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UNIVKRSITK DE FRANCE -
FACULTE DE DROIT D'AIX
DES CAUSES
D'INTERRUPTION ET DE SUSPENSlON
DE LA
PRESCRIPTION
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ODON DE GlRA UD D'AGA Y
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�A MON PÈRE ET A MA. MÈRE
A MES PARENTS
A MES AMIS
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IN1tRODUCTION
La prescription peut, d'une manière générale, être
définie: Un moyen d'acquérir ou de se libérer par un
certain laps de temps et sous certaines conditions déterminées par la loi.
Son but est de fixer les biens dans les mains de détenteurs souvent dig nes d'intérêt, d'assurer aux débiteurs
leur tranquillité contre les poursuites des créanciers, et
de mettre fin, après des délais suffisamment prolongés,
à toute incertitude pour les uns contre les autres. Aussi,
est-ce à juste titre qu'elle a été proclamée par un philosophe des temps anciens la protectrice ciu genre humain,
patrona genm·s humani.
Le~ législateurs de toutes les époques ont compris la
nécessité de la prescription . Sans elle, en effet, il n'y a
pas de société possible. Comment admettre une société,
où les droits de chacun pourraient être remis continuellement eu question, sous préte:de de vices, dont l'origine
se perdrait dans la nuit des temps . La vie humaine ne
serait qu'un perpétuel procès, si, après des siècles, les
génération~ successives pouvaient encore être inquiétées
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pour des obligations contractées par les générations précédentes. Le temps, ce grand destructeur, auquel rien
n'échappe ici-bas, devait avoir, lui aussi, sa part d'action
dans l'acquisition des droits de propriété et dans l'extinction des obligations.
La prescription est donc .fondée sur les plus hautes
considérations d'ordre social et d'intérêt politique. Son
utilité est dès lors incontestable. Mais, si c'est là une institution nécessaire et indispensable, il ne faut pas cependa.ntq~ 'elle devienne une iniquité légale. C'est pourquoi,
si tous les législateurs l'ont admise dans leurs codes, tous
l'ont soumise à certaines conditions qui en limitent la
portée et les effets.
C'est ainsi qu'en fixant les délais pour arri ver soit à la
prescription acquisitive, soit à la prescription libératoire,
ils se sont demandé s'il n'y avait pas des circonstances
susceptibles de prolonger les délais antérieurement établis. Les circonstances qu'i ls ont prév ues dans cet ordre
d'idées, peuvent se ranger dans deu x catégories. Les unes
ont pour base la vigilance du propriétail'e ou du créancier ; les autres résultent de particularités inhérentes à
sa personne même, ou bien encore elles sont d'u ne
nature telle que, par la force même des choses, elles le
dispensent d'agir et arrêtent le cours de la prescription .
Les premières s'appell ent, en droit, causes d'1:nterrup tion; les secondes causes de suspension de la prescription.
L'interruption et la suspension diffèrent non seulement
au point de vue des actes qui les con::;tituent, mais encore
par leurs effets.
L'interruption, moyeu agressif, arrête le cours de la
prescription, et efface complètement le temps antérieur,
de sorte que la nouvelle prescription court du jour de
l'interruption. La suspension, moyen purement défensif,
anête bien , elle aussi, le cours de la prescription, Ill6is
son effet est beaucoup moins radical, puisqu'elle laisse
su bsister le temps antérieur, de façon à permettre au
prescrivant de compter, une fois l'obstacle disparu, et le
temps antérieur et le temps postérieur.
Cette première différence entre l'interruption et la suspension en entraîne une seconde très importante. Puisqu'avec lï nterrupbion c'est une nouvelle prescription
qui commence, elle pourra très bien ne pas avoir la même
durée que la première, elle sera tantôt plus longue, tantôt
plus courte. Ainsi la prescription en matière de lettre de
change s'établit par cinq ans; si elle est interrompue
par la reconnaissance du débiteur, reconnaissance opérée
par un acte ordinaire, qui n'a aucun caractère commercial ; la prescription, qui originairement était de cinq
ans, sera désormais une prescription trentenaire. Ce
changement provient de ce que la reconnaissance a
changé la dette c01:nmerciale en un e det.te civile. La solution serait inverse, si l'on donnait au titre d'une dette
civile la forme d'un titre purement commercial. La prescription quinquennale succèderait à la. prescription trentenaire. La _s uspension, au contraire, ne modifie jamais
la durée de la prescription dont elle empêche pendant
quelque temps l'accomplissement. Lorsque la cause de la
suspension a cessé, la prescription reprend son cours.
Ainsi u n possesseur est en train d'acquér ~r un immeuble
par la prescription de trente ans; vingt-cinq ans après
son entrée en jouissance, le tiers, contre lequel il prescr.it, meurt laissant un héritier mineur ; pendant le temps
de la minorité la prescription est suspendue, mais une
fois que l'héritier sera devenu majeur, cinq annétls seront
suffisantes au possesseur pour achever sa prescription .
L'interruption est, en générai}, un fait instantané, per-
�-8mettant à la. prescription de recommencer à courir au
moment même où elle est interrompue; la suspension au
contraire est nn fait continu, se prolongea.nt pendant un
temps plus ou moins long.
Bien que rufférentes dans leurs effets, l'interruption
et la suspension peuvent naître en même temps d'un fait
complexe. Un débiteur .reconnaît une dette actuellement exigible et s'engage à la payer dans un délai déterminé; la. prescription se trouve interrompue et suspendue
en même temps; intenompue, puisque le débiteur a
reconnu sa dette; suspendue, puisqu'il a contracté une
nouvelle dette accompagnée d'un terme.
Ce sont ces diverses circonstances, c'est-à-dire l'interruption et 1a suspension de la prescription qui feront
l'objet de notre étude, et que nous examinerons successivement dans trois parties distinctes: en droit romain,
dans l'ancien droit et sous la législation du Code civil.
PRE;tllÈU.E
P.&.RTIE
. DROrr ROMAIN
De l'Interruption
Les commentateurs distinguent en droit romain deux
sortes d'interruptions : l'interruption naturelle, qu'ils appellent 11surpalio natu.ralis, et l'interruption civile qu'ils
désignent sous Je nom d'1isu.1·patio civilis. La première
·résulte de la perte de la possession, la seconde de la poursuite judiciaire, de la litis contestatio.
Cette distinction établie, nous passons immédiatement
à l'étude de l'interruption naturelle, q1:1i est de beaucoup
la plus importante en droit r~ain. C'est même la seu le
cause d'interruption que connurent les Romains de l'époque classique.
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10 -
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CHAPITRE Ier
De l 'Iutera•uptlon
~aharelle.
Cette cause d'înterruptioo était généralemenf appelée à
Rome usurpatio. UsU?·palio est interruptio u.rncapionis
(L. 2, D. De usmp. et usucap.).
Nous ferons remarquer en premier lieu qne cette dénomination J'm1&r-patio n'est pas rigoureusement exacte;
car, si l'interruption a son vent pour cause une usurpation
étrangère, souvent aussi elle n'est que le fait du propriétaire qui recouvre sa possession. L'interruption peut encore provenir soit d'un fait personnGI au possesseur, soit
d'on évènement fortuit et de force majeure; or, dans ces
hypothèses. la définition juridique du mot usutpatio n'est
pas applicable.
L'interroµti on naturelle consistant dans la perte de la
possession (L . tî, D. De 11sw·p. et U8ucap.), elle se produira chaq ue fois que la possession sera perdue. circo nstance indiquée dans les texte.~ que nous allons examiner.
La possession est le fondemen t, la base de l'usucapion;
sans elle, l'usuœpion ne peut pas s'accomplir. Sine posses11ione ii,suca7Jio contingere non potesl (L. 25, O. Deusurp .
et usucap. ).
La possession et l'usuGapion sont $i intimement liées
l'une à l'autre qne la perte de la prèmière entraîne forcément la perte de la seconde. Cc principe reçut toutefois
1t -
certains tempéraments commandés par les nécessités de la
pratique.
Ainsi. bien qua la possession ne soit pas comprise parmi
les droits du défunt transmis a l'héritier (L. 23, D. De
possess .), la mort du possesseur n'interrompt pas cependant l'usucapion: La raison de cette dérogation au principe repose sur cette idée que l'usucapion avait été
établie dans un but d'utilité publique, éviter l'incertitude
dans la propriété. Or, ce but n'aurait pas été atteint , si la
mort avait interrompu l'usucapion . Du reste, il est évident que, dans son principe et considérée en elle-même,
la possession n'est qu'un simple fait, échappant aux règles
édictées par le législateur pour l'acquisition et la perte des
droits, et ne pouvant dès lors faire l'objet d'une transmission proprement dite ; mais, d'un autre côté, il est tout
aussi i;ertain que des conséquences légales sont attachées
a la possession et que par fa elle ressemble à un véritable
droit. (Savigny , Traité de la Possession .) A ce point de
vue, il était tout naturel d'assimiler la possession aux
autres rapports juridiques el de la faire passer de la tête
du défunt sur celle de l'héritier. C'était d'ailleurs la conséquence du principe romain , que l'héritier continue la
personne du défunt.
Une seconde exception à la règle, sine 7Jossessione 1tsuca1Jio contingere non potest, a lieu dans le cas oü un débiteur remet un gage à son créancier. Celui-ci est seul possesseur, seul il a droit aux interdits en cas de trouble ou
d'éviction, et cepen dan t le débiteur con tinu e à usucaper
(L. 1 ô, O. De ·1t.mrµ. cl uswap .). Savigny lrouve la justification de cette seconde oxccptioo dans une possession
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i2 -
fictive ad usucapionem , qu'il attribue au débiteur , possession basée sur le contrat de gage intenenu entre les deux
parties.
Sauf ces deux exceptions, tout évènement qui met fin
à la possession. interrompt l'usucapion.
La possession étant composée de deu~ éléments. l'élément matériel, le corpus . et l'élément intentionnel, l'tmimus,
il en résulte qu'elle sera perdue, si l'un de ces deux éléments vient à. disparaître, ejus quidem fJtlod corpore rioslro
leneremus. possessionem amitti vel a1timo, vel eliam corpore (L. 44. § 2, 0. De possess.). .. ut igitur n ulla
possessio adquiri, nisi anima et rorp01·e, 7Jolest ; ita niilla
amittitur nisi in qua utrtJ.mque in conlraritun actwn.
( L. 1~5 , D. De 1·eg. ;'itris.). Sans insister snr la controverse qu'a soulevée le mot u.trumque. nous pensons avec
Savigny que ce mot est synonyme d'allerntrum, et nous
abordons immédiatement les divers cas de perte de la
possession .
Nous étudierons dans quéltre sections distinctes : 1° la
perte de la possession co,.po1·e; 2° la perte de la possession a1dmo; 3° la perte de la possession par le fait d'nn
représentant; 4° la perte de la quasi-possession des servitudQs.
SECTION I
PER.TE Df: L.\ P OSSESSION (( CORPORE .
1)
La possession peut être perdue corpore soit par nn cas
fortuit , soit par le fait d'un tiers .
15 -·
§ 1°• Perte par cas Fortuit. -
Une première consécessons de posséder
nons
que
c'est
idée,
cette
quence de
les objets perdus, si id quod possiderimu~, ila p111"didc1·imus, itl ignoremus ubi .~it, desinimus posside1'e. (L. 25.
Pr. D. De possess.) Cette décision ne s'applique qu'aux
objets perdus au point d'ignorer ce qu'ils sont de,·ehus, et
non point à ceux qai sont simplement égarés. Ainsi Primus, après avoir caché un trésor dans son champ. bien
qu'il ne sache pas au juste l'endroit où il l'a caché, n'en
conserve pas moins la possession ; car les précautions qu'il
a prises. lni donnent la certitude de le 1·e~rouver un jour.
A l'inverse, quoique sachant parfaitement o'ij. se trouve un
objet, la possession en est perdue, quand l'endroit où il
est, ces..;e de nous être ac1;essible. Quum lapides demersi
essent riau{ragio el 7Josl lempu.s e:Dtracti ... dominium me
retinere puto, 1Jossessionem non puto (L. t 3, Pr. De
possess.).
Eo somme, nous continuons à posséder, tant que l'objet
est à notre disposition, quatemts, si velimt,s, naturnlem
possessionem nancisci possinws. (L . 5, § 15. 0. De
7Jossess.). Du jour où nous perdons la possession, l'usu-
capion est interrompue.
Cette règle est applicable aux animaux. pour lesquels il
fau t toutefois faire une distinction entre les animaux domestiques et les animaux sauvages. La possession d'un
troupeau e~t perdue quand ou ignore absolu~ent ce qu'il
est devenu et qu'on ne peut pas le retrouver (L. 5, § i 5.
D. De possess.) . Quant aux animaux vivant à l'état sau·
. vage. MUS les possédons tan t qu'ils n'ont pas recouvré la
li uerté, et qu'ils sont par consaquent en notre pouvoir,
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14 -
comme des oiseaux dans une cage. (L. 5, § 15, D. De
possess.). Si les animaux sauvages sont apprivoisés. ils
ont considérés comme en notre pouvoir. tant qu'ils ont
conservé l'habitude de revenir a l'endroit où ils sont enfermés. donec revertencli animum habeant (L. 5, § 5, D.
De acq. rcr. dom . - L. 5. § 16. D. De 71ossess.) .
Les principes sont les mêmes pour la possession des
esclaves. Elle subsiste ta~t que l'esclave garde l'esprit de
retour, 1'a11imus t-evCJ·tendi; il est censé persévérer dans
cette disposition. malgré sa fuite, s'il ne se considère pas
comme libre, ou s'il ne se soumet pas à un nouveéiu
maitre ( L. 15,§ 1. D De 11surp . et usucap.- L. 47, D.
D. Posses.). Nous ferons observer à ce sujet que la loi
romaine. en permeuant au maîlre de conserver la possession de son esclave par la seule volonté de t;e dernier.
a fait brèche à. la vieille maxime: Servus cap ut non habel.
§ 2.
La possession est perdue et l'usucapion interrompue, si un tiers enlève au
possesseur la chose qu'il étail en train d'usucaper ; pen
importe que set enlèvement soi t effectué avec viotence
ou clandestinement, au point de vue de la perte de la possession . le résultat est le même : il y a u.surpatio dans les
deux cas (L. 15, D. De possess. - L. ?5, De usurp. et
usucap.). Peu importe encore que le volé ait ignore le vol.
Cela est si vrai que si le voleur , sous l'in1luence du remords, venait à remettre la chose au lieu où il l'avait prise,
l'usucapion n'aurait pas moins été interrompue, car. en
fait , il y a eu pendant un certain temps absence de rapports physiques entre le volé et sa chose (Savigny).
Par le /'ait d'un Tiers. -
- ns Il n'est pas nécessaire pour que l'usucapion soit interrompue, que celui qui s'empare de la chose la possède.
Supposons que l'esclave d'autrui :soit l'auteur du vol, il est
hors de doute qu'il n'acquiert pas la possession pour lui,
puisque, n'ayant pas de persoonaltté, il ne peut avoir
d'animus possi~ndi (L. i 18, O. De t·eg. juris.) . Mais
l'acquiert-il pour son maître ? Pas davantage, puisque
celui-ci ne loi a donné aucun ordre (L. 5. § 12 . D. De
possess. - Paul, Sent .. 5. 2. 1). L'acquiert-il dès lors
ex causa peculiari .9 Non encore, car le pécule ne peut être
la cause d'un vol (L. 24, O. De possess .). Cependant bien
que la possession de la chose n'ait été acquise par personne. l'usucapion n'a pas moins été interrompue. La
même règle s'appliquerait au cas où le voleur serait fou .
Il y a toutefois à mentionner une ex.ception pour l'hypothèse où le voleur serait la propriéLé du volé. Ainsi un
esclave •dérobe à son maître un objet que celui-ci est en
train d'nsucaper, l'usucapion n'est pas inte1Tompue, parce
que le mailre. en ayant le voleur a sa disposition, conserve
la possession de la chose volée (L. U:S, D. De possess.) .
Julien nous don ne uo exemple de l'application de ce
principe. li suppose un débiteur en train d'usucaper une
chose. Celui-ci la donne en gage à. son créancier, et l'esclave du créancier la ~oie ; l'usucapion est-elle interrompue ? Non, répond le jnrisconsulte, parce que le débiteur a conservé la possession, puisque son représentant,
le créancier, ne l'a pas perdue. Si l'auteur du vol était
l'esclave du débiteur , le crèancier perdrait bien la possession, mais le débiteur continuerai>l à. usucaper, car il est de
principe que les esclaves ne peuvent pas par leur fait
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16 -
porter préjudice à leurs maitres (L. 35, ~ 6, D. De u.surp.
et usucap. - L. 153, D. De reg. jm·is .). Que décider en
pareil cas, si l'esclave est en fuite ? Nous avons admis plus
haul que l'esclave continue à être possédé, tant qu'il n'a
pas perdu l'esprit de retour ; par conséquent. jusque là le
maitre garde la possession de la chose volée. Si l'esclav~
esL affranchi, l'usucapion est alors interrompue, car ici
l'escla~ n'est qu'un usurpateur ordinaire; l'on ne peut pas
le considérer comme le représenlant du maître. puisque
celui-ci lui a donné la liberté (L. 15, §8, D. De possess .).
La même règle s'appliquerait au cas où le vol aurait
été commis par un enfant an préjudice du chef de famille
(L. 25, § 2. D. De liberali causa). Mais, dans les deux
hypothèses, l'interrup~i on se produirait si le voleur laissait échapper la déten Lion ( L. 1 ?S. D. De possess.).
Voyons maintenant commenl se régit l'inlerruption en
malière immobilière. Les principes sonl les mêmes~ l'usucapion est interrompue par tout fait qui enlève au possesseur la jouissance de l'héritage possédé.
Nous conservons la possession d'un immeuble, tant que
nous n'en avons pas élé expulsés, soit par un tiers, soit
par le vrai prop:-iétaire (L. 5, § 9, D. De possess. , L. !5,
D. De ustirp. et urncap. ). li en est de même si l'immeuble
est possédé par un représentant , un fermier par exemple,
tant que ce fermier n'a pas élé chassé. L'interruption est
réalisée, au dire d'Ulpien. aussilôt l'éviction accomplie,
avant même que la nouvelle en soit parvenue au représenté
(L. 1, § 22, D. Devi). A l'inverse, Je bailleur expulsé ne
perdrait pas la possession. si son fermier restait sur l'immeuble (L. 1, § 45, D. Devi) .
-17De simples troubles, immédiatament comprimés, ne
suffisent pas pour interrompre l'usucapion ; il faut que
les violences de l'usurpateur aient amené une dépossession
complète et effective (L. 17 , D. Devi.) Ne peut-on pas
dire que , si le dejectus emploie l'interdit uti possidetis, et
s'il triompbe. la possession n'aura pas été interrompue!
Cette opinion est celle de quelques auteurs modernes; mais
nous préférons admettre avec Savigny que, d'après les textes
du droit romain (L. 5, O. De usurp. el us1scap.). l'interdit
uti possidetis ne peut être employé dans cette hypothèse.
En effet, il ne peut y avoir lieu à cet interdit, parce qn'il
manque une des conditions requises pour son exercice,
à savoir que le trouble n'ait pas encore fait cesser la possession.
L'expulsion matérielle n'est pas la seule circonstance
qui entraîne l'interruption de l'usucapion. D'autres évènements produisen t le même effet. Si le possesseur est tenu
enfermé dans son héritage. s'il le quitte et qu'on l'empêche
d'y rentrer, si dans le même but on l'arrête en route. dans
ces divers cas le possesseur est censé avoir été chassé du
fonds et l'usucapion e~t interrompue (L. i , § :24 et 47,
O. De vi - Paul, Sent .. ~. 6. 6).
Nous traiterons ici une des questions qui ont le plus
divisé la jurisprudence ancienne. L'usucapion esl-elle
interrompue quaud le possesseur abandonne son immeuble
dans la erainte de violences oil de menaces ? On trouve des
textes dans l?.s deux sens; les uns (L. 55, § 2, D. De
t.mu-p. elttsucap.-L. 9, Pr. D. quod metus causa - L.5,
§ 6, D. Devi), considèrent la possession comme ~erdue,
et par suite l'usucapion serait interrompue; les autres
�-
18 -
(L. t , § 29, D. ne vi -- L. 9. Pr. D.quod mctua cai1sa).
semblent la considérer comme continuée. Pour les concilier, on a prétendu que les premiers se rapportent à nn
danger présent, les seconds à un danger futur. Quant à
nous, nous croyons que la possession esl perdue dans l~s
deux cas (L. 55.§ 2. D. De 1i.surp. el usi,cap.); et que les
textes qui paraissent <ldmettre la c.ontinua~ion de la possession, ne visent que le fait matériel de la cle.fectio. lequel
efTectivement ne se rencontre pas dans notre hypothèse.
Maintenant, est-ce bien là un cas de perle de la possession
corpore, comme le yeu t Van-Welter (Traité de la possessio11), ou bien un cas de perte de la possession animo,
comme le pense Savigny, peu importe puisque le résultat
est le même.
Le poss&seur conserve la possession de son immeuble
tant que dure pour lui la faculté d'en disposer librement,
bien qu'il n'y soit pas continuellemen t présent. Mais si à
la non-présence du possesseur sur l'immeuble vient se
joindre une circonstance extérieure. telle que l'us1:1 rpalion
d'un tiers, la faculté de disposer de l'immeuble est pe'rdue,
et la possession devrait cesser. C'était du reste l'opinion
de l'ancienne jurisprudence qui appliquait les mêmes
règles aux meubles et aux immeubles. Toutefois les jurisconsultes postérieurs firent admettre le principe contraire,
à savoir que la possession d'un fonds ne se perd point par
l'occupation clandestine, mais qu'elle se conserve jusqu'au
moment où le possesseur, ayant eu connaissance de l'usurpation, renonce à reprendre son immeuble. Celle doctrine
que Gaïus déclare dominante à son époque fut rléfi nitivement consacrée par Justinien (L. 6, § 1, D. De possess.).
-t9Les règles que nous venons d'expliquer ne s'appliquaient autrefois qu'au cas où l'usurpation s'était effectuée
1
à la faveur d une absence de courte durée. Si l'absence
était très longue, si le possesseur mourait sans successeur, s'il laissait l'immeuble sans culture pendant de
longues années, les jurisconsultes romains voyaient là un
cas de perte de la possession et autorisaient les tiers à
s'emparer de l'immeuble, sans que cette occupation parût
violente ou clandestine (L. 4, § 28, L. 37. § 1. D. De
usurp. et usucap.). Justinien abrogea celle doctrine et
d~cida que l'usurpateur serait traité de prœd-0 et comme tel
soumis aux. actions ordinaires à l'effet de restituer la possession (L. 11, C. Unde vi).
La possession est encore perdue corpore, quand la chose
subit un changement qui l'empêche d'être possédée légalement. Un fonds de terre, en train d'être usucapé, est envahi
par les eaux d'un flenve qui y fixe son lit (L. 3, § 17,
D. De Possess. ) ; un possesseur dépose un mort dans son
immeuble (L. 50, § 1, D. De Possess.); une chose devient l'objet d'une spécification (L. ::SO, § 4, D. De
Possess.). Dans ces diITérentes hypothèses, la chose se
trouve placée hors du commerce et l'usucapion n'est plus
possible.
SECTION JI
PERTE DE LA POSSESSIOI\
« ANIMO. »
Le second élément requis pour la continuation de la
possession est l'élément iolentionnel , l'animus possidendi;
s'il vient à disparaître, la possession est perd ne, et dès lors
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l'usucapion inrerrompue. Seulement cet animas n'a pas
besoin d'être exercé à tous les instants., il suffit qu 'il
exUe 3 l'état passif et latent. Exiger du possesseur qu'il
pense cooliouellement à. sa chose, serait rendre la prescription impossible: Loul ce qu'on lui demande. c'est qu'il
ne manifeste pas une volonté contraire. C'est par une
conséquence de cette idée que les Romains ont admis que
le possesseur continuerait à posséder. même après être
dernnu fou ; car, disaient-ils. il est censé persévérer dans
l'intention qu'il avait manifestée avant de tomber en démence (L. 4. § 5, L. 44, § 6, D. De usw·p. et usttcap.).
La perle de la possession animo résulte toujours d'une
renouciation , qui doit être clairement établie. bien qu'elle
puisse avoir lieu tacitement ou expressément.
Ainsi un possesseur abandonne sa chose. il la jette dans
les flols, son intention ùe renoncer à la possession est certaine (L. 9. § 8, D. De acq . 1·e 1· dom .) . Le possesse!lr
d'un esclave l'afîranchit, il ne peut pas lui accorder la
liberté puisqu'il n'en est pas propriétaire, mais il n'en
perd pas moins la possession ( L. 5, D. p·ro donato). De
même dans l'hypothèse suivante : une chose est possédée
par un Li ers el revenùiquée par deux personnes diITérenles,
dans le but d'interrompre toute usucapion antérieure, elles
déciden t de transférer la possession au tiers (L. 57. O.
JJe possess .).
La renonciation , au lieu d'être pure el simple, peut êl re
faite au profit d'one personne déterminée et accompagnée
de la tradition de la chose. Dans ce cas. la possession sp.rait
perdu e alors même que celui à qui la chose devait être
transmise, ne pourrait pas l'acquérir , ce qui arriverait
-
2t -
dans r.hypolhèse d'une tradition faite à un enfant agissant
seul et sans l'intervention de son tuteur , ou à une personne en démence (L. 18, § 1, O. De possess .). JI faut
et 11 suffit. pour que le tradens cesse de posséder. que la
tradition ait été réellement effectuée. Nous rappellerons, a
ce sujet. que la tradition peut s'opérer sans qu'il y ait a•acte
palpable et manifeste, ce qui se présente particulièrement
dans les deux hypothèses connues sous les noms de tradilio
brevi manu et de cot1stitutum 11ossessoriwm.
Il semble résulter de là que toute tradition doit nécessairement interrompre l'usucapion. C'est du reste la solution rigoureusement juridique ; mais, comme elle avait des
inconvénients considérables, la pratique imagina pour y
rémédier la théorie de l'accessio possessionis. Celte théorie
reçoit son application dans la succession universelle, bien
que lg successeur universel soit de mauvaise foi. et dans
la succession à titre particulier. quand Je successeur est
de bonne foi .
Puisque, pour perdre la possession animo, il faut une
volonté incontestable de renoncer à la possession , 11 en
résulte que les personnes incapables de volonté ne peuvent pas cesser de posséder animo . Par conséquent les
fous et les enfants ne peuvent pas abandonner la possessiun ni faire tradition valable. Furiosus non potest desir1ere a?iimo possidere (L. 27. O. De 7Jossess.). lis continuent donc à posséder jusqu'au jour où ils subissent une
exp ulsion violente (Van-Wetter). Savigny soutient même
que le fou. expulsé de l'imm euble qu'il possède, n'en perd
pas la possession, parce qu'a ra i~o n de son état de folie. il
1Juil être assimilé à nn absent. Si cependant ces personnes
�- 2.2 foot tradition, leur tradition est nulle, le o·adms n'ayant
pas la volonté de transférer la propriété, et l 'ar.cipiens ne
peut pas invoquer l'accessio possessionis du chef du tradens.
Mais, comme ces mêmes personnes peuvent perdre la possession corpore, dès que l'accipiens reçoit la chost:, il
pourra l'usucaper, s'il est de bonne foi.
L'absence suffit-elle pour interrompre l'usucapion ? Non
eo principe, car elle n'implique pas forcément l'idée
d'abandon, de renonciation. Ainsi pour les saltus hiberni
et œstivi, on continue à les posséder, bien qu'on en soit
absent pendant un certain temps (L. 5, § t 1. D. De
possess.). Mais si l'absence se prolongeait lougtclmps. au
point de faire cro•e à l'intention de renoncer à la possession, elle deviendrait alors une véritable cause d'interruption de l'usucapion (L. 57 , § 1, D. De usurp. et
1
usucap.).
Que décider au cas où le possesseur tombe en esclavage? En perdant la liberté, il perd n êce~sairement la pos.
session. puisque les esclaves, dénués de toute personnalité
civile, sont incapables de possédeP ; l'usucapion se trouve
dès lors interrompue. Si, au lieu de tomber en esclavage.
le possesseur est pris par l'ennemi. il perd naturellement
la possession, comme il perd tous ses droits de citoyen.
Mais qu'en est-il dans l'hypothèse où il recouvre la liberté
et avec elle tous ses droits en vertu du poslliminùtm, la
possession est-elle comprise dans cette restitution ? Non.
car la possession est un état de fait, et le postlimirifom ne
s'applique pas aux choses de fai t, 7Jossessio aulern vturim um f acti habet, causa vero (acti non conlùietur postlimi11io (L.19, D. F:x q11iln 1scausi1i inof-L. 12, § 1.
-
23 -
De captiv. et postl .). Des doutes s'étaient élevés au sajet de
l'héritier du captif, quand ce dernier mourait chez l'ennemi!
L'héritier n'aurait-il pas pu continuer la possession que
son auteur aTait commencée avant d'être réduit en captivité? li faut répondre négativement. car comment admettre qu'un fait qui n'aurait pas profité au captif lui-même,
s'il était revenu. pût profiter à. l'héritier. Bien plus,
quand grâce à la fiction introduite par la loi Cornelia te1tamenlaria, le prisonnier fut censé mort au jour de son
entrée en captivité. celle fiction ne s'appliqua pas à la posses~ion, c'est ce qui résulte expressément d'on le1te de
Paul (L. 15. Pr. D. De usu,rp . et usucap.).
L'esclave n'ayant d'autre capacité que celle qui lui est
communiquée par son maître, il s'ensuit qne, si le maitre
est captif, la possession de l'esclave n'aura été qn'un simple fait destitué de tout elîet civil (L. t 1, D. De usurp.
et us"cap.) Rigoureusement il faudrait appliquer la même
règle à la possession ex cat~sa peculiari. Cependant laquestion était controversée. Julien pensait que l'usucapion
pouvait être considérée comme accomplie au profil du
maître, s'il recouvrait la liberté, au profit de son héritier
en vertu de la loi Cornelia, si le maitre mourait chez l'ennemi. Marcellus sol\lenait la th~se contraire en se basant
sur ce que no captif ne peut pas. après son retour, avoir
plus de droit sur les choses possédées par son esclave que
sur celles qu'il possédait lui-même. Ju!-tioien mit fin à la
controverse en consacrant l'opinion de Julien. Il décida
qu'en pareille hypothèse la possession serait maintenu e et
l'usucapion non interrompue (L. 25. § 5, D. Ex quib11s
�-
24 -
causis maj.
L. 44, Pr. D. De usurp. et usucap. L. 12, § 2, L. 22. § 5, L. 29 , D. De capl. et post.).
Les deux idées de propriétaire et de locataire étant contradictoires, si un possesseur ùonne à bail la chose qu'il
possède an propriétaire lui-même, il perd la possession au
moment de l'entrée en jouissance de ce dernier. et son
usucapion est interrompue. D'une part, en elTet, Je propriétaire acquiert la possession juridique. puisqu'il a la
volonté et le pouvoir physique de disposer de la chose;
d'autre part, le contrat est nul faute d'objet, et l'on ne
saurait considérer le propriétaire comme détenant sa
chose dans l'intérêt dn bailleur (L. 21 , D. De usurp. et
u~ucap.).
La même solution doit être donnée lorsque Je possesseur vend la chose au vrai propriétaire, lorsqu'il la Jni
remet à titre de nantissement, de prêt ou de dépôt. Dans
ces diverses hypothèses. la possession qu'acquiert le vrai
propriétaire efface celle do vendeur, du débiteur, du
prêteur et du déposant , et il est indifférent que le propriétaire ait su ou ignoré qu'on loi remettait sa propre chose
(L.4,§3,D. Deprecario . --L . 15, D Depositi .--L . 55,
§ 5, D. De usurp. et usuca11 . -- L. 4~ , D. De reg. j-uris).
II y a pourtant une exception à établir pour le cas où le
gage aurait été constitué 11ttda pactionc. Ici la possession
n'étant pas transférée, l'usucapion n'est pas interrompue
(L. 55, § 5, D. De usurp . el itsutJap .).
Signalons un dernier cas ct:interruption anima admis tout
au moins par quelques jurisconsultes. En principe la bonn e
foi n'est exigée 1~hcz le possesseur qu 'a n délrnt ùe l'usncapi on. Ces jurisconsultes veulcn t quc la bonne foi Je celui qui
-
2!j --:
possède comme donataire persévère depuis l'entrée en jouis·
sance jusqu'à l'expiration du délai fixé pour l'accomplissement de l'usucapion. Ulpien, l'on d'eux. décide formellement
que l'usucapion prodonato se trouve interrompue dès que le
possesseur cesse d'èlre de bonne foi. Et c'est celte exception
qne vise sans doute Justinien quand, voulant faire disparaître toute différence entre le titre pro dtmato et les autres
juslœ ea·usœ, il s'exprime ainsi à propos de la nouvelle
usucapion qu'il établit: . .. Non interrumpatur ex poile·
1·iore {orsitan alienœ rei scientia, licet ex titulo lucrativo
ca cœpta est. (L. 1, C. De usucap. tram{orm.) (Deman-
geal).
SECTION Ill
PERTE DE LA POSSESSION PA R. UN REPRÉSENTANT
De même que la possession peut être conservée par
\'intermédiaire d'un représentant, de même elle peut être
perdue par son fait. Une première remarque à faire , c'est
qu'ici les deux éléments constitutifs de la possession ,
l'animus el le corpus, n.e ré.,ident pas dans la même personne. Le représenté a l'animus el le représentant le
co1'Pus ; il résulte de là que, pour savoir si la possession
est perdue co17101·e, il faut se référer au représentant et
non an représenté. Ainsi, le représenté oe perd pas la
possession, s'il est expulsé, ponrvu que son représentant
reste sur l'immeuble: à l'inverse, il la perd, bien qu'il
ne lni soit fait au cun e violence. si .on représentant est
chassé de l'héritage , car il ne ùétrent plus dès lors la
�-
26 --
chose. qui n'était à sa disposition que par l'intermédiaire
du représentant (L. f , § 45, D. Devi) .
Mentionnons d'abord les causes indépendantes de la volonté du représentant, telles que sa mort ou sa d6mence ,
il est évident qu'elles ne foot pas perdre la possession au
représenté; elles n'ont d'autre effet que de faire retourner la possession tout entière , c01·pus et animus , à cc
dernier (L. 1, § 8. - L. 21>, § 1. - L. 40, § f , D.
De possess. - L. 31 , § 3 , O. De usurp . et usucap.).
Pour les causes qui dépendent de !a volonté du représentant1 deux cas sont à distinguer : en premier lieu ,· le
représentant a l'intention d'acquérir pour lui la possession ; en second lien, it veut la procnrer à un tiers.
Dans la première hypothèse. il ne peut pas devenir possesseur par un simple changement de volonté, en vertu de
la règle , nemo sibi ipsi causam possessionis mutare polest
(L 3 , § 19. D. De usurp. et us1,tca71.). Il faut un acte
matériel et visible, qoi ne laisse aucun doute sur son intention de devenir possesseur. Cet acte sera une contrectatio rei frauclulo$a , s'il s'agit d'objets mobiliers ; une
dejP.ctio , s'il s'agit de choses immobilières. Il est de principe, en effet, que le vol et la violence font perdre la
possession et interrompent l'nsucapion (L. 5, § 18. D.
Depossess . - L. 1, § 2. -- L. 67. D. De fiirlis) .
Dans la seconde hypothèse, une nou rnlle distinction est
nécessaire :
Le représentant peut abandonner la chose , soit par
négligence, soit dans un out fraudulenx , pour permettre à
un Liers de s'en emparer . Pour les obj~ts mobiliers, cet
abandon fait perdre la possess ion , puisqu'il enlève la
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27 -
chose à la disposition du possesseur; mais produit-il le
même e!Tet à Pégard des immeubles. Les Sabiniens traitaient les immeubles comme les objets mobiliers. Ils voulaient que la pos~ession en fût perdue par le seul effet du
délaissement (L. 31 , - L. li.0 , § 1, D. De posscss.).
Les Proculéens , moins sévères , décidaient que la possession n'était perdue qu'au moment où l'usurpation du tiers
était venue a la connaissance du représenté (L. 31, D. De
dolo malo.- L. 44 , § 2 . - L. 45 el 46 , D. De possess.).
Cette seconde opinion fut adoptée plus tard par Justinien
(L. 12, C. De pos1ess.).
Le représentant fait directement tradition de la cbose à
un tiers. foi encore. pas de doute pour les objets mobiliers. puisque, par le seul fait de la amtrectalio, le repré.sentant en a acquis la possession , il peut donc en faire
t11.adition valable. Julien le décide en termes formels (L. 55.
§ 1., , D. De usurp . et 11sucap. ), à propos d'une tradition
effectuée par un dépositaire , un commodataire et un
créancier gagiste. Mais, pour les immeubles. celte tradition di recte à un tiers est-elle possible ~ Les Proculéens ne
le pensaient pas , parce que, d'après eux, le reprèsentant
ne peut pas transférer une possession qu'il n'a pas. La
règle est donc la même q•Je pour le Gas de délaissement .
la possession n'est perdue que par l'usurpation connue du
représenté. Le. Sal>iniens, au contraire, assimilaient la
tradition au délaissement et décidaient qu'elle produisait
le même effet. Cette controverse fut tranchée par un re cl'it des empereurs Dioclétien et Maximien, qui défendil au
fbrmier de changer le titre de . a possession et qui , dans le
t:as de vente frauduleuse operée par ce dernier . enjoignit
�-
28 -
-
au gouverneur de la province de maiolenir le bailleur
dans ses droits (L. ~. C. De po.9sess.). Justioieo renouvela cetle disposition , et il ajouta que. dans aucun cas, le
représenté ne devait subir de préjudice par le dol ou la négligence de son représentant (L. 1:2, C. De possess. ).
SECTION IV
PERTE DE LA QuAs1-PossESSION DES
SER~ITUDES
On sait que la loi Scribonia avait défendu d'appliquer
l'usucapion comme mode d'acquisition des servitudes.
Mais celte loi n'atteignait pas les provinces: au5si. admirent-t-elles l'acquisition des servitudes prrediales par la
prœscriptio longi t&mporis. A partir de Juslinien , l'usucapion Oll la prescription s'appliqua iodislinctemeot aux
servitudes prrediales et personnelles (L. 12 , C. De pos8ess. ). (Maynz, Droit romain).
La quasi-·possession exige , comme la possession , la
réunion des deux éléments matériel et inten tionnel , animus et corpus ; aussi. est-elle perdue par la disparition
de l'un d'iux.
L'animus consiste ici dans l'intention d'exercer la servitude. et il ne cesse que par la résolution de ne plus
l'exercer.
Le corpus est la possibilité physique d'exercer celle
même servitude. Il n'est pas nécessaire qu'ell e soit exercée à chaque instant, il suffit qu'elle puisse l'êlre. si Je
quasi-possesseur le désire. Le ()o rpus cessera quand 1:1
servitude ne pourra plus ètrc exercée, 4u and un acte co 11 -
29 -
traire en rendra l'exercice impossible. Cet acte contraire,
quel sera-t-il ? Dans !es servitudes perwonelles, il est le
même que dans la possession corporelle. Car la qoasipossession du droit est jointe à la possession naturelle de
la eho5e asservie. Ce sera donc une usurpation violente
ou clandestine à laquelle il faudra appliquer les mêmes
régies qu'à la possession proprement dite. Dans les servitudes prrediales. cet acte contraire varie avec la nature de
la servitude. S'agit-il d'une servitude /aciendi , !'acte contraire consiste dans une opposition violente à l'exercice
du droit. S'agit-il d'une servitude haben.di, il consiste dans
la destruction de l'ouvrage auquel la servitude donnait
droit. S'agit-il enfin d'une servitude p1·ohibendi, c'est l'acte
dont devait s'abstenir le propriétaire du fonds servant en
vertu de la servitude.
Il faut encore ajou ter que la quasi-possession de la servitude se perd par voie de conséquence, quand est perdue
la possession de l'immeuble auquel elle était attachée.
Enfin, nous ferons observer que si la petite de la quasipossession enlraine l'tnterru ption naLurelle de l'usucapion,
à l'inverse l'exercice même de la servitude entraîne l'interruption naturelle de la prescription libératoi re des servitudes qui s'éteignen t par le non· usage.
