans un plan heureusem ent harm onique les
disposilionsjparfois un peu incohérentes de la loi nouvelle.
Nos étudiants avaient donc une double lâche à accomplir.
Ils devaient d ’une part exposer le système du Code Pénal et
en m ontrer l’application, quelquefois singulièrement délicate ;
d ’autre part, m arq u er les changem ents apportés à ce sys
tème par la loi sur la transportation.
La première partie de cette tâche a été supérieurem ent
remplie par M. de Magallon. Il a étudié avec une science,
une précision rem arquables les règles du Code Pénal sur la
récidive et les redoutables difficultés qui naissent de leur
combinaison avec les dispositions légales sur les excuses et
les circonstances atténuantes, et cependant la Faculté ne lui
décerne q u ’un second prix.
M. de Magallon semble, en effet, avoir oublié l’existence
de la loi nouvelle. Il y a là une lacune trop grave pour nous
perm ettre de lui assigner le prem ier rang.
M. Dobler, au contraire, passe un peu vile sur les contro
verses que soulève l’application du Code Pénal. Mais il a su
profiler de l’initiative de son professeur et n ’a négligé aucune
des parties de son sujet. On peut louer aussi l’ordre e lle s
heureuses divisions de sa composition. M. Dobler obtient le
prem ier prix.
Une prem ière mention est accordée à M. Reynald. Sa dis
sertation est moins approfondie que celles dont nous venons
de ren d re compte. On peut lui reprocher de véritables
inexactitudes, par exemple à propos de la récidive en matière
de contraventions.
�-
04
-
Ces inexactitudes el ces lacunes sont plus nombreuses el
plus graves dans l’œuvre de M. Coulon. La Faculté l’a cependant jugée digue d ’une seconde m ention.
DEUXIÈME ANNÉE.
*
Les étudiants de deuxième année o n t concouru en Droit
romain et en Economie politique. «. De la F orm ule », telle
était la question proposée en Droit rom ain.
La dissertation de M. Zalouth, à qui la Faculté décerne le
premier prix témoigne de sérieuses connaissances en Droit
romain. 11 est regrettable pourtant que l’étu d e des exceptions
soit un peu écourtée. ATous conseillerons aussi à M. Zalouth
de soigner Informe de ses compositions. On est heureux d’y
découvrir un très réel mérite. Mais la découverte demande
quelque effort.
L’œuvre de M. Simon se présente d ’une façon beaucoup
plus agréable. Elle est plus légère d ’allures, mais aussi de
science. Quelques confusions peuvent m êm e lui être repro
chées. La Faculté accorde un second prix à M. Simon.
M. Hanrigou obtient une prem ière m ention. Son travail
mérite la plupart des éloges que nous adressons à M. Zaloulh. Mais aussi, m alheureusem ent, les m êm es critiques.
M. Hanrigou fait preuve, comme son co n cu rren t, quoique à
un moindre degré, d ’une consciencieuse étude du sujet.
Mais l’embarras, l’obscurité de son style sont tels qu ’il est
souvent difficile de reconnaître la véritable pensée de l’au
teur.
En Economie politique, les concurrents avaient à traiter
« de la Monnaie. ».
La Faculté accorde un prem ier prix à M. Robinet, un se
cond prix à M. Hanrigou, une prem ière m ention à M. Za
louth, une seconde mention àM . Monsservin.
05
Ce concours présentait un intérêt particulier. C’était en
elî'et la prem ière fois que le sort faisait de l’Economie politi
que la matière du concours facultatif de deuxième année.
Les consciencieuses et parfois rem arquables compositions
dont je viens de nom m er les auteurs prouvent que l’Econo
mie politique naguère encore exclue du program m e des
Facultés de Droit occupe aujourd’hui sa légitime place dans
les travaux de nos étudiants. Pourquoi faut-il q u ’elles dém on
trent une fois de plus à quel point m anque, même aux meil
leurs, l’art de la composition et de la rédaction? Les textes
de loi q u ’il faut com m enter imposent aux dissertations de
Droit un cadre, une méthode au moins relative. En Economie
politique, ce soutien venant à leur m anquer, les concurrents
savent trop peu y suppléer p ar leur propre industrie. Ajou
tons, pour être juste, que le peu d ’heures dont ils disposent
ne nous perm et guère d ’exiger d ’eux des œuvres vraiment
composées et ordonnées.
TROISIÈME
ANNÉE
En troisième année nous avons à rendre compte de deux
concours, le concours de droit civil et le concours de droit
international privé.
Le concours de droit civil ouvert sur cette q u e s tio n .—
Des contrats ayant pour objet la chose d ’autrui nous a donné
quelques bons travaux.
La composition deM . Aube à qui la Faculté décerne le p re
mier prix révèle de rares qualités de rédaction et de méthode.
Le plan est heureusem ent choisi et nettem ent indiqué dès le
début. Les divers systèmes sur la vente de la chose d ’autrui
bien exposés. On peut cependant reprocher à M. Aube
d’avoir négligé l’étude du prêt et du dépôt de la chose d 'au
trui.
�—
96
—
—
M. Kebedgv qui obtient le second prix connaissait bien la
question qu’il avait à traiter. Mais ses explications manquent
quelquefois de précision. Il ne distingue no tam m en t pas avec
une netteté suffisante les caractères si différents de la vente
en droit romain et en droit français.
Une première mention ex œquo est accordée à MM. Dorlhac de Borne et Mintchovitch u n e deuxièm e mention à
M. Schiarabali.
M. Dorlhac de Borne a été parfois h eu reu sem en t inspiré.
Il est regrettable que quelques inexactitudes déparent son
travail.
La méthode fait défaut à M. Mintchovitch de là une con
fusion regrettable dans une œ uvre sérieuse d ’ailleurs et assez
complète.
D’importantes lacunes peuvent être réprochées à M. Schia
rabali. Il parle à peine de la donation et pas du tout du louage
de la chose d ’autrui.
— L’article 9 et les lois qui l’ont modifié, telle était la
question posée en droit international privé.
La dissertation de M. Schiarabali qui obtient le premier
prix mérite de grands éloges. Elle est bien proportionnée
écrite d’une plume vive et alerte m algré certaines négligen
ces; quelques questions, parmi lesquelles je signalerai la con
troverse que soulève la rétroactivité de l’article 9 sont rem ar
quablement traitées.
La Faculté décerne le second prix à M. D orlhac de Borne
Il a traité le sujet d ’une façon complète mais quelques inexac
titudes sur les conditions de l’option perm ise p ar l’article 9
et la portée des lois nouvelles déparent son œ u v re.
Une première mention ex œquo est accordée à MM. Aube
etKebedgy. Bien faite, facile à lire la composition de M. Aube
passe parfois trop légèrement. On peut m êm e lui reprocher
07
—
quelques lacunes. Quant à M. Kebedgy, j ’ose affirmer qu'au
cun des concurrents ne connaissait mieux que lui tous les
détails du sujet. Pourquoi faut-il que faute de proportion et
surtout de méthode, il n ’ait pu q u ’indiquer sans y insister ni
les résoudre quelques unes des plus importantes questions?
Enfin MM. Massonié et Mintchovitch obtiennent une se
conde mention ex œquo.
Le travail de M. Massonié se présente sous une forme
agréable ; mais il est trop souvent écourté. Une des lois qui
ont modifié l’article 9 est oubliée.
Un oubli du même genre peut être reproché à l’œuvre géné
ralem ent exacte et consciencieuse de M. Mintchovitch en
même temps que de longs et inutiles hors d ’œ u v re.
J ’ai term iné le rapide aperçu que je devais vous donner
des concours de cette année. J ’ai pu, vous l’avez vu, y rele
ver beaucoup de travaux consciencieux, quelques uns même
vraim ent rem arquables. Il me reste à dire le légitime souci
qui se mêle à notre satisfaction.
Quel que soit, en effet, le succès de ceux qui prennent part
à nos concours nous devons reg retter que leur nombre soit
trop restreint, que, beaucoup désertant d ’avance un combat
auquel ils se sentent insuffisamment préparés, ne viennent
même pas, au jour indiqué, écouler la lecture des questions
proposées à leur étude. U y a là une abstention fâcheuse con
tre laquelle on ne saurait trop, ni trop complètement réagir.
Ce serait une inexcusable erreu r de croire que le jour où
l’examen passé avec succès vient constater chez l’étudiant
une science suffisante cet étudiant puisse se v anter d ’avoir
appris à l’Ecole tout ce q u ’il devait y apprendre.
Connaître le droit n ’est pas assez. P o u r que cette science
ail le degré d ’utilité q u ’elle peut avoir, pourqu’elle ne soit
pas comme une arme dont celui qui la porte ne sait se servir.
�-
08
—
il faut pouvoir en user par la parole el p ar l’écritu re. Seules,
la parole et récriture, vous perm ettront, je u n e s gens sortis
de nos écoles d ’appliquer et de féconder la science que vous
aurez acquise par un laborieux effort d ’intelligence et de
mémoire.
Quelles que soient vos dispositions naturelles, ce n ’est pas
du jour an lendemain que vous saurez par le v erb e parlé ou
écrit défendre librement et efficacement vos idées et vos inté
rêts. l Tn apprentissage est nécessaire. C’est à l’Ecole de Droit
que vous le commencerez.
Si vous voulez exercer votre parole hésitante, vaincre peu
à peu une ordinaire timidité, arriver à développer en un flot
régulier et limpide les idées qui tout d ’ab o rd se pressant en
foule et sans ordre vous aveuglent plus q u ’elles ne vous éclai
rent il faudra chercher une arène oh vous rencontriez des
auditeurs prêts à vous écouler comme à vous contredire, el
qui, luttant encore eux-mêmes contre les difficultés des dé
buts, n ’intimident pas vos premiers efforts p ar u n e trop évi
dente supériorité.
La conférence Portalis est là pour 'vous o u v rir et d ’une
manière excellente avec une liberté, une indépendance qui
en assurent la vitalité, l’Ecole oh vous ap p ren d re z quelles
sont les difficiles qualités nécessaires à l’o rateu r,o ù vous com
mencerez à les acquérir.
Mais il ne faudrait pas que tout ce q u ’il y a de m agie dans
l’art de la parole, alors même qu’elle n ’en est q u ’à ses pre
miers el incertains bégaiements vous lit oublier combien il
est nécessaire aussi de savoir fixer par l’écriture dans une
forme à la fois plus précisé et plus durable les idées que vous
aurez jetées à tous les vents. Moins éclatante, d ’une action
moins immédiate et peut être moins décisive, la page écrite
reste lorsque le bruit de la voix s’est évanoui el bien faible
serait celui, qui dans les luttes du droit, ne pourrait pas ma
les deux armes. Quel avocat, quel professeur n ’a pas besoin
parfois pour rester sous les yeux du juge ou de l’auditeur,
alors qu ’il a cessé de frapper à son oreille, de résumer dans
un style précis les argum ents de sa plaidoirie ou les dé
ductions de sa leçon.
O
Vous ne vous préparez pas assez à cette partie de vos lâ
ches futures. Vous n ’apprenez pas à écrire comme il faut le
faire, en écrivant. Il y a là un travail solitaire, plus difficile
plus ingrat souvent que le travail public de la parole.
Nos concours annuels ont [tour but de vous y exciter en
offrant à votre émulation des récompenses dont l’importance
morale et même matérielle, n ’est pas,vous le savez, à dédai
gner ; cependant leur attrait ne suffit pas à vous am ener à
l’effort nécessaire.
Deux faits le prouvent. D’abord l’abstention d ’un grand
nom bre d ’en tre vous. Puis, dans une certaine mesure, les
compositions m êm e que nous recompensons. Toutes elles dé
m o n tren t des éludes sérieuses el un savoir acquis. Mais nous
l’avonsdit el redit, la m éthode, l’ordre, la clarté, les qualités
qui rendent la lecture d ’une œ uvre facile et agréable, font
défaut dans un trop grand nom bre. Leurs auteurs ne parais
sent pas s’être préoccupés, avant de p rendre la plum e de
mettre quelque ordre dans leurs idées. Ils ont entassé les
matériaux sans souci de l’ordonnance générale, ne recher
chant point ceux qui convenait de m ettre en relief, ceux qui
mis à leur place devaient d o n n e ra leur œuvre sa naturelle et
rationnelle division.
Q u’on ne s’étonne pas de l’absence de ces qualités. Encore
une fois- elles ne s’acquièrent que par un travail persévérant
et régulier, en écrivant el en composant beaucoup.
Je voudrais avoir réussi à dém ontrer à nos étudiants la
�nécessilé de réformer sur un point leurs h ab itu d es de travail.
Il ne faut pas que l’année qui commence se term in e sans que
chacun deux ait rédige avec soin plusieurs compositions sui
des sujets choisis par eux ou par leurs professeurs. Je ne
crois pas m’avancer beaucoup en affirmant que ceux-ci feront
tous leurs efi’orts pour secouer une inertie fâcheuse qui fait
que les meilleurs élèves (et chaque année la Faculté d ’Àix en
compte d’excellents) se trouveraient peut être em barrassés le
jour où ils auraient à lutter contre des plum es moins sa
vantes, mais plus exercées.
RAPPORT
Sur les Concours de fin d’année pour l’exercice 1884-1885
Présenté par le professeur C h a r l e s LIVO N
Monsieur
lf.
R ecteur ,
Me s s ie u r s ,
Venir après nos collègues de la Faculté de Droit, vous p ré
senter un rapport sur les prix, est une mission assez em bar
rassante, car ces Messieurs, vous ont habitués à vous donner
en guise de rapport, une page ou l’esprit de la tournure se
mêle à l’élégance du style et je comprends combien j ’ai m au
vaise grâce à prendre la parole après eux. Pourtant, à mon
tour, je viens au nom de l’Ecole de Médecine, qui m ’a fait
l’honneur de me charger du soin de proclamer les lauréats de
l’année scolaire 1 8 8 4 -1 8 8 5 , réclamer un peu de cette atten
tion que vous savez si bien p rodiguer à nos collègues. S ’ils ont
pour eux le triom phe du Droit, nous avons pour nous, la
conservation d ’un bien considérable : la Santé.
Celte énumération de noms, chaque année semble fasti
dieuse, mais la solennité de la séance pendant laquelle on les
proclame, prouve assez combien l’Université attache d ’im
portance à ces luttes pacifiques, qui excitent l’émulation
�-
Kl? -
parmi nos jeunes gens, cl qui font que les vainqu eurs de l'a n
née précédente cherchent à m aintenir haut et ferm e la posi
tion conquise, et que les vaincus d’ hier fon t tous leu rs efforts
pour être vainqueurs demain.
H onneur donc aux combattants, et si les cou ron nes que
nous décernons sont modestes, n’en proclam on s pas m oins
bien haut les lauréats.
C’est avec plaisir, je puis le dire, que j’ ai accepté la m is
sion de proclam er les vainqueurs. Nos étudiants savent com
bien je les aime et combien je suis heureux et fier de leurs
succès ; car, il faut l’avouer, dans le cas présent, la satisfac
tion que donne la victoire n’ est pas seulem ent pou r les b e lli
gérants, mais aussi pour ceux qui les ont préparés à la lutte,
et chaque professeur est heureux p erson n ellem en t, quand,
dans les diverses épreuves d’ un concours, il reconnaît les
fruits de son enseignem ent. On aime à se retro u ve r dans les
compositions, car c’est là, la m eilleu re preu ve que l’on a été
compris.
Bien de nos jeunes gens, il ne faut pas crain dre de le leur
dire ici, ont l’air d ’attacher une m édiocre im portance à ces
concours de fin d’année, il m e font l'effet du R en ard de la
fable s’écriant : ils sont trop verts ; car voyez avec qu el e m
pressement ce litre est évoqu é plus tartl dans les diverses
étapes de la carrière. L ’ au réalde l’ Ecole, est une phrase que
l’on met volontiers,et avec raison, en tête d ’ une broch u re, ou
sur toutes les potions qui sortent de l’officine. C’est qu'en
effet celui qui porte ce titre, le doit à son travail et à son
m érite.
Honneur donc encore une fois aux lauréats.
« S ’il fallait, disait Cl. Bernard, donner une com paraison
« qui exprim ât mon sentim ent sur la science de la v ie , je di« rais que c’est un salon superbe tout resplendissant de lu-
— 103 —
« m ière, dans lequel on ne peut parven ir, qu ’en passant
« par une longue et affreuse cuisine. » Vous parler des d if
férentes années d ’études m édicales, des concours qui term i
nent chaque année, c’est vous faire traverser en partie celle
longue et affreuse cuisine, il faut que vous m e le pardonniez,
puisque pour vous rem ercier de m 'a voir suivi, je ne puis
vous conduire jusqu’à ce superbe salon dont parle Cl. B er
nard.
Les étudiants en m édecine de prem ière année, étaient di
visés, com m e toutes les années de m édecine, en deux séries.
La prem ière, était constituée par les élèves pour l’officiat de
santé. Trois seulem ent ont affronté la lutte. Un seul est sorti
vainqu eur avec un 2 me prix, c’ est M. C om ier.
La deuxièm e série, com posée par les élèves pour le docto
rat s’est retirée après la lecture des questions qui certaine
ment. n ’étaient pas bien difficiles, car on leur dem andait, le
chlore, les courants induits et les solanées.
En deuxièm e année, nous nous trouvons égalem ent en pré
sence de deux concours. D ’abord les élèves pour l’ofliciatqu i
d ’après le nouveau régim e n’avaient à répondre que sur l’a
natom ie et la physiologie.
La question posée était : Anatom ie et physiologie du dia
phragm e.
Trois com positions sur six ont appelé l’attention de l’ Ecole.
Parm i ces com positions deux sont bonnes, la 3 me est
exacte mais un peu incom plète. L ’ Ecole qui l’année dern ière
avait du se m ontrer très parcim onieuse dans la distri
bution des récompenses aux élèves de
année pour l’officiat
est heurense de p ou voir cette année décern er un l* r prix à
M. G ilchrist, un 2mc prix à M. Fioravanti et une m ention ho
norable à M. Colonna d’ Istria.
Les élèves pour le doctorat en S®* année se sont présentés
�ldi -
au nombre île deux. O s jeunes gens avaien t à Irai 1er une
question d’anatomie et de physiologie et une question de pa
thologie externe. Mais subissant l’ influ ence du nouveau
régim e d’ études, ces élèves ne sont préoccupés que de leur
examen d’anatomie et de ph ysiologie et ils n ég ligen t la pa
thologie, aussi leur composition s’en est ressentie e t seule, la
question d’anatomie et de physiologie sur le n e r f m axil
laire inférieur, a été bonne. Aussi l’ E cole a cco rd e-l-elle un
2me prix à M. Augias et une m ention h on orab le à M .S té phani ; en regrettant que le concours ne stim u le pas un plus
grand nombre d’ étudiants pou r le doctorat, car ce serait le
cas de dire, que com parativem ent il y a eu peu d ’ appelés et
beaucoup d’ élus.
En troisièm e année, le nom bre des concurrents est encore
m oindre, cela s’ e x p li que par le régim e actuel, à mesure
qu’ ils avancent dans leurs étu des, les jeu nes gens nous quit
tent pour aller dans les facu ltés.
C’ est ainsi que nous avons pour les deux concours trois
candidats, deux élèves pour l’officiat et un pour le doctoral.
La question posée pour les deux con cours a été la même,
en établissant, bien entendu, une d ifféren ce rela tive dans le
jugem ent porté sur les épreuves. De la p leu résie purulente et
de son traitem ent, tel était le sujet à tra iter. B elle question à
la fois médicale et chirurgicale, ce que les candidats ont com
pris parfaitem ent.
MM. Marchetti et Tasso, élèves pour l'o fficia t on t m alheu
reusement perdu leur temps à parler de la pleu résie en géné
ral, ce qui sortait un peu de la question posée, assez vaste par
elle-m êm e pourqu’ il ne fut pas nécessaire d ’en agran d ir en
core le cadre ; c’est ce qui fait que l’ Ecole ne peut que leur
accorder une mention honorable cx-œjuo.
Quant au seul candidat pour le doctoral, M . P aglian o il a
fait une excellente composition.
—
105
—
Com m e l’an d ern ier, M. Pagliano est le seul de son année
à affronter le combat. Il faut croire que par sa valeu r, il
éloign e les autres concurrents, car on reconnaît en lui un
élève sérieux, qui fait honneur à l’ Ecole. Sa com position
est bien ordonnée, il y a de l’ensem ble, les détails sont soi
gnés. Son style est sobre, précis, on sent qu ’il possède son
sujet. Son chapitre du traitem ent est de tous points e x ce l
lent, aussi l’ Ecole lui d écern e-t-elle volontiers un premierprix, heureuse de trou ver en la qualité,une compensation sur
la quantité.
Les élèves en pharm acie qui avaient boudé au concours
l’année dern ière, ont com pris celle année que cet e n fa n til
lage ne pouvait que leur être nuisible, aussi ont-ils répondu
en assez grand nom bre, et ont-ils cherché à faire oublier leu r
conduite de l’année dern ière.
Les élèves de prem ière année se sont présentés au nom bre
de huit, mais m alheureusem ent sur toutes ces com positions,
il n ’y a que celles de M. Cathelineau qui aient fixé l’ ai lenlion
de l’ Ecole et encore n’est-ce que pour une m ention honora ble, car s’ il a fait de bonnes com positions com m e celle d e
chim ie sur l’anhydride carbonique, il en a de faibles entre
autres sa com position d’ histoire naturelle sur les labiées.
Tous les autres candidats, ont donné en gén éral des com
positions faibles. On en trouve bien et, c’est là le côté re g r e t
table, qui sont excellentes sur un p oin t, mais sur un autre
elles sont nulles ; c'est ce qui exp liq u e le petit nom bre de
récom penses accordées.
Ensuite nous nous perm ettrons de fa ire observer à nos
jeunes gens qu ’ ils ont tout intérêt à soigner la rédaction de
leurs compositions. Un travail qu oiqu ’ il soit, clairem en t
écrit, gagne toujours à la lecture. Du reste la clarté de la
form e n ’a jam ais, que je sache, gâté le fond.
8
�—
106
—
Espérons que ces jeunes gens raellron t à p ro fil nos obser
vations et que l’année prochaine, ils d on n eron t à leurs pro
fesseurs une plus grande satisfaction, celle de leu r accorder
de nombreuses couronnes.
C’est avec un certain plaisir que j’a rriv e à la 2 rao année de
pharmacie, car nous trouvons là un peu plus de bonne vo
lonté. En erïet 1i jeunes gens se sont présentés pou r concou
rir, sur 30 qui auraient du se présenter. Nous avons de bon
nes compositions, par conséquent, des récom penses à dé
cerner.
Trois candidats ont rem is des com positions d ign es de lau
riers.
Je ne veux pas vous énum érer tous les sujets qu ’ ils ont en
à traiter, cela manque d’attrait, pourtant arrêtons-nous un
moment sur leur com position de botanique.
Ils avaient à parler des légum ineuses et en particu lier des
papilionacées ; celle fam ille qui fou rn it de si jo lies fleurs à
couleurs on ne peut plus variées.
M. M annivet q u ia obtenu un l rr p rix a fourni un excel
lent travail, exact, m éthodique et clair, ce qui ne nuit jamais.
Il a donné avec l'explication scientifiqu e, une description
assez étendue des phénomènes de m ou vem en t, de sensibilité
et de sommeil des feuilles de certaines plantes de celte fa
m ille.
M. B ourret qui a obtenu un 2 me prix, a fait une composi
tion un pen moins bonne et m oins com plète que celle de
M. Mannivet ; pourtant quoique incom plet, il est exact dans
ce qu’ il écrit.
Quant à M. Clém ent que je ne n om m e qu e le 3 rae à cause
du classement général, il a m érité la 2 me place en botanique
carsi une partie de sa composition est fa ib le, l’autre est très
bonne et très complète et de plus ém aillée de détails curieux
—
107
—
et aggrém en té de dessins coloriés et bien faits, com m e du
reste ceux que le candidat a répandus dans toute la partie
descriptive de sa copie. Il est réellem ent fâcheux que les au
tres compositions le fassent descendre au 3me rang, avec une
m ention honorable.
Nous arrivons enfin aux élèves de 3me année. CesM essi eurs ne se sont présentés qu ’en petit nom bre. Deux seule
m en t ont affronté le com bat, mais vaillam m ent, car tous
deux sont sortis victorieu x. La question posée était les sac
charoses et ils avaient à analyser du lait renferm ant de l’ém é
tique. Us ont tous deux fourni de bonnes compositions et
l’ Ecole accorde un 1er prix à M. Aubert et un 2 ,ne prix à
M. Em ily.
Tel est, Messieurs, le résultat du tournois scientifique qui
a clôturé notre année scolaire 18 8 i - 1885.
Nous pouvons, je crois, nous réjou ir du résultat, carsi les
concours de l’année dern ière n’avaient fourni au rapporteur
que huit noms à proclam er, je suis heureux, qu ’ ils m ’en
aient donné aujourd’ hui quinze, et j ’ose espérer que le rap
porteu r de l’année prochaine, encore plus heureux que m oi,
trou vera qualité et quantité.
P R IX PO U R L ’ AN N É E I 8 8 M 8 8 3
Etudiants en Médecine.
1 r<> ANNÉE
Officiai de san té; 2m,> P rix : M. Oom ier.
�108
—
—
2 m* ANNÉE
Official de sanlé ; P r Prix : M. G ilchrist.
2m# Prix : M. Fioravanti.
Mention honorable : M. Colonna d’ Is lr ia .
Doctoral en médecine; 2me P rix : M. Augias.
Mention honorable : M. S léph an i.
3me
A NN ÉE
Official de santé ; mention honorable ex œquo
MM. Marchetti et Tasso.
Doctoral en médecine ; 1er Prix : M. P aglian o.
Etudiants en Pharmacie.
l re
année
Mention honorable : M. C alh elineau .
2mp
ANNÉE
I e' Prix : M. M an n ivel.
2"" Prix : M. Bourrel.
Mention honorable : M. Clém ent.
3 mc ANNÉE
P r Prix : M. Aubert.
~,Rl Prix : M. Em ily.
SEANCE
SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTES ET DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1886-1887.pdf
9a76d4d1fb9f75274b13436cda6f4c6d
PDF Text
Text
ACADÉMI E
DES
D' AI X
FACULTÉS
\
DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET
DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERC IC E DE MÉDECINE
1886-1887
ET DE PHARM ACIE
AI X
J. REMONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU ,
1886
53
�ACADÉMI E
DES
D' AI X
FACULTÉS
\
DE DROIT, DES SCIENCES ET DES LETTRES
ET
DE L ’ÉCOLE DE PLEIN EXERC IC E DE MÉDECINE
ET DE PHARM ACIE
AI X
J. REMONDET-AUBIN, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE
COURS MIRABEAU ,
1886
53
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
FA CU LTÉS
DE D R O IT , D E S S C IE N C E S E T D E S L E T T R E S
et
de l ’éc o le d e p l e in ex e r c ic e
DE MÉDECI NE
ET DE
P HAR MAC I E
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Droit
et des Lettres d’A ix, de la Faculté des Sciences et de
l’École de plein exercice de Médecine et de Pharmacie
de Marseille, a eu lieu à Aix, le mardi 9 novembre 1886,
à deux heures et demie, dans une des salles de la Fa
culté de Droit, sous la présidence de M. Belin, Recteur
de l ’Académie.
Les places réservées étaient occupées par M. Debax,
Sous-Préfet de l'arrondissement d’Aix ; M. Chabriniac,
Président de Chambre à la Cour d’Appel d’A ix ; M. B.
Abram, membre du Conseil Académique et Président du
Conseil général des Bouches-du-Rhône ; M. le Colonel
Ruel, commandant le I 4 l m0 de ligne ; M. le Bâtonnier
�— G—
de l’ordre des Avocats ; des Officiers de la garnison et
des Fonctionnaires appartenant aux divers services pu
DISCOURS
S ur l ’h is t o ir e d es d é b u ts d es s c ie n c e s p h y siq u e s
blics, etc.
P ar
M. le Vice-Président du Conseil Général des Facultés,
M. MACÉ DE LÉPINAY
Professeur de physique à la Faculté des Sciences de Marseille
Doyen de la Faculté des Sciences ; M. l ’Inspecteur d’Àcadémie des Bouches-du-Rhône ; MM. les Doyens et Pro
fesseurs des Facultés; MM. le Directeur et les Professeurs
de l’École de Médecine et de Pharmacie, tous en costu
me universitaire, ainsi que M. le Proviseur et une délé
Monsieur
le
R ecteur,
Mesdames,
Messieurs ,
gation de professeurs du Lycée d’A ix, avaient pris place
sur l ’estrade autour de M. le Recteur. Des Dames, des
Étudiants et des personnes étrangères a l ’enseignement
Lorsque M. le Recteur m’a fait l ’honneur de me désigner
pour prononcer aujourd’ hui le discours d’usage, je me suis
trouvé, je vous l’avoue, fort embarrassé. Encore s’il se fut
occupaient l ’espace réservé au public.
M. le Recteur ouvre la séance et donne la parole à
agi d’exposer à loisir quelqu'une des grandes questions que
soulève l ’clude de la nature, les expériences que j ’aurais
répétées devant vous auraient pu atténuer l’aridité qu’elle
M. Macé de Lépinay, professeur de physique à la Fa
présente souvent, délasser vos esprits et suppléer à l’élo
culté des Sciences de Marseille, chargé de prononcer le
quence qui, je le reconnais, me fait complètement défaut.
discours de rentrée.
M. Mérignhac, agrégé, donne ensuite lecture de son
Heureusement je me suis souvenu que j étais fils d’historien,
et c’est à ce litre que je désirerais vous résumer l ’histoire
des débuts des sciences physiques. Je voudrais vous faire
assister aux tâtonnements des premiers savants qui, sans
rapport sur les concours de la Faculté de Droit; M. Fal
autre guide, le plus souvent, que le hasard, rendirent tou
lût, professeur suppléant, lit son rapport sur les con
tefois à la science le service de déblayer le terrain et de
cours de l’École de Médecine et de Pharmacie et les prix
sontdislribuôsaux lauréats dont les noms sont proclamés.
La séance est levée à 4 heures.
préparer ainsi la voie à ceux qui, vers la lin du X V Ie siècle,
surent les premiers conduire une expérience, interroger
sous toutes les formes la nature, et fondèrent réellement
la Physique.
�—s —
9 —
Dans ce domaine, l ’antiquité ne nous a guère laissé que
quelques observations isolées; encore les Grecs peuvent-ils
de Rome, on entretenait en l’ honneur de Vesla un feu qui
seuls en revendiquer l’honneur. Mais, ignorant l’art d’expé
devait toujours durer, et si par hasard il venait à s’éteindre,
rimenter, et convaincus qu’ un petit nombre d’observations
simplement établies à l’aide des sens suffisait pour bâtir des
théories qui devaient tout embrasser, ils se livrèrent aux
spéculations les plus extravagantes. Aussi, comme sur cer
tains points, ils ont affirmé tout ce qui était possible, il n’est
pas étonnant que, parmi toutes leurs assertions, quelquesunes se trouvent d’accord avec la science moderne. On ne
saurait en conclure toutefois, comme le fit Dutens en 1766,
que toutes les découvertes récentes étaient déjà connues de
l'antiquité.
A part, du reste, l’établissement par Archimède du prin
on devait le rallumer avec la chaleur du soleil, considéré
comme le plus pur de tous les feux, et cela au moyen d’ un
scaphion, c’est-à-dire d’un verre en forme de creuset. Il y a
loin toutefois de cette curieuse application à celle qu’aurait
faite Archimède de miroirs ardents pour enflammer à dis
tance la flotte romaine au siège de Syracuse. Celle dernière
tradition est d’autant plus douteuse que nous serions, meme
aujourd’hui, dans l ’impossibilité d’obtenir un pareil résultat.
D’ailleurs la première mention que nous en trouvions est
due à Anlhémius, l’architecte de Sainte-Sophie de Constan
tinople, au V Ie siècle de notre ère. Citons également l ’emploi
des lentilles comme verres ardents. On trouve en effet dans
cipe d’hydrostatique qui porte son nom, et de son application
la comédie des Nuées d’Aristophane, l ’indication par Slrep-
par lui aux aréomètres, la construction par Héron d'Alexan
siade à Socrate d’un précieux artifice pour se débarrasser
drie de l’éolipyle, que l’on peut considérer comme l’origine
d’un créancier. Il suffira, lui dit-il, lorsque ce dernier lui
de la machine à vapeur, l’observation par Thaïes de Milet,
présentera son compte,* écrit sur une tablette de cire, de
640 ans avant notre ère, des propriétés électriques de l’am
s’arranger pour le placer au soleil, et de faire fondre sa ta
bre frottée,et enfin la connaissance de l ’attraction de la pierre
blette avec un de ces verres qui servent à allumer le feu.
d’aimant sur le fer, la seule partie de la physique qui fut
Enfin un passage de Sénèque montre que les anciens ont
ébauchée par eux fut l’optique. Celle prédilection, que nous
observé les colorations qui accompagnent la réfraction de la
verrons se maintenir pendant bien des siècles, n’a rien qui
lumière. « On a coutume, dit-il, de faire des morceaux de
puisse nous surprendre. De tous les agents physiques, en
verre en forme de coin, striés, ou repliés plusieurs fois en
effet, la lumière est le seul pour l’étude duquel nous soyons
forme de clef. Lorsqu’ils reçoivent transversalement la lu
en possession d’un organe des sens d’une rare perfection.
mière solaire, ils donnent des colorations semblables à celles
Dès l’époque oii fut écrit le livre de .lob, on connaissait les
de l’arc-en-ciel. »
miroirs métalliques. Quant aux miroirs de verre, non étamés
Tel est le modeste bilan des faits connus par les anciens,
d’ailleurs, on ne les trouve indiqués pour la première fois
dont l’ensemble est bien loin de constituer une science. On
qu’au II" siècle de notre ère, par Alexandre d’Aphrodisie.
L ’emploi des miroirs concaves, du moins comme miroirs ar
dents, est également fort ancien. Avant meme la fondation
ne saurait toutefois leur refuser d’avoir acquis, sur un point
important, tout au moins, des connaissances plus générales.
On trouve, en effet, dans un ouvrage attribué à Euclide, l'é-
�noncé parfaitement clair des deux lois de la réflexion. Héron
d’Alexandrie alla même plus loin, et établit, dans le cas de
fut livré à l’ impression qu’en 1814, ne put avoir aucune in
la réflexion, une loi que Fermât, au X V IIe siècle, étendit à
fluence sur la découverte, faite par Descartes, de la théorie
la réfraction : La lumière en se réfléchissant suit toujours le
complète de ce même phénomène. Quant au second nom que
chemin le plus court.
je puis citer avec éloges, vous vous attendez peu sans doute
Ces connaissances, vous le voyez, se réduisent à bien peu
de chose. Il nous faut cependant franchir près de dix siècles,
non seulement pour que la science fasse un pas en avant,
mais même pour que le peu que nous avait légué l’antiquité
sorte d’un complet oubli. Encore le devons-nous aux Arabes.
Tandis, en effet, que l’ Europe chrétienne était encore plon
gée dans la barbarie la plus complète, l ’ Espagne alors mu
sulmane donnait un développement remarquable à l’instruc
tion. Dès l’an 900, l’ université de Cordoue brillait du plus
à le voir figurer ici, quoiqu’il se soit acquis une gloire im
mortelle dans un autre domaine. Léonard de Vinci, né à
Vinci près Florence en 1452, mort près d’ Amboise en 1519,
ne fut pas seulement grand comme peintre, statuaire, archi
tecte et musicien. Il cultiva l’algèbre, la mécanique, l’astro
nomie, la physique, la botanique el bien d’autres branches
des sciences naturelles, et il les cultiva toutes d’une manière
distinguée pour l’époque. La faible partie de ses manuscrits
qui n’a pas été égarée forme encore quinze volumes. Pour ne
citer ici que ce qui a trait à la physique, il découvrit l’ascen
vif éclat, el à la prise de celle ville par Ferdinand le Saint,
sion des liquides dans les tubes fins, oü capillarité, et sur
en 1236, la bibliothèque de celle ville, malheureusement
tout la dilfraclion, dont l’élude devait conduire Fresnel, en
bridée par les vainqueurs, comptait 280.000 volumes.
1815, à fonder la théorie de la lumière. Il découvrit la
Les Arabes furent toutefois, à peu près exclusivement, de
chambre noire que Porta ne fit que retrouver et perfection
précieux conservateurs de la science de l’école d’Alexandrie.
ner, la compressibilité el la pesanteur de l ’air, qu’Arislote
S’ils nous rendirent, à ce point de vue, des services que nous
n’avait fait que soupçonner. Enfin c’est lui qui le premier
ne saurions oublier, un seul auteur, Alhazen, au X Ie siècle,
observa les figures remarquables que trace le sable sur les
écrivit un ouvrage d’optique original. On y trouve des no
plaques vibrantes, dont on attribue souvent la découverte à
tions assez exactes sur la vision, au sujet de laquelle les an
Chladni en 1802. Léonard de Vinci fut, comme vous Je voyez,
ciens n'avaient que des idées fantaisistes, et sur les images
le premier physicien digne de ce nom.
tant des miroirs courbes que des lentilles.
Je ne saurais toutefois clore ici l’exposé de l’état de la
Dans l’ Europe chrétienne, il nous faut aller jusqu’au début
science à celte époque sans signaler deux découvertes prati
du XVIe siècle pour trouver un commencement de mouve
ques des plus importantes. La première est celle des besicles,
ment scientifique. Je ne saurais en effet citer plus de deux
dont on trouve la première indication dans ce passage d’un
noms avant celte époque. Le premier, Théodoric, de l’ordre
manuscrit de 1299 : « Je me trouve tellement affaibli par
des frères prêcheurs, écrivait en 1314 un ouvrage dans le
l’âge, que je ne pourrais lire ou écrire sans le secours des
quel on trouve entre autres un commencement heureux de
lunettes qui ont été récemment inventées. » Une inscription
la théorie de l’arc-en-ciel. Toutefois son manuscrit, qui ne
tumulaire qui existait autrefois dans l’église Sainte-Marie-
�— \ ‘i —
Majeure à Florence nous fait connaître Fauteur de cette dé
dans une édition ultérieure du même ouvrage qu'on rencon
couverte, Salvino degli Arm ali, mort en 1317.
tre deux découvertes originales : l’adjonction d’une lentille à
Quant à la boussole, dont nous pouvons constater l’usage,
la chambre noire de Léonard de Vinci, et surtout l ’invention
en Europe, dès le X IIe siècle, elle était déjà employée au
de la lanterne magique, souvent attribuée à tort au père
moins deux siècles avant notre ère, par les empereurs chi
Kircher.
nois et leurs principaux mandarins pour guider leurscharsà
travers leur vaste empire. L ’emploi de la boussole n’est donc
pas, selon toute vraisemblance, une découverte européenne et
ne fil sans doute que se propager de proche en proche. Il
n’en est pas moins important à signaler, car il suppose con
nues à la fois l ’aimantation de l’acier et l ’orientation, à peu
près du nord au sud, de l ’aiguille aimantée. Quant au fait
capital que la déclinaison varie d’un point à l’autre du globe
terrestre, il semble avoir été découvert par Christophe Co
lomb, lors de son premier voyage en Amérique, en 1492.
Ce n’est qu’au X V Ie siècle que nous voyons renaître l'acti
vité scientifique, aussi bien en Astronomie, illustrée par Co
pernic, Tycho-Brahé, et Keppler, qu’en Physique. Elle se
manifeste d’abord par une nouvelle ardeur à traduire et à
commenter les travaux des anciens, Archimède, lMolémée,
Il faut arriver jusqu’à la fin du X V Ie siècle pour trouver
deux vrais physiciens dont l’influence fut capitale-Le pre
mier d’entre eux, Keppler, né en 1571, mort à Ratisbonne
en 1630, ne s’illustra pas seulement par l’énoncé des lois
d’astronomie qui portent son nom, et qui contiennent en
germe la découverte faite par Newton un siècle plus tard, de
l’attraction universelle; c’est à lui que l'optique dut d’entrer
définitivement dans une voie rationnelle. Non seulement, en
elfet, il énonça le premier la loi du carré de la distance sur
laquelle repose toute la pholomélrie, mais ses études sur la
réfraction furent plus importantes encore. Sans doute, malgré
l’ingéniosité de la méthode par laquelle il étudia avec exac
titude la réfraction de la lumière, il ne parvint qu’à la loi ap
prochée de la proportionnalité des angles d’incidence et de
réfraction pour les petites incidences; mais celle loi fut par
faitement suffisante pour ébaucher la théorie des lentilles.
Appollonius, Pappus, Héron, Euclide et surtout Aristote.
Cette étude si importante le conduisit en outre à une décou
Je dois citer toutefois quatre noms à des titres, il est vrai, bien
verte de premier ordre par ses applications à toutes les scien
inégaux.
ces d’observation. Sans l ’invention de la lunette astronomi
Maurolycus, de Messine, sut le premier expliquer le rôle
que, que Keppler construisit le premier, et perfectionna à
du cristallin de l ’œil, et donner la véritable théorie de la
diverses reprises, l’astronomie et la physique seraient restées
myopie et de la presbytie. Quant à Porta, il a été certaine
dans l’enfance, faute des instruments délicats de mesure que
ment surfait. La Magia naluralis , qu’il écrivit en 1553, à
seule la lunette de Keppler permet d’obtenir.
l’âge de 15 ans, eut un immense retentissement, mais plus
Hâtons-nous de le reconnaître. La première lunette n’est
à cause du surnaturel et du m erveilleux qui y abondent, que
pas due à Keppler ; elle venait en effet d’être trouvée en H ol
grâce à des faits exacts et nouveaux. C’est ainsi qu’on y
lande, sans qu’on puisse connaître exactement le nom de son
trouve la description d’ une lanterne qui fait paraître les per
inventeur. S’il fallait prendre au sérieux l’affirmation d’un
sonnes qu’elle éclaire avec une tète de cheval. Ce n’est que
�— 14 —
savant du XVIIe siècle, Arias Monlanus, l ’emploi en serait
même plus ancien. On lit en elïel clans l ’évangile de saint
Mathieu : « Alors le diable conduisit Jésus-Christ sur une
haute montagne et lui montra tous les royaumes de la terre
avec leur gloire. » Or, dit-il, cela ne se pouvait qu’avec une
lunette, que le diable par suite aurait inventée. (Quelle que
soit la valeur de pareils arguments, la lunette alors cons
truite, que Galilée sut retrouver sur de vagues indications,
et que nous employons encore comme lorgnette de spectacle,
précieuse déjà pour l ’observation du détail des astres, ne
pouvait servir à des mesures précises qu’à une double con
dition. Il fallait remplacer l'oculaire divergent par un ocu
laire convergent, et m unir cet instrument d’un réticule. Celle
double transformation est due à keppler et fut l ’invention la
plus précieuse de cette époque. Peu d'hommes ont fait plus
pour la science ; peu par contre en furent moins récompen
sés. Ainsi que l ’écrivait Kaeslner :
il observait, entre autres, l’ aimantation du fer doux par la
terre, la disparition du magnétisme de l’acier par l’action de
la chaleur, et le premier enfin il prouvait par d’ingénieuses
expériences, que la terre jouait le rôle d’un grand aimant.
Je m’arrêterai, Messieurs, au seuil du XVIIe siècle, c’està-dire au moment où l ’illustre Bacon érigeait en principe la
nécessité de l’expérimentation dans l’élude de la nature, si
heureusement appliquée déjà par Léonard de Vinci, Keppler
et Gilbert; au moment où Galilée, en fondant la mécanique,
fournissait aux théories physiques la base solide qui leur man
quait jusqu’alors ; au moment enfin où les disciples de Ga
lilée en Italie, Pascal et Descaries en France-, Newton en
Angleterre, ouvraient à la physique par leurs découvertes,
une voie féconde où elle n’a plus cessé de marcher depuis
bientôt trois siècles. Mais si grande, si légitime que soient
notre admiration et notre gratitude pour les princes de la
science, dont les merveilleuses inventions ont en quelque
Aucun mortel n ’était encore parvenu
Aux sommets où Keppler arriva,
Et il est mort de faim !
11 ne sut satisfaire que les intelligences,
Aussi les corps l’ont—ils laissé sans pain.
(T iiaduction
littérale ).
sorte transformé les conditions mêmes de le vie humaine,
nous devons bien aussi un souvenir à ces ouvriers de la pre
mière heure, dont les ébauches ont préparé nos plus belles
découvertes. Ils furent des précurseurs, et à ce litre ils ont
bien mérité du monde savant. Je le crois, du moins, Mes
sieurs, et c’est pour cela que je n’ai pas craint d’arrêter un
instant, sur leurs noms un peu oubliés, l’attention de ce bien
Tandis que Keppler transformait et fondait l ’optique, deux
autres sciences, complètement délaissées jusqu’alors, pre
naient, en Angleterre, grâce au médecin de la reine Elisa
beth, Gilbert, un subit et considérable développement. Le
premier, il fonda l ’électricité, la prenant au point même où
elle était restée GOO ans avant notre ère ; il montra qu’un
grand nombre de substances pouvaient s’ électriser par frot
tement, et créa les inélhodes d’observation. En magnétisme,
veillant auditoire.
�RAPPORT DE M. ALFRED JOURDAN
sûreté les éternels principes du droit et en déduire les con
séquences rigoureuses tempérées par l ’équité et par les exi
DOYEN DE
LA FACULTÉ DE DROIT
gences résultant des transformations incessantes qui s'opè
rent dans les conditions économiques de la société. M. Mo
reau a abordé l’enseignement de l ’histoire du droit avec cette
ardeur généreuse qui e>l la condition et le gage assuré du
succès, et qui lui a conquis tout d’abord les sérieuses sympa
thies des élèves. Je suis heureux de constater que ces deux
jeunes maîtres n’ont pas trompé les espérances que nous
avaient fait concevoir les épreuves du concours, lesquelles,
Monsieur
le
R ecteur ,
si multipliées et si probantes qu’elles soient, laissent toujours
place à quelque incertitude sur la question de savoir si le
Messieurs ,
professeur dans sa chaire tiendra toutes les promesses du con
current.
Le personnel enseignant est maintenant complet : nous
Lorsque, l ’année dernière, à pareille époque, M. le pro
avons douze professeurs titulaires ou agrégés chargés des
fesseur Laurin voulait bien me suppléer dans la charge de
douzes cours de licence. Mais cinq de nos collègues étaient
vous rendre compte des travaux et de la situation de la Fa
en outre chargés de cinq cours complémentaires de doctoral :
culté, et vous savez avec quelle compétence il s’en est ac
cours de pandecles, cours d’ histoire générale du droit, cours
quitté, il vous signalait un double vide à combler dans notre
de droit constitutionnel, cours de droit maritime, cours d’en
personnel. Il fallait remplacer M. Bouvier-Bangillon qui
registrement et de notarial. Je n’ai p is besoin d’insister sur
venait d’abandonner le droit romain pour la chaire de pro
Futilité et l ’importance de ces enseignements. Ces cours
cédure civile dont il était nommé titulaire, et pourvoira
étaient rétribués, a raison de I,o00 IV. chacun, moitié par
l ’enseignement de l ’histoire du droit, dont M. Bison, titu
l ’Etat, moitié par le déparlement. Or, voici la mesure qui
laire d’une chaire de droit civil, venait d ’être déchargé. Ces
vient d’être récemment prise par M. le ministre de l’instruc
deux enseignements ont été répartis entre deux jeunes agré
tion publique. On a fait entre ces cinq cours la distinction
gés issus du dernier concours, MM. Vermond et Moreau, de
suivante. On a considéré (pie trois de ces enseignements
la manière la plus conforme aux aptitudes et aux goûts de
répondent à des matières obligatoires dans les trois examens
chacun d’eux. L ’esprit vigoureux et éminemment juridique
de doctorat : le cours de pandecles dans le premier examen,
de M. Vermond se complaira dans l ’exposé de celle législa
Je cours d’histoire du droit dans le second, le cours de droit
tion, à la fois œuvre de science et d ’art, dans laquelle les
grands jurisconsultes de Borne ont su poser avec tant de
constitutionnel dans le troisième. L ’ Etal prend complètement
à sa charge la rétribution affectée à ces trois cours, et se dé2
�-
18
—
sintéresse, au moins financièrement, des deux autres cours :
le cours de droit maritime et. le cours d’enregistrement et de
notariat. M. le ministre ne demande certainement pas mieux
que ces cours soient maintenus, mais ils seront rétribués, si
des Algériens qui peuvent maintenant prendre leurs inscrip
tions et passer leurs examens de licence à l ’école d’Alger.
Je dois encore relever ce fait que, sur les 9 1 1 inscrip
tions, 364 reviennent à la première année, tandis qu’il n’y
cela leur plaît, par les villes qui ont l ’avantage de posséder
en a que 198 pour la deuxième année et 200 pour la troi
une Faculté de droit. Pour le moment donc les deux profes
sième. Ce serait d’un bon augure pour la Faculté d’Aix, si le
seurs chargés de ces cours seront réduits aux 750 fr. pour
recrutement continuait à se faire dans ces conditions, et si le
lesquels le département contribuait, et je me demande si le
chiffre des inscriptions de la première année se maintenait
département, s’emparant de la déclaration de M. le ministre,
dans la seconde et la troisième.
ne décidera pas que la rétribution sera mise en entier a la
Enfin, je remarque qu’avec un nombre moindre d’élèves,
charge de la ville d’À ix. Je ne sais ce que feront le Conseil
nous avons eu en 1885-188C un plus grand nombre d’ins
général des Bouches-du-Rhône et la v ille d’Àix: mais Use
criptions de doctorat : 66 contre 54.
rait infiniment regrettable de voir ces deux cours, le cours
Quant à la valeur des épreuves subies devant nous dans
de droit maritime notamment, disparaître de nos program
cette dernière année, je me borne à constater que nous
mes. Nous sommes l ’Université d’Aix-M arseille; la cour d’ap
avons eu plus de rejets que l’année précédente : 71 rejets
pel d’A ix est celle qui juge les plus grandes affaires de droit
contre 426 admissions, tandis que, en 1884-1885, nous
maritime : où donc l’enseignement de ce droit pourrait-il
n’avions que 97 rejets contre 506 admissions. Est-ce à dire
être mieux placé? ce n’ est pas un simple cours complémen
que les examens ont été inférieurs à ceux de l’année précé
taire, c’est une chaire de droit maritime qui semble s’im
dente? Je me plais à croire que nous avons été simplement
poser.
un peu plus sévères, ce qui n’est pas un mal.
J ’en aurai fini avec le personnel enseiguant, quand je vous
Nous avons été plus sévères certainement sur un autre
aurai dit que M. le professeur Gautier vient de publier une
point. Nous étions littéralement envahis par des demandes
troisième édition de son excellente histoire du droit. Quanta
nos programmes je n’ ai pas à vous en parler : ils ne varient
pas d’une année à l’autre.
Vous lirez annexé à ce rapport un tableau présentant le
nombre des inscriptions prises dans l ’année scolaire 18851886, leur répartition dans les différentes années, le nombre
et la qualité des examens subis.
L ’année précédente nous avions eu 918 inscriptions; en
1885-1886. nous n’en avons eu que 911. Mais la diminution
n ’est qu’apparente. Elle s’explique en effet par la disparition
en dispense d’assiduité aux cours. Vous ne sauriez croire
avec quelle ingénuité nombre de pères ou de mères sont
venus me prier de leur laisser leurs fils. Quelques-uns sont
allés jusqu’à me dire : laissez-nous-le au moins pour la
première année qui, comme on le sait, est sans importance?
Je dois rendre cette justice à quelques-uns, qu'ils ont re
connu que c’était tout le contraire; que cette première an
née, comme toute initiation, était la plus importante, et que,
à la rigueur, on pourrait, sans le secours du maître, plutôt
continuer que commencer l’élude du droit.
�—
20
—
Nous avons donc été assez fermes. Nous ferons peut-être
ANNÉE
SCOLAIRE
1885-1886
Examines Admis Ajournés Total
Exam en de C apacité
mieux encore. A tout prendre, je préférerais une parfaite
assiduité aux cours à un médiocre examen subi par un can
didat qui n’a jamais paru à l ’école.
A propos de celle assiduité aux cours, nous avons eu
maille à partir avec l'administration de l ’enregistrement. On
voulait que nous étendions la dispense, dont jouissent les
surnuméraires, aux aspirants surnuméraires. Mais où s’ar
rêter alors? y y aura-t-il pas une troisième catégorie d’étu
diants qui aspireront à être aspirants surnuméraires? Mais
je dois reconnaître que M. le directeur de Marseille m’a très
justement fait observer que les Facultés voisines accordent
aux aspirants surnuméraires la dispense que nous leur re
fusons ; et que si les aspirants surnuméraires de cette région
n’avaient pas la possibilité de faire leur droit tout en restant
dans les bureaux auxquels ils sont attachés, ils auraient un
désavantage marqué dans le concours pour le surnumérariat
qui est général pour toute la France, et dans lequel les con
currents pourvus du diplôme de licencié ont, par cela seul,
un certain nombre de points. Il y a là une question de justice
distributive qui mérite l ’attention de l ’autorité.
Eloge............................
Majorité ou cgaliié de blanches.. . .
Miuoriic-de blanches..................
Totalité de ronges......................
Rouges et noires.......................
19
19
17
A j o u r n e m e n t s .................................
1" examen de B a c c a la u r é a t
1r* par lie
Eloge........
Majorité de blanches.
Minorité de blanches
Totalité de rouges . .,
Rouges et noires
Ajournements............
4
30
20
11
21
16
102
86
16
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97
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G8
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1‘ examen de B a cca la u réa t
2“‘" parlie
Eloge........
Majorité de blanches.
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Rouges et noires.. . .
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examen de B a c c a la u r é a t
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Rouges et noires.............................
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A reporter.
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Examines Admis
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Exam en s p é c i a l p o u r le d r o i t
r o m a i n e t l ’E c o n . p o l i t .
Eloge..................................
Majorité de blanches.........................
Minorité de blanches.........................
Totalité de rouges.............................
Rouges et noires...............................
A journem ents....................................
1
2
1
1
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5b
50
5
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O
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1
E x a m e n de L ic e n c e
( l r° partie)
E loge..................................
Majorité de blanches........................
Minorité de blanches....... .................
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Rouges cl noires................................
A journem ents....................................
5
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16 I
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E x a m e n de L ic e n c e
(2mc partie)
E loge..................................
Majorité de blanches.........................
Minorité de blanches.........................
Totalité de rouges.......................
Rouges et noires.......................
A journem ents.......................
0
15 1
16
2
18
5
Report.
469
404
Total
65
469
1" examen de D o cto ra t
Eloge ...........................
Trois blanches el une blanche-rouge
Trois blanches et une rouge.. . .
Deux blanches et deux blanchesrouges ......................................
Deux blanche^, une blanche-rouge
et une rouge..........................
Une blanche et trois blanches-rouges
Ajournements.............................
2ro examen de D o cto ra t
Eloge ...........................
Trois blanches el une blancherouge .......................................
Trois blanches et une rouge---Deux blanches et deux blanchesrouges ....................%'•............
Deux blanches, une blanche-rouge
et unej rouge...............................
Ajournements..................................
3m"examen de D o cto ra t
Eloge............................. •
Trois blanches et une blanche"
rouge............................................
Trois blanches el une rouge..........
Deux blanches et deux blanchesrouges..........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge...............................
Ajournements................................
10
10
E x a m e n s p é c i a l d e L ic e n c e
T h è se de D o c to ra t
subi pardeux élèves d e l’Ecolede
droit de_Pondichéry.
Minorité de blanches.......................
A reporter.........
2
2
2
»
2
469
404
65
469
Eloge...............................
Trois blanches et une rouge..........
Deux blanches] et deux blanchesrouges.........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge...............................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge-noire.....................
Ajournements.................................
T otaux..................
497
426
71
497
�■
— ?4 —
RELEVÉ
DES
INSCRIPTIONS
P r is e s p e n d a n t l'a n n é e s c o la ir e
1 8 8 5 -1 8 8 6 .
Trimestre de novembre 1885..
»
de janvier 1SS6....
»
d’avril 18S6.............
d
de juillet 1886 ........
263
203
181
262
Total...............
911
Ces 9 1 1 in s c r ip tio n s s e r é p a r t is s e n t a in s i q u ’il suit :
Pour la capacité . . . .
» le baccalauréat.
» la licence.........
» le doctorat.. . .
83
562
209
66
Total..........
91J
RAPPORT DE M. REBOUL
DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Voici le résume des travaux de la Faculté des sciences
pendant l’année I885-IS8G :
1° Examens du baccalauréat.
Baccalaureat complet.
347 candidats ont élé examinés —
122 ont été admis,
4 avec la mention bien, MM. Galloni, Jehon, Laugier An
dré, Molina ; 29 avec la mention assez bien et 88 avec la
mention passable.
—
Moyenne des admissions 33 0/0,
supérieure de 5 0/0 à celle de l’année dernière.
Je dois faire remarquer à propos des examens du bacca
lauréat complet que la plupart des candidats qui échouent
sont refusés en grande partie à cause de l’insuffisance de leur
préparation littéraire; plusieurs, même parmi ceux qui réus
sissent, arrivent à l’examen oral avec une mauvaise note pour
la version ou se montrent faibles sut* telle et telle partie de
leur programme de lettres. Mes collègues d’Aix qunriennent
siéger avec nous le savent comme moi. Ce fâcheux étal de
choses n’est'd’ailleurs point particulier à notre Académie ; on
�—
26
—
le constate à peu près partout et Monsieur le Ministre de
l ’Instruction publique a dû récemment s’ en préoccuper. l Tn
peu plus de sévérité est peut-être nécessaire et je ne verrais
qu’avantages à ce que les jeunes gens qui n’ont point de
goût pour les études littéraires ou qui ne peuvent y réussir,
suivissent cet enseignement secondaire spécial parallèle à
l ’enseignement classique proprement dit, qu’on est en train
d’organiser partout en France. Ils y trouveraient comme
couronnement de leurs études un baccalauréat ès-sciences
particulier, plus développé au point de vue de l ’instruction
scientifique exigée, plus restreint pour la partie littéraire,
que le baccalauréat actuel et jouissant des mêmes préroga
tives que lui et même de quelques unes de plus.
�-
29 -
Baccalaureat restreint. — 58 candidats ont été examinés.
Licences et agrégations ès-sciences. Il s’agit ici de nos élè
27 ont été admis ; l’un M. Doulet Forlunay avec la mention
ves qui pendant l’année scolaire 1885-1886 ont été au nom
très bien ; 5, MM. Durbesson, Jourdan, Lachaux, Bizonard
bre de 57 ; 46 pour les licences et 7 pour les agrégations.
avec la note bien ; 5 avec assez bien et 17 avec passable. Pro
Commençons par les candidats inscrits pour les licences.
portion 47 0/0. L ’année dernière cette proportion avait été
Nous en comptions 16 pour les mathématiques, 18 pour les
légèrement supérieure et égale à 54 0/0.
sciences physiques, 12 pour les sciences naturelles. Total
Ainsi, à en juger par la moyenne des admissions au bacca
46. Pour chaque ordre de licences il y a 11 à 12 leçons par
lauréat restreint, toujours supérieure de 15 0/0 environ à
semaine, c’est à dire le maximum de ce qui peut être donné
celle des admissions au baccalauréat complet, ou pourrait
(ce qui d’ailleurs dépasse le nécessaire) ; il ne faut pas per
croire que les candidats au premier de ces grades valent
dre de vue en effet que les maîtres auxiliaires ou répétiteurs
mieux que ceux qui se présentent au second. C’est le con
figurent dans ce nombre de 46 pour 16 soit pour un peu
traire qui a lieu. Laissant de côté les avantages déjà assez
plus du tiers et qu’ils ne sont libres qu’aux heures des classes.
sérieux qui résultent pour les candidats au baccalauréat res
treint déjà bacheliers-ès-letlres (et ils le sont presque tous),
de la'suppression de la version et de la composition mathé
matique, j ’appelle votre attention sur la principale cause,
suivant moi, de celle apparente anomalie. Pour être refusé
il faut sur sept notes, trois notes mal, soit près de la moitié.
C’est le même nombre absolu que pour l’examen d’un can
didat au même grade, non pourvu du diplôme bachelier èslellres, mais bien différent au point de vue de son rapport
avec le nombre total des notes (3 sur 12 dans ce dernier cas),
et c’est de ce rapport que dépendent en grande partie les
chances de l ’examen.
Il est juste qu’ il soit tenu compte du
grade de bachelier ès-lellres, mais il ne faut pas que ce soit
dans une telle mesure que l’examen scientifique se trouve
par trop sacrifié et soit rendu presque illusoire. Les épreuves
du baccalauréat ès-sciences des candidats déjà bacheliers
ès-lellres donnent lieu à la même cPitique, puisqu’il faut 3
notes mal sur une totalité de G notes pour entraîner l ’ajour
nement. Ces nombres sont trop éloquents pour que j’insiste.
J ’estime qu’il y aurait peut-être là une réforme à opérer.
\
�AN N EE S C O L A IR E 1 88 5 -8 6
T a b le a u d u n o m b r e d e s é t u d ia n t s
AGRÉGATION
LICENCE
C a tég o r ies
TOTAL
Malh.
Phys.
Math.
Phys.
Sciences
nature11**
Boursiers de l ’Etat..............
»
Département. . . .
»
Ville de Marseille.
Maîtres auxiliaires..............
»
répétiteurs............
Etudiants lib re s................
Professeurs de l’ Académie..
(hors M arseille)............
1
»
»
4
1
»
2
3
3
»
1
7
1
2
1
2
3
3
3
6
»
»
5
»
»
»
»
»
»
1
»
»
2
»
»
12
18
»
8
Totaux..........
7
4
16
18
12
57
•
»
»
3
3
»
11
2
2
4
Année scolaire 1885-86. — EXAMENS DES LICENCES.
L icences
S ession
MATHÉMATIQUES
Novembre
Juillet
(
I
physique
NATURELLE
2 examinés
4 examinés
4 examinés
0 admis
2 admis
2 admis
8 examinés
10 examinés
6 examinés
4 admis
4 admis
Mentions obtenues :
Mention Bien : M.
M.
#
M.
Tous les autres candidats ont obtenu
Vernet (licence mathématiques).
Laurent ( » physique).
Counillon ( » naturelle).
la mention Assez-Bien.
4 admis
�— 32 —
A ces 16 maîlres auxiliaires ou répétiteurs, il faut joindre
de l’enseignement secondaire résidant hors du siège des
14 boursiers el 10 étudiants libres parmi lesquels figurent
facultés ; retenus par leurs devoirs professionnels, leurs
2 professeurs de l’Académie (hors Marseille) qui n’onl pu
frais de déplacement ne leur sont en outre remboursés que
venir assister aux leçons qu’une fois par semaine.
jusqu’à concurrence de deux voyages par mois. Vu les
34 candidats se sont présentés aux deux sessions de
conditions d’écrasanle supériorité que possède Paris avec
novembre 18X3el de juillet 188G. 16 ont été reçus, 3 avec
l’ Ecole normale, la Sorbonne el le nombreux personnel dont
la mention bien :
ces établissements disposent : étant donnés les nombreux
MM. Vernet, licence malh.
candidats à l ’agrégation qui résident à Paris et y disposent
Laurent, licence phys.
de tout leur temps, je n’ hésite pas à dire que les préparations
Counillon, licence nat.
à l ’agrégation par les facultés de province ne pouvant ame
Tous les autres ont obtenu la note assez bien. Prop. des
admis. 47 0/0. (Voir le tableau ci-joint).
ner qu’ un fort petit nombre de succès, elle devrait être
supprimée.
L'afcnée passée il y avait eu 20 admis sur 36 présentés.
Celte année, 8 jeunes gens, dont un seul boursier, ont
Prop. 53, 5 0 0, un peu supérieure à celle de l’année
suivi les conférences d’agrégation, 4 pour les sciences ma
actuelle. Mais sur ces 20 reçus 10 l’avaient été avec la note
thématiques, 4 pour les sciences physiques. Deux d’enlr’eux,
passable qui ne suffit plus aujourd’ hui. Les conditions de
MM. Salmon et Beaulard, professeurs aux lycées de Tour-
réception se trouvent en outre aggravées par celte nouvelle
non el d’Aix, déjà admissibles l’an passé, l ’ont été de nou
disposition : « les épreuves pratiques sont éliminatoires. »
veau au mois de juillet dernier, mais n’ont pu réussir. Après
En définitive le niveau s’est donc élevé sensiblement. J ’ajoute
ce que je viens de dire des difficultés spéciales que rencon
que la plupart des refusés n’ont pas réussi parce qu’ ils ont
trent les candidats non parisiens, et je ne les ai pas énumé
voulu se présenter après un an de préparation, délai insuf
rées toutes, on peut presque considérer ce résultat comme un
fisant pour n’importe quelle licence, à moins qu’on n’aborde
celte préparation en possédant déjà une fraction notable des
connaissances exigées par les programmes.
Agrégations. — La préparation aux agrégations est el sera
insuffisante dans les Facultés de province installées comme
elles le sont. Une leçon par semaine pour chaque ordre
d’agrégation est à peu près tout ce qui peut être donné par
elles, le temps des professeurs étant complètement absorbé
par leurs cours publics ou fermés (3 leçons par semaine) et
par leurs travaux personnels.
D’ailleurs les candidats à
l’agrégation sont en grande partie composés de professeurs
succès.
La régularité avec laquelle s’accomplissent chaque année
les cours de la Faculté, l’ensemble de son enseignement qui
se trouve renfermé, sauf en ce qui concerne les leçons pu
bliques, dans un cercle déterminé par les programmes des
grades supérieurs, me dispensent d’entrer sur ce sujet dans
des détails inutiles. Les professeurs et maîlres de confé
rences ont rempli leurs devoirs avec l’exactitude et le dévoue
ment qui leur sont habituels. Un seul n’a pu accomplir sa
tâche jusqu’au bout. Terrassé, malgré se robuste constitu
tion et sa puissante énergie, par des travaux de laboratoire
3
�-
34 -
excessifs auxquels, trop confiant dans sa force, il associait,
outre ses devoirs professionnels, ceux qui lui incombaient par
suite de ses fondions de conseiller général des Basses-Alpes
et de conseiller municipal à Marseille, il succombait presque
brusquement dans les premiers jours du mois de juillet der
nier. Ainsi, à moins de huit mois d’intervalle, la Faculté
avait la douleur de perdre deux de ses membres les plus
éminents. Elle s’honore d’avoir compté Dieulafait parmi les
siens et lient à retracer brièvement par ma voix.une carrière
aussi dignement remplie que la sienne. Ce n ’est d’ailleurs
que justice d’indiquer les nombreux travaux qui avaient
assigné à notre regretté collègue un rang honorable dans le
groupe des géologues contemporains et qui l ’avaient désigné
à l ’Institut comme devant prendre place, à Tune des plus
prochaines vacances, parmi ses membres correspondants.
Dieulafait a été vraiment le fils de ses œuvres. Il s’est fait
tout seul, sans passer par aucune école préparatoire. J ’ad
mire l’énergie qu’il lui a fallu déployer pour arriver dans
ces conditions à produire tout ce qu’il a produit et à conqué
rir par ses nombreuses et remarquablus recherches la place
que personne ne lui conteste dans les sciences géologiques.
Ses débuts furent pourtant pénibles et ce n ’est qu’à l ’age de
ses amis scientifiques seuls peuvent en ce moment apprécier
la haute valeur, mais qui sera sous peu jugée comme elle le
mérite, dès qu’elle aura été livrée à l ’impression.
Une thèse remarquable soutenue à Paris en 1870, lui valut
le titre de docteur et lui ouvrit l’entrée de l ’enseignement
supérieur. Deux ans après il fut envoyé à Marseille en qua
lité de professeur de géologie et de minéralogie. C’élait-là sa
vraie place et dès ce moment commence pour lui Ja période
la plus féconde de sa vie scientifique, période dont chaque
année est marquée par la publication de mémoires nombreux
et importants.
Ces travaux appartiennent à deux ordres d’idées bien
distincts : géologie stratigraphique et géologie chimique.
Dans les premiers il a déterminé l ’époque de formation et
l ’âge relatif de certains terrains. Il a reconnu l’existence en
Provence de divers étages de roches qui avaient échappé aux
recherches de ses prédécesseurs.
Dans les seconds, les plus importants de beaucoup, il a
étudié la composition chimique des eaux et des terrains, et
déterminé l’origine des roches cristallisées ainsi que celle des
filons métallifères. On peut dire qu’avant lui la géologie chi
mique n’existait qu’à l’état d’embryon et que dans ces ques
28 ans qu’il entra dans l’Université comme modeste profes
tions d’origine dont plusieurs ont été si bien élucidées par ses
seur de physique au modeste collège de Remiremont. Il fut
travaux, on en était souvent réduit aux hypothèses. Mis en
envoyé peu de temps après au collège de Toulon auquel il
possession par sa nomination à la Faculté d’un laboratoire qui
resta attaché jusqu’en 1865. C’est là que se développèrent
lui avait fait défaut jusqu’alors, il put se livrer à l ’étude d’un
ses aptitudes pour la géologie et c’est de celte époque que
grand nombre de substances disséminées dans l ’écorCe ter
datent ses premiers travaux. Chargé par le Conseil général
restre. Il commença par démontrer l ’existence de l’acide bo
du Var de dresser la carte géologique de ce département, il
rique dans les eaux de la mer et prévit dès ce moment que la
obtint un congé pour se consacrer à cette œuvre de longue
plupart des minerais de filons étaient d’origine sédimenlaire
haleine, qui constamment revue et corrigée par lui jusqu’à
et que les simples lois de la chimie devaient expliquer la con
la veille de sa mort, constitue un véritable monument dont
centration de ces substances en certains points. Pour l’établir
�— 36 —
il constata dans la majorité des roches l ’existence de la ba
ryte, de la stronliane, de la lilhine, du cuivre, du zinc, du
manganèse et fit voir comment sous l'influence des agents
extérieurs ces corps se concentrent en fiions; il montra que
les phosphates, le gypse, le sel gemme auxquels on avait
attribué une origine éruptive, étaient aussi d’origine sédimenlaire, simples dépôts abandonnés soit parles eaux de la
mer, soit par les eaux fluviales qui les avaient enlevés aux
roches du voisinage.
études géologiques originales, le noble exemple qu’il a donné
ne sera pas perdu.
M. le ministre vient de nous envoyer pour succéder à
Dieulafait dans la chaire de minéralogie et de géologie,
M. Depérel, qui appartient au corps des médecins de l’ar
mée. Docteur en médecine de 1876, ses goûts et ses aptitudes
spéciales le portèrent bientôt vers les recherches de géologie
paléontologique. Reçu docteur ès-sciences par la Faculté de
Paris en 1885 pour des recherches sur le bassin tertiaire du
Cette partie considérable de l ’œuvre de Dieulafait restera
Roussillon, il a publié depuis quelques travaux et notamment
dans la science et fera vivre son nom. Mais ces idées qui,
des études fort sérieuses sur la paléontologie des terrains des
surtout au début, ont soulevé des oppositions souvent fort
Pyrénées, de l’Auvergne et des vallées du Rhône et de l ’Ain.
vives, n’ont fini par triompher que grâce à la persévérance
La sûreté et l’étendue de son érudition, l ’affabilité et le ca
et à la ténacité du savant préoccupé uniquement de la re
ractère de sa personne, nous annoncent en lui un collègue
cherche de la vérité. D’une extrême indépendance de ca
dont la Faculté n’aura qu’à se louer. Nous ne pouvons que
ractère, il a été peut-être le premier parmi les géologues
nous féliciter d’ une pareille acquisition.
français qui ait eu le courage de se débarrasser d’explica
Je crois devoir passer sous silence la question de la nou
tions loutes-failes et de combattre hardiment les idées ad
velle Faculté, qui est moins avancée que l’année dernière,
mises sou*s le patronage de l’auloriLé.
et j ’arrive aux travaux personnels des professeurs dont je
Négligeant les travaux accessoires de Dieulafait, parmi
lesquels j ’en pourrais citer plus d’ un d’important, tels que
ne puis, vu les cadres de ce rapport, que donner l ’indica
tion
son mémoire sur le Vanadium, ses éludes sur les mines de
lignite des Bouches-du-Rhône, des Hautes et des Basses-
Travaux de MM. les Professeurs 1885-1886.
Alpes, je ne veux pas terminer celle trop courte biographie
scientifique de mon regretté collègue sans dire un mol du
M. S au nage , professeur d’analyse :
maître. Bien que chez lui le professeur s’effaçât un peu
Sur les solutions régulières d’un système d’équations dif
devant le savant, ses leçons étaient écoulées attentivement et
férentielles. (Annales de l ’école normale supérieure, novem
avec respect par ses élèves qui n’ignoraient point qu’ il avait
bre et décembre 1886).
beaucoup cherché et beaucoup trouvé. Son abord facile, sa
M. S t é p h a n , professeur d’astronomie :
rondeur de manières, sa bienveillante bonhomie, l’intérêt
Découverte de nébuleuses nouvelles, et observations pré
profond qu’il leur portait en faisaient bientôt ses amis.
cises des positions de nébuleuses antérieurement découvertes
Espérons que pour ceux d’entre eux qui entreprennent des
par l’observateur.
�-
M. Macé
de
38 -
Dispersion dedouLde réfraction du quarlz (C. R. de l’Aca
démie des sciences, 1. ci, 1885).
Détermination de la longueur d'onde de la raie D2 (Ibid.,
t.
cii,
— 39 —
L épinay, professeur de physique :
1886).
Méthode pour mesurer en longueurs d’ondes de petites
épaisseurs (Journal de Physique, 2° série, t. y, 1886).
Détermination de la valeur absolue de la longueur d’onde
de la raie D2. (Ibid., 1886 .
Note sur les difficultés propres aux pesées hydrostatiques
(Ibid., 1886).
Deux mémoires détaillés sur les memes sujets sont à
l’impression pour les Annales de Chim ie et de Physique).
M. R eboul, professeur de chimie :
Ammoniaques dérivées de l ’Epichlorhydrine (Suite).
Articles de matière médicale du Dictionnaire Encyclopédi
que de Dechambre.
Articles « Algues » dans la grande Encyclopédie du XIX*
siècle.
Sur la maladie parasitaire dite le rouge des morues et le
moyen de la guérir (Rapports au ministre de la marine et
au ministre’du commerce).
Nouvelles recherches sur le Bornluc et sur ses graines (en
collaboration avecM. SchlagdenhaufTen) (Journal « les Nou
veaux Remèdes », août et septembre 1886).
M. Marion, professeur de zoologie :
Sur deux espèces de Balanoglosse (C. R. 1885).
Sur deux espèces à'Enteropneustes (Arch. de zoologie deux
planches gravées et figures dans le texte).
Documents ichlyologiques. Espèces rares capturées sur les
Sur un nouvel isomère de l ’essence de Cubèbe.
côtes de Provence et remarques sur diverses espèces du
M. K l e in , chargé d’un cours de chimie industrielle :
Golfe de Marseille. (Zoologischer Anzeiger).
Sur les émétiques de Tellure (C. R ., I. en, 1886).
Sur une cause peu ^connue de corrosion des appareils à
vapeur C. R., t. cm, 1886' (en collaboration avec M.Berg).
M. H eckel, professeur de botanique :
Sur la présence de la cholestérine dans quelques corps
gras des végétaux (en collaboration avecM. Schlagdenhaulfen)
(C. R., juillet 1886).
Sur la présence de la lécithine dans les végétaux (en col
laboration avecM. Schlagdenhauiïen) (C. R ., août 1886).
Sur l’anatomie des plantes à ascidies : Sarraccnia, JScpen-
thes, Darlinglonia* Cephalotus et llcliamphora (C. R., mai
et juin 1886).
De l’évolution dans les végétaux (Revue Scientifique,
mars 1886).
Les faunes des étangs saumâtres des Bouches-du-Rhône.
Sur l’organisation du Lepidomenia hyslriæ, nouveau type
de Solenogastre (C. R.) (en collaboration avec M. Kowalevski).
M. J ourdan, chargé d ’un cours complémentaire de zoo
logie :
Contribution à l ’Anatomie des Chloremiens (C. R., fé
vrier 1886).
Structure de la véticule germinative du Siphonostoma
diplochoctos (C. R., juin 1886).
Les antennes des Eunicicns (C. R., juillet 1886).
m . y ayssière , maître de conférences de zoologie :
Elude sur le Cliionapsis Evonymi, espèce de cochenille qui
ravage les plantations de fusains dans le midi de la France*
(Bulletin de la Société d’Agriculture de Vaucluse, 1886).
�— 41 —
En juillet le nombre des candidats pour la première partie
RAPPORT DE M. BIZOS
a été :
Examinés.............................................. 370
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES
Eliminés après l ’épreuve écrite............
174
Ajournés après l’épreuve orale.............
50
Ont mérité la mention Bien..................
4
Ont mérité la mention Assez-bien........
29
Ont eu la note Passable........................ 113
La moyenne des admissions a été de 39 0/0.
Pour la seconde partie du baccalauréat, en novembre, le
nombre des candidats a été:
Monsieur
le
R ecteur,
Messieurs ,
Examinés...............................................
106
Eliminés après l ’épreuve écrite.,..........
49
Ajournés après l ’épreuve orale..............
14
Ont mérité la mention B ie n .. : ............
2
Ont mérité la mention Assez-bien........
7
Ont eu la note Passable..........................
34
La moyenne des admissions a été de 42 0/0.
J ’ai l’honneur de vous présenter le compte-rendu des
travaux de la Faculté des Lettres d’A ix pendant le cours de
l’année scolaire.
Au mois d’avril 1886 s’est ouverte la session réservée aux
candidats de la seconde partie précédemment ajournées; leur
nombre a été :
Trois sessions ont eu lieu pour le baccalauréat, en novem
Examinés................................................
bre, en mars et en juillet.
En novembre le nombre des candidats pour la première
partie a été :
Examinés...............................................
17G
Eliminés après l ’épreuve écrite.............
92
Ajournés après l ’épreuve orale...............
12
58
Elimines après l ’épreuve écrite.............
27
Ajournés après l ’épreuve orale..............
7
Ont mérité la mention Assez-bien.........
7
Ont eu la note Passable..........................
17
La moyenne des admissions a été de 40 0/0.
En juillet le nombre des candidats pour la seconde partie
a été :
Ont mérité la mention R ien ...................
2
Ont mérité la mention Assez-bien........
7
Examinés.............................................. 211
63
Ajournés après l’épreuve écrite............. 106
Ont eu la note Passable.........................
La moyenne des réceptions a été de 41 0/0.
Ajournés après l'épreuve orale...............
18
�— 42 —
Ont mérité la mention B ie n ..................
— 43 —
8
Ont mérité la mention Assez-bien........
15
Ont eu la note Passable.........................
64
a été heureuse de donner à cet excellent étudiant la mention
.
bien.
J ’arrive maintenant au compte rendu de nos leçons, qui
La moyenne des admissions a été de 41 0/0.
sont de deux sortes. Notre enseignement public se maintient
À partir du mois de juillet les examens ont eu lieu, comme
pendant le premier semestre à côté de l ’enseignement des
dans la plupart des autres Académies, selon le système dit
conférences et des cours privés ; il continue à être très pros
de la série unique. Ce changement n’a pas été sans troubler
père: nous avons à Aix et à Marseille un nombreux et fidèle
un peu les candidats et leurs familles, qui se demandaient
auditoire. Le second semestre a été, comme les années pré
avec anxiété si la nouvelle méthode ferait moins de bacheliers
cédentes, consacré aux cours spéciaux, qui sont réservés aux
que la précédente. Ils doivent être rassurés, car la moyenne
seuls étudiants, candidats à la licence, candidats aux diverses
des admissions n’a presque pas varié d’une année à l’autre.
agrégations. J ’ajoute que nous n ’avons pas cessé de nous te
Au mois de novembre 1885 une session de licence s’est
nir en correspondance avec les maîtres du ressort, qui, trop
ouverte pour neuf candidats, dont six étaient pour les lettres,
éloignés pour venir au siège de la Faculté, ont sollicité de loin
deux pour l’histoire, un pour la philosophie. Quatre ont été
notre aide et nos conseils. Les devoirs, qu’ils nous ont envoyés,
ont été soigneusement corrigés,
admis ;
M. Ner, professseur au collège de Sisteron, (philosophie).
MM. Gaussen, étudiant libre.
Üegalvès, boursier de la Faculté.
Mazel, professeur au collège de Barce
Tendant l’année qui vient de s’écouler le professeur de phi
losophie, M. Souriau, s’est occupé des doctrines esthétiques
et a exposé la philosophie de l’art. Le professeur d’histoire,
lettres.
lonnette.
M. Guihal, a pris pour sujet Henri IV et son temps. Le pro
fesseur de littérature française, M. Bizos, a étudié Fénelon
éducateur et moraliste. Le professeur de littérature latine,
Au mois de juillet 1886 la session s’est ouverte pour douze
M. Constans, a étudié les légendes d’origine classique au
candidats, qui étaient tous pour les lettres. Sept de ces can
moyen âge. M. Boissière, chargé du cours de littérature grec
didats ont été admis :
que, a parlé d’Homère. M. Joret, professeur de littérature
MM. Clément, boursier de la Faculté.
Constant,
id.
Laurin, étudiant libre.
Bonavita, boursier de la Faculté.
De Laprade,
id.
Dauphin,
id.
Caste, étudiant libre.
M. Clément a passé un remarquable examen : la Faculté
étrangère, a fait l ’histoire des idées littéraires et esthétiques
en Allemagne et en Angleterre de 1720 cà 1765.
A ces cours principaux et aux conférences, qui s’y ratta
chent, ont été ajoutées des conférences supplémentaires.
M. Clerc, maître de conférences d’histoire ancienne, M. Rigal, maître de conférences de philologie grecque et latine,
M. Agabriel, chargé d’un cours de géographie, ont. continué
à nous prêter avec autant de zèle que de succès leur utile
�-
44 —
concours. En outre les deux nouveaux collaborateurs, que
bellan du grand électeur, et donné à la Revue Critique des
M. le Ministre a bien voulu nous donner, M. Maury, maître
articles de bibliographie. M. Rigal a publié dans la Revue
de conférences de littérature grecque, et M. Lena, chargé
des Langues Romanes, outre des articles bibliographiques,
d’un cours complémentaire de littérature française, se sont
un travail sur Bruscambille fabuliste et une étude intitulée
acquittés avec le plus heureux dévouement de la mission qui
Un dénouement moral de la fable du Loup et [de l'Agneau.
La Revue Philosophique a fait paraître de M. Souriau la
Conscience de soi, et le Bulletin de Correspondance Helléni
leur a été confiée.
Les programmes choisis et approuvés pour la présente
année ne seront, j ’en ai l ’espoir, ni moins utiles ni moins
que a publié de M. Clerc trois études sur les ruines d’Œgæ
attrayants que par le passé. M. Souriau exposera la philoso
en Eolie, sur les Inscriptions de Thyatire, et sur les fouilles
phie des poètes ; M. Guihal traitera de l ’ Europe et de la
de FHéraion de Samo s.
France sous le règne de Henri IY ; M. Bizos étudiera les
Je croirais, Messieurs, manquer à mon devoir et je man
sources, les caractères, l ’influence du génie poétique de
querais certainement à mes sentiments de gratitude, si, en
Lamartine; M. Joret a pris pour sujet Herder et Gœthe;
terminant ce rapport, j ’oubliais d’adresser la publique ex
M. Constans, Cicéron et son temps; M. Boissière, les épopées
pression de ma reconnaissance à mes collègues de la Faculté
homériques.
des Lettres, à M. le Recteur et à tous les membres du Conseil
MM. Riga], Clerc, Maury nous restent comme maîtres de
conférences, MM. Lena et Agabriel comme chargés de cours
complémentaires.
Il me reste à constater que les charges et les labeurs de
l’enseignement n’ont pas celte année plus que les précédentes
détourné les professeurs de la Faculté des Lettres d’Aix des
publications scientifiques et des travaux personnels. M. Cons
ens a donné un important supplément à sa Chrcstomathie de
l'ancien français et publié des articles dans la Revue des
Langues romanes. M. Guihal a fait paraître chez l’éditeur
Thorin un volume intitulé Mirabeau el la Provence en 1789,
M. Bizos à la librairie Lecène et Oudin, une élude sur Féne
lon éducateur, et dans la Revue de la Faculté des Lettres de
Lyon un essai sur l'apparition du mélodrame en France au
18e siècle. M. Joret a publié deux éludes, l ’une sur Lamoi
gnon de Basville et le clergé du Languedoc de 1695 à 1717,
l’autre sur J.-B. Tavernier, ccuyer, baron d ’Aubonne, cham
général, qui dans des circonstances particulièrement graves
et difficiles m’ont présenté en première ligne pour le décanat
au choix de M. le Ministre. La direction de la Faculté m’a
été confiée de nouveau pour une période de trois années.
Joindre la bienveillance à la fermeté dans les rapports avec
les étudiants, assurer, en donnant le premier l ’exemple du
travail et de l'exactitude, le service régulier des cours et des
conférences, dresser avec équité le tableau des examens spé
cialement lourds dans cette Académie, parce qu’ils sont dis
séminés à la fois sur des points très différents, défendre avec
énergie et persévérance les intérêts et les droits des profes
seurs et des maîtres de conférences, faire valoir en temps
opportun auprès de l’administration supérieure leurs mérites
et leurs titres, entretenir pour le bien de tous les rapports
les plus affectueux avec le Recteur, représenter sans morgue
et sans faiblesse aux yeux du monde et auprès des autorités
de la région des collègues justement soucieux de leur dignité
�— 46 —
et de leur rang, savoir sacrifier courageusement, quand il le
RAPPORT DE M. LE Dr CHAPPLAIN
faut, ses propres désirs et ses tendances particulières à l’in
térêt de la Faculté, telle est la lâche très multiple et très
DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MEDECINE
délicate qui s’impose à un doyen, auquel n ’échappe pas l’é
ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
tendue de ses fonctions, de ses responsabilités, et de ses
devoirs. J ’ai fait dans le passé et je ferai dans l’avenir tous
mes efforts pour me rapprocher, autant que je le puis, de cet
idéal, qui me désespérerait, si je n’étais soutenu par la bien
veillance de mes chefs et par le concours dévoué de collègues,
qui sont mes amis.
Monsieur le R ecteur ,
Messieurs ,
Chaque année, en vous exposant la situation matérielle et
morale de l’ Ecole de plein exercice de Médecine et de Phar
macie, je me vois entraîné à vous représenter une seule et
même idée : c’est celle de l'insuffisance de nos institutions
médicales comparée aux besoins de plus en plus impérieux de
notre région et de notre ville.
J ’insistais l ’an dernier sur le petit nombre de nos élèves
et, en même temps, sur l ’exiguité des locaux consacrés à l ’en
seignement.
Une amélioration importante paraît s'opérer au début de
l ’année scolaire 1886-87. Le nombre des étudiants en méde
cine s’est accru d’une manière notable ; mais cette augmen
tation avantageuse à la vitalité de l ’Ecole n’a fait qu’accen
tuer d’une manière plus évidente l ’insuffisance des locaux.
L ’amphithéâtre de chimie pouvant contenir 80 élèves au
maximum s’est trouvé trop petit pour recevoir nos MO élè
ves qui ont le devoir et le droit d'assister à ce cours, un des
�— 48 —
— 49 —
plus importants, tant pour les élèves en pharmacie que pour
éludes universitaires régulièrement suivies aux divers con
les étudiants en médecine de première année-
cours qui vont lui ouvrir l’accès des hôpitaux.