En terminant cette matière de l'interruption naturelle,
nous signalerons un cas d'interruption.qui. bien qu'appartenan t à i.;n tout autre ordre d'idées. ne mérite pas moins d'être
indiqué. A Rome , le mariage ne produisait pasparlui-même
la puissance maritale , il fallai t de plus l'accomplissement
de diverses formalités particulières qui étaieoi. l'usi1s, la
con f'<irreatio et la rocmptio. Pour tomber sous la puissance
�-
50 -
maritale par l'u.rns, la femme devait cohabiter une aonée
entière avec s0n mari, si elle voulait éviter ce résullat, il
lui suffisait de s'absenter tous les ans trois nuits de suite
du domicile conjugal, usut-patum fri triuoctio , il y avait
alors usurpatio, interrnption de l'usucapion , et la femme
échappait à la puissance de son mari (Gaius. I, § t 11 ).
Comme oous l'avons déjà dit an début de ce premier
chapitre, les Romains de l'époque classique ne connaissaient que 1'1mo·patio. que l'interruption naturelle, comme
moyen efficace pour interrompre l'usucapion. Ils poursuivaieo t logiquement cette idée que le possesseur continue
à usucaper tant qu'il n'a pas perdu la possession . C'est
pourquoi la /itis contcstatio elle-même oe produisait pas
cet elîet, puisqu'elle n'enlevai t pas la possession au défendeur. Mais pratiquement le résultat était Je même, au
moins entre les deux parties. puisque le défenfleur condamné (le possesseur) était tenu par l'aclion judicati
d'exécuter l'obligation contracté9 par la litis contcstatio ,
et que même il pouvait être obligé à fournir un e cautio
doli pour indemniser le demandeur du préjudice que lui
causait la restitution tardive de la chose. A l'égard des
tiers. au contraire , l'usucapion conservait tout son elîet,
parce qu'ils n'avaient contracté aucune obligation vi~-à-vis
du demandeur. Si donc le possesseur , après avoir usucapé
la chose, inter moras titis, même après la litis contcstatio ,
en disposait au profit d'un tiers. celte disposilion était
pleinement valable et celui-ci ne pouvait pas être inquiété
(L. 18, D. De rei vindicatio-nc).
Un second remède à cet état de choses consistait dans la
dfifense d'aliéner les obj~ts litigieux. Cette défense re-
-
31 -
montait, d'après Gaius, à la loi ries Douze Tables, qui
défendait de consacrer aux dieux une chose litigieuse, ne
liceat eo nomine duriorem advc1·sa1·ii conditionem f acere.
Elle ne s'appliquait au début qu'au demandeur non possesseur. Elle fut étendue par la suite ::.u défendeur possesseur (L. 4 , C. De litigiosis . - Nov t 12 , ch. 1). Il faut
remarquer que le mot aliena,.e, dont se l'iervent les textes,
est général. et qu ïl doit s'entendre même d'une omission
qui a pour eJTet de nous faire perdre uo droit, alietiationis
verbum etiam usucapionem continel ; via; est enim ut non
videatur alienare, qui patitur mu!'api ( L. 28, D. De
verb. sign.). (Maynz).
Enfin. un dernier remède était l'itl iutegrum restitutio,
dont nous parlerons à propos des causes de suspension de
la prescription .
CHAPITRE li
Interruption Cl"lle.
L'interruption civile. nous )'avons déjà dit, est celle qui
résulle d'une poursuite judiciaire, de la litis conleslatio.
Avec le développement continuel de Rome. l'usucapion
ne tarda pas à être insuffisante à un double point de Yue :
d'abord elle appartenait au jus civile, elle ne pouYait donc
jamais s'accomplir an profit d'un pérégrin qui n'avait pa
�-
52 -
reçu la concession spéciale du commercium (G. 2, 65) ;
en second lieu, elle élai t inapplicable aux fond s provinciaux non investis du jus italicum. Les propriétaires de
ces fonds restaient donc sous une perpétuelle menace
d'éviclion . C'est pour mettre nn terme à cette incertitude
qne fut introduite la longi temporis prœscrip,io. Cette institution prétorienne. à l'exemple de l'usucapion , mais
d'une façon plus générale, eut poul' but de protéger le
possesseur de bonne foi
Ce n'est qu'à. cette prœsc1'iptio lon9i temporis que s'appliqua au début l'interruption civile, l'usucapion ne pouvant être interrompue, comme nous l'avons remarqué.
que par la perte de la possession. ( L. 1, § 1. C. De
p1·œscrip. t•cl tempor. L. 26, C. De rei vindicat.).
Si l'on recherche le pourquoi de cette difTérence entre
l'usucapion et la prescription de long temps, on le trouve
dans le caractère même de ces deux institutions. L' usucapion , mode civil d'acquisition de la propriété, ne pouvai t être interrompue que par la perte de la possession.
ain'li le décidait formellement le droit civil. La prescription
de long temps, au contrâire, n'était pas dans le principe un
mode d'acquisition de la propriété, mais bien une simple
exception accordée au possesseur de bonne foi, défendeur
daIJs une instance, pour repousser le demandeur. Comme
toute exception, elle devait être acquise au momen t de la
délivrance de la formule pour être opposée avec snccès. Si
elle ne l'était pas à ce moment·là. le demandeur conservait son droi t intact et il pouvait l'exercer sans crainte.
Telle est l'explication de l'interruption civile par la litis
contestatio en matière de prescription de long temps. Cet
:>5 -
effet interruptif continua à subsister, qoand plus tard la
prescription de long temps devint un véritable mode
d'acquérir la propriété.
La p1'œscriptio longi temporis était donc une exception
qui ne pouvait être opposée qu'aux actions réelles se rapportant aux immeubles . Les autres acti ons étaient perpétuelles; et ce fut l'empereur Théodose II qui créa la
p1·œscriptio lonyissimi tempo1·is, exception qui pouvait être
opposée à n'importe qu'ell e action, réelle ou personnelle,
~i elle n'avait pas été intentée dans le délai de trente ans
( L . i , Th. C. De act. cert . te111por, finiend.) Cette dernière prescription ayant le même caractère que la précédente, elle était , comme celle-ci, susceptible d'être interrompue par la litis contestatio.
Comme la litis contestalio étai t le mode principal d'interruption civile, nous croyons utile d'en exposer tout
d'abord la théorie. Nous nous demanderons en second lieu
si la missio in possessionem n'était pas, elle aussi, une cause
d'interruption civile de la prescription : nous verrons
ensuite les effets de l'interruption naturelle ou civile sur
la prescription , et nous terminerons notre chapitre en
montrant l'influence de l'interruption sur le temps requis
pour prescrire.
SECTION 1
DE LA
«
LITIS CONTESTATIQ . »
A l'époque des actions de .la loi, le demandeur pouvait
exiger de son adversaire que celui-ci le suivit immédiatement devant le magistrat, ou qu'il lui lîl une promesse
�-
54 -
garantie par un vit1dex de se présenter à jour fix e. Si le
dëfendeur refnsait, le demandeur faisait constater son
refus par témoins en prononçant les paroles consacrées :
"Licet te antestari • (Hor .. L. 1 . Sat . 9) , et il pouvait
dès lors l'entraîner de force, etiam obtorto collo. Arrivées
devant le magistrat, les parti es ex posaient leurs prétentions,
et, après avoir accompli les formalités de la Legis acti<>,
elles pren:lienl à témoin les personn es présentes de ce
qai venait de se passer (testes estote), d'où l'expression de
litis conteslatio, pour marquer qu e l'organisation de l'instancP. était dès lors chose acquise.
Après la suppression des aclions de la loi, cette formalité
de la litis conteslatio n'eut plus lieu, mais le nom subsista,
quoique avec un sens clilTérent ; il désigna alors le moment de la délivrance de la formu!e.
Nous plaçons ici la solution d'un e question qui a longtemps divi sé les commentateurs. Etant donnée la distin ction
que fai sait la ~rocédure fcrmulaire entre le jus et le j1~di
ciuni, à laquelle de ces deux périodes appartient la titis
contescatio ~ Nous croyong avec la grande majorité des
auteurs que la litis contcstatio est le derni er acte de la
procédure in j ure. Cette opinion, conforme a la tradition
historique, a de plus l'avantage de reposer sur des textes
nombreux ; (L. 16 et 17 , O. Deprocuratore), où les mots
ante et 110st lilem contestatam ne penvcnt signifier qu'avant
et après la concession de la formule; (L. 8. § 2, O. eodem) ,
où les mots tem710re titis conlestala signifient nécessairement devant le prétenr; ( L. 25, § 8, O. De œd. œdificand. )
où il est dit qu'après la litis conlestatfo, on vient ad
judices , conjic·iendœ co11sislendœr1ue cattsœ grntia . Enfin le
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55 -
mot lui-même de litis contestatio semble confirmer notre
manière de voir. (Zimmern, Des actions ; Keller, procédtl.f'e cfoile ; Bonjean, Des actions).
L'opinion contraire est basée tout entière sar la loi
1, C. de litis contestatione : lis enim tune contestata
videtur ,quum j udex pe1· narrationem. negotii causatn audire
cœperit. Ce texte, dit-on, est une preuve indiscutable que
la litis conteslatio avait lieu in judicio . Il est facile de
répondre que rien ne prouve que ce texte nous soit parvenu sans altération, et en admettant qae cela soit, on
peut très raisonnablement l'appliquer am: cognition.es
extraordinariœ, hypothèses où le magistral ne renrnyait
pas les parties devant un juge, mais tranchait lui-même
le dilJéreod (Accarias). Dans les instances de cette nature,
la litis contestalio était le moment où le défendeur répondait devant le juge au nouvel eïposé que le demandeur
lui faisait oralement de sa prétention, en alléguant luimême les moyens qu'il jugeait convenables. Cet instant de
la lit·is contestalio avait de l'importance comme étant proprement le commeocement du procès, par lequel t·es sive
lis in j udici u m deducebatur , el auquel se rattachaient
divers elJets particuliers et de rigoureuses obligations surtout de la part du défendeur .
Cette question résolue, uous définissons aîec Savigny
la lilis contestatio, un acte qui se passe devant le préteur
et où les parties, par leurs déclarations respectirns. fixent le
litige en le rendant susceptible d'être porté devant le
juge.
La litis coutestatio produit des effets très importants
que nous allons examiner successivement.
�-
56 -
1• Elle détermine les éléments, réels et personnels du
procès. Les parties ne peuvent pas d'un commun accord
changer l'u ne des personnes qui doivent figurer dans le
judiciurn, ni modifier les questions que doit examiner le
juge. Tout changement est également interdit au magistrat, parce que la rédaction de la formule est définitive.
Ce pl'incipe subit cependant des exceptions. En ce qui
concerne les éléments matériels. elles sont très rares , et
la restitutio in i11tegrum est le seul remède employé par le
préteur pour corriger une formule inexacte ou incom plète.
Pour les éléments personnels, les changemen ts so nt plus
fréquents; ils ~'opèrent sous le nom de trar1slatiD judicii,
soit qu'ils portent su r le juge, mutatio judicis , soit qtt'il s
portent sur l'une des parties mutatio pm·tis. C'est le magistrat qui les réalise, cognila causa.
2° Elle transforme le droit déduit en justictl. C'est
l'e!Tet le plus curieux de la litis contestatiu. Pour le bien
comprendre, i 1 fan t distinguer deux choses : )'extinction
du droit ancien et la création du droit nouveau rGaïus,
'
5. 180).
Extinction du Droit ancien . - Elle a lieu i1lso jure,
quand l'action est personnelle, la formule conçue in jus,
le judicium legitimwn , exceptionis ope, quand l'une de
ces lmis conditions fait défaut, c'est-à-dire quand l'action
est réelle, la formule conçue in factum. , le judiciurn
imperio conlinens . (Gaïus. 4, 106 et 107).
L'extinction du droit ancien laisse toutefois snbsister
une obligation naturelle (L. 8, ~ ~ . L. (iO, D. De fidejus.).
-
37 -
qui produit ses effets dans le cas de la péremption d'instance. Ainsi elle maintient le gage que Je créancier a
reçu (L. 30 , ad. leg. aquil.) et lui fournit, s'il y a lit?u,
matière a rexception de dol ( L. 8. § 1 , Ratam rem hab.)
( Acearias).
C1·eation du Droit nouveau. - Gaïus (5, 180), définit
ainsi ce rlroit nouveau : 7JO$l litem contestatam, debitorem
condernnari oppo1·tere, ce qui indique que le droit nouveau est un droit de créance (opporlere). Or, comme Loute
condamnation est pécuniaire, cette créance aura pour
objet de l'argent, d'où il résulte que la titis contestatio
change la nature du droit dans les actions réelles et qu'elle
en change l'objet toutes les fois qu'à l'origine cet objet
n'est pas de l'argent. Uo autre changement à remarquer
est Je changement de cause indiqué par Gaïus en ces
termes : Incipit leneri 1·eus litis contestatione. Le caractère
de cette nouvelle cause est. non pas un véritable contrat,
mais un quasi contrat, et cela suffit pour que le droit qui
en résulte soit un droit de créance.
C:e second effet de la lilis contestatio l'a fait considérer
par quelques auteurs comme une novation nécessaire par
opposition à. la novation volontaire (Zimmern. Keller).
Nous préférons adopter l'avis d'Accarias qui ne voit dans
la titis contestatw qu'u ne opération st4i generis parfaitement distincte de la novation. En effet la novation ne peut
avoir lien que par la stipulation et elle ne comporte jamais
de changement d'objet, à la différence de la litis contestatio
oü celle modific:itinn est très fréquente.
�- 58 5° Elle détermine Je moment où doit se reporter le juge
pour savoir si Je défendeur doit être condamné ou absous.
pour savoir quel doit êtr~ le 1Juantum de la condamnation.
C'est à ce troisième etîet que se rattache l'interruption
de la prescription par la titis contestatio. Le jugP.. en eITet,
se place au jour de la lilis conleslatio pour apprécier les
moyens de défense; si donc ces moyens de défense ne sont
pas acquis au jour de la demande. le défondeur succombera dans ses prétentions. et pour rentrer . dans notre
sujet la prœscriptio longi temporis ser:i interrompue . L'elTet
de cette interruption était tel que, même dans le cas
d'abandon par le demandeur de son action. la prescription
ne pouvait plus recommencer. Q1tod si prior 1Jossessor
inquietatus est, elsi poslea per longum lern7Jus sine aliqua
interpellatione in possessione remansil, tamen non potest
uti longi temporis 7n·œscriptione. ( L. 1 , C. De prœscrip .
long. tem1> .) .
4° Elle rend possible la sentence maigré le défaut du
défendeur ; car, une fois que le quasi-contrat existe entre
les parties, l'absence de l'une d'elles n'empêche pas l'affaire
de suivre régulièrement son cours.
Telle est en résumé la théorie de la titis conlestatiu dont
nous avons cru l'exposé nécessaire pour rendre notre travail complet.
Justinien fusionna l'usucapion et la proscription de
loug temps. Dès lors la nouvelle usucapion fu t-elle interrompue, non seulement par la perte tle la passes ion, mais
aussi par la titis contestatio .9 La négative est sou tenue par
de nombre•Jx auteurs. Ils se uascnL sur le pr111c1}1ium des
-
59 -
I nstitules, t. VI, De usucapione : Et ideo conslitutionem
super hoc 1J1'omutgavimus, qua caulum c&t ut res qrJidem.
mobiles 1Jer triennium immobiles vero per wngi tempori1
possessionem .. ... usucapiantur. Le mot usucapianlur dont
s'est servi Justinien. prouve bien. d'après eux, que cet
empereur a entendu consacrer les principes de l'ancienne
usucapion. lis ajoutent à l'appui de leor théorie que, si la
titis contestatio avait interrompu l'usucapion, il n'aurait
pas élé nécessaire d'édicter une disposition spéciale au
sujet des absents (L. 2, C. De annali exceptione - Demangeat; Maynz, Accarias).
L'opinion contraire nous P.araiL préîérable. car à partir
ue Justinien, les mots usucapio et prœscriptio sont synonymes. il n'y a plus qu'une institution. La preuve en est
que ce prince les emploie indifféremmen t l'un pour l'autre
dans la loi unique au Code de usucapio11e irans{ormanda.
De plus, c·est la solution qui ressort de la Novelle 119.
chapitre VII. (Ortolan).
Sous Justinien , l'usucapion est donc interrompue par la
r oursuite en justice, et non seulement à partir de la titis
contestatio , comme la lort9i tem11oris prœscriptio de l'ancien
droit. mais encore à partir de la notification de l'assignation , du tibellus conventio11is, car la titis contestatio
n'existe plus à cette époque (L. 1O. C. De prœscrip. loug.
tempor.).
Nous avons dit plus hant que l'interruption civile résultau l de la titis contcst11tio s'a ppliquait aussi et par les
mêmes raisons à la prescriptio lo11gissimi temporis. Celle
prescription fll t, elle aussi. ous Justinien, interrompue
par la ùemande en justice.
�-
40 -
SECTION li
DE LA « MISS!O IN POSSESSIONEM. ))
La litis contestatfo était-elle le seul mode d'interruption
civile de la prescription ? Qu 'en était-il de la missio in possessionem .'il Produisait-elle le mème effet ?
Voici l'hypothèse dans laquelle la solution de la question est intéressante: Il faut supposer qu 'un créancier ne
.
'
.
I
peut parvemr a atteindre son débiteur pour se faire payer.
Comme la prescription court contre lui . il s'adresse directement au préteur. qui lui accorde, après vérification de sa
demande. cognita causa, une missio in possessionem sur
les biens du débiteur.
Cette missio in pos$cssionem avait, croyons·nous, pour
efTet d'interrompre la presc ripti on parce qu 'il ne faut pas
que le créancier soit lésé dans ses droits par suite du mauvais Touloir du débiteur. Celte opinion, du reste, était celle
de d'Argentrée ( Des appropriances , art. 226), qui fa professait, qu oiqu 'elle ne puisse s'appuyer sur aucun tex te.
Ce mode d'interrnption civi le produisait même des elîets
beaucoup plus absolus que ceux de la titis contcstatio
comme nous le verrons. en étudian t les effets de l 'inter~
ruption civile.
SECTION
JJJ
EFFETS DE L' INTERRUPTION
L'i~terruption naturelle. nous l'avons déjà cons taté,
produit des efîets généraux et absolus. de Lulle sorte qu 'elle
profite non seulement au nouveau possesseur, mais encore
-
4t -
à tous ceux qui ont intérêt à l'invoquer : Non adversus
emn lanl14m qu.i eripit. intern,mpitur possessio. sed adversus om.nes (L. 5, D. De usurp. et usucap .). L'interruption civile. au contraire, produit des effets particuliers et relatifs, de telle sorte qu'elle ne profite qu'à celui
qui en est l'auteur, et qu'elle ne nuit qu'à celui con tre qui
elle est dirigée. Ainsi, dans le cas de plusieurs créanciers
solidaires de la même chose, l'action intentée par l'un
d'eux n'interrompt la prescription que pour sa part, et
elle la laisse courir à l'encontre des autres créanciers. De
même, la poursuite dirigée contre l'un de plusieurs débiteurs non solidaires n'empêche pas la prescription de
courir en faveur des autres.
Ce principe de la relativité des effets de l'interruption
civile souffre exception d·rns les trois cas suivants : en
matière de corréalité, d'i ndi,·isibililé el de cautionnement.
t ° Corréalite. -
En matière de corréalité active ou
passive. la prescription interrompue soit par un des créanciers. soit à l'encontre d'un des débiteurs, profite aux au tres
créanciers et nuit aux autres débiteurs. Justinien donne
la raison de cette première exception dans la loi 5, C. De
dttobus reis : Sil itaqrie generalis devolio et nemini liceat
alieuam indevotionem St:'Jui , qtw.m ex una stfrpe unoque
fonte imus efllu~it contract11s vel debiti cat.sa e:r eadem
actione a71paruit. Comme il n'y a qu'un seul contrat pour
tous les créanciers et qn'one seule action pour tous les débiteurs. l'inlerrnplion doi t se produire en faveur de tons
les créauciers et à l'encontre ùe tous lüs débiteurs.
�-
42 -
2° Indivisibilité. - Ici encore la prescription interrompue par un des créanciers de la chose indivisible, ou
à l'encontre d'un des débiteur~ de cette mème chose , l'esl
aussi en faveur des antres créanciers et à l'encoolre des
autres débiteurs (L. 5, C. De duobus t·eis).
li ne faudrait pas assimiler à l'hypothèse d' une dette indivisible, celle où un débiteur. après avoir donné une hypothèque pour sûreté de sa créance, meurt en laissant
plusieurs héritiers, car l'interruption adressée à l'un des
héritiers du débiteur n'empêcherait pas les autres de prescrire et leur libération personnelle et la libération de
l'objet hypothéqué pour les parts qu'ils ont dans cet objel.
5° Cautionnement. - Bien que l'on ne trouve pas de
textes à l'appui de celte troisième exception, on n'hésite
pas généralement à admettre que l'interruption produite à
l'encontre du débiteur principal doit également produire
son effet contre la cauti on par application de la maxime :
Accessorium seqi,itu.r 11rincipale. Si Justinien n'a pas parlé
des cautions, c'est. di t-on, qu'il les a comprises sous le
mol correi (L. 5, C. de <ltiobus reis), pu isqu'elles sonl rei
ejt!Sdem obligationis, Elles son t codébitrices du débiteur
'
principal,
non ·pas à la véri té codébitrices principales ,
mai!' au moins codébitrices accessoires de la même obl igation.
Faut-il admettre par réciprocité que l'interruption qui
se produit à l'égard de la caution a lieu en même temps à
l'égard du débiteur principal.
D'éminents an lenrs souti ennent l'affirm ative, eL ils assim ilen t le fidéjusseur et le débiteur principal à ùes obligés
-
45 -
solidaires (Molitor, Obligations). Cette opinion doit être
rejetée, selon nous, parce qne la fid éjussion et l'obligation
solidaire sont deux choses essentiellement distinctes. Tandis
que l'obligation solidaire est une, dans celle garantie par la
fidéjussion. il y a deux obligations. l'une principale, l'autre
accessoire , destinée à fortifier l'obligation principale. Dès
lors, s'il e~t naturel de régler le sort de l'accessoire par
celui du principal , par exemple quand il s'agit de l'interruption adrec;sée au débi teur principal; il paraît tou t à fait
étrange de régler le sort du principal par celui de l'accessoire.
Aux .trois exceptions déjà signalées, il faut en ajouter
une quatrième. L'envoi en possession en faveur d'un
créancier produit un efTet interruptif non seulement
en faveur du créancier poursuivant. mais aussi en faveur
de tous les créanciers du déb iteur, et idco cœteris quoqiie
prodest (L. 12. D. De rebus aiicloritate j udicis vossidendis).
Justinien a égalemen t consacré ceLte opinion : Quid en im
justius est quam mnncs qui ad 1·es debiloris milti debcnt,
esse 7Jartic1)ws lwjusmodi commoclitatis (L. Ult. C. De
bou , a11rt.judic, ?Jossict. ). Seulement il y apporte le tempéramen t suivant, à savoir que les créanciers présents dan
les deu'.\ ans. les créanciers absf1nts dans les quatre ans à
dater de l'envoi en possession, doivent faire la justificatiùn
de leurs créances et indemniser le poursuivant de ses frais
et de ses avances.
Il ne faudrai t pas regarder comme ùes exceptions à la
relativité des e!Tets produits par l'in terruption civile les
actes interruptifs fa it s , oil par le nu propriétaire, soil par
J' nsufruilier contre celui qui possède la chose pro clominu.
�-
44 -
-
Si c'est le nu propriétaire qui agit, il interrompt la prescription au profit de l'usufruitier, puisque l'usufruit est
compris dans la revendication de la propriété (L. 4, D.
De usu{t·uct. at quemad.), Si c'est l'usufruitier, il interrompt
la prescription au profit du nu pr0priétaire , car il est
censé son mandataire. toutes les fois qu'il est question de
sauvegarder ses droits (L. 15, § 7, H. t.).
Nous venons de voir qu'en thèse générale les effets de
l'interruption ci\'ile ne s'étendent pas d'une personne à une
autre, la règle est la même pour les actions. Mais elle
souffre exception, toutes les fois qu'une action est contenue
dans une autre. C'est ce qui arrive dans les deux hypothèses suivantes :
Un créancier. possesseur de plusieurs créances. intente
une action générale pour obtenir tout ce qui lui est dû.
Cette action interrompt la prescription pour toutes ses
créances (L. 5, C. De annali except.).
Un créancier, qni a sa créance garantie par une hypothèque portant sur un bien détenu par le débiteur, intente
l'action personnelle. Cette poursuite, qui interrompt la
prescription de l'action personnelle. produit le même effet
sur l'action hypothécai re, car elles sont intimement liées
entre elles (L. 5, C. Deantwli except. ).
SECTION
1
INFLUENCE DE L IN'rERRUPTION
IV
DE LA PRESCRIPTION
SUR LE 1'Ell1PS REQUIS POUR PRESCRIRE
lnterruvtion Natm•elle. - Le possesseur, dépouillé de
la chose, ne peut plus pres~rire; s'il vient à en recouvrer
4?> -
la possession, il commence une prnscription nouvelle ,
d'une durée égale à la première.
Interruption Civil.e. - La litis conteslatio avait pour
e!Tet de rendre perpétuelles les aclions temporaires .
Bepuis Théodose Il, il faut entendre, par aclions perpétuelles, celles dont la durée est de trente ans. Justinien
décida que les actions perpétuelles seraient prorogées jusqn'à 4uarante ans par la lilis contestatio. Ainsi, s'agit-il
d'une action temporaire, la litis conte,,ta,io la proroge
jusqu'à trente ans; s'agit-il d'une action p01p~tuelle, elle
la proroge jusqu'à quarante ans (L. Ult.. C. De71rœscript.
50 vcl 40 ann. ).
Les commentateurs sonl divisés sur le point de savoir
si celle loi Ult. C. de prœset·ipt.. 50 vel 40 ann. a été
abrogée par la loi Properandwm C. de judiciis. On se prononce généralement dan~ le sens tie la négativie, parce que
cette dernière loi se 1:-ol'lle à prescrire des mesures pour
que les procès soient jugés dans l'espace de trois années, à
dater de la conlestation en cause, et qu'elle ne fait ré.sui Ler
du défaut de jugement dans ce terme aucun elîeL qui ait
le moindre rapport avec la péremption.
�-- 46 -
De la Suspension
A la dilTérence de l'interruption, la suspension n'est
qu'un temps d'arrêt, un obstacle passager à la prescription . de telle sor~e qu' une fois l'obstacle disparu. la prescription antérieure est utile et elle se joint à la prescription
nouvelle qui recommence à courir.
A l'époque classique, de même qu'il n'y avait pas de
causes d'interruption civile. de même il n'y avait pas de
causes de suspension, et le remède à cet état de choses
était !'in integrum 1·estittttio. Aussi est-il très ùifficile de
présenter une théorie complète et uniforme sur cette
matière, et faut-il se contenter de rechercher les di vers
exemples cités par les textes. On peut les grouper sous ces
deux idées principales : impossibilité d'agir el protection
due à certaines personnes.
L' in integrum restitutio ayant suppléé si longtemps au
manque de causes de suspension, il ne sera pas hors de
propos de comme0t·er par en faire l'exposé.
SECTION J
-
47 -
formalistes, ce qui. dans la pratique, amenait souvent des
iniquités flagrantes.
Savigny définit \'in integrum restitutio • le rétablissement d'un état antérieur du droit, moti vé par une opposition entre l' équité et le droit rigoureux, et opéré par le
préteur qui change avec connaissance de cause un droit
réellement acquis. •
Cette définiti on fait ressortir les deux particularités les
plus saillantes de l'in integru:m reslitutio; en premier lieu ,
c'est le préteur seu l. Je magistrat romai n par excellence,
qui peut accorder cette faveu r; en second lieu, son pouvoir n'est limité par rien en cette matière, sa conscience
est son seul guide ; anssi peut-il l'accorder en tel oo tel
cas, suivant qu'il Je 1uge r,onwmable.
Les conditi ons de la restitution sont les suivantes :
1° Il faut une lésion. et par lésion on doit entendre
« un changement véritable de l'état du droit, un changemen t préjudiciable à celui qui réclame la restitution. •
(Savigny). Celle lésion doit être d'une certaine importance
(L. 1, C. si advers. donat. , L. 1, C. si ad1Jers, fisc.).
Elle peut provenir soi t d'un acte, soit d·une simple omission : usucapion accomplie au préjudice d'on mineur
(L. 45, Pr. D. De minor .). au préj udice d'un absent
(L . 'l , § 1. D. ex quibus causis).
D E « L'! N l NTEGRUi\1 RESTITUTIO. »
C'était un remède créé par le préteur pour corriger la
trop g~and e rigueur du droit civil ; car les Romains.
comme tous les peuples primitifs, étaient essentiellement
2° Il faut un motif de restitution, c'est-à-dire un état
irrégulier, qui nécessite l'emploi de ce remède extraordinaire. Nous e:rnminerons tantôt les diverses causes de
restitution.
�- 48 3° Il faut qu'il n'y ai t pas de disposition excluant la
restitution. comme cela existe en matière de déli L public
ou privé (L. 9, § 2, ts , D. De minor. L. 1, 2, C. si
advers. delict.). La restitution est encore impossible,
quand le débiteur est coupable de dol (L 9. § 2. D. De
minor.),quand l'acte. à cause de sa nature spéciale. ne peut
être rétabli dans son état antérieur : a.lîranchissement
(L. i, 2. 5, C. si advel's . libcrt. L. 9, § 6. D. De min.or) .
4° fi faut qu'il n'y ait pas d'autres moyens de prévenir
le dommage dont il s'agit (L. 16 , Pr. § 1, 5. D. De
minor .) A ce sujet, il fau t se poser une hypothèse où la
rcstitutio in integnmi semble faire double emploi avec une
action déjà existante. Bien que le pupille ait l'action ttaelœ
direcla , il peut, quand il est lésé, demander la restitution.
L'explication de cette superfétation apparente est fac.ile à
trouver ; l'action tutelœ n'est donnée que contre la mauvaise administration du tuteur, chose toujours difficile
à prouver, aussi peut-ell e être insulfisante ; tandis que
la restitution étant accorriée c.o ntre un fai t particuliar.
la preove est beaucoup plus facile à administrer et la
protection du mineur est par cela même plus effica~e.
Lorsque ces diverses conditions sont réunies, la personne lésée peut demander au préteur la restitution qui
lu i est donnée, cognila causa, tantôt in rem, tantôt in
personam. Le délai pour la demander était d'une année
utile, Justinien le remplaça par un délai de quatre années
con tinues (L. Ult. C. De temp. i1i integr. restitut .).
L'effet de la restitution étant de rétablir la personne
lésée dans l'état antérieur à la lésion, celle-ci peut récla-
-
49 -
mer tout ce que les conséquences de cet acte lui ont faiJ
perdre, par exemple les fruits et les accessoires de sa
chose. Ut i11111s'Juisque jus suum in inlegnm& 1·ecipiat
(L. 24,
§ 4, D. De minor).
Les causes de restitution. laissées d'abord à l'appréciation du préteur, furent développées par la jurisprudence.
Quelques-nnes mêlJ)e furent créëes par les constitutions
impériales. Ces causes sont la violence, le dol. la minorité,
l'absence. le changement d'état, la juste erreur. (L. 1, 2.
D. De in iritegr . reslitut.).
La restitution n'intervient que dans les
cas où l'acLion et l'exception qu"d metu.s causa sont insuffisantes. Ainsi dans le cas d'insolvabilité de la personne
contre laquelle on agi t (L. 6. D. De dolo malo), dans le
cas d'une acceptation ou d'une répudiation d'hérédité
extorquée par violence (L. 21. § 5, 6, D. quod mclus
Viol.enr.e. -
cattsa).
La restitution doit être préférée à l'action de
dol, parce qu'à la diliérence de celle-ci. elle n'entraîne pas
l'infamie con tre le défendeur ( L. 7. § 1. O. De in integr .
Dol. -
1·eslit ul.).
Pour tout acte fait par le mineur. le
préteur, se réservait le droit de l'apprécier et d'accorder
la restitution , s'i l le jugeait convenable (L. {, § 1. D.
De minor). Cependant Je mineur ne pouvait obtenir la
restitution, quand il s'était fait passer pour majeur au
momen t de l'acte (L. 2, C. Si minor mujo.,.em) , quand
Min orite. -
�-
50 -
il avait ratifié l'acte une fois majeur (L. 1, C. Si major
{aclu.s) , quand il avait accompli cet acte après avoir obtenu
la venia œtatis (L. l, C. De his q1û veniam).
li est probable que celle cause de restitution fut admise d'abord dans l'intérêt d'un absent Reip ublicœ causa et qu'elle fut plus tard étendue à tou:; les cas
où l'on éprouvait un préjudice soit par sa propre absence,
soit par l'absence d'un tiers (L. 1, § 1, O. Ex quibus
causis). Justinien, sans abolir l'in intefp'U'l·n restitutio, permit d~ prévenir les pertes et déchéances qui peuvent résulter de l'absence rl'un tiers, au moyen d'une protestation
devant l'autorité judiciai re ou ecclésiastique (L. 2, C. De
amiali except.).
Absence.
Changement d'~tat. - Ceci s'applique à la capitis
diminutio minima qni anéantissait les droits des créan-
ciers; Je prëteur, pour leur venir en aide, leur donnait
l'in inlegrum 1'eslitiitio (L. 7-9, O. De capite minulis).
A partir de Justinien , ce ne fut plus nécessaire, puisque
cette capitis diminutio n'existait plus.
Juste Errettr. - ·- Tel est le cas ù'un contrat fait :wec
un pupille assisté d'un {al.fus tutor , c'est-à-dire d'une per-
sonne qui se donne pour tuteur du pupille sans l'être
réellement. Le préteur donne encore dans cette hypothèse
le bénéfice de la restitution .
Enfin le préteur, après avoir mentionné un cerlain nombre de causes de restitution, avait eu soin d'ajouter dans
son édit : Item si quti a.lfo mihi justa causa viclebitur, in
-
51 -
integrum restituam , d'où l'on peut conclure qoe la resti-
tution était accordée toutes les fois que la lé!>ion provenait
d'un évènement non imputable à la personne lésée.
Un rescrit d' Adrien accordait la restitution contre un
jugement définitif basé sur de faux témoignages (L. 55,
D. De re j t'dicata).
La restitution était encore accordée contre un jugement
qui avait acquitté un défendeur par suite d'un serment
déféré par le juge, si le demandeur avait en main de
nouveaux titres déeouverts depuis le jugement (L. 3 f , D.
De jurej urando),
Cette étude de la restitution achevée. nous arrivons aux
divers cas de suspension mentionnés dans les textes.
SECTION Il
IMPOSSIBILITÉ D'AGIR
Les causes de suspension, groupées sons cette première
idée ne sont que l'application de la maxime : Contra non
'
.
valentem agere non cu1·rit pnescriptio. La prescription ne
court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir.
Comme il serait impossible d'énumérer toutes les hypothèses qui contiennent une impossibilité d'agir, nous nous
bornerons à signaler les principaux cas prérns par les lois
romaines.
En premier lieu la prescription ne eourait pas contre le
propriétaire de matériaux employés à une construction
appartenant à autrui . tant qu'ils faisaient corps avec celle
construction. ne ~1Jel'ttt.S urbis ruit11's de/'ormel10-. Telle
�-
!")2 -
est la raison , bien peu juridique. il faut le reconnaître.
qu'en donne le préteur dans son édit. La vraie raison c'est
qu'à partir du moment où les matériaux font partie intégrante de la constru ction , il n'y a plus de matériaux, et
dès lors plus d'action pour les réclamer. Mais si l'édifice
venait à être rJP.truit par une cause quelconque, l'action en
répétition pouvait être intentée. et la prescription recommençait à courir(§ 29 , lnstit. De dir>ision e renun, L. 7,
§ 10, D. De acq . rer. domin .).
La prescription était suspendue en faveur des créanciers conditionnels et des créanciers à terme (L. 7. § 4, C.
De prrescri11. 50 vcl. 40 ann .). On )P, comprend aisément,
puisque la créance cond itionnelle ne commence à exister
qu'à l'époque de la réalisation de la conùition, et que la
créance à terme. bien qu'existant dores et déjà, ne deY ien t
exigible qu'à l'arrivée dn terme.
Elle étai t encore suspendu e en faveur des créanciers
d'une s~ccession penùaot les délais accordés à l'héritier
pour faire inventaire et délibérer, parce que pendant ce
temps il n'y avait personne contre qui ils pussent agir . N1.tllo
scilicct ex hoc intcrval/o crcdito1· ibus hereditariis circa
lemporalern p1·œscriptionem prœj tulicio generando (L. 2 2.
§ 11 , C. De j1.we deliber. ).
Enfin elle était suspendue en faveur du fils de fam ille
pour les biens qui formaient son pécul e adven tice . Car
autrement le fil s aurait eu à soulTrir d'évènemen ts qu'il
n'aurait pas pu empêcher. le père de fam ill e ayant l'administration et l'usufruit de ce pécule. A ce snjet, Ju sti nien
s'exprim e ainsi : • Saricimus ... nullarn temporalem exCCJJ·
tionem opponi. nisi ex q110 actionem movc1·c potuernnt, id
- 53 est, postqua m manu patcrna, vcl ejus in cujus potestate
erant constituti, {ueririt liberati. • (L. 1, § 2 , C. De amiali
except. ).
SECTION Ill
PROTECTION DUE A CERTAINES P ERSONNES
L'usucapion des immeubles n'avait pas lieu contre les
pupilles (L. 48, D. De acq. rer. domin.) La raison de
cette disposition est, d'après Pothier. que les immeubles ne
pouvaient être aliénés sans l'autorisation du tuteur (Pothier, Pandectes).
En ce qui concerne les meubles, les pupilles ne jouissaient pas de la même faveur, au dire de Cujas ( Obsero.,
L. 14 , ch. 14). Ce jurisconsulte se fonde sur ce que la
chose dn pupille cesse d'être furtive dès qu'elle a fai t
retour au tuteur , il est donc inu tile de rechercher si elle ne
peut pas être usucapée par cela seul qu'elle apparlien~ au
pu pille (Pothier. Pandectes) .
Quand plus tard fet introduite la prescription de trente
ans. elle fut suspendue en faveur des pupilles (L. 5, C.
De prœscrip. 50 vel. 40 amL).
Dans l'ancien droit . il est probable que l'usucapion des
immeubles n'était pas suspendue en faveur des mineurs;
la raison en est que, µourvus seuleme nt d'ur1 curateur,
ils étaient capables d'administrer leurs biens. Ils avaient
cependan t la ressource de l'i11 integrnm restihuio (L. t ,
C. ~i adversus i1siwapio,nem).
Sous Justinien, il fau t ùUingner. s'il s'agit de la prescription de ùix ou vin gt aus ou de la prescription tren-
�-
54 --
tenaire. La première était suspendue pendant la minorité,
parce que. dit \'empereur , melius est intacta jura 1>ervari,
quam posl causctm vulneratam remeditun quœr<'re . La
seconde au contraire ne cessait pas de coul'ir pendant le
même temps (L. 5, C. Bx quibus ca1Ïsis in integr.).
La prescription était également snspendnc en faveur de
la femme mariée, en ce qui concernait ses biens dotaux ,
pendant la durée du mariage ( L. 16 . D. De {umdo <lotali).
Cette cause de suspension aurait aussi bien trouvé sa
place dans la section pré~éd ente, ( De l'impossibilité d'agù-),
puisque Je mari devenait propriétaire de la dot et pouvait
seul intenter les actions qui s'y ratlachaient. Omnis autem
lemporalis exceptio ..... ea mtdieribus ex eo lempore oppo·
natw· ex quo 7wssit11l arliones movere, id est.. . . . posl
dissolutum matrimoniurn . (L . 30, C De ju1·e dotium ).
JI ne faudrait pas conclure de là que toutes les actions
relatives à la dot ne pou vaient être prescrites qu'à partir
de la dissolution du mariage; ce n'étaient que celles qui
avaient trait à la répélion de la d0t.
Cette cause de suspension l'eposait sur la protection
dont les Romains en tourèrent la dot de la femme . La loi
Julia, en eŒet, défendait au mari. quoiq uc propriélai re
des biens dotaux , de les aliéner sans le consentemen t de
la femme, et de les hypothéquer même avec son consentement. Or. la prescripti on était comprise dans celle prohibition d'aliéner, cela n'esl pas douteux ( L. t G. D. De
f undv dotali ) . A plus forle raison, y fut- elle comprise
sous Justinien qui defendit non seulement l'hypothèqu e.
mais :rn :>si l'aliénation directe al'ec Ir cnnseutemen t de la
femm e. afin d'assurer a celle-ci ·la con:;ervation ùc sa dot
-
55 -
et de lui permettre de convoler en secondes noces . ... .. . .
ut nube,·e possint ( Pr. lnstil. quibus alienare licel, - L .