Il ne s’agit plus, dès lors, de ces plaintes stériles qui se re
Ces concours sont de deux ordres, celui de l’externat que
produisent chaque année, sans qu’elles apportent aucune
les étudiants abordent quand ils ont douze inscriptions, soit
amélioration à l’étal antérieur, mais bien d’imposer des modi
au moment où, en dehors de la connaissance des sciences
fications d’urgence qui permettent à tous les étudiants qui
accessoires, ils possèdent celles de l’anatomie, de la physio
viennent s’inscrire à notre Ecole de jouir de leur droit à
logie, et.se trouvent ainsi préparés aux éludes pathologiques
l ’enseignement.
et cliniques. Le concours de l’internat vient ensuite ; les
Celte situation serait-elle le début d’une période nouvelle
étudiants qui affrontent ses difficiles épreuves ont terminé
pendant laquelle notre Ecole se relèverait par la présence
leur scolarité, ils'ont leur seize inscriptions et ont passé un
d’un plus grand nombre d’élèves? Je m’arrête et me permets
an au moins à titre d’externes dans les services hospita
seulement de vous faire entrevoir un avenir plus brillant
liers.
pour notre école, car cette heureuse perspective n'appartient
Qui ne comprend, par le simple exposé que je viens de
pas à la période scolaire dont j ’ai à vous rendre compte au
faire des conditions imposées aux étudiants pour occuper
jourd’hui.
les fondions d’externes et d’internes des hôpitaux, l’ assis
L ’année qui vient de s’écouler n ’a pas été plus brillante
tance réciproque que se prêtent l’enseignement de la Fa
que celles qui l’ont précédée, tant au point de vue du nombre
culté et le service des hôpitaux. La Faculté fournit aux hô
des élèves qu’à celui des moyens d’ instruction qui sont misa
pitaux des élèves suffisamment ou complètement instruits, et
la disposition du personnel enseignant ; mais il est un point
les hôpitaux à leur tour perfectionnent l’enseignement de la
qui m’a paru plus clairement démontré, et sur lequel je vous
Faculté en conservant dans leurs services, pendant quatre
demande la permission d’insister, c’est celui de l ’infiuence
ans, l ’élite des élèves sortie vainqueur dans la lutte du con
pernicieuse que présentent nos institutions médicales d’en
seignement supérieur , relativement à l’enseignement luimême et aux services hospitaliers.
Pour faciliter la démonstration de la proposition que je
viens d’émettre, il me suffit de comparer les rapports qui
existent entre l’enseignement médical et les services hospita
liers à Paris et à Marseille.
La scolarité à Paris se fait d’ une manière absolument régu
lière. L’étudiant s’instruit par la fréquentation des laboratoi
res, des salles de dissections, des cours de la Faculté. Il fait
son stage dans les services hospitaliers et se prépare par ses
cours.
C ’est là une graduation de l’enseignement admirablement
combinée. Les hôpitaux sont l’école de perfectionnement qui
va donner, à ceux qui se diront plus tard internes des hôpi
taux de Paris, un certificat spécial de sciences qui va leur
assurer l’estime, la considération, la confiance, quels que
soient les points de la France et même de l’étranger où ils
iront planter leur tente.
Cet heureux accord entre la scolarité et les services hospi
taliers n’existe pas à Marseille. Bien au contraire, ces deux
facteurs de l ’instruction médicale se font une concurrence
4
�-
60
—
— 5l —
funeste au détriment des hôpitaux, des malades et de l’enseï
gnemenl des élèves.
Marseille a les besoins d’ une grande v ille 1 Ses hôpitaux,
alors même qu’ils sont insuffisants relativement a sa popula
tion, n’en contiennent pas moins un grand nombre de mala
des. Les services médicaux y sont nombreux et réclament,
pour subvenir aux besoins des malades, un nombre impor
tant d’élèves qui y sont attachés au titre d’internes et d’ex
ternes.
L ’externat est ce qui nous intéresse le plus tant au point
de vue du nombre qu’à celui de la situation scolaire des
élèves.
Par le fait même des besoins im périeux des hôpitaux et du
petit nombre d’élèves que peut leur fournir l ’école, l’admi
nistration des hôpitaux impose aux candidats à l’externat un
programme d’une importance très m inim e; l ’ostéologie, les
questions de pathologie les plus élémentaires sont les seules
sciences qui y figurent.
que pour montrer l ’influence fâcheuse que ce placement des
élèves dans les hôpitaux, dès le début de leurs éludes, im
prime à leur scolarité.
L ’élève de deuxième année, externe-des
hôpitaux, ne
suit plus régulièrement les cours. Son service hospitalier
devient la raison légitime ou illégitime de son éloignement
de l ’école.
S ’agil-il des cliniques, ces cours si indispensables à l ’en
seignement pratique, l ’externe des hôpitaux n’y assiste pas.
S ’il est à l ’Hôlel-Dieu, ce seront les visites des médecins qui
se font en même temps que les leçons du professeur, et
cette allégation couvrira suffisamment sa négligence et son
mauvais vouloir. Est-il au contraire à la Conception et ses
objections n’en deviennent que plus légitimes. Pour les
autres cours, cet éloignement sera encore un motif bien
souvent invoqué pour des absencee qui ne sont nullement
justifiées.
Pourquoi insisterai-je davantage? N’esl-il pas démontré
Ce même programme ne comprenant aucune clause de
que les hôpitaux ont des élèves insuffisamment instruits, que
scolarité, la plupart des étudiants se présentent au concours
les cours sont désertés, et enfin que nos jeunes élèves man
dès le début de leur seconde année, soit à une époque où
quent de direction dès le début de leurs études.
n’ayant étudié que les sciences accessoires, ils ne possèdent
L ’internat subit l’ influence de cette éducation médicale
aucune des connaissances utiles pour faire convenablement
incomplète et sans direction, aussi avons-nous vu que la
un service hospitalier. Je prends encore ici ceux de nos élè
société médicale des hôpitaux vient de proposer la résurrec
ves qui sont arrivés à leur seconde année d’é.udes, mais
tion du chef-internat, soit la destruction effective de l’inter
il en est un certain nombre qui affrontent le concours, alors
nat des hôpitaux au profit d’ une individualité qui n’a de va
qu’ils n’appartiennent à l’école que par le fait d’une première
leur que par l’absence des institutions médicales d’enseigne
inscription.
ment qui ramèneraient dans notre ville cette progression fé
En acceptant ainsi des élèves insuffisamment instruits,
fadministration des hôpitaux comble les vides de ses cadres,
conde de la fréquentation successive de la Faculté et des ser
vices hospitaliers.
mais ne contribue pas à l ’institution d’un bon service. C’est
Toutes ces éludes successives me ramènent d’une manière
là un point de vue important, mais dont je ne veux me servir
fatale à réclamer au nom des intérêts de l’enseignement nié-
�-
dical el de ceux de l’humanilé la création d’institutions d’en
seignement supérieur en rapport avec les besoins de notre
ville et de nos populations. Marseille fournira à la Faculté
de médecine tous les instruments de l ’instruction théorique
et pratique qui manquent à la région du sud-est de la France;
et, en échange, la Faculté qui verra accourir vers elle les
étudiants qui lui manquent aujourd’ hui, fournira aux hôpi
taux des internes el des externes parfaitement instruits, qui
transporteront chez nous ces rapports successifs que nous
envions à la capitale de la France.
53 —
Cette haute émanation du commerce Marseillais a compris
que c’est à la science seule qu’il faut s’adresser pour conjurer
les terribles épidémies qui viennent ravager notre ville et
dont le germe nous est apporté par ces navires qui cachent
dans leurs flancs et les richesses de l’extrême Orient el ces
effluves néfastes qui prennent terre dans notre ville, frappent
de mort des milliers de citoyens, font perdre des centaines
de millions à notre commerce, et vont ensuite se répandre
et infecter toutes les contrées de l ’ Europe.
La décision de l’ Ecole ne pouvail-être douteuse, le conseil
J ’ai voulu exposer une des phases de l ’enseignement de
général a déjà affecté une somme de deux mille francs pour
notre école dont l'influence a été la plus sensible dans le
encourager cette élude de la Bactériologie, la Chambre de
courant de l ’année qui vient de s’écouler : l ’impuissance de
Commerce vient à son tour réclamer l’intervention des tra
la Direction dans le fait si important de l ’assiduité aux cours
vailleurs et les doter, mais elle pense que ce n’est pas à une
en présence des besoins impérieux des services hospitaliers.
seule des parties de la science qu’ il faut s’adresser ; qu’ il
Mais si je considère les évènements qui se sont passés dans
faut faire appel à toutes les lumières,
le courant de celle même année et qui intéressent le person
ments, el que pour cela il ne faut pas s’en rapporter à un
nel des professeurs, j ’y trouve également des sujets de plain
seul, mais bien créer à Marseille un centre scientifique où
tes qui m’imposent le devoir de persister dans mes réclama
tous les jeunes savants trouveront de riches laboratoires et de
tions en faveur de la Faculté de médecine.
savants maîtres qni leur indiqueront la roule à suivre.
à tous les dévoue
La grande ville de Marseille ne pouvait demeurer insen
Je ne puis donner en totalité le vœu exprimé par la
sible aux découvertes de la science. Dès que M. Pasteur se
Chambre de Commerce, je n’en indiquerai que le premier
montra assez sûr de ses expériences pour faire profiler l'hu
paragraphe.
manité de son traitement de la rage, le Conseil général des
Bouches-du-Rhone accorda à notre honorable collègue le
docteur Livon une double allocation pour aller étudier le
La Chambre exprime le vœu qu’tmc Faculté de médecine
soit établie à Marseille dans le plus bref délai.
Tandis que les institutions les plus élevées de notre région
traitement de la rage auprès de M. Pasteur et pour établir
manifestaient l ’intérêt majeur qu’elles portaient aux décou
dans son laboratoire des éléments de curation pour les sujets
vertes et aux progrès de la science médicale, recherchons
qui seraient exposés aux atteintes de cette terrible maladie.
Dernièrement encore la chambre de commerce consultait
le conseil de l’école sur l ’oppoi'lunilé de l ’émission d’un vœu
pour la création d’ une chaire de bactériologie.
quelles étaient les conditions de travail que fournissait notre
Ecole pour répondre à ces libéralités et les rendre fruc
tueuses.
M. Livon enfermé dans un espace étroit au milieu de ses
�— 54 —
lapins qu’il inoculait pour fournir la matière du traitement,
ne pouvait supporter le méphitisme de son laboratoire et
tombait malade.
M. le suppléant Rielsch auquel le Conseil Général et la
Chambre de Commerce allouent une subvention pour l’ai
der et l’encourager dans ses travaux n ’a de local pour faire
ses recherches que grâce à la bienveillance de M. le profes
seur de chimie qui lui cède son laboratoire.
— 55 -
notre région viennent peser de leur grande autorité pour la
solution, en faveur de notre ville, de la création de la Faculté
de médecine.
Notre ville, frappée pendant trois années consécutives par
des épidémies meurtrières, réclame l’assistance de la science
pour prévenir le retour de ces terribles fléaux.
Devra-t-elle pour atteindre son but attendre les travaux de
tout le monde savant? Nous ne le pensons pas. Marseille est
Quant à l’Ecole, elle ne peut lui donner aucun asile ; aussi
plus que toute autre intéressée à des éludes spéciales ; aussi,
croyons-nous devoir faire remarquer le lieu que la Chambre
tout en acceptant les secours que pourra lui apporter la
de Commerce propose comme devant être le siège de la nou
science de quelque point du globe qu’ils lui viennent, elle
velle chaire de bactériologie.
doit manifester sa volonté de créer dans son sein un centre
Ce ne sera pas à l’Ecole de médecine que seront attachés
d’études qui s’attachera plus particulièrement à la solution
celte chaire essentiellement médicale, ce laboratoire dans
des questions qui élucideront l’étiologie et le traitement de
lequel on trouvera peut-être le secret des épidémies, mais
ces grandes épidémies qui frappent notre ville dans la vie de
bien à la Faculté des sciences où le nouveau professeur
nos concitoyens et dans la fortune de nos commerçants.
n’aura pas d’auditeur, où le chef du laboratoire ne rencon
trera ni élèves, ni collaborateurs.
La Faculté de médecine, seule, peut constituer ce foyer de
sciences qui attirera vers lui la jeunesse laborieuse ardente
Tout concourt de plus en plus à démontrer l ’impérieuse
de travaux et de découvertes. Elle seule, peut satisfaire aux
nécessité de créer à Marseille une Faculté de médecine.
vœux et aux espérances du Conseil Général et de la Chambre
Ceux qui l’ont réclamée d’abord n’ont été que les personnes
de Commerce. La réalisation de ces espérances est certaine
qui ont éprouvé quelque honte de l ’infériorité de Marseille
ment encore dans les secrets de l’avenir, mais ce qui doit
au point de vue de ses institutions d’enseignement supérieur,
nous soutenir dans nos revendications, c’est que nous savons,
alors qu’elle possède plus que toute autre ville du Sud-Est
dès aujourd’ hui, que celle institution est indispensable aux
de la Fiance tous les éléments de l'enseignement médical.
intérêts de notre ville, de notre région, et, nous ne crai
D’autres ensuite qui ont pu se rendre compte des besoins
gnons pas de le dire, à la grandeur de la France.
des hôpitaux et des dommages sans nombre qui résultent de
Je m’arrête à ces considérations qui demanderaient à être
l’absence d’une institution qui appelle dans son sein des
plus longuement exposées, espérant que nous ne larderons
élèves assez nombreux pour fournir à toutes les demandes
pas à voir se réaliser des espérances auxquelles nous serions
des services hospitaliers et assez instruits pour assurer la
sécurité des malades.
Actuellement, les institutions les plus considérables de
heureux de voir se rattacher tous les hommes qui, dans
notre ville, ont l’insigne honneur, dans des fonctions publi
ques qui leur ont été conférées par le libre suiïrage de leurs
�— 56 —
— 57 —
concitoyens, de s’occuper des intérêts matériels et moraux de
Il n’a pas voulu se séparer complètement de nous et à de
noire grande cité de Marseille.
mandé à faire à l ’Ecole un cours libre d’accouchements.
Le personnel de l'Ecole s’est modifié dans ces derniers
Cette autorisation lui a été accordée et nous devons savoir
temps par la nomination de M.^Lagel à la chaire de clinique
d’autant plus gré à M. Queirel de cet acte de dévouement
interne.
Je n’ai pas à faire l’éloge de M. Lagel qui est suffisamment
connu parmi nous pour que l ’on sache qu’il apportera dans
son nouvel enseignement les qualités qui ont signalé son
que son enseignement a disparu de l'Ecole et que sa sup
pléance a été transformé en suppléance de pharmacie et de
matière médicale.
Cette suppléance nouvelle a donné lieu à un concours à
passage dans les diverses parties de l ’enseignement qu’il a
Montpellier, qui n’a donné aucun résultat.
déjà occupées.
concours pour celle même suppléance doit s’ouvrir le 1er
M. Fallût a été chargé du cours d’anatomie pathologique.
Un nouveau
décembre.
La suppléance de M. Fallol a été laborieuse. Il a été sur
Divers concours ont eu lieu à l ’Ecole pour les fonctions
la brèche presque constamment, et dernièrement encore,
aiïérentes à l’anatomie par suite de la nomination de
alors qu’il était chargé de la clinique, les élèves nombreux
M. Gamel à la suppléance d’anatomie et de Physiologie.
qui le suivaient dans ses leçons et au lit du malade, témoi
M. Alezais a été nommé chef des travaux anatomiques,
gnaient par leur assiduité de l ’intérêt qu’ ils attachaient à la
M. Louge, prosecteur, M. Pagliano, aide d’anatomie.
pratique et à l’enseignement de leur jeune professeur.
M. Fallol ne sera pas moins utile aux élèves dans leurs
études d’anatomie pathologique.
L ’ Ecole n’a qu’à se féliciter de ces nominations qui récom
pensent d’anciens élèves recommandables par leur science
et leur zèle pour l ’élude.
Dès le commencement de l ’année scolaire, M. Jourdan a
Les ressources budgétaires ont permis d’augmenter avan
été appelé au tilularial de la chaire d’ histologie. Celle élé
tageusement le matériel de l’Ecole et de satisfaire aux be
vation est la juste récompense de ses travaux et de l’ensei
soins les plus pressants des professeurs.
gnement si profitable qu’il donne à l ’Ecole.
Les fondions de M. Fauchon à la Faculté des sciences à
l’époque des examens apportaient un obstacle sérieux à
l’exécution régulière d’ une partie du cours d’ histoire natu
relle. M. le ministre, pour obvier à ces inconvénients vient
de conférer, à litre provisoire, la suppléance d’ histoire natu
relle à M. Gourrel.
Un de nos suppléants les plus zélés et dont les élèves de
l’Ecole et de la Maternité appréciaient beaucoup les leçons,
M. Queirel, vient de terminer son temps d’exercice à l’Ecole.
La chimie et la pharmacie ont pu compléter la collection
des acides et des alcaloïdes végétaux introduits dans la thé
rapeutique dans ces dernières années.
La physique a acquis une chambre noire. Un disjoncteur
des courants, des accumulateurs, etc., etc.
L ’ histoire naturelle a fait renouveler une partie des éti
quettes du jardin botanique, et a augmenté sa collection de
quatre microscopes de Vérick.
L ’ histologie a acheté une chambre claire de Malassez, qua
tre microscopes, des microtomes, un appareil électro-phy
siologique.
�-
— 59 —
58 -
L ’anatomie, un céphalotome.
La physiologie, un appareil enregistreur à deux cylindres
Les inscriptions prises dans le courant de l’année 18851886 sont au nombre de 524 ainsi divisées :
verticaux et à vitesse variable — des appareils contentifs
Doctorat.........................
129
pour les lapins et les cobayes — uu appareil à microphoto
Officiât de santé..............
114
graphie.
Pharmaciens de 1re classe.
29
Pharmaciens de 2P classe.
252
L’anatomie pathologique, un microtome à glissement de
Yérick avec tous ses accessoires et particulièrement l’appareil
524
à congélation, une seringue à injections microscopiques, etc.
En 1884-85, le nombre des inscriptions avait été de 484.
Les cliniques ont été fournies des divers instruments pour
Il y a, dès lors, une légère amélioration en 1885-86. J ’ai
les analyses, qui ont été réclamés par les professeurs.
En chirurgie, un squelette a été acquis pour faciliter aux
élèves la conception des altérations physiques et des disposi
tions articulaires et topographiques.
indiqué, déjà, que l’aflluence des élèves paraît s’accentuer
davantage dans l’année qui commence.
Les examens de fin d’année ont donné les résultats sui
vants :
L ’arsenal s’est accru d’ un certain nombre d’instruments
A la session d’août, 72 candidats étaient inscrits, 22 pour
réclamés par les progrès récents de la chirurgie. Ce sont :
la médecine, 50 pour la pharmacie, 64 ont subi leurs exa
l’ostéoclaste de Petit, les pinces de Richelol et autres pour
mens, et sur ce nombre, 54 ont été admis et 10 ont été ren
l’hysléreitornie, la néphréitomie, l’appareil d’ EIeurleloup pour
voyés à la session de novembre.
la varicocèle, et c. . .
Je ne cite que les principaux instruments acquis, car il
serait fastidieux de trop prolonger cette nomenclature.
Relativement à la scolarité, les cours n ’ont pas été suivis
avec la régularité qu’ils méritent par les raisons que j ’ai in
diquées plus haut. Quant aux travaux pratiques, ils ont été
l ’objet d’une surveillance soutenue et ont été suivis avec exac
titude, sauf pour ceux de physique qui manquent d’un local
approprié. Le professeur a fait tout ce qu'il a pu pour parer
à celle absence de local en réunissant dans son cabinet par
Les notes obtenues ont été :
B ie n ........
Asse^-bien. 13
«
Médiocre.. 30
«
La session de novembre a donné les résultats suivants :
• 22 candidats étaient inscrits: 11 pour la médecine, 11
pour la pharmacie. 6 ne se sont pas présentés. 16 ont subi
leurs examens. 7 ont été admis, 9 ont été ajournés : 4 pour
la médecine, 5 pour la pharmacie.
Les notes obtenues ont été :
ticulier le plus grand nombre d’élèves possible, mais malgré
Assez-bien 2 fois
son dévouement ces exercices ont souffert et il y a lieu de
réclamer un local pour l’exécution de ces travaux pratiques
qui rentrent dans le cadre des obligations imposées à l’élève,
et pour lesquels, d’ailleurs, il est soumis à une redevance.
11 fois
Médiocre. 5 fois.
Les examens de fin d’études ont eu lieu aux époques fixées
par les règlements.
�—
60
—
Le jury du second examen de doctorat (1re partie) a été
présidée par le professeur Eslor dont nous regrettons la mort
prématurée. Cette perle nous a etc d’autant plus sensible
quelle a frappé dans leurs plus vives affections quelques-uns
de nos collègues les plus chers, qui voudront bien accepter
nos plus sincères condoléances.
Le jury composé de MM. les professeurs Estor et Lannegrâce et de M. l’agrégé Bim ar s’est réuni les 5 et 6 mai
dernier.
8 candidats s’étaient fait inscrire et ont tous été admis avec
les notes suivantes :
3 Bien.
L ’année 1886 correspondant à celle oü, d’après le décret
du Ier août 1883, les aspirants à l ’olEciat de santé devront
faire quatre années d’études, le nombre des aspirants au
diplôme a été peu considérable.
La première session a eu lieu du 8 au 11 mai.
3 candidats se sont présentés au premier examen. 2 ont
été admis, 1 ajourné.
6 candidats ont subi le deuxième examen : 5 ont été admis,
1 ajourné.
5 enfin se sont présentés au troisième examen sur lesquels
2 seulement ont été jugés dignes du diplôme.
Les notes accordés sont : 1 Très-bien.
3 Bien.
3 Assez-bien.
3 Assez-bien.
2 Médiocre.
Le jury du premier examen de doctorat composé de
M. Engel, professeur à la Faculté de médecine de Montpel
lier, et de MM. Granel et de Girard, agrégés, s’est réuni le
23 juillet.
2 Médiocre.
La seconde session a eu lieu les 28-29 et 30 octobre.
5 candidats se sont présentés au premier examen. Tous
ont été admis.
7 candidats ont subi le second examen, 6 ont été admis,
7 candidats étaient inscrits : 6 ont été admis, I a été
ajourné.
1 ajourné.
Les 9 candidats qui ont abordé les épreuves du troisième
Les notes ont é/é : I Bien.
4
Assez-bien.
1
Médiocre.
examen ont tous obtenu le diplôme d’officier de santé.
La
Aucun candidat ne s’est fait inscrire pour la 2e partie du
second examen. La plupart de nos élèves l’ont subi avec
succès au siège de la Faculté.
mention Bien a été accordée 3 fois.
«
Assez-bien
«
9fois.
«
Médiocre
«
8fois.
43 sages-femmes de 2e classe se sont présentées aux exa
mens, 4 dans la première session qui a eu lieu le 11 mai,
M. le professeur Planchon de la Faculté de Médecine et de
10 dans la seconde session qui a eu lieu le 4 novembre. Elles
l’Ecole supérieure de pharmacie, a présidé tous les examens
ont toutes obtenu le certificat d'aptitude à l ’art des accou
de lin d’études, soit pour l'official, soit pour les pharmaciens
chements.
do 2e classe.
Les examens pour l’ofîjciat de santé ont eu lieu aux épo
ques réglementaires, soit dans les mois de mai et d’octobre.
Préalablement à l ’examen médical, 6 de ces aspirantes
ont dû démontrer qu’elles savaient lire, écrire et orthogra-
�pbier convenablement. Ces dames ont eu besoin de l’extrême
bienveillance du jury.
La seconde sessiona eu lieu du 29octobre
Ierexamen
Conformément à l ’arrêté m inistériel do l tr août 1879, les
aspirants et aspirantes au litre d ’herboriste et de sage-femme
de l r- classe ont subi l ’examen exigé par ledit arrêté.
La première session a eu lieu le 10 mai. Snr les 12 aspi
2°
—
2candidats
5
«
— 2 admis.
5
«
3e
«
14
«
diplôme de pharmacien de 2e classe.
La mention
au 6 novembre :
«
10 ont obtenu
le
Bien a été accordée 3 fois.
rantes qui se sont présentées, 7 ont obtenu le certificat
«
Assez-bien
«
6 «
d’instruction, o ont été ajournées à une autre session.
«
Médiocre
«
7 «
La deuxième session a eu lieu le 4 novembre. 13 candi
M. le président Planchon a exprimé le vœu que, dans
dats 12 sages-femmes et I herboriste) ont été examinés. Sur
l’avenir, les étudiants en pharmacie eussent un enseigne
ce nombre 9 ont été admis.
ment spécial sur l’hydrologie. Les désirs de l’ honorable pro
fesseur pourront être satisfaits prochainement par la nomi
Le s mentions obtenues ont été les suivantes :
nation d’ un suppléant de pharmacie et de matière médicale
Très-bien.. 3 fois.
B ie n ......... 4
«
Assez-bien. 6
«
Passable... 2
«
Médiocre., 1
«
qui sera chargé des cours d'hydrologie et de toxicologie^
10 herboristes (6 femmes, 4 hommes) ont subi avec succès,
le 7 août, leur examen et ont mérité le certificat d’aptitude à
l'exercice de leur professiou.
Le jury d’examen pour le certificat de validation de stage
Les examens des pharmaciens de 2e classe ont eu lieu dans
les mois d’août et de novembre.
était composé dans la l rc session de M. Planchon, président,
Roustan et Heckel, professeurs à l’ Ecole et pharmaciens de
La première session du 8 au 15 août a présenté les résul
tats suivants :
1rc classe. M. Cad loi de Poney, également professeur et
pharmacien de 1,c classe, a remplacé M. Heckel,' empêché,
29 candidats ayant subi le prem ier examen ont tous été
dans la seconde session.
Cet examen a donné les résultats suivants :
admis.
26 ont répondu au deuxième examen, 24 ont été admis,
Session du 14 août :
26 candidats — 20 admis avec les notes suivantes :
2 ajournés.
23 se sont présentés au troisième examen sur lesquels 19
ont été jugés dignes du diplôme.
4 Bien.
7 Assez-bien.
9 Médiocre.
La mention Très-bien a été accordée 7 fois.
Session du 4 novembre :
«
Bien
«
16
«
16 candidats — 14 admis.
«
Assez- bien
«
23
«
Notes obtenues 2 Bien.
«
Médiocre
«
26
«
�— 64 5 Assez-bien.
7 Médiocre.
Pour terminer la série des actes qui ont eu lieu à l’Ecole
pendant le courant de l ’année 1885-86.
Je devrais
RAPPORT
voqs
parler des prix qui ont été décernés à nos 'élèves à la suite
S u r le s C oncours de la F a cu lté de D roit
des concours de fin d’année, mais cet exposé des mérites de
l’ar M. MÉRIGNHAC, agrégé.
nos jeunes travailleurs a été confié à M. Failot qui a déjà
donné lecture de son rapport dans la séance de rentrée des
Facultés.
Monsieur
le
R ecteur,
Mesdames ,
Messieurs ,
Nos concours de fin d’année sont destinés à mettre en lu
mière le mérite de ceux de nos jeunes gens qui, animés d’ un
zèle qu’on ne saurait trop encourager, ont poussé leurs étu
des juridiques plus loin que ne le comporte la préparation
d un simple examen. A ces élèves d’élite la Faculté présente,
comme objectif, des récompenses bien dignes d’envie à des
titres divers, parmi lesquels je place en première ligne l’hon
neur de recevoir en public, ici même, vos suffrages et vos
applaudissements.
Et pourtant, je le dis avec regret, bien rares sont nos étu
diants qui, répondant à l ’appel de leurs maîtres, viennent
prendre part à ces concours. Nous constatons tous les ans, et
celle année peut-être d’une manière plus spéciale, que beau
coup de ceux qui semblaient préparés pour la lutte la déser
tent à la dernière heure, abandonnant ainsi à leurs camara
des un trop facile triomphe ! Il semble que, de nos jours,
jh L
�L ie
hz
m&
ïiniibbr: ii pensasse de nce é » : « . ei ( o d e peu à pei
jé rto K
n c o m p ré '.e n siïA e ?:
c e p h u . t l p lu s acten -
.
est original et présente souvent des tournures heureuses. Il a
traité le sujet d’une manière complète et sans hors-d’œuvre,
- 1 t;. :.- .'-; i i i r e :e :e.:e ::i!e : n
e i^ : i ^ : :-•
n e i : v . ' j z : d e l a c h a i r e d e s t d a i 1 r e s r e n o m m é s . C e rte s, je
d u e d " q u 'a u T r i b o m e n m o d e r n e . p r é p a r a n t a i e doüT e e e> i 1 1 : e * L a s t i t u t e s , p a t m e t t r e a a f r o n t i s p i c e la dé
d ic a c e c o i n u e :
Copds \egum jareBiati :
ie:te eaueese la: répondrait peut-être:
en motivant suffisamment ses solutions. Mais je lui reproche
rai d’apporter dans l ’exposition une sobriété trop grande qui
le rend parfois obscur et difficile à suivre, une concision qui
est presque de la sécheresse. Ce n’est pas de M. Aubèry que
Boileau aurait dit :
Qui ne sail se borner ne sut jamais écrire.
M. Sélirri Gaffas obtient le second prix. Nous ne retrouvons
Ignoti Dalla ccpido.
Q qel:es sont les causes de celte indifférence et quel remède
v.ei
Un premier prix a élé accordé à M. Jean Aubèry. Son style
>ii J v apporter? Ce sont là les ;nestions dél n-
te> et dont 1examen excéderait à coup sur les limites de ce
rapport, aussi 1 ien que le rôle modeste qui m’est assigné. Je
me bornerai à exprimer le vœu de voir nos élèves puiser
. ni lans le souvenir des paroles gaeje viens de pronon
cer et qui m’ont été inspirées par leur seul intérêt, qne dans
leur regret de n’avoir pas leur part des récompenses qui
vont être distribuées, un encouragement à mieux faire pour
pas en lui l ’originalité de M. Aubèry ; son style est lourd et
terne, défaut qui tient vraisemblablement à sa qualité d’é
tranger. Mais, reproche plus grand, on relève dans son tra
vail des omissions importantes, notamment en ce qui louche
la prescription. Signalons pourtant, à côté de quelques horsd’œuvre, une bonne dissertation sur la destination du père
de famiile. Que M. Gatlas ne se décourage pas; à un esprit
m uret réfléchi il joint des connaissances juridiques déjà sé
rieuses ; il acquerra avec le temps cette pratique de notre
langue qui lui manque encore.
l ’avenir. Aussi, sans m’attarder davantage, je vais, vous
Une première mention est décernée à M. Alexandre Pistis.
demandant d’avance votre bienveillante indulgence pour les
Il traite beaucoup de matières étrangères au concours, ce qui
détails techniques qui vont suivre, vous dire quels sont nos
fait que, tout en les traitant convenablement, il encourt le
lauréats, pourquoi et dans quel ordre d’études ils ont élé
reproche d’avoir excédé les limites de son sujet ; par contre,
couronnés.
il est insuffisant dans le sujet lui-même. Incomplet sur la
E n première année , le concours portait sur le droit civil
et le droit criminel. E n
destination du père de famille, il garde le silence sur la pres
le sujet proposé était:
cription de 10 à 20 ans. Relevons cependant à sou actif une
De l'acquisition des servitudes. Les concurrents, au nombre
exposition claire, mais qui s’inspire peut-être un peu trop de
droit civil ,
de seize, devaient passer en revue les divers modes par les
l ’ouvrage qui lui a été conseillé comme guide. M. Pistis jure
quels s’établissent ces droits réels particuliers constitués soit
un peu trop in verba magistri.
dans l’intérêt de la personne comme l ’usufruit, soit dans
l'intérêt des fonds comme un droit de vue ou de passage.
Enfin, M. Sévasly se voit attribuer une deuxième mention.
�— 69 —
— 68
Je retrouve dans sa copie à peu près les memes défauts que
res qu'il avait à traiter. Mais il passe trop rapidement sur
dans la précédente. Il traite cependant un peu mieux que
l’interdiction légale et commet une erreur grave en affirmant
M. Pistis les questions relatives à la destination du père de
que la double incapacité de disposer et de recevoir à titre
famille ; mais on a dû le placer après lui à raison d’une ex
gratuit cesse par la grâce.
position peu nette et présentant parfois des confusions re
M. Jules Lombardo remporte une première mention. Dans
son travail, bien inférieur aux deux premiers, il ne semble
grettables.
En droit criminel le sujet proposé était le suivant : Des
guère s’être inspiré de sa devise : « amour de la science».
peines accessoires d'une condamnation à une peine afflictive
et infamante perpétuelle. Il s’agissait donc de ces peines par
Pourquoi dit-il, par exemple, que le condamné qui s’évade
ticulières qui sont, en quelque sorte, la suite et le complé
terdiction légale? Pourquoi surtout ne traite-t-il pas de la
ment nécessaires d’ une condamnation principale.
double incapacité de disposer et de recevoir à titre gra
Notre lauréat de droit civil, M. Jean Aubéry , remporte
encore le premier prix. Nous retrouvons dans sa composition
la même originalité que dans celle de droit civil. Mais il
semble avoir transformé son style ; de concis il devient
diffus et solennel ; on ne pourrait pas dire de lui avec Ho
race :
Projicit ampullas et sexquipedalia verba.
Peut-être a-t-il cru, à tort, que le droit criminel exigeait une
emphase que ne comporte pas le droit civil. Au point de vue
du fond, il traite trop brièvement la dégradation civique,
semble croire que l’interdiction légale ne s’applique pas aux
peines perpétuelles et reste dans un vague regretLable sur la
question de savoir si elle est la suite des condamnations par
contumace. Enfin il ne s’étend pas assez sur la double inca
pacité du condamné de disposer et de recevoir par donation
et testament.
M. Armand Duydê arrive au second rang. Sa composition
et qui dès lors ne subit pas sa peine n’est pas en étal d’in
tuit?
Deux secondes mentions ex-æquo sont enfin accordées à
MM. Albert Doutreleau et Alexandre Pistis. Le premier est
très incomplet sur l’interdiction légale, ne parle pas de la
double incapacité de disposer et de recevoir, et nous entre
tient bien inutilement, au contraire, de l ’amende, totalement
étrangère au sujet du concours. Le second nous surprend en
affirmant que l’interdiction légale n’a pas trait au sujet, alors
qu’elle en constitue l’une des parties les plus importantes, et
néglige la double incapacité de disposer et de recevoir. Pour
couronner ces deux dernières copies, nous avons dû tenir
plutôt compte des notions assez étendues sur l ’ensemble du
droit criminel qu’elles révèlent chez leurs auteurs, que des
connaissances spéciales de ceux-ci sur le sujet qu’ils avaient
à traiter.
La Faculté, en décernant la totalité de ses récompenses en
première année, a fait preuve,r_à titre d’encouragement,
d’une certaine indulgence. Mais il lui a été impossible de se
est claire, mais manque de cette originalité qui caractérise la
montrer aussi large en
première; il entre nettement en matière et indique d’une
concerne le
façon précise soit les incapacités qui ont remplacé la mort
devaient traiter : De ieffet des obligations contractées par un
civile, soit le point de départ des diverses pénalités accessoi
seconde année ,
droit romain.
au moins pour ce qui
En cette matière, les concurrents
�—
70
—
—
71
e^clate, d'après le droit civil et le droit prétorien. C'était là
MM. André Dobler et Georges Reynald obtiennent une
sujet vaste et fertile, permettant de mettre en relief celte
deuxième mention ex œquo. Ils ont mal compris le sujet,
institution complexe de l'esclavage qui a joué un si grand
car, au lieu de se borner à étudier les obligations contractées
rôle dans la société antique. Le concours a été médiocre; les
par l’esclave, comme l’indiquait le litre, ils sont entrés, en
six copies remises contiennent toutes des erreurs considéra
outre, dans l’examen des acquisitions faites par lui et des
dd
bles, et l ’on a dû, pour ce motif, réserver le premier prix.
obligations nées exdelicto de son chef. Sur le sujet lui-mème,
Deux des copies ayant été tout d'abord écartées, quatre com
à raison de la manière dont ils l’avaient envisagé, ils ont
positions seulement restaient en présence. Celles de MM. Jean
été trop brefs. On peut aussi leur reprocher les erreurs sui
Monge et Michel Zananiri ont paru devoir être préférées;
vantes : M. Dobler soutient que l’obligation naturelle de
mais, comme chacune d’elles se recommande par des qua
l’esclave n’a dû apparaître qu’à la fin du droit classique ; et
lités particulières, on a longtemps hésité fo u r savoir qu’elle
M. Reynald prétend que, lorsque des créanciers agissent de
était celle qui devait l ’emporter.
peculio, il n'y a pas à se préoccuper du point de savoir si le
M. Monge connaît mieux Je sujet et donne, par suite, plos
de détails. On trouve néanmoins dans sa composition des
lacunes et des erreurs. Ainsi, d’une part, il ne parle pas de
maître est créancier ou débiteur de son esclave, cette situation
ne pouvant se présenter.
En
économie politique ,
les candidats devaient nous four
méconnaît le principe suivant lequel les créances de l’esclave
nir : L'exposition et l’appréciation critiques de la théorie de
la rente de Ricardo. On sait que, pour le célèbre économiste
sont acquises au maître, et semble supposer qu’il peut y
anglais, la rente représente ce qu’on paie au propriétaire
l’obligation naturelle qui pèse sur l ’esclave ; d’autre part, il
avoir action civile au profit de ce dernier contre le premier.
pour l’usage d’une terre de qualité inférieure. La rente, en
Il commet enfin certaines confusions.
effet, ne peut naître que si des terres de qualités différentes
M. Zananiri, tout en nous présentant une théorie moins
sont cultivées simultanément, en vertu de ce principe que le
complète de la matière, pèche aussi par des lacunes et des
prix d’ une denrée demandée est toujours en rapport avec les
erreurs. Il ne dit rien de l'action de in rem verso; il appelle
redhibitoria l’action tributoria, et suppose qu’il peut y avoir
mandatum pecuniœ credendœ dans Je cas où un tiers a con
tracté avec l'esclave sur l ’ordre du maître, donnant ainsi à
penser qu'un maître peut cautionner son esclave. De l’exa
men général de sa composition est résultée pour nous la con
viction que, tout en étant plus cla ire t mieux ordonné en la
forme que son concurrent, il a une connaissance moins com
plète du sujet. La Faculté ne lui a donc décerné qu’une pre
mière mention en accordant un second prix à M. Monge.
frais de culture nécessités parles terres les moinsproduclives.
Tout récemment, à l’Académie des sciences morales et poli
tiques, M. Maurice Rlock lisait un mémoire intitulé : « Four
et contre les théories de Ricardo » ; on voit donc que le sujet
ne manque pas d’actualité. Les compositions sont assurément
bien meilleures qu’en droit romain. Sur huit copie?remises,
cinq sont bonnes à des litres divers ; on peut cependant leur
reprocher soit de n’avoir point répondu à toutes les atta
ques dirigées contre les idées de Ricardo, soit surtout de
n’avoir pas indiqué que la rente, dans le sens abstrait de
�— 73 —
1'économiste anglais, n’existe pins en réalité que rarement
de la seconde. En
en pratique, par suite d’ un phénomène économique très bien
miner la règle suivant laquelle la propriété passe sur la tête
mis en lumière par M. Block dans le mémoire précité.
de l'acquéreur au jour même du contrat et les dérogations
qu elle comporte. On leur demandait donc, après avoir rapi
M. Georges Rtynald arrive en première ligne avec une
oroit civil,
les concurrents avaient à exa
incontestable supériorité. Son style est net, correct, et offre
dement retracé les vicissitudes subies depuis le droit romain
bien la tournure qui convient au sujet ; il assigne très exac
jusqu’à nos jours par le principe du transfert immédiat de la
tement la part qui revient à Ricardo dans la conception delà
propriété dans la vente, d’assigner à ce principe sa portée
théorie de la rente ; sa copie est, sous les restrictions indi
véritable dans le droit actuel et d’indiquer les exceptions qui
quées plus haut, exempte d’erreur et de lacune.
y sont apportées. Sur les six copies présentées, deux seule
Le second prix revient à M. Emile Michel, dont la compo
ment ont pu être retenues, les autres n’ayant traité la ques
sition est courte mais exacte, précise et, comme la précé
tion que de très loin; encore le premier prix a-t-il dû être
dente, sans erreur ni lacune. Certes, quand son auteur nous
réservé.
dit, dans sa devise, qu’on a médit à tort des économistes,
Un second prix a été donné à M. Théophile Garcin. Dans
nous sommes bien de son avis, du moins en ce qui le con
sa composition bonne en général, il dégage bien les notions
cerne. Quelques légères inexactitudes, une exposition par
historiques et nous présente un examen complet soit du
fois peu claire à raison de sa trop grande concision, ont fait
principe de l ’effet translatif, soit de ses exceptions. Mais son
placer 31. Michel au second raDg.
style est relâché et parfois trop familier. Quant au fond, il
l ’ne première mention échoit à 31. Louis Gassin. Il débute
est inexact et incomplet sur la vente de la chose d’autrui ;
bien, mais il a le tort de ne pas nous dire que la rente est un
il ne dégage pas suffisamment les unes des autres les diverses
phénomène universel et de garder le silence sur l’une des
pi'omesses de vente, complique trop les discussions et se
hypothèses dans lesquelles elle prend naissance.
contredit parfois. Il oublieenfin l’hypothèse de l ’article 1141
Enfin, une seconde mention ex æquo est décernée à
3131. Xavier de Magalon et André Dobier. La composition de
31. de Magalon est vague et diffuse ; elle présente des inexac
titudes et des redites. 31. Dobler mêle l ’exposition et la dis
cussion, et manque ainsi de clarté et de méthode. Pourtant
une science incontestable des principes de l’économie poli
tique en général et une connaissance spéciale du sujet pro
posé justifient suffisamment la distinction dont les deux con
currents ont été l’objet.
Les concours de la
troisième année
ont encore moins ré
pondu à l’attente de la Faculté que ceux de la première et
du Code civil en matière mobilière et le cas de la dation
d’arrhes.
M. Louis Iianrigou n’ a qu’une mention grâce à une lacune
incompréhensible sur les promesses de vente, une des par
ties essentielles du sujet. Celle lacune qui l’a fatalement écar
tée du prix mise de côté, sa composition contient une bonne
exposition des divers autres points ; l’historique est vigou
reusement esquissé ; le style est ferme et. sûr. Le professeur
de l’année, qui a vu tous les jours M. Iianrigou à l’œuvre et
qui a l’honneur de parler en ce moment devant vous, est
heureux de saisir celle occasion de rendre justice à cet
excellent élève digne à coup sûr d’un meilleur sort.
�-
74
—
—
En
droit international privé ,
le concours a été encore
75
—
J ’arrive enfin au plus important de tous nos concours,
plus faible qu’en droit civil et nous n ’avons pu décerner au
celui de
cun prix, car, sur trois copies remises, deux seulement peu
en quelques heures, mais d’un travail de longue haleine
doctorat.
Il ne s’agit plus ici de compositions faites
vent être distinguées à grand’ peine. Les candidats devaient
pour lequel une année entière est accordée. Aussi la Faculté
traiter : de l’influence du mariage sur la nationalité de la
ne décerne-t-elle soit la médaille d’or offerte par le ministre,
femme. Dans ce sujet rendu célèbre par les affaires Bauffre-
soit même une mention honorable, qu’à des œuvres irrépro
raonl, ils devaient partir de ce point de vue certain d’après
chables ou tout au moins indiquant chez leurs auteurs des
la loi française que la femme prend la nationalité du mari
idées personnelles, un effort sérieux et réfléchi. Ce concours
au jour du mariage, pour se demander ensuite si elle doit
qui, vous le voyez, offre des difficultés sérieuses, n’avait pas
suivre les changements qui surviennent pendant sa durée,
été abordé à Aix depuis plusieurs années déjà. Plus heureux
et prendre enfin parti sur le point de savoir si, une fois la
que mes devanciers, j ’ai, cette année, à vous rendre compte
seconde question résolue négativement, elle a ou non capa
d’un mémoire déposé sous celte devise :
cité pour changer personnellement de nationalité. Ce pro
« Félix quipotuit rerum cognoscere causas ».
gramme n’a été réalisé dans aucune des deux compositions
retenues.
M. Louis Hanrigou, aussi malheureux qu’en droit civil,
consacre au premier point des développements exacts et
étendus, mais il est trop bref sur le second et tout à fait
insuffisant sur le troisième. Ici encore le candidat n:a pas
donné ce que ses maîtres pouvaient espérer légitimement de
lui et n’obtient qu’une première mention. Les regrets de la
Faculté sont d’autant plus grands qu’on retrouve daDS sa
copie cet art de la composition et celle correction de style
déjà signalés.
L ’auteur avait à traiter un sujet bien attrayant pour un
juriste : la transmission du patrimoine et delà personnalité.
Il devait rechercher, dans le droit ancien et dans le droit
moderne, quel est le caractère du phénomène juridique qui
s’accomplit au décès d’une personne relativement à son
patrimoine. L ’ idée de la continuation de la personne, admise
par le droit romain, dans le but de ne point interrompre le
culte des Dieux du foyer, idée si bien mise en relief par
M. Fiistel de Coulanges dans sa Cité Antique, a-t-elle été
acceptée par notre ancien droit, existe-t-elle ou non dans
le droit moderne ? Le successible est-il un continuateur du
.)/. Joseph Zahlout, qui se voit décerner une seconde
défunt ayant les mêmes droits que lui, tenu au même titre
mention, a produit un travail moins bien compris et dont le
que lui de ses obligations, ou n’est-il qu’ un simple succes
slvle est diffus et relâché. A l'inverse de .IL Hanrigou, il a
seur aux biens ayant à sa charge une part du passif corres
traité assez à fond les deux derniers points, mais il a le tort
pondant à la portion de l’actif qu’il recueille ? Le candidat
de négliger le premier. Les deux lauréats ont le défaut
devait opter entre ces deux systèmes, tous deux féconds en
commun d’omettre les notions de législation comparée si
conséquences pratiques. En partant de l’un ou de l ’autre, un
importantes en celle matière et si longuement développées
plan logique aurait conduit à dégager d’abord les notion5
par le professeur de l’année.
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T-
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le; ;rs de ecr f iace nainreje. i n s , f «1 à r*:«oc*3ôn de
■- ri.M: : es de; les :ie laaîear é:B*:ije .es diverse? cuséTmd : es de I :. con :i nosik s de m >fr>; l i e . D snue- p u t. t est
seulement à propos de la controverse élevée à regard des
si.'-Mssec.'s .::.r :.:e:s
. Il z : sue :~e Je? Idées de saisine
e; : ; . galion suis dettes Mrrj rt -u l ’otî râea «de■c&anmn.
Voilà des points importants qni annîent dn être dégagés dans
une exposition générale et qui n'apparaissent q i ’iid d en mcM lac l'-endamme: ; ’.e ce jêfaih de jjêoërafiasiM, noos
remarquons des omissions sêricnsflSL Le teste de b norelle
iS. qui formule l'idée de la continuation de la personne,
n'est même pas indiqué : et c'est à peine si Ton tromre trace
de la célèbre maxime : institution d'héritier n'a Leu. Le
■
. •
>us parle point des pa _ m Firrm dintJ et il
est inliniment trop bref au sujet de b règle qne l'hypotbè;ue g é n é r a l e ne grine pas les : iens «i-e i 'h e r i s r . Il n e d î t
presque rien de la question de savoir si l'héritier du dona
teur peut opposer le défaut de transcription d’une donation,
et ne tire pas tout le parti voulu de la comparaison entre la
situation de l’ héritier et celle de la femme commune. Enfin,
il garde un silence presque absolu sur la purge et le délais
sement par rapport aux divers successibles.
A côté de ces lacunes, nous trouvons des développements
inutiles, tels que ceux relatifs à l ’article 877 du Code civil,
et des contradictions consistant, par exemple, à traiter l’as
cendant donateur tau tôt comme un héritier légitime, tantôt
comme un successeur irrégulier. Enfin, certaines opinions
sont produites sans être sulFisamment. discutées, de façon
que, faute de justification sérieuse, on pourrait les considé
rer comme des erreurs parce qu’elles paraissent en opposi
tion avec les principes généraux. Nous faisons notamment
allusion cà cette idée qu’un successible tenu ultra vires pour
rait se dégager de son obligation en abandonnant les biens
héréditaires.
Si nous passons maintenant à la forme du mémoire, nous
constatons qu’elle laisse beaucoup à désirer. Le style est
incorrect, et l’indication soit des titres du digeste, soit des
recueils d’arrêts fait souvent défaut ; les opinions produites
ne sont pas accompagnées de celte indication des autorités
indispensable pour permettre un contrôle sérieux. En géné
ral, la jurisprudence n’est pas relevée ou ne l ’est qu’iraparfaitemenl. Les notions soit de droit international privé, soit
de législation comparée, aujourd’hui d’une importance si
grande, manquent absolument.
En présence de ces imperfections, la Faculté n’a pu dé
cerner aucune récompense, et, par suite, n’a pas ouvert le
pli qui renfermait le nom du candidat. Que cet échec pour
tant ne le décourage pas ; nous sommes convaincu que son
�insuccès lient uniquement à la trop grande hâte avec laquelle
il a procédé. Il y a, en effet, dans ce mémoire de 246 pages
RAPPORT
des qualités sérieuses de fond, des discussions soignées, des
Sur les Concours de l’Ecole de plein exercice de Médecine
aperçus originaux; c’est, en un mot, comme nous le disions,
et de Pharmacie de Marseille.
un projet qui pourra devenir, grâce à une révision sérieuse,
Par M. le Dr FALLÛT , professeur suppléant.
un travail de nature à faire apprécier son auteur. Espérons
que, dans un avenir prochain, nous pourrons couronner une
nouvelle œuvre de notre candidat inconnu, dans laquelle
nous trouverons, à côté des qualités déjà signalées, ce fini
que la Faculté a le droit d’exiger pour laisser tomber de ses
mains la plus haute de ses récompenses.
Tel est le compte rendu de nos concours. Vous allez, dans
Monsieur le R ecteur ,
un instant, applaudir nos lauréats, et le plaisir que vous
éprouverez en les applaudissant vous fera oublier, je me
Messieurs ,
plais à l'espérer, la longueur de ce rapport due au zèle peutêtre trop consciencieux du rapporteur.
Il est dans les coutumes de l’ Ecole de plein exercice de
médecine et de pharmacie de Marseille, de confier au plus
jeune des professeurs titulaires l ’honneur de proclamer,
dans la séance solennelle de rentrée, les noms des lauréats
des concours de fin d’année. Il y aura aujourd’hui déroga
tion à cet usage. En effet le jeune et distingué naturaliste,
que son litre et son âge désignaient de droit pour celle mis
sion, n’a voulu écouler que son excessive modestie, et, avec
celte ignorance de sa propre valeur qui rehausse encore son
talent, il a cru devoir se récuser. C’est à son défaut que mes
collègues m’ont chargé, simple professeur suppléant, de celte
tâche dont je ne me dissimule ni le caractère flatteur ni la
nature périlleuse. Prendre la parole devant un public d’élite,
difficile à bon droit, épris de beau langage, faire enten
dre sa voix après celle de maîtres pour lesquels l ’art de bien
dire est de pratique presque banale et vulgaire, c’est pour un
humble suppléant de médecine un bien lourd et bien dange-
�veux honneur. .Si, malgré la conscience profonde de mon
question de physique, la pile électrique; 2“ une question
insuffisance, je me suis fait un devoir de l ’accepter, c’est mil
d’anatomie, description de l’os occipital. Un seul candidat
par un sentiment de respectueuse déférence, afin d’obéir au
s’est présenté, M. Marius Garnier ; sa composition de phy
vœu exprimé par des collègues qui ont été pour la plupart
sique est traitée d’une façon complète; elle est courte, mais
et seront toujours pour moi des maîtres honorés. — Laissez-
rien de ce qui est essentiel n’est omis; son épreuve d’anato
moi, messieurs, me persuader que je puis compter sur votre
mie est écrite avec ordre et méthode. Le candidat s’est con
bienveillante et sympathique indulgence ; vous le savez tous,
formé aux procédés classiques d’exposition, et il a décrit cet
l’observation clinique ne forme pas des orateurs et l’élude
os comme un solide géométrique, par faces, bords, angles ;
de la pathologie interne ne mène pas à l ’éloquence. Je ferai
il a mentionné, d’une façon suffisamment complète, les
du reste tout ce qui dépendra de moi pour être bref; heureux
rapports, les attaches musculaires, les faces articulaires, et il
üi je puis arriver à concilier deux exigences un peu opposées,
a eu le mérite d’indiquer les points d’ossification. Le jury
mais également respectables: la nécessité de ne point abuser
félicite M. Garnier de cette épreuve et l ’Ecole lui accorde un
trop longtemps de votre bienveillante attention, et l ’obli
1er p rix -
gation de rendre aux candidats un compte suffisamment dé
taillé des compositions dont ils sont les auteurs.
Pour les candidats aspirants au doctorat, les épreuves du
concours ont consisté en deux questions: 1° l ’une d’ histoire
D’une façon très générale, l ’Ecole de médecine et de
naturelle, des ophidiens, caractères généraux et principaux
pharmacie a lieu d’être satisfaite des épreuves du concours
de l’année scolaire 1885-86 ; de bonnes et sérieuses compo
traits de classification ; 2° l’autre de physique, de l’œil au
point de vue physique. Deux candidats y ont pris part: l’un
sitions ont été remises, indiquant un labeur assidu et des
d’eux n’a remis que des compositions beaucoup trop écourtées,
connaissances étendues et profondes. Il n ’y a pas eu lieu de
par suite tout à fait incomplètes; l’autre, M. Duiïner est
regretter, comme le fait s’élait produit antérieurement, une
l’auteur d’ une composition d’histoire naturelle généralement
sorte d’abstention systématique, une véritable grève du
bien ordonnée; les caractères généraux sont exactement re
travail organisée par les candidats. Ceux-ci se sont pré
produits, sans erreur grave, sans lacune et sans détail oi
sentés en nombre suffisant; nous les félicitons vivement de
seux ; la classification des ophidiens est bonne, complète et
n’avoir pas été moins de 23 à briguer le titre de lauréat de
justifiée par l’énoncé des caractères typiques ; les principaux
l’Ecole; ils se sont montrés par là intelligents de leurs pro
genres sont énumérés bien à leur place. La composition de
pres intérêts, et ont prouvé qu’ils comprenaient la valeur
physique de ce candidat est aussi suffisamment complète ;
qui s’attachera toujours à une récompense universitaire.
il y indique toutes les déterminations physiques nécessaires
Les étudiants en médecine, candidats au prix de l re année
ont été, suivant la coutume, divisés en deux sections ; étu
diants inscrits pour l’officiat de santé, étudiants inscrits pour
le doctorat. Les sujets proposés aux premiers étaient : 1° une
pour arriver à une connaissance sérieuse de l’œil ; il termine
en indiquant le principe des ophthalmoscopes sans enlrer
dans la pratique de ces instruments.
L ’ Ecole décerne à M. Duiïner un 2œ* prix.
�Pour les étudiants en médecine de 2œ‘ année, les sojels à
et en apprécier la portée. Certes une forme trop absolument
traiter ont été communs aux candidats an doctorat et à l’of-
littéraire ne saurait convenir à un sujet purement médical :
fici t de santé ; mais les épreuves ont été jugées et classées
un style recherché et apprêté, une élégance dépourvue de
séparément et par section. Trois questions ont été posées
naturel, des Heurs de rhétorique, des antithèses laborieuse
1° Anatomie de restomac; 2’ Physiologie de l'estomac;
ment cherchées y seraient chose si déplacée qu’elle en
3: Diagnostic des fractures du crâne. D ’une façon générale
deviendrait presque ridicule. Mais si celte forme-là est à
le jury n'a été que très médiocrement satisfait des épreuves
éviter comme un grave défaut, il en est une autre qui est au
de cette année. M. Belugon est le seul étudiant pour le doc
contraire la condition absolue de toute bonne composition,
torat qui ait tenté de les affronter : malheureusement ses
quelle qu'en soit la nature. Celle-ci consiste dans une ordon
compositions renferment de nombreuses lacunes. Deux aspi
nance judicieuse et méthodique du sujet, dans l’art de se
rants à l'official ont également engagé la lutte, mais il faut
tenir constamment dans les limites de la question à traiter,
l’avouer, ils ne s’v sont pas couverts de g lo ire : tous deux
de ne pas s’égarer dans des détails accessoires et parasitaires
ont été en effet incomplets et médiocres. Aussi l ’ Ecole a-t-
de présenter des définitions écrites dans un style sobre et
elle décidé de n’accorder aucun prix ; cependant, tenant
précis, d’émettre des conclusions rigoureusement déduites et
compte de ia bonne volonté et des quelques connaissances
dont ont fait preuve les candidats elle a décerné une men
tion honorable à M. Belugon élève pour le doctoral), et
une mention honorable à M. Toulouse (élève pour l ’officiât)
lequel s’est montré un peu supérieur à son rival.
Permetlez-moi, Messieurs, de vous exposer avec quelques
détail plus circonstanciés les résultats du concours ouvert
pour les étudiants en médecine de 3e année : ayant eu l’ hon
neur de faire partie du jury, j ’ai pu apprécier de près la
valeur des épreuves, et puis émettre sur elles un jugement
plus personnel : quæque ipse miserrima r idi, pourrais-je
dire, si je ne >ongeais qu’à certaines des compositions qui
nous ont été remises.
Les candidats à l'official de santé qui se sont présentés
étaient an nombre de deux. La lecture de leurs compositions
frappe tout d’abord par l’absence à peu près complète de
forme. Que Messieurs les candidats auxquels s’adresse cette
critique veuillent bien ne point se méprendre sur sa valeur
nettement formulées. C’est à cet art que nos candidats, futura
officiers de santé, sont malheureusement demeurés tout à fait
étrangers. S ’ils me font l’honneur d’écouter mes conseils,
qu’ils lisent et relisent quelques unes de ces pages qui ont
ouvert toute grandes devant l ’illustre Cl. Bernard les portes
de l’Académie Française ; où, s’ils le préfèrent, qu’ils étu
dient avec attention quelques uns de ces savants mémoires
d’anatomie comparée sortis de la plume de l ’éminent et
regretté professeur Broca : ils y apprendront comment, par
les seuls effets d’ une exposition admirablement lucide, d’un
stylo merveilleusement simple et précis, on peut presque
réaliser l’idéal en matière de littérature scientifique.
Malheureusement nos candidats (section de l’official) ont
été bien loin de compenser par la richesse et l’étendue de
leurs connaissances ce que la forme avait chez eux d’impar
fait et de défectueux. La'question de pathologie externe qui
leur était proposée, variétés et symptômes des luxations du
fémur , a été très médiocrement traitée par les deux concur-
�—
85
—
rems : leurs divisions ODt été incomplètes, lenr symptomato
étaient : en pathologie externe, des vices de réfraction de
logie, leur diagnostic,
— Le sujet de pathologie interne, qni leur avait été désigné
l'oeil, hypermétropie, myopie, presbytie, astigmatisme ; en pa
thologie interne, causes, symptômes, diagnostic du coma.
était on ne peut mieux choisi : il était emprunté à cette ter
Trois candidats étaient inscrits; il est à regretter que l'un
rible maladie qui prélève sur l ’humanité une si effrayante
d’eux, mû par un sentiment exagéré de défiance de lui-
dime mortuaire, dont une connaissance approfondie est pour
même, ait cru devoir détruire une de ses compositions, ce
leur traitement ont été très faibles.
le praticien une nécessité de tous les jours. Les candidats
pendant entièrement terminée; il n’a pu par suite être con
avaient à traiter des casernes pulmonaires, celle funeste
sidéré comme prenant part au concours. Les deux autres
lésion, conséquence de la phthisie au troisième degré. Le
candidats ont traité leurs questions à la grande satisfaction
un eut volontiers excusé chez eux quelques lacunes et quel
de leurs juges. M. Jacques a remis une bonne épreuve de
ques omissions ; il ne leur eut pas trop vivement reproché de
pathologie externe ; il donne une description exacte de l’hy-
n’êlre point tout à fait au courant des recherches bactériolo
permetropie ; les symptômes et la physiologie de l’asligma-
giques les plus récentes, de n’avoir que des notions incom-
tion semblent cependant lui être moins familiers. En patho
piètes sur les réactifs colorants du bacille de Koch. Mais des
logie interne il présente du coma une classification très
erreurs Cliniques capitales, une symptomatologie très sensi
acceptable; sa description classique de l’étal comateux, son
blement fantaisiste, des considérations pronostiques tout à
diagnostic sont également satisfaisants. — M. Gilles, dans
fait opposées aux faits d’observation quotidienne, étaient
chacune de ses compositions, s’est montré supérieur à son
autant de fautes véritablement sans excuse et ne méritaient
rival. En pathologie externe il donne de la myopie une
aucune in Ju gence. Les candidats à l’officiât de santé parve
description vraie, mais à laquelle on pourrait cependant
nus à la tin de leurs 3n* année sont presqu’à la veille de pas
reprocher un peu de confusion; le rôle qu’il fait jouer à
ser leurs examens probatoires : les juges ont, non pas le droit
l’accommodation n’est peut-être pas exact de tous points ;
mais le devoir strict d’exiger d’eux en matière de clinique
son élude de l ’ hypermétropie, de ses causes physiologiques
des connaissances solides et profondes.
est très satisfaisante. En somme cette épreuve de pathologie
— L ’ Ecole n’a pas voulu faire d’une récompense universi
taire, meme Jes plus modestes, une simple prime d’encoura
gement ; et, dans sa juste et im partiale sévérité, elle n’a à
adresser aux candidats que de chaleureuses exhortations à
faire mieux une autre fois.
Les candidats inscrits pour le doctoral ont heureusement
effacé la pénible impression laissée par ces dernières épreu
ves: ils ont, par la valeur de leurs compositions, donné au
jury l'ample- motifs de contentement. Les sujets à traiter
externe est bonne et indique une connaissance très suffisante
du sujet. — La question de pathologie interne a été traitée
par M. Gilles d’une façon plus satisfaisante encore. Le sujet,
pour être étudié à fond, exigeait de vastes connaissances ; le
coma appartient en effet à celte catégorie de syndromes qui
s’observent en clinique dans les étals morbides les plus diffé
rents, fièvres, névroses, intoxications, traumatismes, etc.
Pour embrasser un sujet aussi vaste, il faut pouvoir dominer
et parcourir tout entier du regard le champ si vaste de la
________ _
___
�—
86
—
—
87
-
pathologie. Ces connaissances variées el profondes, M. Gilles
interne les deux candidats ont fait preuve d'une instruction
les possède, sa composition en est la preuve. Sa description
sérieuse, mais le jury n’hésite pas à leur déclarer qu’il leur
clinique e<t bonne quoique peut-être un peu brève, son énu
eut été possible de faire mieux. Tous deux ont résolu la ques
mération étiologique est très suffisamment complète. Nous
tion posée par l’affirmative, et nous les en félicitons ; mais
nous permettrons cependant de formuler une critique : elle
il esta regretter que leur procédé de démonstration ne soit
est relative au plan suivi par l’auteur dans la classification
point de nature à faire naître dans l’esprit une conviction
des causes du coma. Diviser l’étude d'un phénomène morbide
absolue. C'est ainsi par exemple que l’ un d’eux a cherché
quelconque en trois variétés suivant qu’ il est idiopathique,
presque exclusivement ses arguments démonstratifs dans la
symptomatiques ou sympathique, c’ est à coup sûr suivre un
bactériologie; notre humble avis est qu’il y a là une grave
plan consacré par beaucoup d’auteurs classiques, c’est imiter
erreur dans l’application de la méthode des sciences médi
en particulier Monneret dans son Traité de pathologie géné
cales ; c’est, croyons-nous, à l’observation clinique seule
rale ; mais aujourd’hùi semblables divisions sont un peu su
qu’il appartient de se prononcer sur le caractère réellement
rannées et paraissent peu en rapport avec l ’étal actuel delà
infectieux d’une affection quelconque ; ce n'est qu'après
science ; pratiquement elles sont dans bien des cas à peu
démonstration de ce caractère à l’aide de faits au-dessus de
près impossibles à établir. M. Gilles en a lui-même fait l’ex
toute critique, que doit intervenir la bactériologie, c’est à
périence, et il a été ainsi amené à faire bon marché de son
elle qu’incombe la mission de rechercher par ses procédés
procédé de classification ; il eut alors bien mieux valu en
spéciaux en quoi réside le principe infectieux, s’il s’agit d’un
adopter un autre, se contenter par exemple de grouper par
microbe ou d'une plomaïne. Les candidats n’ignorent pas du
analogie les diverses aiïeclions qu’étudie la pathologie, el
reste que le pneumococcus, le microbe, encapsulé de Fried-
rechercher dans chacun de ces groupes les caractères du
lander sont encore bien loin de s’imposer comme présentant
coma, sa physionomie clinique et sa physiologie patholo
toutes les garanties d’authenticité désirable.
gique.
L'Ecole décerne : un 1° prix à M. Gilles ; — un 2e prix à
M. Jacques.
Le concours pour les étudiants de L®* année s’est passé
exclusivement entre candidats au doctoral. Deux concurrents
se sont présentés, l’un et l’autre interne de nos hôpitaux.
Les questions à traiter étaient au nombre de trois ; l’unede
pathologie interne, la pneumonie est elle une maladie infec
tieuse ; l’autre d’obstétrique, des modifications du col utérin
pendant la grossesse; la troisième d’ hygiène, des races au
point de eue pathologique. Dans la question de pathologie
Le même reproche s’adresse, quoiqu’à un moindre degré,
à la composition de M. Pagliano. Comme son concurrent
M. Pagliano est interne de nos hôpitaux, et l’un des meil
leurs. Nous avons eu la satisfaction de l’avoir comme colla
borateur dans notre suppléance de clinique médicale et nous
avons été à même d’apprécier ses qualités d’observateur
attentif el consciencieux. M. Pagliano'eut certainement pu
puiser d’avantage dans son propre fonds, emprunter aux
faits notés sous nos yeux à l ’Hotel-Dieu les éléments d’une
convaincante démonstration clinique de la nature infectieuse
de la pneumanie. Nous ne l ’en félicitons pas moins d’avoir
�— 89 —
j r i ' . e o e f a i: q u e h d o c t r i n e l é ü é a J e m e n t a d o p t é e a a j o a r l 'h u i n e > t a n t r e t p e l a v i e : . l e d o c t r i n e d e L a f i è v r e p n e u m o i rie ie: ni' s; ! jngtemps classique à Mon t ô l i e r , et rsoeonie
par les recherches des savants d Oatre-Rhm .
E n s . : q u e 1 u n l e & c o n c ü r . e ü i î s n. a d o r m e d e l à q u e s
t i o n q u 'o n e x p o s é i n c o m p l e t e t a n p e s i n s u f f i s a n t . A n c o n i r s .ir e M . P a r a n o a s a t r è s h e a r e - a s e n e n t d i s p o s e r s o n plan
e . c o n f ' e n ; e s t a s i r e : : :i y a n t - i l h e o r e o s e n i e û t a r e g r e t t e r
7 is : u n e la c u n e d a n s se s c o n n a is s a n c e s .
En en dans a taest: :>n l'hygiène Le fnry a reproché anx
Ce-....
de n'avoir en d i su;et que des ne a cas très inconp tes . peut-être ia faute en est ei.e un peu imputable an sujet
ut-même S i nous êta : permis d‘jubiler uu instant notre
-fie ie rapporteur et de nous constituer l'avocat défenseur
des candi
nous plaide", tas :.en voient; ers ueur eux les
; •; mstances atténuantes. La p esn en 3e d nn.ueo.ce des
tes en par .rouie es. peut-être p'us encore d u bmainede
u. u . ton n u • . :e :r e :e :e : . de I ojf.ene put: eueut : te : ei.e ne toast tue outre a ddeure tu t. est pue ie
u ;. ou o tpitre d nt les papes s:u t encore pres,;ue entiè
rement . moues On ne peut ouere •imcurd'i.ul que poser les
. u ss do
. me. mns es
- des; : : . ; :. n : e; i:
solution sont encore biea rares et fck i efaii a m s. Landes
cm;, :i.s a eu le ter; de simplifier l’uae tiçoc. ton. i fut
mcess; tre te uotnfre .tes rites b in a i nés. M
. FauL-ino a es
>u sou rivai i'avantipe de nommer I « e a ln e et La cmu\ .
. n i r t : ses. i.L itb è i taire .-essor ; oomt en
es: prit
il:eu eu:
o f i r n de faire- e deçanu ea mat .me de
.
: se s e t r
s o c s . , m s m e - m i e s * e n t r e t e q u i io i.
è.re attrib xi a la race elle-même. «L ce cm ne sa o aii être
.u ? q i'm v coud ..tus in y fiit qmese: BLtûwûpnsl F toit fro ue i M Pio-.ano ata J * p m .
Les etudiants en pharmacie de ! re année ont eu à traiter
trois questions théoriques, l’une de physique, du spectroscope, la seconde de chimie, classification des métaux d'après
leur atomicité, la troisième de pharmacologie, élude de l'iode
et des iodures ; ils ont eu de plus à satisfaire à deux épreuves
pratiques, mouler une fiole à jet, et préparer un supp siloire
belladone. Deux candidats seulement se sont présentés aux
épreuves. L ’un d’eux a donné une composition de physique
qui, si elle ne contient pas d’erreur matérielle considérable,
a le défaut de se tenir parfois à une trop grande distance du
sujet et de s’égarer dans des considérations un peu étran
gères à la question ; en chimie sa composition pourrait être
plus complète et exposée sous une forme moins laconique.
L ’ Ecole décerne un 1er prix à M. Corail.
En 2e année, les étudiants en pharmacie avaient à satis
faire à trois ordres d’épreuves : 1° En histoire naturelle, une
question écrite, caractères des hirudinées et de leurs espèces
médicinales, et une épreuve pratique, coupe transversale
d'une t'uje d'aristoloche ; 2° en chimie une épreuve pratique,
analyse d'un mélange de deux sels (chlorure de baryum et
carbonate de magnésium) ; 3° en pharmacologie, des oxydes
et des chlorures de fer considérés au point de vue de leur
préparation et de leurs usages pharmaceutiques. — Trois
candidats ont pris part au concours. M. Combe a fait en his
toire naturelle une bonne composition écrite. Sa classification
des annelides brille par la précision ; le sous-ordre des hiru
dinées est nettement défini ; tous les appareils sont méthodi
quement passés en revue et exaclements décrits; les carac
tères anatomiques des sangsues, leurs modes d’emploi sont
mentionnés avec tous les détails désirables. Le seul reproche
à adresser au candidat est d’avoir omis les caractères distinc
tifs des espèces médicinales. —
L ’épreuve pratique de
�_ r _
V f,131:3
::.
3 3 1 3 3 3 :3
r -- x t i :
: 35 sans mérite ; les dessus rérè-
:rè du crayon : tesêténesis tistoîe-
r n -3 -:i: issez b ia iedi^ws; b cote eip icain e iaAne
- s a ie do sujet. En e te n e S . Ooale
i
5rl rZ'I. 1-31 r~rLl5 <Iü ffOllfîae SOT lîtlTÇ.
—y y
: in histoire uaioreUe «ne o n p n t e a •. î - i - S- iis; i-'-'zn ’« tinviinées est des j>!#s nqlies
:i Tri zi :1337 t.r : . i ‘ï i^s fai: ré;resTe praîi:-».
En efeim-r
rentre, il a rénssi conplêteneal son analyse
7 3 - 1 3 3 . ' 5 pointe. — Le trocsàèae candidat
'.
7 . t_ _ 7._
regret que M. MaDnivet, un des meilleurs élèves de notre
Ecole, subitement indisposé n ail pu continuer les épreuves du
concours.
Tels sont, Messieurs, les résultats des concours pour l’an
née scolaire 18S5-8C ; je regrette vivement d’avoir pendant
si longtemps abusé de votre attention, et mis votre patience
à une aussi fatigante épreuve.Les étudiants en médecine et en
pharmacie me pardonneront, je l ’espère : car ils verront dans
les développements dans lesquels je suis entré une marque
de l ’importance que l’Ecole attache aux concours de fin d’an
7 7 _.7 C03_•-,-'SîLi<_3 t<E£3Djfi^ ITC*!
née, une preuve du zèle attentif et consciencieux que leurs
13333. ^ : - 3 3 de : ns p ir g n e -jie s erreurs graves ; x*
maîtres apportent dans l’appréciation et le classement de leurs
épreuves.
t
_
- 3 . cre ; en c h in e il n’a, lai a s i
*:i i ;-3 : 7 i ï 1331333 do proKèase.
II
- 17
7
- _
. - >1. 3:3113. — 331 “ 13.31
— . _- r -M I 3r iLu : i l 3 i 3 13 iharmir e le .3 * n i é e niaient e c x »
: : 13 3 3 1 . 3 3 1 qaëSLM llé jr î 3 3 1 . de r«îwa"
-- - J -■ a . f
: e t n a e a n a !v ? e p*a "^ae :
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^
i3 "i ;i l rf :j x *.? [ iS 'z if ie xlnc d s v i*
i ‘. succinctement la méthode eaplejée.
d Lu
3 3 1 3
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-on de matière médicale, des rkmtwtes.
3 ont pris part a u épreniez La conpoalHi
r : i X. R jarret est excellente ; son anienr fait
r r I _ - -- - - - - i 3 S r 3 3 S éllD d crS e l DÛHpiêifê. MM- B>>33S
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1 - '
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i 3 3 i remis des éireoves satisf-tsan'.es qai*-
I~- -
' 3 3 i !i précédeole. Les trois caoL-Jits
: .3 : le rîn >2 [ éseoce
-3;-
de
la substance o\ i-e-
1jis 5
^so
n
tserrésdassez près, etil n5 1
LISTE DES LAURÉATS
Médecine
QUATRIÈME ANNEE
Doctorat...........— 2me prix — M. Pagliano.
TROISIÈME ANNÉE
Doctoral...........— 1er prix — M. Gilles.
Doctorat...........— 2mp prix — M. Jacques.
DEUXIÈME ANNÉE
Doctoral........... — Mention honorable — M. Belugou.
Officiât de santé — Mention honorable — M. Toulouse.
PREMIÈRE ANNÉE
* ^treeoxqne de faibles d fiereoces de pointage.— L Ecofa
Doctorat........... — 2mp prix — M, Duffner.
*c ' ~T u L : .i i X. Bonnet, et un r 2* f i nr
Officiât de santé — 1er prix — M. Garnier.
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^ Bi-ries. L.e eiprime en mime leap5 ^
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PDF Text
Text
1889-1890
��SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
D1Î DROIT, DES LETTRES D’AIX ET DES SCIENCES
et de l ' école de plein exercice
DR MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Droit
et des Lettres d’Aix, de la Faculté des Sciences et de
l’Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharmacie
de Marseille, a eu lieu à Marseille, le lundi 11 novembre
1889, à deux heures, dans le grand amphithéâtre de la
Faculté des Sciences, sous la présidence de M. Belin,
Becteur de l’Académie.
Dans l’hémicycle les places réservées étaient occupées
par M. Baret, m aire de Marseille ; M. le général Dewulf,
com m andant le génie de la 15me région, et son officier
d’ordonnance ; M. Laugier, secrétaire général de la Préfacture, rem plaçant M. le Préfet empêché ; M. Pellefigue,
procureur de la République à Marseille ; M. Bret, adjoint
�au Maire de M arseille; M. Fabre, Ier adjoint au Maire
d ’Aix ; M. Jouffret, Membre du Conseil m unicipal de
Marseille ; M. de Jessé, bâtonnier de l’Ordre des avocats
à Marseille ; des Conseillers m unicipaux ; des officiers
supérieurs de la garnison de Marseille ; des fonction
naires appartenant aux divers services publics ; M. le
Proviseur et une délégation de professeurs du Lycée en
costume universitaire ; M. le général Japy, com m an
dant le XVme corps d’arm ée, s’était fait représenter par
son officier d’ordonnance.
M. le Vice-Président du Conseil général des Facultés;
M. l’Inspecteur d’Académie en résidence à Marseille ;
MM. les Doyens et Professeurs des diverses Facultés,
tous en costume universitaire, avaient pris place sur
l’estrade autour de M. le Recteur. — En face de l'es
trade, sur les gradins les plus élevés de l’am phithéâtre,
s’étaient groupés les m em bres de l’Association des étu
diants de l’Académie d'Aix, en habit noir, cravate blan
che et ruban violet en sautoir ; ils entouraient leur
drapeau largement déployé.
Un grand nom bre de dames et de personnes étrangères
à renseignem ent rem plissaient la salle.
M. le Recteur, après avoir déclaré la séance ouverte,
a donné la parole à M. Bry, professeur à la Faculté de
Droit, qui a prononcé le discours suivant ;
LES ACCIDENTS DU TRAVAIL
RESPONSABILITÉ F J ASSURANCE
DISCOURS
Prononcé à la séance solennelle de rentrée des Facultés
Par M. BRY
Professeur à la Faculté de Droit
M onsieur
le
R ecteur ,
M ESSIEU IIS,
Parmi les questions les plus importantes d’ordre so
cial qui ont, depuis longtemps déjà, le privilège de pas
sionner le jurisconsulte, l’économiste et l'homme poli
tique, se trouve celle des accidents du travail et des
responsabilités qu’ils entraînent. La maladie et le chô
mage pendant de longs mois, les infirmités venant arrê
ter l’homme dans la force de l’âge, la mort quelquefois,
jetant dans la misère une famille privée de son chef,
tels sont les tristes résultats des accidents dont les ou
vriers peuvent être victimes. La plupart des nations
étrangères ont, dans ces dernières années, cherché, par
des lois nouvelles, à garantir les travailleurs contre les
principaux risques de leur existence. En France, il y a
huit ans que la question des accidents est posée devant
les Chambres. Les projets de loi, les amendements, les
commissions et même les législatures se sont succédé
�sans parvenir à la résoudre. Le secret de cette impuis
sance 11e serait-il pas dans l’oubli des principes naturels
de notre droit, de l égalité des rapports juridiques, de
la liberté des conventions, et dans la crainte de voir
surgir un droit nouveau, copie trop fidèle d'une législa
tion étrangère, qui répugnerait à notre génie national.
J’ai pensé qu'un aperçu rapide d'un tel sujet, trouverait
sa place devant une assemblée (pie les grands problè
mes sociaux ne peuvent laisser indifférente.
I.
La question des accidents, telle que je veux l’envisa
ger, comprend deux termes : la responsabilité etl'assurance.
Pendant quatre-vingts ans, la doctrine et la jurispru
dence s'étaient accordées sur l’interprétation de notre
loi civile. D'après l’article 1382 : « Tout fait quelconque
« de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige
« celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
C’est donc la faute qui est le seul principe de la respon
sabilité civile, et l’ouvrier victime d’un accident doit,
pour obtenir une indemnité, prouver une faute du pa
tron : la loi, dans ce cas, ne la présume jamais. Mais la
jurisprudence est aussi large que possible dans l'appré
ciation des faits qui peuvent constituer cette faute. Tous
ceux qui ont vu discuter des questions d'accidents saventavec quelle facilité, les juges relèvent les moindres
négligences, de nature à engager la responsabilité des
patrons. Il ne faut reculer ni devant les précautions les
plus minutieuses, ni devant les sacrifices les plus coû
teux, pour prémunir les ouvriers contre les effets de
leur propre imprudence. Ce n’est pas tout encore ; la
règle de l’article 1382 est élevée à la hauteur d’un prin
cipe d’ordre public, devant lequel s’efface la liberté des
conventions, et nul ne peut se dérober aux conséquen
ces rigoureuses d'une responsabilité dérivant d’un délit.
On veut maintenant aller beaucoup plus loin, et don
ner à l'ouvrier une protection plus efficace, en le dis
pensant de prouver la faute de son patron. C’est ce
dernier qui, malgré sa qualité de défendeur, devra
prouver la faute de l’ouvrier, le cas fortuit ou la force
majeure. Et comme cette doctrine du renversement de
la preuve allait porter une atteinte profonde aux prin
cipes généraux de notre droit, tels qu’on les avait com
pris jusqu'ici, on s’est hâté de lui chercher une base
même dans notre Code civil. Ce n’est pas, a-t-on dit,
l'article 1382 qui est la source des obligations du pa
tron, c'est le contrat de louage de services ou d’indus
trie, créant des droits et des engagements réciproques
au profit et à la charge de chacune des parties. L’ou
vrier s’engage à fournir son temps et son travail ; le
patron promet en retour de payer le salaire et de pré
server l’ouvrier de tous les accidents dont il serait vic
time pendant l'exécution du contrat. S'il survient un
accident, le patron ne s'est pas acquitté de son obliga
tion contractuelle ; il était débiteur de la sûreté de son
ouvrier; il doit, s'il invoque une libération, en prouver
la cause, d'après les principes mêmes du droit com
mun.
Telle est en deux mots la doctrine nouvelle. 11 vous a
été facile de saisir la raison de droit qui lui sert d’appui.
�-
« Le patron, en louant les services d'un ouvrier, lui
« promet non-seulement le salaire, mais encore la
« sécurité. » Est-ce vraiment conforme à l’intention
des parties ? La prévision du danger ne sert-elle pas à
déterminer le prix du service que l’on va rendre, et si
le risque est déjà payé, comment l’entrepreneur en
serait-il encore garant ? 11 faut, pour en arriver là, ne
pas craindre d’admettre que l'ouvrier, par le contrat
de louage, se soumet à une autorité qui annihile sa
volonté et se décharge par là même de toutes les suites
d'une entreprise à laquelle il participe comme une force
inconsciente. Rien n’est plus faux qu’une pareille théo
rie. L'ouvrier est maître de ses bras comme de sa
volonté, il est le directeur même de son travail que le
patron serait le plus souvent incapable de conduire et
d’exécuter. S'il ne fait pas un usage prudent de l'outil
qui est mis entre ses mains, on ne peut faire retomber
sa faute sur le chef de l’entreprise qui a rempli toutes
les obligations que la conscience et la loi lui impo
saient. Mais cette prétendue promesse de sécurité,
dérivant d'un contrat, doit être réciproque, et le patron
doit pouvoir à son tour demander la réparation du pré
judice dont il souffre par le fait de l’ouvrier, sauf à
celui-ci dans ce cas à prouver sa libération.
Il est vrai qu'on écarte cette réciprocité de garanties
par une confusion vraiment étrange entre le louage de
choses et le louage de services. Le locataire d’une
chose doit la rendre dans l’état où il l’a reçue ; or, le
locataire du service, c’est-à-dire l'entrepreneur, doit
rendre à la fin du travail la personne dans l’état où il
l’a prise dès le début. L’ouvrier n’est donc plus qu’une
simple machine, qu’un instrument de travail dans lu
Il —
main du patron, La raison et la justice protestent con
tre une pareille assimilation. La chose inerte ne peut
modifier elle-même son état, et ce serait vraiment déri
soire de faire peser sur elle la responsabilité d’une
destruction ou d’une diminution de valeur. Mais l’ou
vrier a son initiative ; il peut souvent éviter ou pro
voquer l’accident, être prudent ou audacieux, obéir aux
ordres du maître ou leur résister, respecter ou violer
les règlements ; il jouit, en un mot, de la liberté qui
est l’apanage de l'homme, et on ne peut lui enlever la
responsabilité qui est une conséquence de cette liberté
et la condition même de la dignité humaine.
Il faut donc rejeter cette prétendue promesse de
sécurité résultant d'un contrat de louage. Elle ne donne
pas le vrai sens de la loi, et n’est qu’un moyen subtil
et détourné de justifier a l’avance un résultat qu’on
veut atteindre. Si l'on voulait admettre cette doctrine
du renversement de la preuve, il fallait proposer fran
chement une loi nouvelle. C’est ce qu’a fait le gouver
nement en déposant le 2 février 1886 un projet de loi
qui, pour certaines industries seulement, présume le
chef de l’entreprise responsable des accidents survenus
dans le travail de ses ouvriers et préposés. Cette pré
somption cesse lorsqu’il fournit la preuve que l'accident
est arrivé par force majeure ou cas fortuit, ou a eu pour
cause exclusive l’imprudence de l’ouvrier.
Ce projet, méconnaît ouvertement ce principe général
et essentiel de notre droit, en vertu duquel la charge
de la preuve incombe à celui qui forme une demande
en justice. Quels sont donc les motifs d'une telle inno
vation? C'est tout d'abord une raison d’utilité pratique.
L’ouvrier, dit-on. ne peut pas faire la preuve : sa situa-
�— 12 —
tion précaire au lendemain de l'accident et la difficulté
de trouver des témoins le mettent dans l'impuissance
d'intenter une action avec quelque chance de succès.
Le patron peut, au contraire, prendre toutes ses me
sures, trouver des témoins et arriver à faire la preuve
sans aucun embarras. Est-ce bien exact ? L'accident
qui arrive par la .faute du patron tient à l'imperfection
de son outillage, au vice de l'installation, à des règle
ments imparfaits ou insuffisants ; il y a toujours un fait
antérieur à l'accident que l’ouvrier peut aisément éta
blir. Il sera bien moins facile de saisir sur le fait l’im
prudence de l’ouvrier que personne n'a vu peut-être,
ou dont personne ne se souvient.
C’est, en outre, une raison d’équité. « Le patron doit
« être présumé responsable, parce qu’il est de beaucoup
« le principal partenaire de l’opération. » Il a les béné
fices de l’entreprise, il doit donc en supporter les ris
ques. Et que dire alors des industries qui ne donnent
pas de bénéfices et se liquident par des pertes, alors
que l’ouvrier obtient, par le salaire, une part constante
dans les produits. Ces deux raisons sont donc insuffi
santes pour justifier le bouleversement complet des
rapports entre patrons et ouvriers et des rapports éco
nomiques entre le capital et le travail.
Mais pourquoi nous arrêter sur un projet que la
Chambre des députés a trouvé trop timide encore et a
remplacé par le principe net et brutal de l’irresponsa
bilité absolue de l'ouvrier. D’après l’article premier du
projet de loi voté par la Chambre dans sa séance du
10 juillet 1888, tout accident, survenu dans le travail
aux ouvriers de certaines industries, donne droit, au
profit de la victime, à une indemnité qui est toujours à
-
13
—
la charge du chef de l’entreprise, quelle que soit la
cause de l’accident, à moins que la victime ne l’ait ellemême intentionnellement provoqué. La responsabilité du
patron, générale dans son principe, est restreinte quant
à l’étendue de l’indemnité, fixée à l’avance par un arbi
trage de la loi, dont le but est d’éviter des procès irri
tants et les appréciations variables des tribunaux.
Nous sommes loin désormais de la doctrine du ren
versement de la preuve : le patron n’est plus présumé
responsable, il l’est toujours. Les cas fortuits et la
force majeure, l'imprudence et la faute même de l’ou
vrier ne peuvent éviter au chef de l’entreprise le paie
ment d'une indemnité. Tous ces faits deviennent la
source d’un droit nouveau qu'on appelle le risque pro
fessionnel. L’intention seule de causer l'accident par un
crime ou un suicide libère le patron de la lourde res
ponsabilité qui pèse sur lui. Décision presque inutile,
car il n'y a pas en France un magistrat qui eut pu
songer un instant à faire d’un crime la source d'un
droit pour le coupable.
On a donc voulu créer un droit nouveau pour venir
en aide «à des situations que le Gode civil n’avait pu
prévoir. Los conditions du travail, a-t-on dit, ne sont
plus les mêmes qu’autrefois. Les progrès de l'industrie
ont mis les ouvriers en face d'un outillage redoutable :
machines à vapeur, matières en fusion, engrenages
dangereux. Le maître doit être responsable des instru
ments qu’il impose à l’ouvrier.
Une législation, sans doute, ne peut être immuable ;
mais les lois nouvelles, destinées à remplacer des prin
cipes déjà consacrés par l’expérience des siècles, ne
doivent pas constituer des lois d'exception ou de pri*
�-
14
—
vilège, et violer les règles fondamentales de la justice
et de l’équité.
Le projet de loi, dont je viens de vous indiquer l’es
prit, consacre tout d’abord un principe exceptionnel et
arbitraire. L’ouvrier de toutes les professions court
certains risques dans l'exécution de son travail : n’estce pas le sort commun à toutes les branches de l’activité
humaine ? Le projet de loi ne s'occupe que de certaines
industries, et supprime pour toutes les autres les con
séquences légales qu’on veut déduire du risque profes
sionnel. Il y a sans doute des industries où les accidents
sont plus nombreux et plus terribles ; mais l'indemnité
représente non pas le risque d’un péril éventuel, mais
le préjudice souffert à la suite d’un malheur réalisé.
Comment faire comprendre à l’ouvrier blessé grave
ment qu'il ne peut rien demander, parce que la loi ne
s'occupe pas de lui, alors qu’un autre, victime d'un
accident peut-être moins grave, sera largement indem
nisé, grâce à la bienveillance d’une loi d’exception. Il
importe peu vraiment de savoir si le malheur est arrivé
dans une industrie à moteur mécanique ou dans une
entreprise différente ; l'intérêt est le même dans tous
les cas, et la loi doit être assez large et assez humaine,
pour qu’en face de situations également douloureuses,
on ne puisse pas lui reprocher son impuissance. La
logique, d’ailleurs, a ses exigences, et j’en trouve la
meilleure preuve dans les lois édictées depuis cinq ans,
en Allemagne, sur cette matière des accidents. C’est le
6 juillet 1884 que le principe du risque professionnel a
reçu sa première application au profit des ouvriers de
certaines industries. Il est curieux d’en suivre la mar
che progressive. Le 15 mars 1886, parut une loi con-
-
15
—
cernant. les secours à accorder aux fonctionnaires et
autres personnes de l’état militaire, dans les cas d’acci
dents d'ouvrage ; deux mois plus tard, une autre loi
comprend dans les assurances tous les ouvriers agri
coles et forestiers. Au mois de juillet 1887, on étend le
même principe aux personnes employées à des travaux
de construction, aux marins et autres individus occupés
par la navigation maritime. Et enfin une loi en prépa
ration étendra l’assurance contre les accidents à tous
les artisans, aux pêcheurs, aux domestiques et aux
employés de commerce. Le nouveau projet de loi con
duirait fatalement en France au même résultat et don
nerait ce singulier spectacle d’une société divisée en
deux camps : l'un comprenant les personnes responsa
bles de tous les accidents de la vie et de fautes qu’elles
n’ont pas commises, et l'autre devenant le refuge de
celles dont la loi couvre l’irresponsabilité. Pour déter
miner les engagements réciproques de deux contrac
tants, la loi et le juge devront, en dehors du contrat
même, considérer désormais la fortune présumée et la
situation sociale des plaideurs pour déterminer leur
obligations ou leurs droits. L’égalité devant la loi dis
parait pour faire place à un arbitraire sans limite. Toute
clause contraire aux règles admises par le législateur
est nulle de plein droit ; la liberté des conventions est
ainsi supprimée, et l’ouvrier, considéré comme un être
incapable de se protéger lui-même, n'a pas le droit, en
échange d’un salaire très élevé, de décharger le patron
de la responsabilité excessive qui pèse sur lui.
Les principes de justice et d’équité condamnent déjà
par ce simple exposé cette loi d’exception ; mais il faut,
sur ce point, ne rien laisser dans f ombre, et voir si l'on
�-
16
-
peut établir sur un fondement juridique cette respon
sabilité directe et absolue du patron. Les cas fortuits
ou de force majeure sont la source la plus fréquente des
accidents. Est-il juste d'en rendre le patron responsa
ble ? Je n'apprendrai rien à personne en disant que,
dans toutes les législations de l’antiquité et des temps
modernes, les cas fortuits ou de force majeure ont tou
jours eu pour résultat de libérer un débiteur de ses
obligations préexistantes. Comment pourraient-ils de
venir le fait générateur d'une obligation et d'une res
ponsabilité ? Et que dire alors de la faute de l’ouvrier ?
Il pourrait impunément désormais violer les règle
ments, les lois les plus élémentaires de la prudence
humaine, désobéir aux ordres les plus formels, causer,
dans un état d’ivresse, des malheurs irréparables ; sa
faute deviendrait pour lui le fondement d’un droit, sous
prétexte qu’il y a, dans certaines industries, un risque
professionnel. Je ne veux donner qu'un exemple du
résultat auquel aboutirait une pareille décision. L’in
dustrie des mines de houille est celle où les accidents
sont les plus terribles, et ce n’est pas sans une triste
émotion que l’on pense à l’effroyable catastrophe qui
naguère encore faisait près de deux cents victimes,
jetait la stupeur et le deuil dans toute une population
ouvrière et inspirait un sentiment de profonde pitié
pour les malheureux frappés dans leurs affections et
leurs intérêts les plus chers. Les chefs de ces grandes
industries prennent, au point de vue de l’aération et
de l'éclairage des ouvriers, les précautions les plus mi
nutieuses pour éviter l’explosion du grisou. La plus
importante de ces précautions consiste à imposer aux
mineurs l’obligation de descendre dans la mine avec
des lampes entourées d’une toile métallique à mailles
serrées, et qui ne s'ouvrent qu'avec des clefs spéciales,
confiées aux mains d’un homme préposé à cet effet. Or,
on a constaté que certains ouvriers faisaient parfois
fabriquer de fausses clefs pour ouvrir leurs lampes,
jouant ainsi des centaines d’existences contre la satis
faction de fumer un instant. Et l’on voudrait dans ce
cas faire retomber sur les chefs d’entreprise la respon
sabilité légale d'un tel désastre ! Ne suffit-il pas d’énon
cer une pareille prétention pour être amené à la rejeter
aussitôt par un simple mouvement de conscience et de
bon sens ? Inscrire dans une législation qu'une per
sonne est responsable de fautes qui lui sont étrangères,
ce serait renverser tous les principes de morale et de
justice, sans lesquels une loi n’est pas digne de ce nom.
Le Sénat a voulu rendre à la justice une partie de ses
droits, en permettant au patron d’échapper à la res
ponsabilité, à la charge de prouver au moins la faute
lourde de l'ouvrier. Mais les fautes moins graves, les
imprudences donnent toujours droit à une indemnité ;
or, comme le projet de loi, tout en renversant les termes
du Droit civil, ne va pas jusqu'à détruire les règles du
Droit pénal, l’ouvrier pourra, si son imprudence a fait
d'autres victimes, être poursuivi correctionnellement.
11 sera condamné ; mais au sortir du tribunal correc
tionnel, il viendra demander au civil une réparation que
les juges ne pourront pas lui refuser, et par une ano
malie vraiment étrange, il sera, pour un même fait,
condamné par un tribunal et indemnisé par l'autre. Le
patron ne jouit pas de la même faveur. On peut, d'après
le projet de loi. en le faisant condamner pour impru
dence à plus de huit jours de prison, l'accabler sous
�des responsabilités civiles indéfinies. Une telle contra
diction achève de ruiner, au point de vue de la justice
et de l’équité, le prétendu droit nouveau du risque pro
fessionnel.
Mais, en outre, ce projet dont je viens de vous indi
quer le principe et l’esprit peut avoir de bien graves
conséquences. La grande industrie pourra ne pas trop
souffrir de cette responsabilité absolue, et subira facile
ment. au lieu des indemnités indécises et souvent
élevées que lui imposaient les tribunaux, un tarif uni
forme, fixé à l’avance, et dont ses capitaux énormes lui
permettront de supporter le poids. Il faut d’ailleurs
reconnaître à l’honneur de cette grande industrie, l'une
des gloires et des forces de notre pays, que ses règle
ments contiennent tous des mesures de protection en
faveur des ouvriers. Mais la petite industrie ne pourra
jamais supporter d’aussi lourdes charges. Les patrons,
dans ce cas, ne sont pas souvent beaucoup plus riches
que leurs ouvriers, et s’ils se trouvent écrasés sous des
obligations imprévues, ils ne pourront pas continuer
l’exercice de leur profession et seront réduits à la mi
sère. On accélère ainsi la concentration de toutes les
industries dans de grands ateliers ; et si ce mouvement
était subit et forcé, la production nationale pourrait
tout à coup se ralentir, et les ouvriers obligés de porter
ailleurs leurs services, verraient diminuer leurs salaires
qui ne représenteraient plus d’ailleurs le risque d'un
travail dangereux.
On veut améliorer la situation de l’ouvrier et on ne
pense pas que les réformes peuvent se retourner contre
lui. Mais il y a plus encore: il vaut mieux prévenir les
accidents que d’ètre forcé d'en réparer les tristes con
- 19 -
séquences. En menaçant le patron d'une responsabilité
qui ne disparait ni devant l’imprudence, ni devant la
faute de l'ouvrier, et en attribuant à celui-ci une in
demnité dans tous les cas, on enlève à l'un et à l’autre
toute espèce de prévoyance. Le premier n’aura plus
d’intérêt à faire exécuter ses règlements et à maintenir
les frais de contrôle et de surveillance. Le second sera
moins prudent et moins docile à obéir aux mesures de
sécurité qui lui seront prescrites. C’est d’autant plus
vrai que l’ouvrier prend l'habitude de vivre au milieu
des périls qui l’entourent, quelquefois avec une insou
ciance trop réelle, mais souvent, il faut bien le dire,
avec ce mépris de la mort qu'inspirent le devoir et
l’honneur du métier.
II.
De l’exposé qui précède se dégagent deux principes
essentiels : la faute est pour tous la cause d’une res
ponsabilité ; les cas fortuits ou de force majeure n’en
gagent la responsabilité de personne. Il n’en est pas
moins vrai qu’on éprouve un pénible sentiment en voyant ,
dans ce dernier cas, les conséquences de l'accident
retomber sur la victime. L'imprudent lui-mème a droit
à notre compassion, et la faute disparaît au point de
vue de l'humanité. Il peut y avoir un remède à ces
situations douloureuses, et ce remède, c'est l’assurance.
Les ouvriers, peu prévoyants d'ordinaire, négligent
de prélever une prime modique chaque année pour se
couvrir des risques qui peuvent les atteindre. Ils sont
beaucoup plus souvent protégés par l’assurance collec
tive contractée, eu leur nom, par le patron qui. grâce
�-
20
—
à une prime supplémentaire peu élevée, s’assure en
même temps contre sa responsabilité civile.
Cette pratique de l’assurance, sous le régime de la
liberté des conventions et de l’initiative individuelle,
s’est développée, depuis vingt ans, avec une rapidité
surprenante. En une seule année, le total des primes
reçues par les compagnies s’est élevé à six millions,
et les indemnitées payées par elles à près de deux mil
lions. Certaines de ces compagnies ont aujourd’hui plus
de cent mille assurés. Le rôle du législateur est d’en
courager par tous les moyens cette initiative des par
ties intéressées, cédant aux conseils d’une sage pré
voyance et non d’y substituer des règles obligatoires
et uniformes. Les rapports du capital et du travail
engendrent des situations multiples, et l’on ne peut
songer à unifier sur tous les points d'un pays les con
ditions de la vie économique. Dans une industrie pros
père l'entrepreneur acceptera la charge exclusive de
l’assurance ; ailleurs, une crise contre laquelle il se
débat, ou la lutte contre la concurrence peut le con
traindre à rejeter une partie du fardeau sur l’ouvrier.
La liberté des contrats, mieux qu’un système législatif
édifié à l’avance, peut donner à tous les intérêts une
satisfaction équitable.
Ce n’est pourtant pas cette idée qui parait séduire,
à l’heure présente, un grand nombre d'esprits qui pro
clament, sous la direction ou le contrôle de l’Etat, l’as
surance obligatoire.
La première intervention de l’Etat en cette matière
n’est pourtant pas do nature à encourager les partisans
de cotte doctrine. IJno loi du 11 juillet 1868 avait fondé
une caisse nationale d’assurance contre les accidents
des ouvriers agricoles et industriels. Nul n'était tenu
de s’assurer, mais toute personne pouvait contracter
une assurance devant certains fonctionnaires désignés
par cette loi. La modicité des primes, les pensions
viagères offertes dans une large mesure, la garantie
et les subventions de l’Etat étaient de puissants moyens
de séduction. Après dix années d’existence, elle n'avait
que 1,500 assurés, et le 31 décembre 1887, vingt ans
après sa fondation, elle avait en tout liquidé quarantedeux accidents. Ce malheureux essai nous montre l’im
puissance de l’Etat à créer des institutions prospères
dans le domaine ouvert à l'industrie et à l'activité des
particuliers. Rien ne peut remplacer sur ce point une
société privée, éclairée par l’expérience et stimulée par
l’intérêt. Il est, du reste, fort heureux que cette caisse
nationale n’ait pas réussi : les primes étaient tellement
modiques et les avantages, promis en retour, tellement
considérables que, si elle avait eu beaucoup de clients,
elle devait courir à un véritable désastre financier.
En 1868 on ne songeait pas encore à l’assurance
obligatoire. Le projet de loi du 2 février 1886 en con
tenait le principe limité aux industries où l'on reconnaît
plus particulièrement le risque professionnel. La Cham
bre l'a rejeté ; mais elle adopte, en échange, un pro
jet mal conçu qui, à côté de dispositions excellentes, en
contient d'autres dont l'effet immédiat est de détruire
le résultat des premières.
Il est bon tout d'abord qu elle ait rejeté le principe
même de l'assurance obligatoire avec les règles uni
formes qui en étaient la conséquence. Les caisses d'as
surance fondées par les compagnies de chemins de fer
et des mines pourront ainsi continuer à fonctionner
�— 52 —
librement. Les grands industriels peuvent rester leurs
propres assureurs et indemniser eux-mêmes leurs ou
vriers qui, dans ce cas, n'ont pas à craindre les débats
irritants suscités quelquefois par l'intervention des
compagnies d'assurance. C'est beaucoup de laisser à
chacun la liberté de son initiative ; c’est beaucoup de
ne pas inscrire dans une loi le droit à l'assurance et de
réagir ainsi fcontre cette funeste tendance qui consiste
à tout mettre dans les mains de l’Etat. Si la loi règle
aujourd'hui de vive force la question de l’assurance, il
n’y a pas de raison pour que demain l’ouvrier ne lui
demande de fixer les heures du travail et le taux des
salaires.
Le projet de loi contient, en outre, une heureuse dis
position dont profitera surtout la petite industrie. Il
autorise les entrepreneurs à former entre eux des syn
dicats d’assurance mutuelle. Cette union du monde du
travail, cette solidarité d’intérêts communs doit réaliser
des progrès féconds et importants pour l'industrie. Ces
syndicats peuvent trouver une base et un appui dans
les sociétés déjà formées pour prémunir les ouvriers
contre les accidents du travail. Celle qui existe à Paris
depuis 1889 a comme adhérents plus de 500 industriels
qui occupent 60,000 ouvriers. A Mulhouse la société
industrielle fondée en 1867 a réduit les accidents de
60 pour 100. Il en existe de semblables dans la plupart
des grandes villes, et leurs résultats sont tels que les
compagnies font des remises sur les primes aux patrons
qui acceptent certaines conditions de contrôle et de
surveillance. N’est-ce pas 1 idéal que l’on doit réaliser?
S'unir dans une même pensée pour soulager des misè
res qui seront d’autant plus rares qu’on aura tout fait
pour les prévenir.
-
23
-
Mais cette espérance à peine entrevue doit aussitôt
disparaître. Le projet de loi, dans sa dernière partie,
consacre en effet l’assurance par l’Etat à l’aide de cette
caisse nationale créée en 1868 et dont je vous ai montré
le pitoyable échec. Afin d’attirer les intéressés, les pri
mes sont fixées, selon les industries, à un taux qui est
de beaucoup au-dessous de la réalité des risques ; elles
ne suffiraient jamais à payer les indemnités annuelles.
Il est facile de voir qui serait chargé de combler le
déficit et de payer la différence. L'Etat, avec le con
cours de nos deniers, offrirait aux industriels une assu
rance en partie gratuite. Et si l'on pense aux frais
d’administration, aux fraudes dont le Trésor est la vic
time habituelle, on voit les charges imposées aux finan
ces publiques, à l’heure où elles ont tant besoin d’être
ménagées. De telles conditions rendent la concurrence
impossible aux syndicats et aux compagnies, ou sont
tout au moins de nature à les décourager. Après avoir
refusé d’admettre le principe de l’assurance obligatoire,
il eut été plus juste de ne pas adopter l’assurance par
l'Etat qui en est la conséquence la plus logique et la
plus naturelle.
L’exemple de l’Allemagne a contribué puissamment
en France à incliner bien des esprits vers l’assurance
obligatoire, t ne expérience de cinq années nous permet
déjà d’en apprécier les résultats. Laissez-moi vous les
montrer en quelques mots afin de pouvoir mieux com
prendre ce qu'une telle institution aurait de funeste
pour l'avenir de notre industrie.
C'est après trois propositions successives et de vifs
débats que le Reichstag s’est enfin décidé, le 6 juillet
1884. à voter une loi sur l'assurance obligatoire pour
�les cas d'accident. Elle ne contient pas moins de neuf
chapitres et de cent onze articles. Les patrons et ou
vriers de l’industrie manufacturière doivent se réunir
en corporations professionnelles approuvées, et s'il le
faut, imposées par le conseil fédéral. On prélève, cha
que année, une cotisation dont les patrons subissent la
charge exclusive et. qui représente les sommes néces
saires à indemniser les victimes des accidents. Les in
demnités consistent en secours, allocations et surtout
en rentes, dont le tarif est fixé par la loi d’après le gain
du travail. La corporation est administrée par un comité
central, dont les membres, élus par les patrons, n’ont
pas le droit de décliner l'honneur et la mission qui leur
sont confiés. Ce comité est investi d'une véritable délé
gation de la puissance publique ; il prend toutes les
mesures pour prévenir les accidents, fait des règle
ments relatifs à la discipline intérieure des industries
et peut les sanctionner par des amendes. Un homme
de confiance veille, à côté du comité directeur, aux
intérêts de la corporation et doit surtout rechercher les
industriels qui tenteraient de se dérober à l’obligation
de l'assurance. Un tribunal exceptionnel, composé de
patrons et d’ouvriers et présidé par un fonctionnaire,
statue sur toutes les difficultés que peut faire naître
l’application de la loi. Enfin, au sommet de cette hiérar
chie nouvelle, plane l’office impérial des assurances qui
joue le rôle d’un tribunal d'appel et exerce en même
temps un contrôle administratif et financier sur toutes
les corporations.
Telle est. dans son ensemble, cette œuvre législative
que l’Autriche s’est appropriée du moins dans son prin
cipe. Je vous fais grâce des séries de formalités inter
minables et vexatoires contenues dans une loi dé cent
onze articles. Mais on comprend les plaintes qui s’élè
vent déjà, surtout dans la petite industrie, contre une
ingérence administrative de tous les jours, sous forme
de statistique des machines et appareils, de contrôle
des mouvements d’ouvriers, des feuilles de salaire, de
renseignements de toute nature en un mot, dont se
montre avide la nouvelle couche de bureaucratie qui
s'est tout à coup développée avec les abus qui lui sont
inhérents.
Ce sont les charges financières qu'il faut surtout con
naître. On serait tenté de ne pas croire aux chiffres
indiqués par certains auteurs, désireux peut-être d'as
sombrir le tableau par des artifices de calcul, si les
rapports officiels eux-mêmes n’étaient venus les con
firmer. En 1886 les corporations ont payé en secours
et en indemnité une somme de 1,711,699 marcks ; mais
les frais d’administration et de justice s’étaient élevés
à 2,324,294 marcks, c'est-à-dire à 135 pour 100 des
secours effectivement donnés. Ainsi, pour chaque acci
dent, tandis que les frais de pension s'élevaient à 173
marcks, les frais d’administration, dans leur ensemble,
se montaient à 256 marcks. La corporation obligatoire
paie largement le luxe de son organisation administra
tive, et l’éloquence de ces chiffres adoucit les plaintes
élevées contre la cherté des frais de justice devant nos
tribunaux français.
Quant aux cotisations, elles s’élèvent chaque année
à mesure qu’augmentent les dépenses, et l’on a calculé
que les charges iraient toujours en croissant jusqu’à la
soixante-quinziènie année, et seraient alors beaucoup
plus grandes que celles imposées par une société pri2
�- 2è vée. Il faut ajouter, en outre, l’imposition additionnelle
qui, pendant les onze premières années, doivent servir
à constituer le fonds de réserve. Les patrons de la
grande industrie ont accepté, sans trop se plaindre, la
charge relativement légère des premières années ; mais
ce sentiment diminue devant le fardeau qui s’accroît
chaque jour. On prévoit déjà le moment où l’industrie
allemande succombera sous le poids de ses charges,
où l’Etat devra prendre, en vertu d’une disposition de
la loi, la suite des engagements que les corporations
seront impuissantes à remplir.
Cette loi n’a pas même l'avantage de satisfaire les
ouvriers. Le capital que leur allouaient autrefois les
tribunaux pouvaient leur permettre de payer leurs
dettes, de monter un petit commerce, d'acquérir des
moyens d’existence. Ils sont maintenant réduits à une
pension souvent insuffisante qui peut toujours être
diminuée ou retirée par la corporation. Tout lien avec
leur patron est rompu ; ils n’ont plus affaire qu’à la
corporation, dont la surveillance ressemble fort à celle
de la police, à l’intervention de laquelle on a d’ailleurs
souvent recours. Les ouvriers maladifs et à demi in
valides, que les industriels occupaient jusque là par
pitié, sont privés de leur gagne-pain et réduits à la
misère, parce qu’ils seraient une trop lourde charge
pour la caisse d’assurance.
L’état relativement prospère des finances de l’Alle
magne a pu lui permettre de tenter la folle entreprise
de l’assurance obligatoire et générale. Il sera trop tard
pour profiter de l’expérience déjà commencée, le jour
où la ruine des industries privées ébranlera le crédit
public, où cette législation compliquée et minutieuse
s’écroulera d’elle-même, laissant les chefs d’industrie
seuls et désorientés, en face de leurs devoirs sociaux,
abdiqués au profit de la corporation et qui seront d’au
tant plus impérieux que l’ouvrier lui-même sera déçu
dans ses espérances. C’est le résultat nécessaire de
cette conception politique et sociale qui fait perdre le
sentiment de la mesure et du possible, en voulant mettre
dans la main d’un seul homme toutes les forces actives
d'une nation pour pouvoir s’en servir, les dominer ou
les détruire, au gré de ses intérêts, jusqu’au jour où
elles reprennent leur mouvement naturel, en renversant
celui qui voulait les maîtriser. Ce n’est pas la moindre
raison pour laquelle les socialistes ont donné leur appui
aux lois dont M. de Bismark a été le puissant inspi
rateur. C’est à propos de la loi sur l'assurance obli
gatoire contre les maladies que le socialiste-démocrate
Liebknecht faisait la déclaration suivante : « Les so
ie cialistes voteront la loi. Ce n'est pas eux qui sont
« allés au chancelier, c’est le chancelier qui est venu
« à eux, et quand il aura, de sa main puissante, fait
« entrer la nouvelle loi, comme la pointe d'un coin,
« dans l'organisation sociale moderne, il faut espérer
« que le gros bout fera éclater le reste. » Ces paroles
ne sont que trop vraies, car l'exposé des motifs de cette
même loi déclare hardiment que l'Etat est une insti
tution de bienfaisance, et dans la discussion de la loi
relative aux accidents le commissaire du gouvernement
impérial, énumérant avec complaisance les restrictions
apportées dans ces dernières années à la liberté du
travail, se félicite de ce que le projet détruit une fois
de plus « ce principe fondamental de l'état économique
moderne. »
�Voilà donc ce que vaut le système corporatif tel qu'il
est pratiqué en Allemagne, avec ses abus, ses charges,
ses effets désastreux. Ce n'est pas le modèle à proposer
à notre pays, comme le voudrait un esprit généreux
dont nul ne méconnaît le noble caractère et le magnilique talent oratoire. 11 refuse d'admettre sans doute
toutes les règles du système allemand, mais le principe
est le même, l’assurance obligatoire par la corporation.
Il faut d'ailleurs remarquer que personne en France
n'ose parler d'une atteinte à la liberté du travail. Les
rapporteurs du projet de loi sont les premiers à pro
tester contre la violation de la liberté des conventions,
alors même qu'ils proclament l'irresponsabilité absolue
de l'ouvrier ; à rejeter toute pensée de socialisme, alors
même qu'ils consacrent l’assurance par l'Etat, dans des
conditions qui rendent impossible la concurrence des
compagnies privées. Mais ces protestations théoriques
ne suffisent pas entièrement à nous rassurer. Je ne puis
résister au désir de vous citer sur ce point les belles
paroles d'un auteur dont vous ne récuserez ni le témoi
gnage ni l'autorité. « Bien des gens s'imaginent que,
« tant qu’on n'a pas arboré franchement le drapeau du
« socialisme ou du communisme, on peut impunément
« étendre les attributions de l'Etat. C'est de cette
* conception puérile que procède le socialisme officiel,
«• ce socialisme latent. inconscient. qui aujourd'hui
« coule à plein bord et menace la société, non pas. il
est vrai, à la manière d'un torrent impétueux qui
« rompt ses digues et emporte d'un coup un territoire
« entier, mais comme un fleuve qui mine lentement ses
« rives, en détache chaque jour quelque parcelle et
— 29 -
« peu à peu finit par envahir la plaine (1). » J’ai em
prunté ces paroles à l'un des maîtres les plus éminents
de la science sociale, qui a sa place marquée désormais
au nombre de nos meilleurs économistes, et dont notre
Faculté de Droit est fière à juste titre.
L’Etat ne doit pas sans doute se désintéresser de la
question des assurances, mais il doit se borner à les
encourager en favorisant tout ce qui peut diminuer
leurs charges et faire baisser les primes. Il peut sup
primer les impôts qui les grèvent, les droits de timbre
perçus pour leurs polices ou autres actes, et loin de
les considérer comme une institution d’Etat, les dé
charger de tous les obstacles administratifs et fiscaux
qui les entravent, les émanciper et non les asservir.
C’est, ce qu’ont fait l’Angleterre et l'Italie en opérant,
dans des lois de liberté, de sages réformes qui ne sont
pas étrangères aux progrès réalisés dans ces deux
pays par l'assurance contre les accidents.
Mais qu'est-il besoin de demander à l’étranger des
solutions que commandent et inspirent nos mœurs et
nos traditions nationales. L’initiative des patrons et
des ouvriers a su fonder en France des institutions
destinées à lutter contre les maladies et les accidents.
Les sociétés de secours mutuels, encouragées par les
pouvoirs publics, prennent un développement rapide,
deviennent l’une des sources les plus fécondes du rap
prochement social, et sont d’admirables écoles d'ordre,
de discipline et d’honneur. Dans les grandes entrepri
ses, il n'y a pas un ouvrier qui ne bénéficie d'avantages
précieux, grâce à des caisses de secours puissamment
(i) Alfred J ourdan, Du Rôle de l’Etat dans l’ordre économique,
introduction, page 4.
�—
30
—
organisées. L'union s'établit entre îles industries de
même nature, pour former des caisses centrales desti
nées à pourvoir aux accidents les plus graves et même
à donner des pensions de retraite. Partout l'assurance
libre est mieux comprise et plus pratiquée et n'a
besoin que d’encouragements pour se généraliser.
Ne voit-on pas d'ailleurs, dans cette fin de siècle,
apparaître l'idée de l’association comme un besoin qui
captive, dans toutes les sphères, les esprits et les
cœurs. Les étudiants de nos Facultés en connaissent
eux-mêmes la puissance et le charme, et l’association
de Marseille, dont je suis heureux de saluer le drapeau,
n’occupe pas la moindre place au milieu de cette jeu
nesse qui veut, dans le présent, mettre tout en com
mun, travail, plaisirs et peines pour se préparer un
jour des souvenirs vers lesquels on se reporte volon
tiers et que le temps ne flétrit pas.
Que l’Etat se garde d'arrêter cet essor et ce mou
vement spontané de la liberté individuelle, en imposant
la prévoyance aux uns et l'assistance aux autres. Une
loi d'assurance obligatoire et générale est une vraie
loi des pauvres, consacrant cette charité légale qui,
n’ayant pas les sages et délicates tendresses de la
charité privée, corrompt et avilit l'âme d'un peuple en
détruisant tout respect de soi-même et tout sentiment
de dignité humaine.
Les lois naturelles et sociales exigent qu’en face de
l’imprévoyant et du dissipateur, l’homme de travail et
d’énergie puisse conquérir, par sa propre initiative,
ces trésors de mérite dont l’éclat rejaillit sur tous, et
qui cessent d’être la récompense d’un seul pour devenir
le titre commun et le patrimoine d’une nation,
RAPPORT
Présenté au nom du Conseil général des Facultés
pour l'année 1888-Î889,
par M. RAMPAL, professeur d’anatomie à l’Ecole de plein exercice
de Médecine et de Pharmacie de Marseille.
M onsieur
le
M inistre ,
Dans sa dernière réunion le Conseil général des Fa
cultés m’a fait l’honneur de me désigner pour rédiger
le rapport général sur l’état actuel de l’enseignement
dans les Facultés et l’Ecole de plein exercice de Mé
decine et de Pharmacie du ressort de l'Académie d'Aix.
J’ose espérer que vous accueillerez l'accomplissement
de ma tâche avec toute l'indulgence dont j’ai besoin.
Pour le faire avec clarté j’examinerai successive
ment :
1° Quel est le nombre des jeunes gens qui ont fré
quenté nos établissements d’enseignement supérieur ;
2° Dans quel état est le matériel dont le personnel
peut disposer;
3° Quels ont été les résultats obtenus dans les diver
ses épreuves probatoires,
�— 35 C'est clans les rapports de MM. les doyens et de M. le
directeur de l’Ecole de Médecine que je puiserai les
renseignements.
.le terminerai par quelques observations générales.
§ 1.— Nombre des jeunes gensqui ont fréquenté les établissements
d’enseignement supérieur de l’Académie d’Aix pendant
l’année scolaire 1888-1889.
Faculté de Droit. — Inscriptions. Trimestre de no
vembre 1888............................................................ 320
Trimestre de janvier 1889................................... 171
Trimestre d’avril 1889......................................... 119
Trimestre de juillet 1889..................................... 245
Total........ 861
A quatre inscriptions par tête cela ferait 215 étu
diants. Mais s’ils sont inscrits, ils ne sont pas tous pré
sents sous les drapeaux, ainsi que l’a observé M. le
doyen.
Répartition des inscriptions :
Capacité.................. 07
Baccalauréat lreannée. . . 277
»
2°
« ...
Licence................... 219
Doctorat.................. 30
202
Total......... 801
Il est nécessaire d’expliquer la différence qui existe
entre les chiffres du premier et du dernier trimestre et
ceux'dea-trimeslrçs intermédiaires. Autrefois les élèves
étaient autorisés à verser, en novembre, le montant des
—
33
-
quatre" inscriptions de l’année ; il y avait de ce chefüne
augmentation considérable des inscriptions de ce tri
mestre, augmentation proportionnelle au nombre des
étudiants qui profitaient de cette latitude. Cette tolé
rance, en assurant le payement de l’année entière, cons
tituait. un avantage financier, mais elle nuisait à l’ins
truction des jeunes gens qui, délivrés de la crainte de
se voir refuser les inscriptions, n’assistaient plus aux
cours, surtout à Paris, où l’appel n’ayant pas lieu, tout
contrôle de l’assiduité manque. C’était, autre con
séquence regrettable, un moyen de plus d’éloigner des
Facultés de province, où le contrôle est possible, les
étudiants encore assez nombreux qui apprécient tout
particulièrement la liberté de ne rien faire.
Une raison analogue existe pour le trimestre de juillet
qui est celui où les jeunes gens, dispensés de l’assiduité
à divers titres, en cours d’étude, règlent en bloc leurs
quatre inscriptions au moment de subir l’examen.
Un décret récent a heureusement mis un terme à l’a
bus des inscriptions cumulatives du mois de novembre.
La Faculté verrait sans peine diminuer le nombre des
dispensés de l’assiduité.
Faculté des Lettres. — Les conférences préparatoires
«à la licence et à l’agrégation ont été suivies par 35 étu
diants, savoir :
Maîtres auxiliaires.................... 4
Maîtres répétiteurs................... 12
Professeurs en congé................... 2
Professeurs d’école normale... 3
Etudiants libres........................... 8
Boursiers de l’Etat....................... 5
Boursier du département.......... 1
�Ces étudiants ont remis en moyenne 100 devoirs par
mois. Ce sont, on le voit, des auditeurs laborieux.
Divers ont sollicité le concours de MM. les professeurs en envoyant par correspondance des devoirs à
corriger :
Professeurs de lycée.......................... 4
» de collège...................... 5
Maîtresses de lycée de jeunes filles. 3
Maîtres répétiteurs.......................... 15
Total........ 27
Faculté des Sciences. — Les conférences préparatoires à la licence et à l'agrégation ont été régulièrement suivies par 55 étudiants, chiffre qui se décompose
ainsi :
Boursiers de licence........................... 13
» d'agrégation.................... 3
Professeurs de l'Académie.............. 4
Maîtres auxiliaires............................ 4
Maîtres répétiteurs.......................... 16
Etudiants libres................................ 15
Pour l’agrégation, quatre appartiennent aux mathé
matiques, un à la physique, un à l’histoire naturelle.
Pour la licence, douze appartiennent aux mathémati
ques, vingt-deux à la physique, quinze à l'histoire natu
relle (1).
Ecole de Médecine. — Le nombre des inscriptions
prises à l’Ecole de plein exercice de médecine et de
Pharmacie a été de 083 pendant l'année scolaire 1888(1) Voir le tableau dans le rapportée M. le doyen de la Faculté
des Sciences.
1889, ce qui, à quatre inscriptions par tète, donne un
chiffre de 170 étudiants.
On voit par les détails qui précèdent, que le chiffre
de la population scolaire, officiellement inscrite dans
nos divers établissements d’enseignement supérieur est
assez satisfaisant. Ajoutons que de nombreux auditeurs
volontaires se pressent autour de la chaire du profes
seur, à la Faculté des Lettres, à la Faculté des Sciences,
dans les cours professés à Marseille par les professeurs
de la Faculté de Droit et des Lettres.
De même à l'Ecole de Médecine, il faut ajouter au
chiffre des étudiants inscrits sur les registres, celui des
étudiants ajournés aux examens et qui pour cela ne peu
vent pas continuer à prendre d’inscriptions, et ceux qui,
ayant déjà toutes les inscriptions, sont internes dans les
hôpitaux.
§ II. — Etat du matériel mis à la disposition des professeurs.
Faculté cle Droit. — Le rapport de M. le doyen de
la Faculté de Droit est muet sur ce point. Les locaux
sont convenables, la bibliothèque offre des ressources
abondantes aux maîtres et aux étudiants. On l’enrichit
chaque année, en proportion des fonds disponibles, par
un choix judicieusement fait des meilleurs ouvrages sur
les matières du programme.
Faculté des Lettres. — Les mêmes observations
peuvent s’appliquer à la Faculté des Lettres. M. le
doyen n'exhale aucune plainte à ce sujet. Nous devons
même constater avec lui, ajoutons avec une grande sa
tisfaction, que la collection archéologique, organisée
l’an dernier avec tant de soin et de méthode, sous la di
�rection du Conseil de la Faculté, par le maître des con
férences d'histoire ancienne, M. Clerc, s’est notable
ment accrue. Le nombre des photographies a été porté
de 680 à 819. Les ouvrages à planches, les catalogues
de musées, les livres de vulgarisation destinés aux étu
diants ont été doublés et s’élèvent à 43. La Faculté a
acquis 116 clichés pour projections lumineuses, et vingt
beaux moulages de bas-reliefs antiques, parmi lesquels
il faut citer la frise du Parthénon et les Métopes d'Olympie. M. Clerc, (pii a étudié, cette année, la sculpture
grecque archaïque, a trouvé dans cette collection des
moyens de démonstration, qui ont sigulièrement facilité
sa tâche.
Faculté des sciences et Ecole de médecine. — La
Faculté des sciences et l’Ecole de médecine à Marseille
sont moins bien partagées sous le rapport des locaux.
C'est a ce point que les professeurs ne peuvent pas
faire rendre à un outillage relativement assez complet,
tout ce qu'il pourrait produire avec une installation
plus spacieuse et plus commode. On y vit d’espérances,
qui tardent trop à se réaliser, au grand détriment d'une
partie très importante de l’enseignement supérieur.
§ IIL — Hésultats des diverses épreuves probatoires.
Facilité de Droit. — À la Faculté de Droit sur 588
candidats examinés, 487 ont été admis et 101 ajournés,
ce qui donne une proportion de 17 0/0 pour les ajour
nements.
Voici le résultat général pour les notes obtenues :
Admis avec éloges........................................ 28
Admis avec majorité ou égalité de boules
blanches........................................................... 129
Admis avec minorité de boules blanches... 330 (1)
L’ensemble de ces chiffres est satisfaisant. La Faculté
se maintient à un bon niveau. Si le Professeur, chargé
de rendre compte du concours annuel pour les prix, a
pu légitimement exprimer quelques regrets de voir ces
épreuves désertées par un trop grand nombre d’étu
diants, il a eu la satisfaction de trouver, dans les mé
moires de ceux qui y ont participé, des preuves d’études
sérieuses et bien nourries. Mais le résultat le plus flat
teur est la nomination de M. Henri Belin, le fils de
notre honorable recteur, qui, aux deux prix de la Fa
culté d’Aix, a ajouté la 3e mention obtenue au concours
général entre toutes les Facultés de Droit de France,
auquel participent les élèves de 3e année.
M. le Doyen de la Faculté de Droit renouvelle un
vœu ayant pour objet de modifier les examens on
substituant un examen unique au double examen.
Faculté des Lettres et Faculté des Sciences. — Les
professeurs de la Faculté des Lettres et de la Faculté
des sciences font subir diverses épreuves qui. sans
rapport direct avec leur enseignement, sont le contrôle
des études de l’enseignement secondaire. Je veux parler
des divers baccalauréats.
Les élèves inscrits au baccalauréat devant la Faculté
des Lettres pour les diverses sessions atteignent le
nombre de 933, dont 444 ont été ajournés à la compo(1) Voir pour les détails le rapport de M. le Doyen île la Faculté
de Droit.
�sition et 90 à l’examen oral. Parmi ceux qui ont été
définitivement admis, il y a eu 25 mentions bien, 54
assez bien et 320 passables.
La proportion des admissions a été : de 38 et 40 0/0
pour la première partie; de 44 et 54 0/0 pour la 2epartie;
de 54 0/0 à la session spéciale de mars pour les élèves
de philosophie précédemment ajournés.
Le nombre des candidats à la Faculté des Sciences a
été de 389 pour le baccalauréat ès-sciences complet,
de 98 pour le baccalauréat ès-sciences restreint et de
2 pour le baccalauréat complémentaire.
Parmi les admis il y a eu 2 mentions très bien, 21
bien, 34 assez bien, 150 passable.
La proportion des admissions a été de 39 0/0 pour le
baccalauréat complet, de 50 0/0 pour le baccalauréat
restreint, de 50 0/0 pour le baccalauréat complémen
taire.
C'est aux épreuves de la licence qu’il faut demander
les résultats de renseignement particulier des Facultés
des Lettres et des Sciences.
Faculté des Lettres. — Examen de licence. — Ses
sion du 26 novembre 1888.
Dans cette session 13 candidats se sont présentés :
Pour les lettres..........___ 9
2
Pour la philosophie.. ,
2
Pour l’histoire............
Deux seulement ont été reçus : M. Laune, ancien
boursier de la Faculté pour les lett res ; M. Goutte, professeur au Collège de Seyne, pour l’histoire. Ils n’ont
pu atteindre la mention assez bien, parce qu'ils ne pos
sédaient pas suffisamment la langue vivante pour four
nir de bonnes réponses sur cette partie.
- 3$ Session du mois de juillet 1889. — 17 candidats ont
pris part à la composition écrite. Cette épreuve a été
faible, surtout pour le thème grec. Quatre candidats
ont été déclarés admissibles à l’examen oral ; ils n’ont
obtenu pour l'ensemble que la mention passable.
Parmi les admis définitivement il y en a eu : 2 pour
les lettres, 1 pour la philosophie, 1 pour l'histoire.
Ajoutons que Fun des auditeurs des conférences,
M. Bertrand, professeur au Lycée d’Aix, a été reçu,
dans un bon rang, agrégé des lettres ; et qu’un autre,
M. Gistucci, ancien boursier de la Faculté, a obtenu
une honorable admissibilité.
Faculté des Sciences. — La Faculté des Sciences a
eu deux des jeunes gens, qui suivaient les conférences
préparatoires à la licence et à l’agrégation 1reçus, au
mois d’août 1889, agrégés pour l’enseignement secon
daire ; l'un pour les sciences naturelles (n° 4), l'autre
pour les sciences physiques (n°3); tous les deux, comme
on voit, dans un très bon rang ; un troisième a été
déclaré admissible au concours pour l’agrégation ma
thématique de renseignement secondaire.
Examen de licence. — Dans les 2 sessions de no
vembre 1888 et juillet 1889, 36 candidats ont subi les
épreuves ; 17 ont été définitivement admis, dont 5 avec
la mention bien. Sur ces 17 admis, il y en a 6 pour les
mathématiques, 8 pour la physique, 3 pour les sciences
naturelles.
Ecole de plein exercice de médecine et de phar
macie. — Dans les diverses sessions dlexamen à l'Ecole
de Médecine, y compris celle de novembre 1889, le
nombre tics candidats s'est élevé à 348. Deux-centtrente-huit ont été admis ; cent-dix ont été ajournés.
�— io —
Parmi les admis, 4 ont obtenu la mention très bien,
34 la mention bien, 60 la mention assez bien et 140 la
mention passable.
La proportion des admissions est de 68,38 0/0.
Aux examens du doctorat : pour le premier examen
la proportion des admissions a été de 42 0/0.
Pour le second. iro partie, elle a été de 66 0/0.
Id
2° partie, elle a été de 100 0/0.
Les examens du doctorat ont lieu devant un jury
composé des professeurs de la Faculté de Montpellier.
Pour ceux de l'ofliciat de santé, il y a eu :
Au lur examen, en avril, 100 0/0 d’admissions
en août, 16,6 0/0
id. (i)
Au 2e examen, en avril, 66 0/0
id.
en août, 100 0/0
id.
Au 3° examen, en avril, 100 0/0
id.
en août, 100 0/0
id.
Pour les pharmaciens de 2'“ classe, la proportion des
admissions a été :
Session de novembre 1889, au 1er examen, de 60 0/0
au 2e » de 100 0/0
au 3e, l rc partie, 72,7 0/0
2" partie, 87.5 0/0
§ IV. — Considérations générales.
Le rapide examen que nous venons de faire nous
montre qu’à l’Académie d’Aix, dans nos établissements
d’enseignement supérieur, la vie universitaire a une*
certaine activité.
A la Faculté de Droit le chiffre des inscriptions se
(1^ Cette faible proportion est due à l’introduction d’une épreuve
pratique de dissection, à laquelle les candidats ne s’attendaient
pas.
Hmaintient, à peu de chose près, au même niveau. Il
était de 867 en 1887-88. Il a été de 861 en 1888-1889 ;
mais les inscriptions pour le doctorat ont presque dou
blé en 1888-1889. En effet, la proportion est de 36 cette
année contre 19 en 1887-1888.
La Faculté des Lettres a eu 8 étudiants libres et la
Faculté des Sciences 15. Ces deux centres sont surtout
utiles pour le corps des professeurs de nos Lycées, qui
aspirent en arriver à l’enseignement supérieur.
L’Ecole de Médecine nous offre une progression
croissante de ses inscriptions ; l’état stationnaire du
chiffre des officiers de santé et l’augmentation du chiffre
des aspirants au doctorat et au titre de pharmacien de
lre classe.
Si l’action littéraire et scientifique ne s’est, pas faite
sentir davantage dans les masses, la faute en est ni aux
programmes ni aux maîtres.
En elfet, l’annuaire qui contient les programmes des
cours ne laisse aucun doute sur l’attrait et l’importance
des sujets développés dans les leçons. Dans celles-ci les
professeurs mettent au service de leurs auditeurs une
science étendue et de brillantes qualités d’exposition.
Ils remplissent toujours leur tache avec zèle et dévoue
ment. Ils donnent l’exemple d'un travail incessant
qu’attestent des publications estimées, dont plusieurs
ont eu à diverses époques les honneurs des couronnes
académiques.
Pour l'année courante :
M. le Doyen de la Faculté de Droit a signalé dans
son rapport une intéressante publication de M. le pro
fesseur Lacoste sur la loi du 28 mars 1885, relative
aux marchés à terme.
3
�M. Bizos, doyen do la Faculté des Lettres, donne le
relevé des nombreux travaux de ses collègues :
De M. Joret. — Une étude sur le voyageur Tavernier, publiée dans la Bévue de géographie ; un rapport
sur une mission en Allemagne, publiée dans les Archi
ves des missions.
De M. Joret. — Divers articles publiés dans la
Revue critique et la Romania.
Un travail sur les bureaux de charité au dix-septième
siècle, publié dans les Annales du. Midi.
De M. Constans. — Différents articles de bibliogra
phie, publiés dans la Revue des Langues romanes, et
un travail sur le manuscrit du Roman de Troie de la
bibliothèque ambroisienne de Milan.
De M. Joyau. — Plusieurs études bibliographiques
insérées dans les Annales de la Faculté de Poitiers, et
un travail sur les théories de la grâce et de la liberté
morale de l'homme (encore sous presse).
De M. Bizos. — Une étude intitulée : les Bégaie
ments du théâtre romantique, Alexandre Guiraud,
publiée dans la Revue de l’A rt dramatique.
Une étude sur André Chenier, auteur dramatique.
Une étude sur les œuvres militantes d'AndréChenier
(publiée dans la Révolution française du 19 juin 1889b
La Faculté des sciences n’a pas été moins féconde.
Voici l’énumération des travaux de MM. les Profes
seurs :
M. Sauvage.— Mémoire sur les solutions régulières
d’un système d’équations différentielles linéaires (pu
blié dans les Annales de l’Ecole normale supérieure,
janvier 1889).
M. Stéphan. — Observations à l’observatoire et tra
vaux sur les nébuleuses.
M. Macé de Lépinav. — Travail en collaboration
avec M. Perot sur une reproduction artificielle du mi
rage et sur les franges d’interférence qui peuvent
accompagner ce phénomène. (Compte rendu de l’Aca
démie des sciences, 1889.)
Étude sur les franges d’interférence, produite par
des sources lumineuses étendues. (Compte rendu de
VAcadémie des sciences, juillet 1889.)
M. Perot. — En collaboration avec M. Macé ci-dessus
indiqué.
M. Duvillier. — 3 notes.
1° Action de la triéthylamine sur l'éther bromo-butyrique (pu
bliée dans le Bulletin de la Société chimique de Paris, 3" série,
t. II).
2” Action de la triéthylamine sur l’éther bromo-propionique
(publiée dans le même recueil, t. II).
3* Acide diéthylamido et propionique (publié dans le compte
rendu, t. IX. page 149).
M.Vasseur. — Publication des sept dernières feuilles
de la carte géologique de la France, dressée à l’échelle
de 1/500,000, avec la collaboration de M. Cavez, a
obtenu une médaille d’or à l’Exposition universelle.
M. Heckel. — Une monographie complète de la
famille des Globulariées. (Mémoire récompensé au con
cours du prix Barbier à l’Académie de médecine de
Paris.)
Travaux de matière médicale en collaboration avec
M. Schlachdenhauffen (ont obtenu une médaille d’or à
l’Exposition universelle de 1889).
M. Marion. — Travaux sur le régime des sardines,
du maquereau et de l’anchois sur les côtes Méditer
ranéennes. (Mémoire présenté à l’Académie.) Il sera
inséré dans le 3me volume des Annales du laboratoire
de zoologie marine, actuellement sous presse.
�M. E. Jourdan. — l n volume contenant Yétude des
sens chez les animaux inférieurs (pour la bibliothèque
scientifique contemporaine de J.-B. Baillère).
M. Yayssière. — Le quatrième et dernier fascicule de
Yatlas d’anatomie comparée des invertébrés. (O.Doin,
Paris.)
Monographie anatomique du genre prosopistoma.
M. Reboul. — Recherches sur certaines isoméries
dans la série butylique (en continuation).
Voici maintenant les travaux de MM. les Professeurs
de l’école de plein exercice:
M. Pirondi. — 1° De la naupathie et de son traite
ment. (Voir Marseille médical.)
2° Nouveau coup d’épée dans l’eau à propos d’hy
giène. (Voir Marseille médical.)
M. Rampai et M. Roux, de Brignoles. — Compte
rendu des travaux des conseils d’hygiène et de salu
brité du département des Bouches-du-Rhône pendant
l’année 1888 (en collaboration).
M. Heckel. — 1° Monographie des globulariées (déjà
mentionné) ;
2° Travail sur les oléo-germino-résines des Araucarias ;
3° Etude de quelques végétaux nouveaux et utiles de
l’Afrique tropicale.
M. E. Jourdan. — Etude des sens sur les animaux
inférieurs (déjà mentionné).
M. Villeneuve. — 1° Quelques faits pour servir à
l’histoire des injections du suc testiculaire (publiés dans
le Marseille médical) ;
2° Statistique des opérations pratiquées à la clinique
de chirurgie [Mémoire présenté à la Société de chi
rurgie de Paris, 13 novembre 1889b
M. Rietsch. — 1° Note ^ur un nouveau bacille pyo
gène trouvé chez les individus atteints de l’ulcère de
l’yemen (publiée dans le compte rendu de l’Académie
des sciences, 6 août 1889, en collaboration avec M. le
docteur du Bourguet) ;
2° Divers travaux de laboratoires, faits au labora
toire de bactériologie avec :
A. MM. Roux et Reynès, étudiants en médecine,
sur une nouvelle méthode de désinfection des mains du
chirurgien. (Voir compte rendu de l’Académie des
sciences, 26 novembre 1888) ;
B. M. Bossano, étudiant en médecine, origine tellu
rique du tétanos (voir compte rendu de l’Académie des
sciences du 31 décembre 1888 et la Revue de médecine
de février 1889) ;
C. M. Gassedebat, médecin-major. — Contribution à
l’étude de la pleurésie purulente (voir compte rendu de
la Société de Biologie, 2 août 1889) ;
D. M. Vizerne, ancien préparateur à l’école. — Etude
sur les variations spontanées des éléments dosables du
lait, thèse présentée pour l'obtention du grade de phar
macien de i ro classe, 1889;
E. M. Goreil, préparateur.— Falsifications des pâtes
alimentaires (publié dans les Annales d’hygiène, fé
vrier 1889).
M. N’epveu. — Étude des parasites dans le palu
disme, leurs variétés, leurs effets sur le sang, leurs
origines. ( Mémoire lu au congrès de l'Association
française pour Pavancement des sciences, 1889.)
M. Fallût. — 1° Étude sur l'encephale des criminels
(voir Revue d ’anthropologie criminelle, Lyon 1889) ;
2° Recherches sur l'indice céphalique de la population
corse (voir Revue d'anthropologie, Paris 1889 ;
�46
—
3° Recherches sur l'indice céphalique de la population
provençale (voir Revue d'anthropologie, Paris 1889).
M. Gourret. — 1° Etude sur les podothalmes du golfe
de Marseille (voir Annales du Musée d ’histoire natu
relle) ;
2° Etude sur le crétacé du massif d’Allauch et de
Garlaban (voir Bulletin de la Société géologique de
Bruxelles) ;
3° Etude du tertiaire marin de Carry (voir Bulletin
de la Société géologique de France) ;
4° Note sur les entomostracés (voir archives de bio
logie.
M. Roux fils, de Brignoles. — De l'emploi de l’iodoforme dans le traitement des métrites (voir Annales de
gynécologie, juin 1889).
11 nous reste à parler de quelques modifications sur
venues projetées ou nécessaires dans l’enseignement
supérieur.
M. le doyen de la Faculté de droit, en parlant de la
suppression de l’inspectorat, dit que cette mesure est
infiniment regrettable et qu’il en constate chaque jour
les inconvénients. Il signale la création d’un cours com
plémentaire de droit international public qui a été confié
à M. Bouvier Bangilon, professeur de procédure crimi
nelle. Il donne d’intéressants renseignements sur les
tendances nouvelles, qui font que les facultés de droit
se transforment de plus en plus en écoles des sciences
sociales ou politiques au lieu de rester, comme en prin
cipe, écoles professionnelles destinées à préparer des
hommes d’affaires. Il considère, avec les meilleurs
esprits, comme une chimère, de vouloir fondre en une
science unique, sous le nom de sociologie, un grand
—
47
—
nombre d’études diverses telles que : le droit constitu
tionnel, le droit international privé et public, le droit
comparé, l’histoire du droit, l’économie politique, le
droit industriel, la science des finances, qui se sont peu
à peu juxtaposées à l’enseignement du droit primitif
purement professionnel. Bien que le droit soit à propre
ment parler la vraie science sociale, le temps n’est pas
encore venu de tenter une pareille synthèse.Mieux vaut,
pendant longtemps encore, se borner à apporter des
matériaux à pied d’œuvre, essayer tout au plus des
synthèses partielles, en mettant en lumière les rap
ports les plus saisissants par lesquels telle science
sociale se rattache à telle autre.
En effet cette transformation ne peut s’opérer
qu’après bien des modifications dans l’organisation
de l’enseignement, dans les arrangements intérieurs,
et le recrutement du personnel : pour donner place à
de nouveaux enseignements, il faut ou augmenter la
durée des études ou restreindre quelques-uns de ceux
qui sont établis, ce qui ne devra se faire qu’avec beau
coup de discernement.
En principe on a admis une distinction entre les
enseignements annuels et les enseignements semes
triels.
En pratique les seules modifications opérées sont les
suivantes qui ne portent que sur la première année.
1° Le cours d’histoire du droit français devient semes
triel. Le second semestre est réservé à un cours élé
mentaire de droit constitutionnel, qui n’est en réalité
qu'une continuation du premier.
2° Le cours d’économie politique passe en lre année,
au lieu et place du cours de droit criminel qui entre dans
le programme des études de 2e année.
�-
48
—
Dans la Faculté des Lettres, M. Bizos a été de nou
veau désigné pour remplir les fonctions de doyen et
confirmé par M. le ministre. M. Rigal a été forcé par la
maladie de suspendre son enseignement. Les regrets,
les vœux et les sympathies de ses collègues Font suivi
dans sa retraite temporaire. M. Agabriel, appelé, avec
avancement bien mérité, au lycée de Versailles, sera
remplacé pour le cours complémentaire de géographie
par M. Girbal, agrégé d'histoire, qui saura se montrer
digne de son devancier.
Ces modifications de personnel ne troublent en au
cune manière la marche de l’enseignement.
Mais la suppression d'un cours a une toute autre
portée. Aussi est-ce avec la plus grande peine que
nous consignons ici. tout en l'acceptant avec le respect
dû à l'autorité dont la décision l’a rendue nécessaire, la
suspension du cours de langue et de littérature proven
çales, dont nous avions accueilli, Lan dernier, la créa
tion avec tant de bonheur.
M. le doyen de la Faculté des Sciences constate que
le projet de construction d’un nouveau local n'a pas fait
un pas, et insiste pour que cette situation précaire cesse
bientôt. 11voudrait aussi voir augmenter le crédit affecté
aux collections et aux cours, parce que tel qu’il est, il se
trouve tout à fait insuffisant. Il désirerait enfin que
l’Etat fit des envois plus fréquents, à la bibliothèque
universitaire, des revues et ouvrages scientifiques dont
il dispose et qu'il adresse aux bibliothèques des villes,
qui pourtant lui tiennent de moins près.
L’Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharma
cie a subi pendant l’année classique une perte bien re
grettable, qui a excité d’unanimes regrets, en la per-
—
49
-
sonne deM. Roustan, professeur de pharmacie. M. Do
mergue, suppléant des chaires de pharmacie et de ma
tière médicale a été délégué pour le remplacer avec le
titre de chargé de cours.
Deux places vacantes de suppléants ont été attri
buées l’une, en chirurgie, à M. Roux de Brignoles fils,
l’autre, en médecine, à M. Laplane. Ces deux succès,
obtenus au concours, devant la Faculté de Montpellier,
par de brillantes épreuves font grand honneur à l’Ecole
de Marseille où les deux lauréats ont fait leurs études.
La médaille d’or, obtenue à l’Exposition universelle
par M. Heckel pour sa collection de substances de ma
tière médicale qu'il a donné depuis à l'Ecole, récom
pense le travail de ce professeur et honore les institu
tions auxquelles il appartient.
La ville a cédé à l'Ecole de Médecine les anciens lo
caux du laboratoire municipal, dans lesquels sont dé
sormais installés un laboratoire pour l'histologie et un
autre pour l’anatomie pathologique. Ces locaux sont un
peu éloignés du local principal ; l’éclairage laisse à dé
sirer. Malgré les desiderata, et parce qu’ils comblent
une lacune regrettable de deux de nos cours pratiques
qui figurent parmi les plus utiles, de légitimes remer
ciements reviennent à la municipalité et nous sommes
heureux de les lui adresser.
L’étude attentive des besoins d’une instruction médi
co-chirurgicale essentiellement pratique a fait adopter
au Conseil de l’Ecole diverses modifications qui ont été
proposées par les professeurs dans les diverses bran
ches de l’enseignement.
En anatomie des dispositions ont été prises pour dé
velopper les études pratiques par les dissections, né-
�gligées des élèves , qui prétendaient n’avoir pas le
temps de s’y livrer. En combinant les leçons techniques
d'une certaine façon, tous les élèves pourront désormais
avoir trois fois par semaine une après-midi entière à
consacrer aux travaux de l'amphithéâtre. Ceux-ci ne
seront plus livrés au caprice de l’élève. On désignera à
chacun la préparation qu'il doit faire. Celle-ci s’accom
plira sous la surveillance et la direction du chef des
travaux anatomiques, du prosecteur, ou d'un aide d’ana
tomie, qui, sur la préparation terminée, feront une
courte démonstration ou la feront faire à l’élève. Quand
l'élève aura acquis assez d'habitude pour se livrer seul
aux dissections il pourra, à son gré, et suivant les be
soins de ses études particulières, faire des préparations
de son choix.
Dès l’ouverture de l'Ecole, en novembre, le chef des
travaux anatomiques et le prosecteur feront concurrem
ment des conférences sur l'ostéologie et aucun élève ne
sera admis à disséquer s’il ne justifie, dans un examen
particulier, qu’il possède les connaissances d’ostéologie
indispensables.
Les leçons techniques se divisent en leçons pour
les élèves de 2° année et en leçons pour les élèves de
3e année. La présence à chacun de ces cours est obliga
toire pour tous les élèves de l’année correspondante. Il
u'est interdit à aucun élève d’assister aux deux cours,
quand il le peut sans négliger une partie de ce qui est
spécialement obligatoire.
Tout est combiné de façon que l’anatomie entière est
démontrée pendant l’année classique.
Le stage, c’est-à-dire la présence aux services de
clinique médicale et chirurgicale, constituant le meilleur
— 51 —
moyen d'acquérir une instruction pratique, est obliga
toire d’après les règlements, mais il est souvent négligé.
L’Ecole a décidé de le rendre rigoureusement effectif ;
il sera donc très surveillé.
L'Ecole a complété cette sage mesure en donnant
aux chefs de clinique la mission d’exercer les élèves à
l’examen des malades par l’interrogation, par l’auscul
tation et en général par l'emploi de tous les moyens
scientifiques connus.
Pour donner aux étudiants des connaissances sûres
en obstétrique, l'Ecole a décidé de les appeler, à tour
de rôle, à participer aux manœuvres de l’accouchement
en assistant à la maternité des femmes en travail. Cet
appel aura lieu au moment opportun, et l’élève appelé
ne devra plus quitter la maternité jusqu’à la lin de
l’accouchement.
Diverses mesures ont aussi été arrêtées pour que les
travaux pratiques, obligatoires pour les étudiants en
pharmacie, soient régulièrement suivis et accomplis.
Afin d’assurer la réussite de ces divers moyens et
d'exciter l’émulation pour les travaux pratiques, con
formément à un vœu formulé, l'Ecole a décidé, en prin
cipe, de rechercher le moyen de distribuer des prix pour
les travaux pratiques, comme elle en distribue déjà
pour les cours techniques.
Les élèves, qui ont subi aux examens un ajournement
définitif, voyaient, jusqu’à ce jour, leur scolarité sus
pendue, ce qui était fâcheux. L'Ecole a décidé que non
seulement ils seraient admis aux leçons mais astreints,
comme leurs camarades, à l’assiduité, au stage et aux
travaux pratiques de l’amphithéâtre, c'est-à-dire à tous
les exercices qui ne comportent pas une redevance pécu-
�niaire règlementaire. De plus, un bulletin sera adressé
aux parents pour les initier à la manière dont les jeunes
gens emploient leur temps pour leur instruction.
Les soins que les professeurs de l'Ecole ont mis à
rechercher les meilleurs moyens de lutter contre l’indifierence, la paresse ou la légèreté naturelles à' la
jeunesse, leur ont montré combien est regrettable la
suppression des examens de fin d’année pour les aspi
rants au doctorat. L’examen était le contrôle de l’assi
duité : c’était la seule sanction dont pouvait disposer
le professeur. Il en est de même pour les examens dé
finitifs. Dans la répartition nouvelle, chaque examen
est, en cours d’étude, l’objet d’une préparation parti
culière faite hâtivement à coups de manuel, et aussitôt
oubliée. 11 n’y a plus cette solide instruction générale,
qui était indispensable à l’époque où les examens,
n’étant subis qu’à la fin de la scolarité, on devait à ce
moment être prêt à répondre sur toutes les matières
vues en cours d’études. Il fallait nécessairement se
tenir toujours en haleine.
Aussi l’Ecole de plein exercice de Marseille n’hésite
pas à formuler un vœu pour qu’on revienne à l’ancienne
organisation.
On sait par quelles phases est passé le projet de
l’érection d’une faculté de médecine à Marseille. Cet
établissement de première nécessité manque à la grande
ville, qui en a un si pressant besoin pour ses hôpitaux.
Son absence se fait sentir dans la région méridionale
environnante ; la France entière perd aussi une excel
lente occasion d’exercer, à l’aide de l’enseignement de
la médecine, une influence heureuse sur les peuples
avec lesquels la reine de la Méditerranée entretient
des rapports commerciaux très suivis. Espérons que
nos doléances finiront par triompher de tous les obs
tacles.
TRAVAUX DU CONSEIL GÉNÉRAL DES FACULTÉS
Le Conseil général des Facultés, dont la composition
est restée la même, a tenu cinq séances pendant l’année
classique 1888-1889 : le 31 octobre et le 13 décembre
1888; le 12 février, 4 juin et 22 juillet 1889.
Dans les séances du 31 octobre et 13 décembre parmi
les affaires ordinaires ont figuré : divers rapports sur
les dispenses des droits d’inscriptions en 1887, sur la
répartition de ces mêmes dispenses en 1888 ; sur la ré
partition pour l’année 1888-1889 des crédits affectés
aux divers services communs; l’examen des projets de
budgets des établissements d’enseignement supérieur.
Les divers budgets ont été approuvés. La seule mo
dification, qui ait été faite, a porté sur l’addition aux
crédits alloués au Conseil général des Facultés d’une
somme de 250 francs empruntée au chapitre : chauffage
et éclairage de ces établissements.
Dans son rapport M. le doyen de la Faculté de Droit
avait demandé une augmentation des traitements de
quelques professeurs, mais, comme aux termes de la
circulaire du 27 février 1887,1e Conseil des Facultés
n’a pas qualité pour délibérer sur ce point, la demande
a été transformée en vœu.
C’est aussi à titre de vœu que le Conseil a admis di
verses propositions de M. Reboul, doyen de la Faculté
des Sciences, ayant pour objet de faire élever le trai
tement :
�01 —
1" De M. Pauchori, chargé d'un cours complémen
taire de botanique ;
2° De M. Vayssière, maître de conférences d’anato
mie au laboratoire de zoologie marine d’Endoume an
nexé à la Faculté des Sciences.
3° Des employés de service.
Et aussi celle de M. Bizos, doyen de la Faculté des
Lettres, pour élever le traitement de l'appariteur.
Conformément à la proposition de M. le directeur de
l'Ecole de Médecine et de Pharmacie de Marseille le
Conseil des facultés a émis l’avis qu’il y avait lieu d’ap
prouver le budget de cette Ecole tel qu’il avait été fixé
par le Conseil municipal et adopté par le Conseil aca
démique. Il s’est, aussi montré favorable à l'indemnité
de logement qui était sollicitée par le directeur de la
même Ecole en faveur de M. Vigneau, secrétaire et
bibliothécaire, dont les appartements ont été convertis
en laboratoires. Cet employé compte douze ans de bons
services. Le Conseil académique avait déjà émis un
avis conforme,
Quelques modifications apportées à l’enseignement
ont reçu dans ces deux séances l’approbation du Con
seil des Facultés ; à savoir :
La création d'un cours complémentaire d'archéologie
et d'une conférenee de littérature latine ;
La suppression des conférences de littérature fran
çaise ;
La création en principe d’un cours d’histoire de la
langue et delà littérature provençales.
Sur la proposition qui lui a ôté soumise par M. le Di
recteur de l’Ecole de Médecine de Marseille le Conseil
des facultés a décidé que la distinction, établie dans
—
55
—
l’enseignement de la chimie, entre la chimie inorganique
et la chimie organique, étant adoptée, la chimie inor
ganique formant la première partie devait être exposée
pendant le premier semestre, et la chimie organique
formant la deuxième partie, devait figurer dans le se
cond semestre (séance du 31 octobre).
Dans la séance du 13 décembre M. Bizos, doyen de
la Faculté des Lettres, a soulevé une question intéres
sante qu'il a ainsi formulée :
Attendu qu'il n'y a rien de plus décourageant, de
plus gênant pour les professeurs, que la présence sur
les bancs d’auditeurs, qui y sont depuis des années et
qui restent toujours loin de l’examen, soit faute de tra
vail, soit faute de dispositions naturelles ;
Attendu que quelquefois les maîtres, répétiteurs des
lycées situés auprès d'une Faculté, qui sont dans la ca
tégorie d'auditeurs sus-visée, occupent sans profit des
places qui seraient si utiles à d’autres, qui les rece
vraient avec reconnaissance et les occuperaient comme
il convient :
Il y a lieu d’émettre le vœu :
Que l’administration supérieure transfère dans d'au
tres lycées, sans donner à cette mesure le caractère
d'une disgrâce, tous les maîtres répétiteurs qui, placés
dans les lycées des villes où il y a une Faculté, n’auront
pas, après trois ans de présence aux conférences pro
fessées à ladite Faculté, conquis le grade de la licence.
M. Reboul, doyen de la Faculté des Sciences, s'as
socie pour les sciences, au vœu de son collègue des
lettres.
M. (3uibal pense qu'on pourrait faire une exception
en faveur des candidats qui. n'ayant pas obtenu le
�grade de la licence, auraient pourtant été déclarés ad
missibles.
M. Stéphan croit que la proposition doit être adoptée
dans les termes où elle a été posée, en laissant à la
Faculté de laquelle ressortissent les candidats le soin,
si elle est consultée, d’émettre un vœu favorable aux
candidats malheureux.
M. le Recteur déclare être disposé, sauf les besoins
du service, à mettre en pratique les idées exprimées
par M. le doyen de la Faculté des Lettres et ses collè
gues du Conseil, en se basant sur les renseignements
qui lui seront fournis par MM. les doyens dans chaque
Faculté.
Dans la séance du 13 décembre M. Guibal, qui avait
été chargé, le 31 octobre à titre de rapporteur général,
de faire un rapport sur la situation des établissements
d’enseignement supérieur dans le ressort de l'Acadé
mie, donne lecture de son travail sur ce sujet. Il est
adopté sans modifications et à l’unanimité.
Le 12 février 1889 M. le Recteur fait connaître le ré
sultat des élections pour le renouvellement du Conseil
des Facultés. Tous les membres sortants ont été de
nouveau choisis. Les élections n’ont donné lieu à au
cune protestation.
M. Reboul est élu vice-président et M. Constans se
crétaire.
M. Heckel s'est fait excuser de ne pouvoir assistera
la réunion.
M. Reboul soumet au Conseil des Facultés la de
mande que, par lettre, M. Leverrier, ingénieur en chef
des mines à Marseille, a faite pour être autorisé à don
ner' à la Faculté des Sciences des conférences sur la
— 51 —
pétrographie, en se conformant aux règlements en vi
gueur. Après avoir pris connaissance du règlement des
cours libres, du 29 janvier 1886, conforme à celui de
l’Académie de Paris, le Conseil donne un avis favorable
à cette demande.
A la réunion du 4 juin 1889, après la lecture du pro
cès-verbal de la précédente séance, MM. Stéphan et
Heckel constatent le succès des conférences de M. Le
verrier. L’étude des roches, qui y est faite avec le mi
croscope, rend de grands services aux candidats à la
licence.
Le Conseil examine et approuve le compte adminis
tratif de MM. les doyens des Facultés et de M. le direc
teur de l’Ecole de tplein exercice de Médecine et de
Pharmacie.
Il se prononce pour le maintien de la 2e chaire de
droit romain, avis conforme à la délibération de la Fa
culté de Droit, qui est basée sur l’importance du droit
romain au point de vue de l’histoire du droit.
Le décret du 31 mars 1887, par son article lor, donne
aux étudiants la faculté d’acquitter on un seul verse
ment de 120 francs le droit d'inscription pour l’année
entière. Consulté sur le maintien ou la suppression de
cet article le Conseil de la Faculté de Droit s'est, pro
noncé pour la suppression, en vue de rendre les étu
diants plus assidus.
Le Conseil des Facultés, après quelques observations
de MM. Laurin et Gautier qui font ressortir qu'exceptionnellement il pourrait être nécessaire d’accorder
cette faveur, notamment à des étrangers, à cause de
leur éloignement, se prononce dans le sens de la Fa
culté de Droit, en laissant à celle-ci le soin d’être juge.
4
�dans la pratique, des cas particuliers où il y aurait
lieu de tenir compte des observations de MM. Laurin
et Gautier.
M. Heckel appelle l’attention du Conseil sur la situa
tion de la suppléance des chaires de pharmacie et de
matière médicale à l’Ecole de Médecine à .Marseille
depuis la mort de M. Roustan, professeur de phar
macie.
M. Domergue a recueilli sa succession avec le titre
de chargé de cours. Or, M. Domergue était suppléant
des chaires de matière médicale et de pharmacie. Donc
il n'existe plus de suppléant pour ces chaires, et si l’un
ou l’autre des professeurs qui y sont attachés venait à
être malade, l'enseignement serait forcément suspendu.
Dans ces conditions il devient urgent de mettre au
concours la suppléance des chaires de matière médicale
et de pharmacie. Il y a un précédent analogue qui s’est
produit à l'Ecole de Nantes à la mort de M. Herbelin.
Le concours a été admis. Il y a un récent décret à ce
sujet.
M. Chapplain. directeur de l’Ecole, fait observer que
M. Domergue, quoique nommé chargé du cours de
pharmacie, n'a pas cessé d’être suppléant. 11 n’y a donc
pas de vacance et il ne peut pas y avoir de concours.
Dans l’intérêt de l'enseignement il serait certaine
ment désirable que les suppléants, nommés chargés de
cours, fussent remplacés pour éviter des lacunes nui
sibles ; mais il peut exister des cas particuliers.
Dans l’espèce M. Domergue, qui ne peut pas actuelle
ment être nommé titulaire, parce qu'il n’a pas encore
le diplçme de pharmacien supérieur exigé depuis peu
do temps, n’a plus qu’à subir l'épreuve do la thèse pour
ce grade. 11 serait bien rigoureux de ne pas lui accorder
le délai moralement nécessaire. D'autre part, on peut
bien estimer, d’après les usages universitaires, qu’il
aura un stage, d’environ deux ans, à faire dans des fonc
tions de chargé de cours avant d’être nommé titulaire.
M. le Recteur estime que la meilleure solution con
sisterait à demander à M. le Ministre de déléguer à
cette suppléance un licencié ès-sciences de bonne vo
lonté.
M. Bizos ne voudrait pas voir nommer à une sup
pléance par délégation à titre temporaire. La règle du
concours lui parait devoir être respectée.
M. Rampai propose de signaler à M. le Ministre la
lacune dont il vient d’être question, et de lui demander
de la combler en lui laissant le choix du moyen.
Il transforme sa proposition dans le vœu suivant :
Attendu que la mort du professeur Roustan de l’Ecole
de plein exercice de médecine et de pharmacie de Mar
seille et la nomination du suppléant des chaires de ma
tière médicale et de pharmacie aux fonctions de chargé
du cours de pharmacie, créent une lacune regrettable
dans l’enseignement de ladite Ecole et la privent d’une
suppléance indispensable.
Le Conseil général des Facultés demande qu’il soit
pourvu au plus tôt à cette suppléance.
Ce vœu est adopté.
A la réunion du 22 juillet le Conseil des Facultés
avait à former la liste, prescrite par le décret du 28
décembre 1885, pour la présentation de deux candidats
au décanat de la Faculté des lettres. Ces deux can
didats ont été M. Bizos en première ligne et M. Constans en seconde.
�M. le Recteur a donné lecture de la lettre par laquelle
M. le Nice-Recteur de l'Académie de Paris informait
le Conseil des Facultés du ressort de l’Académie d’Aix
de la date de l’inauguration des locaux de la nouvelle
Sorbonne (5 août 1889) et l'invitait à se faire repré
senter à cette cérémonie. M. Bizos a été désigné et a
accepté cette mission.
Le Conseil a examiné les questions portées à l’ordre
du jour : Programme des cours et conférences — ta
bleau général des cours.
M. Bizos a fait observer que le programme de la
Faculté des Lettres ne pouvait pas être définitivement
arrêté, parce que le programme triennal de la licence
n’est pas encore adopté, que le renouvellement des
auteurs à expliquer doit avoir lieu et qu'en ce moment
les professeurs ne connaissent pas encore les auteurs
qu'ils devront commenter.
Sous la réserve de cette observation, le programme
des cours et le tableau général sont adoptés.
RAPPORT DE M. ALFRED JOURDAN
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
M onsieur
le
R ecteur ,
M e s s ie u r s ,
Le nombre des inscriptions n’a pas sensiblement va
rié : 861 dans la dernière année contre 867 dans l’année
précédente. A raison de quatre inscriptions par tête,
cela fait environ 215 étudiants inscrits, ce qui ne veut
pas dire, tant s’en faut, 215 présents sous les dra
peaux.
Le tableau annexé à ce rapport vous présente la ré
partition des inscriptions par trimestres. Nous remar
querez qu’il y a beaucoup plus d’inscriptions au pre
mier et au quatrième trimestre, ceux de novembre et
de juillet, qu’aux deux trimestres intermédiaires de jan
vier et d’avril. Quant au trimestre de juillet, cela
s’explique par ce fait, que les étudiants dispensés à
divers titres de l'assiduité aux cours prennent leurs
quatre inscriptions à la fin de l'année, au moment où
ils viennent subir leurs examens. Quant au premier
�trimestre, on autorisait les étudiants à verser en no
vembre le montant des quatre inscriptions de l’année.
Au point de vue financier, ce paiement anticipé pouvait
paraître avantageux, mais il en résultait un abus, au
point de vue des études. On n’avait qu’à prendre ses
quatre inscriptions à la Faculté de Paris, où on ne fait
pas l’appel, et on n’y remettait plus les pieds qu’au
qu'au mois de juillet, au moment de l'examen. Un ré
cent décret a interdit cette prise cumulative des quatre
inscriptions au début de l’année scolaire.
En 1887-1888, nous n’avions eu que 19 inscriptions
de doctorat ; en 1888-1889 nous en avons eu 36. L’an’
née prochaine, nous en aurons des centaines. C’est la
nouvelle loi militaire qui aura accompli ce prodige.
Tous les étudiants s'inscriront pour le doctorat, sauf à
s’arrêter en chemin après la licence. Nous n’entrevoyons
pas sans terreur les obsessions des pères et des mères
des futurs aspirants au doctorat qui viendront solliciter
notre indulgence en alléguant que c’est uniquement en
vue d’obtenir une abréviation du service militaire que
leurs fils aspirent au doctorat. Il nous faudra tenir la
main à ce que le niveau de ces examens ne s’abaisse
pas.
Je n'ai rien de nouveau à vous dire sur les résultats
des examens, dont je joins ici le tableau. C’est toujours
à peu près le même nombre de rejets et d’admissions.
Je persiste à réclamer la même modification dans le
régime de ces examens : la substitution d’un examen
unique au double examen.
Aucun changement ne s’est produit dans le personnel
enseignant de la Faculté. Un cours complémentaire de
droit international public a été créé. M. Bouvier-Ban-
gillon, professeur de Procédure Civile, en a été chargé.
M. le professeur Lacoste a publié un intéressant
travail sur la loi du 28 mars 1885 relative aux Marchés
à terme.
Nos concours de fin d’année sont l’objet d’un rapport
spécial dont lecture vous est donnée à la séance solen
nelle de rentrée. Je n'ai point à m’en occuper ici. Mais
je dois vous signaler le succès obtenu par un de nos
élèves dans le concours général de toutes les Facultés
de Droit, y compris celle de Paris. Je note ce dernier
point, car, en matière d’enseignement secondaire, le
mot de concours général éveille l’idée d’un concours
entre les seuls lycées de Paris, à côté duquel se place,
depuis quelques années, un concours général entre les
lycées des départements. Je fais encore cette remarque
que, à Paris, ne prennent part au concours général des
lycées que ceux qui ont été jugés capables d’y figurer
avec honneur. Au contraire, tous les élèves de troisième
année sont admis au concours général des Facultés. Je
fais cette remarque afin de vous expliquer comment
M. Accarias, président de la commission chargée de
juger ce concours, a pu justement dire, dans son rap
port, que le concours, médiocre dans son ensemble,
était bon par la tête. C’est sans contredit en tète que
figure un de nos élèves, M. Henri Belin, qui a obtenu
la troisième mention. M. Henri Belin a remporté, en
outre, les deux premiers prix de son année, dans le
concours de la Faculté d’Aix, et cela avec de bonnes
compositions. Ces multiples succès ont une haute signi
fication. Ils montrent que M. Henri Belin ne les doit
nullement à un heureux hasard ; qu’il ne s’est, pas pré
paré, qu'il n'a pas été préparé en vue du concours, par
�- 64 —
l'étude d'un certain nombre de questions choisies ; mais
que ces succès sont le fruit naturel d’une bonne éduca
tion juridique. C’est de quoi je fais surtout compliment
au jeune lauréat et à ses maîtres. C'est ainsi que, après
avoir couronné ses études de licence par de fortes études
de doctorat, M. Henri Belin se trouvera tout armé pour
l’épreuve suprême, le concours d’agrégation.
Je ne puis m'empêcher de songer que le président-né
de tous nos grands concours était naguère l'Inspecteur
Général des Facultés de Droit. Il ne s’agit pas, ce que
je ferais d'ailleurs de grand cœur, de donner un témoi
gnage de sympathie au dernier des inspecteurs géné
raux; mais je crois remplir un devoir de ma charge de
Doyen, en déclarant que la suppression de l'inspection
générale des Facultés de Droit a été une mesure infini
ment regrettable. J'en constate chaque jour les incon
vénients.
Nous assistons à un mouvement considérable dans
les Facultés de Droit, mouvement qui vient de loin et
qui est destiné à s’étendre. On peut le caractériser en
quelques mots. Lorsque les Facultés de Droit fu
rent établies ou restaurées, qu’y enseignait-on ? le
Code Civil et un peu de Droit Romain. Je dis un peu
de Droit Romain, car on laissait de côté l’histoire du
Droit Romain, c’est-à-dire ce qui en fait le principal
intérêt. L’enseignement des Facultés avait un carac
tère essentiellement professionnel. Même à ce point de
vue il était fort incomplet. Successivement on ajouta
des chaires ou des cours de Procédure, de Droit com
mercial, de Droit criminel, du Droit administratif. Alors
commença à se faire jour l'idée que les Facultés de
Droit ne doivent pas être uniquement des Ecoles pro-
— fiô —
fessionnclles ; que le Droit étant la science sociale par
excellence, il fallait donner à son enseignement une base
de plus en plus large, soit en l’étendant à toutes ses ra
mifications, soit en le fortifiant par l'adjonction de scien
ces auxiliaires. De là l’introduction dans les Facultés
de nouveaux enseignements : Droit constitutionnel,
Droit international privé et public, Droit comparé,
Histoire du Droit, Economie politique, Droit industriel,
science des finances. En un mot, la Faculté de Droit
tend de plus en plus à se transformer d’Ecole profes
sionnelle en une Ecole des sciences sociales ou politi
ques. Les meilleurs esprits considèrent avec raison
comme une chimère de fondre tant d’enseignements di
vers en une science unique sous le nom de Sociologie.
Le temps n'est pas encore venu où on pourra tenter une
telle synthèse. Pendant longtemps encore les ouvriers
les plus vaillants devront se borner à apporter des ma
tériaux à pied d’œuvre, à essayer tout au plus des syn
thèses partielles en mettant en lumière les rapports les
plus saisissants par lesquels telle science sociale se
rattache à telle autre.
Cette transformation des Facultés de Droit ne se fera
pas en un jour. Elle suppose bien des modifications dans
l’organisation de l’enseignement, dans les arrange
ments intérieurs, le recrutement du personnel. Puis,
en donnant place à de nouveaux enseignements, il fau
dra, ou augmenter la durée des études ou restreindre
quelques-uns de ceux qui sont établis, ce qui ne devra
se faire qu’aveç beaucoup de discernement . C'est ainsi
qu’on a déjà établi en principe la distinction entre les
enseignements annuels et les enseignements semes
triels,
�ANNÉE SCOLAIRE 1887-1888
Jusqu'il cc jour on s’est borné à une modification qui
ne s’applique qu'à la première année. C’est : 1° une mo
dification du cours d’Histoire du Droit français qui de
vient semestriel. Le second semestre est réservé à un
cours élémentaire de Droit constitutionnel, lequel n’est
en réalité qu’une continuation du premier ; 2° une per
mutation entre les cours de Droit criminel et d’Economie politique : le Droit criminel passe de la première
année dans la seconde, et l'Economie politique passe en
première année.
Je crois sage d’attendre l’année prochaine pour vous
enti etenir des modifications ultérieures qui seront réa
lisées ou projetées.
E x a m e n de
Eloge...............................
Majorité ou égalilé de blanches....
Minorité de blanches.....................
Totalité de ronges.........................
Rouges et noires...........................
Ajournements.................................
l"r examen d e B accalau réat
1r"
Examinés Admis Ajournés
C apacité
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Majorité de blanches.......................
Minorité de blanches.....................
Totalité de rouges.........................
Rouges et noires...........................
Ajournements.................................
{•' examen de B accalau réat
2m,! partie
Eloge...............................
Majorité de blanches.....................
Totalité de rouges..........................
Rouges et noires...........................
Ajournements.................................
i
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14
8
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13
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3
15
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18
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75
22
79
19
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82
2"' exa m en de B a c c a l a u r é a t
l r*p a rtie
Eloge ..............................
Majorité de blanches.....................
Minorité de blanches......................
Totalité de rouges...........................
Rouges et noires...........................
Ajournements.................................
2“* exa m en de B a c c a l a u r é a t
(2m' partie)
Eloge ...............................
Majorité de blanches.......................
Minorité de blanches......................
Totalité de rouges..........................
Rouges et noires.............................
/I
r e p o r te r . ..
4
17
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2m” exa m en de D octorat
Eloge .............................
Trois blanches el une rouge..........
Deux blanches, une blanche-rouge
el une rouge...............................
Ajournements.................................
3m" examen de D o cto rat
Eloge ...............................
Trois blanches cl une blancherouge............................................
Trois blanches cl une rouge..........
Deux blanches el deux blanchesrouges .........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
el une rouge...............................
Ajournements ................................
T hèse de D o cto rat
Eloge...............................
Trois blanches el une rouge..........
Deux blanches el deux blanchesrouges..........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
el une rouge................................
Ajournements..................................
T otaux
�R E L E V É DES I N S C R I P T I O N S
P rise s p en d an t l'an n ée sc o la ire 1 8 8 8 -1 8 8 9 .
Trimestre de novembre 1888..
» de janvier 1889....
» d’avril 1889............
» de juillet 1889 . . . .
326
171
119
245
RAPPORT DE M. REBOUL
DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
Total.............. 861
Ces 861 in scrip tio n s se r é p a r tis s e n t a in si qu'il suit
Pour la capacité.......................... 67
» le baccalauréat(1 " a n n é e ). 27?
»
o
(2m' a n n é e ). 262
» la licence....................... 219
» le doctorat..................... 56
Total.......... 861
M onsieur
le
R ecteur ,
M e ssieu r s ,
Nos conférences préparatoires à la licence ’et à l'a
grégation ont été régulièrement suivies par 55 étudiants
qui se décomposent ainsi :
13 boursiers de licence.
3 boursiers d’agrégation.
4 professeurs de l’Académie.
4 maîtres auxiliaires.
16 maîtres répétiteurs.
15 étudiants libres.
Les résultats obtenus ont été très bons.
Agrégations. — Deux de nos élèves se sont pré
sentés au mois d’août dernier au concours d’agrégation
de l’enseignement secondaire, 1un pour les sciences
naturelles, l’autre pour les sciences physiques ; tous les
deux ont été reçus dans un rang élevé.
Le premier, M. Callot. professeur au lvcee de Mai-
�- n soillo, est un de nos anciens et meilleurs élèves. C’est à
notre Faculté qu'il a fait toutes ses études d’enseigne
ment supérieur et qu’il a passé dans d’excellentes con
ditions ses trois licences ès-sciences. C'est ici encore
que depuis deux ans, guidé et conseillé par mes collè
gues d'histoire naturelle, il travaillait son agrégation ;
il vient d'ètre reçu avec le n° 4.
Le second, M. Fabry, ancien élève de l’Ecole Poly
technique, reçu licencié ès-sciences mathématiques à la
fin de 1887, obtenait avec la mention bien le grade de
licencié ès-sciences physiques en juillet 1888; un an
après seulement, au mois d'août dernier, malgré un
intérim de deux mois au lycée de Toulon, il était nommé
agrégé des sciences physiques avec le n° 3. Sur sa
demande, appuyée comme elle le méritait, M. le Mi
nistre vient d’accorder au jeune professeur une bourse
d’études à la Faculté de Marseille pour préparer et
mener à bien une thèse de doctorat sous la direction de
M. Macé de Lépinay dont les conseils lui ont déjà si
bien profité.