1. § 15. C. De rei uxoriœ ). Ajoutons que la suspension n'avait lieu qu'autant que la prescripli1Jn n'avait pas
commencé avant le mariage ( L. 16. D. De fundo dotali ),
solution que notre droit moderne a reproduite. mais qui
est tou t aussi inadmissible au point de vue rationnel, puisque la prescription ne devient no droit qu'autant qu'elle
est entièrement achevée.
La prescription était encore suspendue en faveur du
tuteur pour les actions qu'il avait contre son pupille (L. 1,
§ 7. D. De c,ontrar . tutel. act.). Cette disposition s'explique par cette idée que le tuteur. détenteur du patrimoine du pupille, ne devait pas être obligé à faire des frais
qui seraient retombés à la charge de ce dernier.
Les jurisconsultes romains s'étaient demandé. si la folie,
l'ignorance, l'absen ce étaient de véritables causes de suspension de la prescri ptioo. Au sujet de la folie, il existe
une loi qui nous amène à conclure que les fous ne bénéficiaien t pas de la suspension ( L. 7. § 5, D d-e curat . furio~i). Cette loi accorde, en effet, le bénMice de l'usucapion à celui qui a reçu un héritage du curateur d'un
fou ; ce qui revient à dire que la prescription n'était pas
suspendue en faveur du fou. - Pour l'ignorance. Justinien décida qu'elle ne suspendait pas la prescription ( L.
12, C. De prescrip. long. tempor. - L. 1, C. De 11suca1>lra11sfonn. ). Admellre la olu lion contraire, c'eût été
supprimer la prescri ption. - Quant à l'absence, bien
riu'indiquée par l' édit du préteu1· comme u ~ cause de
restitution , elle ne fut jamais mise au nombre des causes
�-
56 -
de suspension parce que les raisons de protection qui militent, soit en faveur du mineur. soit en faveur de la femme
mariée, ne se rencontrent pas dans cette hypothèse.
Tel est l'exposé de la législation romaine dont les principes ont servi de base aux législations modernes.
DEIJXIÈ HE
P .4 RTIE
ANCIEN DROIT
De !'Interruption
Les moyens qui interrompent la prescription son t, au
dire de Dnnod ( Traité des Prescriptions), tirés de la nature
ou de la loi. C'est pourquoi l'on distingue l'interruption
naturelle et l'in terruption civile.
CHAPITRE ler
l11te r1•u1•Clo n i'{ature lle
L'ancien droit, tout imprégné des principes du droit
romain, décid ai t que l'interruption naturelle résultait de
la perte de la possession. A1m i, pour ériter une répétition
inutile, nous renverrons purement el simplement au x dé-
�-
58 -
veloppemenls qui ont élé donnés ci-des:ms. Peu imporlP,
donc que la possession soit perdne volontairement ou par
le fait d'un tiers ; dès qu'elle.est perdue, la prescription
est interrompue . C'était là. du moins , le principe généralement admis sous l'ancien droit. Mais ce principe ne tarda
pas à recevoir cerlain tempérament. Au dire de Pothier.
déjà de son temps, quelques auteurs, et parmi enx Dunod,
soutenaient que la dépossession par le fait d'un tiers n'était
pas suffisante pour interrompre la prescription, ils exigeaient de plus qu'il se fût écoulé une année sans que le
dépossédé eût été rétabli dans ses droits. Cette modification a été consacrée par le législateur moderne dans
l'article 2245.
Comme le droit romain , le droit civil ancien admettait la maxime : /Jlala fi.des m71ervc11iens non interrnm7>il
usucapioncm; la mauvaise foi, postérieure au commencement de la possession . n'interrompt pas la prescription .
Le droit canon, au contraire. exigeait la bonne foi pendant
toute la durée de la prescription ; de telle sorte que la
mauvai3e foi, intervenant postérieu··ement, interrompait la
prescriptior. par une voie naturelle ( Dnn od ): et, chose
digne de remarque, cette cause d'interruption. Lien que
naturelle, ne produisait que des effets · relatifs. Elle ne
profilait qu'à celui par rapport a qui elle était inter venue,
les autres y demeuraient complètement étrangers. Voici
l'hypothèse : une personne acquiert a non clominu une
chose hypothéquée; elle peut très bien en prescrire la
propriété, si elle est de bonne foi à l'égard du vendeur .
sans prescrire l'hypothèque. si elle en connaît l'ex istence.
Ferrières donne la rai')On de celle cause <l'interruption :
- 59 • Autrement, dit-il. la possession serait furtive et vicieuse.
" et la personne qui corinait ce vice de possession serait
• obligée. en conscience. ala restitution de la chose .... •
(Coutume de Paris, art. 115).
L'inondation était, elle aussi, une cause d'interruption
naturelle de la prescription, seulement à la différence da
droit romain qui exigeait une inondation définitive. c'està·dire anéantissant complètement la chose inondée; les
docteurs de l'ancien droit étaient moins sévères el admettaient l'interruption de la prescription dès que l'inondation
avait duré une année.
Le Droit féodal fournit un cas particulier d'interruption
naturelle. li s'agit de la transmission d'un fief à un roturier dans une province. où les fiefs ne peuvent être
tenus que par des personnes nobles. La prescription est
interrompue par ce fait relativement au souverain qui a
tout intérêt à. conserver à la noblesse les fiefs qui relèvent
de lui ( Dunod ).
Mentionnons encore les diverses causes d'interruption
qui existaient déjà en droit romain , telles que la mise en
possession du propriétaire. soit à titre de locataire, soit
à titre de dépositaire, etc.... qui on l passé sans modification dans l'ancien droit.
Il y avait égalt:ment interruption naturelle rie la prescription acqui, itive des servitudes quand le pre crivanl
était empêcbé de jouir par celui sur le fonds duquel dernit
s'exercer la servitude.
Seulement de simples voies de fait étaient insuffisantes
pour interrom pre la prescription, , i celni qui en av:iit été
l'objet continuait qua nd mémo ii jouir de la chose. C'c-sl ce
�..
-
60 -
qu'a décidé un arrêt de 17 t 7 dn Parlement de Besançon,
portant que « les habitants de Lamar ont prescrit le droit
de parcours sur un can Lon du territoire de Baune; quoique les habitants de ce dernier lieu eussent prouvé qu'ils
avaiePt plusieurs fois chassé Je bétail de ceux de Lamar
et même qu'ils l'avaient saisi. Mais ils l'avaient rendu et
n'avaient fait aucune poursuite en justice et les habitants de
Lamar avaient continué de prescrire comme auparavant. » (Dunod ).
CHAPITRE II
Nous avons à voir les causes d'interruption civile, les
elTets de cette interruption et son influence sur le temps
requis pour prescrire.
SECT ION 1
CAUSES D'I NTERRUPTION CIVILE
L'ancien droit reconriaissait comme causes d'interruption
civile: l'assignation en justice, la saisie, la reconnaissance
du débiteur et le commaudement qui finit après de nombreuses controverses par être aclm1s par la majorité des
auteurs.
§ 1'•. Assig nation en Justice. -
L'ass ignation en
justiœ, doooéc pu1· un exploit t.lûmeoL libellé. est le pre•
-- 6t -
mier mode d'interruption civile que nous allons étudier.
Potbier (Prescription) dit à ce sujet que l'exploit d'assignation , sur une demande en revendication donnée contre
un possesseur. forme l'interruption civile. parce qu 'à
dater de ce moment u sa possession cesse d'être une possession sans in1uiétation telle que la demandent les
coutumes. ,, L'exploit d'assignation devait être remis au
véritable possesseur pour produire son elîet interruptif.
Ainsi, s'il était remis au fermier au lieu de l'être au vrai
possesseur , la prescription cootiouait à courir jusqu'à ce
qu'un nouvel exploit fût donné à ce dernier, et si la
prescription s'était accomplie dans l'inttlrvalle des deax
assignations, tant pis pour le demandeur. Il y avait cependant une exception à faire pour le cas où le possesseur
et le fermier s'étaient concertés dans un but frauduleux
pour donner à la prescription le temps de s'accomplir ; s'il
en était ainsi, le demandeur pouvait invoquer. et avec
succès, l'exception de dol. contre le possesseur qui aurait
vuulu se prévaloir de la prescription.
Le mot • assignation • étai1 en tendu Lalo sensti, et l'on
décidait que la demande formée par l'une des parties dans
le cours d'une instance interrompait également la prescription •comme si cette demande avait été proposée par
manière de compensation on de reconvention . • (Dunod) .
Ce mode interruptif s'appliquait aussi bien à la prescription acquisitive qu'à la prescription libératoire. li
cessait de produire son effet dans les hypothèses suivantes :
1° Quand l'assignation était nulle pour défaut de
formes. li ne fallait pas comprendre dans les vices de
�-
62 -
formes te défaut de capacité dans la personne qui agit.
AinEi, uo min~ur qui assignai ~, sans autorisation. celui qui
prescrivait son immeuble, interrompait valablement la prescription , car, pour sauvegarder ses droits, l'incapable a
toujours une capacité suffisante : /n acquirendo el conset··
vando ji,re sua mullo magis mitior habetur ]>1'0 majore.
/t<tque omnem actum j uris conset·vatorium polest gerere . ..
filiuni{amilias sci:ticet, qui uliqui persotiam tion habet
sta11lli in judicio ad inlerrnptionem usque in judicio proce·
dere (d'Argeotrée). Il en était de même pour la femme
mariée non autorisée. _
2° Si le demandeur se dP,sistait de son action. Le fait
même du désistement établissant que le demandeur reconnaissait sa préteolioo mal fon dée , la prescription
n'était pas interrompue.
50 S'il perdait son procès, la solution était la mêm.e
que pour l'hypothèse précédente.
4° S'il laissait périmer l'instance, et qu'un jugement
déclarât cette instance périmée, parce que la péremption
n'était pas acqu ise de plein droit (Dunod). Le Mlai de la
péremption avait été fixé à. trois ans par l'ordonnance du
Roussillon. Néanmoins, quelques coutumes, telles que celles
de la Franche-Comté et du Dauphiné, exigeaient un délai
beaucoup plus long, trente ans.
Que décider dans l'hypothèse où le possesseur. dans le
cours de l'instance périmée, avait eu connaissance des
titres établissant le droit du demandeur ; pouvait-il continuer à prescrire? L'instance était périmée, elle n'avait
donc pas produit d'effet. Mais ne pouvait-on pas opposer
au défendeur que la connaissance qu'il avait eue des tiLres
-
65 -
de propriété de son adversaire l'avait consLituê en état de
mauvaise foi, et qu'elle m~ttait dès lors un obstacle à sa
prescription ; d'autant plus qu'il était admis par certains
parlements que , pour les prescriptions inférieures à
trente ans. la bonne fo i devait durer jusqu'à la fin de la
prescription. Malgré cette exigence. oo décidait généralement que la prescription n'ayait pas été interrompue,
quoique le possesseur eût pris connaissance des titres.
Rien ne prouve. disait-oo, qu'il y ai t trouvé un juste sujet
de croire que la chose appartenait au demandeur; au
contraire, il a pu penser qu'elle ne lui appartenait pas.
puisque ce dernier a laissé périmer l'instance.
L'assignation donnée devant un juge incompétent interrompail-elle la prescription ! C'était là une des questions
les plus controversées de l'ancien droit.
Quelque!> auteurs, s'appuyant sur les lois romaines, refusaient à celle assignation tout effet interruptif. • L'as" signatioo. donnée devant un juge incompétent, dit
~ Legrand ( Cout1nne de Troyes, art. 25, n° 51). semble
« aussi ne deYoir interrompre la prescription ; par la
• même raison que la con testation en cause faite touchant
• l'état et la condition de la personne. apuâ procuratorem
• fisci incompetenlem, n'interrompait pas la prescription ,
• suivant la loi Si pater au Code Ne de slatu Def1m clor,
• laquelle loi Mornac, (ad leg. U.i, D.De 111jus vocando.)
• alleste être observée en France. • Pothier penchait
vers cette opinion. tout en cherchan t à la tempérer: •Un
• ajournement Jonné devant un juge incompétent. disait• il , dans la r igaem· des 1J1·incipes, n'interrompt pas la
• prescription, Néanmoins. lorsque la eompétence a pu
�()4
•
•
•
•
P.tre douteuse. la Cour, en pron on~.ant sur l'incompétence du juge devant qui l'assignation esL donn ée.
renvoie quelquefois les parties devant le juge qui doit
connaitre de l'a!Taire avec celle clause, 7miir y procéder
, en l'état qt,'elles ~laient lors de l'ajournement. n (Obligations. n• 697) .
D'autres distinguaient entre l'incompélence ratione materiœ et l'incompéteoce ratione perso11œ, la dernière seule
interrompait la prescription .
Enfin . d'après une troisième opinion soutenue par
Ounod et Ferrières (Coutume de Paris), la prescription
était interrompue dans tous los cas par l'assignation donnée
devan t un juge incompétent. Ils le décidaient ainsi, parce
qu'ils trouvaient juste de favoriser la diligence de celui
qui s'adresse à la justice. Cette opinion devait être consacrée plus tard par le Code civil.
§ 2. Sai.sie. -
La saisie. dûment notifiée, interrompait, elle aussi , la prescription (Dunod ). La notification
était nécessaire puur prodoire l'interruption. C'est ce qu'a
jugé un arrêt du parlement du Languedoc. du 8 février f719. • La possession, dit cet arrêt. qui a corn• mencé avant la saisie, n'est pas interromp ue par la
• saisie subséquente ou la séquestration. si le possesseur
• continue de jouir sans trouble et sans être appelé dans
• l'instance. • (Journal du Palais de Toulouse). En cas
de décret, était-ce la saisie réelle ou seulement l'opposition
du créancier qui interrompait la prescription ? La saisie,
au dire de Dunod, quand les biens du débiteur sont séquestrés : Quia p·igniis prœtoriU'm in 1·em e/it Pt omnibus
-
6!> -
creditoribus proclest. Dans les autres hypothèses, la saisie
n'interrompai t la prescription qu'en faveur do créancier
qui l'avait faite, et l'inLerruplion subsistait quand même
le décret aurait été déclaré nul.
§ 3. Commandement. -
Les auteurs n'étaient pas
d'accord sur l'eftet inlerruptif du commandement.
Les uns et, parmi eux Legrand. lui déniaient cet effet.
• Un commandement. disait-il , fait à un débiteur de
• payer une certaine somme en vertu d'une obligation ou
• sentence, ne doit pas interrompre la prescription, si
• l'exploit n'est suivi d'une saisie de meubles avec trans• port, en sorte qu'on reconnaisse que la saisie et la
• vente sont venues à la connaissance de la partie, ce
• qa 'il serait utile d'observer à présent , pour éviter les
• faussetés qui se commettent souvent pour ce sujet.
• même pour faire revivre des obligations acquittées. Jt
(Coutume de Troyeli) . C'était aussi la j nrisprudence du
parlement de Bordeaux. Seulement, ce dernier donnait
au commandement la force ùe faire courir les intérêts
pendant trois ans, à dater du jour où il était fail. A l'expiration de ce délai , un nouveau commandement étail
nécessaire. Pour le capital, un simple commandement
n'était pas interruptif , même pour trois années (Lapeyrère).
Les autres lui accordaient cet etiet (Pothier, Parlement
de Dijon), parce qu'i l témoigne. de la part de celui qui le
fait, une volonté suffisante pour agir contre son débiteur.
Le command ement n'étant pas so umis à la péremption,
son effet interruptif durait tl'ente an$ (Nouveau Deaizart,
�68 -
prouver les payements, si le débiteur les dénie. L'ancienne
jurisprudence venait an secours do créancier en décidant
que son livre de raison faisait ,preuve des paye~ents par
lµi reçus, lorsqu'il était homme de probité et qu~ la delle
étant certaine, il ne s'agissait que d'écarte,r la prescription,
• parce qu'il cqoste d'aille1,1rs, d'é\près DU,no~ , de l ~
• créance que le payement noté est présumable ; que
« cette note est presque la seule preuve que le créancier
• puisse faice et qu'il est bien juste que son livre fasse foi
• en ce cas, comme celui des marchands le fait en
• d'autres. • Polhier comballait celle jurisprudence en
se fondant sur ce qu e " le journal du créancier sur lequel
• il al!rait ins~rit les payements qui lui auraient été faits,
• ne peut servir de preuve pour lui, qu'il a reçu lesdits
• payements. parce qu'or ne peut ~e fé>iire une preuve à
• ,sGi·roêwe pour soi-même. • (L. 5, C. De prcb. obligJJtùm., n• 696).
.La r~non ciation à la prescription pou vait aussi résulter
de réserves wises dans un contrat.
Henrys dopne l'exemple suivant : u Titius se trouve
• obligé à Mrev~u s à diverses somJ)'.les et 1par diverses qbli• gatiQns, la dernière desqu elles porvrnt réserve des
• précédentes en ces termes : Outre aul1'es dell~s et pour
• em.pt!clw· la siwan11ati.011. Le c~éaQcier et le débiteur
• étant décédés, et l'h~ritier de ci~lui-Jà ayant fait assigner
• le tuteur des enfants et héritiers de celui-ci en déa.la" ration d'obligations exécutoires, le tuteur accorde jµg.e• ment pour quelques-nnes et débat )es autres de pres• cripLion pour y ayoir pl.us de tre.ote ans et pour Qoe
• ou deux plus de quar:)nte ans.
·- · 6'9 • Contre celte prescription l'héritier du créancier
• oppose . .. qu'il ne fallait compteï les quarante ans du
• jour et date des premières obligations, mais du jour de
• la dernière, à canse cle la réserve et clause, outre autres
• dettes , qui les avait renouvelées et faisait obstacle à la
• prescription .. . qae cette cfause insérée dans les der• nières obligations ... était one reconnaissance expresse;
• que ces termes ne pouvaient être inutiles, et qu'il
• fall~it qu'ils opèrassen t quelque chose : qu'il n'es( pas'
• de cette clause comme de cèlles que le notaire peut
• ajouter de son style: mais qu'au contraire il fallait
• croire qu'il n'avait inséré cela que parce que le créan• cier l'avait désiré et que Je débiteur l'avait consenli .
• o'n disait au contraire, qu'il n'y avait pas apparence
• de faire demande d'obligations si vieilles, et dont il y
" avait plus de quarante ans; qu'on ne pouvait pas outre• passer ce Lerme, sous prélexte d'une clause qui est
• assez commu'fl'e et que le notàrre peut autant ajouter
• d'offi ce que par l'ordre des parties .
• Par arrêt de ia Cour. fa sentence du bailfi a été in• firmee. et les mineurs ont été condamnés à payer toutes
• les obligatîons, nonobstant la prescription à laquelle on
; a jugé que la clause otdre aulres deltes a fait obstacle. •
( Liv . 5, chap . 6, Quest. 102).
Cette opinion, adoptée par plusieurs parlements. était
approuvée par Dunod. • La réserve même générale des
• sommes dues faile dans uo contrat, interrompt la pres• cription. ,. Cependant Bretonoier était d'avis que cette
maxime n'était pas assez certaine pour s'y fier et qu'il
faÙt faire une réserve expresse des aotr~s obligations. ( L.
�-
70 --
sur Henrys. loc. cit.). et il ajoutait que le Parlement de
Paris repoussait les réserves vagues et générales, parce
qo'_il les considérait comme de style.
Qu'en était-il du transport de créances? lnterrompaitil la prescription ? Il fa liait distinguer. d'après Ra viol
(sur Périer, Qttest. 54~ ) . si le transport avait ou non été
signifié au débiteur. Dans le premier cas, la prescription
était interrompue, quoique le transport n'eCtt été suivi
d'aucune demande en j oslice ( arrêt dtt Parlement de
Dijon du 22 mars t 678), • parce que la prescription
opposée par le débiteur est toujours odieuse, est impium
prœsidimn, disent les lois et les jurisconsultes. » Dans le
second cas, elle ne l'était pas , puisque le débiteur ignorait
le transport. ( Arrêt <Lu même Parlemetit du 11 août
1671).
SECTION II
EPF ETS DE L'INTERRUPTION
Les effets, produits dans l'ancien droit , sont les mêmes
que ceux déjà. constatés en droit romain, effets absolus
pour l'interruption naturelle, efTets relatifs pour l'interrurJtion ci-vile. On y rencontre les mêmes exceptions en
matière de solidarité, d'indivisibilité, et de cautionnement;
aussi suffir:H-il de faire les observations suivantes :
En ce qui touche la solidarité, des coutumes et des
jurisconsultes lui assimilèrent l'indivision au point de vue
des effets de l'interrnption civile de la prescription.
Ainsi les coutumes de Bourbonnais (art. 57), Nivernais
( Lit. 3ü, art. 5), Berry (Lit. 12 , art. '15) , Anjou (art.4 55) ,
-
7t -
décidaient que l'interruption faite contre l'un de ceux qui
possédaient en commun ou par indivis, profitait comme si
elle était faite i1 l'égard de tous.
Domat tirait la même règle de lajloi, (Ult. C. de duobus
reis), tant en faveur de ceux qui jouissent en commun que
contre eux.
Chabrol ( snr Auvergne) donnait de cette doctrine la
justification suivante : • li en est des hèritiers du débi• teur comme des co-obligés même, tant que ces héritiers
• n'ont pas fait de partage. Ils sont censés mandataires
• les uns des autres à. cet égard. Ainsi la poursuite faite
• contre l'un d'eux est réputée faite contre la succession
• même, et si, pour un droit appartenant à plusieurs en
• commun. un seul agissait pour le tout, sa demande
• interromprait la prescription aussi pour la totalité ;
• chacun de ceux qui possèdent un droit indivis est
• réputé procureur constitué des autres et il peut agir
• pour la totalité. •
Cette opinion n'était pas unanimement adoptée. Despeisses, Pothier, Dunod, enseignaient le contraire, et le
dernier de ces auteurs s'appuyait surtout sur un argument qui nous parait décisif. à savoir que l'état d'indivision
n'empêche pas les communistes d'avoir des droits distincts.
Pour le cautionnement la question était controversée.
Les uns distinguaient entre les cautions judiciaires et les
cautions conventionnelles. et ce n'était qu'à l'égard des
premières que \'interpellation donnée au débiteur principal devait s'étendre à la caution (Dunod).
Les autres voulaient que dans aucun cas la poursuite
�-
72 -
dirigêe contre le débiteur ne rejaillît contre la caution,
parce que les deux dettes sont distinctes (Dupérier).
D'autres enfin ne faisaient pas de distinction et décidaient que l'interruption avait lieu dans tous les cas à
l'égard de la caution (Pothier) . C'est l'opinion qui finit
par prévaloir et qui , a jnste titre, a été consacrée par le
Code civil.
La ~aisie immobilîère, comme la missio in possessionem
du droit romain, profitait à tous les créanciers.
La saisie par décret empêchait la prescription de cinq
années de rentes constituées par argent, encore que ceux
auxquels elles étaient dues n'eussent pas opposé en conséquence de ladite saisie. On sait que l'opposltl'on au décret
équivalait à. notre acte de 1>rodttil. D'Héricourt expliquait
ainsi cette règle: • Un opposant à un décret est colloqué
• pour tous les arrérages qui lui sont d:Js d'une rente
" constituée, sans qu'on puisse lui opposer le défaut de
" sommation pendant cinq années, depuis soh opposition ,
" même depuis la saisie réelle. La raison qu'on peut ren• dre de cet usage es t que la saisie réelle est faite non
" seulement pour la conservaliol'l des droits du saisissant
• mai~ encore po ur Lou!\ les créanciers de la partie en cas'
• qu'ils forment opposition au décret. Or, tant qu'il y a
" inslance pendante an sujet des arrérages d'une rente,
• celte instance empêche le cours de la péremption intro" d.u.ite par l'ordonnan ce de Loui.~ XII . Il y a une dispo" s1t1on expresse pour le Parlement de Normandie dans
• le reglement de 1666. " (De la vente deR immeubles
r1rll' 1lécret.) Dans cette hypnthèsc la saisie même donnait
-
75 -
naissance à ('action commune des créanciers et interrompait la prescription à leur profit.
SECTION III
INFLUENCE DE L'INTERRUPTION SUR LE TEMPS REQUIS
POUR PRESCRIRE
La solution élail la même
qu'en d.roit romafn. Si le possesseur dépouillé de son
immenble vP.nait à Je recouvrer, il commençait une nouvelle prescription d'une durée égale à. celle qui avait été
interrompue.
Interruption Naturelle. -
interrup(ion èivile. - Il faut examiner successivement
i'es divers actes qui formaient cette interruption.
1• Ajournement. - Nous avons vu q~··en droÙ romain la litis contestalio prorogeait à. trente ans les actions
1
,
temporaires et à. qt{arante ans les actions perpét uel1es. Ce
résultat ne se rencontrait plus dans l'ancien droit. L'ordonnance du Roussillon de t :S65 ayant abrogé la constitution
de Justinien : • L'instance intentée, quoiqu'elle soit con• testée, si, par le laps de trois ans, elle est discontinuée.
• n'aura aucuu elTet de proroger ou de perpétuer l'action.•
(art. 15 de l'Ord. ).
Voici quel était l'état du droit dans notre ancienne
jurisprudence. La prescription était interrompue par
l'ajournement, et l'interruption subsistait autant que l'instance, i;elle-ci eût-elle duré plus de trente ans. Mais la
�-
74 -
prescription con tin nait à courir, si l'instance était périmée,
soit qu'il y eùt eu contestation en cause, soit que l'ajournement n'eût pas eu de suite; de telle sorte que si, pendant
ce temps, l'action était. arrivée ason terme de trente ans,
la péremption emportait la prescription de l'action.
(Boniface) .
Pothier n'admettait pas ce système, quand il s'agissait
des actions annales. Il distinguait pour elles, s'il y avait eu
ou non contestation en cause. Dans le premier cas. l'action
annale était prorogée a trois ans ; dans le second, la
demande était périmée par un an . Il écartait l'ordonnance
de Roussillon , en disant qu'il ne fallait pas l'appliquer aux
actions annales, puisque son esprit était d'abréger le
temps des péremptions et non de le prolonger .
Dunod rejetait cette distinction , parce que la coutume
ne distinguait pas c:ette action des autres et que la seule
demande en justice devait la perpétuer comme elles suivant Je droit civil.
2° Commandement. - Il prorogeait à trente ans
l'action d'une durée moindre. C'était la doctrine généralement admise par l'ancien droit. (Dunod . Pothier ,
Bourjon.)
0
~ Saisie, -
Comme elle était précédée d'un commandement, si elle venait a disparaitre par l'effet de la
péremption , Je commandement subsistait et prorogeait
l'action jusqu'à. trente ans; si elle se poursuivait, l'action
durait autant que l'instance.
-
7:> -
4° Reconnaissance du fübiteut·. -- Elle prorogeait
elle aussi. jusqu'à trente ans, la créance prescriptible
par un temps moindre (Dunod). Comme les exemples
cités par cet auteur n'ont trait qu'à une reconnaissance
· expresse, il est probable que la reconnaissance tacite ne
devait pas produire le même effet.
�-
- 77 -
76 ~hè~es
Suspension
Il n'y a pas, croyons-nous, dans l'ancien droit de matière plus embrouillée, où l'on rencontre plus do controverses et d'incertitudes que celle des causes qui suspendent la prescription. Partout des divergences, dans la
doctrine, dans la jurisprudence, dans les cou tumes.
Rechercher la raison d'une semblable confusion. d'un
pareil cabos juridique. n'est pas chose facile, on peut cepen·
dant l'expliquer, soit par l'état d'isolement dans lequel
vivaient les provinces entre elle~ . soit encore et surtout
par l'obscurité de la loi romaine sur ce suj el. Cette obscurité et le peu de précision de:; textes permirent à nos
anciens auteurs de donner un libre cours à leur esprit
subtil et à leur imagination féconde. lis entassèrent dans
leurs ouvrages distinctions sur ëfiSiiôcGons, limitations sur
limitations et en arrivèrent à rendre incompréhensible un
sujet déjà très difficile par lui-même.
Avantd'aborrler cette matière, il faut remarquer que les
auteurs se servaient tantôt du mot suspension , tantôt du
mot restittAtion . C'était là nne simple question de procédure, mais le résultat était le même dans les deux cas.
Le mot • suspension • était employé de préférence quand
il s'agissait d'un cas prévu par la loi o:.i la coutume; on
invoquait alors directement leur dispositif devant les tribunaux. Le mot • restitution • était réservé aux hypo-
qui , quoique n,on prévues par la loi ni la coutuJ.De.
~érita~ent cependant l'attention du législateur • .C'était le
~onverain qui , par • lellres royaux• délivrées en chanceller\e, annulait le temps qui ,a.vjlil cour~ ,contre .le r~
quérant.
Nous allons examiner successivement les différentes
causes de suspension ou d~ ,restitution , ad~ises dans l'anci ~o droit ; pour pins de clarté, nous les grouperons dans
trois catégories distinctes ; dans la première. nous parl~
rons des causes qui tiennent à l'Atat et à la qua\ité des personnes ; dans la seconde, de celles qui dérivent des rapports
des personnes; µa,ns la troisième, de celles qui sont fondées
sur les ~odalités ries droits de créance ou de propriété.'
SECTION 1
1
CAUSES TENANT A L ÉTAT OU A LA QUA.LITÉ
DES PERSONNES
C'étaient la pupillarité, la minorité, l'imbécillité Gu la
foli e, l'état de fils de famille. la qualité de femme mariée,
l'absence. l'ignorance, la peste et la guerre. la succession
vacante, et le concours d'actions.
§ l. PwpiUarité. -
Le seul exemple bien clair qu'on
ait dans le droit civil est celui de la loi sicut au Code de
prn!sc1·iplione triginta vel quadraginta, annorum , d'après
laquelle la prescription de trente ans ne court pas contre
es pupilles et dort pendant la pupillarité (Dunod) .
-·
- ~
--
-
--
.
~·
�- so Il eo était de même pour la prescription lég~le judiciaire.
Quant à la prescription légale extrajudiciaire, il fallait distinguer, s'il s'agissait d'une prescription légale extraj udiciaire te.mporaire. ou d'une prescription légale extrajudiCijlire perpftuelle.
Qans la première hypothèse. l'ancien droit, pçenant
pour guide Justinien , suspendait la prescription en faveur
des mineurs dans les cas où ceux-ci auraient été restitués,
et leur refusait ce bénéfice dans le cas où le droit romain
ne leur accordait pas la restitution. Ces derniers cas étaient
ceux où le mineur exerçait une action odieuse qui tendait
moins à son propre avantage qu'au détriment d'un tiers,
ou qui ne pouvait l'enrichir qu'en dépouillan t quelqu'nn.
Ainsi la prescription d'une injure ou d'un délit courait à
l'égard du mineur comme du majeur (Montholon). La
même solution se présentait en matière de commise
(Jol;i~JQt ,
Coutume de Franche-Comté).
Une remarque à faire. c'est que dans les cas où la prescription était suspendue en faveur des mineurs, la prescription commencée contre un majeur cessait de courir en
faveur de \'héritier mineur et q1;1e cette suspension conti .
nuait, si ~ cet héritier mineur succédait une personne
également mineure (Raviot sur Périer).
Dans la seconde bypothèse, c'est·à-dire quand il s'agis:
sait d'une prescription légal~ extrajudiciaire perpétuelle
(trente ans et au·dessus), il y avait de nombreuses <;ijver:
gences.
Un fait indiscutable, c'est que dans le dernier état de la
légis)atio,u rqm~ine. les µiineurs n'étaient pas restitués
con,tre la prescription de trente ans (L. 5, C. qe prœserip.
-81lriginta vel. quadraginta ann.) Aussi d'Argentrée voulait-il
que la même règle fût suivie dans l'ancien droit. Cependant la question était très controversée non seulement dans
les pays de coutumes. mais même dans les pays de droit
écrit, où les termes si clai~s de la loi romaine n'auraient
pas dû être mis en contestation. Elle donna naissance à
plusieurs systèmes que npus allons rapidement examiner.
Un premier système (d'Argentrée) admettait qu'en aucun
cas les mineurs ne devaient être restitués contre la prescription de trente ans, parce que le bien public doit l'emporter sur la faveur de la minorité. C'était le système le
plus conforme aux traditions romaines. Il fut adopté par
les Parlements d'Aix et de Besançon. Toutefois leur jurisprudence ne fut pas uniforme, et le second de ces deux
Parlements finit par accorder la restitution (Dunod).
D'après un second sy~tème , la prescription courait contre
les mineurs, mais ils pouvaient se faire restituer par lettres
du prince (Parlements de Toulouse, Grenoble, et en dernier lieu Besançon).
La Peyrère voulant assimiler la jurisprudence du Par·
lement de Bordeaux à celle du Parlement de Toulouse
s'expliquait en ces termes : « En prescription de trente
« ans, soit qu'elle commence par Je mineur, ou qu'elle
" ait succédé au maj eur , elle dort en pupillarité et elle
• court en minorité, mais avec le bénéfice de la resti« tution. lequel se doit demander dans les dix ans de
« l'ordonnance pour les années qui ont couru jusqu'à
• l'âge de vingt-cinq ans ; autrement les dix ans passés,
« toutes les années se joindront et courront sans diffé• rence.. . Cette décision est toute véritable et nous
�-
82 -
avons peine à nous en défaire nonobstant quelques arrêts
" contraires donnés en ce Parlement. • Cette opinion
êtait reproduite par la coutume du Berry. ( P1'escriptions ,
art. i el 2.)
Un troisième système (Parlements rie Paris et de Bordeaux). tenait pour la suspension pure et simple de la
prescription en faveur des mineurs. 11 fut adopté par un
grand nombre de coutumes (Paris, art. 118; Calais, art.
50 ; -Amiens, art. 160; Reims , art , 58 1 : Douai, art. 2.
Lod unois, ch. 20 , art. 7 ; Bourbonnais, art. 35; Hainaut,
ch . 107 , art. 'Z) . Au sujet de ces trois dernières coutu mes.
nous ferons une remarque particulière à chacune d'elles.
La coutume de Lodun ois admettait bien que la prescription ne courait pas contre les mineurs. quanrl elle
avait commencé pendant la minorité, mais elle ajoutait
que, si ell e avait commencé contre un majeu r, el!~ courait contre un héritier mineur, disposition extraordiuaire, dit Cottereau (Dr. gén ér . de la France) , qu'il fau t
restreindre aux cas où les mineurs sont pourvus de
tuteur!/.
La coutume du Bourbonnais distin guait , s'i l s'a gissait
d'un jeune homme ou d'une jeune fille . Elle suspenùait la
prescription jusqu'à vingt ans dans la première hypothèse,
j usqn 'à seize ans seulement dans la seconde.
La coutume du Hainaut, la plus singuli è1·e des trois,
exigeait que la prescripti on n'eût pas couru six années
contre la personne maj eure, après ce délai, elle courait
contre le mineur .
A côté de ces trois systèmes principaux, il en existait un
quatrième sou tenu par Dupérier , qui dislinguait si le mi·
o:
-
85
neur était ou non pourvu d'un curateur . S'il était pourvu
d'un curateur, la prescription courait contre lui ; s'il n'en
avait pas, elle était suspendue en sa faveur. Ce système
fut consacré par la coutume de Bretagne, article 286,
« les prescriptions introduites et approuvées par la cou« turne ou par les contrats et conventions des parties,
o: commencées avec les majeurs.
courent contre les
" absents pour quelque cause que ce soit, mineurs,
• insensés, furieux prodigues, interdits, étant pourvus
• de tuteurs ou curateurs, sans aucun espoir de restitution
" ou relief. sauf leur recours contre les tuteurs ou cura« teurs el autres administrateurs. • Le Parlement de
Rennes en de nombreux. arrêts élucida cette distinction et
décida que la prescription courait même contre le mineur
irnpouruu, c'est-à-dire sans curateur. (Journal des audiences de Bretagne.)
§ III. Interdiction . Folie. lmbeciltité. -
Un premier
point certain , c'est que les prescriptions qui couraient contre
les pupilles couraient également contre les interdits. Mais
la controverse existait pour les prescriptions légales extrajudiciaires, surtout pour les perpétuelles. Le Parlement
d'Aix tout imbu des idées romaines décidai t qu'elles
n'étaient pas suspendues en leur faveur, se basant sur ce
que la durée souvent fort longue de l'imbécillité ou de la
fureur pouvait rendre très lourds les inconvénients de
la. suspension . L'opinion contraire comptait cepenùant le
plus de partisans. Lp,s Parlements de Paris et de Toulouse
l'admettaient, ainsi qu'un grand nombre de coutumes, entre
autres celle de Metz qui portait (tit. '14 . art. 4) que
�c
c
c
84 -
la prescription ne court pas contre mineurs pendant Je
temps de la minorité, ni contre autres personnes qui
sonl en curatelle d'autrui eb qui ne peuvent agir. ,,
§ IV. Fil,s de Famille. - Il fallait> distinguer si l'objet
qu·'il s1agissait de prescrire dépendait dt1 pécule castrense
ou du pécule adventice . La prescription n'était pas suspendue dans le premier cas , parce que Je fils de famille
était pleinement indépendant ; elle l'était dans Je second,
parce que la loi refu sait toute action au fils et n'en permettait l'exercice qu'a a père usufruitier (Danod). Il résultait de fa , que peu importait la nature de la prescription ;
qu'elle fût tlrentenaire ou d'une dorée moindre; qu'elle
provînt do fait du père ou de sa négligence; qu'elle eût
commencé avec le fils ou avec son auteur, elle devait être
suspendne, tant que le fils n'avait pas l'exercice de ses
actions.
§ V. Femme ma1·iée. - L'ancien droit, suivant l'exemple du droit romain , déclarait prescriptiLles les actions relatives au paiement de la dot ; la femme ponvait, en
êlîet, agir soit par elle-m ême. soit par l'interméd iaire de
~~ ~ari. Si ce dernier laissait s'accomplir la prescription,
fi era1t soumis à un recours de la part de la femme: mais
les tiers ne de\•aient pas être inquiétés.
Pour savoir si l'on pouvait prescrire contre la femme
soit la propriété de ses biens. soit la libération de ses
créances, il fallait se demander si la prescription avait
commencé avant le mariage, ou si elle n'avait commencé
que depuis cette époque.
-
8~
-
Dans la première hypothèse, la prescription continuait
à courir pendant le mariage, seulement la femme avait un
recours contre son mari, s'r\ était en faute. C'était là une
question d'appréciation laissée à l'intelligence du juge. La
question devenait plus délicate, quand 11insolvabilité du
mari rendait le recoufls de la fomme illusoire, fallait·il dans
ce cas suspendre la prescription en sa faveur ~ Carnbalas
et Bupérier soutenaient l'affirmative el invoquaient, à. l'appui de leu r doctrine, l'un un arrêt du Parlement de ·Toulouse. l'autre la jnr:isprudence du Parlement d'Ai:x. Cette
opinion n'était pas unanimement approuvée, Catellan la
combattait en se basant sur la loi 16, de {imdo dolali, qui
porte en termes exprès que la prescription n'était pas suspendue quand elle avait commencé avant le mar.iage.
Dunod, lui aussi, pensait que l'on devait d'autant moins
admettre la femme à se faire restituer, dans le cas d'insolvabilité de son mari , que toutes les actions de la femme
devaient, suivant la coutume, être exercées en son nom
ou avec sa procuration au pétitoire, et que si, suivant la
même coutume. elle ne pouvait ester en justice sans le
consentement de son mari, elle pouvait à son refus, se
faire autoriser d'office. Dès lors, la négligence leur étant
commune. elle devait en supporter les conséquences.
Dans la deuxième hypothèse,' c'est-à-dire quand la prescription n'avait pas commencé pendant le mariage. il fallait
encore so us-distinguer. S'agissait-il d'un débiteur qui prescrivait sa li bération~ Catellan ensei~ne c que la prescrip• Lion d'une somme due à la femme courait en faveur de
• son débiteur, quoique la femme eût con~titué à son
• mari tous ses biens, et que la prescription n'eût pas
�-86 • commencé avant le mariage. • Et cela parce qlle l'imprescriptibilité n'était que la conséquence de l'inaliénabililé,
et que celle-ci, d'après la loi Julia, ne visait que les fonds
dotaux et non les droits incorporels? S'agissait-il d'un possesseur qui prescrivait afin d'acquérir ? La prescription
n'était suspendue qu 'alltant que le mari s'était porté garant.
ou que l'action intentée par la femme allrait réfléchi contre
llli (arrêt de règlement du Parlement de Bordeaux du
9 décembre 16 56) .