Si l’année dernière la Faculté avait la joie de reven
diquer le succès d’un de ses anciens élèves, M. Sahnon,
elle est encore plus heureuse cette année puisqu’elle
compte deux succès au lieu d'un, auxquels il n’est que
juste d’ajouter un troisième, qui n’est pas complet tou
tefois ; c’est celui qu’a obtenu M. Lebel. M. Lebel a
trouvé moyen, tout en se faisant recevoir licencié èssciences physiques au mois de juillet dernier, avec la
mention bien, de concourir un mois après pour l’agré
gation mathématique de l’enseignement secondaire spé
cial et d’ètre déclaré admissible. Sa réussite l’an pro
chain peut être considérée comme à peu près certaine.
— 73 —
Licence ès-sciences. — Trente-six candidats se sont
présentés aux sessions de novembre et de juillet, 15
pour les sciences mathématiques, 16 pour les sciences
physiques, 5 pour les sciences naturelles. — 17 ont été
reçus : 6 pour les mathématiques, 8 pour les sciences
physiques, 3 pour les sciences naturelles. — Cinq ont
mérité la note bien ; ce sont :
MM. Devaud, mathématiques ;
Bourgarel, Charrasse, Lebel, sciences physiques.
Lejourdan, histoire naturelle.
11 suffit de jeter un coup d’œil sur le tableau ci-joint
pour constater que les bons résultats appartiennent
tous à la session de juillet qui a lieu à la fin de l’année
d’études (Prop. des admis en novembre 21.5 0/0, en
juillet 64 0/0, c’est-à-dire le triple).
Travaux personnels :
M. S auvage , professeur de calcul différentiel et in
tég ral, a publié un nouveau mémoire sur les solutions
régulières d ’un systèm e d ’équations différentielles li
néaires (Ann. de l'Ecole normale supérieure, janvier,
1889).
M. S téph an , professeur d’astronomie, a continué ses
observations à l'Observatoire et en particulier ses tra
vaux sur les nébuleuses.
M. M acé de L épin ay , professeur de physique, a pu
blié un travail, en collaboration avec M. Pérot, sur une
reproduction artificielle du mirage et sur les franges
d’interférence qui peuvent accompagner ce phénomène
(C. 11. de TAcadémie des Sciences, 1889). Il a égale
ment étudié les franges d’interférence produites par des
sources lumineuses étendues (ibid., juillet 1889b
o
�— 7f>
M. P érot , charge d'un cours complémentaire de
physique, a publié, en collaboration avec M. Macé, une
note sur une reproduction artificielle du mirage et les
franges d'interférence qui peuvent accompagner ce
phénomène.
M. R eboul , professeur de chim ie, a continué ses re
cherches sur certaines isoméries dans la série bu.t.ylique.
M . D u y i l l i e r , professeur de chimie industrielle, a
publié les trois notes suivantes :
1° Action de la triéthylamine sur l'éther de bromobutyrique [Bull, de la Société [Chimique de Paris,
3e série, t. 2).
2° Action de la tricthylamine sur l’éther de bromopropionique [ibid. t. 2).
3° Acide diéthylamido de propionique (C. li., t. cix,
p. 149).
M. V asseur , professeur chargé du cours de géolo
gie, a publié les sept dernières feuilles de la carte géo
logique de la France dressée à l'échelle de 1/500000,
avec la collaboration de M. Carez. Ce travail qui avait
déjà remporté un diplôme d'honneur et deux médailles
d'or dans diverses expositions, a obtenu également
une médaille d’or à l’Exposition universelle.
M. II eckel , professeur de botanique, continuant ses
recherches sur la valeur des caractères anatomiques
dans la classilication des plantes, a publié une mono
graphie complète de la famille des Globitlariées, au
point de vue botanique, chimique et thérapeutique, qui
lui a valu une nouvelle récompense de l’Institut (prix
Barbier). Ses travaux de matière médicale faits en col
laboration avec M. Schlagdenhauffen ont obtenu une
médaille d’or à l’Exposition universelle de 1889.
M. M arion , professeur de zoologie, 9 'est consacré
durant l’année écoulée à l’étude de diverses questions
de Zoologie appliquée se rattachant à l’Economie des
pêches maritimes. Il a observé particulièrement le ré
gime de la sardine, du maquereau et de l’anchois sur les
côtes méditerranéennes. Les résultats de ces recherches
ont été présentés à l’Académie et seront insérés dans le
troisième volume des Annales du Laboratoire de Zoo
logie marine, actuellement sous presse.
M. E t . J ourdan , chargé d’un cours complémentaire
de zoologie, a publié un livre sur les sens chez les ani
maux inférieurs (J.-B. Baillère, Bibliothèque scienti
fique contemporaine).
M. V a y ssière , chargé d’un cours d’anatomie au la
boratoire de zoologie d’Endoume, a fait paraître cette
année le quatrième et dernier fascicule de son atlas
d'anatomie comparée des Invertébrés ( édité par
O. Doin, Paris). Il a publié également une monographie
anatomique du genre Prosopistoma.
Je AÙens de vous rendre compte en termes aussi
concis que possible des résultats de notre enseigne
ment et de nos travaux personnels pendant l'année
1888-1889. Il me reste à vous dire un mot de nos exa
mens du baccalauréat.
Baccalauréats. — Rien de particulier à signaler.
Le nombre des candidats examinés s’est accru d'une
vingtaine ; 489 au lieu de 465, se décomposant ainsi :
Complet. — 389 examinés, 158 admis, prop. 39 0/0.
Restreint. — 98 examinés, 49 admis, prop. 45 0/0.
Complémentaire. — 2 examinés , 1 admis, prop.
50 0/0.
Les détails sont consignés dans le tableau ci-annexé.
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de l’Enseignement spécial : admissible, M. Lebel.
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Mathématiques
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3
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H
O
H
LICENCE
Améliorations demandées. — J'ai le regret de cons
tater de nouveau que la construction de la nouvelle
Faculté des Sciences n'a pas fait un pas et que la pre
mière pierre posée il y a cinq ans et demi reste encore
seule. Je ne saurais trop répéter que nous étouffons
dans nos locaux devenus par trop insuffisants et qu’il y
a urgence à se mettre immédiatement à l’œuvre pour
nous donner la place dont nous avons absolument be
soin.
Je demanderais aussi une augmentation des crédits
affectés à nos collections et à nos cours, s’il m’était
permis d'espérer que ma demande eût quelque chance
d’être favorablement accueillie. Mais s’il est possible,
sans augmentation de crédit, d'améliorer une partie du
service, je pense que satisfaction peut m’être donnée.
C’est le cas qui se présente pour nos achats de livres.
Le crédit alloué est devenu tout-à-fait insuffisant. Un
remède, du moins partiel à cet état de choses,ne seraitil pas la concession plus fréquente d’ouvrages scienti
fiques et de Revues que l’Etat envoie déjà aux biblio
thèques des villes qui lui tiennent cependant de moins
près que les bibliothèques universitaires ?
�Année scolaire 1887-88. — EXAMENS DES LICENCES.
L icences
Sessions
ès- sciences
Mentions
Résultats
Mathématiq .
P hysiques
N aturelles
S e s s io n d e N o v e m b r e .
examinés
Novembre... .■
Juillet.............
admis
2
5
o
1
0
examinés
8
11
3
admis
4
7
3
1
2
Assez-Bien..
Passable___
S e s s io n d e j u i l l e t .
5
7
2
Bien........ MM. Devaud.
Bourgarel.
Charrasse.
Lebel.
Lejourdan.
Assez-Bien..
Passable....
«
Année scolaire 1887-1888. — EXAMENS DU BACCALAURÉAT.
N ombre
P roportion
examinés
admis
des admis
sur 100 examinés
Complet.........................
389
158
39
Restreint.......................
98
49
61
Complémentaire..........
2
1
Baccalauréat
des candidats
50
Mentions
2 Très Bien, MM. Bladier.
Bourdillon.
9 Bien , MM.
MM.
Lelorrain.
Caubet.
Caudier.
Martin.
Dyriou.
Pélissier.
Forget.
Gouin.
Pichot.
23 Assez Bien.
123 Passable.
il Bien, MM.
MM.
Ardoin
Juge
Conso
Despinev Lasnet
Hernandez Naudier
Roche
Jaubert
JauiVret
Vial
11 Assez-Bien.
27 Passable.
1 Bien, M. Biou.
�—
RAPPORT DE M. BIZOS
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES
M onsieur
le
R ecteur ,
MESSIEUi\s,
Ma première parole doit être une parole de remercie
ments pour mes collègues de la Faculté et du Conseil
Général. Leurs suffrages m’ont encore une fois désigné
au choix de M. le Ministre, qui vient de me renouveler
les fonctions de doyen, que je remplissais depuis six
ans.
Plusieurs changements vont se produire cette année
dans le personnel de la Faculté des Lettres. M. Rigal,
notre savant et dévoué maître de conférences de philo
logie ancienne, vaincu par la maladie, a été obligé de
demander un congé : nous espérons qu’un repos com
plet et les soins les plus tendres rétabliront bientôt sa
santé et le rendront à ses collègues et à ses élèves,
dont je suis l’interprète, en 'lui envoyant la sincère ex
pression des souhaits les plus affectueux.
M. Agabriel faisait depuis six ans «à la Faculté d’Aix
81
—
un cours complémentaire de géographie avec un zèle et
un succès, qui ne se sont jamais démentis : il vient
d’être appelé au lycée de Versailles, par un juste avan
cement dont nous le félicitons ; il sera remplacé par
M. Girbal, agrégé d’histoire, qui saura se montrer
digne de son devancier.
L’année dernière je remerciais le Conseil Général des
Bouches-du-Rhône d’avoir voté la création d'un cours
de langue et littérature provençales. Cette année l'as
semblée départementale nous a retiré ce qu’elle nous
avait donné. Que sa volonté soit faite ! Grâce au con
cours des corps élus on enseigne à Lille le Picard et le
Wallon, à Rennes le Celtique, à Bordeaux l’histoire de
l’Aquitaine, à Toulouse la littérature Espagnole et la
philologie Romane : n’est-il pas fâcheux que l’on n’en
seigne ni à Aix ni à Marseille cette langue et cette lit
térature provençales, dont le patriotisme local est fier à
bon droit et dont il aime à célébrer bruyamment la bril
lante et sonore Renaissance ? C’est aux sociétés litté
raires, nombreuses en Provence, aussi bien qu’à nous
qu'il appartient d’exprimer des regrets d’autant plus
vifs que la libéralité du Conseil Général n'avait pas été
seulement excellente en soi, mais qu'elle donnait un
exemple qui allait peut-être susciter la plus heureuse
émulation. Qui sait si de généreux protecteurs des
lettres et des sciences ne se seraient pas rencontrés qui
auraient aidé l'administration supérieure à créer dans
nos Facultés des enseignements nouveaux et féconds ?
C’est par la coopération pécuniaire de l’Etat, des As
semblées départementales et communales, et de quel
ques riches et intelligents donateurs que l'enseigne
ment supérieur so développe et grandit. Pourquoi en
�—
8
?
—
serait-il autrement à Marseille et à Aix qu’à Montpel
lier ou à Toulouse, qu’à Bordeaux ou à Lille ?
Pendant le premier semestre de l'année qui vient de
s’écouler six cours publics ont été faits régulièrement à
Aix et à Marseille. M. Joyau, chargé du cours de phi
losophie, a traité de la connaissance du monde matériel
parles sens ; M. Guihal, du gouvernement et delà so
ciété en France au temps de Richelieu ; M. Bizos, de la
vie et des œuvres d’André Chénier ; M. Constans, de
l’épopée provençale ; M. Boissière a tracé d’après les
monuments de la littérature et de l'art la physionomie
de la femme grecque ; M. Joret a étudié Gœthe, Herder
et Schiller.
Voici les sujets choisis pour l’année qui va s’ouvrir.
La découverte de la vérité dans les sciences ; le gou
vernement et la société en France sous le ministère de
Mazarin ; la comédie littéraire sous la Révolution ; la
littérature latine de la Décadence ; la glorification et l’a
mour de la patrie dans la littérature, les institutions et
les arts de la Grèce ; les relations intellectuelles et po
litiques de la France et de l’Allemagne de 1477 à 1721.
Les conférences préparatoires à la licence et à l’agré
gation ont été suivies assidûment par 35 étudiants, qui
nous ont remis une moyenne de cent devoirs par mois.
Ces auditeurs laborieux se décomposent ainsi :
12 maîtres répétiteurs.
4 maîtres auxiliaires.
2 professeurs en congé.
3 professeurs d’école normale.
8 étudiants libres.
5 boursiers de l’Etat.
1 boursier du Département.
— 83 —
Nous avons corrigé des devoirs par correspondance à
quatre professeurs de lycées, à cinq professeurs de col
lèges, à trois maîtresses de collèges de jeunes filles, à
quinze maîtres répétiteurs.
La collection archéologique, organisée l’an dernier
avec tant de soin et de méthode sous la direction du
Conseil de la Faculté par le maître de conférences d’his
toire ancienne, M. Clerc, s’est notablement accrue. Le
nombre des photographies a été porté de six cent qua
tre-vingt à huit cent dix-neuf ; les ouvrages à planches,
les catalogues de musées, les livres de vulgarisation
destinés aux étudiants, ont été doublés et s’élèvent à
quarante-trois ; nous avons acquis cent seize clichés
pour projections lumineuses, et vingt beaux moulages
de bas-reliefs antiques, parmi lesquels je citerai la frise
du Parthénon et les métopes d’Olympie. Cette collec
tion a singulièrement facilité la tâche de M. Clerc, qui,
dans son cours complémentaire d'archéologie, a étudié
la sculpture grecque archaïque.
Nous avons tenu trois sessions pour le Baccalauréat,
en novembre, en mars et en juillet.
En novembre le nombre des candidats pour la pre
mière partie a été :
Examinés........................................... 189
Ajournés pour les compositions....... 111
Ajournés à l'examen oral................. 17
Admis avec la mention Bien............ 5
Admis avec la mention Assez-Bien. 6
Admis avec la note Passable........... 65
En juillet le nombre des candidats pour la première
partie a été :
Examinés........................................... 382
Ajournés pour les compositions.. .. 209
�— 84 —
Ajournés à l'examen oral.................. 26
Admis avec la mention Bien............ 12
Admis avec la mention Assez-Bien.. 24
Admis avec la note Passable............ 111
En novembre la moyenne des admissionsi a été de
40 0/0 et en juillet de 38 0/0.
Pour la deuxième partie du Baccalauréat le nombre
des candidats a été pendant la session de novembre :
Examinés............................................ 113
Ajournés pour les compositions. . . . 40
Ajournés à l'examen oral.................. 12
Admis avec la mention Bien............ 2
Admis avec la mention Assez-Bien.. 5
Admis avec la note Passable............ 54
La moyenne des admissions a été de 54 0/0.
Au mois de mars s'est ouverte la session réservée
aux candidats de philosophie précédemment ajournés :
leur nombre a été :
Examinés........................................... 37
Ajournés pour les compositions.... 11
Ajournés à l’examen oral.................. 6
Admis avec la mention Assez-Bien. 3
Admis avec la note Passable............ 17
La moyenne des admissions a été, comme au mois
de novembre, de 54 0/0.
En juillet le nombre des candidats à la deuxième par*
lie a été :
Examinés............................................ 212
Ajournés pour les compositions.. .. 88
Ajournés pour l'examen oral............ 29
Admis avec la mention Bien.............. 6
Admis avec la mention Assez-Bien.. 16
Admis avec la noie Passable............ 73
La moyenne des admissions a été de 44 0/0.
Le 26 novembre 1888 s’est, ouverte une session pour
les examens de la licence : 13 candidats se sont présen
tés, dont 9 pour les lettres, 2 pour la philosophie, 2 pour
l'histoire. Deux seulement ont été reçus, MM. Gouttes,
professeur au collège de Seyne, pour l’histoire, et
Laune, ancien boursier de la Faculté pour les lettres.
Ces jeunes gens instruits et laborieux auraient obtenu
la mention Assez-Bien, s’ils avaient subi d’une façon
plus satisfaisante l’épreuve des langues vivantes.
Au mois de juillet, dix-sept candidats ont pris part
aux compositions écrites, treize pour les lettres, deux
pour l’histoire, deux pour la philosophie. Ces composi
tions, le thème grec surtout, ont été faibles, et quatre
candidats seulement ont pu être déclarés admissibles
aux épreuves orales.
MM. André, boursier de la Faculté, pour l’histoire.
Gravier, maitre-répétiteur, pour la philosophie.
Faugère, étudiant libre, pour les lettres.
De Sablet, boursier de la Faculté, id.
Ces quatre candidats ont été admis, mais aucun ne
s’est élevé au dessus de la note passable.
Parmi les candidats à l’agrégation,qui ont sollicité nos
conseils et notre secours, je dois citer particulièrement
un professeur du lycée d’Aix, M. Bertrand, qui vient
d'être reçu dans un bon rang agrégé des lettres, et
M. Gistucci, ancien boursier de la Faculté, professeur
au lycée de Toulon, qu’une très honorable admissibilité
désigne pour un succès définitif à bref délai.
Pendant l’année scolaire 1888-89, les professeurs de
la Faculté ont, selon leur habitude, ajouté des travaux
personnels au labeur quotidien des conférences et à la
�lourde charge des examens. M. Jorct, a publié : l°dans
la llevue de Géographie une étude sur le voyageur
Tavernier ; 2° dans les Archives des Missions un rap
port sur une mission en Allemagne ; 3° différents arti
cles dans la Revue Critique et dans la Romania ; 4° un
travail sur les bureaux de charité au 17e siècle dans les
Annales du Midi.
Le doyen de la Faculté a publié dans la Revue d'art
dramatique deux études, l’une intitulée les Bégaie
ments du théâtre Romantique, Alexandre Guiraud ;
l'autre sous ce titre, André Chénier auteur dramati
que. 11 a fait paraître dans la Révolution Française du
14 juin une étude sur les Œuvres militantes d'André
Chénier.
M. Constans a publié dans la Revue des Langues
romanes différents articles de bibliographie et un tra
vail sur le Manuscrit du Roman de Troie de la biblio
thèque Ambrosienne de Milan.
M. Joyau, outre plusieurs études bibliographiques
données aux Annales de la Faculté de Poitiers et à la
Revue dééducation et d’instruction primaires, a sous
presse un travail intitulé Les théories de la grâce et de
la liberté morale de l’homme.
RAPPORT DE M. LE Dr CHAPPLAIN
DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MEDECINE
ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
M onsieur
le
R ecteur ,
M essie u r s ,
Au moment où je viens vous exposer les actes qui se
sont accomplis à l'Ecole de plein exercice de Médecine
et de Pharmacie pendant l’année scolaire 1888-89, ma
première pensée est de donner un témoignage de re
gret à celui de nos collègues que la mort nous a ravi.
Le professeur Roustan a exprimé la volonté qu'aucun
discours ne fût prononcé lors de ses funérailles. J’ai dû
obéir alors, mais, quelle que fût sa modestie, il n’a cer
tainement pas voulu m’interdire d’exprimer, dans cette
réunion officielle où il a siégé plusieurs années, les re
grets que sa mort si prématurée et si imprévue a lais
sés à ses collègues, à ses élèves, à ses amis.
Roustan est entré à l'Ecole par le concours en qua
lité de professeur suppléant de pharmacie en janvier
1870 et devint titulaire de sa chaire le 18 février LS7G.
�— 89
Son enseignement lui des j»111s fructueux, son cours
était très suivi car les étudiants trouvaient en lui le
savant qui leur exposait la science galénique, les pro
grès que l'on devait aux travaux incessants de notre
époque, et le praticien qui puisait ses préceptes dans
une longue expérience.
L’Ecole lui témoigna l'estime profonde qu’elle res
sentait pour lui en le chargeant de la représenter au
Conseil académique.
Ses concitoyens de Barrème,son pays natal, l’avaient
appelé au Conseil général de leur département.
M. le Ministre de l’Instruction publique lui avait ac
cordé les Palmes d’Officier d’Académie en récompense
de ses bons services.
Le professeur Roustan paraissait jouir d’un état de
santé qui présageait une longue existence. Il n’en a
rien été cependant. Un jour il fut retenu chez lui par
une indisposition qui n’excita aucune inquiétude à ses
amis les plus intimes, aussi quelle ne fut pas la stupeur
de chacun de nous en apprenant sa mort !
Les nombreux élèves qui se pressaient à ses funé
railles, à la suite de ses collègues de l’Ecole, témoi
gnaient de l’affection profonde qu’inspirait la fin si
prompte et si imprévue d’un maître aimé et vénéré !
M. Domergue, professeur suppléant des chaires de
matière médicale et de pharmacie, a été appelé à
l’enseignement de cette dernière science en qualité de
chargé de cours.
Deux suppléants manquaient encore pour que le per
sonnel de l’Ecole fut complet. Ces vides ont été com
blés par la nomination de M. Roux (de Brignoles), fils,
à la suppléance des chaires de chirurgie, et par celle
de M. Laplane à la suppléance des chaires de mé
decine.
C’est avec un certain orgueil que je rappelle les con
cours qui ont précédé ces nominations. Ces luttes scien
tifiques ont eu lieu devant un jury composé en partie de
professeurs de Montpellier et au siège de la Faculté.
Tous nos jeunes concurrents ont mérité les éloges et
emporté l’estime de leurs juges. Ils ont pu démontrer
que le jour où on accordera à Marseille les institutions
d’enseigement médical auxquelles elle a droit, notre Fa
culté pourra trouver son recrutement, par le concours,
parmi nos travailleurs, sans avoir à réclamer l’assis
tance d’aucun autre centre scientifique.
M. Villard a reçu les palmes d'Officier de l’Instruc
tion publique, digne récompense du dévouement que
notre collègue a toujours déployé en faveur de notre
œuvre commune.
M. le professeur Ileckel a participé à l’Exposition
universelle, cette œuvre merveilleuse qui a marqué si
glorieusement le centenaire de notre grande Révolu
tion. Sa vitrine contenait de nombreuses substances,
inconnues antérieurement, qui ont fait l'objet de ses
travaux depuis de longues années. Le jury lui a décerné
une médaille d'or.
Notre éminent collègue, voulant que les spécimens
de ses travaux qui, pour la plupart appartiennent à la
matière médicale, demeurent dans la ville qui a été le
siège de ses recherches, en a fait don à l'Ecole de Mé
decine. Je suis heureux de féliciter , au nom de l’Ecole,
M. Heckel pour la haute récompense qu'il a reçue et
qu'il a si légitimement acquise et de le remercier éga6
�— 00 —
lemrnt de sa générosité. L’Ecole, autant [que lui, veut
que sa vitrine soit conservée intacte, qu’elle porte son
nom et qu’elle soit placée très honorablement dans un
lieu apparent et que sa vue rappelle [cette grande
œuvre que nous avons tous admirée, qui a été si glo
rieuse pour la France et la République !
La difficulté que nous éprouverons à trouver cette
place, me ramène à vous parler à nouveau de l’exiguité
des locaux occupés par l’Ecole et de l'absence de labo
ratoires pour la plupart de nos professeurs. J’ai cepen
dant la satisfaction de vous dire que la bienveillance de
la Municipalité a fait droit à une petite partie de nos
demandes.
Il y avait, en effet, plus particulièrement à regretter
que ceux de nos professeurs dont l'enseignement ré
clame des préparations longues, minutieuses et un tra
vail de plusieurs heures chaque jour, fussent absolu
ment sans asile. Nous devons à la Municipalité, à sa
sollicitude pour l’Ecole , de posséder un laboratoire
convenable pour les chaires d'histologie et d’anatomie
pathologique.
Le local qui a été cédé à l'Ecole est celui où avait été
installé le laboratoire municipal. Il est composé de deux
pièces assez spacieuses pour servir aux professeurs qui
pourront non seulement y exécuter leurs travaux, mais
encore y recevoir un certain nombre de travailleurs et
d'étudiants qui se trouveront ainsi sous leur direction
immédiate et pourront profiter de leurs conseils.
Nous voudrions nous montrer pleinement satisfaits
des libéralités de nos édiles à l’égard de l’Ecole, mais
notre devoir nous impose l’obligation de réclamer un
agrandissement de toutes les parties du local que nous
— 91 —
occupons. Nous sommes à l’étroit partout : dans nos
amphithéâtres, dans nos salles de collections, à la bi
bliothèque, etc.... Un agrandissement serait possible,
mais il est inutile de rappeler les raisons qui empêchent
de toucher à un local que l'on considère comme con
damné dans un avenir prochain.
L’installation des laboratoires d’histologie et d’ana
tomie pathologique a absorbé, presque à elle seule, les
allocations budgétaires relatives à l’achat d’instru
ments nouveaux.
L’Ecole suit une marche ascendante relativement au
nombre des étudiants. Nous comptons 683 inscriptions
dans l’année scolaire 1888-89, soit 86 de plus qu’en
1887-88, 56 de plus qu’en 1886-87, 159 de plus qu’en
1885-86.
Nous aurions le droit de nous féliciter de cette pros
périté si nous avions à constater un développement
parallèle dans le travail et l’assiduité de nos élèves.
Chaque année l’enseignement médical s’affirme da
vantage dans le sens du développement des études
pratiques qui ne peuvent trouver de satisfaction que
dans les grands centres de population, là où les hôpi
taux sont nombreux et regorgent de malades, où les
maladies les plus diverses se présentent et se multi
plient chaque jour, où l’enseignement peut se fraction
ner de manière à ne laisser inexplorée aucune des
branches de notre art. Dans ces centres si riches de
sujets d’études, d’observations, l'élève qui fréquente
les hôpitaux acquiert à son insu, sans effort, cette expé
rience, cette science des malades qui lui permettra plus
tard d’aborder, avec sécurité, l’exercice de la carrière
civile.
�Nous avons, chaque année, un noyau d’étudiants
laborieux qui fréquentent les salles de dissections, ali
mentent nos cours et se montrent dociles aux prescrip
tions réglementaires, mais il en est un plus grand nom
bre qui n'ont pas l'énergie suffisante pour satisfaire à
leurs devoirs et profiter des moyens d'études qui sont
si nombreux dans notre Ecole.
Ces étudiants ne dissèquent pas, l'amphithéâtre est
froid, le cadavre a de l'odeur, une préparation anato
mique est d'ailleurs longue à faire ! n’est-il pas plus
rationnel de monter à la bibliothèque et là, sur les plan
ches de Bourgerv, de Paulet ou tel autre, d'apprendre
son anatomie dans un temps plus court.
Quant aux cours, pourquoi se déranger quand il est
si facile de trouver des ouvrages qui remplaceront les
paroles du maître ?
Ces tendances sont dangereuses et nous avons le
devoir de les combattre. Les ouvrages si perfectionnés
qui sont dans les mains de nos élèves ne sauraient rem
placer la parole du maître, les dissections. Les plan
ches d'anatomie sont utiles pour rappeler les connais
sances acquises sur le cadavre, mais ne sauraient rem
placer les études pratiques. Il en est de même pour les
études théoriques qui trouvent dans l’expérience du
maître des leçons que le livre le mieux fait ne donnera
pas.
Nous avons à regretter, relativement au travail de
nos élèves, deux dispositions règlementaires dont nous
reconnaissons encore aujourd'hui 1 importance et dont
l'une a été abrogée et l’autre modifiée.
La première est la suppression des examens de lin
d'année subis devant un jury constitué par des profes-
- 93 —
seurs de l’Ecole. Cette mesure a été conservée pour
l’officiat et supprimée pour le doctorat ; aussi trouvet-on une opposition complète entre nos deux ordres
d’élèves. Les uns ayant à subir un examen de fin d’an
née, suivent les cours des professeurs qui seront peutêtre leurs juges. Quant aux autres, ils ne ressortissent
pour leurs examens que de la Faculté, et savent que
les mesures disciplinaires dont peuvent user leurs maî
tres de l’Ecole ne peuvent être appliquées d'une ma
nière générale.
Pour ces mêmes candidats au doctorat, la disposition
des examens classés suivant les années d’études est
une des conditions les plus défavorables aux études sé
rieuses. Nos jeunes gens ne travaillent pas pour acqué
rir l’ensemble des connaissances nécessaires à l’exer
cice de la profession médicale, ils travaillent seulement
pour leur examen. Après les sciences physiques et
naturelles auxquelles ils consacrent leur première
année, viennent l’anatomie et la physiologie qui occu
pent la seconde et la troisième année de la scolarité, si
bien que les études réellement médicales ne commen
cent sérieusement qu’avec la quatrième année, soit à la
fin du terme assigné à leurs études.
Nous regrettons l’époque où les examens ne se pas
saient qu’à la fin de la scolarité, ce qui obligeait les
étudiants à s’occuper en même temps de toutes les
branches des sciences médicales, sans souci des exa
mens qu’ils n’entrevoyaient que dans un avenir loin
tain.
Un correctif utile aux études vient heureusement
amoindrir une partie .des dangers que je viens de si
gnaler. Je veux parler des concours pour l’internat et
l'externat des hôpitaux.
�- 9i —
Ces concours sont entrés dans les habitudes des étu
diants et ont toute leur faveur, soit par les avantages
pécuniaires qui y sont attachés, soit par une sorte d’in
dépendance qui résulte de la possession du titre, soit
enfin que l’étudiant comprenne l’importance de l’obser
vation régulière et journalière des malades. Alors que
le stage n’est subi qu’avec une certaine résistance, nos
élèves se soumettent bénévolement aux obligations des
services hospitaliers.
Bien que la dispersion des étudiants dans les services
des hôpitaux à la suite de leur nomination présente des
inconvénients sérieux au point de vue de l'assiduité aux
cours, nous devons nous féliciter de cet engouement qui
porte nos jeunes gens vers l’externat ou l'internat, car
d’une manière indirecte il conduit au but que l’Ecole se
propose, soit d’élever des médecins utiles à leurs conci
toyens et dignes de leur confiance.
Nous voyons, en effet, que pour satisfaire aux pro
grammes du concours de l’externat, les étudiants de
première année devancent le moment où les études
médicales sont exigibles pour eux. Quant à l’internat
nous devons le considérer comme un mobile favorable
au travail et utile au plus haut degré par l'enseigne
ment pratique qu’il donne.
L’époque fixée pour les concours présente des désa
vantages pour l’instruction des élèves, sans profit pour
les hôpitaux.Ces concours ont lieu dès le commencement
de décembre pour se terminer vers le 20, époque des
vacances de Noël. Il résulte de ce fait que la plus grande
partie des étudiants occupés par leur préparation aux
concours des hôpitaux, se soustraient aux dissections,
à l’assiduité aux cours, si bien que le premier trimes-
— 95 —
tre, déjà très court par lui même, devient nul et que les
études ne commencent en réalité qu’au 1er janvier, épo
que où les concours sont terminés depuis longtemps.
Frappé de cette désertion des élèves des salles de
dissection, M. Alezais, chef des travaux anatomiques,
m’adressa un rapport dans lequel, après avoir exposé
les inconvénients que je viens de mentionner, il me
priait de proposer à l’administration des hôpitaux de
transférer ces concours à la fin d’octobre, ainsi que cela
se pratique dans quelques villes de France, sièges de
Facultés de Médecine.
La réclamation que j’ai adressée à cette administra
tion n’a pas reçu l’accueil favorable que j’espérais.
L’époque des concours telle qu’elle existait antérieu
rement a été maintenue. Je regrette cette détermina
tion qui éloigne les étudiants des travaux de l’amphi
théâtre et leur donne une valeur moindre comme con
naissances. Je crois que l’administration qui affecte de
trouver les élèves souvent insuffisants au point de vue
de la mission qu’elle leur confie, devrait avoir à tâche
de favoriser leur instruction !
L’assemblée de l’Ecole a consacré plusieurs séances
à l'étude des modifications à apporter à ses règlements
intérieurs pour obtenir des étudiants la plus grande
somme de travail utile.
Ces décisions ont porté, pour l’anatomie, sur l'allé
gement d’un trop grand nombre de cours et l’obligation
d’une exactitude plus grande aux travaux de dissec
tions qui seront journellement dirigés par les prosec
teurs et aides d’anatomie.
Pour les études médicales et chirurgicales, l'obliga
tion plus stricte du stage et un enseignement journa
lier des chefs de clinique devant diriger chaque sta-
�%
giaire dans l’interrogatoire des malades, leur examen
et l’application des différents moyens d’investigation.
Pour les accouchements, chaque élève à son tour
devra assister les femmes en travail et ne les abandon
ner qu’après la délivrance complète.
Quelques modifications ont été apportées également
aux obligations des étudiants en pharmacie, afin de leur
rendre plus profitables les travaux pratiques auxquels
ils sont astreints.
Mes collègues et moi avons pensé qu’il y aurait
avantage à exciter l’émulation de nos jeunes travailleurs
en accordant des récompenses à ceux d’entre eux qui
se seraient distingués dans les travaux pratiques de
toute nature par leur intelligence, leur zèle et leur
exactitude. Ce projet est à l'étude, mais je ne doute pas
qu’il ne soit réalisé dans le courant de la nouvelle
année et qu'il ne nous donne les meilleurs résultats.
J’ai tenu, Monsieur le Recteur, avec trop de détails
peut-être, à vous faire pénétrer dans la vie intime de
l’Ecole, et à vous montrer que mes honorables collègues
ne s’occupent pas seulement de faire leurs cours et
d’enseigner leurs élèves, mais qu’ils s’inspirent égale
ment de leurs intérêts et ne laissent échapper aucune
occasion de leur montrer la voie qu’ils doivent suivre,
la direction à laquelle ils doivent obéir.
—
—
INSCRIPTIONS
Le nombre des inscriptions a été de 683 :
Docteurs.......................................... 218
Officiers de santé............................ 141
Pharmaciens de l ro classe.................. 48
de 2,ne classe.............. 276
683
Si nous comparons cette année à celles qui font pré
cédée nous trouvons :
Docteurs ..
Officiers de santé.............
Pharmaciens de l r0 classe
»
de 21,10classe
1888-89 1887-88 1886-87 1885-86
218 193 174. 129
141 138 138 114
48 26 34 29
276 240 281 252
683 597 627 524
Il résulte de ces chiffres que c’est, au doctorat que
nous devons plus particulièrement l'augmentation du
nombre des inscriptions. L’officiat est à peu près sta
tionnaire. Bien que peu nombreux, les pharmaciens de
lro classe ont presque doublé leur nombre.
Les examens pour le doctorat ont eu lieu aux époques
déterminées devant un jury de professeurs de la Fa
culté de Médecine de Montpellier. Ils ont eu les résul
tats suivants :
Inscrits Examinés Admis Refusés
1er examen......................
2e » l r0 partie.. . . . 12
» » 2° partie... . . 2
17
6
2
7
4
2
10
2
»
31
25 13 12
Pour la première partie du 2,ue examen, on peut cons
tater la différence qui existe entre le chiffre des ins
criptions et celui des élèves examinés. Co résultat est
la conséquence d’une mesure nouvelle prise par la Fa
culté de Montpellier et dont nos élèves n’avaient pas
été avertis. Surpris par cette décision, la moitié d’entre
eux a préféré renvoyer l’examen à une époque posté
rieure.
�— 99 —
— 98 —
Les notes données ont été :
Bien Assez-bien Médiocre
•
1
4
Ier ex am en ............................. ___ 2
2mo » l re p a rtie ......... . . . . 1
»
3
»
» 2 mo partie . . . . . . . . 1
1
»
4
2
Officiât. — Session d ’avril.
7
Examinés Admis Ajournés
2
»
2
1
3
»
j^er Examen
2
9me »
3
3me »
3
Mentions Bien
Assez-bien
Médiocre
Session d’août.
3
1
3
Ajournés
1
5
»
2
»
2
2
3
Examinés -Ydmis
1er Examen
6
2rae »
2
3me »
2
Notes : Assez-bien
Médiocre
O A U C ,o-rLjU iU L5,
Examinés Admis Ajournés
Session d’avril !
1
»
» d’août 5
3
2
Kxainen préparatoire pour les aspirants au diplôme
d herboriste et de sage-femme de lro classe :
Examinés Admis Ajournés
Session d’avril 12
3
9
» d’août 7
2
Mentions Bien 4 Assez-bien
Passable
PHARMACIENS DE 2'"* CLASSE.
Session d’août.
Examinés Admis Ajournés
7
21
28
ior Examen
9mo
22
19
3
4
21
25
3rae »
1
Mentions T rès-bien
7
» Bien
13
Assez-bien
»
40
» Médiocre
Validation de stage.
Examinés Admis Ajournés
22
15
7
Mention Bien 1 Assez-bien 7 Médiocre 7
HERBORISTES.
4 (1 homme et 3 femmes) Admis 3 Ajourné 1
Session de novembre.
Examinés Admis Ajournés
6
10
1er Examen
13
13
2mo »
^mo »
14
16
t
Mentions Très-bien
5
Bien
»
Assez-bien 5
»
Médiocre 22
»
Validation de stage.
4
«
2
Examinés Admis Ajournés
16
12
4
Mention Assez-bien 5 Mention Médiocre 7
�EXAMENS DE FIN D’ANNEE.
Officiât. — Session d'août.
Inscrits Examinés Admis Ajournés
)>
6
1er Examen 7
6
3
3
2me »
8
6
3
10
3,no »
15
13
Mentions Bien 4 Assez-bien 6 Médiocre î
Session de novembre.
4
1
2me Examen 5
5
3rae »
6
6
4
2
2
Médiocre 1
Mentions Bien 2 Passable
PHARMACIENS DE i ro CLASSE.
Session d’août
Examinés Admis Ajournés
»
4
1er Examen
4
»
2mo »
1
1
Session de novembre.
»
1
1er Examen
1
»
2 tno
»
2
2
»
Examen semestriel d'avril 5
5
Mentions Très-bien 2 Assez-bien 4 Médiocre
PHARMACIENS DE 2 m ° CLASSE.
Session d’août.
Examinés Admis Ajournés
14
12
1er Examen
26
9
2"lc »
24
15
Médiocre
1
Mentions Bien 3 Assez-bien 12
Session de novembre.
6
4
Ier Examen
10
2",e »
8
3
5
Mentions Passable 5 Médiocre 4
— toi
Il résulte des examens de fin d’année que 15 étu
diants au moins sont ajournés définitivement et doivent
renouveler leur année. Les étudiants en médecine sont
au nombre de 6, les étudiants en pharmacie de 9.
Plusieurs fois déjà, soit au Conseil général des Fa
cultés, soit dans mes précédents rapports, j’ai appelé
l’attention et la sollicitude de l'autorité supérieure sur
la situation pleine de dangers de ces étudiants qui,
par défaut de travail, ou, peut-être, par le fait une
intelligence plus paresseuse, échouent dans leurs exa
mens et doivent attendre une année entière pour re
prendre le cours de leur scolarité.
Le Conseil de l’Ecole s’est occupé de cette question,
et frappé de cette considération que, si ces étudiants
sont incapables actuellement de subir un examen avec
succès, ils le seront plus encore après une année, pen
dant laquelle ils seront soustraits à toute surveillance.
Il a décidé que la surveillance la plus stricte serait
exercée sur eux, que leurs familles seraient informées
de leur situation et de l'importance extrême qu'il y a
pour ces élèves de consacrer au travail cette période
d’arrêt dans leur scolarité. 11 aurait voulu imposer aux
élèves en pharmacie le renouvellement des travaux
pratiques, mais il a été arrêté par cette considération
qu'il n’est pas en droit d'imposer aux familles des dé
penses non prévues par les règlements. Plus libre à
l’égard des étudiants en médecine, il leur imposera les
dissections et le stage hospitalier qui ne réclament à
l’Ecole aucun sacrifice.
Je termine mon rapport, Monsieur le Recteur, en
exprimant le désir que les nouvelles mesures prises par
l'Ecole seront accueillies par nos étudiants comme une
�10-2 —
preuve de sollicitude et d’intérêt de la part de leurs
maîtres qui se réjouissent de leurs succès et souffrent
de leurs revers. Heureux de se trouver dans une ville
où ils rencontrent tant d’éléments de travail et d’ins
truction médicale, ils tiendront à honneur de maintenir
le bon renom de l’Ecole de Marseille.
Liste des travaux publiés, dans le courant de Vannée
scolaire 1888-1889, par MM. les Professeurs de
l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Marseille.
M. le professeur S irus -P ir o n d i . — 1° De la naupatliie et de son traitement. — 2° Nouveau coup d’épée
dans l’eau à propos d’hygiène.
M. le professeur R ampal . — Compte-rendu du Con
seil d’hygiène.
M. le professeur C aillol de P oncy . — Dosage de la
glycérine dans les eaux industrielles.
Appareil pour la vérification expérimentale des lois
du Pendule.
M. le professeur H ec k el . — Monographie des globularices sur les oléogommorésines des Araucaria.
Sur quelques végétaux nouveaux et utiles de l’Afri
que tropicale.
M. le professeur J ourdan . — Les sens chez les ani
maux inférieurs (.Bibliothèque scientifique contempo
raine, J.-B. Baillière).
M. le professeur L ivon. — Le tout à l'égoùt à Mar
seille [Marseille médical, juillet 1889).
Revues et analyses dans le Marseille médical.
M. le professeur V illen eu v e . — Quelques faits pour
— 103 —
servir à l’histoire des injections de suc testiculaire,
etc.
[Marseille médical, septembre 89).
Statistique des opérations pratiquées à la clinique de
chirurgie [Société de Chirurgie, 13 novembre 1889),
M. le professeur Roux (de Brignoles) père. — Comp
te-rendu des travaux du Conseil d’hygiène du départe
ment, en collaboration avec M. le professeur R ampal .
M. le professeur R ietsch . — Sur un nouveau bacille
pyogène trouvé dans l’ulcère de l'Yémen [Compte-rendu
de VAcadémie des Sciences, 6 août 1889), en collabo
ration avec M. le docteur du B ourguet .
M. le professeur N epv e u . — Parasites dans le palu
disme, leurs variétés, leurs effets sur le sang, leurs
origines [Congrès de l’A ssociation française pour
l’avancement des sciences, 1889).
M. le professeur F allût . — L’encéphale des crimi
nels [Revue d’A nthropologie criminelle, Lyon 1889).
Recherches sur l'indice céphalique de la population
provençale [Revue Anthropologique, Paris, 1889).
M. le professeur G ourret . — 1° Les podophthalmes
du golfe de Marseille [Annales du Musée d’Histoire
naturelle).
2° Le Crétacé du massif d’Allauch et de Garlaban
[Bulletin Société Géologique de Bruxelles).
3° Le tertiaire marin de Carry [Bulletin Société
Géologique de France).
4° Note sur les entomostracés [Archives de Bio
logie).
M. le professeur A rnaud . — 1° Teignes à Marseille,
notes historiques et statistiques [Marseille médicalT).
2° Cancer du cardia chez une jeune lille de 19 ans.
Vomissements incœrcibles Marseille médicaV.
�3* Jacques Daviel, chirurgien et professeur à l’HôtelDieu de Marseille, 1723-1746 {Marseille médical).
4° Rupture spontanée du cœur (Commission scienti
fique du Comité médical, octobre 1889).
5° Recherches expérimentales sur la toxicité de la
substance des capsules surrénales. En collaboration
avec le docteur A lezais (Association française pour
l'avancement des sciences. Congrès de Paris, 1889).
M. le professeur Roux (de Brignoles) tils. — De
l’emploi de l’iodoforme dans le traitement des métrites
[Annales de Gynécologie, juin 1889).
M. le docteur A lezais , chef des travaux anatomi
ques. — Monstre double autosite, monomphalien ecto
page {Marseille médical, novembre 1888).
Le cerveau et le crâne de deux assassins. En colla
boration avec le professeur F allût [Marseille médical,
décembre 1888b
Stigmates professionnels chez quelques ouvriers
d’une manufacture de pianos (Comité médical, juillet
1889).
Recherches sur la toxicité de la substance des capsu
les surrinales. En collaboration avec le professeur Ar
naud {Congrès pour l’avancement des sciences, 1889).
La main des bouchonnions (Congrès pour l’avance
ment des sciences, section d'hygiène, 1889.
Travaux faits au laboratoire de bactériologie.
1° MM. Roux et R eynks , étudiants. — Sur une nou
velle méthode de désinfection des mains du chirurgien
Compte-rendu de TAcadémie des Sciences, 26 novem
bre 1888 .
�— 107 —
RAPPORT
Sur les concours de la Faculté de Droit
par M. V ermond , professeur.
M onsieur
le
L ecteur ,
M esdames ,
M essieu rs ,
Les concours qui sont établis auprès des Facultés de
Droit sont de deux sortes : les uns s’adressent aux étu
diants qui, ayant terminé leurs études de licence, aspi
rent au grade plus élevé du doctorat. 11 s'agit d’une
œuvre étendue, de longue haleine, demandant de longs
efforts aux candidats qui ont une année entière pour
mener à bonne fin leur travail. Aux autres sont conviés
les étudiants de licence. Les épreuves ont un caractère
tout différent, : elles consistent en une composition faite
en six heures sur un sujet déterminé : on ne saurait
demander dans un espace de temps aussi limité à ces
candidats ayant moins d’expérience l’exposition d'une
théorie juridique complète ; on ne saurait espérer qu’ils
développent déjà des vues originales. Le but de ces
concours est <I<* constater, en même temps que la eon-
naissance du sujet qui leur est donné, les qualités d’ex
position dont ils peuvent faire preuve : il ne suffit pas
en effet de bien posséder la question qui est donnée à
traiter, il faut encore savoir dégager, mettre en lu
mière les grands principes que la question soulève,
savoir trouver un plan qui permette d’exposer et de
résoudre clairement les difficultés.
Tel est le caractère des concours de doctorat et de
licence, mais hélas ! ce n’est que pour mémoire que j’ai
parlé des concours de doctorat : Ces différents concours
sont en effet absolument facultatifs. Il n’existe aucune
obligation d'y prendre part et il n'arrive que trop sou
vent que les étudiants préfèrent y rester étrangers.
Déjà l'année dernière mon collègue M. Lacoste dé
plorait l’absence complète de concurrents aux concours
de doctorat , et il terminait son rapport en espérant que
cette année on n’aurait pas à exprimer les mêmes re
grets. Ses vœux n’ont pas été exaucés et cette année,
comme l'année précédente, aucun mémoire n’a été dé
posé. La Faculté avait mis au concours la même ques
tion : Etude juridique et économique sur la responsa
bilité des patrons en matière d’accidents survenus
aux ouvriers. C'était un sujet sur l'importance duquel
il est inutile d'insister : les discussions soulevées ré
cemment dans les Parlements français et étrangers
lui donnaient une actualité nouvelle et vous avez pu
juger par le remarquable discours de M. Bry, qui vient
de le traiter sous un de ses aspects, de tout l'intérêt
qu’il présente. Il parait que les étudiants en doctorat
en ont pensé autrement ; aucun candidat ne s'est pré
senté. Aussi la Faculté espérant qu'un autre sujet au
rait plus de succès a mis au concours pour l'année
�prochaine les assurances sur la vie. Je ne puis ici que
renouveler le vœu que faisait, l'année dernière M. La
coste : j’espère donc que le rapporteur, plus heureux
que moi, pourra vous rendre compte de mémoires qui
auront été déposés, au lieu d’avoir seulement à men
tionner l’absence des candidats.
Quant aux concours de licence, le danger de ne voir
aucun concurrent se présenter était moins grand : le
nombre des étudiants en licence est en effet beaucoup
plus considérable que ceux des étudiants en doctorat,
et de plus la somme de travail qu’exigent ces concours
est beaucoup moindre. Néanmoins il faut encore cons
tater une trop grande indifférence pour ces concours.
Ce reproche, il est vrai, ne s’adresse pas tant aux étu
diants de lro et. de 2Uannée qui ont concouru en nombre
suffisant qu’aux étudiants de 3° année. Trois candidats
seulement pour chacun des deux concours institués on
3° année, c’est, bien peu, et l’on s’étonne à bon droit
d'une abstention aussi générale.
Mais c’est assez faire entendre des doléances sur la
pénurie des candidats : il est temps de s’occuper de
ceux qui n’ont pas mérité les critiques que je viens de
formuler, de vous rendre compte deS compositions qui
ont été remises.
En lrc année le concours a porté sur le Droit civil et
sur l'Histoire du Droit.
En Droit civil le sujet proposé était : Des consente
ments requis en matière de mariage. Ce que la Faculté
demandait, c’était bien sans doute et avant tout l’exposé
de la législation existante : les candidats devaient donc
indiquer à quelles conditions, d’après le Code Civil, était
valable le consentement des époux, examiner dans quels
— ion —
cas ce consentement des époux ne suffisait pas, recher
cher à quelles personnes alors il appartenait d’adjoin
dre leur consentement à celui des époux , déterminer
enfin les sanctions au moyen desquelles le législateur
a assuré l’observation des prescriptions qu’il avait éta
blies. Mais cela ne suffisait pas : les concurrents avaient
à mettre en lumière la raison d’être de ces dispositions
législatives et à montrer combien intimement elles se
lient à l'idée que nous nous faisons du mariage, de la
famille. Ils étaient ainsi naturellement amenés à expo
ser les théories admises et par le Droit romain et par
notre ancien Droit et à faire voir comment la conception
diiférente du mariage et de la famille en Droit romain,
dans notre ancien Droit et de nos jours avait donné
naissance en notre matière à des dispositions législa
tives différentes. Les candidats auraient ainsi établi que
les lois ne constituent pas des dispositions arbitraires,
mais ne sont en quelque sorte que le reflet des mœurs
de la société qu’elles sont appelées à régir.
Ce point de vue a échappé à presque tous les concur
rents qui se sont bornés à exposer les dispositions con
tenues dans la législation actuelle. Seul M. Ripert a
compris qu'il était intéressant de s'occuper des législa
tions antérieures : à cet égard sa composition est donc
préférable à colles des autres candidats. Mais M. Ri
pert n'a pas su tirer de son idée tout le parti désirable :
s'il s'est occupé de l'historique de la question, ce n'est
qu'à un point de vue tout spécial qu'il l'a fait, de telle
sorte que cette partie de son travail ne présente pas
tout l'intérêt qu'on aurait pu en attendre : en outre, en
ce qui concerne l’étude de la législation actuelle, on
peut lui reprocher d’avoir traité trop légèrement des
�questions fort importantes telles que l’influence de l'er
reur et de la violence sur le consentement des époux.
Aussi la Faculté a-t-elle cru devoir ne lui donner que
le deuxième prix et lui préférer M. Cantas qui obtient
le premier prix: M. Gantas a complètement laissé de
côté l’historique de la question, mais il fait preuve
d’une connaissance très complète de la législation ac
tuelle, et on ne saurait signaler aucune lacune. Il est à
regretter seulement que le sujet n’ait pas été traité avec
plus d’art, qu'il y ait souvent de la confusion dans les
développements présentés.
M. Stéphane Iiousset,à qui une première mention est
accordée, s’est contenté, comme M. Gantas, de nous
exposer la législation actuelle dans une composition
claire et bien ordonnée ; la façon trop sommaire dont
certaines questions importantes ont été traitées, l'ab
sence complète d'historique l'ont fait placer après
MM. Cantas et Ripert.
Enfin une seconde mention a été obtenue par M. Ma
ria. M. Maria a bien exposé tout ce qui a trait au con
sentement des ascendants ; mais, comprenant mal le
sujet, il a cru pouvoir négliger tout ce qui touche au
consentement des époux dont il ne parle que d’une façon
incidente.
En Histoire du Droit les concurrents avaient à trai
ter : Le Parlement de Paris, ses origines, son rôle
politique. De même qu’en Droit civil, la Faculté a jugé
quatre compositions dignes de récompense.
M. Maria a obtenu le premier prix : son travail fait
preuve d’une connaissance exacte du sujet : après avoir
indiqué la composition du Parlement aux différentes
époques de notre histoire, il a étudié avec un soin tout
—m
particulier le droit d’enregistrement et de remontrance
grâce auquel le Parlement a joué un rôle politique si
considérable, il nous a exposé dans quelles circonstan
ces importantes il a prétendu en user ; enfin il a appré
cié le rôle politique du Parlement, appréciation qui
forme la conclusion naturelle de son travail. La compo
sition est bien conduite et se recommande par sa
clarté.
On retrouve dans l’œuvre de M. Rousset Stéphane,
qui a le second prix, les qualités que nous lui avons
reconnues dans le concours de Droit civil : M. Rousset
connaît bien le sujet, fait preuve d'une bonne méthode ;
mais il se montre néanmoins inférieur à M. Maria : sa
composition est loin d’être aussi complète et tout ce qui
a trait au rôle politique du Parlement, la partie impor
tante du sujet, est moins bien traité.
Si M. Ripert n’obtient qu'une première mention, c'est
au défaut de clarté que l'on constate dans ses dévelop
pements qu’il le doit, car on ne saurait signaler dans
sa composition plus d’erreurs ni de lacunes que dans
celle de M. Rousset.
Enfin une deuxième mention est échue à M. Toleff
pour une composition moins complète que les précé
dentes, mais néanmoins encore fort estimable. M.Tolelf est d’autant plus digne de félicitations que, étant
étranger, il est moins familiarisé avec notre langue et
notre histoire.
Passons aux concours de deuxième année : ils por
taient sur le Droit civil et le Droit romain.
Les concurrents avaient à traiter en Droit civil : Des
�différentes espèces de legs ; des droits et des obliga
tions qui en naissent.
Il est peu de théories qui aient donné lieu à autant de
difficultés. Les deux législations qui régissaient la
France au moment de la rédaction du Gode Civil, fon
dées en notre matière sur des principes absolument
contraires, conduisaient dès lors à des conséquences
tout à fait différentes. C’était d’une part la législation
romaine voyant dans l’héritier institué, c’est-à-dire
dans le légataire universel un continuateur de la per
sonne du défunt, en d’autres termes un être physique
qui, au point de vue juridique, constitue la même per
sonne que le défunt lui-même. C’était, d’autre part, la
législation coutumière qui proclamait par sa célèbre
formule : « Institution d'héritier n’a lieu » que le défunt
ne pouvait ainsi par son testament se donner un conti
nuateur de sa personne juridique et ne voyait dès lors
dans le légataire universel qu'un simple successeur aux
biens. Les rédacteurs du Code Civil ne s’étant pas
expliqués d'une façon certaine, les concurrents avaient
à rechercher quelle a ôté la théorie admise. Le Code
Civil a-t-il suivi la théorie romaine ? S’est-il au con
traire inspiré du Droit coutumier ? A-t-il au contraire
admis un système empruntant ses principes à ces deux
législations et formant une sorte de transaction ? Dans
ce cas quelle est l’idée précise qui a guidé les rédac
teurs du Code ? C’était-là la grande question du sujet,
c’était à cette question que les étudiants devaient prin
cipalement s’attacher.
M. Brun, qui a le premier prix, a fait une excellente
composition : il serait difficile de relever une inexacti
tude, de signaler une lacune : les questions importantes
du sujet sont toutes exposées avec des développements
suffisants, le style est correct et d’une précision remar
quable. Peut-être pourrait-on cependant lui faire cette
légère critique de n’avoir pas insisté suffisamment sur
la question importante que je viens de signaler.
M. KanefTa également remis une bonne composition
qui lui a valu un second prix : toutefois il a été infé
rieur à M. Brun, notamment à raison de quelques la
cunes importantes : c’est ainsi qu’il ne parle pas de la
saisine des légataires, qu’il ne s’inquiète pas de déter
miner à quel moment le légataire acquiert les fruits.
M. Tclmon, à qui est décerné une première mention,
possède bien le sujet, mais il se montre bien inférieur à
MM. Brun et Kanelî au point de vue de l’exposition du
sujet : il y a de la sécheresse dans les développements
et le plan suivi est confus et difficile à suivre.
Ce même défaut peut être reproché à M. Vassal qui
obtient une deuxième mention ex aequo avec M. Shigeoka : M. Vassal présente une composition longue, diffuse,
dans laquelle on peut relever bien des inexactitudes,
mais qui a le mérite d’être complète : M. Shigeoka au
contraire traite le sujet d'une façon brève, précise et
exacte, dans une langue correcte qui laisserait à peine
supposer l’origine étrangère de l'auteur qui est japo
nais. Si M. Shigeoka ne se trouve placé qu’au qua
trième rang, c'est parce que sa composition présente
quelques lacunes et que souvent les développements
sont insuffisants.
Le sujet de composition de Droit romain était : Des
adprornissores, leur utilité, leur caractère, les béné
fices qui leur sont accordés.
Ce sujet sc recommandait tout d’ahord par la très
�— 114 —
grande importance pratique qu’il avait à Rome : il s'a
gissait en effet d'étudier le cautionnement dans sa forme
la plus usuelle, et l’on sait qu'à Rome, à la différence
de ce qui se produit aujourd’hui, les sûretés personnel
les, c’est-à-dire le cautionnement, étaient bien préfé
rées aux sûretés réelles, c’est-à-dire à l’hypothèque.
En outre et surtout ce sujet était intéressant en ce qu’il
fournissait un des exemples les plus remarquables de
l’habileté avec laquelle les Romains conciliaient les
principes rigoureux du Droit et les nécessités de la pra
tique.
Les candidats avaient à montrer comment à l’origine
le désir d’empêcher l’accumulation des dettes, source
de luttes entre les patriciens et les plébéiens, dut con
duire les Romains à restreindre autant que possible l’em
ploi et les effets de Yadpromissio, comment ensuite ces
guerres civiles n’étant plus à craindre, ils furent amenés
au contraire à en favoriser le développement, comment
un contrat aussi peu souple que la stipulation par la
quelle se faisait Yadpromissio put arriver à donner
satisfaction à deux intérêts qui paraissent absolument
opposés et qui cependant sont également respectables :
d’une part l’intérêt du créancier qui, en se faisant don
ner un adpromissor, veut obtenir une sûreté aussi com
plète que possible, d’autre part l’intérêt de Yadpromis
sor, de la caution qui, rendant un service, doit être trai
tée avec la plus grande douceur. L’étude du caractère
de Yadpromissio, des bénéfices qui ont été accordés
aux adpromissores montre comment en pratique le
Droit romain a triomphé heureusement de ces diffi
cultés.
M. Brun obtient en Droit romain comme en Droit
— 115 —
français le premier prix : on retrouve dans son travail
toutes les qualités dont il avait fait preuve en Droit
civil : toutefois il a commis quelques inexactitudes qui
placent sa composition de Droit romain un peu au-desde sa composition de Droit civil.
M. Voile, à qui un second prix est accordé, a suivi
un plan original : les développements sont en général
bien présentés, mais on peut lui reprocher quelques er
reurs et quelques lacunes. M. Voile ne paraît pas pos
séder le sujet d’une façon aussi certaine que M. Brun.
M. Kaneff au contraire le connaît très bien; son tra
vail est plus complet que celui de M. Voile. Mais il n’a
pas eu le temps de terminer : il a par suite traité d’une
façon trop sommaire les bénéfices appartenant aux ad
promissores et par suite il n’a pu avoir qu’une pre
mière mention.
A MM. Telmon et Castellan est échue une deuxième
mention ex œquo : le grand défaut de leurs composi
tions consiste dans l’absence d’une division méthodi
que : la composition de M. Telmon est plus précise,
mais plus courte ; celle de M. Castellan est plus déve
loppée, mais elle contient plus d'erreurs.
Enfin une troisième mention est décernée à M. Pesanos pour un travail où l’on ne relève aucune erreur,
mais qui n’a pas reçu le développement que comportait
le sujet.
soijls
La troisième année à laquelle j’arrive maintenant se
fait remarquer, ainsi que j'ai eu le regret de le cons
tater déjà, par la rareté des concurrents, puisque pour
chacun des deux concours trois compositions seulement
ont été remises, mais heureusement la qualité supplée
;
, .
�a la quantité, si bien que la Faculté a pu dans chaque
concours décerner les deux prix.
En Droit civil le concours portait sur la responsa
bilité des locataires en cas d'incendie.
Ce sujet présentait un intérêt tout spécial provenant
de ce qu'une loi du 5 janvier 1883 a apporté d’impor
tantes modifications au Code Civil. Après avoir étudié
la théorie primitive du Code Civil, en avoir établi le
fondement, en avoir développé les conséquences et si
gnalé les inconvénients, les concurrents devaient expo
ser les réformes introduites par la nouvelle loi. Ils
avaient ainsi à parler de la disparition de la solidarité
entre colocataires, ils avaient à se demander si la nou
velle loi elle-même ou tout au moins les discussions
législatives auxquelles elle a donné lieu n’auraient pas
dû amener les tribunaux à abandonner cette théorie
déjà si contestable auparavant qui fonde la responsabi
lité des locataires sur la fameuse présomption d’après
laquelle les incendies sont le plus souvent causés par la
faute des locataires, et à se rattacher à cette idée que
la responsabilité des locataires repose sur cette règle
de droit commun qui veut que toute personne tenue de
restituer une chose doit des dommages-intérêts quand
elle ne peut faire cette restitution, à moins qu’elle ne
prouve que la chose a péri par cas fortuit ou force ma
jeure. Les concurrents avaient enfin à montrer le grand
intérêt pratique de cette discussion.
M. Belin, qui a le premier prix, a remis une excel
lente composition : le sujet est fort bien étudié ; les
principes sont très bien mis en relief, et le plan est très
bien conçu. C’est à peine si on pourrait signaler, je ne
dirai pas une lacune, mais une ou deux inexactitudes,
et encore ces inexactitudes, comme le montrent les dé
veloppements donnés, sont-elles dans l’expression et
non pas dans la pensée.
Un travail fort estimable mais qui est cependant loin
de valoir celui de M. Belin a fait décerner un deuxième
prix à M. Jacquot. On peut reprocher à M. Jacquot un
défaut de proportion dans les explications qu’il pré
sente : il donne une trop grande importance à des
questions qui n’olfrent qu’un intérêt secondaire et passe
au contraire bien trop vite sur des points méritant plus
d’attention. Ces critiques faites, on est heureux de re
connaître que le sujet est présenté avec clarté et que
les conséquences des principes posés sont déduites
avec logique.
C’est sur le Droit international privé qu’a porté en
second lieu le concours de troisième année. Le sujet
donné avait pour titre : De la compétence des tribu
naux français à l'égard des étrangers.
Deux questions importantes devaient être étudiées.
Un étranger peut avoir à plaider contre un Français
soit comme demandeur, soit comme défendeur : n’y
a-t-il pas alors des règles spéciales de compétence éta
blies par le législateur et motivées par la présence au
procès de cet étranger ? Le commentaire des articles 14
et 15 C. Civ. fournissait la réponse. Ensuite (et c'est là
la seconde question) un étranger peut avoir à plaider
contre un autre étranger : ici se pose la célèbre contro
verse sur le point de savoir si les tribunaux français
sont ou non compétents. Doit-on admettre le système
de la jurisprudence qui déclare qu'il y a pour les tribu
naux français incompétence relative ? Faut-il déclarer
qu'il v a incompétence absolue? Ne doit-on pas dire au
�■ MH
— ils —
contraire que les tribunaux sont compétents et que la
justice est aussi bien due aux étrangers qu’aux Fran
çais eux-mèmes ?
M. Beliu a mérité en Droit international privé comme
en Droit civil le premier prix. La composition remise
par M. Belin dénote un travail personnel très sérieux :
il n’y a pas une simple reproduction de ce qui a été
enseigné par le professeur : le sujet est d’ailleurs traité
d’une façon bien complète : les lacunes et les inexacti
tudes que l'on pourrait signaler sont bien légères.
La composition de M. Aude se place à une assez
grande distance de celle de M. Belin : des lacunes im
portantes existent : notamment l’explication de l’article
14 G. Civ. est bien incomplète : aucune mention n’est
faite de questions qui se posent sur cet article et qui
sont très vivement controversées. Mais M. Aude a eu
le mérite d’avoir bien compris la question, de l’avoir
bien posée et d’avoir bien traité en général le sujet. Les
qualités dont il a fait preuve lui ont assuré le second
prix.
A côté de ces concours établis dans chaque Faculté,
il existe un concours général entre les étudiants de
troisième année de toutes les Facultés de France : quel
quefois le rapporteur est obligé de passer sous silence
ce concours, la Faculté n’ayant mérité aucune récom
pense. Il n'en est pas ainsi cette année. M. Belin ne
s’est pas contenté des deux premiers prix qui lui ont
été décernés par la Faculté ; il a en outre obtenu une
troisième mention au concours général : nous lui adres
sons pour ce triple succès nos plus chaleureuses félici
tations. Déjà l’année dernière M. Aubéry avait mérité
— 119 —
une distinction semblable. .Nous espérons que ces suc
cès encourageront nos étudiants de première et de
deuxième années, les détermineront, pour suivre l’exem
ple de leurs devanciers, à ne pas négliger, comme cela
se produit trop souvent, dans le courant de l’année, les
compositions écrites et qu'ils contribueront à établir
cette tradition qu’il ne doit y avoir en France aucun
concours général entre les Facultés de Droit à la suite
duquel la Faculté d'Aix ne soit pas récompensée.
I
�RA PPO RT
Sur les concours- de l’Ecole de plein exercice
de Médecine el de Pharmacie de Marseille.
par M. le D r N epv eu , professeur.
M onsieur
le
K ec teu r ,
M esdam es ,
M e ssieu r s ,
Il y a maintenant dix ans que pour la première fois
dans les séances solennelles de rentrée de nos Facultés
auxquelles je voudrais pouvoir donner le nom d’Université de Provence, l’Ecole de Médecine et de Pharmacie
a pris elle aussi l’habitude de vous présenter un rap
port sur les prix qu’elle décerne à ses élèves.
Faire connaître les meilleurs travaux présentés à
nos concours, stimuler les efforts de tous, soit en dis
tribuant des éloges mérités ou des encouragements
discrets, soit en donnant quelques conseils, fruits cer
tains de leur expérience et de leur sagesse, tel a été le
but de tous nos devanciers.
Tel serait aussi le mien, si je ne croyais devoir me
restreindre à mon simple rôle de rapporteur.
L’Ecole de Médecine n’a eu que deux candidats pour
— 124 —
les prix de deuxième année, ils avaient à décrire l’ar
tère sous-clavière et ses branches, le phénomène de la
contraction musculaire, la division des anévrysmes
du cou et l’anévrysme artério veineux. Parmi ces ques
tions, l’une d’elles, celle de physiologie, a plus parti
culièrement et d’une façon peut-être trop exclusive
attiré leur attention. Suivons-les, si vous le voulez bien,
un instant sur ce sujet plein d’intérêt : le phénomène de
la contraction musculaire.
En quelques traits nos deux candidats rappellent
d’abord quelques notions anatomiques indispensables ;
deux espèces d’éléments composent essentiellement les
tissus contractiles, le système musculaire en un mot :
Les fibres musculaires dites striées qu'on reconnaît
aisément au microscope à leurs stries transversales et
les libres que par opposition avec celles-ci on désigne
sous le nom de fibres lisses.
Parallèlement à ces deux variétés d’éléments anato
miques, nos candidats décrivent deux variétés phvsiologiques de la contraction musculaire : l'//«e brève,
instantanée soumise à l’influence de la volonté et qui se
présente dans les muscles striés ou de la vie animale,
ceux des membres par exemple ; Vautre lente, irrégu
lière, péristaltique, qui est l’apanage des muscles lisses
ou de la vie végétative ; je citerai ceux de la paroi mus
culaire de l'intestin.
Etudiant alors le phénomène de la contraction à un
point de vue général, ils montrent le raccourcissement
qui se produit alors dans les muscles, le durcissement
qui l’accompagne sans changement de volume appré
ciable. Nous ne les suivrons pas dans l'étude du chan
gement intime de forme des libres musculaire* elles6
�mêmes ; elles deviennent onduleuses comme on sait et
prennent la forme dite en zigzag. Ils n’ont garde d’ou
blier à ce propos les beaux travaux de Marey sur l'onde
musculaire, sa vitesse, sur le tétanos dont il est par
venu à nous retracer l’image par ses ingénieux appa
reils graphiques. Nous pouvons dire qu’ils ont été tous
deux fort complets, ils ont même dépassé le but, ajou
tant. à leur sujet la description de la contractilité mus
culaire ; aussi n’ont-ils pu traiter que très parcimonieu
sement les autres questions qui leur étaient posées.
Oserai-je leur en faire un reproche ? La physiologie
musculaire a été en France l’objet de très remarqua
bles travaux; les noms de Rouget, de Cl. Bernard, de
Béclard, de Marey en font foi. Cette partie de la phy
siologie est même vue avec faveur par les gens du
monde ; est-ce seulement pour augmenter leur force
musculaire ou leur souplesse que nous voyons nos jeu
nes gens des deux sexes se livrer à cette étude patiente
de discipline sur leurs muscles ? n’a-t-elle pour but que
de retremper notre race, de la rendre plus vigoureuse,
et partant plus féconde puisqu’il le faut ? En donnant
a tous des muscles d’acier, la juste et saine culture de
l’activité musculaire ne sert-elle pas aussi à entretenir
avec la force physique l’énergie morale qui la guide!
Mais revenons à nos deux candidats. Des différences
de détails les séparent, aussi le jury voulant encoura
ger leurs elforts a-t-il proposé au Conseil de l'Ecole de
leur donner deux prix. En conséquence le premier prix
a été décerné à M. Aslanian, le deuxième à M. Rathelot.
Pour le concours de troisième année les deux ques
tions étaient les suivantes : De l'étranglement herniaire
et du fœtus à terme.
- m —
Le sujet classique de l’étranglement herniaire a été
traité comme on devait s’y attendre d’une façon satis
faisante par tous les candidats. Aussi ne ferai-je que
glisser sur les éloges que nous pourrions leur faire à
ce sujet, j’attirerai avec plus de profit pour eux leur
attention sur l’épreuve d’accouchement qui a présenté
quelques lacunes ; le jury en a tenu compte et n’a pas
cru devoir donner de premier prix, proposition que le
Conseil de l’Ecole s’est empressé d’adopter, désireux lui
aussi de montrer toute l’importance qu’il attache à l’une
des branches les plus justement considérées de notre
art.
Un deuxième prix pour le doctorat a donc été donné
à M. Roux.
Pour l’ofiiciat de santé, un deuxième prix a été ac
cordé à M. Lop et une mention honorable à M. Sepet.
Comme on le voit, en somme, les concours de prix
de notre Ecole de Médecine présentent, malgré quel
ques défaillances, un ensemble satisfaisant pour le
présent, parfois même de brillantes promesses pour
l’avenir.
Les élèves en pharmacie de première année ont eu à
traiter les questions suivantes : En physique, la bo
bine de RhumkorlT; en chimie, le chlore, le brome,
l’iode ; en pharmacie, les acides tartrique, citrique et
les tartrates et citrates indiqués au Codex. Quant à
l'épreuve* pratique, elle consistait dans la préparation
des protoiodures de mercure et le montage d'une fiole
à laver.
Six candidats ont répondu a l’appel, mais les épreu
ves ont été un peu inégales. C'est ainsi que M. Gaspa
est le seul qui ait présente une description complète des
�— 1?5 —
extra-courants. En chimie, l'étendue de la question in
diquait nettement que le jury désirait une étude com
parative générale du chlore, du brome et de l’iode. Les
candidats n’ont rendu que d’une façon incomplète la
pensée de leurs juges. Ils n’ont pas assez nettement
fait ressortir les caractères généraux, les affinités et
les différences de ce groupe chimique si naturel.
Le travail de M. Lèbre était le meilleur cependant ;
en pharmacie la lutte mollissait un peu, elle ne redeve
nait plus vive que dans les épreuves pratiques où
M. Lèbre et M. Amie prenaient décidément l'avance.
Le jury décerne le premier prix à M. Lèbre, le
deuxième à M. Amie et accorde une mention honorable
à M. G asp a.
T rois élèves seulement se sont présentés au concours
de deuxième année : les questions suivantes leur ont été
posées : En botanique, des fougères, procédés de re
production, principes de classification ; en microgra
phie, faire une coupe transversale du tubercule de dah
lia ; en matière médicale, traiter par écrit la question
des médicaments fournis par les fougères ; en pharma
cie, composition écrite sur l'acide acétique. Enfin ils
ont eu à reconnaître le mélange de deux sels : bichlorure de mercure et sulfate de zinc.
Les épreuves écrites de botanique et de pharmacie
ont été bonnes ; si au point de vue de l’étendue des
connaissances et de la clarté de l’exposition, M. Gar
nier l’emporte dans l’une, M. Cournaud l’emporte à son
tour dans l’autre. L’épreuve de matière médicale seule
a été un peu faible. Aucun des candidats n’a donné de
description du rhizome de la fougère mAle, et encore
moins la structure histologique. Aucun n'a fait connaî
tre la composition du principe actif.
Les candidats se sont relevés dans les épreuves pra
tiques de chimie et de matières médicales qui ont été
excellentes.
Le premier prix est resté à M. Cournaud, chaude
ment disputé par M. Garnier, qui a eu le second prix.
Le jury décerne en outre une mention honorable à
M. Siméon.
Pour le concours de troisième année, en chimie, le
sujet donné était les alcools en général et l’alcool ordi
naire en particulier. L’épreuve écrite de matière médi
cale roulait sur les ombellifères ; de plus on avait à re
connaître les impuretés d'un acide sulfurique auquel
on avait ajouté 50 0/0 d’eau, i 0/0 d’acide nitrique et
0,1 0/0 d’acide arsénieux.
Un seul candidat s’est présenté au concours ; le jury
a été satisfait tout particulièrement des épreuves prati
ques qui ont été très bonnes. M. Lure a obtenu le
prix.
En terminant ce qui a trait à l’Ecole de Pharmacie,
permettez-moi de faire quelques remarques. Si le nom
bre des candidats est resté au même chiffre, les épreu
ves écrites ont été certainement en progrès sur l'an
dernier, et de plus les épreuves pratiques, fait qui a
une signification particulièrement heureuse, ont été
excellentes pour tous les élèves sans exception ; un bon
tiers des candidats, a même atteint la note maximum,
suivi de très près par leurs camarades.
Nous n’avons pas à rechercher ici les causes de cette
supériorité si marquée de nos élèves en pharmacie dans
les épreuves pratiques, elle est sans aucun doute le
résultat d'un enseignement dont la haute valeur vous
est bien connue, mais elle est aussi le résultat de l'at-
�traction particulière qu'exercent sur les étudiants en
pharmacie tout ce qui touche plus particulièrement à la
pratique de leur art.
Cette attraction vers les réalités de la profession se
retrouve chez les étudiants en médecine ; on peut même
dire que la grande masse des élèves, non pas seule
ment à Marseille, mais dans toutes les Universités de
France et de l’étranger, manifestent la même tendance
générale. La plupart d’entre eux n'acceptent en effet les
études théoriques que comme une nécessité passagère ;
dans leurs préoccupations elles n’occupent qu’une place
bien restreinte ; relations éphémères, dirons-nous, trop
vite écourtées, toujours trop longues à leur gré, mais
l’illusion est courte et le repentir est long a dit un
grand poète ; la pratique que la théorie n'éclaire pas
est vaine ; on ne peut être un vrai praticien qu’à moins
d’être aussi suffisamment instruit dans les principes
mêmes de notre art. Voilà ce que nous ne cesserons
de répéter à nos élèves dans leur intérêt bien entendu.
Rien n’est du reste épargné pour assurer dans notre
Ecole, cette union intime de l’art et de la science, de la
théorie et de la pratique! N’avons-nous pas les exerci
ces pratiques de physique, de chimie, d’anatomie, de
physiologie, d’anatomie pathologique ? N'avons - nous
pas les exercices cliniques répétés au lit du malade ?
Tels sont les nombreux travaux pratiques auxquels
sont soumis nos étudiants en médecine. Nous pouvons
constater qu’ils les affectionnent plus particulièrement
et nous pouvons dire que leur niveau y est tout aussi
élevé que partout ailleurs.
Par un oubli regrettable, nous n’avons pas inscrit
jusqu’ici dans nos concours de prix de médecine d’é-
— P>7 —
preuves pratiques de ce genre ; bien mieux nos prédé
cesseurs y ont accumulé pour ainsi dire les composi
tions techniques. Ces programmes encyclopédiques
effraient et découragent même l’étudiant laborieux et
enlèvent à celui qui s'est familiarisé avec la pratique
toute sa réelle supériorité sur celui qui ne parle ou n’é
crit que de mémoire.
Heureusement il nous est facile de remanier les pro
grammes de nos concours de prix dans une meilleure
direction, et à ce sujet le Conseil de notre Ecole étudie
depuis quelque temps déjà d’importantes modifications.
Ainsi donc pour nos prix, comme partout ailleurs dans
leurs examens, nos élèves auront à faire preuve non
plus seulement de solides connaissances théoriques ab
solument nécessaires du reste, mais qui seules n’ont
que l’éclat d’un jour ; ils devront y associer la preuve
pratique de connaissances positives réelles, les seules
vraiment durables.
Tel est dans toutes les directions le but du véritable
enseignement scientifique moderne et spécialement
celui de l’enseignement pharmaceutique et médical de
notre Ecole. Appuyé sur cette base solide, il ne nous
reste pour en mieux faire connaître le véritable esprit
de progrès qu’à prendre à notre compte la belle devise :
Yiret acquirit eundo, c’est en marchant qu’on peut
croître et grandir !
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1890-1891.pdf
6210c054ae2d250f7a4c9017b8ad1d19
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Text
A C A D É M IE
D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
F A C U L T É S
DE DROIT ET DES LETTRES D’AIX
d e
l a
f a c u l t é
d e s
s c i e n c e s
E T D E L ’É C O L E D E P L E I N E X E R C I C E
1890-1891
D£ m éd ec in e k t d c p h a r m a c i e d e Ma r s e i l l e
A 1 X
ÎMPRIMKIUK ET LITHOURAPHIE J. RKMONDKT-AL’BIN
. ____ ,r
A*
l ’A c
1891
�RAPPORT
Sur les concours de l’Ecole de plein exercice
de Médecine cl de Pharmacie de Marseille.
par M. le Dr .Nepveu, professeur.
ACADÉMIE
D ’A i x
SEANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
Monsieur le R ecteur ,
Mesdames,
DES FACULTÉS DE DROIT ET DES LETTRES D’AIX
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES ET DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
M essieurs ,
11 y a maintenant dix ans que pour la première foi
dans les séances solennelles de rentrée de nos Faculté
auxquelles je voudrais pouvoir donner le nom d'Univei
site de Provence, l’Ecole de Médecine et de Pharmaci
a pris elle aussi l’habitude de vous présenter un rap
port sur les prix qu’elle décerne à ses élèves.
Faire connaître les meilleurs travaux présentés ;
nos concours, stimuler les elForts de tous, soit en dis
tribuant des éloges mérités ou des e n c o u r a g e m e n t s
discrets, soit en donnant quelques conseils, fruits c e r
tains de leur expérience et de leur sagesse, t e l a été l e
but de tous nos devanciers.
I el serait aussi le mien, si je ne croyais devoir me
restreindre à mon simple rôle de rapporteur.
L Ecole de Médecine n'a eu que deux candidats pour
�A C A D É M IE
D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES
F A C U L T É S
DE DROIT ET DES LETTRES D’AIX
d e
l a
f a c u l t é
d e s
s c i e n c e s
E T D E L ’É C O L E D E P L E I N E X E R C I C E
D£ m éd ec in e k t d c p h a r m a c i e d e Ma r s e i l l e
A 1 X
ÎMPRIMKIUK ET LITHOURAPHIE J. RKMONDKT-AL’BIN
. ____ ,r
A*
l ’A c
1891
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE DROIT ET DES LETTRES D’AIX
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES ET DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
La sé a n c e s o l e n n e l l e de re n tr é e des Facultés de Droit
et des L e ttre s d ’Aix, de la Faculté des Sciences et de
l’Ecole de plein ex e rc ic e de Médecine et de Pharmacie
de Marseille a eu lieu à Aix, le lundi 1er d é c e m b re 1 8 9 0
a d e u x h e u r e s , d a n s la salle des actes de la Faculté de
Droit, so u s la p r é s i d e n c e de M. Belin, r e c t e u r de l:Académie.
C o n f o r m é m e n t a u x dispositions du décret du 2 8 dé
c e m b r e 1 8 8 5 , les m e m b r e s du Conseil Général des Fa
cultés a v a ie n t p ris place a u p r è s de M. le Recteur, assisté
de M. l’I n s p e c t e u r de l’Académie.
Les sièges réserv és é ta i e n t occupés p ar M. Rossignol,
s o u s - p r é f e t d ’A i x ; M. A b r a m , m a ire d ’A i x ; M. Bret,
a d j o i n t au m a i r e de M a rs e ille ; MM. Lorin de Reure
et Grassi, p r é s i d e n t s de C h a m b r e à la C o u r d appel,
M. S c h œ l l , p r é s i d e n t du T r ib u n a l civil ; M. F u r b y , avo
cat gé n é ra l ; MM. les Vicaires G é n é ra u x ; des Conseillers
�à la Cour, et des F o n c t i o n n a i r e s a p p a r t e n a n t aux d iv er
RAPPORT
ses ad m inistrations p u b liq u e s .
M. le P re m ie r P résident, M. le Préfet des Bouches-duR h ô n e , M. Leydet, d é p u té d ’Aix, M. le P r o c u r e u r G é n é
SUR
L ’ÉTAT DE L ’ENSEIGNEM ENT SUPÉRIEUR
ral, M. le Maire de Marseille, M. le S e c ré ta ire G énéral
PRÉSENTÉ AU CONSEIL GÉNÉRAL DES FACULTÉS
des B o u c h e s - d u - R h ô n e , M. le P r é s i d e n t d u T rib u n a l
P a r M A lfre d JOURDAN
Civil de Marseille et M. Je P r o c u r e u r de la R é p u b l i q u e
D O Y B N
D E
L A
F A C U L T É
DE
D R O I T
près le m ê m e trib u n al avaient, p a r lettre, e x p r i m é leurs
regrets de ne p o u v o ir assister à la s é a n c e .
MM. les P ro fesseu rs des F a c u lté s et de l'E co le de Mé
decine, M. le P r o v is e u r et une délégation de MM. les
Professeurs du Lycée Mignet, revêtus d u c o s tu m e u n iv er
M onsieur le R ecteur,
sitaire, avaient pris place s u r l’estrade auprès des m e m
bres du Conseil Général.
M essieurs ,
M. le R ecteur, ap rès l'o u v e r tu r e de la séance, d o n n e
la parole à M. J o u r d a n , doyen de la Faculté de Droit,
chargé, au nom du Conseil Généra! des F a c u lté s, du r a p
port s u r la situation des éta b lisse m e n ts d ’e n s e i g n e m e n t
s u p é rie u r p en d an t l’r n n é e scolaire 1 8 8 9 - 1 8 9 0 ; et à
M. Perot, maître de conférences de p h y siq u e à la F a
culté des sciences, chargé en l ’a b s e n c e de l ’a u t e u r ,
M. Lochert, de p r o n o n c e r Je discours d'usage.
La séance est levée après la p r o c la m a tio n des lauréats
dans les concours de fin d ’a n n é e de la Faculté de Droit et
de l ’École de Médecine, et (la distribution des r é c o m
penses.
Nous inaugurons aujourd’hui le nouveau programme
arrêté par le Conseil Général des Facultés pour nos
séances solennelles de rentrée. L’innovation consiste
en ce qu’il ne sera plus donné lecture des rapports sur
les concours de fin d’année de la Faculté de Droit et de
l’Ecole de Médecine ; et qu’un membre du Conseil G é
néral vous présentera, comme je vais avoir l’honneur
de le faire, pour la première fois, un rapport sur l’état
de l’enseignement supérieur dans le ressort académi
que. Pour «pie les rapports sur les concours aient une
véritable utilité, pour «pi’ils rendent la victoire de quelques-uns profitable à tous, il faut qu'ils contiennent une
appréciation sérieuse, détaillée, technique, des compo
sitions de nos élèves. Or, mes collègues du Droit et de
�Ja Médecine me permettront de dire que les détails par
trop techniques peuvent, en matière de Droit, médio
crement intéresser, en matière de Médecine quelque pou
effaroucher bien des personnes que nous convions et
que nous sommes heureux de voir venir à ces solen
nités. En ce qui concerne la première de ces innova
tions, nous avons fait récemment une expérience con
cluante. Dans une réunion composée presque exclusi
vement des professeurs et des élèves de Ja Faculté de
Droit, un de nos agrégés, M. Moreau, nous a donné
lecture d’un rapport ayant toutes le qualités que je
viens de signaler, et qui a été écouté par tous avec une
religieuse attention.
Comme toutes les Facultés de Droit de France, la
Faculté d’Aix est dans une période de transformation :
elle tend de plus en plus à se transformer d’Ecole pro
fessionnelle en Ecole des sciences morales et politi
ques. Dans ces dernières années, de nouveaux ensei
gnements ont été créés: Droit constitutionnel, histoire
du Droit, Droit international privé et public, économie
politique. .Nous nous attendons encore à d’autres créa
tions. Nous ne pouvons qu’applaudir «à ce mouvement.
Jusqu’ici le même personnel a suffi à ce surcroît de be
sogne. Seulement, comme nous ne sommes pas maîtres
du temps, et pour ne pas surcharger, j ’ai failli dire
surmener, les plus studieux (h1 nos élèves, il faudra ré
duire certains enseignements quant à leur durée : il y
aura, il y a déjà des enseignements semestriels.
La récente loi militaire a été pour nous un événement
considérable. Elle porte q u e , à condition d'avoir obtenu
le diplôme de docteur en droit, avant l’àge de 26 ans.
on sera dispensé de deux années de service. Nous avons
eu déjà un avant-goùt des rudes combats que nous au
rons à soutenir contre les pères et les mères qui vien
dront nous dire : Ce n’est point par amour du droit que
mon fils aspire au diplôme de docteur ; c’est unique
ment. pour ne faire qu'une année de service ; soyez donc
indulgents. Nous n'entrerons pas dans cette voie; c’est
pour nous un cas de conscience. Nous entrevoyons,
nous savons par le résultat des derniers examens, que
les aspirants au doctorat seront plus nombreux, mais
(jue le nombre des ajournements sera proportionnelle
ment plus grand. 11 y a deux ans nous n'avon eu que
39 inscriptions de doctorat, nous en avons eu 89 l'année
dernière. Là où, il y a deux ans, nous n'avons eu que
2 ajournements sur LOcandidats, soit 1/5®, nous avons
eu, dans la dernière année. IL ajournements sur 26
candidats, presque la moitié. Voilà les avertissements
que nous devons aux intéressés. Nous maintiendrons,
pour le moins au niveau actuel, les épreuves du doc
torat. en droit ; et, comme pour faire de bons docteurs,
il faut avoir de bons licenciés, nous tacherons d'élever
quelque peu le niveau des examens de licence. Tout le
monde y gagnera et ceux qui se contenteront de la li
cence, qui sera une bonne licence ; et ceux qui voudront
pousser plus loin, pour lesquels la préparation du doc
torat ne sera plus qu'un jeu, j entends une occupation
attrayante.
Sans que cela résulte d’une transformation propre
ment dite, comme celle que je viens de vous signaler
pour la Faculté de Droit, la Faculté des Sciences voit,
d'année en année, son enseignement s’étendre. Des
chaires ont été dédoublées et même détriplées. Avec ce
nombre croissant de professeurs, les travaux du labo-
�ràtoire deviennent de plus en plus importants, non-seu
lement ceux accomplis par les professeurs eux-mèmes,
mais encore ceux exécutés par les élèves sous la direc
tion de leurs maîtres. A cet accroissement d'activité
devraient répondre des ressources plus abondantes.
Les ouvriers toujours plus nombreux de cette noble
usine scientifique sont en mesure de mettre en œuvre
un capital plus considérable, outillage, matières pre
mières et auxiliaires. Or, les crédits alloués aux scien
ces physiques et naturelles sont restés les mêmes. Les
locaux sont insuffisants; on vétouffe. La plupart d'en
tre nous ont, il est vrai, assisté, il y a six ans, à la pose
de la première pierre d’une nouvelle Faculté des Scien
ces ; mais cette première pierre n’en a pas vu une se
conde et a tout l'air d’une pierre tumulaire. 11 faut
encore à la Faculté des Sciences beaucoup de livres, et
des livres très chers. Lorsqu’il s’agit de la répartition
du crédit qui est alloué en commun à toutes les Facultés
du ressort, nous faisons volontiers la plus grosse part
à la Faculté des Sciences ; mais cela ne lui suffît point.
M. le Doyen émet le vœu , bien modeste assuré
ment , qu’on lui fasse une plus large part dans
les ouvrages et revues scientifiques que l'Etat envoie
gratuitement aux bibliothèques publiques. Il pense avec
raison que ces libéralités seraient plus profitables à la
science si elles s’adressaient aux bibliothèques univer
sitaires dans une proportion plus forte qu’aux biblio
thèques des villes.
Je n’insisterai pas sur les examens passés devant la
Faculté des Sciences. Je me borne à en sitmaler
FaimO
O
rnentation régulière progressive, la proportion des ad
mis, 33 pour 0 0, restant constante à peu de chose
Voici venir maintenant la Faculté des Lettres avec la
f o r m id a b le statistique de ses examens du baccalauréat :
1023 candidats à examiner et plusieurs milliers de
compositions à lire ! La proportion des admis varie de
39 0/0 à 57 0/0, suivant la nature de l’examen, première
ou deuxième partie ; suivant les saisons qui amènent
des candidats plus ou moins solides. Je me garderai
d’ailleurs de toucher à cette épineuse question du bac
calauréat, sur laquelle ceux qui passent pour les plus
compétents ne paraissent pas près de s’entendre. En
présence de cette abondance de candidats, la Faculté
des Lettres se demande avec tristesse
D'où lui viennent de tous côtés,
Ces enfants qu'en son sein elle n’a point portés,
tandis que ses vrais enfants, ses vrais élèves, ceux qui
aspirent à la licence et à l'agrégation, lui font de plus
en plus délau t ? La raison en est simple : les débouchés
manquent pour les licenciés ès-lettres, et, quant aux
boursier s d’agrégation, ils paraissent devoir être ré
servés aux F a cu ltés privilégiées, aux futures Univer
sités. La Faculté des Lettres d'Aix n'a plus un seul
boursier d agrégation. Le nombre des boursiers de li
cence va en décroissant ; en 188(1 et 1887, dix-sept
candidats ont subi les épreuves du concours pour l'ob
tention des bourses de licence ; en 1888. il s’en pré
sente quatorze ; en 1889, huit ; cette année, cinq se font
inscrire, et quatre seulement affrontent les épreuves.
C’est une vraie déroute. Allons nous donc revenir aux
temps héroïques des Facultés des Lettres, alors que
quatre ou cinq professeurs sans élèves ne visaient qu'à
�—
charmer un auditoire, d’élite sans doute, mais ondoyant
et divers ?
A mesure que nous avançons, les doléances devien
nent de plus en plus vives et, je dois le dire, plus lé
gitimes. La Faculté de Droit ne réclame que la liberté
de ne pas faire de mauvais docteurs, ce qui ne dépend
que d’elle; la Faculté des Sciences se plaint de l’insuffi
sance de ses locaux et des crédits qui lui sont alloués,
ce qui est bien quelque chose, mais enfin elle marche ;
la Faculté des Lettres se plaint d’avoir trop peu d’élèves
à instruire et trop de bacheliers à interroger, et de se
voir ainsi réduite au rôle ingrat de commission d’exa
mens.
Nous arrivons à l’Ecole de Médecine, et ici la plainte
a un accent particulièrement douloureux. Ce ne sont
pas les élèves qui lui manquent ; mais on les lui enlève
au moment où ils lui sont devenus le plus chers ; au
moment où cette « aima mater » serait heureuse d’a
chever l’éducation scientifique qu'elle a commencée et
de constater les progrès accomplis : « sic vos non vobis ».... Vous raconterai-je qu'il y a eu dans la dernière
année 676 inscriptions ? Que les examens des pharma
ciens sont médiocres ; que ceux des officiers de santé
sont un peu meilleurs ; que d’ailleurs l'officiât tend à
disparaître ; que les examens du doctorat ont été satis
faisants ; que les locaux affectés à l’Ecole sont insuffi
sants ? II s’agit bien de cela vraiment ! Le grand, l'uni
que et éternel grief, dans lequel tous les autres vien
nent se fondre, le voici : Partout, à Paris comme en
province, il est notoire que les cours théoriques sont
délaissés et les cours pratiques régulièrement suivis.
Au point de vue des travaux pratiques, Marseille offrç
13
—
les immenses ressources d’une ville de 400,000 habi
tants. Il serait facile d’y établir, autour de l’Ecole, des
cliniques spéciales en dehors du cadre officiel de l’en
seignement. Or, disent nos collègues de l’Ecole de M é
decine, qu’arrive-t-il ? les travaux pratiques sont d’au
tant plus profitables aux étudiants qu’ils sont plus
avancés dans leurs études...., mais c’est précisément
alors qu'ils nous quittent, à l’approche des derniers exa
mens. Ils s’en vont dans la Faculté qui doit leur con
férer le grade de docteur ; ils se rapprochent de leurs
juges pour se faire connaître d'eux, pour se familiariser
avec les questions pour lesquelles ils ont une prédilec
tion marquée et qui seront peut-être posées le plus ha
bituellement aux examens. Enfin, il est permis de sup
poser qu’ils ne sont pas attirés ailleurs uniquement par
le désir de trouver des maîtres plus savants.
Ah ! si au lieu d'être une Ecole nous étions une Fa
culté ! Je crois que c’est pour la dernière fois que nous
entendons ces plaintes ; que ce vœu ne tardera pas à
être exaucé. Toutes les raisons qu’on a données pour
ne pas créer dans notre Midi, à Marseille, une nouvelle
Faculté de Médecine, sont précisément autant de rai
sons décisives en faveur de cette création.
Aucun changement ne s’est produit dans le person
nel de la Faculté de Droit, si ce n'est que M. \ ermond,
chargé d'un cours de droit romain, a été nommé titu
laire. Nous nous réjouissons d'une décision qui nous
attache définitivement un collègue affectionné dont nous
apprécions également le mérite et le caractère.
La Faculté des Sciences a acquis un collaborateur
distingue dans la personne de M. Le Verrier, ingénieur
en chef des mines, qui a été chargé d'un cours de miué-
�14
—
ralogie. M. Lochert, maître de conférences de chimie à
la Faculté des Sciences de Dijon, a été transféré à Mar
seille en la même qualité. Frappé du deuil le plus
cruel, il a puisé dans son dévouement à la science le
courage d'écrire le discours que vous venez d’enten
dre ; il n'a pas eu la force de venir le lire lui-même.
Le personnel de la Faculté des Lettres a subi une
importante modification. M. le doyen Bizos vient d’être
nommé recteur à Grenoble. Les regrets, les félicita
tions et les vœux de ses anciens collègues le suivent
dans la nouvelle carrière qui s’ouvre devant lui. La
Faculté a reconquis M. Rignl, l’excellent maître de
conférences de philologie ancienne, que la maladie avait
obligé à prendre un congé. Il lui revient après avoir
conquis brillamment, en Sorbonne, le grade du docteur
ès lettres par une thèse sur laquelle on a justement
épuisé toutes les formules de l’éloge. Le retour de
M. Rigal éloigne de la Faculté M. Audoin, son sup
pléant. Ses collègues garderont le meilleur souvenir
de la courtoisie, de la science solide et du dévouement
professionnel de ce jeune maître.
L'Ecole de Médecine déplore la mort de M. le pro
fesseur Nicolas-Duranty, qu’un mal subit a foudroyé
près du lit d'un malade. Il était dans la force de l’âge.
Professeur distingué, praticien éminent, sa perte ne
sera pas moins vivement ressentie dans la ville de Mar
seille qu’à l’Ecole.
Je finis en adressant, au nom de tous, de justes re
merciements aux pouvoirs publics, aux corps élus de
notre région pour les sacrifices qu’ils font et sont dis
posés à faire de plus en plus en faveur des établisse
ments d'enseignement supérieur. Ils pensent avec rai
15
—
son que les sciences, les lettres, les arts ne doivent pas
être moins en honneur dans une République que sous
toute autre forme de gouvernement, car ils sont un
ornement qui ne sied pas moins à une démocratie qu’à
une monarchie ; et que l’enseignement élémentaire,
primaire ou professionnel, ou de quel autre nom qu’on
veuille l'appeler, qui ne vise qu’une utilité positive,
immédiate, serait bientôt énervé, languissant, stérile,
s’il n'était sans cesse soutenu, vivifié, fécondé par une
haute culture intellectuelle, dont les représentants ne
contribuent jamais mieux a la grandeur des nations
que quand ils enseignent ces choses dont on dit qu elles
ne servent à rien.
�DISCO URS
de M. LOCHERT, maître de conférences à la Faculté de3 Sciences
de Marseille.
Monsieur le R ecteur .
Messieurs ,
C’est une tâche bien difficile pour ne pas dire impos
sible, de présenter à nouveau la vie et les œuvres de
Lavoisier. Un génie tel que le sien avait besoin pour
être dépeint sous son réel aspect et avec sa valeur
véritable, d'une parole plus autorisée que la mienne,
c’est-à-dire de celle d’hommes qui par leur valeur
scientifique leurs travaux et les idées nouvelles dont ils
ont enrichi la science étaient à même de bien compren
dre et de suivre pas à pas cet immortel savant dans
l’ellaboration et l’achèvement de ses grandes décou
vertes.
Je n’ai donc point la prétention de refaire ici l’œuvre
de maîtres tels que MM. Dumas, Grimaux, Berthelet,
mais simplement de vous exposer de mon mieux le
résultat de leurs recherches sur la vie et les œuvres du
père de la Révolution Chimique.
Les origines de la famille Lavoisier sont humbles ;
— 17 —
elle résidait d'abord dans le bailliage deYillers-Cotterets
et le premier de ses ancêtres qui soit connu est Antoine
Lavoisier, simple postillon, mort en 1620. Durant un
siècle on remarque dans la famille une ascension lente
mais continue, vers les classes élevées de la Société et
le 26 août 1743 naquit Antoine-Laurent Lavoisier du
mariage de M. Lavoisier, Procureur au Parlement de
Paris, et de MUe Punctis.
La jeunesse de Lavoisier ne présente pas d'incidents
bien prononcés. Il lit ses études au college Mazarin et
se montre de tous temps comme un jeune homme intelli
gent et amoureux du travail. En 1760, il obtint le grand
prix de discours français en rhétorique, au concours
général, et se fit recevoir avocat au Parlement,en 1764.
Cette étucation première semblait devoir le diriger plutût vers les lettres que vers les sciences ; mais ses ten
dances étaient ailleurs et dès 1âge de vingt ans, tour
menté par le désir de faire œuvre personnelle il entreprit
des observations météorologiques et barométriques
qu’il continua toute sa vie dans l’espérance de découvrir
les lois générales des mouvements atmosphériques.
En 1765 . il concourut pour un prix proposé par
l'Académie » sur les différents moyens qu'on peut
employer pour éclairer une grande ville », son mémoire
fut honoré d'une médaille d’or.
Enfin , à l'occasion de la préparation d'un Atlas
Minéralogique de la France, il lit l'analyse des gypses
des environs de Paris ; ce fut son début en chimie.
Ces travaux commençaient à faire connaître Lavoisier,
et Lalande pensant « qu'un jeune homme qui avait du
savoir, de l’esprit, de l'activité et que la fortune dis
pensait d'embrasser une autre profession, serait très
�—
—
18
19
—
—
utile aux sciences » contribua à le faire nommer comme
adjoint chimiste, en 1768, à l’Académie des Sciences.
Pendant cinq ans, il ne se manifeste guère que comme
un membre utile, s’essayant dans toutes les directions,
un jeune savant d’espérance, mais rien ne faisait pré
voir alors ce génie dont la perspicacité a donné la solu
tion des grands problèmes de chimie et de physiologie,
solution qui n’a été depuis lorsque complétée et achevée
dans le même sens.
A la même époque, il entra dans les fermes à titre
d'adjoint du fermier général Baudon. qui lui céda un
tiers de son intérêt dans le bail du sieur Alaterre sur
lequel reposait le privilège des fermiers généraux.
Lavoisier devint fermier titulaire en 1779, et jusqu’au
20 mars 1791. moment de la suppression de l’institution
par l'Assemblée Nationale il ne cessa de se consacrer
avec zèle à ses fonctions financières. 11 était en corres
pondance incessante avec les ministres qui lui deman
daient son avis sur toutes sortes de questions : tout cela
lui prenait une grande partie de son temps, mais sa
facilité de travail et son activité suffisaient à tout ; il
portait des vues également vastes dans tous les objets
dont il s’occupait, et à côté des affaires publiques et
particulières dont il était chargé, il trouvait encore le
moyen de consacrer six heures par jour à la Science.
A l’époque de la Révolution il était fort riche et si
cette fortune ne fut pas toujours étrangère à ses succès
académiques, on peut dire cependant qu’elle ne fit
qu’augmenter les ressourses nécessaires à ses recher
ches scientifiques. Il est même rare de voir se former
un savant tel que lui sans avoir eu à subir à ses débuts,
cette pauvreté, ces épreuves matérielles du combat pour
\
la vie qui fortifient les autres et leur donnent ce ressort
moral, cause première de leur vocation.
En 1775, Lavoisier fut nommé régisseur des poudres
et il installa son laboratoire à l’Arsenal où il résida jus
qu’en 1792, époque où on le dépouilla de ses fonctions.
Sa maison devint le principal centre scientifique de
Paris ; un jour par semaine était entièrement consacré
à ces expériences. « C’était pour lui, dit Mme Lavoisier,
un jour de bonheur ; quelques amis éclairés, quelques
jeunes gens, fiers d’être admis à l'honneur de coopérer
à ses expériences, se réunissaient dès le matin dans le
laboratoire. C’était là que l'on déjeunait, que I on dis
cutait, que l’on créait cette théorie qui a immortalisé
son auteur. »
Il répétait au moyen des instruments les plus récents
et les plus parfaits, les principales découvertes du jour
en chimie devant les savants du temps convoqués à cet
elfet. De ce nombre furent Marquer, Baume, Darcet,
Guyton de Morveau, Trudaine de Montignv, le physi
cien Charles, les géomètres Cousin et Yandermonde,
Bucquet, Lagrange ; de Laplace. collaborateur de
Lavoisier dans ses recherches sur la calorimétrie ;
Meusnier, officier du génie, avec lequel il détermina la
composition de l'eau ; Seguin son collaborateur dans
les recherches sur la respiration ; enfin, Monge, Berthollet, Fourcroy, et d'autres encore dont les noms ont
marqué dans la science.
•
Les savants étrangers tels que Black, Priestley,
Cavendish, W att, Franklin, Blagden Ingenhouz .
Fontana, Arthur Joung, le chevalier Landriani, etc.,
amis ou ennemis des théories nouvelles de Lavoisier
n'en étaient pas moins en correspondance suivie avec
�lui et reçus avec empressement dans sa demeure a leur
passage en France.
En dehors de la Science, Lavoisier était un homme
doux, bienfaisant, son influence et sa bourse étaient a
la disposition de toutes les infortunes.
11 provoqua en 1786 dans le Clermontois en Argonnc
l'abolition d’un droit de péage désigné sous le nom de
« pied fourchu » perçu sur les Israélites. Enfin durant
la famine de 1788 il prêta de grosses sommes aux
villes de Blois et de Romorantin pour acheter du blé,
sans vouloir en toucher aucun intérêt.
Quoique entraîné par le mouvement général des
esprits, la nature morale et sans passions vives de
Lavoisier l'empêcha de se lancer avec trop d'ardeur
dans les luttes politiques ; le roi cependant avait songé
à lui pour lui proposer d’être Ministre des contributions
publiques, poste qu’il refusa d'ailleurs.
Adjoint à l’Académie en 1768, il en parcourut sucessivement tous les grades et devint directeur en 1785,
puis trésorier en 1791. C’est à partir de cette époque sur
tout que Lavoisier n’hésita pas à soutenir une lutte très
vive pour le maintien des prérogatives de l’Académie
et pour son existence même ; lutte qui dura jusqu’à la
suppression générale de tous les corps savants.
Au moment même où l'on entendait Bouquier fou
gueux proscripteur de toute idée de corps académiques
de sociétés scientifiques, de hiérarchie pédagogique
s’écrier à la Convention. « Est-ce que les nations libres
ont besoin d’une caste de savants égoïstes et spécu
latifs, dont l’esprit voyage constamment par des sen
tiers perdus dans la région des songes et des chimères. »
— Où Jean-Bon Saint-André disait : « La République
n’est pas obligée de faire des savants. De quel droit
demanderait-elle pour eux un privilège ? »
A ce moment-là même les Ministres de la guerre, de
la marine, des finances, etc., envoyaient demandes sur
demandes à l’Académie, jamais elle n’avait été chargée
de travaux plus importants pour la chose publique. On
venait de former la Commission chargée d établir un
système uniforme de poids et mesures et de laquelle
firent partie Lavoisier, Haüy, Borda, qui déterminèrent
en 1792, la densité de l’eau distillée, base de l'unité de
poids ; et, en 1793, la dilatation comparée du cuivre et
du platine pour la construction du mètre étalon.
Mais tous ces services ne devaient sauver ni l’Aca
démie ni plusieurs de ses membres les plus illustres,
ils étaient condamnés et sacrifiés d'avance par certains
hommes pour qui toute supériorité, fut-elle d'ordre intel
lectuel et acquise par le travail, était réputée une aris
tocratie, et par conséquent un danger public; par suite
d’un sentiment aveugle d’une égalité bien mal comprise
par des esprits ingrats et jaloux, toutes ces richesses,
tout ce progrès, tout cet avenir de science était anéanti.
Il ne faudrait pas cependant mettre la fin tragique
de Lavoisier sur le compte de sa supériorité scienti
fique, quoiqu’elle eut occasionné bien des haines et des
murmures ; il fut victime de son ancien titre de fer
mier général.
On supposait alors aux fermiers généraux, au moment
de la suppression de leur bail, en 1791, par l’Assemblée
nationale, une fortune totale de 300 ou 400 millions de
livres, qu'il était possible, disait-on, de faire rentrer
dans les caisses de l'Etat. Dès le 14 septembre 1793 on
pratiquait chez Lavoisier des visites domiciliaires.
�Le 24 novembre, sur la proposition de Bourdon, de
l'Oise, la Convention décréta l’arrestation des fermiers
généraux.
Ni les services rendus à la Nation par Lavoisier, ni
la gloire de scs découvertes ne le protégèrent. En vain
s’adressa-t-il au comité de sûreté générale pour être
autorisé à continuer son concours aux travaux de la
Commission des poids et mesures. Le 28 novembre il
dut se constituer prisonnier à la prison de Port-Libre,
le même jour que son beau-père Paulze.
Toutes les envies cachées et les jalousies sourdes de
quelques-uns de ses anciens collègues s’éveillaient
contre celui que la destinée abandonnait.
Cependant bien des efforts furent tentés par lui-mème.
par Mmo Lavoisier et par scs amis pour essayer de 11ecliir scs ennemis ; mais le sort des fermiers généraux
était fixé dès lors par des préjugés trop puissants pour
que rien put en triompher.
Le 8 mai 1794, sur l’acte d’accusation signé par Fouquier-Tinville, ils étaient transférés à la Conciergerie
etexécutés le jour même.
Ainsi mourut Lavoisier avec calme et résignation
philosophique, comme on mourait alors. Il était âgé de
cinquante ans et huit mois.
Lagrange disait le lendemain à un ami : « 11 ne leur
a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête, et
cent ans peut-être ne suffiront pas pour en produire une
semblable. «
Avant de terminer cette courte biographie, qu'il inc
soit permis de rappeler à votre souvenir la ligure aima
ble de Mu,c Lavoisier.
Mariée en 1771 â l’âge de 14 ans, vive, intelligente
et instruite, Mlle Paulze ne tarda pas à s'associer pas
sionnément à l’œuvre scientifique de son époux. Elle
l’accompagnait au laboratoire et prenait sous sa dictée
des notes qu’on lit encore aujourd’hui dans le Registre
d'expériences de Lavoisier.
M,,,e Lavoisier n’eut pas d’enfant. A l'âge de 47 ans
(1805), elle se remaria avec M. de Rumford. mariage
malheureux terminé quatre ans après par une sépa
ration à l'amiable.
« Depuis cette époque, dit Guizot, et pendant vingtsept ans, aucun évènement, on pourrait dire aucun in
cident, ne dérangea Mmc de Rumford dans sa noble et
agréable façon de vivre. Elle n’appartint plus qu'à ses
amis et à la société, qu’elle recevait avec un mélange
assez singulier de rudesse et de politesse, toujours de
très bonne compagnie et d'une grande intelligence du
monde, même dans ses brusqueries de langage et ses
fantaisies d’autorité. » Elle mourut subitement en 1836
à l’âge de 78 ans.
Telle avait été la vie privée de Lavoisier et des per
sonnes qui l’entouraient ; tel fut le milieu dans lequel
il accomplit les immortelles découvertes que je vais
maintenant vous esquisser à grands traits.
Pour bien juger de la grandeur de l'œuvre et appré
cier les difficultés de la tâche, il faut d'abord connaître
l'ennemi, c'est-à-dire ^'ensemble des idées dominantes
de l’époque que Lavoisier a attaqué et renversé.
Le procédé philosophique employé, même depuis les
�— 24 —
— 25 —
jours «4 créer une entité regardée comme le support
matériel d’une propriété générale. C’est, ainsi que
d’après la vieille conception grecque des éléments la
substance meme des corps était confondue avec celle
de leurs états divers : solidité, liquidité, gazeité ; ces
états ou qualités étant réputés déterminer une matière
première, une et fondamentale. C'est ainsi (pie l’ancien
mercure des philosophes était regardé comme le sup
port de la métallicité ; de là l’espoir persistant de la
transmutation des métaux poursuivie avec une patience
inépuisable depuis les Grecs, pendant tout le moyenâge et abandonnée seulement de fait, sinon en principe,
vers le commencement du XYIII0 siècle. Alors apparaît
une idée nouvelle, c'est l'existence d’un radical constant
pour chaque métal, c'est-à-dire cette idée des corps
simples, indécomposables, tels que nous les concevons
aujourd’hui.
Quant aux corps tels que le carbone, le soufre, l’ar
senic, le phosphore, etc., on n’en comprenait pas encore
la nature véritable par suite d’une confusion étrange
entre la matière des corps pondérables et celle des
fluides impondérables.
La balance, quoique employée de tout temps dans les
laboratoires, ne démontrait pas alors la permanence du
poids des corps spéciaux sur lesquels travaillaient les
chimistes. On voyait ces poids changer dans les diffé
rentes réactions el surtout sous l’influence de la cha
leur. De là cette opinion en apparence évidente que les
corps combustibles sont susceptibles de régénérer la
matière ou élément du feu que l’on y supposait latente;
tandis que les métaux qui sous l’influence de la chaleur
se transforment en oxyde et dont le poids augmentait.
semblaient au contraire s’assimiler ce même élément.
Cependant toutes ces anciennes théories, grâce à une
précision jusque-là inconnue dans les sciences et ame
née par les progrès des mathématiques et de la phy
sique, ne satisfaisaient plus les esprits. C’est alors
qu’apparut le système du phlogistique de Stahl.
Le phlogistique d'après Stahl et ses partisans est un
principe particulier, susceptible de se transformer dans
la matière du feu lorsqu'il est soumis à l'influence d'une
élévation de température. Cette matière du feu se dis
sipe avec flamme, chaleur et lumière. Les corps com
bustibles sont donc formés par cette substance, associée
à une dose plus ou moins considérable de terre.
Le charbon, les builes, le soufre, qui après la com
bustion laissent des résidus ou terres en très faible
proportion, sont par conséquent des corps particulière
ment riches en phlogistique.
La constitution des métaux devenait dès lors facile à
établir. Puisqu’on régénère le métal primitif en chauf
fant son oxyde avec un corps combustible riche en phlo
gistique, c'est qu'il est le résultat de la combinaison
de cet oxyde et du phlogistique. Inversement le métal
échauffé perd cette même substance, et il ne reste
qu’une chaux métallique, c'est-à-dire son oxyde.
Le phlogistique avait, de plus, la propriété de se
transmettre d’un corps à un autre de façon à lui com
muniquer la propriété d'être inflammable. Cette doc
trine si claire, qui réunissait par des relations simples
un si grand nombre do phénomènes, fut reçue et pro
pagée avec enthousiasme. On la croyait définitive,
quoiqu'elle fût précisément l’inverse des affirmations
de la balance.
�—
26
—
Mais on ne connaissait pas alors les propriétés et la
constitution de la plupart des gaz. Ils étaient considé
rés comme formés d'air atmosphérique, élément indé
composable, mélangé de matières volatiles inconnues
et désignées sous le nom commun d’esprits.
L’Anglais Black, le premier, démontre l'existence
d’un gaz absolument distinct de l’air ordinaire, et ca
pable d’exister par lui-même, sans support indépen
dant.
Dans un travail publié en 1757 il établit les relations
de cet air fixe, notre acide carbonique, avec la causti
cité des alcalis et démontre par des pesées rigoureuses
que c'est ce gaz même, par sa combinaison ou son dé
part, qui produit les changements de poids et de caus
ticité dans les alcalis.
Le phlogistique devenait donc inutile en cette cir
constance. Durant vingt ans, une lutte dans laquelle
furent engagés les principaux chimistes de l'époque, fut
soutenue de part et d’autre avec subtilité et acharne
ment. Lavoisier y mit un terme définitif en renversant
le phlogistique lui-même par l’évidence de scs décou
vertes.
La connaissance des gaz, jusque-là négligée en chi
mie, ne cessait de progresser ; de 17G7 à 1774. Cavardish, Priestley, Volta, Scheele, etc., découvraient
l’hydrogène, oxygène, azote, les oxydes d’azote, l’acide
chlohydrique, acide sulfureux, ammoniaque, oxyde de
carbone, chlore, etc., découvertes qui transformaient
complètement les idées anciennes sur un air unique et
prouvaient l’existence d’un état général, l’état gazeux.
Les temps étaient mûrs pour une évolution nouvelle
dans le s idées ; chacun sentait que le s systèmes ré
gnants étaient devenus insuffisants ; c’est à ce moment
que parait Lavoisier, qui est le principal auteur de la
chimie nouvelle, la chimie pneumatique.
Le système de chimie que Lavoisier a tiré de ses
expériences, système dont il est le véritable inventeur
et dont les bases essentielles sont demeurées inatta
quables, repose sur trois choses :
1° La découverte des gaz faite par ses contempo
rains ;
2° La notion nouvelle de la chaleur introduite au
même moment par les physiciens;
3° La pesée exacte de tous les produits, solides, li
quides et surtout gazeux, des réactions chimiques.
De toutes ses découvertes ressort l'enchaînement
logique et rigoureux d'une idée générale poursuivie
dans la série entière de ses recherches.
I.
Il constate d’abord que les métaux augmentent de
poids en se changeant en chaux. Le fait était connu ;
mais en m ê m e temps il prouve que l'augmentation de
poids est due à la tixation d'une certaine quantité
d'air et qu'elle est précisément égale au poids de cet
air lixé : ce «pii était nouveau. On n’ignorait pas que
la présence de l’air fût indispensable dans les com
bustions et calcinations, mais on lui supposait un
rôle purement mécanique, physique, dû a son élasti
cité.
Lavoisier commence par opérer la calcination de
l’étain en présence de l'air, mais dans un vase her
métiquement clos, et constate que le poids total du
�— 29 —
système ne varie pas. Cependant l’étain changé en
chaux a réellement augmenté de poids, comme Lavoi
sier le vérifie, mais il voit en même temps que le poids
de l’air rentré au moment de l'ouverture de la cornue,
correspondant sensiblement à l'augmentation de poids
de l'étain, il s’ensuit que la calcination des métaux
résulte de l’union du métal avec une portion de l'air qui
l'environne, au lieu d'être, comme on l’imaginait alors,
le résultat de la séparation d'une portion du phlogistique, précédemment combinée. La théorie de Stahl re
cevait une première atteinte, le phlogistique devenant
inutile à l'explication de Xoxydation des métaux.
II.
L’oxygène et l'azote venaient d’être découverts sé
parément par Priestly. Lavoisier, dans ses expériences
précédentes, ayant remarqué que la fixation de l'air ne
s’opère pas d’une façon uniforme sur toutes les parties
du fluide élastique, mais seulement sur une portion qui
était de l'oxygène, le résidu constituant un gaz diffé
rent, l'azote ; fut conduit naturellement à donner la
véritable constitution de l’air athmosphérique dont il fit
l’analyse et la synthèse.
11 avait d’ailleurs pressenti ce fait, ainsi que le prou
vent ces quelques lignes de son mémoire sur l’oxydation
des métaux, publié en décembre 1774 dans le « Journal
de Physique » de l’abbé Rozier.
« Cet air dépouillé de sa partie fixable (sur les mé
taux dans la calcination) est en quelque façon décom
posé, et il m'a paru résulter de cette expérience un
moyen d'analyser le fluide qui constitue notre atmo
sphère et d’examiner les principes qui le constituent...
Je crois être en état d’assurer que l'air aussi pur
qu'on puisse le supposer, dépouillé de toute humi-
_________
___
dite et de toute substance étrangère, loin d'être un
être simple, un élément, comme on le pense communé
ment, doit être rangé au contraire... dans la classe des
mixtes, et peut-être même dans celle des composés. »
Au moment où ces lignes étaient publiées, Priestley
n'avait pas encore fait connaître son travail, toujours
est-il que Lavoisier fut le premier à lui donner son
interprétation véritable, comme le prouve cette conclu
sion nette, hardie de son mémoire à l'Académie, le
26 avril 1773.
« L'air est un mélange de deux gaz différents ; l’air
vital (oxygène) et la mofette (azote), mais le phlogistique
n'a rien à voir dans sa composition.
III.
De nouvelles expériences lui prouvent que le
même oxygène est le générateur de l'acide carbonique.
Son poids ajouté à celui du charbon est égal à celui de
ce gaz ; d'où il suit que le charbon ne contient pas de
phlogistique. Aussitôt Lavoisier étend ses recherches
à la combustion du phosphore, du soufre et s'aperçoit
que c’est toujours l'oxygène combiné avec le radical
dont la somme des poids réunis forment le poids total
des acides phosphorique et sulfurique recueillis. —
De là une idée nouvelle sur la constitution des acides
et la combustion en général.
(1 prouve par d'autres recherches que les acides ne
sont autre chose que le résultat de la combinaison d'un
groupe de corps appelés plus tard les métalloïdes avec
l’oxygène. Quoique cette opinion soit trop absolue il n'en
est pas moins vrai que la découverte du rèle de l'oxy
gène dans la génération des principaux acides était
un fait capital ; le phlogistique recevait une nouvelle
atteinte.
■
I
�— 31 —
IV.
La combustion se présentait sous Un aspect tout
nouveau ; ce n'est plus le dégagement du phlogistique
engagé auparavant dans les corps combustibles ; c’est
un phénomène précisément inverse, la combinaison de
l'oxygène avec les autres corps ; combinaison vive avec
certains radicaux tels que le soufre, le phosphore, le
carbone, etc., mais lente avec les métaux.
Y. La combustion vive de l'hydrogène en particulier
résulte de son union avec l'oxygène et elle produit de
l'eau ; des expériences nombreuses faites par Lavoisier
avec Meusnier et d’autres, sur la réduction des oxydes
métalliques par l'hydrogène ; la décomposition de l'eau
par les métaux avec dégagement du même hydrogène
et formation d’oxydes métalliques, le tout appuyé par
des pesées rigoureuses, prouvent suffisamment alors
que l'eau est un coprs composé dont on peut faire par
voie de combinaison la synthèse et l’analyse. — La
nature véritable de l'eau était ainsi définie.
VI. Enfin la respiration même des animaux est une
combustion lente ; car elle a pour effet de consommer
l’oxygène de l'air et de produire de l'acide carbonique.
Il serait trop long de retracer ici les théories anciennes
sur la respiration et la chaleur animale, de même que
les expériences nombreuses de Lavoisier et Laplace sur
le même sujet lorsqu'ils en mesurent les effets à l’aide
de la balance et du calorimètre ; qu'il me sullise de
vous dire que ce sont ces découvertes fondamentales
qui ont établi en quelque sorte les bases de la thermo
chimie.
Vil. La nature de l'acide carbonique et de l’eau étant
ainsi établies, la constitution des huiles et des matières
organiques combustibles, demeurée jusque là obscure, en
résulte : comme leur combustion produit précisément de
l’eau et de l'acide carbonique il demeure prouvé qu’elles
sont formées de carbone, d hydrogène, d'oxygène, élé
ments auxquels l'azote vint presque aussitôt s'adjoindre.
C'est ainsi que Lavoisier peut de même être considéré
comme le créateur de la chimie organique, de l'analyse
organique élémentaire.
On voit comment le système entier de la chimie se
trouva ainsi transformé et établi sur des bases nou
velles ; le phlogistique devenait inutile sinon contra
dictoire avec les véritables phénomènes, elles réactions
chimiques étaient toutes interprétées sans lui d'une
façon complète, du moins quant au poids et à la nature
des substances qui y concourent.
Y1II. La théorie du phlogistique cependant élucidait
un autre point dont Lavoisier comprenait toute 1 impor
tance, je veux parler des relations de la chaleur avec
les matières métalliques ou combustibles et leurs pro
duits. Il fallait expliquer ces relations dans la nouvelle
théorie.
Il substantifie la chaleur dans un tluide igné, matière
commune « du feu, de la chaleur et de la lumière » et
désigne cette matière sous le nom de calorique.
Cette conception se rapproche dans l'ordre des phé
nomènes chimiques, de la théorie alors nouvelle de
Black en physique. En effet, de même qu'il considère
l'eau de combinaison et l'eau de dissolution, de même il
convient de distinguer dans les corps le feu de dissolu
tion, c’est-à-dire le feu libre, celui qui ne fait qu'élever
la température des corps, et le feu île combinaison.
C’est alors que Lavoisier émet cette idée :
« Si la combinaison nouvelle renferme moins de
�— 32 —
matière chi feu qu'il n'en existait dans son état précé
dant, une portion du fliude igné précédemment combiné
avec ses composants devient feu libre et se dissipe avec
élévation de température. — Dans le cas inverse il y a
refroidissement.
De là, les expériences sur les trois états différents des
corps, machines à froid, etc., et le passage entre la
notion des éléments des anciens réputés autrefois subs
tantiels, et la conception nouvelle des états purement
phénoménaux de la matière.
On cite une page célèbre de Lavoisier où il poursuit
les conséquences de ses idées jusque dans l’ordre cos
mologique.
» Supposons, par ex., que la terre se trouvât tout à
coup transportée dans une région beaucoup plus chaude
du système solaire, dans la région de Mercure p. ex.
— Bientôt l’eau et tous les fluides susceptibles de se
vaporiser à des degrés voisins et le mercure lui-même
entreraient en expansion ; ils se transformeraient en
fluides aériformes ou gaz, qui deviendraient parties de
l’athmosphère...
Par un effet contraire, si la terre se trouvait placée
dans des régions très froides, l’eau des fleuves et des
mers et la plupart des fluides connus ne formeraient
plus que des roches dures et des montagnes solides.
Les idées de Lavoisier sur le calorique, bien quetransformées de nos jours, n’en ont pas moins eu une grande
importance en facilitant le passage des théories ancien
nes aux théories actuelles.
L’exposé trop rapide des travaux de cet illustre
savant suflit à peine pour en faire apprécier l’ensemble,
puisque des nombreuses questions abordées par lui, il en
est encore aujourd'hui dont on attendra solution. — On
ne sait ce qu’un pareil génie aurait put produire si une
mort tragique n’était venu l’erdever à la science ; tou
jours est-il que telle qu'il l’a laissée, son œuvre reste
admirable et une des plus grandes dans l’histoire de la
Civilisation ; c’est par Lavoisier que la chimie a été
fixée sur ses bases définitives et est devenue réellement
une des sciences fondamentales.
IL LOCHERT,
Maître de Conférences (chimie),
à la Faculté des Sciences de Marseille.
�i
i
— 35 —
R A PPO RT DE M. A L FR E D JOURDAN
DOYEN DE LA FACULTÉ DF DROIT
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
Nous avons eu, dans la dernière année scolaire, 101
inscriptions de plus que dans l’année précédente : 962
inscriptions pour l'année 1889-1890, contre 861 pour
1888-1889. D’où provient cette différence, eu égard à
la nature des examens en vue desquels les inscriptions
ont été prises ? Pour la capacité et les deux examens du
baccalauréat, les chiffres sont exactement les mêmes.
C’est sur les inscriptions pour la licence, autrement dit,
do la 3° année, et sur celles pour le doctorat que porte
l’augmentation. En 1888-1889, nous n’avons eu que
5*19 inscriptions de licence, en 1889-1890, nous en avons
276, c’est-à-dire 57 de plus. De môme, pour le doctorat,
au lieu do 36 nous en avons eu 89, c’est-à-dire 53 de
plus ; c’est une augmentation considérable, beaucoup
plus du double. Vous en connaissez la cause : c’est la
loi militaire, qui exempte de deux années de s e r v ic e ,
1
ceux qui auront obtenu le diplôme de docteur avant la
lin de leur 26e année.
Dans le tableau annexé à ce rapport, ne sont portées
comme inscriptions de doctorat que celles prises à par
tir de la 13e, les 12 premières inscriptions étant des
inscriptions de licence. Dans un autre système de comp
tabilité , on peut considérer toutes les inscriptions
comme inscriptions prises, au moins éventuellement, en
vue au doctorat.
Le tableau général des examens et de leurs résultats
appelle naturellement une comparaison entre les deux
dernières années. Pour l’année scolaire 1888-1889 nous
trouvons 101 ajournements sur 588 examinés ; pour
l’année 1889-1890 nous avons eu 116 ajournements sur
626 examinés ; c’est un peu plus d’ajournements, ap
proximativement 18 pour cent au lieu de 17. Nous re
montons assez péniblement le courant de l’indulgence.
J’insiste sur les résultats des examens pour le doc
torat. En 1888-1889 nous avons eu 20 examens de doc
torat : 16 admissions, \ ajournements, soit 1 5 d’ajour
nements. En 1889-1890, nous avons 32 examens: 21
admissions, 11 ajournements, à peu près le I 3 d’ajour
nements au lieu de 1/5 dans l'année précédente. Cette
proportion plus considérable des ajournements s'expli
que évidemment par une plus grande faiblesse des can
didats, et, en remontant a la cause première, — il vau
drait peut-être mieux dire en descendant à la cause
finale, — par ce fait que la poursuite du diplôme de doc
teur n’a en réalité trop souvent pour objet qu’une
exemption partielle du service militaire. 11est à crain
dre que le nombre îles appelés au doctorat allant crois
sant, la proportion des élus aille en diminuant. Avec un
�})cu de travail on vient toujours à bout de la licence ; il
en est autrement du doctorat. 11 n'est pas donné à tous,
môme avec du travail, d'y parvenir : Non omnibus li
cet adiré.... Quand on a fail une très bonne licence, on
arrive facilement au doctorat, d’autant mieux que les
études auxquelles on doit se livrer deviennent de plus
en plus intéressantes : on commence à recueillir les
fruits d’une science dont les racines sont, je le recon
nais, quelque peu amères. Quant à ceux qui ont fait une
mauvaise licence, aux licenciés de pacotille, il faudra
qu’ils recommencent leur éducation juridique. Dans
l'ordre juridique, la licence représente les classes de
grammaire; le doctorat, les humanités. Vous savez ce
que sont les aspirants au baccalauréat ès-lettres, qui
ont complètement négligé les classes de grammaire, et
commencent leur préparation dans les classes d’hu
manités.
Nous avons déjà entendu des pères et des mères
exprimer l’espoir (pie, en considération de la loi mili
taire, les épreuves du doctorat seront dorénavant plus
faciles. Nous n’entrerons pas dans cette voie. C’est
pour nous un cas de conscience. Et, à cc propos, je
vous ramène au tableau de nos examens de doctorat.
Pour obtenir le diplôme de docteur il faut subir avec
succès quatre épreuves : trois examens et une thèse.
Ces épreuves sont d’importance très inégale. Les deux
premiers examens, qui portent, l'un sur tout le droit
romain, l’autre sur tout le Code Civil, sont les épreuves
décisives. C’est là que l’on constate si le candidat a une
éducation juridique suffisante pour être digne du titre
de docteur en droit. Quand on a subi avec succès ces
deux épreuves, on a, en quelque sorte, franchi la passe,
et, avec un peu d’application, on est assuré d’arriver
au but. Aussi est-ce à ces deux premiers examens que
seront arrêtés ceux dont la vocation pour le doctorat
n'a été suscitée que par le désir de ne faire qu'une an
née de service militaire. Reportons-nous maintenant à
notre tableau. Trois candidats se sont présentés au
troisième examen, l’examen facile : tous les trois ont
été admis et meme avec d’assez bonnes notes. Pareille
ment, pour la thèse : trois candidats se sont présentés ;
ils ont été admis. Il en a été tout autrement des deux
premiers examens : nous avons eu 26 cadidats, il y a
eu onze ajournements.
Voici qui est encore plus intéressant. L’année précé
dente, année scolaire 1888-1889, nous avions eu dix
candidats pour ces deux premiers examens : il n'y a eu
que deux ajournements, c’est-à-dire 1/5; dans la der
nière année, au contraire, ainsi que je viens de vous le
dire, pour ces mêmes examens, il va eu onze ajourne
ments sur 26 candidats, presque la moitié ; c'est-à-dire
que, pour les raisons que vous savez : 1°) le nombre des
aspirants au doctorat a augmenté et augmentera proba
blement d’année en année ; 2°) la qualité des candidats
est en raison inverse de la quantité ; 3°) l'insuffisance
des candidats éclate aux premières épreuves, qui sont
en même temps les plus sérieuses.
L'année dernière, à pareille époque, je vous entrete
nais de l’extension donnée à l'enseignement des Facultés
de Droit, c’est-à-dire de la tendance de plus en plus
prononcée à les transformer de simples écoles profes
sionnelles en écoles des sciences sociales ou politiques.
Cette transformation ne devait s'accomplir que progres
sivement. D’autre part, en donnant place dans nos pro-
�— 30 —
grammes à de nouveaux enseignements, sans augmen
ter la durée des études, il fallait bien restreindre le
temps accordé à quelques-uns de ceux qui étaient déjà
établis : de là la distinction entre les cours annuels et
les cours semestriels.
Dans l'année qui vient de s’écouler, une double
modification a été introduite : 1°) le cours d’histoire
générale du droit français est devenu semestriel, le
second semestre devant être rempli par un cours élé
mentaire de droit constitutionnel, qui n’est, d’ailleurs,
en réalité, que la continuation du cours d’histoire. —
2°) Le cours de droit criminel est transporté en seconde
année, tandis que le cours d’économie politique passe
en première année. Il est résulté de là que le cours
d'économie politique s'est adressé, à la fois, aux élèves
de première et de seconde année, tandis que le cours
de droit criminel n’a pas été fait pour les aspirants à la
licence, mais seulement pour les élèves de capacité.
Pour l’année scolaire 1890-1891 qui commence, des
modifications plus profondes porteront sur la seconde
année. 1°) Le cours de droit criminel y a pris la place
de l’économie politique ; 2") le cours de droit adminis
tratif celle de la procédure civile, qui est destinée à
passer en troisième année; 3°) le cours de droit romain
devient semestriel, le second semestre devant être
rempli par un cours de droit international public. Il
résulte de là que, pendant la présente année, il en sera
des professeurs de droit administratif et de procédure
comme il en a élé, l’année dernière, des professeurs
d'économie politique et de droit criminel : le premier
aura pour auditeurs les élèves de seconde et de troi
sième année ; le second sera réduit aux capacitaircs
Aucun changement ne s'est produit dans le person
nel enseignant de la Faculté de Droit, si ce n’est que
M. Ycrmond, agrégé, chargé du cours de droit romain,
a été nommé titulaire par décret présidentiel en date du
G décembre 1889. Nous nous réjouissons d’une décision
qui nous attache définitivement un collègue affectionné
dont nous apprécions également le mérite et le carac
tère.
Plusieurs fois, dans le cours de cette année, nous avons
été invités par M. le Ministre de l'Instruction publique à
élaborer divers projets de réformes relatifs à la situation
faite aux agrégés de la Faculté de Paris, au régime des
examens de fin d’année, et au concours d’agrégation.
Toutes ces questions ont été discutées dans plusieurs
assemblées de la Faculté et étudiées avec soin par trois
commissions au nom desquelles MM.Bouvier-Bangillon,
Yermond et Audinet nous ont présenté de remarquables
rapports. Je me borne à relater ici. en termes généraux,
le vote de la Faculté sur deux de ces importantes ques
tions. File est d’avis qu'il faut solidariser les deux
examens de tin d’année. C’est une pratique vicieuse et
contraire à l’esprit du décret qui a fait deux examens
distincts de ce qui, comme résultat final, ne devait
être qu'un seul et même examen. En ce qui concerne
les épreuves du concours d'agrégation, la Faculté a
pensé : I") qu’il n’y a pas lieu de sectionner l’agrégation
en plusieurs agrégations distinctes ; 2°) que le droit ro
main et notre droit civil doivent former le principal
objet des épreuves des concours, surtout les épreuves
d'admissibilité, comme ils sont la base d'une solide
éducation juridique ; 3°) que les autres parties de l'en
seignement, notamment celles cpii ont été le plus récem-
�ment introduites dans nos programmes, devaient trou
ver place dans les épreuves définitives du concours.
M. le professeur Laurin a publié une nouvelle édition
de son excellent Cours de droit commercial.
M. le professeur Bry a publié un Précis élémentaire
de Droit international public. Ce livre sera utile à tous,
mais, par la simplicité du plan et la clarté de l’exposition,
particulièrement utile aux élèves de deuxième année qui
doivent suivre un cours de droit international public et
être interrogés sur cette matière.
Le Doyen de la Faculté a publié une nouvelle édition
de son Cours analytique d'Economie politique.
ANNÉE
SCOLAIRE
1889-1890
Examen de C a p acité
EumiDés
Eloge..............................
Majorité ou égalité de blanches....
Minorité de blanches....................
Totalité de rouges........................
Rouges et noires..........................
Ajournements................................
17
12
»
11
19
20 110
82
28
74
21
Ajoarnés
1" examen de B a c c a la u ré a t
(I” partie)
Eloge ............................
Majorité de blanches....................
Minorité de blanches...................
Totalité de rouges.......................
Rouges et noires........................
Ajournements..............................
32
28
t*r examen de B a c c a la u ré a t
(î01* partie)
Eloge...........................
Majorité de blanches...................
Minorité de blanches...................
Totalité de rouges.......................
Rouges et noires........................
Ajournements..............................
1
12
25
7
29
95
21
2' examen de B a c c a la u ré a t
(lr*partie)
Eloge ............................
Majorité de blanches....................
Minorité de blanches.....................
Totalité de rouges..........................
Rouges et noires..........................
Ajournements.............................. \
2
17
20
98
19
91
16
lit I 322
89
8 (
19
2“# examen de B a c c a la u ré a t
(2“*partie)
Eloge..............................
Majorité de blanches...................... 22
Minorité de blanches..................... iÔ
Totalité de rouges......................... 10
Rouges et noires............................ 23
Ajournements................................ lt>
A reporter.
�42 —
—
43
—
Examine Admis Ajournes
R eport. .
411
322
Report. .. .
89
Examen sp é c ia l de Licence
subi par dos élèves de l’école dt
droit de Pondichéry.
Eloge ............................
Majorité de blanches...................
Minorité de blanches...............
Totalité de rouges..............
Rouges ei noires.................
Ajournements....................
2m* examen de D o c to ra t
|
1
2 i
a
.4
Eloge .................
Trois blanches et une ronge .
Deux blanches, une blanclie-rou^e
et une rouge...........
Ajournements...............
1
1 ]
1
Eloge ...............
Trois blanches et une blancherouge.......................
1rois blanches et i ne rouge
Deux blanches, une blanche-rouge
cl une rouge......... ..
Ajournements..............
4
21
24
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22
10
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O)
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3
21
32
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IR
5°
Eloge...............
Deux blanches et deux blanchesrouges.............
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge..........
Ajournements.. ..
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110
6 ]
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610
:)
• /
5
1 examen de D o c to ra t
Eloge ...............
Trois blanches et une blanche-rouge
I rois blanches et une rouge
Deux blanches et deux blanchesrouges . . ..
Deux blanrhes , une blanche-rouge
et une rouge . . . .
Ajournements.. ..
)
T h è s e d e D o c to ra t
Examen de L icence
(2“' partie)
Eloge ...............
Majorité de blanches. . . .
Minorité de blanches . . .
Totalité de rouges ..
Rouges et noires___
Ajournements . . . .
1
3ra' examen de D o c to ra t
Examen de L icence
(tr" partie)
Eloge.....................
Majorité de blanches.........
Minorité de blanches.......
Totalité de rouses....
Rouges et noires....
Ajournements.............
Eiaiiw Admis Ajosraés Totil
Km
616 O
UJ 113 616
t
o t a i ’ï
................
116 j
�44 —
R E L E VE
DES
INSCRIPTIONS
P r ise s pendant l'année sc o la ir e 1 8 8 9 - 1 8 9 0 .
Trimestre
»
»
*
de novembre 1889.. 257
de janvier 1890.... 217
d’avril 1890............ 156
de juillet 189 0___ 332
Total..............
RAPPO RT DE M. REBOUL
DO^ EN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
902
Ces 9 6 2 in scrip tion s se r é p a r tisse n t ain si qu'il su it
M onsieur le R ecteur,
Pour
»
»
»
»
la capacité................. . . .
60
le baccalauréat (1"année). 277
d
(2“" année). 260
la licence...................... 276
le doctorat.....................
69
Total..........
talfll
962
M essieurs ,
Le personnel de la Faculté des sciences s'est aug
mente, au commencement de la dernière année scolaire,
de deux nouveaux membres : M. Le Verrier, ingénieur
en chef des mines à Marseille, a été chargé d'un cours
de minéralogie, et M. Loehert, qui nous vient de Dijon
ou il occupait le poste de maître de conférences de chi
mie, a été transféré en la même qualité à notre Faculté.
En dehors de cet accroissement, je n'ai aucune modi
fication à signaler, pas même dans l'administration. Le
Doyen qui a l'honneur de représenter la Faculté depuis
douze ans, vient d’être renouvelé dans ses fonctions,
grâce aux suffrages de ses collègues et des membres
du Conseil Général. Il tient à leur adresser ici une pa
role de remerciement pour ce témoignage de sympathie
et de haute estime.
�—
Bien que M. Blancard fût attaché à la Faculté des
Lettres d’Aix, il résidait à Marseille où. depuis quelques
années, il faisait dans un de nos amphithéâtres un cours
de grec moderne. Nous avons eu le malheur de perdre
tout récemment ce modeste collaborateur qui s’est, len
tement éteint, emportant tous nos regrets. La colonie
grecque perd en lui un maître dont elle goûtait l'ensei
gnement et un ami enthousiaste des Hellènes.
L’enseignement préparatoire aux diverses licences et
agrégations (43 leçons par semaine) a été donné à 57
élèves régulièrement inscrits ainsi répartis
( d’études.........................
Boursiers < d'agrégation................. .
( de licence...................... .
Professeurs de l’Académie..............
Maîtres auxiliaires et répétiteurs... .
Etudiants libres............................... .
1
5
9
9
17
16
Total..............
57
Ce nombre est absolument le môme que celui de
l’année dernière. La diminution que je croyais devoir
s’accuser dès cette année ne s’est pas encore produite,
mais elle ne tardera pas, je le crains, à se manisfester,
parce qu’il y a beaucoup de licenciés et meme de dou
bles licenciés auxquels il est impossible de donner un
poste. Il existe un véritable encombrement qui éloi
gnera beaucoup d’élèves du travail sérieux et prolongé
qu’exigent les programmes des diverses licences. C’est
seulement à fort peu qu’il est possible de faire de hautes
études dans un but désintéressé. Remarquons que déjà
le nombre des bourses accordées à l’enseignement su
périeur a subi une réduction qui s'accentuera tous les
L’esprit de nos étudiants est excellent. Assidus aux
cours, travailleurs, ils témoignent à leurs maîtres par
la scrupuleuse attention avec laquelle ils les écoutent,
la sympathie respectueuse qu'ils ont pour leurs per
sonnes dont ils recherchent l’amitié et la fréquentation.
Et puisque je signale l’assiduité de nos élèves à nos
leçons, j ’ajoute que le grand public s’est montré, comme
par le passé, fidèle à l’enseignement annexe donné pen
dant le semestre d’hiver dans nos amphithéâtres par
MM. les professeurs des Facultés d’Aix, enseignement
dont il apprécie comme il le mérite la haute valeur.
Bourses (Vétudes. — Une bourse avait été, sur la de
mande motivée du Conseil de la Faculté, accordée à l’un
de nos élèves les plus distingués, M. Fabry, reçu 3
l’an dernier au concours d’agrégation des sciences phy
siques pour l’enseignement secondaire. M. Fabry a lar
gement justifié par son travail la faveur dont il a été
l’objet. 11 a pu, en effet, à peu près terminer une thèse
de physique qu’il va s'occuper de rédiger à Nevers, où,
sur sa demande, il vient d’étre nommé professeur.
Quelques fragments de ce travail ont été publiés cette
année dans les comptes-rendus de l’Académie des
sciences sous son nom seul ou associé à celui de M. Macé
de Lépinay. On en trouvera plus loin l'indication dans
la liste des travaux des professeurs et des élèves de la
Faculté.
Bourses d'agrégation. — Sur nos 5 boursiers 4 se
sont présentés au dernier concours. Aucun n'a été reçu,
mais tous ont été très voisins de la limite d'admissibi
lité. On ne peut être heureux tous les ans.
Licences es sciences (9 boursiers). — Vingt-huit
candidats se sont présentés aux sessions de novembre
�et. (Je juillet, 5 pour les mathématiques, 15 pour les
sciences physiques et 8 pour les sciences naturelles.
Dix-scpt ont été reçus (mathématiques 4, physique et
chimie G, zoologie et botanique 7). MM. Blanc et Baret,
en sciences physiques, et M. Causard, en sciences na
turelles, ont mérité la note bien.
Examens du baccalauréat. — Les résultats qu’ils
fournissent ne sont pas dénués d’intérêt, car ils donnent
d’utiles renseignements sur l’état de l’enseignement
secondaire dans la région et aussi parce qu'ils repré
sentent en partie les éléments de recrutement de notre
Faculté et de l’Ecole de Médecine de Marseille.
La valeur des examens est restée sensiblement la
même que par le passé, la proportion entre les admis et
les présentés ne s’écartant jamais que fort peu d’une
moyenne constante d’environ 35 0/0. Si la médiocrité
domine encore beaucoup trop parmi les reçus, il faut
constater pourtant qu’on peut relever un nombre assez
notable de bons résultats. Ainsi pour le baccalauréat
complet, sur 396 examinés, 140 ont été reçus (soit
35,3 0/0), parmi lesquels je constate 4 mentions trèsbien (MM. Antona, Graujon, Quinza et Tallent) et
19 mentions bien.
J'ai laissé de côté le baccalauréat restreint. On le
sait, lu proportion des réceptions est à Marseille, comme
presque partout ailleurs, à peu près le double de celle qui
correspond au complet (60 à 65 0/0), les conditions d ad
mission étant bien plus favorables aux candidats pour
le premier que pour le second de ces grades. J ’ai déjà
demandé plusieurs fois que ces conditions fussent ré
visées ; il n’y a plus lieu d’insister, le grade allant
disparaître à bref délai. Sur 115 présentés, 65 ont été
reçus (soit 56 0/0; l’année dernière k61 0/0). 11 y a eu
2 mentions très-bien et 115 mentions bien.
En somme, 512 examens et 206 réceptions. Le nom
bre des candidats s’est accru de 23 par rapport à l’an
passé, (pii présentait lui-méme un excédant de 24 sur
l'année précédente. L’accroissement est donc constant
et sensiblement uniforme.
Travaux personnels. — En dehors de leur ensei
gnement et des examens, les professeurs de la Faculté
ont publié dans divers recueils scientifiques, et notam
ment dans les Comptes rendus de l'Académie des Scien
ces, les principaux résultats de leurs travaux pendant
cette année. Cette longue liste est jointe à ce rapport;
elle est accompagnée de celle des recherches originales
dues aux élèves de la Faculté admis à travailler dans les
divers laboratoires.
Améliorations demandées. — Nos locaux sont abso
lument insuffisants et nous y étouffons. Je n'ai ni à le
démontrer à nouveau ni à renouveler mes doléances à
ce sujet ; mais je considère comme un devoir de répéter
chaque année, bien en vain jusqu'à présent, qu'il v a
urgence à nous donner la place qui nous manque. La
construction d’une nouvelle Facuté des Sciences déci
dée il y a déjà six ans, s'est arrêtée à la première pierrj
posée. Fout s’est borné là. sans qu il soit possible de
prévoir jusqu'à quel moment se trouve ajournée l'exé
cution du traité passé entre la Ville et l'Etat.
En second lieu, nos crédits auraient besoin d'être
augmentés. Le nombre des professeurs s'accroît cons
tamment et je ne m'en plains pas, mais il serait néces
saire d’augmenter le chiffre des allocations (frais de
cours et collections) attribuées aux chaires qui ont été
�dédoublées ou mémo détriplées. Ainsi, pour n’en citer
qu’un exemple, le crédit affecté à la chaire de chimie
dont je jouissais seul il y a trois ou quatre ans, se par
tage maintenant entre deux professeurs et un maître de
conférences.
Enfin, en ce qui concerne notre bibliothèque, s’il n’est
pas possible d’élever le chiffre de la somme qui lui est
allouée pour achats de livres, ne pourrait-on pas tout
au moins lui accorder une concession plus large d’ou
vrages scientifiques et de Revues que l’Etat envoie aux
bibliothèques des villes auxquelles ils sont pourtant
moins nécessaires qu’aux bibliothèques universitaires ?
Année 1889-1890. — Travaux des Professeurs.
M. S auvage, professeur d’analyse :
Collaboration au Bulletin des Sciences Mathémati
ques.
M. S téphan, professeur d’astronomie :
Travaux de géodésie, en collaboration avec le service
géographique de l’armée.
Observations diverses.
M. Macé de L épinay,
Journal de Physique :
1. — Sur la localisation des franges d’interférence des
lames minces isotropes (2° série, t. IX, p. 121 et 180 —
1890).
2. — Sur l’achromatisme des franges des demi-len
tilles de Billet (en collaboration avec M. A. P erot.—
2° série, t. IX, p. 376 — 1890).
Comptes rendus de l’Académie des Sciences :
3. — Sur la localisation des franges des lames minces isotropes (t. 109, p. 893 — 1889). -
4. — Théorie générale de la visibilité des franges
d'interférence (en collaboration avec M. Ch. Fabry. —
t. 110, p. 8 9 5 — 1890).
5. — Sur quelques cas particuliers de visibilité des
franges d'interférence (en coll. avec M. Ch. Fabry, —
t. 110, p. 997 — 1890).
M. D uvillier , professeur de chimie industrielle:
1. — Action de la trimétylamine sur l’éther brornoisovalérique (Bulletin de la Société Chimique, 3* série,
t. 3, p. 507).
2. — Action de l’iodure d’éthyle sur l'acide amidobutyrique (Bulletin de la Société Chimique, 3e série,
t, 3, p. 503).
3. — Action de l'iodure d’éthyle sur l'alanine Bulle
tin de la Société Chimique, 3e série, t. 3, p. 505'.
4. — Nouvelle préparation des betaînes CR. t. CX.
p. 640).
M. L ociiert, maître de conférences de chimie :
Travaux sur les homologues de la muscarine, au Bul
letin de la Société Chimique :
1° Trimethyl aniline-muscarine ;
2° Pyridline-muscarinc et ses sels ;
3° Quinoléine-muscarinc (commencée).
M. V asseur , professeur chargé du cours de géo
logie :
1. — Découverte d'une flore turonienne dans les en
virons des Martigues Bouches-du-Rhône — Comptes
rendus de l'Académie des Sciences, 27 mai 1890).
2. — Sur l'existence de dépôts marins pliocènes en
Vendée (Comptes rendus de l'Académie des Sciences,
9 juin 1890 .
�— 53 —
3. — Bulletin du service de la carte géologique dé
tailler de la France :
4. — Contribution a l'élude des terrains tertiaires
du sud-ouest de la France.
Cette note comprend trois articles distincts:
Sur les calcaires de FAgenais et la découverte d’un
gisement de vertébrés dans le calcaire gris clc VAgê
nais ;
2° Position stratigrapliique du calcaire lacustre de
Cieurac ;
3° L’âge des phosphorites du Quercy déterminé strat ^graphiquement.
M. II eckel, professeur de botanique :
En propre :
I. Sur le Solanum Duchartrei [Heckel), nouvelle es
pèce de l'Afrique tropicale occidentale (Reçue generale
de Botanique, 1890).
II. Sur 1rs Araucarias, leur utilité et leur acclima
tation en France et en Algérie (Naturaliste des 1er sep
tembre et l or octobre 1890).
III. Sur l’utilisation et la transformation des alca
loïdes pendant la germination (Comptes-Rendus de
l'Académie des Sciences, 13 janvier 1890).
IV. Sur le Balancounfa ou Dadi-gogo (Ccratantliera Beaumelzi (IIeckel), nouvelle espèce de la cote
occidentale d’Afrique (Reçue Horticole de Procence,
septembre 1890),
Y. Sur Linaria spuria mill. et Polygonum aciculare L. étudiées comme plantes à floraison souterraine
Bulletin scientifique de la France et de la Belgique,
28 mai 1890).
VI. Sur quelques végétaux en apparence hcrmapliro-
«Ai»»
— 52 —
dites et ce physiologiquement unisexués Reçue Horti
cole de Procence, octobre 1890).
En collaboration avec le professeur Schlasdeuhauffen :
VII. Sur le (dm tuera vaginata au point de vue bo
tanique et chimique (Répertoire de Pharmacie, juillet
1890.
\ III. Sur les hinos provenant des Eucalyptus d’Aus
tralie et quelques gommes à'Acacias australiens Jour
nal de Pharmacie et de Chimie, août 1890).
IX. Monographie des G lobulariées au point de vue
botanique, chimique et thérapeutique travail en cours
de publication dans Bulletin de la Société scientifique
Flammarion de Marseille, année 1890 .
M. Marion, professeur de zoologie :
I. Publication du 3ma volume des Annales du Mu
séum de Marseille, contenant les travaux effectués au
laboratoire dont il a la direction. Ce volume grand in-4°
est de 658 pages avec 36 planches, dont deux en cou
leur.
II. Etude des végétaux fossiles crétacés découverts
par M. Vasseur dans les environs de Martigues Comp
tes rendus de VAcadémie des Sciences. mai 1890'.
III. Remarques relatives au maquereau des eûtes
méditerranéennes (Annales du Muséum de Marseille,
3mo volume!.
IV. Xotes sur l'anchois (ib. 3"" volume .
V. Recherches sur la sardine de la Méditerranée
(ibid.).
VI. Contribution à l'histoire des solenogustres ou
aplacophorés.
VII. Sur le Comphostrobus heterophylla , coni-
�— 54
fère prototypique du Permien de Lodève (Comptes
rendus, 28 avril 1890).
VIII. Dispersion du salnio quinnat sur les côtes mé
diterranéennes du S.-O. de la France [Comptes rendus,
23 juin 1890).
M. J ourdan, chargé d’un cours complémentaire de
zoologie et histologie :
La langue du Torcol et les terminaisons nerveuses
qui s’y rencontrent (Comptes rendus de lu Société de
Biologie, mars 1890).
Structure des barbillons et des rayons libres du Pé
ristedion cataphractum (Boutons gestatifs et, papilles
tactiles). Archives de Zoologie expérimentale, 2,,,c §,
T. VIII, 3.
M. V ayssière , chargé d’un cours complémentaire
d’anatomie :
Note sur un cas de monstruosité observé chez un
Mytilus edulis, Journal de Conchyliologie, t. xxxvn).
Sur le Prosopistoma variegatum de Madagascar
(Note à l’Institut « Académie des Sciences », 13 janvier
1890).
Travaux effectués au laboratoire de physique de la
Faculté des Sciences de Marseille.
Comptes-rendus :
1° C h. F abry. — Sur la localisation des franges
d’intenférence produites par les miroirs de Frenel (tome
110, p. 4 5 5 , - 1890).
2° C h. F abry. — Théorie générale de la visibilité
des franges d’interférence. (En collaboration avec M.
Macé de Lépinay).
— 55 —
3° C h. F abry. — Sur quelques cas particuliers, etc.
(En collaboration avec M. Macé de Lépinay).
4° F. B eaulard. — Sur la double réfraction ellipti
que du quartz (. 110, p. 1063, — 1890).
5° F. B eaulard. — (Même titre, t. 111, p. 173.—
1890).
Laboratoire de chimie industrielle.
M. B erg , préparateur.
1° Sur les dérivés chlorés des amylamines (.Bulletin
de la Société Chimique, 3me série, t. m, p. 685).
2° Sur quelques chromoïodates (CB. t. exi, p. 42).
Laboratoire de Botanique.
M. L. C laudel , préparateur :
/. Sur les matières colorantes des spermodermes dans
les graines des angiospermes (Comptes rendus de
l’Académie des Sciences, 5 août 1889 .
II.
Sur la localisation des matières colorantes dans
les téguments séminaux (Comptes rendus de J Acadé
mie des Sciences, 8 février 1890).
Laboratoire de Zoologie
M. G ourret , sous-directeur:
I. Révision des crustacés podophthaïmes du golfe
de Marseille (Annales du Muséum de Marseille, 3“#
volume).
II. Statistique de la pèche des poissons taxés de la
côte de Marseille ^même recueil .
III. Documents statistiques sur la pèche de lu sar
dine dans le golfe de Marseille (ibid.).
�IV. Note sur la pèche de la langouste.
Y. Recherches statistiques sur la pèche du thon
(Ibid,.).
M. A hnoux . — I. Examen de la pâture de quelques
poissons comestibles du golfe de Marseille (même rccueil).
II. Examen de l’état de maturité sexuelle de quel
ques poissons du golfe de Marseille (ibid.).
PERSONNEL DES ÉTUDIANTS A LA FACULTÉ DES SCIENCES
PENDANT L’ANNÉE SCOLAIRE 1889 - 1890 .
j
d’Etudes........................
1
Boursiers . . . / d’Agrégation.................
5
1 de Licence.....................
9
Professeurs de l'Académie.............................9
Maîtres Auxiliaires.........................................3
Maîtres R épétiteurs.....................................14
Etudiants lib r e s ........................................... 14
Etudiants en Médecine................................
Total..................... 57
2
�EXAMENS DE LICENCE. — Année scolaire 1889-1800.
L
No>IDR E
de ca ndidats
examines admis
ic en c e
P
r o po r tio n
des a d m is
M
e n t io n s
outenues
s u r 100 e x a m in é s
Mathématique.................
5
4
80
Physique.........................
15
6
40
Mentions B ien... 3.
MM. Blanc, physique.
Baret, plihsique.
Causard, naturelle.
»
Assez-Bien. 8 .
»
Passable .. . 6.
17
Naturelle.........................
T
ota u x
.............................
8
7
28
17
87
»
EXAMENS DU BACCALAUREAT. — Année scolaire 1889-1890.
Baccalauréat
N o miire
P ro po rtio n
des can d id ats
des ad m is
examinés
1
admis
sur
100
Men tio n s
obtenues
examinés
Complet.........................
3%
140
35
Complémentaire..........
1
1
100
Restreint.......................
115
05
50
T o t a u x ..............
512
200
»
Très b ie n .... 4.
MM. Antona.
Graujon.
Quenza.
Ta lient.
Bien........... 19.
Assez-Bien.. 14.
P assable.... 103.
Bien............
Très-Bien . .
MM.
B ien............
Assez-Bien..
Passable . . . .
1.
2.
Cibort et Isoard.
15.
18.
30.
�R A P P O R T DE M. BIZOS
DOYEN HONORAIRE DE LA FACULTÉ DES LETTRES
présenté pur l'assesseur.
M onsieur le R ecteur ,
M essieurs ,
La Faculté des Lettres a tenu trois sessions pour le
baccalauréat, en novembre, en mars et en juillet.
En novembre le nombre des candidats pour la pre
mière partie a été :
Examinés........................................... 211
Ajournés pour les compositions....... 117
Ajournés à l’examen oral.................. 22
Admis avec la mention R ien............
6
.Admis avec la mention Assez-Bien.
8
Admis avec la note Passable............ 08
En juillet le nombre des candidats pour la première
partie a été :
Examinés........................................... 425
Ajournés pour les compositions.. . . 185
Ajournés à l’examen oral.................. 49
Admis avec la mention Rien............ 19
Admis avec la mention Assez-Rien.. 49
Admis avec la note Passable........... 123
—
61
—
En novembre la moyenne des admissions a été de
39 0/0 et en juillet de 45 0/0.
Pour la deuxième partie du baccalauréat le nombre
des candidats a ete pendant la session de novembre ■
.
Examinés.......................................... 119
Ajournés pour les compositions....... 33
Ajournés à l'examen oral................ IG
Admis avec la mention Rien...........
2
Admis avec la mention Assez-bien.. G
Admis avec la note Passable......... G2
La moyenne des admissions a été de 53 0/0.
Au mois de mars s'est ouverte la session réservée
aux candidats de philosophie précédemment ajournés.
Leur nombre a été :
Examinés.......................................... 42
Ajournés pour les compositions.. . . 1*
Ajournés à l'examen oral.................
9
Admis avec la mention Assez-Bien. 3
Admis avec la note Passable........... IG
La moyenne des admissions est de 45 0/0.
En juillet le nombre des candidats à la deuxième
partie a été :
Examinés.......................................... 22G
Ajournés pour les compositions . . . . 59
Ajournés à l’examen oral................. 39
Admis avec la mention Très-Bien..
1
Admis avec la mention Bien...........
9
Admis avec la mention Assez-Rien. 23
Admis avec la note Passable......... 9t»
La moyenne des admissions est de 57 0 0.
Le 25 novembre s’est ouverte une session pour b s
examens de licence. Neuf candidats se sont présentés.
�dont trois pour l'histoire. Trois ont été reçus, dont un
pour la partie historique, M. Delpeuch, maître-répéti
teur au lycée d’Aix, avec la note Passable, et deux
pour la partie littéraire, M. Paoli, ex-boursier de la
Faculté, avec la mention Assez-Bien, ctM. Coulomb,
maître répétiteur au lycée d’Aix, avec la note Pas
sable.
Pendant la session extraordinaire d'avril nous avons
examiné trois candidats, dont deux pour l'histoire et un
pour les lettres. Ce dernier,. M. Fabre, maître-répéti
teur au lycée d’Aix, a été admis avec la note Passable.
Au mois de juillet dix-sept candidats ont pris part
aux compositions écrites, dix pour les lettres, cinq pour
Fhistoire, deux pour la philosophie. Ont été admis,
pour les lettres, MM. Mouchet, étudiant libre de la Fa
culté, avec la mention Bien, Malbois, boursier de li
cence, avec la mention Assez-Bien, Gras, maître auxi
liaire au lycée d’Aix, et Chevrolat, élève de la Faculté
libre de Lyon, avec la note Passable. Pour l’histoire,
M. Bernard, boursier de licence, a été admis avec la
note Passable.
Parmi les candidats à l’agrégation, qui ont sollicité
nos conseils et notre secours, il convient de citer parti
culièrement un professeur du lycée de Marseille,
M/Gibb,qui, après avoir suivi avec trois de ses collè
gues les conférences du professeur de littérature étran
gère, a été reçu le troisième à l’agrégation d’anglais.
La Faculté doit encore ses félicitations à l'un de ses
meilleurs boursiers de licence, M. Constant, qui, après
avoir suivi les cours de la Faculté des lettres de Mont
pellier, vient d’ètre reçu dans un bon rang agrégé de
grammaire.
Les conférences préparatoires à la licence et à l’agré
gation ont été suivies très régulièrement par 35 étu
diants qui nous ont remis en moyenne une centaine de
devoirs par mois. Ces élèves assidus se décomposent
ainsi :
il maîtres-répétiteurs.
4 maîtres-auxiliaires.
2 professeurs d’Ecole Normale.
() étudiants libres.
4 boursiers de l'Etat.
1 boursier du département.
7 professeurs des lycées du ressort.
Nous avons, en outre, corrigé des devoirs par corres
pondance à cinq professeurs de lycées, à neuf maîtresrépétiteurs, à deux maîtresses de collèges de jeunes
filles.
Pendant le premier semestre de l’année, qui Aient de
s’écouler, six cours publics ont été faits à Aix et à Mar
seille. M. Joyau, chargé du cours de philosophie, a
traité de la decouverte de la vérité dans les sciences ;
M. Guibal,ûf« gouvernement et de la société en France
au temps de Mazarin ; M. Bizos, de la comédie litté
raire sous la Révolution ; M. Constans, de la littéra
ture latine de la Décadence ; M. Boissière de la glo
rification et de l'amour de la patrie dans la littéra
ture, les institutions et les arts de la Grèce ; M. Joret,
des relations intellectuelles et politiques de l'Allema
gne de 7477 ci 17‘J l avec la France.
Le personnel de la Faculté subit une importante mo
dification. Le doyen, M. Bizos, vient d'étre nomme rec
teur à Grenoble. Les regrets, les félicitations et les
vœux de ses anciens collègues le suivent dans ce nou-
�—
M. Rigal, notre excellent maître de conférences de
philologie ancienne, que la maladie avait obligé à pren
dre un congé, nous revient, après avoir brillamment
conquis en Sorbonne le grade de docteur ès-lettres,
qu’on lui a décerné à l'unanimité. Sa thèse latine, inti
tulée M. Tullius Cicero quatenus artium optimcirum
amator exstiterit, a été déclarée hautement un modèle
de latinité élégante et de bonne méthode scientifique.
La thèse française sur Alexandre Hardy et le théâtre
français à la fin du 16° siècle et au commencement
du 17°, est une œuvre considérable, qui épuise un sujet
vaste et délicat avec une abondance des recherches,
une exactitude précise de l’érudition, un souci scrupu
leux du détail, une netteté et une originalité des conclu
sions, qui permettront de n’y plus revenir. La critique
n'a pas été moins favorable à M. Rigal que le docte jury
de la Faculté des Lettres. MM. Sarcey, Lemaître, Faguet, de Lapommeraye, dans les principaux organes de
la presse quotidienne, M. Brunetière, dans la Reçue des
Deux Mondes, MM. Hauréau et Janet, dans le Journal
des Savants, se sont trouvés d'accord pour louer les
mérites de ce bel et important ouvrage.
Le retour de M. Rigal éloigne de nous son suppléant,
M. Audouin. Je suis heureux de rendre un public hom
mage à la courtoisie, à la science solide, au dévouement
professionnel de ce jeune maître, dont nous garderons
tous le meilleur souvenir.
MM. Clerc et Maury nous restent comme maîtres de
conférences de littérature ancienne et de littérature yrccque ; M. Girbal, professeur au lycée de Marseille, con
tinue à être chargé d’un cours complémentaire de géo
graphie. L’an dernier M. Bizos exprimait vivement, au
65
—
nom de ses collègues, le regret que le Conseil général
des Bouches-du-Rhône nous eût retiré le cours de lan
gue et de littérature provençales qu’il nous avait donné.
« Grâce au concours des corps élus, disait-il, on en« seigne à Lille le picard et le wallon, à Rennes le cel« tique, à Bordeaux l’histoire de l’Aquitaine, à Toulouse
« la littérature espagnole et la philologie romane : n'est« il pas fâcheux que l’on n’enseigne ni à Aix ni à Mar
te seillc cette langue et cette littérature provençales,
« dont le patriotisme local est fier à bon droit et dont
« il aime à célébrer bruyamment la brillante et sonore
« Renaissance. » Notre voix a été entendue : le Conseil
général a rétabli le crédit qu'il avait supprimé. Qu'il
reçoive nos remerciements et l'assurance de notre gra
titude. M. Constans rentre donc en possession du cours
qu’il a déjà professé pendant une année; il traitera du
roman et de la nouvelle dans le provençal ancien et le
provençal moderne.
Outre ce cours de langue et de littérature proven
çales heureusement reconstitué, six cours publics,
comme précédemment, se feront pendant le semestre
d’hiver : en voici les titulaires et les sujets : Le senti
ment du Beau et la création artistique VM. Joyau'. —
Colbert et son temps M. Guibal. — La glorification et
l’amour de la patrie dans la littérature, les institutions
et les arts de la Grèce M. Boissière). — Les écrivains
latins des 3e »>t 4° siècles et la littérature chrétienne à
Rome (.M. Constans). — M. Bizos avait pris pour sujet
deux victimes de Boileau, Philippe Quinault et LJme
Boursault.— Les rapports littéraires et intellectuels
de la France et de l'Allemagne de 172» à 1754 ;M.
Joret).
5
�11 n’est rien changé à nos conférences spécialement
réservées aux étudiants, rien, sauf le nombre de nos
boursiers, hélas ! Nous n’avons plus un seul boursier
d'agrégation : car les bourses d’agrégation semblent
ne devoir plus guère être instituées qu’auprès des Fa
cultés privilégiées, qui ont le bonheur d'appartenir aux
grands centres universitaires. D’autre part une mesure
générale supprime les maîtres auxiliaires, et les bour
siers de licence, du moins pour nous, se font de plus en
plus rares, non par quelque mauvaise volonté imputa
ble à l’administration supérieure, mais par la fatalité
des choses. En 1886 et 1887 dix-sept candidats subis
sent devant notre Faculté le concours pour les bourses
de licence. En 1888 quatorze candidats sa présentent.
En 1889 nous n’en examinons plus que huit. Cette année
cinq candidats se font inscrire et quatre seulement af
frontent les épreuves. D’où vient cette décadence dans
l’opinion publique d’une institution qui avait été si bien
accueillie ? Evidemment du sort qui est réservé désor
mais aux licenciés. Nos meilleurs boursiers de licence,
s’ils appartiennent déjà à l’Université, n'ont plus, une
fois la licence obtenue, qu’à retourner dans les lycées
du ressort comme maîtres-répétiteurs, et cette situation,
après deux années passées dans une studieuse liberté
et dans la région des hautes études, le plus souvent ne
leur parait pas tolérable. Ceux qui n’appartiennent pas
à l’Université et qui sont désireux d’y entrer pour en
seigner, restent sans place ou frappent en vain aux
portes des établissements libres, à qui les licenciés,
dans l’ordre des lettres du moins, ne manquent pas. A
quoi bon. dans ces conditions, se préparer et se pré
senter aux concours des bourses de licence ? Voilà donc
la source de nos meilleurs étudiants presque tarie!
Il est fâcheux que nos vrais et sérieux étudiants di
minuent à mesure que nos instruments de travail s’ac
croissent et se perfectionnent. C’est ainsi que notre
collection archéologique s'est, cette année encore, nota
blement augmentée. Le nombre des photographies ar
tistiques a été élevé de 849 à 869 ; quatre nouvelles
cartes murales ont été achetées ; 173 clichés photogra
phiques pour projections lumineuses se sont ajoutés aux
127 de l'an dernier, de telle sorte que la collection est
aujourd'hui complète. Le grand ouvrage de Brum, in
titulé Monuments de la sculpture grecque et romaine.
a maintenant 23 fascicules. Il faut citer parmi les autres
ouvrages à planches récemment acquis la Restauration
d’Olympie, de Laloux-Monceaux, les Monuments de
l'art antique, de Bayet, les Fouilles en Chaldée, de
Sarzec-Heuzey, les Propylées, de Bohn. le Parthénon,
de Michaelis, YHistoire de l'art en tableaux. Cette
collection est organisée et dirigée par M. Clerc, qui,
dans le cours complémentaire d’archéologie, qu'il pro
fesse avec tant de méthode et de succès, a étudié, l’an
dernier, la sculpture grecque archaïque eUexposera,
cette année, les résultats des fouilles d’Olympie.
Pendant l’année scolaire 1889-1890 les professeurs
de la Faculté n'ont pas négligé les travaux personnels.
M. Joret a publié : 1° un mémoire intitulé les Noms de
lieu en court et en ville dans la topo nom astique du
nord de la France; 2° dans les mémoires de l'Acadé
mie de Caen, Pierre et Aicolas Formant, un banquier
et un correspondant du Grand Electeur ; 3° dans le
recueil Gaston Paris, la légende de la Rose au moyen
âge chez les nations romanes et germaniques ; 4° dans
la « Revue de Philologie française et provençale ». En
�quête philologique de 1800 dans le département de
l'Orne ; 5° dans la « Revue Critique ». des articles de
bibliographie.
Le doyen de la Faculté a publié dans la « Revue
d'Art dramatique » une étude intitulée la Préciosité au
théâtre sous la Terreur, et dans la <c Révolution Fran
çaise », dirigée avec tant de science et de goût par
notre ancien collègue M. Aulard, deux études, l'une
intitulée la Comédie littéraire sous la Révolution,
l’autre Mélodrames et vaudevilles patriotiques de Pi
card.
M. Guibal a sous presse un important ouvrage, qui
sera la continuation de son livre sur Mirabeau et la
Provence.
M. Constans a donné une nouvelle édition de sa
Chrestomatliie de Tancien français, un volume de no
tices et d'extraits des grandes histoires du moyen
éige, une étude sur les trois inscriptions de Sisteron,
insérée dans la « Revue Scxtienne » des articles de
bibliographie dans la « Revue des Langues romanes ».
L’Académie Française a décerné une portion du prix
Jules Janin à sa traduction française de Salluste.
M. Joyau a fait paraître un ouvrage sur la théorie
delà grâce et la liberté morale de l'homme. M. Boissière des articles de critique et de littérature dans la
« Revue du Monde latin » et dans « 1 Indépendance »,
M. Rigal ses deux remarquables thèses pour le doc
torat, M. Audouin des articles dans les « Mémoires de la
Société de Linguistique » et dans la « Revue de Philo
logie ».
R AP P O R T DE M. LE Dr CHAPPLAIN
DIRECTEUR
DE
i/ÉCOLE
DE
PLEIN
EXERCICE
DE MEDECINE
ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
M onsieur le R ecteur,
M essieurs ,
L’année qui vient de s’écouler a été marquée par un
de ces événements qui font époque dans les annales
d'une ville.
M. le Président do la République est venu visiter
Marseille. 11 y a été reçu au milieu d’un enthousiasme
indescriptible et d'autant plus marqué que notre soleil
faisait défaut à la fête et était remplacé par une pluie
diluvienne.
M. le Président s’enquit avec le plus vif intérêt des
besoins de la Cité. Les diverses autorités lui signalèrent
l'état précaire de nos institutions médicales, lesquelles
ne pouvaient satisfaire aux obligations d'une grande
ville à l'égard de scs habitants. M. le président de l'ad
ministration hospitalière lui soumit respectueusement
ses doléances a l'égard dos services des hôpitaux, qui
�réclamaient un internat dont l'instruction serait assez
complète pour sauvegarder la responsabilité de l’admi
nistration à l’encontre des malheureux si nombreux qui
venaient se confier à ses soins. Pour lui, la création
d'une faculté de médecine était le seul moyen d'arriver
à ce résultat si désirable et si nécessaire.
M. le Maire devait affirmer cette obligation impé
rieuse dans ce banquet qui réunissait tous les représen
tants des intérêts si multiples d’une population de
400.000 âmes, et réclama du gouvernement de la Répu
blique la création de la faculté de médecine.
M. le Président visita non seulement nos hôpitaux,
mais également le palais du Pharo que la Municipalité
donnait généreusement au Ministère de l’Instruction
Publique.
Parmi les ministres qui accompagnaient le premier
magistrat de la République, nous devons citer tout par •
ticulièrement le Ministre de l’Instruction Publique, qui
se montra d'une bienveillance extrême pour les projets
qui lui étaient exposés. Il visita dans tous ses détails le
palais du Pharo et put admirer le magnifique panorama
de Marseille vue du haut de ce rocher qui semble le débarcardère naturel des riverains de la Méditerranée
venant demander à la France l'instruction qu'ils ne
trouvent pas dans leur pays.
Un événement d'une moindre importance, mais qui
n'en signale pas moins les tendances de notre ville, a
été la visite des étudiants français et étrangers venus
dans le Midi de la France à l’occasion du centenaire de
la Faculté de Médecine de Montpellier.
Les fêtes (pii ont été données à cette occasion ont été
des plus brillantes et ont montré la solidarité qui existe
entre notre municipalité et le corps universitaire. Per
sonne n'oubliera la réception des étudiants à l’hôtel de
ville, la représentation donnée par 1e syndicat de la
presse et ce banquet où 400 étudiants de tous les pavs
se trouvaient réunis sous la présidence de M. le Maire,
entouré de la plupart des membres du conseil municipal
et de nombreux représentants de nos Facultés et de
notre Ecole de Médecine.
Nos étudiants se sont montrés à la hauteur de l'hos
pitalité qu'ils avaient offerte a leurs camarades et nous
avons lieu de croire (pie ceux-ci garderont un agréable
souvenir de Marseille. Rien ici n'a été officiel, c'était la
jeunesse sympathique à elle-même qui faisait tous les
frais de la fête.
Nous avons encore rencontré les étudiants en méde
cine et en pharmacie sur un autre terrain, où ils ont su
allier leurs plaisirs aux sentiments de charité qu’inspire
à tout homme de cœur la fréquentation des hôpitaux.
Chaque année ils donnent une fête de nuit à laquelle
ils ont su intéresser nos concitoyens. De ce chef, ils
ont versé dans la caisse des hôpitaux une somme de
67.790 fr. 65.
Cette somme a été employée de la manière suivante:
19.455 fr. 55 ont été consacrés à édifier à l'hôpital de la
Conception le pavillon dit : des Etudiants; 42.035 fr. 10
ont été capitalisés en rentes 3 0 0 et rapportent aujourd hui 1608 fr. 96 ; 6300 fr. sont encore dans la caisse du
receveur des hôpitaux.
Je suis heureux. Monsieur le Recteur, de vous signaIcr ces actes, qui honorent le caractère de nos etu
diants. Je n'aurai pas toujours à leur donner des éloges,
mais ils sont à un âge où les qualités du cœur tout ou
blier bien des légèretés.
�— 73
L’administration des hôpitaux a bien voulu consentir
à devancer l’époque de ses concours de l’internat et de
l’externat, et à les faire coïncider avec la lin des vacan
ces scolaires. Cette décision présentera de grands avan
tages pour l’enseignement, elle sera favorable au travail
et procurera peut-être des élèves mieux préparés au
service des hôpitaux.
Le fractionnement règlementaire des études médi
cales, obligeant nos étudiants à consacrer leur première
année à l’étude des sciences physiques et naturelles,
présente le grand inconvénient de ne pas mettre à pro
lit, en faveur des études réellement médicales, cet élan
de la jeunesse qui la porte à montrer plus de goôt- et
de zèle pour une science nouvelle que pour celles qui
ne font (pie continuer l'enseignement antérieur.
Cet élan, toutefois, n'est pas complètement perdu.