Pour les menbles dotallx, on admettait généra lement
qu'ils étaient prescriptibles. Le Parlement de Provence
était le seul à tJ.Cr.order la restitution à leur sujet aux
femmes mariées.
Pour les actions rescisoires, il n'y avait pas de difficultés, quand la femme avait contracté avec son mari.
La prescription était suspendue en sa faveur. On présumait que le respect, la craint e ou la puissance maritale,
l'empêchaient de revenir d'un contrat qu'elle avait fait
avec son mari même; quand c'étai t avec un tiers. la prescription n'était suspendue que si le mari s'étail porté
garant (Dunod) .
Que décider dans le cas où le mari était obligé solidairemen t avec sa femme? Le Parlement de Paris avait admis,
par deux arrêts consécuti fs (27 mai et 1er juillet 1672),
que Ja prescription serait suspend ue en faveur de la
femme pour épargner au mari des poursuites rigoureuses
de la part des créanciers.
On s'était demandé si la séparation de biens faisait
courir la prescription. Les pal'lemenls de Guienne et de
Normandie s'étaient prononcès pour la négatirn, parce
-
87 -
que. « dès que le même principe d'afTection peut subsister
« chez une femme séparée aussi puissamment que chez
« celle qui ne l'est pas, il serait injuste que la prescrip« tion à laq uelle l'une par faiblesse, l'autre par con« descendance pour le mari, pourrait s'exposer. courût
« contre l'nne et qu'elle ne courût pas contre l'aulre. »
Cette jurisprudence ne prévalut cependant pas, et tous
les auteurs admettaient que la prescription devait avoir
son libre cours contre les femmes séparées de biens. La
question se réduisant dès lors à déterminer le point de
départ de la séparation de biens.
Mourgues (Statuts ~de Prover1cc). tout tlD rappelant
que très anciennement le Parlement de celte province
fai sai t courir la prescription du jour où le dérangement
des affaires du mari avait commencé d'être notoire, ajoute
que. de son temps, la prescription ne courait que du jour
où l'insolvabilité avait été judiciairement constatée. C'était
aussi l'o pinion du Parlement de Toulouse.
§ VI. Absence. - Lïn certitud~ Q1Ji avait régné .~ur
cette matière dans la législation romaine passa tout ent1ere
dans l'ancien droit et s'y traduisit par les décisions les
plus diverses. De là, des difficultés multiples qui insp~
raient à Dunod les réflexions suivantes ; • On connait
• assez par ce qui vient d'être di t dans quelles discussions
« jettent les restitutions pour cause <l'absence;. qu'e~les
• sont une source inépuisable de procès, et que rien n est
• plus opposé à l'esprit des lois qui ont introduit. l~ .pres• cription dans la vue du repos et de la tranqmlhte P~
« bliqu e ; on le ferait bien mieux sentir si \'on rapportait
�-
88 -
• tous les cas dans lesquels les docteurs disent que ces
• restilutions doivent êlre accordées, mais il faudrait uo
• volume pour les tous comprendre. »
Sans ent1·er dans le détail des nombreuses causes d'absence reconnues par l'ancienne jurisprudence. ni dans
l'examen des nombreuses questions que ferait naître cette
matière . nous nous bornerons à citer, après Dunod, les
cas qui comportaient généralement la restitution. C'étaient :
1° l'absence pour le service de l'Etat, comme celle des ambassadeurs, des envoyés, de ceux que le prince commet
pour exercer quelque magistrature hors de chez eux, des
soldats et de leurs femmes qui les suivent, de ceux qui
sont à l'armée pour servir, tels que les intendants, les
trésoriers, les médecins et chirur~iens; 2° l'absence pour
une juste cause, comme serait celle de la mort, des tourments, celle de perdre la liberté, ses biens, l'honneur.
c'est au juge d'arbitrer. quand il y a lieu à cette crainte?
5° l'absence qui vient d'une étude actuelle dans les universités et collèges approuvés. Pour jouir du bénéfice de
la restitution, l'absent ne devait pas avoir laissé de procureur, ou s'il en avait laissé un , il fallait qu'il fût insolvable.
Au sujet de la prescription de long temps, un grand
nombre de coutumes, se conformant en cela au droit
romain, la faisaient courir à l'encontre des absents, en
exigeant une possession de vingt ans. Seu(ement, elles entendaient par absents, non pas ceux qui habitaient des
provinces différentes, mais ceux qui avaient leur domicile
dans les ressorts de difTérentes juriùictions royales de première inst<!;nce, quoique dans la même province.
-
89 -
Il y avait même des coutumes qui réputaient absents
ceux. qui , domiciliés dans leurs territoires. s'en éloignaient
temporairement. La prescription était suspendue en leur
faveur, quel que fût le motif de leur absence. Tetle était
la coutume de Lille (tit. 15, art. 4): On ne peut pres« crire contre absents du pays. et dort pendant ce temps
• la prescription. • Pollet, en commentant cette coutume,
ajoutait : cc Par ces mots, absents du pays. la coutume
• entend ceux qui, ayant leurs demeures au pays. en
• son t éloignés soit pour afTaires publiques.... et qui
• <:onservent pourtant toujours la ''olonté d'y retourner .
• Mais la coutume n'entend point ceux qui n'y ont jamais
• demeuré, ou qui l'ont tout à fait quitté et se sont
• établis en quelqu'autre lieu. •
1(
§ VII. Ignorance. - Bien que le droit romain décidàt
d'une façon formelle que l'ignorance n'était pas une juste
cause de restitution, les anciens auteurs parvinrent à la
faire considérer comme telle en s'appuyant sur cette particl
de l'édit du préteur : •Item si qua alia mihi justa causa
videbitur, t·estituam in integrum, • à laquelle ils donnèrent l'interprétation la plus large. lis allèrent même plus
loin et finirent par déclarer que l'ignorance serait présumée. Celui qui invoquait la prescription devait prouver
que son adversaire avait eu connaissance de soo droit.
C'était détruire complètement la prescription. Aussi frappé
de la justesse de celle observation, Dunod repoussait-il
énergiquement cette doctrine : " \.e serait, disait-il, faire
« Illusion aux lois qui établissent b prescription ot les
« rendre inutiles que d'admellre ce moyen. parce qu'il
�-
.. arrive souvent que la prescription court coo tre des
« personnes qui l'ignorent, et ceux même qui l'on su,
" ~e manqueraient pas de prétextes pour dire qu'ils l'ont
" i~no~ée. Ce ~er~it du moins charger d'une preuve trop
" d1~ctle ceux qt11 ont prescrit que <le les obliger à faire
• ro1r que les intéressés ont su Ja prescription. »
§ VIII.
Les coutumes de Bouillon
et. d~ Boulonnais admettaient la suspension de la prescriptw~ p~ndant le temps de la peste ou de la guerre. Bro· . commune des
deau dit egalement que · suivant l'o p1mon
docteurs, la prescription ne conrait point pendant le temps
~e .la pes!e, et cela parce qu'elle arrête l'exercice de la
. du
JUSt1ce. Lon trouve la même solution dans un arret
Parleme?t de Toulouse qui, à l'occasion d'une prescription
treo.tena1re, déduit le temps de la peste arrivée à Montpellier en 1627.
Peste et Guer1·e. -
Dunod était d'un avis contraire du mo1'ns quant à la
.
. . une disposition
de trente ans · Il exigeait
prescription
..
. .
spec1ale. autorisant la suspension de la
prescr1pt1on pend t d .
1
. et i! citait à
1 em1e,
ran a· duree des hostilités ou de l'ép'd.
. , portant
a•ppm e sa thèse un édit spécial et ex pres
qu aucune prescription de droit ni de fait d
· es coutu mes
d
ou d
es or onoances. n'avait couru dans le comté de
. .
Bourgogne depuis le 26 mai i 656 jusqu'au
premier JOUr
de l'an t650 1
.
r ·
et la cool a61
, . a guerre
on ayant 10terrompu
.
1e cours de la 1ust1ce pendant cet intervalle.
J
-
90 -
. .
§ IX. Succession vacaute __ 0
n avait mis en doute
·
·
a question de savoir s· 1 ., . .
t a p1 vscr1pt1on pouvait courir
9t -
contre une succession non pourvue d'un curateur . L'affirmati ve était indiscutable, d'après Pothier, parce que les
créanciers, intéressés à la conservation de la succession
pouvaient très bien faire nommer un curateur , e~ s'ils ne
le faisaient pas, c'était une négligence qu'ils ne devaient
imputer qu'à eux-mêmes. Il repoussait \a distinction proposée par Henrys. qui suspendait la prescription pendan L
le délai accordé à \'appelé pour prendre parti.
§ X. Concours d'Action. -
ll n'entraînait pas la
suspension de la prescription d'après la plupart des auteurs.
Boniface cite deux arrêts du Parlement de Paris sur cette
matière: par le premier du 12 janvier 1654, il a été jugé
que la prescription de l'action en regrès n'était pas sus·
pendue pbnrlant que le créancier plaidait sur l'action en
droit d'offrir ; par le second, que l'action en regrès s'était
prescrite pendant que le créancier avait agi en exhibition
de collocation.
Quant à la sépara tion de l'usufruit d'avec la propriété,
elle n'empêchait pas la prescription de courir contre le nu
propriétaire. ( Arrêt cfo Pat'ltr1ne1Ll de Paris d1J, 4 jtiillet
1598) .
SECTION Il
SUSPENSION DE LA
PRESCRIPTJO~ ,\ RAISO.'.'{ DES RAPPORTS
QUI EXISTENT ENTRE L E P ROPRIÉTAIRE ou CRÉANCIER
ET LE PossESSEUR ou Df:BITEUR.
Bien que l'empêchement d'agir soit ici encore l'origine
des nouvelles dérogations au prrnc1pe de la prescription
que nous allons étudier , il ne l'anl pas cependant les
�- 92 confondre avec les précédentes, car cel empêchement n'a
plus ici son fondement immédiat dans l'incapacité des
individus ou dans la difficulté des poursuites; il tient au
contraire à des rapports d'affection el de respect, ou à
l'inutililé des frais de justice occasionnés par les interruptions.
Les causes de suspension qui rentrent dans cette seconde
catégorie sont : la suspension entre le tuteur et le pupille,
la ~uspension entre l'héritier bénélfoiaire et la succession,
la suspension entre époux , la suspension à raison de la
puissance paternelle, la suspension à raison de la suzeraineté.
§ 1. Suspensùm entre le Tuteur
Pupille. - Le
tuteur ne pouvait prescrire contre son pupille, quoique
la prescription statutaire courût régulièrement contre lui
dans les matières qu'ell e avait pour objet. Au ssi Auzanet
(Coutume de Pm·is) rapporte un arrêt du mois de décembre
1659 portant que le tuteur qui av;1it acquis un bien passible de retrait de la part de s~n pupille, ne pouvait pas.
à la majorité de celm-ci, se prévaloir de cette prescription.
<:l le
§ II. Suspe11sion entre l'héritier ûénrficiaire et let
succession. - La prescription était suspendue en faveur
de l'héritier bénéficiaire, parce qu'au di re d'Henrys il ne
pouvait agir coutre lui-même et qu'il avait en sa posses si<>n les eITets de la succession. Oupérier disti ncrnait entre
.
"
les creances que l'héritier avait acquises pour Je compte de
l'hoirie et celles qui lui étaient propres vis-a-vis du défunt.
-
95 -
Il admettait la suspension dans le premier cas et la rejetait
dans Je second.
§ Ill. Suspension entre Epoux . -
La prescription ne
courait pas, d'après Pothier , pour les créances qu'une
femme, quoiqu e séparée de biens, pouvait avoir contre son
mari. Il en donnait une raison insuffisante, puisqu'il la
trouvait uniquement dans la position de la femme à l'égard
de son mari. Si c'était là Je fondement de cette cause de
suspension, il aurait fallu décider que la prescription
n'était pas suspendue eo faveur du mari. Or, la suspension avait lieu dans les deux cas. La vraie raison est
que ta loi ne voulait pas que des mesures vexatoires vinssen t troubler la bonne harmonie qui doit régner entre
époux .
§ IV. Suspension à rai.son
de la P 11issance Paternelle .
- Les anciens auteurs et ùe nombreux arrêts avaient , par
un sentiment de convenance, consacré cette cause de suspension. La prescription ne courait pas en favP.ur du ~ère
contre l'enfant soumis à sa puissance et ayant la libre
administration de ses propres biens. car • le respect,
" l'honneur et l'obéissance qu'un enfant doit à celui qui
d l'a mis au monde lui ôtent la liberté d'implorer la justice
• coutre son propre père. • ( Arrêt du Parlement de Pro vence du '27 noi;emûre 1665).
§ V. Suspension entre
le Seigneu1· el le Vassal. -
Les Parlements de Paris, Toulouse et Bordeaux suspendaient la prescription entre le seigneur et le vassal. La
'
�-
94 -
raison se trouvait dans les rapports de subordination qui
existaienl en tre eux. Le Parlement de Grenoble faisait une
exception pour la prescripLion centenaire.
SECTION III
SUSPENSION FONDÉE SUR LA MODALITÉ DES D ROITS
DU P ROPRIÉTAIRE OU C RÉANCIER.
Ces modalités sont la c;ondition el le terme.
§ l. Condition. -
Quand un droit réel ou personnel
se troovait soumis à un terme ou a une condition, le droit
romain en suspendait la prescription jusqu'à la réalisation
de l'évènemen t prévu. C'était l'application toute logique
de cette idée que l'on ne peut reprocher au propriétaire ou
créancier de n'avoir pas agi, tant qu e son action n'est pas
née. Les mêmes principes furent consacrés par l'ancien
droit. Loysel dit , en effet, ( Coutiune de Paris) " qu'en
• douaire et autres actions qui ne sont pas encore nées ,
• le temps de la prescription ne commence à courir que
• du jour où l'action esl ouverte. »
.La condition qui suspendait le droit lui-même suspendait donc en même temps la prescription de ce droit. La
jurisp~ud.ence ancienne olirai t une fo ule d'applications de
ces pnnc.1p~. Ainsi pour les droits et gains de survie ; pour
les subst1tuhons conditionnelles : pour les droits de résolution'. dépendan t de la condition implicite, si l'obligé ne
rempl.1t pas les clauses el charges de son r,ontrat ; pour les
donations avec condition de retour , si le donataire prédé-
-
95 -
cède; pour les actions hypothécaires qui ne p1ill vent se poursuivre qu'autant que le débiteur ne paye pas. etc .. ; pour
toutes ces hypothèses. la créance ne se prescrivait qu'à
dater de l'évènement qui la rendait pure et simple.
Voila comment les choses se passaient entre le créancier et le débiteur; mais en était-il de même quand l'immeuble affecté par le droit conditionnel passait dans les
mains d'un tiers détenteur! En droit romain. la question
n'était pas douteuse, la prescription d'un droit conditionnel
était arrêtée même à l'égard d'un tiers détenteur , tant qoe
la condition ne s'était pas réalisée. Notre ancien droit
s'écarta sur ce point rl u droit romain et, dans le but de
laisser le moins possibl e incertaines les questions qui touchent à la propriété, il imagina l'action en interruption
d'hypothèqu e. Celte action était intentée par le créancier
conditionnel contre le tiers détenteur pour forcer ce dernier à reconnaître que son immeuble était hypothéqué
Elle servait donc , comme son nom l'indique, à interrompre
le temps pendant lequel le détenteur aurait pu prescrire
la libération de l'hypothèqu e qui grevait son immeuble.
Elle diflérai t de l'action hypothécaire en ce qu'elle ne tendai t n:lllement au délaissement de l'immeuble, mais seulement à la reconnaissance des droits du créancier.
Cette ingénieuse invention du droit fra nçais présentait
des avantages trop considérables pour ne pas se propager.
bien -qu'elle heurtât directement les lois romaines. Dès
lors il fut g&néralement aùmis que le créancier hypothécaire, ayant le pouvoir d'agir désormais avant l'arrivée de
la condition , ne ponvail plus prétendre au bénéfice de la
suspension . Voici les termes dans lesquels Loy::eau
�-
96 -
( Dégutnpimment) retraçait cette dérogation aux lois romaines : «Nous l'avons étendue aux dettes in diem et aux
• dettes conditionnelles. lesquelles de droit ne se pres• cri vent, sinon après le jour passé ou la condition échue,
• comme aussi aux hypothèques sujettes à la garantie
« d'un autre héritage, dont la prescription n~ commen" çait à c@
urir que du jour de l'éviction (ut vidt glossa
« in leg. empt . C. de evict. ); bref en toutes dettes hypo·
• thécaires qui ne sont pas promptes et exigibles ; ce qui
• était une grande incommodité en droit, parce que par
• ce moyen jamais les hypothèques n'étaient purgées, ni
u les détenteurs assurés. et en France cette incommodité
• cesse à cause de cette action dont ceux qui ont bypo• thèque se pouvant aider en tout temps, ils sorH inexcu« sables, s'ils laissent l'hypothèque. » Ainsi en matière
d'hypothèque, la règle que la prescription ne courait pas
contre le créancier pendant la suspension de la condition
devait être restreinte aux rapports du créancier et du débiteur. Toutefois les anciens auteurs faisaient un e exception
pour le douaire et les gains nuptiaux. La prescription de
l'hypothèque qui leur servait de garantie sur les immeubles
possédés par un tiers détenteur . ne commençait à courir
que du jour du décès du mari. Logiquement elle est inexplicable.
Comme entre le créancier hypothécaire conditionnel et
.le propriétaire sous condition, les analogies abondent, ils
furent mis sur la même ligne, et l'on attribua à ce dernier
une action équivalente. La conséquence de cette assimilation devait être de refuser au propriétaire le bénéfice de
la suspension ; cependant ce dernier point ne fut pas
-
97 -
admis sans difficultés. D'Olive enseigne que le Parlemen ~
de Toulouse rejetait comme contraire à la loi 5, paragraphe 5 co11imunia de legatis au Code cette théorie sur
la prescripli on des droits réels conditionnels.
•
La question se présentait surtout au sujet des biens
substitués; et, en cette matière, l'innovation avait de la
peine à triompher de l'idée, dont étaient fortement imbus
les anciens jurisconsultes , relativement à la nécessité
sociale de conserver les biens dans les familles. C'est ce
motif en effet qu'invoquaient bien fo rt ceux qui repoussaient la prescription des biens substituès (Legrand et
Ferrières). Dunod et Dumoulin pensaient au contraire que
ces biens devaient être soumis à la prescription trentenaire, dès avant l'ouverture de la substitution, mais leur
opinion ne prévalut point.
Dans un autre ordre d'idées, on décidait que si un
vassal avait aliéné un fief au préjudice des agnats que la
loi y appelait après lui, ceux-ci avaient une action révocatoire contre l'acquéreur . action prescriptible par trente
ans. mais dont la prescription ne pouvait commencer à
courir qu'à la mort d11 vassal. De même encore d'après les
coutumes de Flandre. d'Artois et de Boulonnais, dans le
cas de vente de biens aliénables seulement à charge a·emploi. ou dans le CllS de vente par nécessité, la prescription
ne courait contre l'héritier du ''endeur qu'à l'époque du
décès de ce dernier. Ces exceptions montrent la difficulté
que l'on éprouva à. appliquer l'action d'interruption aux
droits conditionnels de propriété.
�- · 98 -
§ Il.
Le Lerme certain ou incertain , peu
importe, suspendait la prescription entre le créancier et
le débiteur. Ce point ne faisait pas de doute dans l'ancien
droit. (Arrél de la chambre de ( édit de Castres du 2 1
j"i11 1649). Il a même été jugé que lorsque une dette
devait être payée en plusieurs termes. la prescription ne
courait que du jour de l'échéance dn dernier terme. (hr~l
dtt Parlement de Toulouse du 2 1 {~vrier 167 f .) Pothier
n'était pas de cet avis. et il faisait courir la presr.ription de
. 1.. • • •
' ' tt' IÎ 11 rlfl h drltP. .do jn11r de so n exigibilité.
r:•"" •
I 1::al1:: eldtL la règle. ~U:lnÙ la p r.e~criplion était opposée
par le dëbiteur ou qréaucier. En étaH-il de même quand
un tiers détenleur \'~nait opp~ser la· ·prescription? Voici
l'hypothèse: Primus:.vènd à Secund1i~ un immeuble avec
la condition de ponvôir .Je reP.rootlre
après un certain
...
temps; dans l'intervalle, Secuodus revend l'immeuble à
Tertius; le délai pour le réméré étant expiré, Primus
réclame son immer1ble; Tertius. s'il possède depuis plus
de trente aos à partir de son acqu isition. peut-il opposer
la prescription à Primns? La négative fut admise par un
arrêt du Parlemen t de Flandre du 15 janvier 1700 et
par une sentence de la gouvernance de Douai du 24 mars
1785. Ces décisions étaient basée5 sur ce que, jusqu'à
l'arriréc du terme fix é. Primus n'ayan t pas d'action contre
Tertius, la prescription ne pouvait courir contre lu i
Malgré ces deux arrêts, la généralité des auteurs persi<;tai t dans l'opinion con traire el elle ad mettait l'extension
de l'arli on e11 iulerruption a tous les tiers détenteurs; car
si. dans l'hypothèse prévue plus haut. Primus, pour ne
pas violer la convention ùes parties. ne pouvait pas
Terme. -
-
99 -
s'adresser à Secundus, il pouvait très bien exercer contre
Tertius son action en déclaration de propriété et interrompre par là toute prescription à son encontre.
Toutes ces divergences et ces obscurités servent à mieux
faire ressortir la simplicité de la législation moderne dont
nous allons nous occuper.
�TBOUUÈllE
P~il'l'I•
DROIT CIVIL
Pour mettre pins de o\ar&é dàns notre sujet de droit
civil. nous suivrons les mêmes divisions que pour l'ancien
droit.
De l'interruption
Aux termes de l'article 2242, la prescription ,peut.être
interrompue nalurellemen·l 01:1 c1vilement..
CHAPITRE I"'
De l' interruption i'Waturellc.
L'article 2245 porte qu'il y a inl.erruption naturelle,
quand le flOSsesseur est prive pendant plus d'un an de la
jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soi.t
même par Qn tiers. Cet article suggère une double remar-
�-
102 -
que. Les termes a ancien propriétaire • dont il s'est servi
sont inexacts. Le mot « ancien • est de trop, puisque le
propriétaire n'a pas cessé de l'être, tant que la prescription
qui court contre lui ne s'est pas accomplie. En second
lieu, bien que le cas d'interruption naturelle prévu par
cet article soit le seul dont se soit occupé le Code, on se
tromperait en concluant de là qu'il n'en existe pas
d'autres.
Cependant nous ne sortirons pas des limites que le Code
a tracées et nous nous en tiendrons à l'hypothèse de l'article 2245.
· En examinant attentivement cet article, on y voit que
trois conditions sont exigées pour qu'il y ait interruption
naturelle. Il faut:
1° Qu'il s'agisse d'une prescription acquisitive ou tout
au moins d'une prescription libératoire de servitude, car
ce n'est que dans celles-là que la possession est nécessaire pour arriver à la prescription.
2° Que le possesseur soit privé de la jouissance de la
chose pendant plus d'un an . L'occupation pendant un
temps moindre n'a pas de portée juridique, elle n'acquiert de l'importance que par sa durée. Le délai d'une
année a été jugé nécessaire comme le plus propre à maintenir l'ordre public, car' si la simple occupation momen~née d'un fo.nds avait suffi ~our faire perdre la possession, ce serait une cause de désordres perpétuels. C'est
pendant la révolution d'une ann ée que les fruits d'un
fonds on t été recueillis, c'est pendant une pareille révo-
-
t05 -
Jution qu'une possession publique et continuP. a pris un
caractère qui empêche de la confondre avec une simple
occupation. (Fenel, tom. XV,pag. 5>32).
Par le mot « plus d'un an • il faut entendre un an
révolu Il n'est pas nécessaire que la privation de jouissance
ait duré un an et un jour complet. comme le voulaient
quelques auteurs de l'ancien droit.
5° Que la privation de jouissance soit causée par un
autre possesseur, comme l'indiquent ces mots • soit par
l'ancien propriétaire. soit par un tiers. • Car tout Je monde
sait que la possession peut être conservée solo animo,
tant que personne ne l'a acquise, alors même que la
chose aurait été laissée inculte et que les fruits n'auraient
pas été rer,ueillis. C'est donc avec raison que le législateur
a rejeté le système de l'ancien droit , patroné par la Cour
de Grenoble (Fenet, tom. 3, pag. 599), d'après lequel
la prescription était interrompue par une simple inondation. Pour qu'il y eût interruption naturelle, il faudrait
que le terrain fût, non pas simplement inondé, mais emporté par les flots. car il s'agirait alors d'un changement
absolu dans la nature de la chose.
li résulte de ce que nous venons de voir que, si le
possesseur obtient sa réintégration par l'exercice des
actions possessoires, c'est-à-dire avant l'expiration de
l'année, il est censé n'avoir pas perdu la possession, celle
de l'usurpateur étant effacée.
La question devient plus délicate quand le possesseur
primitif laisse éco uler une année sans intenter le!> actions
possessoires. agit et triomphe au pétitoire : peut-il joindre
sa possession à celle de l'usurpateur ?
�-
104
~
L'affirmative , opinion dominante dans l'ancien droit,
est encore soutenue.de nos jours par Vazeille et Troplong
Seulement ces auteurs n'admettent la jonction des possessions que dans Je cas où le jugement accorde au propriétaire et la propriété et la restitution des fruits. Ils invoquent la tradition et ils prél endent que les articles 22:95
et 2245 n'y ont pas dérogé.
L'article 2255 est ainsi conçu : « Pour compléter la
c prescription, on peut joindre à. sa possession celle de son
• auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé , soit
c à titre universel ou particulier, soit a titre lucratif ou
• onéreux. • Le mot auteur ne doit pas, au dire de Troplong. être pris dans le sens restreint qu'il a ordinairement.
Il faut entendre par auteur quiconque transfère une chose
à autrui et lui remet la possession en vertu d'un rapport
juridique. Ainsi le légataire peut se prévaloir de la possession de l'héritier; il en est de même dans les cas de retrait
conventionnel, de rescision, de résolution, où les choses
sont rétablies dans leur ancien état , et, où, d'après l'acceptation exacte du mot autritr, on ne trouve pas les relations d'un auteur et d'un successeur . Or, la relation juridique entre le propriétaire et celui qu'il év ince es t palpable; son droit s'augmen te de celui du possesse nr, puisque celui-ci est obl igé de lui remettre les fruits. On sait
qu.e le mot auteur , auctor vien t du latin (iugcre, qui sign ifie augmenter, s'ajou ter, de tell e sorte que cette expression signifie grammaticalemen t que l'auteur est celu i dont
le droit accroît à. quelqu'un qui rient après loi en vertn
d'u ne cause juridique. et celle sign ification doit être la
seule exacte quand il s'agit de l'accession des possessions.
-
105 -
L'usurpateur est donc un véritable auteur dans le sens
de l'article 2255 (Troplong). Vazeille ne va pas si loin , il
ne fait pas dn propriétaire qui triomphe l'ayant cause de
l'usurpateur évincé. Il reconnaît 4u'il ne succède pas à
celui qu'il a fait juger sans droits et condamner à lui
rendre le fonds usurpé et les fruits de ce fonds. • Seu" lement, dit-il, il a fait un grand acte de propriété en
« poursuivant l'usurpateur; en oblenant la restitution de
« la chose et des fruits dont il avàit été indûment privé,
« il a renoué sa possession interrompue. Celui qu'il a
« évincé n'a été qu'un détenteur précaire, qui n'a pos• sédé que pour le maître auquel il a r~pporlé sa jouis• sance. N'e~t-ce donc pas une manière de posséder et la
• plus éclatante de toutes que d'agir en ju sti~e r.omme
• propriétaire pour retirer sa propriété des mains de
• l'usurpateur . Et que peut·il manquer à l'ancien posses« senr dont la justice re~onnaiL ·1e droit et rétablit la
• possession injnsternent altérée? La loi romaine ne le
• disait pas, mais les interprètes l'ont bien senti; l'auto" rité de la chose jugée ne permet pas de voir l'interrup• tion qu'elle a effacée. •
.
L'article 2245 n'a pas touché à ces principes. au dire
de ces mêmes aolenrs. Car si cet anide déclare qu'il Ya
interruption naturelle, quand le possesseur est privé de la
jouissance de la chose pendant plus d'un ao, soit par l'ancien propriétaire. soit par un tiers. il ne dit pas qu ~ l'interruption soit ineffaç.able. Or ici l'interruption est ple1oem~~t
effacée par l'autorité de la chose jugée, puisqu ~ le p1:o p1:1etaire doit rci:urnir la chose avec tous ses fruits. L article
�-- 106 2245 n'est donc pas applicable, et la jonction des posses-
sions doit avoir lieu.
Quelques spécieux que soient les argumen ts donnés par
ces auteurs , nous n'hésitons pas, d'accord avec la majorité
de la doctrine, à les repousser et à décider que le possesseur
primitif ne peut pas joindre à sa possession celle de l'usurpateur. Les articles 2255 et 2245 nous paraissent péremptoires. Le premier n'autorise la jonction des possessions
qu'autant qu'il y a un auteur et un ayant cause. Or il est
impossible de voir dans le possesseur qui rentre dans la
possession rie sa chose un ayant cause de l' nsu rpateu r. et
dans l'usurpateut un auteur, à moi os de torturer. ·~omme
le fait le premier système, le sens qne l'on donne généralement à ces mots.
Le second est encore plus décisif. Il déclare interrom~~e I~ possession de celui qui, pendant pli1s d'un an, a
ete privé de sa chose. En présence d'un. texte aussi absolu et aussi précis, commen t établir une distinction qu'il
DE' fait pas?
-
107 -
A ce cas, ne s'applique pas la loi 15, § 9, de
" acquirenda possessionc qui autorise celui qui a com• mencé à prescrire une chose. à joindre à sa possession
• celle du tiers qu'il a fait évincer. Cette loi ne doit être
« étenJue qu'en un sens non contraire aux principes gé- ·
• néraux du droit sur les actions possessoires et l'interc ruption naturelle de la prescription. • (Joi,rnal du
Palais, année t85~, p. 561 ) .
Terminons ce chapitre en raprelant les différences qui
existent entre les deux interruptions,
L'interruption natnrelle est absolue dans ses effets.
L'interruption civile. au contraire, ne profite en général
qu'à celui qui l'a faite et ne préjudicie qu'à celui à qui elle
est adressée.
La premiére est propre à la prescription acquisitive et à
la prescription libératoire des servitudes. la seconde à
toute prescri pli on .
" taire. -
La ~radition ne peut être invoquée ici, puisqu'elle est
con traire aux dispositions du Code.
En~n , le système que nous adoptons a été r,onsacré par
un a~ret de la Cour de cassation du 12 janvier 1852. La
ru~n~ue de l'arrêt est ainsi conçu : •Celui qui. possédant
" a .litre ~e pr~priétt1ire (par lui-même ou par son fer• mie~) , s est laissé dépouiller par un tiers de cette pos" sess10n.' sans réclamer dans l'année, ne peut ensuite et
• lors?u'il a fait évincer ce tiers. réunir la possession de
• ce tu~rs à la sienne propre pour compléter le temps de
• la prescription à son profit contre le véritable proprié-
CHAPITRE Il
lntcrr111•tlon t"lvlle
Nous avons déjà eu. dans le cours de cette élude ,
l'occasion de définir l'in terruption civile. aussi nous abordons immédiatem ent l'examen des divers actes qui la
constituent dans notre législation moderne.
�- ms SECTION l
CAUSES D'INTERRUPTION CIVILE
Les causes indiquées par les articles ~244, 2245 .
22a0 sont la citation en justice. la citation en conciliation ,
le commandement. la saisie et la reconnaissance du dé·
biteur.
§ 1. Citation en Justice. -- Au~ termes et en tête
de l'article 2244: •Une citation en justice .... forme l' in·
terruption civile. » Seulement. il faut observer que le mot
• citation 11 doit s'entendre de to1lte demande en justice.
La formule de la loi n'est pas assez large. car il y a des
demandes qui s' introd uisenl sans citatfon; tell es sont les
interven tions qui se forment par voie de requête d ·avoué à
avoué ; telles sont aussi les demandes incidentes ou reconventionnellès (art. 557 , 445 C. pr. c ). Il est aujourd'hui
universellement admis qn e ces demandes interrompent la
p.rescription (Metz. 19 mars 1817 , Cassation . 25 janvier ·t 857). Il eû t donc été plus exact de dire que toute
d&mande en justice, formée par citation on autrement, interrompt la prescription.
. Faut.· il accorder cet elîet à une simple requ ête, afin
d ohtenir la permission d'assigner? Evidemment non. car
~e~aoder l'an torisation d'assigner ' ce n'est pas agir en
Justice (Caen, 15 mai 1854).
Qu'en est-il de l'assignation en référé? Est-ce un e vér itable .de~anrle eu jusLice susceptible <l'interrompre la
prescription ? La question. qui pa1·ait nouvelle en doctrine
-
109 ......
et en jurisprudence, vient d'être tranchée ces dernieres années dans un sens négatif par denx arrêts, l'un de la Cour
de Pa1·is do 16 mai 1877 , l'autre de la Cour d'Amiens du
'1 6mai1880.
Ces Cours se fondent sur ce que l'assignation en référé
ne présente pas les véritables caracteres d'une demande
en justice, puisqu'à la di11érence de celle-ci elle ne manifeste pas d'uO"e manière suffisante les prétentions du
créancier ou du propriétaire, son intention de les faire
valoir en justice, et el le ne tend pas à faire reconnaitre
par les tribunaux les <lroits de ce propriétaire ou de ce
créancier. Son but est plutôt d'arriver à des constalalions
de fai t en vue de droits pouvant ultérieurement se dégager
de ces constatations, mais qui ne son t encore détermi nés
ni revendiqués. Ce n'est, en somme, qu'une mesure conservatoi re préalable à. l'action, qui n'a pas pour objet d'intenter un procès, mais seulement d'en préparer les éléments ; elle ne doit donc pas interrompre la prescrip tion.
La solution in verse nous paraît préférable, car le juge
du référé est un véritable juge, el la demande qu'on lm
adresse une véritable demande en justice. L'urgence même
qui détermine la demande en référé est un motif de plus
pour lui donner le pouvoir d'interrompre la prescription.
L'acte de produit dans un ordre contient une véntable
interruption de prescription. Car, ce n'est pas à la lettre
mais à l'espt'it de la loi qu'il fau t s'a1tacher, or l'esprit de
la loi étant qne la prescription est inter rompue par toote
demande judiciaille, elle doit l'être aussi par la production
�-
HO-
du créancier en ordre, production qui est une véritable
demande incidente. ( Cassation , 27 avril 1864.)
La dem.ande en justice n'est interruptive qu'autant
qu'elle est signifiée à celui que l'on veut empêcher de
prescrire ; mais il n'est pas nécessaire , pour qu'elle produise son effet, qu'elle soit conçue en termes directs et
explicites. il suffit que ces termes indiquent clairement, de
la part du poursuivant, son intention de faire reconnaître
un droit ou une obligation sur le point de se prescrire. C'est
ainsi qu'il a été jugé que, pour interrompre une action en
nullité. il n'est pas absolument nécessaire que l'acte que
l'on veut faire annuler soit précisé dans la demande, il
suffit que les termes de l'exploit laissent entendre le sens
et la portée de la demande. pour qu'il soit interruptif
(Req. 14 juillet 1~29). Si l'interprétation ne doit pas
être trop stricte, elle ne doit pas non plus être trop large.
Ainsi, l'action en pétition d'hérédité n'interromprait pas la
prescription que pourrait opposer un cohéritier à. son cohéritier , alors que ses droits ne constitueraient qu'une
créance pure et simple et ne feraient pas l'objet d'un rapport à la succession à partager. (Limoges, t ••juin 1857.)
La demande en justice interrompt la prescription, alors
même qu'elle a été formée devant un juge incompétent
(art. 2246), peu importe qu'il s'agisse d'une incompétence ralione materiœ ou d'une incompétence ratione personœ. Cette disposition est venue mettre fin à la con troverse que nous avons signalée dans l'ancien droit ; elle se
justifie très bien par cette idée que les questions de ~om
pétence présentant le plus souvent de grandes difficultés, il
ne faut pas rendre le demandeur victime de son erreur.
-
tH -
L'interruption produite par la demande en justice n'a
d'effet qu'autant que cette dernière obtient un plein
succès; aussi, le législateur du Code, reproduisant l'ancien
droit , a-t-il décidé que la prescriplion n'aurail pas cessé
de courir dans les quatre cas suivants :
f 0 Si l'assignation est nulle pour cléfa11.l de (01·me3
(art. 2247. § 1). Il est éviden t que la nullité doit être demandée et prononcée, car il est de principe que les nullités n'opèrent pas de plein droit et qu'elles sont susceptibles de se couvrir. Les articles 6 t et suivants du Code de
procédure donnent une énumération complète des nullités
de formes.
La règle consacrée par cet article 2247 est tout à fait le
contraire de celle de l'article 2246; aussi, est-il permis de
se demander pourquoi le législateur dans deu x hypothèses
si voisines a donné deux solutions diamétralement opposées. Pourquoi ctitte différence dans les résultats, puisqne
l'acte, nul par sa forme, reste sans effet comme l'acte nul
pour incompétence; pnisque, dans les deux cas, une nou
velte assignation est nécessaire. Nous allons même plus
loin, et nous soutenons que l'assignation nulle pour incompétence est plus nulle, s'il est toutefois permis de
nous exprimer ainsi , que l'assignation pour vices de
formes, puisque cette dernière peut très bien se couvrir
par le silence du défendenr ; tandis que celle-là, aux termes
de l'article 170 du Code de procédure. quand il s'agit de
l'incompétence ratione materiœ , ne le peut point, si bien
- que. malgré la renonciation expresse du défendeur à invoquer celle cause de nullité, les juges doivent la prononcer
�H2
t
1
d'office. Dès lors, n'est-ce pas à /'ortiori que le législateur
aurait dû reprodui re ùans J'arLicle 224 7 , la règle qu'il
avaiL edictée dans l'arti cle précédent. L'exposé des motifs
a bien essayé d'expliquer celle différence ; « La nullité
• pour incompétence, dit-il , est plus conforme au maintien
• du droit de propriété. la nullité pour vices de formes y
• fait obstacle, parce qu'il n'y a pas réellement ci tation. ,,
(Feoet, t. 15, p. 183), Celle explication, qui a paru suffisante à Troplong, ne suffit pas avei; raison , d'après Marcadé, pour lever l'antinomie réelle qui existe entre ces
deux articles. L'assignation pour défaut de form es révèle,
tout aussi bien que l'autre, la volonté de faire valoir son
droit, et s'il a paru du r de rendre le demandeur victime de
son erreur en mati ère d'incompétence, n'est-il pas plus dur
de le rendre vicLime de l'erreur commise par l'officier
ministériel qui a fait l'exploit ? (Laurent). Cette distinction
est donc inexplicable, oé.inmoins la loi est formell e.
2° Si le demandeur s~ désiste etc fa demande (art. 2247 ,
§ ~). li Ya deux espèces de désistement. ; celui qui a pour
objet. le droit lui-même et celui qui ne porte que sur l'action;
la. 1_01 ne vise ici que le désistement de l'action ; quant au
d~ist~m ~nt du droit lui-même. il empêche la prescription
d,av~ir lieu, car on ne prescrit pas contre un droit qui
n ex~ste pas, et dès lors il ne saurait être question d'interruptwn. 11 Y a cependant un cas où le désistement du
. . ,
.1. e. de la prescr1pt10u
laisse place ·a l' ut111
droit
.
, lui-même
c est le smvant : un créan cier solidaire se désiste de son
dr.oit.' le défendaur a cependanl intérêt ainvoquer la prescription contre les autres créanciers solidaires qui pour-
-
115 -
raient le poursuivre en vertu de l'article H 98, paragraphe 2 du Code civil.
Lorsque c'est la procédure qui a été abandonnée, cet
abandon n'est définitif que du jour où il a été accepté par
le défendeur (art. 403. Cod. proc. civ.).
Le désistement motivé sur l'incompétence du juge devant
lequel la demande a été portée, n'enlève pas à cette demande l'effet interruptif. Il est assimilé au jugement qui
aurait prononcé l'incompétence (Caen, 8 février 1845).