L’externat des hôpitaux les attire et c'est avec satisfac
tion que nous voyons nos jeunes étudiants qui, sans
abandonner leurs études règlementaires , consacrent
une partie de leur temps à l’étude des os, des articu
lations, aux premières notions de la chirurgie.
J’ai personnellement à m’applaudir d’avoir créé un
cours accessoire pour nos jeunes élèves, ils y sont très
exacts et y prennent des armes pour se défendre dans
la lutte des concours.
L’internat est également très suivi. Les compétitions
s’exercent le plus ordinairement entre les élèves de no
tre Ecole ; quelques étrangers viennent cependant dis
puter le prix de la lutte. I I candidats, celte année, sont
entrés dans la lice, sur lesquels on compte seulement
deux étrangers, un Lyonnais et un élève de la Faculté
de Montpellier.
Après quatre années d’exercice dans les hôpitaux,
nos internes, quand ils ont obtenu leur diplôme, méri
tent la confiance du public, et c'est parmi eux que se
trouvent les jeunes savants qui vont assurer le recru
tement de l'Ecole; aussi n’est-ce pas sans une peine
réelle que nous voyons nos internes ne pas profiter des
avantages que la loi militaire accorde aux internes des
villes qui possèdent une faculté. C’est là une condition
d'infériorité imméritée qui doit nous faire réclamer la
faculté.
Les concours de l'internat et de l’externat ainsi pla
cés en dehors de la période scolaire permettent aux étu
diants en médecine de se livrer aux études médicales
dès l’ouverture de l'année scolaire. Nous sommes moins
favorisés pour les pharmaciens, car les examens proba
toires, bien que commençant dans les premiers jours de
novembre, n'en sont pas moins un obstacle à l'ouverture
des cours avant la lin du mois, tous les professeurs siè
ge ant aux examens, et nos salles de travaux pratiques
étant occupées par les candidats pour l’exécution de
leurs préparations. Le premier trimestre est ainsi for
tement écourté, d’une part, par ces examens et d'autre
part, par les vacances de Noël. Cette abréviation des
études est très regrettable, car nous voyons un grand
nombre d'échecs aux examens de fin d’année , sans
compter ceux des examens de tin d'études.
J'avais terminé ce rapport en me félicitant de
retrouver le personnel de l’Ecole tel qu'il était l’an
dernier à pareille époque, "lorsque j'ai appris la mort
subite île notre collègue, le professeur Nicolas-Durantv.
Le jour même de sa mort il avait témoigné sa joie et
son bonheur à sa famille, à ses amis. Après son repas
�du soir, il se rend auprès d'un enfant gravement ma
lade. A peine sorti, il ressent la première atteinte du
mal qui va le frapper à mort. Il s'achemine, cependant,
vers son but et c'est là qu’il succombe auprès du lit de
cet enfant qu'il voulait arracher au trépas.
Nicolas-Duranty est mort dans la force de Page, dans
la plénitude de son talent et de ses succès. Je ne vous
parlerai, Messieurs, que des regrets qu’il a inspirés à
ses collègues et à ses élèves. C’est, qu'en clTet, c’était
un de nos collaborateurs les plus éminents et les plus
dévoués à son enseignement. La préparation de son
cours était le sujet de sa sollicitude incessante. Sa con
naissance des langues étrangères lui permettait de ne
pas se limiter à l’enseignement de la science exclusi
vement française. Un des premiers il ne s’était pas con
tenté de sa parole, d'une exposition classique de son
sujet ; il avait voulu parler aux yeux par l’emploi des
projections et fixer plus profondément ainsi dans l’es
prit des auditeurs ce que la parole peut laisser d’incom
plet et de fugace.
Les quelques mots que je prononce sont un faible
hommage que je rends au nom de l'Ecole à notre re
gretté collègue.
Le jeu normal des institutions a substitué comme
aide d’anatomie M. Rathelot à M. Stéfani, arrivé au
terme de sa délégation.
La période d’exercice de trois de nos chefs de clinique
étant expirée, MM. les docteurs Arnaud, MelchiorRobert et Pagliano ont été nommés aux emplois vacants.
M. le Président de la République, lors de sa visite à
l’Hôtel-Dieu, a décoré de sa main M. le professeur Magail. C’est là la juste récompense d’une longue exis
tence, partagée entre l’enseignement et la pratique civile
et hospitalière. M. Magail appartient à l'Ecole depuis le
22 mars 1850, c’est donc un exercice de 40 ans dans
l’enseignement. Successeur du vénérable Villeneuve à la
chaire d’obstétrique et au service de la maternité,il a fait
l’éducation d'un grand nombre d’étudiants et surtout
d’une multitude de sages-femmes qui, internées à la
Maternité, on a trouvé, là, des maîtres qui ont relevé de
beaucoup le niveau de l’instruction de cette classe de
diplômées.
L’Académie nationale de médecine, dans sa séance
solennelle du 10 décembre 1889, a couronné trois des
membres de l'Ecole :
M. Livon a obtenu un encouragement de 200 fr. pour
son mémoire sur la physiologie du nerf pneumogas
trique.
MM. Arnaud, professeur suppléant, et Alezais, chef
des travaux anatomiques, ont mérité le prix Portai
(800 fr.) pour leur mémoire sur l'anatomie et la phy
siologie pathologiques des capsules surrénales.
M. Livon a reçu les palmes d’officier de l’Instruction
Publique ;
MM. Nepveu et Rietsch celles d’officier d'Académie.
Les cours ont eu lieu avec régularité, mais il y a lieu
de constater les tendances des étudiants à délaisser les
cours théoriques, surtout de ceux d'entre eux qui se
destinent au doctorat.
Bien des raisons expliquent cette conduite.
Les aspirants au doctorat n'ont rien à attendre de
nous, car ce n'est pas devant les professeurs de Mar
seille qu'ils auront à subir leurs examens. La suppres-
�— 77 —
siondes inscriptions serait le seul moyen coercitif que
nous eussions dans nos mains. On ne supprime pas
les inscriptions à toute une classe d’étudiants !
Parmi les raisons qui sont, à leur décharge il faut
compter la perfection de la plupart des ouvrages de
pathologie, accouchements et autres qui sont dans leurs
mains et le sectionnement des cours. Notre science est
tellement vaste que pour parcourir le cycle complet
d'un enseignement théorique, le professeur est obligé
d’y consacrer une longue suite d’années. L’élève, oblige
d’apprendre la plus grande partie de sa pathologie, de
son hygiène, de sa thérapeutique dans les livres, est
porté tout naturellement à considérer ces livres comme
son seul maître, il ne songe pas à ce quelque chose de
vivant que le professeur imprime par sa parole à une
science qui semble morte.
Il n’en est pas de meme dans les Faculté, car si l’en
seignement y est fractionné comme dans les écoles,
l’élève a intérêt à suivre la leçon du professeur, qui,
dans sa pensée et en fait peut-être, comprendra les
questions qui lui seront adressées aux examens.
Nous sommes plus heureux pour les cours pratiques.
Les hôpitaux sont fréquentés plus assidûment et il y a
lieu de regretter que les chaires de clinique ne comptent,
pas un plus grand nombre de spécialités. Il y aurait
lieu, croyons-nous, de favoriser, autour de l'Ecole, l’ins
titution d’un enseignement libre qui utiliserait les nom
breuses richesses de nos hôpitaux et de notre ville. On
pourrait ainsi provoquer la formation de cliniques des
maladies des yeux, de la peau, du larynx, des organes
génito-urinaires, des femmes, etc....
C’est là un des besoins de l’enseignement de notre
région <pii ne peut être satisfait que dans une grande
ville.
Nos locaux sont absolument insuffisants, nous n’y
trouvons plus la moindre place pour y loger nos livres,
nos instruments, nos collections.
L’insuffisance des amphithéâtres a été plus particu
lièrement marquée. En etfet, l'amphithéâtre de chimie
ne peut contenir que 70 élèves, alors que 120 étu
diants sont dans l’obligation de suivre ce cours. Pour
remédier à cette exiguité il a fallu que le professeur et
le suppléant chargés de cet enseignement aient bien
voulu consentir à faire un double cours, l'un destiné
aux étudiants en médecine, l'autre aux étudiants en
pharmacie. Nous avons dû réclamer de la municipalité,
en faveur de ce double enseignement, une indemnité
qu’elle a généreusement allouée.
Cette question des locaux est d’une importance ma
jeure. Nous avons pu le constater par les progrès qui
se sont effectués dans l’étude de l'histologie et de l’ana
tomie pathologique. Depuis que l’Ecole a pu obtenir un
laboratoire spécial pour chacune de ces parties de la
science, nous avons vu un certain nombre d’élèves
prendre goût à ces études et fréquenter les laboratoires
en dehors des heures de cours et des travaux pratiques
obligatoires.
Marseille est la seule ville qui dans le sud de la
France présente tous les éléments d’une éducation mé
dicale complète, car d’après l’opinion de Paul Bert les
grandes villes seules peuvent présenter un matériel suf
fisant. pour cet enseignement.
Que faut-il pour réaliser cette mission à laquelle
�notre grande ville est appelée ? Les hommes ne man
queront pas, mais il faut à l'enseignement médical des
locaux, des laboratoires, des cliniques, des enseigne
ments spéciaux et enfin un titre qui permette aux étu
diants d'allier leurs intérêts personnels à celui de leur
instruction professionnelle.
L’Ecole a continué à prospérer. On a délivré 676 ins
criptions ainsi divisées :
Doctorat.................. 278
Olïiciat..................... 123
Pharmaciens de i rc classe 50
»
de 2° classe 245
676
Il ne nous suffit pas de constater le nombre des étu
diants qui ont fréquenté l’Ecole pendant l’année sco
laire. Il y a lieu de comparer entre elles les cinq derniè
res années pour apprécier les tendances de la jeunesse
qui se destine à la profession médicale ou à la phar
macie.
Les cinq dernières années donnent les rapports sui
vants :
1885-86 1886-87 1887-88 1888-89 1889-90
Doctorat.
193
218
129
174
258
Officiât..
114
138
138
141
123
29
34
26
48
50
Pharmac. de l rec.
»
252
281
240
276
245
de 2e c.
524 627
597
683
676
Il y a lieu de remarquer la marche ascendante des
études pour le doctorat, dans une période aussi courte.
Le nombre des inscriptions a presque doublé, tandis que
l'officiat est demeuré stationnaire.
l ro année...
2mo année. . .
3mo année. . .
4nl° année. . .
1886-87 1887-88 1888-89 1889-1
78
85
72
118
63
63
82
52
29
47
47
65
23
23
16
17
En examinant dans les années successives la chute
du nombre des étudiants, nous trouvons que les 78 ins
criptions de l’année 1886-87 sont réduites à 23 dans la
quatrième année de la scolarité ; de même les 63 de la
seconde année ne comptent plus que pour 17 à la qua
trième année.
Nous regrettons cette progression décroissante des
élèves à la fin de leurs études. Personne ne contestera
notre richesse hospitalière, le nombre considérable des
opérations et des accouchements. On ne peut contester
non plus que l'enseignement pratique ne soit la vérita
ble école de médecine, et cependant nos élèves quittent
notre Ecole à une époque où ils sont suffisamment ins
truits pour profiter de la fréquentation des malades.
L'exonération du droit d'inscriptions fixé à 16 par
M. le Ministre a été reporté sur 17 élèves. 15 ont joui
de l’exonération complète, 2 autres élèves paraissant
dans des conditions moins pénibles au point de vue de
la fortune n’ont eu qu’une demi-exonération. L’Ecole,
�—
80
—
dans l1appréciation de cette faveur, prend particulière
ment en considération l'état de fortune et les charges
des familles.
Tous nos exonérés ont montré de l’assiduité dans leurs
travaux.
Le premier examen de doctorat a eu lieu les 28 et 29
juillet.
Le jury était composé de MM. Granel, Imbert et de
Girard.
29 étudiants ont subi les épreuves ; 21 ont été admis,
8 ajournés.
Les notes qui leur ont été données sont :
Bien
3
Assez-bien
7
Médiocre
11
La l ro partie du second examen a eu lieu les 25 et 26
avril.
Jury : MM. Paulet, Tédcnat, Hédon.
11 candidats se sont présentés. Tous ont été admis à
l’épreuve de dissection avec les notes :
Bien
2
Assez-bien
5
Médiocre
4
L’épreuve orale a été moins heureuse : 7 ont été ad
mis et 4 ajournés. Les notes ont été : bien 3, médio
cre 4.
La 2rac partie du deuxième examen a eu lieu les 28 et
29juillet.
Le jury était composé de MM. Carrieu, Tédcnat et
Gilis.
9 candidats ont donné 8 admissions, 1 ajournement.
Les notes obtenues sont : assez-bien 2, médiocre 6.
Les deux sessions d’examen de fin d'études pour l’officiat de santé ont eu lieu sous la présidence de M. le
professeur Tédenat, la première du 28 au 30 avril, la
seconde les 29 et 30 juillet.
l rc session.
l or examen. 9 candidats, 3 admis, 6 ajournés.
Les ajournements ont porté trois fois sur l’épreuve
de dissection, trois fois sur l’épreuve orale.
2mo examen. 3 candidats, 3 admis.
3mo »
3 candidats, 3 admis.
Les notes obtenues ont été : très-bien 1, bien 8.
2,nc session.
l or examen. 3 candidats, 4 admis, 7 ajournés.
Des 7 ajournements, 2 appartiennent à l’épreuve pra
tique, 4 à l’épreuve orale. 1 candidat admis à l’épreuve
de dissection ne s’est pas présenté à l’oral.
2,no examen. 1 candidat, 1 admis.
3mo »
1 candidat, 1 admis.
Notes: bien 1, assez-bien 3, médiocre 2.
Les sages-femmes ont eu à subir un examen consta
tant qu'elles savent lire, écrire et orthographier convonablement. Sur 5 aspirantes qui se sont présentées,
3 ont échoué malgré l’extrême bienveillance du jury,
composé de 2 membres de l'instruction primaire et du
secrétaire de l'Ecole.
Aux 2 aspirantes admises à l’examen élémentaire se
sont jointes 2 autres qui avaient été ajournées à la ses
sion d’août 1889. Toutes les quatre ont été admises à
l’examen professionnel.
A la session de juillet, l’examen élémentaire a été dé
favorable à 4 des aspirantes ; une seule a pu surmonter
cette terrible épreuve. Elle a été doublement heureuse,
6
�Bien
Assez-Bien
Passable
Médiocre
1
5
3
17
2me session :
1er examen — 14 candidats — 4 admis — 10 ajournés,
2mo »
7
»
5 »
2
»
3,nc » s 18
«
17 »
1
»
à la seconde partie de l’examen.
Les notes obtenues sont :
Bien
1
Assez-bien
9
Médiocre
16
Validation de stage :
Le jury dans les deux sessions a été composé de
MM. Jcanjean, président; Domergue, pharmacien des
hôpitaux ; Planche, pharmacien de l ro classe.
i re session :
16 candidats : l re classe 4 ; 2me classe 12; admis 12;
ajournés 4.
Parmi les ajournés nous trouvons 1 aspirant au di
plôme de l ro classe, 3 aspirants au diplôme de 2° classe.
Les notes obtenues ont été 6 Assez-bien, 2 Passable,
4 Médiocre.
2IU0 session :
16 candidats, comme à la l ro session : i re classe 3 ;
2mo classe 13 ; admis 11; ajournés 5 : l de l ro classe,
4 de seconde.
Notes obtenues : 2 Bien, 7 Assez-bien, 2 Médiocre.
Herboristes de 2m0 classe :
i rc session. — 3 candidats : 1 homme et 2 femmes,
qui ont été tous admis.
2mc session.— 2 candidats : un homme et une femme.
Tous deux ont mérité le certificat d’aptitude à l’exer
cice de leur profession.
Examen préparatoire prescrit par l’arrêté ministériel
du 1er août 1879 et exigé des aspirants et aspirantes
aux diplômes de sage-femme et d'herboriste de i rc
classe.
l ro session : 12 candidats ; 6 admis ; 6 ajournés.
2"‘° session : 6 candidats ; 2 admis, 4 ajournés.
Notes : Bien 6 ; Assez-bien 2.
Examens de lin d'année. — Officiât de santé. — Ses
sion d’aout :
Inscrits. Examinés. Admis. Ajournés.
1er examen
2mo »
3,no »
4
10
9
4
9
9
Mentions : Très-bien
2
9
7
1
2
»
2
�—
Session de novembre :
Inscrits. Examinés. Admis. Ajournés.
i ür examen 4
3,,1C »
2
Mentions : Médiocre 3
2
2
I
2
85
—
CONCOURS DE FIN D’ANNÉE
(1889-1890).
[
»
Liste clés Lauréats.
Pharmaciens de l rc classe. — Session d’août :
Examinés.
Admis.
l or examen
7
5
2 ,no »
3
3
Examen trimestriel d’avril 3
3
Mentions : Très-bien
2
Bien
4
Assez-bien 4
Médiocre
1
Session de novembre :
1 er examen
2
»
»
Examinés.
Admis.
Ajournés.
1
[
1
((
((
O'no
1
Mentions Très-bien et Assez-bien.
Pharmaciens de 2 ™ classe. 1er examen
2 '1"’ «
Session de novembre :
Ajournes
Session d’août :
Examinés.
Admis.
Ajournés.
24
9
15
22
19
3
Examinés.
Admis.
G
1er examen
13
2 rac «
3
Mentions : Bien
Assez-bien
Passable
Médiocre
3
G
7
Ajournés.
7
»
MÉDECINE
i rc année. Doctorat. l or prix : M. Jacquemet.
2me » M. Pompeani.
Mention honorable : M. Auzias.
Ofïiciat. Mention honorable ; M. Panzani.
2mo année. Officiât. l orprix : M. Bartoli.
2me » M. Charles Léon.
3MI° année. Doctorat. 2mo prix : M. Aslanian.
Mention honorable : M. Rathelot.
Officiât. Mention honorable : M. Brunati.
4mc année. Doctorat. 2mo prix : M. Reynès.
Mention honorable : M. Roux.
Officiât. 2,ne prix : M. Lop.
PHARMACIE
l rc année. 1er prix : M. Guigues.
2mo »
M. Silbert.
Mentions honorables : MM. Defarge.
Mouline.
Nicolas.
2mo année. l or prix : M. Paret.
Liste clés travaux publiés par le Personnel cle l Ecole
pendant Lannée scolaire 1889-1890.
3
21
M. G ha pplain , directeur, professeur de pathologie
externe :
�Gangrène traumatique gazeuse ( Congrès de Li
moges).
M. P 1uondi, professeur honoraire :
Courte relation sur une visite à Bagnèrcs et à Bigorre.
M. R am pal , professeur d'anatomie :
Compte rendu des travaux du conseil d’hygiène et
de salubrité du département des Bouche-du-Rhône,
année 1889.
M. V i llard , professeur de clinique interne :
Leçons cliniques sur la grippe à propos de l’épidé
mie de 1889-1890, éditées par Victor Masson, Paris.
M. C aillol de P o n c y :
Empoisonnement par l’arséniate de soude.
Rapport sur un faux en écriture privée (photogra
phiée).
M. J ourdan , professur d histologie :
La langue du Torcol et les terminaisons nerveuses
qui s’y rencontrent (Compte rendu Soc. Biol. Mai
1890).
Structure des barbillons et des roujons libres du
Péristidion (ou malarmaP. — Archives de Zoologie ex
périmentale, 1890, fasc. 4.
M. IIeckel , professeur de matière médicale :
En collaboration avec le professeur Schlagdenhauffen :
Sur le Gærlnera vaginata, au point de vue botani
que, chimique et bromatologique. — Répertoire de
Pharmacie, n° de juillet 1890.
Sur les kinas provenant des Eucalyptus d’Australie
naturalisés en France. — Journal de Pharmacie et de
Chimie, août 1890.
En propre:
Sur l’action comparée du kola et de la caféine. —
Bulletin de Thérapeutique, mai 1890.
Sur l’action comparée du kola et de la caféine contre
la fatigue et l’essoufflement provenant des grandes mar
ches et des effets musculaires multipliés. — Marseille
médical, septembre et octobre 1890.
Sur le Solarium Durchartrei (IIeckel), nouvelle solanée de l’Afrique tropicale occidentale. — Revue géné
rale de Botanique, mars 1890.
Sur les Araucarias, leur utilité comme arbres pro
ducteurs de gomme arabique et leur acclimatation en
France et en Algérie. — Journal le Naturaliste, nosdes
1er septembre et 1er octobre 1890.
Sur le B alancounfa ou D adigogo (Ceratanthera
Beaumetzii IIeckel), nouvelle espèce de la côte occi
dentale d'Afrique employée comme purgatif et comme
tœnifuge. — Revue Horticole de Provence, septembre
1890.
Monographie des globulariées. — Travail en cours
de publication dans le Bulletin de la Société scientifique
Flammarion de Marseille, 1890.
Sur quelques végétaux en apparence hermaphrodites
et physiologiquement unisexués. — Revue Horticole
de Provence, octobre 1890.
Sur les fleurs souterraines de Linaria spuria Mill.
et do Polygonum aviculare L. — Bulletin Scientifi
que de la France et de la Belgique, Paris, 28 mai 1890.
M. Roux (de Brignoles, père), professeur de thérapeu
tique :
Compte rendu du conseil d’hygiène du département,
1889.
M. Nepveu , professeur d'anatomie pathologique:
�—
88
—
Tubercule sous-cutané rhumatismal d’origine embo
lique. — Soc. de Biol., 1890.
Origine embolique et bactérienne du tubercule souscutané rhumatismal. Congrès de Limoges, 1890.
M. L ivon , professeur de physiologie :
k. : H
O
ui iil
iM
Recherches sur l’action de l'acide salicylique sur la
contractibilité musculaire. — Marseille médical, 1890.
Action de l'excitation des récurrents sur la glotte. —
Congrès des sociétés savantes de Paris, 1890. Soc. de
Biol., 1890.
Action des récurrents sur la glotte. — Archives de
Physiologie, 1890.
Physiologie du nerf pneumogastrique. Mémoire ré
compensé par l’Académie de Médecine, décembre 1889.
Innervation du muscle crico-thyroïdien. — Congrès
de Limoges, 1890.
Revues, Bulletins, analyses in Marseille Médical.
M. Villeneuve, professeur de clinique externe :
Statistique et compte rendu du service de clinique
chirurgicale. — Marseille Médical, février 1890.
De l’hydrocèle en bissac, — Mercredi Médical, août
1890.
Tumeur du Rein, Néphrectomie. — Soc. de Chirur
gie, mars 1890.
M. R ietscii, professeur de chimie et de b actério
logie :
En collaboration avecM. Martinaud :
Recherches bactériologiques sur les eaux d'alimenta
tion de la ville de Marseille. — Marseille Médical, mars
et juillet 1890.
Sur la possibilité de communiquer divers bouquets
aux vins par des levures cultivées. — Provence Agri
cole de Toulon, février 1890,
l)e l’amélioration possible des vins par les levures
cultivées. — Messager Agricole du Midi, avril ; Ligue
Agricole, avril ; Revue Vinicole, avril 1890.
Sur les essais à entreprendre par les viticulteurs
pour se rendre compte de l'influence que les levures
cultivées pures exercent sur les qualités du vin. —
Bulletin de la Soc. Horticole de Lyon, des Soc. d'Agriculture de Marseille, Arles, Avignon, Nimes, juillet
1890.
Conférence sur le même sujet à Marseille. Toulon,
Montpellier, Béziers, Arles, Nimes, Avignon, Lyon.
Travaux faits au laboratoire de Bactériologie.
M. le docteur Cassedebat, médecin-major :
Sur un bacille pseudo-typhique trouvé dans les eaux
de rivière. — Compte rendu de l'Acad. des Sciences,
14 avril 1890.
Note sur les bacilles pseudo-typhiques trouvés dans
les eaux de rivière. — Comptes rendus de la Soc. Biol.
21 juin 1890.
Bactéries et ptomaïnes des viandes de conserves. —
Revue d'Hygiène, 1890.
Le bacille d’Eberth-Gaffky et les bacilles pseudo-ty
phiques. — Annales de l'Institut Pasteur., octobre
1890.
MM. Bossano et Steullet :
Résistance des germes tétaniques à certains antisep
tiques. — Comptes rendus de la Soc. Biol., novembre
1889.
�— 91 —
M. Bossa no :
Propriétés tétaniques du sol sous diverses latitudes.
— Gazette des hôpitaux, 24 décembre 1889.
Nature infectieuse du tétanos ; étude historique des
recherches expérimentales. — Gazette des Hôpitaux,
2(3 et 28 décembre 1889 ; Marseille Médical, 1890,
nos 2. 4, 5 et G ; brochure in-8°, 50 pages.
M. F allût, professeur de médecine légale :
Notes sur Fautopsie d'un Indien d'Amérique et d’un
nègre de la Martinique, en collaboration avec M. le Dr
Alezais.— Journal d’Anthropologie, Paris, 1890.
M. Gouiiret, professeur de zoologie :
Révision des crustacés Podophthalmes de Marseille.
Recherches statistiques sur la sardine et les divers
poissons de Marseille.
Contribution à la faune pélagique.
M. D omergue, professeur de pharmacie :
Essai des glyzines commerciales.— Journal de Phar
macie et de Chimie.
Revues mensuelles de pharmacologie. — Marseille
Médical.
M. A rnaud, professeur de pathologie générale:
Anatomie et physiologie des capsules surrénales.
Mémoire couronné par l’Académie de Médecine, prix
Portai, 1889. En collaboration avec M. le Dr Alezais.
Intoxication phosphorée aiguë.— Marseille Médical,
1890.
Diagnostic de la syringomyélie. — Association fran
çaise pour l’avancement des sciences, congrès de Limo
ges, 1890.
En collaboration avec M. le Dr Alezais :
Nouvelle observation de maladie d’Addison, avec
lésions caséuses limitées aux capsules surrénales. —
Comité Médical, 1890.
Contribution à la pathogénie de la maladie d’Addi
son : lésions pathologiques et expérimentation. — Co
mité Médical, 1890.
Aplasie des capsules surrénales chez un fœtus anencéphale. — Comité Médical, 1890.
Note sur les caractères du sang afférent des capsules
surrénales. — Association française pour l'avancement
des sciences, congrès de Limoges, 1890.
M. B e r g , professeur-suppléant :
Sur les dérivés chlorés des amylaminés. — Bulletin
de la Société Chimique et comptes rendus.
Sur quelques chromoïadates. — Comptes rendus.
Sur les amylaminés. — Comptes rendus.
M. Roux (de Brignoles, iils), professeur-suppléant :
Gastrotomie pour rétrécissement de l’œsophage. —
Bulletin de la Société de Chirurgie, septembre 1890.
M. L aplane , professeur-suppléant :
Analyse du traité des Maladies du Cœur et de l'Aorte,
de M. Huchard. — Marseille Médical.
Leçon d'ouverture du cours d’hygiène. — Marseille
Médical.
Analyse du travail de M. Gallis sur la grippe. —
Marseille Médical.
M
�—
RAPPORT DE M. MOREAU
AGRÉGÉ
93
—
tions littéraires. Les lauréats ne m’en voudront pas si,
plus soucieux de leur servir que de leur plaire, je mon
tre parfois un peu de sévérité dans le compte-rendu de
leurs travaux.
Sur les Concours de la Faculté de Droit d ’A ix
(1889-1890).
M onsieur le D oyen ,
M essieurs ,
Une réforme récente, où se révèle l’autonomie de nos
Facultés, me permet, pour le rapport que vous allez
entendre, de rompre avec une tradition ancienne. Ap
pelé à prendre la parole non plus dans une séance d’ap
parat, mais dans une réunion intime, non plus devant
un public aussi profane que sympathique, mais devant
une assemblée de jurisconsultes, les uns maîtres, les
autres apprentis, j ’ai cru pouvoir renoncer aux artifices
employés d’ordinaire pour voiler l’aridité naturelle du
sujet, aborder franchement un exposé détaillé des tra
vaux couronnés, donner en termes techniques les rai
sons parfois délicates des classements et des choix. Il
m’a semblé que si l’exécution ne trahissait pas le plan,
ce rapport pourrait être de quelque prolit pour nos étu
diants, et gagner en utilité ce qu’il perdrait en préten
Les étudiants de première année ont eu à traiter un
sujet de Droit civil et un sujet de Droit constitutionnel.
En Droit civil, ils devaient dire « quels sont les biens
qui rentrent dans la catégorie des meubles ». Matière
bien connue, ou qui devrait l’être, qui n’exige pas de
grands efforts pour l’invention d'un plan, qui prête à
d’intéressants exposés de doctrine, matière en un mot
bien choisie pour permettre à des commençants de faire
l’essai facile et probant de leurs forces. À la vérité,
l'essai eût pu être plus satisfaisant. Il a fallu à la Fa
culté une forte dose d’indulgence et un vif désir de ne
pas décourager des débutants pleins de bonne volonté
et meme de promesses, pour retenir quatre copies entre
les neuf qui ont été remises, et surtout pour leur attri
buer deux prix et deux mentions. Puisse sa bienveil
lance provoquer de nouveaux efforts et obtenir de meil
leurs travaux !
Le premier prix est accordé à M. René Pascalis. Sa
composition se tient exactement dans les limites du
sujet, elle est correctement rédigée, dans un style facile
et clair. Les développements sont assez heureusement
rattachés à quelques principes généraux. On ne peut
relever aucune erreur grave, encore que certaines for
mules, trahissant une grande inexpérience des rédac
tions juridiques, prêtent parfois au doute. Mais le sujet
est à peine indiqué dans ses lignes principales ; à vrai
dire, il n’est pas traité. Les deux théories importantes,
celle des intérêts et actions dans les sociétés commer-
�ciales et colle des rentes, sont insuffisamment dévelop
pées. On sent, à la lecture, que M. Pascalis a prudem
ment évité de s'aventurer sur un terrain mal connu. 11 a
mieux aimé dire peu de choses exactes que donner des
détails peut-être erronés. Cette prudence, préférable à
certaine hardiesse, lui a valu la première place.
Moins sage, M. Charles Combes est aussi moins
heureux et obtient le second prix. 11 ne connaît pas
moins le sujet, il donne même quelques détails de plus,
par exemple une distinction, un peu obscurément faite,
entre l’action ou intérêt dans une société commerciale
et la part dans une société civile. Craignant sans doute
d’être à court de matière, M. Combes a cherché des
matériaux de tous les côtés, souvent même hors du
sujet. 11 a énuméré les nombreux intérêts que présente
la classification des biens en meubles et immeubles,
commenté les articles 533 à 536 également dénués
d’intérêt juridique et d’intérêt pratique, il s'est attardé
dans des distinctions subtiles entre les bacs meubles et
les bacs immeubles. Parfois, semble-t-il, M. Combes
s'est adressé moins à sa mémoire qu’à son intelligence
et à une certaine faculté d’invention. Les plus ingé
nieuses tentatives de ce genre sont dangereuses et
dévoilent, au lieu de la masquer, l’insuffisance des
connaissances réelles. Elles aboutissent trop sou
vent à des puérilités et à des erreurs. M. Combes ne
s’est gardé ni des unes ni des autres. D'un côté, il dé
montre (pie les locomotives ne peuvent être comptées
parmi les meubles qui se meuvent eux-mêmes. D’un
autre côté, et ce chapitre des erreurs est le plus impor
tant, il assimile à des obligations les intérêts dans les
sociétés commerciales et trouve des arguments à l’ap
pui de cette inexactitude manifeste ; l’historique es
quissé au sujet des rentes est incomplet au point de
devenir erroné. La forme est meilleure que le fond:
elle est très claire, un peu prolixe peut-être, ne manque
ni de correction ni de précision.
Une première mention est attribuée à M. Louis Rose.
Son travail, encore estimable, est moins complet que
les précédents. La théorie des actions dans les sociétés
commerciales et celle des meubles par leur nature y
sont omises ou à peu près. Ces lacunes sont imparfaite
ment compensées par d’inutiles détails sur les articles
533 et suivants du Code Civil. M. Rose ne commet
aucune erreur grave ; il a préféré, lui aussi, un silence
prudent à des explications hasardeuses.
M. Riso-Lévi reçoit une deuxième mention pour une
composition où il se trouve quelques bonnes parties, la
trace sensible d’un travail consciencieux. Elle contient
malheureusement aussi beaucoup d’inutilités sur les
intérêts de la distinction entre meubles et immeubles,
sur les articles 533 et suivants du Code Civil, et reste
presque muette sur la théorie des actions et celle des
rentes.
Les compositions sur le Droit constitutionnel sont
meilleures, sans être très bonnes. Le sujet proposé,
« Le Président de la République », était cependant
facile, presque banal.
M. Charles Combes remporte le premier prix. Des
qualités et des défauts que je signalais en lui tout-àl’heure, les premières seules se retrouvent ici. M. Com
bes possède suffisamment le sujet, n’en excède pas les
limites, observe dans ses développements une juste
mesure, évite les digressions et les inutilités. Le style
�—
96
—
est correct, clair, précis. Le plus grave défaut est dans
le plan. Les attributions du Chef de l’Etat sont rangées
en deux catégories : attributions législatives, attribu
tions exécutives. Cette classification trop étroite con
duit M. Combes à compter parmi les attributions légis
latives le droit de demander la révision de la Constitu
tion, le droit de dissoudre la Chambre des Députés, le
droit d'envoyer des messages aux Chambres, d’autres
encore, et parmi les attributions exécutives, le droit de
diriger les relations diplomatiques, décisions contesta
bles, pour 11e pas dire plus. Les attributions exécutives
subissent elles-mêmes des subdivisions non moins cri
tiquables. Cette classification d'ailleurs 11'a pas été
exactement observée, et il règne quelque désordre dans
la partie la plus importante de sa composition. Quel
ques erreurs s'ajoutent aux défauts du plan. Le Prési
dent de la République a l’obligation et non pas le droit de
convoquer les Chambres sur la réquisition de la majorité
de chacune d'elles. Ce n’est, pas depuis 1875 mais depuis
1879 et la démission de M. de Mac-Mahon que lcsChambresjouissentde l'initiative en matière de révision cons
titutionnelle. Le classement fait des actes présidentiels
en décrets, règlements d’administration publique, rè
glements en forme d'administration publique, règle
ments d’administration privée est le résultat d’une con
fusion entre des classifications bien séparées. Relative
ment aux actes présidentiels, M. Combes est plus que
sobre de détails, oublie même de dire s’il existe des
voies de recours. Cette omission n’est pas la seule, ni
même la plus grave. Les renseignements historiques
sont insuffisants, et des nombreuses et dilliciles ques
tions constitutionnelles que soulève l’organisation de la
magistrature suprême, une seule, celle relative au mode
d’élection est traitée. M. Combes s’en est tenu au ta
bleau de nos institutions actuelles.
M. Bagarry obtient le second prix. Sa composition
sensiblement inférieure à la précédente par sa rédac
tion lourde, négligée, parfois naïve, est aussi moins
complète, moins détaillée. Si les erreurs commises par
M. Combes sont en général évitées, d’autres, non
moins graves, les remplacent, et, par exemple, M. Ba
garry affirme à tort que la loi du 14 août 1884 a enlevé
au Président de la République le droit de demander la
révision de la constitution. Les lacunes sont encore
plus importantes que les inexactitudes : rien sur la si
tuation personnelle du chef de l’Etat, rien sur l’histoire
et la théorie du droit constitutionnel.
Les mêmes défauts, aggravés, se retrouvent dans le
travail de M. Lougne, récompensé par une première
mention. Les erreurs sont plus nombreuses et surtout
plus grossières ; ainsi M. Lougne exige 30 ans pour
l’éligibilité à la présidence de la République, assimile à
l’état de dissolution l'intervalle de deux législatures.
Les omissions sont aussi plus graves ; pas un mot sur
les actes du Président de la République. De longs et
inutiles détails sur la législation constitutionnelle de
1870 à 1875 ne compensent pas ces défauts, au con
traire.
La deuxième mention est accordée à M. Pascalis,
auteur d’une composition généralement exacte, mais
d’une extrême sécheresse, incomplète sur la plupart des
points, et qui n’est guère que le résumé succinct, mé
thodique et fidèle des lois constitutionnelles. Nous re-
�— 09 —
trouvons M. Pascalis semblable,1 mais non oO
sa i,i à luimême.
Les concours de deuxième année brillent moins par
la qualité que par la quantité. Beaucoup d’étudiants ont
combattu, bien peu reçoivent des couronnes.
En droit romain, les concurrents devaient exposer la
théorie des contrats innomés. Dix copies ont été re
mises ; deux seulement sont récompensées, et encore la
Faculté se voit-elle obligée de réserver le premier prix.
M. Maria obtient le second. Son travail atteste une
connaissance suffisante et exacte du sujet, ne contient
ni erreur ni inutilité. Ces qualités estimables ne sont
pourtant pas les seules requises ; il en est d’autres, qui
font défaut à la composition de M. Maria. Il n’est guère
possible de démêler le plan suivi, les explications se
succèdent à peu près au hasard, dans l’ordre où la mé
moire les fournissait, sans que l'auteur ait pris la peine
et le temps de méditer un programme. De plus, M. Ma
ria s’en est tenu presque exclusivement au point de vue
juridique. La théorie demandée est cependant une de
de celles où il est le plus utile d’étudier le développe
ment historique du droit romain. Les efforts ingénieux
des jurisconsultes pour assouplir le rigide formaliste,
leurs subtils et pratiques procédés, leurs artifices légi
times pour concilier, sans sacrifice apparent, les néces
sités contemporaines et les ressources bornées d’une lé
gislation presque immobile, s’y révèlent admirablement.
Cette étude devait former une partie importante de
la composition, elle pouvait fournir les divisions sous
lesquelles les explications juridiques seraient venues se
grouper naturellement ; elle devait au moins accompa
gner tout l’exposé technique en l’éclairant. Pour l’avoir
sinon omise, du moins négligée, M. Maria a manqué le
premier prix. On pourrait encore relever quelques lacu
nes dans son travail. La condictio ex pœnitentia n’y
est pas nommée. C'est à peine s’il y est dit quelques
mots de l’échange, et cette convention est la seule men
tionnée. D’une manière générale le sujet est traité trop
abstraitement, sans les exemples qui éclairent et vivi
fient les théories. Le style de M. Maria, habituellement
correct, est tout, aussi terne ; l’attention du lecteur, un
peu déroutée par l’incertitude du plan, n’est pas ré
veillée par une rédaction sans qualités comme sans
défauts.
il/. Jean-Baptiste Ripert annonçait, dans une sorte
de profession de foi juridique, l'intention d’éclairer les
lois par l’histoire et de dominer son sujet pour en aper
cevoir les environs. Programme séduisant, mais difficile
et dangereux. M. Ripert l’a bien prouvé. Malgré ses
promesses répétées, il ne fait pas voir comment et sous
quelles influences s’est formée la théorie des contrats
innomés ; il se borne à des affirmations, parfois hasar
dées, souvent vagues, sur les rapports de cette théorie
avec celle des pactes. D'autre part, M. Ripert se laisse
parfois distraire du principal par les accessoires. Les
digressions sont incessantes, les superfluités abondent,
une trop heureuse facilité de mémoire et de plume en
combre le travail de nombreux développements inutiles.
Le style, sous une apparente vivacité, est moins correct
et moins exact que celui de M. Maria; il s’échappe par
fois en formules plus prétentieuses que juridiques, où
une critique malveillante pourrait trouver de véritables
erreurs et qui semblent trahir une médiocre netteté
dans les idées. Cet ensemble d’imperfections a rejeté
�— 100 —
au second rang et avec une mention seulement une com
position où je me plais à reconnaître les qualités qui
révèlent l’étudiant instruit et laborieux. M. Ripert con
naît en général le sujet traité, il a d’excellentes inten
tions et fera de bons travaux le jour où il consacrera à
appliquer sa méthode le temps qu'il perd à l’expliquer.
Le concours sur le sujet de droit civil français n’est
guère plus satisfaisant. La matière était ample et belle.
Appelés à traiter de la transmission de la propriété par
l'effet des conventions, soit à titre onéreux, soit à titre
gratuit, les étudiants de deuxième année pouvaient
non seulement justifier de connaissances étendues et
profondes sur l’ensemble du droit civil, mais aussi
montrer leur habileté à ordonner une composition, à
disposer selon un plan ingénieux des matériaux di
vers, à grouper et rapprocher des textes empruntés à
différents titres du Code. Ils pouvaient, ils devaient
demander au droit romain, à l’ancien droit français,
même à la législation de ce siècle, les raisons de leurs
divergences et de leurs variations. Leurs études d’éco
nomie politique leur offraient quelques considérations
intéressantes sur une théorie où sont enjeu les droits et
les intérêts du propriétaire, ceux des différents acqué
reurs, le crédit des particuliers, la richesse générale.
Ce programme a été peu vu, encore moins réalisé par
la plupart des concurrents. Entre neuf copies remises,
deux sont retenues et reçoivent l’une un second prix,
l’autre une mention.
M. Maria obtient encore le second prix. La compositon, meilleure que celle de droit romain, est clairement
écrite dans un bon style juridique, sans éclat, mais sans
lourdeur, avec une extrême précision dans les termes.
Les solutions sont sobrement et exactement motivées ;
l’argument décisif sur chaque question est. en général
fourni ; la doctrine la plus communément suivie est le
plus souvent celle que M. Maria adopte à son tour.
L’œuvre est évidemment celle d’un esprit mûr, bien pon
déré, dont le sens juridique est déjà formé. Si son auteur
avait complètement traité le sujet, il eût sans doute,
malgré d’autres défauts, emporté le premier prix. Ma
lheureusement il a presque complètement passé sous
silence la théorie relative aux actes à titre gratuit . A
peine en dit-il un mot en étudiant le transfert de la pro
priété entre les parties contractantes. De tout le reste et
spécialement de la transcription des donations immo
bilières, il est fait de rares et fugitives mentions. Pour
la partie du sujet qu’il a traitée, M. Maria n’est pas à
l’abri de toute critique. Ses notions historiques sont
incomplètes, soit pour le droit romain dont il omet les
règles relatives à la publicité des donations et quelques
décisions admettant le transfert de la propriété par le
seul consentement, soit pour notre ancien droit dont il
ne cite que les théories les plus récentes, oubliant les
procédés qui servaient à la constitution des fiefs et des
censives. Les considérations économiques sont absen
tes ; il eut été naturel cependant d’étudier l'influence
exercée sur le crédit des particuliers par les dispositions
du Gode civil et de la loi du 23 mars 1855. Enfin les
questions purement juridiques sont examinées l’une
après l’autre, sans ordre appréciable, sans même l’énon
ciation des idées générales et dirigeantes. Il en résulte
que des principes importants, comme celui qui limite
l’application de la loi du 23 mars 1855 aux rapports
entre ayant-cause d'un même auteur, sont noyés dans
les développements et passent inaperçus.
�M. Stéphane Bousset reçoit la mention. Ses connais
sances historiques sont incomplètes, surtout pour le
droit romain ; il ne fait même pas allusion aux droits
réels prétoriens. Elles sont parfois inexactes, comme
la fausse interprétation donnée à l’article 278 de la cou
tume d'Orléans. 11 n’a pas songé à l’économie politique.
A son actif, je signale une louable tentative pour édifier
une théorie des actes à titre gratuit. Mais le sujet lui
est peu familier, les développements sont écourtés,
d’importantes questions sont omises, par exemple la
filiation historique de l’article 940 du Code civil. L’effort
atteste la bonne intention, le résultat révèle une mé
moire infidèle ou mal préparée. D’autre part, M. Rousset, plus complet que M. Maria, est moins exact. : ses
explications sur la vente commerciale et la vente à ter
me le montrent amplement. En général, les solutions
sont moins bien motivées, les arguments, parfois plus
nombreux, sont présentés sous une forme enveloppée et
obscure. Le plan est un peu étrange et d’ailleurs promp
tement oublié. La forme est inférieure à la concision
exacte et claire de M. Maria : la néo-licence
est souvent
o r>
poussée jusqu’à l’incorrection, au point de rendre cer
tains développements à peine intelligibles. Les défauts,
je les résumerai en disant que M. Rousset a pu écrire
en six heures quarante grandes pages. 11 eût été plus
habile en méditant et surtout en pratiquant un précepte
qui n’a rien perdu de sa sagesse en devenant banal. Son
érudition eût gagné à être présentée sous une forme
plus bornée et mieux écrite.
Les concours de la troisième année forment, avec
ceux de la deuxième, un contraste frappant : les copies
sont peu nombreuses et généralement bonnes.
Pour le droit civil, le sujet était le suivant : « Jusqu’à
quelle époque peut-on utilement inscrire un privilège
ou une hvpothèque, soit au point de vue du droit de
préférence, soit au point de vue du droit de suite?»
Cinq compositions ont été déposées : la Faculté en
couronne trois.
Elle décerne le premier prix à M. François Brun
pour un travail très satisfaisant. M. Brun a étudié la
question proposée avec une sûreté de doctrine, une pré
cision de langage vraiment remarquables. Le plan est
clair et simple. Les différentes parties sont traitées
avec une égale attention et un soin égal. Les questions
controversées sont judicieusement résolues. La forme
est soignée comme le fond. Un sujet de pur droit civil
ne se prête guère aux agréments de la rhétorique, et
M. Brun a trop bon goût pour essayer d’orner un sujet
austère. Mais sa composition se lit facilement avec l'in
térêt relatif que les jurisconsultes peuvent prendre à
des travaux spéciaux. Après cela, mes critiques ne por
teront que sur des détails. On peut regretter la brièveté
de certains développements, la rapidité de tel ou tel
exposé, mais surtout l’omission d'une controverse im
portante. M. Brun admet sans discussion que l’extinc
tion du privilège du vendeur entraîne toujours perte de
l’action en résolution, en vertu de la loi du 23 mars
1855, article 7. 11 aurait pu et dû discuter la jurispru
dence de la Cour de Cassation qui, en cas de faillite ou
de mort de l’acheteur survenue avant la transcription
de la vente, admet bien l'extinction du privilège, mais
laisse subsister l’action résolutoire. C'est là un oubli
d'une certaine gravité, auquel s’ajoutent quelques omis
sions de moindre importance.
�— 105 —
Le second prix revient à M. Kaneff. Son travail
montre dans toutes les parties une connaissance assez
complète du sujet, mais il est inachevé. De son aveu
même, M. Kaneff s’est, arrêté sans avoir pu appliquer
aux différents privilèges et hypothèques le principe
posé par la loi du 23 mars 1855, non toutefois sans
avoir indiqué les règles relatives au vendeur et au co
partageant. Il a pu, en constatant que le temps lui
manquait pour épuiser son sujet, reconnaître l'incon
vénient des préambules trop longs et tirés de trop loin.
En outre, les exposés de M. Kaneff manquent parfois
de netteté, les explications sont diffuses, son plan n’est
pas irréprochable. Tout cela est particulièrement sen
sible dans le développement des articles 446 et suivants
du Code de commerce. Il ne faudrait pas d’ailleurs ou
blier que M. Kaneff écrit dans une langue qui n’est pas
la sienne et lutte à armes inégales contre nos étudiants
français. Aussi ne veux-je pas relever des imperfections
de style dont ces derniers, hélas ! ne sont pas exempts.
Une mention est donnée à M. Brémond. Quoiqu’il ait
bien traité certaines parties du sujet, surtout celle rela
tive au droit de suite, il est évidemment moins savant
en la matière que ses heureux concurrents. Son travail
est incomplet en certains points, ainsi sur l’effet du
jugement déclaratif de faillite, erroné en d’autres,
comme sur l’article 2195 du Code civil, l’article 717 du
Code de procédure civile, l’article 17 de la loi du 3 mai
1841, textes relatifs à des questions de purge, donc
étrangers au sujet. Sa rédaction est molle, sans relief;
en dépit de quelques indications, d’ailleurs non sui
vies, il n’y a pas de plan reconnaissable. A tous les
points de vue, M. Brémond devait prendre le troisième
Il a conquis le premier pour le droit administratif,
en exposant « les effets du jugement d’expropriation
pour cause d’utilité publique. » Ici M. Brémond est
visiblement à l'aise. Le sujet lui est familier. Il l'a
nettement délimité, complètement traité, clairement
développé. Sa rédaction, cette fois encore sans élé
gance, a du moins les qualités de ces défauts : elle est
sobre, précise, exacte. Le travail de M. Brémond n’est
pourtant pas parfait. Je relève d’abord une grosse er
reur qui consiste à admettre contre le jugement d’ex
propriation le recours au conseil d'Etat pour excès de
pouvoir. Pourquoi, d’ailleurs, parler des voies de re
cours à propos des effets du jugement ? Pourquoi aussi
s’occuper du droit de préemption ? Les digressions,
toujours inutiles, sont parfois dangereuses. En revan
che, M. Brémond se montre, ici ou là, avare de déve
loppements désirables. Sans parler des questions con
troversées qu’il pose et résout très laconiquement, il
n’a pas mis en pleine lumière la situation faite à l’ex
proprié, par exemple au sujet de l'acquisition des fruits
et de l'exercice des actions possessoires. Ses explica
tions relatives aux locataires sont à peine suffisantes.
Il est regrettable que M. Brémond n’ait pas essayé de
formuler, au début de son étude, quelques règles géné
rales, quelques idées essentielles qui eussent mis entre
les diverses questions qu’il allait étudier le lien d'un
commun principe de solution. Ces imperfections de dé
tail n’empêchent pas M. Brémond, d’obtenir le premier
prix.
Le second est donné à M. Castellan. Son travail est
peut-être plus complet dans son ensemble que celui de
M. Brémond, et si la forme avait été digne du fond,
�— 106 —
— 107 —
M. Castellan eût été pour M. Brémond un rival redou
table, et peut-être heureux. Mais M. Castellan a des
manières à lui de dire les meilleures choses, des ma
nières plus originales que réussies. Souvent même la
phrase est ainsi tournée qu'il faut un certain effort pour
en découvrir le sens ou pour n’y pas trouver des er
reurs graves. On ne peut sans doute exiger, pour une
composition rédigée en six heures, une forme élégante ;
encore a-t-on le droit de demander une rédaction cor
recte, intelligible tout au moins. Au surplus, il/. Cas
tellan a commis des inexactitudes certaines, comme
lorsqu'il affirme que la déclaration d'utilité publique est
prononcée par autorité supérieure du pouvoir exécutif.
Tout différent est M. Brun. Sa composition brille
par ses qualités habituelles d'ordre, d'exactitude, de
clarté et de correction. Certaines parties du sujet sont
mieux traitées par lui que par tout autre. Il a seul
examiné certaines hypothèses, ainsi le cas de l’expro
priation d’une mine, le cas de faillite d'une société con
cessionnaire d'un travail public. Mais M. Brun a omis
les effets du jugement d’expropriation à l’égard des
créanciers hypothécaires ou privilégiés, et traité in
complètement des droits d’usufruit et des servitudes
réelles. Aussi M. Brun n’a-t-il qu'une mention.
rogations orales, soutiendraient même des controver
ses. Ce qui manque, c’est la forme. Combien de fois le
même refrain est-il revenu au cours de ce rapport : la
composition est mal ordonnée, le plan est défectueux
ou absent, le style est mauvais. Les concurrents ne sa
vent pas composer, et ils ne savent pas parce qu’ils
n'ont pas appris. Ils sont rares, ceux qui, sans exercices
préalables, du premier coup, peuvent dans le court es
pace de six heures, rassembler leurs souvenirs, les
disposer dans un ordre logique, les grouper autour de
quelques principes généraux, les revêtir d’une forme
correcte sinon agréable. Les qualités requises pour ce
grand œuvre ne s’improvisent pas, sont rarement in
nées. Elles s’acquièrent par le travail, par l’habitude.
Aussi, et c’est là que je veux en venir, les étudiants,
qui ont raison de travailler les matières enseignées,
ont-ils tort de ne pas s’exercer pendant l’année à des
compositions écrites. Leurs maîtres et spécialement les
directeurs des conférences souhaitent, sollicitent des
travaux, proposent (ils ne peuvent imposer) des sujets
à traiter. Rarement leur bonne volonté est mise à con
tribution, rarement leurs appels sont entendus, et cette
négligence nous vaut, à la fin de l’année scolaire, des
copies où les connaissances sont étalées dans un désor
dre qui, n’étant pas un effet de l’art, en diminue singu
lièrement le prix.
L'ensemble des concours de licence suggère quelques
observations souvent faites, rarement entendues, que
je tiens cependant à renouveler ; peut-être, à force de
répétions, nos étudiants se laisseront-ils convaincre.
C’est le fond qui manque le moins à la plupart des
concurrents, je veux dire la connaissance des matières
à traiter. En général, ils savent le sujet proposé, ils
répondraient abondamment et correctement à des inter
Souvent, Messieurs, la tâche du rapporteur, trop
courte à son gré, s’est arrêtée ici. Il existe bien un
concours entre les aspirants au doctorat. La Faculté
propose un sujet qu’elle s’efforce ,de choisir parmi les
plus intéressants ; pour le traiter, une année est accor
dée. Mais la jeunesse est pressée, les rares étudiants
�—
108
—
qui ne se contentent pas de la licence et consacrent
quelques années aux études théoriques avant de se
vouer à une profession, ont hâte d'arriver au but et ne
se laissent guère tenter par des travaux sans utilité
immédiate et pratique. Les concours du doctorat sont
généralement désertés. Cette année, une exception, une
heureuse exception s’est produite. J'ai le rare plaisir
d'avoir à rendre compte d'un mémoire récompensé, je
m'empresse de le dire, par la médaille d’or.
Le sujet proposé était de nature à solliciter bien des
tentatives. « L'assurance sur la vie »intéresse le juriscon
sulte pour les délicates et ingénieuses théories auxquel
les elle donne lieu, pour les difficultés qu’elle soulève
dans ses rapports avec les différentes branches du droit,
pour la nécessité de suppléer à la loi par une doctrine
solide, — l’économiste, pour ses rapports avec la théo
rie de l’épargne, pour son influence sur le crédit des
particuliers et le mouvement des capitaux, pour ses
multiples applications et les rôles variés qu’on s’efforce
de lui assigner, pour les remèdes qu’elle fournit, au
dire de plusieurs, aux misères de nombreuses classes
humaines et les solutions qu’elle apporte, d’après les
mêmes personnes, aux éternelles et redoutables ques
tions sociales ; — l’industriel, l'homme d'affaires en
général, à qui les mœurs et peut-être la loi feront un
jour une obligation de garantir les ouvriers et leurs fa
milles contre les risques du travail qu'il dirige, qui
pourra et devra en tenir compte pour l’établissement de
son budget ; — les classes ouvrières, pour ce dernier
motif, et aussi pour la facilité et la sécurité d’un ingé
nieux procédé d’épargne et de placement; — toutes les
familles même, trop souvent exposées à perdre, avec
leur chef, leurs ressources, et que l'assurance sauve de
la misère. Ces considérations, nullement particulières
à notre temps et surtout à notre pays, devaient être
suivies dans les législations anciennes et les législa
tions étrangères.
L’auteur du mémoire a bien aperçu ce vaste pro
gramme, et il a tenté de le réaliser. A vrai dire, il n’en
a pas également réussi toutes les parties ; l'analyse
détaillée de son travail nous le montrera plutôt juris
consulte qu’historien ou économiste. Mais c’est déjà
un mérite que d’avoir su jeter sur l’ensemble du sujet
un regard sûr, d'en avoir fixé les limites, d’avoir sur
chaque point donné des notions exactes. Peut-être,
après cela, pourra-t-on pardonner à un futur docteur
en droit d’avoir négligé la partie économique et histo
rique au profit de la partie purement juridique.
Le mémoire débute par une Introduction consacrée à
établir l'utilité et la légitimité de l’assurance sur la vie,
et se termine par une conclusion qui essaie d’entrevoir
son avenir. Dans l’intervalle, se placent six parties. La
première, sous le titre : Généralités, retrace l’histoire
de l’institution, en démontre la légalité, en défend la
moralité. Les autres examinent ses rapports avec l’éco
nomie politique, le droit civil, le droit commercial, le
droit fiscal, les règles de compétence. Ce plan est simple,
naturel, clair et complet. Je regrette cependant de n'y
pas trouver une place bien distincte, bien saillante pour
les indispensables explications sur le mécanisme de
l'assurance et ses variétés. Ces renseignements ne font
pas défaut, mais on est surpris de les trouver dans la
IIP partie, consacrée au droit civil, aux chapitres 5
et G. C’est en tète du mémoire que nous devions être
�édifiés sur ces notions essentielles et. non pas après
avoir appris les caractères économiques et la plupart
des caractères juridiques de l’assurance. On aurait
encore pu souhaiter un groupement plus saisissant des
aperçus économiques épars dans les différentes parties
de l’œuvre ; la partie économique en eût été renforcée
à son avantage. Peut-être aussi, l’auteur, surtout ju
risconsulte, aurait-il eu profit à ne traiter le sujet éco
nomique qu’après le sujet juridique ; ce procédé lui eût
fourni une transition naturelle aux idées et aux vœux
qu'il formule dans la conclusion.
Le plan connu et apprécié, voyons l’exécution.
De l'Introduction, il n’y a pas grand chose à dire.
Elle n’est peut-être pas aussi probante qu’il eût fallu,
et je crains fort qu’elle n’ait été rédigée avant l’exécu
tion totale du travail, par conséquent sans la connais
sance approfondie du sujet. La preuve m’en paraît être
dans un contraste curieux entre l'allure un peu indécise et
mal convaincue du début et le ton ferme et enthousiaste
de la conclusion.
La première partie , Généralités , retrace d’abord
l’histoire de l'assurance sur la vie. C’est de beaucoup
la partie la plus faible du mémoire ; il y manque les re
cherches personnelles, un aperçu suffisant sur le déve
loppement des assurances en ce siècle. L’auteur s’est
borné à colliger les renseignements que les livres se
transmettent fidèlement sur le droit romain et l’ancien
droit français, renseignements plutôt relatifs aux socié
tés de secours mutuels. On aurait pris intérêt à voir
comment ces sociétés de secours mutuels, organisées
le plus souvent sous forme de corporations de métiers
ou de marchands, rendaient à peu près inutile l'assu
rance sur la vie, comment la stabilité des fortunes gé
néralement fondées sur la propriété immobilière en
voilait les avantages aux yeux des classes non labo
rieuses de l’ancien régime, comment la Révolution en
transformant la propriété foncière, en brisant les cor
porations, comment surtout le prodigieux développe
ment industriel et commercial de notre siècle, en créant
de nouveaux métiers dangereux, en augmentant la mo
bilité des fortunes, en multipliant les classes qui vivent
du travail, a donné aux assurances une importance
inespérée et des applications d’autant plus nombreuses
que les mathématiques , utilisant les travaux d’une
science récente, la statistique, leur ont fourni des prin
cipes sûrs, des bases certaines. De ces considérations,
de ces aperçus, on chercherait vainement le développe
ment et même l'idée dans le mémoire.
En revanche, il démontre avec précision et vigueur
la légalité, jadis contestée, de l’assurance sur la vie.
Il est moins heureux lorsqu'il la justifie du reproche
d’immoralité ; il oublie l’argument capital peut-être, à
savoir la quasi invariabilité des statistiques, ce fait
désormais hors de doute, que les décès obéissent à des
lois dont les oscillations n'ont qu'une faible amplitude,
en sorte que plus les assurances pénétreront dans les
mœurs, plus elles se rapprocheront des industries qui
spéculent sur l'accomplissement des lois naturelles. Or,
ces lois, on le sait, 11e sont ni morales ni immorales.
Il y a d'ailleurs dans cette partie du mémoire des pages
ingénieuses, bien pensées et bien dites, qui malheu
reusement font double emploi avec quelques paragra
phes de l’Introduction.
Les répétitions sont encore un défaut de la II0partie,
�—
112
—
qui étudie les rapports de l'économie politique avec l'assu
rance sur la vie. 11y a de bonnes choses dans cet exposé.
Les idées principales, les avantages saillants de notre
institution y sont développés avec art, d'une manière
ingénieuse et saisissante. A mon gré, pourtant, Fauteur
n’a pas suffisamment montré que l'assurance créant une
obligation de l’assuré envers l’assureur, est un procédé
d’épargne nécessaire, non plus volontaire, donc d’au
tant plus efficace qu’il dépend moins d’une faible et ca
pricieuse volonté humaine. L’auteur, il est vrai,conteste
l’existence de cette obligation. Quelques idées acces
soires auraient pu être développées. Ce qui manque le
plus à cette partie du mémoire, c’est l'accent personnel.
Il semble que l'auteur ne soit pas absolument à l’aise
dans cet ordre d'idées et mette quelque hâte à le
quitter.
Au contraire, en abordant la IIIe partie, consacrée
au droit civil, il se reconnaît, on s’en aperçoit vite, sur
son terrain. Les principes sont dégagés avec une logi
que serrée sinon incontestable, posés avec une extrême
précision ; les conséquences en sont déduites rigoureu
sement et sûrement; toutes les questions, sauf de rares
exceptions, sont examinées avec soin, discutées en ju
risconsulte, et si, comme on va le voir, toutes les solu
tions ne sont pas inattaquables, il faut du moins rendre
hommage au talent déployé pour les défendre.
Cette IIIe partie se divise en sept chapitres. Le pre
mier détermine les caractères juridiques de l'assurance
sur la vie. Il écarte le système de la jurisprudence qui,
partant de l'idée que le capital assuré représente les
primes capitalisées avec leurs intérêts, voit dans notre
contrat une variété du prêt ; un autre système qui dé
— 113
compose l'opération en un prêt et une assurance juxta
posés. 11 démontre que l’assurance sur la vie est une
véritable assurance, qu’elle réunit tous les éléments de
ce contrat. Il la présente enfin comme un contrat innomé, réel, aléatoire, à titre onéreux, d’indemnité. J'ai
des doutes sur le deuxième caractère, et sans entamer
ici une discussion superflue, je ne veux emprunter mes
objections qu’au mémoire lui-mème. Comment, si le
contrat est réel et se forme annuellement par le paie
ment de la prime, ce même contrat peut-il être synal
lagmatique, comme l’admet le chapitre IV ? Comment
concilier le caractère synallagmatique du contrat avec
le caractère purement facultatif pour l’assuré des pri
mes à payer ? Si le contrat n’existe que par le paiement
de la prime, il n’engendre aucune obligation à la charge
de l’assuré ; l’assureur est seul obligé ; le contrat serait
donc unilatéral.
Le chapitre II traite de la capacité requise chez les
contractants. Il n'y est rien dit de la liquidation judi
ciaire, des incapacités résultant des condamnations pé
nales. Par contre, il y est montré que les compagnies
peuvent mieux que les particuliers faire de l'assurance
une profession, ce qui est vrai, mais n’a rien à voir avec
la capacité nécessaire pour assurer ou être assuré. On
peut se demander, à propos de l’autorisation du gou
vernement, si le mémoire ne confond pas, dans les ter
mes au moins, une condition de capacité et une condi
tion d’existence. Mais ce sont là des taches légères.
Le consentement forme l’objet du chapitre III. Une
critique minutieuse demanderait quelle est la valeur de
l’examen médical imposé à l’assuré, s’il couvre les réti
cences de celui-ci ; pourquoi il n’est rien dit des clauses
B
�—
114
pénales, des formes et de-la date du contrat; une plus
exacte et plus précise distinction entre Terreur de Tassureur et le dol de l'assuré. Passons encore.
Les obligations résultant du contrat sont étudiées
dans le chapitre IV. C’est là que le mémoire reconnaît
au contrat un caractère synallagmatique. J 'ai montré la
difficulté de concilier cette idée avec le caractère réel.
Le mémoire enseigne que l'assuré n’est pas tenu de
payer les primes, qu’il reste à chaque échéance le maî
tre de continuer ou de rompre le contrat, en sorte qu'il
y a autant de contrats distincts que d’années successi
ves. Cette doctrine ne me parait pas exacte et se réfute
par les arguments même employés pour la justifier. Le
mémoire insiste sur cette idée que la question ne pré
sentera guère d'intérêt que dans l’hypothèse où la mort
surviendrait pendant l’année dont la prime n’a pas été
payée, et que, en pareil cas la compagnie-assureur invo
querait toujours le défaut de paiement de la prime pour
ne pas verser la prime assurée. La remarque est juste,
mais elle prouve précisément que l'assuré est obligé,
puisque la compagnie, pour se soustraire à son obliga
tion, invoque l’inexécution par l’assuré. C’est l’applica
tion pure et simple de l’article 1184 du Code Civil. Il en
résulte invinciblement que l’assuré est obligé pour
toutes les années convenues. Le paiement de la prime
est l'exécution d’une obligation, non la formation d’un
contrat ; le défaut de paiement est l’inexécution, non le
refus de contracter. Du reste le mémoire reconnaît
ailleurs à la compagnie une action pour obtenir le paie
ment des primes échues. Cette affirmation est inconci
liable avec celle que je viens d’examiner, et, à mon sens,
seule exacte.
Les chapitres VetYI détaillent les différentes formes
et le mécanisme des assurances sur la vie. Ces explica
tions tardives sont plus étendues sur l’assurance en cas
de décès que sur l’assurance en cas de vie, et assez
sommaires sur la distinction entre le bénéficiaire et
l’assuré. Certaines clauses habituellement stipulées
sont omises, par exemple celle qui garantit à l'assuré
qui a cessé de payer la prime annuelle une part dans la
somme assurée, proportionnelle au nombre des primes
versées. Cependant en général cette partie du mémoire
est bonne.
Meilleur encore est le chaqitre VII, des Elîets de
l’assurance, extrêmement développé et intéressant. Les
conséquences de l’assurance à l’égard du bénéficiaire,
des héritiers, de l’époux survivant, des créanciers, des
cessionnaires sont exposées d’une façon vraiment re
marquable. Les incertitudes, l'incohérence de la juris
prudence sont dénoncées et discutées avec une vivacité
qui n’exclut pas l’autorité. Ces qualités, je les loue d'au
tant plus volontiers que je ne puis souscrire à l’opinion
défendue par le mémoire. Malgré les héroïques efforts
tentés pour réfuter l’analyse de notre contrat en une
gestion d’affaires de l'assuré au profit du bénéficiaire,
cette idée simple et ingénieuse me parait la vraie. Du
reste l’opinion développée dans le mémoire s’en rappro
che beaucoup, et elle ne s’en éloigne jamais sans acci
dent, comme lorsqu’elle enseigne que la mort de l'as
suré suffit pour faire naître une obligation de l’assureur
envers le bénéficiaire, que les articles 1282 et 1283 du
Code Civil énumèrent limitativement les cas de remise
de dette.
On retrouve dans les dernières parties du mémoire
�—
116
—
117
—
—
les qualités que je viens de louer dans la troisième, et
aussi les conséquences de l’opinion que j ’ai combattue
sur le caractère réel du contrat et les obligations de l'as
suré. Les détails seraient superflus.
En terminant, le mémoire signale les tentatives faites
pour améliorer, par l’assurance sur la vie, la condition
des classes ouvrières. 11 souhaite que le législateur
français entre hardiment dans cette voie au bout de la
quelle il trouvera la solution pacifique de la question
sociale.
Je n’ai parlé encore que de la doctrine et des idées.
De la forme, je n'ai que des éloges à faire. Le style tou
jours clair et correct, souvent vif et mouvementé, relève
encore l’intérêt du sujet traité et se soutient jusqu’au
bout avec une remarquable égalité.
Tel est, Messieurs, minutieusement analysé, l’impor
tant travail soumis à vos suffrages. Ses nombreuses
qualités de fond et de forme, que de légères imperfec
tions sont loin de compenser, vous ont paru dignes
d’une récompense si souvent réservée. La Faculté ac
corde sa médaille d’or à M. Typaldo Bassia.
Messieurs les étudiants, l’exemple que vous donne
M. Bassia mérite d’être suivi. C'est un exemple d’in
telligence, de travail et surtout, je veux le dire, de dé
sintéressement. Votre camarade n'est pas moins pressé
que bien d’autres de terminer ses études et d'embrasser
une profession. Il n’a pas hésité cependant à sacrifier
une année pour un travail qui n’a comme sanction prati
que qu’une récompense universitaire. C’est à la jeu
nesse surtout qu’appartiennent ces généreuses inspira
tions, et c’est à votre jeunesse que la Faculté demande
de redoubler d’efforts, non seulement pour la conquête
des diplômes, mais aussi pour la culture désintéressée
de vos intelligences et en même temps pour le dévelop
pement et le relèvement général des études juridi
ques.
�— 119 —
RAPPORT
S u r Iss Concours pour les P r ix clc fin d'année
de l'exercice 1889-1890
Par le Docteur E. LAPLANE, Professeur-suppléant.
Chargé par M. le Directeur de l’Ecole de Médecine
de la mission de rendre compte des concours de fin
d'année de l’exercice 1889-1890, je suis heureux de
constater que les épreuves ont donné dans l'ensemble
les résultats les plus satisfaisants, et que les élèves ont
su mettre à profit leur année scolaire pour acquérir
dans les différentes branches de l'art médical et phar
maceutique ces solides connaissances théoriques, qui
doivent les mettre à même un jour de devenir de bons
et sérieux praticiens. Nous avons eu certainement à
relever des inexactitudes, des défauts de méthode, des
incorrections. Mais on ne peut exiger la perfection de
la part de candidats jeunes encore et inexpérimentés,
et plus préoccupés en général de leur réussite aux exa
mens. nécessaires à l’obtention du diplôme qui doit leur
ouvrir l’exercice de leur profession, que du travail plus
relevé, plus large qu’exige la préparation des concours.
C’est même ce souci un peu exclusif de la poursuite du
diplôme qui éloigne un certain nombre d’étudiants des
plus méritants, que nous serions heureux de proclamer
lauréats de notre Ecole. Pourtant ces deux ordres de
travaux, .loin de s’exclure, se complètent mutuellement;
et les meilleures notes aux examens sont en général
obtenues par les candidats qui ont mérité des récom
penses à nos concours annuels.
En première année de médecine les épreuves ont été
différentes pour les étudiants en doctorat et les aspi
rants à l’officiat do santé.
Les premiers ont eu à traiter une question d’histoire
naturelle : des Malvacées, — une question de physi
que : les qualités du son, étude du timbre, — et une
question de chimie : chloroforme et iodoforme. Huit
candidats se sont présentés et la plupart ont fait preuve
de connaissances sérieuses et de solides qualités de
rédaction. En histoire naturelle quatre copies surtout
ont été bonnes ; il est regrettable qu’elles aient borné
leur description aux malvacées les plus vulgaires, en
laissant dans l’ombre les malvacées tropicales. La ques
tion de physique a été exposée très simplement et avec
beaucoup d'ordre et de méthode. En chimie, la prépa
ration et les propriétés des deux corps, leur recherche
toxicologique ont été en général assez bien exposées.
Le jury a été d’avis de décerner un premier prix à
M. Jacquemet, dont la composition de chimie surtout a
été excellente, un second prix à M. Pompéani, et une
mention à M. Auzias.
Deux candidat se sont présentés pour l’olficiat. La
composition d’histoire naturelle : des Crucifères, — a
été insuffisamment traitée ; les propriétés de ces plan-
�tes ont été passées presque complètement sous silence
par les deux candidats. En anatomie, os iliaque, la
copie de M. Rue est supérieure à celle de M. Panzani ;
en chimie : eau, eaux potables, M. Panzani a eu aussi
une légère infériorité sur son concurrent, mais l’avance
qu'il avait en histoire naturelle l’a fait classer en pre
mière ligne. Le jury a proposé une mention pour M.
Panzani.
En deuxième année, aucun étudiant inscrit pour le
doctorat ne s’est présenté. Quatre étudiants pour l’officiat ont affronté le concours.
La question donnée a été la suivante : anatomie de
l'estomac, nature et action du suc gastrique. Dans
l'ensemble, les quatre compositions ont été satisfai
santes et ont décelé des étudiants laborieux, ayant uti
lement employé leur année. Deux copies ont paru au
jury mériter d’être particulièrement récompensées. M.
Bartoli a traité sobrement, mais d'une façon complète
et avec clarté la question d’anatomie ; il ne manque que
quelques détails de structure sur les glandes de l’es
tomac. En physiologie, le même candidat a exposé net
tement la composition chimique du suc gastrique, la
nature de la pepsine, son action sur les albuminoïdes,
la nécessité d’un acide libre et le rôle des peptogènes.
La copie de M. Charles Léon est inférieure à la précé
dente, tout en méritant une récompense. Ainsi, en ana
tomie, il y a quelques inexactitudes. En physiologie, le
candidat n’indique pas les phases de transition parcou
rues par les matières azotées avant d’être transformées
en peptones, ni l’action pathogénique des excitants de
l’estomac. Les deux autres travaux sont inférieurs à
ceux-là, surtout au point de vue physiologique. Le jury
a proposé un premier prix pour M. Bartoli et un second
prix pour M. Charles Léon.
Les étudiants de troisième année ont eu à traiter la
question suivante : Des complications pulmonaires
des affections cardiaques. Quatre candidats se sont
présentés, deux inscrits pour le doctorat, MM. Aslanian
et Rat.helot, deux pour l'officiât de santé : MM. Brunatti
et Dabo.
MM. Aslanian etRathelotont consacré la plus grande
partie de leurs compositions à l’étude des myocardites
dans les maladies infectieuses, reléguant au second plan
les affections organiques du cœur, qui auraient dû être
pour eux le point capital. Quand à M. Brunatti, il s’est
borné à une énumération, incomplète d’ailleurs, des lé
sions cardiaques, causes des complications pulmonaires,
et n’a fait qu’aborder l’étude de ces complications pulmo
naires elles-mêmes.
Tenant compte de la bonne volonté des candidats, le
jury a proposé : pour la section de doctorat, un second
prix à M. Aslanian, une mention à M. Rathelot ; pour la
section d'officiat, une mention à M. Brunatti.
En quatrième année, la question proposée a été la
suivante : De la lithiase biliaire, — accidents ; — thé
rapeutique. Se sont présentés : deux étudiants inscrits
pour le doctorat, MM. Reynôs et Roux; un pour l’officiat, M. Lop.
Le jury a été satisfait des épreuves fournies par ces
trois candidats. La composition de M. Reynès est sa
tisfaisante dans l’ensemble, en dépit de quelques la
cunes et de quelques inexactitudes. M. Roux, dont le
travail présente des qualités réelles, s’est malheureuse
ment borné à développer un côté de la question, la mi-
�—
122
—
gration des calculs à travers les voies biliaires, ce qui
l'a fait classer au deuxième rang. M. Lop a été très
complet, mais l’érudition dont il fait preuve laisse quel
quefois à désirer au point de vue de l'exactitude.
Le jury a proposé : dans la section de doctorat, un
second prix pour M. Reynès. une mention pour M. Roux ;
— dans la section d’officiat, un second prix pour
M. Lop.
Les étudiants en pharmacie de première année ont eu
à traiter trois questions écrites en physique : Principe
d Archimède, aéromètres employés en pharmacie ; —
en chimie : Le fer et ses combinaisons employées en
pharmacie ; en pharmacie: les quinquinas. De plus,
comme épreuve pratique, ils ont eu à monter un appa
reil de Woolf et à effectuer la préparation du bisulfate
de soude. Cinq candidats ont concouru.
En physique les candidats ont fait preuve de connais
sances plus qu’ordinaires pour des élèves de première
année. Ils se sont plus étendus sur la démonstration du
principe d’Archimède que sur les applications de ce
principe. Un seul a différencié les aréomètres et les
densimètres. Les copies de MM. Guigues et Nicolas
surtout ont été satisfaisantes.
La question de chimie a été de même bien traitée par
la plupart des concurrents.
En pharmacie, la composition de M. Guigues pré
sente de sérieuses qualités au point de vue de la mé
thode et de l’exposition du sujet. M Silbert a donné
avec moins de méthode dans l’ensemble, plus de préci
sion dans les détails. Les trois autres concurrents,
MM. Nicolas, Mouline et Defarge ont fait preuve de
connaissances suffisantes.
L’épreuve pratique a été de même assez bonne pour
les divers candidats.
En conséquence, le jury a décerné un premier prix à
M. Guigues, un second à M. Silbert, et une mention
honorable à MM. Defarge, Mouline et Nicolas.
Les élèves en pharmacie de deuxième année se sont
présentés au concours au nombre de quatre : MM. Gros,
Paret, Gaspa et Lèbre. Ils ont eu une épreuve pratique
de micrographie végétale : Etude d'un pédicelle dom beüifère; et deux épreuves écrites,l’une de botanique :
Des renonculacées, l’autre de pharmacie : De l ’opium
et de ses alcaloïdes.
MM. Paret et Lèbre ont fait une épreuve pratique
satisfaisante. La coupe de M. Paret est bonne, son
dessin est bon, la légende est correcte. La coupe de
M. Lèbre est également bonne, mais son dessin est peu
exact, et sa légende insuflisante. La coupe et le dessin
de MM. Gros et Gaspa manquent absolument de net
teté.
En botanique, M. Paret a bien décrit les caractères
des renonculacées, mais il a réduit à une simple énon
ciation la division de la famille en tribus, sans parler
des propriétés ni des usages de ces plantes. M. Gros a
fait une bonne copie, définissant exactement la place
des renonculacées dans la classification ; il a décrit d'une
façon satisfaisante les affinités de la famille, sa distri
bution en tribus et en genres ; il n'a omis que les prin
cipes et les vertus de ces plantes. M. Lèbre a fait une
composition d’une grande sécheresse, et renfermant de
notables erreurs. M. Gaspa a traité à la fois des renon
culacées et d'autres familles parallèles ; il a passé sous
silence la subdivision de la famille et les propriétés mé
dicales des plantes qu’elle renferme.
�— 124 —
En pharmacie, la copie de M. Paret est bonne, celle
de M. Lèbre seulement passable.
Le jury a décerné un premier prix à M. Paret, pas
d'autre récompense.
En définitive, les résultats des concours de fin d’an
née ont été satisfaisants dans l'ensemble. Ils prouvent
que les élèves de notre Ecole ont su mettre à profit les
leçons de leurs professeurs pendant l’année scolaire qui
vient de s’écouler. Il n’est pas douteux du reste que ces
résultats seraient encore plus brillants si un plus grand
nombre d’étudiants arrivaient à vaincre l'indifférence ou
la timidité qui les empêchent d’aborder ces concours.
Espérons que l'année prochaine nous aurons à enre
gistrer de moins nombreuses défaillances, et que l’Ecole
pourra décerner des récompenses à des élèves studieux,
qui n'ont que le tort de trop se défier de leurs facultés.
�
https://odyssee.univ-amu.fr/files/original/2/29/RES-51001-A_Seance-solennelle_1891-1892.pdf
288e62e92bc963e3925175a854411fb3
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ACADÉMIE D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE DROIT ET DES LETTRES D'AIX
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
1891-1892
E T DE L ' É C O L E DE P L E I N E X E R C I C E
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
23 NOVEMBRE 1891.
AI X
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE J. REMONDET-AUBIN
de I ’A c a d é m i e ,
COURS MIRABEAU , 53.
Imprimeur
1891
�ACADÉMIE D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS DE DROIT ET DES LETTRES D'A IX
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES ET DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
�ACADÉMIE D’AIX
SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE DROIT ET DES LETTRES D'AIX
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES
E T DE L ' É C O L E DE P L E I N E X E R C I C E
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
23 NOVEMBRE 1891.
AI X
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE J. REMONDET-AUBIN
de I ’A c a d é m i e ,
COURS MIRABEAU , 53.
Imprimeur
1891
�SÉANCE SOLENNELLE DE RENTRÉE
DES FACULTÉS
DE DROIT ET DES LETTRES D’AIX
DE LA FACULTÉ DES SCIENCES ET DE L'ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE
DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
La séance solennelle de rentrée des Facultés de Droit
et des Lettres d’Aix, de la Faculté des Sciences et de
l’Ecole de plein exercice de Médecine et de Pharmacie
de Marseille a eu lieu?à Marseille, le lundi 23 novembre
1891, à deux heures, dans le grand amphithéâtre de la
Faculté des Sciences, sous la présidence de M. Belin,
Recteur de l’Académie, président du Conseil Général des
Facultés.
M. le V ice-Président et les m embres du Conseil Gé
néral des Facultés avaient pris place auprès de M. le
Recteur, conform ém ent aux dispositions du décret du
28 décem bre 1 883, ainsi que M. l’Inspecteur d’Académ iedes Bouches-du-Rhône.
Les sièges réservés étaient occupés par M. le Général
de division V errier ; M. Galtié, préfet des Bouches-duRhône ; M. Bru d’Esquille, secrétaire-général de la pré
fecture ; M. Pellefigue, procureur de la République;
M. T hourel, vice-président du Conseil Général des Bou
ches-du-Rhône ; M. Granet, inspecteur honoraire d Aca
démie, adjoint au maire de Marseille, délégué à 1 instruc-
�tion publique ; M. Fernand Fabre, prem ier adjoint au
maire d’Aix, et d’autres Fonctionnaires appartenant aux
diverses adm inistrations publiques.
M. le Général Mathelin, com m andant le XV® corps
d’arm ée; M. le Prem ier Président de la Cour d’Aix ;
M. le Général Le Lorrain, com m andant la 15e brigade
de cavalerie ; M. J.-Ch. Roux, député de Marseille ; M. le
Président de la Chambre de Com merce de Marseille,
avaient, par lettre, exprimé leurs regrets de ne pas pou
voir assister à la séance.
MM. les Professeurs des Facultés et de l’Ecole de
Médecine et de Pharmacie ; M. le Proviseur et une délé
gation de MM. les Professeurs du Lycée de Marseille,
revêtus du costume universitaire, avaient pris place sur
l’estrade et dans l’hémicycle.
M. le Recteur, après avoir ouvert la séance, a donné
d’abord la parole à M. Guibal, doyen de la Faculté des
Lettres, chargé, au nom du Conseil Général des Facultés,
du rapport sur la situation des établissem ents d’ensei
gnement supérieur pendant l’année scolaire 1890-91;
puisa M. Ducros, professeur à la Faculté des Lettres,
chargé du discours de rentrée.
La séance est levée après la proclam ation des noms
des lauréats, dans les concours de lin d ’année de la
Faculté de Droit et de l’Ecole de plein exercice de Méde
cine, et la distribution des récom penses,
RAPPORT
SUR
L’ÉTAT DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
DANS L’ACADÉMIE PENDANT L’ANNÉE 1890-91
PRÉSENTÉ AU CONSEIL GÉNÉRAL DES FACULTÉS
Par M GUIBAL
D O Y E N
DE
LA
M onsieur
le
F A C U L T É
D E S
L E T T R E S
R ecteur ,
M essieurs ,
J'ai l’honneur de vous présenter un rapport sur l’état
de l'enseignement supérieur dans le ressort académique
d’Aix pendant l'année classique 1890-91.
Au moment où j’en commence la lecture, ma pensée
est comme saisie par le souvenir de celui dont le regretté
doyen, M. Alfred Jourdan, avait bien voulu se charger
l'an dernier, et qui inaugura avec tant de succès une
heureuse innovation dans le programme de nos séances
de rentrée. Je crois entendre encore ce compte-rendu
d’allure si vive, si franche, si alerte où l'esprit venait,
sans effort et comme de lui-même, se poser sur les plus
sévères questions d’enseignement et animer les plus
arides détails de statistique. — Qui eût dit que ces pa
roles où l’autorité de l'expérience et du savoir se dissi-
�mulait sans disparaître, sous je ne sais quel air de
jeunesse souriante, étaient des adieux ?
Après une carrière vaillamment remplie, M. Jourdan
est tombé tué par ce travail qu'il aimait et auquel, dans
les dernières années, il demandait une diversion à une
de ces douleurs qui ne veulent pas être consolées.
Ce grand deuil qu’il portait surtout au fond de l'ànie
n’avait pas altéré ses aimables qualités.
Elles tenaient à la bonté de son caractère et à la
grâce enjouée de son esprit singulièrement ouvert et
distingué.
A l’exemple des grands jurisconsultes du xvi° siècle,
les Budé, les Cujas, les Bodin, les François Hotmail,
les Pasquier, il aimait les lettre s humaines, l'histoire,
la philosophie d'un amour éclairé qui valut aux profes
seurs de notre Faculté l'honneur de le compter plus
d'une fois parmi leurs auditeurs les plus bienveil
lants.
Avec ces goûts et ces préoccupations élevées de phi
losophe, d'historien et d’humaniste, il ne pouvait qu’ap
plaudir à l’évolution qui transforme aujourd’hui les
Facultés de droit. Comme il le faisait si bien observer
lui-même, elles cessent d’ôtre des écoles professionnelles
et deviennent des écoles de sciences morales et poli
tiques. De là entre ces Facultés et celles des lettres des
frontières assez souvent indécises et comme une sorte
de terrain mitoyen où elles seront amenées à se ren
contrer, non pour se combattre, mais pour s’entr’aider
mutuellement.
Dans l’intérieur même de la Faculté de droit d’Aix,
cette transformation n'a pas jusqu'à présent rencontré
de difficultés sérieuses. Certains enseignements ont dû
—9—
se renfermer dans un semestre, au lieu de se prolonger
pendant toute une année. Une phase nouvelle commence
en 1891-92. Aux termes des décrets du 24 juillet 1889
et du 31 juillet 1891, le programme de l’examen de
troisième année comprendra, pour la seconde partie,
outre la procédure civile, la matière de trois autres
cours semestriels choisis, au commencement du semes
tre, par le candidat. Ces cours à option ont été fixés à
huit par le décret du 24 juillet 1889. Un arrêté minis
tériel du 3 juillet 1891 a déterminé ceux qui doivent
être professés à la Faculté d’Aix, en les réduisant à
six. « Ils paraissent très heureusement choisis », fait
observer M. le doyen Laurin. — Leur mise en pratique
ne semble pas moins susciter des questions presque
anxieuses. Ne résultera-t-il pas de cette extension très
grande de l’enseignement juridique « une certaine hé« sitation dans la façon dont ces cours seront suivis?
« Où se portera de préférence le gros affluent des
« auditeurs ? Et comment se divisera entre tous ces
« enseignements la population scolaire ? »
Cette population a subi, en 1890-91, une légère dimi
nution sur la précédente année classique. Le chiffre
des inscriptions a fléchi de 61 unités; il est tombé de
962 à 901. Ce déficit, qui a porté principalement sur
les inscriptions de doctorat, réduites de 89 à 41, n'a
rien d’anormal, ni d'inquiétant. 11 honore la Faculté en
témoignant, à sa manière, de la juste et consciencieuse
sévérité qu’elle a apportée dans les examens de doctorat.
Sur 32 examens, en 1889-1890, elle n’avait prononcé
que 21 admissions. Effrayés de ces onze ajournements,
les étudiants qui n’avaient pour le droit qu'une vocation
intéressée, ont, les uns, quitté la Faculté ; les autres,
�—
10
—
déserté la lutte. « Ce sont, ajoute M. Laurin, des trai« nards de moins et l'armée universitaire sera plus
« forte, étant plus concentrée. » En 1890-91, malgré
les 48 inscriptions qui constituent le déficit signalé
plus haut, le nombre des examinés est resté le même
et celui des admis s’est accru de trois unités.
« Pour faire de bons docteurs il faut avoir de bons
licenciés », disait M. Jourdan, l'an dernier, à pareille
époque et il annonçait que la Faculté tâcherait d’élever
quelque peu le niveau des examens de la licence.
Ce relèvement ne pouvait pas s’opérer brusquement.
Le rapport de M. Laurin prouve que ses collègues et
lui-même continuent d’y penser. M. le doyen nous au
torise, j’allais presque dire, nous invite à trouver fort
considérable la proportion des admis aux examinés.
Pour tout l'ensemble des épreuves subies devant la
Faculté en 1890-91, elle a été de 83 0/0. Ce résultat,
hâtons-nous de l'ajouter, n'est pas dû seulement à une
indulgence qui pourrait sembler excessive, mais au
travail plus sérieux des étudiants.
Ceux qui viennent demander aux Facultés des scien
ces et des lettres l’enseignement supérieur et la prépa
ration soit aux grades universitaires, soit aux diffé
rentes agrégations, ne forment pas dans notre ressort
académique une population scolaire, mais de simples
groupes et ces groupes, recrutés en grande partie de
boursiers et de maîtres répétiteurs, tendent plutôt à
diminuer.
Mon savant collègue, M. Reboul, constate une dimi
nution d’un cinquième environ dans le nombre des
élèves de la Faculté des sciences; il fait également
observer que celui des boursiers est systématiquement
—
11
—
réduit depuis quelque temps. Alarmé de ce double
symptôme, il y voit la menace d’un retour à l’état dans
lequel se trouvaient les Facultés des lettres et des
sciences il y a vingt ans.
Cette crainte est peut-être un peu exagérée ; mais on
comprend que la Faculté des sciences s’inquiète à la
pensée de ce péril ; il s’agit pour elle d'un champ d'ac
tivité où elle obtient les plus beaux résultats.
Treize candidats ont été reçus, cette année, à l’agré
gation de mathématiques. Deux des vainqueurs de ce
concours, auquel ont pris part des élèves de la Sorbonne
et de l’école normale supérieure, MM. Lebel et Roche,
étaient boursiers de la Faculté des sciences de Mar
seille. Us ont obtenu, l'un, le numéro 6, et l'autre, le
numéro 9. Si le succès a été moins brillant et moins
complet pour l'agrégation des sciences physiques, il
reste honorable et permet de légitimes espérances pour
un avenir prochain.
La forte proportion d’admis aux examens des diverses
licences que 17 candidats sur 33 ont subis avec succès,
deux mentions très-bien méritées par MM. Devaud et
Rougier, témoignent aussi du solide et fécond ensei
gnement donné par la Faculté des sciences.
M. le doyen passe rapidement sur le baccalauréat.
597 candidats se sont présentes, 259 ont été reçus, soit
43 0/0, avec 8 mentions très-bien, 25 mentions bien. 39
assez bien.
Le rapport de M. Reboul se termine par une doléance
bien des fois exprimée déjà sur l'insuffisance des locaux.
« La nécessité d'un agrandissement considérable n'est
« mise en doute par personne ; ce qui n’empêche pas
« qu'on reste dans le même état : pour combien de
« temps encore ? »
�La Faculté des lettres appuie cette doléance avec
d’autant plus d’empressement qu'elle reçoit de la Fa
culté des sciences une cordiale hospitalité.
Elle aussi pourrait se plaindre, notamment du nom
bre trop peu considérable de boursiers qui lui sont
attribués ; mais elle se plaindra avec sobriété, parce
que, l’an dernier, elle a été plainte peut-être avec un
excès de compassion. Vous vous rappelez avec quel
esprit M. Jourdan vous la présentait éplorée et dolente.
On aurait cru voir la plaintive élégie en longs habits
de deuil.
Assurément notre tâche est quelquefois ingrate. La
Faculté des lettres pourrait souhaiter des encourage
ments plus nombreux ; mais elle ne se lasse pas ; elle
lutte énergiquement pour la vit*. Comme pour contrain
dre le ciel à l’aider, elle s'aide elle-même.
Dans l'année classique qui vient de s’écouler, per
sonnel enseignant et personnel enseigné ont également
fait leur devoir. Malgré l’hiver, dont les rigueurs ex
ceptionnelles nous étaient bien défavorables, nous avons
continué avec zèle et mené jusqu'au bout nos cours
publics. Nos conférences ont été suivies, dans les deux
semestres, par des disciples assidus, intelligents et
laborieux. Nous avons pu fournir à l’enseignement se
condaire huit licenciés de valeur dont trois, MM. Four
nier, Demargne et Le Forestier, ont obtenu la mention
assez-bien. Un candidat au doctorat, M. l’abbé Reure,
a soutenu ses thèses devant la Faculté. Après avoir
montré les qualités et le savoir d'un bon humaniste, il
a été proclamé digne du titre de docteur.
Bien des gens ne voient en nous que des examina
teurs, C’est le titre que nous partageons, en Corse,
13 avec nos collègues de la Faculté des Sciences ; il dési
gne tout spécialement les dispensateurs du bacca
lauréat.
Le baccalauréat est aujourd’hui l’objet d’une compé
tition si ardente que les aspirants, j'allais dire les com
battants, ne reculent pas toujours devant le recours aux
armes déloyales. La Faculté est bien décidée à deman
der une répression impitoyable des fraudes qui pour
ront être commises. Elle ne négligera rien pour les pré
venir.
Cette année, à la session de juillet-août, le baccalau
réat de renseignement secondaire classique a été inau
guré. Il a fonctionné pour la première partie, concur
remment avec l'ancien baccalauréat ès-lettres scindé et
n'a pas contribué à élever la proportion des rhétoriciens
admis, qui n’a guère dépassé 30 0/0.
La statistique des examens subis devant la Faculté
des Lettres d’Aix depuis novembre 1882, montre que ce
chiffre n'a rien d'anormal ; mais il ne faut pas quelle
rassure, outre mesure, les candidats. Des échecs répétés
dans la session qui s'achève accusent une préparation
absolument insullisante. La morale qui s'en dégage est
que ce diplôme, tant envié, ne saurait être conquis sans
une longue suite d'efforts persévérants. — Peut-être, à
force de s'épouvanter du surmenage, est-on en train de
tomber dans un excès contraire ? Assurément, il est
bon, il est beau de se livrera ces exercices qui dévelop
pent, pour les mettre au service du courage et du pa
triotisme, l’adresse, la force et l'agilité physiques ; mais,
s'il convient de leur faire une part, il importe de réser
ver la première place à la gymnastique de l’esprit. Une
démocratie qui est, comme la nôtre, appelée à conserver
�un si grand héritage de richesses morales, intellectuel
les, scientifiques doit proposer à l'éducation de ses
futurs citoyens l'idéal complet que Voltaire définissait
si bien par ces mots : « L'âme d’un sage dans le corps
d'un athlète. »
Pour instruire cette âme, usons de toutes les forces
vives dont la nature a doté l'adolescence et la jeunesse.
On a beaucoup médit de la mémoire. Au lieu de recon
naître dans cette faculté une merveilleuse puissance qui,
en retour d'un peu de culture et de soin, met dans l’es
prit de l'écolier et de l'étudiant des trésors d'idées,
d'impressions, de souvenirs, d'images à jamais ineffa
çables, on la tient presque pour suspecte. Peu s’en faut
quelle ne semble inutile, nuisible même à la formation
d'un jugement sain et droit. On a je ne sais quelle ap
préhension des jeunes tètes bien remplies. Celles qui le
sont moins, seraient-elles mieux équilibrées? Le vide
n’est-il pas aussi un danger pour la pensée ? La raison
n'en a pas moins horreur que la nature même. Que les
élèves s’attachent à le combler. Tout en s’exerçant à
penser, qu’ils s’appliquent à retenir beaucoup d'idées
et de faits. Qu’ils apprennent par cœur de longs frag
ments de nos poètes, de nos écrivains, de nos orateurs.
Je ne leur conseillerai, certes pas, de se payer de mots.
Les mots mal compris sont un véritable péril ; mais
tombant dans un esprit bien fait, ils peuvent être comme
des germes d’où éclôront un jour des idées profondé
ment personnelles.
Excusez, Messieurs, ces avis donnés en passant, à nos
candidats dont nous aimons à être les conseillers, ne
serait-ce que pour oublier un instant que nous sommes
leurs juges.
Si trop souvent, dans ces derniers temps, la Faculté
a été obligée de différer l’adoption universitaire
a Des enfants qu’en son sein elle n’a point portés »,
elle se console de cette rigueur, en apparence peu ma
ternelle, par la pensée qu'il y a dans cette jeunesse un
désarroi momentané et non pas un affaiblissement des
goûts et des instincts laborieux,
Le nombre des élèves de 1Ecole de plein exercice de
Médecine et de Pharmacie de Marseille s’est accru, cette
année, d'une manière notable et ne fait que rendre plus
sensible encore l'insuffisance des bâtiments mis à sa
disposition. Ses amphithéâtres qui n'offrent que 90
places à 120 auditeurs, ses laboratoires mal disposés
pour la surveillance et où les étudiants se gênent mu
tuellement, sa bibliothèque dont les Vayons surchargés
ne peuvent plus recevoir de livres, sont autant d'argu
ments qui montrent l'urgence de son transfert de l'an
cien palais de justice dans celui du Pliaro. « Ce trans
ie fert est décidé « et tout », dit M. le docteur et direc
te teur Chapplain, « fait espérer que l’année ne s’éeou« lera pas que l'Ecole n'ait pris possession de son nou« vean local. »
En réclamant une installation plus appropriée aux
besoins de son enseignement, elle reconnaît et aftirme, par l'organe de son directeur, le devoir « d’élar
gir son aire scientifique » et de grouper autour de ses
chaires magistrales des cours libres pour lesquels elle
ferait appel au zèle de ses suppléants, au dévouement
des médecins et des chirurgiens de la ville. — Il faut
quelle se mette en état d’enseigner toutes les branches
des sciences médicales pour répondre aux iucompara-
�— 16
blés ressources que lui olFrent les hôpitaux et les qua
tre cent mille habitants de Marseille.
Les cours et conférences ne représentent qu'un côté
de l'activité déployée par les professeurs et maîtres de
conférences de nos diverses Facultés. La plupart pren
nent sur leur repos le temps de préparer de nombreuses
et importantes publications. On peut en lire la liste
dans les rapports particuliers des doyens. Elle est lon
gue ; je ne saurais la reproduire ici. Je me sentirais
trop incompétent pour parler de livres et de mémoires
scientifiques et juridiques. D’autre part, mon impartia
lité de rapporteur me défend d’insister sur les articles
ou les ouvrages produits par la Faculté des Lettres.
Qu'on me permette de signaler rapidement l’œuvre de
bénédictin qu’a accomplie M. Constans, en publiant,
pour la Société des Anciens Textes français, le Roman
de Thèbes, qui, avec l'introduction et les commentaires,
ne remplit pas moins de deux forts volumes in-8u.
Ces travaux éveillent tout naturellement dans notre
esprit le souvenir des collaborateurs que nous avons
perdus. Vous avez déjà nommé M. le doyen Jourdan et
et M. le docteur Rampai. 11 y aura bientôt un an que
M. Rampai expirait victime de son dévouement profes
sionnel. —Sa vie et sa mort ont été également un noble
exemple.
Notre pensée attristée par ces deuils, se reporte avec
plaisir sur l'avancement mérité qui a appelé M. le doyen
Bizos à la tète de l'Académie de Grenoble.
Son nom vous était cher ; votre sympathie éclairée
favorisait l'essor de son enseignement.
Professeur de littérature française, il avait largement
contribué à soutenir, à Aix et à Marseille, la fortune
des cours publics. Son talent, de jour en jour fortifié et
• — 17 —
mûri, mettait dans l’élégance normalienne de sa phrase
classique une pensée que la méditation et l’expérience
de la vie ne cessaient de rendre plus mâle, plus solide,
plus élevée.
Un autre membre de la Faculté des Lettres, M. le
professeur-adjoint, Rigal, nous a quittés aussi dans
l’éclat du succès que lui avait valu en Sorbonne et à
l’Académie française sa belle thèse sur Alexandre
Hardy. M. Rigal a été nommé à la Faculté des Lettres
de Montpellier. Nous avions trop apprécié la droiture
de son caractère, la délicatesse scrupuleuse de sa cons
cience, l’étendue et la sûreté de son savoir pour ne pas
mêler de vifs regrets aux félicitations dont nous lui en
voyons la cordiale expression. Sa place ne restera pas
vide parmi nous, fille sera dignement occupée par
M. Fabia, ex-professeur d’histoire au lycée Mignet,
dont la nomination nous adjoint un humaniste d'un mé
rite éprouvé. Le successeur de M. Bizos, M. Ducros,
est un esprit lin et pénétrant, qui féconde sa critique
par une connaissance approfondie de la langue et de la
littérature allemandes. A l'exemple de Gœthe et de
Schiller, il lui donne pour point d’appui de solides étu
des philosophiques. — C’est un littérateur doublé d’un
penseur.
En terminant, je souhaite publiquement la bienvenue
à ces nouveaux collègues. Avec leurs collaborateurs des
Facultés d'Aix et de Marseille, ils sauront montrer que
l’amour et la recherche de la vérité scientifique ou lit
téraire ne subissent pas l'influence des climats. Dans
notre lumineuse Provence, cette Attique française, on
t ravaille au moins aussi bien que sur les bords brumeux
de la Baltique ou du Rhin.
!
�— 1Ô —
DISCOURS
de M. DUCUOS, professeur à la Faculté des Lettres d’Aix.
M onsieur
le
R ecteur ,
M essieurs ,
Les Salons de Diderot, tel sera le sujet de lia mo
deste et courte étude que j'ai l'honneur de vous pré
senter.
Pour nous parlef des sculpteurs et des peintres quels
sont les titres de Diderot? 11 en a beaucoup et de très
sérieux, bien qu’on ait soutenu récemment, nous verrons
pourquoi, qu'il aurait mieux fait de se taire : avant tout,
il aimait les beaux-arts, et avec passion, comme il ai
mait toutes choses ; à qui voudrait lui contester même
ses titres d’amateur il pourrait répondre qu’il en a
reçu quittance : n’avait-il pas payé, par exemple, un
tableau de Yernet six cents livres ? Le seul luxe qu’il se
permit, lui si simple dans sa manière de se vêtir et de
se loger, c’étaient les estampes, les plâtres et les ta
bleaux qui ornaient et éclairaient son humble cabinet
de travail : « O mon ami, le beau Yernet que je pos
sède !... »
D’aimer ainsi les beaux-arts, cela conduit insensible-
ment à les comprendre et il n’y a sans doute pas très
loin d’un amateur intelligent à un véritable connaisseur.
Que faut-il, en effet, pour se connaître en art ? il faut
avoir vu et comparé entr’cux beaucoup de tableaux,
avoir souvent causé avec des artistes : or Diderot con
naissait à peu près tous les artistes de son temps ; beau
coup d’entr'eux étaient ses amis ; enfin, lui, le curieux
et le questionneur par excellence, et qui s’assimilait si
vite n’importe quoi, il visitait, dans leurs ateliers, les
Chardin, les La Tour, les Yan Loo, les Greuze ; il les
regardait peindre, les interrogeait et interrogeait leurs
esquisses qu’il aimait à comparer avec leurs peintures
achevées ; il voyait, en un mot, se former sous ses
yeux, au milieu des libres discussions de l'atelier, maint
chef-d’œuvre ou prétendu tel, sur lequcHl serait prêt à
parler, en connaisseur, le jour où le chef-d’œuvre trô
nerait, sur son chevalet, au prochain salon. Et ainsi,
justes ou faux, il y a déjà grande chance pour que ses
jugements soient éclairés et raisonnés, car il est ren
seigné par des artistes qu’il cite et discute en maint
endroit.
Mais il y a plus : il pouvait, sur plus d'un point, ren
seigner et critiquer les artistes eux-mêmes, parce que
des deux choses qui inspiraient les peintres du dixhuitième siècle, à savoir, l'antiquité et la nature, il
connaissait Xantiquité, mieux qu’aucun peintre et aucun
sculpteur de son temps et nous montrerons plus loin
quel parti il a su tirer de cette connaissance de la litlérature et de la mythologie antiques. Quant à la nature,
il est un des rares écrivains, au dix-huitième siècle, qui
l'aient regardée de près et étudiée chez elle, par exem
ple, dans ses promenades champêtres à la Chevrette et
�—
à Grandval ; il a même goûté et esquissé avec assez de
bonheur, et cela avant Rousseau, « les endroits soli
taires et sauvages ». Il connaissait « les phénomènes de
la nature qui suivent le coucher du soleil...., comment
les ombres particulières s’affaiblissent à mesure que
l'ombre universelle se fortifie.... ; ou comment toute la
région du ciel opposée au soleil couchant commence à
se teindre de violet. » A vivre ainsi, en observateur at
tentif, au milieu des champs et des bois, il se préparait,
sans y songer, à goûter un jour ou à critiquer, à bon
escient, les paysages des peintres, selon qu'ils lui sem
bleraient être l’image, vraie ou fausse, de ce qu'il avait
vu et, ne l’oublions pas, de ce qu'il avait admirablement
retenu. Car il avait, tout comme un peintre, la mémoire
de l’œil et, de même que les sites qui l’avaient frappé,
il se rappelait très exactement les physionomies et les
jeux de physionomie, les traits de visage et les gestes
mêmes qui caractérisent les gens, les originaux surtout,
dont il raffolait. En un mot, il promenait ses grands
yeux, bien ouverts, sur tout ce qui est caractéristique,
vivant et beau, c’est-à-dire précisément sur tout ce qui
attire les regards et peut tenter le pinceau d’un artiste.
Ajoutons qu'il avait frayé avec toutes les classes de la
société; après avoir passé son enfance dans l’intérieur
très bourgeois du maître coutelier de Langres, il avait
traversé les salons et fréquenté chez les grandes dames ;
il avait pris plaisir à causer avec les paysajis du Grandval et avec les ouvriers de Paris près de leurs métiers.
En résumé, si l'artiste a ce triple objet de représen
ter, d’une part la nature, et d’autre part, dans la so
ciété, la vie physique et la vie morale, c’est-à-dire des
corps qu'il peint surtout par des gestes et des âmes
21
qu'il exprime par des physionomies, personne alors au
dix-huitième siècle n’était mieux préparé que Diderot à
apprécier sur la toile la vérité de ces physionomies et
de ces gestes ainsi que de ces reproductions de la na
ture : il n’avait, pour cela, qu’à comparer l’œuvre d’art
à ses observations, aussi minutieuses que précises, à
ses nombreux et inaltérables souvenirs.
Nous l’avons mis jusqu’ici en présence de la nature
et de la vie, c’est-à-dire en présence des modèles que
copie l'artiste. Le voici maintenant devant ces copies
môme : un beau tableau, une belle statue font la joie de
ses yeux et de son âme ; son être tout entier vibre et
frémit à la vue de ces formes gracieuses, de ces molles
ou hères attitudes, de ces ciels lumineux, de ces loin
tains poétiques ; et ce que l’artiste, avec son pinceau,
a été pour la nature, spn interprète inspiré, il va l’être,
lui, la plume à la main, pour l’artiste lui-même, car il
éprouve, devant les beautés du tableau, ce que l'artiste
a éprouvé devant les beautés de la nature, à savoir,
suivant le mot de Poussin, cette « délectation », qui
trahit le grand critique comme le grand peintre. Il a,
dans ces moments de contemplation, l’âme neuve, la
naïveté et la fraîcheur de sensibilité d’un enfant : « O
Dieu ! si tu vois que jamais la richesse corrompe le
cœur de Denis, n’épargne pas les chefs-d'œuvre qu’il
idolâtre— ; détruis-les et ramène-moi à ma première
pauvreté— Je t’abandonne tout, reprends tout; oui,
tout excepté le Vernet. Ah ! laisse-moi le Vernet ! ce
n'est pas l'artiste, c’est toi qui as fait ce tableau. Res
pecte l’ouvrage de l’amitié et le tien. Vois ce phare, vois
cette tour adjacente qui s'élève à droite ; vois ce vieil
arbre que les vents ont déchiré. Que cette masse est
�22 __
belle ! au-dessous de cette masse obscure, vois ces ro
chers couverts de verdure. C'est ainsi quêta main puis
sante les a formés. Vois cette terrasse inégale qui des
cend du pied des rochers vers la mer. Ton soleil l’aurait-il autrement éclairée ?
» Dieu! si tu anéantis cet ouvrage, on dira que tu es
un dieu jaloux. Prends en pitié les malheureux épars
sur cette rive. Ne te suffit-il pas de leur avoir montré le
fond des abîmes ?... Vois cette mère échappée des eaux
avec son époux ; ce n’est pas pour elle qu’elle a trem
blé, c'est pour son enfant. Vois comme elle le serre
sur son sein.... O Dieu! reconnais les eaux que tu as
créées. Reconnais-les, et lorsque ton souffle les agite et
lorsque ta main les apaise.... Permets à ces matelots
de remettre à flot leur navire échoué ; seconde leur tra
vail ; donne-leur des forces et laisse-moi mon tableau. »
Nous nous bornons à faire, pour le moment, sur ce
tableau écrit, qui est peut être, en son genre, aussi
beau que le tableau peint qui l'a inspiré, cette seule ré
flexion : c’est que, d'éveiller ainsi dans l’âme d'un grand
écrivain tel que Diderot, bien plus que des éloges, des
émotions qui savent être si éloquentes et qui sont si
communicatives, ne vous semble-t-il pas que ce soit
là. pour le peintre qui les a fait naître, une des plus
douces joies et une des plus hautes récompenses ?
Nous verrons bientôt Diderot à l’œuvre. Mais ne vous
paraît-il pas, dès maintenant, qu’il a bien, pour parler
des choses de l’art, les qualités requises ? Cependant,
si nous en croyons un des maîtres de la critique con
temporaine, personne ne serait moins fait que lui pour
écrire un Salon comme on doit l'écrire et toute sa criti
que artistique serait « un modèle d’erreur et le contre-
— 23 —
pied de la vraie critique d’art. » Notre étude n'aurait
aucune portée, si nous nous donnions l’air d’ignorer les
graves reproches que M. Brunetière, avec son ordinaire
autorité, a adressés à notre auteur. Avant donc de mettre
sous vos yeux l’œuvre même de Diderot, laquelle dé
montrera, croyons-nous, qu’il a bien été le critique d’art
que nous avons fait pressentir, il nous faut examiner
rapidement les critiques de M. Brunetière, — ce que
nous ferons, du reste, non en avocat qui défend quand
même un trop cber client, mais en simple biographe qui
dit tranquillement ce qui lui a paru vrai.
Et tout d'abord, nous dit-on, Diderot a parlé des arts
en littérateur. — C'est justement pour cela qu'il a créé
un genre nouveau, c’est pour cela qu’il a agrandi le do
maine littéraire d’une province nouvelle, qui est la cri
tique d'art. 11 a fait, pour les beaux-arts, ce qu’ont fait, à
la même époque, Montesquieu pour la jurisprudence et
Bulfon pour l’histoire naturelle ; car, tout comme Di
derot, BulTon et Montesquieu ont parlé en littérateurs,
l’un, des animaux et de la terre, l’autre, des sociétés et
de leurs lois. Et ainsi, ces deux derniers écrivains ont
été les intermédiaires entre les savants et les profanes
et comme les interprètes des premiers auprès des se
conds : c’est précisément le rôle qu’a joué Diderot entre
les artistes et le grand public. Les uns et les autres ont
conquis à la science, des curieux ; et à l’art, des admi
rateurs ; car, sans eux, ces curieux auraient ignoré les
conquêtes de la science et de la politique (les livres des
spécialistes restant pour eux lettre morte), et ces admi
rateurs auraient passé indifférents devant des œuvres
artistiques de valeur (la foule ayant besoin qu'on l’aide
à admirer même un beau tableau et une belle statue).
�— 24 —
Diderot n'aurait donc pas été un vrai critique d'art si,
s'adressant au grand public, au lieu de parler la langue
littéraire, c'est-à-dire, la langue de tous, il avait eu re
cours aux formes techniques et à je ne sais quel vocabu
laire artistique intelligible aux seuls initiés. Aussi bien
est-ce en littérateurs qu'ont parlé, mieux que lui peutêtre (mais ce n'est, pas la question), en tous cas après
lui et d'après lui, les artistes eux-mêmes qui ont écrit
sur les beaux-arts de façon à intéresser les profanes. Ici
c'est un grand peintre, Eugène Delacroix, qui, voulant
nous donner une idée de ce qu’était « la verve » de Ru
bens, en compare les effets à « des improvisations ora
toires », à un discours enlevé de Mirabeau. Là c’est un
peintre encore, c'est ce Fromentin lui-même, qu’on op
posa comme critique d'art à Diderot et qui nous donne
de Rubens la définition suivante : « C’est, un lyrique et
le plus lyrique de tous les peintres. Sa promptitude
imaginative, l'intensité de son style, son rhythme so
nore et expressif.... appelez tout cela du lyrisme et vous
ne serez pas loin de la vérité. Il y a, en littérature, un
mode héroïque entre tous qu'on est convenu d’appeler
l'ode. C’est, vous le savez, ce qu'il y a de plus agile et
de plus étincelant dans les formes variées de la langue
métrique. Jamais il n'y a ni trop d'ampleur ni trop d’é
lan dans le mouvement ascensionnel des strophes, ni
trop de lumière à leur sommet. Eh bien ! je vous citerais
telle peinture de Rubens conçue, conduite, scandée,
éclairée comme les plus fiers morceaux écrits dans la
forme pindarique. »
Si c’est ainsi qu’un peintre nous explique d’autres
peintres, doit-on reprocher à Diderot d’avoir parlé, lui
aussi, en littérateur, des peintres de son temps, et,
bien loin de les trahir, ne les a-t-il pas servis auprès
du public , en expliquant littérairement, c’est-à-dire
clairement, les mérites de leurs tableaux ?
Mais on dit plus : Diderot, en présence d'une œuvre
d’art, n’aurait pas seulement parlé, mais, ce qui serait,
cette fois, une complète aberration du sens esthétique,
il aurait senti en pur littérateur, confondant ainsi l’art
de peindre et l’art d’écrire. « Il n’a pas seulement jux
taposé, nous dit-on, les domaines des deux arts, il les
a superposés et il a trouvé que la coïncidence était par
faite. Non-seulement il n’y a rien, selon lui, dans le
champ de la peinture, qui ne puisse être transposé dans
le champ de la littérature et réciproquement, mais de
la valeur littéraire d’une toile il fait l’infaillible mesure
de sa valeur pittoresque. ... Et voici le dernier mot de
son esthétique : ôtez l’exécution et. ne regardez qu’à
l’intention ; ôtez la forme et, avec la forme, le fond, car
dans toute œuvre d’art digne de ce nom, ils se pénètrent
intimement l'un l'autre, et ne regardez qu’à la bonne
volonté ; ôtez l’art enfin et ne regardez qu’au sujet. »
— Si Diderot, en effet, s’était trompé à ce point, c’est
pour le coup qu’on aurait raison de conclure que « scs
Salons font peu d’honneur à sa judiciaire. » Mais écoutons-le parler lui-même : Il pense certainement (et a-t-il
tort de le penser ?) que « ce qui fait bien en peinture
fait toujours bien en poésie. » — Mais il ajoute aussitôt:
« Cela n'est pas réciproque. J’en reviens toujours au
Neptune de Virgile :
Summa placidum caput extulit unda.
Que le plus habile artiste, s’arrêtant strictement à
l'image du poète, nous montre (sortant de l'eau) cette
�—
26
—
tête si belle, si sublime de YEnéide et vous verrez l'effet
sur la toile. » (xix, 73). Cette idée lui est chère et il a
raison d v revenir et de reprendre l’exemple, si heureu
sement. choisi, du Neptune de Virgile, car, lorsque
Lessing voudra marquer précisément les limites qui
séparent la poésie de la peinture, il ne trouvera rien de
mieux que d'emprunter à Diderot cette idée féconde et
cet exemple ingénieux.
Un soir, à la campagne, Diderot se répète ces autres
vers de Virgile :
Yere novo gelidus canis cum rnontibus liuinor
Liquitur et Zephyro putris se gleba resolvit.
Et il ajoute : Je rêvai à la différence des charmes de la
peinture et de la poésie et à la difficulté de rendre d’une
langue dans une autre les endroits qu'on entend le
mieux » (xi, 108).
Diderot se rendait parfaitement compte que le peintre
a une autre matière, d’autres moyens d’expression, une
autre langue enfin que le poète : « L’amour menaçant, de
Carie Yanloo, est une seule figure debout, vue de face :
un enfant qui tient un arc tendu et armé de sa flèche, tou
jours dirigée vers celui qui le regarde et il n’y a aucun
point qui soit en sûreté. Le peuple fait grand cas de
cette idée du peintre : c’est une misère à mon sens. Au
reste, je ne sais, mon ami, si vous aurez remarqué que
les peintres n’ont pas la même liberté que les poètes
dans l'usage des flèches de l'amour. En poésie, ces flè
ches partent, atteignent et blessent ; cela ne se peut en
peinture. Dans un tableau, l’Amour peut menacer de sa
flèche, mais il ne la peut jamais lancer sans produire
un mauvais effet. Ici le physique répugne ; on oublie
l'allégorie et ce n’est plus un homme percé d’une mé
taphore, mais un homme percé d’un trait réel qu’on
aperçoit. » Et ailleurs : « Ils ne veulent pas (les pein
tres) que Vénus s'arrache les cheveux sur le corps
d’Adonis, ni moi non plus. Cependant le poète (Ovide)
a dit :
Jnornatos laniavit Diva capillos
Et repetita suis percussitpectora palmis.
D'où vient, cela, si ce n’est que les coups qu'on ima
gine (en poésie) blessent moins que ceux qu’on voit »
(en peinture) ?
Diderot avait-il maintenant la naïveté de croire qu'en
peinture « l’intention, la bonne volonté est tout ? » En
cent endroits de ses Salons, au contraire, il malmène
les peintres qui ont plus de bonne volonté que de talent,
qui avaient mis la main sur un beau sujet, mais que
l'exécution a trahis ; il leur conseille de se faire maçons
ou cordonniers et il renvoie cavalièrement leurs œuvres,
très bien intentionnées, mais très mal peintes, au pont
Notre-Dame. « Est-ce qu'on tente un sujet pareil quand
on est une pierre ? M. Briard, faites des souliers. » Et
ceci sur la Force de l'Union ou la Flèche rompue par
le plus jeune des enfants de Scilurus, par Hallé :
« Belle leçon du roi des Scythes expirant ! jamais plus
belle leçon ne fut. donnée ; jamais plus mauvais tableau
ne fut fait ;. . .. pauvre, mou de touche, papier bar
bouillé sous la presse de Gautier. »
Faut-il admettre enfin que Diderot « fait de la valeur
littéraire d’une toile l'infaillible mesure de sa valeur
pittoresque », parce qu'il ne demanderait « à un tableau
�— 28 —
que des émotions littéraires ?» Mais quand on se préoc
cupe, comme il le fait pour chaque tableau, du dessin,
de la couleur et de la manière du peintre, n’est-ce pas
vraiment des émotions artistiques qu'on éprouve et
qu'on cherche à faire éprouver au lecteur, et ne s'ef
force-t-on pas tout au moins de comprendre et de goûter
en artiste ce qu'on décrira après en littérateur ? Il suit
de là que le sujet n'est pas tout pour Diderot, mais
qu'au contraire il n'est rien sans l’exécution.
La vérité, et que nous ne songeons pas à dissimuler,
c’est que le sujet a une trop grande importance à ses
yeux ; mais aussi avait-il la môme importance ponr les
peintres de son temps. On a fait remarquer (L) les titres
baroques de certains tableaux du dix-huitième siècle :
« Le Clergé ou la Religion qui converse avec la Vérité »
..........« La Justice que l'Innocence désarme et à qui
la. Prudence applaudit. » Et on aurait pu ajouter que,
du peintre qui a conçu de pareils sujets et de Diderot
qui en parle, parfois pour les critiquer, le plus litté
rateur n’est pas Diderot. Et qu’on veuille bien réfléchir
que ce n’est pas seulement alors les plus mauvais pein
tres qui font dire à leur pinceau des choses bonnes tout
au plus à être chantées en mauvais vers, mais que les
plus grands ou les plus goûtés, un Greuze, un Joseph
Vernet, mettent dans leurs peintures des intentions
littéraires ou même des pensées morales. Pour Greuze,
il suffit, sans doute, de le nommer, et, par exemple, son
« mauvais fils puni » qui fit courir et pleurer tout Paris,
n'a besoin d’aucun commentaire, le titre seul étant, ce
que précisément le tableau prétendait être, sulïisam(1) Faguet, Dix-huitième siècle (Diderot).
— 29 —
ment éloquent. Mais Vernet lui-même, son originalité
n’est-elle pas d’avoir introduit le drame humain dans
le paysage et n'a-t-on pas dit justement de lui « qu’il
ne peint pas supérieurement, mais qu'il émeut, charme
et séduit. Il parle peu aux sens, mais il parle au cœur
et à l’esprit ; ........ses œuvres ont un caractère litté
raire. » (1) Et ainsi Diderot serait presqu’excusahle,
même s’il avait senti en littérateur une peinture qui
était à ce point littéraire. En effet, si vous le voyez
comparer un beau tableau à « un beau poème », c’est
que, indubitablement, l'artiste a voulu être poète, un
pinceau à la main ; et s'il dit de telle toile ou même de
telle statue, qu’elle « a du sens », c’est aussi le mot
juste qui doit venir sous sa plume, puisque le peintre,
La Grcnée, par exemple, a voulu nous montrer « L’a
mour dos arts consolant la Peinture des écrits ridicules
et envenimés de ses ennemis », ou que le sculpteur,
Falconet, a cru être spirituel en mettant un cœur entre
les mains de l'Amitié. Enfin de combien de tableaux, à
la fois poétiques et libertins du dix-huitième siècle,
l’auteur des Salons n’était-il pas fondé à dire que
c'étaient « de petites odes tout à fait anacréontiques ? »
Diderot comprend donc et loue les artistes de son épo
que comme la plupart d’entr'eux voulaient être compris
et loués et il est bien le critique que méritaient les La
Grenée, les Falconet et les Greuze.
Mais alors, critique d'art bon pour le dix-huitième
siècle, devra-t-il aller rejoindre dans un oubli mérité
tant d’artistes de son époque qu'il a étudiés et même
loués ? N’a-t-il plus rien à nous dire, à nous lecteurs
(1) Joseph Vernet, par L. Lagrange, Didier, 1804, p. 314.
�— 30 —
du dix-neuvième siècle, et est-ec vraiment, comme on
Faffirme, « le contre-pied de ses Salons », que devraient
prendre, pour bien faire, les critiques de notre temps ?
Oui, si la peinture contemporaine était elle-même le
contre-pied de la peinture du dix-huitième siècle, ou si
celle-ci était une exception dans l’histoire de l’art fran
çais. Mais il n'en est rien ; les Vieil, les La Grenéc et
les Greuze n'ont fait qu’exagérer les défauts (ou les
qualités, c’est ce que nous verrons), de notre peinture
nationale. Ce n’est pas, en effet, au siècle seul de Vol
taire, c’est à l’époqne classique, et c’est aussi à celles
du romantisme et du réalisme, c’est-à-dire, en tous
temps, que la peinture française a prétendu dire quelque
chose, ou, mieux encore, dire, dans sa langue, la même
chose que disait, dans la sienne, la littérature du
moment. C’est, par exemple, au siècle de Descartes,
un Poussin, qui peint en philosophe, tant il a mis « de
profondeur d’esprit » dans ses tableaux d’histoire. C’est,
encore, à la même époque, ce maître paysagiste, Claude
Lorrain, si sensé et si poète à la fois, qu’on a pu com
parer ses toiles classiques à Estlicr et à Bérénice. (1)
Et ne suffit-il pas ici de rappeler que le nom d’Eugène
Delacroix est associé au nom de Victor Hugo et au
mouvement romantique, tout comme les peintures réa
listes de Courbet annoncent les romans naturalistes de
Zola ? Que prouvent tous ces rapprochements ? D’abord
que, chez nous, littérature et beaux-arts marchant du
même pas et obéissant à une inspiration commune, il
est plus facile à un littérateur, comme Diderot, de com
prendre des tableaux où il retrouve l’idéal qu'il poursuit
I
*
(I) Fromentin, Les grands maîtres d'autrefois, p. 272.
—
81
—
lui-même dans ses œuvres littéraires. IS'est-ilpas cer
tain, par exemple, que les toiles de Greuze sont de vrais
romans à la Diderot ? Mais il y a plus : tous ces grands
noms de peintres, que nous avons cités, prouvent encore
que de tout temps, « l’élément dramatique ou romanes
que, historique ou sentimental, a contribué chez nous
presqu’autant que le talent des peintres au succès de
leurs ouvrages. » (1) C’est que, pour aller au fond des
choses, nos grands peintres sont tous des penseurs.
C’est que « la pêinture française est aussi peu technique
que possible ; elle parle la langue, non d’un art spécial,
mais la langue commune des idées. » (2) Et il serait
facile de montrer que notre sculpture a toujours eu les
mêmes visées et la même ambition. Pour elle la beauté
matérielle est moins un but qu’un moyen pour exprimer
des pensées. Nos artistes valent-ils mieux pour cela ou
sont-ils moins grands que les artistes étrangers, que
les Hollandais, par exemple, qui ont moins d'imagina
tion, mais plus de facultés picturales que nous ? Délicate
question et qu’il nous appartient moins qu'à tout autre
de vouloir résoudre. Seulement, puisqu’on oppose les
peintres hollandais à nos peintres psychologues et à
leur digne critique, Diderot, nous allons vous faire
vous-mêmes juges du débat qu'on établit entre les deux
écoles. On affirme que la vraie peinture se passe de
sujet et l’on donne, pour garant de cette assertion,
l’auteur des Maîtres d'autrefois : « Dans la peinture
proprement pittoresque et anecdotique des Hollandais,
on n'aperçoit, dit Fromentin, pas la moindre anecdote.
(1) Fromentin, ibid., p. 203.
(2) L;i peinture française et son histoire, par II. Delaborde
(R. des beu x M ondes’1854, p. 1114).
�Aucun sujet bien déterminé, pas une action qui exige
une composition réfléchie, expressive, particulièrement
significative, nulle invention, aucune scène qui tranche
sur runiformité de cette existence des champs et de la
ville, plate, vulgaire, dénuée de passion, on pourrait
dire, de sentiments. »
A quoi nous répondrons que, quel que soit l’incon
testable mérite des Wouverman, des Berghem et des
Ostade, on peut pourtant imaginer une autre façon, ne
craignons pas de dire, une façon plus noble et plus
haute, de comprendre la peinture. Car enfin, boire,
fumer et danser, traire des vaches et les mener paître,
sans songer à rien, tout cela peut avoir du charme,
même en peinture, mais il doit être permis à un peintre
de mettre un peu plus de sentiment et un peu plus
d’idée que cela dans ses tableaux. Nous nous en rap
portons à Fromentin lui-même qu’à notre tour nous
demandons à citer. Il dit, à propos de cette même école
hollandaise : « On est toujours tenté de questionner ces
peintres insouciants et flegmatiques et de leur dire :
Il n'y a donc rien de nouveau ? rien dans vos étables,
rien dans vos fermes et vos maisons ? Il a fait grand
vent, le vent n’a donc rien détruit ?........ Les enfants
naissent, il n’y a donc pas de fêtes ? ils meurent, il n’y
a donc pas de deuil ? Vous vous mariez, il n’y a donc
pas de joies décentes ? On ne pleure donc jamais chez
vous ? Vous avez été amoureux, comment le sait-on ?
Vous avez pâti, vous avez compati aux misères des
autres ; vous avez eu sous les yeux toutes les plaies de
la guerre, toutes les peines, toutes calamités de la vie
humaine : où découvre-t-on que vous avez eu un jour
do tendresse, de chagrin, de vraie pitié ? Votre temps a
vu des querelles, des passions, des duels : de tout cela
que nous montrez-vous?» (Les Maîtres d'autrefois,
p. 200).
Il est donc permis, tout en admirant l'habileté de
mains des Hollandais, de leur préférer des artistes qui
ont quelque chose, soit d'intéressant, soit de délicat à
nous dire et qui, suivant le mot de notre vieux Chardin,
ne peignent pas seulement avec leurs yeux, mais avec
leur âme. Or, si c'est, ainsi que peignent généralement
les artistes français, Diderot est alors un critique d'art
bien français ; que ce soit là son grand tort, c'est bien
possible ; mais, pour nous le persuader, il faudrait d'a
bord avoir démontré que nos peintres se trompent tout
les premiers quand ils croient que la peinture est l’art
de parler à l'âme par l’entremise des yeux.
Si nous consultons là dessus les inaitres les plus jus
tement écoutés de l'école contemporaine, ce n'est ni la
pensée, ni même le sujet qu'on parait vouloir proscrire
de la peinture. Parlant des concours annuels pour le
prix de Home, l’éminent professeur au Collège de France,
M. Guillaume, disait : « Sur un nombre considérable de
prétendants, il y a en toujours plusieurs qui annoncent
toutes les qualités qui font le peintre d'histoire ; les
meilleurs dons du génie français, ceux dont relèvent l'or
donnance et Vexpression morale des sujets restent le
partage d’une certaine élite...» Et voici sur la peint lire
de genre : « les sujets ne sont, pas toujours choisis avec
goût en 1879) et il y a souvent dans l’action quelque
chose de double. » Quant au paysage il est, dit-on,
vraiment sincère, cependant nos pavsagistes n'échap
pent pas à la critique : trop souvent les motifs qu’ils
traitent sont d une insignifiance absolue. Or c'est dans
3
�— 34 —
le paysage et la nature morte que l'abus de la pratique
est particulièrement sensible. Là en effet l’importance
de ce que l’on nomme l'idée étant, bien à tort, considé
rée comme secondaire, l'artiste peut se croire autorisé
a faire avant tout preuve de dextérité. Mais c'est tou
jours le même péril : la matière se substitue à l'es
prit. » (i
Si nous avons pu. en des choses aussi importantes que
la façon d’expliquer un peintre et de comprendre le but
même de l'art, invoquer, en faveur de Diderot, l'exemple
et les paroles même de deux critiques d’art tels que
Fromentin et M. Guillaume, cela ne montre-t-il pas
que. par leurs tendances et. leurs idées générales, les
Salons de Diderot ne sont pas si contraires qu’on l’a dit
à la vérité artistique?
Venons maintenant aux détails et aux preuves : sans
nul doute Diderot s'est trompé sur la valeur de certai
nes toiles et même de certains artistes (mais où est le
critique infaillible)? En revanche la postérité a ratifié
beaucoup de ses jugements et parfois même l’histoire
de l'art désespère de parler de certains peintres mieux
([ue n'a fait l'auteur des Salons. « Diderot, dit par
exemple M. Paul Mantz. adorait les Desser/s de Clau
dia. et il en a si bien parlé qu’on ne saurait rien dire
après lui. » 2
Si I on prend la peine de contrôler les Salons par
1Histoire des Peintres de Charles Blanc, on constate
que sur une foule de tableaux et de peintres Diderot a
dit et bien dit ce qu'il v avait à en dire. Nous nous con(I i Eu?. Guillaume : Etudes sur l'art antique et moderne.
(2) Go j . des Beaux-Arts, 2" période, IV , 17.
Ii'nlier. 1888, p. ■??(), 3*28.
tenterons ici de relever certaines appréciations généra
les dont on peut saisir toute la portée, sans même avoir
sous les yeux les toiles qui les ont inspirées, et sans
avoir besoin aussi de confronter Diderot avec ceux qui
ont parlé, après lui, des mêmes choses que lui. Nous di
sions. au début de celle étude et quand nous cherchions
à établir par avance les titres de Diderot à faire de la
critique d’art, que des deux sources d’inspiration où
puisaient les artistes de son temps, la nature et l'an
tiquité^ il avait mieux que personne au dix-liuitième
siècle (avant Rousseau) observé la nature et qu’il con
naissait l’antiquité mieux qu’aucun peintre de son temps :
et la présomption tout au moins était qu’il pourrait
parler avec quelque compétence des scènes de la nature
et de l’histoire qui alors faisaient l’objet de la plupart
des tableaux. Il nous reste à montrer que, dans la pra
tique, il a souvent pensé juste.
Voyons la nature et, d’abord, le paysage : il dit, à
propos de Boucher : « Je vous défie de trouver, dans
toute une campagne, un seul brin d’herbe de ses pay
sages... Et puis il est d’un gris de couleur et d une
uniformité de ton qui vous ferait prendre sa toile, à
doux pieds de distance, pour une couche de persil cou
pée en carré. C’est un faux bon peintre. 11 n’a pas la
pensée de l’art, il n’en a que les concetti. » Si Diderot
a le tort (il est de son temps) de trop admirer le paysage
dramatique à la Vcrnct, il a aussi le mérite, qu'on ne sau
rait trop louer chez un naturaliste tel que lui. de compren
dre que le paysage ne doit pas être une imitation exacte
et servile de la nature. Déjà en 1748 (Bijoux indiscrets),
i! avait dit : « La nature nous offre à chaque instant des
faces différentes. Toutes sont vraies, mais toutes ne
�— 3G —
sont pas belles. » Or, le beau seul étant l'objet de l'art,
« il y a une autre règle que l'imitation de la nature. »
11 dira plus tard, sur le même sujet, ce mot profond :
u II faut que l’artiste ait dans l'imagination quelque
chose d'ultérieur à la nature. » En songeant à l'A////noiis et à la Vénus de Médicis il se dit qu'on « n'a
jamais rencontré dans la nature des figures aussi belles
et aussi parfaites, » et, en présence d'un très beau site,
il le corrige en idée ou le complète et c'est ce qu'il ap
pelle « substituer l'art à la nature. »
Voici ensuite sur la nature animée. Un exemple suflira pour montrer combien Diderot a le sens des attitu
des vraies et des gestes naturels. A propos d'un tableau
de Vieil (Psyché qui vient avec sa lampe surprendre
et voir l’Amour endormi), il dit : « Les deux figures
sont de chair, mais elles n'ont pas la grâce et la délica
tesse qu’exigeait le sujet... Psyché n’est point cette
femme qui vient en tremblant sur la pointe du pied...
Ce n’est pas assez de me montrer dans Psyché la cu
riosité de voir l’Amour, il faut que j'y aperçoive encore
la crainte de l’éveiller. Elle devrait avoir la bouche entr'ouverte et craindre de respirer... Oh ! que nos pein
tres connaissent peu la nature ! La tète de Psyché
devrait être penchée vers l'Amour,le reste de son corps
penché en arrière, comme il est lorsqu'on s’avance vers
un lieu où l'on craint d'entrer et dont on est prêt à s’en
fuir. un pied posé et l’autre effleurant la terre. Et cette
lampe, en doit-elle laisser tomber la lumière sur les
veux do l'Amour ? Ne doit-elle pas la tenir écartée et
interposer sa main, pour en amortir la clarté? Ces
gens-là ne savent pas que les paupières ont une certaine
transparence ; ils n’ont jamais vu une mère qui vient,
— 37 —
la nuit, voir son enfant au berceau, une lampe à la main,
et qui craint de l’éveiller. »
Après la Nature, voici VAntiquité : nous n'entendons
pas par là l’art antique, trop mal connu alors, mais
l’histoire de la littérature et de la mythologie ancien
nes, toutes choses qu’il était utile à un critique d’art de
bien connaître, puisqu'on ce temps les peintres, suivant
le mot même de Diderot, se jetaient dans la mythologie
païenne. Prenons ce tableau mythologique de La Grenée, Bellonc présentant à Mars les rênes de ses che
vaux : « Où donc, s’écrie Diderot, est le caractère du
dieu des batailles?... Comment reconnaître, dans ce
morceau, le dieu dont le cri est comme celui de dix mille
hommes ? Comparez ce tableau avec celui du poète qui
dit : « Sa tète sortait d’entre les nuées, ses yeux étaient
ardents, sa bouche entr'ouverte, ses chevaux soufflaient
le feu de leur narine et le feu de sa lance perçait la
nue... » Et cette Bellone, est-ce là la déesse horrible
qui ne respire que le sang et le carnage, dont les dieux
retiennent les bras retournés sur son dos et chargés de
chaînes qu’elle secoue sans cesse et qui ne tombent, que
quand il plaît au ciel irrité de châtier la terre ?» —
Et enfin ceci, plus expressif encore et, comme tantôt,
parfaitement justifié, puisque le peintre rappelle, pour
son malheur, le poète dont il s'est si mal inspiré et dont
Diderot, qui sait son Homère par cœur, va se servir
pour le juger : « Quoi ! c'est là cette tète majestueuse,
cette lière Junon ? Vous vous moquez, M. de La Grenée, je la connais, je l'ai vue cent fois chez le vieux
poète. La vôtre, c'est une Hébé, c'est une Vestale, c’est
Iphigénie, c'est tout ce qu'il vous plaira.... Et ce Ju-
�pitor-là, c'est celui qui ébranle l’Olvmpe du mouvement
de ses noirs soureis ?
Est-ce que Morpliée ne pouvait être mieux désigné
que par ses ailes de nuit ? Et le lieu de la scène, où
en est le merveilleux et le sauvage ? Où sont ces Heurs
qui sortirent subitement du sein de la terre pour for
mer un lit à la déesse, un lit voluptueux au milieu des
frimas, de la glace et des torrents ? Où est ce nuage
d'où tombaient des gouttes argentées, qui descendit
sur eux et les enveloppa ? Vous allez me faire relire
l’endroit d'Homère et. vous n’y gagnerez pas. « Le
dieu qui rassemble les nuages dit à son épouse : « ras
surez-vous. un nuage d'or va vous envelopper et le
rayon le plus perçant de l’astre du jour ne vous attein
dra pas. » A l'instant, il jeta ses bras sacrés autour
d’elle. La terre s’entr'ouvrit et se bâta de produire des
fleurs... Le père des dieux et des hommes, enchaîné par
l'Amour et vaincu par le Sommeil, s’endormit ainsi sur
la cime escarpée de l'Ida ; et Morpliée s’en allait à tire
d’aile vers les vaisseaux des Grecs, annoncer à Nep
tune, qui ceint la terre, que Jupiter sommeillait. »
Parlerons-nous maintenant des dissertations de Dide
rot sur la moralité ou l’immoralité de certaines toiles?
Sans nul doute, il se trompe, quand il enseigne que l’art,
doit prêcher la vertu. Mais a-t-il tort aussi quand il re
proche si vivement à Boucher de corrompre les mœurs
et ne devons-nous pas le féliciter hautement, lui l’auteur
des Bijoux indiscrets, d’avoir eu assez le souci de la
dignité de l’art pour s’indigner à mainte reprise, et de
toute son âme. contre les «petites infamies »^d'un Bau
douin, par exemple, contre « ces tableaux bons pour de
petits abbés, de petites maîtresses, de gros financiers
— 39 —
et autres personnages sans mœurs et d’un petit goût...
Artistes, si vous êtes jaloux de la durée de vos ouvra
ges, je vous conseille de vous en tenir aux sujets hon
nêtes. » Et ainsi d’être lettré, ou même moraliste, en
mainte circonstance, cela l’a très heureusement inspiré,
bien loin de lui cacher les mérites, même pittoresques,
d’un beau tableau.
Et enfin, d’être philosophe, quand on sait toutefois
reléguer la métaphysique à l’arrière-plan on la laisser
planer bien au-dessus des réflexions artistiques, cela
peut donner, pour parler le langage des peintres, plus
d’air et de lointain à la critique d'art ; et si l'on voit les
maîtres contemporains ne pas craindre de développer,
dans un compte rendu de Salons, mainte thèse fort abs
traite sur l'idéal ou même approfondir l’Esthétique de
Hégel (1), nous n'en voudrons pas non plus à Diderot
de rechercher à son tour (sans être plus heureux que
ses devanciers, ni peut-être que ses successeurs), ce
(pie c’est <pie le beau. et d’avoir abordé maint autre
problème ardu d’esthétique.
C’est l’esthéticien, en tous cas, qui, à l'époque où tant
de sculpteurs, confondant deux arts différents?, s’escri
maient à peindre, avec leur ciseau, a tracé d'une main
ferme, et en un fragment inoubliable, les frontières qui
séparent la sculpture de la peinture : « La peinture ne
s'adresse qu’aux yeux. En revanche la sculpture a cer
tainement moins d’objets et moins de sujets que la
peinture. On peint tout ce qu’on veut. La sévère, grave
et chaste sculpture choisit . Elle joue quelquefois autour
d'une urne ou d’un vase ; même dans les compositions
�les plus grandes et les plus pathétiques on voit, en
bas-relief, des enfants qui folâtrent sur un bassin qui
va recevoir du sans: humain ; mais c’est encore avec une
sorte de dignité que la sculpture joue. Elle est sérieuse,
même quand elle badine. Elle exagère, sans doute ;
peut-être même l'exagération lui convient-elle mieux
qu’à la peinture. Le peintre et le sculpteur sont deux
poètes ; mais celui-ci ne charge jamais. La sculpture
ne souffre ni le bouffon, ni le burlesque, ni le plaisant,
rarement même le comique. Le marbre ne rit pas. Elle
s'enivre pourtant avec les faunes et les sylvains ; elle a
très bonne grâce à aider les satyres à remettre le vieux
Silène sur sa monture, ou à soutenir les pas chancelants
de son disciple. Elle est voluptueuse, mais jamais ordurière. Elle garde encore dans la votupté je ue sais
quoi de recherché, de rare, d’exquis, qui m'annonce
que son travail est long, pénible, difficile ; et. que, s'il
est permis de prendre le pinceau pour attacher à la
tuile une idée frivole qu'on peut créer en un instant et
effacer d’un souffle, il n’en est pas ainsi du ciseau qui,
déposant la pensée de l’artiste sur une matière dure,
rebelle et d’une éternelle durée, doit avoir fait un choix
réfléchi, original et peu commun. Le crayon est plus
libertin que le pinceau, et le pinceau plus libertin que
le ciseau. La sculpture est une muse violente, mais si
lencieuse et cachée. »
I ont cela est fort beau, dira-t-on, mais la plus belle
esthétique du monde n’apprend pas la peinture et il est
certain qu’à tous ceux qui veulent, comme M. Brunetière, que les peintres seuls soient admis à parler des
peintres, Diderot ne peut pas répondre : anch’ io son
piltore. Mais nous pouvons répondre pour lui que si,
— Ai —
pour apprécier des tableaux, il fallait en avoir fait soinième, il faudrait peut-être, suivant le meme principe,
avoir fait des romans et des drames pour oser critiquer
les dramaturges ou les romanciers et, tout de même,
être théologien et philosophe pour avoir le droit d'é
crire sur Port-Royal (comme Sainte-Beuve) ou sur
Schopenhauer (comme M. Brunetière). Admettons, si
l’on veut, que le roman et le drame, (pie la philosophie
et même la théologie, que tout cela soit, puisqu'on l'écrit
et l'imprime, de la littérature et puisse être regardé, à
ce titre, comme gibier de critique littéraire. Mais il n’en
est peut-être pas de même de la guerre ou de la diplo
matie et dès lors, à un historien qui, de son cabinet de
travail, prétend nous raconter des batailles et des négo
ciations diplomatiques, ne faudra-t-il pas lui demander
tout au moins d’avoir été quelque chose comme chef
d'escadron ou attaché d’ambassade ? En réalité, l’histo
rien fait ce qu’a fait Diderot : il voit des gens du métier,
se fait expliquer le détail des choses et, comme il a ré
servé sa libre critique, il sait ensuite exprimer, sur tel
grand homme de guerre ou tel diplomate célèbre, une
opinion qui peut être tout aussi motivée et qui a bien
des chances pour être plus impartiale et plus haute que
tout ce que disent d'ordinaire les uns des autres les
gens du métier. Car, s'il s’agit d'écrire un Salon, quel
sera le peintre, je ne dis pas seulement assez exempt de
jalousie et de parti-pris, mais assez détaché de ses
théories, assez impersonnel (alors que rien n’est plus
personnel que la peinture), pour porter, dans ses juge
ment sur des toiles qui lui auront disputé le prix, ce
désintéressement, cette largeur de vues, cette hospita
lité du goût enfin, dont est capable celui qui, en jugeant
�— 42 —
les autres, ne risque jamais de se juger lui-même ? On
dit que Ingres éprouvait, à l’égard de Delacroix, le
même genre de répulsion que certaines femmes ressen
tent à la vue d'une araignée. Or il n’y a pas d’artiste
qui n'ait son Delacroix et qui. inversement, n’aime chez
les autres, surtout s'ils sont morts, ce qu'il croit bien
faire lui-même. Qu’on lise, par exemple, le récit d’une
de ces conférences de l’Académie royale de peinture et
de sculpture, au dix-septième siècle, dont M. Brunctière
nous dit que « c'est de la critique d'art faite par des
artistes cent ans avant que Diderot sc soit emparé du
genre pour le corrompre. »
« A la quatrième conférence la guerre éclata. Mi
gnard. parlant de la Sainte-Famille. de Raphaël, y
avait loué particulièrement le maître d'avoir terminé les
ligures de ses contours sur les parties qui leur servent
de fond, sans s'être servi de reflets très sensibles. Quel
qu'un de la compagnie prit feu là-dessus et déclara que,
« bien loin de condamner les reflets dans un ouvrage,
ils y devaient être exactement observés ; que Titien
avait toujours ainsi fait et (pie cette omission des re
flets, dans un tableau de Raphaël, était un manquement
qu’on ne saurait excuser__ » ; aux séances suivantes la
discussion s’envenima. I n peintre, Blanchard le neveu,
prit le parti de la couleur contre le dessin..., et Le Brun,
au contraire..., la cause du dessin contre la couleur.
Les choses allèrent assez loin pour qu'il devînt prudent
d'interrompre les conférences. » (Revue des Deux
Mondes, Lcr juillet 1883).
Qu’on nous vante, après cela, les jugements instruc
tifs de Messieurs les peintres sur leur art et sur leurs
confrères !
La vérité est que, quand on est un vrai peintre, on
est, par tempérament, le contraire d'un vrai critique ;
et ce n'est pas seulement parce qu’ici, comme ailleurs,
celui qui a assez d’inspiration et de fougue pour créer
n’a pas assez de sang-froid pour juger, mais c’est aussi
parce qu’un vrai et grand peintre a sa manière à lui de
sentir et de voir et. que, ce qu'il sent, il le sent si vive
ment, ce qu'il voit, il le‘voit si exclusivement, que les
sensations et les visions différentes de la sienne ne lui
sont pas seulement étrangères, elles lui sont antipathi
ques, car elles semblent contredire ou railler ce qu'il
s'attache à exprimer lui-même. N’a-t-on pas accusé Di
derot de s’être trop souvenu çà et là de telle remarque
ironique ou méchante échappée à quelqu’un de ses amis,
à Cochin ou à Faleonet, et d’avoir parfois « pris la
sévérité de ses opinions dans une rivalité de confrè
res ? » (1) Que serait-ce donc si, au lieu d’être seulement
l'ami de ces charitables confrères, il avait été lui-même
de la confrérie et se figure-t-on, par exemple, avec
quelle bienveillante impartialité nous aurait parlé des
dessinateurs et des peintres le « malicieux » Cochin, ou
encore qu'e^p aménité aurait mise, dans ses jugements
sur les sculpteurs, cet intraitable Faleonet que Diderot
appelait le Jean-Jacques de la sculpture? Précisément,
dans son Salon de 1775, Diderot a fait parler un peintre,
retour de Rome, et dont l'Académie a refusé les ta
bleaux. Il nous le présente « jetant partout un coup
d'œil rapide et sévère et très résolu de ne rien approu
ver. » Ce qu'il cherche au Salon, ce n'est pas des con
frères à apprécier, mais des « victimes » à exécuter. Di>1) De Goncourt : L'Art au 1S6 siècle, 1” série, 238.
�45
derot, par cet exemple, nous a appris, sans y songer,
à estimer à leur prix les critiques d'art qui ne sont pas
des artistes.
O11 nous objectera qu’il y a eu au monde un Fromen
tin : en effet, depuis je ne sais combien de mille ans
qu'il y a. d'un côté, des hommes qui écrivent, et, de
l'autre, des hommes qui peignent, un homme s’est ren
contré qui a été à la fois grand peintre et grand criti
que, et un noble et délicat esprit par dessus le marché.
Mais n'est-ce pas le cas de dire ici que cette exception,
parce qu'elle est à peu près unique et miraculeuse, 11e
fait <jue confirmer la règle, et en attendant qu'un nou
veau Fromentin se lève dans l'art et la littérature pour
peindre la Chasse au Faucon de la même main qui
écrivit Dominique et les Maîtres d'autrefois, qui donc
nous dira, car c’est là l'office du critique d'art, ce qu'il
faut penser de nos peintres et de leurs tableaux ? Ré
pliquera-t-on peut-être qu'on 11e demande pas au criti
que d'art, tel qu’on le conçoit, d'avoir peint la Madone
sixtine, et qu’il lui suffit d’avoir tenu un pinceau et
brossé quelques toiles vaille que vaille ? On s’empare,
en effet, d’un regret exprimé par Diderot cfcon lui fait
un crime de n'avoir pas eu, comme il le dit, « le pouce
passé quelque temps dans la palette. » Nous accorde
rons, si l'on veut, que, s'il avait connu, pour l’avoir
pratiquée, la technique de la peinture, il eût parfois jugé
et parlé un peu autrement ; mais nous ne pensons pas
que la physionomie générale de ses Salons eût été trans
formée par cela seul que, à force de barbouiller des
toiles, il aurait réussi à ébaucher quelques croûtes —
dont il se serait probablement vengé sur des con
frères plus heureux. C’est qu'en effet l’éducation de
l’œil est autrement nécessaire que celle de la main à un
critique d'art, et même la première seule lui est vrai
ment indispensable. Or si Diderot 11’a pas l’art de pein
dre, il a l'art de voir, sur lequel s'appuie l’art de peindre
et nous avons montré comment il avait exercé et éduqué
la sagacité naturelle de son œil.
Aussi, voyez comme il saisit et relève les défauts ou
les mérites d’une toile ! comme il est sensible à ce que
Delacroix appelle la poésie de la forme et de la couleur !
Et ce qu’il aoit et sent et même ce qu'il rêve devant
une toile, il sait le dire mieux que personne avant lui,
artiste ou non, ne l'avait su dire.
Et d’abord il nous fait voir un tableau ; ce qui parait
assez facile, mais ce qui est, en réalité, aussi difficile à
un critique d’art qu'il l'est à un critique dramatique de
nous faire assister à une pièce de théâtre. C'est qu'il
saisit admirablement, d'un coup-d'œil prompt et sur,
l’ensemble d’une toile, sent tout de suite, avec ce don
merveilleux du groupement dont il a même abusé, si
chaque chose est bien à sa place et chaque personnage
bien à son rang ; puis, venant aux détails, il nous fait
admirer tel air de tète, naïf ou gracieux, qu’il nous
peint à son tour avec cette plume ou ce pinceau qu'il
avait « trempé dans les couleurs de l’arc-en-ciel » ; il
loue cette attitude naturelle ou ce geste expressif et il
nous le dessine lui-même d’un trait ferme et pittores
que ; poussé par cette chaude sympathie, qui est le fond
de son être, il s'intéresse à ces personnages peints qui
sont pour lui des vivants, que dis-je ? des amis, car il
les a vus et aimés dans le monde alors qu'ils étaient
revêtus de chair, il les reconnaît tout de suite, tant ils
sont vrais ; et, peu à peu. entr'ouvrant leurs lèvres, il
�— 46 —
cause avec eux, naïvement, sérieusement; toujours cu
rieux et indiscret, il nous traduit leur regard et leur
sourire, il nous raconte même, tout ému, leurs aven
tures et le secret de leur âme. Le voici devant le tableau
de Greuze, La jeune fille qui pleure son oiseau mort :
« La pauvre petite est de face ; sa tète est appuyée sur
sa main gauche, l'oiseau mort est posé sur le bord su
périeur de la cage, la tète pendante, les ailes traînantes,
les pattes en l’air........La pauvre petite ! ali ! qu’elle
est affligée ! comme elle est naturellement placée ! que
sa tète est belle ! .. . . oh ! la belle main ! voyez la vérité
des détails de ces doigts, et ces fossettes, et cette no
blesse, et cette teinte de rougeur dont la pression de
la tète a coloré le bout de ces doigts délicats !. ... Mais,
petite, votre douleur est bien profonde, bien réfléchie!
(pie signilie cet air rêveur et mélancolique ? quoi ! pour
un oiseau ! çà, petite, ouvrez-moi votre cœur ! est-ce
bien la mort de cet oiseau qui vous retire si fortement
et si tristement en vous-mèine ? vous baissez les veux,
vous ne me répondez pas . eh bien ! je le conçois,
il vous aimait.. . . »
Et. encore une fois, (pie Diderot ait eu tort d'admirer
si vivement ce tableau et d autres semblables, ou même
pires, je n’y contredis pas, mais outre qu'ici il avait
tout son siècle pour complice de son admiration, ce qui
l'excuse bien un peu. — quand il se serait trompé plus
souvent ou même plus lourdement dans ses critiques,
cela n’empêcherait pas celles-ci d’être, dans leur ensem
ble, par la finesse des aperçus, par la sincérité et la
fraîcheur des impressions artistiques, et surtout par cet
heureux essai d’une langue si littéraire et si picturale
à la fois, une incontestable et une glorieuse nouveauté
dans la littérature française.
Et maintenant si l'on nous reprochait d'avoir trop
insisté sur les mérites des Salons, nous pourrions ré
pondre que, puisqu’on n’en veut voir que les lacunes
et les défauts, il nous appartenait peut-être d'en mon
trer surtout les beautés et d’en faire valoir l’originalité.
Nous pourrions dire encore que nous avons aimé, en
parlant de Diderot, à nous souvenir qu’il prêchait et
pratiquait l’indulgence dans la critique, qu’il se plaisait
à répéter ce mot de Chardin : « De la douceur, Mes
sieurs, de la douceur ! » que « louer était le penchant
de son cœur », et qu’entin les critiques qui ont pour
enseigne à leur boutique un houx par trop piquant, il
les exhortait à ne pas tant se plaire à condamner et à
exécuter les gens, de peur qu’on ne les prit pour « les
lieutenants criminels de l'univers. »
Mais nous dirons simplement, parce que cela tranche
tout, que, lorsqu'on a allaire, en littérature, à un créa
teur, on ne lui demande pas d'avoir d'emblée porté à
sa perfection le genre qu'il a créé : Diderot donc, si
l’on veut, n’est pas un critique d’art parfait, mais il est
notre premier critique d’art.
�CONSEIL ACADEMIQUE
RAPPORT DE M. LAURIN
DOYEN DE LA FACULTÉ DE DROIT
M onsieur
le
R ecteur .
M essieurs ,
J'ai, par suite de la mort de M. le doyen Jourdan, le
douloureux devoir de vous présenter le compte-rendu
de la situation scolaire de la Faculté de Droit et je crois
répondre à la pensée de tous en même temps que je sa
tisfais, pour ce qui me concerne, un véritable besoin
du cœur en donnant un dernier souvenir à l'homme émi
nent et bon dont la perte, je l'ai déjà dit, est un deuil
pour chacun de nous. M. Jourdan nous était double
ment cher : par la hauteur et la distinction suprêmes de
son esprit, par son renom scientifique, par l’universelle
considération qui s'attachait à sa personne, il était
l’honneur même de notre école, et nul doute qu elle ne
lui doive beaucoup de sa situation présente. Mais en
même temps M. Jourdan était le meilleur et le plus
aflectucux des collègues, sa cordialité et sa bienveil
lance étaient extrêmes, et il n’est pas un de nous qu’il
n ait a tout le moins conseillé et dirigé ; en un mot il
s'est toujours et en toutes circonstances, montré l'hom
me delà Faculté. Que sa mémoire en soit publiquement
remerciée ! Maintenant que va devenir notre Ecole sans
son vieil et expérimenté pilote ? Que Dieu l’assiste dans
ses mortuaires destinées, et puisse l'avenir ne pas trop
faire regretter le présent, si honorable encore, dont il
me reste à vous parler !
Nous avons eu cette année 901 inscriptions, 61 de
moins que l’année dernière ; ce recul est regrettable,
mais il n'est pas alarmant, d’autant plus que le précé
dent exercice avait été marqué par une notable augmen
tation sur le passé, 962 contre 861 ; ce sont là des fluc
tuations normales d'une année à l'autre. Du reste le
déficit s’est, surtout produit pour les inscriptions de
doctorat, 41 contre 89 en 1889-90. Qu’est-ce à dire? si
ce n’est que la Faculté par la juste sévérité qu’elle a
montrée dans les examens de cet ordre, a résolument
arrêté les non-valeurs et découragé les vocations inté
ressées ; ce qui constitue, au double point de vue sco
laire et patriotique, un réel profit.
Les examens se sont montés exactement au chiffre
de l'année dernière, 626 ; la proportion des admis n'a
guère changé non plus, 522 contre 510, soit 83 pour
cent. Ce chiffre étonne au premier abord, et on peut
sans injustice le trouver exagéré ; tout en convenant
qu’il v a là pour la Faculté un avertissement, une invi
tation à se surveiller elle-même, à ne pas se laisser aller
à un excès d'indulgence, et chez quelques-uns, à un scep
ticisme qui est la conséquence fatale du métier, je ferai
remarquer néanmoins que les examens de fin d'année
sont généralement bons, et que la moyenne des admis
sions s'en trouve notablement relevée. Les examens de
�— 50 —
doctorat et la proportion des admissions appellent en
core une observation particulière ; on pourrait y voir en
effet une objection à ce que je viens de formuler précé
demment. touchant la sévérité déployée par la Faculté.
Ces examens ont été au nombre de 32, comme précé
demment, et le chiffre des admis a été de 24, contre 21
en 1889-90. La moyenne n'a donc pas baissé, au con
traire; mais cela ne contredit nullement la remarque
présentée ci-dessus touchant la diminution du chiffre
des inscriptions et là cause assignée à cette diminu
tion ; cela ne prouve qu'une chose, c’est qu’un certain
nombre d’aspirants, frappés d'une terreur salutaire, ont
spontanément déserté la lutte, et abandonné le champ
de bataille avant d’avoir combattu ; ce sont des traî
nards de moins, et l'armée universitaire n’en sera que
plus forte, en étant plus concentrée.
Les études juridiques ont suivi leur cours régulier,
cette année comme les années précédentes. Le nouveau
programme continue à s’appliquer, sans soulever de
difficultés sérieuses. Nous voici arrivés à la 3U,° année
et aux cours à option. Ces cours ne sont pas sans cau
ser certaines préoccupations à quelques-uns d'entre
nous ; ils paraissent avoir été très heureusément choi
sis, et la désignation des matières cadre très bien avec
la situation spéciale de la Faculté d’Aix, ainsi qu’avec
la nature de son personnel scolaire. Ce n'en est pas
moins une extension très grande de l’enseignement ju
ridique, et une extension d'une application pratique
moins immédiate et moins sensible que notre vieux
no vau scientifique. N'en résultera-t-il pas une certaine
hésitation dans la façon dont ces cours seront suivis ?
Où sn portera de préférence le gros affluent des audi
teurs, et comment se divisera entre tous ces enseigne
ments la population scolaire ? Autant de points dou
teux que l’avenir se chargera de résoudre, et sur les
quels il serait d'ores et déjà téméraire de se prononcer.
Nous avons eu malheureusement cette année quelques
changements dans notre personnel enseignant. La mort
de M. le doyen laisse vacante la chaire d’économie po
litique ; il est profondément à souhaiter que cet ensei
gnement qui est le prolégomène forcé des matières ju
ridiques, qui est la lumière même du droit, échoie à des
mains habiles et expérimentées, et nous ne saurions
trop recommander ce soin à la perspicacité de l'admi
nistration supérieure. D’autre part notre si distingué
collègue, M. Gautier se trouve amené par une affection
due à un excès de travail et qui, nous l’espérons, n’aura
pas de suite, à demander un congé d'un an, et va dès
lors, lui aussi, laisser momentanément en déshérence
son double enseignement. Conférera-t-on ce double
mandat à un admissible du dernier concours? scindera
t-on entre les deux matières, et considérant que l'en
seignement de l'histoire du droit pour le doctorat n'est
qu’un annexe des grands cours, en chargera-t-on un
de nos professeurs titulaires ? Nous n'avons pas de
parti pris en ce qui concerne l’une ou l'autre de ces
deux solutions, et si nous inclinons vers la seconde,
nous n’avons pas à dissimuler que l’amitié et l’estime
que nous professons pour un de nos meilleurs collègues
est pour beaucoup dans notre appréciation.
La Faculté a eu à délibérer cette année sur plusieurs
questions importantes, notamment sur l'équivalence
des deux baccalauréats Le/lres-philosophie et Lettresmathématiques * en ce qui concerne l'aptitude aux
�— 53 —
aux sciences une vertu éducatrice égale à celle des let
tres, quoique différente de celle de ces dernières; si la
culture scientifique ne donne pas en effet le poli, elle
communique à l'esprit une vigueur, une souplesse, un
sens et un besoin de l’exactitude aussi indispensables
chez nous que les notions littéraires ou historiques. De
plus la science est tellement mêlée aujourd’hui à toutes
les manifestations de la vie sociale, on en a fait des
applications pratiques si merveilleuses, que le droit qui
doit être la règle de ces manifestations n'a rien à per
dre à s'en imprégner : il y a là une transformation né
cessaire de nos habitudes et pour ainsi dire de nos
mœurs intellectuelles.
Je ne veux pas en terminant oublier un point impor
tant ; nos maîtres, si absorbés qu’ils soient par la tâche
quotidienne et la multiplicité des cours, n'ont pas né
gligé les travaux scientifiques. En dehors de très nom
breux articles insérés dans les revues de jurisprudence,
il v a lieu de relever à leur honneur des publications
moins fragmentaires et d’une plus grande portée.
M. Bry met la main en ce moment à la deuxième édi
tion de son Traité clc Droit international public, ce qui
constitue pour lui un succès mérité, et il publie en môme
temps son excellent Cours de Droit romain. M. Moreau
vient d’en faire autant pour son Cours de Droit consti
tutionnel ; si le livre répond à la parole, ce dont il n'y a
pas lieu de douter, le succès est également assuré. Enfin
le professeur de Droit commercial et maritime publie
sous le titre de Précis de Droit maritime, un résumé
de son grand ouvrage précédemment paru, mais un ré
sumé fait d’après un nouveau plan, et enrichi de par
ties toutes nouvelles ; c’est dans 1esprit de l’auteur un
ouvrage d’étude et d'initiation plutôt que de rensei
gnements pratiques. S’il suffit donc de travailler pour
affirmer sa vitalité, la Faculté travaille; que ceux à qui
incombe ce devoir, nous continuent leur bienveillance
et nous assistent en tous nos besoins !
��— 56 —
Examines Admis Ajournes Tolal
608 508 too 608
R eport.
2m’ examen de Doctorat
Eloge ..............................
Trois blanches et une blanche-rouge
Deux blanches et deux blanches- il
12
12
rouges ......................................... 2
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge...............................
4
Ajournements............................
3m* examen de D octorat
Eloge ...........................
Trois blanches et une blancherouge.......................................
Deux blanches et deux blanchesrouges....................................................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge....... .....................
Ajournements............................
Thèse de D octorat
Eloge...............................
I rois blanches et une blanrhe-rouge
Deux blanches et deux blanches- ' i
rouges.........................................
Deux blanches, une blanche-rouge
et une rouge................................ : \
Ajournements.................................
626 522
T otaux .
RELEVÉ DES INSCRIPTIONS
P rises pendant l’année scolaire 1 8 9 0 - 1 8 9 1 .
Trimestre
»
»
»
de novembre 1890..
de janvier 1891....
d’avril 1891............
de juillet 1891___
213
166
144
378
Tolal.............. 901
Ces 901 in scrip tion s se répartissent ainsi qu'il suit
Pour
»
»
»
»
la capacité.......................... 83
le baccalauréat (1"‘ année). 529
o
(2 année). 231
la licence....................... 217
le doctorat..................... 41
Tolal
901
�59 —
RAPPORT DE M. REBOUL
DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE MARSEILLE
M onsieur
le
R ecteur ,
M essieurs ,
Nos conférences préparatoires à l'agrégation et à la
licence ont été suivies par 45 étudiants inscrits, qui sc
décomposent ainsi :
5 boursiers d’agrégation,
2 pour les mathématiques,
2 pour les sciences physiques,
l
—
naturelles ;
7 boursiers de licence ;
9 maîtres répétiteurs ;
17 étudiants libres;
7 professeurs dans les lycées ou collèges de l'Acadé
mie.
Constatons d’abord avec regret une diminution de
1/5° environ dons le nombre des élèves, qui a été de
55-57 durant les trois dernières années, et aussi une
diminution, un peu moins considérable il est vrai, dans
celui des boursiers, systématiquement réduit depuis
quelque temps. Il faut en rechercher surtout la cause
dans l'encombrement dû à la production d’un trop grand
nombre de licenciés. Il est à craindre que ce mouvement
rétrograde ne s’accentue au point de compromettre
renseignement, supérieur en province dans une de ses
fonctions les plus essentielles, celle de former de bons
professeurs pour l’enseignement secondaire. Retourner
à l'état dans lequel se trouvaient les Facultés des Scien
ces et des Lettres il y a vingt ans, est un péril qui nous
menace et qu'il serait peut-être prudent de songer dès à
présent à conjurer.
Agrégations. — Nos deux boursiers d’agrégation
mathématique ont été reçus au concours de juillet-août,
dernier : M. ’Lcbel avec le n° G et M. Roche avec le n° 9
sur 13 agrégés. Le premier vient d’être nommé profes
seur (cours préparatoire à l’Ecole Navale, dernière an
née) au Lycée de Brest; le second, professeur (cours
de Saint-Cyr) au Lycée de Toulon.
Nous avons été moins heureux pour les sciences phy
siques. De nos deux boursiers, MM. Bourgarel et Baret
(celui-ci boursier d’un an), un seul, le premier, a été
déclaré admissible et. dans le classement définitif n’a
obtenu que le neuvième rang, auquel on s’est malheu
reusement arrêté dans les réceptions. Il est certaine
ment fort honorable d’avoir cotoyé le succès d’aussi
près, mais enfin ce n'est là qu’une consolation tout à
fait relative pour le candidat obligé de concourir à nou
veau l’an prochain. M. Bourgarel, qui sait beaucoup et
qui devait réussir cette année, sera, nous l’espérons
bien, reçu au prochain concours.
Ln de nos anciens et. meilleurs élèves, M. Gamct,
�—
60
—
chargé du cours de physique au Lycée de Toulon, qui
suit depuis deux ans nos leçons préparatoires à l'agré
gation et qui avait été admissible l'an passé, Ta été de
nouveau cette année. 11 est à regretter que, malade au
moment des épreuves orales, il ait été obligé de se re
tirer du concours.
Licences. — 33 candidats se sont présentés aux di
verses licences dans les deux sessions, novembre 1800
et juillet 1891. 17 ont été jugés dignes du grade. Deux
d’entre eux, MM. Devaud et Rougier, qui sont des élè
ves exceptionnels, ont été reçus licenciés ès sciences
physiques avec la mention très-bien. M. Rougier, huit
mois avant, en novembre 1890, obtenait son diplôme de
licencié mathématique avec la note bien. Enfin, MM.
Lasserre, boursier à 1 Ecole des Sciences d’Alger, et
Font, professeur au Lycée d Aix, ont été reçus licenciés
ès sciences physiques avec la note bien. Voir le tableau
ci-annexé).
Baccalauréats. — Le nombre des examens pour les
deux baccalauréats ès sciences a été 597 ; reçus 259,
soit 43 0 Si 1on consulte le tableau de détails dont je
vous épargne la lecture, on constate, comme d’habitude,
(|ue la proportion des reçus est plus grande pour le
restreint (60 °/0) que pour le complet (40 °/0). J’en ai in
diqué les causes dans un rapport antérieur et je n ai
pas à revenir sur ce sujet, le grade allant bientôt dis
paraître. Il y a eu 8 mentions très-bien, ?;3 bien. 39
assez-bien et 187 passable.
Je signale en passant l’accroissement continu du
nombre des candidats. Ce nombre (597) surpasse de
85 celui de l’an dernier et de 108 et 132 ceux des deux
années précédentes. Quant à la proportion des récep-
61
—
tions et à celle des mentions elle reste à fort peu près
stationnaire.
Les programmes de notre enseignement vous sont
connus ; ils ne changent pas et ne comportent d’une
année à l'autre que les modifications commandées par
les progrès de la science dans ce qu'ils ont de plus
saillant. Je me borne donc à constater que les cours et
conférences ont eu lieu avec la plus grande régularité ;
il n’y a pas lieu de compter quelques interruptions,
fort courtes d’ailleurs, qui ont toujours été motivées et
autorisées.
En ce qui concerne les travaux personnels, la Faculté
a continué de payer sa dette aussi largement que par le
passé. Vous n’avez pour vous en convaincre qu’à jeter
les yeux sur les titres des publications nombreuses et
importantes dont je donne ici la liste. C'est là le grand
honneur de l’enseignement supérieur et je ne puis que
remercier et féliciter mes collègues de l’avoir si bien
compris. Ils justifient par leurs découvertes et leurs
recherches incessantes le renom dont jouit la Facuté
de Marseille dans le monde savant.
Publications et travaux cle MM. les membres
de la Faculté des Sciences pendant, l'année 1801.
M. S
, professeur d'analyse:
Théorie des diviseurs élémentaires et applications.
Ann. de l’Ecole Normale supérieure 1891.
M. Stépiian, professeur d’astronomie :
Travaux courants d’observation et de météorologie.
Installation de pendules synchronisées à la Faculté
et à l’Observatoire.
auvage
�M. A migues * chargé d'un cours complémentaire de
mathématiques :
Démonstration purement algébrique du théorème
fondamental de la théorie des équations (C. H. de l’Acad. des Sciences, 1891).
M. M acé de L épixay , professeur de physique :
— Théorie générale de la visibilité des franges d’in
terférence (en collaboration avec M. Ch. Fabry). Journal
de Physique, t. X.
— Sur la localisation des franges des lames cristal
lines Ibid. t. X).
— Analyses de travaux étrangers.
— Sur la double réfraction du quartz (Ann. de la Fa
culté de Marseille, t. I).
— Conférence sur l’achromatisme des franges d’in
terférence (Bull. des Sciences Physiques).
— Conférence sur le mirage (en collaboration avec
M. Pérot). (Société Chimique et Industrielle).
— Visibilité des anneaux de Newton (Rev. gén. des
Sciences).
— Communication sur les franges achromatiques des
demi-lentilles (Congrès de Limoges).
— Etude expérimentale sur le mirage (en collabora
tion avec M. Pérot).
M. P érot, chargé du cours de physique :
— Remarque sur la quantité de chaleur dégagée dans
l’effet Joule (Journal de Phys., nov. 1890).
— Contribution à l’étude des diélectriques liquides.
(Ibid., avril 1891).
— Vérification de la loi de déviation des surfaces
équipotentielles et mesure de la constante diélectrique
(C. IL. sept. 1891).
— Condensation et surchauffe des vapeurs saturées
par la compression et la détente adiabatique (Bull, des
Sc. Phys.).
— Energie potentielle d'un feuillet magnétique dans
le champ d’un autre feuillet (Ibid.).
M. R eboul , professeur de Chimie générale :
— Butylènes monobromés(C. R. del’Acad.des Scien
ces, nov. 1891).
— Recherches dans la série butylique (Congrès de
Marseille).
M. D uvillier , professeur de Chimie industrielle:
— Formation d’acide diméthylacrylique dans la pré
paration des acides amidés de l'acide isovalérique(C. R.
t. CXII).
— Sur l'acide dicthylamidocaproïque Bull, de la Soc.
Chim. de Paris, t. VI, 2° série).
M. V asseur , professeur de géologie et de minéra
logie :
— Sur l’origine de l'inscription phénicienne de Mar
seille (Congrès de Marseille, 1891).
— Présentation d'une carte au 1/20000 des environs
de Marseille (Ibid.).
M. H eckel , professeur de botanique :
I. — Sur le Dadi.-gogo ou Balancou/ifa (Ceratanthera Beaumetzi Heckel/, plante distopique et dimor
phe de la côte occidentale d’Afrique usitée comme tœnifuge. (Monographie botanique, chimique et thérapeu
tique insérée dans les annales de la Faculté des sciences
de (Marseille, t. I, avec 3 planches dont Lchromolitho
graphie).
II. — Sur le Bunya-Bunya (Araucaria Bidwilli
Jlookl Son utilité comme arbre producteur de gomme
�— 64 —
arabique, son acclimatation en Algérie et dans nos colo
nies françaises. — [ Revue des sciences naturelles ap
pliquées n° 10. — 20 août 1891).
III. — Sur le mimétisme du Thomisus onustus Wall».
Bulletin scientifique, 1891, t. xxm).
IV. — Sur la maladie du Frien dûe à un cryptogame
parasite (Helminthoporium donacinum) de la canne de
Provence et dont sont victimes les ouvriers qui travail
lent, cette graminée à Sainte-Maxime du Yar. (Com
munication au congrès pour l'avancement des sciences
à Marseille, 1891).
Y. — Etude sur Gérard de Cotignac, botaniste pro
vençal du siècle dernier. (Communication au congrès
pour l'avancement des sciences à Marseille, 1891).
Yl. — Sur la racine du Cissampelos Chat in i Iiechel
et sur son alcaloïde au point de vue botanique, chimi
que physiologique. Communication au congrès pour
l’avancement des sciences à Marseille, 1891, en colla
boration avec M. Schlaydenhauffen).
Vil. — Recherches sur la composition chimique et
l’action physiologique du latex des Euphorbes indigè
nes et exotiques. (Communication au congrès pour l'a
vancement des sciences à Marseille, 1891, en collabo
ration avec M. Boinet).
M. M arion , professeur de zoologie, a imprimé le pre
mier fascicule du tome iv des Annales du Muséum de
Marseille, comprenant les recherches de zoologie appli
quée, effectuées au laboratoire d’Endoume durant la
deuxième campagne 1890). Il a rédigé dans ce fascicule
les articles suivants (accompagnés de deux planches
coloriées : 1° sur la pêche et la reproduction du siouclet ; 2° la sardine sur les côtes de Marseille durant la
— 65
campagne 1889-1*890 ; 3° notes sur le régime du ma
quereau et de l’anchois sur les côtes de Marseille durant
la campagne 1890 ; 4° œufs flottants et alevins observés
dans le golfe de Marseille durant l’année 1890; 5° essai
d’élevage de quelques alevins ; 6° remarques générales
sur le régime de la faune pélagique du golfe de Mar
seille, particulièrement durant l'année 1890 ; 7° notes
sur la pêche du Jaret et de la Bogue dans le golfe de
Marseille ; 8° Effets du froid observés en Provence sur
diverses espèces d'animaux marins.
M. Marion a publié en outre les notes suivantes : nou
velles observations sur la sardine des côtes de Mar
seille, comptes rendus de l’Académie des sciences 1er
avril 1891 ; remarques sur l'emploi du sulfure de car
bone au traitement des vignes phylloxérées (en colla
boration avec M. Gastine), comptes rendus de l'Acadé
mie des sciences, 19 mai 1891 ; recherches de zoologie
appliquée, effectuées à la station d’Endoume, comptes
rendus de l’Académie des sciences, 27 juillet 1891 ;
physionomie zoologique du département des Bouchesdu-Rhône, Marseille, août 1891.
M. J ourdan , chargé de cours (zoologie) :
Note préliminaire sur les Zoanthaires provenant des
campagnes du yacht l’Hirondelle (comptes rendus de la
Société zoologique de France, 28 octobre 1890).
Sur un tissu épithélial fibrillaire des Annélides
(comptes rendus Académie des sciences, lor décembre
1890).
L'innervation de la trompe des Glycères (comptes
rendus Académie des sciences, 20 avril 1891).
Le sens du goût chez les animaux à vie aquatique
j
�—
66
—
(congrès, association française pour l’avancement des
sciences, Marseille, septembre 1891).