5° Si le demandeur laisse périmer l'inslance (art. ~24 7 ,
§ 5). La péremption d'instance est l'exti nclion de la pro -
cédure par la discontinuation des poursuites pendant trois
ans ou trois ans et demi suivant les cas (art. 597, Cod.
proc. civ.). Elle n'a jamais lieu de plein droit, elle doit
être prononcée par jugement ; elle est mème susceptible
d'être couverte par le$ acles valables. faits par l'une on
par l'autre des parties, avant qu'elle ait été demandée
dans les formes voulues (art. 599 ot 400 , Cod. pr. civ.).
Comme le désistement, elle n'anéantit que la procédure et
elle laisse le droit intact. li peut cependant arriver qu'elle
produise indirectement l'extinction du droit lui-même.
C'est ce qui a lieu lorsque la prescription s'accomplit pendant l'instance.
4° Si la demande est rejetée (art. 2247 , § 4). Au premier abord , cette disposition peut parailre inutile, car si la
demande est rejetée, le défendeur repoussera par l'exception de la chose jugée toute demande nouvelle qui serait
dirigée contre lui. L'exception de la chose jugée éteignant
�-
114 -
le droit, il n'y a plus lieu d'invoquer la prescription, ni par
conséquent .de parler d'interruption. Cette disposition
n'est cependant pas inutile et elle recevra son application
dans bien des cas où l'exception de la chose jugée serait
insuffisante. Ainsi un débiteur est poursuivi par un créancier solidaire et triomphe contre lui, il n'a pas besoin
d'invoquer la prescription. l'exception de la chose jugée
Je protège suffisamment ; mais qu'un autre créancier vienne
a Je poursuivre. il ne pourra pas lui opposer l'exception
de la chose jugée, puisque ce dernier n'a pas été pa rtie
dans l'instance. il aura dès lors tout intérêt à lui opposer
la prescription que le rejet de la première demande
n'avait pas interrompue.
Faut-il disti nguer si la demande a été rejetée purement
et simplement ou si ell e n.e l'a été que par une fin de nonrecevoir? La Cour de cassatio~ a admis avec raison qne la
disposition de l'article 2247 est ~bsolue et qu'elle ne comporte aucune distinction entre le cas -0.ù la demande est
rejetée par un moyen de fond et celui où elle ne l'a été
que par une fin de non-recevoir qui laisse subsis ter le droit
d'action ; que dans l'une et dans l'autre hypothèse, l'assignation ne saurait, après l'extinction de l'instance continuer à prod uire aucun elTet au profit dn demand~ur dont
1es conclusions n'o nt pas été adm ises (Cassation, 8 janvier
i 877 . Aubry el Rau).
Qu~ décider ùans le cas où une demande, formée quelques. JOnrs avant l'expiration du délai de la prescription,
admise en première instance et même en appel, est rejetée
~ar la Cour de cassati on? JI est clair qu'elle n'a pas
interrom pu la prescription conformément à l'articlo 224 7.
-
li ~
-
A l'inverse la prescription serait interrompue par une
demande qui, rejetée en première instance et même en
appel. aurait été admise par la Cour suprême.
Le Code de procéd ure présente une hypothèse qui peut
donner lieu à quelque difficulté. Un créancier assigne son
débiteur en justice et fait défaut, le tribunal prononce
contre lui un jugement de défaut-congé. Ce jugement a-til un effet sur le fond même de la demande ou simplement
sur l'assignation? L'intérêt pr;\tique qui s'attache à cette
question est le suivant : si le jugement renvoie le défendeur de la demande elle-même, le demandeur devra se
pourvoir contre la sentence dans les délais voulus. sous
peine de faire acquérir à son adversaire le bénéfice de la
chose jugée; si. au contraire. le jugement constate uniquement le défaut du demandeur, il y é\ là une simple déclaration portant sur un fait patent, sans examen du fond du droit;
le demandeur ne sera pas obligé de faire opposition et il
pourra. quand il le voudra, renouveler son ajournement.
L'on admet généralement que, dans l'hypothèse du défautcongé, le défendeur est simplement relaxé de l'assignation,
il ne pourrait dès lors se prévaloir de l'autorité de la
chose jugée, il a donc tout intérêt à ce que la prescription
n'ait pas été interrompue pour pouvoir l'invoquer (Boncenne. Pr. civ., tom. 21. pag. 5. 21).
§ II. Citation en Conciliation. -
Nous plaçons la
citation en conciliation ii côté de la demande en justice,
parce qn'elle en est le préliminaire obligé. Elle interrompt,
elle aussi, la prescription, quand elle est suivie d'une
assignation en justice donnée dans le mois à dater du jour
�-
UG -
de la non-comparution ou de la non-conciliation (art. 2245).
Ce qui explique l'effet interruptif auaché a la citation en
conciliation, c'est que le législateur ne pouvait pas vonloir
que ce préliminaire, qu'il exige. ptît occasionner un préjudice quelconque au demandeur.
Nous venons de dire plus haut que, pour être interru ptive de prescription, la citation en conciliation doit être
suivie d'une demande en justice dans un délai déterminé, il
est évident que cette demande doit être pleinement valable.
Si donc elle ne l'était pas, soit pour un vice de forme,
soit par suite d'une péremption ou d'un désistement , soit
encore par suite d'un rejet, l'interruption ne se produirait pas.
Cette cause d'interrnption a fait naitre deux. questions
délicates et controversées que nons allons examiner successivement.
La première est la suivante : bien que l'article 2245 ne
parle pas de la. comparution volontaire des parties devant
le juge de paix. celle-ci doit-elle prod ui re le même effet
que la citation en conciliatirm? li faut sans hésiter répondre affi rmativement. car l'article 48 du Code de procédure civile, en mellant sur la même ligne la comparution
volontaire et la ci tation en conciliation . a levé tous les
doutes. Du reste, il n'y a aucun motif pour lui refuser cet
effet interruptif ; car, comme la citation en conciliation, la
comparution est constatée par le procès-verbal du juge de
paix. Or, nous savons que c'est à dater du jour dn procèsverbal que co1Jrt le délai de \'assignation à donner. La
seule différence qui ex iste entre les deux cas, c'est qu e
dans l'hypothèse de la comparntion volontaire, les frai:; de
-
t17 -
la citation auront été épargnés. C'est là. un résultat assurément fort désirable que le législateur doit au contraire
encourager (Marcadé, Troplong, Vazeille. Le Roux de
Bretagne, Laurent). Duranton, le seui des auteurs qui
n'admette pas notre opinion, se contente d'approuver un
arrêt du 1:> juillet 1807 de la Cour de Colmar, arrêt qni
avait admis une doctrine contraire, mais il n'apporte à
\'appui de sa solution aucun motif, aucune discussion.
La seconde queslion est beaucoup plus controversée.
La citation en conciliation interrompt-elle la prescription,
quand elle a été donnée dans une affaire dispensée du
préliminaire de conciliation ?
Trois systèmes sont en présence.
Le premier tient pour la négative d'une façon absolue.
Il décide que, dans le cas oü ce préliminaire n'est pas
exigé. la citation en conciliation est un acte frustratoire et
inutile qu i ne doit produire aucun effet. (Pigean, Laurent.
Dalloz, Rd1Jert. V. Prescription. Cassation, 16 janvier 1845,
17 janvier 1877 .)
Le second distinaue si l'affai re est ou non susceptible de
transaction. Dans le premier cas. comme elle peut se terminer devant le bureau de paix, l'in terruption aura lieu,
dans le second cas, elle n'aura pas lieu, parce que (même
argument que celui donné par le précédent système), elle
n'est qu'une tentative impuissante et vaine, une méprise du
demandeur qui croit faire quelque chose d'utile et qui se
livre à. des actes frustratoires (Troplong. Le Roux de Bretagne. Rouen, 15 décembre t 842).
Le troisième admet l'interruption de la prescription
~
�-
H8 -
dans tous les cas. C'est celui que nous adopteroos. Tout
d'abord , la distinction que fait le second système n'est pas
admissible, car elle ne se trouve écrite nulle p:irt dans la
loi. L'article 2245 est général et absolu. Ensuite est-il
bien certain que c'est parce qu'elle peut amener une conciliation, que la citation en conciliation est interruptive de
la prescription? Ce point nous parait des plus contestables. Aussi nous passons à l'argument capital du premier
système : La citation en conciliation ainsi donnée n'est
qu'une tentative impuissante et vaine, un acte inutile el
frustratoire, un acte complètement nul , • une espèce de
coup porté à vide , • pour nous servir des expressions de
Troplong. Il est facile de répondre, que l'assigna tion
devant un tribunal incompétent est, elle aussi, une tenta·
live impuissante et stérile et quP, cependant, le législateur
n'a pas hésité à lui faire produire un effet interruptif.
Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la citation en
conciliation donnée dans une hypothèse qui ne l'exigeait
pas?
Nous opposera-t-on que l'article 2246 ne parle que de
la citation en justice et que dès lors il ne peut s'appliquer
à la citation en coIJciliation? Ce serait s'attacher bi ei:i rigou reusement à la lettre de la loi, car si le tex te manque ici,
sonespritn'estpas douteux. Du reste les partisans du premier système reconnaissent eux-mêmes que, dans Je cas où
ce préliminaire est exigé, la cit ation en conciliation interrompt la prescriptioo, quand elle est donnée devant un juge
de paix autre que r,elui devant lequel elle devait être donnée.
Dès lors, puisque l'innocuité de l'incompétence est la même
pour les citations en conciliation qoe pour les assignations,
-- lt9 pourquoi ne pas l'admettre d'une citation à une assignation?
Qu'a fait le demandeur qui s'est adressé au bureau de paix,
alors qu'il devait porter directement sa demande devant
les juges de première instance ; il s'est trompé de tribunal,
sa citation doit donc par analogie produire l'interruption
de la prescripLion aux termes de l'article 2246. Du reste
notre opinion parait de plus en plus rationnelle et juste,
si nous cherchons à pénétrer la pensée du législateur
quand il a proclamé la règle de l'innocuité de l'incompétence. Il n'a pas voulu rendre le demandeur victime d'une
erreur à laquelle il ne pouvait pas le plus souvent se soustraire. Cette considération se rencontre avec la même
force quand il s'agit d'une citation en conciliation donnée
dans une affaire qui ne l'exigeait pas, elle doit avoir Je
même résultaL (Vazeille, Marcadé, Zacharim).
La solution que nous· venons d'adopter dans celte
seconde question, nous conduit naturellement à une solution identique pour la question inverse : l'assignation
donnée directement devant le tribunal de première instance interrompt-elle la prescription dans le cas où elle
devait être précédée du préliminaire de conciliation ?
D'après ce qui vient d'être dit ci-dessus. l'affirmative est
certaine ; de plus. comme il s'agit ici d'une véritable assignation, l'article 2246 doit recevoir son application. Cependant l'opinion contraire a été consacréë par un arrêt de
la Cour suprême du 50 mai ·1814 et soutenue depuis par
d'éminents auteurs (Troplong, Le Roux de Bretagne.
Laurent).
Examinons donc les arguments contenus dans cet arrêt.
Le premier est tiré de l'articl e 1.,g du Code de procédure
�-
120 -
qui défend aux tribunaux de recevoir aucune demande
tant que le préliminaire de conciliation n'a pas eu lieu.
L'assignation ainsi donnée est nuite et, par conséquent,
ne peut pas produire d'interruption (art. 224 7). Nous
répondons à ce premier argument que ce n'est pas toute
assignaLion nulle qui ne peut interrompre la prescription,
mais seulement l'assignation nulle pour vice de formes. Or
la question est précisément de savoir si, dans notre hypothèse, nous sommes en présence d'uo vice de formes ou
d'un vice d'incompétence '
Pour soutenir que c'est un vice de formes, la doctrine contraire s'appuie sur l'article 6 5 du Code de procédure. C'est même son principal argument. Cet article 65
exige à peine de nullité que l'exploi t d'assignation contienne la copie du procès-verbal d'essai de conciliation,
d'où il résulte , dit-on, que l'absence de cette copie dans
l'assignation est un véritable vice de formes, tombant sous
l'application de l'article 224 7. Ce second argument quoique plus spécieux que le premier n'est pas sans réponse.
Les deu x articles 48 et 65 du Code de procédure prévoient deux hypothèses distinctes qui ne peuvent se rencontrer en même temps; ou bien le demandeur. après
avoir appelé son adversaire au bureau de conciliation·
donne son assignation sa ns y insérer la copie du procès·
verbal. c'est alors le cas de l'article 65 et la prescription
n'aura pas été interrompue; ou bien le demandeur sans
appeler son adversaire au bureau de paix , l'assigne directement devant le tribunal, c'est alors le cas d'appliquer
l',~rticle 4~, et la prescription aura été interrompue, car,
s li est clair qu'il y a vice de formes dans le cas de l'article
- t2t 65 , il est tout aussi clair qu'il y a vice d'incompétence
dans celui de l'article 48, puisque le défendeur a été
appelé devant un tribunal qm n'est pas celui où la demande
doit être portée en premier lieu. (Marcadé, Mourlon).
La citation en conciliation interrompt encore la prescription, quand l'assignation qui la complète est donnée
devant des arbitres nommés par un compromis. Cela n'est
pas douteux, puisque les arbitres constituent un véritable
tribunal. Il en serait de même de la comparution volontaire devant eux (Toulouse. 4 juin t 863) .
Mais quel est l'effet d'un compromis qui ne serait suivi
ni d'assignation , ni de comparution volontaire devant des
arbitre:; ? Est-il aussi interruptif de prescription? La Cour
de Paris. par un arrêt du 9 juin t 8~6, s'est prononcée
dans le sens de l'affirmative, par la raison que le compromis équivalait ici à un ajournement. Cette jurisprudence n'a
' cependant pas prévalu , et l'on enseigne généralement que
la prescription n'est interrompue qu'à la condition d'être
suivie d'une assicrnation ou d'une comparution volontaire;
car jusque là l'ayant droit n'a pas manifesté d'une façon
formelle l'intention qu'il a de poursuivre son droit, de
lier l'instance arbitrale (Marcadè).
Dans les affaires qui ressortissent du tribunal dè paix.
il n'y a pas lieu au préléminaire de conciliation , mais,
depuis la loi du 2 maii 8 !H5. à un avertissement préalable,
sauf pour les cas qui requièrent célérité. et ceux où le défendeur est domicilié hors du canton ou des cantons de !a
même ville. JI est évident que cet avertissement, appelé
aussi lettre de conciliation. ne peut pas interrompre la
prescriplion, puisque ce p.'est pas un acte judiciaire, et
~
�--
12'.1 - ·
que, d'un autre côté, il ne fait connaître au défendeu1· ni
l'objet de la demande, ni Je nom de son adversaire.
Comme celle formée devant un tribunal de première
instance, la demande reconventionnelle formée devant Je
bureau de paix interrompt la prescription (Cassation,
50 frimaire an x1) .
§ III. Commande·ment. - Nous avons vu qu'il y avait
eu controverse à son sujet dans l'ancien droit , et que
l'opinion qui avait fini par triomvher était celle qui mettait
le commandement au nombre des actes interruptifs de la
prescription. Cette opinion a été consacrée par Je Code
civil dans l'article 2244.
Le commandement est un exploit d'huissier par lequel
une personne reçoit une injon c~ion de payer en vertu d'un
titre exécutoire, avec menace, si le paiement n'est pas
effectué, d'y être contrainte par certain· mode déterminé '
d'exécution, Il doit contenir copie des titres à exécuter et
être signifié au débiteur. à son domicile, un jour avant la
saisie mobilière et trente jours avant la saisie immobilière.
Pour être interruptif de prescription,ï e commandement
doit être valable et régulier. Aussi, a-t-on décidé qu'un
commandement fait en vertu d'un titre nul, ne produirait
aucun effet, alors même qu'il serait régulier dans la forme
(Cassation , 8 juin 1841) . Car si le commandement nul au
fo nd , mais régulier dans sa forme ex térieure, avait pu interrompre la prescription , comme témoignant d'une volonté
suffisante de la part de celui qui le fa it, il aurait fallu en dire
autant de la sommation extrajudiciaire. Or, cela n'est pas
-
125 -
admis par la loi; donc, on ne peut donner au commandement , nul pour une cause indépendante de la forme, un
effet qu'il n'a pas en se basant sur cette raison que , par cet
acte, le requérant a manifesté son intention de ne pas
laisser prescrire contre lui .
L'article 616 du Code de procédure enjoint au créancier qui a laissé écouler plus de quatre-vingt-dix jours
entre le commandement et la saisie de le réitérer, mais il
n'a pas pour but de modifier l'effet interruptif du commandement. C'est la saisie seule qui ne peut avoir lieu
sans un nouveau commandement, la prescription a été interrompue par le premier commandement.
Le commandement ne servant ordinairement que de préliminaire à une saisie. son eŒet interruptif se rencontre le
plus souvent en matière de prescription libératoire. Il peut
cependant se produire en matière dè prescription acquisitive. Ainsi, dans l'espèce suivante : Pr im us obtient contre
Secundus un jugement qui condamne ce dernier adélaisser
un immeuble. Il peut recourir a la force publique pour
l'exécution du jugement ; mais . avant d'employer ce
moyen, il doi t lui faire commandement de délaisser. Ce
commandement sera interruptif de la prescription acquisiti ve qui courai t an profit du défendeur.
A la différence du commandement , la sommation n'interrompt pas la prescription . Le législateur , dit-on . a
pensé que la sommation n'indiquait pas d'une façon suffisante la volonté du demandeur. puisqu'il la faisait sans
recourir aux voies judiciaires . ou sans employer les
moyens propres a faire exécuter son droit. Cette explication ne nous paraît pas suffisante, car, par cela seul que le
�-
i24 -
créancier recourt à un huissier pour manifester sa volonté , c'est qu'il agit sérieusement , La sommation constitue le débiteur en demeure, elle fait même, dans certains
cas, courir Je3 intérêts ; -elle aurait bien pu interrompre
la prescription ; si elle ne le peut pas, c'est que le législateur a voulu, par tous les moyens, favoriser l'extinction
des obligations. En règle générale, la sommation n'interrompt pas 1a prescription; il y a cependant une hypothèse
où, par exception, elle produit cet effet, c'est l'hypothèse
où le tiers détenteur d'un immeuble hypothé<] ué est sommé
de payer la dette ou de délaisser l'immeuble. Ici, la sommation est au food un véritable commandement, quoiqu'on
ne puisse pas lui donner rigou reusement ce oom, parce
qu'elle s'adresse à un tiers détenteur qui n'est pas débiteur.
La Cour de cassation qui, dans un arrêt du 7 novembre
f858 , avait dénié à la sommalion de payer ou de délaisser tout effet interruptif. est depuis revenue sur sa jurisprndence (Cassation. 27 décembre f 854) et d'accord avec
la doctrine, elle a décidé que cette sommation , quoique
non assujettie à la forme parti culière du commandement,
produisait cependant le même effet à l'égard du tiers détenteur.
On s'est demandé si la signification préalable d'un titre
exécutoire faite à l'héritier, conformément à l'article 877
du Code civil, avait Je pouvoir d'interrompre la prescrip·
lion ? La jurisprudence a varié sur ce point. Elle avait
d'abord admis l'effet interruptif (Toulouse, 27 mars 183 !) ;
Riom , 14 janvier t 845); aujourd'hui elle penche, et avec
juste raison, vers l'opinion contraire (Bordeaux , 11 jan·
vier i 856), Car il est difficile d'admettre qu'une simple
-
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signification qui n'aurait pas la force d'interrompre la
prescription à l'égard du défunt, le puisse à l'égard de
ses héritiers . Le commandement peut seul interrompre la
prescription et vis-a-vis du défunt et vis-a-vis de ses héritiers, seulement pour ces derniers l'exécution est soumise
à une formalit.è de plus : la signification .
§ IV. Saisie. -
Aux termes de l'article 2244, la
saisie est, elle aussi, un mode interro ptif de prescription.
ce qui s'explique très bien par cette idée que la saisie est
la manifestation la plus énergique de la part du créancier,
de l'intention qu'il a de poursui vre \'exécÙtion de son
droit. Comme le commandement, la saisie ne peut produire
son effet qu'autant qu'elle a été signifiée à celui que l'on
veut empêcher de prescrire.
Mais, a-t-on dit, à quoi bon attacher à la saisie le pouvoir d'interrompre la prescription . puisqu'elle a déjà été
interrompue par le commandement, préliminaire obligé de
la saisie? La disposition de l'arti cle 2244 est donc parfaitement inutile. Non, cette disposition n'est pas inutile,
car toutes les saisies ne sont pas précédées d'un commandement, par exemple la saisie-arrêt (art, 557. Cod. pr.
civ.) , la saisie revend ication (art. 826. Cod. pr. civ.). la
saisie foraine (art. 819 . Cod . pr. civ. ), la saisie gagerie
(art. 819. Cod. pr. civ, ) , et même dans le cas où la
saisie est précédée d'un commandement, il est nécessaire
de donner à la saisie le pouvoir d'interrompre la prescription, car le commandement ne l'interrompt que pour
le passé, et ne l'empêche pas de recommencer le jour où il
a été sign ifié, la saisie interrompt donc cette nouvelle pres-
�-
126 -
cription, qui court du jour du commandement, et de plus,
comme elle donne lieu à une instance, elle empêche la
prescription de recommencer pendant toute la durée de
l'instance.
Faut-il accorder à toute saisie l'elîet interruptif de prescription? Duranton n'accorde cet effet qu'à la sâisie·
arrêt ' la Cour de Bordeaux , au contraire, le refusait à
cette même saisie; prétendant que ce n'était là qu'un acte
conservatoire, qui ne pouvait dès lors entrainer l'interruption de la prescription (Bordeaux, i 5 mai 1828).
Cette jurisprudence n'a pas prévalu . et la première opinion
a été consacrée par de nombreux arrêts (Nîmes, 6 mars
1852; -Toulouse, 24 décembre 1842; - Lyon, janvier 1868; - Cassation , 25 mars ·1874 ; - Besançon,
25 avril 1875). Seulement, allant plus loin que Duranton , la doctrine est unanime à reconnaître que l'effet in terruptif doit être attaché à toutes les saisies, puisque
l'article 2244 ne fait pas de distinction (Marcadé).
Faut-il, pou!' que la prescription soit interromp11e, que la
saisie-arrêt soit suivie d'une demande en validité, confor·
mément aux articles 565 et 564 du Code de procéd ure ?
Cette formalité ne nous paraît pas nécessaire, car la saisie
produit deux effets bien distincts : l'arrêt des sommes
saisies et l'interruption de la prescription. Ces deux effets
ne sont pas si intimement liés l'un à l'autre que la perte
du premier entraine nécessairement la perte du second.
Le premier peut bien disparaitre et le second subsister.
L'article 565 vient lever tous les doutes, puisqu'en prononçant la nullité de la saisie. faute de demande en validité, il ne se réfère qu'au premier de ces deux. effets.
-
127 -
Les paiements faits par le tiers saisi resteront valables.
N'est-ce pas dire d'une manière clai re que le second effet.
l'interruption de la prescription , subsiste par cela seul que
l'opposition a été dénoncée au saisi? (Le Roui rle Bretagne).
Ici se place la solution d'une question délicate, qui a
donné lieu en doctrine à plusieurs systèmes; c'est la suivante : faut-il assimiler à la saisie-arrêt la signification au
débiteur d'une créance cédée, au point de vue de l'interruption de la grescription?
Un premier système admet sans hésiter l'affirmative. La
sign ification d'una créance cédée vaul pour lui opposition.
Elle doit donc produire le même elîet, puisque comme le
tiers saisi, le débiteur cédé ne peut se libérer qu'aux
mains du nouveau créancier. Ce n'est donc pas se mettre
en contradiction avec la loi, mais plutôt s'attacher à son
esprit que de mettre la signification au nombre des <ictes
interruptifs de prescription. (Vazeille).
A côté de ce premier système, il y en a un second
beaucoup moins absolu. li faut, dit-on, dislinguer si la
créance cédée était, au moment du transport, frappée de
saisie-arrêt, ou si elle était libre dans les mains du débiteur cédé. Au premier cas, elle vaut opposition, elle doit
donc produire les mêmes effets et par conséquent interrornpre la prescription ; dans le second cas, la créance
étant libre dans les mains du débiteur, la signification ne
peut avoir aucun caractère d'exécution. ni. valoi~ s~~sie
arrêt puisque le débiteur cesse d'être un tiers des l 1.nstant de la signification et que la saisie-arrét n'est possible
que contre un tie.rs (Troplong, Marcadé).
li y a enfin un troisième système auquel nous nous
�-
128 -
rallions, car il nous parait le plus juridique. D'après ce
système la prescription n'est jamais interrompue par la
signification de la cession. D'aprèS nous, l'énumération
qu'a donnée le législateur des actes interruptifs de prescription, est essentiellement limitative. Il en exclut par
conséquent la signification qui n'y est pas comprise. De
plus, la nature même de la signification ne permet pas
d'en faire un acte interruptif ; c'est un simple acte de
publicité donnée à la cession dans l'intérêt des tiers,
publicité bien restreinte en fait, puisque c'est le débiteur
seul qui en bénéficie. Mais ce dernier ne saurait y voir
de la part du créancier l'intention fermement arrêtée de le
poursuivre en justice. (Paris, i 7 avril 185 t ; Nîmes, 6
mars i 852 .)
Le second système va trop loin quand il pose en prin·
cipe que la signification du transport d'une créance déjà
frappée de saisie-arrêt vaut opposition ; car ee principe,
vrai sans doute , en ce qui concerne les rapports du cessionnaire et des tiers saisissants ne l'est plus à l'égard du
débiteur, car il n'est dit nulle part que la signification du
transport constitue pour lui un acte équivalent à un commandement ou à une saisie. (Merlin , Reperl . Interruption.
- Dalloz, Repert. P1·escription. Le Roux de Bretagne,
Laurent, Aubry et Rau).
La saisie n'intervenant ordinairement que pour oble~ir
le payement d'une dette, elle n'interrompt Je plus souvent
que la prescription libératoire ; il peut se faire cependant
qu'elle interrompe la prescription acquisitive. Ainsi sup·
posons un défendeur condamné à délaisser et à payer une
somme déterminée par chaque jour de retard s'il n'exécute
-
129 -
pas; le demandeur fait saisir l'immeuble pour obtenir le
payement de l'indemnité qui lui a été accordée. Sa 'Saisie
interrompt la prescription acquisitive qui courait au profil
du défend eur .
§ V. Reconnaissance du. T>ébiteur. -
La dernière
cause d'interruption civile qn1 est indiquée par le Code est
la recon naissance du débiteur (art. 2248) . Une première
remarqu e à faire, c'est que de sa nature l'interruption
civile suppose un acte de la part de celui contre lequel
court la prescriptfon, et que c'est en partant de cette idée
que Zacharire appelle celte cause d'interruption, une in terruption improprement dite ou fictive.
Cette reconnaissance peut être ex presse ou tacite. Estelle expresse. elle peut avoir lieu soit par écrit, soit verbalement. Si elle a lieu par écrit, pèn importe que cet
écrit soit authentique ou sous seing privé, au point de vue
qui nous occupe, sa force est la même dans les deux cas.
Elle peut résulter d'une simple lettre missive, comme
l'admettait déjà d'Argcntrée dans l'ancien droit. Ainsi l'on
a jugé qu'une lettre missive. àdressée par le gérant d'une
société à un actionnaire pour l'inviter à prendre part à une
délibération des associés, interrompt la prescription que
la société voudrait opposer à l'exercice des droits de cet
actionnaire (Douai, 29 mai 18 52). Bien plus, une lettre
sans date peut être considérée comme interruptive de
prescription, quand en la combinant avec les éléments du
procès, il est visible qu'elle est antérieure à l'époque où la
prescription a été acquise (Lyon , 1!) mars t810). :
�-
150 -
Si la reconnaissanc.e est verbale, il faut appliquer la
règle' générale en matière d'obligation et n'admettre la
preuve testimoniale qne ~i lïntèrêt engagé est inférieur à
t 50 francs, sauf toutefois les exceptions des arl icies f 54 7
et t348 (commencement de preuve par écrit, impossibilité de se procurer nne preuve écrite).
Que décider dans le cas où le débiteur dénie son aveu
veciYcll et que la preuve testimoniale n'est pas admissible!
Le créancier peut-il lui déférnr le serment~ L'affirmative
ne nous parait pas douteuse. En ''ain l'on objecterait que
la délation du serment n'a lieu que par exception pour
les petites prescripti ons conformément à l'article 227 !i.
Les deux hypothèses sont en efTet parfaitement distinctes
l'une de l'autre, et l'on ne peul rien induire de l'article
2275 contre la solution que nous adoptons. Dans la première hypothèse, il s'agit d'une prescription acquise et
l'on comprend que le législateur n'ait permis la délation
du serment que pour les courtes prescriptions. Dans la
seconde, au contraire, la question est toute difTérente, il
ne s'agit pas de déférer le sermen t à l'encontre cl'une prescription acquise, mais bien de savoir si la prescription est,
oui on non, acquise. si elle a été, oui on non, interrompue.
Le serment ne porte donc pas sur le fond même du droit,
mais exclusivement sur le fait de la reconnaissance; or
rien ne s'oppose ici à l'admission du serment qui, aux
termes même de l'article 15~8 peut être déféré sur toute
espèce de contestation.
La reconnaissance tacite résulte de tout fait qui suppose
l'existence du droit et l'aveu de la delle. C'est là une
question dont la soluti on est entièrement abandonnée à
-
15i -
l'appréciation du juge. On peut citer à titre d'exemple le
payement des arrérages d'une rente (Cassation. 15 mai
1822), le payement des intérêts d'un capi tal en tout ou
en partie (Cassation. 15 juillet 1875). le payement à
titre d'acompte (Cassation, 29 janvi~r 1838). La Cour
suprême a même éLé beaucoup plus loin ; elle a admis des
présomptions de payement, comme reconnaissance tacite;
ainsi elle a jugé que si, sur la demande en payement des
arrérages d'une rent e, le défendeur a offert les termes
échos à partir d'une certaine époque antérieure à la demande. il doit être répu té les avoir payés jusqu'à cette
époque, et cette prestation présumée a suffi pour interrompre la prescription (Rej, 5 juin 1855).
La recon.naissance n'a pas besoin d'être acceptée par le
créancier pour prod uire son efTet interruptif, il suffit qu'il
ne la répudie pas pour qu'elle loi profile. C'était l'opinion
de Pothier daus l'ancien droit, c'est encore auj ourd'hui
l'opinion de la doctrine. « Une convention, dit Merlin. ne
« peut être formée sans contredit, que par le concours
« des deux parties qui l'ont formée par leur consentement
« réciproque ; mais une fois que cet effet obligatoire est
« acquis à l'une des parties par le concours de son con" sentement avec celui de l'autre; quel obstacle y a-t-il à
« ce qu'il soit conservé et confirmé sans ce concours et
• par le seul consentement de celle des parties sur
« laquelle pèse l'obligation? Aucun, puisque l'objet de ce
« consentement isolé n'est pas de former un nouveau
« contrat, puisqu'au moment où il intervient existe déjà
• le concours des deux consentemen ts qui ont formé 1e
• contrat primitif, p.uisqu'il se rapporte à ce concours et
�-
152 -
• qu'il ne fait qu'en consolider le résultat. • (Merlin,
Quest. de Droit, § 12) . La jurisprudence est du même
avis. (Grenoble, 26 janvier 185?> ; Poitiers, 50 juillet
1877) . Ainsi lorsque, da"ns un acte de pa~tage. les copartageants prennent un terrain détel\miné pour limite de
leurs propriétés indivises, ils reconnaissent par là que ce
terrain est exclu du partage et qu'ils n'y ont aucun droit.
Aussi cet acte de partage peul très bien être invoqué c•>mme
ayànt interrompu la prescription par le possesseur de ce
même terrain contre celui des copartageants qui en revendiquait la propriété (Cassation , 25 février 1863). JI a été
jugé également que la 1!éclaration, clans un acte de vente
ou de partage. d'une rente grevan t l'immeuble, objet du
contrat, constituait une reconnaissance des droits du
créancier, bien que ceh1i'-ci n'y ait pas été partie, recon·
naissance interruptive de la prescription (Cassation. 27
.janvier 1868; Rouen, 20mars1868).
De qui doit émaner la reconnaissance? La réponse à
CP,lte question est dans l'article 224.8 lui-même. C'est le
débiteur ou le possesseur qui doit reconnaître le droit de
celui contre lequel il a commencé à prescrire. Cela ne
souffre pas de difficultés. puisque la reconnaissance est nne
véritable renonciation et qu'il est tout naturel que Je possesseur d'un droit puisse seu l y renoncer. La jurisprudence a eu plusieurs fois l'occasion d'appliq uer ce principe en matière de droits d'usage forestiers. Certains
usagers avaien t voulu voir une reconnaissanee de leurs
droits dans des sentences émanées d'une juridiction qui
rendait la justice au nom du seigneur , ils en avaient co nclu
que celle 1·eeonnaissance avait interrompu la prescription
-
155 -
en lenr faveur. Lem· manière de voir n'a pas été admise
par la Cour de cassation , par ce motif que la reconnaissance
n'émanait pas du propriétaire. et que les juges seigneuriaux ne pouvaient ètre considérés comme les mandataires
de celui au nom duqnel ils rendaient la justice (Cass<l-tion,
21 mars 1852).
Si la reconnaissance doit émaner toujours du débiteur
ou possesseur. peut-elle être faite par tout débiteur ou tout
possesseur? Un premier point admis sans contestation est
relatif à la prescription acquisitive. Quant à elle, celui-là
seul peut faire une reconnaissance efficace qui a la capacité
d'aliéner. Ceux donc qui n'ont pas cette capacité ne peuvent par ce moyen interrompre valablement la prescription
qui court à leur profit, puisque ce serait renoncer aux
avantages d'une possession de nature à consolider la propriété dans leurs mains (art. 2222 et 2248 combinés) .
La question est au contraire beaucoup plus controversée
en ce qui ·touche la prescription libératoire. Cependant
l'opinion dominante est celle qui·permet de faire une reconnaissance interruptive de la prescription extinctive à toute
personne jouissant de l'administration de ses biens, ainsi
qu'aux administrateurs du patrimoine d'autrui. (Paris ,
29 avril 1814. - Cassation , 26 juin 182t. - Vazeille.
Aubry et Rau .)
Que les personnes jouissant de l'administration de leurs
biens puissent faire une reconnaissance capable d'interrompre une prescription extinctive, nous ne le contestons
pas , mais que les administrateurs du patrimoine d'autrui
le puissent également, c'est ce que nous ne saurions
admettre. Car la loi, ne leur ayant pas donné le droit
�-
'
.
154 -
d'aliéner le mobilier, ils ne doivent pas pouvoir. renoncer
à la prescription d'un droit de cette nature. Objectera-t-on
que les administrateurs ont le droit de payer et qu'ils
ont, par cela mème, celui d'interrompre la prescription?
Evidemment non , car les administrateurs sont établis dans
l'intérêt des personnes dont ils gèrent Je patrimoine et
non pour leur porter préjudice. Leurs pouvoirs sont limités par la loi aux actes d'administration. Ces actes sont
nécessaires ou avantageux; renoncer à une prescription
commencée n'est ni nécessaire ni avantageux. Que
l'administrateur laisse donc courir la prescription. Celui
dont il gère les intérêts aura toujours la faculté d'y
renoncer, quand il sera plei nement capable (Laurent).
Que faut-il penser d'une reconnaissance faite dans un
acte nul ? On doit sans hésiter admettre qu'elle peut interrompre la prescription. Ainsi une reconnaissance faite
dans un acte de novation est valable, malgré la nullité de
cet acte, pourvu que la nullité ne provienne. pas d'un
défaut de capacité dans celui dont il éman e. Même dans
ce derni er cas, si d'après les circonstances cet acte contenait la preuve de payemen ts fai ts jusqu'à celle époqu e, il
contiendrait encore une recon nai s~an ce toute capable de
relever le créancier de la prescription. (Paris. 29 août
181 4. -Troplong, Vazeille.)
Nous avons dit plus haut que le payement des intérêts
constitue une reconnaissance tacite interruptive de la prescription, cela est exact ; mais, comme le plus souvent ces
intérêts sont payés , sans qu'il en reste la preuve dans les
mains du créancier, il est très difficile d'établir qu'ils l'ont
été réell ement et qu'ils ont , par cela même, interrompu
-
13?5 -
Ja prescription. Nous ne reviendrons pas sur la discussion
que nous avons reproduite à ce sujet dans notre ancien
droit, nous dirons seulement que de nos joars les registres et papiers domestiques ne font jamais foi en faveur
de celui qui les a écrits, ils font au contraire foi contre lui
en certains cas (art. 1551). La preuve ne peut dès lors
être faite que d'après le droit commun (Cassatioo, i t
mai t842).
Le législateur a prévu, en matière de rentes, le danger
que nous venons de signaler et l'a écarté pat' un moyen
spécial. Il permet au crédi-rentier d'exiger du débiteur
de la rente un renouvellement de son titre au bout d'un
certain temps. Ce temps est fixé à vingt-huit ans pour ne
pas mulliplier les reconnaissances et les frais, article 2265.:
• Après vingt-huit ans de la date du dernier titre, le dé~t• teur d'une rente peut êlre contraint de fournir à ses frais
• un titre nouvel au créancier ou à. ses ayants cause. •
Cette disposition spéciale au cas où il s'agit d'une rente ne
saurait être étendue par voie d'analogie à. d'autres matières. Ainsi , l'article 67:5 dit bien que le titre constitutif
d'une servitude non prescriplible ne peut ètre remplacé
que par un titre recognitif de la servitude, émané du propriélaire du fonds servant , nous ne penso~s pas que le
propriétaire du fonds dominant puisse conlramdre le p~o_
priétaire du fonds servant à lni faire un titre recogmt1f
en dehors des termes de la loi. Celle-ci n'impose pas en
effet au propriétaire du fonds servant l_'obliga~ion de
prendre à sa charge les frais d'un nouveau ltlre. A1ontons
que le plus souvent le crédi-rentier n'a pas d'autres
. t"ion, tandis
nue le prornoyens d'i ntorrompre la prescnp
<
'1
�-
136 -
-
priétaire ùu fonds dominant peut toujours interrompre la
prescription libératoire de la servitude par le non-usage,
en faisant des actes d'exercice. De même, dans l'hJpothèse
d'un capital exigiblo, bien que l'exigibilité soit renvoyée à
plus de trente ans, l'article 2265 ne peut recevoir d'application; car le créancier peut former sa demande en
p:üement, si le terme est échu; s'il ne l'est pas, il n'a rien
à craindre, puisque la prescription est suspendue en sa
faveur , en vertu de l'article 22 57.
La situation particulière du crédi-rentier mérite donc
seule la faveur contenue dans l'article 22 65. Ce n'est qu'à
lui seul qu'il faut l'appliquer (Paris. 12 jnin 1866.
Troplong. - Marcadé, - co11 tra Taulier).
li ne faudrait pas tirer de l'article 2263 celle singulière
conséquence que !~ créancier ne peut interrompre la
prescription que par un litre nouvel et tourner ainsi
contre lui une disposition qui n'a été faite qu'en sa
faveur, c'est un moyen de plus que la !oi-accorde au
crédi-reotier ; mais s'il en possède d'autres, il peut très
hi1rn les faire valoir , sans recourir à l'article 2265
( LaurP,nt, Cassation, 20 novembre 1827 ; - Paris ,
19 juin 1866).
SECTJON 11
1
DE
L EXTE.'.'i"SI01\"
DES EFFETS
1
DE L 1N'1 'ERRUPTION
CIVILE
1
A CERTAl:'o!ES PERSONNES ET D UXE ACTION A UNE AUTRE
Nous avons déjà remarq ué ùans le cours de cette cfü1de
que d'une façon générale l'interruption· naturell e produit
des effets absolus, c1'ga 011111 cs , tandis qne l'inter ru pli on
i57 -
civile ne produit que des effets relatifs, des efTets à l'égard
de la personne â. laquelle elle est adressée. Le Code a rependant prévu trois hypothèses. où les effets de l'interruption civile s'étefldent à plusieurs personnes. Ces trois
hypothèses se rencontrent en matière de solidarité, d'indivisibilité et de cautionnement (art. 2249 et 2~50j.