Les corps jaunes du tissu conjonctif des Echinodermes
et des Géphyriens inermes (id.).
Les endothéliums à cils vibratiles des Invertébrés (id.).
M. V ayssière chargé de cours (anatomie) :
Note sur l’existence de la Calvadosia (Lucernaria) campanulata dans le golfe de Marseille (congrès de Mar
seille 1891).
Observations sur l'Euthyplocia Sikorœ, type d’Ephémeridé de très grande taille provenant de File de Mada
gascar (ibid).
T ravaux effectués dans les lab oratoires.
1° Laboratoire de physique. — M . C h . F a b r y , v i s i
bilité périodique des franges d’interférence (comptes
rendus octobre et novembre 1890).
M. B eaülard , sur la biaxie du quartz comprimé
(comptes rendus juin 1891).
2° Laboratoire de chimie. — M. B erg , sur les amylamines (comptes rendus, t. cxi).
Sur les butylamines normales (ibid., t. cxii).
Sur les acides isobutylamidoacétiques (congrès de
Marseille, 1891).
Au mois d’août dernier a paru le premier numéro des
Annales de la Faculté des sciences de Marseille, créées
grâce à la libéralité de la ville.
Cette nouvelle publication, dont le program m e est
très large, sera ouverte à tous les travaux scientifiques
se rapportant à l’une quelconque des sciences qui sont
enseignées à la Faculté, que leurs auteurs présenteront
avec la recommandation d’un membre du comité de
rédaction. Vu le peu de ressources actuellement dispo
nibles, il n’est pas possible d’assurer dès maintenant la
périodicité de cette publication. 11 paraîtra, provisoire
ment, à des époques encore indéterminées, des tomes
d’importances variées, suivant les ressources dont
pourra disposer la Faculté.
Le cahier qui vient de paraître contient d’intéres
santes communications dues à MM. Macé de Lépinay,
sur la double réfraction du quartz ; Ed. Heckel, sur le
Dadi-Go ou Balancounfa, plante nouvelle usitée comme
tœnifuge sur la côte occidentale de l’Afrique tropicale ;
de M. Appelle professeur à la Faculté des sciences de
Paris, sur une fonction analogue à la fonction 0.
Le personnel de la Faculté n'a subi qu’une seule mo
dification. M. Le Verrier, ingénieur en chef des mines,
chargé de conférences de minéralogie, a été appelé à
Paris par d’autres fonctions. Bien qu’il n’ait fait que
passer au milieu de nous, il nous laisse les meilleurs
souvenirs et pour sa personne et pour son mérite. Il
n’a pas encore été remplacé.
Dans le groupe de nos collègues d’Aix qui viennent
faire à la Faculté des sciences, pendant les semestres
d’hiver, les leçons si appréciées que vous connaissez,
nous avons eu le malheur de perdre, au mois d'août
dernier, un de nos collaborateurs les plus éminents,
M. Alfred Jourdan, doyen de la Faculté de droit. M. A.
Jourdan était chargé depuis plus de quinze ans de l’en
seignement de l’économie politique à Marseille. Il ne
m’appartient pas de faire l’éloge du savant et du pro
fesseur ; mais je tiens â consigner ici, au nom de la
�Faculté des sciences, où il ne comptait que des amis,
les sentiments de haute et respectueuse estime que
nous avions tous pour l'érudit et pour le maître, ainsi
que le témoignage de notre profonde sympathie pour sa
personne, conquise par le charme de son caractère et
par sa spirituelle bonhomie. Sa mort est une grande
perte que font la science, renseignement supérieur et
ses amis.
Je ne renouvellerai pas mes doléances annuelles sur
l'insuffisance de nos locaux. La nécessité d'un agran
dissement considérable n'est mise en doute par per
sonne, ce qui n’empêche pas que nous ne restions dans
le même état. Pendant combien do temps encore? Je
1ignore et j'ai lieu de croire que nul n’est plus avancé
que moi. Un vœu à ce sujet me paraît donc inutile ; il a
été émis plusieurs fois et il reste acquis jusqu’à sa
réalisation. D’ailleurs le moment serait peut-être assez
mal choisi pour le renouveler avec quelque chance de
succès.
Ce rapport était rédigé et lu au Conseil général,
lorsque j’ai appris que l’Institut décernait à M. E. Jour
dan, chargé de cours à la Faculté des Sciences, lé
grand prix des sciences physiques pour ses remarqua
bles travaux sur les organes des sens des invertébrés.
C-st là un haut témoignage d estime qui honore à la lois
notre collègue la Faculté dont il fait partie.
�EXAMENS DE LICENCE. — Année scolaire 1890-1891.
No>IBRE
PROPORTION
de ca ndidats
des adm is
examinés admis sur 100 exam inés
L icence
Mathématiques................
8
2
Physique..........................
15
11
Naturelle..........................
10
4
T otaux ......................
33
17
Mentions
odtenues
Mention Bien :
M. Rougier.
Mention Très-Bien :
MM. Rougier ot Devaud.
Mention Bien :
MM. Font et Lasserre.
51.5
EXAMENS DU BACCALAURÉAT. — Année scolaire 1890-1891.
No>[RRE
Proportion
des caiididats
Baccalauréat
des admis
examines admis sur 100 examinés
Mentions
obtenues
Très bien___ 5.
MM. Carboni.
Golfier.
Complet........................
458
179
40
Complémentaire..........
2
»
D
»
Restreint......................
137
80
60
Très-Bien . . 3.
MM. Barret, Cunéo et Silhol.
Bien........... 11.
Assez-Bien.. 15.
Passable__ 51.
Totaux.........
597
259
)
259
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Honnorat.
Mayer.
Parfait.
Bien........... 14.
Assez-Bien.. 24.
Passable__ 136.
o
�RAPPORT DE M. GUIBAL
DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES
M onsieur
le
R ecteur ,
M essieurs ,
— 73
Les auditeurs bénévoles qui reprendront, cette année,
le chemin de la Faculté, y trouveront comme d'habitude
des cours sérieusement préparés sur des sujets inté
ressants. Le professeur de philosophie, M. Joyau, trai
tera de Yhistoire de la philosophie pendant la Révo
lution ; — le professeur d'histoire, M. Guihal, de Barnave et de la fin de l'Assemblée constituante ; — le
professeur de littérature et d’institutions grecques, M.
Boissière, du théâtre libre à Athènes ; — le profes
seur de littérature latine et d'institutions romaines, M.
Constans, de la littérature chrétienne à Rome aux m0
et iv° siècles ; — le professeur de littérature française,
M. Ducros, de Vhistoire et de la critique des idées au
0 siècle ; — le professeur de littérature étrangère.
M. Joret, de l'histoire des idées littéraires en France,
en Angleterre et en Allemagne de 1750 à 1789.
Tous ces cours publics qui doivent être faits égale
ment à la Faculté des sciences de Marseille forment
l'utile complément de ceux qui, sous le nom de cours
fermés ou conférences, s’adressent exclusivement à nos
élèves proprement dits.
Ces élèves ont été, de 1890-91, au nombre de vingttrois, savoir : quatorze maîtres répétiteurs du lycée
Mignot, six étudiants libres, trois boursiers, un du dé
partement et deux de l'Etat.
Il n’est pas besoin de signaler la faible part pour
laquelle ces boursiers entrent dans le personnel ensei
gné de la Faculté.
Ce personnel a, en général, bien fait son devoir. Sous
la dirction dévouée et vigilante des professeurs et des
maîtres de conférences, il a montré de l'intelligence de
l’application et du zèle dans la préparation des diffé
rents ordres de licence.
xviii
J'ai l'honneur de vous présenter mon rapport sur les
occupations de la Facultés des lettres d'Aix et sur les
principaux faits qui ont marqué sa vie laborieuse pen
dant. l’année 1890-1891.
Ces occupations ont eu, comme d'ordinaire, un double
objet : l’enseignement et les examens.
I.
Enseignement. — La Faculté a toujours considéré
les cours publics comme une partie essentielle de sa
tâche ; elle les a continués même à l’époque de leur plus
grande défaveur. L'hiver dernier, avec ses rigueurs
exceptionnelles, leur a été préjudiciable, bel auditoire
s'est réduit dans des proportions absolument anormales.
Après avoir compté dans le mois de décembre quatreving-dix personnes, il est tombé à vingt-deux et même
a vingt en janvier.
�A ce groupe d’élèves il est juste de rattacher huit
professeurs ou maîtres-répétiteurs des lycées et collèges
du ressort académique qui nous ont envoyé soixante-dix
devoirs et cinq autres qui, sans remettre de devoirs, se
sont rendus, le jeudi, aux conférences d'agrégation.
La Faculté est heureuse de voir, d’année en année,
s’élargir les cadres de son enseignement. M. Clerc a
poursuivi, avec expérience, savoir et talent, le cours
complémentaire d’archéologie, qui lui est confié depuis
novembre 1887. Nos belles collections qui se sont
accrues, encore cette année, d'une manière notable (1),
ont éclairé ses explications d’un vivant commentaire et
transformé une de nos plus tristes salles en un véri
table petit musée. — Sur les instances de la Faculté
de droit et de celle des lettres, qui n’avaient pas ou
blié l'initiative prise, en 1883, par M. le recteur
Belin et qui ont vu leur requête encouragée par son
chaleureux appui, M.le Ministre de l’instruction publi
que a bien voulu rétablir auprès de la seconde de ces
Facultés une conférence de littérature française pour
les étudiants de nationalité étrangère qui suivent les
cours de la première. Notre nouveau collègue, M. Ducros, en a été chargé. 11 a rendu un bon témoignage de
l’empressement avec lequel treize de ces étudiants sont
venus profiter de cet enseignement d’un caractère tout
pratique (2).
(1) Les acquisitions de cette année ont compris : 1° 468 photo
graphies; 2 0 la collection des publications de l’institut archéolo
gique de Rome ; 3° la suite de Rrünn, monuments de la sculpture
antique jusqu’au fascicule 35; 4° cinq cartes murales de Kiepert.
(2) « Treize étudiants dont le secrétaire de la Faculté a pris les
noms », écrit M. Ducros dans son rapport du 20 juin 1891, « ont
« assisté à ce cours. — J’ai expliqué avec eux deux auteurs fran« çais ; j’ai fait au tableau des exercices de grammaire et de syn-
Nous aimons à espérer que leur exemple sera suivi
et que, tout en aidant au repeuplement de nos Facultés,
nous pourrons, dans une modeste, mais sérieure me
sure, collaborer à l’œuvre de la propagation de la lan
gue française.
La sollicitude patriotique qui inspire cette œuvre
s’accorde avec le zèle qui recueille et s’applique cà faire
de mieux en mieux connaître les productions originales,
spontanées ou réfléchies du génie de la nation un dans
sa diversité et si richement divers dans son unité. Les
poésies épiques et lyriques de nos troubadours sont
une de ces productions les plus curieuses. L’Allemagne
les étudie ; la France doit les étudier plus encore, obli
gée, comme par un titre de noblesse, par les beaux tra
vaux des Raynouard, des Fauriel, des Meyer. Aix est
un centre tout désigné pour cette étude et un cours de
langue et de littérature provençales semble, dans notre
Faculté, un luxe fort nécessaire. Nous adressons de
publics et respectueux remcrcîments au Conseil général
des Bouches-du-Rhône qui a bien voulu maintenir l'allo
cation destinée à ce cours. — Avec sa double autorité
d’érudit et de félibre, M. Constans reprendra le sujet
qu’il avait abordé l’an dernier ; il entretiendra ses au
diteurs d’Aix et de Marseille de la nouvelle dans le
provençal ancien et moderne.
Deux enseignements libres donnés, l'un par M. Dequairc-Grobel, professeur agrégé de philosophie au
« taxe ; j’ai enfin corrigé des devoirs, lettres, narrations et tra
ct ductions d’ouvrages étrangers et français.
a D’après les témoignages de reconnaissance que j’ai reçus des
« étudiants, je crois pouvoir vous assurer, M. le Doyen, que le
« cours de langue française sera suivi assidûment l’année pro« chaine. »
�— 76 —
lycée Mignot, l'autre, par M. J. de Duranti La Galade,
avocat, sont inscrits sur le tableau de nos cours et de
nos conférences. Le premier est public et roule sur la
pédagogie ; le second est fermé et a pour objet la lan
gue hébraïque. M. de Duranti La Calade expliquera,
avec commentaire philologique, le cantique de Dcbora
et joindra à cette explication un aperçu de la poésie
lyrique chez les Hébreux.
Avec leur caractère tout spécial, ces conférences ont
été suivies par un groupe de disciples peu nombreux,
mais fidèles. M. Dequaire-Grobel s’est particulièrement
adressé aux élèves de l'école normale primaire.
L'hospitalité que la majorité de la Faculté a été d'avis
d'accorder aux cours et conférences de MM. DequaireGrobel et de Duranti La Calade lui a paru un moyen
d'accroître sa propre vie.
II.
Examens. — Indiquer les méthodes et répandre les
résultats de la science pure et désintéressée, n'est qu'un
des deux buts de notre enseignement. L'autre est do
former de futurs professeurs et de les préparer aux
épreuves qui ouvrent l'accès de la carrière.
La Faculté peut, à bon droit, revendiquer une part
dans le succès de M. Gistucci, aujourd'hui professeur
au lycée d’Aix, qui vient d'ètre reçu agrégé des lettres.
Après avoir été son boursier de licence et d'agrégation,
il avait suivi de 1889 à 1890 ses conférences du jeudi
qui sont particulièrement réservées aux candidats à
l'agrégation et peuvent leur rendre de réels services.
La Faculté ne veut, ni ne doit se désintéresser de la
préparation à ce concours. Flic ne trouve pas un dé
dommagement à la part trop faible qu'elle y prend dans
la collation des grades universitaires qu’elle a été ap
pelée à décerner cette année, depuis le doctorat jus
qu’au baccalauréat.
M. l'abbé Reure, de Lyon, a soutenu, devant clic, le
13 juillet dernier, une thèse latine intitulée de scriptorum ac litteratorum hominum cunri romanis imperatoribus inimicitiis et une thèse française sur les gens
de lettres et leurs protecteurs à Borne.
Dans ces deux monographies, comme dans la soute
nance, M. Reure a révélé les qualités et le savoir d’un
bon humaniste ; mais s’il possède une connaissance
approfondie des textes anciens, il a eu le tort de ne pas
tenir un compte suffisant des travaux et des découvertes
de la science et de la critique modernes. Plus d'un
membre du jury a relevé l'indulgence trop partiale du
candidat pour les Césars et sa sévérité presque dédai
gneuse pour les plus illustres organes de l’opposition,
tels que le grand jurisconsulte Antistius Labeo. Le
sujet de la thèse française a paru trop étendu. Des ob
servations critiques, exprimées par les professeurs
spéciaux, ont porté sur les défauts de composition des
deux thèses, sur le style et sur la langue de l'auteur
que la Faculté a, d'ailleurs, déclaré digne du titre de
docteur.
Les deux sessions ordinaires de licence ont amené
devant nous, en novembre, onze candidats : six pour
l’histoire, un pour la philosophie, quatre pour les lettres;
— en juillet, seize candidats, dont quatorze seulement
ont composé : quatre pour l’histoire, dix pour les lettres.
Au mois de novembre les candidats aux licences spé
ciales ont tous été admissibles et l’ont seuls été ; mais
�l’admission définitive n’a été conquise, pour la philo
sophie, que par M. Flori ; pour l’histoire, que par MM.
Cazes et Fournier ; MM. Gazes et Flori ont obtenu la
note passable ; M. Fournier a mérité la mention assezbien.
Les examens de la session de juillet ont donné des
résultats plus satisfaisants : cinq candidats admis, deux
pour l'histoire, MM. Combet et Brugerette ; trois pour
les lettres, MM. Demargne, Le Forestier et Jaubert,
aArec la mention assez-bien accordée à MM. Demargne
et Le Forestier.
Avec les épreuves de la licence, la Faculté contrôle
son propre enseignement. Avec le baccalauréat, elle
fait subir leurs derniers examens de passage aux élèves
qu’envoient devant ses juges les lycées, les collèges,
les établissements libres et même l’éducation particu
lière.
En novembre 1890 il y a eu :
194 candidats examinés ;
76
ajournés à l’écrit ;
37
ajournés à l’oral ;
81
admis, deux avec la mention bien,
MM. Hutter et Maurin ;
quatorze avec la mention
assez-bien ;
soixante-cinq avec la note
passable ;
La proportion des admis aux examinés a été de
41,70 0x0.
Dans la même session, elle s’est élevée à 50, ou plus
exactement à 49,66 0^0 pour les candidats à la seconde
partie. Elle résulte des chiffres suivants :
119 examinés :
30 ajournés à l’écrit ;
30
à l’oral ;
59 admis : deux avec la mention bien : MM. Rigot
et Cader ;
dix avec la mention assez-bien ;
quarante-sept avec la note passable.
Il importe de remarquer que la Faculté avait suivi,
pour cette session, le système de la série multiple, éga
lement adopté pour celle de Pâques.
Cette dernière session s’est ouverte le 16 mars 1891.
54 candidats ayant à leur passif au moins un double
échec se sont présentés.
13 ont échoué à l’écrit ;
17
à l’oral ;
24 ont été reçus : un avec la mention assez-bien ;
vingt-trois avec la note passable.
Le niveau de cette session fut toujours peu élevé. La
proportion des admissions a pourtant dépassé 44 0/0.
Elle aurait lieu de nous surprendre si nous ne songions
pas qu’elle se maintient d’ordinaire assez haut dans les
examens de la seconde partie. En juillet 1891 elle a été
de 53,40 0/0. Sur 236 candidats, 126 ont réussi : 89
avec la note passable, 25 avec la mention assez-bien ;
12, MM. Broussoux, Dol, Franchi, Laure, Lamoureux,
Lamouroux, Morette, Picon, Regismanset, Rey (Abel),
Spoturno, Yizerie, avec la mention bien. Il n’y a pas
eu plus de 56 échecs à l’écrit et de 54 à l’oral.
Dans la même session de juillet-août le baccalauréat
de l’enseignement secondaire classique a été inauguré
pour la première partie des épreuves.
343 candidats l’ont affronté, tandis que 62 autres, jus-
�-=- 80 —
qu'alors malheureux à l'écrit, se présentaient à la partie
correspondante du ci-devant baccalauréat scindé qui
constitue maintenant l'ancien régime, pas bien ancien
d'ailleurs et doit rester en exercice jusqu’en novembre
1892. Ces deux catégories de candidats ont composé
suivant le mode de la série unique, auquel la grande
majorité de la Faculté avait donné la préférence.
Une seule expérience ne saurait autoriser de conclu
sion ni pour ni contre le nouveau baccalauréat. Nous
nous bornerons à en dégager les résultats.
Sur les 343 candidats qui nous fournissent comme
les sujets de cette expérience, 163 ont été refusés pour
leurs compositions.
En revanche dans les rangs des admissibles choisis
avec une attention qui pourrait sembler sévère et n'a
été que scrupuleuse, se sont rencontrés des candidats
distingués. Trois, MM. Barbery, Mayer et Rambaud,
ont obtenu la mention très-bien dont la Faculté est jus
tement. avare. Quatre, MM. Bergasse, Cuttoli, Petrocochino, Valut, la mention bien. Nous avons distribué
trente-cinq mentions assez-bien, prononcé quatre-vingtneuf admissions avec la note passable et quarante-neuf
ajournements.
En somme, 212 échecs, 131 admissions. La propor
tion de ces dernières est de 38 0/0. L'an dernier, à la
même époque, pour les candidats à la partie correspon
dante de l'ancien scindé, elle avait été de 45 0/0.
Cet écart considérable se réduirait de près de deux
unités, si l’on ajoutait aux 343 candidats examinés dans
cette session suivant le nouveau régime les 25 admis
sibles des sessions précédentes et aux 131 candidats
admis 17 de ces admissibles qui ont fini par être reçus.
— 81 —
Mais il était plus naturel de rattacher ces candidats
aux soixante-deux de l’ancien régime : les uns et les
autres ont subi le même examen oral.
Considérés isolément, ces soixante-deux n’ont rem
porté que 22 admissions, 5 mentions assez-bien, 2 men
tions bien décernées à M. Manas et Picard. La propor
tion des reçus n’est que de 35,45 0/0. Elle s’élève à
44,83 0/0 lorsqu’on joint à ce groupe les 25 admissibles
avec leurs 17 admis dont il vient d’être fait mention.
Pris en bloc, sans distinction d’origine et de mode
d’examen, les 430 candidats de la première partie ont
fourni 170 admis. Soit une proportion de 39,64 0/0. Elle
est assez loin de celle de juillet 1890 ; mais il faut re
marquer que le chiffre de 45 0/0 est exceptionnellement
élevé. De novembre 1882 à novembre 1889 la propor
tion a oscillé entre 30,33 et 44 0/0 pour se fixer à 38 0/0,
en novembre 84 et en juillet 88, à 39 0/0 en juillet 1887,
en juillet 1888 et en novembre 1889. (1)
Un fait semble résulter de ce relevé statistique, c’est
que la proportion des admis variant avec le mérite des
candidats, n’est que médiocrement influencée par les
changements de mode et de régime dans les examens.
On pouvait craindre pourtant que la suppression
d'une des épreuves écrites n'augmentât la difficulté et
le danger de celles qui étaient conservées, en faisant
(1) Baccalauréat scindé, première
Novembre 82, 30.33 0/0;
Juillet 83, 34.33 0/0;
Novembre 83, 40 0/0 ;
Septembre 84, 44 0/0;
Novembre 84, 38 0/0;
Juillet 85, 44 0/0:
Novembre 85, 41 0/0 ;
Juillet 8 6 , 39 0/0 ;
partie :
Novembre 86 , 42 0/0
Juillet 87, 39 0/0
Novembre 87, 39 0/0
Juillet 88 , 44 0/0
Novembre 88 , 40 0/0
Juillet 89, 38 0/0
Novembre 89, 39 0/0
Juillet 90, 45 0/0.
�disparaître une chance de compensation ; mais il faut
espérer que cette difficulté et ce danger seront atténués
par le mode nouveau de notations, par les ménagements
recommandés aux examinateurs et par la consultation
du livret scolaire.
Une innovation d'une portée au moins égale, sinon
plus grave, est celle qui laisse aux candidats, pendant
une année entière, le bénéfice de l'admissibilité une
première fois conquise.
Dans la session de novembre 1890 et de mars 1891,
l’expérience n'a pas été favorable à cette innovation.
Les anciens admissibles se sont trop fiés à leur demisuccès et n’ont pas fait d’effort sérieux pour le com
pléter.
Au mois de novembre, 17 sur 35 ont échoué pour la
première partie ; 15 sur 28 pour la seconde. En mars,
la proportion est à peu près la même, 15 sur 31.
En juillet, éclairés par ces échecs qui se passaient de
commentaires, craignant de perdre ce bénéfice d’admis
sibilité dont le délai allait expirer pour plusieurs d’en
tre eux, ces admissibles sont arrivés à l’oral avec une
préparation un peu plus sérieuse. 20 sur 32 ont été
admis en philosophie avec une seule mention assezbien ; 17 sur 25 en réthorique avec la simple note pas
sable.
En présence de ces résultats qui se corrigent dans
une certaine mesure sans devenir brillants, il paraît
bon de prolonger encore l’expérience. Peut-être cette
expérience montrera-t-elle, sinon la nécessité, du moins
l’avantage de ne maintenir l’admissibilité qu’après un
double succès remporté consécutivement aux épreuves
écrites.
Une réussite unique peut être due à la chance.
Le décret du 8 août 1890 et la circulaire ministérielle
du l or juin 1891 se sont appliqués à diminuer la part de
cette chance pour augmenter la moralité de l'examen.
Cette moralité préoccupe vivement la Faculté des
lettres d’Aix. Elle tient à honneur d’extirper des habi
tudes trop persistantes de déloyauté dont les candidats
ne paraissent pas comprendre toute la gravité. Elle a
réprimé et réprimera les tentatives de fraude ; mais
elle aime mieux les prévenir.
Pour faciliter une surveillance qu’elle ne se lassera
pas de rendre plus rigoureuse, elle remet aux candidats
un papier de couleur avec un en-tête.
Des plaintes, à coup sur exagérées, avaient dénoncé,
après la session de juillet 1890, l’entassement des can
didats réduits à écrire sur leurs genoux dans notre
grand amphithéâtre.
Nous nous sommes émus de ce que ces plaintes pou
vaient renfermer de légitime. Cent tables ont été com
mandées et faites. Des mesures étaient prises pour
répartir les candidats au chef-lieu de l’Académie, dans
les salles dont nous disposons. Ils y auraient composé
dans des conditions favorables de bon ordre et de bienêtre physique et intellectuel.
Une innovation a rendu ces mesures en partie su
perflues.
Sur la demande d’un certain nombre de pères de
famille de Marseille, la Faculté a décidé d’établir dans
cette ville, à titre provisoire et conditionnel, un nou
veau centre d'examen écrit.
Le décret du 8 août 1890 lui en donnait le droit. L’in
térêt bien entendu des candidats a semblé lui en faire
�un devoir. Cette nouvelle institution, dont on a singu
lièrement aggravé la portée, a bien fonctionné, mais
pourrait, dans un cas donné, se heurter contre de
graves difficultés pratiques, avec un personnel restreint
comme celui de notre Faculté.
III.
Personnel. — Ce personnel a subi des changements
considérables dans le cours de l’année classique.
Presque à la veille du jour où nous allions reprendre
nos travaux, notre doyen, M. Bizos, a été appelé au
poste de recteur de l’Académie de Grenoble. Pendant
un décanat plusieurs fois renouvelé, il avait fait ses
preuves comme administrateur. Professeur de littéra
ture française, il avait largement contribué à soutenir
dans notre Faculté la fortune des cours publics. Son
talent de jour en jour fortifié et mûri mettait dans l’élé
gance normalienne de sa phrase classique une pensée
que la méditation et l'expérience de la vie ne cessaient
de rendre plus solide, plus mâle, plus élevée. M. Bizos
continue de nous appartenir à titre de doyen honoraire.
La Faculté inscrit parmi lès œuvres qui contribuent à
sa réputation l’intéressante monographie sur Ronsard
que le jeune recteur de Grenoble a récemment publiée
et dont les chapitres retracent aux auditeurs aixois de
vivantes et lumineuses leçons faites dans leur grand
amphithéâtre.
Le professeur d’histoire, déjà assesseur, a été dé
signé par ses collègues de la Faculté et du Conseil
général, choisi par M. le Ministre de l’Instruction pu
blique pour remplacer M. Bizos dans ses fonctions de
doyen. M. Ducros, professeur de littérature française à
— 85 —
la Faculté des lettres de Poitiers, lui a succédé dans sa
chaire. Fin et pénétrant, il féconde sa critique par une
connaissance approfondie de la langue et de la litté
rature allemandes. A l’exemple de Gœthe et de Schiller,
il lui donne pour point d’appui de fortes études philoso
phiques. C’est un littérateur doublé d'un penseur.
M. Rigal est également, à sa manière, un solide et
sérieux esprit. Après un congé, que sa santé l’avait
obligé de prendre, il était redevenu notre collaborateur
au commencement de cette année. Nos examens de
juillet-août s’achevaient à peine, lorsque nous avons
appris sa nomination comme chargé du cours de litté
rature française à la Faculté des lettres de Montpellier.
Nous avions trop apprécié la droiture de son caractère,
la délicatesse scrupuleuse de sa conscience, l’étendue
de son savoir pour ne pas mêler de vifs regrets aux
félicitations dont nous saluons un avancement si bien
mérité. Il emporte comme témoignage des sentiments
qu’il nous inspirait, le titre de professeur-adjoint que
nous fûmes heureux d’obtenir pour lui et qui ne tarda
pas à être suivi d’une délégation au Conseil académi
que. En retour, il faisait rejaillir sur la Faculté l’éclat
de ses succès littéraires et l'honneur du prix Montyon
décerné par l’Académie française à sa thèse sur Alexan
dre Hardy.
/
Tout en se délassant de cette œuvre magistrale, il a
publié, cette année, deux articles bibliographiques dans
la Revue des langues romanes et corrigé les épreuves
d'un travail de critique des textes qui paraîtra dans la
Zeitschrift fur franzôsische Sprache und Lüteratur
sous ce titre : Le théâtre cCAlexandre Hardy ; correc
tions à la réimpression Stengel et au texte original.
�—
86 —
La place que M. Rigal vient de quitter ne restera pas
vide. Elle sera dignement occupée par M. Fabia, exprofesseur de rhétorique au Lycée Mignet d'Aix. Nous
applaudissons à ce choix qui nous donne un collabora
teur d’un mérite éprouvé. Les thèses de M. Fabia (1)
qui ont valu à leur auteur en Sorbonne le titre de doc
teur décerné à l’unanimité et son étude sur les sources
de Tacite couronné par l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres sont un garant de la puissante contri
bution qu’il apportera à nos travaux.
11 n’aura pas de peine à s'inspirer d'une tradition que
nous ne laisserons pas dépérir.
Professeurs et maîtres de conférences de la F acuité
des Lettres d’Aix, font passer, avant tout, les devoirs
de leur enseignement, mais ne considèrent pas leur
tâche comme épuisée par l’accomplissement de ces
devoirs. Ils prennent sur leur repos le temps de pour
suivre des recherches personnelles qui aboutissent,
chaque année, à plusieurs publications.
Non content de surmonter la maladie avec un courage
de philosophe et d’homme d’action pour s’acquitter de
ses cours et conférences, M. Joyau a donné au bulletin
de la Faculté des lettres de Poitiers deux articles sur
le plaisir et le jugement esthétiques et des articles de
biographie et de pédagogie à la Revue de renseigne
ment primaire.
M. Guibal a fait paraître la continuation de ses
études sur Mirabeau et la Provence. Il la conduit du
(1) Thèse latine : de o ra lio n ib u s rjuœ s u n t in commentariis
C œ saris de bello (jallico 1889. — Thèse française : Les Pro
logues de T èrence, 1888. — M. Fahia a en outre sous presse
une édition classique des Adelphes do Tcrence (collection Cartault, chez A. Colin).
5 mai 1789 au 2 avril 1791. La première partie est
épuisée. L’auteur en prépare une seconde édition revue,
corrigée et pas trop augmentée.
M. Constans a publié ou est en train de publier :
1° les grands historiens du moyen-âge ; Notices et
extraits à l’usage de la classe de seconde, 1 volume
in-8° jésus, xxxvi, 208 pages, Paris, G. Delagrave,
1891 ; — 2° Notes pour servir au classement des ma
nuscrits du roman de Troie (44 p. grand in-8°, dans les
études romanes dédiées à Gaston Paris, pp. 195-238,
Paris, Louis Hachette et Cie, 1891) ; — 3° le roman de
Thèbes, poème français du xn° siècle, d’après les ma
nuscrits connus, Paris, Firmin Didot (société des an
ciens textes français, 2 grands volumes in-8°, t. 1,
516 p.; t. 2, cxlviii, 400 pages, plus les titres, en tout
1092 pages).
Les publications de M. Joret comprennent les mono
graphies suivantes :
1° Pierre et Nicolas Formont, un banquier et un
correspondant du grand électeur, Paris, 1890, in-8° de
80 pages (extrait des Mémoires de l’Académie de Caen);
2° La légende de la Rose chez les nations romanes
et germaniques au moyen-âge, Mâcon, 1890, in-8° de
24 pages (article du recueil des travaux offerts à M.
Gaston Paris par ses anciens élèves français à l’occa
sion du 25° anniversaire de sa réception au doctorat, le
26 décembre 1885. (1)
3° Bibeux, article étymologique dans le numéro
d’avril 1891 de la Romania ;
(f) Ces deux premières monographies de M. Joret ont, ainsique
les grands historiens du moyen-âge de M. Constans, paru sur la
limite des deux dernières années classiques ; de là la mention dont
ces travaux ont été déjà l'objet dans le rapport dresse par M. le
doyen Bizos et présenté par M. l’assesseur Guibal à la fin de 1890-1.
�4° Articles bibliographiques dans la Revue critique
d'histoire et de littérature sur :
a Albert Sorel, Mm9 de Staël (n° 4) ;
b Jaegle, la correspondance de Madame (n° 2) ;
c Lévy-Bruhl, l'Allemagne depuis Leibnitz (n° 1);
d Marchot, le patois de Saint-Hubert (n° 9) ;
e Morf, das studium der romanischen philologie
(n° 15);
f Hoops : Uber die altenglischen pflanzennamen
(n° 27);
Du même auteur en cours de préparation ou sur le
point de paraître :
1° La Rose dans l'antiquité et au moyen-âge, his
toire, légende, symbolisme ;
2° Law en 1720, d’après sa correspondance inédite
(lecture faite à la réunion des sociétés savantes).
Nos maîtres de conférence ont à terminer la rédaction
de leurs thèses ou doivent en hâter l'impression. M.
Maury soutiendra les siennes dans un prochain délai.
Pour en réserver toute la nouveauté inédite à la Faculté
des lettres de Paris, nous nous abstiendrons d’en an
noncer même les titres. Nous nous imposerons la même
réserve à l'égard de celles de M. Clerc, nous contentant
d'ajouter que ce jeune collaborateur a trouvé le temps
d'écrire un article dans le Bulletin de correspondance
hellénique. 11 a sous presse, chez Delagrave, un vo
lume in-12 de 300 pages environ, intitulé Lectures
historiques (Grèce) à l’usage de la classe de cinquième.
Une conclusion se dégage de ce rapport : c’est que
la Faculté des lettres d’Aix travaille ; en d’autres ter
mes, elle vit et lutte énergiquement pour la vie.
Les perspectives décourageantes qui ne réussissent
— 89 —
pas à ralentir ses efforts, ne la rendent que plus em
pressée à recueillir le moindre symptôme favorable qui
peut ranimer ses espérances.
Cette année elle a été heureuse de constater que la
diminution signalée par mon prédécesseur dans le nom
bre des candidats aux bourses de licence, semblait
s’arrêter. En juillet 1890, cinq candidats s’étaient fait
inscrire et quatre seulement avaient affronté les épreu
ves. Nous en avons examiné sept dans le dernier con
cours. Tous, sauf un, ont atteint ou dépassé la moyenne
de 60 points et paru dignes d'être recommandés au
choix de M. le Ministre. Les deux premiers seuls, MM.
Mossé et Trambouze, nous restent comme boursiers.
Les autres n’ont fait que passer. La Faculté aurait
désiré les retenir. Elle s’appliquera à montrer que ce
désir n'était que le juste sentiment de ses forces, joint
à l'ambition de les accroître, en les employant au ser
vice du vrai et du bien.
�RAPPORT DE M. LE Dr CHAPPLAIN
DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DE PLEIN EXERCICE DE MEDECINE
ET DE PHARMACIE DE MARSEILLE
M o n sie u r l e R e c t e u r ,
M e ssie u r s ,
La création des Ecoles de plein exercice de Médecine
et de Pharmacie ne remonte qu'à 1875. A la suite du
rapport de P. Bert, l’Assemblée nationale institua les
Facultés de Lyon et de Bordeaux. Puis, des Ecoles de
plein exercice furent accordées aux villes qui avaient
été signalées comme présentant les conditions les plus
avantageuses pour l’enseignement médical. Marseille
fut de ce nombre !
Ce fut un grand progrès pour l’époque. Les cadres
avaient été établis sur le modèle de celui des Facultés.
Les bâtiments nouvellement installés paraissaient de
voir suffire au présent, puis, pendant de longues années,
aux besoins de l’avenir.
Seize ans se sont écoulés depuis lors. La science a
marché et le développement rapide de toutes les bran
ches des sciences médicales nous dit hautement que les
Ecoles qui se sont limitées aux anciens locaux, dont les
cadres sont les mômes que ceux qui existaient à l’épo
que de leur création, ne suffisent plus aux besoins de
l’enseignement, ne peuvent suivre dans leurs travaux
les méthodes nouvelles.
La ville de Marseille, riche par sa population, riche
par ses hôpitaux et tous les éléments d’enseignement
médical qu’elle possède, doit ne pas perdre de vue la
noble mission à laquelle elle est appelée.
Elle doit d’abord sauvegarder les intérêts sanitaires
des malades si nombreux qui affluent dans les hôpi
taux.
Capitale du Midi de la France, elle a le devoir d’uti
liser toutes les richesses qu’elle possède, pour élever
un personnel médical digne de la confiance des popu
lations de cette vaste contrée qui accepte sa suprématie
et lui confie l’éducation de ses enfants.
Porte de la France sur la Méditerranée et l'extrême
Orient, il lui incombe de soutenir au dehors l’honneur
de la science française et d’attirer dans ses murs les
jeunes étrangers qui demandent l'hospitalité à la France
pour former leur éducation médicale.
On s’est attardé peut-être trop longtemps dans une
funeste immobilité. Le moment est venu de repren
dre toute notre activité et de faire appel à l’énergie et
au dévouement de tous ceux qui s'intéressent à la gran
deur de la cité, à son avenir scientifique, à l'intérêt des
populations, à la sécurité des familles ! Que tous dans
l'étendue de leur pouvoir, de leur influeuce, de leur dé
vouement prennent à cœur notre enseignement médical
et nous aident à sa reconstitution complète. Parmi ces
hommes qui plus que tous les autres doivent contri-
�— 92 —
buer à notre relèvement, nous devons nous adresser
plus particulièrement au Conseil municipal, à l’admi
nistration des hôpitaux, sans oublier les obligations
qui incombent à tous les professeurs de l’Ecole de Mé
decine.
Quels sont donc les devoirs de chacun ?
Le Conseil municipal qui laissera des traces si hono
rables de son passage aux affaires, s'est déjà engagé
dans les résolutions que nous réclamons de lui. Il a re
connu l'insuffisance des locaux actuels de l'Ecole. lia
désigné le palais du Pharo comme le siège de l’ensei
gnement médical dans l’avenir. Les plans ont été dres
sés, es travaux adjugés, et tout nous fait espérer que
l’année ne s’écoulera pas, avant que l’Ecole ait pris
possession de son nouveau local.
C’est qu’en effet la place manque actuellement à tous
nos services ; mais il en est parmi eux qui plus que tous
les autres, démontrent hautement l'insuffisance de notre
installation.
Tels sont les amphithéâtres qui doivent réunir à une
même leçon plus de 120 auditeurs et qui n’ont que 70
places à leur offrir. Les laboratoires des travaux prati
ques, mal disposés pour la surveillance, dans lesquels
les étudiants ne peuvent trouver à se placer. — La bi
bliothèque dont les rayons sont surchargés et ne peu
vent plus recevoir de livres. Le musée dans lequel les
pièces les plus précieuses sont soustraites à l'étude,
recouvertes qu’elles sont les unes par les autres.
L’enseignement n’est pas la seule mission de l’Ecole;
la culture de la science impose également ses droits :
Marseille doit être soucieuse de la réputation des pro
fesseurs de son Ecole et pour cela elle doit Tournir à
chacun d’eux des moyens de travail. Le laboratoire au
jourd'hui est le compagnon obligé de toutes les parties
des sciences médicales. Or, les professeurs de l'Ecole
n’ont pas de laboratoire et l’avantage que présente le
Pharo est de pouvoir donner immédiatement satisfaction
aux desiderata de l’enseignement !
A son tour l’administration des hôpitaux qui, dans
des termes si touchants avait exposé ses besoins au Pré
sident de la République, ne doit pas ignorer que les
établissements hospitaliers de la grande ville ne sont
pas seulement destinés à soulager les misères du pau
vre, mais qu'ils doivent également servir à préparer
les jeunes savants qui, dans quelques années, devien
dront ses collaborateurs les plus autorisés et les plus
dévoués.
Pour obtenir ces derniers résultats, il faut apporter
de grandes modifications dans la disposition des hôpi
taux, rapprocher du centre de l’Ecole les enseigne
ments trop distants et aggrandir les dépendances de
l’enseignement.
Le jeune docteur, qu’il sorte d’une Ecole prépara
toire, de plein exercice ou d’une Faculté, devrait ne rien
ignorer des maladies qu'il va rencontrer dans sa car
rière. Les lacunes de l’enseignement ne doivent se ren
contrer que dans les villes qui, possédant une institu
tion d’enseignement médical, ont une population insuf
fisante pour satisfaire à tous les besoins de la science.
Marseille, quoique ne possédant pas de Faculté, doit,
avec sa population de 400 mille habitants, se mettre à
même d'enseigner toutes les branches des sciences mé
dicales. Son Ecole comme ses hôpitaux doivent ag
grandir leur aire scientifique et créer toutes les clini-
�qucs correspondant à toutes les variétés de maladies de
l'homme, à toutes les spécialités de la science.
Faut-il pour cela demander immédiatement la création
de nombreuses chaires nouvelles ? Nous ne le pensons
pas, leur création doit être progressive et, en atten
dant, nous devons appeler autour de nous tous ces
hommes dévoués qui ont une notoriété dans les spécia
lités dont ils voudraient bien développer l’enseigne
ment.
Notre jeune personnel peut suffire à cette tâche. Nos
suppléants, issus de concours, vivement estimés et ap
préciés dans une Faculté voisine, nos médecins, nos
chirurgiens, qui ont une même origine, sont une riche
pépinière où l’enseignement trouvera une assistance
éclairée et savante. L'appel que nous lui adresserons
sera favorablement écouté et, sous le nom de cours li
bre, l'Ecole, aidée de tous, satisfaira à tous les désirs,
à toutes les aspirations de ses élèves.
En dehors de ce personnel dévoué et savant, nous
n'aurions pas à . réclamer des hôpitaux une augmenta
tion considérable de dépenses, car la plupart de ces
cliniques accessoires, telles que celles des yeux, des
oreilles, du larynx, de la peau, des enfants, des affec
tions nerveuses et vénériennes, ne comportent l’hospi
talisation que dans des circonstances exceptionnelles.
Il nous faut enfin parler de nos devoirs à nous que la
confiance de l’administration supérieure a appelés à la
haute fonction de l’enseignement. Notre dévouement à
nos élèves doit être sans bornes et leur éducation doit
être la pensée de tous nos instants.
Là ne se borne pas notre mission ! Nous devons avoir
en vue les progrès de la science et pour cela nous de
mandons, ce qui ne nous a pas été donné jusqu’à ce
jour, des laboratoires qui nous permettent de profiter
des richesses de nos hôpitaux, de tous les éléments de
travail que nous offre notre grande ville, à l’aide de
tous les moyens de recherches que la science met à no
tre disposition.
Dans le budget de cette année, la Municipalité nous
a accordé une somme de 1,000 francs pour nos publica
tions. Nous ne tromperons pas les vœux de nos édiles,
et ferons honneur à leur généreuse initiative. Avant la
fin de l’année, nous verrons paraître le premier fasci
cule des Annales de VEcole de plein exercice de Mé
decine et de Pharmacie de Marseille !
Nous ne saurions passer sous silence la session que
l’Association Française pour l’avancement des sciences
a tenue à Marseille. Bien que cette réunion scientifique
n’appartienne pas en propre à l'Ecole, nous devons si
gnaler les nombreux mémoires qui ont été communi
qués à la section médicale, parmi lesquels ceux appar
tenant soit aux professeurs, soit aux médecins des hô
pitaux, ont été particulièrement remarqués.
Après avoir énuméré les devoirs de tous et vivement
encouragé par la connaissance des conditions maté
rielles qui sont aujourd’hui indispensables à l'enseigne
ment de la médecine, nous considérons avec confiance
l’avenir scientifique de notre belle cité : Nous faisons
appel pour réaliser nos espérances de succès à tous les
hommes qui aiment Marseille. Par eux, Marseille sera
un des plus beaux fleurons de la science française.
Nous commencions ordinairement notre rapport an
nuel en exprimant les vifs regrets que nous inspirent
�— 96 —
travaux, soit au Tonkin, soit en France. Qu’il soit le
bienvenu parmi nous.
L'Ecole a appelé M. Livon à succéder au professeur
Rampai au sein du Conseil général des Facultés. M. le
professeur Caillol de Poney a été élu membre du Con
seil académique.
M. le ministre a reconnu les services rendus par
MM. les professeurs Roux (de Brignoles) et Fallût en
les nommant officiers d’Académie.
Le nombre des élèves de l’Ecole s’est accru d’une
manière notable. Les inscriptions se sont élevées au
chiffre de 781, ainsi divisées :
Doctorat.................................................. 299
Officiât...................................................... 187
Pharmaciens de l ro classe...................... 54
«
de 2me classe..................... 241
781
En rappelant le nombre des inscriptions des quatre
dernières années, nous trouvons le rapport suivant :
1887-8S 1888-89 1889-90 1890-91
Doctorat..................... 193 218 258 299
Officiât.........................
141 123 187
Pharmaciens de l rc c.. 26
48
50
54
« de 2,no c. 240 276 245 241
597 683 676 781
Les inscriptions se sont accrues particulièrement par
les aspirants au doctorat. On remarque cependant cette
année un chiffre plus considérable d'officiers de santé,
ce qui tient probablement à l’imminence du projet de
loi sur l’exercice de la médecine.
co
co
les pertes cruelles qui chaque année s’opèrent au sein
de l’Ecole. Celui qui doit être aujourd'hui l’objet d’un
souvenir pieux nous pardonnerait certainement, s’il
pouvait nous entendre, d’avoir parlé d’abord des graves
intérêts de Marseille avant de rendre à sa mémoire
l’hommage qui lui est dû.
La vie de Rampai est un exemple pour ceux de nos
élèves dont l’origine est modeste, et qui savent compter
sur leur intelligence et leur travail. Fils d’un cultiva
teur dont la famille est encore attachée à la terre, notre
collègue a parcouru dignement, honorablement tous les
degrés de notre laborieuse carrière et n’a dû ses succès
qu’à la persévérance au travail et à son dévouement
dont sa mort a donné une preuve éclatante.
Nous ne dirons pas quelle fut son œuvre. Tous nos
élèves d’aujourd'hui et ceux qui sont actuellement nos
confrères se souviendront longtemps de ses savantes
leçons, et savent que c’est à son zèle et à sa volonté in
telligente que l’Ecole doit la perfection de son enseigne
ment anatomique.
Notre deuil est partagé par le Conseil général des
Facultés dont il fut un des membres les plus zélés, par
le Conseil d’Hygiène et l’Académie de Marseille qui
l’avait honoré en le portant à la présidence.
M. Boinet qui est venu occuper parmi nous la place
devenue vacante par la mort de notre regretté NicolasDuranty, dont je rappelle ici le nom avec une doulou
reuse satisfaction, comme un hommage amical et con
fraternel, n’était pas un inconnu pour nous. Il a fait ses
premières armes à Marseille, pour laquelle il avait con
servé un souvenir filial. 11 nous est revenu grandi par
son succès dans le concours de l’agrégation, par ses
�— 99 —
Los aspirants au doctorat se divisent par année dans
l'ordre suivant pour les quatre derniers exercices :
1887-88 1888-89 1889-90 1890-91
l re année............ 85
72 118 118
2rae »
63
82
52
89
3,ne »
29
47
65
40
411,0 »
16
17
23
52
Malgré l'attraction des examens qui nous enlève les
élèves vers la fin de leur scolarité, un plus grand nom
bre d'entre eux nous est resté lidèle. 11 suffirait pour
nous les attacher d’une manière plus positive de multi
plier les cliniques et d’augmenter le chiffre des in
ternes.
Nos divers examens ont eu lieu aux époques réglemen
taires et ont donné les résultats qui sont indiqués dans le
tableau suivant :
Elèves
inscriis Eiamioe's Ajournes j^dmis
E xamens
de fin d’A nnée .
I. Médecine (ofliciat),
S e ssio n de n o v e m b re 1890.
4
D
2
2
)
2
D
»
\*r examen........................
2* »
..................................
3° D . . ............................
Mentions Très bien.......... 2
»
Bien.................. 2
» Assez bien........ 7
»
Passable............ 1
» Médiocre.......... 13
II. Pharmaciens de l re classe.
17
4
9
15
4
9
3
D
»
12
1" examen_________. .
2” »
..................................
Sessio n d ’a v r il 1891. (Examen
semestriel. Elèves de 3e année).
1
1
1
1
»
))
1
1
3
3
»
3
6
6
2
»
4
5
1er examen........ ............
2* » ..................................
Mentions Passable .......... 3
»
Médiocre.......... G
18
3
13
3
7
>
6
3
\,r examen........................
2* » .................... ..........
Mentions Assez bien........ 5o
»
Passable...........
»
Médiocre.......... 17
34
17
30
17
20
3
10
14
Total des examens de lin d’année.
124
111
3G
75
l,r fivampn____________
» ..................................
3e »
................................
Menlions Médiocre.......... 3
2°
S e ssio n d ’a o û t 1891.
S essio n de n o v e m b re 1890.
S e s s io n d ’a o û t.
t,r exa men
...
9* >»
Mentions Tiès bien.......... 2
» Bien.................. G
» Assez bien........ 5
III. Pharmaciens de 2mo classe.
S essio n de n o v e m b re 1890.
S e s s io n d 'a o û t.
5
5
1
j
2
4
9
�—
100
—
Elèves
inscrits Examinés Ajournés
E xamens
de fin d’E tudes
I. Doctorat.
icr examen.
2« » (lr* partie).............
2 * » (2'”'' partie).............
Mentions Bien............• • • 1
»
Assez bien ............ 6
» Médiocre.......... >1
11. OUiciat de santé.
1"
Admis
2 »
3e
» ..........................
Mentions Assez bien........ 5
d
Médiocre.......... 6
”
29
8
7
29
8
7
9
5
0
20
3
5
li
2
examen,
47
6
3' » ............................
7
Mentions Bien.................. 2
d
Assez bien........ 9
» Médiocre.......... 4
III. Sages-Femmes de 2“* classe.
7
S e ssio n d ’a v r i l ...............
3
» d ’a o û t .................
IV. Pharmaciens de 2“" classe.
7c:
0
2
03
D
4Q
2 !
17
6
7
13
2
»
4
4
7
7
3
2
ï
5
2
1" examen...............................
2* » ...............................
3* »
Mentions Bien.................. 1
»
Assez bien........ 9
b
Médiocre.......... lu
14
7
48
44
7
48
40
2
î
4
5
47
l*r examen...............................
2* » ...............................
3* o ...............................
Mentions Très bien.......... 1
» Bien.................. 3
»
Assez bien........ 3
»
Passable........... 2
»
Médiocre.......... 45
V. Herboristes de 21"" classe.
31
40
9
31
9
9
20
3
2
14
6
7
0
2
3
191
»
»
77
2
3
444
S essio n d 'a o û t 1891.
S e ssio n de n o vem b re 1890.
b
d ’a o û t 1891 .............
Total des examens de lin d’études
Aspirants au diplôme dejpharmaciens de 4" classe................ 3
» » 2“' classe............
Mentions Bien................... o 14
»
Assez bien........ 7
»
Médiocre.......... 2
S e s s io n d ’a o û t 1891.
S essio n d ’a o û t.
S essio n de novem bre 1890.
validation de S tage
S e s s io n clc n o v e m b re 1890.
S essio n d 'a v ril.
examen,
E xamens de
3
493
Aspirants au diplôme de pharma
ciens de 1 ro classe..............
9
» » 2 ““’ classe................ 13
Mentions Bien.................. 1
»
Assez bien........ 5
» Passable............ 8
»
Médiocre........... 8
Total des examens de validation
de stage............................... 39
Examen préparatoire exigé des
aspirants et aspirantes aux diplô
mes d herboriste et de sage-femme
de l'« classe..................
S e s s io n d 'a v r il 1891 . . .
» d 'a o û t » ... .
�—
102
Travaux de MM. les Professeurs pendant l'année
scolaire 1890-1891.
M. le directeur-professeur C happlain . — Rapport
sur le traitement de la tuberculose. — Rapport sur la
couveuse de Lion. — Le Département, la Ville de Mar
seille et le Rureau de Bienfaisance (Congrès de TAsso
ciation Française pour l’avancement des sciences. —
Septembre 1891). — M. le prof. V illard : 15 leçons
cliniques sur l'alcoolisme, un volume de 300 pages. —
M. le prof. C aillol de P oncy : Appareil pour la véri
fication des lois du pendule (Congrès de l’Association
Française, 1891). — Rapports de médecine légale.—
Affaire de Brignoles : Empoisonnement par l'acide
arsénieux. — Affaire Cournou : Examen et autopsie
de la perruche. — M. le prof. L aget : Contribution au
diagnostic du Tabes dorsal ataxique (Congrès de VAs
sociation Française, 1891). — M. le prof. L ivon : Re
cherches sur l’action des nerfs récurrents sur la glotte
(Marseille médical, 1891).—Innervation du muscle crico-thyroïdien (Archives de Physiologie, janvier 1891),
Marseille Médical, 1891). — Démographie de la ville
de Marseille ; Sociétés savantes de la ville de Marseille
(Congrès de VAssociation Française pour l’avance
ment des sciences, septembre 1891). — Articles, Re
vues dans le Marseille Médical. — Premier volume
des travaux du laboratoire de physiologie de l’Ecole de
Médecine et de Pharmacie de Marseille. — M. le prof.
II eckel : Sur le Dadi-gogo ou Balancounfa (Ceratanthera Beaumetzi IIeckel) plante distopique et dimorphle de la côte occidentale d’Afrique usitée comme tœnifuge (Monographie botanique, chimique et thérapeu
tique insérée dans les Annales de la Faculté des
Sciences de Marseille, t. 1, avec 3 planches dont 1
chromolitho. — Sur le Bunya-Bunya (Araucaria
Bidu’illi Heck.). Son utilité comme arbre producteur
de gomme arabique, son acclimatation en Algérie et
dans nos colonies françaises (Revue des Sc. nat. appli
quées, n° 16, 90 août 1891). — Sur le mimétisme du
Thomisus onustus'WtAk. (Bulletin Scientifique, 1891,
t. xxm). — Sur la maladie du Frien due à un crypto
game parasite (Helminthoporium donacinum) de la
canne de Provence et dont sont, victimes les ouvriers
qui travaillent cette graminée à Sainie-Maxime du Var
(Congrèspour Tavancement des sciences à Marseille,
1891). — Etude sur Gérard de Cotignac, botaniste
provençal du siècle dernier (Congrès pour l’avance
ment des sciences à Marseille, 1891) — En collabora
tion avec M. le prof. S
: Sur la racine
du Cissampelos Chatini Heckel et sur son alcaloïde au
point de vue botanique, chimique et physiologique (Con
grès pour l’avancement des sciences à Marseille,
1891). — En collaboration avec M. le prof. Boinet :
Recherches sur la composition chimique et l'action phy
siologique du latex des Euphorbes indigènes et exoti
ques (Congrès pour Tavancement des sciences à Mar
seille, 1891). — M. le prof. Et. J ourdan : L’épithelium
à cellules fibrillaires des annélides (C. R. A. Sc.).—
Note préliminaire sur les animaux receuillis par le
yacht » l’Hirondelle ».—L’innervation de la trompe des
Glycères (C. R. A. Sc.). — L'Endothélium à cils vibratiles des Géphyriens inermes. — Les corps jaunes des
Invertébrés. — Le sens du goût chez les animaux à vie
aquatique/Congrès de l’Association Française pour
c h la g d en h a u ffen
�104 —
l'avancement des sciences). — Corpuscules sensitifs
et glandes cutanées des Géphyrienâ inermes (Annales
des Sciences naturelles, Zoologie), Paris, décembre
1891. — M. le prof. V illeneuve : Cliniques chirurgi
cales de PHôtel-Dieu (en collaboration avec M. Z. VIÉtaxas). — Note sur un cas de bilharzia hematobia QV/tfrseille Médical, Gazette Hebdomadaire et Congrès
pour Vavancement des sciences0). — De PEpididymoVesiculectomie dans la tuberculose testiculaire (Con
grès de l'Association Française). — Réflexions sur
soixante cas de laparotomie pour causes diverses (Con
grès de l’Association Française). — M. le prof.
R ietsch : De la vinification à l'aide de cultures pures
de levures (Almanach Agricole du Sud-Est. janvier
1891), (en collaboration avec M. M artinand). — Des
Micro-organismes que l'on rencontre sur les raisins
murs, etc. (Ac. Sciences), (collaboration avec M. M artinaxd), janvier 1891.— Rapport sur la tuberculo se
de Koch (collaboration avec M. le docteur Q ueirel ).—
Sur la conservation du lait et des matières alimentaires
[Bulletin du Syndicat des Pharmaciens des Bouchesdu-Rhône, juillet 1891). — M. le prof F allot : De la
réorganisation de la médecine légale [Marseille Mé
dical , 1891 — Un cas d’application de la zoolo
gie à la médecine légale ( Congrès de UAssociation
Française pour l’avancement des sciences, 1891).
— Amnésie rétrograde consécntive à l’intoxication par
l'oydc de carbone (Annales d ’Hygiène et de Médecine
légale, 1891). — Note sur un cas d'hémiplégie hystéri
que avec contracture et atrophie musculaire [Marseille
Médical).— Anthropologie du département des Rouches-du■ Rhône [in Marseille, Congrès de VAssociation
105 —
Scientifique Française). — M. le prof. Roux (de Brignoles) père : De l’action antiseptique des dérivés de la
série aromatique dans les maladies infectieuses [Con
grès pour Uavancement des sciences, Marseille, 1891).
— Compte-rendu des travaux du Conseil d'hygiène,
1890. — M. le prof. N epveu : Corps à fuchsine (An
nales de Médecine de Marseille, 1891). — Recherches
sur le Cancer [Congrès de VAssociation pour Uavan
cement des sciences, 1891). — Recherches sur le palu
disme [Société de Biologie, 1891). — Micro-organis
mes du paludisme [Congrès de VAssociation Fran
çaise, 1891). — Organismes flagellés dans les cellules
blanches (Société de Biologie, 1891). — Recherches sur
la diphtérie (Société de Biologie, 1891). — Injections
sous-cutanées dans les ganglions et les amygdales dans
la diphtérie (Bulletin Médical, 1891). — M. le prof.
B oinet : Leçons de clinique médicale (Gaz. hebd. de
Montpellier). — Tremblement, chorée rhythmée, syn
drome de Parkinson, de nature hystérique (Progrès
Médical, 1891. — Etude expérimentale du poison des
flèches du Tonkin (Archives de Physiologie). — Para
lysie faciale hystérique (Société des Hôpitaux de Pa
ris). — Congrès de Marseille : Des ptomaïnes urinaires
dans le goitre exophtalmique. — Quelques phénomè
nes peu connus dans la maladie de Graves.— Rôle des
microbes dans la trombose marastique et la phlegmatia
alba dolens. — De l’abcès du foie au Tonkin. — Atté
nuation de la tuberculose par le Kristalviolet. — Atté
nuation des microbes pathogènes par la levure de bière.
— Kyste hydatique du foie. — Hémorrhagie de la
moelle. — De la fièvre rémittente bilieuse au Tonkin.
— Cirrhose post typhoïdique.— Uniformité d'action
�—
106
des sucs des euphorbiacées. — La lèpre, l'ulcère phagédénique au Tonkin. — Carcinome de l’ovaire et
phlegmatia alba dolens.— Troubles moteurs dans l’impaludisme. — M. le prof. D omergue : Analyse du thé
(Congrès de Marseille, 1891). — Compte-rendu des
séances du Conseil d’hygiène des Bouches-du-Rhône,
année 1890 (avec M. Roux (de Brignoles) père).— M. le
prof. M agon : Recherches expérimentales sur les fonc
tions du corps thyroïde (C.-R. de la Société de Biolo
gie, mai et juillet 1891). — Pour paraître prochaine
ment : De la fonction' absorbante de la muqueuse de la
vessie. — M. le prof, suppléant G ourret ; Statistique
sur la pèche des poissons taxés, des thons, des sardi
nes et des langoustes pendans les années 1889 et 1890.
— La consommation et le commerce des poissons et
des coquillages «à Marseille.— Pâture de quelques pois
sons comestibles. — Maturité sexuelle de quelques
poissons comestibles. — La pèche des Issangues.— La
pêche des Mugelières. — La pêche du Brégin. — Les
Lémodipodes et les Isopodes du golfe de Marseille (t. iv
des Annales du Musée de Mareillv). — M. le prof.
A rnaud : Note sur le traitement de la Phtisie pulmo
naire (.Marseille Médical, 1891). — Ostéomyélite à staphvlocoques (Association Française pour Vavance
ment des sciences, Congrès de Marseille 1891). —
Fréquence des abcès du foie à Marseille.— Diagnostic
de l’hépatite suppurée aiguë de nos climats, à abcès
maltiples (Association Française, Congrès de Mar
seille, 1891). — Analyses de pathologie médicale dans
la Revue internationale de Bibliographie. — En col
laboration avec le docteur A lezais : Recherches ex
périmentales sur les capsules surrénales (Marseille Mé
dical, 1891). — Sur les caractères du sang afférent, des
capsules surrénales (Marseille Médical, 1891). — Sur
la répartition des éléments nerveux dans les capsules
surrénales (Association Française pour Uavancement
des sciences, Congrès de Marseille 1891). — Etude sur
la tuberculose ‘des capsules surrénales et ses rapports
avec la maladie d’Addison (Revue de Médecine, Paris,
1891).— En collaboration avec M.le docteur d’A stros :
Recherches des microbes dans les abcès du foie. Im
portance pour le diagnostic et le traitement (Associa
tion Fraçaise pour l'avancement des sciences, Con
grès de Marseille, 1891). — M. le prof. B erg : Sur les
Amylamines (C. R. A. Sc.). — Sur les Butylamines
(C. R. A. Sc.).— Sur les acides isobutylamido-acétiques
(Association Française pour l’avancement des scien
ces, Marseille, 1891). — M. le prof. Roux (de Brigno
les) fils : Statistique chirurgicale des services de clini
que. — M. le prof. L aplane : Des hémiplégies palus
tres (Association Française pour l’avancement des
sciences, Congrès de Marseille, 1891).
�RAPPORT DE M. AIJDINET
AGRÉGÉ
Sur les Concours de la Faculté cle Droit d'Aix
(L890-L891).
M onsieur
le
R ecteur ,
M essieurs ,
Notre première impression, dans cette réunion de la
Faculté est celle du deuil et de la tristesse. La mort de
M. le doyen Jourdan a creusé dans nos rangs un vide
qui ne peut se combler : nos élèves ne m’en voudront
pas si, avant de parler d’eux, je donne d’abord un sou
venir au maître éminent qui leur était tout dévoué.
Je n'entreprendrai cependant pas de rappeler les ti
tres qui avaient valu à M. Alfred Jourdan une des pre
mières places parmi les jurisconsultes et les économistes
contemporains, ni de retracer sa carrière si belle et si
pleine : on l’a déjà fait avec une autorité qui me man
que; je voudrais plutôt recueillir les enseignements que
son exemple nous laisse à tous, aux maîtres comme aux
élèves.
Sa vie entière a été consacrée à la science, à sa fa-
— 109
mille, à ses amis. Depuis l’époque où il s’asseyait sur
les bancs des universités françaises et allemandes, le
travail a rempli ses journées et trop souvent ses nuits.
Nous l’avons vu, déjà frappé à mort, continuer cette
lutte, dont il devait être la victime, et ne poser la plume
qu’au jour où son agonie était déjà commencée. Aussi
quels trésors il avait amassés ! Ses ouvrages, honorés
des plus hautes distinctions, et qui, à la solidité du
fonds, unissent la pureté, je dirais presque la grâce de
la forme , n’ont révélé qu’une partie de son savoir.
Gomme le droit et l’économie politique, l'histoire et la
littérature lui étaient familières ; il leur empruntait
souvent ces traits piquants, ces aperçus neufs et origi
naux qui donnaient tant d'attrait à sa conversation.
Mais ce serait mal connaître M. Jourdan de ne voir
en lui que le savant. Les qualités du cœur égalaient
chez lui celles de l’esprit. Quel époux, quel père il a été,
il ne m’appartient pas de le dire : je craindrais de ré
veiller des douleurs encore trop vives. Tous ceux qui
l’ont approché ont pu apprécier le charme de ses rela
tions, sa line et spirituelle bonhomie, sa bienveillance
et sa bonté. La Faculté dont il était l’honneur était aussi
pour lui, comme il aimait à le dire, une famille agran
die. Dans sa cruelle maladie de plus de six mois, avec
le souvenir de sa femme, qu’il aspirait à rejoindre, avec
ses enfants, dont les tendres soins ont retardé le dé
nouement fatal, sans pouvoir hélas ! le conjurer, ses
collègues et ses élèves occupaient continuellement sa
pensée.
Lorsque les vacances nous ont séparés, nous aurions
voulu espérer encore; mais l’illusion n’était plus guère
permise et bientôt nous apprenions le malheur qui nous
�— 110 —
a tous frappés. Nous étions alors pour la plupart éloi
gnés et dispersés; et si nous nous sommes associés aux
paroles émues cpii ont si bien exprimé nos sentiments,
ç'a été pour nous un nouveau regret de n’en pas appor
ter nous-mêmes le témoignage. Niais .notre cher doyen
n'est pas mort pour nous tout entier. 11 revit dans ses
enfants, qui perpétuent parmi nous ses traditions de
science et d’honneur ; il revit dans nos souvenirs et dans
nos cœurs. Sa vie consacrée à l'accomplissement du de
voir, sa fin chrétienne nous donnent une double et salu
taire leçon : nous saurons ne pas l'oublier.
M onsieur
le
D oyen ,
Votre enseignement et vos savants travaux vous
avaient assigné une des premières places dans notre
Faculté. Le suffrage de vos collègues et le choix de
M. le ministre de l'instruction publique vous ont placé
à notre tète. Vous aurez à cœur, nous le savons, de
suivre les traces de votre devancier. Vous pouvez comp
ter sur la même déférence que nous lui avons toujours
témoignée, et sur le plus absolu concours dans l’œuvre
que nous poursuivons sous votre direction.
Parmi les concours ouverts dans la Faculté, le plus
élevé et le plus important est resté infructueux. « Libre
« échange et protection. — Traités de commerce. » —
Telle était la matière proposée aux réflexions de nos
jeunes économistes. Un pareil sujet, si bien en harmo
nie avec les préoccupations du moment, aurait du tenter
quelques uns de nos élèves ; nous aurions aimé à re
trouver dans leurs mémoires un écho des enseignements
du maître que nous pleurons. Trop exclusivement oc
cupés de leurs examens, ont-ils craint d’aborder une
question qui sortait du cadre ordinaire et ne leur pa
raissait pas offrir une utilité immédiate ? Quelle qu’en
soit la cause, aucun n’a répondu à notre appel : absten
tion mille fois regrettable et qui, sauf d’honorables
exceptions, tend à devenir la règle générale. Plus cou
rageux et plus persévérant, notre lauréat de l’an der
nier a continué la série de ses succès; un travail sur la
condition des ouvriers à Rome a valu à M. Typaldo
Bassia un des prix que décerne l'Académie de législa
tion de Toulouse : nous sommes heureux de l'en féli
citer.
Pour cette année, la Faculté demande une étude sur
les droits du conjoint survivant. Sans leur faire négli
ger l’examen de la législation antérieure, l’explication
de la loi du 9 mars 1891, qui a si heureusement comblé
une lacune inexplicable dans le Code Civil, appellera
principalement l’attention et exercera la sagacité des
concurrents. Nous les convions, en quelque sorte, à un
voyage de découverte. Bien que d'intéressantes publi
cations leur aient déjà ouvert la voie, ils ne pourront se
contenter ici de rassembler et d’élaborer des matériaux,
dont la richesse même est parfois un embarras ; il leur
faudra marcher sur un terrain encore peu exploré : dé
terminer le sens de la loi nouvelle, prévoir et résoudre
les questions qu’elle soulève, en un mot, faire œuvre
personnelle d’interprète et de jurisconsulte. Si difficile
que soit cette tâche, plusieurs parmi nos licenciés sont
préparés à la remplir : leurs succès passés en font foi.
Nous espérons qu’une excessive défiance de leurs forces
ne les fera pas reculer.
�— 112 —
Nous ne saurions chercher un semblable mérite dans
les compositions que nos étudiants des trois années
doivent improviser en six heures. Nous leur demandons
cependant plus qu'un simple exercice de mémoire. Re
produire fidèlement renseignement des maîtres, c’est
quelque chose, assurément, mais ce n’est pas assez.
Dans ces premiers essais, nous désirons déjà trouver
une note plus personnelle. Pour savoir, il ne faut pas
seulement se rappeler ; il faut encore s’ètre assimilé les
connaissances, les avoir faites siennes, de façon à ce
qu’elles aient pris comme la marque et le goût propres
de l’intelligence où elles ont mûri : C’est alors que l'es
prit, complètement maître de son sujet l’aperçoit tout
entier et dans ses détails et. sait, pour l’exposer, trouver
cet ordre lumineux qui fait ressortir dans tout leur jour
et l’ensemble et ses diverses parties. Or nos lauréats
font tous preuve de travail et de mémoire, ils montrent
généralement une connaissance suffisante de la ques
tion qu'ils doivent traiter ; quelques compositions attes
tent un véritable savoir : il en est bien peu où se ren
contrent l'ordre, la méthode, l'art de l’exposition. Le
rapporteur de l’an dernier a lait, à cet égard, de trop
justes critiques pour qu’il soit utile d’y insister encore.
L’état des choses est resté le même : les concurrents ne
savent pas composer, parce qu’ils ne se donnent pas la
peine d’apprendre à le faire.
Le règlement de nos concours a subi, cette année,
une modification. Jusqu’à présent, le droit romain en
était la matière obligatoire en seconde année et le Code
Civil en première année. Mais le droit romain n’étàpt
plus, en seconde année, qu’un cours semestriel, la Fa
culté a fait une transposition. C'est le Code Civil qui, en
— 113 —
deuxième année, est nécessairement le sujet de l’un des
concours et le droit romain en première année.
Les étudiants de première année ont donc dû traiter
en droit romain « De Vincapacité du fou et du prodi« gue et des moyens de protection pris en leur fa« veur. » La vérité nous oblige à dire que, sur les dix
copies qui nous ont été remises, aucune ne nous a com.
plètement satisfaits. Faut-il croire que les jeunes gens,
aujourd’hui moins familiers avec la langue latine, sont
moins préparés à aborder le Digeste et les ïnstitutes ?
Sont-ils disposés à traiter plus légèrement le droit ro
main depuis qu’ils ont vu réduire le temps qui lui est
consacré ? Ce serait là une tendance bien fâcheuse. Sans
vouloir contester l’utilité ni diminuer l’importance des
branches nouvelles ajoutées à notre enseignement, le
droit romain en doit rester un des fondements. Son
étude, qui éclaire d’un jour si vif la plupart de nos lé
gislations modernes, est encore comme une gymnasti
que, indispensable pour former l’esprit d’un juriscon
sulte. Toutefois, la Faculté n'a pas cru devoir se mon
trer sévère et une grande indulgence lui a permis de
couronner quatre compositions.
La première est celle de M. Garnier. Il nous donne
sur la question des détails nombreux et généralement
exacts, mais sans paraître aucunement se soucier de
les mettre en ordre. Il les énonce au fur et à mesure que
sa mémoire les lui fournit. Quoique développée, sa com
position présente des lacunes importantes: ainsi il ne
dit pas qui doit être choisi comme curateur ; ce qui est
plus grave, elle contient des erreurs : par exemple, elle
confond la testamenti factio passive, c’est-à-dire la ca-
�—
114
—
pacité d’être institué héritier, avec la capacité néces
saire pour faire adition d’hérédité. Tous ces motifs n'ont
pas permis de donner à M. Garnier la plus haute ré
compense : la Faculté lui décerne un second prix.
M. Pondicq obtient la première mention, pour une
composition où se rencontrent de bons passages, mais
qui, sans avoir plus d'ordre que la précédente, est aussi
moins complète et beaucoup moins exacte. M. Pondicq
a établi, entre la tutelle des impubères et la curatelle
des fous et des prodigues un parallèle qui n’était pas
dépourvu d’intérêt, mais qui l’a entraîné à des confu
sions. Non seulement il applique à la curatelle, la défi
nition de la tutelle, mais il parle d'un curateur testa
mentaire, il nous dit que le fou peut faire sa condition
meilleure et non pire ; il est même question d'un con
seil de famille, dont l'apparition en droit romain est sin
gulièrement prématurée.
Enfin, M. Comte et M. Takefî ont chacun une se
conde mention ex œquo. Leurs travaux attestent encore
une certaine connaissance du sujet, mais sont très in
complets. M. Comte a commis des confusions fâcheuses
entre la tutelle et la curatelle, le droit romain et le droit
français; M. Takeff s’est mieux gardé des erreurs,
mais n'a guère indiqué que les grandes lignes de la
question.
En droit Constitutionnel, les concurrents ont eu à
étudier « les rapports entre les Chambres cl le Gou« reniement cl le régime parlementaire ». Nous allons
retrouver ici à peu près les mêmes noms, mais avec des
travaux généralement meilleurs pour le fond, sinon
pour la forme. M. Garnier reste à la première place et
nous offre toujours les mêmes qualités et les mêmes
115
—
défauts. Heureusement, les qualités l’emportent ici lar
gement sur les défauts et permettent de lui accorder un
premier prix. 11 possède bien son sujet, le développe
largement, avec une grande abondance de détails pré
cis, intéressants et exacts. Tout au plus pourrait-on
relever une erreur : il n’est pas vrai que dans la Cons
titution de 1791 et dans celle de l'an m le pouvoir exé
cutif eût le droit de sanctionner les lois. Ce n’est là
qu’une légère tache. Ce qui dépare sérieusement ce
travail, excellent par certains côtés, c’est l’absence
complète de méthode et de plan. Suivant la question,
telle qu’elle était posée, il fallait étudier, d’une manière
générale, le régime parlementaire et spécialement l’ap
plication que la Constitution de 1875 en a faite. M. Gar
nier se jette aussitôt in médias res, ce qui peut être
excellent dans un poème épique, mais ne l’est certaine
ment pas dans une composition de droit. Sans aucun
préambule, sans nous donner aucun fil conducteur, il
énumère les différents rapports qui s’établissent entre
les Chambres et le Gouvernement, si bien que nous
arrivons aux deux tiers de son travail, sans savoir que
nous vivons sous le régime parlementaire ; alors seule
ment, et comme par incidence, il aborde la partie géné
rale de la question. Nous trouvons bien là tous les élé
ments d’une bonne composition, mais la composition
n’est pas faite.
M. Pondicq se place au second rang, mais à une
grande distance. Il connaît son sujet et l’expose claire
ment, quoique sans ordre ; mais il est beaucoup moins
complet que son heureux rival ; sur le régime parle
mentaire en général, il est par trop bref, ou plutôt il
ne dit presque rien. Il tombe aussi dans quelques cr-
�reurs, relativement à la responsabilité du Président de
la République, et au droit qu'il lui attribue, à tort, de
prendre la parole dans les Chambres : aussi la Faculté
ne peut-elle accorder à M. Pondicq qu'une première
mention.
Deux compositions fort dissemblables valent à M.
Miane et à M. TakelT une seconde mention ex æquo.
M. Miane entre dans d'assez grands développements ;
il a fait de louables efforts pour les disposer dans un
ordre méthodique et pousse même, à cet égard, la pré
caution jusqu'à annexer à sa copie une sorte de tableau
synoptique, pour indiquer le plan qu’il a suivi ; mais sa
science n'est point aussi étendue ni aussi sûre que celle
de ses concurrents ; en outre, il oublie un peu trop
qu’une composition de droit, même constitutionnel,
n’est pas une dissertation politique et que l’appréciation
des hommes du jour ou de la veille n’y doit pas trouver
place. M. TakelT est exact, mais beaucoup trop sobre
de détails : en cela, ses deux compositions se ressem
blent. M.TakelT est étranger; il écrit notre langue avec
difficulté et l'expression semble manquer à sa pensée;
s'il n'avait ainsi lutté avec des armes fort inégales, il
aurait pu, sans doute, aspirer à de plus hautes récom
penses.
« Du paiement avec subrogation ; » telle était la
question de Code Civil proposée aux étudiants de se
conde année : sujet bien limité et strictement juridique,
qui ne permettait guère les digressions oiseuses. Plu
sieurs des concurrents l'ont bien traité et nous sommes
heureux d’épuiser en leur faveur la liste des distinctions
dont nous pouvons disposer. Deux compositions s'im
posaient à notre attention. L’une, celle de M. Pascalis,
117 —
a un mérite trop rare pour n’être pas signalé : de l'or
dre et de la méthode. Le plan, sans être de tous points
parfait, est assez clair et Fauteur a su le tracer dès l’a
bord et le suivre ensuite fidèlement ; il sait où il va et
le lecteur l'accompagne sans efforts.
M. Fourcade ne présente pas les mêmes qualités. Il
se laisse conduire par son sujet, plus qu'il ne le con
duit ; il avoue lui-même, un peu naïvement, que cer
taines questions, qu’il aborde vers la fin, eussent été
mieux placées au début ; mais il l'emporte de beaucoup
par la hardiesse et la sûreté des détails. On pourrait
peut-être relever une omission relative au conflit entre
les droits de la caution et ceux du tiers détenteur d'un
immeuble hypothéqué , l’un et l’autre subrogés au
créancier ; mais, à cela près, M. Fourcade traite toutes
les questions, discute clairement et résout les diverses
controverses d’une matière où elles ne manquent pas.
M. Pascalis n’est pas aussi complet ; ainsi il n'expose
pas toutes les opinions sur le caractère juridique de la
subrogation ; de plus, le temps, dit-il lui-même, lui a
manqué pour traiter certains points que certainement il
n'ignorait pas, comme les elfets de la subrogation, dans
les rapports des débiteurs solidaires et des cautions
entre eux. La faculté décerne donc à M. Fourcade le
premier prix et à M. Pascalis le second prix, l'un et
l’autre bien mérités.
M. Lougne obtient une première mention. Pour le fond,
sa composition est bonne et se rapproche de la précé
dente; pour l'ordre et l'agencement elle lui est nota
blement inférieure. M. Lougne passe trop rapidement
sur la nature et les effets de la subrogation. Il aurait
pu, avec avantage, leur consacrer une partie de la place
�—
118
—
qu'occupe, au début de sa dissertation, un long hors
d'œuvre sur les modes d'extinction des obligations et
le paiement en général.
La deuxième mention est attribuée à M. Rose et la
troisième à M. Combe. Le travail de M. Rose atteste
une connaissance suffisante du sujet. Cependant, il n’est
pas exempt d'erreurs et offre des lacunes importantes :
ainsi, il ne s'explique pas sur la nature juridique de la
subrogation. M. Combe fait de louables efforts pour
généraliser. Il tente de remonter aux raisons des choses
et d’éclairer, par leur rapprochement, les institutions
juridiques. Il aurait pu avoir mieux si, à scs réflexions
personnelles, il avait joint un peu plus de souvenirs. Il
se serait alors épargné la discussion de questions oi
seuses, comme celle de savoir s’il peut y avoir subroga
tion par changement de débiteur ou d'objet ; il n’aurait
pas pris la peine de démontrer que la subrogation con
sentie par le créancier ou le débiteur est bien conven
tionnelle; il aurait porté son attention sur plus d'un
point qui lui a échappé et aurait évité plus d’une erreur.
Le sort avait désigné le droit Romain pour matière
du second concours et , parmi les sujets mis dans
l’urne, l’étude « des différentes sortes d'héritiers ; »
question classique s’il en lut, et dont le cadre était
d’avance tout tracé. M. Rose remporte le premier prix.
11 est clair, complet et exact dans ses développements.
On peut lui reprocher d'avoir soudé à sa composition
une sorte d’aperçu général sur les succesions ah intes
tat, trop court pour être intéressant et qui tel qu’il est,
n’est qu’un véritable hors-d’œuvre.
Le second prix appartient à M. Pascalis. Nous re
trouvons en lui les qualités que nous connaissons déjà :
le même soin de l’ordre et de la disposition, la même
préoccupation de rattacher les détails à des idées gé
nérales ; mais le plan qu’il a choisi pèche par la dispro
portion des parties ; sur bien des points il est resté
incomplet ; enfin, sans tomber précisément dans l’er
reur, il touche, par endroits, à l’inexactitude.
M. Fourcade n’obtient ici que la première mention.
Avec de bons développements, plus complets à certains
égards que ceux de M. Pascalis, nous avons malheu
reusement à signaler chez lui une erreur grave. Il con
fond le ju s séparationis, donné par le préteur aux
héritiers nécessaires, avec le bénéfice de séparation
des patrimoines qui appartient aux créanciers de l’hé
rédité.
M. Bagarrv a mérité la troisième mention par une
composition qui dénote un travail sérieux, mais un
savoir moins étendu que les précédents. 11 ne compense
pas cette insuffisance par des digressions fréquentes
_ sur les matières voisines de celles qu’il avait à traiter.
La troisième année avait pour sujet de Code Civil :« de
« la vente de la chose d’autrui. Comparer avec l'hy« potheque de la chose d’autrui. » Il s’agissait d'étu
dier la vente de la chose d’autrui, puis de compléter et
d’éclairer cette étude par un rapprochement avec l’hy
pothèque et non pas, comme quelques-uns l'ont com
pris, de faire entre l’une et l’autre une incessante
comparaison. Le premier prix appartient à M. JeanBaptiste Ripert. Il le mérite surtout par la façon dont
il a su ordonner et conduire sa composition : elle a un
commencement, un milieu et une fin. ce qui est moins
banal qu’on ne pourrait le croire ; la pensée et le stylo
en sont également fermes. Ce n’est pas cependant que
�—
120
la critique soit impossible. En exposant, avec une
grande richesse de détails, la controverse sur le ca
ractère que présente la nullité de la chose d’autrui,
M. Ripert n’a pas serré d’assez près la discussion ; il
rejette d’une façon trop sommaire le système qui consi
dère cette nullité comme absolue et ne s’attache pas
assez à rechercher si le vendeur peut, sous certains
égards, s’en prévaloir ; il ne dit rien, ou à peu près,
de l’obligation de garantie qui pèse sur lui ; il est très
bref et pas toujours très exact sur l’hypothèque de la
chose d'autrui, et parmi les cas où cette hypothèque
serait, par exception, valable il oublie de signaler le
plus remarquable, qui se rencontre dans la clause d’a
meublissement.
La composition de M. Stéphane Rousset, qui obtient
le second prix, échappe à quelques-unes de ces criti
ques. La discussion capitale, sur la nature de la nul
lité est, peut-être, mieux présentée. Mais M. Rousset
a rendu son travail obscur en procédant tout le temps
par voie de parallèle entre la vente et l’hypothèque :
parallèle où l’hypothèque a été à peu près sacrifiée.
Une première mention est attribuée à M. Merlin,
pour une composition exacte et claire, assez complète
en ce qui concerne la vente, mais où le rapprochement
avec l'hypothèque est à peine indiqué, et une deuxième
mention à M. Rosenberg, (pii connaît suffisamment le
sujet, mais dont la composition est confuse et contient
même une erreur relativement à la convention par la
quelle le débiteur s'engagerait à procurer une hypothè
que sur l'immeuble d’autrui : convention qui ne serait
nullement le contrat d’hypothèque.
Le concours de droit international privé portait sur
121
—
une des plus vieilles et des plus célèbres questions
qu’ait soulevées le conflit des lois : « Du régime matri
monial des époux qui n’ont pas fait de contrat ; » et,
pour résoudre cette famosissima f/uæstio, il faut tou
jours recourir aux principes posés, il y a plus de trois
siècles, par Dumoulin.
Ici encore M. Ripert garde le premier rang. Sa com
position présente, et même à un plus haut degré, les
qualités que nous avons déjà signalées. La question est
posée avec une clarté remarquable, la discussion bien
conduite et les solutions (que je n’accepterais cependant
pas sans réserves) sont logiquement déduites. M. Ripert
possède les principes généraux du droit international ;
il en comprend le jeu et la combinaison. Néanmoins il
n’a pas atteint à la perfection. Sans parler de quelques
erreurs, légères du reste, il n’a envisagé qu'un aspect
de la question. Il a parlé de la formation des conventions
matrimoniales et du conflit qui s’élève entre la loi na
tionale des époux, celle du domicile matrimonial et celle
du pays où le mariage a été célébré ; il n’a rien dit de
l'application des conventions matrimoniales, expresses
ou tacites et du conflit entre la loi qui les régit et la loi
de la situation des immeubles. C’est une lacune grave,
qui n’a cependant pas suffi pour lui enlever le premier
prix.
La seconde place a été vivement disputée par deux
concurrents (pie recommandaient chacun des mérites
différents. Le travail de M. Taneff est celui d'un étu
diant extrêmement attentif et laborieux, qui ne laisse
rien échaper ni dans les leçons de ses maîtres, ni dans
ses lectures ; il nous donne des renseignements abon
dants et pleins d'intérêt sur les législations étrangères
�et sur r ancien droit ; il pousse la conscience et la mé
moire jusqu’à indiquer par son numéro le passage de
Pothier, auquel il emprunte une citation ; malheureuse
ment, il n'est, pas toujours exact dans son analyse des
législations étrangères, et, ce qui est plus grave, il a
commis certaines confusions dans l'exposé des systèmes
qui se partagent les auteurs et la jurisprudence. M.
Merlin est plus sobre de détails, mais, à y regarder de
près, il ne laisse rien échapper d’essentiel ; sa compo
sition débute par un hors-d’œuvre, mais l'historique est.
bon ; la question est envisagée sous toutes ses faces,
sans erreur notable, sauf cependant en ce qui concerne
le Code civil italien : la Faculté décerne le second prix
à M. Merlin et une mention honorable à M. Tanelf.
J'ai terminé, Messieurs, le compte-rendu que je vous
devais. C'est une tâche agréable pour un maître de
proclamer les mérites de ses élèves et de saluer en eux
les espérances de l'avenir. Peut-être, Messieurs les
étudiants, m'avez-vous trouvé parfois avare de louanges
et prodigue de critiques. J’ai cherché, en effet, à vous
profiter plutôt qu'à vous plaire. D'ailleurs les récom
penses que la Faculté vous accorde prouvent que nous
avons reconnu dans vos travaux un mérite sérieux et
des qualités dignes d’être distinguées : elles sont par
elles-mêmes un éloge ; ce qui est utile surtout, c’est, de
montrer ce qui vous a manqué et comment vous auriez
pu approcher plus près, sinon de la perfection, du moins
du niveau auquel nous pouvons vous demander d'attein
dre. Vous pouvez être fiers de vos succès : ils en ont
souvent présagé pour l’avenir de plus éclatants ; mais
ils doivent surtout vous engager à persévérer dans la
voie de l'étude et du travail. C’est en marchant dans ce
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Publication en série imprimée
Description
An account of the resource
Périodiques imprimés édités au cours des 18e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Séance annuelle de rentrée des facultés d'Aix et de l'École préparatoire de médecine et de pharmacie de Marseille
Subject
The topic of the resource
Histoire de l'université
Description
An account of the resource
Rapport annuel du Conseil de l'Université.
Avertissement : la séance de rentrée est celle de l'année en cours, le rapport d'activité est relative à l'année scolaire précédente
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Université d'Aix-Marseille (1409-1973)
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 51001/A
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Université d'Aix-Marseille (Aix-en-Provence)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1852-1891
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/202692094
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-51001-A_Seance-solennelle_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
76 Vols.
env. 15 000 p.
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
publication en série imprimée
printed serial
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Provence. 18..
Provence. 19..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Rapport annuel du conseil général des facultés (1892-1895)
Rapport annuel du conseil de l'université (1896-1920)
Rapports annuels sur l'actitivité de l'université et des facultés (1934-1947)
Rapport sur la situation des facultés (1950-1967)
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/29
Abstract
A summary of the resource.
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Universités -- Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) -- 19e siècle et 20e siècle -- Périodiques