§ 1. Solida1·ité (art. 2249 ) . - La solidarité peut
exister soit entre créanciers, soit entre débiteurs :
·t • Entre créanciers. - Tout acte qui interrompt la
prescription au profit d'un créancier solidaire l'interrompt
également au profit des autres. Celle disposition s'explique
très bien par l'idée de mandat qui préside aux rapports des
créanciers entre eux. Les actes du mandataire doivent dès
lors profiter aux mandants. Mais s'il y a, parmi les créanciers solidaires. un créancier con tre laquel la prescription
ne court pas à raison d'un privilège parti culier (minori té.
interdiction) , elle con tinue cependant al'égard des autres .
car le mandant ne peut invoquer les privilèges spéciaux
attachés à la personne de son mandataire. L'argument
d'analogie qu'on a voulu tirer de l'article 710 du Code
civil ne nous parait pas admissible. Cet article ainsi
conçu : • Si, parmi les copropriétaires, il s'en troure un
c contl'e leq uel la prescription n'ait pu courir, comme un
« mineur, il aura conservé le droit de tous, • est spécial
et particulier à l'indivisibilité, et il ne peut être étendu à
la solidarité.
2° Entre débiteurs. - L'interpellation adressée à un
des débiteurs solidaires ou sa reconnaissance interrompt
la prescription contre les autres débiteurs et même contre
�-
158 -
leurs héritiers. Au contraire, l'interpellation, adressée à
l'un des héritiers d'un débitenr solidaire, n'interrompt
pas la prescription à l'égard des autres héritiers, pourvu
que l'obligation ne soit pas indivisible, maiF> elle l'interrompt à l'égard des autres débiteurs solidaires pour la
part dont cet héritier est tenu. Pour que la prescription
soit interrompue pour le tout et à. l'encontre de tous les
autres codébiteurs, il faut que l'interpellation soit adressée
à. tous les héritiers du débiteur décédé.
Il est facile d'expliquer ces di!Térences en remontant
aux. principes admis en matière de solidarité. En effet. aux
termes de l'article 1206 , les IJOUrsui tes dirigées contre l'un
des autres débiteurs solidaires interrompent la prescription
contre les débiteurs, et, aux termes de l'article 1215. l'obli·
galion solidaire se divise de plein droit en tre chacnn des
débiteurs qui l'ont contractée, tandis qu'aux. termes de l'article 1220 . les dettes se divi sent de plein droit entre les
héritiers d'un même débiteur . Or, comme ceux-ci ne sont
pas tenus solidairement au delà de la portion pour laquelle
ils représenten t le défunt, il faut leur adresser à tous une
interpellation pour in terrompre la prescription pour le
tout et à l'P-gard des autres débiteurs solidaires. La solution serait la même si l'on était en présence d'une créance
hypothécaire. ou bien d'une créance personnelle. Quelques
auteurs souti ennent que la poursuite dirigée contre l'héritier p osse~seur de l'immeuble hypothéqué interrompt la
prescription con tre les au tres héritiers , parce que ce possesseur représente complètement le défunt (Aubry et Rau.
Vazeille). Il est facile de répondre qu'en vertu du principe
de la di1·ision des deltes (art . 1220), chaque héritier n'est.
-
159 -
tenu personnellement que pour sa part. Le créancier a
donc contre lui deux actions distinctes ; l'action personnelle et l'action hypothécaire . La première est limitée
à la part de &et héritier, la seconde est indivisible. Mais
ceu.e indivisibilité ne subsiste que pendant le temps que la
dette subsiste pour le tout, mais une fois la deue divisée,
l'action hypothécaire n'étant que l'accessoire de l'action
personnelle doit subir les extinctions ou diminutions que
subit cette dernière (Laurent, Troplong. Marcadé) .
Faut-il assimiler aux créanciers et débiteurs solidaires
les cohéritiers d'une suc~egsion indivise? La question
controversée dans l'ancien droit ne l'est plus aujourd'hui ,
les articles 2249 et 2250 étant limitatifs. Tous les
auteurs admettent qu e les cohéritiers d'une succession indivise ont des droits distincts, parfaitement indépendant~
les uns de:; autres. JI y a toutefois dans la jurisprudence un
arrêt portan t que la reconnaissance faite par l'héritier
possesseur de toute la succession avait interrompu la prescription de la dette pour le tou t (Pau, 29 juin i8~5). Cet
arrêt, qui semble contraire à l'opinion que nous avons
émise plus haut , se justifie par la considération suivan te : dans l'espèce soumise à la Cour de Pau, le cohéritier, en possession de la succession, la détenait avec le
consentement des autres cohéritiers. il était leur mandataire . C'était l'application pure et simple des principes généraux en matière de mandat.
Qu'en est-il de l'interruption adressée à l'héritier apparen t ? Interrompt-elle la prescription à l'égard du véritable hêrilier? L'alllrmative nous parait certaine, puisque l'héritier apparent est possesseur . et que l'héritier
�-
140 -
réel peut joindre sa possession à la sienne propre. Il P.n
rérnlte q11e l'interruption adressée à l'héritier apparent interrompt la prescriptiun vis-à-vis de l'héritier· réel (contra
Laurent). .
Ne pourrait-on pas assimiler aux. débite11rs solidaires les
détenteurs de biens hypothéqués ala même dette et décider
que l'interpellation adressée à l'un des détenteurs interrompra la prescription à l'égard des a11tres? Il fa11t sans
hésiter répondre négativement, car les deux situations
sont différentes. Le droit de créance que l'on a contre
pl11sieurs débiteurs solidaires est 11n se11I et même droit
qui réside en la personne du créancier, aussi le droit d11
créancier c<olntr·e le débite11r interpellé est le même q11e
celai ~u'il a contre les a11tres. Les droits d'hypothèque, au
contraire, que l'on a s11r différents biens hypothéqués à la
même dette sont des droits réels rési dant sur des choses
différentes , droits par conséquent aussi distincts les uns
~es autres que les choses sur lesquelles ils portent sont distmctes les unes des autres.
La reconnaissance de la dette que ferait un débiteur so!idaire, après la prescription acqu ise, ne préjudicierait pas
a ~es coobligés (Paris, 9 fé'1rier 1855), car le temps expiré a~ant fait acquérir un droit aux autres codébiteurs,
ceux-c'. n.e peuvent le perdre par le fait du renonçant , sa
renonc1at1on leur est donc complètement étranoère.
Une ~ern'.ère q11estion nous reste à exam~er au sujet
de la sohdanté. C'est la suivante : un jugement par défaut,
f~11te de constitution d'avoué, est rend11 contre deux indi~1dus q~'il a ~ondamnés solidairement ; il n'est exéc11té que
wntre 1un deux dans le délai prévu par l'article 156 du
-
Ui
Code de procédure civile. Ce jugement est-il sauvé de la
déehéance à l'égard de l'autre ? C'est-à-dire celui qui a
obtenu le jugement peut-il abandonner le débiteur qu'il a
d'abord poursuivi pour revenir contre l'autre . alors
même que les six mois se seront écoulés~ En d'autres termes, le délai de l'arlicle 156 est-il une prescription et dès
lors soumis à l'article 2249 ?
La Cour de cassation, d'accord avec la majori té des
auteurs, s'est prononcée pour l'affirmative, ·en se fondant
sur ce que « les articles 1206 et 2242 qui ont étendu à
tous les débiteurs solidaires l'interruption de la prescription opérèe à l'égard de l'un d'eux s'a ppliq11ent dans leur
généralité à tous les genres de prescriptions et sont conçus
en des termes absolus, et que l'article 156 du Code de
procèdure établit. à l'égard des jugements par défaut, une
véritable prescription en faveur des parties condamnées,
qui , comme les autres, peut ètre interrcmpue a11x termes
de la loi.• (Cassation. 9 février t84i. ) Ladoctrioeajoute
que la dette solidaire est la même dans sa substance et
dans sa ca11se pour chacone des parties qui y sont obligées ; le codébiteur, pour ou contre lequel jugement a
été rendu. ne forme moralement avee l'autre qu'un seul
et mème individu, parce qu'ils n'ont p11 s'obliger solidairement à la même delle, sans se constituer mandataires
l'un de l'autre pour la payer, et, par suite. pour se représenter mutuellement dans tous les actes et toutes les procédures qui tendraient à la faire payer, et pour faire valoir
dans leur intérêt commun tous les moyens qu'ils pour·
raient avoir de s'exempter de la pay~r'. Dès lors , l'exécution dirigée contre l'un des débiteurs solidaires l'est en
�-
142 -
même temps coolre l'autre, el produit par cela même une
interruption de rrescription à son encontre. Celte opinion,
bien que généralement admise par les autorités les plus
recommandables. nous parail sujetle à critique. n·abord
elle confond la créance et l'aclion qui sont deux choses
parfaitement distinctes; la créance peut être solidaire, et
l'action , et par suite Je jugement, n'aurait d'effet qu'envers
celui contre qai elle est dirigée, et de ce que le jugement
conserve ou perd sa force vis-à-vis de l'un des débiteurs,
11 ne s'ensuit pas que le même résultat se produise à
!"égard des autres. L'article t 206 ne vise que les obligations conventionnelles, le jugement par défant n'est pas
lui-même un titre d'obligation. il ne le devient qu'autant
qu'il a été exécuté dans les six mois (art. t ~6). Ainsi,
avant d'exister comme obligation solidaire, il faut qu'il
existe comme obligation; or, il n'existe pas, tant qu'il n'a
pas été exécuté dans les six mois . Comment la poursuite
dirigée contre l'un des débiteurs pourrait - elle réagir
contre l'autre, alors qu'à son égard il n'y a pas même
d'obligation? Nous conduons donc que la poursuite dirigée
contre l'une des deux personnes condamnées par défaut
Sl)Jidairement n'a aucun erre~ vis-à-vis de l'autre (Tl'Oplong,
Vazeille).
JI faut donner la même solution dans l'hypothèse d'un
acquiescement à un jugement de défaut non exécuté
contre l'autre débiteur dans les six mois.
§ li.
La loi place sur la même ligne
que la solidarité, l'indivisibilité. L'interruption adressée à
l'un des débiteurs d'une chose indivisible l'interrompt à
Indivisibilité. -
-
145 -
l'égard des autres. L'on peut même ajouter qne son effet
est plus puissant, puisqu'à la différence de ia solidarité
dont l'elTel n'a pas lieu entre les héritiers d'on même débiteur d'une delle solidaire. cet effet se produit entre les
héritiers d'un même débiteur d'une chose indivisible. Cette
différence s'explique par celle considération que la solidarité repose sur une idée de mandat exprès oo tacite, peu
importe. idée qui ne se retrouve pas chez les héritiers d'un
débiteur d'une chose indivisible. L'indivisibilité est un fait
qui s'impose à tous, aux héritiers du débiteur comme au
débiteur lui-même. Cette assimilation de l'indivisibilité à
la solidarité n'est que le résultat d'une exagération des
pri ncipes en matière d'indivisibilité. Le législateur aur:lit
très bien pu ne pas consacrer celle exception el accorder
aux débiteurs qui n'avaient pas été interpellés le bénéfice
de la prescription ; car de ce qu'une chose est indivisible,
on conclut que , dès qu'elle est dne par un débiteur à un
créancier, elle est due à tous les créanciers par tous
les débiteurs. Ce résultat n'est pas nécessaire. Supposons un créancier d'one chose indivisible et plusieurs
débiteurs dont un seul est interpellé, la créance aurait
très bien pu être conservée pour le tout, sauf au créancier
à tenir compte an débiteur poursuivi des parts que les
antres débiteurs libérés par la prescription auraient dû
supporter dans la dette. s'ils étaient restés obligés;. supposons à l'inverse plusieur~ créanciers et un seul débiteur, la
créance aurait ici encore pu être conservée pour le
tout par l'interruption faite par un des créanciers., à ~on
dition d'indem niser le débiteur de la valeur du droit qu aurailmt perd11 les autres créanciers par la prescription. C.'est
�144 -
du reste ce qu'a fait le législateur dans le cas de remise
d·une obligation indivisible par l'u n des héritiers du créancier. Son cohéritier ne peut demander l'exécution de
l'obligation indivisible qu'en tenant compte de la remise
(art. 1224). Il n'y avait pas de raison pour s'écarter de
cette dernière solution. Néanmoins, la loi est formelle.
Quant aux obligations indivisibles. solutione tantum, le
Code les a rangées dans la classe des obligations divisibles et soumises, par fa même, au droit commun.
§ 111. Cautionnement. -
Le Code a mis fin par son
article 2250 aux controverses qui existaient dans l'ancien
droit à ce sujet. Aujourd'hui , l'interruption qui se produit
à l'égard du débiteur principal se produit également à
l'égard de la caution, en vertu de la règle. accessorium
sequitur vrincipale; et l'on ne peut objecter que la situation de la caution est aggravée, puisqu'elle s'est engagée à
payer toute la dette.
'
La réciproque est-elle vraie? L'interruption adressée à
la caution réagit-el!~ contre le débiteur principal ? Une
première opinion admet l'affirmative, en se basant sur les
considérations suivantes. Elle invoque par analogie ce qui
se passe entre les débi teurs solidaires. Elle ra même jusqu'à
soutenir que le droi t du créancier est un et iden tique
tant con tre la caution que contre l'obligé principal ; de
sorte que le créancier en usan t de son drnit contre la
cau tion en use nécessairement contre le débiteur (Troplong.
Vazeille, le Roux de Bretagne, Dalloz, Répert., Prescription ).
-
t45 -
L'on répond à cette première opinion qu'il n'y a pas
d'analogie possible entre la situation du débiteur et de la
caution et celle des débiteurs solidaires, leur mode d'engagement respectif en est la preuve la plus manifeste. En
second lieu. l'obligal10n de la caution et celle du débiteur
sont Join d'être identiques. Elles sont parfaitement distinctes, et l'une peu t très bien s'éteindre sans que l'aatre
cesse d'exister.
Un second système soulienl que l'interruplion adressée
à la caution n'empêche pas la prescription de courir au
profit Ju débiteur principal. Son premier avantage est de
s'en tenir exclusivement au :exle de l'article 22!10, qui ue
s'appliq ue qu'au cas où l'interpellation est faite au débiteur principal et non à la c:rntioo. L'article 2250 est une
excep tion à la règle générale, il ne faut donc pas l'étendre
d'un cas à un autre, puisqu'il n'y a pas les mêmes raisons.
En effet. cet article n'a été adopté, d'après l'exposé des
motifs (Fenet. t. ·t 15, p. 584), que par cette raison que
l'obligation de la caution étant l'accessoire de celle du débiteur, elle ùoi t durer aussi longtemps que celle-ci. raison
qui ne se rencontre pas dans notre hypothèse. Ajoutons,
en outre, que si le plus souvent la caution n'intervient
qu'en vertu d'un mandat du débiteur principal, il peut se
faire qu'elle intervienne à son insu, par exemple, à titre de
géran t d'affaires; dès lors, il est injuste de faire supporter
au débiteur les conséquences d'une geslion qu'il a ignorée (Marcadé, Aubry et Rau. Laurent).
Les deux systèmes que nous venons d'exposer. bien que
diamétralement opposés. puisque l'un admet que l'interruption adressée à la caulio11 réagit contre le débiteur et
�IMi -
que l'antre ne l'admeL pas, paraissent en pratique aboutir
au mème résultat. Avec le premier, la prescripti on étant
interrompue à l'encontre du débiteur 1 il doit naturellement payer ; avec le second. la prescripti on étant interrompue con tre la ca ution . c'est elle q01 paie. mais com me
ell e a un recours contre le débiteur , ce dernier n'aura pas
profité de la prescription poi ~ qo 'il doit rembourser à la
cau tion ce qu'elle a donné pom lui. Le résultat n'est-il
pas le mème dans les deux cas? C'est pourquoi !'on a
imaginé un t.roisième système (Duranton). d'après leq uel
l'interpellation adressée à la caution n'interrompt la prescription oi contre le débi teur principal,' ni même contre la
caution. El_le ne l'in terrompt pas contre le débitenr, puisqu'il n'a pas été interpellé; elle ne l'interrom pt pas contre
la caution puisqu'elle serait obligée de payer et de recou rir
con tre le débiteur, ce qui fera it perdre à ce dernier le
bénéfice de la prescription, chose qu i ne doi t pas être.
Ce système n'a cependant pas prévalu et c'est au second
que nous préférons nous rallier; la prescription est interrompue a l'égard de la caution par l'i nterpellation qui lui
e,:;t adressée. Elle doit donc payer s:rnf son recou rs contre
le débiteur. Nous objecte·t-on la similitude des résultats
qui se produisen t avec le premier el te seconJ systèmes?
Nous répondons que si en apparence la situation semble
la même, il peut arriver avec notre système que la libération 1lu débiteur produ ise aussi Jes conséquences importantes.
t • La caution pen t être insolrnblc; elle n'a pas de
recours à exercer contre le débiteur , pu isqu'elle n'a pas
payé. celui-ci est don c bien libt'•ré.
-
147 -
2° Les droits du créancier a l'encontre du débiteur
étant prescrits, ils ne pourror1t faire l'objet d'une subrogation an profit de la caution.
Mais ici se présente une objection sérieuse. Aux termes
de l'article 2057 la caution est déchargée quand la sob1·0gation aux droits privilèges et hypothèques du créancier
ne peut plus s'opérer par le fait de ce dernier en faveur
de la cantion. Or c'est ce qui arrivera da us notre hypothèse, la caution poursuivie r&pondra au créancier : je ne
vous dois rien. je suis complètement libéré. puisque par
votre fait, par votre négligence. vous avez rendu la subrogation impossible en laissant la prescription !l'accomplir
en faveu r du débiteur. Cette objection est fondée et ce
raisonnement devra être admis. quand le créancier aura
fait son interpellation peu de temps avant la fin du délai
de la prescriplion, de façon à ne pas laisser à la cau~io~
un temps suffisant pour poursuivre le débiteur; mais il
devra en être autrement quaud l'interpellation aura été
faite longtemps avant la fin du délai ; la caution sera alors
en faute , si elle ne poursuit pas le débiteur ; elle aura donc
à en supporter les conséquences, car c'est surtout ~ar son
fait et non par celui du créancier que la subrogation est
devenue impossible.
Remarquons à la fin de cette discussion que si. la caution reconnaît la dette après la prescription acqmse, cette
reconnaissance ne produit d'effet que contre elle, il s'agit
là plutôt de la naissance d'une doue nouvelle que de la
reconnaissance d'une ancienne o ~ligation .
· d'1quees
· par le Code , il faut en
A ces trois excepti0ns 10
.
.
ajouter
une quatrtème
que nous av oos déJ.à. rencontrée
�-
148 -
dans l'ancien ùroit. C'est celle qui résulte de la saisie
immobilière.
La saisie immobilière profile non seul ement au créancier saisissan~. mais aussi anx autres créanciers. Cette disposition qui existait déjà en droit romain est passéè sa11s
contestation dans l'ancien droit et de là dans la législation
moderne qui l'a même fortifiée en ex igeJn t certaines notifications (art. 692, Cod. pr. civ.). Le but de la sai~ie est
de placer l'immeuble so1;s la m:iin de la justice pour
servir de gage à tous les créanciers qui peuvent y avoir
des droits. Les fruits sont immobilisés à leor profit commun pour êt:'e distribués en même temps que le prix de
l'immeuble par ordre d'hypothèque. Bien qu'émanan t d'un
seul créancier, la saisie produit à l'égard de tous des effets
définitifs pouvant conùui re à la distribution du prix. Comment ne prod uirait-elle pas également h l'égard de tous
l'interruption, acte simplemen t conserva toire? Le doute
n't~st donc pas possible. La que. lion déli cate est de savoir
à quel moment la saisie deviont comm une?
Merlin sou tient que la saisie devient commune â. tous
les creanciers. à dater de la sommati on aux créanciers
inscrits, parce que jusque là le saisissan t peut très bien
se ùésister sans le concours <le. ses co-créanciers. Troplong
place aa contraire ce qu 'il :1ppelle v la coalition <les créanciers • au moment où après la rédaction ùu procès-verba l
(art. 67 5, Cod. pr .), la saisie est dénoncée au débiteur
en vertu de l'article 677 du mèrne Code. li invoque la
tradition a l'appui de sa théo1ie. et il repousse l'o pin ion
de Merlin parce que celle sommation n 'é ta o ~ adressée
qu'aux créanciers inscrits ne peut produire d'effet à l'egart.1
-
149 -
des créanciers non inscrits, ni les rendre parties à l'instance.
Quant à nous, la questiorr nous parait tranchée par
l'article 695 du Code de procédure civile. qui est ainsi
conçu : « Mention de la notification prescrite par les deux
a articles précédents sera faite dans les huit jours de la
<< date du dernier exploit de notification , en marge de la
c transcription de la saisie au bureau des hypothèques.
• Dn jour de cette men tion . la saisie ne pourra plus être
• rayée que du consentement des créanciers inscrits, ou
• en vertu de jugements rendus contre eux. • N'est-ce
pas indiquer d'une manière claire que ce n'est qu'à dater
de ce moment (mention en marge de la transcription) que
la saisie produit son effet interruptif à l'égard de tous les
créanciers, même à l'égard des créanciers à hypothèque
légale dispensée d'inscription.
Nous venons de voir que l'interruption de la prescription ne s'étend pas d'une personne a une autre.
règle
est la même pour les action!'. Ainsi dans le cas où un immeubl e hypothéqué à une dette n'est pas détenu par le
débitenr. le tiers détenteur peut très bien prescrire l'action hypothécaire , lors même que l'action personnelle
contre le débi teur ne peut être prescrite à raison d'une
interruption quelconque. A J'inverse, l'action hypothécaire
peut très bien être interrompu e sans que l'action perso11nelle le soit pour cela. Seulement il fau t remarquer que
si l'action personnelle est prescri te, le tiers dé lenteur
pourra \'invoquer. car. lorsqu'une créance n'existe plus,
il ne peu t y avoir de gage auaché à celte créance. Rappelons pour mém oire l'opi nion paradoxale de yazeille que
La
�-
150 -
nous avons déjâ. mentionnée et réfutée à propos de la solidarité. d'après laquelle l'action hypothécaire survivrait à
l'action personnelle dans le cas où un seul de plusieurs
héritiers posséderait tous les biens hypothéqués.
Quand l'immeuble hypothéqué est clans les mains du
débiteur, les actions personnelle et hypothécaire sont
réunies. et les actes qui ont trait à la conservation de
l'une empêchent la prescription de l'autre, car elles se
soutiennent. pour nous servir des expressions de Troplong,
• par un mutuel secours. • Mais quand le créancier ne
peut exercer les actions personnelle et hypothécair~ que
contre deux personnes diITérfln tes. il doit toujour:; avoir
soin de dénoncer au débiteur le:; poursuites qu'i l veut
intenter cootre le tiers détenteur.
L'action hypothécaire exercée rar le vendeur d'un immeuble con tre le sous-acquéreur soit en payement du prix,
soit en délaissement, est prescrite par la possession du
sous-acquéreur pendant dix ou vingt ans avec Juste titre
el bonne foi. L'exercice de cette action par le vendeur n'a
aucun effet interruptif de prescription sur l'action en résolution de la vente à défaut de payement du prix . (Paris, 25
janvier 185 1). Ces deux actions sont dilTérentes dans leurs
buts et dans leurs causes, les deux intérêts son t distincts
et soumis a une prescription distincte. Mais il n'en serait
plus de même si les deux actions étaien t dirigées non plus
contre le ti ers détenteur mais con tre l'acquéreur direct.
L'action en résolution serait conser\'ée par l'exercice de
l'action hypothécaire. En effet Je droit de résol ution est
inhérent à la vente. tant que l'obligation de payer le prix
n'est pas prescrite; or ici elle ne l'est pas, puisqn e la pour-
-
151 -
suite hypothécaire a interrompu la prescription. il demeurP. donc sain et entier, comme conséquence forcée du
contrat.
L'action ex testamento et l'action donnée par la loi sur
la succession ab intestat ayant un objet diITérent , n'ont
aucun efTet l'une sur l'autre. La première pourra donc
être interrompue sans que l'autre Je soit, et réciproquement (Nîmes, 6 mars 1852). Ce principe n'est cependant
pas absolu , et il y a des cas où la poursuite faite en qualité
d'hérilier ab int~stat arrête la prescription de l'action
testamen taire. Snpposons qu'une personne instituée légatajre par un testament attaque ce testament comme nul,
et réclame la succession en qualité d'héritier ab intestat.
Le défendeur qui soutien t la validité du testament, reconnait par là même les obli gations qui en dérivent. Il ne peut
pas. s'il triomphe, invoquer, soit contre le légataire, soit
contre tout autre intéressé, la prescription de ces obligations quelle qu'ait été la durée du procès (Troplong). Hors
ce cas, où. il résulte de la position des parties une reconnaissance interruptirn, la poursuite dirigée en qualité
d'héritier ab intestat n'aura pas d'e!Iet sur l'action C'J,; testamen to. Ainsi la personne qui, trente ans après avoir
réclamé sa part comme héritier légitime1 voudrait se prévaloir de la découverte d'un testament en sa faveur pour
réclamer un legs, se verràit opposer a,·ec succès la prescripti on de l'action testamentaire.
.
On a prP.lendu quelquefois que notre règle ne doit pas
s'appliquer quand les deux actions sont incompatibles:
mais i1 n'en est rien. car elles peuvent touj ours être
exercées ensemble par fi n sub iùiaire. Ainsi l'action eu
�-
t5 2 -
réduction d'une libéralité faite par testament court contre
l'héritier à réserve. même pendant qu'il exerce contre le
testament l'action en nullité pour faux ou pour vices de
formes . (Troplong, contra Vazeille).
Il faut décider également que les poursui tes au possessoire n'interrompent pas la prescription de l'action pétitoire.
L'interruption a-t-elle lieu d'une quantité à une autre?
Evidemment non . Ainsi un créancier qui a deux créances
de cent. contre no même débiteur, en réclame une sans
rien préciser, il n'interrompt pas la prescription de l'autre.
11 en serait autrement si le créancier réclamait en tennes
généraux tout ce qui lni est dû. ou Lien encore s'il réclamait une portion de dette, comme fraction d'une dette
plus considérable.
L'interruption a lieu au contraire du tout à la partie
qui lui est connexe. Ainsi la demande dn capital interrompt également la prescription des intérêts produ its par
ce capital pendant les cinq dernières ann ées.
SECTION JJf
-
155 -
départ à une prescription nouvelle. Mais est-ce à dire que
cette prescription nouvelle s'accomplira par Je même laps
de temps que !,'ancienne? La question ne se présente évidemment pas, quand l'interruption est venue arrêter une
prescription trentenaire , car cette prescription étant la plus
longue, la nouvelle prescription ue pourra dépasser ce
terme. La question se pose au con·traire quand la prescription interrompue est une prescription dont le délai est
inférieur à trente ans.
Pour arriver à. une solution exacte, il faut distinguer
s'il s'agit d'une interruption naturelle ou d'une interrnption
civile.
Pour l'interruption naturelle, la prescription ne peut
recommencer tant que le nouveau possesseur n'a pas
perdu la possession ; mai3 une fois qu'il l'a perdue et que
l'ancien possesseur la recouvre, une nouvelle prescription
recommence ayant la même durée que la précédente
(Cassation , 2 avril 1845).
Pour l'interruption civile, on ne peul dire a priol'i quels
sont les eiTet.s de celle interruption, il faut considérer
séparément les divers actes qui la produisent, car tous ne
produisent pas les mêmes effets.
EFFETS DE L'!:x.rERRUPTIO""
SUR LE TEJ\IPS REQUIS
n
POUR PRESCRIRE
,
.
Ces effets se produisent dans le passé el dans J'a\'enir.
~ans ~e passé, l'interruption elîace complètemeot le temps
ecoule, aussi ne peut-on plus le compter désormais, c'est
là un principe absolu ; clans l'avenir, car~ partir du mnment où elle est produite, l'interruption sert de point de
§ 1. Demancle en Justice. -
Quand c'est une demande
en justice qui interrompt la prescription, celle-ci n~ peul
recommencer tan t que dure l'instance, l'inst:mce durât·
elle plus de lrenle ans (Cassation, 6 décembre f 852).
La raison e11 est que les di\'el's actes de la procédure,
quoique n'étrn t pas des demandes propl'ement dites , se
lient si intimement i1 la demande qu'on peu l les considérer
�-
1M -
comme des réitérations de cette demande. dont l'effet se
trouve aiosi renouvelé. Celle règle reçoit cependant exception au cas prévu par l'article 187 du Code de commerce.
Cet article, en effet, permet à la prescription de recommencer à courir à partir du dernier acte de poursuite,
quand même l'instance n'aurait pas élf\ déclarée périmée et
devrait être considérée comme subsistante. Cel.le exception
trouve sa justification dans l'intérêt qui s'attache à la
sécurité des transactions commerciales. (Cassation, 24
décembre f 860). L'instance nons offre ce caractère particulier qu'elle peut tomber en péremption par défaut
d'actes de procédure. Si la péremption est demandée, l'interruption est non avenue (art. 2247), el la prescription
primitive n'a pas cessé de courir. Mais si elle n'est pas
demandée, faut-il décider que l'instance se perpétuera à
l'infini? Evidemment non. Le droit commun reprend son
empire, et l'action judiciaire se prescrira par trente ans.
(Cassation. 12 mai 1829 . - Le Roux de Bretagne,
Laurent).
Nous avons vu que l'assignation devant un juge incompétent interrompt la prescription ; mais à pal'lir de quel
moment recommencera-t-ellc à courir! Ce sera du jour où
le jugement d'incompétence an ra été rendu ; il n'est pas
nécessaire qu'il ait été signifié. (Cassation, 24. août 1860).
Qu'arrivera-t-il dans le cas où l'auteur de l'interruption
reste inactif, après le jugement d'incompétence ? ~farcadé
pense que le défendeur peut après trois ::ins le citer devant
le tribunal incompétent, pour faire déclarer l'ajournement
périmé el se prévaloir, l'interruption étant dès lors effacée,
de l'ancienne prescription . Cette opinion ne nous parait pas
-
155 -
très juridique. Car: le tribunal. mal à propos saisi, est
complètement dessaisi une fois le jugement d'incompétence
rendu . Il ne peut dès lors apprécier l'effet d'un des ar,tes
d'une procédure qui n'existe plus. Comme il n'y a plus
d'instance, la citation doit être dès lors traitée comme un
acte extrajudiciaire, non soumis à la péremption et conserver son efîet interruptif pendant trente ans (Doran ton ,
Le Roux de Bretagne).
Quand la demande rP.gulièrement introduite s~ termine
par un jugement qui l'accuaille favorablement, la prescription de l'action judicati ne s'accomplit que par trente
ans, quoique la condamnation ait été prononcée en vertu
d'une créance soumise à une prescription de plus courte
durée. Cette substitution d'une prescription à. une autre
s'explique par la novation particulière qui résulte du contrat judiciaire.
§ Il . Comma11Clement. - Quand la prescriptiùn est interrompue par un commandement. cet acte elîace le temps
antérieur, ce n'est pas douteux ; mais quel elîet a-t-il sur
le temps postérieur ? La prescription qui recommence au
moment même où l'acte a été fait. sera-t-elle nécessairement trentenaire, alors que la prescription interrompue
était d'une durée moindre?
Bien que le contrai re ait été soutenu par Duranton . et
jugé par la Cour de Toulouse (20 mars l 8~ 5), no~s
pensons que la nouvelle prescription aura la rneme du ree
que l'ancienne, car il nous paraît difficile rl'admet~re qu ~
le commandement ait plus d'olTet que la convention qui
�-
t56 -
fixe la naturn de l'action et que la loi qui en règle la durée
(Troplong. Le Roux de Bretagne , Marcadé) .
Troplong rait cependant une exception pour la prescription qui oxige la bonne foi. Ici Je commandement fai sant
connaître au possesseur les titres qui condamnent sa possession , le constitue en élat de mauvaise foi ; la prescription nouvelle doit être trentenaire.
§Ill. . Saisie. - A la différence du commandement , la
saisie est uoe procédure qui se continue jusqu'à la distribution des deniers aux créanciers. Il en résulte que l'interruption durera aussi longtemps que la procédurb ellemême.
§ IV. Reconnaissance . - La reconnaissance a-t-elle en-
•'
..
core aujourd'hui le ponvoir de transformer en prescription
trentenaire la prescription primitive d'une durée plus
courte? L'affirmative est certaine s'il s'agit d'une reco 11 naissance expresse, faite par un acte spécial et constituant
un titre nouveau (art. 189 , Cod. comm. ). Si au contraire
il n'y a qu'uue reconnaissance tacite ou indirecte, il n'y
a p~s novation. Une telle reconnaissance vaut interrupti on,
mais ue peut pas substituer une prescription à nne autre;
une pareille substitution ne peut résulter que d'une novation soit dans le titre, soit dans la qualité de la créance.
Comment une reconnaissance tacite pourrait·elle chan11er
I~ droit du créancier et la position du débiteur, ne co~s
t1t~e-t-elle pas un e continuation pure et simple de cc qui
existe. C'est l'opinion de la doctrine (Troplong). La jurisd t dé c1·de· par deux arrêts qu'une
rnrudence· a cepen an
-
157 -
reconnaissance tacite pouvait substituer une prescription
trentenaire à une prescription plus courte. Le premier
arrêt (Nancy, 16 mars 1854) . admet qne le débiteur
qui se laisse saisir et ne s'oppose point à ce que ie créancier se paye sur la chose saisie, d'une partie des intérêts.
fait une reconnaissance qui rend les intérêts encore dus,
prescript ibles par trente ans. Le second arrêt porte que
la déclaration d'effets de commerce faite par le souscripteur dans un inventaire. constitue une reconnais:.auce
capable de donner naissance à la prescription trentenaire.
(Paris, 12 février f 855). Nous n'hésitons pas à repousser
cette tbèorie. car il n'y a pas fa un acte ex près, un titre
nouveau rendant le premier inutil e, mai5 plutôt une
simple déclaration.
La reconnaissance de la dette relative à des fermages
échus. contenue dans une déclaration affirmative. soumet
ces fermages à la prescription trentenaire (P:iris, 10 juillet
18 52) . C'est là. une rec0nnaissance expresse, entrainant
novation; si au lieu de fermages échus il s'agissait de fermages à échoir, ils resteraient soumis à la prescription de
cinq ans. alors même que le débiteur, par une reconnaissance spéciale, aurait promis ùe les payer régulièrement,
par la raison qu e. ne pouvant renoncer à une prescription
non acquise, il ne peut changer le d~lai de cette prescription
(Paris, 17 décembre 1 8&. ~J) .
Un au tre efTet de la reconnaissance que nous devons
mentionner en terminant, c'est qu'elle peut empêcher la
prescription nouvelle soi t temporairement. soit pour toujours. Supposons que le débiteur donne un gage à son
crëanciC'r, il reconuaîl par fa sa dette. la prescription est
�-
t:S S
~
interrompue, recommence·t-elle à courir immédialement
après! Non, car le gage forme en quelque sorte une
reconnaissance continue, et lant que le créancier en est
nanti, la prescription ne peut recommencer à courir
(Laurent).
Plaçons-nous maintenant en matière de prescription
acquisitive. Un possesseur en train de prescrire la propriété d'une chose, reconnait la détenir à titre de fermier,
sa possession étant désormais précaire, sa reconnaissance
aura rendu de sa part toute prescription impossible.
-
1?)9 -
Suspension
Nous avons vu en étudiant l'ancien droit les longues et
innombrables controverses qu'avait soulevées cette question
de la suspension de la prescription . Le Code civil voulant
y mettre un terme a énuméré limitativement dans les
articles 2251 à 21 :S9 les divers cas de suspension. La
preuve en est dans l'article 22!'> 1 qui pose le principe
dominant en cette matière. Cet article est ainsi conçu :
• La prescription court contre toutes personnes à moins
• qu'elles ne soient dan s quelque exception établie par la
• loi . » Ce sont ces exceptions indiquées par le Code que
nous allons parcourir successivement, tout en adoptant les
mêmes divisions que pour l'ancien droit.
SECTION 1
CAUSES DE
SusPES 10x
FosDÉE
suR
LA
QUAJJTÉ
PEHSOXNELLE DU PROPRIÉTAIRE ou CRÉAXClER
Les personnes qui rentrent dans cette première section
sont les mineurs et iiilerdils (art. 221S2), et les femmes
mariées (art. 225!5-22!)8).
~
l". Mineurs et foterdits. - Lors de la rédaction
de l'article 2252 , on discul.a beaucoup pour savoir si l'on
suspendrait ou non la prescription en faveur des mineurs?
�-
160 -
Le Tribunal de cassalion était d'avis de les soumcltre au
droit commun. li n'y avait pas, d'après lui, de raisons
suffisantes pour faire passer \'intérêt privé avant l'intérêt
général. d'autant plus que le mineur avait déjà un représentan t, capable de veiller à. la bonne gestion de son
patrimoine, dans lrl personne de son tuteur. Cette théorie
n'a pas été admise. et avec raison, par le législateur , car
le plus souvent le mineur n'aurait eu ~onlre son tuteur
qu'un recours illusoire , et il serait par conséquent resté
sans défense . .Aussi fut-il décidé que la prr,scription serait
suspendue en faveur du mineur et de l'interdit (art.
2252) .
'
.
Cet article ne faisant pas de distinction, il faut l'appliquer indifiéremment au mineur en tutelle et au mineur
émancipé. Mais faut-il l'étendre aux prodigues, aux personnes pourvues d'un conseil judiciaire, à celles qui, sans
être interdites, sont placées dans une mai$On d'aliénés.
conformément à la loi de 1858 ? Evid emment non, car
les exceptions sont de droit étroit. (Angers, 6 février
1847 . -Cassation. 6juin 1860 ; 51décembre 1866).
Bien que l'avis du tribunal de Cassation n'ait pas été
admis par Je législateur , comme nous l'avons vu plus
haut , il a laissé cependant sa trace dans le Code civil, et
r,'est certainement sous l'empire de son influence qu'ont
été édictés les articles 2278, 16 65, 1 676. Le premier de
·~es articles porte que les courtes prescriptions courent
contre les mineurs et les interdits sauf Jeurs recours contre Jeurs tuteurs; l'article 1665 fait courir contre eux le
délai de réméré, l'article 1676 l'action rescisoire fondée
sur la vilité <lu prix de vente d'un immeuble.
-
161 -
Dans ces <lilTérentes hypothèses la discussion n'est pas
possible, car il existe un tex te formel ; mais le doute est
permis et l'hésitation possible, quand on se trouve en face
de certaines prescriptions, au sujet desquelles le législateur n'a pas tranché d'une façon explicite la question de
la suspension. Nous voulons parler des prescriptions établies par les articles 1504 et 475.
Examinons d'abord la question en ce qui conceme l'artide t 504? Quelques auteurs (Toullier, Duran ton) , soutiennent que l'article 1504 contient un délai préfixe. invariable, amenant toujours par son échéance l'extinction de
l'action en rescision ou en résolution, en d'autres termes
ils admellent que ce délai court sans distinction aucune
contre toute personne, capable ou incapable. Voici les
arguments sur lesq uels ils appuient leur doctrine.
L'article ·l 504 suspend bien la prescription de l'action
en nullité ou en résolution jusqu'au jour de la majorité ou
de la mainlevée de l'interdiction. mais ce n'est qu'autant
qu'il s'agit d'actes passés par les mineurs ou les interdits
eux-mêmes; par a contrario, il en est autrement pour
ceux que les mineurs ou interdits n:ont pas. faits euxmême, mais qui ont été faits par des personnes mineuçes
ou interdites auxquelles ils ont succéd é. Ces actes ne rentrent pas dans les termes de l'article i 504. celui-ci ne
peut donc être invoqué.
Les mêmes auteurs repoussent la tradition contraire
admise dans le droit romain el dans l'ancien droit, parce
que d'après eux l'article 462 « dans le cas où la succession
répudiée au nom du mineur n'aurait pas été acceptée par
un autre, elle pourra être reprise soit par le tuteur. auto-
�-
..
162 -
risé à cet effet par nne nou\'elle délibération du conseil de
famill e. soit par le min eur rlevenu majeur . mais clans
l'état où elle se trouvera lors de la reprise et sans pouvoir
attaquer les ventes et autres actes qui :rnraient été légalement faits durant la racance, • prouve clairemen t qu e
les mineurs ne peuvent plus de nos jours se faire restituer.
Ils ajoutent que les artdes 16G5 et 1676 viennent
confirmer leur opinion, pui sqn'ils décident à propo:; de
courtes prescriptions. qu'elles courent contre les mineurs
et les interdits: ils en c1.mcluent par a fortiori qu'i l doit
en être de même des delais de l'article 1304., que leur
durée rend moins dangereuse. Leur oùjeclc-l-on que
celle durée même est une preuve qu 'il s'agit d'une longue
prescription régie par l'article 2252 , ils répo ndent qn e
la placr, de l'article 1304. en dehors du ti tre xx, titre
contenant la théorie généra le de la prescription, détruit
celle objection. puisque d'après l'an icle 2264 les règles
de la prescri ption ou d'autres oLjels que ceux mentionnés
dans le présen t titre. son t ex pliq uées dans les li tres qu i
le1:r sont propres.
Ce système. quelque spécieux. qD'il parnisse au prem ier
abord , ne saurait nous convaincre. En effet la règle
établie par l'article 2252 est une règle générale. devant
s'appliquer à toutes les parties du Code. L'article 226/i.
n'y fait pas obstacle, il di t seulemen t qu e dan s le cas où
celle règle générale se trouve en présence d'un texte
précis, la con tred isan t formellement, c'es t ce dernier qu i
doit l'emporter, mais il ne dit pas, comme on veut le ln i
faire dire, fjll e le~ tex les erars dans le f:ndP et relatif~ il
-
165 -
la prescription doivent se suffire à. eux-mêmes. indépen damment des principes généraux qui dominent toute
cette matière. Aussi croyons-nous entrer dans resprit du
législateur, en étendant à l'espèce prévue par l'article 1304,
le bénéfice de la suspensiou. Vainement nous oppose-t-on
la rédaction, la lellre. de l'article 150 1.. car cet article
n'avait pas à parler de suspension . puisque la prescription
dont il s'occupe n'a pas en1;ore co mmencé, et qu'il en
fixe seulement le poin t de départ. D'ailleurs si celte objection était fon dèe, ou serait conduit à cette conclusion
tout au moins singulière, que le législateur n'a pas voulu
protéger la minorité et l'interdiction en elles-mêmes et
d'une façon générale. mais qu'il a simpl ement eu l'intention
de protéger les mineurs el les interdi ts dans telle ou telle
circonstance parti culière; or une pareille conclusion nous
semb!e difficile il admettre. Resle l'argument tiré des articles l 665 et 'I 67 6. Ici la réponse es t facile. Ces articles
disent précisémen t ce que l'article 1304 ne dit pas, c'està-dire que la prescription ne doit pas être snspendue,
aussi ne faut-il pas le lui faire dire malgré lui . C'est donc
en vain que l'on a essayé de tran former la prescription de
l'article 130/i. en un ùélai préfixe. in variable ; tout démontre au contraire que c'est une prescription de longne
durée , soumise aux mêmes conditious que les prescriptions
de ùix , vingt et trente ans, et suspendue comme elles
pon r cause de mi oori Lé et d'in terd1ction. Ce caractère déjà
admis par le droit romain \ni a tonjours été reconnu par
l'ancien droit, et \'article li.82 qu'on nous oppose n'est pas
assez oxplicite pour en conclure que le législatenr ai l
voulu inn over snr cc point. Ajoutons enfin que notre opi·
�-
1G4-
nion. aujourd'hui clomi oan le clans la doC'lrine (~larcadé .
Aubry et Rau,Colmel de Sa nlerre. Le Ronx de Bretagne,
Laurent) , a élé consacr.;e par la jnrigprudence dans .de
nombreux arrèls. ( Pau. l 1 décembre ·1835. - Nîmes,
20 juin 1859 . Cassation, 8 novembre ·1845. Agen, fO janvier 185 1).
La mème difficulté se pose pour l'arti cle !1-7 5, qui son.
met à la prescription de dix ans l'aclion du mineur conlre
son tutenr, pour les faits de la tnlell e. nous adoptons la
mème solution, c'est-à-dire que nous admettons également
la suspension pendant la mi norité et l'interdiction .
On dit quelquefois que le mineur relève Io majeu1·,
c'est-à-di re que la suspension qni a li eu en fa reur du
mineur profile aussi à sou copropriétaire ou à so n cocréancier
majeur. Cette règle ne doit pas être en tendu e d'une fa çon
trop générale, elle doit être restrein te dans do justes limites. Ainsi, pour les ~hoses indi visibles, ell e s'y applique
sans restriclions. Le droit étant indi visible. et par suile
non suscepLible de s'éteind re par parties, il en résulte que
toutes les fois qu'i l est conscn é, il l'est nl'cessairement
pour le tont. Cette solution es t formell ement i ndi~uée dans
les articles 709 et 710 dü Code civil. li n'en est pl us de
mème qnand il s'agit de cho~es simplement indivises. La
suspension ne découlant plus de la natu re mème de la
chose. mais n'étant plus admise qu'à raison de l'état per·
sonne! du mineur. le co propriétaire majeur ne peut ir1voque1· cette exception tonte personnelle.
'
..
, Ces ~ri ncipes établis, nous nons tro uvons en présence
dune d1f0cullé so ule1·ée par la combinaison des ar ticles
1 1o e,t ss :>
~ r
· portP. commr nous 1'enons de le
• ,e prem1el'
-
16 0 -
voir , que, dans les choses indi\'isibles, le mineur relève le
majeur. le seco nd proclame l'elîet déclarati f du partage.
c'esl·à-dire que chaque cohél'ilier est censé avoir succédé
seu'i et immédiatement aux objets qui lui sont échus, et
n'a\'OÎI' jamais eu la propriété des autres elTets. Cet ar·
licle 7 10 est-il , oui ou non, une dérogation à l'article 885?
Voici l'hypothèse: un majeur et un mineur acquièrent
par succession entre autres choses un droit indivisible,
une servitude par exemple. ils en sont copropriétaires . Le
partage a lieu, le droit indivisible tombe dans le lot du
majeur , celui-ci veut exercer son droit. il se voit opposer
l'extinction de la servitude en vertu de l'article 883. penl·
il soutenir qu e la prescription a été suspendue en sa fa\'eur
pendant l'indi vision, en vertu de l'arti cle 710 ?
La Cour rie cassation, par Jeux arrêts(~ décembre t s1.,5
el 29 août 1853) , l'a décid é négativement , en se fondant
su;· les corn:id érations suivantes :
La fiction de l'article 885 est générale ; le majeur est,
par l'effet du partage. censé avoir succédé seul à tous les
biens comp ris dans son lot : le mineur n'y a jamais eu
aucun droil : il résulte de fa que le cohéritier majeur possède le bien à lui échu en p:irtage . comme s'il l'arai t reçu
directement an momen t même de l'ouverture de la succes·
sion , sans qu'il y ait eu de propriété commune. et. d'autre
pal'l, que le privilège de la minorité n'a pu suspendre le
cours cie la prescripli•)ll il l'encontre d'un droit auquel le
mi neur est censé avoir llluj ours ètô étranger.
En outre, les articles 7 10 el 883 prévoient deux hypo ·
1hè~cs disliucte. : le premi er riso uno copropriété défini·
�-
166 -
tive et permanente; le second une indi\·ision passagère et
transitoire, ils ont ùooc chacun leur sphère d'application
particulière.
Celle opinion n'est pas partagée par la doctrine, qui
admet, à juste titre. que l'article 710 contient une véritable dérogation à l'article 883.
Cet article 7i0 est. en errer, on ne peut plus formel,
il déclare que si, parmi les copropriétaires, il se trouve un
mineur , il conservera le droit des au tres. Arec la théorie
de la Cour de cassation, le mineur n'a rien conservé du
tou t dans l'espèce que nons avons pré\'lle, et l'article est
inutile.
La distinction que l'on rnut faire entre la copl'oprié té définitive el la copropriété passagère n'exi ste pas dans le
texte qui parle de copropriétaires en termes généraux.
L'effet de l'article 885 n'est pas 5i absolu qu'on mu t
bien le dire, et. la fiction du pal'Lage déclaratif ne fait pas
disparaîlre complètement la possession commu ne qui a eu
lieu pendant l'indi vision. La gara ntie (art. 884) et Je privilège (art, 2105), qui résultent du partage, en sont la
preuve évidente. Notre concl usion rsl donc que le majeur
peut, après le partage , malgré l'article 883 , opposer Je
bénéfice de la suspension dont il a joui pendant l'indivision, en vertu de l'article 710 (.-\ubry et Bau . Demolombe).
Nous venons d'étudier l'extension du priYilège de la
minorité au majeur en mali ère dïmlivisibilité. En est-il de
même en mati ère de solidarité? D'é minents auteurs sont
de cet avis.
Tant que la créance, d1se11L-i ls, subsiste comme créance
-
167 -
soli daire dans les rapports de l'un des créanciers avec le
Jébiteur, elle subsiste nécessairement comme créance solidaire dans les rapports des créanciers entre eux. Or, le
créancier. en faveur duquel la prescription a été suspendue , est resté créancier solidaire, il ùoil donc pouvoir
demander au débiteur le paiement de tou te la créance;
mais s'il en est ainsi, il doit en même temps reconnaitre
la solidarité en fayeur de ses cocréanciers el les faire participer au paiement qu'il a reçu.
Ilien est ainsi , du reste, en matière d'interruption; pourquoi n'en serait-il pas de même qu:rn<l il s'agit de la suspension ?
La doctrine con traire. ajoutent ces mêmes auteurs, en
arrive à celle conséquence bizarre que la créance solirlaire n'est conservée que pour la part du créancier mineur,
tand is qu'elle est éteinte pour la part des autres créanciers; ces derniers son t censés avoir fait remise de Jeurs
droits en les laissant prescrire. C'est fa une atLeinle portée
aux droits dt1 créancier mineur et des autres créanciers :
dn créaucier mineur, car il peut a\'Oir in térêt a recernir la
totalité de la créance: des autres créanciers. car ils se
voient opposer une remise qu'ils n'on t nullement consentie.
La créance solidaire doit donc être consen·ée pour le tout
par le privilège de la minorité (Ouraoton, Demolombe).
Cette extension a la soliùar1tè d'un e!Tet de l'indivisihilité rù cependant pas prevalu dans la doctrine, et l'on
soutient généralement avec raison qu'au cas de solidarité
le mineu r ne relève pa-s le majeur.
L'opinion qnu nous repoussons ne con rond pas ùe prime
abord la solidaritt>. a\'Cl' l ï11divisi bilit~ ; mai:> le résulla
�-
f68 -
auquel elle aboutit est identique. D'après elle, en effet,
dans l'indivisibilité, c'est la nature de la chose qui produit
la suspension au profil du créancier capable ; dans la solidarité, c'est la nature dn lien qui unit chaque créancier
au débiteur . Cette donnée pourrait être exacte, tant que
la créance subsiste comme créance solidaire; mais c'est là
justement la question de savoir si celle créan ce continue à
subsister comme créance solidaire. quand la prescription
suspendue en faveur d'un des créanciers est accomplie
contre les autres. Or, c'est ce que nous n'admettons pas, car
comment une créance qui n'existe plus comme simple
créance, pourrait-elle exister comme créance solidaire?
Cette opinion se défend encore de confondre l'interruption et la suspension , mais c'est là encorn u11 point
auquel elle arrive nécessairement, puisqu'elle considère la
suspension comme une interru ption que la loi fait elle- ·
même de plein droit et à tout momen t en faveur de celui
des créanciers qu'ell e veut protéger. Ce qui n'est pas, car
si l'interruption., formée par l'nn des créanciers solidaires
profüe aux autres , c'est qu'en la formant, il agit comm~
leur mandataire, et que les actes du mandataire, même
mineur, doivent profiler au mandant; mais il est impossible de soutenir, comme le remarquent très justemen t
Aubry et Rau , que la minorit é du mandataire doive profit er au mandant.
Enfin , cette opinion, pour ne pas diminuer les avantages attachés à la créance de l'incapable, en vi ent a
créer une exception que rien ne justifie.
Nous concluons donc que la suspension accordée à l'un
Jes créanciers solidaires ne j)l'Ofite pas aux autres, et qu'en
-
169 -
cas de solidarité passive, la suspension qui se produit
contre l'un des débiteurs solidaires ne nuit pas aux autres
(Troplong, Marcadé, Le Roux de Bretagne).
li faut eacore décider que la suspension, qui aurait lieu
contre le débiteur principal. ne nuirait pas à la caolioo
(Cassation , 25 février 1852 , Aubry et Rau).
§ 11. Femme inari~e. - A la différence de l'article 2252, qui pose en principe que la prescription ne
court pas contre les mineurs, l'article 2254 décide qu'elle
court à l'encontre de la femme mariée, encore qu'elle nesoil
point séparée par contrat de mariage ou en justice, à l'égard
des biens dont le mari a l'ad ministration, sauf son recours
contre lui . Est-ce à dire par a conl1'fu-io que la prescl'ipLion
est suspendue à l'égard des biens dont il n'a pas l'administration? Evidemmen t non. Le législateur a eu pour but
de préveni r toutes les difficultés , car on aurait pu croire
quep•)Ut' les biens dont l'administration est confiée au mari ,
la femme devait être assimilée au mineur qui a ses biens
également gérés par autrui. Il a voulu. au contraire, soumettre à la prescription même les biens dont le mari a
J'aclministration ; seulement, pour ne pas laisser la femme
sans défenses, il lui a donné. en cas de mauvaise gestion
de la part du mari , un recours contre loi el le droit de
demander la séparation. Au sujet de ce recours. il fau t
remarquer que la forume ne peut l'exercer qu'autant que
le mari est en faute. et qne la prescription lui est impula\.Jl e. C'est là un e ~uesti o n de fait laissée à la libre appréciation dn j nge.
En thèse générale, la femme est donc comme loule
�-
lïO -
autre personne as~ujeltie à la prcscritJlion ; celle rè"'le
"
subit cependant quatre exceptions que nous allons étudier
successivement (art. 2255, 2256, 1504).
1
1
Première exception (art. 2:255). - La prescription
ne c0ort point. pendant le mariage, à l'égard de l'aliénation d'un fonds constitué sous le régime dolai, conformément à l'article 1561 au Litre Ju contrat Je mariage et
des droits respe~tifs des époux ; à peine est-il besoin d'indiquer que l'article 2255 ne s'applique qu'au fonds dolai
stipulé inaliénable. Si Jonc le fond s dotal avait été déclaré
aliénable, ou estimé avec déclaratiou expresse que l'eslimatio11 valait vente , le droit commun reprendrait son empire. 11 en serait Je même si la pres.: : ription avait com·
meucé avant le mariage (art. 1%1).
Ce point établi, il résulte des articles 1560 el 2255 qne
la prescription ne court pas contre la femme pendant le
mariage à l'égard des immeubles dotaux ina liénables. Que
signifie donc l'article 15G 1 auquel renvoie l'article 2255,
quand il dit, dans son second paragraphe, que les immeubles dotaux. sont prescriptible- après la séparation de
biens, quelleque soitl'érwq ueoù la possession ait commencé .
Réelle ou apparente, il y a fa une antinomie qui a donnJ
naissance à deux systèmes différents.
Le premier système admet qne l'a rticle 1560 a été modifié par l'article 1 ~ 1}1 , e l qu'il fa:Jl s'en Lenir au tex.le
même du Code, l'article 'i255 renvoi e à l'&rlicle 156 1.
C'esl cel. article qui doit êtrn appliqué a Il lellre, peu im, porte qu'il s'agisse de l'action en révocaLio11 contre un tiers
.
1· ·
acc[néreu r • ou de l'act'o
1 n en rcve11c 1ca l1on contre un tiers
-
171 -
détenteur . Le motif de la suspension n'existe plus , au dire
des partisans rle ce système, quand la femme a obtenu la
séparation de biens. puisqu'elle a recouvré la liberté d'intenter ses actions (Vazeille. Troplong. Valette).
Le second système , i:elui qui nous paraîl préférable.
soutient que l'article i 5G5 n'a nullement modifié l'article 1560 , mais que ces deux articles visent deux. hypothèses distinctes, La dilîérence de rédaction en est une
preuve des plus manifestes. Eu effet , l'article 1560
s'occupe du tiers acquéreur du fonds dotal et décide que
l'action en révocation est suspendue pendant toute la
durée du mariage. L'article i 56 1, au contraire. s'occupe
du tiers détenteur et lui permet de prescrire à partir de
la séparation de biens. Quant 1u renvoi à l'article 1 561 ,
c'est le résultat d'une erreur matérielle. parfaitement établie par les travaux préparatoires du Code, et dont on ne
peut tirer aucune conséquence. Au reste, les contradictions
mêmes auxquelles on aboutiL. si l'on veut appliquer le texte
à la. leltre , suffisent pour démontrer l'erreur . L'article 2255 ne fait pas courir la prescription pendant le
mariage . et il serait conforme à l'article 156 1 qui la fait
courir pendant cette époque, après la séparation de biens.
L'arti cle 2255 parle de l'aliénation d'un fonds , et il serait
~onforme a l'article 1561 qui suppose précisément \'absence d'aliénation . C'e, t donc i1 l'article 1560 et non à
l'article 156 1 que le législateur a entendu renvoyer dans
l'article 22 trn. (Le Roux lùe Bretagne, Duran lon. Dalloz,
R.rµert., Contrat de 1111triage ; Marcad6).
�-
172 -
Deuxùimc exceptio1i (art. 2~.)6 § 1). - La suspension
est pareillement suspendue pendant le mariage, dans le
cas où l'action de la femme ne peut s'exercer qu'après une
option à faire sur l'acceptation ou la renonciation de la
communauté. Un exemple est néeess:iire pour bien comprendre cette exception. Une femme a, par son contrat de
mariage, ameubli un immeuble. sous la condition que cet
ameublissement sera non avenu. si elle renonce à la communauté; elle a donc sur cet immeuble un droit de propriété subordonné à l'option qu'ell e fera lors de la clissolution de la communauté ; si, pendant la communauté. un
tiers se met en possession de cet immeuble. il ne
pourra'. aux termes ùe l'article 22:56, en prescrire la
propriété qu'à la disso lution . parce qu e jusqu'à celle
époque la femme ne peul renoncer à la communauté, ni
par conséquent intenter son action en revendication.
Quelques auteurs ont. voulu voir dans l'article 2256
paragraphe t , une application de la règle générale contenue dans l'article 2257 : cette règle. comme nous le
Yerrons plus tard , vise les créances conditionnelles et en
suspend la prescription jm:qn'à l'arrivée de la con dition.
Si celle donnée était exacte. il fau<lraiL en conclure avec
Troplong que l'article 2256. paragraphe ·t , n'est nullement limitatif. el qu'il cloit être étendu u à tous les cas où
le droit de la femme est suspendu par une conditi on ou
par l'attente forcée d'un évènement. •
Cependant. l'on décide ordinairement que l'article 225 6,
paragraphe 1, a un motif particuli er el une portée spéciale, différents de ceux de l'article 2257. Un motif particulier , qui repose sur la considération moral e suivante :
-
175 -
si la femme pouvait elercer durant la commu nauté les
actions dont l'exercice ultérieur dépend de son option
après la dissolution, elle serait amenée forcément à s'immiscer dans l'administration du mari et à se substituer à
lni , quand elle le trouverait négligent. Or, il est facile de
comprendre que cette surveillance de la femme sur les
hiens communs s'accorderait mal avec les pouvoirs que la
loi accorde au mari. en tant que chef de la communaolë.
C'est donc un conOit qu'a voulu éviter le législateur en
édictant la disposition de l'article 22:S6. paragraphe 1. Ce
motif est d'autant plus vraisemblable, que c'est une considération morale du mème genre qui a inspiré la rédaction
du paragraphe 2 du même article 22 5G. Une portée spéciale puisqu'à la dilTérence de l'article 2257 , qni est applicable à toutes les créances conditionnelles, l'article 2256.
paragraphe 1 , ne s'applique qu'aux actions dépendant <l'une
option à.raire sur l'acceptation. ou la renonciation de la communauté. L'option à faire à la rlissoln Lion , voilà le seul évenement qui suspend la prescription dans notre hypothèse.
Cela ne veut pas <lire que la femme ne puisse jouir du bénéfice de la snspens1on pour d'autres conditions en vertu
de l'article 22!>7. non , elle le peut très bi en ; seulement,
elle en jouit comme tou te autre personne el non en qualité
de femme mariée. Ainsi. avec l'article 2257. elle n'obtient
le bénéfice de la suspension que pour les actions personnelles; avec l'article 2~56. p:iragraphe 1 . pour Je~
actions réelles et persc.nne\les (Marcadé, Lo Roux de Bret:igne) .
�-
-
174 -
T1·oisi~mc exception (art. 2~.5 6 ,
§ 2). -
Celle exception esl indépendan ~~ du régime malrimonial adopté par
les époux . Elle a lieu dans le cas où le mari ayant vendu
le bien propre de sa femme san s son consentement est
garant de la vente, et, dans tous les alltres cas. où l'aclion
de la femme réfléchirait contre le mari. Si donc un mari
vend un propre de sa femme sans son consentement,
l'action qu'a la femme pour le revendiquer ne court pas
pendant le mariage. En effet, si la femme avait pu le faire
pendant celle époque, le tiers aurait , de son côlé, nn recours en garaolie cont.rc le mari , et la bonn e harmonie
qui doit régner en tre les épota aurait été troublée. C'est
pour épargner à la femme cette alternative fàchcuse de sacrifier son droit ou son devoir, que le lëgislatellr a établi
cette cause de suspension. Si l'immeuble avait été vendu
sans clause de garantie et aux risques et périls de l'acheteur. le mari n'étant plus sujet à aucun recours. la presc1·iplion ne serait pas suspendue en faveur de la femme.
ce n'est pas senl emen t dans le cas où l'action de la femme
fait naître un recours en garantie que la prescription est
suspendue en sa faveur , mais encore dans tous les cas où
cette action doit rétléd1ir contre Je mari, soit d'une faço n
soit d'une autre . Celle interprétation ex tensive est commandée aussi bien par l'espril que par le Lex te de la loi.
Aussi, regarderons-nous comme suspendue la prescri ption
de l'action en nullité appartenant à une femme mineure
'
. .
. '
qu'. s ~s t ob\Jgee en dehors des bornes de sa capaci té et
solidairement avec son mari, soit pour une delle personnelle à ce dernier , soit pour un e dette de communauté.
Celte action, en elTet, sans faire naitre de recours en 1:>aa-
17 5 -
rantie contre le mari . réfléchit cependant contre lui ,
puisqu e le créa ncier , voyant un de ses deux débiteurs lui
echapper. exercera nécessairement contre l'antre des poursuites pins rigoureuses.
Deux questions restent lL résoudre an sujet de cette
troisième exception :
La prescription des actions indiquées par l'article 22 56.
paragraphe 2 . est-elle suspendue, même après la séparati on de biens ?
Ne court-elle pa du moins à partir de la séparation de
co rps~
Au sujet de la première que lion, Vazeille est le seul
des auteurs modernes qui la tranche négativement. Après
al'oir essayè de prou ver qne c'était là. l'opinion des anciens
au teurs, il ajoute qu e la prescription est de droit commun ,
et que la suspension doit être restrei nte dans le cas où
elle est commandée par une impéri euse nécessité. Or, la
femm e, qui ne craint pas de demander la séparation , rede\'ient maitresse rie ses droits: e!le no doit pas , a fortior,i .
craind re d'exercer le actions qui peuvent réfléchir contre
son mari ; la co nsidération morale snr laquelle repose l'article 2256 ne se retrou ve plus ici. Enfin. l'article 221>6
se rattache à l'article 22 5 :; par le mot 71areillement • la
prescription est 7wrei/le111e11 1 suspendue, etc.... » Or. cel
al'licle 2255 renvoie à l'arti cle 156 1 (d'aprè les partisans de l'interprétation littérale), qni fait courir la prescri ption Lies immeubles dotau x après la séparation de
biens. «N'est-on pas. dès l or~. condu it h penser par l'en• chaînement Jes idées et l'ordre grammatical. que celle
• nou,·elle suspension doit ùtre scmlllahlc à l'autre pour
�-
1
..
1
'
--
t76 -
• la durée. qu'elle doit s'étendre et se renfermer dans te
• même espace de temps ; ne croit-on pas avoir lu : La
• prescription est pareillement suspendue pendant le
• mariage, sous la modification de l'article 1561 .•
(Vazeille) .
'
Cette spécieuse argumentation n·a cependant touché ni
la doctrine ni la jurisprudence. qui se sont prononcées
d'une façon formelle pour l'opinion contraire. L'argument
tiré du mot pareillement n'est pas sérieux , la prescription
sera pareillement suspendue, cela veut dire il y a encore
suspension de la prescription dans tel ou tel cas, et rien de
plus. - Que la femme soit maitresse de ses droits et capable d'agir, quand le mari n'est nullement intéressé dans
les poursuites, personne ne le conteste, mais si ces attaques
contre les tiers doivent exposer le mari à un recours de
leur part, la femme n'est pas plus capable d'agir après
qu'avant la séparation de biens. parce que la considération morale indiquée plus haut reparait avec la même
force. - Objecte-t-on que la femme n'a pas craint de de~an~r I~ séparation de biens, donc ... . mais Ja séparation de biens, loin d'être une mesure vexatoire à l'encontre du mari , est Je plus souver.lt commandée par ses
intérêts ; du reste, elle laisse à la femme sa dépendance
vis-à-vis du mari, au point de vue de la vie conjugale, et
l'on ne peut rien en induire contre lui . Il y a enfin à
l'appui de cette seconde opinion , un argument de te~te
qui est capital ; l'article 2256 déclare la prescription suspe_ndue pendant le mariage. Pourquoi s'en écarter , sans
raison absolue et péremptoire (Troplong, Marcadé, Le
177 -·
Roux de l3retagnc, Auhry et Rau , Lanrenl, Dalloz : R~pert.
Prescri7Jtion) .
Au suj et ùe la seconùc question : la prescription cstell c suspendne, même après l;i séparation de corps? Ce
qui a fait naîlre le doute. c'est qu'à partir de la séparation
de corps, la vie commune ayant disparo, il n'y a plus a
craindre que les actions qui pourraient réfléchir contre
le mari viennent troubler la borsoe harmonie entre les
époux. Mais il est à observer qu'une pure considération
ne peut pas prévaloir contre le texte formel de l'article 22!'>(r
Quatrième l.i.cception ( urt. 1504). - Ici encore, sous
qoelque régime f) Oe soit mariée la femme, la prescription
ne court pas contre elle pour les actes qu'elle a passés
sans l'autorisation de son mari ou de justice. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit a propos de la
mi norité pour ùémontrer que le délai de l'article 1304
est une véritable prescription. Cette exception est fondée
sur cette idée que, pour ratifier un acte. il faut être capable; or. pendant le mariage , la femme ne l'est pas, tant
qu e le mari lui refuse son autorisation, et que la justice
ne l'a pas suppléée. Cc n'est ùonc qn'à la dissolution du
mariage qu'elle recon\'l'c sa capaci té, et que, par conséquent. la prescription doit courir contre elle. Cette incapacité survit à la séparation de bieus, car celle-ci laisse subsisler l'état de ùapendancc de la femme et l'obligation pour
elle de recourir à l'autorisation ùn mari ou de justice pour
tous les actes qui ùépassent les limites de l'administration
tracées par l'article 1 W9 (Cassation, 1.. mars '1847).
�-
180 -
-
Du reste, la pensée du lé&islalenr cl l'importance docldnale de cet article 22;) 1 re5sorten L très bien d'un examen allen tif des tr~H·aux préparaloiras du Ccdc. Le rremier projet qui fnt soumis au Corps législatif ne contenait
pas Ct!lle disposition, elle ne fnL introduite qu'après coup.
N'est-ce pas là une preuve évidente que le législateur a
voulu avec intention meure fin à toute diseussion théorique
ou pratique sur ce sujet '
Qnant à la fameuse maxime : « Contra non valentcm
agere non r,m·rit prœscl'iptio a • nous rcconi1ai~sons volontiers qu'elle a pu inspirer les rédacteurs du Code, cela est
même certain, mais nous ne voulons pas lui accorder une
autorité égale à celle 4ni émane· de tex tes positifs. Or,
l'article 2251 . nous le répétons de non veau, est on ne
peul plus formel. Comment, dès lors, permetLre aux juges
d'apprécier. en dehors des termes de cet article, les circonstances diverses qui leur paraissent plus ou 'ffioins
dignes d'int érêt~
1
~
Reste enfin le reproche, que nous font les partisans de la
première opinion, de diminuer singulièrement la haute mi .
sion du jurisconsul te en en faisant )'esdave de la loi. Cette
objection purement décl:\matoire ne doit pas être prise au
sérieu~, car n ou~ avons vu it quels résull"ts fàcheux avai t
abouti , dans l'ancien droit. la laLitude que laissait aux jurisconsulLas lll manque de précision dans les actes législatifs.
Gardons-nous de ramener une pareille confusion. Le j urisconsulte. loin Je $e plaindre de l'exis tence d'une loi
p.osilire, doiL èlre le premier il s'en fêliciter , ·~ar [lins est
Cll'C1~nscri~ le Champ de l'inlerprélalio11 , fllll:; l'applicaLÎOll
est lu en fa11 0. O'ail lenr::. la ni1·ill1H1re lni n'tJsl pas oe lle qui
t
1~1
-
laisse le champ !il.ire à l'interprétation, mais celle qui dé-termine avec le plus d'exactitude les droits de chacun pour
empêcher Lout e contestation (Marcadé, Coin·Delisle, Rev ue
de Droit français et ~tran ger. 184 7).
Ces principes étant désormaii' établis, nous ~dmettons
que ni l'absence pour quelqu e motif que ce soit, ni l'indivision , ni l'ignorance, ni la séparation de l'usufruit avec
la propriété, ni le conco urs d'une action avec une autre ne
suspendent la prescripti on , sous l'empire du Code civil. La
faillite. elle aussi, n'est pas une cause de suspension ni
pour le failli. ni pour ses créanciers. parce qu'ils sont représentés par les syndics, qui ~ont chargés de prendre
toutes les mesures r.onservatoires dans leurs intérêts respectifs.
La difficullé est plns sérieuse quand il s'agit de la peste
ou de la guerre. Cependant ici encore, alors même que ces
évènements auraient occasionné une impossibilité complète
d'agir, par suite de l'établissement de cordons sanitaires,
par suite de la rupture <les communications. nous n'hésitons pas à admettre qn'ils ne suspendent pas la prescription. Sans doute. celle conclusion pourra parfois sembler
rigoureuse; elle pourra parfois blesser l'équité, et peut-être
faut-il regretter que le législateur n'ait pas prévu ces hy·
pothèses; mais son silence ne nous autorise pas à les
mettre au nombre des cau,es de s11spension de la prescription .
Nous repoussons égalemen t l'opinion mixte qui admet
la peste et la guerre r,omme cau:;es de suspen ion. dans le
cas où l'empêchemon t qui en résu!Le se produit dans un
temps voisin de l'êcheance (Troplong). Car ontre qu e celle
�-
t8! -
distinction est purement arbitraire, il fau t. pour y arriver.
admettre en principe que la peste et la guerre peuvent
suspendre la prescription, ce que nous contestons énergiquement.
Nous ferons remarquer à l'appui de notre thèse que les
délais de la prescription on l été calculés avec assez de latitude pour qu'il n'yait pas lieu de les augmenter, à raison
des évènements momentanés qui peuvent survenir. Si les
rédacteurs du Code ont donné dix , vi ngt et trente. ans
au créancier ou au propriétaire pour agir, c'est qu'ils ont
tenu compte des diverses éven tualités qui peuvent entraver l'exercice de leurs actions. Peut-être, se 1·en .~o n
trera-t-i l quelques cas exceptionnels où le système du Code
produira un résultat fàcheux; mais au moins fa ut-il reconnaitre que ces inconvénients particuliers ne sont en
rien comparables aux dangers de l'arbitraire que ferail
renaître le système opposé (Marcadé).
Du reste, en pratique, le législateur ne manq ue jamais
quand de pareils évènements se produisent d'édi cter des
mesures spéciales pour suspendre la prescripti on. Nous
citerons, à cet égard , pour le droit ancien ou intermédiaire, l'édit rle pacification rendu en 1596 , l'édit de
Nantes de f 598, les lois du ':22 août f 795 et du 25 frimaire an II. rendues à l'occasion des guerres de Vendée.
Plus récemmen t, un avis dn Conseil d'Etat du 25 janvier
1814. régulièrement approuYé par le chef du gourernement et inséré au Bulletin des Lois, leq uel déclare • Que
• l'exception tirée de la force maj eure est applica lJle. en
•ènemen ts de guerre,
« cas ri' in vasion de l'ennem i et des é 1
• pour relever les porteurs des leLLl'es de change cl des
-
185 -
• billets à ordre de la déchéance prononcée par le Code
• de commerce à défaut de p,rotêt, à l'échéance et de dé• uonciation dans les délais, et que l'application, suivant
• les cas et circonstances, est laissée à l'appréciation des
• tribunaux. " On ne saurait ti rer de cet avis du Conseil
d'Etat aucune induction de nature à infirmer notre doctrine. Les rédacteurs du Code de commerce traitant de
matières spéciales, qui requièrem célérité et s'occupant
des protêts qui doivent se faire dans un délai fort cou~t,
n'ont. pu suivre les principes du droit com mun. Le relief
d'une déchéance pour force majeure, selon les cas et circonstances , devait leur paraitre aussi juste, aussi nécessaire
que les rédacteurs du Code l'avaient trouvé funeste en législation civile et pour les prescriptions ordinaires .. - Et,
de uos jours , le décret du 9 septembre t 870 qu1 a st~s
penùu , pendant la duré6 de la guerre. toutes .les prescriptions el péremptions en matière civile, lesquelles n'ont
recommencé à courir qu'à dater du onzième jour après
celui de la promulgation de la loi du 26 mai 1871 :
Il nous paraît difficile. en présence de pareils fatts, de
soutenir que la vieille maxime co11trn t1on valcntem. · · ·
suffi t encore aujourd' hui . indépendamment d'un texte positif. pour faire admettre la peste et la guerre au nombre
ues causes de suspension de la prescription·
Nous terminerons celle première section en rappel an ~ .
h litre purement historique, quelques dispositions ~rans1toire:>. ljUi visaient ues situations tout à f~it temporair~ el
qui n'ont plus aujourd'hui de portée pratique. u_ne. 101 du
fi urnmaire an V avait suspendn toute prescription ~n
. ti··ie et de"• citoyens auache,
..
a p.l
<1c 1
fa veur des rl clensems
�-
184 -
au service des al'mées de terre et de mer pendan t le Lemps
qui s'était écoulé ou yui s'écou lerait depuis leur départ de
leur domicile. s'il était postérieur il la guerre. ou depuis
la déclaraLion, s'ils 1Haient déjà. au ~ervi ce , jnsqu'à l'expiration d'un mois après la paix générale ou après la
signature du congé absolu qui leur serait délin.é avant
cette époque. - Une seconde loi du 2 1 décembre 18 14
prorogea jusqu'au 1cr aHil f 8 ! 5 les délais fixés par Ja loi
de brumaire. Ces dispositions sont depuis longtemps sans
vigueur; elles sont d~finitiveme.nt périmècs , el le fait d'une
nouvell e déclaration de guerre ne sulfirait pas pour les
faire revivre (Grenoble, i2 déccmbl'e 1>324) .
Un arrête du 17 fructidor an X avait accordé des
sursis aux colons de Saint-Domingue. relativement aux
ventes d'habitations et de nègres. 0 11 pour avances fai tes à
la culture dans la colonie. Ces sursis , successivement pro rogés par le décret du 20 janvier 1807 , par h~s lois des
2 décembre '181 4, 21 févricl' 1816, 1:i aoüt 18 18, ont
ex-piré définitivement i1 la fin de juillet J 820. Ils n'ont
jamais concerné que les dettes co ntractées pour des biens
dans la colonie.
Est-il besoin d'ajouter qn e !'émigralion ne fu L jamais
considérée comme. une cause de suspension <le la prescri ption . Dans l'esprit du légi·i:ttcur 1·érnln tionnaire .
l'émigration était un délit. elle n'a dime j:unais pn exo·
nérer l'émigré de la prescription. TClutofo is . la loi dn
25 août 1825 (art. 17) a relevé les érn if! rés des prescriptions et cléchéanGrs qu 'ils p<H l\'aiell I :i \'nir l'l1C(JUruc
quant à l'indemnité qu 'elle leur '>c:troyail . - Du momen t
qu'on fa isait courir la prescrip1in11. r011 lre l'1"mi gré, il
-
18 5 -
étai t bien juste qu'elle courût également en sa faveur.
Aussi. malgré une vive résistance, l'opinioo avait prévalu
que les émigrés pouvaient opposer la prescription à leurs
créanciers restés dans l'inaction. Cette disposition, favorable à l'émigré, n'était admi se qu'autant que la dette élai t
constatée par acte authentiqu e. Si c'était une delle constatée par acte sons seiog privé, la prescr iption était suspendue en favem du créancier, parce qu'il étaHcondamné ,
en fait , à une inaction absolu e el forcée , l'Etat, représentant légal de l'émigré, n'admettaut à la liquidation 1ue
les dclles 0ontractees par acte authentique (Paris. 28 janvier J 828) .
SECTION li
CA USES DE SUSPENSIO:\ F ON DÉES SU R CERT.UNES HELATIO"S
Q UI EXISTENT EXTRE L E CRÉANCIER ET LE DÉBIT F.UR ,
L E PROP RIÉTAIRE ET J, E P(). SESSE UR.
Ces cas de suspension sont la suspension entre époux
0t la suspension entre l'héritier bénéficiaire et la succes·
sion (art. 22 55, '22 38) .
§ 1.
uspeusion rntrJ J!.:po11x (art. 2255). - ~ous
arnns \' Ll daus la section précédente que le législateur,
dans le bu t ùo maintenir la bonne harmonie entre les
epuux, avait su pendu la pre cription Jes actions de la
femm e cont rc le" tiL'I s, qu anù l' ûS aclions p1Hl\·aicnt rélléchir contre le mari . a plus forte raison ùerai t-il la suspend rc c1u a11d il s':igit d'une action Jirecle tic l'un Jes
�-
18 6 -
époux couLre l'~ u ll'e. C'est en ce sens qu'est conçu l'ar.
ticle2255: • La prescription ne court point en lreépoux .•
• li serait contraire à la .nature de la société même du
• mariage, dit Bigot-Préameoeu. dans l'ex posé des motifs,
• que les droils de chicon ne fussen t pas l'un à l'égard de
l'autre respectes et conservés. L'nnion intime qui fait
, leur bonheur esl en même tem ps si nécessaire à l'har• morde de la société qne toute occasion de la troubler est
• écartée par la loi. Il ne pe ul y avoir de prescription
• quand il oe pl:lul pas mêni e y avoir d'action pour l'in·
• terrompre. • La su. pension de la prescr i p~i on entre
époux s'imposait donc comme une nécessité à la fois morale el sociale.
Du reste, le plus soll\'enl le mariage lüi·même sera
l'occasion d'une véritable interru ption de la prescription
eolre conjoints. En effet, comme le co ntrat de mariage
mentionne les divers droi ts conslitués par les époux.
chacun ù'eux, en le signant, reconnaît impl icitement les
droi ts de son conjoint et interrompt par la la prescription.
Cette t'econnaissance eITace en effet toute prescription anté·
neure .
Nous observerons encore que la loi. défendant aux
époux de se faire des libéralil és indirectes ùevail sus·
'
pendre la prescription pour renùre cette prohibition efficace; autrement, rie11 n'aurait été pins facile que de
l'éluder, les époux auraient lais.é la presc ription s'accomplir, cl ils se sernienL avantagés aux dépens 1'011 de
l'autre.
Cette cause ùc su spen~io n , q11 i se re11c0Btre sous tons
les régimes, snb,iste pe11ùa11l toutc la durée dn rnari:.ige.
-
187 -
Elle survi t no11 seulement à la séparation de biens, mais
même à la séparation de co1·ps, car elle ne leur fait pas
perd re leur qualité d'époux,
La prescription est donc suspendue entre époux. tel
est le principe ; mais son application pratique soulève de
nombreuses difficultés don t nous :ilions exam iner les principales.
En premier lieu , l'acti on on on Ili Lé du contrat de mariage esl-elle régie par l'article 22 ?j;) ?
Voici l'hypothèse: une fill e mineure contracte mariage
sans le consentemen t ùe ses parent On sait généralement
que la nullité du mariage est couverte, en tre antres causes.
par la cohabitation ~onlinu e pendant plus d'un an après
l'époque de la majorité de l'époux. mineur au momen t du
mariage (art. 185). Cette cohabitation efface-t-elle aussi la
uullilé du contrat de mariage. résultan t au x termes ùe l'article 1598 de ce que le fu tur époux mineur n'a pas été
assisté de personnes dont le consentement élait requis par
la validité de son mariage.
Une premicre opinion, soutenue surtout par Troplong,
ad;net que la cohabitation. en v:.ilidant le mariage. doit
valider en même temp les con\'ention matrimoniales ,
c'est-à-dire en d'autres termes que J'artide 2255 n'est
pas appl icable ii l'ac tion eu nullité du con trat de marrage.
Elle im·üque l'ancien JroiL (Lebrun , Parlement de
Paris), el pr6tenù que le Code ci ,·il .n'a pa~ en tendu i11 11uv111. Lui ohjcctc-l-on l'article 22J:i? Elle réponù que
cet article n'esl pas :->ans exception. L'article ·1S:) Pn est la
rneilleurc preu vu . Or , !'i l'arlide 1~;:) l'a il exreption i1 1'ar·
�-
188 -
ticle 2255 pour lo mariage lui-même, ne doil·il pas en être
ainsi par a fortiori, pour les conventions matrimoniales
qui n'en sont que l'accessoire? N'est- ce pas complètement
entrer dans l'esprit de la loi qu e de dédder que celui
qu 'elle a déclaré capable de ratifier son mariage. elle l'a.
à plus forte raison, jugé capable de ratifier les conventions malrimoniales ?
Le mariage et le contrat cle mariage, ajonte-t-'elle, for.
ment un tont. dont il ne serait pas bon de scinder les deux
parties. La stabilité donnée an mariage , par des raisons
faciles à comprendre, s'étend aux conventions qui l'ont
précédé el qui en ont été la condition, car qui veut la fin
vent les moyens, il ne saurait y avoir deux lois différentes
pour doux choses si intimément liées et souffrant du même
vice : ce qui est apte à rendre valide l'union des personnes
est également apte à con.:;oli der le pacte relatif à leurs intérêts.
Enfin. elle termine en montrant le fàcheux résultat
auquel aboutit le système opposé. Comment. dit-elle. le
législateur valide pleinement le mariage pour fa ire régner
la bonne harmonie entre les époux, et voilà que mus faites
surgir entre eux des nnllités rl'actes, des conO its d' intérêts,
des causes de procè ! N'est-ce pas aller directement contre
le but de la loi? N'est-ce pas lui fa ire dire une chose impossible que <le lui prêter l'intention d'unir les époux en
exigeant qu'ils soient brou illé' d'intérêts? (Troplong, Marcadé, qui propose toutefois une re, Lriction au cas de gros·
sesse de la femme).
Cette opinion ne compte cepe11da11t que peu de par-
-
189 -
tisans . La Joctrinc et la jurisprudence se sont prononcées
en sens con traire.
Eu elîet, qu'importe la tradi tion en pré~ence d'un texte
formel, tel qu e l'article 22 ~5. cet ar·ticle est conçu en
termes généraux , il comprend donc la prescription de
l'action en nullité du contrat de mariage comme les au tres
prescriptions.
Le mariage et le contrat de mariage, 4u0tque liés l'un
à l'autre ne sont point des actes du même ordre et de la
même importance. Ils out chacun leurs règles propres et
particulières. Si la nullité du mariage est cou,·erle, lorsqu'il s'est écoulé une année depuis qnc l'époux marié en
minorité a attein t l'âge 1:ompélent sans réclamation de sa
part : on comprend qu'il n'en soit plus de même de la
nullité des conventions matrimoniales , 11 femme du rant le
mariage, étant soumise à la puissance maritale et n'ayant
p<i$ la liberté d'opter entre le maintien et l'annul ation de
ces conventions dans lesquelles le mari est partie intéres sée.
Le texte même du Cod e vient à l'appui J e cette seconde
opinion, pu isque l'article ·t 8;> , qui fait exception à l'article 2255, ne parle que dn mariage. Ne peut-on pas. au
lieu d'en tirer un argument a {o l'Liori , en tirer avec autant
de raison un argument a coutrario, et dire que si le législateu r n'a pas parlé de l'action en nu llité du eontrat de
mariage , c'est qu'il a en tend u la laisser sous l'empire du
droit commun (art. 2'2 55).
Enfin, il n'y aura, pendant le mariage. ni conflits dïntèréts, 11i causes de procès. comme le prétend la première
opi11i0n, puisque l'action ue la fernme ne sera in tentée qu'à
�-
190 -
sa rlissolution (Duranlon . Rodière el Ponl. - Cassation.
25 décembre t856: - - t 5 juillet f 8:->7).
Une autre question controverscc est relath·e à l'action
en révocation cles avantages matrimoniaux pour ca use d'in·
gratitude (art. 95i ). La prèscriplion de cette action est.
elle suspendue pendant le mariage en rcrtu de l'article 2255 !
Pour donner à cette question une soin lion exacte. il faut
tout d'abord se demander si le délai dans le:tuel doit être
exercée l'action en ré,·ocation po111· ingratirude est ou non
une véritable prescription ? Si c'est une véritable preserip·
lion, il s'ensuit naturellemen t qu'elle est suspendue pendant le mariage en vertu de l'article 2'2~5 : si c'est un
délai préfixe. il échappe complètemen t à la suspension de
l'article 22 55.
La jurisprudence, en de nombreux: arrêts, admet. a
priori , qne ce délai de l'article 957 est une véritable
prescription. elle en conclut dès lors qn'il est soumis à la
règle générale de l'article 22 55 (Cassation. 1 7 mars 1855 :·
- Rouen , 25 juillet 1829 . - Caen, 22 avri l 1859; Rouen , 2 juillet 1840: - Rennes, 20 juillet 1845; Caen, 50 décembre t 854) . (Troplong, Massé et Vergé,
sur Zacharire,)
Celte jurisprudence ne saurai t nous con vaincre. Que Je
délai de l'article 9~7 ne soit pas un simple délai ùe pro·
~d~re, nous ne le contestons pas ; mais que ce soit là une
vrrtta~le prescri pli on, nous ne l'admettons pas. Le vrai
caractere de ce délai est celui d'une disposition sui generis,
reposant sur. une presomptton
·
· de pardon. la preuve en est
que ce délai est uniforme , quel que soit le fait d'ingra·
J
-
191 -
titude, qni aul'ait étê comm i!' , crime 0 11 délit, à l'égard
ùoquel l'action publique et l'action civile ne se prescrivent
que par trois on dix ans. S'il en est ainsi, cette clécbéance
de l'article 9 57 est nat11relleme11t opposahle entre époux,
puisque entre eux la remise d'une olîense se présnme plus
facilement qu'entre perso nn e~ étrangères.
En vain , dirai t-on qu e la pn\somption de pardon peut
être écartée par les circonslanr,es de la cause, par exemple
par la séparation de fait en tre les époux. car nous nons
trou~·o os en présenr.e d'une présomption snr le foudement
de laqnelle la loi rlénie l'action en justice. et qui. par con·
séq uent, n'admet pas\:\ prenve con traire (art. 1552).
En rain , opposerait.on que l'éponx peut n'avoir pas
d'intérêt à llemander la révocation pendant le mariage.
comme dans l'hypothèse rl'une donation d'usufruit après
le décès du dona teur. JI est facile de répondre que le
texte même de l'articl e 9 57 résiste à toute distinction. et
que même la raison essentielle de la loi s'y oppose. puisqu'elle a voulu renfermer celte action dans les limites les
plus restreintes.
Nous arrivons donc ~l celle conclusion. admise par la
grande majorité des au teurs. que l'article 957 n'est pas
une véritable prescl'i ption, et que l'action en nullité des
avantages matrimoniaux pour i ngrati ~ude n'est pas suspend ue par l'article 2253 ( Marcadé, Aubry et Rau. Demolombe, Laurent; - Rouen. 5 aoù t 186:5 ; - Metz ,
19février1868).
Une dernière question est relative 11 la prescription quin~u enna le des intér~!ls. Ici le doute n'e~ t pas permis.
D'.'\ùord , il s'agit tl'nnc véritable prescription. en second
�-
·192 -
lieu, l'article 2 278, qui fait cou rir les courtes prescrip·
lions à l'encontre des mineur·$ el des interdits, ne p:irle
pas des époux. C'est que le législateur a voulu les laisse~.
même pour les prescriptions de cette nature , dans la St·
tnation privilégiée que lenr fait l'articl e 2253 (Rouen,
15 avril 1869; - Bordeaux. 5 février 1873).
§ II Suspension cntrr, l' H~ritier bénéficiaire et lei Suc·
2~58).
La prescription ne court pas
contre l'héritier bénéficiaire à l'égard des créa nces qu'il a
contre la succession (arl. 2258). On a \'Oulu trouYcr le
motif de celle disposition dans celte considération que l'hé·
rilier bénéficiaire ne peut pas agir contre lni-m ême. Ce
motif ne nous parait pas suffisant, car si l'héritier béné·
ficiaire ne peut pas agir contre lui-même, il peut très bien
agir contre la succession. L'article 976 du Code de procédure civile lui en donne le moyen. « Les actions à intenter par l'héritier bénéficiaire contre la succession seront
intentées contre les autres héritiers, et s'il n'y en a pas. ou
qu'elles le soient par tous, elles le seront con~re un curateur au bénéfice d'inventaire. nommé en la même forme
que le curateur à la succession vacante. " Nous préférons
dire que la prescription ne court pas contre lui, par~e
qu'il n'a pas intérêt à agir, puisqu'il est nanti de la suc·
cession, dont les valeurs doivent servir à le désintéresser.
A l'inverse, faut-il suspendre la prescription des actions
appartenant à l'être moral, succession. contre l'héritier ?
L'affirmatirn rencontre de nombreux partisans et dans la
doctrine et clans la jurisprudence. L'héritier, dit-on, qui
accepte sous bénéfice d'inventaire. devient, par le fait même
cession (art.
-
-
195 -
de son acceptation, le mandalaire légal de la succession. Il
doit donc veiller à la conservation des droits héréditaires et
interrompre contre toutes. person nes les prescriptions qui
)es menacent. Est-il lui-même débiteur de la succession?
Sa personnalité civile se dédouble; il y a en lui deux per.
sonnes distinctes. Je mandataire de la succession et le débi leur . S'il ne paie pas, il est en faute; or, nul ne peut
exciper d'un manqueinent h son de voir pour en tirer un
profit personnel.
Cette opinion n'a qu'un tort, à notre avis, c'est de méconnaître complètement le principe doctrinal de l'article 2251 et de créer une cause de suspension dans une
hypothèse que le législateur n'a pas prévue. Aussi. nous
paraît-il plus juridique d'admeltre qu'en droit pur la prescription court contre l'héritier bénéficiaire. Mais est-cé à
dire qne l'héritier bénéficiaire retirera un profit personnel
de cette prescription? Non, puisqu'il doit indemniser les
créanciers et légataires de la succession du préjudice que
leur cause sa néaliuence
ou sa mauvaise administration
I!> 0
(Laurent).
Voilà. pour la prescription libératoire. mais qu'en est-il
de la prescription acquisitive ?
S'agit-il de la prescription acquisiti ve que l'héritier voudrait opposer à la succession ? [ci encore, contrairement à
l'opinion généralement reçue. nous n'admettons pas la sus.
pension de la prescription pour les motifs que nous avons
donnés plus haut.
S'agit-il de la presGt'iption acquisitive qui cou.rt .en
faveur de la succession contre l'héritier ? La prescnpllon
n'est pas suspendue en faveur de ce dernier, cela ne fait
�-
1 '
•'
194 -·
pas doule. Car, grâce 11 l'arlicle !>7 6 dn Code de procéda re
1:ivile. l'héritier peut toujours reqaérir la nomination
d'un curatenr cl procéder contre lu i à r:l es actes interru ptifs rie prescription. Une coflsidèration d' un a~1Lre ordre
vient aassi à l'appui de notre solution. Si l'h éritier trou ve
dans la succession an immeuble à lai appartenant, que le
défunt était en train de prescrire. et si an li eu de le revendiquer. il continue à le posséder et iL l'administrer
comme bien de la saccessioo. n'est-il pas censé le posséder
pour la sn cces~ion , et celle-ci ne doi t-elle pas pouvoir
compter utilement sa possession ? La circonstance que le
mandataire qni possède pour la succession est le vra i propriétaire. do il-elle nu ire à celle possessio n, ne la rer.dclle pas au contraire pins efficace?
La suspension 11e s'applique qu'aux créances de l'héri tier contre la sncccssion: elle est étrangère à cel le qne
l'héritier peut avoir co n ~re son cohériLie1·. Ainsi une personne meurt, en laissant deux successibles don t l'an est
son créancier d'un e somme de.... L'hériti er créanr,ier
accepte la saccession soas bénéfice ù'inve11 taire. La delle
s'est diYisée en deux delles : l'une à la charge de l'héritier
bénéficiaire. l'autre Î\ la charge de son cohéritier. La prescription n'est suspendue que pour la delle échac à l'héritier bénéficiaire, elle con tinue de co nrir pour celle échue
i l'a~ tre cohéritier (Dnranton).
On s'est demandé si. dans le cas oü la prescription de la
créance de l'héritier contre la succession s'est accomplie
avant l'acceptation de ce dernier so us bénéfice d'inven taire,
l'<irlicle 2258 doit encore recevo ir son application? La
dillicnlté vient de cc ~n e . t:!n ver111 rie l\1rliclc 777 . l'ac-
-
195 -
ceplaLion remontant au jour de l'ouverture de la succession, on aurait pu prétendre qae l'hériliet· bénéficiaire était
iovesti de cette <Jualité depais celle époqne. et qu'il dev&it
dès lors. à partir de cc moment, joui!· da bénéfice de la
saspension. Il ne fa ut cependant pas hésiter à admettre
que la prescri ption n'a p~s cessé de cou1·ir tant qoe l'acceptation n'a pas ou liea (art. 2258 § 2, et 2259), et qu'u ne
acceptation tard ive ne peut pas venir enlever aux créanciers
et légataires du défunt un droit acquis par le fait même de
l'échéance du temps requis pour prescrire.
La prescription court contre une succession vacante,
quoique non pourvue de curateur (art. 2258 § 2 ). li est
facile de comprendre le motif de celte disposition. Le législateur n'a pas vou lu suspendre le cours de la prescription,
parce qu'il avait déjà donné aux personnes intéressées un
moyen dr. sauvegarder leurs intérêts. L'article 812 . en
elTet, lear permet de requérir. le ca$ échéant, la nomination d'an curalenr; si elles ne le font pas et si elles laissent
la prescription s'accomplir aa détrimen t de l'hérédité, c'est
lear faute, elles n'ont pas à se plaindre. La prescription
court-elle au profit d'une saccession vacante! Voici l'objection qai se présente: quand ane succession est vacante.
et qu'un curateur est nommé par les ~ins des créanciers,
celui-ci l'administre en réalité d:ios leur intérèt, il est leur
mandataire. Comment la saccession peut-elle prescrire
contre eux? La réponse est facile; la succession n'est pas
le patrimoine des créanciers, c'est nne personne morale,
un être de raison, continuant la personne du défunt et ne
représentant que lui. Les créanciers n'acquièrent pas plas
de droits qu'ils n' en avaient da vivant de leur débiteur;
�-
196 -
les biens qui la composenl ne sont que leur gage. Le curateur, en conservant le gage, agit dans '1eur intérêt sans
doule, mais comme l'enssenl fait les héritiers eux-mêmes,
il n'a pas du tout le ca1·actère de leur fondé de pouvoirs
(Troplong, VazElille), Voudrait-on soutenir que le fait
d'avoir requis la nomination d'un curateur doit être considéré comme un acte tl'inlerruption; cela ne se peot pas ,
puisque la loi ne l'a pas compris parmi les modes d'interruption de prescription. Il faut donc J écider d'une façon
générale que la prescription courl au profit des successions
Yacantes qu'elles soient ou nou pourvu es d'un curateur.
L'article 2259 ajoute que la prescription court aussi
contre la succession pendant les délais pou r faire inventaire et délibérer. En eITet, l'héritier peut très bien. sans
craindre d'engager sa liberté sur le parti qu'il choisira plus
tard, prendre toutes les mesures utiles à la conservation
des biens héréditaires et par conséquent interrompre la
prescription.
Réciproquement, la prescription ne cesse pas de courir
au profil de la- succession pendant les délais de l'article 791, si les tiers on t des droits a faire valoir 'contre
elle, ils assigneront le successible qui délibère. Celui-ci
pourra bien. il est v.rai , leur opposer l'excepti on dilatoire
de l'article 79'1. Mais ce n'est là qu'un sim ple retard. et
quand l'affaire sera reprise soit con tre lui, s'i l l'acr,ept e.
soit en cas de renonciation de s:i part contre ceux qn i auront succédé a sa place, l'assignati on n'aura pas moins
produit lous ses effets. Elle aura doue valablement interrompu la prescripti on.
L0s deux hypothèses que uous venons J'exa1nioer sont-
-
197 -
elles les seules oit la prescription se trouve suspendue par
~uile des r<1pports qu i unissent le propriétaire et le possesseur. le créancier et le débiteur ? Qu'en est-il des rapports
qui unissent le tuteur et le pupille? Ces relations journa·
li ères et nécessaires qui existr,nl entre eux ne sont-elles
pas suffisantes pour paralyser le libre exereice des actions
qu'ils peuvent a\'Oir a exe rcer à l'encontre l'un de l'autre,
et dès lors ne constituent-elles pas one véritable cause de
suspension de la prescription ?
Un premier point incontestabl e, c'est qu e la prescription ne court pas a l'encontre du mineur au profit du
tuteur , débiteur du mineur, ou possesseur d'immeubles à
lui appartenant. L'article 2252 est formel en ce sens. Il
est vrai qne cet article 2252 ne s'applique qu'aux longues
p1·escriptions; le.s courtes pourront donc tr~,s bien s'accomplir au profit du tuteur . Toutefois, cette dernière dispo·
sition n'aura pas grand inco nvénien t pou r le mineur,
puisqu'il trouvera un remède suffisant dans l'action en
reddition de com pte de tutell e, action qui comprend la
réparation de tout le préjudice qne peut lni avoir causé
la négligence du tuteur. Pas ùe difficulté encore dans l'hypothèse où Io mineur, ou son auteur, possédait avant l'entrée en fonction du tuteur. des immeubles appartenant ·à
r.e dernier. La prescription continue à courir en sa faveur
par un a fortiori, puisque nous avons admis que la succession continue a prescrire les biens appartenant à. l'héritier, malgré le bénéfice d'inventaire.
La controverse s'élûl'c anssilôl qu'il s'agit de créances
du llll eur contre le miueur. Fant-il , par analogie de l'ar-
�-
'.
1 ~8
-
Licle 2258, suspendre la prescription pendant la durée de
la tutelle.
L'affirmative compte de nombreux partisans. Il en était
ainsi. dit-on, en droit romain (L. 1. § 7. D. De contrarin
T1uelœ) ; du droit romai n, cette disposition est passée dans
l'ancien droit, et rien ne prouve que le Code ait ent endu
innover. S'il n'a pas reprodu it clai1·ement la décision romaine, c'est qu'elle résulle de l'analogie frappante qui existe
enlre le tuteur créancier du pupille et le mari créancier de
sa femme. ou l'hérétier bénéficiaire créancier de la succes·
sion, hypothèses dans lesquelles la suspension n'es t pas
douteuse (art. 2255, 2258 § 1). Ce système a de plus
l'avantage d'épargner des frais au minenr (Duran ton ,
Marcadé, Le Roux de Bretagne).
Malgré ces arguments, l'opinion contrai re nous parait
préférable. Nous ne répondrons pas à l'argument tiré du
droit romain ; car, depuis, les principes ont changé.
L'analogie que l'on veut tirer des arlicles 2255 el 2258
paragraphe 1 n'est pas suffisante pour créer une cause
de suspension , car il ne faut pas oublier· qu e l'article 22 51
est la base fondamentale dans celle malière. Or, cel
a.rticle fait courir la pre~criplion contre toute personne.
à moins d'uue exception formellemen t élaùlie par la loi.
Peut-on , en présence de cet article si précis, raisonn er par
analogie? Ne vaut-il pas mieux admeLLre qu e si le législateur n'a pas parlé des cré<rnces du tuteur coutre son pupil le.
c'est qu'il a voulu les laisser sous l'empire du droit commun! Du reste, pourquoi faire une exception en farcur du
tuteur ? N'a-t-il pas la ressource d'agir co ntre le subrogé
tuteur, toutes les fois qu e son intérêt est en co ntrad icti on
-
1 9~
-
avec celui dn mineur . Les frais ne sont pas si considérables pour qu'il en résulte on préjudice sérieox pour ce
dernier . Tell es sont les diverses co nsidérations qui nous
font rejeter celle cause ùe suspension.
Les mêmes qoe:\Lions se posent poor les 'rapports qui
ex istent en tre les interdits et laurs tuteurs. Elles doirnnt
être résolues de la même manière, puisque le Code a placé
les interdits sur la même ligne que les mineurs.
Si nous généralisons les données précédentes. nous
sommes amenés à nous demander quels principes doivent
régir, en rait ùe prescription. les rapports des administrateu rs avec les administrés. par exemple les rapports de
l'ahserit avec l'envoyé en possession provisoire de ses biens.
les rapports du père administrateur légal avec ses enfants !
' Faut-il snspendre la prescription entre ces dillérenles personnes? Ici . encore. la néga ti\'e noos paraît impérieusement command ée. Tant pis pour les administrateurs, s'.ils
laissent act:om plir contre eux les prescriptions acquisiti1•es
ou libératoires qui courent au profit des personnes dont
ils doivent gérer le patrimoine. Quant anx administrés. la
loi ne les laisse pas sans défense. Elle vient, ao contraire,
à leur secours, en leur accordant une action en reddition
de compt e co ntre les administrateurs. Ces derniers étant
tenus de protéger h·s int érê~s de leurs admini~trés, ils sont
responsables du préjudice qu 'ils leur occasionnen t en
prescrivant co ntre eux.
�-
200 -
~ECTION
Ill
CAUSES DE SUSPENSIOi'i FO~DBES SUR f,A )10DAUTÉ DES DROITS
OU CRÉA:\CIER ( ART.
2237).
L'article 2257. qui consacre ces canses de suspension,
est ainsi conçu : •La prescription ne co urt point à l'égard
" d'une créance qui dépend t1'ur1è condition, jusqu'à ce
" que la condition arrive : à l'égard d'une aclion on
• garantie, jusqu'à ce que l'é,·iction ait lieu : à l'éganJ
• d'une créance à jour fixe, jusqu'à ce que ce joui' soit
• arrivé. • Il semble résu lter dP, la lecture de cet article
que les causes de suspension. fondées sur la modalité des ,
droits du créancier sont au nombre de trois : la condition ,
la gal'antie et le Lerme. Il n'en est rien cerendant. L'o l.Jligation de garan tie n'étan t qu'une oliligation conditio11n13Jle,
la garantie ren tre dans la condition ; nous !l'a vons donc à
étudier que deux causes : la condition el le terme.
§ I. Condition (art. 2:25i) . - l.c créancier cond itionnel ne peul actionne!' son débiteur al'an t l'arri1•ée ùe
la condition. Que pourrait-il deman der ara nt celle ép<que~
Le droit lui-même. Mai ce serait con lrair.; à l'esprit
même de la com•en tion, puisque les parties on t précisément eu l'intention Je retarder l'existence ùe l'obl:gation
jusqu'à la réalisation d'un é1•èncment détcrrnin~ . Dira-ton que la demande ù11 créancier aurait pnur objet la reconnaissance <le son droit ? Mais a quoi lion , cette rcco11naissance ne peut être con testée. car entre les partiPs ell e
201 -
est constante, perpfituelle ; Je Litre la constate de la façon la
plus énergique avant l'arrivée de la condition. Le créancier
ne peut donc ni poursuivre son débiteur. ni intenter contre
lui une action en reconnaissance. car il n·y a pas d'intérêt.
La loi devait bien dès lol's suspendre la prescription en sa
faveur.
De quelle condition s'agi t-il ~ Evidemmenl de la condition suspensive. Car il n'y a pas les mêmes motifs dans la
prescription résolutoire, pu isqu'elle ne vise pas l'existence
du droit . mais seulement sa résol ution. On peul même
ajouter que J'ouligation contractée sous une condition résolntoire n'est pas une obligation conditionnelle (Laurent).
D'après les termes mêmes de l'article 2257 , la suspension ne s'applique qu'aux droits de créance; elle est complètement étrangère aux. droits réels. Le possesseu r prescrit donc contre tout le monde, aossi bi en contre cel ui qui
n'a sur la chose qu'un droit conditionnel. que contre
celui qui a sur clic un droit pur et simpl e. Ainsi. un héritier vend un immet1ble que le défunt avait légué sous
condition suspensive. L'acq uéreur qui aura possédé de
bonn e foi pendant le temps voulu aura prescrit à dater du
premier jour de ~a possession. ~o utiendra-t- on qu'il a
prescrit injustement. Le légataire conditionnel o'a"ait qu'à
as iancr
Je tiers déten teur en reconnaissance de son droit,
0
pour éviter ce résultat. L'article t 1 0 loi permettant de
faire tons le actes conservatoires de son droil. s'il n'a pas
:igi. tan t pi pour lui .
li n'en est pas moi11s n ai qu e celle thüoric en arri1·e it
ùes conséquences bizarres. Un débiteur conditionnel conse nt une hypo thèque à so n aëancier pour la garan tie de
�-
202 -
-
,on droit futur el incerlai11 . Tant qu'il conserve dans se·
mains la propriété de l'immeuble ainsi greré, il ne pent
êLre qoeslion ni de prescri ptioo de l'at:tion personnelle, ni
de prescription de l'aclion réelle hypothécaire dont le sort
csLin timément lié à la première. Mais qu'il vienne à vendre l'immeuble, l'acquérnur prescrira dès ce jour , avant
l'arriréede la condition, la propriélé libre de toute alTectation hypothécaire.
Cette conséquence, conforme aux précédents crëés par
l'ancien drl.lit, résulte, commtJ nous l'a\'ons déjà fa it remarquer, de la lettre même de notre article qui ne parle
que des droits personnels. Le tiers détenteur, bien que
condi tion11ellement tenu , ne se trouve pas dans les liens de
l'obligation personnelle. Pour 1ui , la prescription n'est pas
un moyen de se libérer. mai s nn moyen d'acquérir l'alîran chissemenL de son immeuble; comme il est étran11er à
l'obligation principale, on co nçoit très bien qu'il puisse
acquérir cet a!Tranchissement, pendan t le temps même où
la prescription est suspendue entre le créa ncier et le débiteur person nel. Au~si , l'ancien droit avait im agi né, comme
nous l'a\'ons vu , l'action en déclaration dï1ypothèque,
action par l<iquelle le créa ncier. sans conclu re au paiement
de la delle, ni au dëlais cment de l'héritane
demandait
0 '
que l'immeuble fût reconnn afTccté de l'hypothèq ue.
Celle acti on en déclara Lion 0 11 en inlerru pli on . comme
on l'appelai Laussi, ex iste-t-ellc enl'. Orl! aujourd 'hui ? Nous
n'hésitons pas a répondre a{füma1i,·ement, car 11ous en
trouvons la pl'eurn dans les arlicles 2 1i:) et 2 180 . Le
premier de ces deux article:; pr~\'o il le cas ou le Liers détenteur a été condamné en cette qualité i1 roconnaîlre
~
'·
203 -
l'obligation hypothécaire. N'est-ce pas dire que le créancier
peut l'assigner en reconnaissance de son droit.hypothécaire
conditionnel ' Le second autorise. en faveur du tiers détenlenr , la prescription de l'hypothèquHpar le temps réglé
pour la prescription de la propriété à son profit. Il ne dis·
tingue nullement si la créance est pure et simple ou conditionnelle. C'est la théorie dominante en doctrine (Troplong.
Marcadé. Le Roux de Bretagne, Aubry et Rau, Laurent),
La jurisprudence, au con traire, accuse une tendance
marquée à étendre aux droits réels le bénéfice de \'article 225i (Cassation. 4 mai 1846; 16 novembre 1~ 5i;
28 janvier 186 2 ; - Pau , 22 no\'embre 1856 ; - Besançon , 25 décemure 1855; - Agen, 22 juillet 1862) .
Elle se fonde sur les considérations su ivantes : la section
relati re anx causes de suspen ·ion est ~énérale. et, sauf
exception, elle doit embrasser tontes les presr,riptions.
L'artide 22 57 n'a pas pour but de sonstraire les droits
réels à. la règle qu'il éd i ~te . Le mot créance ilont il se sert
doit être en tendu loto senrn; il est synonyme de droit.
C'est ainsi que nous voyons l'article l 138 désigner. sous
le mot crean cier, une personne investie de droits réels. - D'ailleurs, l'article 2<
:Ui7 n'est qu'une application de la
maxime co11 1ra non ualcntem .. .. et la condition paralyse
également les actions personnelles et les actions réelles.
Enfin, aux termes de l'article 2244, l'interruption ne peut
résul ter que d'une citation on ju Lice, d'un commande·
ment , d'un e saisie, eL ces ùi,·crs moyens ne peuvent être
empl oyé$, pc1ule11tc ro11clitio11e, co ntre le Liers ùélenteur .
Nous ne réponùon· qu'un moL:1ces coosideraLions de
la juri sprudence, c'est que, si le titt1laire d'un droi l réel
�-
20/i- -
conditionnel ne peut procéder à l'encontre du tiers délcnteor par voie de délaissement. il peut très bien l'assigner
en ret:onnaissance de ses droits, comme nous l'avons dit
pins haot. et cette reconnais ance sera suffisante pour in terrompt·e la prescription qui peut le menaeer. 11 n'est
donc rJa" nécessaire de créer nne cause de suspension contraire à la lettre de l'arLicle 22157.
Entre ces deux opinions ab'oln es et opposées, est venu
se placer on système éd ectique. Il admet la su-pension,
quanJ les droits réels ont été con$entis par le débit eur. et
il l'écarte quand ces droits proviennent d'une ca use étran gère. par exemple, l'u, urpalion d'nn tiers. La raison qu'il
donne c'est que. dans ce dernier cas. l'usurpateur, par
exemple. n'a pas à se préoccuper des rapports qui existent
entre le créancier et le débiteur . Lanùis que. dans le premier cas. l'acquéreur est l'ayant cause du "endeur. et il est
dès lors so umis, comme lui , à la condition (Thésard ,
Revue critique. L. 53 , p. 385).
Cette distinction est purement arbitraire; rien ne la
justifie, ni le texte ni l'esprit de la loi. Nous la rejetons
donc pour nous en teni r au système qu e nous avons exposé le premier , à sarnir que l'article 2257 ne s'applique
pas am droits réels.
Nous opposera-t-on qu'a"ec notre système, l'ayant ca use
en arrirn a arnir plus de droits que son antenr? Il n'y a là
rien d'éton nant , puisqu e, après l'expiration ùes délais de la
prescription, ce n'est pas un droit à lui transmis pzr son
auteur qu'invoq ue le Liers détenteur pour repousser l'action
du créa n~ier cundi ti onu cl. mais un droit ;.1 lui propre. u11
-
205 -
droit non\leau, qui a pris naiss:ince dan sa personne, et
qui n'est, dès lors. soumis à aucune modalité.
Notre systèmt-, nous l'admettons même en matière de
substitution. Car, de nos jours, le caractère de la substitution a complètement changé: le motif politique et social
qui ex istait dans l'ancien droit, la conservation des biens
dans les fami lles ne se retrouve plus aujourd'hui. D'au tre
part, comme nom> en avons fait plusieurs foi la remarque,
il ne suffit pas qu 'une personne soit dans l'irnpo.sibiliré
d'agir pour créer en sa faveur one cause de suspension ,
il faut de plus un texte formel (art. ~251 ). Enfin. les
appelés ne sont pa. sans défen e, puisqu'ils ont auprès
d'eux un tuteur chargé, so11s are ponsabilité personnelle,
de rniller à leu r intérêt (Troplong, Duranton, Marcadê.
Le Roux de Bretagne. - Co111rn Grenier, Coin-Delisle.
Vazeille).
Faut-il admettre la même solution, lorsque les :ippelés
sont mineurs? Les uns admellent la négatirn en se basant
sur le prinôpe de la rétroactivité. de la condition et sur
l'article 2252 (Duranton. Marcaùé, Massé el Vergë).
Les autre se prononcent pour l'aflirmati\•e, p:irce que
l'article 2 2 52 n'a rien à faire ici. puisque le grevé est
propriétaire jusqu'à l'ouverture de la substitution ; c'est
Jonr. con tre lui P.t non contre l'appelé qu'a couru la prescription, à défaut J'actes d'interruption émanés soit du
gre,·é. soit du tuteur des appelés (Aubry el Rau. Le Roux
de Rretagne. Demolombe). C'est à celle .econde opiniou
que nous nous rallions, seulement nons repo1nons la
restriction que font ce, même auleuri,; pour le cas où le
ti('rs dêtc111on r e. t l'ayant cause du grevè. el, par consé-
�-
206 -
quent, d'après eux , possesseurs à titre précaire. Nous no
pensons pas que la prescription soil empêchée par le vice
tlu titre du tiers ùéltnleur qui tient ses _droilS du grevé. Ce
\'ice ne peut pas, en efîet. être assimi lé an r ice de précarité,
pu isque le grevé, quoique soumis à la condition de restituer les biens substitués, ne les possède pas m0ins en son
propre nom , pour son propre compte; il ne saurait, dès
lors. être rangé dans la classe des détenleurs précaires.
Allons plus loin , mêm&dans le ca · d'une vente faite par
un simp!e déteoteor précaire. le vice de précarité s'efface
par la transmission ~\ titre partictilier. Si donc l'acquéreur
est de mauvaise foi, il preserira par trente ans au lieu de
prescrire par dix ou vingt ans, mais on ne peut en conclure
que son titre est Yi cieux et s'oppose à toute prescription.
La eule exception qui existe à l'opinion que nous avons
ad optée, à savoir qu e l'article 2257 ne s'applique pas aux
droilS réels, est celle consacrée par l'article 966 ; • Le
donataire, ses hériti ers ou ayants cause, ou autres détenteurs de choses données , ne pourront opposer la prescription pour fairn valoir la donation révoquée par survenance d'enfant qu'après une pos5ession de trente années.
qui ne pourront commeneer à courir que du jou r de la
naissance du dernier enfant du donateur même posthume.
et ce. sans préjudice des interruptions, telles que de droit. •
Elle vient la confirmer, puisqu'elle déroge au droit commun , el quant au point de départ de la prescription el
quant il sa durée.
Nous terminons ce premier paragraphe, relatif à la condition, en faisant remarquer qu'il no faut pas con fondre
les droits conditionnels avec les droits éventuels. Les
- · 207 -
premiers ont une existence légale, la preuve en est
•
·
. .
que
creant.:1er cnod1twn11el peut faire Lous les actes conservatoires de son droit. avont l'arrivée de la condition. Les
seconds n_'ont pas d'ex istence légale, ils ne reposent que
sur une simple espérance, sui· une simple expectative. fi
n·est pas nécessaire de rechercher leur nature pour voir
sï ls sont ou 11on prcscript1ul es: car, réels ou personnels ,
la prescr iption ne peut les atteindre, puisquïls n'existent
p:ls.
1e
§ II. Terme (art . 2251) . -
L'article 225ï. paragraphe 2. porte que la prescription ne court pas à l'égard
d'une créance à jour fix e jusq•J'à ce que ce jonr soit arri vé. Les observa tions qt;e nous avons consacrées à la
condition s'appliquent L>galement au terme. aussi nou
bornons-nous il y rcn\'Oyer sans entrer dans de plus amples
détails . Nous itjouterons. cependan t, une double remarque:
tou t d'abord le jour dn term e appartient en enlier au débitcnr, la prescription ne commence donc il eourir que le
lendemain de l'échéa nce. En second lieu, i la delle e. t
payable en µlusienr. terme. , il y a. d'après la Cour de
ca sation . autant ùe prescriptions que d'échéances distin cte· (Cassation. 1ï aoùt 183 1). Toutefois, la Cour de
Colma r a jugé. et arec raison. que l'action du prix de
rc11te, payable par fraction. ne commença it à être prescrite. au profit de l'acquéreur. que du jour de l'expiration
du dernier Lerme (Colmar, 8 juillet 18/d ).
Telles sont les trois cla. ses de ca115e:; de suspen.ion
aù mi es par la législati on motlerno. Avcc elles . nous
nvons lini notre éllld c sur les cause ù'in lcrrurLion et de
. u ~ pen sinn de la presGripti ou en droit ci1•il.
�POSITIONS
DROIT ROMAIN
1. -
Le Postliminium appartient au droit des gens.
Le colonnat n'est pas une institution créée par
Constantin.
III. - La Restitutio itt integrum , obtenue par un mineur
de vingt-cinq ans contre une obligation par lui contractée laisse subsister une obligation naturelle.
1(. -
~ .
IV. -
Elle ne peut avoir lieu contre un mutuum contracté par un fils de famille sur l'ordre de son
père.
DROIT CIVIL
,,
l. -
La possession d'état prouve la filiation naturelle
tant à l'égard du père qu'à l'égard de la mère .
L'enfant naturel peul ètre adopté par son père ou
par sa mère qui l'a reconnu .
Hl . - L'enfant qui renonce ~1 la succession pour s'en
tenir aux. biens que le défunt lui a donnés ou légués
sans dispense de rapport. ne peut les retenir que
jusqu'à concurrence de la quotité disponible ordi-
li . -
naire.
�-
!10 -
IV. -- L'artide l 09'• fixe le maximum de la quotité
disponible entre époux.
y. - La femme. qui exerce ses reprises sur les biens de
la communauté, les exerce en qualité de créancier.
La dot mobilière est aliénable.
VI.
DROIT PÉNAL
-
Il.
La recommandation et le hénélice sont l'origine
de la féoda!ité .
Vu par le Doyen, clicvalier de la légion J'honneur,
président de la Thèse,
ALFRED .JOURDAN.
Vu et permis d'imprimer
L'action civile, née d'un crime ou d'un délit, se
prescrit par les mêmes délais que l'action publique,
alors même que celle action est portée devant les
tribunaux civils.
l. -
·.
Il. -
211 -
l e Rcctctff,
Che1 alier de la lrgion d'honneur,
.J. BOURGET.
Les indi1idus en farcur desquels l'am nistie a lieu
n ~ pe11vent pas renoncer à son bénéfice.
. •,
.•J
.; . DROIT MARITIME
~ .
,.
.:~., -
··W.
li . -
~,
Les cr~a-nÇiers chirographaires peuvent faire assurer
J.e .qavïf~ pour la garantie de leurs créa nces.
L'assurance des objets de contrebande à l'étranger
est \'alable.
Ill . -- Lorsqu'un armateur fait assurer de mauvaise foi
un na\'irc qui a péri , il tombe sons le coup de
l'article 405 du Code pénal relatif à l'escroquerie.
HlSTOIRE DU DROlT
1.
t 'ôrigine de la communau té entre époux se trouve
dans les commu nautés seniles ùu moyen âge.
Aix. -
lmp rimerio J . N1cvr, rul' du Louvrr, \ ti. -'!!5S~.
�
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Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Des causes d'interruption et de suspension de la prescription en matière civile : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Procédure civile
Droit romain
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Giraud d'Agay, Odon de
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-133
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1882
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/240425545
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-133_Odon_Causes_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
211 p.
21 cm
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/411
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Description
An account of the resource
Une analyse des raisons de la suspension de la prescription, moyen d'acquérir ou de se libérer, ou de son interruption, qui crée une nouvelle prescription. Une approche de la complexité des relations entre débiteurs et créanciers
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J. Nicot (Aix)
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1882
La prescription est un délai au-delà duquel une action civile ou pénale n’est plus recevable. Cette thèse s’intéresse à l’interruption ou à la suspension de délai, à l’époque classique romaine. Dans cette première partie, l’auteur distingue La suspension et l’interruption. La suspension est un délai qui vient arrêter la prescription de façon temporaire, et qui prend en compte le délai qui le précède cet obstacle. Tandis que l’interruption est l’arrêt définitif d’une prescription avant le commencement d’un nouveau délai de prescription. Il existe deux types d’interruption : celle naturelle et celle civile. Tout au long de la thèse, l’auteur cherche à étudier l’évolution de ces procédures. Quelles sont les mutations qu’elles ont connues de l’époque romaine classique jusqu’à la naissance du code civil, en passant par l’Ancien Régime ? Les trois parties de cette thèse répondent à cette question.
R&sumé Liantsoa Noronavalona
Prescription (droit) -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Procédure civile -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques