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UNIVERSITÉ DE FRANCE. -FACULTÉ DE DROIT D'AIX
THÈSE
POUR
LE DOCTORAT
PRtSENTtE ET SOUTENUE
PAR
HE NRI DELANGLADE
Avocat
ou Testament inofflcieux et de la légitime
EN DROIT ROMAIN
De la quotité disponible et de ta réseroe considérées dans leur
origine et leur nature
EN
DROIT
FRANÇAIS
MA RSE 1 LLE
TYPOGRAPHIE ET LITHOGHAPIIIE A~TOlNE ZARATIN
20, rue des Feuillants, 20
1884J
lllll lIll Ill l li lllll 111111111
100216449
�A LA ~IÉMOIRE DE MON FRÈRE
Albert
'
DELA~GLADE.
_\ MES P.\RENTS
�AVANT-PROPOS
Et dlolston du sujet
Le droit naturel veut qu'un propriétaire ait la liberté de
disposer g ratuitem e nt de ses biens en faveur de qui il lui plait,
par les diver s moyens que la loi met en son pou,oir, la donation
entre-Yifs e t le testa111ent. Eu effet, celui <)Ui a acq uis un
patrim oine pa r u n travail personnel, qui a gagné, par son
activité propre, et l'em ploi d e ses senles facultés. ce qu'il
po~sècle, ne saunit, s:.ins injustice, alo rs que la loi lui laisse la
propriété de ses biens, se voir dépouille, par cette même loi,
de l'attribut le plus n écessaire de la propriété, le droit de
disposition.
\ lais, si le d ro it natmel Ye ut i111pt:'rienseme11t true le propriétaire a it ce pom ·oir, ne laut-il i'as reconnaitre 1uïl
vf-'ut ::iussi <{ue les biens ail lent, antant 1yue pnssilile, iles p..!te
el 111cr e aux enf111t.;;, e t r1ue ceux-l'i 1ro u\·ent, d1ns le p:.i lrimoine
rie la fa m ill e, a u décè-; ri~ lenr<; 1uteurs, les res<;ources et les
taoyens nécessaires pn11 r cunsern·r h Yie ,qni leur a été ùonnée ·?
Ces deu x princ ipes. nppo"és Pl ~ ontraùil'loires, semblent s'exclure récipror1w•ment, et ce n'est pas l'une des moindres difücullés que renr nn trL' le législateur. que relie d e les lOJTI)Îner.
sans faire le sacrifice d 'ancun, de chercher e t dP saisir le point
�-
VI -
où ils pourront coexis ter, sans que ni l'un ni l'autre ait rien
perdu d'essentiel et de fonda m en tal. Ce qui ajoute à la difficulté des q uestions qne soulève cett e m a tièr e, c'est son cxtrt\rne
importance et !'in!1uence consiùérahle qu'elle doit nécessairem en t exercer s ur l'état social et p ol itique d'u n pays. Com me
le dit M. R agon: -. les lois sur les s uccessions et sur les clispo« sitions à titre gratuit sont deux a nses par lesquelles le légis-
Ja teur saisit la fam ille et la fac_·onne an g r é de sa polilique.1>
i nous consul tons sur ces gr:ives questions les législations
ci es peuples anciens, nous trouvons q ue ch ez les um·, c'est le
4
d roit de la famille q ui l'emporte. chez les autres, le droit de
tester. Pour ne parler qne !':es deux législations qu i sont les
sources de notre droit national , on Yoit à Rome, dans le droi t
primitif, la con~écralion d'une li berté testamentaire à peu près
sans bornes ; chez les germains, au contraire, on r0nstate que
la prédornin:tnce appartient à l:i famille, que le pouvoir de
disposition est inconnu.
C'est la législat ion testamen tai re de Rome et les restrictio ns
riui on t été snr·cessivement appo1 tées au d r oit de libre d isposition, ton! d"u ord r econnn au père de famille, qui feront l'objet
de cette premièr e partie ùe no tre tr:i.Yail.
Après aYoir con,taté que le pl\re de farnille 1~st le maitre de
son patrimoine <;iïl peut, ü sa guise, en règler la transmission, et que la loi pousse jnsqu·an scrupnle, le respect pour ses
dernières Yoluntés. nous r cn1·1rqnerons les Prwlent s et le Préteur
apporter des '.ldo11cissc111Pub au yieux clruit qui ri taire, mettre
une limite aux pouvoirs du pi.:re, el finalernent assurer par une
réforme généreuse et hardie, les droits de la famille si longtemps
sacriûés et méconnus.
On peut donc diviser en troif> périodes l'éturle ùe la Jégisla-
VII -
ion r om aine : L a p remièr e com mence à la 10 · d
D
l
es ouzes
Taules ! C'est la période rle la liberté absolue à pei·n t
·
.
.
.
,
e ernpf'rée
par J approbation des conuces, et plus tard, par la nécessité
d'une exhérédation expresse.
La seconde éporfltC <'Omprend les dern·
·
tt;res annees
de
la Hépublique et l'ernpfre jusr111'à Constant·
C'
·
·
m.
est a cette
époque que les g rands jnrisconsultes e~sayent tout en
respectant fa. lelf re de h loi
' ùe te in p..>..... rr µar d'"lfl<Yé0
nieu~es interp'.·étations, le pom·oir trop 1 isolu du i.ière da
famille. Ils fei::rnent
1111e le lH're • (lui
S"ris
t"f
· ·
•·
1
•
"
010 1 s serieux
exhérède ses enfants, 11\!sl pas s·d11 rl'esprit q 11 e so t l
'
·
·
,
. n es ament
ne peut proiluire aucun effet et c1uïl doit e·ti·e 1111·,:
· t
'
" ,1 nean
sur
la de1111111le de-; intéressés. l...'"!"fion rpiïls donnent à cett~ fin
~·appelle la q11ere/ti ·1u1/}',. ·osi f(·st1 111,11/i. Elle ne peut être
intentée que s i l'héritier n'a pas re1:11, p 1r ~cte de di>nJÏ,:.r~
volonté une cert1i11c purliun dP la sw·cession a/; nfestat, qu'on
•6
nomme la portion légitinw, 011 pltt s simpletnèllt la lé"ititne.
La troisiè111e période nous cond11ira de Const~ntin "'à .Justinien
et aux importantes réfon11cs introrl11ites p:!r cet ernperl'Ur tlans
l~ m:ltière de l:t 1111ereh d de h légili111e. L 1 plupart de œ
~tspositions nouvelles out l;t(• slli\ ies, ·~llli 'Jllel pies mudifica
lions 11é1·ess3ires
·
·
· • •• p·1 r 11 11 t t.l' a1w1e11
11ro1t, non-se11Jeme11t dans
les pws
du
r
·
l'
·
1
•
lltL 1, 111·11s 1 ·rns les p·1~ :-> 1·11t1ltnniers. oil le droit
ro111:ii11 ne c;er\··1
it tftt>1 11,'- t.lh•)ll
.. .
. .
Ces raisons suffisent
·
•
L'l'nle.
pour expliqtter et pr)ttr .insti!icr, les <lé\'ül ipperneuls qne 111.\Us
COllSil<:rerons à t'eL!e prerniûre élude.
�DROIT ROMAIN
�DROIT
ROMAIN
~
......... ~-
ire EPOQUE
Ub0rté du Tester. -
Nécessité de l'exhérédation.
--Si haut que l'on remonte dans le droit romain, oa y trouve
le testament, emprunté prol.Jable1uent aux grecs, à la suite
d'une mi _,ion des décemvirs chez ce peuple, relativement à la
rêdaction de la loi de::; Douzes Tables. Le testament est même,
à Rome, l'objet d'une préréren.:e et d'tme faveur qu'on ne
rencontre pas ~meurs. Ch'lcun con::;iJère. en quelque sorte,
commet 1 devoir, de faire l:t hli ,le "on hérédité, de règler, selon
ses vues personnelles, 1:1 h"rnsrnis..,ion lle son patrimoine et de
son culte domestique. La loi a cons~cré, dans une formule
singulièrement énergique, le droit a isolu du père de fandle,
en matière de dispos ition::; dernières : ,, uci legàss ·i super
1 pecunid, futeltlve 1mœ rei,
ita jus esto. '> (D T. l.
Donc. point d'entraves à la volonté d8$ défunts : Pour vu
�- 2-
.
que cette volonté se n1anifeste dans la forme légale, elle
sera respectée et exécutée, en 1l épit de tous les droits qu'elle
pourrait mécon1a1tre . U e~t aisé d'explir1uer 1'·1111011r des romains
pour le testament el pour la liberté de tester dont ils étaient si
jaloux. Le testateur voulait il, en elîel, donner un tuteur à ses
descendant~, faire un legs, ou un a(Jrancilissement qui n'eût
effet qu'à sa mort. Il ne le pouvait que s'il testait et instituait un
héritier. L'institution donnait seule vie à ces dispositions ; elle
était con~idérée comme, raput et (wirlamentum testamenti. En
second lieu , l'héritier légitime pouvait. moyennant un avantage
convenu, faire cession <le l'hérédité à un tiers, qui se trouvait
ainsi chargé de continuer les sacra priva ta du défunt, tandis que
l'héritier légitime y demeurait désormais étranger. Cettefacult é
de se décharger ùes sacra, n'était, au cout raire perlllise à
l'héritier testamentaire, que sïl répudiait l'hérédité, 111oyen
extrême dont-il était peu disposé i.l user, lorsque la s uccession
présentait plus de biens que de dettes. De là résulte que le pére
de famille, mourant intest1t. ne savait pas si ses sacra iraient
à celui que la loi lui donn<it pour héritier, ou à Loute autre
personne, peut-être indi:-rne et qui n'apportenit pa-> à ce culte
tout le soin désirahle, tan<lis que sïl lest'l it, il se donnait cette
suprême assurance, que ses sacra iraient à quelqu'un de son
choix, l:<lpable de remplir ùignernent les devoirs qui en résultaient pour lui.
A ces deux motifs, on peut ajouter que le testament fournissait au défunt un moyen d'échapper aux L·onséq11enœs déshonorantes de l'insoh·aliilité, il inslillnit un esclave, héritier
nécessaire, qui était obligé, en cette qualité, de subir la venle
des biens sub ha:Jtu. et de voir son nom figurer sur les colonnes
infamantes .
Juant à la liberté de tester, elle s'explique et se justifie par
les pouvoirs ahsolus ']lie la loi romaine donnait au père sur la
personne et les biens de ses enfants. Il ét.1it difficile, en eITet, en
présence d'une législat i 111 (flli organisait aussi rigoureusement
que le droit romain, la 1missance 1lu père, que la pensée vint de
poser des ùomes :-iu droit de disposition testamentaire, qui n'est
que le com:Jlément, et souvent, la sanction la plus etncace de
l'autorité paternelle.
A l'époque ou nous sommes encore, le père a sur ses enfants
sur ses esclaves, sur sa familia tout entière les droits les plu~
exorbitants, il peut leur laisser ou leur retirer la vie, c'est le
jus l'ifœ necùq11e ; il peut les abandonner, les vendre, les
donner ; les biens qu 'ils acquerent lui appartiennent souYerainement ; ils ne peuvent rien po-;sèder en propre: ipse qui in
poste.'!fate nosb·a est, nihil su11111 liaber~ potest. Cette forte et
puissante organisation qui faisait du père le roi et le justicier de
sa famille, avait, aux yeux des romains, une importance de
premier ordre pour la conservation ùes idées religieuses, des
fortunes, des mUJurs et des traditions nationales. Le législateur
n'était que log ique en permettant au père de disposer de ses
biens, de déshériter ses enfants. s'il lui convenait, de laisser son
patrimoine à celui, que!1J11'il fùt, que son affection, son intérèt,
le soin de sa mémoire, lui faisaient choisi 1· pour héritier.
M.is, on peut croire rrue, dans le très-ancien droit, ce pouvoir
trouvait une garantie dans les fo!'mes mêmes ùu teshment. En
effet, les curies et les Pontife-; deYaitmt inter\'enir, pour autoriser la transmi-;sion, telle que l'a\'ait règlee le testateur, ùe son
patri noine et de ses sacra. Or, cette intervention 11 'était pas
une pure formalité. Les curies pouvaient, sans aucw1 doute,
accepter ou rejeter, su r l'avis des Pontifes, les dispositions sou·
�-4mises à leur 3pprobation. 11 n'y a là rien qui doive nous étonner,
si nous nous l'appelons que le droit de propriété fut, à Rome,
une concession <le la puissante pnbli([tte.
Mais ce caractère de l'intervention des curies s'effaça de
bonne heure. Les inconvénients d'un testament qui ne pouvait
ètre fait que deux fois par an, se firen t sentir. De là, le testament
in procinctu: L'armée y jouait le rôle de simple témoin . Les
comices imitèrent évidemment l'armée, el ne furent, ùès lors,
autre chose, que <les témoi11s. Puis. on fit un pas nouveau. On
ge passa des cu.1üces et l'on iustitua le tes tament pe1· ces et
libra111. Avec cette forme, la volonté ùu tes tateur ne connaissait
aucune espèce d'entraves.
Cependant, il faut bien le dire, on ne tarda pas à constater les
dangers que présentait pour la fami lle cette trop g rande liberté
consacrée par la loi des Douzes Tables. Une réforme était nécessaire : elle Yint des Prudents el ùe la coutume. Considérant que,
par l'effet du droit de puissance sur les enfant s, ceux-ci ne
faisaient qu'un avec leur père, qne tou tes leurs acquisitions
allaient set:onfondre et se pet'<lre dans le patrim oine pa ternel,
les juriseonsultes l'Onclurenl ry11e les tils étaient héritiers Je
leur père du ,-iyant mème de celu i-l'i, t[llÏl existait r.ntre eux
et lui w1e sol'te de copropriété, et que ùb lors, sïl vonlait les
exclure de sa succession. il d .,·ait hire connaitre expressement
sa Yolonté ù cet égard ..\ussi, les enfants s appelent-ils fte,·edes
sui; à la 111ort ct11 pcre, ils a c11nit'.,reul llloins une propriété
nouYdle, qu'ils ne t:outinuenl une JH'1Jpri,.'.>té duul ils étaient Mjà
in\'estis, (quasi ro 1dir111rzt 11 nlomi1111111 . Le père, en co11séquence
de cette hmovation, doit les exhéré<ler forr 11elle111ent. ~lais,
poun·u qu'il prononce <.;ette exhérédation dans les formes
l égales, il reste libre de choisir son héritier et de lui laisser tous
ses biens.
C'était donc, comme on le voit une réforme ·
ffi
.
.
.
'
msu sante. On
a;outa1t une fo rmalité de plus et une formal' té t
" . à
•
•
'
1
res-1ac1le
remplir, a toutes celles que l:'l loi exigMit pour 1
f .
·
·
a per ection
des testaments; et, quoique l'exhérédation rep ât
.
.
os sur cette
idée for t;uste, que beaucoup d'hommes re<.;uJe11 t d
t •
. ,
. . .
.
.
evan 1aveu
publtc d une m1ust1ce, t1 ét::11t nécessaire de 1n 1·eu
·
x assurer 1es
droits de la fam ille. De plus, le défunt n'était tenu d'exhéréder
qu~ les héritiers siens, ou ceux que le préteur y avait assimilés.
Mais, la mère et les oscendants maternels, n'ayant pas d'héritiers
siens, les parents ùe cette catégo1'ie pouvaient impunément
omettre leurs descend'lnts. L'omission à leur égard valait
exhérédation et les privait des droits que leur aYaient reconnus
le senalus consults Orphilien et les constitutions impériales.
Pour tou tes ces raisons, il fallait une réforme plus sérieuse
et plus efficace. Elle résulta de l'institution de la querela
iuo(ficiosi testamenti, qui nous cond uit à la seconde époque.
2
�- 7-
DEUX TEl\.fE
E POQU E
Valentinien et Valens s uppriment absolument 1 d
('
e omes icum
j udicium pour les délits g raves. (1).
De ln llD de la fü\publiqun h Constantin,
SECTION 1.
De l'orig in e, d e la natur e, et des caract€r es
Plainte d'inofficiosité et légitime.
de la querela inoffiicios i tes t amenti.
Si l'exhérédation assurait, d'une façon imparfaite, iles droits
de la famille, la querela i noffiicisi testamen ti fut une réfor~e
sérieuse, efficace, el complète dans ses résultats . Avant d en
indiquer la nature et les caractères, il n 'est p as sans intérêt de
constater que, des le com mencement de cette p ériode, la p uissance paternelle reçoit des adoucissements et d es correctifs
qui coïncident a\·ec 11. 1m1teclion qu'on donne aux droits h éréditaires des enfants.
Le dro it de vie et de mort ne subsiste que p our le cas où le
p ère surprend sa fille mariée en fiagrant délit d'adultère (1).
Adrien punit de la rélég:llion un père qui ava it t ué son fils.
Alexandre sévere décide que le père ira devant les m agis trats
qui pourront réduire la peine, s'ils la jugent exces sive . (2)
Qu'est-ce rl'auord que le testa ment inofficieux. ~ c'est un
lest1ment régulier, ne hlessaut aucune des récries du droi t
0
,
mais contraire aux devoirs de hn;i.L11 re. rr est valable en droit ,
mais il est Yicieux. en ce qu'il dénote che;, le testateur l'oubli des
arTcrlious et des cl, \'oirs rfuc les liens tl11 sang commandent
En ù'autres termes, et pu111' p·1rler le h11g1ge des textes, nn.
pareil testan1ent viole l'ofliciu , 1 ;uelflti-'i. C'est ce que ~Iarcien
exprime trt!s-ex:i.cte111e11t !ni :2 D. de inoll. \'.) " Ncte q11 "dem
/ecit lesta,,ientu ,,, S< t 11011 e,. tJ '/icir; pit}ta. ·s. , Toutefois, les
Prudents n'osent p 1s 101Hler sur t:e seul motif h resci'ion du
testament. lis aur;i.ient 'li11si heurté trop diref'lement la liberté
absulue proclaU1ée p:i.1· la loi des Douzes Tables. Aussi, pour
trancher la difikulté, ils supposcreut que le testateur s'était
trouvé sous l'empire d un accès ùe folie au moment où il testait,
(l) D. ad Leg. Jul. XLVlll. V.
(2) C. - loi 3. de pal. pot. VIII, ~5 .
(1) code. loi 3. IX. 15.
�-8et qu'en consé<'{uence, le tec;t:unent pouvait être annulé, comme
ét·r nt rœuYre d'un fon. D1.n~ h lo i-! :rédtéc , -:-.ra r cien nous dit :
<l Hoc coloi·e de ioo/!i<'io.~o a1it 111·, r111a.~i non .sallœ mentis /i1e1·111d,
q1ciwi tesfmflet1U1111 01·dinm·e1d":
En effet, c'était lit un rnotil' s pécieu'\ , que le jmis consulte
qualifie, non s1 ns raison , de prélexte, color. La folie frappe
cel ui qui en est atteint d'une inca p'lciLé absol ue de tester. Tout
testament fait par un fou est nnl et ne saurait jamais produire
d'effet, tandis que la violation de l'offici11 11t ]Jietatis laisse au
testament sa force, jusqu'à ce que la rescis ion en soit prononcée
et quelquefois même, comme nous le verrons, ne l'annule pas
en entier.
L'action donnée s ur ce fondement pour attaquer le testament
inollkieux s'appelle h 'f11e1·elri 11iofficio.~i testa.menti. L'origine
de celle :iction a été l'objet rl e controverses entre les commentateurs anciens. ).ihis les interprètes rnoùernes du droit rom1.in
s'accordent généralement ü r econnaitre qu'elle est due, co mme
l'exhérédatio'.l, à l'initiative et à l'interprélation des Prudents,
Cujas, le premier enseigna CJ.Ue la pbinle clïn~fûciosité. éta~t à
tort consiùérée comme un e ins titution co utum1è1·e, mais quelle
dérivait d'une loi. li clonnail à. l'ap pui de cette opinion deux.
arguments : le premier est tiré <le l'inscription du fragment 4•
du titre de ino(fi.cioso a u Digeste : Ce fragment est extrait d'un
commentaire de Gaius ud !eqe111 9litia11i. En second lieu, Cujas
fais'.lil observer que J ustin ien, dans deux constitutions portées
à son code, p'lt'3.1t attribuer la 'l"erela à une loi, quand il dit ;
personœ quœ e.e prio1·ibus, e.r a11ti1uis /é11ibus , acfio11em de
ino/(icioso teslauienlo 11woe1·e potera11l. (1) Nous n'avons sur la loi
(1) lois 31. 32. code de inorr. t.esl.
-9 -
glitia, m en tionnée au Digeste. ··ucnn renseignemen qui pui"'se
fournir <Juelque l umière . 0:ous ne la conn1issoos p1.s autremen t,
ses <lispo-.;i1io11s et sn 1ht~ sont igno ré es. Quand aux loi!" auxquelles Jn-;Linicn ftit ·11111 ;ion, il n e.;t pas n1oi ns impossible de
rien swoir de préc is Pt !\ e st'lr. Tout r ésiste an sentiment de
Cujas . Une loi ne se serait-e lle pas exprimée impérativent '?
N'eùt el!e p1.'> prot:larnée, s11r le seul motif de b violation de
l'officiw11 1Jir-tati.<:, la nullité c\11 testament ?
Aurait-elle en besoin rlt' 1'1p 1 11yer sur des fictions.de recourir
à des expédients ? Les te,tes, en outioe. réfutent péremptoirement l'opinion rle Cujas. Justinien, au princip. du titre 18
li v. 11. des insli tuùes ilil: l 11r/11clo 11 est, 1d de ino!fi.cio.~o agere
possint. De mèrne, on lil au Digeste (loi 2. V 2.) !toc colore
agitw· quasi. etc.
Mais, si la911ereln: ne vient pas d'une loi , il est encore moins
possible de prétend e , comme l'ont fait M. Troplong et M.
Kœnigs Warler. qu'elle est d'origine préforienne. ~ul édit du
préteur ne !raite de ces m·1Lières. De plus, et c 'est là une raison
décisiYe, ln q11e1·ela ne hit point <le celui qui y triomphe. un
simple pos<>es e111· de biens, m 1is un Yéritable héritier. :N'ous
penso ns rlonc, a,·er h g1;n1;ralité des inti>rpètes que la querela
est l'œu\Te a peu pr··s e:-..clusive des jurisconsultes. de ce que
l'on appel le les Jfo1·es.
Il est plus dillidle de lixer \'époque encte d~ son intr oduction . On peut croi re qn'elle est anlèrieure à Cicéron, ou q ue
tout an moins le principe en ét lil déja posé à son époque , puisqu'il en fa it mentio n ùans son discours contre Verrés (1), et il
( l)lo Verrem 141. 1'2.
�-
-H-
tO -
résulte également de plusieurs passages de Valère Maxime (2)
qu'elle était connue el mise en usage au temps de Pompée et
d'Auguste.
La nature et le caractère juridique de la q11e1·ela sont ég1lement r objet de v1Yes con! roverscs . Un savant inler 1·rète holl:rndais, Vinnius, \ 1 consiùè re comme 11ne véritable pétition d'hérédité, produisant en fayeur de l'intéressé un d ouble résullat :
la réscision du testament inotncieux el la restitution de l'hérédité
à l'héritier légitime. a Dicam 1sse specie111 petitionis heredihtis,
a qud et testamenfu111 resci11di posflllatu1-, et simul viitdicalur
c hereditas, taaquam ad intestato delata >>. (3)Celte opinion est
rejetée par beaucoup.
Du temp de Vinnius on enseignait que la que1·ela n'était
qu'une action préparatoire à la pétition d'hérédité, et que l'héritier ad intestat devait, après avoir triomphé dans cette action,
intenterlape/itio heredifatis pour obtenir l'héréditè légitime.
La querela aurait joué, en celle malière, le même rôle que
l'action ad ezehibendl{/n, en malière de revendication. l\Iais, le
sentiment de Vinnius esl prél'~rahle, et le caractère quïl attribue à l'action de inolficioso paraitra incontestaùle, si l'on étudie
et interroge les textes relatif-; à ce point. Le juris consulte
Scœvola nous dit dans la loi 20 in fi11" (de ùio/Jirioso lest.)~ qui
c de inofficioso dicit, 1111l/a111 alia ,, actir)l1e111 q11a111 liereditafis
« petitione111 e:ce1·ce1·e debet 11 l:lpien, dans la loi -27, ~ 3, dil
également de celui qui entente la plainte d'ino!firiosité « /ac11ltates vindicat11. Paul, dans la loi 21, § 2, au même litre, quali-
('2) Dict. ract. memorab. Vl I. 7.
(3) Select. quœst. juria. lev. l. ch. XtX.
fiant le résulta t de cette action • s'ex.pr
· t'me a 1·ns1· .• « per eam
« he1·editas evincifur, et un texte de Tryphoninus porte plus
précisément encore >> (ad bereditatis pPfitionem admittend 11 s
est ex causà inofficiosi querelœ confra emancipatiun movendO").
La querela participe a ussi de l'action d'injures et reçoit l'application de principes p1.rliculiers à cette action. C'est qu'en
effet, le te<>ttlment inoffirieux. J1orteatteinte à l'honneur du iuerelans, en ce qu'il donne à s11pposer que son o uission ou son
exhérédation tiennent à son indignité et à son inconduite. Il
demande donc, en même temps que la reslit11tion de l'hérédité
la réparation publique de l'ofTense que le défunt lui a portée'.
Les textes prévoient d'intéressantes hypotheses sur lesquelles
lessolutions données ne peuvent s'expliquer que par l'analogie
de la querela avec l'acfio inj1aia1·11111. Ulpîen, dans la loi 8 pr.
suppose un filius familias oublié dans le testament de sa mère
ou d'un ascendant maternel. Cette omission vaut exhérédation
et autorise le fils à exercer la querela. :\Jais, Je père, à •iui doit,
en définitive, revenir l 'hérédite pourra-t-il. au nom de son f1ls,
et contre la volont1; de celui-ci, intenter l'action ? i\on, répond
Ulpien. citant l'opinion de Papinien, q11 'il approuve ex 1iressément
car l'injure est personnelle au f11s: /,Js111.~ Pnim ù1j111·ia es/.
.\illeurs, Tryphonin us (1) admet le fils à former sa plai nte
contre le testament de :;·1 mère, :ilors l!lême 11ue Je père. gratifié pur ce test1ment, refuse1 ·1it de l'attaquer . .\'n 11. dit en~ore
le .iuris consulte. ind 1/piat w /ilii est Lè llls n"1 d'autre int ··rè
dans ces espèces, à e:...erce r la 11 1e1·e/n, que celui de rereHiir
une satisfaction dés irée, car h succe--sion irl à son père, ou si
celui- ci n'en veut pas, à d'autres qu'au plaignant. Ce résultat,
(l ) loi 22 pr. Oig. de inotl'. V. 2.
�-
-
ft -
13 -
contraire à refîet relatif de la chose jugée, se produit dans
d'autrescirconstances sur lesquell es nons a urons à revenir plus
tard.
.\lais. ce qui montre, mienx encore, la ressemblance de la
querela ayec l'action <l'injures, ce sonl les d ivers modes d'ex.tinclion qu·on lui applique, et qui sont, pour ~a pluparl, empruntés à l'actio i11jurian1 m. Ces poinls seront aussi examinés en
leur lieu.
l'hypothèse d'un partage des juges, décide qu'il sera plus
équitable de mainlenir le testam ent, à moins que la sentence des
juges en faveur de l'héritier institué 11e c;oit évidemment inirrue.
Ces deux textes, en apparence opposés, penvent semble-t-il
'
se concilier, si l'on suppose que, ùans l'affaire plaidée par
Pline, les juges, après exa1 11en et r.onsidérant l'iniquité de
l'exhérédalion, avaient prononcP la rescision,quoiqueen principe
le partage dtit èlre favnrnble <111 testa tuent.
La querela inofficio.~i testnmenti, comme toutes les pétitions
d'hérédité, rentrait dans la compélt>ncedu tribun'\l centumvir'\ 1•
Ce tribun-ll, institu6e à une éporrue sans doute ancienne, mais
ignorée, deyait particulicrernent corm:utre de toutes les actions
en pétition d'hérédité ? Co i1111e11\ se cornposait-il ? Quand
siègeai!-il ? Comment fonctionnait-il ? >ions n·a,·ons sur ces
di,·ers points que Jes renseignements très-inc01nplets. Jous
s:ivons par une lettre de Pline tle Jeime, (1) dans !'\quelle il
raconte sa plaidoirie ùevant les een tnni iers, pour une fe10 Ille
de haute naissance, exhérédée par son père, que le Tribunal
se composait de 180 meml.Jres, diYisés en quatre chambres ou
sections, et que le j ugemeul était rendu conformément
il l'opinion de la majorité des section::;. Pline nous apprend
cependant que, vaincu devant t!cux rhambres du Tribunal.
il gagna néamoins son procès : (victa est noPercaJ. (2) C'est
dire que lorsque les centumYi l's se partageaient sur la
question, l'opinion qui se prononpit pour la rescision dn testament l'emportait définitivernent. Le partage était donc fayorable
au succès de la querela. Marcellus (3 ) au contraire, prévoyant
La compétence des rent11111 <irséhit-ell~ exclusive. en matiere
de pétition <l'hén:ù i lli ? nous ne le p111so11~ pas. La loi 8, p:lr. 16
dP ino I'. Diq., étalJlit clairement que les p·uties poll\·:lient, à
leur choix,porti>r leur phi1tl1> de\·:rnt le tri iun'll centunrriral 011
de\':lnt l'urw.r jlfdr>.r. L:t sentence, de cyuelque juriùiction qu'elle
émanât, était susceptible d'appel, el ."on appliquait probablement ici les règles générales sur l'appel (1).
)
_,..,...
(l) Epist. V. 21.
Epist. VJ-33 .
(3) Lt-1 10, princ. D. V. 2.
..
(:!)
(l) L<ii 29, pr. D. V.
~-
1111
~- pnr.
1.
l ~ >i 1~ pr. de appel. et re 1e. XI.D,
l.
�-ft-
-15-
parce que celui- ci, en supposant le fils décédé · t f t ,
. .
.
in es a , n eQt
pas recueilli le pécule J 1œe her·cdis rnais ;·ur·e
l "· J ·
·
'
pecu tt. . ust1nien consacra cette décision et l'étendit a u pécul
·
e quasi castrense. ( 1) .
SECTION II
Quels testaments pouvaient être attaqués
par la querela inofficiosi
testamenti ?
A qui
appartenait-elle et contre qui était-elle
intentée ?
Tout testament, quel qu'en soil l'auteur, est attaquable pour
cause dïnofficiosité, par certains héritiers ab intestat, dans
!"ordre de leur vocation, s'i ls ont été injustement exhérédés
ou omis. La seule exception à signaler a trait aux testaments
des militaires. A toutes les faveurs <lont ils joui.:;sent en matière
de dispositions de dernière volonté, la loi ajoute l'immunité de
la quuela. Lem testament est maintenu, alors même que leurs
propres enfauts, ég·tlement militaires, voudraient se prévaloir
de ce titre, pour ètrc admis a la q11erela. fais celle exception
ne s"applique que si le le1tateur meurt ü 1':1r1née ou dans
l'année de son rel i11r. (1) Les Yétèl'ans n'en bénéllcient pas,
alors même que to11s 11 urs biens proYiendnient d"acqu1silions
faite~ it !"armée.
Le testament fait p:i.r un fil.:; Je f:unille, militaire ou vétéran,
sur son pécule caslr'e11se, était à l'abri <le la rJl1a·ela de son père,
(1) Loi 27 p. ~. de iooffic. D. V. 'l Loi 9 Code de ir;olf. te ~t. Ill. 28
. L~s p~rsonnes ad.mises à exercer la 7uerela testament1• inof!icros1 pmsent te droit chns une \'Oc1tion à l'héré<lité léaitime ou
0
à la bonrll'u .1 possessir; sans hr1uelle elles n·
· t
'
aura1en aucun
inlérèt a conslester ù l'instiluê t
seraient pas appelées à. recueillir.
Ces personnes sont ;
1• Les descendants .
2° Les ascendants.
3· Certains collatéraux.
~ 1. -
me succession qu'elles ne
Dts descendants.
La querela inof!iciosi lestrunent i appartient, en premier lieu,
aux descendants, quelque soit leur degré, IJlle Je testateur a
injustement exhérl'rlés ou omis, et qu'il él"lit te11u, s 01 t par le
droit civil, soit p·w le droit p étorien, d'instituer ou d'exhéréder.
~fais, les dPscenll rnts eurent -ils tous, rlt•s le début. le droit de
critiquer le testament, on faut-il arimettre id fa 111arche et les
déreloppements que nous consl"ltons dans b théorie de rexhérédatio11 •?· c,
se"11
. 1 1l · 'ue p1r 11·r pus
1 e\act. p nm1tn·e. ..
~.... 1•l 110111
ment, rn elîet, le p ·re u \:t-tit lcnu d'exhél'éder que le enfants
héritiers s1·e1'"
· t -a-1
· 111·e
· ceu 11e_p
.. 11~ et ryui se trouvaient
,,, ces
sous sa puh:sance i1nméd iatJ. Pareille!nent, la 9u '1·ela ne dut
(I) Lois 2' et 37. Code do 1noll. test. Til. '18.
�-16 -
être d'abord instituée qu'en lenr faveur, et, cette opinion prend
w graud caractère de cer titnde, si l'on remarque que le droit
1
d'attaquer le test'\ment leur fut acconlé sur tout comme une
conséquence de leur ropropriëlé d'lns le palrirnoine de leur
père. ~fais, quand le d roit prétorien, éla rgiss'\nl le domaine du
droit civil, eùt obligé le testateur à exhéréder tous ses descendants per 111asc11los, qu'ils fussent ou non sous sa p nissance
immédiate, il n'était que logique et équitable d'étendre à ces
derniers le bénéfice de la rp1e1·ela i110f!iciosi testamenti. Car,
si leur droit ne se fondait pins sur la qu'llité <le copropriétaires,
il s'expliquait et se ju-,tift'lil par une considération plus haute,
à savoir que le père est tenu a lenr égard des mêmes devoirs
et des mêmes obligations qu'em·ers ceux soumis à la pafria
potestas. Auront donc, en \'ertu de ces règles, le droild'exercer
la que1·ela :
1° Les su1 heredes, qu' ils soient issus ex .fustis nuptiis ou
qu'ils ne se ratlachenl au défunt que par le lien de l'adoption.
Mais, Wle distinction est nécessai re , clans ce dernier cas. Si les
enfants adoptifs ne , 011t pas sortis de leur famille adop tive, au
moment de la mort du père naturel, c'est l 'aJoptant qui a le
dernir de les mstituer ou tle les exhéréder el c'est contre son
testament qnïls ont la 'l""''f'/n. ~ïls sont sortis de la famille
adoptiYe. ils penvent attaquer le testament du père naturel,
comme des enfants émancipés.
2· Les e,it'-rnts ! r .. e lateur a ém·mcipés.
:i" Les <'nf'l11ts 11 -. 0111·11111·us le lui , a\ant qn e lui-111ème fllt
émancipé ou clonué i>n adoption
-!° Ceux qu'il a eus l;tant i11 f"'otest dl" et que sonpère aéman
cipés en le retenant sous sa puissance.
5° Ceux conçus de son fil s déjà émancipé.
- t 7-
....Les11·enfan
. ·1ts• 111tme\s
. , i~r.;
.. t1 !t e.c r·onc11hma111, ont-ils la plarnte
u ' mo 1crn::.1 e contre le iesl·ltrieut Ü'
t. 1eut.s auteurs ? La fjuestion
n est
. pas • do • leu
•
ét:uerit
. ap,1
, elés
. a
.
Ses c nfants
1n mere.
. en cc qui concerne
· ·
s u1·rt'der ' d ·1Lord
1)a.
1
d
.
, . qui
1 e rmt pretor1en
'
P,
Ul
lem acco1da1l
la ùo1w1·11111
pos~es ..,io uwle co9nati, el pus
l
tar d,
.
..
par le :::,. C. .orph1lien
.
' qui leur assura la préfé rence sur les
agnats. Et .ce n éta ient
. pas senle111ent les enfants naturel s, né s
c1u concn binat11s, mais
les siiurii ou vu
. /!JO quœs1.f1,. Ga1us
.
.
le
remarqne e'pressement (1) qui eurent le droit d'att:tque r
par I~ que1·ela le. tesl~me11t maternel. ~lais, à l'égard du père
natu1 el, la question li esl pass~ns dilliculté. Ecartons t utd"abord
le cas oü il s'agit rie .~1 11rii. De te ls enfants sont réputés sans
père connu.
l\his. s'il s'ag'it crenf'lnts nés du concubin a,
t on
.
peut opmer que leur ad 1n iss.on au l.iénéfice de la quel'ela contre
le testament de leur père fut cuntemporaine des lois .Julia de
maritandis 01·di11ib11s et Pnppia Poppœa, qui reconnurent le
concubinat, au point de vue des avantages attachés à la paternité.
Les enfants eurent dès lors un pate1· certus , et le préteur les
appela à la bonorum possessio unde cognati. Comme conséquence de cette vocation ab intestat, ils durent poU\·oir sans
doute exercer la quei·ela contre le testament du père qui les
omettait ou les exhéréllait injustement. Constantin et Justinien
apportl.rentencette matière des innovations que nous étudierons
en leur lieu,
La plainte <lïnotlicinsilé appartenait aux posthumes comme
aux enfants nés du YiYanl du test'lteur (:?). Cette déci ion ne
présen' il aucune diftlculté. toutes les fois qu'il s'agissait de
posthumes héritiers siens. l\lais, si nous supposons un posthume
(1) Gains. Loi 2. \.~X VlII. 8 unde cogu.
(1) Loi 6 priJl. D. '2. de in off. test. V. ~.
�- i8 ·-
on rencontt.e une obi.· ection que préYoit un tex.te d'Ulpien
ex e~ne,
t d "t le i·uriscons ulte, le pos thume externe pour( 1) Commen · 1
·
·t d'
, 1
.
'
l ~' lesta leur ne pouva1 ' apr es e
· ·1
plaindre
pu lsque
rait-l .s~ .~ . '.
.,, lté ri-llle r. ? Il reproch eraitàsonascendroit civil, t ms titne1 ou 1l
.
.
f
.
·t
·e
})as
mort
s·ms
lesta111enl.
l\la1s,
il
ne
p
eut
ordant de n e 1
.
t·
>- l'
.
•
.
.
c:.u·
ce
sel'<.Ut
l'e
usee
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ascenmuler une paretlle a ccusa 110 11 , ' '
.
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1
.
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l
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tesl·üenravailcd
te
/acf10.
l:l
p1
en
d'mt la /acti o Lesfallle11 1 e t:
•
.
'é
.
.
.
•
,,
.
.
e
posthume
p
eut
se
plamrlre
de
l ams1 a 1 OuJeC 11011. 1,
.
r pon.c
'lé 1
·11st1"lt1é Car insl1lué, le prêteur lui <lonna1t,
n'avoir pas L
•
'
'éd" t
avant sa na1.ssan ce , une J)OSsession de biens en
. vertu·11 cle. l l
.
de celltl'e in 11osNe.<;s1011e·11
111·11e11 rio ' el ' une fois né, l lll accor. $CCllll i/11111 wbulas. C"en est assez pour
dait la bo11on1111 jJO.<;SCNSIO
t ,
autoriser le posthu111e c;.;.lerne à exercer la q11etela.
de la
6• Enfin parllli les descendants, son t a<1nlis ü l'exercice
.
'
inollicio.~i
tcsff1111ent1. ceux.
qu ·i s onl oin is. par ull ascenl
dant a uquel" la loi n'impose pas de l es .ms t ttuer ou de es
q11el·ela
exhéréder.
Dans cette catécrorie, se p incent ceux. q l li sont omis par la
D
mère par un ascendant
ma lernel <l e l' un ou <le l'autre
,
.sex. er'.ou
par u~e ascendante paternelle. A peine est- il besoin de ;1r:
. . . ... ·
an
obser' e1 q111c1 le défunt exhérèderait \'aine111ent son descen
.
et ne
Cette exliérèdation équiYaudt"Ul ü une simple o1111ss1on
1
.
.
·.
.
l
1
ilroit
dï
1tenter
saurait pri' er celui qui en est 11 '.lppe < l
tt a
, ·l Si l'on accorde la 711e1·cla ·111x descendrtnts de ce e
quell a.
.
.
l'onde'
classe, ce n'est pas sui· b copropriété rle fa1n1lle q1 1 on 1,1 .
·s sur l'identité <le.,, cle,oi1·s que la n'.llure impose a tout
mru
d t
ascendant, et des droits qu'elle accorde à tout descen an .
(1) Loi 6 princ. ino[. test. V. 'l.
§. Il. - D e8 Ascendants.
La querela appartient a ux a scendants iujustement omis
dans le testament de leu rs descendants. Pour comprendre qu'un
ascendant attaque le tes tament <le son descendant, il faut nécessairement s upposer ce de rnier .<mi juris, ou bien né e,P co11cubinatu où vuLoo quœsitus. Si non, il n 'aurait pas pu faire de
testament, à moins qu'il n 'eût un pécule caslreruJe ou qua~i
castrense. Mais, il a relativement à ces sortes de biens une
liberté absolue.
Le p ère naturel, d1mt le lien est rendu certain par le concubinait, la m è re naturelle, dans les cas où le sénatus consulte
Tertullien l'appelle à la succession de son fils, peuvent aussi
critiquer le testament de leurs enfants.
A quel fondement rattacher cette faculté que la loi reconnait
aux ascendants ? rous ayons obse1Té que les descendants, en
régie générale, puisent, dans une eopropriété commune, le
droit d'exercer la querela contre le testament de leurs ascendants. Faut-il reprodu ire ici la même id ée ·?Nous ne le pensons
pas, bien qu'en matière de s uccession prétorienne ou trouve un
texte du Digeste, tit. IX , liv. XXX VnT, qui p~raisse admettre,
d'une façon générale, une copropriété réciproque entre les
ascendants et les descendants. i\1ais ce texte ne ùoit pas ètre
transportée dans la matiere qui nous occupe. La coprnpriété
qu'il proclame a pour but de faire accorùer aux ascendants et
descendants qu i demandent une bo11ol'ltm po.~sess10 un délai
plus lo.lg que s'il s'agissait de tout autre successible. Aussi,
semble t-il plus nai d'expliquer le droit des ascendants à la
querela par le motif déjà invoqué, à savoir, une réciprocité de
devoirs et de droits que fait naitre le bien qui unit ces personnea
�-20-
entre elles. C'est ce qu'exprime Papinien, dans lu loi 15, au titre
de inotficiow, don t le princip. esl aiusi conçu : « Nam etsi
(( pa1·entibus no1i debefllr /iliornm heredilas, tu1·bato tamen
41 ordine mortaldatis, non minus pa1·entibus quam libe1·is, pié
• relinqui debet. »
§. III. -
Des F?·ères et sœu1·s.
La dernière classe de personnes qui peuvent intenter la querela
est celle des frères et sœurs du défunt. Mais, nous rencontrons
ici des règles spéciales sur lesquelles il importe de donner
quelques explications.
D'abord, ce ne sont pas les frères et sœurs quelconques, mais
seulement ceux qui sont consanguins que la loi autorise a critiquer le testament du de cujus. Dans son sens ordinaire, cett e
expression désigne tous les descendants issus du même père.
Ici, elle prend u ne signification plus technique. L es frères et
sœurs consanguins sont ceux. qui, non seulem ent sont nés du
même père, mais qui sont restés agnats . L e mot consanguinei
eut ce sens propre durant toute l'époque classique.
Donc, le frère ou la sœur qui, du vivant du défunt, sera sorti
de la famille par l'adoption ou l'émancipation et n' y sera pas
rentré, ou dont le bien d'agnation aura été brisé par quelque
autre évènement, ne sera pas admis à intenter la querela.
En second lieu, les frères et sœurs, ne peuvent pas comme les
descendants et ascendants, attaquer le testament d ans tous les
cas et quelque soit !'institué que le de cujus leur ait préféré,
il faut, en efTet, que cet institué soit une persona turpis. par
exemple, un individu atteint par l'infamie, ou une personne
dont Z:exi8tima,io ne serait pas integra. Une com;titution de
Constantin qui forme !a loi 27 au Code, liv. In. tit
28
que d'une façon précise les trois degrès d'altératio . , ~a~
malio: q si scri1)ti he,.edes in(arriiœ vel t
.
_n_de l existi'
m-pitudims vel l .
« notœ maculà adsper(I udur ».
,
evis
Cette nécessité de l'i nstitution d'
une personne vile f t 11
introduite par Constantin ou bien . t .
u -e e
.
.
'
ex1s ait-elle déjà à l'é 0
classique ? C est une question fort a!lité
P que
. .
.
o
e. 0 ntrouve,auDigeste
<l eux· t ex tes ou
11 est fait allusion, c tt
..
.
. ._ e e condition. L 'un d'Ul
p1en forme la loi 2-1, au litre de . /fi .
.
.
.
rno cioso, l autre de Paul
tonne la 10 1 31 par. 1 a u même titre UI .
.. .
à"
. . .
.
p1en parle d institués
wersi J uns. Paul dit que l:l. qu'lrté d
. . .
•
L
es 111s t1tues n'est pas à
considérer, lorsqu'il s'agit de la (l
l d d
'JUere a es escendants ou des
ascendants. Ces textés paraissent bien formel.:; ~é
.
savant roma . t M D
. . • 'lmoms, un
ms e, . ucaurroy estime qu'ils ont ét .. t
et
·
b.
e m erpol<!s
que c est ien Const·mlin qui le premier a
.
condition à l'
·
mis cette
p .
exercice de la querela par les frères et sœurs (1)
oth1er, et a_vec .lui le plus grand nombre des auteurs, esti1~ent
que Constantrn na fait sur ce point que confirme
l
le dro 't
é ·
r e consacrer
. 1 an t neur. Un passage de Valère-:\1axime ('>) où est
~ne~lionnée cette nécessité d'une qu1lité défavorable~chez l
1nstttués p
b·
es
rouve ien, ce semble, que tel était le droit reçu dès
1e commencement de J'empire.
Reste à nous dem~rnder la raison de la préférence reconnue
aux fréres e t sœur'
,
.
,
s con-:;'lnguui5. Le':> 111~e 1 ll's conjecturent
qu on la fonda sur
.· . ·
. .
un pt mc1pe que n1J11s avons déjà rencontré :
celui d une co 1.
..
.
P opn eté commune. En effet, le biens du dé fun
avaient été la
.
··
'
cop1 opnelé de ses frêrès et sœurs, lorsqu'ils se
(ll tome 1. n. 649. note 6.
l~).Memorab. 2. VlI. VIll. ~.
3
�-
'22 -
- 23 -
trouvaient tous avec lui sous la puissance du m ême auteu:. Si
. t'10n est \Taie • et l'on ne saurait contester qu .elle
celte exp 11ca
est assez ra t .lO nne ' le ' nous comprendrons aisément pourquoi les
~ "U'"
la n11erela
étaien t les fré res et
seu1s co11atcr,,
"'"...,,d 111 is 'ù exercer
·
i
sœurs consanguins. Car, ceux-là seulement pouvaient Mre
considérés comme ayant eté copropriétaires des biens du défunt
à l'époque oü ils étaient placés sous une puissance c~mmune .
Les frêres et sœurs utérins, nés de la même mère, mais non du
même père, échappaient à cette puissance, et il n'était pas
possible, dès lors, de faire intervenir en leur faveur la même
idée de coprpopriélé.
Nous ayons dit que la quercla inofficiosi testamenfi appartient
aux successibles que nous venons de passer en revue, darls
l'ordre de leur vocation héréditaire à la succession ab intestat.
Mais, si le premier en ligne renonc<i à la querela on oe peut
l'intenter, le droit d'exercer cette actio11 passera-i-il à celui qui
le suit immédiatement dans l'ordre des successions ab intestat ?
cette question avait élé, au dire de Paul, controversée entr e les
j urisconsultes. Mais, l'opinion favorable à la dévolution de la
querela l'avait emporté : « si is qui ab111ittiiU1' ad accusationem
c nolif ant non passif accusa1·e, an sequeris ad1aittahn·, vivendum
a est? et placuit posse ; ut fiat success onni locus' l). 11 La loi 14,à
notre titre, fDi;;. v.:.?), préYoit une espèce où ce principe reçoit
son application. Voici Je cas : Un père émancipe son fils et
retient en sa puissance son petit-fils, issu du fils éinancipé. Ce
dernier a plus tard un autre fils, et meurt, après avoir exhérédé
ses ùeux enfants, et omis son père. Les fils intentent la querela.
(1) Loi 31, pr . D. de iuoff. V. 2.
S'ils y succombent, le pèr e peut, à son tour, exercer l'action et
attaquer le testament.
Voilà des textes q ui sem blent lever tout doute sur la transmissibilité de 1~ querela au x héritiers des ordres subséquents,
quand ceux qu i figurent au premier rang ne l'intentent pas ou
l'iutentent sans succès.
On a cependant con testé cette solution, et Ion a prétendu,sur
la foi d'une constitution oü Justinien s'attribue le mérite d'avoir
établi la dévolution de la querela, que cette innovation était
véritablement l'œuvre de cet empereur.
Cette constitution est h loi a4 au code.III.28.J ustinien suppose
un fils exhérédé, le petit fils issu de ce fils omis, et un hérithier
externe institué. Si le fils meurt après son père sans avoir
intenté ou manifesté l'intention d'intenter la querela « nulla
hércditatis petitione ex nomine de ino!ficiosiconstituta vel p1·œpa1·ata » le petit-füs, serait, d'apr.::s le droit antérieur à Justinien, privé de tout secours « omne adjutm·ium ne potem dereliquit. >>
L'empereur s'émeut de cet état de choses et il décide que le
fils transmettra dans tous les cas, la plainte d'inofficiosilé au
petit-ftls.
A première vue, ce texte est en opposition manifeste avec les
décisions précitées de P1pinien et de Paul. Nous ne pensons pas
toutefois , que Justinien ait introduit dans cette matière une
réforme aussi radicale qu'il l'a/lirme, et nous nous rallions à la
concili:.üion propusée p·lr Vinniius ( 1) et Pothier (2), et généralement suivie par les interprètes du droit romain. Paul et
(1) Selectœ qÙœsliones. 4 liv. 1 ch. XX, t liv.
(2) P111dect. in nov. ord. Ill. ad lit. de inofficioso te11.
�-
24. -
Papinien supposent que l'héritier de l'ordre subséquent intente
une action qui lui est personnelle, et ne prétend pas à exercer
celle qui app-rten·lit 3 l'h(•ritier qui l'l'xrl uait. Dans la constitution de Justmkn, nt1 C• ntraire, il s'agit de la querela personnelle au fils , et c'est t:clte qur1·Pla que l'empereur décl:lre transmissible au petit-fils. l\Iais, ùès l'clpoque classique, le petit-fils
pouvait intenter, en son nom, la quere/a contre le testament de
l'aïeul. L'innovation de Justinien n'aurait donc d'autre avantage
true celui de la célérité et de l'écouomie. Ce qui donne une
vrande vraisemblance à cette explication, c'est que le texte de
;usti1ùen suppose, que dans l'action intentée par le petit-fils, le
débat portera sur l'appréciation de la conduite du fils : 11 Et
" si non heres apertissimis probatiom'.bus ostenderit ingratwn
t palrem ne polis cÏl'ca testatorem fuisse. »
Il nous reste, pour terminer cette section, à dire brièvement
contre quelles personnes était dirigée la que1·ela ino,'!ciosi testamenti. En principe général, elle etait dirigée contre l'héritier
institué. Mais il pouvait arriver, dans quelques hypothèses
exceptionnelles, que d'autres personnes fussent soumises à cette
action. Exemple : Un père a émancipé son fils contracta fidiiciosà : Celui-ci meurt, laissant une fille qu'il exhérède etsonpère
quïl omet. Le père demande et ol.iticnt la bonorum possessio
contra tabulas. Puis, la fille exhérérlée, intente la que1·ela et
triomphe. Elle doita1:5ir contre son grand'père, héritier ab intestat,
qu'elle dépouille de la b'bnorum 1;ossessio. Ainsi encore, si l'on
suppose que l'héritier institué a été chargé de remettre l'hérédité à un fidéicommissaire, la plainte d'inofüciosité, sera dirigée
contre ce dernier seul, ou contre ce dernier et !'institué, si le
fideicommis ne comprenait pas toute l'hérédité (1).
- !5 Mais les léga taires et les fidéicommissaires à titre particulier
ne sont pas par ties dans l'instance en inofficiosité. Pourtant
comme les dispositions dont ils sont gratifiés, recevron t nn~
atteinte par suite de la resçision du testament, ils sont adinis
à intervenir an procès et à sauvrgarder leurs droits, en démontrant que les d ernières volontés du testateur ne sont pas contraires à l'o(ficium pietatis, ils peuvent même faire appel du
jugement, s'il leur est défavorable (2).
SECTION III.
Quelles étaient les conditions d 'exer cice d e la
quer ela inofficiosi t estament!?
De la quarte légitime et de sa détermination.
La querela, nous l'avons dit, repose sur une fiction d'insanité
du testateur. L 'héritier légitime, omis ou exhérédé, prétend
que les dispositions du défunt, contraires aux devoirs que le
liens du sang lui imposaient, n'ont pu être faites que sous
l'empire d'une folie accidentelle on momentrlnée. Cette fiction
montre suffisatnment que l'action de ino/fiicioso est un secours
extrême, 1 une ressource dernière et extraordinaire qui ne
( 1) Loi t Cod..,, dl! in.off. te1t. Ill. 28.
(2) D. loi 14 princip. de appel et rcleg. XIIX. t.
�-- !6 --
sera accordée que si le plaignant ne trouve, soit dans le droit
civil, soit dans la législation prétorienne, aucune autre voie
pour arriver à tout ou p'l1'lie de l'hérécl ité.
Cette acti0n, en outre, est offensante pour le testateur. Car,
elle inflige une flétrissure à s :1 mémoire, d,ms le cas où le
jugement reconnait qu'il a inj ustement exhérédé ou omis ses
successibles et qu'il a violé à le11r égard ses devoirs les p lus
importants. Voilà pourquoi el le n'est admise qu'à dëfaut de
tout autre moyen, comme tdfimum su bsidium. l Si nullo
« alio jure ad dé/uncti bona venire poss1mt, de ino(ficioso
« a9ere possunt, disent les institutes, au titre de ino(ficioso. »
Qu'on suppose, par exemple, un fils émancipé, omis dans
le testament de son père. La querela lui est refusée . parce qu ïl
trouve dans la bonorum possessio contra tabulas une protection
snffisamment efficace. (1) De même, une fille ou un petit-fils
passés sous silence, n'ont, pour faire reconnaître leurs droits,
qu'à se prévaloir du jus accrescendi sp écialemeut créé pour eux
par le droit civil.
Mais si ces divers successibles ont été écartés pa r une exhérédation réguli ère, ils peuvent recourir à la querela: car, ils
n'ont pas d'a utre voie povr obtenir l'héréd ité.
Ainsi encore, l'adrogé impubère qui est exhérédé par l'adrogeant, est privé de la querela, parce qu'on lui accorde la qual'le
Antonine, quï l réclame par une action (amiliœ e1·cisc11 ndœ
utilis. (2) Au contraire, celui qui est simplement omis dans le
testament de sa mère ou d'un ascendant auquel ne le ra ttachent
que les liens de la cognation, peut intenter la plainte dïnoffi( 1) Paul. loi 23. de ino[. Dig.
(2) loi 2 p. 1. Dig Cami!. escise. X. 2.
-
27 -
ciosité, parce que, dans ce cas, le droit civil considère le testament comme valable, et le préteur n'accorde pas, comme
lantôt, la bon01·1un possessio contra tabulas.
Cette première concliti in de l'admissibili té de la que1·ela, ne
subit qu·une exception , indiq.iée par Ulpien, dans la loi 8 par.
1. au titre de ino,'ficioso . Le j ut·is consulte suppose que l'héritier
Jmis ou exhérédé, peut, en dehors de la quuela, attaquer le
.estament pour diverses raisons, et par exemple, parce qu'il
est ruptwn ou irrituni. Il semble qu'il doit choisir cette dernière
''oie, et que la querela doit lui être refusée. Il n'en est rien
:ependant. Le s uceessible a le choix entre ces divers moyens.
On peut se demander le motif de cette dérogation à la règle
(énérale. Car le jurisconsulte donne sa décision s'ans l'accomµgner d'aucw1e explication. Ce motif nous paraît être dans les
r•sultats ditiérents des actions ici ouvertes à l'héritier. Le testanent déclaré 1·uptwn ou in·itum est mis à néant dans toutes
ss dispositions. Au contraire, le testament rescindé comme
inifficieux, laisse s ubsis ter certaines di positions, ainsi que nous
le rerrons, lorsque nous étudierons les efiets de l'admission ou
durejet de la querela.
1
la seconde condition requise par la loi pour l'exercice de la
qu,.ela testamenti ino/ficiosi, est l'injustice de l'omission ou de
l'eXlérédation de l'héritier naturel. L'actionde inofjicioso n'était
pafüne action de droit strict. Les diverses juridictions qui, sui1•a1. les époques , furentappelées à en connaitre, jouissaient d'un
µovoir d'appréciation des µlus étendus. Les centumYirs, comme
l'111Us judex, ou le procuralo1· Cœsm·is, devaient rechercher si
le faignant, par sa cond uite envers le défun t, n'avait pas mérité
l'et lusion dont il était frappé. Si donc, il s'ét1it attiré par des
tort graves, une semblabl e punition, il n'y avait pa$ eu à son
�- 28 -
. 1a i·ton del'ol''(icium
pietatis et sa demande était rejetée.
é 0aal'd VlO
11
imméritée ?
Mais, quand y a ura t -il omission ou
. exhérédation
.
.
C'était là une question, dont l'apprëc11t1on était, n ous . ve~ons cte
.
du juge. Toutefois, il faut
le dire,
a b an donnée à l'arbitr·1ire
•
.
reconnaitre que les textes p sent déj:\ quelques règle~ à ce. sujet
de "rrrrtvilé
<JUe deYaient réulllr
les actes
el tr1cen l l es r. al'"lCl·'res
· c
'
.
d'inconduite ou d'mgT'1lil11<le pvtlr j11sti ier l'exclus10n du réclamant.
Et d'abord, il n'y a p1s injustice, si l'exhérédation peu~ s'expliquer , non par un sentiment de haine pour l'enfant, mais par
son intérèt bien compris: • Afulti non nolœ causd. exheredant
" filios, dit Ulpien, nec ut eis obsint, sed ut eis consula~t (u1
11 puta impuberibus) ;
eisque fideicommissan heredi_taten
dant. ( l) : D Tryphoninus, dans un te.\ te qui forme la 10116 r
2. au titre de cumt. furi. Suppose que le père d'un fil s fou o
prodigue exhérède ce fils et institue héritiers ses petits-?ls, e1
ayant soin de laisser a 1 premier de quoi suffire à son exrntenc1.
Dans ce cas encore, l'ex.hérédation ne saurait être cons1dérie
com me injuste .
<{
Quelques constitu ions avaient aussi, bien avant JustiniE'l 1
déclaré quïl y avai t juste cause d 'exhé rédation des enfants pr
les parents dans les espèces suivantes :
1° Si les enfants apportent des obstacles au droit de teser
de leurs parents.
2"Si un fils a pris volontairen1ent l::t p:-ofession de lutter,
(arenat·ias). C'est un juste m0tif d'e xclu::;ion, amoins que le pre
ne soit de même condition.
(1 ) loi, 18. liv. XXVIII. tit. 11 delib. etpost.
-29 -
a· Si la fille du testateur mène une vie dissolue. (1)
Les justes ca uses d'omission des parents par les enfants
n'étaient pas non p lus déterminées par des textes précis et se
trouvaient confiées à la sagesse et1u pou1'oir d'appréciation des
juges. Il existe cependant un rescrit de Constantin , (2) qui prévoit l'hypothè::.e d'une mère ex.héredée par son ~nfan t et déclare
valable cette ex.hérédatio11 : « Si tamer mater, inhonestis facfù
a mac11inationib11s, insidiis que filiwnobsedit, ut in.imicapotius
« quam m ate1· crederetu1·. 11 On voit que ce texte ne pose pas
précisément, même p0ur l'espcce qui en fait l'objet, une règle
fixe et précise, e t laisse encore aux juges une grande latitude
d'appréciation.
En était-il de même pour les frères et sœurs ?
Pouvaient-ils, p ar des torts graves envers le défunt, se voir
privé d'attaquer le tes tament qui leur préférait des turpes per1011œ. ? Les textes qui ont trait à cette condition de l'admissibilité de la querela supposent tous en j eu des descendants ou
des ascendants : d'où l'on pourrait conclure que les frères et
sœurs auraient to11jours, quelques écarts que le testateur pùt
leur reprocher, triomphé contre des institués dont l'existimnatio
ne serait pas integra.
Mais, cette opinion est peu admissible, lorsqu'on retlléchit
qu'elle ferait, en somme, aux frères et sœurs, une situation
meilleure qu'aux autres successibles qui ont la querela, alors
que la loi tend, à l'inverse, à restreindre leur droit d'agir, puisque le seul grief qu'elle les autorise à formuler contre le test1ment est une prœlatio contumeliosa..
(1) lois 23. li. 19. au code. Ill. 28 do iooff. lest.
~) loi 28. code. III. 28. de inofi'. test.
�-
- St -
30 -
Il est donc plus que probable que les frères et sœurs, comme
les ascendants et les descendants . peuve!1t, dès cette époque,
perdre par w1e inconduite jus tifiée, le droit de critiquer le testament qui leur préférait des personnes viles.
Pour que la plainte d'inofilciosité fùt écartée, fallait-if que les
faits dïngratitude ou dïndignilé reprochés au demandeur lui
fussent personnels ? La questio11 ne peut être résolue, pour
l'époque où nous sommes, d'une unniére sùre et catégorique.
Il faut admettre que le juge pouvait, dans certains cas, opposer au fils les ectes d'inconduite du père, sans que toutefois, il
dût leur attribuer la mème force que s'il les opp osait au père
lui-même.
Cela résulte d'un texte d'Ulpien qui a donné lieu à quelques
difficultés. Jl s'agit delaloi 35 p. 5.liv. XXXVIII,tit. IV(de bon.
poss. c. t.) Le jurisconsulte suppose un petit-fils né dim fils
émancipé, leqnel, après s'être marié contrairement aux volontés
de son père, prédécède. L'aïeul meurt ensuite. Le petit-fils
peut demander et obtenir la possession des biens de l'aïeul. La
condition déshonorante de sa mère ne saurait le priver de ce
droit, d'autant que l'aïeul pouvait l'exhé réder. Et Ulpien finit
en disant : c Nec minus in hoc nepote is qui de inofficioso cogm·« turus est mérita ne polis quam delicta patris eius perpendet.1>
Certaines éditions du Digeste portent et minus au lieu de la
négation nec minus. Mais, même en supposant que le vrai
texte est celui qui admet les mots nec niùius, il fautreconnaltre
qu'Ulpien veut absolument qu' il soit tenu compte des torts du
père pour appréc!er l'exhérédation du fils . Il se faisait sans
doute à cet ébard une espèce de compensation des mérites et de
la bonne conduite de l'un et des torts dont l'autre s'était rendu
coupable.
Nous devrions pour terminer ce qui a t .t
..
..
rai à cette dette
deux1eme cond1t1on requise pour exerce
b
.
r va1a lement la
querela, examiner une question de preuve q · 'él ·
u1 s eve tout naturellement dans les rapports de l'ins ti tuè et du
quere1ans. Mais
nous croyons préférable de nous en occuper l
.
. .
• orsque, arrivé à
la tro1s1ème é poque , nous étudierons les innovat·
·
wns de Justinien dans notre malieee.
Enfin, il faut, pour que la querela a 0 1·t ad ·
..
. .
•
mise, que l'héritier natu rel n ait pas reçu du défunt par institution
par legs, ou par une di..,posilion de dernière volant~
quelconque, le quart de la portion héréditaire u'il aurait
si le défunt n'eut pas testé. La fixation d! cette quotné ne fut.pa~ contemporaine de l'introduction de la querela, et,
dans le principe, les centumvirs étaient s an ~ doute juges de la
part que le testateur devait laisser à s on héritier pour que le
testament ne p~t pas être considéré comme inofficieux. Puis
vers la fin de la République, en l'an 714 de Rome, une loi ou
plutôt un plébiscite fut voté qui décidait que tout héritier
institué, étranger ou p'trent, ne pourrait être grevé de legs
que pour les trnis qu'lrh de l'hé rédité, et qu'il devait, en
conséquence, retenir toujour, un quart pour lui. Cette loi
appelée loi Falcidia, remédiait à un état de choses fâcheux. L:
défunt ins tituait un héritier, puis absorbait en divers legs toute
sa succession. L'héritier, dépourvu d'intérêt à a ccepter une
succession dont il nedeYait retirerqu'unavantage tr~ médiocre
(propter nullum a1it minimum lucrum) répudiait cette succession et faisait ainsi tomber les legs et toutes les dispositions
du testament.
r.~cueil!ie,
Après deux tentatives insuffisantes, la loi Falcidia apporta
un remède efficace en autorisant l'héritier, comme nous l'avons
�-
32 -
dit à faire sur les legs la retenue du quart, ou ce qui manquait
'
au quart, dettes payées.
l\ous pensons que l' idée d'une cert..'line portion qui devait être
laissée à l'héritier naturel pour r excl ure de la q11erela, fut le
produit d'une interpré tation extensive de la loi Falcidia. Cette
portion, qui est du quart, fut portée à cette quotité parle motif
que l"héritier exhéréùé ou omis ne sanraitavoir un droit plus fort
que l'héritier institué. Or, lïnstitué n'avait droit qu'au quart, en
vertu de la loi Falcidie. L'exhérédé aura droit, de même, au
quart, et une foi3nanti de ce quart, il ne peut plus prétendre
que le testament est inofficieux.
1
Que la quarte falcidie ait servi de type à la quarte légitim e,
c'est ce que des textes nombreux. mettent absolument hors de
doute.
Ulpien (loi 8 p . 9 Dig. de inoff. ) l'appelle quarte Falcidie.
Les empereurs Arcadius et Honorius, dans la loi 5 par . 3 et
5 au code livre 9 tit. 8 (ad leg Jul. maj.) lui donnent la même
dénomination: et Justinien, dans la loi 31 au code (de ino(fic.
lest.) dit de même, quarte Falcidie pour quarte légitime. Nous
verrons, en outre, l'analogie de la quarte légitime, avec la quarte
Falcidie s'accuser jusqu'à l'évidence dans la fa çon même suivant
laquelle le calcul de ces deux quartes doit être fait.
C'est, très-probablement, aux Prudents qu'il faut attribuer
l'introduction de la qu'lrte légitime, comme c'est à eux que
revient l'honneur d'avoir établi la q11e1·ela ino(ficiosi testamenfi.
Cujas commit donc une erreur en p ensant qu'elle avait été
introduite par t\hrc-Aurèle. Pline le Jeune, qui écriva it sous
Trajan, dit en etTet : a S u/fice1·e tibi debet, si , exheredatus a
<.:
matre, quar tam partem ex her·editate ejus accipias ! ( 1)
(1) Epi1t. V. 1.
-
33 -
C'est avec beauco up de raison que les jurisconsultes ont
fuurni, p1r cette introduction cte la qua rte légitimr', un moyen au
lest1te11r de <lis:io-; ·r de ses biens, seJ,,n se::> vue:;, tout en Sltisfaisant :ul\: ùevPir~~ T t .:! l!li i 1po-;1;1lt Je.,; lien 3 <lu s:llJrr. La
0
quei·ela, en effet, d\;p'l-sa iL le h.it Elle 11 • 111., ·t a· .·e
•
·
•
"1
1 1 11
mom;:;,
nous le verrons, que h rescision du tes t,tJ n ent et l..i. res itution de
l'hérédi té entière à l'héritier naturel. C'était là du m ·
1
,
oins, a
règle générale. On ne respectait a ucunedes dernièresvolontés du
défunt.
Mais, la légitime conciliait heureusement la liberté testamentaire avec les droits de la famille et de la nature, et Paul (1)
met en relief ce but de la légitime, en disant :
c
" Quartœ po1·tionis portio liberis prœstanda est, ut ab ino(ficiosi querela excludant ur. •
Ainsi, la légitime laissée par un acte de dernière volonté
suffit pour écarter la plaiute d'inofficiosité. Elle doit être laissé~
dans l'ordre de leur vocation à la succession ad intestat : p aux
descendants. 2° aux ascendants. 3° aux. frères et sœurs.
Ces notions générales indiquées, nous avons à voir s ur cette
import:rnte m atière :
1• Quels légitimaires sont comptés dour le calcul de la
légitime;
2•Sur quels biens elle se calcule et à quel titre elle doit être
laiss~e;
3• Les déductions qu'elle comporte ;
4° Les charges dont elle est grevée ;
5• L'action en supplément.
(1) Sent. liv. IV . tit. V. p. 6.
�-
-
34 -
~ 1. _ Quels légitimait-es sont comptés pout' le calcul
de la légitime.
La légitime, avons-nous dit, est une portion de ce qui aurait
été recnei.lli par le successible, si le testateur fùt décédé intestat.
Ce n'e!:l pas une part de toute l'hél'Mité. C'est une part de la
part ab intestat : portio porlionis ab inlestalo debitœ.
Mais. parmi les succes$ibles appelés à recueillir cette part,
quels sont ceux qu'ils est nécessaire de compter pour le calcul
de la légitime ? Nous touchons ici à un point de notre sujet
fécond en questions et qui donne naissance aux difficultés les
plus délicates et les plus graYes. Si nous nous plaçons tout
d'abord, dans l'hypothèse ordinaire, celle où la légitime est dùe
a ux descendants, nous devons tenir compte de l'ordre, du degré
et du nombre des légitimaires. Comment, dans ce cas, se fe ra
le calcul ? il faut, d'après les textes, faire une distinction :
Les descendants sont-ils tous au premier degré, le calcul
s'opère par têtes ; sont-ils à des drgrés plus éloignés, il s'opère
par souches. Telle est la régie que nous indique Ulpien, (1) et
que commandaient également la raison et l'équité : « Si sint
et e:r; filiis duobus nepoies; ex uno plures, tres put a, ex alte1·0,
a unus: unicum sesc1tncia; unum x illis senwncia que1·ela
u exludit. > Le premier, qui est seul, aura une on ;e et demie
soit 3 '24.. ; chacun des trois autres aura une demie once.
ensemLle une once et demie, ou 3 2 t••.
Mais si, parmi les de-;cend'l.nts, l'un renonce à la querela,
doit-il, être compté pour le calcul de la légitime ?
Ici nait la difliculté.
(1) loi 8 p. 8 ou fine. Dig. de inoll. V. 2.
35 -
Il impor te, avant de l'aborder, d'indiquer les hypothèses qui
sont hors de toute controverse. Or , on ne saurait contester qu'il
fa ut faire figure r dans le calcul 1• les enfants institués héritiers·
2" ceux qu i ont été à torl éc'lrtés et qui exercent la querela;
3° Les exhérédés aux.quel.:; le testateur a hissé leur légitime.
T ous ces suci;essibles font certainement nombre et part pour
le calcul de la légitime.
Mais, quid de ceux qui ont été valablement exhérédés ? ils
ne doivent pas êlre comptés. C'est encore Ulpien qui pose formellement ce principe (e:r:heredatus 1wo morfuo habetur.)
Mais si l'hérilier, qui a été exhérédé injustement et qui a droit
.
à la q11erela, renonce à ce droit, faut-il néamoins le comprendre
d'lns le calcul 14e la légiti ne 1 C'est 1:1 gr:mde question de la
comput:llion des légitim:i.ires, question qui app'lrait en droit
romain, pour se perpétuer à travers les àge::; de notre législation, qui a été ardemment et passionnément débattue par nos
auteurs coutumiers, et qui aujourd'hui encore, divise gravement
les j urisconsultes et la doctrine.
L'intérêt du dé bat est, en eITel, considcrable. Si le renonçant
est compté, s'il fait nombre et part, la légilime des autres sera
moins forLe, l'accr oissement n'ay·rnt pas lieu, et le bénéfice de
cette absence sera pour l'ins itué, dont la part haéditaire grossira d'autant. Au< ontraire, si le renonnnt n\~st pas compté, la
l égitime de chacun des autres se trouvera augmentée de la
pan que le r enonç;rnt eùt recueillie, sïl eô.t arcepté. l'lpieu,
dans le texte cité plus haut, la loi 8 p. 8 de notre titre, se pose
la question et y répond amnn1.ti\·ement , en npport·ml l'opinion
conforme de Papinien. Ce texte, à raison de son importance,
doit être cité tout entier; « Q11oniam atliem quarta debitœ
• portionis su/ficit ad excludendam querelam, oidendum
�-
36 -
" erdan exheredatus partem (aciat, qui non queritur: ut p1tta
" su,nus duo filii exheredati f et ufique partem faciet, ut
,, P ctpinia ws re,1µondit, e' si d ·c,1,n inofficiosiun, non lola1ti
et lte;·editate 1i debeo, sed dimidia n 1e1<.:rc. l>
1
C1pien décide donc que le renonça.nt doit ètre compté e t
enlève une p1rt à ceux avec lesq11els il est appalé.
La légitime nous apparait ainsi aYec nn cwac ère disjonctif et
indiYiduPl ; elle appartient personnellement aux ayan ts droit,
et les évènements poster:eurs, comme une renonciation, sont
sans inl1uence sur cette fixation de la part de cl11cun.
Maintenant, il faut justifier, en fait et en droit, cette absence
d'accroissement dans la légitime. En fait, rien de plus raisonnable que cette règle, si nous nous rappelons que le testateur
deYait laisser à clnque enfant S'l légi time entière, s'il voulait
préserver ses dispositions dernières de la plainte dïnofficiosité.
Or, il a.rait pleinem ent satisfait a ce devoir, en la issant à chacun
des légitima.ires sa portion calculée en égard à tous les appelés.
Ceux-ci ne pouvaient se plaindre, sous le prétexte que la part
de l'un d'entre eux, se t rouvant libre pour cause de renonciation ou d'exhérédation va lable,devait accroitre à la part qu'ils
recueillaient pour leur compte. Le défunt pouvait-il savoit que
de pareils eYène ments se produiraient après sa mort? et, si l'on
avait admis, que ces évenements modifieraient la légitime qu'il
avait assignée à chacun, il n'étura. t jam·lis pu être sùr qu'il leur
laissait assez et que son testameC1t érhapperail à la que1·ela.
L 'absence d'accroissement s'explique et se justifie, en théorie,
par le prin ·ipe, que, le plus souvent, la légitime n'était vas
recueillie à titre héréditaire. L'héritier était celui que le testa,,.
teur avait institué., Appelé à la totalité du patrimoine, il avait
la oharge des légitimes, qui en étaient comme des délibations
-
37 -
particuli~re.s, e~ .qui pouvaient être laissées à un autre titre
que celm d hénlier, pourvu que ce fut par un
t d
·
ace ermére
volonté. La légitime ne comporte donc pas l'accroissement.Cela
résulte j us qu'à l'évidence du texte précité d'Ul ·
L
·
. . .
.
p1en. a ques t10n
serait ams1 facilement réso lue si nous n'avi'ons
1
'
, sur a même
matiere,d'autres textes, qui, renfermant des solutions contraires
à celle que nous enseigne Uipien, constituent ou semblent constituerune véritable antimon ie avec la doctrine de ce dernier. Il y
a d'~bord un texte de Papinien qui forme la loi 16. (Dig
de inof!'. test. V. 2). L'espèce suivante y est prévue: Un fils a
intenté la quere/a inof!lciosi teslamenti contre son frère institué
dans le testament de la mère commune, et a réussi. Si une fille
del~ même mère n'a pas exercé l'action dont elle était nantie,
ou 1a exercée ultérieurement et a succombé, elle ne concourt
pas avec son frère dans la succession légitime. C'est dire qu'il
Ya au profit de ce dernie!' un accroissement de la part répudiée
ou perdue par la fille.
Un texte de Paul, la loi 17 princip. au mème titre, dit expressement: « Qui 1·,opudianfis ani"nw non i-enit ad accusatio11em,
« Jiat·te·n
r. · ·t 1 ·
1
non 1 acz ms 'Jlll t>a111dem que,.elam movere volunt. »
Enfin, la loi 23 § 2 au même titre est plus formelle encore :
t Si duo sin( fiL1·1· er 11 , d t ·
t
b J ·
·
· ,, er e a 1, e a111 o c!e uw(f!.cwso testa• mento eoe"ll
1 11 t et
t
. .
,
un us pos ea con8fd11d non agere, pm·s eju.q
' alteri adcre~ ·1 . · 1
·
.
· c1 , 1c. emq11e er1t et s1 femµore exclusus sit ~.
Ces trois textes, ainsi que nous le disions, admettent, contrairement à la loi 8 § 8, l'accroissement dans la querela et comme
conséquen
. .' '
ce, ne permettenl pas de compl~r celui qui n'y prend
pas part. Il semble donc qu'il y ait, entre ces divers textes,
contradiction et antinomie.
4
�-3t-:-
p
atTiYer à une conciliation qui ne supprime aucune de
our
ces opinions, il importe de nous bien fixer sur la nature des
hypotbëses prévues par ch acune d es lois
. précitées. Là est la
dHficulté ; mais, là aussi en est la solution.
.
.
Les tex.tes que nous aYons ex.aminés, en dermer h eu, suppo' ent des léo'itimail'es que le testateur a injustement et absoluexclu: de s a succession, et a uxquels il ne reste d'autre
.
. l eur droit héréditaire,
que. la que1·ela
moyen, pour exercei
.
inofficiosi testa11ienti. ~lais, pour des ra1s~ns diverses, ces
.. .
léoitJmaires
re fusen t de r ecourir à cette voie extl'ême ou y
"'
t sans succès · L'un ' p ar exemple, craint de manquer,
recouren
du
en ag1.ssant a·nsi
1 , au respect dû aux. dernières volontés
.
défunt. (repudiantis animo non venit ad accusatwnem). Un
t
dans l'espéce prévue par la loi 16, intente la que1·ela,
au re,
b . · E fi
mais ne réussit pas à établir sa demande : non o li.nui~'. ~ n,
comme le suppose la loi 23 § 2, de plusieurs lég1t1 ma1rcs
avant exercé la que1·ela, l'un se dés!ste ultérieurement de son
a~tion. (ambo egerunt, unus postea constituù non a[Jere.)
Da ns ces divers cas, les légilimaires agi ssl~nt ou ne peuvent
agir que par la quuela ino(ficiosi_ testamenti. Or, la que1·el~
est une petùio hereditatzs, qui appartient à tous les ayants dr01t
conjointement et pour le tout. On comprend, en etie.t, que la
vocation héréditaire à une succession est toujours mtégrnle,
solidaire, et que si l'un des appelés n'y arrive pas, la part des
autl'es, s'accroit d'autant, et même comprend le tout, si le nomb re des appelés se trouva réduit à un.
~ent
Il éta it donc logique que, dans ces hypothèses, la par t de
ceux qui renoncent à la querela ou qui y succombent, accrût à
ceux qui réussissent dans leur demande, qu'il y eût, à leur
-
39 -
profit, accroissement, ou mieux non- décroisc:ement, puisqu'ils
avaient vocation à ces parts répudiées ou perdues.
Tout autre est l'espèce que prévoit Ulpien dans la loi 8,
par. 8. Il suppose un enfant exhérédé, mais pourvu de sa légitime, et dès lors, irrecevable à exercer la querela. Qu'il renonce
à l'action, ou qu' il l'exerce et y succombe, il reste vrai qu'il
étaitexclu de la qiterela , c'est à dire cle la petitio hereditatis,
puisqu'il avait reçu le quart de sa portion ab intestat : quarta
quœ su(ficit ad excludendam querelam . Il n 'avait donc aucune
vocation héréditaire à la querela. Il était à cet égard, dans la
même situation qu'un enfant jus tement exhérédé: et, il était
privé de la petitio hered itatis au profit de l 'instité, qui prenait
son lieu et place, conformément d'ailleurs aux vues du défunt,
dans l'excédent de sa pa r t héréditaire sur sa légitime. En consé
quence, il n'y avait pas li eu de parler d 'accroissement en faveur
des autres légitimaires, appelés exclusivement à leur part,
comme Je renonçant n'avait de vocation qu'à la sienne. ~fois,
ce renonçant a dû être comptë, faire nombre, partem (acel'e,
pour la s upputation <le la légime, quisqu'il recueillait sa part
en vértn du testament même.
Le texte d ' Ulpien qui nous occupe suppose que le légitimaire,
pourvu de sa légitime, renonce à la querela ou l'intente et y
succombe. Mais nous pouvons prévoir le cas où l'enfant rennnL'e
même à la légitime q ue le défunt lui a h issée. Qu'advient-il de
cette part répudiée par l 'enfant renon1:ant ? Restera-t-elle,
comme dans le cas précédenl, aux maius de !'institué~ Ira-t-elle
grossir !a part ùes autres enfan ts exerçant avec succès la
qnerela, ou la part d es a u l res légitimait'es ? elle restera à
!'institué. Chargé de fournir a u renonçant sa légitime, c'est lui
�- H
--Ill-
qui doit profiter de la renonci~1tion. comme il profiterait de toute
ch:irge qui cesserait de lui incomber. Les autres enfants qui
exercent la que~·cla el y réussissent n'y sauraient prétend re,
parce qnïl n'y a pas entre eu:-;. et le renonçant le fondement
nécessaire ü !°accroissement, je veux dire une vocation conjointe;
et les autres légitimaires n'y ont point droit par une raison que
nous avons déja indiquée ; c'est que la légitime à l'époque oü
nons sommes, c'est à Jire à l'époque tles jurisconsultes, est
attribuée à chaque enfant individuellement, distributivement,
tandis que la qaerela apparlientaux ayants droit collectivement
et solidairement.
Telles sont les distinctions délicates, mais nécessaires, qu'appellent tous ces textes, il faut le reconnaitre, un peu dis cordants.
Elles sont généralement adoptées par les plus savants commentateurs. Yinnius, (1) entre autres, nous dit : il faut absolument distinguer, sur cette matière, entre la querela qui comporte
l'accroissement et la légitime laissée qui ne le comporte pas .
Nous croyons utile de résumer, en quelques mots, les développements auxquels a donné lieu cette double et difficile question de la computation des enfant$ et de l'accroissement.
Doivent d'abord être comptés :
a. les enfants institués héritiers ;
b. les enfants indûment exhérédés et exerçant la que rel a ;
c. les enfants exhérédés, mais pourvu de leur légitime p ar le
père;
Doivent être négligés :
(1) Quœsl. select. 1. 21.
~
a. Ceux qu i son t valablement
b
Q 'ù ·
ex érédés
u1 ' si quelques-uns renoncent .
d. ·.
b S' . . '
. on istmooue.
0
· agit-Il
d enfan ts ind L:i ment exhél'édé
·
.
ayant droit à la quer·cla .
s,
sans
légitime el
. 1e ur part accro ·t à
.
.
'
comme eux' droit à la n• , l
l
ceux
qui
avaient
·1•tere a pour
1 .
.
,
sont les principes que l'o
.
exc uswn imméritée. Ce
1
" . .
n app ique dans la
··
c, S ag1 t- tl d'un enfant J·u L
petitw hereditatis
. ..
s ement exclu
.
.
.
legitime : Comme il n'a p -. l
' mais qm reçoit sa
a:s a querela • b ·
yrenonce. L'accrois sement n' r ' c est ien vainement qu'il
d
a ieu pour per~on
gar e cc qui excède la part héréd.t .
"' ne . L'institué
.
1 aire de cet e f
u
1
est
dû
pour
sa
léofüm
R
n ant sur ce qui
1
"'
e. enonce-t-il à s l ' . .
fice de cette renonciation est
,. . a eg1tirn e. Le béné1 lé . .
pour 1 mstitué p· 1
.
e g1t1maire n'est app lé
. .
' ar e motif, que
e conJomtement ·
enfants exerçant la querel
.
m avec les autres
a, m aYec les au tres l . ·1·
Les règles que nous Ye110 d'
ns exposer s '
r eg1 imaires.
dants, dans l'ordre o . ·1
,
app iquent aux. ascenu i s sont appelés à 1
.
et aux frères et sœurs d
1
a success10n ab intestat
r
' a ns es cas prévus et
wns requises par la loi pour qu'ils
sous les condila querela .
p uissent exercer utilement
89
SN · -
s w· quels
b1·cns se calcule la l
egn·t me. elle doit être laissée:
A quel tifre
te grand principe en cette marè
défunt doit être co '. dé ,
I re, es t que le patrimoine du
ns1 ' l'e Lei qu'il
.
sa mort . '
t.
s e comporte au moment de
III 28) L. iw1· is tempo1·e ins1Jicitu1·. (Loi 6 code d,., ,· , . t
· · a léait"
... no , . est.
b
ime se calcule sur les biens qui appa rt·iennent
.
à
�•
-
42 -
.
Ondy
cette epoque
au testateur et qui forment s a, succession.
.
comprend aussi. t ou tes les choses qui fond l obJet de legs,
. e
.
.
t
ê
de
donations
à
cause
de
mort. Ces biens,
fidé1comnns, e m me
dan.::
le
patrimoine
du
défunt
au moment
en etret se trouven t ,
.
.
e c'est à ce moment seulement, que les
de son 'decès,
pu1squ
.
.
fidéicommissaires
ou donalatres acquièrent
s ur ces
Jcgata1res,
. .
.
d
·o·t
définifif.
Sur
la
masse
ams1
composée,
1
mêmes biens un 1
.
on détermine en en prenant le quart, la valeur de la portion
h:gitime.
.
'I
.
'01·t
que
pour
le
calcul
de
cette
masse,
on
néghge
un
i' ais on '
,
.
·
t 1·mpoi·tant ' uous voulons parler de la <lonat10n entre
e: l emen
Yifs. Le droit romain n·en a tenu, pendant longtemps., aucun
co mp t e, et la liquidation des successions, la format10n..des
uiasses herédl.t·" ires pour le calcul des légitimes se sont opcrees
. .
sans cons1"dérat 1·0n aucu ne des libéralites, minimes ou cons1derables, que le testateur avait pu faire de son Yivant.
.
Cette règle s'expliquait, spécialement dans notre matière par
le principe que les biens donnés entre vifs ont cessé d'appartenir au défunt, et qu'il s ne peuYent, en conséquence, entrer
dans la masse sur laquelle les légitimaires auront action, pour
exercer leur droit héréditaire. Mais, il est aisé d'apercevoir l~s
dano-ers sérieux qu'elle présentait. Le testateur qui voulait
éch:pper à Ja querela, épuisait tout ou presque tout son patrimoine en donations entre vifs et dépouillait de la sorte ses
M ritiers naturels, tout en les instituant, ou m ême sans se donner la peine de tester.
Cette situation appelait un remède. Une loi fut votée en l'an
550, appelée loi Cincia, du nom du tribun Cincius Alim entus.
Elle contenait diverses dispositions qui avaient pour butd'assu-
-43 -
rer et de garantir la libre volonté du donateur. On peut les
résumer ainsi :
D'abord, elle fixait un certain taux , aujourd'hui inconnu, que
les donations ne pouvaient dépasser, sous peine d'être frappées
d'une sanction que nous allons ind iquer. Certaines personnes
étaient exceptées de cette prohibition, leur énumération se
trouve dans les § § 298-::!09 des fragmenta vaticana.
Les dispositions de la loi Ci11cia, qu'Ulpien range au nombre
des leges imperfectœ, éta ient très-sages, mais en fait, apportaient un secours souvent inefficace aux intérêts qu'elles voulaient protéger. La sancti on qui atteignait les donations dépassant le modus ou faites à des personœ non exceptœ, n'était pas
la nullité, même pour l'excédent. Lorsque le donataire agissait
pour l'exécution de la donation, le donateur le repoussait par
une exception, dite exceptio leoi·s Cindœ. l\fais s'il arrivait que
la donation avait été complètement exécutée, si le donataire
n'avait pas besoin d'agir pour obtenir l'objet de la libéra lité, la
donation produisait ses effets et la loi Cinda était ainsi violée.
Cette loi apportait donc un faible remède à la situation que nous
avons signalée relativement à la plë1inte d'inofficiosité.
Un rescrit de l'empereur Alexandre sévère, que Paul nous
rapporte au Digeste, ( 1) prrta atteinte, d'une façon plus sérieuse
et plus efficace, aux donations entre vifs en faveur de la légitime.
L'hypothèse sur laquelle fut rendu, le rescrit est celle-ci : Une
areule avait fait à son petit-fils des donations qui épuisaient son
pürimoine, dans le but, paraît-il , d'éluder la quer·ela qu'un
autre enfant aurait eue, s i l'acte par lequel elle gratifiait le
(1) loi 87 p. 3 de Jegat. 2. XXXl.
�-
44 -
petit- fils eûtété un testament. L'empereur répo1~d , dans son
rescrit, que cette donation peut être attaquée et r evoquée pour
moitié, sïls appa rait qu'elle est frauduleuse. Dès lors, le~ ~a.n a
tions comme les testaments purent èlre attaqués par les he1·1 t1ers
dépouillés. Les biens donnés entre-vifs, comme les biens exist:rnts au décès, figurèrent réellement ou flctiYement, dam; la
masse sur laquelle dut se calculer la légit ime. Il y eut la q11e1·ela
ino(ffr:iosœ donationis, comme il y aYait la que1·ela ino/fic~osi
testa menti, el un titre entier du Code est consacré à la plainle
d'inofficiosité appliquée aux donations enlre-vifs !III. 29).
De nombreuses questions s'élèvent sur cette matière des
donations inofficieuses. D'abord, dans quels cas, l'action accC'l'dée par Alexandre séYère était-elle utile au légitimaire ? Dans
tous les cas où il n'avait aucun 1noyen, en vertu de la loi Cincia
pour faire annuler la donatioA. Ce qui se présentait dans beaucoup d'hypothèses :
Le donataire, par exemple, n'a pas besoin d'agir, parce que la
donation a reçu sa complète exécution,et que le donatem s'estabsolument et irrévocablement dessaisi: Il s·agit, si l'on veut, d'une
chose mancipi, dont le donateur a fait la mancipation suivie de
tradition. La donation a été faileen fayeur d'une persona excepta·
elle se trouve confirmée p ar le do natem, mort sans avoir manifesté l'intention de révoquer; ou bien, le donateur a fait plusieurs
donations à des personnes non exceptées, qui, irnlément, n 'excèdent par le modus le9itimus, mais qui , réunies, portent alteinte
à la légitime. Ces espèces suffisent pour mettre en r elief l'utilité qui résulte pour le légitimaire de l'institution d'une querela
inoffeciosœ donationis, à l 'instar de la plainte d'inofilciosité
relative au testament.
Les héritiers naturels n'ont-ils le droit d'attaquer les donations
entre-vifs, que dans le cas oü le défunt est mort laissant un
testament ? Le rescrit d'A lexandre Sévère suppose l'existence
d'un testament et n'aecorde la quere!rt iWJ/ficiosœ clonationis que
dans cette hypoth.~se, sans doute parce que cette action était
introduite par une interprétation extensive de la querela inof!iciosi testamenti. Mais les empereurs Valérien et Gallien, (1)
tout en reconnai"'sant qne les rescrits anlérieurs supposent des
test1teurs ayant absorbé en libéralités entre-Yifs tout leur patrimoine et ne labsant à leurs héritiers naturels que le stérile
honneur de l'institution, décident que le même motif d'équité
veut que le droit de critique appartienne aussi aux héritiers
ab iMestat.
On s'e.!t demandé, .,i l'adion donnée pour attaquer les donations entre-vifs, n'exige pas, en même temps que le préjudice
une intention frauduleuse chez le dona teur. Cette question n'est
pas aisée à résoudre avec le seul secours des tex.tes que nous
possédons sur ce tte matière. Uniquement développée par des
rescrits impériaux, lu mali ère des donations inofficieuses présente beaucoup de décisions d'espèces ; mais, on chercherait
vainement sur ce point un système général, une théorie d'ensemble, claire, intelligible et complète.Les grands jurisconsultes
disparaissaient, el avec eux, la science du droit. Toutefois, et
malgré l'opinion d'éminents interprètes, nous sommes très
portés à croire que la seule condi.tion exigée ici, c'est le préjudice subi par l'héritier <lu donateur. ans doute, la plupart des
textes du Code sur les donations inoftlcieuses supposent que le
(1( Code loi 3 liv. III.tit. 29.
�-
46 -
donateur a agi dans le but de dépouill er injus tement ses héritiers, qu 'il a prévu et voulu ce r ésultat. Mais, ce ne so~t là que
des circonstances des espèces qui motivaient les rescrits, et en
fait, il faut reconnaitre que le testateur a ura rarement agi frauduleusement.
Ce qui nous paraît, d'ailleurs, décisif en faveur de l'opinion que
nous adoptons, c'est un texte de Diorlétien et Maximien qui
forme la loi 5 au code, titre de ùioff: donat . Une aïeule
a donné tous ses biens à ses enfants émancipés, de telle sorte
qu'il n'y a plus dans son patrimoine la portion nécessaire pour
écarter la plainte d'inofficiosiié qui appartien t aux autres enfants.
li faudra faire subir une réd uction à cette donation, afin que
les fils ou petits-fils qui naitront plus tard d'un mariage légitime
puissent avoir la part de biens qui leur est dùe. Ce texte implique
évidemment que la que1·ela ino(ficiosœ donationis poul'ra ètl'e
intentée par un légitimaire à l'encontrè de libéralités faites
même avant sa naissance. Or, le donateur n'a pu, quand il a
disposé, penser à des descendants qui n'existaient pas et leu r
causer sciemment un préjudice.
Une autre question, non moins grave et sur laquelle il n'est
pas pl us facile de taire une pleine lumière, est celle de savoi r
si l'action don née contre les donations inofficieuses en entrainait
la révocation intégrale ou ne les faisait réduire que jusqu 'à concurrence de la quotité nécessaire pour parfaire les légitimes.
Le rescrit d'Alexandre Sévère décide que la donation doit
être révoquée pour moitié. Cette solution s'explique par les
circonstances de l'espèce. L'héritier et le plaignant étaient tous
deux fils de la défunte, et devaient, si leur mère était décédée
11testat, lui succéder par parts égales, soit pou r la moitié chacun.
-
47 -
Dioclétien et Maximin, dans la la loi 5 précitée, se prononcent
aussi pour la révocation j usqu'a concurrence de la portion
légitime.
Mais, les autres textes de la matière sont moins formels. Ils
parlent de donations immensœ, immoderatœ, immodicœ,
enormes,pro(undœ. (1) Ils ne disent pas si ces donations excessives souffriron t une rescision totale ou partielle, selon ce qui a
lieu dans la querela ino((Hciosi te.<stamenti, sur laquelle a été
calquée la querela ino(ficiosœ donationis.
Le silence des textes réduit l'interprête à des conjectures.
'ous devons dire pourLant que la loi 9 au code, de inof!. donat.
assimile, en termes un peu vagues, les donations entre vifs aux
testaments, sous le rapport de la plainte d'inofficio~ité. c Non
a convenit dubitari quod immodicarum donationum omnibus
'' querela ad similitudinem inofficiosi testamenti le9ibus (uerit
t introdueta : ut sit in koc actionis utriusque vel una causa,
« vel similis existimanda, vel idem et ternpot·ibus et morihus. »
Faut-il conclure des termes généraux et vagues de cetts constitution, que les règles admises dans la querela inofficiosi testamenti, recevront leur application en matière de donations
inofficieuses ? Les frères et sœurs, par exemple, qui ont, sous
certaines Ct nditions, la querela tesfa,,1enti inofficiosi, auront-ils,
sous les mêmes conditions, le droit de critiquer les donations
entre vifs exagérées ? Nous ne le pensons pas. La querela inofficiosœ donafionis était admise plus difficilement que la que1·ela
inof(iciosi testamenti. Les textes portent la trace des hésitations
(1) Voir nota m, lois 1, 5, 8. de ino!f. donat. code. Ill. 29. - Loi 1, de inofi'
dot. ne. 30.
�!
-
48 -
- 49 -
des empereurs eu cette matière. L'\ plnpart n'admet.~ent pas
que cette action a boutisse à w1e révocation tot~I:, mais à ~ne
révocation jusqu'à concurrence de la portion lég1t1me. Il Y a lieu
par conséquent, de croire que les frères et s~~rs,.
~eu favorisés relativement à la que1·ela tesfa11ie11ti znoj'ficios1, oqt été
toujours exclus de la querela inofficiosœ donationis.
.
Justinien , ainsi que no us le verrons, appo r tera de sérieuses
modifications, dans la théorie des donations inofficieuses.
En finissant, nous devons mentionner, sans développement
un rescrit de l'em pereur Constance qui applique aux constitutions de dots les mêmes dispositions qu'aux donations excessives. (1)
dé!à
Si l'héritier naturel avait reçu du défunt certaines libéralités,
devait-on voir là des avantages distincts et indépendants de la
légitime, ou deYait-on en tenir compte au légitimaire, de fa çon
à lui refuser la que rela, si ces libéralités équivalaient à la quarte
qui lui était dùe, ou à le considérer comme nanti d'un à-compte
sur cette quarte? en d'autres termes, quels avantages étaient
imputables sur la légitime, quels avantages en étaient indépendants? Point de difficultés, toutes les fois qu'il s'agissait de dispositions de dernière volonté. Le légitimaire devait imputer sur
sa légitime tout ce qu'il recueillait à titre de legs, d'institution,
de fidéicomm is. Les donations mortis causâ qui lui avaient été
faites étaient soumises à la même règle.
En effet, ces diverses libéralités portaient toutes sur des biens
qui se trouvaient encore ùans le patrimoine du défunt au
moment de sa mort, et la règle était que les biens existants 11
cette époque dans le patri moine, fo rmaient en bloc la masse sur
laquelle devait se calculer la qua1·te dOe à l'héritier. Si nous
supposons une libéralité résultant d'une insti tution, d'un legs
ou d'un fideico u1rnis, notre solution est évidente, p uisque de tels
actes ne produisent leur elîet qu'à la mort du disposant.
Ma is, il en est de mème de la donation à caus e de mort qui
ne prend vie définitive <1ue par le décès du dona teur. (l)
Quid, à l 'égard des donations entre-vifs fa ites a u légitimaire ?
D'après les principes connus, ces avantages n'entraient pas
dans le calcul de la légitime, par le mè me motif que nous indiquions tantôt, à savoir que la donation a produit tous ses effets
du vivant du testateur, que les biens qu'elle comprenait sont
définitivement sortis de son patrimoine, et ne peuvent figurer
parmi ceux sur lesquels on calculera la légitime. Mais, en serat-il de même, si le donateur a formel lement ordonné que la
donaticms'imputerait sur la quarte et en tiendrai t lieu ?
Ulpien prévoit l'hypothèse dans la loi 25, princip. de i no,ff.
test. et admet la validité et l'efficacité de la clause. D'autres jurisconsultes sont d'un sentiment contraire. Papinien (2) suppose
une fille dotée par son père, sous cette condition qu'elle n'aura
plus rien à espérer de la succession paternelle. Il efface cette
claoseet tient que la renonciation de la donataire ne peut changer le droit de succession. Paul (3) traite de même la condition
qui a pour but la renonciation à la p lainte d'inofficiosité. On a
essayé ùe concilier ces textes, en alléguant qu'ils statuent sur
(1) loi 8 p. 6. Dig. V. 2.
(1) Loi unique, au code Liv, 111, lit 30:
(~loi 16 de suis cl legit.
xxxvur.
(3) Se11l. liv. IV. tit V. par. 8.
16.
�-50-
des cas différends. Nous ne saurions accepter cette interprétation. Sans doute, une minutieuse analyse saisit quelque différence
entre lesbypothèses visées par ces textes. Mais , si l'on s'attache
aux choses plus qu'aux mots, il ressort des textes sainement
eutendus de Papinien et de Paul, cette conclusion, qu'on ne
pouvait opposer au donatail'e les conditions par lui acceptées
dans une donation entre-vifs, et qui avaient pour objet, soit
une renonciation à tout droit dans l'hérédité, soit une renonciation à la querela.
Ces décisions ne vont pas. Il est vrai, d'accord avec la règle
qu'en droit romain, les conventions sur successions futures
étaient permises, lorsque celui dont la succession était l'objet
de la convention y consent.ait. ~ais, elles se justifient par cette
considération que les renonciations faites d'avance, ne seraient
pas l'œuvre d'une volonté libre, qu'elles ne seraient consenties
que par crainte, pour ne pas mécontenter le donateur, et peutêtre le détourner de ses projets de libéralité. Nous pensons
donc que !'opinion généralement suivie au temps classi<J.ue,
était celle qu'enseignent Papinien et Paul, et les termes dans
lesquels Ulpien exprime son sentiment témoignent bien qu'il
n'était pas conforme à la doctrine du plus grand nombre.
1
ous avons dit que la masse sur laquelle doit se calculer la légitime dùe à l'héritier du sang se compose de tous les biens existants dans le patrimoine du défunt, au moment de sa mort.Nous
ayons vu aussi, que, dans certains cas, les biens donnés entre
vifs à des étrangers, et selon Clpien, au légitimaire lui-même,
sont fictivement réunis aux biens existants, et que c'est de la
masse ainsi constituée, que l'héritier doit avoir le quart, pour
être exclu de la querela.
-
5t -
Mais, si l'on suppose que ces bien , ont reçu d
.,
es augmenbtions o~ des ~iminutions postérieusec; au décès du de cujus,
fau~l'.·a-t.-d temr compte de ces évènements et décider que le
lég1l1111a1re en profitera,cornme en profite certainemeutl'instituè?
li faut, pour résoudre ces qlle::-tions, chercher des arguments
dans les textes relatifs à la loi Fulcidie.
Nous avons admis, en efîet, que la similitude des quotités
jointe à l'identité d'époque, établissaient incontestablement qu~
la quarte légitime n'était qu'une extension et un développement
de la quarte Falcidie. Si l'on accepte cette donnée, on est conduit à faire application à la légitime des diverses règles énoncées pour la Falcidie sur les points qui vont nous occcuper.
S'agit-il d'une amélioration, les textes distinguent: L'amélioration a-t-elle une cause antérieure au décès ; elle profite à Ja
quarte falcidie. Ulpien (1) prévoit le cas d'esclaves qui ont été
pris par les ennemis, et qui reviennent après la mort du testateur. La cause de cette augmentation est antérieure au décès,
puisque le jus pvstlcmini1· a un eITet rétroactif. Aussi, le jurisconsulte décide t'il que l'hérédité, et par suite la Falcidie, en
seront grossies d'autant: Quod ad Falcidiam attinct, locupletiorem /aciunt he1·editatem. Même solution, s'il s'agit par
exemple, d'un débiteur insolvable, qui devient solvable plus
tard. On peut faire d'autres hypothèses. Le défunt avait contracté une dette sous condition (2), la condition défaut. Il était
déoiteur d'un legs également aITecté d'une condition ; si la condition ne s'accomplit pas, l'objet du legs reste dans la succession
(1) Ulp. Loi 43, ad lcg. Eak. XXX V. Q.
(2) Marcellus. Loi 56, par. 1. ad 1eg. Valei. Dig.
�-52-
qui en deYient plus forte et le quart dù à !'institué, en vertu de
la Falcidie,s'en trouvera augmenté. li faut décider,par analogie,
que la quarte légitime, dans ces espèces, profitera , co mme la
quarte Falcidie, des augmentations ou améliorations survenues
aux biens hérédi taires. La règle est la même à l'égard des diminutions et il faut encore se demander si la cause en est antérieure au décès du testateur.
C'est une b)rpothèse de même na ture que prévoit un texte
intéressant d'Ulpien, qui forme la loi 62 au Dig. ad lefJ. Falcid .
Le jurisconsulte se place en face d'une obligation corréale : il
y a, par exemple, deux débiteurs corréaux , deux créanciers
corréaux. ïl existe entre eux une société, l'obligation se divise
comme si, ab initio, chacun eùt stipulé ou promis la moitié de
la dette. Jusque là, point de difliculté. Mais, s'il n'y a pas
société, la question de savoir quel patrimoine sera grevé de la
dette ou profitera de la créance est en suspens jusqu'au paiement. Supposons que l'un des créanciers ou run des débiteurs
,-ient à mourir, tandis que les choses en sont là. Si l'hériti er,
poursuivi le premier, est obligé de payer, sa succession le supporte, et la Falcidie est diminuée d'autant. Si l'héritier créancier
poursuit l\m des codébiteurs, avant son cocréancier, et en reçoit
le paiement, sa succession en pi·ofite et la quarte Falcidie en
sera plus élevée. La logique nous oblige a appliquer à la légitime
des solutions identiques.
Plaçons maintenant dans le cas oü les augmentations ou
diminutions ont une cause postérieure au décès du de cujus.Et,
d'abord, si elles surviennent par le fait d'un pur hasard, fortuitement, il n'est pas douteux. qu'elles profitent ou préjudicient à
!'institué comme au légitimaire.
Mais, s 'il s'agit d'améliorations ou de d' . t·
1111mu 10ns dont l'héri•
,
tier est l a uteur, ce qui arrivem fréquemm t
,.
,
.
en , ca1 11 est le plus
som ent en possession des Jiiens béréd't ·
•.
.
'
i a ires, nous pensons
qu 1! y aura heu d applinuer
les i·èc:rles oi·a · ·
1
!:>
ina1res.
Les augmentations ne profitet·ont au lég't· . .
.
i unau e, que sous
déduct10ns des dépenses faites pa1· l'hérit'er
· d
1
.
•
•
,
qm, e son côté
supportera, en cas de .:11m111ut10ns, les conséquences de sa faute
ou de son dol, conformément au droit commun.
Une dernière question nous reste à examiner et ce , t
. . .
n es pas
la moms mtéressante de notre matière Un test t
h
..
·
a eura ex érédé
son héntier naturel, mais lui a laiss~ un legs dont
é
1a va 1eur galeou même dépasse la quarte qui lui est dùe n
.
. .. .
· a, par exemple
légué un fonds au leg1tima1re. Celui-ci obtient de l'institué la
délivrance et la possession du legs. Puis, s urvient un tiers, qui
s~utenant que Je fonds légué lui appartient, intente Ja revendica-.
tton et triomphe . Le légitimaire est évincé et se trouve ain$i
n'avoir rien reçu. Faut-il, à l'aison de cette évition et -de ce
dépouillement, lui accorder, ex post /acto, la que1·ela ino!ficiosi
lestamenti. ?
~ v~nt de répondre à
cette question, nous devons rappeler les
~nnc1pes généraux du droit romain en matière de legs. Primitivement, les romains admettaient quatre formes principales
dans lesquelles on pouvait valablement faire un legs : On léguait
pet· v· d · t'
·
tn ica ionem,per damnaf1011em,per p1·œceptionem, sinendi
inodo. Per vindicationem, pet· prœceptionem, ou sinendi modo
on
'
ne pouvait léguer que sa propre chose, ou, dans certains
cas, celle de l'héritier, mais jamais celle d'autrui. Au contraire
on pouvait, en la forme per damnationem, léguer sa propre
chose, celle de l'h éritier, ou celle d'autrui , et, dans ce dernier
5
�-
cas, l'héritier était tenu de se procurer la chose léguée et de la
transférer au légataire, ou, à défaut, de lui en payer l'estimation.
Si le legs de la chose d'autrui était fait per v1'ndicationem, pe1·
prœceptionem, ou sinendi modo, il était frappé d 'une nullité
radicale.
Cette théorie des legs, toute remarquable qu'elle fO.t, n'était
pas sans présenter, dans l'application, des dangers graves,
dont beaucoup de testateurs pouvaient être victimes.
Elle était basée sur des distinctions tenant aux mots plus,
qu·aux choses, et la moin<lre violation d'une de ces distinctions
entrainait la nullité absolue et frrémédiable de la disposition,
résultat peu en harmonie aYec le respect qu'on portait, en d·autres matières, aux dernières Yolontés des mourants.
Une réforme étail nécessaire Elle fut l'œuvre d'un sénatus
consulte célèbre, rendu sous Néron, et qui a été appelé le
sénatus consulte l\"éronien; il décidait qu'aucun legs ne devrait
être considérée comme nul ve1·bo1·wn vitio. Donc, toutes les fois
que la chose d'autrui était léguée autrement qu'en la forme pe1•
da1nna!?'onem, la disposition n'était pas nulle, mais valait comme
legs fait en cette forme.
Toutefois, il ne faud rait pas croire que la rnlidité du legs de la
chosed'autrui ,mème sous l'empireclu sénatus consulte Néronien,
ait été admise dans tous les cas. La distinction suivante devait
êtrefaite à cet égard : Le testateur savait-il qu'il léguait la chose
d'autrui ; le legs était valable. Croyait-il la chose sienne : le
legs était nul. Cette distinction rés ulte d'un texte de Papinien, la
loi 67 p. 8 Dig. de Legatis XXXI. 2' qui l'attribue lui-m ême à
Nératius Priscus, juriscons ulte contemporain de Trajan et
d 'Adrien. Elle est, d'ailleurs trcs l'ationnelle, et repose sur une
55 -
présomption de volonté dn testateur, s'il léguait sciemment la
chose d'autrui, il eût, à p lus forte raison, fait le legs, si la chose
eùt été sa propriété. i\fais eût-il encore légué cette chose, s'il
s'il avait su qu'elle appartenait à autrui, et qu'il allait imposer
une charge peut-être lourde, 3 l'hèritier qu'il instituait? évidem_
ment, un doute s'élève ici, et , en face de ce doute, il était sage
d'annuler le legs.
D'après le texte précité de Papinien, cette distinction de
Nératius Priscus aurait été confirmé par une constitution.
Quelle est cette constitution ? Si l'on en croit les institutes
(lit. 20 par. -l), il s'agit d'une constitution dùe à Antonin le pieux
successeur d'Adrien.
Enfin Alexandre Sévère promulgua lui-même, en 228, une
constitution, qui modifia quelque peu les principes reçus. Cette
constitution insérée au Code, forme la loi 10, de L egatis, VI. 37.
Elle maintient la validité du legs de la chose d'autrui, sous la
même distinction que par le passé. Mais, tandis qu'auparavant.
ce legs, émanant d 'un tes tateur qui croyait la chose sienne,
était nul, quelque fût le légataire, la çonstitution d'Alexandre
Sévère décide que ce legs vaudra, toutes les fois que lapersonne gratifiée sera avec le défunt dans des rapports de parenté
tels, que la libéralité lui eùt ét été faite, alors même que le
testateur n'eùt pas ig noré qu'il léguait la chose d'autrui.
Ces principes r~ppelés, nous de,·ons re,·enir à notl'e question.
Il fa nt d'abord l'examiner sous re1upire de la législation qui précéda le sénatus consult e"(éronien Le legs de la chose d'autruifait
autrement que per damnatio11em, est, avons nous dit, nul à cette
époque. Le légilimaire qu1 est évincé ou qui ne peut obtenir
l'objet du legs , n'a pas sa quarte. !\fais, on doit se demander si
�-
56 -
le testateur à su ou n'a pas s u qu'il léguait la chose d'autrui
Au premier ca.s, il à du savoir que le legs ne sortirait pas à
etîet, parce que la forme qu'il empLoyait était vicieuse; il a donc
manqué à Z'officium pietatis, et, l' hér itier doit avoir la quei·ela
An second cas,sïl a Cl'U léguer sa propre chose, il a pu recourir à
une forme quelconque, et la nullilé du legs ou l'éviction qui survient, sont également indépendantes de sa volonté. Il a voulu
gratifier son héritier ùans les limites nécessaires pour écarter
la quei·ela. On peut dire, par conséquent, qu'il n'a pas violé
l'offecium piélatis. Y aura l-il lieu néanmoins à la qHerela inof
fisiosi testamenti? 1\ ous n'hésitons pas à répondre affirmaliYement.
i l'on n'admet pas, en effet, que le Jégitimaire évincé puisse
exercer, même en ce cas, la quuela, on consacre: contre Lui
une injustice qui e"t manifestement contraire à l'esprit du droit
romain sur cette matière. Si le testateur n'ayait pas été induit
en erreur, s'il n'avait pas ignoré qu'il léguait la cho~e d'autrui,
s'il aYait pu préYoir, en un 1t1ol, que la libéralité resterait inefficace et que le légitimail'e ne recueillerait rien, il est bien évident qu'il aura!l pl'Ïs sur ses biens une autre valeur et en aurait
gratifié le légitimaire: l':lr, ce qu'il a fait prnuve qu'il ne voulait
pas dépouiller curn rll lernenl celui-ci.
Alléguer que l'éYiction tient à l'erreur,dont il a été dupe, mais
que cette erreur même démontre qu'il n'a pas violé l 'o(/icium
pietatis, c'est lui supposer une Yolonté évidemment contraire à
celle qu'il a manifestée. Au surplus, il y a un texte d'Ulpien, La
loi 27. p. 4 au titre de inoff. testarr1 . qui nous fournit s ur ce point
uu argument d'analogie des plus p uissants. Le jurisconsulte
suppose qu'une femme omet dans son testament son fils qu'elle
- 57 -
croit décédé. Pouvait-on dire qu'il y a , 't d
.
.
.
'
'ai ' ans ce cas,mobservation de 1 officium pietatis? Assuré
t
,
.
men non. Car, la mére
n eût pas omis son fils si elle avait pus
.
,. . .
.
.
'
avoir qu 11 v1vatt encore
Néanmoms, Ulpien n'hésite pas à ac d
. ·
cor er 1a querela au fils
parce que c'était là le seul moyen de recti'fi
. . . . '
· er une 111Justice 1mmé ri'tée.
. En le dé~idant ainsi, on entrait dans les vues de la mère, qui
s1 elle ava~t connu la vérité, n'aurait pas manqué d'instituer so~
fils ; et, lm prêter d'autres intentions c'éta·t
1 .
1 u1 supposer des
.
. .
.
.
•
d1sposit10ns moffic1euses dunt il eOt fallu pron
..
..
.
'
oncer 1a resc1s1on.
Voila pourquoi le jurisconsulte autorise l'hé 't'
. . .
.
ri ier omis a intenter
la querela moffi~i'osi testrnnenti.Or, entre l'espèc~ traitée par ce
texte et celle qui nous occupe, où est la différence?
Maintenant, si nous nous posons l a q t·
--.
.
ues 10n après le
8. C. Néronien, nous arrivons aux solutions suivantes : Tout
l~gs de la c~o~e d'autrui es1 considéré comme fait per damnaho,'.1e111. Mais , 11 faut encore distinguer ; Le testatateur sait-il
qu il lègue la chose d'autrni ; le legs est valable. Le légitimaire
est payé en nature ou par équivalent; e't, pas de quer·ela possible.
Le testateur croit-il léguer sa chose : on se demande si le legs
est ou non valable. Si on le tient pour valable, la question ne
souffre aucune difficulté. i on décide qu'il esL nul, on accorde,
dans ce cas, la plainte d'inolficiositè.
, Mais, après la constitution d'Antonin le Pieux qui pose
lormellement ln d1stiction enseignée par eratius Priscus, la
ques tion ne peut ètre contrnversée. i le testateur avait cru
léguei· sa propre chose, le legs était nul, et il y avait lieu à la
quere/a ino/(iciosi lastrunenti.
Enfin, lorsque Alexandre Sévère eut promulgué Ja Consti-
�-
5X -
dont nous a\·o us indiqué 11 disposition essenti elle, l'ét1.t
u ion
·s de b chose l1·n111rn1.· :.i. u·'r(. ssé au
de choses c11:rngea. Le le ,.,.
. . . f u t 'a
. la'·le
thns• tous les c1s. Ca r, ~.ins 1 que nous
!éaü1maire
J.J
"
. la nu ll'té
1·on l l'e
l'avons
dit,
i
c sur la présomption
. que le lestatenr
.
.
't qu'il lè•Yuail h chose <l'autrni tomha 1l ctevant une aut1e
ignorai
.
t•o.
<les liens qui unissaient le
présomption
11 ee t le. la• l)ro:ümité
·
. .
.
.
t t.
légataire au testateur. Or, sans aucun doute, le lég1tuna1.re ~tall
te:stator legaturus
parmi. l es p ersonnes · o11tb11s
~
. esset, ets1 sc1sset
.
. an
\'• aura lieu, en faveu1 du
rem a l ien
1 esse . 11 en résulte rru'il
·1
lé~itimaire aux actions données par la loi pour fair~ exécuter les
1 b mais J·amais à la quel'ela ino//icio.<;i testa111ent1.
egs,
· d
tt
Tel était le droil arnnt Justinien . Pour ne pas scm er ce e
matiére, nous anticiperons sur l'époqne s uiYante, et ferons
connaitre les modifications introduites par cet empereur. La
constitution d'Alexandre 'év1're aYait cesse.' d'être obserYée au
temps de Justinien. Dans une constitution de son colle, qui fvrme
la loi 36, III, 28, l'empereur, après ayoir rappelé qu'en vert~
d'une constitution promulguée par lui en 5-28, le légitimaire qui
a reçu quelque chose du 'tesla leur, ne peut pas exercer la quenla
mais agit par l'action en complément, J 'ewpc reur,disons-nou~,
se plaçant dans l'hypothese d'une PYkliou, <lécirle, f{tle le lég1timaire, quelle que soit lïmport'lnce du préj uJ ice so11 îcrt ,devra
recourir, confonuémenl a la ('Onslilulion de :>~8, it l'action eu
complément du quart, et non i1 11 pl:li11te d'i11otfü:iusité.
Les interprètes ont aisément aiic1\·u la 111épnsc ùunt .Ju~ tinien
a été dnpe, eu insérant clans son Cu1le la Gu11slitution ri' \le
xandre-Sévère. D'après ce dernier, e11 clTet, le le;;s de b chose
d'autrui fait au légitimaire, <:tan t valable dans tous les cas, il
n'y a pas lieu, comme nous l'avons lait rewarquer, de parler
de querela, ou d'action en complcwenL <lu quart, mais des
- 59 -
actions diverses qu'on accorde aux légataires, rei 'vindicatio
action personnelle, et sous Justinien , action h ypothécaire, pour
obtenir l'exécution des legs qui leur ont été faits.
Dans l'espèce que nous venons de traiter, nous avons s upposé
que Je légitimaire avait subi l'éviction. Mais, on peut supposer
que lare' endication du propriétaire n'a pas encore eu lieu, que
le légitimaire est pour le rnomer.t sous la menace d'une éviction. Déciderons-nous qu'il peut se tenir pour évincé, et exercer
les actions que nous lui avons reconnues au cas d'éviction réalisée 1 l'aOirmative n'est pas douteuse, s'il est constant que le
testateur a légué seien1111ent la d1use d'autrui. Le légitimaire
était un légataire ordill'1i re, 11ui à ce titre pouvait exiger qu'on
lui tran~(éràt la propriété irnméd1ale dn leir.s, ou qu'on lui en
payâl l'estimation.
\lais, si le testateur a crn léguer sa chose, ce legs ne saurait,
au moins après b co11slilulio11 rl'Anlonin le Pieux, qûi le déclare
nul, entrainer pour l'ltérilier l'obligation de garantie envers le
légataire. Cette règle est certai11e, lorsque le légataire est une
personne ordinaire. '.\lais, si c'est un légitimaire que le testateur
a entendn, par le legs qu'il lui faisait, remplir de sa quarte,
pourra-t-il, aprè" a \'Oir llfom·ë la croyance où était le testateur
qu'il léguait sa propre rhose, tenir ce langage à l'héritier :
• \'ous ne potffez rnc.: rendre immédiatement propriétaire de
c la chose léguée, puisqu'elle appartient a autrui, tout au plus,
« pouvez-Yous m'en transférer la pos~cssion. Mais, cela ne me
• permet pas de ùire 11ue j'ai ma quarte, n et prétendre qu'il
a le droit d'intenter b 1111c»rla, ou sous Justinien, l'action en
complément? • ou' ne pensons qne le légiti111aire soit fondé à
parler ainsi. L'héritier peut lui répondre : Sans doute, je ne
�- 60 -
-- 6{ -
puis que vous remettre la nossession ; . ~ais, recevez .la P_our
le moment, et quand surviendra une éviction, votre droit naitra
et vous pourrez exercer votre secours.
.
.
Toutefois, si nous estimons que cette dernière solution étalt
suivie nous ne pouvons l'affirmer, parce qu'aucun texte ne
s'expl;quesur la question. Mais, c'était le droit
dans le.s
contrats entre-vifs, comme la vente, où l'une des parties devait
transférer une chose à l'autre.
admi~
Pa1·. 3. Déductions que comporte la légi(ime.
Nous venons de voir de quels biens se compose la masse
dont le quart est dâ à l'héritier naturel. Mais, sur cette masse
ainsi composée, on doit, au préalable, opérer diverses déductions et c'est sur le patrimoine qui subsiste, après ces opérations,que devra, en définitive, se calculer la quarte légitim e.
Nous rencontrons ici trois règles que les tex.tes indiquent également à propos de la ryuarte Falcidie, ce lfUi ajoute une nouvelle
forceâ. l'explication historique de l'introduction de la quarte
lëgitime que nous avons admise plus haut.
La première déduction que l'on fait subir à la masse des biens
est celle des dettes héréditaires. Elle est une application n écessaire de la règle bien connue: swit bona, quœ supersunt, deducto
œre alieno. Observons que l'on déduit les dettes dont le défunt
est tenu envers l'héritier, comme celles dont il est tenu envers
des étrangers. Il s'agit, mérne dans Je premier cas, de dettes
héréditaires, et la règle s'applique sans distinction à toutes les
dettes de cette nature. La même décision est donnée, au Digeste
liv. 35. tit. 2, rehtivement à la Falcidie, et puisque nous avons
admis qn 'en cette matière la donnée des analogies nous devait
régir, nous ne po11vons avoir pour toutes les hypothèses, qu'une
seule et même règle.
La seconde déduction concerne les frais funéraires. Comme
celle des dettes, elle s'explique et se .il.lstifie par la règle, qu'il
n'y a de biens que dettes déduites.
Après avoir indiqué la déduction de ces deux valeurs. Ulpien,
dans la loi 8 § 9 au titre de inoff. test. se demande si les afîrancbissements diminuent la quarte, c'est-à-di re, doivent être
déduits, et, il répond aflirmati vement par la seule analogie avec
la Falcicüe. Mais, 11 prévoit, de suite, une conséquence dangereuse de ce principe : c'est que celui dont le patrimoine est
uniquement composé d'esclaves, peut rendre illusoire le secow·s
de la 'i ierela, en instituant son Mritier et en affranchissant par
le même testament tou.:; ses esclaves . Tl faut remarquer, cependant, que ce danger était en partie conjuré par la loi Fusia
Caninia, rendue sous Auguste et qui apportait aux affranchissements 'estarnentaires des restrictions dont nous n'avons pas à
nous occuper.
Quand à la décision d'Ulpien, relative à la déduction sur la
masse du prix des esclaves affranchis par testament, elle se
justifiP par la faveur même qu'inspire la liberté. Sans doute, le,
affranchissements testamentaires sont de véritables legs, et les
legs ne doivent pas entamer la légitime. ~his, il était de
toute nécessité que la règle générale s ubit ici une exception ; Car, la liberté est indivisible, et le principe de la
�-62 -
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déduction proportionelle ne pouvait s'y appliquer. Il fallait
ou maintenir on sacr ilier coLUplètement les affranchissements
testamentaires. Placée en face de cette a lternative, la juris prudence ne pouvait hésiter . La faveu r de la liberté l'emporta et
entraîna le maintien de tous les afüanchissements par testament.
§. 4 . - Des charges de la légitime
De quelles charges peut être grevée la légitime ? Le pr incipe
général, sur ce point, est que la quarte légitime doit être affranchie de toute charge, de quelque nature qu'elle so it, de tout
délai, de toute condition, qui tendrait à la diminuer et à la faire
descendre au- dessous du taux. fixé par la loi. Mais, cette r ègle,
comme beaucoup de celles que no us avons déjà rencontrées sur
cette matière, recevait certaines dérogations.
Ainsi, l'on trouve dans Ulpien une décision qui ne laisse pas
que de surprendr e et qui p rête sérieusement à la critiq ue. Dans
la loi 8 par. 11 , une des lois les plus importantes du titr e qui
nous occupe, le juriscons ulte prévoit l' hypothèse que voici :
Un fùs a été institué pour moitié, soit pour une par t, supérieure
à celle qui lui était accordée par la loi. Mais il a été chargé de
restituer cette moitié à un fidéicommissaire, après un délai de
di:- ans . Peut-il se plaind re? Non, répond Ulpien, parce qu'il a
pendant dix ans, Louché les fruits d' une part plus forte que celle
qui lui était dùe, et qu'il peut aisément se reconstituer avec ces
fruits, un capital égal à sa quarte. Il était ad mis de même, pour
le calcul de la Falcidie, que les fruits devaient être pris en
cons idération
~fa is, corn me no us le d i~ io1 1s, celle solution d 'Ulpien peut être
1·ritiquée. Elle fa it au légilimaire u11e position bien moins favorable que celle qu'il aurait eue, s i sa qua rte lui avait été laissé e
puremenl et sim plement par le testateur. Car, les fruits se consomment el se capitalisent rarement. Un autre inconvénient de
cette décision, c'est que la légitime se trouve ainsi afiectée d'un
terme de dix ans.
Un rescrit des Empereurs Dioclétien et Maximien qui form e
la loi 25 au code de ino/l' lest. décide encore qu' une mère, peu
rassurée sur la conduite et les mœurs de son mari, institue
valablement ses fils, s ous la condition qu'ils seront émancipés
par leur père. Cette décis ion fait échec au principe que la légitime ne peut être alTectée d 'une condition jus qu'à l'évènement
de laquelle le légitimaire ne peut recuei llir ce qui lui est dù.
Mais ici, l 'exception est admi:';e parce qu'elle n'est inspirée que
par l'intérêt des enfants. C'est ce une font remarquer les empereurs:« 1Von pafri fil io1·u111 11omù1e inolficios1· eo modo aclio~ nem compeLere, q11ib11s 11ullaoi inj111·iam (ecerit mater, sed
a potius putaverit 1irovidend11m. "
Le testament dans lequel le père donne un s ubstitué pupillaire à son fils, échappe également a la querela de celui- ci. Car,
cette s ubstitution ne prend vie que par la mort du fils s urvenu
avant sa puberté . li n'a donc aucune raison de se p laindre (1).
Une espèce qui donne lieu à la même so lution, est celle que
prévoit .'..le'i.andre évère, d1.ns la loi 12 a u code de iiw 7. test.
Un père di vise son hérédité entre son fils qu'il ins titue pour
une moitié, sa fille pour un tiers et son épouse pour un sixième.
(!) Ulp. loi 8 p . 7. 0 1g. de inorr. test. ' ' · 'l.
�- 64 -
Il impose à ses enfants cette charge fidéicommissaire : que, si
l'un d'eux vient à mourir avant sa 25",. année, il restitue sa
portion aux survivants ; et à sa femme, cette autre charge,
qu'elle restitue, après sa mor l, aux enfants la part qu'elle a
prise dans la succession.
L'empereur déclare que de semblables dispositions ne peuvent être attaquées par la fille ou par ses représentants ; et la
raison en est dans les chances égales et réciproques de gain et
de perte auxquelles sont exposés ici les institués.
s. 5.
-
De l'action en complément
)fous avons déjà dit, en passant, un mot de cette action. Il
faut y revenir avec quelques développements.
Ions savons qu'au temps classique, c'est à dfre à l'époque où
nons sommes. la légitime doit être laissée tout enti ère à ceux qu i
y ont droit. Une légitime incomplè te qui ne comprend pas le
quart de ce qui est dù à l'héritier naturel, ne saurait priver
celui-ci de la plainte d'nofficiosité. Tel est le principe. Mais, on
ne tarde pas à y apporter des tempéraments.
Ulpien décide dans la loi 25, déjà étudiée, que s i le testateur
a voulu qu'une libéralité par lui faite et qui n'égalerait pas la
légitime, fùtcomp létée boni viri arbitratu, sa volonté doit être
suivie. L'empereur Constantin consacre cette solution. Il ordonne
que désormais les tes tateurs disposeront, eo pleine sécurité,
lorsqu'ils renverront, pour le cas où la légitime sera it insuffisante, au boni viri arbifratus. (1)
Qu'elle est la nature de cette action en supplément 1 quels
traits la caractérisent ? Nous verrons Justinien la qualifier de
qt1erela. S'ensuit-il qu'elle s'identifie avec cette dernière action,
au point de vue des caractères et des règles qui gouvernent la
querela ? Nous ne le pensons pas.
La querela est une action réelle, qui peut être dirigée contre
!'institué, ou contre celui, quelquïl soit, qui est en possession
des valeurs et des biens héréditaires. L'action en supplément
a, au contraire, un caractère personnel. L'institué y peut seul
être exposé.
Fne seconde ditrérPnc · on moins importante, ressort des
résultats très opposés des deux actions. La querela inof!iciosi
festame1di, alioutit, dans la plupart des cas, à une rescision
complète du testament ; elle en anéantit à peu près toutes les
dispositions. Hien de pareil , dans l'aclion en complément. Celleci laisse subsister toutes les dispositions du testateur.
On peutencore observer que ces deux actions se séparent
profondément au s ujet des modes d'extinction qui leur sont
applicables. La demande par le légitimaire des libéralités que
le testament contient en sa fa \•eur· éteint s on droit à la querela.
Car, la loi voit dans ce fait, une ratification tacite des dernières
volontés du défunt, et, par conséquent, une renonciation à la
plainte d'inofficiosit6. La mème règle ne s'applique pas à l'action en suppléru ent.
Enfin, nous ne devons pas non plus appliquer à cette action
(I loi l code Theod. JI 1. 28.
�-
66 -
-
le mode d'extinction par l'e~piralion ùu délai de 5 ans accordé au
successible pour exercer la r.1ucrela. Nous déciderons donc que
l'action en supplément P~t perµéluelle jusqu'à Théodose II, qui
011 le sait, limita à trente ans la durée des plus longues actions.
SECTION IV.
Des effets de l'a dmission et du rejet de la
querela inofflciosi testamenti.
La querela inof1i.ciosi le.~ta111e11ti peut, comme toute action,
aboutir à un s uccès ou à u11 échec. rous devons examiner s uc
cessivemertl les deux hypoth èses,
A.- Succès ùe la querel a : L 'admbsion de la q11erela entraine,
comme prem ière et très importante conséquence, la rescision
du testament et la remise des choses au mème étal que si le
défunt était mort intestat. lllpien, dont les textes nous ont souvent occupé, iuàique, en ces tenues, les effets de la sentence
prononçant lïnoflicio~ité (loi 8 1ü. de i110J. lest.)
" Si e.r causd de inoj/·riosi ro[Jnonrit jude.r:, el p~·o111rncia
<i verit cor1fra tastame11l11111, ner /ueril proi,oculu111, ÎJJSO ptrf
u re.~ris1111t e.<tl, et s11w.; he1·es e1·it, l:fecundnm 'Jlleu1 i11dicafll 111
s
67 -
est: et bonoruill po.<Jsessor, 8i hoc (t'fe) contcn.dit : et libertaleî
u ipso ju1·e no11 valent, nec le9rzta debenlur : t'fed soluta repe« tu nlur, aut ab eo qui 8olvit, aut ab eo qui obtinuit: et hœc
4 utili actione 1·epet1mtur. Fè1·e antem,
ffÎ an.teconlroversiam
~ lt'lotam soluta sunt, 'J"i obtinuil re;Jel?'t: et ita Hadrianus et
ij D. P ius rescripse1·1nd. ,,
u
Le jurisconsulte suppose, dans ce texte, que le légitimaire
omis ou exhérédé a intenté la querela pour le tout, ce qui a
amené la rescis ion totale du testament. Cette rescision rend le
défunt inle3fat. Le plaignant, qui a triomphé, devient héritier
011 bo11or11111 po.ssesl101>, selon que sa vocation à la succession
ab intestat résultait rlu droit civil ou du droit prétorien. Il peut
mênie recueillir l'hén· "'•" Pll l 'une et l'autre qualité, s'il était
appelé par les deux législations.
Les affranchissements testamentaires tombent comme et
avec le testament et les legs ne sont pas dù . Mais, il peut se
faire qu'ils aient été payés. Dans ce cas, la répétition en peut
être exercée. f\1a is, par qni le sera-t-elle ~
Glpien répond à la question par la distinction suivante :
(< Soluta repel111dur an! ab eo qui .~ofrit,
aut ab eo qui obt1• tt1u't. >• Cela signifie cviùerrnnen t que la répetition des legs
sera faite tantùt par l'her• s scr1pfits qui les a payés, tantôt par
le successible qui a obtenu grain de cause.
Le point délicat et important est de déterminer les cas où
cette répétition appartient à l'lieres scriptus, les cas où elle
appartient au légitiinaire.
La querela testa11umt1 i11o(ficiosi est, comme nous l'aYons
vu, une espèce particulière de pétition d'hérédité. Nous de' ons
lui appliquer les règles ::;uivics en matière de pefllio heredi1ari:>1
�-
(lf;-
Ces règles el ces principes sont posès dans un sénalus con'-nlte
célèbre,porté sous Adrien, et dont le Digeste nous a trnns1nis le
texte comp let, dans la loi ~O. d'Ulpien, au tilre de he1·edit. petit.
v. 3. ce sénatus consulte, appelé g-énéralemellt aujourd'hui par
les interprètes , sénatus cllnsult e Juyeutien, fait une <listinction
~ntre tes possesseurs tle lionne et de mauvaise foi d'une hérétlité.
JI n'impose aux premiers d'r111tre obligation que de restituer ce
dont ils se sont enrichis: 11sq11e co dunta.Nit, quo e,r ed re locupletio1·es (aczi esse11t. Quant aux possesseurs de mauva ise fo i,
le sénatus consulte les dérlare respor.sables et tenus pour le
tout, sans distinguer s 'ils possèdent encore ou ::.'ils ont cessé de
pos~éder par lem ùol.
La jurisprudence tira de ces principes des applications fécondes. Ainsi, le possesseur d'une hérédité avait-il aliéné une
chose faisant partie de l'hérédité ; on décidait quïl ne devait
restituer que le prix, à supposer qu'il en a it retiré un enrichissement. s'il avait été de bonne foi. Mais s'il .lVait été de mauYaise foi, on metta it à sa charge la Yalem entière de la chose.
Quant au possesseur qui avai t été primitiYemenl de bonne foi ,
il cessait de l'èlre, clés qu'il venait à sa' oi1-, par une interpellation ou autrement qu'il possédait sans ùroit,les biens héréditaires:
quo primum scierif ')Uisque ea111 a se peti, dit le sénatus consulte.
Tels sont les principes quïl faut 111ainlenant appliquer à notre
espèce. upposons, d'abord, l'lterescr1j1tus de bunne foi ; el il
faut reconnaitre que celle supposition sera le plus souvent conforme a la réalité. , 'il a payé des legs avec les valeurs héréditaires et ante motam corit1·oversiam, il ne sera pas tenu de
restituer au légilimaire ces valeurs ou des Yaleurs équivalentes.
- 89 -
Mais, comme il a payé ce qu'il ne devait pas, la loi l'investit
d'une condictio indebiti à l'encontre du légataire. C'est celte
condictio qu'il devra transporter à l'héritier naturel au moven
du seul procédé admis en droit romain, le procu:atio in ;em
suam .
D'aprés le texte cité plus haut d'Ulpien, cette formalité d'une
cess ion,suivant les règles ordinaires,aurait même été superflue,
un rescrit d'Adrien accordant directement au légitimaire une
condictio indebiti utilis.
Si légitimair e a payé ces mêmes legs, toujours el! supposant
qu'il est de bonne foi et qu'il paye ante motam contro1,,•er8 iam
avec des valeurs tirées de son pa trimoine propre, il devra en'
être indemnisé par l'héritier, pour\'U qu·a son tour, il lui céde,
ici encore, la condictio iridebit i qui lui est accordée contre le
légataire. (1)
Dans ces divers cas, la répétition des legs est exercée p1r
l'héritier, et il est hors de doute qu'il est responsable de Jïnsolvabiilté des légataires .
Plaçons-nous à présent dans la seconde hypothése, celle ou
l'heres scriptus est de mauvaise foi. Il a pu l'ètre abinitio, cela,
si l'iniquité de" dernières volontés du défunt et la violation des
devoirs du sang étaient de toute évillence, et il peut le devenir
ex post(acto, p:ir suite de h 111erela dirigée contre lui,ou comme
dit le texte ù'U lpien, /'Ost nwtam co11troversiam. Les isolutions
que nous donnerons s'applit(Uent au\. deux cas.
L 'herescriptus a donc pî) é des legs, is'.lchant qu'il ne devait
pas conserver les biens héréditaires. S'il a employé a cet effet,
(1) Loi 3! prin. d6 bered. pet. V. 3.
6
�-
70 -
des valeurs prises dans la succession, il en r épond pour le tout
à l'écrard du querelans victorieux..11 ex.e.rce la condictio i'ndebiti,
car, ~l ne de~ait pas les legs : mais, si les légatair es sont insolva:Uies il en subit les conséquences. S'il a p ayé les legs avec
des bi:ns lui appartenant, de suo , il n'a droit à a ucune déduction
aur le patrlmoine qu'il r estitue. Mais,ici encore, il a la condictio
iridebiti .
Telles sont les décisions qui ressortent du texte d' Ulpien
combiné avec le sénatus consu lte Juventien. Au premier abord,
on a peine à les jus tifier .Car, si, comme nous l'avonsdit , l'admission de la que1·ela annule le testa ment dans toutes ses dispositions,
il suit que le légitimaire doit être considéré comme ayant
toujours été le seul héritier et le seul propriétaire des biens
héréditaires, et que si l'herescriplus a aliéné des choses ou payé
des sommes faisant partie de la succession , cette aliénation ou
ce pa iement sont nuls, puisqu'ils émanent de quelqu'un qui
n'était pas propriétaire. En conséquence, ce n'est pas une
condicfio qui doit compéter a u légitimaire, mais la 1·ei vindicatio ou là publicienne, s ui vant les cas .
Ce raisonnement seraitju$te,s'il était vrai que la rescisionprononcée sur l'action du querelans anéantisse le testament mêm e dans
le passé.i\.Iais,il n'en est rien.Depuis l'ouver ture de la s uccession
j usqu'à la sentence qui a donné gain de cause au légitimaire ;
le défunt a élé représenté par l'her·es scrfoius. C'est ce dernier
qui a eu, en fait el en droit, la possession des biens hérédita ires
et sauf les restitutions auxquelles l'obi ige le s uccès de la querela,
restitutions dont l'étendue s'apprécie selon les distinctions indiquées plus haut, il a pu se comporter en m aître, et les actes
émanés de lui doivent ê tre respectés.
-7i -
Les légataires, envers lesquels il a exécuté les volontés du
testateur, ont ac'luis la propriété de la chose payée et se trouvent
dans la même situation qu' un acbete1Jr ou qu'un donataire de
bonne foi à qui l'he1·e.<J scriptus aurait vendu ou donné une ch~se
héréditaire. Ma is,comme en définitive, la rescision qui résulte cJe
la sentence dé truit son titre et investit de l'hérédité le réclamant
qui triomphe, celui-c i aura droit tantùt à descondiclione.<J indebiti, tantôt à la restituition dn prix, s' il s'agit d'une vente, et ù
supposer que ce prix existe encore dans le patrimoine de l'heres
scr iptus.
De cette idée, que l'lteres scriptu.<J a représenté jusqu'à larescision la personne du 11ëfunt, se dégagent d'autres consëquences
remarqua bl es. 8 upposons, par exemple, que l'hérédité comprenne des esclaves et que ces esclaves aient réalisé des acquisitions dans l'intervalle de l'adilion à la sentence. Le bénéfice
de ces acqu isitions sera-1-il pour le légitirnaire ou pour l'heres
scr iptus ?
La loi 3? de Paul, au titredeliered. pelit. Y. 3. décide, comme
le voulaient <l'ailleurs les principes, que ces acquisitions entreront dans les restitutions dont est tenu l'héritier envers le légitimaire. l\lais, la loi 33, au mêllle titre, y fait exception, pour
le cas où les acquisitions auraient été faites, moyennant des
valeurs prises dans Je patrimoine de l heres scriptu.~. Dison::;
encore, pour ne rien omettre sur ces question . que les payements faits par les ùébiteurs héréditaires à tlieres scrijJt11~, les
libère de plein droit, et dégage absolument leur responsabilité à l'égard du légitimaire. (IJ A lïm·erse, le légitimaire e$l
(l) loi 25 p. 15 in fine de bered. pet. Oig. V. 3.
�-72à l'abri de l'action des créanciers héréditaires, qui auraient reçu
antejudicium, leur paiement des mains del'heresscr1'ptus.
Nous avons dit que l'effet d'une sentence prononçant l'inoffi.ciosioté du testament était d'anéantir la s uccession testamentaire, et de donner ouverture à la succession ab intestat. Nous
avons supposé jusqu'ici que le querelans qui intentait la plainte
était appelé en ordre utile pour succèder ab intestat.
Mais, l'hypothése inverse est possible. Il se peut que celui
qui exerce laquerela soit précédé, dans l'ordre des vocations à
la succession légitime, par un héritier préférable, qui ne se
présente pas pour intenter l'action, soit parce qu'il ignore son
droit, soit parce qu'il a été dévancé par le querelans. Le cas se
présentera rarement. Mais, à supposer qu'il se produise et que
le réclament gagne le procès, pour qui en sera le profit.
La loi 6 § 1 au Digeste de ino/fi. test. prévoit l'hypothèse et
décide que le bénéfice de la sentence intervenue sera, non
pour le réclamant qui n'est pas en ordl'e utile, mais pour
celui ou ceux que la loi lui préfère dans la succession ab in
testai : «: Non ei p ,.oHt victo1·ia, sed his qui habent ab
«: i ntestato successionem. l
Cette solution fait échec à un principe très-important du droit
romain et consacré par notre législation, le principe de l'effet
relatif de la chose jugée. Est-il po5sible d'expliquer, sinon de
justifier, cette décision ·? Le motif nous parait en ê tre dans la
faveur avec laquelle la loi voit la délation de la s uccession aux
héritiers légitimes, que le testateur a sans doute injustement
dépouillés. Si l'on n'admettait pas que l'héritier en rang utile,
quoique resté étranger au procès, pût s'en approprier le profit,
il faudrait plaider de nouveau, recommencer l'instance, peut-
-
ï3 -
être sans succès, et l'on arriverait de la sorte à consacrer l'iniquité de l'omission ou de l'exhérédation des Léritiers naturels
Ulpien, dans le texte qui nous occupe, semble vouloir expliquer la solution qu'il donne par ce motif que la sentence a
ouvert la succession ab intestat. Cette ouvtrture serait définitive et il ne serait pl us possible de faire revivre le testament.
Le défunt étant intestat, il y a lieu désormais a l'application
des lois sur l'hérédité légitime.
Au surplus, ce n'est pas la seule dérogation que nous présente
cette matière au principe qui limite aux parties en cause l'autorité de la chose jugée. Nous avons dit que la sentence prononçant qu'un testament était inofficieux mettait à uéant toutes les
dispositions contenues dans ce testament, et en particulier, les
legs et les atirancbissements testamentaires. Sans doute, ce
résultat s'explique par cette considération que le testament est
rescindé comme étantl'œuvre d'un fou: quasi a d~menfe (loi 3)
et que, par suite de cette supposition, toutes les Yolontés dernières du testateur, affranchissements, legs, substitutions pupillaires, fideicommis, se trouvant infectées du même vice, ne peuvent pas pl us valoir que l'institution elle-même.
Du reste, un autre principe aurait infailliblement conduit la
jurisprudence à cette solution, toute contraire qu'elle füt au
principe de l'effet relatif de la chose jugée. C'est que les romains
ont toujours considéré l'institution comme la partie fondamentale du testament, celle dont dépendent le sort et l'efficacité de
toutes les autres dispositions de dernière volonté ; En un mot,
pciur employer le la11gage des textes, l'institution était à leurs
yeux, capuf et (undamentum totius testamenti. L'institution ne
sortant pas à effet, les legs, affranchissements, et autres dispoitions n epouv aient en produire aucun.
�-74 -
rviais, on Yoit sans peine à quels dangers cette théori~ ex.posait
les légataires et les esclaves affranch is, et les collusions d~nt
pouYaient se rendre coupa!Jles, au mépris de leurs droits.
{lteres so·rptus et le quei·elans. Aussi, des tempéraments furentils apportés à cet état de choses. D'abord, un rescrit im~érial,
dù à ~lare-Aurèle et Œlius Verus, divorum ft·atnwt eprstola,
décida que lorsque rins litué ne répond pas à la demande, la
sentence inter,·enue n'a ù'elTet que contre lui, et laisse intacts
les ùroits des légataires e t des escla\es alTranchis par le testament. (loi 14 p. 1 de ap1Jel. et 1·elef!. XLIX. 1.) En second lieu,
on admit les légat~ ires et les escla,·es alTranchis à inlerYenir
ùans l'instance en inofficiosité, pour défendre leurs inlérêls, ou
si la sentence a été défavorable au testamen t, à en forme appel
rtoi 29. de ùioh'· Y. 2.)
Le principe que la rescision du testament entrainait la nullité
de toutes les dispositions testamentaires recevait des exceptions
de diverse nature. Ainsi nous avons vu plus haut, dans un
texte d'Ulpien, la loi 2. § 1 de inoff. test. que la querela était
accordée au militaire que sa mère n'avait omis que parce qu'ell ~
le croyait décédé. Paul, visant la même hypothèse, dans la 101
28 au .nème titre, nous apprend que l'empereur Adrien autorisa
bien, pour ce cas, la rescision, mais sous la condition du maintien des legs et des affranchisse1nents.
Une seconde exception a trait aux afTranchissements fidéicommissaires. Ils sont Loujours maintenus, probablement parer
qu'ils ne sont pas l'œuvre du testateu r seul, mais aussi de son
héritier, et sous une condition spéciale : l'alîrancbi devra payer
au légitimaire qui a triomphé une somme qui parait être la
cote moyenne de l'esclave, et que la loi fix.e à vingt sous d'or·
-
75 -
(1) Ainsi encore, s i la querela est admise, après l'expiration ·du
délai légal, que nous indiquons plus loin, pour un motif grave
et fondé, ex "iagndet justa ca1tsd,elle n'atteindraquelïnstitution.
Les atrranch issements directs ou fidéicommissaires échappe11t
à la nnllité, pourvu que chaque affranchi, p~ye comme tantôt,
vingt sous d'or, au querelans (2)
Rappelons enfin, que certaines dispositions , telles que les
donations à cause de mort, les donations entre-Yifs et les
constitutions de dot faites à lïnslitué sont entièrement à
l'abri des effets de la querela, sielles ne renferment en
elles- mêmes rien qui puisse les faire considérer comme
inofficieuses.
Le succès de la querela entraine une dernière conséquence.
De ce que cette action aboutit à dépouiller l'heres sci·lptus et à
remettre las choses par rapport à lui au même état que s'il n'y
avait jamais eu d'adition, il résulte que les créances qu ïl pou_
vait avoir contre le défunt ou les dettes dont il était tenu envers
lui et que la confusion avait é teintes, revivent pour ou contre
lui, et qu'il peut en réclamer le paiement ou être poursuivie.
conformément aux règles ordinaires.
Nous avons supposé, dans nos explications précédentes que
la plainte d'inofliciosité aboutissait à une rescision complète du
testament. Mais, des hypothèses pouYaient se présenter, ùnns
lesquelles la que,·ela ne conduisait qu'à une rescision p:utielle
du testament attaqué. On peut en citer plusieurs exemples.
( 1) Mod. loi 9. Dig. de inoff. V. 2.
('l) loi 8 par. 15. (ibid.)
�-
76 -
Ulpien, dans la loi 24 au titre de ino(ficioso, suppose la querela
intentée par un frère contre deux intitués diversi juris : l'un est
une persona !tonesta, l'autre une pei·sona lurpis . Le frère n'agira
aYec succès que contre celui des intitués qui n'est pas inte9rœ
e.ristimationis. Le testeur ayant pu lui préférer l'autre sans
manquer à l'officium pietatis, il obtiendra, en définitive, une
partie seulement de l'hérédité.
On peut supposer encore que le testateur a laissé un
fils unique qu'il a exhérédt!, et institué deux he1·edes e:rfranei
Le fils exerce la (jlterela contre les deux institués. Mais, il n'obtient gain de cau~e que contre l'un d'eux. Ou bien, renversant
l'hypollLse, si nous mettons en pré~ence deux fils exhérédés et
un seul heres scripflls, l'un des deux fils peut réussir et l'autre
1
éc 1ouer, ce dernier, par exemple, a été valablement exhérédé
p:lr le défunt. Dans tous ces cas, le testament est rescindé par·
tiellement.
Le premier et le plus remarquable effet de cette rescision
partielle, est de faire considérer le défunt comme étant mort
pm·tim testa/us, partim 1"ntestatus, chose cependant impossible
en règle ordinaire. Papinien, après avoir examiné un cas où se
produit ce résult"l. le justifie ainsi : <t Non abs· 1n·dum vidf!tur,
• 11ro parte inte~ 1at11111 vidcri Q Un des plus sa\':lnts romanistes
de l'ancien droit, Cujas, met à ce texte le commentaire suivant :
t
absurduin autem non e~t ltSlalio11, ex post facto, pro parte
1
Îillestrdwn fie1·i: ali11d e.~f e.<;se, (1/iud videri; aliud decedere
p i·o J 1Jt·te ù1tesfofum ab intfio, a/iud postca decessis.<:e vidc1·i:
1
'
Et 1•111'.<:11s, aliud f'.'Jf 1·idrri, ali11d esse. Qui fit intestatus
« 1·ideti11• rs1>e, nec ta,11cn fuit ab i1titio . ,
u
Cujas, on le voit, s'appuie, pour établir qu'il n'y a pas ici une
-77-
véritable dérogation à la règle nemo r.art"m t t t
.
.
. .
.
P
1
es a us, parfim
intestatus, ~ur une d1stmcllon entre le testateur qui meurt, ab
int'tio, partie testat, partie i'nte.~tat, et celui qui n'est considéré
comme décédé, dans ces conditions,que plus tard, par suite de
circonstances qu'il n'a pas prévues 1 d'évènements "l ,
qu 1 11 a pas
été maître d'empêcher. Cette distinction peut paraitre un peu
s~bt!le. Mais,. e:le. doit être acceptée ; et, il faut reconnaitre,
ams1 que le d!L CuJas, après Papinien, que la règle nemo partim
ne s'appliquait pas, lorsque cette dévolution insolite de l'héré~
dité, avait lieu ex post(acto, indépendamment de la volonté du
défunt.
Pouvait-il arriver, non seulement qu'une partie de l'hérédité
fut dévolue ab intestat, l'autre ex testato, mais qu'une seule et
même personne recueillit !·1 succession en l'une et l'autre qualité?
Certes, l'espèce devait être rare. Mais, elle pouvait se produire,
et un texte de Paul (1) prévoit le cas suivant, qui mène précisément à ce resultat : Une mère a deux filles. Elle institue pour
un quart l'une d'elles, omet l 'autre,et institue un heresext1·a11ens,
pour les trois autres quaT"ts. La fille omise, qui a droit à la
plainte d'inofficiosité, l'exerce et triomphe La succession ab
inte$lat est ouverte. Mais, cette fille n'est appelée ab i11testat
qu'à la moitié concunemment nvec ~a sœur, a qui appartient
l'autre moitié. Elle revendique cette part et l'obtient. La fille
instituée, qui n'a rec:u qu'un <JUart et qni a droit ab intestat à la
moitié, enlèvera le dernier quai l à l'héritier externe , de telle
sorte qu'elle arri,·era à la succession à deux titres: pour un
quart, en vertu du testament, pum l'autre quarl ab i11festat.
Etudions maintenant les autre:; efiels de la rescision partielle
( I) Loi 19, de inoJl'. Dig. V. 2.
�-
78 -
du testament. Ils sont indiqués dans un texte de Paul, qui
forme la loi 15, p. 2 au Digeste de inotficioso, et sur lequel nous
a"ons déjà eu l'occasion de nous arrêter : (< Filius. qui de
• inofficiui actione, diversas sentenlias fudictum tulit, et
a deh?'tores convenfre, et ipse a crcd1'toribus JWO parte conveniri
« potes!, et corpo1·a vindicare, et hereditatem dividere. Verum
« eni'm e~t, familiœ ercisundœjudicium competere. Quiac1·edi' mus eum legitinwm he1·edem pro parle esse factum: et ideo
« pars heredilatis in testamento remansit. »
Ainsi, le légitimaire, devenu héritier ab inte$fat pouvait,pour
une part proportionnelle à cellejusqu'à coucurrence de laquelle
la rescision avait été prononcée, exercer les actions héréditaires
contre les débiteurs du défunt, ou subir les poursuites des
créanciers. Il avait le droit de revendiquer les objets corporels
entre les mains des détenteurs.La masse de la succession devenait indivise entre lui et l'héritier tes tamentaire ; et, il y avait
lieu a un partage qui s'opérait, soit amiablement, soit par l'action
en partage de l'hérédité, l'action fa miliœ ereiscundœ.
Les legs et les fideicommis n'étaient pas annulés en entier,
mais seulement dans les limites de la part afférente au que1·elans
victorieux. Ils étaient dùs pour le surplus par l'héritier testamentaire, qui était sen! exposé à l'action des légataires et des
fideicorum issaires. (1)
Mais, quid, s'il s'agit d'un legs qui ne se prête pas à une
réduction partielle, par exemple le legs pe,. damnalionem d'une
servitude? Ici, le legs étaot, de sa nature, indivisible, il faudrait
nécessairement le maintenir ou le sacrifier en entier.
(J) Loi 13. Code. III 28.
Mai& d'autres moyens s'offraient d'arriver à une solution qu
1
donnât satisfaction à tous les intérêts. De deux choses l'une;
ou le légitimaire consent à l'étalilissement de Ja servitude et
,
alors le légataire peut l'exiger, sous la condition de payer au
légilimaire une part de la valeur esLimative de la servitude
équivaleole à la portion acquise ab inteostat par le querelans.
ile légataire réclame la constitution de la servitude, sans payer
cette somme, le légitimaire le repousse par l'exception doli.Ou,
au contraire le légitimaire s'oppose à l'établissement delaservitude, et les choses, dans ce cas, se passent ainsi : Le légataire
exerce son action, où il demande : intendere dare aibi oporlere
sei·oitutem: Mais comme il n'obtient pas la servitude, il reçoit
une part de la valeur estimative de la servitude proportionnelle
à :a part recueillie CJJ testamento (2). Telles étaient les règles
suivies sur la loi Falcidie.Quant a ux aITranchissements testamentaires, ils ètaient aussi maintenus, la faveur de la liberté,
d'ailleurs indivisible, ayant dicté cette solution. Mais le 1égitimaire, dont les droits étaient lésés, pouvait exiger des affranchis une portion du prix <l'un esclave, égale à la part qu'il
recueillait ab intestat (3).
Enfin, le testament rescindé partiellement pouvait contenir
d'autres dispositions, et par ex~rnple, des substitutions
pupillaires, des nomina lions de tuteur.Ces dispositions sont considérées comme non a'·enues, d'lns le cas ou la plainte dïnotlicio~ilè a pour résultat une rescision complète du testament. En
sera-t-il, de mêmelor,que la re cision ne sera que partielle ? La
loi 8 p. 5 du titre de inof!icioso répond négatiYement au sujet
ïll Loi 56 princip. XXXI. Oig. de legatis. '2·
(3) Loi '29 de excep. re. Jud. f)ig. XI.IV. ~
�-80-
de la substitution pupillaire. En ce qui concerne les nominations de tuteurs, les sources sont muettes. De là, controverse
entre les interprètes. Nous pensons, selon l'opinion du plus
grand nombre, que les nominations de tuteurs, ne recevaient
aucune atteinte de la rescision partielle rlu testament. Il y a à
cela même raison que pour les subtitutions pupillaires. La
solution doit être la même.
B. R ejet de la qum·ela. - Nous a rrivons à la seconde hypothèse que nous avons annoncée, celle ou la querela aboutit à un
échec. Les conséquences en sont particulièrement graves pour
le querelans . Il perd, sans restriction ni réserve, toutes les hbéralités que le testament pouvait contenir en sa faveur, et dont il
e eu le tort de ne pas se contenter.C'est ce que dit expressément
la loi 8 p. 14 au Digeste (de ino(f'). « me111ir1isse oporfebit eum
« qui testamenfiun improbe dixü. id, quod in testamento accepil
« perdere. • La cause de cette déchéance, de cette peine inOigée au légitimaire qui succomb e, est facile à saisir. Nous avons
vu que cette action est injurieuse pour le défunt, qu'elle s'analyse en une flétrissure pos thume de sa mémoire, puisqu'elle
tend a établir qu'il a, sans raison valable, manqué a ux devoirs
que lui imposaient la nature et les liens du sang. Celaétant,
quoi de plus naturel que de punir l'héritier légitime qui n'a pas
craint de soulever, à tort, comme le montre la sentence, des
débats offensants et injurieux pour la mémoire de son parent.
Aussi Ulpien nous dit-il que les biens qui lui sont enlevés pour
indignité, ut indi9no, sont attribués non à !'institué, mais au
fisc, qui recueille toujours les avantages retirés par la loi pour
cause d'indignité (1).
(1) Loi 13. de jure fisci XLIX. 14.
-
81 -
Toutefois, cette péna lité cesse d'être encourue, lorsque celui
qui a intenté la plainte d'inofficiosité se desiste de sa demande
avant la sentence. La même règle s 'applique, si le légitimaire.
après avoir introduit l'action , ne peut, par suite d'absence,
assister aux débats et à supposer que la sentence soit rendue
contre lui (1).
Au contraire, si le légitimaire institué, mais grevé d'un fidéicommis universel, se plaint de cette charge etintente la querela,
il est privé, en cas d'échec, du droit de retenir s ur le fidéicommis la quarte pégasienne, qu'il n'a pas à tort trouvée suffisante.
Mais, que décider, s'il s'agit d'un adrogé impubère, que l'adrogeant a exberédé et qui attaque le testament, nonobstant la
quarte Antonine que la loi lui assure, précisément dans le cas
d'une exhérédation ? Ulpien, prévoyant l'espèce dans le § 15
de la loi 8, décide que l'on ne doit pas admettre l'adrogé à exercer
la que1'ela, mais que, si on l'y autorise et qu'il y succombe. la
quarte Antonine doit lui être conservée, parce qu'elle a plutôt
à son égard le caractèr e d' une créance contre la snccession, que
celui d'w1 avantage héréditaire.
Remn rquons, enfin, que la déchéance dont nous nous occupons
ne doil pas atteindre ceux qui intentent la plainte d'inofficiosité
an nom d'autrui, pour accomplir un ùevoir ou satisfaire aux
obligations d'une charge dont ils sont im·estis. Ainsi, pour citer
l'exemple des institutes (p. 5. ) le tuteur qui exerce la querela
contre le testament du pcre de son pupille, ne saurait perdre
les legs on autres a rnntages, dont le gratifie le même testament·
Une décision semblable est donnée(~) pour le père qui agit,
(1) Loi 8 p. Li de iooff. V. '2.
(~) loi "22 p. l. Dig. V. '2.
�-
82 -
- 83 -
au nom de son fils, contre le testament maternel. Ma is, ici, la
solution admise peut être critiquée, au moins jusqu'à l'époque
où Constantin, par la création du pécule adventice, ait enlevé
au père tout intérêt à attaquer, au nom de son fils, le testament
de la mére.
SECTION V
D'autres textes citent encore des hypothèses où la règle que
le perdant est privé des avantages héréditaires à lui conférés
par le testament ne reçoit pas son application.
,
Tryphoninus, dans la loi 22 § 2. suppose qu'un legs m est
laissé par une personne dont le testament est attaqué par un
fils omis ou exhérédé. Je deviens, plus tard. l'héritier de ce fils,
et je continue, en cette qualité, la poursuite par lui commencée.
Je succombe ; dois-je perdre le legs antérieurement recuelli ex
testamento? Non ; car, on ne trouve pas, dans l'action que
j'exerce, le caractère offensant pour le défunt, qui seul peut
justifier la pénalité dont est frappé le querelans vaincu. Il en
serait de même encore, si vaincu sur une plainte d 'inofficiosité
intentée à tort, je succède ensuite à !'institué. En eITet, les droits
que j'acquiers alors m'adviennent à un titre nouveau, et en
vertu d'une cause tout à fait étrangère au testament attaqué.
C'est ce que nous dit Paul, (loi 5 p. 7 XXXIV. 9. Di9. « qui
occuravit falsum, heres legatario exsiitiL vel heredi instituto.
nihil hine nocere dicen.dum est. »
Des modes d' extinction de la querela inofficiosi
testament!
Comment une personne à qui appartient le droit d'exercer la
querela inofficiosi iestamenti, pourra-t-elle perdre ce droit, en
d'autres termes, quels modes d'extinction sont applicables à
cette action? Tel est l'objet de cette cinqnième et derniére partie
de la seconde époque.
On peut compter trois modes principaux d'extinction de la
querela:
1° La renonciation;
2• L'expiration du délai fixé par la loi ;
4° Le décés de l'ayant-droit.
A. - Renonciation: Ce premier mode est, sans contredit, le
plus important, à raison des formes diYerses sous lesquelles il
se présente et des applications délicates qui peuvent naitre dans
les nombreuses hypothèses que nous aurons à étudier. Le cas le
plus fréquent et 'lUSsi le plus grave est celui d'une transaction
�-
84 -
conc1ue ent re l 'béri·tier testamentaire et le légitimaire investi de
que
.
. se rappeler
l a quere l a. Av ant d 'en indiquer les effets, il faut
aurai· t pas , en droit romam, parmi les conr.11:>
ne i1
.
la traosact 10n
. és, classés et munis d'action.
. . un
.
. E lle constituait
trais nomm
simple pacte qui donnait lieu à l'exception pacti. Mais, il .en
était autrement. si, au consentement librement donné, les parties
ajoutaient le contrat de stipulation, c'est-à-dire la forme de la
demande et de la réponse. Alors, on se trouvait en face d'un
véritable contrat, qui donnait naissance à l'action ex stipulatu.
ou bien sans avoir eu recours à la stipulation, l'une des parties
a rempJ son obligation, par exemple, elle a fourni une dation ou
exécuté un fait. Elle peut poursuivre l'autre en exécution de ses
engagements. Car, la transaction s'est transformée, par ~uite d.e
cette circonstance, en un contrat innommé, qui prodmra s01t
l'action p rœscriptis verbis,soil une condictio ob rem dati re non
secuta. Ces principes rappelés, nous pouvous aborder notre
question. Un l ~gitimaire qui a droit à la querela, convient avec
l'héritier institué, qu'il n'exercera pas son action, si celui-ci lui
fait abandon d'une partie de l'hérédité, lui paye une somme ou
le rend propriétaire d'une ch ose déterminée. L 'heres cripluq
exécute son obligation, mais le légitimaire, a u mépris de la
transaction exerce la querela. L'institué peut faire tomber son
action par l'exceptionpacti conventi. Mais, il peut se faire qu'il
réponde à la demande et se décide à plaider. Dans ce cas, et
quelle que soit l'issue du pl'ooès, il pourra, par une condictio,
appelée condictio ob rem dati, re non secutà, répéter ce qu'il a
donné, puisqu 'il n 'avait donné que sous une condition que le
légitimaire u'a pas observée.
11
1
Il arrivaît souvent, comme notls l'avons dit plus hau t, que les
-
85 -
parties, après avoir régl6 leurs 11ccords, employaient la forme
du contrat verbis qui donnait naissance à l'action ex stipulatu..
Dans l'es1>èce qui nous o cupe, 011 aura en recours à la stipubtio~ 'H{lti lien1e, su'vie <l' 1cceptil 1tion. Alors, l'act ion du légiti~1a1re se ~rouvanl éteinte de plein droit, p1s n'était besoin <rue
1 heres srzplus le repoussàt par l'exceptio pacti. Enfin si l'on
suppose qu'une chuse pénale est venue s'adjoindre à la transaction et a fai t l'obj et d 'une stipulation, l"h11•es sriptus qui consent à plaide r peut .qu'il triomphe ou qu'il succombe, redemander
ce qu'il a donné p ·1r la condicfio ob l'em dati, et exiger,en outre,
le montant de la clause pénale par l'action ex stipulatu (loi 15,
de tran .'{. Dig. II. 15.)
Mais fa transaction a pu intervenir dans des conditions ditT~
rentes. Le légilimaire, moyennant !"abandon que lui consen
llnstitué de l'héré<litè, i;'rngage à lui remettre une somme, ou à
lui transferer h propriété d'une certaine chose Ici encore,
l'action donnée à l'l1éres scr1pt11s pour contraindre le lègitimaire
a l'ex éculi0n <le ses o1diga tions, ''arierJ sui\·ant qu'il y aura eu
ou non s liphtion . Au premier c1s, il aura l'::iction e.r st1jmlafo :
au seconù cas, il aura l'action générale crui s'apl ique :iux contrats
inomm é~ et 1ru'on appelle r·1ction 11·œsc1·iptis verôis ' 1).
Une tlernièr.... hypothèse peut se prndnire. Le légitimaire
a laissé il l 'institué Loule lhérédité, et ·est eng1gé à ne p1s
intenter 1.1 q11e1·eltl, 111oyeun:i.nt l t 1hli·J11 que fui ferait rl.éres
Sf'r/pfus .J'1111e sn1111 11e nu d'une c 11ose cléterminée.L·lierescr1pf11s
n'exécute p:ls son ol1lig1lion. Si nous supposons qu'un contrat
de stipulation est intervenu, point de difficulté. li y a lieu à
(1) Loi 6. Code de Trana. II. 4.
7
�-
·action ex stipulatu. Mais, e n l'absence de stipulation, le légitimaire est privé de lout moyen de contrainte à l'égard de
!'institué. N'ayant rien promis, il n'y a eu de sa p'lrt ni dation ,
ni exécution qui puisse f,nre naitre une condictio ob rem datù
ou une action pœscnptis verbis. Aussi, perme-t-on dans ce cas,
au légitimaire d'intenter la plainte d'inofficiosité. C'est l'avis
d'Ulpien, qui s'exprime ainsl: «Si instilidd de inofficioso teslac. mento actione, de litepacto transactum est,nec fides, ab herede
~ transactioni pvœstalur, inofficiosi causam. inte9ram eose
« placuit. »
Nous avons supposé jusqu'ici que la transaction intervenait
ent re l'héritier ou les héritiers institués e t le légitimaire , et, cela
va de soi, après la mort du tes tateur. Si de pa reilles conventivns
avaientlieuentrele testateur etson héritier na turel, elles seraient
considérées comme son avenues, et c'est le c:is de rappeler ici
les décisions indiquées plus haut de Paul et de Papinien, qui
déclarent inefficaces les transactions ou pactes intervenus entre
le défunt et l' héritier légitime, et qui avaient pour but d'enlever
la querela à ce dernier, ou d'obtenir sa renonciation à la succession, moyennant une donation ou une dot, destinée à lui tenir
lieu de quarte. (1) L 'on comprend, sans peine, que ces conventions, ne présenteraient jamais le caractère d e liberté nécessaire
pour la validité et l'efficacité du cnnsentement.
Disons, pour ne plus reveni r sur ce suj et, que Justinien a
confirmé cette doctrine dans la loi 35. au code. de in.off. test.
Ill. 28.
Maintenant, si l'on suppose une transaction valablement faite
entre le légitimaire et !'institué, quels en! seront les effets à
(! )page 34. ~upra, N. 2 et 3.
87 - -
l'égard des tiers qui ont d e!' droits à ftire valoir en vertu du
test1ment et qui n'ont pu été p u-ties à h convention ? Lorsque nous n Ht'5 som nes o ·c·1p •de:; e T·L~ ùe h re;cision du testament, par suite <l'uue pl lin le clïno:li.ciosit;, nous av 1ns dil
que cette rescision éLniL oppos'lble à luus ceux dont les droits
dépendaient du testament, institué, légataires, fidéicommiss1ires, esclaves alîranch is, en cl "tulres termes, que le testament
ét1it mis à ntant d'lns toutes ses dispositions.
Au contraire, lorsque une transaction intervientt entre l'here11
$C1·1}Jfus et le légitimaire, les droits seuls de !'institué en recoivent une atteinte. La tra nsaction est, par rapport aux légataires
aux fidéicommissaires, aux esclaves a!Tranchis par le testament
res inter alios acta. Elle ne leur serait opposable, que s'il y,
avaient été p'lrties. Telle est la décision contenue dans un texte
d'Ulpien, la loi 20 § ~ de inofT. te.çf: « Q1ca 11vis in.'lfituta inoffi• ciosi tes•a. 11e11ti acrusrrtione, 1·es tra11.~actio11erlt:c'sa .'lit, ta ne 11
a tesfamenf 11n ·n .<11/1:> Jllt'e 11ianet : tl ideo datœ in eo ltbe1·tates
4 afque legrtta,
usrf'1e ?llO Falcidia permitlit, suam habent
u pofestate,n. »
1
n est,
du reste, facile de ju.:;trner cette rloctrine, si l'on considère que les diverses personnes dont le droit se fonde sur le
testament, les lég·1tnires, les llùéicon mis,aires, et les esclaYes
affranchis, sont pri\ és ici oe tunt moyen de S'lUYegarder leurs
intéréts et de veiller à la oéfense et à la protection de leur droits
lis POUV'lien t, si le procès en inofficiosilé eùt été intenté, inter\'enir Jans la cause, so11tenir la validité des dernières ,·olontés
du défunt, et, si la sentence eùt elé rendue contre le testament.
en interjeter appel, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Aucune
de ces garanties ne leur est accordée dans le cas qui nous occupe.
�-
- 80-
88 -
Ils sont étrangers à la transaction qui se forme, â leur insu et
hors la présence de la jus til:e, entre lïnstitué et l'héritier légitime. Il serait donc injuste de leur en appliquer les eITets, et le
principe que les conventions ne ùoivent point nuire aux tiers
doit être ici rigou reusement observé. l\lïi :i, si leur situation
n'est pas moùiftée par la transaction, si celte t1·ansac tion ne
peut leur préjudicier, elle ne p eut non plu" leur profiter; et,
comme ils tiennent leurs droits du testament, ils n 'auront de
recours à exercer que contre l'her es scriplus, qui, s 'il n'a pris
ses mesures pour être indemnisé de ses poursuites, ne peut
imputer qu'à lui la négligence commise.
Une dernière question nous reste à examiner. Quelle est,
après la transaction, la situation des créanciers héréditaires !
à qui devront-ils s'adresser? qui devront-ils poursuirre ? Cette
question ne doit pas recevoir la solution que nous avons donnêe
tantôt par rapport aux légata ires et a ux escla,Tes affranchis.
Le droit des créanciers est, en efTet, indep enda nt du testament.
Quel11ue soit le ~ ort de ce testament, leur action subs iste, et ils
pedvent t'exercer, soit contre !'institué, s'il conserve l'hérédité,
soit cotttre le légitimaire, s'il n•ussit dans la demande en resci:->ion. En définitive, ils devront pours uivre le représent rnt du
déùmt, héntier inslilu6 ou héritier légitime. Mais, pour qn'ils
p•1i.:;senl agir, il est de toute nécessité qu'ils coun1isscnt celui à
qui l'll ér~.litè est déflnit1\·emenl dévolue, celui qui c.:onlinue le
défunt et qui sut:cèrle , a ce ti t rn, ü ses 0blig::i.tions et à ses droits.
Or, él,rnt clonué une tnnsaction, il est ùifTi.c ile, ou mieux impossible, de répondre <l'une façon iJmnédi'lte et sûre à ces questions.
Aussi, la loi tranche-t-elle la difficulté en accordant aux créan'
ciers de la succession desactions utiles, tant contre l'hereucrip-
.
que contre l'héritier naturel dans la 11. 't d 1
m1 e e a portion
<
'
•
•
c·est ce
d'
à chac
héréditaire que la convention assi!!ne
un eux.
' "
.
.
.
·
qu expnme tres-exactement un texte de J.unsconsu
1te ,...N'ŒYola
.
.
frftnMcfiouibttR· , • ., 1• crec.i 1'(c,1·as es.<Jen t,
de
ne
UI fi
11
la lot
.
.
·
non (eri11.<;tnt , /lrO'P ter incertum
u qui transact1onem
sur. .
t
·
te
f]uam,
s
herc·rlitat
prn·te
p1·0
' cesszonis,
1
1
rque m ransactione
'
fus
n
•
c rxpresserit, 1tfilibus co111:an1e11rlus est. n
d
.
e la question , au poi'nt d e 'ue
Aucun .texte ne tr1il
es rap.
ports del heres sc1·11du.<: ou de l'heres legifim 1, 8 avec les <lébitrurs
de la succession qu 'il faut poursuivre , ou les t"iers possesseurs
de biens héréd ilai res contre lesquels il y a lieu à la rei rindiratio
Il est probable que les mêmes principes étaient suh·is, et que
chacun des deux intéressés, l'héritier institué et le légitimaire.
avait le droit d'inten ter, sous forme utile , des aclions person~elles ~u ré.elle~, proportionnellement à la part que la trans~c
hon lm attnbua1t dans l'h érédile, ou même pour le tout. si l'un
d'entre eux gardait effectivement la totalité de l'hérédité.
Nous venons d'étud ier une première forme de renonciation
à la que1·ela, la transaction. Une seconde forme consiste dans
l'approbation tacite du testament, résultant de certains faits,
sur lesquels il est nécessaire de donner quelques développemeuls.
. Un premier cas <ù se rencontre cette approbation, nous est
indiqué par Paul dans la loi 23, p. 1. au Digeste de ;no/ji'cio.,o.
Le jurisconsulte suppose que les héritiers légitimes ont conclu
avec les héritiers institués di' ers traités relatiYement aux Liens
hérédi taires. Ils c nt :1gi aYec la conscience de leur qualité el du
droit qu'ils avnienl d'atlaqucr le testament comme inoilkieux.
Ils ont, par exemple, acheté l'hérédité, ou des objets détermmés
de l'hérédité ; ils ont pris à bail des fond~ ; ils ont payé ce quïb;
�-
-9i-
90 -
devaient au défunt. Ces actes témoignellt qu'ils approuvent les
dispositions dernières dn défunl et r1u'ils renoncent au droit
d'intenter la plainte d'ino!liciosilé. C'est ce qne dit Paul : «Nam
« agnoscer·ej11dicium de/irncti, viclenfur, et à 111erela e.7:clu-
' duntur. » Est encre reg:u·dé comme ayant donné son appro-
bation au testament, plus mnnifestemenl pent-être que clans la
précédente hypothèse, celui qui a réda!l1é un avantage héréditaire, un legs par exemple, que lui conférait un testament dont
il pouvait demander la rescision pour cnuse d'inotnciosité. Que
cette réclamation se pro<lui~e pa1· 13. voie de justice, ou que le
légitimaire accepte Yolonlairement les asantnges à lui faits, peu
importe. Il y a dans les deux cas, renonchtion tacite à la q11e1·ela,
par suite del 'approbation donnée au testament. li n'y a pas !:eu
non plus, de se dem'lnder si le legs est adressé au légilimaire
personnellement ou a une personne placée sous sa puissance.
(D. Loi 12 prin. V. 2).
Ce même texte décide§ 2, que si le legs, fait i.t l'héritier légitime et réclamé p'lr lui, était révoqué par un co1licible dont il
ne soupçonnait pas l'existence, il n'aura pas perdu le ùroit d'intenter la quer·ela. Et , cette solution est logique autant que juste.
Le légitimaire ne ren0npit à h plainte dïno!ficiosilé qu'en considération du legs 11ui lui ét1il f'lit, et q11ïl estimait donner une
satisfaction su!Tisante a ses ùroils. Ce legs lui étant retiré, il
serait peu équil1b1e de m'linleni1· effet à une manifestation de
Yolonté, qui avait s·t cause 11niciue dans le legs.
Sur ce" premières hypothèses, le do11le n'est p 1s possible. Il
y a Yéritable111enl, 1h11:s le f-til, p·tr lï1érilierl1'lllll"el, de réd1mer
lesavanhges h é réù1t~1i res riue le testam ent lui confère, une
approbation des dernièl'es volontés du défunt, qui doit entrainer
l'exclusion de la querela. Mais il y a des c
.d
.
'
as qui onnent lieu à
quelques difficultés. Ulpien, loi 8 s 10 pré .t 1,
.
"
voi espèce suivante ·
Le testateur met à l'insti tution ou au legs qu'iHai·t à
·
un tiers,
cette condition que !'institué ou le légata· d
.
ire, onnera unesomme ou une prestation d'une autre nature à l'hé . .
..
.
. .
nber légitime
S1celu1-c1 accepte la libéralité est-il exclu d l
·
.
.
'
e a querela? l"ffiarmattve semble bien fondée. Car il a par s
.
'
'
on acceptation des
avantages que lui offrait le défunt, approuvé le t
.
· · d· ·
estament
agnovi1 J u icium. ~lais on voit de suite l 'ob' t"
.
.
. .
'
~ec ion qui s'élève
et que le JUr1sconsulle se pose sans s'y arrêter . C' t
..
..
,
'
· es que l'hér1ller lég1t1me na pu renoncer à la querela, parce qu'elle n'ét 1·t
~as née. Elle .n'était pas née; car, !'institué ne pouvait faire a~ illon sans. avoir au préalable rempli la condition , pa r cons équent,
sans avoir offert la prestation à l'héritier légitime , qui· 1·a acceptée avant l'adition, à un moment où il n'aurait pas pu intenter
la querela : 1t Quoniam ante aditam hereditatem non nascitia·
• nuerela.
» • Mais Ulp'e
..
1
,
•
•
1 n, comme nous 1e d1s1ons, ne s'arrête
pas à 1ObJectlon, et 11 décide que si )'institué offre au Jégitimaire
d'exécuter les volontés du ctrfunl à son égard, on doit considérer cette offre comme faite à l'héritier légitime par Je défunl
lui-même, et si le lég li maire l'accepte, il se prive par là même
du droit d"altaquer le testament.
Paul suppose une autre espèce : (1) Une personne me lèrue
un obiet
qu' e Il e a acquis
· en vertu du testament que je puis atta"
J
quer comme inofficieux. J'accepte le legs. Cela emporte t-il
approbation du testament et renonciation à la querela ? Le jurisconsulte l'admet. Mais il faut reconnaitre que sa décision est, en
(I) l'>i SI p. 3 Dlg. de inoft'. V. 1.
�-
92 -
droit pur, peu justifiable. Le légitimnire tient son droit, non du
testament inofficieu>.., mais d'un autre testament, œuvre, non de
son parent, mais d'un légataire, ou même, cela imporlc pe11, de
l'héritier de son parent. Qu'importe que L'objet ·tujourJ'hui légné
ait fai t partie de l'hérédité dont le légitim·lire a été à tort exclu
et qu'il pouvait obtenir, en intentant la plainte dïnofticiosilé?
Le fait est qu'il n'est pas gralifiée par le défunt, dont il po11 \·ail
attaquer le testament comme inoflicieux, que le legs à lui fait
lui Yient d'ailleurs, et que, par consélJUenl, l"on ne l'encontre pas
ici le principal élément pour que l'on puisse considé1er l'acceptation du légitima ire comme une approbation manifeste du testament. C'est une espèce analogue que prévoit la loi 32, également de Paul. Je deviens héritier d'un légataire du défunt, et je
réclame de son chef, le legs. Dois-je, pour ce fait, être pri vé de
laque1·ela ? Paul répond négaliYement. l\Iais, les termes dans
lesquels il s'exprime témoignent qu'il n'est pas absolument convaincu de la vérité de son opinion. Il dl:clare, en effet, que le
légitimaire agira prudemment s'il s'abstient de cette demande:
« tutius tamen {ecerit, si se absti1weril a petitio11e legat1. ,,
Sans doute, la question , clans ces cas douteux, devaiL se poser
sur le terrain du fail, se lr:rnchcr d'apres l'intention pr~sumée
du legiLimaire. On allait mème plus loin, cl l'on appliquait la
présomption de renonciation à la querela à l'héritier légitinie
qui, agissant comme avoca t ou comme pr·o w·ator, réclamait
l'exécution d'un legs au profit d'autrui. (1)
l\ous sommes donc amenés ü constater chez les jurisconsultes une tendance lrts-accusée a multiplier les faits des(1) loi 32 p. Dig. de ioofi'. V. 2
-
93 -
t . approbation du testamen t par celui. à qui
quels il résnltai
.
. . te8lamenti
. !fiIClOSt
appartenait le droit d'exercer la' rniPrela
tno
, et par .suile desquels, par conséquent, ce droit était perd,
u
pour lUJ .
. cas
si l• in qu'on allât clans cette Yoie , il ét~1·
... 1 cert ams
.
. ~his,
ou~ on ne pouvait, sans blesser l'équité, considél'er le légitinrnre comrue ay'lnt approuvé le te:o.tament et renoncé à l
qucrela. Telle est 1'11ypr1t !il.se citée Jl'.lr les institutes où le tu leu~
accepte ~n legs fa il à son pupille.Il ne s1urait pour avoir rempli
les devoirs de sa clrnrge, perdre le droit d'attaquer le testament
qu'il prt-tend êlre à son rgard inofficieux. Il faut étendre cette
exception à toute personne qui en accept·rnt un legs au noin
d'autrui, ne fait que se c mformer aux devoirs de la mission
qui lui est !'Onfié.
EnHn, une dernière remarque qu'il importe de signaler, c'e5't
que, si l'avantage retiré par le légiliinaire e:i: testmnento, est le
frllit d'une cause élrangcre .i sa volonté, il n'est pas dechu du
droit d'inten ter la 9ue1·ela. i\lodestin, dans la loi 12 ~ 3 a ce t'tre,
suprose le lég tm1a1re et un étranger dl b1teurs corréaux du
défunt. Cel11i-c1 hL lhl à t\ tr:rnger sa l1bérat1on. Une acceptilalion interYicnt mire l'i11s1 .t11,,, et le kgataire. Du ménie coup,
l'hént1er kg1tm•e 1:st J.b<'.rl', pwsque J'arcept1lation produit se·
effets a l'égard de tous les d..t1iteurs. i\Ia1s, comme c'est la un
ayanta.:;e que le tl'sl'lment ne lm confern1t pas directement et
personnellement qu'il n'a pas réclanw, mais qui lui est advenu
fort11iteme11t el sans l,Ue sa \'Olontl1 y ail pris p'lrt, on n'en peut
pas induire une :· pp1 o!.iaticn !lu testament, et son droit a la
plainte d'inc•ffiriosité demenre intact.
B. Expù·ati on du délai. - Le second mode d'extinction de
�-94-
la querela ino!fteio8i testamenti' est l'expiration du délai assigné
par la loi pour l'exercice de l'action. Quelle fut la duré& de ce
délai ? A l'époque classique, nons savons, par des textes précis, (1) qu'il était de cinq ans. Mais, on s'est demandé s'il n'était
pas, avant les juriscons ultes, fixée à deux ans, et ce qui fait
naitre la ques tion , c'est un passage d'une lettre de Pine le Jeune
(V . I. ) contemporain de Trajan, dans lequel on lit ceci. sei8
jam biennium tra nsiis8e, omniaque me usueepis8e.Pline ne feraitil pas ici allusion au mode d'acquisition appelé l'usucapion ?
les mots quïl emploie, il faut bien le dire, appuieraient ce sentiment. Mais, il rencontre une invincible résistance dans cette
considération, que, s'il s'agit dans ce texte, de l'acquisition des
choses bé1éditaires par l'usucapion, cette usucapiou, dite pro
herede s'accomplissait par un an, pour les meubles comme pour
les immeubles, et non par deux années. Nous pensons donc,
suivant l'opinion la plus accréditée, que Pline vise, dans ce
passage, la querela et le délai dans lequel elle doit être exercée
à son époque. Puis, ce délai fut porté à cinq ans , et Justinien
le conserva, ainsi que nous le verrons plus !Qin.
A partir de quelle époque le délai court-il contre le légitimaire 'l Les jurisconsultes n'étaient pas d'accord s ur ce point:
les uns, comme Modestin, en plaçaient le point de départ au
jour du décès du testateur ; les autres, comme Ulpien, seulement au jour de l'adition d'hérédité.
Courait-!1 contre tout légitimaire ? En principe, oui.
Mais, les les empereurs Valérien et Gallien décidèrent dans
la loi 36 au Code, liv. 2, tit 41 , que le temps de l'adolescence
(1) M'od. loi 9. Utp. toi 8. p. 17. de inolr. V. 2.
ne serait pas compté pour le délai, Dooc, quand le légitimaire
était un mineur de 25 ans, le délai passé lequel il était déchu de
la querela, ne commença it à courir qu'à dater de sa 25m 0 année.
Signalons, en termin:mt, une autre faveur. Mt2me après
l'expiration <les cinq ans, la querela était exceptionnellement
admise, lorsque, pour ries motifs graves et fondés, ex ma9nt1
et jusld caus'l, légitimai re n'avait pu l'exercer. Mais, cet exercice tardif de la q11erela n'était autorisé que sous la condition du
maintien de~ :i.Œranchissements, ù la charge toutefois d'une
certaine somme à p1yer par les a!Ir::mchis au querelam
victoriéux,
C. Mort du légitimaire. - Le droit dïntenter la querela
tesla menti inof!iciosi s·~teignait, en dernier lieu, par le décè~ du
légitimaire. En d'autres termes, la q1w·ela, destinée à réparer
uue injure évidemment personnelle au querelans, était, en
principe, intrasmissible. Mais, il faut se garder d'enteudre cette
règle d' une manière a bsolue. Outre que la querela recevait
l'application du principe général, en vertu duquel toute action,
introduite en justice par l'ayant droit, est transmissible à ses
héritit::rs : Actiones semtl inclusœ judicio salvœ permanent:
elle était encore tnnsmise aux héritiers dans le cas ou légitima ire avait manifesté la Yolu::.tè de lïntenter, ou comme dit la
loi Gp. 2 au Digeste de ino,'ficioso lesta.nento, quit n jam cœpta
controvers1a sil, vel p1 œ11arala. Paul, dans la loi suivante, au
même titre, uous indiq11e d1ns qnels c1s on peut consirlérer
quïlyaeu Ida part d11 légitinnire une p1'u'p1 ratio titis suffisante
pour rendre l'action transmissible a ses hèritiers, Il suffit, pour
ceb, qu'il ait fait une de111mciatio litis, ou une dalio libelli.
Noi,is devons rappeler ici très brièvement des principes
�-96-
exposés plus haut. Nous avons dit que les textes de l'époque
classique, relatifs à la transmissibilité de la q11 erela, ont en vue
l'action qui app:i.rtient au légitim aire 11ersnn11ellement, mais
que , dés cette époque, si le légitima ire venait à mouri r, sans
avoir intenter ou nnnifeste la v0lonté d'intenter son action,ceux
qui le sui\'aient, dans l'ordre des vocations à la succession légitime , pouvaient , de leur chef et en leur nom , exercer la q11e1•ela
i11officiosi festamenti qui leur était pe rsonnelle. Nous avons
dit a ussi que Justinien (loi 3! code III. 28) avait décidé que
l'action même de l'ayant droit serait, dans tous les cas, tra nsmissible à ses descendants, mais non peut-être à ses autres
-97 -
lII•
~JPOQUE
de Constantin à Juitinien
héritiers.
Enfin, la querela n'était transmissible, m ême dans le cas où
l'ayant droit l'avait intenté ou, du moins, manifesté l'intention
de l'intenter, que s'il n 'avait pas changé de volonté à cet égard
et s'il avait persévéré jusqu'au bout dans sa résolution. ( 1)
Nous entrons dans la troisième période, dont nous plaçons le
point d~ départ à Constantin et qui va jusqu'à J ustinien et aux
grand es innovations introdu ites p1r cet empereur dans la
matière de la querela ino(ficiosi frslamenti et de la léiitime.
Si nous av~ns cru devoir sép·trer celte période de la précéd~ute
ce n'est pas qu'eUe se dis li11gue par un changement complet du
droit, par la prof'lamation de principes absolurnent nouYeaux
et inconnus de l'époque antérieure, résultat que nous avons pu
constater, qu·uHl nous aYon.;; passé de la première époque à
celle que nous Yenons ùe quiller.
Mais, si cette dern1cre époque ne nous présente que les clt Yeloppemenls logif111cs que portai eut en eux et que de' aic1,t
nécess"lire111enl en,,entl rer les principes ùéjà poses et connus
du 111oins, ('es ùé\•eloppe1nenls réalisent des moùilic:ilious et
des changemeuls si importants, ainsi que nous le ,·errons dans
( l) Pap. 101 15 p. l. Dig. d6 inofi. v. 2
le Code et les Novelles, qu'il n ous a paru bon de les étudiu à
�- 98-
-
99
-
part, de les examiner isolément, et, au besoin, de nous demander, p1r leurcompara i.-on avec l'ét1t antérieur du droit, où est
le progrès. oü est J'a11u!lio1"1lion ?
Toutd'abonl, et nv11lt ,l entrer ch !1S \'étu1e <les modifications
apportées aux droits héré,i itai re.; des en fw ts et des autres
légitimaires, il n'est pas sans intérêt de remarqner, que la puissance paternelle , déjà bien mitigée par les empereurs· et les
jurisconsultes, revient, sous l'influence bienfaisante et féconde
du christianisme, aux vraies limites que lui tracent la justice
l'intérêt de l'enfant, et la loi naturelle .
Il serait long et peut-être un peu en dehors de notre cadre de
reproduire les adoucissements qu'a s uccessivement reçus ce
pouvoir, au début, si rigoureux et s i exorbitant.
Disons seulement, que les droits pdncipaux du père, le droit
de vie et de mort, le droit d'exposition, le droi t de vente, le
droit de faire l'abarnlon no~a l , disparaissent complrtement, ou
ne sont permis que dans des cas e:-.trètnes el sous des conditions sérieusement protectrices des in lé êts de l'enfant.
Nous venons donc imméd iatement aux innoYa lions apportées dans notre m'\tière, et sans nous inquiéter de l'0rdre chronologique dans lequel elles ont été introduites, nous les étudierons suivant un ord re indi11ué par le sujet même, et que nous
rapprocherous le plus possible des divisions de l'époque précédente.
SECTION 1.
Des ru:tea inofficieu:r: et aoum.'•
"" comme tela, à la
querela inofficioai te1tamenti.
~es actes que nous avons indiqués commeiaofficieux selon le
drott antérieur' soit, le testament d:rns tous les cas , et la dona.
t'
l10n. e~:re-v 1 fs, lorsqu'elle était excessive et portait atteinte à
a leg1ttme, sont également, sous Justinien, susceptibles d'être
attaqués par la querela ino(ficiosi testamenti.
Mais, au sujet des donations, J ustinien tranche nne question
cél.èbre, qui se représente à toutes les époques de notre droit, et
~n, forme a~j.ourd'hui e~core, en dépit d'une jurisprudence qui
pc1ralt définitive, le sujet d'une vive controverse entre nos
auteurs.
Nous avons vu, en recherchant quels biens doivent entrer
dans l'a masse dont la quart est dù à l'enfant, qu'on négligea
tou t d a bord les donations entre-vifs, mais qn'on ne tarda pas
sous 1..rnfll uence d'un rescrit d'Alexandre-Sévère à accorder aux,
'
·
lé giTtma1res
sinon en
le droit de critiquer et de faire annuler
'
· dans la mesure nécessaire pour parfaire
ent'ier, d u moms
leur
�- t•OO -
légitime, les donationes immensœ faites soit à des étrangers,
s oit à des enf'tnls. Or , lorsqu'une pareille donation avait été
fai te üun cnfa1 l, t l c.t c Je· c:onatu r <t' ~it l:iis.é d'aut1 es héritiers anxrruel.s 1:1 léJi'ime cl·1it ù11<', on se po-n la question ùe
s::w oir, s i le don.1l'li1·e po tnit, tout en ren011ç rnt il l 1 <>uccession
de son a uteur, re' enir sut· le ùon pa1· lui reçu, tout à la fois sa
légitime et la part qui eùt pù être d.mnée à un étranger ?
Dans la Novelle 92, Justinien n~p ind affirmativement sur ce
double point; et les raisons qu'il d rnne à l'appui de S'l décis ion
s'inspirent de vues élevées et génrreuses. Il veu t que le père
ait le moyen derécompenscr celui <le ses enfant:; qu i s'est le
mieux conduit à son égarJ, ou qui, par sa situation plus digne
d'intérêt, a droit à plus de faveur.
Toutefois, cette facull~ hissée au père ne doit pas préjudicier
à ses autres enfants, et, pour sauveg1.rùer leurs droits, Justinien
pose deux règles extrêmement remarqu üiles: cha<1ùe enfaul a
droit à sa légitime , h légit11ne se c<1 lculera sur l'étal ùes biens
du Hfunt, au moment tl0 l t J Hl'llion. C'est dire q ue les biens
d0n.1és entre vif-> ~t l'lln des enfïnts fero•it pai·lie de la 111asse
sur h.1uelle cll1 [1l•' enr' tnt devra p rendre la pur Li ou lt'µil i111e.
Ainsi f(lle no us le 1lisions, celle novelle ...11ppose que l'enfant
d0n'ltaire renonce il la succes-,ion. ~fais les cohériliers,'°tuxquels
app1rtient le droit de critiq11e1 h tlunaliun ei..cc>ssi\'e faite à cet
e11fa11t, dan-; la me<>nre de leur légiti111e, clevront-ils. pour
exercet' leur actinn, se porter hfrilie1·s ! Signalons im111édiate
me.1t le h111l inl·~rèt tle h qtfl'slio.1 : Si les plai;11.111ls sont
obligés de se porter liériliern, ils succèùenl à tuutes les obligations du défunt. Ils sont tenns de payer ses dettes, même sur
les biens qu'ils obtiendront par la réd uction, el il résulte que
t()'t -
cette réduction profitera aux créanciers héréditaires, pour lesquels elle n'est évidemment pas faite.
Il est impo~sible, avec le seul secours des textes, de résoudre
ce.tte grav~ d 1ffic~lté. La Novella 92 ne vise que l'enfant donaqu'ell e au t0rise ' tout eo renonçant, à
taire et c est lui seul
.
cumuler, sur la donation, sa légitime el la fraction qui aurait
pu être d onnée à un étranger. Elle ne dil rien des cohéritier· du
donat~ire, et .il fa•Jt reconn1ltre que l'application des princ~pes
c~ndm t à ~éctder qu'ils doivent, ponr attaquer la donation inoffic1~use f~ite à l'un d'eux, se porter héritiers. En eliet, ils ne
doivent d tscuter les biens donnés qu'après s'être assurés qu'ils
ne trouveront pas leur légitime dans la succession, et c'est en
se portant héritiers, qu'ils ont le droit d'exiger le calcul
de leur légitime tant sur les biens laissés au décès que
sur ceux donnés entre vifs. Nous ne pouvons donc que consbter
qu'il Y a là pour l'interprète, une difficul té insoluble, avec les
seuls documents dont il dispose, et nous verrons plus tard,
quand nous nous occuperons de la légitime dans notre ancienne
jurispru lenre française, comment elle a été tranchée p:i.r les
auteurs coutumiers,
Justinien a appo rté une seconde innov'llion. Au pec dia n casfrense sur lequel le mililaire sui juris ou fil· de famille poU\·ait
lester avec une pleine li'ie1·té, il a ajouté h faculté pour tout
propriétaire d'un p~cule rpaisl castrence (1) d'en disposer librement et S3.ns avoir à redouter la ?11e1·e/a, il accorde ég1lement
aux prêtres, diacres son -.li1rres, rh::rntres, lecteurs, quoif(ue
encore an pu issance, le droit ù'avoir un pécule quasi casfrence
(l) loi 12 code Vl 2'2 loi 37 p. 1 code. de inotr. lest. lll 'lS.
e
�-102-
. sous la condition de laisser
.
ar tes tament, mais
et d'en d1sposerp
ndants (1). n él1it naturel
.
. leurs enfants on asce c
la légil 1me a
tt
ées au culte et de qui l 'on
les personnes a :i.e1l
,
,
d'exiger que
d
... et \'exemnle de toutes les
l"1 11e tles evou =>
•
l"
attenùlit h JH'l 1
. t
s quelque prétexte qne ce fût
vertus ne manquassent pom ' sou
.
.
à une ~dèle observation de l'officium. pietatis.
-
t03 -
SECTION II
Quelles personnes peuvent exercer la. querela.
inofftciosl testamentl
(1) t\ov.
cxxm. c. 18-
Les seules personnes admises à la querela sont, comme à
l'époque classique, les descendants, les ascendants, les frères
et sœurs. Justinien, sous l'inlluencede sa foi religieuse, décide
que les enhnts orthodoxes de parents hérétiques, ont droit dans
la successiun ùe ceux-ci, à toute leur part héréditaire ab intestat,
s'ils n'ont pas Ù<' tort envers Ie défunt, et, au cas contraire, à
leur seule légitime.Les droits des enfants naturels, en matière de
querela reçoivent également 11uelques modit1catios. Xous a\ ons
vu qu'ils pouYaient att~quer le testament de leur mère toutes
les fois qu'ils éhient a 1ipeles a lui succéder ab intestat, en Yertu
de h légbhtion prétorienne, du énatus consulte Orphilien, ou
des constitution, i111péri1le·. Le même ùroit leur appartenait
à l'ég1rd de leur père, s:iuf qu'il fallait nécessairement ici
écarter les spurii, réputés sans père connu.
Justinien supprime I~ droit des enfants naturels spurii à la
succession de leur mére, lorsque celle- ci avaitla qualité d'ill11s-
�-
i04. -
. 't des enfants légitimes ( 1). Constantin .avait, depuis
. et 1aissa1
tris,
r d
·1 cesselonatemps dé ci'dé que les enfa nts issus ex concub1nafu
de leur• père,• • et i dé en
1:>
<
d'être successeurs à l'égard
raient
même à celui-c i de leur adresser aucune llbéranté. La conséquence de ces innovations fut .ùe. les pfr er~ dans les mêmes
.
hypothéses de la que1·ela inof!icw:;i tesla11zenti.
Mais, des constitutions dues à Valentinien, Valens et Grat1e~
puis à Arcadius et Théodose, apportent un correctif. à ce droit
,eux, . et , Justinien • considérant que l'exclus10n absolue
.
ngour
des enfants naturels de la succession de leurs anle~rs, est
contraire aux devoirs que la paternité, même naturelle, imp~se,
restitue en partie aux enfants naturels les droits qui leur étaient
auparavant reconnus (3).
Mais, où Justinien innove d'une façon plus grave, c'est ~
l'égard des enfants adoptifs. Dans une cons titution cél~bre, qui
forme la loi 10 au Code, de adoptionibus, V III. 48, 11 expose
lonauement le droit antérieur à leur sujet, rapporte une contro· si l'enfant.
de savoir
•
0
entre les jurisconsultes sur le pomt
verse
adoptif avait la que1·ela contre le testament du père natu1:el qui
l'omettait, et montre que, d'après les principes reçus, 1 adopté
se trouva t eKposé a pet dre tout à la fois, les biens de son p~re
naturel et ceux de !'adoptant. En eITet, il pouvait être émancip ~
par celui-ci, après que la succession de son père 01turel s'était
ouverte et a·1ait été recueillie par ceux que la lui ou le testament y appelait. L'empereur s'ément de ce résultlt et décide
que l'enfant, donné en adoption ne cessera d'a ppartenir à sa
famille naturelle, et n'entrera dans la famille de l'adoptant, 11ue
('l) Loi 5 code. ids. orph. Vl. 7.
\3) Nov. LXXXIX. cap. cap. 12.
-
105 -
dans le cas ou l'adoptant serait un ascendant. Donc, si l'adoption est faite par un étranger, l'enfant aura toujours la querela
contre le testament de son père naturel. Au contraire si
'
l'adoption est faite par un ascendant, c'est par celui-ci,
que !'adopté doiLêtre institué ou pourvu de sa légitime, pour
être excl u de la querela. Il n'a de droils à l'ég3.rd de son père
naturel, que si le lien d'adoption est brisé avant la mort de
ce dernier.
A défaut de descendants, la 'JUerela, d'après le droit antérieur
passait aux ascendants. Mais, Justinien, par deux N'oYelles
1
fameuses, les ovelles 118 et 127, appela simultanément et en
concours, à la succession légilime, les ascendants et les fréres
et sœurs. Cette importante innovation eut une influence sur la
querela, en ce qu'elle appartint désormais par déYolution aux
frères et sœurs, concurrement avec les ascendants.
Et, ce n'est pas la seule faveur que fit Justinien ;aux frères et
sœurs. Nous avons vu Constantin n'accorder la querela testame11ti inofficio ~i qu'aux frères et sœurs consanguins et agnats.
Nous avons admis qu'il reproduisait, en cela, et confirmait le
droit déjà en vigueur il l'épcque classique.
Justinien n'exige plus celte condition de !'agnation. C'est ce
qui résulte formellement del t loi 2i au Code de ino/f test. qui
reproduit la constitution àe Constantiu aYec cette correction :
dm·ante a9natione vel non. Les frères et sœurs utérins sont
donc admis <lésormais à la quei·ela.
Mais, quid de la seconde condition mise à l'exercice de la
plainte d'inofficiosité par les freres et sœurs, nous votùons parler de la condition relative à la qualité de l'instilué ?
On peut douter qu'elle soit maintenue par Justinien, et, à
�-
i06 -
l'appui de ce sentiment, on argumenterait de ce que l'empereur ,
en favoris:rnt s i ouvertement les frères et sœurs, puisquil les
appelait à concouri r ab intestat avec les ascendants, entendait
s:ms doute aussi le 1r h ciliter 1aque1·ela, s1.nclio11 de leurs droits
héré1iila ires méc mnus. Jus tinien aurait dime supp r imé tout à la
fois, et la nécessité de !'agnation, et la ca ndit.ion d'une qualité
défavorable chez lïnstitué, et aurait ainsi placé les frères et
sœurs, au point de vue de la plainte d'inofficiosité, sur lü même
ligne que les ascendants, avec lesquels il les adrnetlïil à concourir sur la s uccession ab intestat, en vertu des Nove/les précitées.
Nous ne partageons pas cette manière de voir, et nous croyons
plus juste de conclure, du silence de Justinien, qu'il n'a pas eu
lïntenlion d'innover sur le point qui nous occupe. Une considér ation qui n'est pas sans Yaleur, nous incline à décider ainsi :
C'est que la vocation simultanée des frères et sœurs et des ascendants n'a li€'u que s'il n'y a pas de testament. Dès qu'il y a un
test1ment, instituant une personne dont l'existimatio est integra
le droit des frères el sœurs à la que1·ela s 'éteint et disparait. Au
contraire, celle institution ne porte aucune atteinte au droit des
ascendants à la q11erela. Et, comme il s'agit ici de l'obsen·alion
des devoirs fondés sur l'alîection et les liens de la nature, il faut
reconn:i.itre que celte difTérence en faveur des ascendants, est
équil1ble autant ') lie logique. Les ascendants, en e!Tet, plus
rapprochés ùu défunt que les frères el sœurs, ont plus de titres
à ne pas subir nn dépo>1illement complet, à pouvoir, dans tous
le- c~s el contre tout institué, exercer la quet·ela, lorsque le test.. ment !es a omis ou exclus. l"ne dernière question s'élève relativement à ces innovations de Justinien s ur le concours ab i11tes-
- 107 --
tat des ascendants et des frères et sœurs Ce concours
·
, avons-nous
dit, n'empêche pas que, s ï l y ·1 1111 tesl.1ment, insl ituant une persona lwnesfa, les frères el sœur::; sont exclus de la querela, tandis que les ascenrl rnts consen ·ent le droit de l'intenter. Or, s[
nous nous plaçons p récisément dans cette espèce, et si nous
supposons qne les ascendants exercent la ph inte d'inofficiosité,
et y triomphent, il y a lieu, d'après les principes généraux, à la
rescision tot1le du teshment et à l'oU\ erture de la succession
ab infestai. Les Not•el1es 118 et 127 recenont- elles leur application, et les frères et sœms seront-ils admis à \'enir à la succession concu1emment avec les ascendants, comme si, ab initio, le
défunt était mort intestat?
Un savant commentateur des P andectes, Voët, repousse cette
solution, et il apporte à l'appui de son opinion, plusieurs arguments dont nous devons apprécier les principaux.
Voët objecte d'abord que le systême contraire dérogerait au
principe res inter· alios acta, alùs prodesse nequit, et arriYerait
à donner indirectement aux frères et sœurs la querela inotficiosi
testamenfi, alors que la loi les en écarte, puis4ue, toutes les fois
qu'ils ne peuvent reprocher au testament une prœlatio contumeliosa.le d~funt est considérl• comme ayant rigoureusemènl obser1·é à leur ég·ml l'olficim11 pictatis. Fn outre, si la rescision du
testament prononcée sur la demande des ascendants.doit profiter
aux freres et sœurs,on fa il à ces derniers, qui n'ont cependant pas
laquerela dans l 'espèce,nne situation meilleure qu'aux ascendants
aux'}uels appartient l'action el qui l'exercent, Ceux-ci, en effet,
sont seuls exposés ·1 u x incertitudes du procès e>t denonl répondre
des rrais qu'il occasionnera. sïl est perdu. ~IaL, s'il est gagné,
les frères et sœurs prendront leur part de la succession et entre-
�-
i08 -
- 109-
ront en partage de toutes les valeurs hérédit'\ ires, acquises pourtant par les ascendanls au prix d'efforts et de d'\ngers personnels,
Ces raisons, il f'ml le dire, ne sont pas sans force el sans \aleur.
Toutefois, celle que Yoët ex pose en premier lieu, et qui a lraità
Ja brèche faite au principe de l'effet rehtifde la chose jugée, n'a
pas l'importance qu'il lui a tt ribue, puis que., comme nous avons
eu !'OUYent occasion de le cons tater a u cours de notre étude, ce
principe reçoil dans la matière de la querela, de nombreuses et
graves dérogations. Cette réserve faite, nous croyons devoir
nous ranger au sentiment de Yoët, et nous pensons que, du moment que le défunt a testé et institué une persona lionesta, le
droit des frères et sœurs à la q11erela et, par suite, a la succession s'éteint absolument, et que l'exercice de la plainte d'inof!iciositi par les ascendants ne saurait apporter un changement à
celte s il11ation. Justinien, en e!Tet, dans les Nove/les 118 et 127,
ne vise que l'hypolhése d'une succession qui s'ouvre intestat dès
Jïnstant du décès, en d'autres termeg, il suppose le défu nt mou··
rant sans avoir testé. C'est ce que Yoët met très-bien en lumiére,
et c'est une considération qui nous parait décisive en fa, eur de
son système. (1)
SECTION III
Des justes causes d'exhérédation ou d'omission
Jus~u'à Justinien, les cas dans lesquels l'héritier du sang
pouvait être considéré, comme ayant mérité, par ses torts
en~ers le défunt, l'omis:sioo ou l 'exbérédation dont il était frappé,
étaient abandonnés, ainsi que nous l'ayons dit, à l'appréciation
souveraine des juges. < 'e pnuvoir arl>itrairen'était pas sans présenter quelque danger. L'empereur Justinien réalisa un progrès
réel, en indiquant expressément et d'une façon limitative, les
justes causes d 'omission ou d'exhéralion, et en défendant aux
juges d'en arlmettre d'autre:;. <'ette réforme est contenue dans
les No 1Jel/es 11 l ch. 3 et!, et 2:!, ch. 47.
La_Vovel!e 113ch.3, fhe à quatorze le nombre des justes causes
d'omission po111· les descendants.
1• ~ i l'enfant 1 porté ù ses p·lrents des coups ou blessures ;
90
S"l
·
"
1 s est rendu coup1hle euvers eux d'injures graYes ;
(1) c~ue opinion est rl'.1illeurs celle de tous nos ancieo~ aut urs.
Voir outam. Merlin . Repert. , .. Légitime. Sect. Ill. p. 3. Ch. XIT qur résume
la controverse el iodique les solulion1 qu'elle a recues.
3• S'il a soulevé contre eu\. nne accusation capitale, autre! que
celle qui viserait l'ernp1..reur ou l'Etat.
4°
s··11 a formé
une association avec des malfaiteurs.
�-
110 -
- 111 -
5° S'il a attenté à la vie de ses parents par le poison ou autre-
seule est ann ulee, les autres dispositi·ons
conservent leur
validité.
ment.
6° S'il a eu des relations avec sa belle mère ou avèc la concubine de son père.
7° S'il s'est porté délateur contre ses p'lre 1ts et leur a
occasi<mné des dépenses d'où est résulté un préjudice grave pour
leur fortune.
8° S'il refuse de servir de caution à l'un de ses parents retenu
eo prison pour dettes. Celte cause rl'ex lnsi.,n n'est, ainsi que
Justinien le dit expressément, applicable qu'1ux descendan ts
moles, les femmes ne pouvant, en vertu du sénatus consulte
Velleïen, s'obliger pour autrui.
8° S'il est convaincu d'avoir apporté des entraves à leur
volonté de tester,
100 S'il s'est associé, contre le consentement de ses parents,
à des balladins ou à de~ mimes, et a continué cette profession.
11° Si ia fille ou la petite fille, que ses parents avaieu l l'intention de marier et de pourvoir d 'uue dot proportionnée à leur
fortune, a mieux aimé vivre dans le libe rtinage. rette cause
d'exclusion cessr, lorsque la fil le, arrive à sa 25me :innée, sans
que ses parent s lui aient cherché un mari sort:ible. En ce cas,
elle peut, sans que cela puis~r lui être préjudiciable an point de
vue de ses droits h éré<litaires, se marier à sa convenance, ou
même se livrer a la débauche.
12•. Si l'enfant ne donne pas ses soins et son as..;istance à nn
de ses parents qui se trom·e atteint de démenl'c. Si celui-ci
est recueilli par un étrnnger, qui le reçoit et le soigne chez
lui, sa succession lui est déférée, en récom[,)ense de son
dévouement. Mais, si le fou a laissé un testament, l'institution
13°. ~i. l'enfant ne s'efforce pas de racheter ses parents 'de
la captlVlté. En ce c~s.' les biens du prisonnier mort en captivité
sonl enlevés aux hént1ers indignes et <ttlribués à l'église de la
ville où le prisonnier est né.
Un invent:iire en est dressé, et ils doivent entièrement servir
au rachat du c~11.itif. Mais, pour que cette déchéance soit encourue p1r l'enfant, il faut <Ju'il ait atteint sa dix huitième année.
'il n'a pas de quoi payer le rachat qui lui est imposé, iJ peut
emprunter et 11 ypolhèquer ses biens ou ceux appartenant au prisonnier, et ses actes obligeront celui-ci, comme s 'il les avait
accomplis lui- même·
14". Enfin, s i l'enfant, dont les parents sont orthodoxes est
hérétique.
Le chapitre IV de la mème Novelle 115 indique les justes
causes d'omission ou ct'exllérérhtion des ascendants. Elles sont
au nombre de huit. Plusieurs de celles mentionnés plus haut se
retrouvent ici :
1• Si les parents portent contre leurs enfants une accusation
capitale, à moins <1uïl ue s'abisse d'une accusation fondée sur
un crime de lèse majeslé.
2• 'ils altenlent, d'une manière qnelconque, aux jours de
leurs enfants.
3• Si le père entretient commerce avec la femme ou aYec la
concnbine de son fü s .
4• 1. l
es p1r1? nts ont m i.;; de en•r·nes à la volonté de tester
de leurs enfants , dans le cas ou ceux- ci en sont capables.
�-- 11'2 -
5° Si l'un des ascendants atteinte à la vie de l'autre, par quelque moyen que ce soit.
6° Si les parents négligent de soigner un de leurs enfants
atteint de folie.
7° S'ils ne le t":tchètent pas de la captivité.
8° S'ils sont béréti.1ues, lorsque leurs enfants appartiennent
de la religion catholique.
Enfin, la Novelle 22 avait, quelqnes années 11vant la Novelle
115 (la première est de 53G l'autre de 5"12) fixé trois cas qui constituaient à l'encontre des frères et sœurs, de justes causes d'exclusion, à supposer que le testatem leur eût préferé des turpes
per·sonœ. Ces cas, mentionnés au principium du chap. 47,
étaient:
1° L'attentat à la vie du défunt;
2• Une accusation capitale portée contre lui;
3° Un préjudice important causé à sa fortune;
Telles sont les justes causes d'omission ou d'exhérédation des
héritiers légitimes auxquels on accorde la quert-la inofficiosi
festamenti. Cette énumération est-elle lilllitative '? En ce qui con
cerne les ascendants et les descendants, il ne faut pas hésiter à
répondre affirmativement, suivant l'opinion unanime des interprètes et des romanistes. Mais, la question fait quelque doute,
relativement aux frères et sœurs; et un auteur, do .. t nous avons
déjà cité les savants travaux sur les Pandectes, Voët, ajoute,
aux trois cas énoncés par la Novelle 22, deux autres cas. Le cas
où, les frères et sœurs sont eux-mêmPs infâmes,aut non inte9r<t
existimationù; et, le cas ou le testateur a institué un de se.sesclaves qui devient son héritier nécessaire. (1)
(l) loc-cit. XXIV. et euiv. de in.>f!. test.
-
H3 -
Occupons-nous d'abord de la première cause d'exclusion proposée par Voët. Il s 'appuie pour soutenir son opinion, sur la loi
2 au Code, cle ino(J'. test. Il y trouve un argument d'analogie qui
ui paraît puissant. Nous avons déjà observé que cette loi, œuvre
d'Alexandre ~évère fixe, dès l'époque classique, un cas qui
devait être consideré par le juge comme une juste cause d'exclusion. L'Empereur y décide que le fils qui se fait volontairement gladiateur ou lutteur (arenarius) est privé de la succession de son pére. à moins11ue celui-ci n'exercela même profession
A ce texte, d'une époque antérieure à Justinien, nous pouvon~
en opposer un de Justinic::n lui-même. où se trouve une solution
absolument favorable au systême qui rejette ce premier cas
d'ex.clusion des frères el sœurs <1ue Voët nous signale. En effet,
dans le paragraphe 10 de la Novelle 115 ch. 3, Justinien supposant un père el un fil~ également gladiator·es, donne la préférence
au fils plaignant. Aussi, pensons-nous que cette première espèce
ne constitue pas contre les frères et sœurs une jus te cause d'exclusion, et que le sentiment de Voës à cet égard doit être
repoussé sans distinctiull. Car, la querela des frères etsœursest
fondée beaucoup plus sur la qualité de lïnstitué que sur les
mérites du phignant, et il ::.uil qu'ils 11e peuvent être privés de
leur action que dans 1es Ci'S expre sément prérns par la loi. ur
le second cas qu ïl propose. celui ùe l'institution d'un escJaye
héritier nécessélire, Voê t.re argument de h loi 27 an Code (de
inofi. test.) Ce lex.e accorde h r111erela au\ frt.res, contre tout
institué, qui ne senit pas une 11enona l1011esla, sauf le cas où
cet institué serait un esda, e . Ici, nous sommes d·accord :wec le
savant commentateur, ruais ·ous une résen·e. Il faut que l'esclave soit institué par un test.iteur insolvable, de sorte que l'on
�-i.14-
puisse•voir dans cette institution, non une injure envers l'héritier, mais l'intention de lui éviter une charge et des emb·uras.
C'est ce qui nous parait résulter de la constitution précitée de
Constantin. Il admet que lïnstitulion d'un esclave,héritiernécessaire, écarte la que1·ela des frères et sœurs. Mais, il n'adm et pas
qu'il en soit de même de l' institution d'un aITranchi, qui ne peut
être qu'i\ll1 héritier volontaire. Mais, si l'aITranchi est, comme le
suppose !'Empereur, 1,on bene merens, il devient une persona
tu.rpis, dont les frères et sœurs ne sont pas tenus de respecter
l'institution.
Il ne faudrait pas, toutefois, conclure de là que l'esclave est
nécessairement une persona lurpis, et que l'afiranchi est frappé
d'une sorte de turpitudo légale, ce qui, dans tous lés cas, autoriserait les frères et sœurs à se plaindre. Ce n 'est pas de cette
turpitudoque parlentles textes, et principalement celui de Constantin qui nous occupe. Ils font allusion à la t urpifodo qui résultait pour uu individu d'une dispos ition form elle de la loi, ou
d'une sentence émanée du magis trat à tltre de peine. Ce second
cas propos é par Voët se réduit donc à cette formule: Toutes les
fois qu'un tes ta teur insolvable fait héritier un de ses esclaves,
la pla inte d'inofficios ité es t fermée aux frères et sœurs.
Après avoir Indiqué ces deux causes d'exclus ion, qui ne figu~
rent pas dans la N ov. 22, Voët propose un systètne génér 11 sur
les justes caus es <l'omisûon ou d'exhér édation applicable à
tous les héritier:; lég!times qni ont la querela. (l ) Ce système
peut s e ramener à ces trois propositions.
1° On doit adtnellre toute cause que les No velles 22 et 115
indiquent expressément.
( ! ) Voel, toc ci1 XXV1 et suiv.
-H5-
2° On doit, en secpnd lieu, admettre toute cause qui présente
une a nalogie évidente avec une de celles prévues par les
textes,
2° Enûn, on doit admetlrf} toute cause qui, par sa nature et
ses c1ractéres, 1.CCuserait, de la part du légitimaire, une culpabilité p lus grave que celle qui résulterait de l'une des causes
mentionnées par ~ustinien. Voet justifie son système par
diverses raisons. 11 s 'appuie d'abordi sur cette considération,
qu'une loi, si posilive et s i précise qu'on la suppose, ne saurait
embrasser toutes les hypothèses qui peuvent naitre sans cesse
dans la pratique ; et, il cite beancoup de lois, dont les principes
ont été étendus. par la jurisprudence à des espèces qui présentaient avec celles visées par les textes, de frappantes et incontestables analogies. Puis, se posant l'objection qui rést1lte
contre son système, de& expressions de Justinie11, au princip.
cbap. ~er de la Novetlf 115 ; t Et tJroefer illas, nullit lie~at
~ ex alid legè causas in9ratitudinis opponere,nisi quœ in huj ua
c constifutionis serie conti11entur: » il répond que Justinien a
seulement voulu ex.dure id les causes qui résultaient des lois
antérieures, t>t qni , ins uJllsante.; pour con tituer une ingratitude
caracl~risée, n'ont p1s été repro Juites dans sa cons titution;
qn'il a entendu n 'a uloriser tp1e les causes, qui, admises par le
droit antérieur, ont été c•mlinuées par lui, ou qui négligées
prél.:é<lemment, ont été exp ressé n ent cons1crées par les
Novellu. En d'aut res lel'me., Jus tinien, ù'apres Voët, aurait eu
!.intention d'éca rler, noo les cas unalogues à ceux qu'il
indiqt.J.ait. ou mêni e plus graYes, mais les cas dïmportwce
moindre et ins ulllsants pour fond~f le démerile du légitiruaire.
Not\S ne saurions, malgré l'autorile du grand romaniste,
�- tte accepter le système qu'il enseigne et que nous croyons avoir
reproduit fidèlement. Ce système, en efTet, pêche en un point
capil li. Il fait renaitre l'arbitraire auq uel Justi nien a sage1nent
voulu mettre un terme. Il rend a u x j uges de 1'1clion en inofliciosilé un pouvoi r souverain d'nppréchlion. Qu ide plus aisé,
en e!Tet, que de trouver une a ia:ogie e ntre 11:1e espéce non
prévue et l'une des quatorze causes que Justin i1' 11 a consacrées
législativement ? Mais, nous apporterons à notre opinion un
tempérament que l'équité a utant que la raison in1posent.
Tous admettrons avec Voël, que les causes qui constituent
des a foriie1·i sur celles que Justinien signale, doivent, malgré
toute idée limitative des Nove/les , être tenues pour de
justes causes d'exclusion. Ains i l'exclusion que l'enfant encourt
pour crime d'inceste avec sa belle-mère, est évidemmen t et
à plus forte raison encourue pour le même crime commis avec
sa propre mère. Ains i, encore l 'indignité prononcée contre celut
qui ue rach ète pas ses pa rents de prison, en se portant leur
caution, atteindra it celui qui ferait lui-même incarcérer ses
parents ou les retiendrait en cnplivi té. M tis, il faut, pour qu'il
en soit ainsi, quel 'on soit en présence d'un a (01·tiori indiscutable, et qu'il ne s'agisse pas seulement d'une analogie qu'on
peut toujours discuter et contester.
Nous devons terminé cette section par l'examen <le deux questions que nous avons rencontrées, lorsque nous nous sommes
occupés, dans notre seconde époque, de la condition d'exercice
de la querela inofficiosi teslamenti rela tive à l'injustice de l'omission ou de l'exhérédation. Nous avons dit alors 1,u'à ce propos
une question de preuve s'élevait dans les rapport, de l'instilué
etdu réclamant, et nous en avons remis à plus tard l'examen.
-
117 -
Le moment est venu d'étudier cette que~ tion
, qm. n•es t pas
s1ns pré~cnter de !=;Jrie11se •lilfit:ull"., Elle
.
"~·
con·.·1s te a savoir
s1.
le 'f l'.er e/a I:; 'llll' 1 .1 <!l tU(ÎI' 1Ïnj11.;tiCè cle !"ex.ClUSiOil qui J'atteint
ou St l 1 chu Je de' elle jll'e1 1ve incomuera it lïnstittié ?
Les te. xtes sont, s ur ce poin t• corn!Jle s ur tant
' d'au l res, opposés. et d1scorùants.
Il
semulc
cependant
que
la ques t'ion pou.
'
,
vait être a1séinent et équit.iblemenl résolue, en s'en tenant aux
régies 01·d inaires en matière ùe preuYe. On aurait mis a lu charge
du q11ere!a11s l'obligation de pr mYer lïnofficiosité du testament
car il est <lem~nùem, et c'est au demandeur qu'incombe en
principe général, li· fart.leau ùe la preuve. (1) :\fais, la th;orie
romame ne I résente pas, sur notre question, cette unité et cette
sirn plici té.
On trouve d 'aborJ, à l'épo~ue classique, un texte de Marcellus, l ~ loi 5 au Digeste, de ino1 ficioso testamenfo, qui décide qu
les enfants doivent clérnontrer lïnjuslice de l'omission ou de
l'exhérédati on dont ils sont frappés: « docere immerentem
« se, et ideo ,,1 i11dig11e 1•1'Œteritu111, vel etiam exheredatione
« s11 ·n 1101, 1. n Plus L1r,l, les empereurs Dioclétien et ).laximien, co1Jiir111eru11L cclle né essité où sont les enfants d'établir
l'ino 1licios ilé •lu tcsl1m 'ni, sïls 'eu lent rl!ussir dans leur action.
Ces te\ tes ;·1ppl1q11..:nl ·rnx de ·cen1hnts, et la solution qnïls
cons 1crent s 1lisf.lil ;, l 1 fois h r.1ison et les principes. Si l'on
déwbit. en eITel, qne les enfants n'ont qu'.1 attendre la preuve
de leur dé111ërile p·ll· lïns til11é, on s uppose.ait manife tement
qu' le ùMunl l 111111 [Ut! ail\ 1le\'Oi1" qu ~ son titre lui imposait
puisq •e o i li ·ndr:ti p11nr ini1rue l'exclusion quïl a prononcée
contre ses clescentl111Ls. En outre, les enfants, lorsqu'ils inten(l) D. Loi 'll dt prob. et prœsumpt. XÀll, 3.
g
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il8 -
- 119ait fait cette mention ou ryu'il l'ait né«liO'é
·
•
..
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,.., " e, nen n est changé,
qu:rnl a la p c r\ e, cl ms es r ipports de !'in t't é d
.
. .
s 1 u et u plaignant.
D u13 Lous les ·a ;, J u 5tm1e11 exige que cette preuve soit foumie
par lïnstiluc .
tent la querela ùioffict'osi testamenfi, sont demandeurs, el, tout
demandeur, comme nous le disions, doit faire h preuve de son
droit.
.Mais, la question reste entière à l'égard des a.:;cendants et des
fréres et sœurs. Un rescrit de Constantin, qui forme la loi 27
au Code HL 28, distingue, suivant que le querelans csl un
ascendant ou u n descendant.
Au prem:er cas, il n'a aucune preuve à fournir. C'est à
l'institué à établir que l'ascendant a jus tement encouru l'omission ou l'exhérédation. Au second cas, le que1·ela11s doil
prouver qu'il n'a pas mérité l'exclusion dont il est frappé
C'est dire que, lorsque le plaignant est un ascenchnt, la présomption est que le testateur a violé à son égard l'o/ficium p1etatis: tandis que, si c'est un descendant, la présomption est
que Je d6funt n'a pas manqué à ses deYoirs, que le descend'\nt
s'est attiré, par ses torts et son inconduite, l'exclusion qui a élé
prononcée t:ontre lui.
Arrivons au droit de J ustinien. La .Vove/le 115, oü nous le
trouvons exposé, décide, que les ascendants ne pourront plus
omettre ou exhéréder leurs descendants, ou les priver de la
portion légitime, que dans les cas expressément dderminés, et
que les institués auront à prouYer l ingr.ttitmle des descendants:
nisi fo1·sam probabunlurin9rali. Justinien moclifie donc la constitution de Constantin, puisqu'il mel, dans tous les cas, l'oùligation de faire la preuve à la chal'ge des ins lit11és.
Il innove e11core, à notre a\'iS, en 11np is'\nt au test1teur h
nécessité de mentionner <lans son tesl:imenl la C'\use d'c:-:c;Jusion
dont il sep ré vaut con Lre l'hé ritier na lu rel. (2 )Mais, que le leslateur
(l) D. XX II. 3. loi 21. de prob. el prœsumpt
(2) Nov. 11~. c. l . princip. in fine par. 14. i a ine.
~lais, tu•1s lesauteursnep'\rl.1aentpascesent'
tQ
..
. .
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imen . ue 1qw~suns pen,,,,ent Cflle Juslm1e1111 a p:ts aflporlé au
. .
.
. .
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x prmc1pes du droit
an teneur des mnovattons aussi radicales
·
t
·
. .
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.
.
·
· mvan eux, une dis·
tmcl1on doit cire faite: '' la cause d·exclusion est déclarée dans
le testament, les institués n'ont JJas de preu\·e · .- · c
a latre. ette déclaration é1p1i_rn.ut ù une présomption légale suffisante, jusqu'à
prem·e co11trn1re p 1r les enfants. ~i la c 1 use d'exclusion n·est
pas énu1 cée, :ilors les i11slitués ont à établir Je bien fondé de
l'omission ou de l'exhéréclntion.
Cette opini1)!l est inad111issil>le, et elle ne résiste pas à ce passage de la llll~me S oc('l/e 115ch. 3 p. 11in fine: « siveparenfe3
~ omnes causas i-el u11a111 e.r hiis in festamento suo inseruerin
et 1 1· t · 11'
1
t
~
~
8f' ' JI '
Ci'f'r es Pe1·a111 esse 111011sfraL'<t'ri11t, Lesfamentum
suam fir 111itatem l1rrb('bit
::\ous estimons donc que Justinien
a réellement ÎlllJO\'é, da ckcidë, que, sans distinction entre les
ascend'\nts et les ùes1 c11dants. la prem·e des torts du q11e1·ela11s
exhérédé ou omis, de\'rait loujum:-;être fournie par lïnslitué.
Hesteà exami11cr la q11esliu11 relntiwment aux frères etsœurs.
/
La X oi•elle ·N
1 l
· cas d ·exclusion
·
~ ~ c.· " ou· so11 t 111e11 t·11111ne.
es trots
>)
des frères et s0: ms, 1w p·1rJe pas ile 13 preuYe. \ous en concluons
quel t 111è111e n'.·;.:le c1ui n~gil les ascl•nù:mls et les descendants
d01l è !"'• ·11>1 1J'1q111·e
' p 1· ·111·1 111gw
· :rnx trcre
•
et Sl'urs, auf que'
ceux-L i lll'\'aie111 préahlile111e11t èt,iltlir la tur 1it11do de lïnstitué
1
Cette
Jll'etn->e fa1't e, 1··111s 1·1t11i:. t 1e\-.11t c1émontrer à son tour que.
,
1
exclusion du plaignant se rattachait à rune des trois causes
prévues par la Nove/ le 22.
�-
-
i!O -
Une dernière difficulté s'élève. Nous avons dit que Justinien,
entr'autres innova lions, prescrivit au testateur d'énoncer dans
son testament h cause sur laquelle il fondail l'exh édéra lion de
l'héritier légitime. Quels étaient les elîets de l'inobservation tle
cette dispos ition ? le teslament était-il frapp é de nullité, comme
s' il manquait d'une des formes essentielles, à son existence'?
était-il seulement s usceptible d'ètre annulé? C'est un point qui
divise les interprètes et a donné naissance à trois systèmes que
nous exposerons brièvement. On dit d'abord, en se fondant sur
les expressions de Justinien, teslame11to evacuato 1·esciso tesrnmenlo (t\ov. 11:; c. 3 p . 14 in fine ) que le testament, où ne fi gurait pas la mention de la cause d'exclu~ion , ne l·OllYait ~lre
annulé qu'en justice, par la voie ordinaire. Ce systélne a contre
lui ce vice grave qu'il enlève à peu prés toute utilité a l'obligation
•
imposée par Justinien au testateur.
Dans une seconde opinion, on enseigne que le défaut de mention a pour efîet unique de modifter la situation des parties
quant à la preuve. S'il n'y a pas de men lion, la preuve est à la
charge des institués. Si une mention de la cause d'exèlt.ISion
figure au testa meut, elle constitue çonlre \'hé ri lier lé...;ilime une
présomption sumsaute qu'il a l'obligation de détruire par la
preuve contraire. Ce système, que nous avons c inl>altu \)lus
haut, ne nous parait pas daYantage ad•nissible.
Eufi.n, d'après la lr0isièrne op inion, le déf:wl Je men lion n·entraine pas la nullité de plein droi t du teslament. Il faut poursuivre celle nullité par la voie de l'act ion , ici par ln. q1<ere/n;
mais il n' y aura pas de débat s ui· le point de savoir si 1 exhérêciation est ou non méritée. Au conlra ire, si la c·1use est me. tlonnée, ce débat peut avoir li eu ; \'ins titué peut soutenir la légitimité de l'exhérédation, et préserver le testament tle la nUlllt~.
t2f -
Cette .opioion
s'appuie s'appuie s ur un passage fort clai d'
.
co11stitut10n de Justinien la loi 30
.
'
au Code Ill. 28. Voici rle une
as
sage: « Sed s1 nul/am eorwn ,.,, 'l . .
P 't' ' si ! u,9ralorum testa/or fcce1·
« me dw11e1J1, non licebil lteredib s .118 .
t
t , ·
.
u e;
in9ratos eos nominare
« e tWJllS modi quœstionem intro d ucere. • C'est l'opinion a
laquelle nous croyons devoir nous ranger.
--
�-i22-
SECTION IV.
Elévation de la quotité de la légitime, â. quel titre
elle doit être laissée.
Cette section noue; amène à l'une iles plus importantes réformes rle Justinien dan<> notre matil!rP. :\ou<> ::iaYon' Cflh' h rrnotité de la légit ime ét:i.it fixée p·1r le Llroit 'hssique ·in rp1·t;·L de
la portion héréd ihire de ch,tcJ •e enfant, el qnc l 11•. iix ~lion
était invar iable, quelqne fùt le nom!Jre des eni,1 1ts. J'lst111 en
décide par la ,fovdle 18 c. 20 ' Jl lt:; 1.1 légilime ser 1 J'orléc au
tiers, si le<léfu11t laisse quatre enfants ou un nombre m. in<lre à
la moitié,sïl en hisse cinq ou un plus gr 1nrl no1nhre,el il expnse
les motifs de celte innovation en un 1·111fpJe rrui ne 1n .uq11e ni
d'élévation, ni de granùeur.
~fa is,
ce systèrnc, avec une hase pro~ressi\'e se:on le nom lire
des enfants, produit. d1ns un c:ts,nn résultat siJ1g11\ier.qn'au 11111
auteur n'a manqué de mettre en lr11nière, et rpti,dc l'1il, cltoque
la raison aulanl que 1'1;q11ité. "iuppo..,ons 1111 pt'rl! q1ti ail '1t1atre
enfants et 1 H de !Jiens; 11 :ég!lilne e-;I 1lu tiers lR. <:h'lrnn des
quatre enf'lnts au l'a 12. S'il y a cin•1 enh11h, la l1'·gilirue
est de la moillé, n, so it pour chacun des e11 :·a11b 1ll1=>.
- 123-
On voit aisément le vice du systc1ne. La légitime de chaque
enfant s'élève, à mes ure riue leur nomure augmente, alors
que la raison \'Oudr.tit qu 'elle fùt plus faible. Du moins,
celle ùizarrerie s'arrête l:t, el, si l'on suppose six enfants, la
légitim e de chacun de•'cenclra à ce qu'elle sera it, s'ils n'étaien t
nue quatre, et avec sept enf-lnts ou un plus grand nombre elle
devient inférieure, comrne cela doit êlre. L'innovation qui nous
occupe s'applique-t-elle à la légitime des ascendants ainsi
qu'à cell e des frère'> et sœms? On l'admet lrè" généralement,
el l'on se fonde pour le décider ün:si ::iur les derni1;res lignes de
la Xo1•elle 18, cl1. 1, ;,i i11si conçnes : u H oc obse1·va11do in 011ini" bus 1Je,·so11 is i" 'l" ibus ab i111 t io a11tiquœquarfœ ratio de ùioffi.
« cioso le,qe de<.'l'efa est :
l)
L1 granùe question qui se rencontre sur cette matière,
l'St la question rel.itive a h computation des légitimaires.
Nous avons déjà eu à l'examiner, lorsque nous nous
sommes occupés du calcul de la légitime, sous le droit
classique, et nous l'avons résolue par des distinctions aussi
nécessaires que <ldicates.
On se -.ouvient que nous avons compté:
1• Les léJilimaires institués;
2° Les légilim:iires exherédés, moyennant l'attribution de
leur légitime.
3• Les légitimaires injustement exhérédés et qui exerçaient
la 'l''ere·a.
1
011s avons né:.:-ligé, au contraire:
l " Ceux qui anient mérité l'exhérédation;
2' r.l'nx qni ren 11pient, mais sous une distmction: étaient-ils
inJ11~te111cnt exhé rédés ; s'ils renonçaient à la querela, ou l'intentaient et y succombaient, leur part accroissait aux légitimaires
�-1M -
-
qui e'Xerçaient au même titre la 1uerela. Car, cette ac lion est
une véritable petitio her·cditati<S qui comporte l'accroissement
des parts r épudiées au profit de ceux qui l'ex ercent avec succès.
Etaient-ils, au conll''lire, j usternent exC'lns, p1 rce •lu'ils a v1ienl
leur légitim e, leur renonciation profite à lïns lilué . 1:1 légilirne
étant, à l'époque classiqu e, incliYiduelle el personnelle.
Arrivons au droit cle Jns linien . ~cllts renconll'Ons de ll'\ principes nouveaux don! lïnfü1e11cc se fera sentir sur le~ solutions cp1e
nous donnerons à h question.
1° La légitime n'est plus inv:niablement fixée: elle croit, dans
certain cas, a\'ec le nombre des enfants.
2• Eile n'est pins individ uelle et person nell e, mais collective
et appartenant en masse il tous les enfants contre lesquels i1
n'existe aucw1e cause d'exclusion cle la succession
Certaines solution~ du droit anlérieurùoivent ètre rr.produifcc;
On doit compter:
1° Les enfants inrlùmenl e:\héréclés et exerr:1nt l:l rp1
2° Les enfant ; indùment
légitime.
c -: h6r01~1;s,
1
·la:
rn:i i<- rcun·us de leur
Mais, comme la )llgitime n'ec:;t pin<: inrlislinr lemcnt du r11nrt
de la portir•n héréclila irE', m'lis e$l port(·e nu tiers, s ïl y ·1 qw11re
enfants, et à la rnoilit;, s'il y en 'l ci11q on un Jiltts !-'r1n1l 110111bre•
nos solutions pourro11l ,1mr11 er re ré:-;11lt.1t cy11e Il' nom lrr de
qu1tre enfants soi t dépassé , tt que la 1 gili111e so it del 1 nwitié.
Aussi, l'l 1di,ci ue, sous le clr(lil rhssicp1e , l aYer· h quotité imariable, <le la légit Ille, l'.i11g1nenl 1li.m d11 nornbrt' des c11 'a11ls
diminuait la p1rt reYen·rnt u chacun, s1111s Jmli11ic11, ccl'c au ;mer1t'ltion, <lans le cas s ui posé, np(rc\·:t ad n11[1 ('11r/a 11 lefp'li·
mam. Au sujet du droit d'accroissement, l es pri\lcipes nouveaux
t25 -
conduisent à des décisions qui se séparent plus radicalement
encore de C1.. lles de l'é 1>oque précédente.
J.a légiti me t~sl, en t'ffel, ·1insi qne nons !':wons clit, attrihuée
roll ecti\'emenl ii to ns lt>s euf,1nls, el doit lenr (:Ire hiss(>e à litre
hrré .il.. ire, 116 11i e hf'1·edis, comme Je veut la x0 ,., 11\ sur
lar1'1e le no11.; allon« tC\èni r. Il en résul!c qu~ l'acc rl)issrn eut
aun; lieu d1~snr 11is entre tou,, les lé.~ili111aires, à l'exclnsil)n de
l'instit11é. Q11c Ir~ ll·gili111·lires aieut b r;11ct·c/a, parce qu'ils sont
indù nent e h~ré lé , 011 qu'ils soient pr Yés de la qun·ela, parce
qu'ils ont é11• n rnlis de 1.1 légitimc,ils profilent toujours des parts
répudiées p'lr l'un d'entre eux.
Mais, si l'un ùes lég1Li1wtires, injustement exhérédé,renonce à
la q11e,·ela, comment se rér artira s1 part? Sa part dnns h légitime accroît à tous les 'lutres légitimaires. Quant a l'excédant de
sa part ao intestat sur ::.a légitime, il accroit aux enfants qui.
a)':tnl droit à h 711crela l'exercent el y triomphent. Car le principe <Jue b. q11cr,,1n. estunev titio lie1·ed.tat.s,eten doilsuivre les
règles, s11 usiste 1011joms.
Telles sont le .; s0lnliCJns rrne comman•lent les principes st1r
ces dèlic·tLc.; 11 ·:e::ilinn.:; de h comp11l'ltinn ù s l.:gitimaires et de
1':1crroisse111c1. t. î' 11c clern ir\1 e d iffirnltë se présente rebti\'erurnt a la n1a1tiè·r11 d111it h lt•g;ti me de ~:isce udants ùoit s·é lablir,
depuis qu k$ .ra •e 1le.-; 1rn et 1·?/1llll :1 lulis les frëres el sœurs
~1 cnnc11mir UYr>...: les asct nd mts ::.ur 11 succession ah :ntestat. Il
s'agit de ~:woir si la lé~ili111e qui ltn r est due, cl mo~ enn:mt
laq11elle ils sont excl us clc 1i q11 1·e'11, duil être c:ilculèe sur h
lol'tlilé de l'hèr~·lilt>, on seulerne11t sur la part qu'ils seraient
appelés à rc1·u •illir. s'il~ co11c1)u1 raie11l eITeclivement ab i11tcarat
avec les frères cl sœm s. l)n aperçoit sans peine nntérêt de la
question. Les ascendants auront-ils droit au tiers du tout, ou au
�-
t2e -
tiers de la fraction à hquelle les réduirait le concours des
frères et sœurs 'l
C'est une tlilficulté ''Ï\'ernent conlroYersée cl ')Ui a ùonné li eu
aux detl\ sr lèmcs suivants :
•
1" S!J~fè,11e. - Celte opinion enc:ei.;ne q11r la l ~gi t i me cles
ascencfanls doil être c·1lrnlée s 1r b rnnsse cle la succession,
el que, s'ils n'unl pas le lie1 s de relie masse, le d1 oit cl'i1.tenter
la '} 1œre!a ne saurai! lem être re.11sl!. Les i1iterprètes (jni le
décident a ins i, ~·appuient :s ur celle con:;i1iératio11. que .Justinien
n'a admis le concours des a"cenchnts et des trfres etsœurs que
si la s ucre--sion esl nb /,ife~tnt. Or, nnus suppu;:.unsq 11e le défunt
a testé et a d'ailleurs instil 11é <les personnes lwnnêtes el inéprocbal.Jles, ce qui, selon les princii•es connus, é<"u·te nbsolument
le:; frères el >œurs de h pl.tinte dïnofticiosilé. Il en résulte que
les ascendants <iya11t ::.euls, en face du testa1nenf, le droit
d'exercer la q11erela, il -; ne pcu\'ent se Yoir prh é:< de ce droit,
que s i le défunt leur a lai.~sé, a titre hél'éilitaire cl e11 \ ue dt> les
remplir de leur légilinic, le Liers au 1noius <le la tota lité de son
patrimoine.
2"'" Sysfrme. - Cc système rf'lpond it l'argument que nous
Yenons d'exposer, Pn faisant re111arqucr que la 11'.·gitim e a toujours été considérée con1111e nne portion <lu dl'oil héréditaire
ab i11testaf:« rorfio,11or·tirmis ah intesfato debtfœ,. corn Ille disent
les textes; Q11e, p~r co11séq11en1, il s'agit de la succession
ab liile.~tat, et que les ascendants, devant subir s11r celle succession le concours des fréres el sœurs, dciiYent égalemen t Je :-;11bir
sur tout ce rrui est l'ecueilli an mên1e titre, co1ume une partie
de la suc. ession ab 1J1/cgfrtl ; qu'i ls ne pem e11L donc exiger,
comine légili111e, que le tiers de h pa rt que le11r donne h loi,
lorsqu'elle les appelle concurremment avec les frcres et sœurs,
-
127 -
et que, du moment oü ils reçoivent ce tiers ils n'ont 1 l d ·
•
P us e ro1t
d'inlen ter la rpœre/a. 01l'lllt Ü h part cle" f1· "l"S et s
·
~
œurs qui par
suite de la présence ù héritiers infe'Jrre e·,.· 1·
· ·'
-,!:;; "'ia 11011 s, se
trouvent C\clu > de la SU!'Cession elle profite non
'
,
aux ascendants, m'tis à l'inslilué.
v
,
"
C'est ce dernier systcme que nous adoptons, comme nous
parais~ant rnieux répon lre à la vraie pensée de J ustinien , el
aux raisons que nous venons d'exposer, s'ajoute une autre considération, rui n'est pas ..ans importance.
En elTet, 1. question cpti \'ient rl\~tre examinée pour les ascendants peut ·rnc;si se pos ·r à l 'ég:nù des frères et sœurs. Nous
pottYons supposer un testament instituant des t 't/ies pers?nœ,
cl les frères et S•~nrs J> 1•1vant, d..:s lors, comme les ascenùants
intente1· Ja plainte tl! ,1" lirios1lé.
1
C~Jculons 1C
1
JégÎl1111", COtnllle Je Yent le premier S\"Stè111e,
s:ir la ol11il · 11..! l 1 StH'1·ession Les frères et Soéurs se lrou1ant
p.us de ·lll1fre on' dro t <\ h rno1ti~. les asc~nhnts au tier~. Le
déf111l h.s.;:--1:.'de !Jien·. Les fr0res el s•..e111·s prennent G. le:>
asren 1hnls l, lïnstit11é e,:;L r1•d11it Il ?, ·11) s que, en face de plus
de rru1lre e. fa11ts, il a1tr lit pu rec»·uir tl11 d.!ùmt la moitié. G.
~t•Lt<; ne po.1\· ' 1s crnir • 'f 1' des is ·~ l hnts et des frères et
sœi1rs JHtisS.!lll retc11ir llt1e lê~ilillle plus 1111 te que relie des
enfant-> Ill '111' lu te.,; ·1 c•1r. l't q11 • r •lui-d ait ttn 1lroit de ~li~
P•1··i'ion 111 1;11; él..!nd11, 1111" 1u'il 11.! l 1i.;se •rue tle:; a-cend int;;
etd~s fl'c~re.; t!' LCUI' , j'lt: Sil lais 1 t d '' tle•Cell falll•. r11 tel
ré~ttlt:ll c ·t •i' 1 t'·,·i Il' i1111»11l ronlr.IÎre i\ 11 pen-ée de Ju•tiui 'n.
t ne "e ·nncl • i111H1\' 1li 11, uou m 1i1h :;ra\·è rynt> h pré~é1lè11 1 è•
coni:er11e le li !re ·11111•1 ·l h lë~itime dtiil être l ussée. Au lè nps
CJissi file, il Ïot1p 1r[·1il f'l"I ! Il! ['JtëriliCt' rt\ tt S:J. lê 'ÎlÎlllt' a
lil!» ù J. . .
.
. .
.. . ~
c c eg11 ure, de ude1~v1111111s::. ·t1l'e, ou d mstitue. D:ins
1
ll'
�-
t!8 -
tous les cas 1 il devait se c.ontenter du titre sous lequel
le défunt l'avait gratifié, et pourvu qu'il eùt le quart qui lui était
dùe , il n'avait pas le droit de se plaindre.
Jus tinien veut que la légitime soil la issée, non plu<> à un litre
quelconque, mais pa r une ins titution pouvant porter sur une
quote-part des biens, ou sur des t·es cei·tre (1) . D'après
l'empereur, l'institution est le seul moyen de satisfaire
pleinement au:<. marques J 'honneur et de respect que se
doivent mutuellement les parents et les enfants. C'est le seul
moyen de les préserver de l'injure que porte avec elle une omission ou une exhérédation.
Mais, cette réforme, outre 1'intérêt honorifique qu'elle procure
aux légitimaires, à des conséquences plus sé1·ieuses. Ainsi, elle
rend possible, comme nous l'avons , u plus haut, l'application
du droit d'accroissement des parts non recueillies par les légitimaires défaillants, au profit des légitimaires qui viennent à partage, et cela, à l'exclusion de !'institué. Mais 1 il faut supposer
pour cela que la vocation des légitimaires porte sur une quotepart des biens héréditaires, non s ur des corsps certains et déterminés.
En second lieu, puisque le titre d 'héritier est nécessaire, si le
défunt gratifie le légitimaire , sans lui conférer .ce titre , celui-ci
peut intenter la querela, comme s'il n 'avait rien reçu.
Mais , s i le titre d 'héritier doit nécessairement être laissé au
légitimaire, s'ensuit-il qu'il sera tenu en cette qualité, des dettes
héréditaires, quand même le montant en dépasserait considérablement l'actif qu'il a recueilli ? Tous ne le pensons pas. En
rtffet, e'est s urtout ad honorem que Justinien veut pour Je légiti-
-- f!9 - -
maire l'institution dlhérltier. On ne saura1·t r t
e ourner contre lui
ce qui n'a été ét 1bli ciu'en SA faveur Et cett
1 t'
. .
. .
· ~•
e so u ion cadre,
d ailleurs, avec h dée1s1on lie (1t13tirlleh 1,elat·
.
. .
,
.
•
tve aux charges
de la legltnn e. L nnc1en ùr1Jit admettait d ~ia·
..
•
•
·J ,
que 1a 1ég1t1me
deva tt être laissée franche et Ullre de tbnl es cliarges, dé! a1s
· ou
conditions, qui en diminuera ient la valeur ~""r
·s
. .
•
•
.
•
•
• 1 ~ , ce prmc1pe
comportait, ainsi tfue nous l él\ ons dit \)lus 1·eur~ .
t·
.
.
.
•
:s excep ions ; et
des que~tions de fait très-~élicales pouvaient naître sur le point
de savoir dans quels c 1s 1apposition d'une char
·
,,'e . terme ou
condition, faisaient clescenrlre h légitime à une quotité insuffisante pour pri\•e r le légiti1wtire de la fJ11e1•e/a.
Justiuien fait cesser ces d11lkultés, en décidant dans la loi 32
au code, de ùio//icioso festame11lo, que toute condition, tou~
délai, toute charge seraient considcrées comme des dispositions
non écrites. La loi 36 au même titre contient une application de
cette règle. Un testilteur, q,1i hisse un fils institue un étranaer
'
t>
'
et le prie de r estituer J'héréùité au fils, soit après sa mort, soit
après un certain temps. Just inien orùonne que le quart dû à
l'enfant lui soil inm.édiatt>ment fourni, et, en outre, que le reste
de l'hérédité lui soi t re111is, a b !110rt de lïnstilué ou il l'échca.nce
du ter.ne fixé pu· le <1é l'11nl.
~lai ,;, il ne <>'t ·n lient pls 1:1 el il rléci1le crue> si lïnstitné. sur
lt pl)t1r·mite <111 l "~ili11 nir~. nep1ye p:ls la cin1rte annt que la
senten1..e soit re i lue , il !'Cra l'Ollll unn 1 a p:\yer cette qu1rte et
le tiers en s us. 1;
Enlln, la °':\Qr<•I e 18 ch. :l preo:.crit que h lé~it'me soit laissée
en Loule proprh'.•lé, el ne puisse èlJ'e ::;11ppléée par un usufruit,
alors 1 ,.,me qu'il "''étendr:iit ,1 lllU$ les j iens du tèslateur.
(l) N ovelle 1Ri c. 3 prio . c. V . princi p.
(1)
101
33 princip ù , inuf, to'st. Code. UI. 28. de io1>tr. test.
�- i30 -
Remarquons, en term inant cette section , que la légi time dùe
aux rrcr es- et ,sreul"~. peul lelll' èlre la is<;:e r ' l un :-iclc
. q11 elconque de dernière rnlo nlé, leg;;, tidl-ic11111niis, inslil11t1n11 c·.r, la
N e/le 113 n'a trait qu'à la léJilime des ascen 1 m'' el des ùcsov
cend:rn ts. La Novclle 22 ch. 17, déjà étuùiée, règle la lé g1't'tme
des frères et sœurs.
-
131 -
SECTION V
Des imputations à fai re s ur la légitime et de l'action
en complément
Nous avons vu que, dès l'époque précédente, si l'héritier
naturel an it rc.><;u du défunt un legs, un fidéi1·omrnis, une
doM lion à c·rnse cle mort. on ùans cerl 1i11s cas, et sous certaines
con<iilions, une donation entre \'ifs, il deviit imputer ces
diverses libéralités sur la légitime à bquelfo il aYait droit. La
tendance manifestée par la jurisprudence à étendre les cas
dï mput1tion, et à ùirninuer de la sorti> les chances de rescision
du test'lrnP.·1t, f•1t s IÎ\'ic p'll' les empereur~ ùu B 1s Empire.
Ainsi Leo11 1•r'p:ir 1111 rl!;cril rpli <i ltc Je 167, av'lit soumis au
rapport les '1lem.;; qui .t\'aicnt l 1it l'ulJjet de dot ou de donations
ante 11 't.Jfias (1).
Zénon en l7.J cl 'cida rrue ces ùeux sortes de libéralités :,'imputeraient sui· J.1 1~·;itime,llln·ru'elles comprendraient des l.Jiens
proYen mt du p'ltr: noine ùu te~! tteur ('..' .Justinien élar;it encore
cett jurisprudc1H'e. li appli•Jlte l:l règle de l'imput1tion aux
\"tleul's fou mies l ·1 r le p re cul e111e 11/a 11 1111"/itam, poun11 que
les ch 1r~"'s ·tin ,j ach "Jl!s reprè,jl!'tl •nt une nle•1r 0·1 des
avantJJes pé~<111i i;res, iuur Je~ héritiers ùe ceu · qui eu sont
Îll\'eslis a).
(1) Lot 17, Cotte d~ Cou. VI, 20
Loi 29. c. lil 2d.
(3) Loi 30, c. lll. 28.
{t )
�-
'13'2 -
. t he les donn li·ons entre v ifs, il consacre l'opinion
En ce qm. ~ouc lis haut d .op1·ès hqnelle
tonte rl ow1tion entre
·
d'u lpien,c1h:c p t
'
.,, .r ie lors·tt.! ll.!lteanilétû
. ,··
tl 'I' S'll" 1 1 1e"'l 11 ' '
1
vifs d13v·u · s in1pl e
.
. ·,rs lo11a io in q11al'/a '
l l tlenr (id h J.'C u1.ei J1 u
lïntenliun ( u c un
l Ill ·>:>
1 . r ) <) \.r)( e . . -"· ) l\b is , 1.près que Justiei co.aputeforJ ,1 ) l . -·Il 11- l'i nstill'Lion cJ'll~ri l cr pour le
.
l ·a-·· p:ir h Nove c o
.
.
men .eù .C\l" ees ·irnpul·tlton~
.
, .
1uren t-eaes toujours ohhgalotres,l
légit1 mat re, c
d
la crea li é réd iLaires ·? 1
.
l'quanlp1.sà es ava 11 "
quoi11ue ne s app t •
l l à cet é" ir 1. Pour nous,
. ·1 d 1nler qu0l 1ue l ou e '
t">
••
est cllffict e e g
J. ·t· . , 1 ait uin:;i modil1é ce r1u 11
ns p·1s que us rn1c1
,
nous ne penso
, . . · I i . hli,·ement; qu'il :i. it, sa n::; sen
. .
· le de consac1 et 1.:g1s
, ,
venait
. .inc. ::.i s e:s· lnl..iitu les, passe d un
. a peu
. ce' ni n'est pas conlo1
eJ,11tque1,
1. t ·e e:(trème. !':ous
, . p1·éProns
"Hl mettre aYec la
.
e
extrême a un au L •
•
1 t'tre d "héritier d:ms une
. d .
leur" qu'il e~ugc e i
,
.
généralité es au
"'•
.
f ·s le tilre conferé,
··nq e . m ~us que, une o1
vue toute hono11 u ,
d'
ès le droit ·rnt~rieur à la
toutes les valeurs imputables, aptr pe1tvent
conséquence,
•
t . ent <le l'èlre e
Novelle 115 con mu
' l d 101
.. t . Ai·n..,·t
le prochme
..
l >J.ayau
.,,
servir à for111er la léglltnie '. e '.l' l 1 . r1 au co• 1\! de i1107;cioso
•
' '
'
l'aull1enttque
-\'Olll•8••su• 11 a· !fllt sut ; 1 1.H v
, .· . :,
,1
litre
>
•
•
<lil son aule11r l rnc1111:->, • qu e
lesta nento . leu impot le,
'. '. / ·t I J toutes le.s
. .
··t·· ...,.tli ï• '] l(}ft? ra ici ' '.,
le lérituua1re 1. 1;1.: 01
. . t. , IecéleLre
.;)
..
.
' . ·· Il mte11t SUI' S1 1t'~l 1 Ill!. ,
liuéralilés q11il1icçue,,~1l t
• •
• , 1
• ·cl'e 11;> qni
.
.
·ontrnd1ct111n .:n e1.: \ ;i;
glu::.s·ü~ur n est pa., en c . ' , l
e Le l1ll.:011p tlï11ter·
.
d'I, .. 1· .
ic.iH e qu
veut le lltre .ei 1 tei • et 1 uw"
'"
. . . . l Je\"lnl
prdes ont voulu relever co:llre lui .,;'efî:t~e el d1>J ll:l
' . 1· . f
nue ll<Jll.> \"Cil lllS de ilot lllC:l.
. ,
1exp 1<..a ion ·1
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.
•. ; .
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; ·T r d11 sang CJ'l Un
Lor.;;11ue Je test ileut· n il\' ul l:l.t '"" :\ 1111.:11 te
.. ' .. · ité
.
.
·•
't
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t phllJlc d Jl1U.1H IU
léaititne incu111plde, ce lut-el a' .tt
.
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colllpril'
"
e s'il avait été exclu sans rien rcceYotr.
on
··1
comm
.
.
ét
·e
sùr
lorsqu
1
a isément que le testateur ne p ouvail Jamais I
'
e1:
~fa1~,
-
t3~
-
faisait une libéralité à son successible, qu'il lui laissait exactement h rortion né"essa ire pour écarter la querela. De là, la décision de Const111ti n qui renvoyait, en ce cas, le Jégitimaire au
bo11i v1ri arûitrafits l\lais, il f.illait que le défunt !"eût ainsi
vou lu, au rnoi n<:; tacitement. 'il n'était pas possible de
prouver son i11Lc11tion, le légitirnaire pouvait recourir à la
que1·ela.
Justinien ré1lisa sur ce point un véritable progrès, en sousentendant, clans tous les cas, cette intention ' I ). Le légilimaire
n'eut rlonc plus dé'>ormais que l'action en complément, dont
nous ayons ~ign1lé plus h111t les caractères distinctifs. :-\ous avons
dit nohmment, que depuis Théodose le jeune, elle est soumise à
la prescription de trente ans.
Justinien , Youlant mettre un terme à des controverses a ntérieures, dél.:ide que le point de départ de ce délai se placera à
l'adition de lïnstit1té, d pour préYenir le retard et le mam·ais
vouloir q1te lï111;tilu~ p0ur 1·oil mettre à fai re adition, il l'oblige
il rernp lir celle formalité tbnc: les six mois à compter du décès,
s'il hauile l l n1thc pro\ in1 c que le légitima.ire, ou dans !"année,
s'ils h.<üitent tia ns ries lil·ux rlilférents. (:?)
.Tu.:;tinien ,·eut <'llcorc qnc le supplément proYienne toujours
,,.,. sulsf<lllfùr 1,n ri'.-1; el, ne ser:i p~s considéré i;omme tenant
lien de ce ~11pplt;1ne11t l"m·.111t·1ge qui ré::.ulterait d"ttntl substi 1ution, de l"app intion dn droit d'accroi,sement. ou de tout autre
éYéncme111 111<]11cl b volon lé du père n'aurait pas pat ticipé ct·une
façon directe.
(1) loi 30. prio. c. III. 28. de
10.
test.
(1) loi 3G p. 2. III. 28. c. de iooJr. test.
10
�-
t34 -
SECTION VI
Effets de la. querela
Cette réforme, la dernière dont nous ayons à nous occuper ,est
une des plus graves de Justinien, sur la -matière de la q11e1·ela
inotficif~i tesfame11fi. Le succès cle la querela amen'lit auparavant la r escis ion complète et intégrale du testament. Les d ispositions subordonnées ~l lïnstitulion, legs, afîranchissements,
fidéicommis, nominations de tuteurs, tombaient co mme et a\'ec
le testament. Il n'en est plus de mème sous Justinien . L'institution seule est annulée; les autres dispositions testamentaires ne
sont pas considérées comme inofficieuses et conservent leur
effet.
Ce changement de principes est indiqué par la Noyelle 115
ch. 3 in fine et ch. 5 in fine. Il était, ce nous semble, préparé
par la décision prescrivant que la légitime serait désormais
laissée au légitimai re a litre d'hérilier.
Il en résultait que lïn<;tilulio11 seule constituai t une injure pour
le légilimaire. tan1lis crue les aulres dispositions ne pouvaient
être entachées du 111ème Yice.
Cette réforme est ~e1'la i ncmenl un progrès. L'ancien droit qui
annulait les legs et aulres dispositions dernières,n'était ni équitable, ni logique. Les legs, en eaet, peuvent êlre imposés par le
-
135 ·-
Mfunt il son héritier naturel co mme à un étranger. Pou rquoi
dè lor..;, llt p·ls les l1l'l nle11ir d:in5 h mesu re d 1 dispo aible,
inalgr~ h re:sci:si >n du te; t·1111e11t. De plus, oppose r aux lég1ttaire::;cette resl:i:-; inn <"0 tail, ainsi <Jlte nous l'avons ( bservé, violer le
principe, que la clwsc jugée ne proùuil d'effet qu'entre les parties en jeu.
Ainsi, toutes les d isposil10ns de de rnière volonté du testateur,
sauf l'instilution, sorl:.lienl a effet. li faut cependant con' enir,
que, malgré les ter1J1es généraux. cle la Novelle, les substitutions
vulgaires perdaient néc:essa ire1ne11t toute force par la sentence
qui ann ulait le lest:ime11t. C·1r, elles étaien t des institutions con
ditionnelles, el lu •11e i11slil11lion pure et simple ou conditionnelle, él·1 il mise il néaut, p~r la sentence cl'inofficiosilé. Ensuite
si on les eùl 1uainteuues, la '}ll('J'ela eùt été inutile au Jégitimaire,
puisque le substitué se serait présentê pour recueillir la succession enlevée ü !'institué principal.
.
Nous avons ains i parcouru les nombreuses innovations de
Justin ien, sur cette granc\e 11wlière des pou,·oirs ùe disposition
du père el des droits de la t'arnille. !\ous en avons sig11alé, chemin fais·rnt, h \'ale11r ('[ le 'rai mérite. Les auteurs o:.t diversement nppré<..:Ïl' celle ll'tl\Te. :'\Io11tesl1uieu n'y voit que des change111e11ts i11sig11ilin11b, <les 1éfonues ùe si petite importance,
qu'il est lll'Cs1rue tc11té de les nltribuer à l 'Ilisloire secrète el de
d:~e (file ce prince veudail éga le111e11t ses jugements el ses lois. 1)
L 11lustrc écl'ivain se trompe. li n'a p:is aperçu le christianisme
dont les rayons éclairi>nt h \égislalio11 JLIStinienne.
Bien autre est le sentiment ùe M. froplung, qui rêsume ainsi
(1) }fontesq. Grandeur cl décadence, Cil. XX.
�- 136 -
l'œuvre de Justinien dans la conclu ion de son beau livre .
De Jïnflnence du chrislhnisme sur le droit civil des R omains.
cc L'l cré1tion de Juslinien rst wai'.1rnnt originale. Mai-;, cIJe
" n'est pas la d~converte de q11clr1uc e p1·;t :oupérieur il son siècle;
« c'est une œuvre chréliennc, p1·éparée depuis <leux cent~ an
a par le travail incessant du chrisli'l nism.e, et éclose à une épo« que où Je christianisme était tou L. » (2)
Nous nl1é::;itons pas à nous associer à ces éloges que l'élo')uent
juriscons ulte donne ù J ustinien. ~on œuwe présente incontestablement et sur tous les point~. un progrès réel et notable sur le
droit antérieur. '.\!ais, comme :\I. Troplong, nous estimons que
c'est surtout une œuvre chrétienne, inspirée par cette religion
divine, qui a\'ait, spécialetnent en notre matière, proclamé si
haut les vrais principes, il savoi r : que la puissance paternelle
doit être toute de mansuétude et de tendresse pour 1'enfant, que
la fem me doit échapper à cette tutelle et à cette autorité civile
de ses agnats qui l'abaissent et la dégradent, enfin,que les nombres de la famille se doivent touiours une mutuelle assistance et
une commune affection.
('l) Tropl. Conclus. p. 149.
DROIT FRANÇAIS
�DEUX1ÈM.BJ PARTIE
DROIT FRANÇAIS
Chapitre 1. -
Ancien droi t
Nous allons étudier , dans cette seconde partie de notre travail,
les divers moyens par lesquels notre ancienne jurisprudence
assurait et protégeait les droits héréditaires de la famille. Il
serait peut-c\lre intéressant et instructif de remonter aux origines
les plus r eculées de ce droit, de le sui\"re ensuite à traYers les
à0es successifs et les êt:.ipes cli,·erses par lesqueh notre pay ~ a
passé, jusqu'au moment oil la législation, sans atteindre à la
fixité d'un droit codifié, r n ',srnte du moins quelque certitl.de,
et ~e traduit en un ensemble de principes, posés et déterminés,
par le droit roi nain d'une p11t, pour le pays du 1'tidi, et par
les coutumes officiellement réd igées pour les pays du :-.:ord .
Mais, cette étude du droit héréditaire à ces époques primi-
�-
-- i4t --
HO -
tives, que l'on désigne ordinairement sous les noms d'époque
celtique, gallique, gall0-romaine, franqlle ou barbare. dépasserait peut-être les limites que nou<> de' ons nécessnirc111ent
nous imposer, et présenterait, an smpltts, c?es clillirttllés cp.ïl
serait puéril de se diss imuler. Cun1111énl S l' niller de trm1\·er
quelques principes sùrs, q11elq111•s r.":;J cs prt•t i ~es cl f1 ,e , ou
seulement quelques Lnits g1~1u~1..11 1x da1 .s h lé 0 i.,h tion de ces
temps éloignés, lorsque celle te11lal1\'C décourage <les historiens
tels que M. Guizot, et des jurisconsultes, tels que l\L Laboul'lre.
o. Le caractère de cel àge, dit 1\1. Guizot, daus sa üelle h istoire
• de la civilisatio:1 en Europe, c'est le chaos de tous les éléments
• l'enfance de tous les systèmes, un pêle-mèle uniYersel on u'y
« peut découvrir aucun fait, aucu n principe un peu général,
• un peu établi; rien n'est s table, dans l'état des te rres , pas
' plus que dans l'état des pers nnes . »
Nous étudierons '1orc 1e.s proteclio1p~ acrqrdées a la •1 mille,
en matière héréditë1ire, à l'épO'JL•e oil le droit est panenu à son
plein développement el à sa maturité complète, c'e!'il à dire à
l'époque où la Prance esL définitivement divisée. a u point <le
vue de la législation . en pays de droit écrit et pays coutumie rs.
Dans les premiers, on suivait, le droil rom'lin, tel qu'il résultait
des Novelles de Justinien . Dan::. les seconds, c'étaient les cou
turnes générales ou 10cales, onlont1'lnces et édits émanés du
pouvoir royal, qui formaient le droit commm1.
Or, les contumes, de même qnc le <lrnil rom'lin avai ent org:inisé, pour la sauvegarde des droits de la fa ndllc,rles d isposilions
diverses qui feront l'objet des dé,·cloppe1nenls qui vont suivra.
En pays de coutume, nous trouvons trpjs Îfl~~itutions :
1• Les réserves coutumières.
1
2" La légitime .
3• Le douaire.
En pays de droit écrit, l'instiLution protectrice de la famille
est la légitim e du droit romain, modifiée toutefois, ainsi que nous
leconsl:llerons, par les ordo1101nccs royales, et par les décisions
desp:u·:ementsde ces p:iys. La réser\'e p'lsse aussi des pays de
coutume dans reux decfroit écrit. ~fais , ellen·r devi1mt pas d'une
ap1 lication générale et uniforme, q ... el tues proYinces seules
l'acceptent, en lui faisant subir de graves moditicatiotl.i.
�-Ut-
SECTION I.
US-
tre l'origine, se demander qu'elle était l'origine de ces règles. 11
est peu de questions qui aient divisé et divise plus profondément les auteurs qui se sont occupés de recherches historiques
sur le droit coutumier.
Domat, le philosoph e jurisconsulte, dans la préface de9 Lois
Civiles, assigne le droit naturel comme source de la grande règle
relative à la succession des propres et qu'on exprime ainsi ;
cPaterna, ;aternis materna maternis.-.
Cujas ( 1). trouve cette origine dans la loi 13 au code de leoitimis hercdibus. On lit, en effet, dans ce texte: « exceptis mater_
• ni.! rebus, in quib 1ts 1 si eadem mafre (ratrea vel sororu 1int
'
« eos solos vocari oportet. ,
1
De• réserve• coutumières.
§ 1. De l'origine des r éserves et dts per•onne•
gui y avaient droit.
Les réserves coutumières s'appliquaient aux biens que notre
ancien droit appelait propres, et elles régi~saient égalem ent les
propres féodaux et les propres roturiers. Qu'él.iient-ce d'aborcl
que les propres 1
C'étaient les biens immeubles échus au de euJ ius <le l'hoirie de
ses parents et qui devaient retournel' par la mC:me vuie au:,
parents de la ligne d'vù ils provenaient : On Je;; opposuit aux
acquél.5, fruits d'un travail personnel, el qui, dès lors, échap·
paient aux lo is sur la succession des propres.
Les réserves décou laient nécessairement des r ègles qui dominaient la succession des propres. Il faut donc, pour en conna1-
Le savant Delaurière, clans ses I nstitutes de Loisel {tit. II. liv .
II. pages 100 et suiv.) enseigne que la loi s ur les propres découle
de la loi régissant les fiefs. En effet, dit-il, cette règle ne fut
pratiquée qne sous les ro is de la troisième race. Elle ne dut
d'abord s'appliqner qu'aux fiefs. Puis, on l'étendit aux alleux.
M. Kœnigsw"\rter (1) lui allribue un e origine germanique. Le
poinl de départ en est, d'après lui , dans ces désignations qui
nous viennent cl irecte ment cl e!'\ Germains et qui mettent en relief
la distinction du propre et de racquèt: terra salica, aviatica.
101·/i s titulo ac isi fa
,
'
M. Laferrièrf' pense autrement. Selon lui, r origine de la rêgle
doit être cherchée, non
dans le <ll'oit ge rma nique ou féodal, mais dans les plus anciennes traditions galloises et bretonnes, confirmées par les Etablissen1c11ts de St- Louis , d'après lesquelles le patrimoine était
71ater·na p ate1·11 ·.<1, materna 11 ater·n i s,
(1) N. 8,. t 1t. Il . coll. II 2 1.
(l) Mars 1854. Revue de léiia.
�-
tü-
affectée à la famille et à chacune de ses branches. Et, il cite à
l'appui cette formule brève et nette de la vieille coutume de Bretagne, (tom.II p. 91.) « Les héritages doivent aller àla ligne dont
ils sont partis. »
Il y a sans doute une part de vérité dans chacune de ces opinions. Pour nous, nous nous ratlacherions volontiers ou système
qui fait découler la loi sur la transmission des propres de la loi
relative aux fiefs. Tel est aussi le sentiment de M. Gautier, dans son Prèc1's de l'histoire du d1·oit français (page 145
1• édition) . (2)
A cette première règle de la succession des propres, il faut en
joindre une autre, qui n'est pas d'une moindre importance.C'est
la règle que les propres ne remontent point : feuda non ascendunt. Ce qui veut dire, que s'il n'y a pas de descendants, les
collatéraux sont préférés aux ascendants dans la ligne d'où les
propres proviennent. La réservecoutumièreappartenait s uivant
ces règles, à tous les parents rattachés au défunt par la ligne
dans laquelle il avait !ni-même recueilli les propres. Toutefois,
il fallait tenir compte ici de la diversité des coutumes. Pothier
les divise en trois classes. (3)
1° Les coutumes dites soucbères qui remontaient jusqu'à celui
qui le premier avai t mis le bien dans la famille. Il fallait être
descendant de ce premier acquéreur pour hériter du propre.
2• Les coutumes qui, appliquant purement et i:,implement la
règle paterna paternis, materna materm·s, désignaient pour
héritier des propres, tout parent de la ligne d'où ils provenaient,
pourvu qu'il fùt Je plus proche.
('2) Voir egal. Beaune introd. au dr. cout. p. 406.
(3) Tr. dessucc. ch. Il art
~.
-
'145-
3· Les coutumes de côté et ligne - elles déféraient le propre
à Lou! parent, direct ou coila lé r'll , qui 'lppartenait àh Jigneù'où
venait le pr ·1 1 re, et de plln ,. ~ra ttac hai t au premier· acquérenr,
au moi .1s p 1r la ligne cc ll atérale. Cetle dernière c'as e com •renait h m'lj'i. ité ùe:; coutu1nes, et, en particulier, celles de Paris
et d 'Orléan~.
Les descendants étaient cl one les premiers p1rmi ceux crni
avaient droit il la réserve coutumière. A leur défont, on y appelait, les collatéra ux, tn'lis en d istinguant les utérins, les conS'ln:juins et les ger main'>, ceux-ci pouvant seuls recueillir a
raison du double lien qui les reliait au défunt, les biens pr~
venuc: de l' une el de l'a 1lre li gne.
Pendant longlem ps, les ascenù,1 nts furent exclus de la résen·e,
comme ils l'élaient de h s uccession aux propres, en vertu de
la règle célèbre inrliquée plus haut : p1·opres ne remontent. En
elTet, tant qu'il y e u lieu au se rvice féodal, ~t que Je consentement du seigneur fut exigé pour la transmission du fief, on ne
pouvait songer à plac"l' le fief a ux m ains d'un homme que
l'âge eùt le p!us S'luvenl rendu incapable de procurer les senices
nécessai res. l\fais, no u ·~ n'hésitons pas à penser que !orque le
service féocl'tl st transforma, que le fief ptit être transmis indépendamment de la volonté du s~ i gneur, les ascendants furent
adruis à la succession de~ propres, et, par voie de conséquence,
à la résen·e, qni en ( tait h gar:J.nlie. l\fais, ce qui su ,·écut à
toute transformati on, c'est la r~gle 11ue les propres d'une ligne
ne peuvent j ·1mais être dé\'olus aux ascendants de l'autre ligne.
Les divers parents auxquels appartenaient la résen'e coutumière, devaient nécessairement, pour la recueillir, se porter
héritiers du défunt. C'est qu'en effet, la réserve coutumière
�-
i46 -
-
n'était autre chose que la succession ab intestat. C'était là s on
caractére e~sentiel eL primordia l. ~fai~, reh 11e suffirait p'ls
pourju lifier 11 nécessité du titre hérédiL1ir0 elle,~ le pirent
appelé à la r éserve. On aur:iit pu ·1. lt1tellre, CfU '-' le }':Jrent, 11uoique renonçanL, pouvait , s 'il ét:ii: c11 possession d' un propre, le
retei1ir par voie d'exception, et l 'imputer su r la réserve à
laquelle il avait llroit. Nous allons ernpnmter " ' I. Ragon une
explication qui complète celle donnée i'lus b ·i • 1t : « La règle
u primordiale du d roit des propres était que le litre de succes« sion a seul la vertu de trJnsformer un acquêt en propre. Or,
(( si les propres ne se f1isaient que par ''oie 'le snccession, il
u était consèq11ent à ce principe q11ïb ne se c1•1Hc rYa•se11t <pte
a par ce mème tiLre de succe~sion. i> De c~ pr:.wip~ clécoulent
plusieurs conséquences que nous aurons l'occa:,ion d'indiquer
plus loin.
Une question qui fais'tit le sujet d' une contro,·erse très vive
entre les auteurs coutum iers, était de swoir si 1:1 réserve constituait une masse qni apparLenait en bloc 1ux deux lignes paternelle et maternelle, ou s i elle éta it dùe, distinctement et séparément, à cba<Jue ligne d' héritiers. La queslion n'était pas sans
intérêt. Au premie1· ca.;, en e!Tet, si les hl!riliers ne trouvaienl
pas, d1ns leur litine, leur rt!c;erve entière, ils po 1;aient J,1 parfaire s ur lcc; biens disponible~ clc Lrntr1' ligne, a supposer que
le défunt ne Je.:; eùt p·1s ép•ti:;·\s..\.u second cas,ih él:tieut incontestablement privés de ce d roit.
La plupart de nos ancie11s auteurs prévoient la quesi io11 et
tout en enseign11t qne le Vl.eu des cuut11n1es était év id emment
que la réserve fùt assurée à chacune des cieux lignes, ils décL
dent que ce qui reste de biens disponibles dans une ligne ne peut
1
H7 -
compenser ce qui manque à l'autre ligne de biens réservés. En
effet, les biens d 'une ligne n'ont la qu11ité de propres que par
, rapport aux héritiers de cette ligne, et non par rapport aux héritiers de la ligne opposée. Si donc l'on suppose que ces biens
ont été légués, les h éritiers n'ont a uc un moyen de les recouvrer,
à titre de réservataires. T el est, surcetLe difficulté, le sentiment
presque unanime da nos anciens auteurs, Ricard, Bourjon, Pothier . Renusson seul y est contraire.
§ 2. A quels biens el à quels actes s'applique la réserve
coutumiè1·e. -
De sa quotité.
Les coutum es présentaient, sur les biens soumis à la réserve
coutumière, sur les libéra lités auxquelles elle s'opposait, et sur
sa quolit é, une diversité et une Yariété qui rendent difficile et
délicate la tâche de l'interprète, Aussi, d evons nous renoncer à
être complet sur ces maLil!res, et borner notre examen à l'étude
des cou tumes dont les dispositions étaient le plus généralement
suivies les coutumes de Paris et d'Orléans.L'.t coutume de Paris
'
dsit être con::.idérée, à cet égard, comme le droil commun de la
de la France,
D'aprés celle coutume, il fallait tenir compte d'une double
distinction.
1° Distinc :ion rei..tive à h n"lture iles biens;
2° Distinction rel tlive au rno<le de tlisposition.
Les seuls biens soumis à lJ 1·éserve étaient, ainsi que nous
l'avons dit, les immeublespropres. La réserve compreuait les
�-
148 -
-H9-
quatre cinquièmes de ces biens. ile défunt voulait tester , ou
disposer pu libéralités à cause de mort, de cette catégorie <le
biens, ses dispO$itions ne p ouv,denl comprendre qu·un ci nquième
moins besoin d'être contrariées que les dispositions testamentaires, parce qu'elles trouvent 11n frein naturel dans l'intérêt du
propriétaire, naturellenien t peu enclin à donner son bien dorant
des immeuble~ propres, appelé le rzui11t datif.
Telle élail la décision de l'art. ~92. Quant à ses meubles ou
irl'llneuüles qui cm~slitu<lient <les :lcquèts, il en pounit disposer
aYec une entière liberté. ~la is, s i le défunt voubit faire des libéralités enlre-vifs. sa volonté était aus.>i absolue sur les propres
sa vie à cause du dépouillement qu'exige la règle : donner et
retenir ne vaut.
que sur les acquêts. (art. 272)
La ré$erve coutumière n'était donc protégée que contre les
dispositions testamentaires ou de dernière volonté. De celle différence eutre les libéralités il cause <le mort e l les libéralités
enlre-vifs,on donne deux motifs qui n'en sont pas une jus tification
absolue. D'abord, on n'a pJs voulu metlre des entraves à la
volonté d'une personne qui dispose de sa chose, alors qu'elle
peut elle-même exécuter on faire exéculerses inlenlions, tandis
que le testament, ne valant qu'après la mort de son auteur, et
ne pouvant sortir à eITet que par la force et l'au tori l0 de la loi,
celle-ci peut Lien mettl'e certaines con dilions au secours qu'elle
prête.
Cette première raison, quoique donnée par u n au lenr dislingué (1), nous parait plus S]JéCieuse qtie vraie. La loi ne prete-
l-elle pas son secours it l'exécution des dispos itions entre-vifs
tout a ussi bien qu'il celle des disposilions test·unentaires. Les
unes et le:; autres n 'em prunlent-elles pas leur force à la loi qui
les autorise et en garantit l'efficadté?
On dit, en second lieu, que les libéralités entre-vifs avaient
( 1) Duverdy. Rev. bist. 1865 t. I. p. 521.
Quant à la distinction que faisait la coutume entre les meubles
et acquêts et les im meubles propres, elle reposait sur une idée
qui ne manquait ni de justesse, ni d'élévation. C'est ce que
M. Duverdy met heureusement en relief: « Le principe de la
r.c. propriété, c'est l'appropriation par le trarnil. La loi a
pensé
« que celui-là qui par son labeur persévérant, avait conquis la
r.c. propriété d'une chose, devait pou,·01r en di&posertoujours,sui" vant sa volonté, Elle a pen sé que celui qui n'avait pas conquis
<1 lui-mè111e les biens qu'il possédait, mais qui les a mit reçus de
« ses parents, ne devait pas avoir le <lroit d'en faire ce qu'il
« voudrait (2). »
Les dispositions de la coutume de Paris étaient adoptées par
la généralilé des coutumes. Mais, quelques unes y avaient apporté des modifications . JI y en avait qui élevaient le disponible
d'autres qui le diminuaient. Certaines mème protégeaient la
réserve contre les libéralités entre-v ifs. De ces divergences
naissaie nt des difficultés que n ous nous bornons à reproduire,
en indi·1 uant les solutions que nos ·tuteu rs y donnaient.
Ainsi , l'on se demandait, si le testateur qui possédait des
propres dans des p:l ys régis 1·a r cl es coutumes difTfrente~, devait
labser à ses héritiers le montant total des réserves fixés par ces
coutumes, ou s'il devait se conformer distinctement à la loi de
(2) Duverdy. Rev. hist. 1855 t. I. p. 521.
11
�-
!51l -
ch aquecou t u me . Les ùeux· OJ)inions étaient soutenues. La seconde
avait pour elle Ricard el Puthier. (1)
.
.
On sa demanda it aussi, da ns les rares coutumes qui mett·uent
des entraves au disponible pour do nations ent re-v ifs, si l'époque à considérer pour savoir si le don'l tem s ' et~lit ou 1101~ tenu
dans les li mites des coutumes était l 'épo·1ue de la donallon ou
celle du décès. L'intérèl de la question est manifeste et l'on décid:.üt trés-juridiqne 11ent que le moment à examiner serait celui
du décès du dispos'ltü.
En efîet, les limites mises an disponible entre-vifs par les
coutumes, dépend'lient de h présence et ùe h cpt'llité rles héritiers et de lïmport'lncc du p'ltrimoine pro1H'e ~ h mort rlu
donateur. Il ét11t équitable et logique (r,.ttendre ce moment pour
décider s 'il s'était renfermé dans les limites itHl iquées ou s'il les
avait excedées. (2)
Une question s'élevait encore dans ces coutumes. El le consistent à savoir si les biens donnés ent1·e-vifs diminuaient d'autant
ia quotité disponible par testament, ou si cette quotité devait
être évaluée surles biens existants an décès, indépendam ment
des biens qui aYaient fait l'objet ùe donations entre-vifs. C'était
cette dernière opinion qui aYait prévalu et on l'avait aiusi décidé
par an:ilogie de ce qui avait lieu clans les coutu mes qui ne
mett1ienl ancune entrave aux. dispositions entre-vifs. Dans ces
coutu iles, e11 eITel, la réserYe se calculait sur les biens laissés
au décès abstraction faite de tous les bi.;n.s donnés entre-vifs.(3)
'
(1) Don. 14'27, P o l. test. n. 186.
('l} Rec. l '1 6~. Pot. dcin . '249.
( :~) r ie' l'if\ \-'Jï.
- 151 -
§ 3. Quelles étaient les rltrœ.1es de /a réserve coutumière.
Le premier principe quïl fiut poser ki, c:'est que les dettes
seu les peuvent gre,·er l:l 1éservé. Uwmt.:iux legs, l va de soi
qnïls ne pouvaient être p 1yc~s ~u1· les biens réservés, le défunt
n'ayant pu , orter 1uc1me alleinte à b r éserre par des dispositions testamentai res. Qua nt aux rleltes, comme elles étaient une
charge de tous les bif' nS, 11111ve1·si 11rrfrimonii, elles incombaient
nécessairement à l'héritie r réser vataire et aux légataires qui
recueilhient les biens disponibles.
~!ais , dans quelle mesure l'héritier à réserve les supportaitil ?
A cet ég:n·d, des clistinctions sont n écessaires: Si l'héritier
trouvait sa réserve in ta c te clans la succession, il payait dans les
dettes une parl proportionnelle il l'émolument qu'il recueillait,
C'éta it le droit commun etl esatlicles 332et 334 de la coutume
de Paris commanc!aient cette solution . ï la réser·1e faisait l'objet de legs ou de dispositions ü cause de inort. les biens réserves
se trouvant encore dans la succession, l'héritier résen·ataire
était, jusqu'à concnrence de ces biens, soumis à l'action des
créanciers et ten11 lies dette<; hér..lditaires. (art. 295). Mais, si
les Liens réserv "s ont étc donnés entre-vifs, le r ésen·ataire qu i
peut, exceptionnellement, les recouner p1r l'action en retranchement, é 1 ·happera cependant :1 la poursuite des créanciers.
Car. par rapport à ceux-ci, les biens ont été valablement aliénés et sont itTéYoc·tlJlemcnl sortis du patrimoine du défunt. Ils
ont r erclu tout droit sur ces biens, et ce n'est pas dans leur
intérêt qne la loi a étal.Jli de<; limites au droit de disposition.
.Mais, on pressent une objection. Si le résen·a tatre doit nécessairement pour obtenir la réserve se porter h éritier, les créanciers héréditaires deviennent ses créanciers personnels. Ne
�-
va-t-il pas, ù ce Litre, èlre tenu des dettes, sur tous les
biens, disponibles ou réservés, qnïl est appelé à recueillir ?
La même qu~stion, grosse de co11séquences désast1·euses pour
l'héritier, se présentait, en matière de légitime. Nous en renvo .
yons l' e~amen à ce momrnt. Nous verrons les eŒorts qu'elle a
coùtés à uos anciens jurisconsultes, et la solution qui, après
bien des tâtonnements et des difficultés, a prévalu et ra llié presque tous l es esprits.
§ 4. Des causes qui privaient de la réserve coutumière.
La réserve coutumière constituait, avons-nous dit, un véritable droit de succession ab intestat, qui appartenaiLauxparents
en ligne directe ou transversale, pourvu qu'ils fussent, de fait
et de droit, héritier$ rJu de cujus. La co11séquence de cette idée,
au point de vue qui nous occupe, était que l'on devait faire
application aux réserves coutumières cle toutes les causes d'exclusion applicables à la s uccession ab intestat. Ces causes étaient
fort nombreuses dans notre ancien ùroit. L es coutumes en
fixaient plusieurs. D'autres étaiem tirées des dispositions du
droit écrit et quel<]ues-unes a' aient été intro(luites par la jurisprudence des parlements. Bien que h théorie en appartienne
plutôt àla rnatiére des successions ab inle~tat, qu'à celle des
rl·serves coutumières, nous devons les indiquer ici, en leur consacrant queltrues développements. ~0 .13 retrouverons d'ailleurs,
plusieurs de ces cas d'exclusion , lorsque nous nous occuperons
de la légitime.
Etaient causes d' exclusion :
'·
i 5$ -
t• L'incapacité de succéder cheF. l'héritier. n y avait plusieurs
classes d'incapables : les personnes non encore conçues lors de
l'ouverture de la succession, les condamnés atteints de mort
civile, les rel igieux profès, les ét1·angers, les enfants naturels
appelés bâtard s, à moins qu'ils n'aieut été légitimés.
'
2• L'indignité. Pothier (1) en cite divers cas, empruntés pour
la plupart, aux dispositions du droit romain sur les causes
d'exhérédation.
3° L' inc~mpatibilité entre les qualités d'héritieret delég1.laire
ou donataire. Les coutumes de Paris art. 300,301 et d'Orléans
288'. le décident formellement. Ainsi \'héritier ou légataire a le
choix entre ces deux partis . s'en tenir à son don ou réclamer
le legs, et renoncer à tout droit sur la réserve ; ou bien, rapporter le don ou ne pas réclamer le legs, et conserver ses droits
à la réserve.
4° L'exclusion des femmes . Cette exclusion a pour origirie
un texte célèbre de la loi sa lique , sur lequel on s 'appuya pour
écarter un roi étranger du trône de France. Certaines coutumes
en gardèrent comme une empreinte et prononçaient une exclusion formelle de la succession tant aux fiefs qu'aux alleux nobles,
contre les femmes, mariées ou filles, dolées ou non dotées. Telle
était la disp isition de la contume de Paris art. 25, et de celle
d'Orléans, art. 99. 'était là une règle toute féodale qui devait
s'effacer, à mesure que la féodalité s'a!Taiblissait. Aussi Pothier
nous apprend-il, au fraité des Successions 11 III 3 qu'elle ne
s'appl'iqua1·t. en dernier lieu, qu'aux sucessions
' 'collatérales,
'
et
que les mâles n 'étaien t préférés aux femmes que s'il y a\·ait
egalité de degré.
(l) Suce. arl. 4. p. 2.
,
�-
5° Un cas beaucoup plus cnrieux est l'exclusion dont étaient
frappées les filles dotées, soit que cette exclusion fùt prononcée
par la cout ume, soit que la nue eùlelle-même r enoncéexpressément dans le contrat de mariage, moyenn:.int La do t qui lui
était fourni e .. i on laisse de côté certaines va riétés, les coutumes peuvent, sur ce point, St' di\·iser en denx gnndes classes :
Dans les unes, l'e,clu.,.ion de la fille dotée de la sncresc:;ion du
constituant a lieu de plein droit; rlans les autres.il est seu lement
lois ible à la fille dotée de renuncer lnr anticipation il la succession, pourvu que celte renonciation ait lieu en même temps que
le mariage.
Toutefois, dans les coutumes de la premiére classe, un temrament est apporté à l'exclusion lég:i.le des filles ùotées. L'ascendant a le droit de réserve et le droit de rappel. Par le premier, il réserve à la s uccession, lorc:; du contrat de m 1ri:lge, la
fille dotée; par le second, il la r:1 ppelle dans le testame11l,r.0111me
héritière ou comme lég:i.taire.
P our l]Ui sera le profit r és11lt'.\11t r1e l'exclue.ion des filles dotées?
pour les héritierc. màles ou lems descendants. C'est donc, on le
voit, une règle qui se rallache a11x idée-; féodales, <J'li en est directement le prod11il: et, Yoilà pourCJllOÎ, clans. la gé nérali té des
coutumes de celte c~lPgo ri e, elle ne s'applique qn'à b fille nob le
ou quia épousé un 11o!>le. On ne tient tfaillenrs pas compte,
pour écarter la fille dotée, <le lï1nportance de la dut qu·efü.. a
reçue. i\ous verrons 111ieux ce point, dans n... s ex.p'ications sur
la légitiJJJe.
Qu·rnt aux couturnes r1 ui se bornenl ll exclme h f11le dotée de
la succession rln constilu'.lnl, lors11uïl y ·t eu renunc:htioa formelle dans le conlnl de rn·uhge, elles sont les 1 lus nomu reuses et cela s'explique. Le régime féodal, à l'époque où nous
155 -
sommes, a perdu presque toute son importance (1). Des transformations g raves se sont produites. L'esprit rigoureux et aristocratique de la féodalité s'est alTaibli, et les raisons qui faisaie1lt
exclure les femmes de la succe--sion s'effaçaient et se perdaient
de plus en plus.
Les coutumes de Paris et d'Orléans, autorisent la renonciation
des filles dotées. Cette renonciation est regardée à bon droit
comme un fait lil>re et volontaire, en ce qui touche la fille renonçante, et il va de soi qu'il ne peut être question ici de réserver
la fille à la succession, Mais, le droit de la rappeler par testament demeure intact.
Comme tantôt, on doit se demander à qui profite la renonciation? elle profite à tous ceux am.quels eùt nui l'arri\·ée de la
femme renonçante à la succession. Peu importe la ligne ou le
degré dont ils font partie, hérilierg màles ou autres, filles non
mariées, colhtéraux. même, la renonciation peut, suivant le-; cas
et les personnes en cons idérnlio11 clescrut·lles elle est faite, rroliter à tous indistinctement. On ne doit pas m ême se préoccnper
de la chsse :,oci1le cle ln fille renonpnte,et la règle s'appliquera
sans différence nncune, aux filles nobles et aux roturières.
6° La renonciation. - La renoncbtion, rendant l'héritier
étranger à la succession, lui enle,ait tout droit à la résen·e. qui
ne p 1m"Üt être recneillie qtt"wtant que le successible se portait
héritier. ':\os auteurs ro11lumier · nppliqLnient cette idèe dans
tou te S1. rigueur, et refn, 1ient an renonç1.nt, donataire en avancement d"hoirie, le d1·uit de retenir, p1.r voie d"ex.ception, s1 réserve snr les l>iens qui lui avaient été donnés entre-vifs. La
régie était tout autre en matière de légitime.
(1) Pot. suce, ch.1 tit, II ar1. 4 p. 3.
�-
156 -
7" L'exhérédation. - On admettait, sur ce point, les justes
causes mentionnées par le droit romain. Mais, nne question
s'éleYait: les textes des auteurs pal'lent généralemeüt de cas
d'exhérédation applical>les aux héritier<> en ligne directe, ascendants ou de~cendants. Q11id 1 quant aux collatérau:\? Ne pouvaient-ils pas, par des torts gra 1·es, se voir privés de la réserve?
L'affirmative ne nous parait pas douteuse . Il serait, en effet ,
étrange, contraire à la raison et à la justice, que des enfants
fussent soum is à r exhédéra1 i rn pour causes graves, et que des
collatéraux. pussent se rendre coupables de fautes ou injures,
sans encourir aucune exclusion. D'ailleurs, Ricard (97 L) et
Pothier (Suce. ch. I sect. II. art. 4) sont positifs et formels pour
admettre la possibilité pour de simples collatéraux. d'être exclus
--
·~1
--
profit de ses cohéritiers de mème ligne ou de même souche, ou
au profit des héritiers du degré subséryuent.
On appliqu;üt, à ceL ,··g·trrl, les principes suivi! eri matière de
succe~sion au iri/estaf. Car, l:t ré!Sc rve était essentiellement,
ainsi que nous l'.1vons dit, un droit de succession ab intestat.
des réserves coutumières des quatres quints.
Quant au texte des cou tu mes, il est difficile d'y puiser rien c\e
précis. Certaines ne mentionnent que les enfants. D'autres sont
plus générales, et semblent comprendre, dans leurs term es, tous
les héritiers, directs ou colla,téraux.
8° Une huitième cause qui pouvait priver ge la réserve, était
Le fait par l'héritier, d'avoir concouru et consenti aux. donations
entre-vifs qui portaient atteinte à sa réserve.
9° Enfin, la dernière cause d'exclusion que nous ayons à mentionner, était la prescription. Ricard, n. 100~, nous apprend
que la durée en était de trente ans, s'il s'agissait d'héritiers el
de successeurs universels, et de dix à vingt ans, s'il s'agissait
de détenteurs à titre singuli er et de bonne foi.
Telles son t les nombreuses causes d'exclusion de la réserve
coutumière. Quand un h éritier se trouvait, pour une de ces eau_
ses, privé de la réserve, l'accr oissement de sa part avait lie u au
.......
�-
SECTION II
De la légitime de droit
§ 1. But de la légitime. -
-1 59 -
t58 -
De son origine et de :Ja naturt.
La légitime était, comme la réserve coutumière, une ins! itu-
tion protectrice des droits héréditaires de la famille, Elle sup pléait heureusement à une ins uffisance des rése1ves, qui, ne
limitant 1iuc les clispnsili ons testamentaires, et ne s'appliqua n t
qu'à une espèce cle biens, les propres, permett:i.ient à une..: wrsonne d'épuiser son p 11rin 1oine par des libérali1és entre- vifs et
de rn:i.nquer ain:si a u x. ùevoirs que la natu re et le lien du sang
lui imposaient. Aussi, la légitime fut elle d'une application plus
générale r1ue la réserve. Reç ue co111111 e drnit c ) mm un dans les
pays de droil écrit, elle pass1 s ous l'influe nce féconde des j uriscon-..ultes , dans les pays contumiers, et fut presque p1.rtoul
législativement consacrée, lors cle la rédaction ufficielle ùe nos
coutumes.
Ces observations nous conduisent à décider q .e la légitime à
son origine tians le droit romain . Quelques aute11rs lui ont assigné
une origine coutumière. !\fais, cette opinion est madruissible.Un
grand nombre de coutumes, qui pal'lent de la légitime, se réfèrent au droit écril, et lui empruntent ses plus importantes dis-
positions en cette matière. Dumoulin est formel pour établir que
la légitime est une ins titution de droit naturel qui échappe à toute
atteinte dn père d e fami lle, et il fortifie ces principes de l'autorité
du droit romîin.
La coutume de Bourgngne (1) précise plus encore, en reproduisant, C[tiant à la quotit •\ rlela légitime, les décisions de la Sovelld8. Ces iclées r esso rtiront, avec plus <le force, lor-que nous
incliq11erons les di1Té1·enre5 et ressemblances qui existaient entre
les résen·es coutundères et la l~giliine. r 1)
Un point plus délicat e t plus vivement controversée consiste
à fixer exactement la nature de la légitime. Était-elle une quotepart des biens, ou une C(note part de l'hérédité? et, par suite, le
légitimaire pouvait-il y avo ir droit, en sa seule qualité de légitimaire, ou deYait-il n·;ces 1irement se porter héritier?
Avant d'aborde r cette crn eslion ponr le rlroit coutumier français, il importe de rernonler î11x. origines et de ,.oir quelle solution elle recevait en d ro it romain. Il n'est peut être pas <le difficulté qui ait divisé et divise enl'ore plns gravement les interprètes
et les au te urs. Le :•lus gra111l nombre des jurisc nsultes coutumiers enseign'l il que la légiti1ne <lu dro it 1u111îin constituait une
quotepar t des tiii:ns et non de l'hé1 êditè, ~Ierlin cite, comme
p1rti s1ns de ce ~~sterne, \!·rntka, Gr:issus, Jason, Alexandre,
Ga) 1. le p résiden F n're, Yo<!t, Fnrg ile. t plusieurs autres.Leur
opinion, il hut le reconna1trt>, s"lppuy:i.il sur des textes, qu:,
par la précision di• leurs termes. semi hienl s'opposer à t')ute
discussion. Ainsi, h loi G a11 Code porte:" fJtrnm q11œ1·itur an
' filii de ùio/Jicin.~o dir<>re 1 r1ssi11t, si q inl'!a111 !Jo11or11111 l arlem ,
« mortis te111po1·(!1•e!i1J11i({es.mar, i11spfric/u1' >> la loi 5, au mêm ~
(l ) Ch. Vll.
11rt. ï.
('l) Sic. Gaut ier . l'rêci~ de l'hist. du droit franç. page 267. 1~ édition.
�-
t~O-
titre, appelle la légitime bonm·1wi •uhsidium. La loi 8 p. 9 au
Digeste, de inolficio$o dit, que la légitime se distrai t de ce qui
reste des biens, après dettes et frais funéraires payés. u quarta
« acci11ietur, deditcfo œre alieno et (tt11e1·ù; i npensa. ll Si les
biens, disaient ces auteurs, sont ce qui res te, après déduction
des dettes, il est clair que c'est snr les biens, et non sur l'hérédité que se fait le retranchement de la légitime.
Il y a plus. Le droit romain per•uettait formellement de laisser
la lé0 ilime à ceux qui <n'aient droit à titre de legs, de fldéicommis 1 ou de donation à cause de mort. (loi 8 p. 6 D. V. 2.) Or 1
comment voir un rapport, une conne)..ilé entre ces divers t itres
et le tilre d'héritier 'l commeut regarder comn·e une quotepart
de l'hérédité, des biens que le légitimaire deYait à la qualité de
légataire, de fidéicommissaire, ou de donataire, mais non jamais
à la qualité d'héritier.
Un interprète toutefois et non le moins considérable, Vinn ius
n'embrassait pas cette opinion d'une manière absolue. Il d istinguait à bon droit entre le c<1s ou la légitime étail laissée sous
Je titre d'institution, et le cas où elle était laissée sous un
autre titre, legs, fidéicommis, ou donation mortis eau.sa. D'après
Vinnius, ce serait l'explication la plus vraie du p. 3 des 1'nstitutes, où Justinien qualifie la légitime de pars heritatis.Ce texte
suppose évidemment que la légitime est la issée à titre d'mstitution jure hereditatis. Mais Jus lin iên ajoute ces mots : vel t'es
ei fuerit relicta. Donc, ou le légitimaire est institué héritier, et
sa légitime se confond avec l'hérédité; ou l'institution n'a pas
lieu et la légitime reste indépendante et distincte de l'hérédité .
En ce dernier cas, elle peut être regardée à l'exemple du legs,
comme une délibation de l'hérédité, delibatio hered1ïatis .
Mais, le droi t change avec la Novelle 115. Justinien décide.au
-16i -
chapitre 3, in fine, q11e la légitime doit toujours être laissée à
titre héréditair ,) Cette innovation a-t-elle tranché la question. et
faut-il désormais considérer la légitime comme une quote part
de l'hérédité? Les auteurs que nous avons ciLés ne rad mettent
pas. Ils prétendent que la Novelle se borne à maintenir le droit
antérieur, qu ·elle a en vue l'intérêt du légitima ire et qu'elle
n'exige l'institution qu'à titre purement honorifique. Si Justinien
avait voulu, par cette décision, faire de la légitime une quote
part de l'hérédité, l'innovation tournerait contre le légitimaire,
puisqu'elle le soumettrait aux dettes et aux poursuites des creanciers.
Une autre preuve quela Novelle 115 n'a pas entendu, en exigeant l'institutinn, attribuer à'h légitime, le caractère de quotepart de l'hérédité, et au lég itimaire, celui d'héritier, c'est qu'elle
permet de borner l'institution à une chose particulière, à une
certa res. (1) Or, déjà, sous le droit antérieur, le légiLimaire,
institué ex certd e, était consicl éré co mme un simple légataire,
(2) et il continue, sous Jus tinien, den 'avoir contre le testament
qu'une action en -upplcment purement personnelle, une condictio e.:c lege, qui n'était p'ls une action héréditaire.
Tel était, dii>i 1ns-nous, Je sentiment Je la presque unanimité
des docteurs d 11 droit écrit, et l'ordonn'lnce de 1735 sur les testaments confirwe ~es print:ipes Jans les articles 50, 51 , 52.
Les auteurs contemporain se sont partagés sur la question.
Marc..tdé, T u11llier, l'uin Delisle, ( 3) reproduisent la théorie
de notre ancienn-! juri ·pruùence sur la nature de L:i légitime en
(1) Nov. 115. ch. V.
(2) 1.. 1 13 Code V. ! \. d.i hered. ioet
(3) Marc. art. 914. Toull. tome V. n. 107 Coin- Delisl•, lilllite du droit dt
rét. n. 8 p. 8.
�-
t~2
-
droit romain. Un savant professeur, M. R ago n , combat vivem ent ce s ystème. l< cet te idée, dil-il, est él1 ·1:ig:•re au droi t
« r oma in . Cvnsiclér ..:c cr ua mani~r~ :i.b..,•raile, L légitime s'y
« mesnre sur la part que le légi1in11ire :rn rnit eue ab i1itestat ;
, elle apparait tlonc comme u ne p trtic cle l'h~réJilé. Cette fracu Lion est payée au lé3ililll:üre au moyen d'uue institution, d'un
u legs, .l'une donation. Ce qui est p·' rçu com me héritier, est bien
« une part de l'héréJité. Ce qui est perçu c::. mrne légataire,
• fidéicom miss1ire, donal·lire, semble être une quotedes b iens
a m1i:, une q uote qui éqniv rnt toujours au qn1rt c1e la portion
« héréditaire, seule mesurn ùe la légitime. Tl n ·y avait pas d'in« comptabilité logi11ne enlre i'h ... rédité eth lég;time. On ne pou" vait pas e:-;.iger, dil .M wt;·ldé, que l'enfam fùt fait héritier. La
« _\Tavelle de Justinien la pourtant exigé. '' Puis, il s'attache à
défuter ll\s a rguments tirés des ex.pressions bonorm pars, bonor um suhsidium.
Sans doute, les textes disent que la légitime est le q uart des
biens , dettes déduites, mais c'est pour en déterminer la valeur
nette, non pour s igmfler que le légitim'lire n'est jamais héritier ,
nijamais tenu des delles en celte qnalité. LB quarte Falcidie se
calcule aussi s ur l'actif, dé(luction fai te de::; detles, et cependant, elle se recueille bien à titre héré.Jit1ire.
La g rave question que nous agitons fut aussi, dans les pays
coutumes, l'obj et d'une longue el viYe cont roverse.
Si l'on consulte, à cet éJïrcl, le texte même des c0utumes, 011
constate des divergences profondes. A Chartres et a Mon t-lrgis,
il fa ut nécessairement être h éritier pour prétend re a la légitime.
L'article 28 de la coutume de Charlres dit for m ellement:
P ou rvu que les enfants héritiers d udi t testateu r ne soient privés
et fraudés de leur légitime. La coutume de Montar gis, X I. 10,
-
t6S -
dit également: les enfants héritiers peuvent quereller la dona tion excessive, selon la d isposition de droit. L es coutumes de
Normandie et tle Bourgog11e, VII. 2. a dmettent la règle contraire.
Ma is, que déc ider à l'égard des coutumes muettes ? il fa ut,
sur ce point, in te rroger les j urisconsul tes des pays coutumiers.
Le plus considérable d'en tre eux, celui qu'on a surnommé
l'oracle d u dr oit français, Dumoulin, n'a pas une doctrine homogène. Dans son commentaire sur r article 123 de la coutume de
Paris, il dit fonnellement : apud nos, non le9itimam habet, nisi
qui lieres ei;t. ~fais a illenrs, au conseil 3,, , n. 18, il enseigne que
pour réclamer la légiti me, il n'est pas nécessaire de se porter
h éritier.
Ces deu x passages du grand jurisconsulte se contredisent
m anifestement.
Deu x explications ont été proposées pour les concilier. On
dit, d.ins lu prem ière, que Dumoulin , au conseil 35, suppose
que le p ère a disposé <le tous ses biens par libéralités entrevifs , et que dans ce cas, le principe qu'il faut être héritier, pour
avoir droit à la légitime, sou(Tre exception. (1)
Dans la seconde explication, on dédde que si Dumoulin en
s on conseil 35, e.1seigne que la qu1lité ù'héritier n'est pas nécessaire, pour réc':i111er la légiti1ne, c'est qu'il se réfère au droit
romain, et raiso:me ù'aprè.;; les principes de ce droit, qui étaient
les principes s11i is en pay · de droit écrit. ( 2)
Cettesewn e e ... pli~ll i on 11 11.;; p1rdt prél'énble, et nous e~ti
mons que Dnmo din c'-t.lit d 'avi:> l{lle, la légitime, même d·t 1s
les pays de coutume, ètait une partie de l'herédité, et e:-..igeait
(1) Lagrange rev e de dr. fr et étr. 18U. t. 1. p. 11:2.
('2) Giooulhiac, wèm11 r evue. t. III. 1846 p. 380.
�chez l'ayant droit la qualité d'héritier. Ce qui fortifie ce sentiment, c'est que le plus grand nombre des au teurs coutumiers
(t) professai1mt les même ~ principes.
La j urisprudence avait consacré l'un et l'auti·e système, par
deux arrêts de décembre 16-l2. L'arrêt de Sa int-Vaast décidait
qu'il fallait la qualité d'héritier ; l'arrêt Vaulte déclarait que la
seule qualité d'enfant suffisait.
Celte nécessité que, pour prétendre à la légitime, il faut être
héritier donnait naissance a des conséquences graves que
signalent les jurisconsulles coutumters.
En premier lieu, elle entraine pour le légitimaire la s.iisine de
plein droit de sa légitime, et hit courir à son profit les fruils et
intérêts des valeurs qui la forment, à dater du jour du décès (2).
Le légitimaire peut, en oub e, exiger les objets héréditaires
en nature, et s'il y a lieu, les re\'endiquer aux mains des tiers
possesseurs. Il a en elîet,un droit sur l'hérédité qui lui appartient pour partie, droit qui, pour être partiel, ne change pas de
nature, la légitime étant quota héreditatis (3).
La plus importante conséquence de ce caractère attribué à la
légitime par nos auteurs coutumiers, se présente lorsque, le
défunt après avoil' fa it des donations excessives, contracte des
dettes considérables , qui r érluisent il rien ce qu'il laisse comme
succession. Dans ce cas, si les enfunts sonto 1>lig ·s,pour attaquer
les donations qui portent atteinte à h l-Sgilime de se dire héritiers iis ce sou mellenl néeess·lirern ent ·1ux dettes et s'P.xposent
'
a perdre le l>énélice que la Loi a \'Oulu leur as..mrer. La réùud10n
li ) 8 011rjJn X. 7. Guy. Coq. Cout du Niv. Lebrun suce. Z p. 380 Ricard,
Domat,Potbier.
(l) Pot. cc.nt. d"Orlét.na 71.
(3) Leb. suce. li v. ll. C. 3. Sact. VIU.
des donations in officieuses profitera aux créanciers héréditaires,
pour lesquels bien évidemment elle n'a pas été autorisée.
Dumoulin, suivant nous, acceptait celte conséquence extrême,
mais logique de son sys tème. Mais, tous les auteurs ne partagea ient. pas ce sentimen t. Ricard est frappé de cette situation
défavorable du légiti maire. Cependant, il ne \·eut pas,à l'exemple
de Guy Cof!uille, faire brêche aux principes. Le seul moyen qui
lui parraisse conjmer l'inconvénient signalé, c'est racceptation
bénéficiaire. << Par ce moyen, dit-il, il n 'y a pas de difficulté, le
~ légitimam~ prenJ S'l légitime , puis renonce au bénéfice dïn' venta ire et à la succession, et reprend franchement et quitte' ment le retranchement qu'il a fait faire des donations entre
" vifs en verln de sa légitime. Les créanciers n'ont droit que
c sur les biens de h succession,et non s ur les biens particuliers
11 et sur la personne de l'héritier, qui n'était pas obli~é aux
~ dettes. ( l ) »
Ce système met pleinement à l'abri des poursuites des
créanciers la légitime 0'1tenue par l'action en réduction des
donations excessives. Mais, est-il bien d ·accord avec les principes ? Sans doute, le b énéfice d'inv~ntaire li mite l'obligation de
l'héritier à l'émolument qu'il retire de la succession. :\lais, jusqu'à concurrence de cet t• molumenl, il est tenu envers le
créanciers. Or, sïl doit se po rter héritier pour faire opérer un
re•r:mchement su r les donations entre vifs, les biens qu'il
obtiendra par ce moyen font évidemment partie de l'émolument
héréditaire. et comme tels, entrent dans le gage des créanciers.
li ~st manifeste que le ::-ystème de Ricard contient à cet egarcl
une inconséquence. Mais, il est a isé de de la justifier. Outre la
faveur que mérite la léiitime, on peut d1re encore que, si le5
( l ) N• W . QU.
12
�-
-..,. 167 -
166
tte'nte ç·est au rega1·d des
,;rais principes recoiyent nne a L ,
r des biens défmitiveéanciers qui voudraient être pay és su
d f t t ··1 n'ont pas dù concr
ment sortis du patrimoine du é un e qui s
sidérer comme leur gage.
Pothiedaisait mieux encore ressortir ces idées en les ary~yant
·a ment puissant : (( Les choses retranchées, d1t-11. ne
..
, ,
.
sur un ar " u
.. sont pas de la succession , et bien que le droit qua .l héritier
.. d'obtenir ce retranchement, soit attaché à cette quahté, néan·
et auquel
n'est pas un droit qu'il tienne du défunt
.
.
.
ci moms, ce
ne l'a pm a1s eu. Il
défunt
le
puisque
défunt
éd.
.
.
'
« li ait suce e au
.. le tient de la loi . Les. choses retranchées ne font donc pas
..
. .
.. partie de la succession. »
§ 2. - Des personnes qui avaient d,·oit a la lég1t1n:e
Les personnes appelées à légitime puisaient né~essa1rement
ce droit dans une vocation à la succession ab intestat' sans
laquelle il est bien manifeste qu'elles ne s.auraient se. prétendre
dépouillées. Les enfants étlient les p remiers dans \.ordre des
légitimaires, quelque fut le degré qui les séparât del ascenda.nt
et quand même ils ne seraient nés q u'après sa .1~ort. ~ai~,
certains enfants pouvaient perdre leur droit à la lég1t11ne. Ainsi,
)able de
·
.
le religieux. profès que ses vœnx a1·aient ren d u mca1
recueillir a ucune sucl'ess ion , était éi;alement exclu de la légitime sur les biens de ses ascendants. Toutefois , quelques cou· te.· En
· ·
:. Franchetumes ne le frappaient que d'une d em1e-mcap"lc1
Comté il succéd1it aux. meubles et à \'usn~'ruit (les immeubles.
En co~séquence, il avait une légitime ( 1). Le mème principe
·
..
.
yennan t s ad t ' renoncé
la fille q u1. ava1t,mo
écartait <le la leg1time
t,
droi
lein
p
de
t
·
.
1
à la success1on , ou que l a coutume exc ua1
(\) Bo&uet sur cette cout. lit. 1, art. 17.
lor~qu·elle avait été ct'o tée.'Mab, il fallait pour cela que la dot
eût été réellement p1yée. Dans certaines coutumes, la cou turne
de Berry(§. 19, art. 34) du Nivernais. (Ch . 22, art. 3t) les filles
dotées avaient une action en ... uppl ément, si la dot qui leur <.vait
été constituée était inférieure à leur légitime.
Cette exclusion de:;; filles dotées de la su<.:cession et de la légitim e était également r ecue dans certains pays de droit écrit. (1)
Une question se présente ici. Les fils ù'une femme qui av a
ren ncé à 1a succession de s on père avaient-ils droit à une légitime su r les b'ens de le11r 1ïeul, rr111nd leur mére était précédée ? Oui, s i ces peti ts enfants ven·1 ient à la succession de
leur chef, ce qui avait lieu toutes les fois qu'ils n'avaient ni
oncles, ni tantes, ni cous ins germains pour concurrents. Mais,
ils ne p ouvaient prétendre à uue legitime, s'ils étaient obligés,
ponr succéder, de recourir à la représentation. Car, il était
de principe que le représentant n'avait pas plus de droits que le
représ enté.
Les enfants naturels avaient-ils droit à la légitime ? l'état du
droit était, à cet égard, différend . s uivant que l'on se place en
pays de droit écrit ou en pays de coutume. Dans les premiers
on s uivait les principes du droit romain. Les enfants naturels'
ponvaient prétendre, d'après la Nove/le 89 c. 4. à un sixième
de la s uccession de leur père, si celui-d ne laissait ni femme~,
ni enfants légitim es. Ils an ient droit à toute la succession de
leur mère, en vertu du S. C. Orphitien . Aussi, avaient-ils, dans
ce cas , la querela, à moins qu'ils n'eussent reçu leur quarte
légitime. qui fut depuis Jus tinien, soumise à Il quotité de la S ovelle 18. Dans un seul cas, les enfants naturels ne succédaient
(IJ F;ucc. liv. II. ch. 3. sect. 2.
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t~t
-
- lM ·
ptt~ à leur mère, ef p tr l'11ile, n'a' ,lient p1s di'oit a la légitim,.
sur ses biens. r.·esl J.11·-:qne e\1,• était i/.l11sfris et avait dei
~nfants
:égitimes.
Dans les pays de coulutnè, la règle était que les hàt:uds n'anit>11t droit, dnns l.'.\ ·-;uecession tk 1elll's anteurs, qu'ü cle si.rnp!t-s alirne'lts. ~l ais, suivant quel ques cJutuines, Vale ic.ennes,
art. 15, Lessines art. '2, Ham art. G, Gand art, 11, il5 étaient
habiles ü succéde r à laur m(!1·1>. D'où h. question de s1voir, s'ils
avai ·nt. dans ces coutumes, droit a une l, gitirne ? Lebrun
résoud la question "lfllrm 1tivement. et c'est avec nison. D'après
t:es coutumes, en etTet, le droil commun est qne les eqftnts
naturels succèdent a lem mére. Elles n'attachent pî:; ce d ro ~
de succéder à certaines cond itions et à certaines espèces p·1rti
culières, comme le fait la 1Yovelle 89. Les enfants naturels doivent donc, logiquement, avoi r une légitime, sur les biens maternels. (1).
Quand aux. enfants légitimés par mariage subsécruent, ils
avaient sur les bi.ens de leurs ascendants, père ou mêre, les
mêmes droits que les enfants nés en mariage.
Observons, en terminant ce premier ordre de h~gitim::i.ires,
que les descendants étrangers, morts c:ivilements. indignes d.e
succéder, justement exhérédés, ne pouvaient prétendre à la
légitime à cause du principe que, pour réclamer la légitime, il
taut nécessairement être appelé à la succe~sion ab intestat.
Le second ordre des légitimaires comprend les ast:endants.
En pays de droit écl'it, l'.l. légitime des ascendants est presque
unh·ersellement admise. La quotité en est d'apt'ès la No1Jellc
18, du tiers au moins de la portion hérédito.ire des ~scend:in~·
(1) Toulouse. lll. lit. I. art. 5. Borrleaux art 67 .
Mais, pouvait-elle, com me celle des descendants, s'élever à
la moitié par la présence de plus de quatre ascendants ?
L'hypolhése s~ra rare, mai:; po.;;sible, et la question doit ètre
exam iné~'. Nous ne ~e11 sors pas quecette légitimepuissejamai
ètre supl'rieure au tiers. En effd, si l'enfant laissait ses père et
mère, la rése~·ve serait du tiers. Or, comment admettre que les
ascendants, s1 nombreux qu'ils soient, aient des droits plus
forts que le père et la mcre , el que le prédécès de ceux-ci puisse
restreindre la d isponibilité aux mains de l'enfont '!
L'admission, en pa vs cle droit écrit de la rèale
b
paterna
pater nis mater na 111 alern is., n 'avait pas pour conséquence d 'empècher q11e la légitime des ascendants d'une ligne, se prit, si
besoin èt'-lit, sur les biens libres de l'autre ligne, parce que la
légitime avait une cause aliment.lire, devant laquelle devaient
fléchir les règles, mème les plus rigoureuses de la dévolution
des sucre.:;sions .
I:~ légiti me cle la mèr e ful gravement modifiée par une ordonn~ nce de Charles IX, rendue en 15G7, et qu'on a appelée !'Edit
des Jlères. Celle légitim e fnt réduite à l'usufruit dn tiers des
pr?~re:; ri~ l'enf 1nt d.!cé·lé. \hi":>, en face de h rl!sist:mce que le
Midi oppos'l a l'ord0nnance, Louis X Y en 1ï29 rabolil et rétablit
le droit antérieur
t;'ne que· tion s'devait rehlivement au calcul rle la lé"itime
de ascenrhnt.::. On s1 il q11c les ns• enùants étaient ap;elt.s .i
concourir ·wec les frl·res et SŒ'ttrs "-U t' la succession nb i11testrr1.
. Comment se C:11eu!e lem Lgitirne. Lll s upposant l'existence
d ~ 11 les hrn ent inoll1l'ien-.; a lem êg:1nl. inab exempt de ce vice
111 1:g'lrcl des frères et Mcu1·s :1 .\mont ils droit. dan::: cette hvpu
lhè~~. ::m lier:; cl e toute la succession. on au tiers auquel les
~ura! I. rf.iiuits, an l'lllrenre di> tr8t arn t1nt l:l présenre t>l le c:nnV
,
�-
f'T& -
cours des frères et sœurs ? Leparlement de Paris décidait que la
légitime des ascendants devait se calculer, dans tous les cas,
sur le tiers de leur portion légale· A Bordeaux, à Aix, à Dijon,
les parlements décidaient au contraire, que la légitime com prenait Je tiers de toute la s uccession. L'Mdonnance de 1745 art.61
a consacré cette dernière opinion, mais stns l'étendre aux pays
de coutume, dans lesquels les ascendants n'avaient droit à la
légitime que si le testament leur avait préféré des personœ
turpes.
Dans les pays de coutume , la jurisprudence était constante à
refuser aux ascendants une légitime sur les biens de leur descendants. Elle appuyait celte dé...:ision sur deux. motifs principaux. 1° La légitime des ascendants n'est pas de droit naturel,
lesparentseneffet,n·ont pas il attendre leur subsistance de leurs
enfants.2° Les ascendants ne succédant enpaysJe coutume.qu'aux
meubles et acqnêts, si l'on admet qu'ils ont une légitime sur ces
biens, on enlè\'e à un enfant, le pouvoir de disposer d'un patrimoine qui est le frnil de son activité et <le son travail propre,
et on ne lui laisse qu'unG portion disponible ill u~oire, pu if que,
dans la presque unanimitû des coutum es, il est tenu de laisser
la réserve des quatre quints des propres à ses collatéraux. Cette
dernière raison est celll! qui frappe le plus nos :iutenrs coutumiern, et, si quelques uns <iccordent malgré la jurisprudence
une légitime aux ascendants, c'est dans les coutumes qui
n'admettent que les père et mère, comme héritiers ab intestat
de leurs enfants. Telles sont les coutumes de Lille, Douai et
Tournai
Les ascendants avaient droit à la légitime dans les coutumes
qui comme celle de Bourgogne, se référaient expressément au
droit romain, pom les cas non prévus. La coutume d'Orléans
-
111. -
admettait aussi la légitime des ascenàants (art. 2771• Observons
que, dans ces pays, les plus proches ascendants avaient seuls
droit à la légitime , la représentation n'ayant pas lieu dans l'ordre des ascendants.
Le troisième ord re de successibles auxquels appartient la légitime est l'ordre cle:; frères e t sœurs. Sur ce point encore, les
pays Je droit écr il suivaient les principes de la législation romaine, et admettaient les frères et sœurs, germains ou 1 onsanguins, à attaquer le testament, lorsqu'ils avaient été omis ou
exhérédés, et que !'institué étailunepersona fut]Jis.s'ils avaient
été institués pour une valeur inférieure à leur légitime, ils pouvaient réclamer le supplément par une condictio ex lege, à supposer toujours que !'institué à titre universel ne fùt pas d'une
honorabilité irréprochable.
Tel était le dernier état du droit romain sur cette matière.
Mais, les innovations de Justinien sur le concours des enfants
des freres germains avec leurs oncles vivants (Nov. 125 c. 2) et
sur le concours des frères et sœurs avec les pére et mère, donnaient naissance à une double question :
Les neveux qui n'avaient pas personnellement la querela inficiosi testamenti, profitaient-ils de la rescision obtenue par leurs
oncles, et pouvaient-ils se prévaloir de la Novelle 127 à l'eliet
de concourir avec eux s ur la succession ab intestat?
D'autre part, les ascendants peuvent exercer la querela indépendamment de toute qualité de lïnstitué. Les frères et sœurs
n'y sont admis, au contraire, que si lïnstitué n'est pas une persona honesta. Mais, si les ascendants exercent la querela et y
triomphent, les frères et sœurs peuvent-ils soutenir que la succession est ouverte ab intestat et que ab inle$fat ils doivent conCOtlrir avec les ascendants.
�-m-
-
~ous
avons, dans la première partie de notre trafail, exa
miné ces questions. Nous nous bornons à y renvoyer.
La légitime des frères et sœurs élait aussi reçue dans les pays
de coutume, sous les mêmes conditions qu'en droit romain. (1)
Quant aux actes contre lesquels les frères et sœ1 1rs pouvaient
diriger la plainte dïnofiiciositc::, ce n'étaitpas seulement les te ments, mais aussi lesùonations ex('essives,pourvu qu'ici encore,
les donataires ne fussen t pas inteor.-e existimationis. On avait
fondé ce droit sur la loi I au Gode, de Ùt(Jfficiosi.~ don,,Les personnes qLte nous venons de passer en revue pouvaient
ètre priv~es de la légitime pour toutes les causes <]Ue nous
ayons signalëes, lorsque , nous avons lrnilées des réserves coutumières.
L'exhérédation que le défunl avait prononcée contre ses héri
tiers les privait également de leur légitime , et l'on su iYait à cet
égard , dans le silence des coutumes, les principes de la Nov. 115
oh. Ill. Le seul cas q11 e r]l'S ordonn<nces <le nos rois aYaien t
ajouté à ceux d0 la i\ovelie , co11cemaiL les flls et filles, qu i se
marient contre la volonté de leurs ascen<iants. les füs avanl
l'àge de treu le ans, les filles avant l'àge de virigt-cinq :rns Cette
déchéance cesse, s'ils ont eu soin de requérir le consentement
de leur père et mère, par des sommations respectueuses.
L'e:\hérédation peut être éct'1te daus le testament, ou dans un
acte authentique.
( 1) ubrun Suce. li\'. Il. Ch.~ ~cet .:?,
f'!) Pl)thier. 'IUCC. Qucst. Sec. 2. cl>. J
La légitime n'éh it p1s, d '1ille11rs, u1 d~ cel droits rrui sont
exclusivemen t attachés à 11 pers·)nne et i.1tn11missib'es. Les
héritiers du légitim1 ire succédaient à ce droit. Les cré1nciers
eux-m~111e3 pouvaien t récbiner h légiti ne, en son lieu et pl:tce.
Mais, les cré1nciers M rédit·tires n·y pouv1ient prélen Ire, si le
successi Jle avait eu soin, comme nous r a vous dit pl us haut ,
d'ac..;ep ler so us bénéfice dï11ventaire.
§ 3. - Quotité de la le9itime
ft'onibus.
Elle est censée révoquée, par cela seul que le défunt en
manifesté l'intention.
tr~-
:-t
fa quotité de h légitime n'êt1it pas h même part!mt. On
pent, à cet ég·trtl, div.ser les coutu· nes en tr >i:~ cl tsse , principales. La première a •lmelta th quotité fi:\ée p1r h N ovelle 18,
chapitre I. n·après cdte .Vo1•elle, là l ~gilime é:ai l rlu tiers, si le
défunt ne laiss·tit p1s plus de qtntre enfants, de Li moitié s'il en
laiss1il un plus grand 11ombre.
A celte ca tégorie npp1rten1.ient les cout11mes dela~farcbe, du
Bonrbonmis, de l'Auvergne, de L1011, 51-)2, ùe Reims ~33 et
2,i6 de Bo11rgogne \'II. 1.
La secmlle cla:-;se comprenri les co11t11mes qui avlient
expre:; ément ét'lb'i u•1e ri 1otilé fixe et in lépenrlanted u nlmbre
d'enfants. L'artic le 293 de h ro1tf11me rie Paris. repro luil p·u
be·1ucou;i tle c· uturne ·, porte que a h lég itime est ùe l 1 moitié
•de telle p1 rl el po1·tion rue ch1oun en fu it eùl eu en h sno"st si m desùils p Jre et m~re,.1ye1tl 0· 1 1ycule, si lesdits père et
t mère ou autre;; a')cen h11t:; n·eu ·sent cti •pnsé p·u domt lions entre vi fs on dernière volonté ; sur le tout, déduit les
' deb'les et frais funéraux. u
Quant aux coutumes de la troisième tl:lsse, les unes <limi-
�-
f'T(J -
dixième des biens du rléfunt : l'arlide '2!)8 ci-rlessus transcrit
, ,. est exprès. De 111 ·me, pîr 11. JisposiHon du rlroit écrit, s'il
" y a qua re en fants, h querelle ile dncun en particulier c ~sse,
• pourvu quïl ait un dou:lième des ùiens du défunt. Le para' graphe Q11011ia111 que je viens de citer, le décide de J.i. sorte
et au tel'me du droit 'lncien, et di' que si tm aïeul a la issé trois
(,; pelils enfants d'un fils et un d'un a utre, que chacun de> trois
1< doit ètre co11tent d'une ùen1ie-once, et celui qui est unique en
« fa branche d'une once et demie. Cel'\ $e collige encore assez
cc d ... s termes de la .Vo ve/le 18. Il n·y a qn·un cas où il serait
a arant'lgeux d'admettre à faire nomo 1
·e ceux qni ne p rennent
u point de pîrt, swoir, l1it·scpïl y a quatre enfants , Car, en
a inlroduis'lnl un cinquième, leur légitime sera prise sur la
a moitié des biens. ( 1)
La question, on le Yoit, n'allait pas sans un grand intérêt.
Pour y répondre , p!açons-nous d'abord sous les coutumes q11i
appliquaient la Xo velle 18 cha pitre 1. Plusieurs juriscons ultes
pens :renl aYec r 'l.Î' on q11 e l 'élèvation cle h quotité de h légili1n e
"l:iit m'lniicstèment 1hn'5 lï11 lérêt des légi tiinaires, et non d'lns
l'intérêt de celui, rp1elquïl fut, qui sen .il ch:irgé cle fournir les
lét;i irnes. Aussi, ét:'l rla it-on du calc;ul les exhérédés, les incaP" '.iles, les indigne<> .
On ne les cornpl'l.it p1.s pour pot tu h légitime c11rtiers à 11
m ilié ; nnis 011 ne les com ptait p~s non pins co111111e clev:111t
p rendre part a11 Liers 1·éser vé. F. .. r1·autres te rme->, ils n·é11ie11t
compks ni ac! a119e11dam. ni ad 111i111icnrlam le9iti111a111. Cell e
011inion ét •• i en<>e i ~née par les n11tems les plus autorisés, Cuja~.
Voët, Dumoulin, Lebrun, P0Lhie1-. 2)
i
( 1) Dr>n. ent. vir. 3' p:irli<' ch. \'Ill. n . IC61-J2.
('2.) Cout.tl 'Ol'lèaris. Lit. Il> n 71
-
t7'1 --
Dans un autre système, enseigné par Dom'lt, Furg'>le,
fiw ron las, Ot1 l'01 n :l ail les enf 111ts P,:tcll1s, et on atlribtnit leur
p .ri , jm·e acCl'esce.1rli, a·1x aut res légilimaires. Il est ai::;é cl' 1;ierœvoir te vice de ce système. fi est i.loghpte, aiu 3i que le 1it
. r. P. igon , (l J rp1i h pîrl 11' 11dét'1ill111t qne l'on compte, ait
j tmais accrue a·:x légili1n ·1ires c·1pables de rt:cueil lir. P0urrp10i
eo effet, dirni11ue1· d'abord, l.i p'l t des légitirrnire,;, p tr ran11u lll~r:1lion cle8 ùéiaillnnts1 po 1r rél tlilir ensuite celte p·i rt, d in:;
son int~grilé, a t 1 moye 1 de raccroi.:>seme. l. En outre, sïl y W'\it
cinq enf'tnls, dont nn ou deuli. fus .:> enl exclu·, eomme ces rlernier:;; él'lienl corn 11Lés , 11 légitime se lro11v:ii1 port. e a l t mui'. ié
au plus gr:r nù ava'llage cle.:> légilim 1ii·es 'l li pre1nie11tp:irt.
Le dernier systè.ne se t"l!lprot:h1it de cel ti -ci, en ce qu'il
compta il le légi irn:.iire déL ill .nt; m 1is, '\ 11 lieu ùe déciJer que
sa pîrt dev:l it accroitre aux autres l~gidm1ires, il l'attribu'lit
il celui qui était chîrgé d'acquiltcrle;; léJilimes. On ne trouve
guère, comme parii~·rn de ce systt!rne q1 1·un auteur, et non le
p~us considéra!)le, Guilla ume de la ch·.trnp·1gne.
Qu "nt aux conlumesqui, à rexernp'e decellede Paris, fi aient
une lér•ilime
uniforme et invari tble, elles av:ù ..:nl supprimé, e:i
t>
lui retirant toute utilité, h quest.on de s;1voirsi les renonputs
feraie nt put en vue d élever la quotité il h moilié. ~la is, on
continuait a se demander s i le renonça 1l doit êlr-: compt ·, à
l'e!Tet de di111inuer h part ùes autres. On réso .ut la difficulté
négativement, et l\ m décida, confol'lné 111 ent à I'\ premiére .des
opinions précétle ,1 tes , que les lég t.m:iires d~fai lanls ne senien~
point comp tés, et que leur prése.1ce ne ser:iil, de la sorte, 01
favorable ni nuisible au:( lé-::>ilim:lires c:ipables.
�-
t78 -
Tell es étaient les solutions qui, Jans le grand conflit de controverses soulevées par cette ques tion , av:i.ient généralement
pré,•aiu.
Toutefois, il importait de distingue r entre les d ivers cas
d'exclus ion.
Le légitimaire renonçait-il gratuitement, et purement et simplement, il n'étaitpas compté pour la supputation de la légitime.
Renonçait-il g ratuitement, mais en faveur de tous les h éritiers.
Celle h ypothèse se confonùait avec la précédente et le renonçant
ne faisait pas nom bre. ~ai", si la renonci~tion n ·avail lieu qu'en
fa\'eur d'un seul :.u de quelques-uns, elle élail consid érée cornmP une cession, qui emportait acceptation et faisait comprendre
le cèdaot dans le calcul de la légitime.
Celui qui renonç1it, moyenna nt un prix, était toujours compté,
qu'il renonçât au profit d'un seul ou de tous ses cohéritiers.
Une dernière question nous res l0 à enminer. Si nous
supposons qu'un enfan t a reçu une don ation en tre-vifs de
son père on de sa mère, et veut reno 1cer à la s uccession
pour s'en tenir au don qui lui a été fait, devra t-il être compté
pour la supput,ition de hl légitime? i\la!~, d'abord , peut il renon··
cer, sans étre tenu de rapporter à la masse ce qu'il a reçu ? les
coutumes pl"ésentaient il cet ég:i.rd des divergences profondes.
Les unes ét1ient appelées coutumes d'égalité parhile. L'éga·
lité y était entendue et l,>pli f1J1•e d'une fiçon absolu,>. L'hér.tier
donataire ne pouva it rete11i1" le don :i. lt1i f:i.it, non seulement en
se portant héritier, m1i s même en renonç 111t.!l y avait, d'après
ces COùtumes, incompatibilité entre la qu1lilé d'héritier ou
mêwe de lég ita ire et celle de donataire.
Tout don fait à l'un des successibles est ré pu lé fait en avancement d'hoirie. L'héritier ne le peut consel'ver qu'à la condition
- 179 -
de ne pas ab .H quer la qualité en laquelle il détient les biens per
a11ticipatione111. Si l'hériller est tenu de rapporte r à la masse ce
qu'il a reçu, nonobstant sa renouciation, il est manifeste
qu'il ne doit pas être compté pour le calcul de la légitime.
Mais, des auteurs a pportaient à ce systéme un tempérament.
Ils aut0risaient le renonçant à retenir sur la donation une part
égale à la légitime qu' il aurait recueillie, s'il se fùt porté
héritier.
Il y avait, en $econd lieu , les coutumes dites d'égalité en partage; l'égalité n'était exigée qu'entre les en tants accepta ut et
vena nt à partage. L'enfant renonçant, perdant sa qualité d'héritier par la renonciation, pouvait conserver le don qui lui avait
été fait, ce qui entraînait nécessairement -.on an numération pour
le calcul de la légitime. Les coutumes de Paris et d'Orléans appartena ient à cette catégorie.
Mais, une difficu lté s'éleva it su r l'étendue des droits de l'enfant dvnataire renonçant. Pouvait-il , lorsqu'il était poursuivi en
réd uction par ses cohéritiers, retenir sur les biens qu'il détenait, non seulement la légitima qu'il anrail eue, s'il eùtété héritier, mais encore la portion dis ponible qui pourrait étre laissée
à u•1 étran;-Çer ? rous revenons, on le voit, à la célèbre question
du cumul de la quotité disponible et de la part réservée. Justinien, ~.:nsi qne nous l'avons 'u, tranche affirm1tivement cette
question dans la Novelte 9Z. L'enfant donataire peut en renonçant, garde r le don à lui fait, -.ous la seult:! condition de parfaire
la légitime ùe ses frères
Tous nos anciens a uteur,-, sauf un seul, Dumoulin, reproduisent les solutions romaines. Pothier dit, en les résumant : «Tous
• conviennen l que s'il est nécessaire d'étre héritier pour deman-
�-
-iat-
der h légitime par voie d\iction , 11 n'est pas nécessaire de
• rètre pour 11 retenlr par \'Oi ' d\: xceplion. » ( 1)
Lïmpul:1lion se faisait d'abord s ut· la légitime, el en second
<(
lieu sur la portLn disponible.
A.;n$i l'en fa nt q11i aYail reçu une d on;i tion entre vifs, pouvait,
en reo•mçant cumule r les avantages de 1" qualité d'enfant et de
ceHe d.élran~er et se procure r p1r ce m oyen , une s ituation
beauco up plus avant·1ge .se que celle de ses coh éritie rs. 11 n'y
avait là rien qui pùt être cri tiqué, l1Jrsque le père, s tisfait plus
p 1rticulkrement cl'1m de ses enfa nts, aY·til manifesL~me.:t v~ul ~
le récompenser, p.ir h libé ralité cptï l lni avait fa ite. Mai~, tl
était po sible que Jïn enlion du l ère com111w 1 eut été tout autre
qu'il n'eût pas voulu porter atteinte à l'é~al i . é enlt e ses enfants,
quïl eùL voulu seu lement faire au donataire l'avan tage d'un~
jouis::> ance anticipée, sa uf à J'olili 0 er au ra r port intégral des
biens donnés. Dans cette hypothèse, permettre à l'enfant donataire de transformer en don:1lion p:u préciput, ce qui n'était
dJ ns la pensée du Le tateur, qu'un s imple avancement d'hoirie,
c'était bien é1 idem ment consacrer une injus1 ice à l'encontre des
c(Jhériliers et méconnaitre d'une façon mani feste les volorités du
père de famille. Aussi, s'éleva-t-il sur ce point une lutte trèsvlve entre Dumoulin et les auteurs partisans du cumul. Le grand
juriseonsulle, frappé de l 'inconvénient sign'llé, p rétendait qu'une
distinction devait êt re faite entre la présomption légale et la
déclaration forme .Je d':...vancement d'hoirie.
Au premier cas, Dumoulin autorisait le cumul par le donataire renonçant. Au seconù cas, l'en fa nt, n'aya11t reçu les biens
qu'à ti:re d'avancemeut d 'hviri~, hac conlemplatione quodspera-
i8i -
fur here$, ne pou 1'ait transfo rm er cet avantage en libéralité irrévocable, et sa r enonci1tion, lui retirant la q ualité en laquelle il
pourl'ait conserver le bien . le do n ~e trouvait révoqué et faisait
retour a u patrimoine du donateur. Mais, même dans ce cas,
Du m0ulin permet à! 'enfant dowtl.1ire de retenir S'l légitime.
Telle élail la vraie doctrine de notre grand jurisconsulte coutumier.
M. Ragon en fait très-bien ressortir les graves défauts: aL'in« sertion de la clause d'avanceinent d'hoirie dans l'acte énervait
c la libénlité, au point <le lui ôter le caractère essentiel des do' nations entre vifs, l'irrévocabililé . Et cela était d'autant plus
(/. inique qu'aucun tex·~ légal n'avertissait les donateurs el les
, donatai res de l'import:mce à ajouter à des expressions, que
« étaient formell emer1t :;ousentendues p 1r la coutume dans les
« donations de père el mère à enfants·. 'était-ce pas s'exposer à
a tromper souvent la volonté du père de famille, que de faire
« dépendre l'effet de la libé ralité d'un accident de rédaction 'l
« et quelle large p0rte ouvertt à l'arbitraire! quelle mine féconde
« de prncès! Cn aut re vice de celte rigoureuse doctrine, c'est
« quu'elle allait à <'On lre sen~ des idées toutes favorables aux
• enfa ils d ioataires, qui aYaient flit imaginer la clause d'avan« cernent d'hoirie. Nous avons vu, e n efTet, que l'us'lge s'en éh« Glit pour permettre aux enfa ils de venir à la succession pa• krnelle et non pour les y forcer. ~ (1)
Le srstèmc de Dumoulin fut peu gouté des auteurs et de la
jurispr.udence. Deux arrèls l'un de juillet 1543, l'autre du 29
aoùt 1571 décident fo r mel lement que le fils qui a reçu un avan-
'
(t) tome t Ret. et impu t, p. 149.
~1)
J>Qp. ~ Ut flft. v. p, t.
13
�-
-111 -
1'<~ -
cemenl d'hoirie t'\.}ll ès. r>sl lil.Jre de se tenir à ce don, s'il vent
renoncer à la succession tle son père. L ·article 307 de la coutume
rle Paris, ma in tenu lors r1c sn réformation, porte de mème:
« C:elui "llqnel on amail t1onn( , se voudrait tenir à son don, faire
• le peut. en s'nbsteuant ile l'hé rédM , la légitime r éservée a nx
" ·mtres enfanls. n
Les principec:; que nous venons cl'exposer étaient égalemen
appliqués à l'enfant lég'ltaire qui renonpit à la succession,pour
s'en tenir au legs qui lui ét~11t fait. Le$ autenrs adm irent, en ce
·as, que le legs saisissait de plein droit l'enfant légaraire, que
1
l'el ui-ci devait être 1'onsidéré comme étant en possession de l'objet légué, et qu'il y avait lieu de l'autoriser il le retenir dans les
limites de sa légitime et de la part qui aurait pu être donnée à
nn étranger.
1\ côté des rnutumes d'égalité parfaite et d\~galité en partage,
il faut citer en dernier lieu les coutumes de préciput. Le père Y
pouvait avantager un de ses enfants, et celui-ci avait le droit da
retenir le don qu'il aYait reçujnsqu'it concurrence de la légitim&
L't du disponible, non seulement lol'squïl acceptait la s uccession
et prenait part au partage, mais encore lorsquïl y renonçait.
Et, comme il renonçait, aliquo accepto , il faisait nombre pour la
s upputation de la légitime .
Faisaient nombre aussi les filles tlotées et exclues, soit par
une renonciation formelle, soit par une disposition spéciale dei
coutumes. Quant aux enfants justement exhérédés, ils n'étaient
pas comptés dans les pays coutumiers. Car l'exhérédation le~
a . aient dépouillés de la qualité d'héritier , sans laquelle on ne
pouvait réclamer la légitime. La question dans les pays de droit
écrit était controversée et les deux solutions comptaient de•
partisans éialement autorisés.
Enftn, les morts ci vilement les religieux profés, les filles religieuses, n'éta ient comptés ni dans les pays de coutume, ni dans
les pays de droit écrit,
§ 5. -
Comment se formait la mass• sur laquelle 1e calculait
la légitim~.
Le principe qui dominait cette matière est que, la masse dont
la légitime était distraite devait comprendre non seulement les
biens existants au décès du de cu.fu,, mais les biens qui avaient
fait l'obj et de donations entre-vifs. On formait un total de ces
deux espéces de biens, et c'est sur cette masse que l'on calculait en egard au nombrP des légitimaires qui devaient être
comptés, quelle était la légitime revenant à chacun. La réunion
des biens donnés aux biens existants n'étaient qiie fictive et
n'avait lieu qu'après la déduction des dettes. Si le passif dépassait la valeur des biens compris dms la succession, on considérait le défunt comme n'ayant rien laissé, et la légitime se calculait uniquement sur les biens donnés entre-vifs.
Nous avons maintenant a nous demander quelles étaient les
libéralités qui pournient subit· un retranchement, pour parfaire
la légitime. On con, tate, à cel ég1rd, des diYergences entre les
jurisconsultes relativement a certaines lihérahtés, dont la nature
ou le caractère spécial s'embla ient s'opposer à la réduction.
Les legs faits aux établissements pieux étaient-ils soumis au
retranchement ? Certains auteurs, se fondant sur la loi -19 au
Code, de episcopis et cle1'ici$, estimaient que ces legs devaient
�-
échapper
H!4-
a r applic:ltion ùe
la légiliu.e, corn1ne ils éch·ippaienl.
d'après h loi précitée, :-i.u retr:inchement pour :a F1lcidie .
C'était confondre deu" institutions qni difkrent prof ndément
par le but au 1uel elles lendenL. Il èta it mtmel q ne les legs
pieux fusseut. affranchi:-; de l,1 réd .. ction, lor::;quïl s'ag issa it de
la qu'lrte raltidie, tlont le seul but était d 'assu rer nn héritier au
testat eur ; rn uis, il eùt é té peu équihl.Jle d'affranchir ces mêmes
legs du retranchement , quand il s"1giss:iit de la légitime, institution qui avait pour q 1ljf•t essentiel d'assurer des aliments aux.
proches parents du défunt. Aussi, admit on générale lllenl que
les legs, quoique faits arl i'ias N111sas, n'éclnpperaient p:i.s à la
réduction dans l'intérêt de h légitime. Car, selon les bellP,s pnroles de Ricard, « les premiers et les plus favorables p·1uvres
sont les enfants du défunt ( 1)
Les legs rémunératoires étaient s uj ets au retnnch ement
Ior~quïl y avai t disproportion évidente entre la valeur du legs
et l' importance des services rendus.
Quid , au cas rle legs ayant pour objet la restitution de vol,
d'usure, de gain illégititn e ? Pne disliuction toute mtu relle et
que nous indi iue Lebrun s'im p0sa it ici. Le vol ou l 'usure est-il
établi ;Point de retr'ln hement, les lég'lta.res sont de Yrai-; créanciers. N'y a t-il point de preu\'e de l usure ou du vol; les legs
faits en cette forme sont soumis a h règle générale. (2) Les
m êmes difficultés se présentaient rehtivement à certaines donations eritre-vifs.
Et d'abord, les donations que plusieurs coutum ·s décl 1raienl
faites par préc1jJUI e t avec dispense de rapport, n\m élaient
(1) Don . entre-vifs, 1092
('2) Suce. sect . VIl 1
-
185 -
pas moins sonmises à la réduction dans l'intérêt de la légitime
Les doll'llions qui avaient été fai tes avant la naissance du léofü~
0
ma ire, semblaient devuir échapper au retranchement. En
eITet, de ce quïl n'exisl'lil p1.s, 'lu roorne!"lt Je la donation, une
person ne ü qui le ùéfunt fùt obligé de laisser des aliments, il
résult'lit :ruïl devait po uvoir di sposer irrévocablement, et que
les donations par lu i hites it celte époque, devaient être à l'abri
du retr,111c:hement pour la légitime. ?\lais, cetle raison était plus
spécieuse q11e Yn ie. Les p'lrents qui n'ont pas d'enfant doivent
toujou r-> s · ttendre à en '.lVOir,et 11 nature leur presnit également
d'assurer l'aveni1· de leur postérité présente et de leur postérité
futur e (('dut\'' Sf)bo'i co11sule1·e. (1)
L es libénlilés rcci: 1·oq11es que se faisaient par le contrat de
mariage les père et mère étaient ou n'étaient pas soumises à la
réduction . s ui V'lnt qu'elles ne dépassaient pas les limites des
conventions 1na tri moni 'lless ( raisonnables et loyales) ou qu'elles
les dépass'.lient. Cette dislinction, parfois délicate, était confiée
à la sagesse d es juges. (2)
Quid rnhtivement aux constitutions de dot Y la question ne
faisait pas de tlitnculté , l11rsque la dol était constituée en objets
aulres que des deniers. \his, dans le C'ls où elle comprenait des
denie"s, on a' ait m is en doute la possil>ilité du retranchement,
par le m otif que les deniers sont employés 11resque toujours à
des dtSpen"es nécessaires, pnur J'éta\Jlissemcnt du ménage, ou
même à ries Mpenses r eu utiles, et et que la fille n'en a souYeni
c :) 1,el'\· • ri e 1 rn p1'd r 1e rien, ·1wrn 1 survient le dëeès <le son
père ou de s~ mère. Ces r:.iisous étaient, il fa.ut le reconi1aitre,
(1) P oth. Don. eni. vils. Sect. Ill . art. V. p. 'l
(!) Poth. Ibid.
�-
-
186 -
peu solides, et l'ordonnance de 1?31 n'en tenant a ucun compte,
soumit sans dis tinction toutes les constitutions de dot au retranchement pour parfaire la légitime.
On se demandait auss i si la dot, pouvait être atteinte par la
réduction dn vivant du mari. La clifficulté -ienilit de re que Je
mari, tant qu'il vivnit, employait la dotaux charges domestiqnes
et semblait devoir être considéré comme en ayant reçu la
jouissance à titre onéreux. :\fais, l'ordonnance. <le 1731, dans
l'a rticle 35, décide qne la dot , peut èt1e r etranchée du vivnnl du
mari. Le motif en est, que ln dot cons titutan t a u profit de la
femme un titre lucratif, gardai t naturellement ce caractère dans
les mains du m:iri, '-On aya·1t cause.
Les intérèts d'une dot promise sont-ils, comme Je ca pital.
soumis au retranchement pour la légitime, il s upposer que le
constituant, père ou mère, vienne ü décéder avant de l'avoir
acquittée. Pour mieux co mprendre ce point, faiso ns une espèce:
un père constitue à sa fille, nne dot de 10.00 lines et s'engage
à en payer annuelle ment les intérêts. Il meurt et n'a acquité ni
le capital, ni les intérèts. Le gendre réclnme le cap ital, et, en
outt-e les intérêts qui ont couru dep uis le j our de la cons titution.
Les autres enfants ont-ils le droit de soum ettr e au re1rancheme1lt non seulement le capital, mais les intérêts ? Un danger,
à cet égard était à redouter. Le père pouvait, dans un but
fraudJl eux, re mettre à son gendre les quittances cons tatant le
paiement des intérêts. ~o n obstant ce Janger, nos a uteurs et
Lebrun eutre autres, estimaient que le capita l seul devait
supporter le retranchement. Quand à la raison qui motivait
cette déci sion , la voici : s i la donation avait été exécutée, le
retranchement ne pourrait porter que sur le capital. Or1 on ne
!Si -
peut admettre que l'inexécution ait pour elfet de rendre la
légitime plus forte qu 'elle ne l'eut élé s'il y avait eu réellemen l
exécution. Donc au cas qui nous occupe, le retranchement ne
pourra atteindre que le capital. Mais Lebrun n'hés ite pas à
excepter de cette décisiori <le cas de fraude évidente (1).
Les dots de religion étaient généralement affranchies du
retranchement. On considérait que le couvent recevait les
biens donnés en dol à titre onéreux, sous l'obligation d'entretenir et de nourrir le religieux , pour qui la dot était constituée.
Enfin, les donations qui ::,e cachaient sous l'apparence d'un
contrat onéreux, était>nt très certainement soumises à la réduction pour la légitime. Ma is, s'il r avai t eu réellement contral
à titre onéreux, vente par exemple les légitimaires n'étaient
pas fondés à prétendre que le retranchement devait avoir lieu,
par ce seul m otif qu'il y avait disproportion entre le prix et la
chose vendue. Ils devaient prouver, en ce cas, que le défunt
avait eu l'intention ar rêtée de faire dona tion de la plus value.
Telles étaient les espèces s ur lesquelles des difficultés plus
ou moins graves s'étaient élevées a u point de vue du retranchement pour la légitime. La masse se composait, ainsi que
uous l 'avom dit, de tous les biens exis tants au décès, et de tous
les biens don nés eutre vi f:;, S 'l.11-S <lis tinguer s'ils d.e\·aient o 11
non subir le re tr<incllement, et c·e:;t de celle mass~ l!U·on
rléduisait la portion dùe au légiti naire. •>n tenait cu111pte des
bien .-, non d'a pres leur ,-aleur au te mps de la dona tion , mais
d'après leur \' ll.:nr .tn .1 our .11 1 cl ·cès. ri •slradiùn faite dl"
lliipense ... t"lit~ ... par l··.., d 111 ll·u1·{'.- ,, t .le::. d·~gr.tiil11 1 s par" L.\
corn mise::;.
( 1 ...,,H.:<:.. ,iu. li. 1'.h. Il l ...... d
\ Il
�-
§ 6.
D~s
iSS -
- tSt lement, suivant qu'il y avait eu perte tot1le ou simples dét ériorat ions.
imputations que comporte la lé9itime.
Le légitim aire est tenu, en r ègle générale, d'i mputer sur la
légitime à laquelle il a droit tous les avantages entre-vifs ou
testamentaires qu'i l a reçus du rléfnnt. Celte imputation pe•1têtre opposée par toute personne, tlonat·üre ou légat·ü re , é tranger ou coh éritier, contre laquelle le légitimaire se dispose à
exercer raction en retranchement. L a théorie de l'imput'ttion
receYai t des 1pplic1tions multiples et Y:ll'iées, qu <! nos au teurs
et principalement Le'mm· exposen t longueme nt. Nou ' av.ms
donné le p r incipe. Nous nous borneron.;; à en faire conn..itre
quelq ues conséqnences :
Ainsi , Je3 filles dotées qui n 'avaient p""ls renoncé à la s uccession dans le c mt rat de m ·lt'iage, ou qui n'en éta ient pas exclues
foi mellement par l::t con lu me, devaient imp uLer la dot qu'elles
avaient re<;ues sur leur l( gitirn e.
Les coutumes dites de préciput ùécidaient que tl)ut avantage
atîranchi du rapport échappait au8si à l'imputation , lorS'Jlle
la question s'éleva it en tre frères issus du même auteur.
Si l'immeuble donné a u légitim'lire avait subi une per le
totale ou partielle, il f-tlhit distinguer si ces éYènements étaient
<lûs à b faute du dom taire ou u un c1s fortuit.
Dans la pre111 ière hypoll1èse. lïrn p uta t ion se faisait sur la
valeur intégrale qu'a urait lïmrne uhl ·sans h fau te du don ·1ta!re.
Dans la second e, l'imputat1on cessait ou n'avait lieu que partiel-
Si , à lïnver , e, ro'i;et donné avait re~u des accroissements
acci<le 1lels , il en éL:iit tenu compte, comm ..l s'il s·agiss:lit d'avantages fai ts p.'.lr le d flint lrli -rnême.
Le pro :J t q11'tm enfant nv'1il obtenn P'H l''lcto"I en retranchement exercée con! rc un sec·on<l rn:u ·i ou une seconri e femme, en
vertu de !'Edit de5 seco n<les n11ces, ne sïmp11t1it pn snr h légi
me, p'11·ce que r enfant ne ten<tit 1ias les biens de 11 libénlité
du de cujus, encore m1 :ns des disposi ions de la loi sur h léditime. i\hi::>, si les donltions et legs ultérieurs ne su'.Tisaient pas
à p::i.rf<tire la légitime, l 1 donation du secon 1 conj11int po1.vait
subir, outre le retr1n,.11e111ent prescrit P'H rEdit des secon les
noces, le relr .. ncliement d ;rns 1'intérèt de la légitime. Dans ce
cas, d u reste, le pl'oflt a ins i obtenu s ïm put:liL sur la l~giti 1n e et
diininu'li t d'a 1tanl 1:1 réduct ion d on~ l taienl tenus les do111.taire3
antérieu rs .
§ 7. - De la lé[Jitime da ns ses 1·a. p01·ts avec le droit d'ainesse.
Le droit d'•tiness e av'li', à cert·ün ; èg·ud.:;, le caractère d 'une
légitime d'origine féoda le . Au.;s i, s:i. co•nbin1ison i:n·ec la IPgitirne onlil1'lire n'ét1i t p'IS, \:)3 tH> donn r lieu, dans certains cas,
it d e~ d iffic11llés s ur lesquelles il est nécess1ire de fournir
quelq•1es ex, li c:i ions.
T ut d'a ore!, cru'él'l it-ce que le droil d'a.nesse. ou mieu < en
qulli ron ·istail-il ~ Les coutumes pr~scnt :lient a cet ~g·1rd les
dis 1·osilions ks plus di, erse~. Le swant I~liinr tth les rér artit
ea L1·ei.r.e cl,tsses ou syst è111es. l\ ou" ne not1s al t·"'-chern.1s C] u'au:<
coulu;les de Paris et d'Orléms, qui su r ce po'nt, comme sur
beaucoup <i'autres formaient la droit com1u1,m de la France.
1
�-
- ttt -
t90 -
Le droil d'ainesse comprenait esscnliellement Lrois avantages. L'aîné avait droit, s ur les biens nobles ou partagës comme
tels: 1• à un manoir, situé à lu ville ou à la campagne avec ses
dépendances; 2° à un arpent de terre, primitivement mesuré
par le vol de chapon. Cet arpen t devait étre pris dans l'enclos
oujardin attenant au dit manoir ; et, s'il n 'y avait pas de manoir,
un arpent à choisir oü il voud rait; 3• à une portion avantageuse qui était des deux Liers en face d'un enfant, de la moitié
en présence de deux ou d'un plus grand nombre. Tout ces avantages constituaient un préciput au profit de l'ainé, et se prenaient dans la succession de la mè re comme dans celle du père
(Par is, art. 13. 15. 18. Orléans 89, 95, !J7). Ils n·avaient pas lieu
en ligne collatérale, et les mâ les seuls y pouvaient prétendre.
Mais, les petites filles en profitJient quand elles venaient à la
succession de leur aïeul , par représentation de leur père. ( Paris
19. 331 . 3i4. Orléans 89. 98. 305.)
Quoique l'ainé eùt, grâce au droit d'ainesse, une part plus
forte que ses cohéritiers, il n'était tenu du passif que comme
héritier, et non d'après lïmportance de ce qu'il recueillait.
Le dro.t d'ainesse n'aug men tait pas sa contribution a ux. dettes.
La qualité d'hér itier était rigoureusement exigée, pour pouvoir réclamer les avantages rlu droit d'ainesse. Si donc, l'ainé
était privé, pour l'une des cause'> mentionnée::; plm; h tUl, de la
s uccession ordinaire, il perd1it son droit aux prérogatives d'ainesse. Même décision, s'il renonçait à l:J. succession. :vfai',
quid ~·il en ava it reçu la valeu1· en1re vifs ou par dispositiou
testamenta ire? La coutu1n e de Paris, arl. 5 i , lui donn1it le droit
de retenir les biens par voie d 'exception, mais défenJai ta u puiné
de prétendre exercer à son tour un droit d'ainesse, afin ne ne
pas grever deux fois la succession du même droit. Mais, si
l'ainé renonçait gratuitement, on se demandait avec raison si le
puîné ne devait pas prendre sa place et exercer le droit d'aînesse?
La difficulté venait de l'article 310 de Paris, qui portait, qu'en
cas de renonciation gratuite, le droit répudié accroissait aux
aut1·es enfants, sans prérogative d'ainesse. L'article, on le remarque, ne dit pas s'il s'agit d'une renonciation foite par l'ainé
ou par Je puiné. Aussi, deux interpretations se sont-elles produites? les uns onl vu dans ces mots cf'lte signification: San!
transmission du droit de l'ainé au puîné, les autres celle-ci:
san s qu'il y ait lieu pour l'ainé d'exercer son droit d'ainesse sur
sur la part répudiée par un puiné. Cette seconde explication
semble plus vraisemblnble et nous croyons devoir nous Y
rallier.
Le droit d'ainesse était, avons-nous dit, une sorte de Mgitime
féodale instituée au profit de ratné. Cette légitime recevait
l'application de principes particuliers. En premier lieu, elle
comprenait le droit d ainesse tout entier, et non une simple
quote part de ce droit. Lebrun n'étail pas de cet avis. (1)
mais, Pothier est formel en ce sens. Les legs étaient donc réduits,
lorsqu· ls entamaient le droit d'ainesse, qu'ils fussent faits à des
étrangers ou ù des frèr es puinés. La légitime féoda le pouvait
être a moindrie par des donations entre vifs, pourvu que le::. donataires fussent des étrangers. Les puînés ne pouvaient recevoir
entre vifs des biens qui constitu.iient le droit d'ainesse. En ce
cas , la donation eüt é té nulle pour le tout, que le donataire vint
ou non à partage. Lorsque le donataire était un étranger , l'ainé
( !) Suce. li. J.
t. p. 6.
�-
i9! -
-
avait cert1inement contre luidl'Oit an r etr'lnchement. Mais, on
di:;cut'lil jus 1u'à concurrence d e q uè lle p·u-t il pouvait agir 611
r éduction, Lebrun limi te son actio n ü 11. moitié c:e se~ préroga-
19S --
cédait à la légitime ordin:tire , en ce qu'elle deYait êtrè soumise,
à h contril.>•1lion au p 1ssif.
tives d'aines·e 0). Po lhier lui do nne h légiti m e ordimi r e (3).
ArrÎ\' ons au cas 011 lll1 confli t se procluis·tit entre la lég itime
orrl naire e· 1:-t légili 1t1e ri e l 'ai 1é. D tns trois hypo thèses , h légitim e d ·s pn nés ét'lit préférée ·u1x ·1\ a nl'lge;; dll drnil d 'a n es'>e :
1° Lors riu e l'exercice des droi ls rle l'ainé abso· lnit 011 <'-t ieu
près les b iens de h s ucces·ion. \ insi. 1"1rtiele 17 de la coll : 1 n e
de Paris d écid·Lt q11e, lo rsqll e h sllccessi.rn ne compren·1it 1p1'u n
ma noir et ses dépendances ou des biens insn:Tis·mts P• ur
payer s a lëgitime des puinés, l'a iné deYait, ~w'lnt de prendre
sonpréci11ut, acqu ilt r e i a rgent 11 légiti me de ~E's frère.-. ~l •is,
quelle éh1t cette légitime, ou plutôt, comment rlevait-011 h
calculer? J':iccor 1et:i.it loin <l 'exister s ur ce point. Ln. coutur.1e
d 'O rl éans ne prêl'l it pas à l1 n1 ê 111 e con trove rse . Elle réduisa it,
da ns ce c1s, les droi ts de l'ainé a u x deu x tiers,s 'il n'ava it qu'un
cohé;'itier, à la moitié, sil en avait deux ou u n plus gr .. nd
nom·,re.
2° Le seco nd C'lS oil la légilime orclirnire l'emport'lit sn r cell"
de l'ainé, étîit le c·ts où les bien-5 de ro ture av tient été d onnés
entre -vit's da•1s un e mesure qui ent·1 m lit l t légilirne des pu nés,
hn·lis qi 1e l'ainé trouv1it, d'lns les biens nobles, restés da ns
la successio 1, lou re h sienne. D1ns cette hypoth..!se , le re tranchement s'opér 1it Slll' le r réc rut ri l"liné.
3" Enfin, !or ~ l 'e 11 -;•11•1·e,; .i ·n é"iit :1 :J~·1r 0., 1n r .J . det tes
que ne devait p1.:; supporter r.u11é, h
11. t1 ts-·w.
(3) Suce. Il. !. '2. P. 6 •t. ;ui" ,
( )
t:.u ~ c
Jé:;it.me dù celui-ci le
Appendice. -
Co.1111ai·aison entre la lé:;iti 11e el la réser ve.
Nous croyons utile, en termin111t nos explications sur les
résen·es Cllutu111 iè r0s et sui· la légit.me de donner, d'lns un
tableau ra pid e, lïn1lic·ttion des r es,emblan ·es et des diffé rences
qu e prése.itent ces deux ins titutions s i voisi11es et si im portantes
de no tr e anr ien droit :
Leur lmt immédi'lt e l irlenti<Jue: toutes deu x ont pour ohjet
de r estreindre, dan , lïn lérêl de cerhins paren ts , les dis positio ns gra tui tes faites soit à cles étr.111gers, soit à d'autres p1rents;
P our prétendre aux t·éserves, comme à la légili me, il faut être
hêriiie r de fïit e l d e droi t du défunt. Celle condition ne cesse
d 'être ex igée qu'à l'ég1rd du renonçant en possession de v<1 leurs
h él'édit1i re- e t qui r elient sa légitime, par voie d'exception, s ur
les biens qu' il délien t ;
Il y a , d1ns les <lenx c1s , s·t isine lé,ple ;
Les parts des s11c1·essibles ciéf-till'lnts vont, par droit ll"accr(li~sement ou de non décro issement, grossir 1:1 p:irl des suevt!n'lnl ·w p ·trl'lge;
d'ainesse s'exer· ·esur lî légitime et sur les ré erves.
drnit
Le
L:t gu"tnlie Ùè ces deux inslit,1lions esl l t mèrn:; c'est l'ac-
ce:;~bles
tion en retranche111e11t ;
Des différences
fl'HI
moins
ca r~c l.éristiques
réservès coutumières de la légidme de droit.
.séparent les
�- tt6 -
-iH-
Les premi: res sout d'origine germanique. La. légitime à son
rondement dans le droit romain.
Les réserves ont pour but fin;\I le soutien du nom et l'éclat
de lâ famille. La légitime n'a d'autre objet que de f,mrnir des
aliments aux proches parents du défunt. Aussi, tandis que la
lègitime atîecte tous les biens, la réserve porte exclusivement
sur les biens propres.
La légitime n'est dùe qu'aux enfants. Les réserves appartenaient même aux coilatéraux.
La réserve ne s'oppose qu'aux libéralités testa mentaires.
La légitime fait obstacl e aux donations entre vifs , aussi bien
qu'aux dispositions testa mentaires,
La quotité n 'est pas la même. La réserve comprend les
quatr~ cinquièmes des propr es. La lég.time, s uiv.i nt la coutume
de Paris, est de la moitié de la part qui eùt ap partenu à
l'héritier, en l'a bsence de dispositions gratuites.
SECTION III.
Du Douaire
f. l . -
D~fi.n ition
d u Douaire. De
~on
origine,
et de sa nature
Dans un sens général, le douaire consis tait dans l'usufruit
d'urn\ portion de certa ins biens du mari, que les coutumes ou
les conventions matrimor11a les accnrdaient à la femme survivante.
Plu~ieurs • coutumes r éservuient a ux enfants , la nue propriét~
des biens.qui for maient le douaire de la femme. D'où suit qu'il
faut distinguer deux espèces de doua ire : celui de la femme et
relui des enfants. Nous avons dit que le douaire ap partenait it
la femme survivante en vertu des coutumes ou en vertu de
la convention. Dans le premier cas, le douair e s'ap pelait légal
ou mieux coutumier . Dans le second cas. on l'appelait conventio1 1nel ou préfix .
�-
0'6 -
La première q uestion qui se p résente sur cette inlitution du
douaire est celle des 1vo.1 quelle en est exaclemenl l'origine.
Un sava11L investiga teu r des orig ines du d Mit coutumier,
Dela urière, assigne au dou ·tire une source ger.nanique (1). Il en
voit ïo rigine d'lns l'us1ge des p1•e miers gçr main-:;, d'a près
lequel les maris donnaient des d0 ts il le lll's épouses a tt li eu d'en
recevoir : D ote 11 non 11 l.'01' marito, sed uxo• i n1aritus o. "e1·t.
Polhier aj' puie ce sentiment de S'l grande autorité : << Celte ùot,
~ dit-il, que la femme, a u dire de Tadte, recev1it du mari,
<< était vraisemblablement la mème chose que ce qu'est notre
• dou1ire, c'est à dire q11e!q 11e po rtion que l'ho mme, en -.e
« ma riant, assig nait da s ses biens à la fem me quïl épousa.t
, pour que b femme en j o.lit, a p rès la mort de soi mari, en
c usufruit pour ~ a s uhsist1nce. »
CeL!e du t q11e le nn ri ofît· 1it à S'l femme, s11iv:111t les lois germa niqut>s, rie sera it a u l'ü chose, disent certains 1uteurs, que la
don:ition appelée mor,9e11oabe, q11e le ma ri fa is:iit à S'Jn épouse
le lendema in du mariage. :M. Laferl'ière et l\iI. T ro plong (2)
VJiènt dans le douai1·e une s ulle de cette coutume primi ive el ils
fondent leur opinion s ur une vie ille l'ègle du droit cou lurnier : Au
C(lUt:h ~r , g1gne la femh1e son rl ou·t ire. (3)
Q110.qu'il en soit, le dou·lire a ce rl'li11ement so 1 origine da11s
le droit gè1'm nir1ue el d ... tls .es mœurs de:; ancie 1::> p1..uples de
la Germanie.
Il ne r~sulta d 'aborcl cp1e de 11. c·onv nlion. Ce fut Ph ilippeAt·gus· e r4ui, au corn nencvmet1t du Xlll"'' ::>iède élablit le
tlJ Ru r PHis, Ar t . '!47.
.
( l) Doua" ·~ n. '1.
(2) Hist. droit lrauç. m. 199. Trovtong, Préface du contrat de mari1ge p. (09.
- 1f7 douaire légal, en ordonnant que la femme serait douée de la
moitié de ce f] Ue l'homme avait quand il l'épousa. (Beau manoir
ch. du doua ire.)
Le douaire est, comm e la légitime, une portion de biens r éservée, à titre d'a liments, à la femme surviv<1nte et aux. enfants.
T.outefois, il fa ut se garder de le confondre avec la légitime.
Pothier, qui lui donne cette appellation, signale néanmoins cinq
diŒérences entre le doua ire et la légitime:
1° La Jé0 ilime est dûe tant par le père que par la mère. Le
douaire n'est dù que par le p~re.
2• La lé0 itime se prend sur les biens laissés au décès et sur
les biens donnés entre-vifs. Le douaire se prend sur les héritages et immeubles que possédait le mari, au j our du mariage,
ou qui lui sont venus d 11 rante mafrtm onio, de ses père et mère,
çn,i p·\ren ls de la ligne ascendante, et le mari ne peut les engag~r
tli aliéner, à qnelque titre que cc soit, tandis que la légiti111e n'est pr.itégée ciue contre les dispositions à titre gratuit.
3" Le dull'lire n'est grevé que des deltes contractées avant le
mari·tpe.L·l légiti 11e est primée parles det tes, c;>ntractées à toute
époque, rn1is ... eulement sur les biens laissés au décès.
4° Les e if nts d• 1ivent être héritiers pour prétendre à la
légitime ; ils doivent, au contraire, renoncer pour avoir droit au
douai re.
5° L e père ne peut, par contrat de mariage, priver les enfant-:;
de leur légit.me. Cette facultée lui est laissée, quant au
douaire. ( 4)
(~ ""'"•ittl 44 douaire n· 211.
~
1
1
�- tts -
§ 2. -
Quotité du Douaire
Les articles 2-18 E>.t 253 de la coutume de Paris, 218 et 221 de la
ëoutume d'Orleans, indiquent la quotité du douaire de la femme.
Le douaire des enfants, n'étant autre, en nue-propriété que
celui de la mère en usu fruit, la quotité en est la même. Elle est
es. de la moitié de" héritages que le mari tient et possède au jour
& des épousailles et de la bénédiction nuptiale et de la moitié
« des héritages qui, depuis la consommation dudit mariage et
1( pendant icelui, échéent et
adviennent en ligne directe audit
• mari. ))
,
Le douaire des enfants était lié au sort de celui de la mère~
Si le douaire préfix accordé à la mère par la convention,porLait
sur d'autres biens, ~elui des enfants affectait les mêmes biens.
Si les conventions matrimoniales auto risaient la mère 1\ opter
entre le douaire préfix et le douaire légal, le douaire des enfants
dépendait du choix que ferait la mère. Si la mère avait renoncé
à son douaire. les enfants perrlaient également le leur. On
admettait mème que la clause qui accordait le douaire i\ la mère
X
t
C,'ét :::n't u"aoureu
pouvait expressément en priver le ~ en fans.
t>
··
Mais, si l'on se r 1ppelle que le doU'IÎre mellait un ol>sta~le
absolu aux aliénations tant gratui tes qu 'onéreuses, et qu en
· ·
renon
outre les enfants ne pouvaient ètre douamers
que s "ls
1.
çaient à la s uccession , on coinprendra que les coutnuies, en
.
·
face de ces graves inconvéments,
aient
déclaré i·1c1ï e l a cause
.
écartant , expressément les enfants du douaire. Le douaue
"
-tH-
appartenait aux enfants issus du mariage qui donnait lieu &u
douaire de la mère. Mais,comment les choses se passaient-elles
en cas de mal'iages successif-; ? Le principe général ét-lil que le
douaire des enfants nés d'une union postérièure ne frappa.il pas
les biens déjà afîectés au douaire des enfants du premier lit. Ce
douaire s'établissait: 1° sur la portion libre des immeubles
atteints par le premier douaire , mais seulement pour le quart;
2° Sur les conquêts dont le mari était en possession au jour
du second mariage ; 3° Sur la moitié des immeubles que le mart
pouvait recevoir des ascendants pendant la seconde union. Si
l'on suppose un trois ième mariage, le douaire comprenait la
moitié des biens que le second mariage laissait libre. C'est ce
qu'exprimait Loysel dans cette élégante maxime : Douaire sur
douaire n'a lieu (1)
§ 3. A quelles conditions Les enfants avaient-il1
droit au douaire.
Nons avons dit plus haut que l'enfant ne pouvait prétendre au
douaire qne s'il renonç·lit à la succession. Les qualités d'héritier
et de douairier éta ient con-;idérées comme incompatibles et s'excluant réciproquement. '\Jul ne peut ètre héritier et douairier
tout ensemble, nous dit Pothier. Cette règle fonù:Hnent .le qui
constitue une d ifférence saillante aYec la légit:rne, où dominait
le principe inverse, s'explique, par cette considération que le
(1) LoyMI mst. UI.3J, t68.
�-
~OO
-
donail'e nxait pom objel esse·1Lic: d'·issq1·er h s·1hsist1nce <ies
enfants en 1es melLrnl ü ï l uri de lïnsoly tliilité dL' le 1r père.
Aussi, le douaire s'op• 1os1it- il, ·rnx dis 1103iliu11s à titre 1néreux,
non moins qu'aux libéralités.
C'était, 1linsi qLw le dit Bou1jon, une demi re t'l. le de naufrage pour les enf-tnts. f ] Or, s' ls ;'lvaient du se porter hériti ers
pour recueialir leur rlotnire, ils s'ex pos1ieut aux poursui es des
créanciers, et s'obligeaient ü l'especter les alién-ltions é manées
de leur auteur. Il fa ll,tit donc décider r1uï ls Jevaient renoncer
pour pouvùir réclamer le domire.
l\l<tis, quels enfants devaie 11 ètre co nptés pour le ca lcul du
douaire. La difficulté portait ici non su r les enf i1lts renonç1nts,
mais sur ceux qui acceptaient et <rui tt'.l ient, en conséquence de
leur acceptation, exclus du douaire. Dev 1it-on les c mpter pour
la détermination de la quotité du douaire ? Cette question
n'était p1s moins discutée en l'etle m·ltière q· ..- 1 propos de la
légitime. Sans entr·er dans le ùét1il des conlroverses, nous
devons indi luer les solutions génér d ement reçu..:s Trois catég0ries ùe personnes ne liguraient 1ns dans le c·llcul · c'ét·1ient
les indignes, les m )l'ts ciYilement, el les enfants préùécéJés
sans postérité.
Toutes le;; ;i.n ' re:; étaient compté ; et c'es tcl'après leur nombre
total qu'on fix<tit le doll'lir · d sti11é à ê tre part'tJ é entre les
ayants dr it. Ceux qui 1ccepl 1ie11l el ceux qui ren!)nçaient ét lient
compt és, c11· le lou ·tire réprése11l lit po11r ces derniers la part
hérédit ire qu'ils aur:1ie11t recueillis , s'ils se fussent porlés
hériliers. Le dou ... ire <!lait comme une indemnité ùe b su ces1
(1) Douaire eh. I. n• t,
-%tl1 -
sion répu1iée. M1is , l'enfant rpi 1ccept1it ne pouv'lit pas criti
quer les contnL.; ü lilre onére.1x l tih p 1r le p re rehlivenient
aux biens ~np , 1é , p·u· le rln 1 ire. E.i l'.e (Ili touclie les impulatioiis que comporU1it le c1uu 1ire, les rèJl e ~ étaient les mêmes
qu'en matière de légilin1e. Su r CP. pu inl, donc, nous nous bornons à rem·oy, r aux ex pl ica lions rlé1a fournies. (1 )
Enfin, e dDU'tire entra1rnit, la s·tisine dans 11 plupart des coutumes, nl'liS :- en'ement en ce rp 1i concerne les biens non aliénés
par le père. Les l.Jien-; idiénés devaient ét1·e reYeniliqués contre
les tiers. Le décè:> du père étai le seul évènement qui donnàt
ouverture 1u dou·1ire. Jusque là, le père en restait propriétaire ; car, les enfants dou.iiriers pournient prédécéder et perdre leur droit au douaire. Aussi, <lisait-on avec r,iison 11. jamais
« mari ne paya do111ire. » (2) Mais, dès que le droit s'ounait
au profit des enfants par leur Sllrvie au père, il devena t transmiss i J~e à leurs héril iers, fu i, c>mme eux, devaient renoncer,
s'ils voulaient rl:clamer le douaire,
§. 4. -
E,Tefs et sanction du douaire
Le dou1ire aY:iit pour etTet essentiel cle transférer aux enfants
la propr été des choses qui s'y troll\·aient comprises. Le
partage se C..k1il ég·tlernen1 s·ms prél'Og1tive d'ainesse. Les
dettes él'lie11I s 1ppo1 tées p·H le n 111irier proporfonellewent
à la p1rt sur 1iquelle portail le douaire. Quant à la sanction,
(1)
~11pr:1
p. 188
('2i) Loy~l. l. Hl. i.
�- tot -
elle düYérait suivant que les biens sujets au douaire étaient
restés dans les mains du père ou avaient été l'objet d'aliénations. Au premier cas, le <:louairier exerçait l'action en partage.
Au second cas, il procédait par la revendication , en commençant par la dernière aliénation, et en remontant des plus
r écentes au plus anciennes (2).
CHAPITRE Il
F poque Révolutionn a ire ou Int ermédia ir e
Les successions et les dis positions à titre gratuit sont trop
intimément liées au régime politique, elles e xercen t sur ce
régime, une influ~nce trop directe et trop profonde, pour que la
Révolution, en même temps qu'elle créait un ordre de choses
nouveau , n'apportât pas à la matière qui e.ous occupe de
graves modifications. Les actes législatifs de l'f°·poque révol utionnaire rela tifs aux successions et aux droits des h éritiers
légitimes sont trop nombreux pour que nous puissions les
pas::er en revue, en indiquer le" dispositions importantes, les
juger et les apprécier tous , comme il conYient. Nnns devonc;
donc nous borner à !'nire conn1ilre 1 s grandi>s r~· for111e:; <le
celle époque qui constitue comme un tra it d'union entre
l'ancien droit et notre légis1a lion t0oderne
('l). P uthier. Dou:i.ire n. 190 et 341.
- SOI -
· L'éga lité est, comme le dit un auteur, la panacée du droit
révolutionnaire. Les législateurs de cette époque ne voient pas
de moyen meilleur pour favoriser les mariages, entretenir
l'esprit de famille, éteindre les ja lousies et les haines, répartir
sagement la propriété, disséminer la fortune, ,1ssurer Je corn·
merce, l'agricul ture, et, mieux que cela, relever la moralilé.
C'est à ces principes égllitaires qu'il fallait ramener la légishtion snr les si 1ccessio11s et les donations soit entre vifs, soit
testamentaires. 0 ·1 y a rriva rn pid e ment.
Le l aoùt 1789, l'Assemblée abolit la féodalité. Il n'ex iste
plus de fiefs, ceux qui en son' prnpriét1ii·es les conservent. ~ais
ces biens cessent d 'èlre r égis p 1r les lois féodales. ils sont placés sous l'em pire des lois de la propriété foncière. La loi du
15 mars 1790 aboli t les droits d'amesse et de masculinité et
prescrit l'éga lité dans les partages de succession. Cette loi, qui
p osait un principe, demandait à être développée. Le 11 mars
1791, Yfel'! in, qui avait été le rapporteur de la précédente loi,
apportait, sur la matiere, un projet complet, r édigé selon tes
vues nouvelles de l'Assemblée. Mirabeau mourait le it· avril,
et l'Assemblée, r éunie le 2, écouta le discours que le tribun
avait prép ar é sur la loi, et qui fut lu par Talleyrand, l'ancien
évêque d'Autun. Mirabeau y critiquait passionnément le droit
de tester et y glorifiait l't~g1li té. es idées se refléteront bie ntôt
dans la loi fameuse du 17 Nivôse an Il . Cependant, l'Assemblée
n:üionale r1ui a' ai t écoulé, d111s le silence de la consternation et
de h stupeur, cette œuvre élo rucnte, mais haineu e et passionnée, ne conclut rien et se réunit quelques jours après. Robespierre exposa h même thèse, dans la séance du 5 avril, mais sa
rhétorique verbeuse et sèche empêcha l'Assemblée de s'égarer
�••
-
dans les sophismes qu 'il développait et ne fit accueillir qu'un
des vœux de Mirabeau , l'égalité des partages (8 avril 1791 ).Rien.
ne fut décidé sur le pouvoir testa mentaire. C'est, pourtant à
cette même séance du 5 avril, que Je président, T ro11chet, 'oulant établir la prépondéra nce de la transmission de la loi s nr
celle qui é mane de l'h omme, disait que la lôi de n .ture, ayant
créé l'h omme mortel , borne son droit de propriété à son ex istence; que le droit de transmettre après lui est une concession
de la loi civile, fondée s ur l'intérêt social ; que la loi peut régler
le droit de transmettre, quant au fond et quant à la forme; que
la propriété est m oins un droit qu'un fait; e nfiin que l'homme
si on le prend dans l 'état de nature, qui est son ét.it prit'n itif, n'a
point le droit de tran::;metlre sa propriété a près son décès.
Brillants soph ismes échappés à une belle in tell gence que les
séd uisantes théories Clu Gontrat Social et le st yle n1 agi<1ue de
Jean-JacquesRoussea uanient éga rée loin de la vl- ritl: e tdes vrais
fondements d 11 dro it! L'homme est un ètre sociai.Jle et socia l. Ce
n'est pas en vertu d'une conventi on, mais en vertu de sa n1ture
p1•opre, de son essence qu'il v it en société. Le droit de tester
n'est pêls dava ntage une concession de la loi posilive; il a son
origine dans le droit naturel. C1r, s i le trava il est le fondement
de la propTiété, si le besoin de vine, d'agir, de dé,· lopper les
facult~s de notre ètre, nous porte a la peine et au labeur. si, en
un mot, la propriété est, comme on l'a dit, le prolo1)gernent d.e
l'activité et de la liberté humaines, l'homme doit pouvoir touj ours disposer de ce qu'il a acquis, entre vifs ou par testa me il,
et, ce droit primordial et sacré, il le pui-e incontestablemenl
dans la loi naturelle. La loi civile ne fait que prrter la rnaln à
l'exécution de ses volo'ntéR.
!01 -
Elle reconnalt et consacre ce poU\•otr de tra nsmission testamentaire, h au tement proclamé par le droit n1turel , el s111s le 1ue1
la prnpriété serait délJouillée d'une de se~ phis essentielles
prérog1.tives, celle dont l"h0mm e e;l, à jns telitre,le plusj1 loux,
le 1Jroil de libre disp1si tion . M tis, souten ir q11e h loi positi ve a
ici un rôle plus i1nportan t, qu'ell e ne constate pas seulement le
droit de tester , qu·elle le crée v.:: r ilablement et 'e.1 permet sou_
verainem ent l'exercice, c'e::.t a Ier contré les notions les p us
cerhines, les pr ncipes les plus inconlest. b'cs du droi t naturel ·
En ce cas, la même loi qui a créé la 1iberté de les ter, peut, sous
1è triste paétexte de nécessités sociales, a oolir cette li.>erlé,
refuse r à l'homme tout pouvoir a u-delà de son e xistence,
méconna tre, s i s1ges q11·e11es puis ent être, ses dispositions
derni.!res, disposer arbitrairement de $ 0 11 patrimoine, de ce <]u"il
a acquis par une longue vie d'e travail et de S:tcrifice, de Ce qui
lui est peut-êlre Je plus c her
le p lus précieux. Cela cependant
sera it logiq ne. La Conven1ion, s i Join qu'elle a i't été dans cette
1
voie et s i désireuse qu'elle pù L é tre ;l e délruirej us qu ·aux der1
nieres traces a·un passé qui , â coté de misères réelles, avait eu
d'inco mparables gran'd eurs, b Convention, disons-nous, n 'a pas
osé aùolir a bsol um e nt ce droit précieux et sacré, droit qui
1
affirme, plus q u'aucnn autre, la personnalité humaine, et que
Le ibnitz r lltache quelque p-irt à 1"1mmortalité. Mais, tomme on
1
va le voir, élle n·en fu t p.is éloign .!e.
1
et
Ce f11t donc Je 8 avril 17 Jl que fut portée la loi êtabliss~nt
1•ég1.lité entre les h éritiers al> in testat de la même 'fan ille.
L'1ssemblée éviL·1it cle se pr noncer relativement a u drtiit de
t'esle1·, s ur lequ'e\ ~Iir.ilJe·rn, d·111s le grand discours posthume
dont uou~ p arlions, avait e:.posé dei idée1 d 'une tà'usiteté mani-
�- 206 -
reste. Elle n'accueillait pas non plus la minime quotité disponibÏe, un dixième des biens qu'il proposait, tout en demandant
que cette quoti té ne fut j'lm'lis dis ponible au pl'ofit des enfants,
L'ass emblée légis htiYe ne p romHlg ua q n'nne loi a yant pour
o!>jet d 'interdire les substit utions . (21aoù t179?).
C'est a la Convention nation:tle qn'éla it réservé le tris te
honneur d e réaliser, en les exagéran t, les Yœn x d e Minbean.
r ar une loi dn 7 m·us17'.1:~ 1 ellepro l 1i be toute disp osili n i:,nluite
au pro•H d'un enfant, par clona!ion entre vifs, p·11· Lestlmelll ou
par inslitu!ion ron lrarluelle.
Puis. vient 1, loi du 5 brU'1l 'l tre an Il. qni durn de ux mois et
quelques jours et fit place ù h loi <l u 17 Nivôse, an U dont nous
devons donner 1'économie génér a le :
Elle relève les religieux et relig ieus es de l' incapacité que
p rononpit con tr e eux l'ancien d roi t (art. 3).
Ell e oblige au rapport, nonobs tan t toutes dis penses , les
enfants,ascend·mts ou collat ér a ux. qui sont a ppelés à la succession
de leur pére, mère, ascendants ou pa rents quelconques (art. 8.)
Les s uccessibles doiYent partager égalem ent. La renonci:\tion
qu'ils feraient ne les a!Tranch i' p 'ls du r apport de ce qu'ils
auraient r eçu à titre gratuit ( m èrue a rt. 8.)
Le dispor1iJ!e est fi xé au di xièm e d es biens. s'il y a des
h éritiers en ligne d irecte ; a u s ixième, sïl n'ex iste que des
colla té ra ux, sans que le.; héritiers na turels en puissent Ja mais
{>Ire gr·1ti.1~s r 1rt. 16.)
Toul l! cJi-;ti'1c'ioll cafre rorigi e eth n 1\ ure des uiens ro ur en
régler h tl .'Yo ulion e.sL s up pri111 ée. (a1 t. G:Z, .
La représentation est ad m ise à l'infini en ligne directe descendante (art. 64 à 68.)
!07 -
A défaut de d escendants, la s uccession passe aux ascendants,
et à défaut de ces derniers, aux c llatéraux, (art. 63).
Mais les ascend ants sont toujours exclus par les collatéraux
qui de!3cendent d'eux ou d'autres ascendants au même degré
(art. 72-76).
La représentation a lieu a l'infini en ligne collatérale (art. i7),
et la succession s'y p'lrtage en cl eux branches, l'une pour la
ligne paternelle, l'autre pour la ligne maternell e (art. 83).
Enfin, la dis posi tion de cette loi concernan t l'égalité des partages était déclarée applicable à toutes les s uccessions ouvertes
depuis le 14 Juille t.
Trois dispositions d e la loi de 1i \•ose ont s oulevé les critiques
les plus vives et les ;Jlus justes. C'est d 'abord la dispos ition qui
fixe le dis ponible a u ta ux minime et déris oire d'un dbdème des
biens, s 'il y a d es enfants, d'un sixièm e, s'il n'y a que des collat éraux. C'e<Lens uite, la défense faite au pére d'a vantager de ce
fai ble disponible l'un d e ses h éritiers directs , an préjudice des
autres . Et e n d ernie l' lieu , c'est la r étroactivité a ttachée à la
règle qui prescrit l'éga lité des p:irt::iges. Il n 'es t pas d'autelll' qui
ne s tig:n a tise h consécntion législat ive de ces idées ha ineuses
léguées à la révolut ion p'lr le dernier d iscours de Mirabeau.
« La loi de h Con vent ion, était, di t ~I. R agon, wrn ma u\•ai se
<1 loi. P ar 1a rétrnacti vilé de ses disposit ions, elle était u n m o~ nument de haine insensée en,·ers les cih .. yens. Par la r epré <1 sentn tinll e Jhténle
po 1ssée jusqu'ü lïnflni. c'e-l-à-dir~
1
c< jus lll°il !'·t
:urd <, è le fr p 1 :1it il pl'opritlé dïntert.lud·~ et la
« menaçait, l' dissolution. Le d l'oit de dis1 1osition y était res« Lreint à u ne portion ridicule par son exiguïté, p ortion qu'il
c était m ême défendu de donner à un héritier. Qt1elques. idée!
�-
~oè
-
heureuses, <mxq11elles le co<'le c'\'il 1 <'lonné une forme ~nva n te,
c ne nchel1ient p s assez res vices norn!Jreux rie !a loi de
c ':-\ï\·o~e pour 'ltù :! le p:. t seu!e meot tenir ju::iqu '<) la rrornulc g 1Lio11 rle ce code. »
c:
)1. Fretet n·est p1, moin•; sévère : « La loi de Nivôse en
« enlenut à l'ascenrl :inL ie clroit de léguer le rli ~po11 i 1le a l'un
c de ses enf'tnts, le privait alJs dument de la co11solalio1; de
poun·oir, a u seuil de h mort, a l'11Yenir rl e S'\ fan iil e, rie
« réco mpenser l.i piété ftlhle. rl e rép1 rerer les inég1l iles d'apti« tudes, les coups de lïnforlune ; elle 011lngeait l'auto; ilé
c paternel e, en l'l \ iol nl ·rnt dans e~~ a fiedion s; elle se mait la
c déti'lnce, lïns u Jo rdi1nlion d'lns 10s rehlions do mestiques, en
c dé-arm ant le père ét en débr idan t les enfants.
c Ce le lür tariss1it a uss le doux commerce rl e h b'enf1 is1nce.
c: Une r ersonn e, qui n'·1va i1. ni de'>cendants, ni ascendants
~ n'avait pas la liberté de donner s·i fùrt11ne à a n pt rent ou à
• un am i dévou.is ; h loi lui i111pos·1it des héritiers pour· la
c presque tot a lilé de sa fortune, car les fraclio .1s du dixième
« et du sixième él3.ient tlél'isoi res. l>
De p1reilles lois, on pe·rt le dire, so nt un vni fl d'lll pour les
peuples snun1is à le ur ernpirt! i\his. e11r durée est comte. et
ne s11 vil p1Jint aux sentime•1•s rle h tine me.:;'l·line el p1ssionnée
qui l ~s ont in spirées. Le Cons11 ht qui s nccé l 1i t au Directo ire
apporte à cet étal de choses les re111èclt!S nécess tire5 <hn'3 a lo i
du IV Germina l an VITI qui e ·l le po int de tr·11is iti •11 entre les
lois de h Convention et le Code c ivil. Celle 101 é enrl, quoi'lue
fai ,:ement le disponi .le. Elle n'··lCl;o1· le de ré.;;erve q11'1u>..
co1la léraux les plus proches. Elle aulori-;e le do n du dispoui ... le
1 'ùn d~s enfant.$ ou hëh.iers diretls 1 (art. 5).
c
a
L'art icle 1er de h loi fix ée l'l q11otité dispon!b!e ainsi qu'il
suit: <1. 'fti ;ites li1Jé1"tlilés faites soit p1r a~ le entre vifs, soit
(< p11.r
cle .l e cl erni èn vo:on té , rhn · les formes lés tle&, -;eront
~ Vlhblt!S. l1JrS {U'elles n'exc0dM01Jt Jl'lS Je qu:irt cle.; uiens
« di ·li -;p os1 1t, s ï 1 la;s.::>e à SJl1 décès moins de qu1t1·e en ·ant.>;
« le cin p1iè1 11 e, s'i l hi sse qu1tre vn ·ants; le s ixièrne, s'il en
« hisse cinq, et a ins i rie sui te, en compt'.rnt touj1 1urs, pour
« dé1ert11iner l:.t portion dispon ble, le nombre des en :an s, plus
« un. »
Si le rlé~u•ll his e de ' p1re ts à un degré plus éloigné que
celui de cousin~ germains, il a l'entière disponibilité de ses
bien,;.
ff,, près h même loi (art. 5) le successib'e avantagé par préci1mt, a u r réjudice de~ a11tres peut, s ïl accepte, retenir sur la
dou .tion, s1p 1rl de :-é;;erve et l t q•11Jtité disponible.
S'il renon e, il n'a drnit qu'à .a '1uotité di ponilJle. C'd1it. on
le voit, uue di.Té rence p.-ofoncl e avec les co .tumes de notre
ancien d1-.1it, princip ·tlern ent celles de Pa ris et d'Orléans, qui
autul'istient l'en:·rn t d1>n l'lire renonçrnt à retenir rumulalivement la cruoti lé disponibl~ et s1 p·u'L d:rns 11 légit' me,
Kous 1v0ns .1nsi r1pid emenl 111is en lumière les trl il<> ~ail
la ts de l:i législ..tion inte r111éili:.1 ire sur notre sujet, et nous
a rri vuns à l'élude du d ruit actuel, qui se trouve contenu dans
les a rtides 913 à !);W du eut.le civil.
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�- 2t0 -
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.,
'
DEUX1 EM11J
PARTIE
DROIT FRANCAIS ACTUEL
Code civil (art. 913-914-915-916-919.)
DE LA PORTION DE BIENS DISPON!BLE
SECTION 1.
Notions générales sur la réserve De la nature de la réserve.
On a dit p lus d'une fois que le code civi l fut une œuvre de
trausaclion et de conciliation entre les opinions o •posées, les
idées adverses, el les élén1enls légis' ti f:> très-divers qui agitaient, à cette époque, notre p1ys. la11nis pRrole 11 e f11t 111ieux
justifiée, el l'on peut ajouter que, dans aui..:une mali~re <lu code
civil, la vérité de ce jugement n'éclate plus que dans la matière
relative aux pouvoirs du père, et aux. droits de la famille. Le
législateur de l'au XII avait devant lui l'imposante autorité
d'une tradition vingt fois séculaire. Aussi, ne mit-il pas un
ins ta nt en doute le droit, pour certains parents, de recueillir,
uonobstant toutes disposilious contraires du défu nt, une certaine partie de la s uccession, qu'ün avait appelée, clans la législation ronnine, la légitime, et dans notre ancienne j uris prudence, tantôt la légitime, tantôt la r éserYe coulumière.
Big it Préameneu, dit form elle.nent, au début de son exposé
de motifs, dans la séance de 30 Nivôse, an XI. a Quoi<Jue le
« droit de dis pnser de ses bi ens ne so it que l'exercice du dro it
« de propriété, auquel il semblerait, au p remier coup d'O'il, que
« laloi ne devr'..lit, en aucun cas, porler a lteinte, il est cepen« dant des bornes qui doiven t èlre posées, lorsc1ue les senti(( ments n:iturels et l'organisation sociale, ne permettent p:is à
« celui qui dis pose, de les franchir. i>
Mais, H fallait se tenir également éloigné du passé qui avait
vécu , et-dont les ins titutions n'étaient plus en h armonie avec
les idées nouveUes, et des tris tes écarts de l'époque révolutionnaire, qui avait outragé, dans ses lois, Io droit Je propriété et
foulé aux p ieds l'autor ité paternelle. li fallait apporter uue
ŒU\Te nonvelle, conforme aux vrais principes et qui sût
con, ilier, dans une s~ge me lll'e, l'autorité et les pouYoirs rlu
père avec le ùroit clcs cnf-lnt" s ur les bien .,tle 11 famill e.
Du r. :1port rr11e (lt, sur ce point, M Bigot-Pr~amenen , ~ e
dég:ige·11ent trois idées : (1 )
r le droit des cnf1r•ls à t ne réserve. Ce droit, le legishteur
le rattachait, sans hé::,iler, à la loi na turelle.
(I l Feo. t. tom. Xll p. '!U.
�2• le droit des ascend,ants t! une réserve. lei, Bigot-Préameneu
1
'
1
1
fonde 'plutôt le~drnit des asrenrhnts s ur le devoil' filial que sur
'
'
une obligatio·1 dérivant du droit 111.turel :
3° Le droit des frères et sœ•1rs à une 1·éserve : ce droit se
.
, ),
justifie, par h nécessité, de lllainlenir. entre les l}le,m lJ~es d'une,
n1êrn~ fa llille, des liens d'amitié, des causes de bon accol'd,
des relations élrniles et symp1. ~'1i rues.
Quan t à la q1iotité, ell e devait être invaria~lement:
,
'
.
rles tr Jis qu1.rts, en f1veur des enf mts;
De la moitié, en fweur de · ascendants ;
Du qua t, en faveur des fr.!res et sœurs.
Des discussio11s s'élevèrent sm cec; divers points. Mais, on
n'eut pas de peine à :-'entend re sur le princi.1e d'une régerve à
accorder aux descend ants. La ra bon. l'afTeclion, la Vl)ix de la
nature, les devoirs i111péri ·ux de la p1.lernité, proclamaient
hautement que celui qui a clo~né la vi~, est tenu d'e f9urnir les
m yens nécess1ires pour l'er)' retenir et 1.1 con.;;erver; que, si
sacrée que puisse cïre la souveraineté du propriétaire, elle es'
nécessairement li111it e p·1r s 1 àette envers 'ses enfc1 nts. On
ai·cept'l aussi, presq•ie ur1·1ni111ent, le droit des ascendants à
un-! r..!serve d tns h sucèession cle leurs des cen1.h11t-;. Les
enfants, dis iit le r 1p;) 1rlenr , sont te1111s envers Jeurs auteurs,
de ce rnême ev •ir qui inco1nbe aux p1rents envers leurs
enfants : Pietas el co .• n111ise1·,di0 idem officium libcris Cl'f}a
paren•es inj1111oit, disaient admirablement les lois romaines.
Mais, une vi\·e controverse surgit, lorsqu'il tut qnestion dr la
réserve des frcres et sœurs. Porblis, lors de la discussion au
Conseil d'Etat, combatliL énergiquement le principe de la réserve
Ill Hine collatérale. • Vainement, disait-il, fait-on valoir le•
'T
1
- 213 « liens que la nature :\ formé-; enirn les fri~res ! Ce ne sont pas
« là des motifs de gêner la disposition d'un testateur. Si son
c: ra · ri111oine 1 ient ùu pèr~ <·omm· 1n, ce3 frères ont eu leur p tr
c1 et n'ont plus rien à y prétenùre. S'il l'a 'lcquis pil r son indus« trie, comment lui en r ..: fuse1· h libre disposition? Ce droit
u est une suite nécessaire de sa propriété. Les liens de la
« famille 1 ils se resserent, par les ég1rds réciproques de ceux
o: qu'i ls unissent, par le doux commerce de bienfaits, et p1r
« l'intérêt mutuel qu'ont tJ us les rne1nbres de la famille de se
« mén~ge ·. lïnté rêl , comme la crainte, est le commencement
o: de la sagesse. >J
Ll section de Jégislati n, malgrè cette opposition. était
farnrabie aux projet. Mais, le Tribunat, dans de remarquables
obsen ali0ns, fit ressortir la différence profonde qui existe
entre les descendants et ascendants et les simples collatt:!raux.
Il déclara qu'il n'y avait pas lieu, en pré~ence de collatéraux, de
porter atteinte au droit sacré de propriété ; que les liens de
famille, loin d'en souffrir, r. 'en seraient que fortifiés , car l'homme,
sans enfants, aura moins à cr,1indri> la froideur et les mauvais
procédés de ses collatéraux, lorsque ceux-ci sauront qu'il a
pouvoir de les en punir.
Cette réserve !ut, en conséquence rejetée, et les seules personnes admises par la loi à une réserve sùni les descendants et les
ascendants. Faut il regrPtter qul.l le législateur ait écarLé les
collatéraux du droit à la réserve, et devons-nous décider qu'il y
a là une lacune qu'il sera!l désirable de voir comb.er? Bien dl'!s
auteurs l'ont pensé. Sans nous étendre sur ce point, noHs ne
croyons pas que les raisons apportées par les partisans de cette
réserve soient asse?. puissantes, pour que l'on puisse, sans danit>
�-2H-
-- 2f5 -
ier, mettre une restriction au droit de libre disposition du
propriétaire.
.
.
La réserve, il ne faut pas l'oublier , est contraire à .la pro:,riété
·
Sil est
et aux pouvo11·s
qui· en sont nne suite nécessaire.
.
bon , sïl est juste, que le droit de prop n été t~ut sacré
qu··tL est, s·ou rrre u11 e atteinte et flél'hisse devant le. droit des enfants et des ascendants, il faut se garder de le décider de mème
lorsque les molifs que l'on peut alléguer•
au cas qui. u ous occune
l' ,
ne justifieraie:~t pas sufJisamment cette dérogation. ~n ~ffet'. s1
le seul fondement du droit à la la réserve est dans 1 obhga t10.n
qu'impose aux p arents le fa it de la procréation, et dan~ le ~evo1~
d'assistance quefait naitre pour l'enfant le lien tout particulier .qui
l'unit à son auteur, il n'est pas possible d'admettre que de simples coilatéraux, nés à côté de nous, mais non par notre œuvre ,
aient un droit sur nos biens et puisse réclamer une réserve sur
notre patrimoine?
.
Vainement des auteurs soutiennent-ils qu'établir cette ré'
. .
serve serait honorer la famille, rendre hommage a u principe
'
. ?
de fraternité,
encourager les sentiments da concorde et d' um~n
rien n'est plus douteux . Certes, nous sommes partisan déd1dé
et convaincu de la réserve héréditaire. rous en demand ons,
avec la arande majorité des jurisconsultes et des moralistes, le
maintie~ dans notre loi moderne. Peut-être serait-il bon ~'éten
dre la quotité dis ponible , pour éviter l'un des plus graves mconvénients de notre système actuel, le morcellement indéfini des
propriétés. Mais, le principe de la réserve est incontest::ible, et
toute tentative qui serait dirigée contre lui est d'avance et fatalement condammnée. Mais, nous ne cr oyons p as, nous ne pouvons pas croire que l'esprit de famille en soit fortifié, que
l'amour filial en soit a ugme11tP.. que r autorité paternelle en soit
plus forte et plus res pectée. Comment la ce:titude où est l'enfant que son p ère lui doit une pmtion du p1trimoine, que cette
portio n, il l'obtiendra, quels que soient ses torts, son inconduite,
son ingratitude rnème envers son a u teur, comment disons-nous,
celà pourrait-il augmente!' son amour , son dévouement et son
respect envers ceu.\ de qu i il tient la vie! Et sïl en est ainsi pour
un fils, en pourrait-il être autrement pour un frêre vis-à-vis de
son frèl'e?
•
{<
~
«
«
«
Ecoutons le grave Tronchet:« Il est à craindre que les neveux.
s i on les admet à représenter leur père, pour aYoir droit à la
r éserve dans la succession de leur oncle, il est à craind re ,
dis-je, qu'ils n'ou ulient leurs devoirs, si la loi leur assure irrévocablement une portion des biens de leuroncle.Ils les rem pliront, au contraire, s'ils sont obligés d'acheter ses bienfaits
par leur att:lchernrnt et par leur respect. »
C'est, pour ces raiso ns, que nous Cl'oyons devoir repousser
l'institution ci 'une résen e au profit des frères et sœurs et de
leurs des1.:endants. Ces notions pren1ières exposées, nous devons
déterminer, avant d'aborder ! 'étude des articles et des textes,
quelle est ex::ictement h n..iture rie la ré:;en·e sous le Code ei\·il,
à quel titre et en quelle qmlite elle est recueillie par les parents
que la loi appelle a en béntdh:ier.
Est-elle, comme la lég'time rom::iine , une quote p1rt des
biens, un droit individuel aux Liens, attribué. jure sanouinis,
à certains parents privilt:\giés ? Est-elle an Cllntraire, comme
sons notre drnit coutmnier, une quo te part <le l'hérédité, à laquelle auron t seuls droit les descendants et ascendants qui viendron t affectivement à la succession ~
�-
2ti -
C'est une des questions les plus vivement débattues de cette
matière fertile en controverses fameuses.
Les deux solutions ont été soutenues et ont eu chacune des
champions énergiques. Nous cr0yons devoir nous ral'.ier à la
second,e, qni a, d'ailleurs pour elle le s uITra ge des auLeurs !es
plns oonsidérables, et qui a définitivement tri0rn 1)bé en .iurisprudence.
QuP. la réserve de notre droit moderne, soit comme la légitime dP.s pays coutumiers, une portion de biens à laquelle les
ayants droit ne peuvent prétendre, qu'en se port.rnt héritiers.
c'est ce qui parait hors de doute.
Oi>servons, d'abord, de quelle façon, le législateur procède
ponr déterminer la réserve'? Ce n'est pas la réserve que les
articles 913 et 915 fixent directement, mais la portion disponible , celle dont le propriétaire p l)urra librement disposer, suivant qu'il laissera tels ou tels héritiers. Quant à la réserve, la
loi ne s'en occupe pas. Ce n'est qu'indirectement, et par voie de
conséquence, c'est-à-dire par la limi tation de la quotité disponible, que la réserve se trouve corrélativement et tacitement
déterminée. Celte réserve reste où elle est, dans la succession
ab intestat. Le législateur ne l'attribue pas d'une façon exp··esse
à telle ou telle personne. Quelles règles gouverne ront donc la
transmiss ion , l'attribution , la répartition de cette quotité indis·
ponible, sinon les règles de la succession ab intestat ? Et
la première condilion pour avoi r dl'oit à la succession ab intestat
n'est-elle pas d'être héritier? De même, pour av .. i1· dl'oit à la
réserve, il faut jo ndre, à h q1nlité de parent, le titre d'héritier.
ci Les articles 913 et 915,dit M.Dernolombe,supposentla voca' tion des descendants el des ascendants antérieurement établie
« et ila se bornent à s'y référer. •
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2t1 -
• Or ,cette vocation n•est établie au profit des enfants, que par
c l'article 74.5 et,au profit des ascendants que par l'article 746
« Donc, ce n'est qu'en vertu de l'article 745 que les enfants
« peuvent réclamer la réserve, comme les ascendllftts ne peuvent
« réclame1· la leur, qu'en vertu de l'article 7-16
« C'est-à-dire seulement en qualiité d'héritiers l »
Cette doctrine s'appuie. en outre, sur de nom breux tex.tes qui
supposent, toujours la qtnlilé d'héritiers chez ceux qui sont
appelés i1 recueillir 11 réserve. Ainsi l'article 915 décide que les
biens réservés au profit des ascendants seront par eux J"ecueillis
dans rordre où la loi les appelle à succéder. Ainsi encore,
l'article 917, se référant à certains contrats particuliers, tels
qu'un usufruit ou une rente viagère dans lesquels l'intérêt
engagé excède la quotité disponible, dispose, que les héritiers
au profil desquels la loi fait une réserve, auront l'option entre
rexéculion de ces contrats ou l'abandon immédiat de la quotité
disponible. - De même, dans les articles 922, 924, 930, la loi
suppose manifestement que les ayants droit à la réserve se
portent hé1itiers, et que c'est, en cette seule qualité, qu'ils
pourront valable nênt y prétendre. Cette nécessité de la qualit~
d'héritier ne résu lte-t-elle pas, mieux encore, de l'article 1004,
qui donne au réservataire, la saisine des biens du testateur et
oblige le l~ga taire. même universel, à lui demander la délivrance.
Cette doctrine, qui se déduit rigoureusement des textes, n'a
pas échappé à la controverse, ainsi que nous le disions et l'on a
é levé contre elle deux- objections, dont la seconde seule méri~
quelque attention.
�-
!i8 -
On a dit d'a bord que l'article 913, fixe la quotité disponible
d'après le nombre des enfants que le testateur laisse à son
décès, sans s'inquiéter du point de savoir s'ils seront ou non
béritins, il suffit de répondre qu'en règle générale, laisser ùes
enfants, d;ms les te:tes rehtifs aux successions, n e veut dire
rien autre chose que laissel' des enfanls qui succèdent, qui
soient héritiers, et que de nomln·eux articles mettent ce point
hors de doute.
La seconde objection qu'on oppose à notre systéme est tirée
de l'article 921 el des p1roles prùnoncées tant an Conseil d'Etat
qu'au Tribunat, lors de la discu ~siou rle t:e t artide.
Si, dit-on, la résen·e est une p.-utie de la succession, et si ,
pour y prétendre, le réservat·lire doit nécessairement se porter
hériter, les biens qni, cl'apr.!,.. l'article 921, rentreront, p:.lr
l'efîet de raction en réduclion , dans h masse de b surcession,
deviendront des biens héréditaires, et la loi ne doit pas refuser
aux. créanciers du défunt le droit de se p'lyer sur ces biens?
:\ons Yoilà ramenés ü la g rande dHTiculLé, à ce grave et sérieux
inconYénicnt u que tons ceux qui aiment l'éqnité Youdraicnt
bien sunno"' ter )) comm e clisa it Hic1rrl. :'fous avons vu quels
effort, elle l coûti1s à nos nnciens jurisconsultes, q uels remèdes
cliYers ont été proposés.
Gu,- Coquille vonhit qni> l'enfant se portât h <'ritier en sa
légim e seul ement. Solutio11 arl1itraire et 11ui nejnslilhit même
p1 s, en l'ogiqne, l'a1franchi<>sernent des dettes! Dumon lin,
d'après nous, av1it br \\·e.ne11t accepté tontes les con,équences
du princi.1e: .Va 1w /er1iti 11 ln h -tl1nf , m.~i 711i hŒr'es est.
D'a près ri'aui1·es, il rens lit 11nc le l<'.·gitimaire n'ayait pas
besoi.i d e prencli0 q111lilé, q11ïl n':n·ail ni à accepter, ni a répud i0r la s uccession.
- ta Ricard avait proposé le bénéfice d'inventaire. Remède encore
insuffisant 1 car l'effet du bénéfice d'inventaire n'est pas de
p rotéger les biens de la succession contre l'action des créanciers
h éréditaires, mais seulement les biens personnels de l'héritier.
Pothier acceptait n éanmoins cette solution, mais il y apportait
l'argument d'un vrai jurisconsulte, en faisant remarquer que
le droit q u'a l'héritier d'obtenir le retranchement, lui vient,
n on du défunt, qui ne l'a jamais eu, mais de la loi, et que les
choses retranchées sont définitivement sorties du patrimoine
du de cujus, et par suite, du gage de ses créanciers.
Nous arrivons au code civil. La même difficulté se présente,
et le Conseil d'État, après une longue et importante discussion,
" séance du 5 ventôse an XI) décide « que les créanciers de la
<< succession peuvent exercer leur action sur les biens que la
« réduction rend au légitimaire. •
Mais, c'était l'anéantissement même de la réserve 1 celle-ci
devenait illusoire, puisque le réservataire perdait d'un côté les
biens qu'il a~ait repris de l'autre.
L e Tribunat ne devait pas accepter et n'accepta pas una
pareille solution du problème. Il fit remarquer que l'action en
réduction est un droit purement personnel, qui est réclamé par
l'individu en sa qualité de légitimaire, abstraction faite de la
qualité d'héritier, qu'il peut prendre ou non. (séance du 12 ventôse an XI . Sur ces obse rvation-:, le conseil reYint sur sa décision première, et l'on adopt:i. unanimement la rédaction qui est
dernnu e l'art. 921 du code civil.
Mais les adversai1es d'J système que nous exposons s'emparent des paroles prononcées par les orateurs du Tribunat, et
en tirent cette conclusion que la réserve n'a pas le caractère dt
'
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droit successoral. Un 1\Uteur éminent, M. Troplong, expose
longuement cette doctrine. D'a.près lui , dés observa tions des
orateurs, de b discussion qui les précéda, du tr iomphe des
idées du T1jil.iu!1a t, se dég1ge la ~onclus:on que l'enfant n'a pas
besoin de la qualité d'héritie r pour exer cet· l'action en 1·éduction ; quJ ce n 'est pas, en eITet, da ns ce cas , la s uccession qu'il
appréhende ; quïl n'est enfin qu'un créancier agissant, J ure
p1·op1·io, en sa qual ité d ·enfanl, et exerçant un privilège que nu
autre que lui ne pourrait exercer. (1)
Nous repou"sons a bsolumen t ce système qui con ti·arie, de la
façon la pl us manifeste, la théorie de la réserve ttlle q ue notre
loi ciYile l'a consacrée. Certes, si la 1-.1ison par bquelle le Tribunat combattail ropinion du Conseil d'Ét:i.t sur le d roit des
créanciers hérédi taires p ar rappor t a ux biens atteints par la
réduction, était la cause qui avait déterm iné h modifleation
de r a rticle H~l , nous n hésitel'ions pas à accepter les conclusions
de n0s contra.iic:eu r-; et à y donner notre adh ~sio n . ?-.h1s, rien
n'est moins certa in et, ponr s'en convaincr e. il suffit d.,: lire les
çonsidératiqns judicieusement exposées par T ronchet qui amenèrent le Conseil ct·~; ta t a accueill ir la de mand-a du Tri rn nat,
Re.prenant les idées de Po lh ier, T ronchet démontra que les
biens repds p1r le r éservat1irc, au moyen de la réduction
.
'
ecbappent aux cré:i.nciers hérédit:ii res, puisq ue le donateur
s'en était irrévocablement dessa isi de son vivu nt.
Qumt aux réservataires, r1uoiquï ls ne pu i~sent rérhmer ces
biens qu'en quali té dïiérilier:s, né·mmoins ils tiennent ce droit,
non.d u défunt, qui ne l'a j·onais eu, 111 :.tis de la loi seule. Il n'y
a, d ailleurs, aucu9e co11tra lic.:lion il admettre que les descen-
dants ou ascendants ne peuvent réclamer la réserve que s'ils se
portent h éritiers, et à refuser, en même temps, aux créanciers
le droit de se faire payer sur celle réserve.
La matière du rapport nous fournit à cet é3ard un argument
d'anal ogie décisif. L'art. 857, rou r le rapport contient une théorie id entique à celle de notre a rticle 921, pour la réduction. Le
rapport se fait à la succession ; il n'es t dù que par rhéritier à son
cohéritier ; les biens ra pportés sont des choses héréditaires; et
pourtan t les créancie rs h éréditaires n 'ont aucun droit sur eux!
L'ar ticle 921, en leur refus:rnt, comrne l'article 857, tout droit
sur les biens proven:rnl d'une réduction, n'empêche pas que le
titre d.hé ri lier soit nécêssaire pour exercer cette réduction.
De nos dével ·ppements, nous devons tirer de ux conclusions
qui cons tituent no\:'J s~ ::-tl!me :
Pour avo ir dro it à lù réserve, il fa ut être placé par mi les personnes priYil égiées aU>•quclles le législateur raccorde; il faut y
j oindrn néGeSS<:. irement la qualité d·héritier. (1)
Il était impo rt:ln t de metlr.; ce dernier point hors de doute. U
~ ous donuera la clef de nombreuses et délicates questions.
( IJ Troploog. l>o11. et te,L. 2. p. JOJ ~t rnlv.
'
•
... PW' ....
..
(1) ::i.:. !km 4~ ù 1 ~ [ et suiv. t om . .\ flemol. Don et tcsL
Marc. &.rt. 911, n• 53! L.1 HeDt tome XII p. '!J. ~8 .
C. Il. l' 3i
t1
suiv
r
�- !!!-
SECTION II
Des pers onnes qni ont droit à une ré serve
Les parents en ligne directe, c'est à dire les descenda nts et
les ascendants, sont les seuls auxquels le code civil attribu e une
réserve. Nous devons voir, d.ms deux paragr aphes distincts,
ce qui concerne ces deux catégories de réservataires.
§ 1. -
Des d escendants
Les a rticles 913 et 914 reglent les droits d es décenda nts, en
matière de 1éserve légale. l'a rticle 913 porte : << Les libérnlités,
« soit par actes entre- vifs, soit par testament, ne pourront
« excéder la moitié des biens du disposanl, s'il ne la isse à son
« décès qu'un enfant légitime ; le tiers, s'il laisse deux enfanls ;
c le quart s'il en laisse trois ou tm plus grand non b re; 1> et
l'article 91 1 ajoute: « sont comp ris dans l'article préccdent,
o: sous le nom d'enfanls, les d ·scenJants, en q11elque deg ré que
• ce soit ; néanmoins , ils ne sont comptés que pour l'enfant
~ 1u'ils représentent clans la s uccession du disposant. »
- ! 21 -
La loi , on Je voit, n'accorde nominativement da rèserv e
qu'a ux enfa nts et descendants légilimes. Il y a lieu dès lors de
se demander s i ce droit doit être r econnu aux. en fants légitimés ,
a doptifs et natnrels.
En ce qui concerne les enfants légitimés, il est de toute évidénce, qu'ils ont sous ce rapport, les mêmes droits que les
enfants légitimes, auxquels l'article :rn3 du code civil les
assimile co111plètement.
Point de do ute non plus qu'une réser•:e doive être accordée
aux enf mts issus d'un mari1ge putatif - car la loi attribue à
ce m1rhge, déch ré nul, tous les efTets ciYils que produit un
mariage valable à l'ég1rd des enfants (art. 201 -20Z.)
L'enfant arloptif a aussi un droit de réserve, d'une quotité
ég1le à celle de la .>~ .. .... ,le l'enfa nt légitime. L'article 350 lui
reconnait, en effet, << s ur la succession de l'adoptant les mêmes
droits qu'y aurait l'enfant né en mariage. >>
Mais, la difficul Lé est de sa \'Oir sur quels biens !'adopté prendra
s:i réserve ? Sen-ce seulement s ur les biens existants dans le
patrimoine de l'adoptant au te mps de son décès, ou pourra-t-il
fai re opérer nn retranchernent mème sur les donations entre
Yifs et les inslilulions contnctuelles ? DelYincourt a soutenu la
pl'emière op inion , et a décidé, s'app 1yant sur les expression~
de la loi << il ()"adoplt>) ama >-ur la s uccession de l'adoptant 11
que l'action en ré duction es t restreinte aux dispositions lestament·1ires, et fJl le l'en l'. 111 t adoptif 11·1 de réser,·e que ::-ur
les biens rrui e lrou,·ent d,rns le p;; trimoine de J .1dopbnt au jJ,1r de S 1) , 1 d t!c~s. 11) ~fais, celte interpréta( l) fome I p.
~6
nute
~.
�- tntioo a fait peu d'e partisans. La majorité des aute urs
décide -que I'adop1é a une réserve égale à celle de l'enfant
légitime et que cette réserve po1 te tant sur les biens laissés
au décès que su r les bie is donné;; entre vif,;; ?
Il faul a ller pl 1s loin et 3dmettre, qu .i 1u'on l'ait contesté, que
radopté peut fai1 e réduire, non-seulement les donations faites
postérieurement à son adoption, mais aussi les donations faites
avant que !"adoption ait eu lieu.
Yainement objecte-t-on qu'une pareille solution porte atteinte
principe de lïrrévoc1hili té des do1ntions entre v.fs et atlriLue à
l'adoption un efîet ré troactif que la loi, semble lui refuser, puisque d'après l'article 961•, sainem ent entendu , l'adoption n·a pus
pour effet de révoqu e!' les dona ti.rns antérieurement faites .
Ces arguments sont plus spé,·ieux que solides. Et J'abord , les
donations entre vi fs sont irrévocables, sous la condition qu'elies
ne préjud.cient pas aux droits de ceux qui seront, à quelryue
titre que ce so il, hé 1itiers réserva taires du donateur. L'article
922 est f ;t•mel à cet égard. En second lieu, l'adoption, il faut
bien le recon01itre es t, par les nombreuses formalités et
conditions dont la loi l'entoure, assez indépendante de la volonté
de l'adoptant,, et ce n'est pas, dès lors porter atteinte au principe de l'irrévocabilitû, que de permettre à !'adopté d'a ttei11dre
au moyen de la réduction , les donations entre Yifs faites a11 · é .
rieurement à son adoption .. Re ma rq uons d·ailleurs. que nous
n'a ttribuons pas ù l'adoption l'efTet de révoquer les don·u ions
faite., antérieurem ent pa r 1'ado,. tant, ce qu'a pourta nt soutenu
M. Marcadé (2), mais seulement l'efîet d'autoriser J'adopté à
('2 Sur l'arliele 960 !\ · VIII.
- ll~ ·-
eJtetcer l'action en réduetion, s' il ne trouve pas sa résene d'ans
les biens laissés au décès.
Or, ce sont là deux choses di')tincte ;, L 1 r~v'>c1tion op0re de
plein droit, actuellement, au pnfit du don·lleur beaucoup plus
que de son e nfant; h réductio.1 n'opèrP, qu'éventuel.ement, à la
mort du donateur, et au SJUl pro'.lt de l'héritier à réserve. Nous
pensons donc que !'adopté a une rés erve ég1le à celle de l'enfant légitime, et qu' il peut r~clamel' cette réserve sur les biens
formant le p:itrimoine au temps du décès, a;nsi que sur les bitms
dont le testa teur a disposé, soit par don·ttion e 1tre-vifs, soit
p·1r institution contractuelle, quel 1ue soit 11 da e de t es libéralités. En un mot, nous traitons de tous points l'eufant adoptif
comme un enfant légitime.
L'arlide 91-1, dont nous avons donné plus h1ut le texte, appelle
à la réserve, non seulement les enf1nts au premier degré, mais
les petits enflnts et descendants , quelque soit leur degré. La loi
admet donc; la représentation au profit des enfants ou descendants d'un fi:s préd~cé-lé. De cette décis ion mit la question de
savoir, si les enfants de l'adopté ont droit à une réaerve dans1a
succession ab intestat de ! 'adoptant.
Que lques auteurs et, entre a utres, Marcadé, enseignent l'affirmative. Nous ne pensons que cette solution soit conforme au
véritable esprit d e la loi.
Il s uffit, en e(îct, de se ra ppeler que le droit à la réserve ne
peut a ppartenir qu'à ce nx qui ont voc'.ltion à l'hérédité ab intestat , puisque, pour recue illir la résene , il faut, de loule necessik, se porte r h é1:ili~ r. Or, les en;anb ou descendants de !'adopté ue sont pas les héritiers de l 'a !optant. L'article 350,
celui-là même qui appelle l'adopté à la succession de son père
�-
228 -
adoptif, es t muet en ce qui tonche les descendants de l'adopté.
Et, en cela, la disposition de la loi n'est qu'une conséquence de
celle de l'a rt icle 3.HJ, qui n'ét ,bli t l'ohlig:llion alimen taire q u'entre l'adoptant et ! 'adopté. L'atlo pt ion d'ailleurs, n 'est q11'u ne
ins titution du d roit positif, une cr~ation arbitraire ùu législateu r , à laquelle on ne doi t :il tribuer d ·aulres e!Tets que ceux qui
résultent de textes formels de notre loi. La vocation héréu itaire
des descendants de l'adoplé à la succession de l'acloptant ne
pouvant s'appuyer sur aucun texte précis, ainsi qu0 nous l'avons
montré, nous ne p ouvons admettre une réserve au pr ofit de ces
mêmes descendants.
Ce système to utefois et comba ttu par des raisons que nous
devons examiner rapidement. On invoque, po ur éta blir le droii
des descen dants de !'adopté ü la succession de l'adoptant et,
par con équent, a une résen-e sur celte succession :
1° les princi pes du droit romain: h loi 27. au Dig. I. 7. décide
que l'en fant de l'adopté prend la pbce de son père, au poin t de
vue des droits civils. Arg ument de médiocre valeur 1 cal',
au tre chose était l'adopt ion romaine, régie par des r.Pgles essentiellement différentes des nôtr es, et qui s'expliquaient par l'organis:it ion arbitra ire de la famille , autre chose e&t l'adop tion
de notre droit c:vil, qui :l rejeté tous les principes roma ins>
et qui a onganisé la famille en dl!hor' de tou•e idée politiq ue.
2° On invo<p1'3. en second lieu, J'a rti ·k 348 qui prohibe le
mariage entre l'adoptant et les enfants de l'ailoplé. D'oi.I l'on
conclut a isément à l'e:x i::. lence d'une véritable parentl! ouallian1;e
entre les enfants de l'acloplé et l'a cl opt'tnt. Mais qui ne s ait que
ces prohibitions sont plutôt fondées s ur une cause morale, su r
les dangers que présenterait la possibilité d'nne union ent re
-
227 --
personnes appelées, le nlus souvent, à vivre sous le même toit,
que sur une paren té ou alliance lég'tle. Et si d'ailleurs la conclus ion de nos ad \'t~rsai res était vmie à l'égard de l'adoptant et
des en fants de l'adopté, il fa udrait l'appliquer ainsi auit rapports
des enfants ado ptifs cl'un même indiv id u, ou de !'adopté et des
enfauts qui surviendraient ultérieuremen t à l'adoptant, et décider qu'il existe entre ces personnes une vocation réciproque
à la succession ab intestat. Or, personne ne soutient de semblables propositions ?
3° l'art. 352, aux termes d uq uel l'adoptant recueille dans la
succession des enfants de !'adopté, les choses qu'il a données à
leu r père. Mais, on ne peut argumenter de cette disposition en
faveur du système que nous combattons, par cette raison décisive q u'il ne s'agit pcis, dans l'art. 352, du droi t de successibilité ordinaire et normale, mais de la success ion anomale et
except iônnelle. Les enfants légitimes de ! 'adoptant recueillent
aussi, dans la succession de !'adopté, les choses qu'il a reçues
de leur père, et cependant, qui oserait prétendre que !'adopté
soit appelé à la succession des enfants légitimes de l'adoptant ?
4° Enfin, les principes de la représentation. (art. 739 et suiv.)
Cet argument est moins solide encore que les autre$ ; car, il
repose sur un véritable cercle vicieux. Pour ,·enir à une succession par rep résenta tion, il fa ul ètre appelé de son propre ch~f,
en l'aosence d'héri tiers plus prot:hes. La représentation n'est
utile qu'aux h érit'ers ayant une Yocation personnelie.
C'est là un pri ncipe que nnl ne conteste. Donc, pour s'appuyer
sur la représentation à l'effet d'admettre les enfànts de l'adopté
à la succession de l'adoptant, il faudrait, au préalable , établir,
leur vucation personnelle à cette succession. Et, c'est ce qui
n'est pu établi.
�-
Dès opinions interm édia i1·es se sont 11roduites. Ains i, Me rlin
dis tingue entre les ~escendants n ·s ·1ntû ri eur~m ent e l ceux nés
postèrieurement à l'adoption, er n'at;cortle qa·a ('es J e rn :er; ltdroit de succéder il l'a dopta nt. ( 1) il - e f n·ie snr ce que, aux
termes de l'art. 3 l 7, les descend an ts nés après I'acl op. ion, prennent le nom de l'adopta nt, tand.s que les en fant; d é_ à n é~, lors
de l'adop lion n'ajoutent pas à leu r nom celui de l'adùp ~aut, et
semblent ainsi lui res te,. étrangers.
Nou' ne saurion s accepter ce tempér::iment, parce quïl ne
suffit pas de prendre le nom d'une personne pour être apre:é i
lui succéder , ef que d'ailleurs, le fait d' nne nGtissance après
l'adoption est un hasard d 'où ne saurait d épe:id re un droit hé réditaire.
La question de savoir si l'a rticle 913 doit ê tre appliqué aux
enfants na tnrels et s'il faut reconna ibre en leur favenr u 1 droit
de réser-re dans la success ion de le urs père et mère, est plus
délicate et appelle p lus de développements.
Dans les pre.oiers temps de la prom11lg1tion du code, la négative fut soutenue par plus:eurs jurisconsultes, entr(2S autres
Chabot, dans son commentai re de h . loi s ur les succ~ssions
(art. 7.:'> 6 n• 17) e t cousacr~epar un arrêt de la Cour de Rouen
(31 juillet 1820/
Cette opini-0n se fondait sur la nature exeeptionelle du droit de
réserve, qui constitue une e xce pth n au droit oommun, une
enbrave a u principe de la libre ctisposition des biens, une limitation du droit de proprié té. Dès lors, l'ex.istence d'une résuve
ne d-oit j amais être admise saus un te1'te.
(1) Quealde Dr. V. &doptioa par. '7.
!21l -
Trouve t-on , la réserve de l'entant naturel, dans l'article
91 3 ? p a r ses termes, il n'attribue ce droit qu'aux enfants légitimes. La trouve-t-on dans les articles 756, 757, 758 ? Mais ces
articles ne confèrent à l'enfant naturel que des droits de succession ab inte~tat. Cela r ésulte du titre sous lequel ils sont placés
e t de leurs expressions m êm es, qui n'attribuent de droit à l'enfant naturel, que sur les biens de ses pères et mère,
Mais la doctrine contraire a depuis longtemps triomph é, soit
auprès des auteurs, soit dans la jurisprudence et elle s'appuie,
il faut le reconnaitre, s ur de solides raisons : 1•l'article 757 accorde a ux. enfants r1at urels une portion du droit quïls auraient
dans la succession de leurs auteurs, s'ils étaient lé0 itimes.
L 'article758, qui vient ensuite, les appelle même à la tota lité
des biens, si leur p ère ou mère ne hisse pas de parents au degré
su ccessible. De ces décis ions découle implicitement le drc-i t des
enfants n aturels à une réser ve sur la s uccession du leurs
auteurs. En e!Tet, sïls eussent é té légitimes, ils auraie:~L pu
prétendre à une portion des b iens hérédita ires , nonobsta1 t toutes volontés contra ires du défunt. Or, ils ont, com me enf nts
naturels, un droit indentique à celui de l'enfant légitime et qui
n'en dit.Tère qu'en ce qu'il est moins étendu. L'eP.fant légitime a
d roit ù une r éserve, l'enfant n-ltnrel y aun droit aussi , mais
dans une proplirtion moindre que nou~ aurons à détermineJ
plus tard. L'en an t légitime peut de111and er un rapport, une
réduction; l'enfant naturel lt pourra <1uss i, dans la limite de
ses d ro il s héréditaires. En un 111 1t, la rése1vede renfanlnnturel
résulte des articles 757 et 7;)8 avec la mème évidence que celle
de l'enfant adoptif résulte der article 330.
�-
230 -
?•L'article 76 l fortifie ce sentiment. Il décide que les parents
pourront écarter de la succession leur en fant naturel, pourvu
qu'ils lui donnent , de leur Yirnnt, la rnoit.é de ce qui 111i revien·
drait en Yert11 des art. ïf.ï Pt 7:58, avec dédaration expresse
qu'ils entendent le r éd uire à la porti on qu'ils lui ont assignée.
Est-il possible , d'admettre que le~ parents puissent, par une
disposition universelle, dépouill er absolument leur enfant na turel , quand la loi nons dit formellem ent qu'ils ne pourront! 'écarter de leur s uccession qne s'ils lui donnent imméd ia tement,
moitié de sa portion ab intestat ? n'est ce pas dire, non plus
implicitement, mais d'une façon cla ire et ca tégorique, que l'enfant à un droit sur la s uccession de ses auteurs , droit qlli ne
peut lui être enlevé par des d ispos itions g ratuites , puisque, s i
les parents ne lui donnent pas la portion exigée par l'a rticle
761 , il peut en réclamer Je supplément, lors de l'ouverture de
la succession ? Ce droit de réclamation est bien cla irement le
droit à la réserve.
3° Enfin, si la loi n'ava it pas a ssuré, par l'institution d 'une
réserve , les dro its hér éditaires qu'elle a ccordait aux enfants
naturels, ceux -ci , en face de libéralités en tre-vifs ou testamentaires,absorb1nt le p:itrim oine se trom eraient dans une s ituation
pire que celle <l'enfant -: atlultédns ou ir1cestuem .; Cvr, ils ne
pourront pac;, eomme le ponrr'li ent les e nfa nts a1lultérin:> ou
incestueux , r éclam er des aliment<; chns h s uccession rl e leurs
auteurs. Mais, si a ucun tex.te ne lenr nonne ce droit et ne leur
attribue une créance a1iment·üre, c'est qu'il on1 pins que c.;ela,
une réserve légale.
Nous ad mettons donc , comme incontesta ble , le droit des
•nfants naturels à une portion rése1·vée dans la s uccession r\11
-
~31 -
père et mère. Mais il faut avouer que le code cont'1en t re1aleurs
f
1vement à cette réserve, bien peu de dispositicns , et ce recrrettable laconisme fait naitre de nombreuses et délicate quest7ons,
dont la solution doit, en l 'abse11ce de textes positifs, être cherchée
dans la com bina is0n des principes géné raux s ur les droits des
enfants naturels.
Nous examinerons ces difficultés au chapitre suivant, lorsque
nous nous occuperons de la quotité de la résen-e.
Les absents peuvent-ils prétendre ü une résen·e? L"ar ticle
Ja6 du Code civil nous permet de répondre aisément à cette
question : « S'il s'ouvre une s uc cession,dit cet article, à laquelle
<1 soit appelé un in i\•idu dont \"exis tence n"est pas reconnue,
« elle sera dévolue exclus ivement à ceux avec lesqùels il a urait
11 eu le drt•it de concomir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à
« son défaut, » L'absent n'a donc pas droit à la réserYc , quï l
s"agisse d'une absence simplement présumée ou décbrée.
Qu'est-ce , en effet, que la r<.;ser\'e ? un ùroit de succession ab
intestat, un e portion de cette s uccession déclarée indis ponible
au profit de certa ines personnes : Or, pour succéder, il fau
nécessairement cx.is ter lors de rouYerture de la succession t
Mais, à ce moment , un doute, ou mieux une incertitude pèse
s ur l'exis tence ne l'absent ; il est , pa r rapport anx droits successoranx qui s·ou\ ren t 1 son profi t, considéré comme n'exis t1nt
pas, et, des lors, rien n"e rnp~chc se~ enfa nts ou descentlants de
le représenter quant aux ::.; ucces~ion« ouwrles ctepuis son
absence , et de n .clamer, de son chef , la réserve tiui lui était
accordée.
L'article 914 dont nous a,on·, donné Je tex.te, nous dit que
:sous le nom d'en fa nt~ ayant dr0it n la réserYe ,doiYent être corn
�-230 -
?•L'article 76 1 fortifie ce sentiment.Tl décide que les parents
pourront écarter de la s uccession leur enfant nnturel, pourvu
qnïls lui donnent, de lem Yi"an t, ln rnoit,é de ce q11 i lui reviendrait en Yertu des ar t. if.ï el 758, avec déclaration expresse
qu'ils entendent le réd uire à la portion qu'ils lui ont assignée.
Est-il possible, d'arlmettre que le~ parents puissent , pax une
disposition universelle , dépouiller absolum ent leur enfant naturel, quand la loi nons dit formellement qu'ils ne pourront l'écarter de leur s uccession que s'i ls lui clonnent immédia tement,
moitié de sa portion ab intestat ? n'est ce pas dire, non plus
implicitement, m:lis d'une façon claire et catégorique, que l'enfant à un ciroit s ur la succession de ses au teurs, droit qu i ne
peut lui être en levé par des dispos itions gratuites , p uisque , si
les parents ne lui donnent pas la portion exigée par l'article
761 , il peut en r éclamer le s uppl ément, lors de l'ouverture de
la succession ? Ce droit de r écla mation est bien clairement le
droit a la réserve.
8° Enfin , s i la loi n'ava it pas assuré, par l'ins titution d'une
réserve, les cl roits héréditaires qu 'ell e accordait aux enfants
naturels, r eux-ci. en f1cc rie li béralités entre- vifs ou testamentaires,absorb1nt le patl'imoine se trameraient dans une situation
pire que celle rl'enfqn l-. ad ult1>l'ins on ir1cesluenx; Car, ils ne
pourront pas, c.omme le ponrraient les enhnts a<lultérins ou
incestueu x., récla mer des aliments chns h s uccession cl e Jeurs
auteurs . Ma is, si aucun texte ne lenr rlonne ce droit et ne leur
attribue une créance a li1n enl'.lire, c'est qu'il ont p l11~ que r·eh,
une réserve légale.
Nous admettons don" , com me inf\onlestable, le droit des
enfants naturels ~ une portion réservée dans la s uccession d«
- n1leurs père et mère. Mais il faut avouer que le code conf1ent re1a 11vement à .cette r~serve, bi en peu de ctis positicns, et ce reg ret-
table laconisme fait naitre cte nombreuses et délicates ques tions
dont la solution doi t, en l'aLsencedetextes positifs,êtrecherché;
dans la corn b inais0n des p rincipes généraux sur les droits des
enfants naturels.
Nous examinerons ces difficultés an chapitre suivant, lorsque
nous nous occuperons de la quotité de la résen ·e.
Les absents peuvent-ils prétendre à une réserve? L'article
166 du Code civil nous permet de répondre aisément à cette
question : (< S ï l s'ouvre une s uccession ,dit cet article, à laquelle
(( soit appelé un in ividu dont l'existence n'est pas reconnue,
« elle sera dévolue exclusivement à ceux a\·ec lesq1.iels il aurait
(( eu le d r11it de concourir , ou à ceux qui l'a uraient recueillie à
(( son défaut, i> L"absent n'a donc pas droit à la réserYe, quïl
s'agisse d'une absence simplement présumée ou déclarée.
Qu'est-ce , en effet, que la l'l:Serve? un ùroit de success:on ab
intestat, une portion de cette s uccession déclarée indisponible
a u profit de certaines personnes : Or, pour s uccéder, il fau
nécessairement exister lors de l'ouYerture de la succession t
Mais, à ce moment, un doute, ou mieux une incertitude pèse
snr l'existence cle l'absent; il est, par rapport aux droits successoraux. qui s·oll\ rent 1 son profit, considéré comme n·exi t ~ nt
pas, et, des lors, rien n'ernpèchc se~ enfants ou descendants de
le représenter tt uant aux !>ULC: es~iuns ouYertes depuis son
absence, et J e n ,clamer , lle son chef, 1:1 réserYe {1ui lui était
accordée.
L'article 914 dont nous a ron , donné le texte, nous dit que
sous le nom d'enfantR ay3 nt dr0it à la r ésen ·e,doiYent ~ tre com-
�-
pris tous les descendants du de cujus, à quelque ~egré que..ce
soit, et que néanmoim., ils ne com ptent que p our l enfant qu ils
représentent dafü la s ttl cess ion du d isposant: Cette ù~cision se
justifie sans peine lorsque les petits-en fants viennent a la succession par représentation de leu r auteu r prédécédé.
Elle n 'est. dans ce cas, que l'application des r ègles générales
de la représentation, su ivant lesquelles les représentants, prenant la place et le degré du représenté, ne peuvent avoir que les
droits qui eussent appartenu au représenté lui-mème. Telle est
par exemple, l'hypothèse où le défunt a laissé un His et des petits fils issus d'un autre His prédécédé. Telle est encore l'h ypothèse oil tous les enfants du défunt étant mol'ts avant lui, les
descend ants desdits enfants se trouvent entre eux à des degrés
égaux ou inégaux. Mais, il est possible que les petits enfants
n'aient pas besoin , pour venir à la succession de leur aïeul,
d'invoquer le bénéûce de la représentation, qu'ils Y puissent
prétendr e de leur ch ef et en leur nom. Pour cela, il suffit de
supposer que lès dP.scendants du premier degré renoncent ou
sont exclus, ou que les descendants ultérieurs sont tous les en··
fants au même degré d'un fils unique·du défunt. Devrons-nous
dans ce cas, appliqner l'article 91 l ou nous en tenir à la lettre
même du texte et calculer la réserve, d'après le nombre des
têtes, abstraction faite de toute idée de r eprésentation?
11 en était ainsi, parait-il, dans les provinces de droit écrit,
sous notre ancienne législation. La légitime ét'lit déterminée,
pro nulllero vfr01·um, toutes les fois que les pelils-enfants
n'avaient pas besoin, pour la r écla mer, de recoui ir à la représentation. Un auteur, qui a commenté notre matière, peu après
la rédaction d u Code, M. Lcvasseur, (1) a soutenu que la même
(1) post. disp. p. 'lt•.
-
2~ --
233 -
doctrine devaii être encore suivie ·1uj0urd'hui. \iab celte opinion
est inadmissible. Le prédécès du phe ne ùoil pas nuire aux enfants, mais il ne doit pas leur proftter.
L'article Dl l n'a pas pris le mot représentation dans son sens
légal et technique. Il ne pent, en effet, résulter de la renonciation ou du prédécès des enfants au premier degré, une diminution de la portion de bien dont le père a cru pouvoir librement
disposer. Ainsi, un père qui n'a qu'un enfaot a une quotité disponible de la moitié. i cet enfant renonce ou meurt avant son
pére, et la isse plus de trois enfants, l'aïeul n'aura pu disposer
que d'un quart ! C'est, on peut le dire, la ruine du système.
Enfin, si nous supposons que le de cuju.s a laissé deux enfants,
dont l'un renonce ou est écarté comme indigne, l'autre enfant
aura seul <lroit à la réserve. Car, les enfants de l'indigne ou du
renonçant, ne peuvent venir par représentation, puisque leur
auteur est vivant et que l'on ne représente pas les personnes
vivantes (art. 744) ils sont donc exclus, par leur oncle, qui,
s e trouvant unique héritiet·, pourra seul réclamer, à ce titre, la
réserve qui lui appartient·
~
1.
-
Des <Ueentlauts
Le droit des ascendants à une réserve dans la succession de
leurs descendants était à tort considé1·é pa r nos anciens auteurs
comme se rattachant moins au droit naturel qu'au droit positif.
C'était oublier la belle maxime de Papinien : • non minus pareniibus quam tiberi& piè relinqui debet . .. et l'admirable pré-
�- 234.-
cepte du D'ecalogue: H onora pafrem et ntafrem 11t longœvus sis.
Le droit positif se borne à proclam er le devoir filial et a y
appliquer la sanction nécess·1ire . Mais c'es t le droit rrntu rel,
d'accord avec la morale, qui prescrit à l'enfa nt de ne pas
dépouiller ceux qui lni ont donné la Yie , q uand les rigueurs de
la nnture condamnent ces dernil' l's à leur s urvivre.CesL le rl roit
naturel qui lui cornma nrle de ne poin t les dl-laisser dans une
vieille se av:rnc~e. liv ri'·e~ peut-êt re 1ux infirmités qu'nggravo
la misère , tandis qu'il o ~erai t , sa ns purle ur, enrichit· un
étranger.
Aussi. lors de la disc11ssion de no're tilre, to us les orateurs
qui y pr irent part , iméon, Jaube rt , FaYard, sau f peut-être
Bi..tot- Pré:irneneu, n'hésitèrent 1ns i:t reconnaitre le droit des
ascend·rnts a une port ion d 0 s bien.,; de l ·u r descentlants, et à
appuyer cette réset'\' snr le.:; pl'incipes du cll'Jit nfltnrel.
Le Code règle la r éc;er\'e d Ps :.~re n dn nt s dans l'a rticle 9J5
ll l'acco1·de anx ascenù1n"~ de cil tcut1e des denx lignes, paternelle et m'.lternclle, et embnsw , sons ce terme générii1ue, les
asceudanls du premier degi·é, ·1 ussi bien que les aïeuls, aïeules,
et ascc ndmts plus <;loig nés.
\l ais. rle ll)PirJP <,ll i'"rl. flJ:'). en c·e Cjll~ to rn;1l1> les rlesce n<Jan ts,
il uP se réfüre 1111'an · ·ic;cend:rnls lr;gitinw,.;, Ce 11oin! ress0rL de
la division qu'il p rescri t entre les deux lignes el rle la r.v:on s ui vant laquell e il ordonne que le ln rt·1ge s'opère, d'lns le cas o it
les ascendants se trom·enl en <'•mconrs avec des colhtér nix , ce
qui ne peut s·appli'Juer r1u'à h ll'lrent légi t me .
Nous <v0n ; don<:: iun.t·> 1 ;111 ·1·1 ler, ki en-.o:·e, si les :iscencl a nts de r enf .nt légilimé, act i 1ili1' ou n<lurel. ont d rlli t il un e
rés er \·e ·?
-
'!3S -
P oint de difficulté rnlativement aux. ascendunts d'un enfant
légitimé.L'art. 333, sur lequel nous nous sommes fondé pour
r econnaitre une réserve à l'enfant légitimé, nous oblige, par
une jusLe réciprocité, il en acco rder une ü ses descendants. Nul
a uteur ne conteste d'ailleurs celte solution.
Que le père adopLif n'aiL, :.rn ~onLraire, droit à aucune réserve
dans la succession de son 11\s ad optif, c'est ce qui résulte des
arLil;les 351 et 352 d rjà cités. Aux termes de ces articles, l'a dop
tanL n·a que le droit de r ecueillir dans la succesion de r .. dopté
le:::; choses que celui · ci ten.til de s a libéralité, et à la condition
que ces chose~ s'y re tn uve1.t en ualure, ou, à défaut, Y :-oient
représentées par une créance du prix, ou pardes actions enreprise·
Il n·est donc pas appelé à succéder à radopté. Et quant aux
biens qu'il lui a donnés, il esl évident qu'il n'a aucun droil de
de réserve sur eux, puisque l'adopté aurait valablemen t pu en
dis poser à s on préjudice, et que, tl ans ce cas, le droit de succession a nomale se s erait évanoui. Sur ce point encore, on ne
constate a ucune dissidence parmi les auteurs
Quid, à l'égard des père et mère naturels? Ont-ils une réserve
sur les biens de l'enfant qu'ils ont reco.n nu ?
La question a été longtemps controversée et la jurisprudence
avait, dans de nombreu x anèls et 11otamrnent dans un arr~t
rendu par la Cour de Cassation, le 3 mars 1846, admis
l'a ffirmative .
Beaucoup 11 'auleurs ._ 0 uten<ient el s outiennent encore cette
opinion . Punr nou~, nous n'hés ito11s pas refuser une ré.serYe
aux père et m ère u'lture\s, et telle e~t, d'ailleurs, la solution à
laquelle la jurisprudence s'est rallié.
.
La réserve, nous ne saurions trop le répéter . est un droit
�-
2~6
exceptionnel. une entrave au droit de propriété, une dérogation
au principe sacré de la libre disposition des biens. Un droit de
cette nature !~e peut donc ex ister, en deho rs d'un tex.te formel
qui l'établisse, sinon explicitement, au moins implicitem ent.
Or, sur quel texte appuyerons-nous le droit des père e t m ère
n:i.turels à une résen·e? sur l'article 7G;), n ous disent les partisans de l'orinion conlraii e . \[ais cet a rticle, n'a trait qu'à la
succession de l'enfant na turel. L'a rticle 7.J.6, qui appelle les
ascendants, n'a p as pa ru s nms:rn t pour faiœ reconnaitre une
réserve a ces ascend:rnts, e l 11 a fa llu que l'a rticle 915 vint pos iti\·ement attri bue r le droit de réserve à l'ascenda nt lég itime·
De m ê me l'a rticle ïG3 n e pe ut s uffire pour que n ous accordions
une réserYe aux pè re et mère na lurels.
.Appuiera -t- on cetté rés errn s ur l'article 915 ? nous r épondrons que cet article exclut, plus manifestement encore, les
as cendants n1turels, puis qu'i l o:;u ppose un partage de la rés e rve
entre les d e ux lignes et nn con ours ab i ntestat des ascenchnls
et des co l l:l.tét"aL~ : ,'nuulr. circon'il'lllûe qui ne peut s e pco<l uire,
eu dehors d es lie ns d e h parenté lég iti me.
:!\f tis, o'Jjec te-t-on, cxiste-t-i l un texte qui établisse un d roit
<le résen e :iu profit des enfrlnts n atu rels? Non et cependant,
monobstant m~me le" termes fo rmels de l'article 913 qui ne se
réfi:re q11'a ux en fant.. ou descendants légiti mes, rous avez
reconn u et accordé ll ne r é')erve a ux enfan ts na turels? Sa ns
doute, m1is la base de cette rése n e, no us l'avons trouvée dans
la comb ina ison de l'al"ticle 7.ï 7, avec l'a r ticle 913 . L 'article 757,
acco rde à l'enfant na turel un d ro it h é rédit1ire de m ê m e natme
que celui <le l'enfanL légiti1 ne, e t, r1'1i , sauf la cru otilé , s ïdenfip avec lui,. Il fa it rl onr r entrer ce d ro it dans l'a rticle 913, qui
1
- 237 -
-
lui devient ainsi applicable. D'ailleurs, cette réserve de l'enfant
naturel, résulte, d'une façon péremptoire, ains i que nous
l'avons vu, de l'article 7Gl et de la disposition qu'il contient.
Vainement, s'elîorce-t-on de soutenir le droiL des ascend,rnts
na tu rels a une réserve par des cons idérations tirées du principe
de réciprocité, de l'ohlig1tion alimentaire, de l'équité même:
M . Marcad é en fait justice · « comment, dit-il invoquer ici le
« principe de réciprocité , puisque ce prétendu principe, qui
« n'est écrit n11lle part, es l précisém ent le point en litige, la
« question étant de savoit· s'il doit y avoir id r éciprocité ?
~ Comment aussi d éduire, le droit a la réserve du droit aux
'< a liments, puis qu'il faudrait, à ce compte, reconnaitre le droit
« de réserve m êm e il des beaux.-p~res , belles-meres, c'est-àu dire à de simpl.,:> a li1és, qui nont pas même le droit de
(( s uccession ordinaire. S i ù'ailleurs, dit plus loin le mê me
« auteur, notre article 916 devait s'appliquer aux père et rnè re
<t na turels , ils auraient toujours la même réserve que s 'ils
<1 ét aient légiti m es, de sorte que le légis t.:tteur épargnerait la
<t filiation ill égitime chei ceu x m ême qui en sonl coupables,
« alors qu'il la fra ppe ch ez ceux-là même qui en sont
innocents ! »
1 ous refusons donc a ux père et m ère naturels un droit de
réserv e dans h s uccession d e leurs enfants, et c'est l'opinion
qu' un a rrèt r emarquable, rendu le ~6 décembre 18'.5 0, a defini-
<<
i
tivement consacrée ( 1).
( \ ) E n ce se n~ a 1l c;s1 - Marcarlfl Art. 9 1~ . D~man l e - N . St et 51 bis
Dem• 1,1mbc - dnn. el tc ' t p ag~s • 60 et sui,-, D ·lvincou rt, Masse et Vergè
'îom -i . III. conll"a.
rrvpl1>ll~ .
pa~.:-;
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l't
$UÏT. Den-et tasl. ~ er lin
Réserve sec L. I V. gl'enier tn111. Il. n. 67ô Vat eillc art. 765 .
v·
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~~!!
--
La loi, c1u; accorde aux. ascenda nts la qualité de réservataires
et la refuse a ux collatéraux, attribue néanmoins, la succession
o rdiuaire aux frères et sœu rs par préférence aux. a5cendants du
de cujus. Est-il possible de justifier cette a nomalie?
On a dit que si la loi, dans le cas de concour s d'ascend •nts et
de frères etsœm~, aYaiL préféré ces ùerniers, c'est qu'elle pensait qu'eutre h.:nrs rnains, plus j eunes et plus acliYes, les biens
de la hUCcession ne fera:e11t que s 'amélhrer, tandis que, ph cés
aux mains débile - cl'ùn Yieill::lrd, ils courraient r iS•]tle de s ubir
des altérations et des ùi otinutions.
Cette explication, à la ::.ùppo-e r vraie, ne ju stifie pas la pr( fèrence donnée aux. frères et sœurs sur les ascendants, s i les droits
de ceux-ci ont une cause plus h a ute et plus digne de fa\•eur.Une
autre c:onsidération rend compte, d'une façon plus satisfaisante
de cette apparente contradiction .
L es ascendants, en eITet, n'ont rien à craindre, puisqu' ils pour ront toujours exiger des frères et sœurs du dé funt, qui sont leurs
propres desce nd ants, une pension a limentai r e proportionnée à
ce qu 'ils auront reçu <lu d e c11j1.1s. Donc, pour eux, da ns ccll~
hypotbése, i l n 'y a pas besoin <le réserve. Supposons-n ous, au
contraire, que le de c11j1 s ne :aisse que des ast;enùants, ceux. ci
devront a \'Oir une résen·e, et elle leur est néce<;saire ; autrement
ils ne saut aient à qûi ::.'adresser pour 0~1lenir des alimenls, le
t estateur ayant pu disposer de la totali té de son p atrimoine en
1
faveur d'un étranger.
Les nscend:in ts, ainsi •rue nous ra,ons dit, ne 11 enn~nt prè
tendre droit à la réserve, qu'autcln l qu' ils sont eu ordre de succéder. Ce princi , r, en a pparence fo rt s imple, donne lieu à une
gra' e ùifficulté. Tl faut s up poser des ascendants, des frères et
- ns Nous avons à voir maintenant à quelles conditions les acen da nts, que nous venoas d' indiquer, a uront droit à la réserve .
D'abord, l::l. première qualité exigée par la loi est la qu1lité
d"hérilier. Comme les descenùauls, ils doivent joindre à
leur litre de p:trenls privilégiés, le litre héréditaire. En
conséquen ce, ceu x-là seul.; qui sont appelës à la succession
ab intestat, qui y viennent a!Tectivement, parcequïls se trouvent
dans l'ordre el le degré utiles, pourront se présenter comme
ré<>ervataires. C'est ce ([Ui ré<>ulle for:nellement de r .. rtic:e 915,
in fine : (( L es hiens ainsi réserY.!s au profit des a cenùants
• seront par eux recueillis dans l'ordre où la loi les appelle a
, succéder. ,, Nous devrons ùonc appliquer à la dé,·olution et
au parta 0 e rle h ré::.e1· .,, , les rè 0 les qui gouYernent la déYolutio11 et le partage «..:::; successions ab intestat.
Ainsi, si l'on s u;Jp ose c1ue le défunt a laissé des héritiers
dans la ligne directe descenù:rnte, les ascenda nts sont exclus
de la !·éserve, à moins <1ne les héritiers de h.t ligne descendante
ne renoncent à la succession ou n'en soient écarté:> comme
inc.ligues. Dt:: iême, parmi les ascendants, le plus proche
~xc lut le plus éloi,,!11 cLtns h mème ligne . et ceux qui se
trom·ent ,1u 111l!,11e degré sureè,lent par tètes. :;·'ms qne, toutefuis, il puis.;e jarwlis y 't\' )il' dë" l)ln\ion ,rune ligne ù l'autre.
Enfin, el touj ur-; J ·.1pr . . s le 111éme prinupe. c1ui Yeut que la
1 ;serve soit lrailél!, de ton.; puints, Cülll!lle la succe~:-i 1 n ab
i1deslat, les .uscen bnts. pbrés en lace de frères et sœUl's dn de
r~uj1ns, ne po:trront, L'll Yert11 cle l'nrt. ï50, qm leut prétère ces
rlerniers, -],?'ls i'rJcilt-; s•icr,e-snral, pretimdre au1 nn droit sur h
réserve . Il ,. a !~1. il r· ut P.P co11Yenir, un résull·1t bizarre et qui
choque, au premier abord, la logique non moins que la raison .
�-
2i( -
sœnrs du de cuf11s, et un e ui , position universelle au profit d'un
étranger.On se demande si lei) frères et sœurs, exclus de la succession ab ùitestat par le légatair e universel,font néanmoins obstacle à ce que les ascendants pufrsent réclamer leur réserve?
Trois opinions se .::ont produites sur celte déli cate que tion:
l'une décide qne les aïeuls et aïeule~ n'ont pas de réserve, que
les frères et sœurs renoncent ou ne renoncent pas.
L'autre prenanL le con tre-pied de cette décision ' enseiane
D
qu'une réserve est dùe au-:. aïeuls el aïeules, lors même que les
fréres et sœnrs ne renoncent pas.
Entre cas deux systèmes opposés, se place une opinion mixte
d'après laquelle les aïeuls et aïeules ont droit à une réserve , si
les frères et sœurs renoncent, et n'y ont pas droit, si les frères
et sœurs ne renoncent pas.
La première opinion fa it le raisonnement suivant :
Les ascendants ne peuvent prétendre à la réserve, parre
qu'ils ne sont pas en ordre de succéder. Ils ne sont pas en
ordre utile, puisqu'ils sont primés par les frères et sœurs, relativement à l 'hérédité légitime, et par conséquent aussi, au droit
de réserve.
Mais les frères et sœurs ne peuvent renoncer à la succession.
Car, nul ne peut r enoncer à un droit qui ne lui appartient pas,
et, les frères et sœurs, exclus par le legs universel, perdent
toute vocation héréditaire. Leur renonciation n'aurait pas d'objet ;
Qu'ils ne soient pas hPritiers,en face d'une disposition universelle
c'est ce que met hors du doute l'article 1006, d'où il résulte que le
légataire universel est investi de la saisine légale, à l'exclusion
d~s frères et sœ11 rs, dont le titre est alors effacé.
-
'!ftf -
A quel résultat, d'ailleurs, ne conduirait pas le système qui
subordonnerait à l'option des frères et sœurs le droit des ascendants à la réserve 1 Cette option, sans aucun intérêt pour les
frères et sœurs, mettrait en suspens et li vrre<.<it à leur discrétion,
les intérêts du légataire nniversel en même temps que ceux des
aïeuls et aïeules. Les frèl'es et sœurs proposeraient aux premiers leur acceptation, aux seconds leur renonciation, et le
plus bffrant l'emporterait.
Une telle situation est-elle tolérable ? et, ne vaut-il pas
mieux reconmutre que les ascendants sont privés de la réserve
quelque s •it le parti que puissent prendre les fréres et sœurs par
repport à la succession ab intestat ?
A ces raisons s'ajoute une consictc:ralion puissante. On fait
remarquer que, le droit de libre disposition des biens reconnu
à celui qui, ne laisse, en mourant, q ue des frères et sœurs et
des aïeuls et aïeules, ne pourra jamais être exercé avec sécurité, si l'on admet qu'une renonciation des frères et sœnrs peut
ouvrir une action en réduction et permettre de porter atteiute
à des dispositions faites de bonne foi et dans les limites tracées
par la loi .( 1)
Le S"cond système accoràe, a\ons-nous dit, une réserve aux
ascenrlants du second degré, sans sïnquiéter du p0int de saYoir
si les frères et sœurs renonceront ou ne renonceront pas.
Corn nie le sys• ème precéclenl, il reconnn.it que la renonciation
des fr~res et s,enrs est nulle, qu·eue est sans objet, et qu'elle ne
peut, dès lors, produire aucw1 effet. Pourquoi cela ? évidemment
par la raison que le legs universel, aux termes de la loi, exclut
absolument les frères et sœurs, qu il dépouille de la saisine,
( l) Au bry et Rau, tom e V . p. 550 8aintespès-Lescot, tome 11 p. 343-3.\4.
�-
2 ~2
- 24.3 -
-
(art. t005).Quelleconclu-5ion se h:~:·gL <le celt·' prémisse? c'estque
les frères et Slt> tu-s étant C:•cnrt1;s cle la succec:;,,ion, le légataire
universel, se tn,uve en face d'un as• e11ua11t, héritier a rt'l:>er\·e,
et qui donne lieu à l'application des a rticles H15 et 1004.
Les partisans Lle celte opinion l'é}'ondenl à l'objection tirf>e
d'une possibilité <'le frauùe de la part des lrères et sueurs, qui se
feront payer leur acceptation ou leur renonrialion, f'n faisant
remarquer que ce danger n'est plus i1 cr aindre J,s lJUe les
droits respectifs de l'a1eul et du légataire universel son t fi.x.és
indépendamment de l'opl1on lies fr,·res el sœurs et que, celte
option est, a cet égard, déclarée san::; iniluence.
En second lieu , il s font ressortir i.:ornbien il est illogique de
dire d'abord, que les frères et sœun; ne peuvent p'l~ reno ncer u
la succession, p arce quïb n'y sont pas a ppelés, pour décla rer
ensuite que leur présence s uffit pou r exclure l'aïeul et Je priver
de sa réserve, ce qui s uppose manifestement que, bien loin
d'être exclus de la succession, ils y sont appelés, c'est-à-dire
tout le contraire du point de départ!
Enfin, ils ajoutent, qu'en accordant une réserve aux aïeuls et
aieules, malgré la présence des frère::. et sœurs et indépendamment de leur r enonciation, on arrive plus sùrement et plus
directem ent a u but toujours désirable <l'é\'iter qu'un a::.cenùant
soit eutièrement dépouillé rom enrichir des étraugers (2).
Le troisième syst1.; me, auquel nous croyons devoir nous rallier,
accorde une ré:se1·ve aux areuls et areules, sous la d istinction
suivante : les frères ei, sœurs renoncent ils ; les aieuls el aïeules
sont héritiers, et ont droit à la réserve ne renoncent-ils pas :
les aieuls et aïeules ne sont pas héritiers et n·ont p-is de réserve ·
Ce système peut solidement s'appuyer s ur les raisons s uivantes:
1° La vocation légale des frères et sœurs n'est pas si totalement eŒacée par l'effet du legs universel que l'on doive les
considérer comme s 'ils n'existaient pas, relativement à la sur.cession . Loin de h ! cette vocation subsiste, à l'état latent, et
ils pourront l'invoquer, quand ils voudront exercer certains
droits attachés à Jaur qualité de frères et sœurs du de cujus.
Sans doute, le legs universel fait passer la succession toute
entière de leur tête sur la tête du légataire. A ce point de vue
'
ils n'ont aucun bénéfice à retirer de leur titre héréditaire. Mais,
ils conservent ce tit re, et, encore une fois, c'est ce titre seul qui
p eut les autoriser à attaquer le testam ent soit pour vice de
!orme. soit pour cause de captation, ou à faire r évoquer le
legs pour cause d'ingratitude.
Qui conteste ces idées ? D'autre part qui peut être le représentant de la succession légitime, sinon, les frères et sœurs qui
l'emp0rtent s ur les asr.endants, d'lns l'ordre successoral ?
Les partis1ns dn secornl système déclarent que les héritiers
légitimes, au cas qui nous occupe, ce sont les ascendants et
ils refusent , c'e t lcgique, l'action en nullité a ux frères et sœurs.
Mais, c'est là une solution éYidemment inadmissible. Donc, s'il
est aùwis <JUe les frères et sœurs l'Pstent, en face du lég·ttaire
universel, 113'> héritiers légitimes, Jeux conséquences en rèsul tent:
Les ascendants ne sont pas biriti•rs, si les frères et sœurs
(2) Delvincourt, t. li.
N· 50 bil.
p. 427. Coin Doli sl ~. art. 1007-5. Oemaote. t.
IV
n'abdi,iùent pas lliur titre ;
�- - M4 -
n le sont, si les
frère~
et scrurs se dépouillent, par une renonciation, de la qu'llité d'héritiers.
Point de réserve au prem ier cas; une réserve a u second cas.
2° Mais; dit-on, la renonciation des frère;; et sœurs n'a pas
d'obj et ; à quoi renonceraient-ils ? Le legs univer sel Les écarte
absolumeut de la s ucce:;sion.
Nous avons dèja fait à cet argument la réponse qu'il comporte, en montra nt que les frères et sœurs n'en ont pa~ moins,
dans la loi, leur titre héréditaire et que cette même loi, qui leur
donne ce titre, les autorise à y renoncer (art. 175.)
3° Enfin, on objecte la bizarrerie ce cette situation, d'après
laquelle, les frères et sœurs, dépouillés par une d isposilion
universelle, n'en font pas moins obstacle à Ctl que les ascendants puissent réclamer une réserve, et demeurent libres de
donner ou non naissance à celte réserve, suivant qu'il leur
plaira de renoncer ou de ne pas renoncer à leur litre.
Nous répondons que, si sil1gulier que puisse être ce résultat,il estlaconséquenceinévitable de cette anomalie de la loi qui,
au titre des s uccessions, accorde la préférence, dans l'ordre successoral, aux frères et sœurs sur les ascendan ts autres que père
et mère, tandis qu·elle attribue, au titt'e des do1ntions et des
testaments, une r Cserve à ces m êmes ascendants et la refuse
aux frères et sœul's !
. Et, qn·on ne dise pas, que si le légata ire uniYersel met en
échec le droit des frcres et sœm s, à plus forte raisnn doit- il
triompher du droit des ascenrlants , en vertu du brocard :
si vinco vince11te111 te, a fortiori te vùicam.
Le droit des ascendants ne le cède qu'au droit des fréres
et sœurs. Mais, il l'emporte sur celui du légataire universel puisque la loi le sanctionne par une réserve.
- 24.,., -
Enfin, la fraude qui pourrait être commise par les frères et
sœurs et qui consistera it, ainsi que nous l'avons dit, à se faire
payer .leur r enoncia tion, pourrait être déj ouée. Car, si la preuve
en était établle,il en résulterait, aux termes de l'article 780 une
'
véritable acceptation.
Ce système est enseigné par beaucoup d'auteurs , Dnra nton,
~a rcact é'. Troplong, Dalloz. Ragon, Demolombe, et a été plusieurs fo is, consacré par la jurisprudence (Cass. 11 mai 18 40
Dev. 1810. J. C80. Cnss . 2-t féY. 1863. Dev. 1863. I. 1!)0).
Nou" devons,en terminant ce paragraphe relatif à la réserve des
ascendants, exam iner la situa tion de l'ascendunt donateur.
Aux termes de l'art. 747, au titre des successions, l'ascendant
donateur succède, à l'exc! usion de tous a utres, aux choses par
lui données à ses en fants ou descendants décédés sans postérité,
lorsque les obj ets donnés se retrouvent en nature dans la succession , ou y sont représentés par une créance du prix, 0'-1 des
actions en reprise. La question qui s'élève est de savoir s i l'ascendant donateur a droit , en cette seule qualité, à une réserve
dans la s uccess ion à laq uelle il est appelé par l'art. i47, succession q u·on nomme anomale, exceptionnelle par opposition à
la succession ord inaire qui s'applique à l'ensemule des biens
'
sans quï l y ait lieu d'en rechercher l'origine ou la nature. En
d'a u tres termes, comment les principes généraux de la quotité
disponib le et de la réserve peuvent-ils se combiner avet: les
principes particuliers de cette succession ex.t:eptionuelle? telle
est la diilicullé quïl nous faut étudier.
La réponse est simple : nous pensons qu'il n'y a jamais lieu
de parler de réserve au profit de l'ascendant donateur, quant à
la s uccession é tablie à son profit par l'article 747, el cela, pour
les deux motifs que voici :
�-H7 -
-
~·6
-
La réserve légale, en premier lieu, ne saurait appartenir
qu'à ceux auquels le tex.le même de la loi l 'atl ri bue. Or ,
aucun texte n'attribue de réserve à l'ascendant donateur
sur les choses par lui données. Cest ce qui résu.te clairement
de l'article 915, qui ne se réfère très certainement, qu'a la
succession ordinaire, puisqu'il établit la réserve au profit des
ascendants de l'une et de l'autre ligne, et suppose même qu'ils
peuveut èlre en concours avec des coll•.itéraux, toutes circonstances qui ne peuvent se présenter dans la succession anomale·
de l'article 5-l:7.
Mais,il y a plus : l'article 7-!7 est, par ses termes mêmes ex_
clusif de tout droit semblable.Il n'appelle l'asce11dant dorn teur
à succéder aux choses par lui données qu'aulant que \'on 1·etrouve
dans la succession les choses elles-mêmes en nature, ou le
prix encore dù des .choiP,S aliénées, ou des aclions en repriset
il décide donc par la même que si l'objet d0nné a été a ttein
par une disposition entre-vifs, ou par une disposition testamentaire émanée du donataire, l'ascendant perd tout droit sur
cet objet; et s'il en est ainsi, si l'ascendant donateur est tenu de
respecter toute aliénati n qui aura été faite des choses par
lui données, il va de soi qu'il ne saurait prétendre un droit de
réserve snr ces mêmes choses.
Mais, comme conséquence de ce que nous venons de poser,
il faut dire que si le droit de r~serve ne peut pas être invoqné
par l'ascendant, il ne peut pas dav,mtage êlra invoqué contre
lui, eo quelque maniere que ce soit, et que les biens donnés
par cet ascendant, ne doive11t p·1s füi;ure r dans la masse pour
le cakul de la quotité disponi~1le et de la réserve. Le palriinoine
H divise en deu~ portions oien distinctes; : l'w1e qui comprend
les biens donnés, à supposer qu'ils existent en nature, ou soient
représe~tés par des créances ou des actions en reprise c'est la
s~ccess1~n de l'article 747. L'autre, qui comprend l;s autres
b1~ns, c est la succession ordinaire. Ces deux successions, qui
smvent des rêgle.> tout à fait différentes, sont dévolues la
premièl'e à l'ascendant donateur, qui est héritier à l'exclu;ion
de tous autr~s , et la seconde aux ascendants les plus proches
d~ns chaque ligne. Il eu est si bien ainsi, que si l'enfant donat~ire , ap r~s .avoir aliéné à titre onéreux et dissipé tous ses
biens ordma1res, ne laisse à son décèi que les biens qu'il a
reçus de l'ascendant, celui-ci y aurait seul droit, à l'exclusion
de.s autres ascendants, et c'est bien vainement qu'ils invoqueraient contre l ui leur droit à une réserve.
·
Si. l'ascendant donateur est lui-même appelé à la s uccess10n
ordinaire, soit seul, soit en concours avec d'autres ascendants
dans ce cas encore, nous ne voyons pas qu'il y ait lieu d~
s'écart~r des principes généraux, que nous venons d'exposer. Il
Y a to~J onrs, suivant nous, deux successions qui se séparent
essentiellem ent, et l'ascendant, qui se trouve appelé simultanément à ces deux succcessions , a deux titres distincts et deux
vocations indépendantes. Il lui est loisible d'abdiquer l'un et d
· va1oir l'autre. li peut accepter la succession anomale ete
f aire
r épudier la succession ordinaire.
Mais, si, à l'inverse, il renonce à la succession anomale et
vient à. la succession ordinaire, il n'y aurait plus, dans cette
hypothè'-e, qu'une succession unique, dans laquelle il ne faudrait pas s'inquiéter <le l'origine des biens, et alors, les biens
donnés étant par suite de la renonciation confondus dans la
succession ordinaire , l'ascendant exercera son droit de réserve
aur la totalité des biaoa.
�- ·HS-
...
SECTION III.
Du montant de la Réserve
L'article 913, qui traite de la réserve d es descendants, en
fixe la quotité, d'après le nombre des enfants:
A la moitié des biens, s'il y a un enfant ;
Au deuK deux tiers, s' il y en a deux.
Au trois quarts , s'il y en a trois ou un plus grand nombre-, .
La portion disponible est donc, suivant les cas, de la moitié
.
d'un tiers, ou d' un quart, des biens dn disposant.
Notre Code, on le voit, s'écarte également de la quotité
bizarrer1 ent progressive de la Novelle 1~, suivie dù.ns nos
anciennes provinces de droit écrit, el de la quotité exagérée que
fixaient les lois r évolutionnaires, et not.amment la loi du 17
Nivôse an II.
Le système actuel est très simple. Le législatenr a voulu que
la portion dont le pére de fam ille pourrnit librement d isposer
fu l toujours au moins égale a une pa rt d'en fa11t. Mais, il a cru
qu'il ne devait suivre celte gradation que jusqn·au chiffre de
trois enfants : ainsi, je lai:;se un enfant. J'ai pu dispose!' de
la moitié de mes biens. J 'en laissedeux : ils recueillent les deux
tiers. J 'ai pu disposer de l'autre tiers. J 'en laisse tr· Il s
recueuillent les trois quarts. J 'ai pu disposer d' un quart. Là,
dis ions-nous, s·arrèle l<1 corrélation : et, si ron suppose quatre
enfants, ohacnn a ura le qu.i rt des trois quarts, trois seixièmes;
le légataire universel aurn un quart, quatre seixiémes et ainsi
de su ite.
La réserve ne peut-être s upérieure au trois quarts et le disponible inférieur au quart. Les rédacteurs du code, préoccupés
avec raison du principe de la libre disposition des biens, ont
compris que, s ïls n'arrêtaient pas à un certain chiffre la gradation proportionnel le qnïls établissaient entre nne part d'enfant et la portion disponible, ils aboutissaient, dans certains
cas, à rendre cell e- ci, illusoire et rétablissaient le système condamné de la loi de Germinal an Vlll.
Ce n'est pas, il faut le reconnaitre sans une vive discussion
que le système consacré par l'article 913 fut adopté. Au sein du
Conseil d'Etat, on étai t loin de s'entendre sur la mesure de la
quotité disponible, plusieurs opinions se produisirent. La section de légis lation proposait nn disponible qui fut invariablement fixé au quart. Le conseiller Malleville. vo4lqit quïl fùt
de la moitié, et Portalis n'hésitait pas à penser- qu'on pourrait
même l'éle,·er à 1111 chilTre pins fort.
Tronchet, puisait sa théorie rlans les .::ouvenirs de la loi de
Germiml : une moitié en face d'un enhnt, un tiers en face de
deux, un qu<1 rl en face de trois, un cinquième, en face de quatres, et ainsi desuile.
Il fallai ' opter en tre tous ces systèmes. Celui que le code
civil a admis peut-ètre considéré co mme une transaction entre
ces i<léés d iverses, et fut proposé par le consul Cambacérès.
�-t:i• -
- 155 -
la recueille 1t p1s. soit p \ .. r efTet cl"nne r enon ri 1tion, s o!t p:lr
suite d'une déchr ilion cl'i nll 1gnilé . Faut-il né·1nm oins les
com t te.- p·)ur h !l:-nli1111 de h n ;serve, o' doit-on les 11 c'gl:,~e r
et n..: tenir compte que des enfrnls ca1nblcs et venwt efîed i-
qui reste invaria.hle, nonobstant les évènements ultérieurs. Et
celle portion 1éservéc, egt, nous Je savons, une partie de la
succession ab intestn.t, soumise au x. mêmes r ègles d'altribution,
de répart ilion, d'accroissement que la succession ab intestat
vement ù la s uccession ?
Les opiniuns qui se sont prorl niles s ur cette gr::ise di 'TLC'llté
elle-même.
UnP conséquence importante résulte de là, à savoir <)Ue, si,
aux termes de r arlicle 786, la part du r enonçant accroit à ses
cohéritiers, il fa ttrlrl en dire autant de la part de réserve du
r enonçant et décider qu'elle ùevra accroitre à ses co-·réser-
peuYent ·e r1mener il . rnis:
L'une ensei gne <J11e r enf \l\t renonç1nt fait nombre et doit
flgu1·er dans le ca kul, s·rns •1uïl y ·til li 11 de i et:hercher s i sa
renonciation est pure et s rnple et g r'ltuite. ou si elle n·est intervenue qu'en ~ùnsid rntio11 ù'une 1 bén li é quïl ava it reçue fin
déîunt et dont il se déchrait sa ti ·fai t. En d'autres te rm es, que
l'enfant re<ionce alit11w acceplo, 011 111dlo rr.cre1ito, chns les deui;.
cas, il doit être co:npté pour h fixation rle la r ésen·e?
Telle es•, en elTel, dit-on, la solution ({ni se dég ge de l' :n-ticle 913, sa inement compris. Ce tex te fixe le (f 11a1d1t111 de l 1
résen·e, d'a près les enfanls que hisse le lest1.let1r. Ce s ont ses
propres expressions: sï l ne lai -se ~t son decès, sï l h iss e . Il ne
sïnquiète pas du point cl e swo ir si ces enf,1nts seront ou 1:on
héritiers, s'ils viendronl ou non à la success ion . >Jous nf' deYons
pas nous en préoccuper dwanl'lge , s >U S peine rra.'. outer ü la
loi et de créer une distinclion ou le Le:tt; est alJsolu el ne ùistinô ue pas.
Celte idée d'ailleurs, ca ' re parfait•'ment aYec la nature cte l'-1
réserve qui n'est pas attribuée individuellernenl tl chacun ües
enfants, m.:tis qui leur est accordée en bloc et collect1vem e. 1f.
Dè., lïnstant du décès, la loi a séparé f':l r]P tx rnrties le p1 +:·; _
moine du de c11j us : l'une est la porli n hdisponible, r éservée ,
qui s'établit selon le nombre des enfants laissés par le défunt f't
1
vataires.
Ce système est suivi par la cour de cassation, un grand nombre de cours d'appel, et beaucoup d'a uteurs des plus estimables (1).
D'après une deuxi(•?Y'le opinion, il faut distinguer entre l'enfant qui renonce aliquo acceplo , et celui qui renonce nullo accep to. Le premier doit être compté. Le second ne doit pas
l'être.
Cette distinction, dit-on, est très rationnelle. Elle était suivie
dans notre ancien dl'Oit et les principes de notre Code commandent encore cette solution .
En élîet, celui qui renonce purement et simplement, étant
censé n'avoir jamais été héritier, (art. 783) il est évi<lent qu'il
ne peut être compté à J'e!îel de déterminer le montant ou la
la composition d'une réserve, qui, d'après la loi, n'appartient
qu'aux héritiers et ne s'établit qu' eu égard aux successibles qui
(l) Gass. 18 février 1818. Sir. 1818. 1. 78. Amiens. 17 mars ! SS.\. Paris, ~ li
mai 1865. Dei•. 18G:>. 11. 8:'> Ca<;$. 13 aoùt ISG6. Grenier. To111lier. Durantoa·
Coi o. Delisle. Poujol. Va~eille. F.aintes -.ès Lescot. Troploor . Aubry et Rau.
�-
-!57-
'l51S -
viennent effectivement à h succession. Si l'enfant qui renonce,
nullo a re 1to, <lenit èlre corn pt é t'O Ur le calcul de la réserve et
1
grossir. de la sorte, la flarl <le ::-es C()-ré,erY:'lt'lires, il denait
aussi, à défanl d'autres enf·\l\ls' u descendants faire attrillner la
r<•sen·e aux hé rit i...rs cle l'Mdre $11bsécp1ent, en \ ert1. de l'article
78G, et des principes de la d ~volulion. Or, c'est c~ que personne
n'admet.
Au contrai; e, l 'enf'lnl qui renonce ponr s ·en tenir au rlon qu'il
a rec:u, doit être c mpté, p·nce q11ïl ilnpnle ce do1 1 sur sa pa1·t
de résen e .. ïl a donc une part d;1ns la r.:ser\'e, il est naturel et
logique quïl fasse nombre pour fixe r le q11anf1w1 de cette réserve.
Cette dernière pr· position suppose n'solue la que::.tion de sa\oir
quels sont les droits de r!1éritie r donataire en avancement
d'hoirie qui renonce a la s uccession p1rnr conserver le don quïl
tient du défunt. rous allons retro1wer bientôt cette question
qui e<> t l'une des plus controversèes de n otre matière.
Enfin , la troisie111e op inion déci<le que l'enfant renonçant na
doit pas être compté, sans quïl y a it à distinguer sï l
purement et simplement ou s'il renonce aliq1w accepta.
tème nous parait le plus conforme au texte et à J'esprit
Code et nous n'hésitons pas ü nous y ra11ger. Ess ~ yons
renonce .
Ce sysde notre
de l'a p-
appliquer à la réserve, qui est incontestablement, une portion
de la succession, le même principe et décider qne le renonçant
est censé n'avoir jamais existé par rapport a la réserve. Et
l'effet Je cette renonciation remonte ici encore, au jour de l'ouverture du droit des réserv·\La1res, c'est-à-dire au jour du
décès du de wjits. De sorte que à ce moment, l'enfant qui
renonce, n'existe plus relalh·emen t à la réserve. Iln·a plus aucun
droit à cette réserve. p11is p1ïl n'ec:;t p1.-; héritier , et s'il n'y peut
prendre auc une p:lrt. <·orn men t admettre qu'il fasse plrt pour
en déterminer h quoti té? il y a là. une contradiction manifeste :
le reuonçan t n 'existe p'ls au 11oint de vue du droit à la réserve.
Il existe, néanmoins au point de vue de, personnes dont il faut
tenir compte pour en fixer le chiffre ! c·est illogique.
Vaine ment, pour soulen1r qnel"enfant renonçant doit faire nombre, le système ·1dversenllègue-t-il les termes mêmes de l'article
913, q ui se réfère aux e1 1fants que le teslaleur laisse à son décès,
sanss'inquiéter du point <le savoir s'ils seront héritiers ou s'ils
renoncero11t à la succession. L'argument est s:rns valeur sérieuse
Car l'article 013, c;om111e l"adicle 015,comme l'artide ~12l , comm e
presque tous le,, a rlicles du til re des successions, signifie bien
évidemment : laissé comme hé rilier, bissé relalive1nent à la
puyer sur de sr•lides ar0 urnen ts.
Et d"1bord. q t'il ne faille p 1s compter l'enf.rnt renonnnt,
c'est ce qni rés11l~e de l "arlicle ï8'), a nx te rmes durruel le renonçant ec:;t censé n'avo ir j ·imai:; élé liéritier, n·woir jama is t xislé
relatiYement à la succession. L a reno•.cia tion a un eITet rétroac-
succession.
11 faut se g'lrùer de ces interprét·üions judaiques qui tuent
l'esprit de la loi sous s·1 lellre rigoureusement ·lppliquée. Si
l'article 913 ne vise qne les enf·111 ls ou les descendants laissés
p ir le de c11j11s, sa ns quï\ y ait lieu de se demander s'ils seront
tif, elle remonte, la loi 1ous le dit, a u jour m ~me cle l'ouverture de la s uccessi9n. et c'est à ce moment que l'h éritier qui
renonce est à. consid érer comme n 'existan t pas. Or , nous devons
pable ou indigne.
Car, celui-là aussi, le testateur l'a laissé. Mais, personne ne
h édt1ers ou ne le s~ront pas, il faudrait compter l'enfant inca-
�528 -
-- !59 - -
sou tient cela. Or, rien ne sépare, a u point de v ue qui nous
occupe, renfant incapa ble, de l'en fa nt q ui r enonce. Le premier
n'a ja mais eu de Yoca tion à la s uccession - le s econd a e u une
vocation momentan ée, mais il en a d é tr uit les eŒe ts pa r une
renonciation qui opère rétroactivem ent et le fait cons id érer
comme n'a yant j amais é té h é l'itier . Ent re les deux h y poth ès es ,
accr oitre à ses co-r é ervataires. Ma is, lïmportance de la masse
r ésenée n'en re\oil a ucune allei nte .
Cel a1 gumen t, pO lll' être plus spécie11 x, ne nous par:iit pas
p his solide. L ' .. ccroi:;emcnt se produi t r dativement à la
succession ab intestat , cela est vrai. Mab pourquoi? Parce que
la s ucccesion ab inles·at est une m·~sse , à l'intégrali té de
laq uelle tous le" hédtiers en ordre utile on t personnellement
v ocation, et qu i n'est recueillie partiellernenl par c.iacun d'eux,
que par u:rn conséci uence forcée du eoncours de leur" droits
ri va ux s ·tr cette même m1sse: C()11c11rs11 parl.:s i'iu nt. \ lais qu'il
vienne à se pro1ln ire un de ces é' ènerncuts q11i détruise la
v ocaton de l'un ùeux, q11e, p1r e~t>mple, un des cohéritiers
renonce, sa pa rt grossira celle des autre', p:ir droit d'accroiss emen t, ou rnie11 x etH.:o re. p11· droit de non-décroissement.
En est-il de mê111e de la réserYe? Ev i :emment non. La résen e
constitue un e masse essen tiellem ent v·nialJle, qui dépend du
n om b re d de l:t q unl ilé des llériliers, et 11ui même disparaït
co n1plèten·en1, si, par la l'eno ncia lion des réservat•• ires, la
s uccession se 1rouYe dL~Yolue a un or,! re d.hél'Ïtiers autre que
les r\es<.;end--tnls ou les asc, rnhnts. Coirment p1rler d'accrois-
-
où est la d ilîérence !
La logique et l'équité ne sont pas m oins violées , dans le
sys tème de n os a dversaires, que le texte et l'esprit de la loi. Si
le dis pos ant laisse trois enfan ts, fa réserve est d es t rois q uarts.
Deux renoncent, La reserve de !"a utre en fant restera des trois
qua rts, nous di t-on , et la portion disponib le d 'un quart. Mais,
pourquoi la r éserve d'un se• •l e nfa ni sera-t-elle a ussi grosse que
celle de t rois en fa n ts ? pourquoi la calculer pour un seul , com m e
on la calculerait pom t rois ? ou pour deux comm e on la calc ulerait p our un ~eul ? Mais, cela e,; t ma n i ·estement contrair e à la
loi, qui établit la r éserve d'ap r ès le no mb re des er1fants, une
m oitié s'il y e n a un , deux tiers s'il y en a deu x, trois quarts s'il
y en a trois ou un pl us grand nom 0re, montran t b ien par là
qu'elle ne fixe ces c:hiffres,q u'en vue des en f-lnts qui dohent efîectivc: ment se partager la po rtion indisponible , égale à une part
d 'enfani, JUSqu'au nombre de tro is.
Mais, obJecte-t-on encore, la rése1 ve est un véritable droit de
s uccession ab ;ntesfat, une part de cette succession. Elle doit
doue receYoir l'application des mêmes règles qui gouvernent
celle- ci. Com m e la succes~iou totale, elle conslitne une masse
don t l'importance est im ·arial>lement fixée au moment du ùécès,
et qui appartient collectivement à tous les enfan t". S i l'Lu1 de ux.
renonce, sa p art, aux termes bien formels d e l'article i86, doit
s ement reh1ive111ent il une mas->e v·Hi'lble, et qni se tnnsfonn e
dès qu'un ch:rn~einenl se produit dans le llOmbre de ceux qui Y
sont apiie'.és? C'est ce que dit très-bien :\1. De111olomhe:
« La 1.:on ition es·3entiell >, s·rn-5 la r1~lle le droit J'accro·sse« nient n·e,,l p1s 1ossible,1.:'esl l'existence d'une masse inva« r h blc a, 1.;0 , ; , et qui cie neure la lllêrne api·ès connue avant
« la renonc1alio1 1. \.elle conditi.1n manque • bsolume1 t, en ce
, qui cu.icerne '" n~::;erYe de.:; e11f111ls. On ne l'eut }1"S dire, p1r
,.. el\.emvle, q ue, si l'un ùe Lroi~ eufants accep te seul, quuud
�-
!GO-
« les deux autres renoncent, qu'il aurait eu, à lui seul, les trois
« qu1rts, à supposer qlie ses deux frères n'eussent pas existé:
moili é. Donc, il ne
« doit avoir aussi que la moitié, 1Jrsque 1>es deux frères
« il n'aurait eu, au contraire, que la
(lJ.
Enfin, si l'accroissement dev,1it avoir lieu , en présence de
trois enfants, dont un ou deu x renon ·ent, s 'il y avait matière,
en ce cas, à appliqner l'arlicle 78G, on Set'llit mress1irement
amene à décider au -i que la ré:;erve , 11ne fo is tLèe qn ant à sa
quoti té, passe , pa r <lroil de déYolulion, au x. desLendants des
degrès utérieurs .
•
d'un fis unique prédécédé auraient
Ainsi, trois descendants
droit, dans la succession de l'aïeul à une réserx.e des trois
huarts. Il faudrait aller plus loin et dire que,si tous les enfants
ou descendants renoncent, la réserve passe, telle qu'elle est
fixée par le nombre de ces derniers, aux. ascendants et même
aux collatéraux 1 Certes, ce sont là des conséquences que
réprouvent et désavouen t h a utement les partisans du système
que nous corn battons. Mais, ell es n' en sont pas moins des déductions logiques de leur principe, et, s'ils ne peuvent s uivre ce
principe, dans toutes ses conséquerices nécessaires, c'e.st qu'il
est faux et doit être rejeté.
Nous concl uons donc, que l'enfant renonçant ne doit jama is
être compté, et qu 'il ne faut tenir compte, pour ét ablir le mon·
tanl de la réserve, que des enfants qui acceptent et se portent
effectivement héritiers.
Mais, que deviendra la part de r ...serve à laquelle le r enon« renoncent.
>>
-
%11 -
çant aurait eu droit, et qu'il perd, pa1· suite de sa renoneiation ?
Pour répondre s ur ce point, il faut prévoir deux hypothèses :
1 • Le défunt a laissé quatre enfants, l'un d' eux renonce. La
r éserve resle ce qu'elle était avant la renonciation, car, elle
n'est pas plus cons idérable pour quatre enfants que pour trois:
elle est toujours des trois quarts. La parL du renonçant grossira
celle de ses co-réservataires, et il y aura vraiment lieu ici au
droit d'accroissement, en vertu du principe que, la renonciation
d'un héritier profite à ceux am.quels aurait nui son acceptation.
Les trois enfants qui acceptent auront chacun uo tiers des biens
r éservés, tandis qu'ils n'auraient eu qu'un quart, si leur co-héritier n'eùt pas renoncé .
2• Le défunt a laissé trois enfants, l'un d'eux renonce. Le
renonçant étant censé inexistant quant à la réserve, celle-ci,
cakulée sur deux enfants, sera des deux tiers, l'autre tiers formera la portior1 disponible. La renonciation, dans ce cas, a lieu
a u profit des réservataires, qui recueillent, chacun la moitié des
deux tiers, tandis qu'ils n'auraient eu, en l'absence de la renonciation du co-résen ataire, que le tiers des trois quarti,; et au
p rofit des donataires ou légataires, puisq ue la renonciation
élève la quotité d ispvnible du quart au tiers. ( 1)
Il nous res te, en terminant cette section relatiYe au montant de
la réserYe, à examiner de qnelle fa~on se calcule la r éserve que
nous avons reconnue à l'enfant naturel, e t, par suite, quelle en
est h r 1uotilé.
Nous ayons vn riue la qnE>slion de savoir si l'enfant naturel
reconnu aYait droit à une réserve, avai t été, dans les premiers
(1 ) Marcadé. 913. 91'i n· 1. Ouvergier t . 111 n· 108 Dewol. tome IL Don d
tt-:.;l. u. 91l e< :>Lill'. L..1ur, n' to1ue X.II n· 21.
(1) Demol. bon. et teat. II. p 110-71.
�- tes ab
inte~tat,
eu d'autres termes, i:t reproduire quant à la rése rve,
les articles 757 et ï58.
Prenons chacune de:.; hypothèses que préYoient ces textes :
1• L'enfant n,1t urel est en concours aYec un enfant légitime.
S'il était légitime, il aurait droit ü la moitié ùe la succession.
Comme enfan t naturel , il n'.1 droit qu\1 un tiers de ce qu'il
aurait, s'il était légitime. S:i ré:-erve sera du tiers du tier::-, soi t
d'un neuvième. L 'enfant naturel est en concours avec deux. enfants légitimes. S'il eut été légitime, il aurait eu u;:e réserve
du quart. Il aura le Li ers de ce quart, soit nn <louzit!me.
S'il est en concours avec trois enfants légitmes, sa réserve
sera d'un shième, avec quatre, d'un Yingtième, et ainsi de
-
102 -
temps de la promulgation du code, l'objet de sérieuses controverses. Une fois ce point résolu atlirmativernent, on se divisa
profondément su r le quantum de cette réserve. Ainsi, les uns
admettaient que, en l'absence de disposition spéciale à cet
égard, on devait se référer a ll x articles 757 et suivants qui
fixent la part ab intestat de l'en fant naturel et décider qllc sa
réserve serait égale à celle part.
D'autres enseignaient que l'on devait suivre l'article 761, aux
termes duq1iel, les parents peuvent, en donnant entre vifs à
leur enfant naturel la moitié, de ce qui lui est accordé ab intes-
tat, l'exclure de leur succession. a réserve était donc, dans ce
système, égale à la moitié de sa part ab intestat.
suite.
Si l'enfant légitime est précl écédé, laissant des descendants,
notre calcul devra être reproduit, car les descendants, venant
par représentation, ont tous les droits qui auraient appartenu à
leur auteur. Mais, s1 l'enfant légitime est renonçant ou indigne,
comme, dans ce cas, les petits-e11 f'lnls viennent de lenr chef,
l'enfant naturel devrait èlre ficti\ ement tenu pour uu enfant
légitime, excluant les petils-enhnts, et, à ce titre, prendre une
réserve du tiers de 13. moilié, c'est-à-dire d'un sixième.
2° L'enfant nalu1 el est en concours avec des frères et :-œurs
ou des ascend ants dans les deux li ...,ues. S'il était légitime il aurait droit à la totalité de la sur cession a/; i11fesla1, el comme
réserve, à la moitié de cet te success iou. S:i. réseryc sera de la
l\fais ces systèmes n'ont eu aucune faveur et c'est avec raison. Car le premier donnait à l'enfant naturel une réserve qui,
dans certains cas, dépassait celle de l'enfant légitime, puisqu'elle pouvait comprendre la totalité des biens, en l'absence
de tous parents au deg('è s uccess ible ; et, le second supposait à
tort que La réduction permise par l'article 761 pouvait s'opérer
autrement que par une donation entre vifs, ce qui était formel -
m oitié de cette moitié, s0it d'un qnart.
3• L'enfant naturel se trouYe en concours aYec des collatéraux
autres que frères et sœurs ou descendants d'eux . La réserve
sera de la moitié des trois quarts, qui formaient sa part héréditaire ab inteitat, c' est-à-dire des trois huitièmes.
dicteurs dans la j11risprndence.
Il est, d'ailleurs, trés simple et consiste à fixer les droits de
l'enfant naturel par rapport à la réserve suivant les rè~les
tJ.UÏndiquent les 3.rlic.lc:; 757 et 758 relativement à la succession
lement contraire au texte.
Aussi, un s~rstème '.Je:iucoup plus conforme aux principes qui
réaissent les droi ts ile l'enranl naturel, fnt bientôt exposé par
un°arrêt de la cour de Pau clu :! i mai 1806, maintenu par la
Cour s uprême le 2G juin 1809 Ce système a conquis les sulirages de la grande majo l'.t-: cles auteurs et a trouvé peu de contra-
�26& -
- 265 -
•• Enfln, l'enfànt naturel r encontre des ascendants da ns une
ligne et des collatéraux non 1wivilégiés dans l'autre. Il doit, suivant nous , aYoir da:~s ce cas, les cinq huitièmes de b r éserre
quïl aurait eue, s'il eùl élé légitime, c'est- ü-dire les cinq
Cette objection est peul-vi•·~~uste. Mais, nous ne croyons pils
que notre systcme doive en èlre modifié. Les termes et
l'esprit de l'article 75b nous paraissent. commander cette décision (iJ. Ol>~el'\'0:1s. en finissant, que la quotité de la 1·éserve
düc à l'<'nfaul natt1rc:l, s·a1ipl'écie , en égard à la qualité des
succ~ssiu l ec; bi:.;:;;és par le de eu ius et pouvu qu'ils se p ortent
h é ritiers. Si do1Vi l'nn denx renonce ou est exclu comme indigne,
il ne doit pas fignrer dans le calcu l.
Mais si le défunt il fait vne disposition universelle, et laisse
un en.fé'lnt 111.tmel et des coll üé1"1ux exclus par le légataire,
quelle sera 11. réserve de l'enfant? Elle doit être égale à
celle d'Lm enfant legitime. C·lr , le rlroit de l'enfant naturel n'est
ré<luit par b loi a une portion de ce quïl eût été, à le supposer
légitime, que vis à vis des parents légitimes du défunt et dans
leur seul intérèt. Mais, dans l'espèce l'enfant n aturel n'est plus
en face de parents légitimes. Il a devant lui un étranger et il
est jnste de le traiter, dès lors, com::ne un enfant légitime. (2).
-
seizièmes.
Nous avons supposé, dans lec:; h ypothèses ci dessus un en fant
naturel en concours avec un on plusieurs enfants légitimes.
ou des ascendants, ou des collatéraux.L1 régle que nous venons
de suivre pour fixer la réserve <lue à l'enfant naturel, doit-elle
s'appliquer, même au cas de plusieurs enfants naturel s?
Nous le pensons a' ec la juris prudence et la généralité des interprètes. Nous estimons que les enfa .ü~ naturels doiYent être
tous fictivement et !>imultanément consiJérés comme enfants
légitimes, et qu'ils doivent a'.·oir pour réserve le tiers, la moitié
ou les trois quarts de ce qu'ils auraient eu, à ce litre, s'ils
eussent été légitim es . U n exemple suffira à faire comprendre la
portée du principe: Le défunt a laissé cleux enfauts légitimes,
trois enfants naturels. Si ceux -ci étaient légitimes , la réserve
étant des trois quarts , C'hacun r ecueillerait un cinq ni.ème des
trois quarts, soit trois vingtièmes . Mais comme ils sont n1lnrels,
îls n'ont droit qu'à un tiers de ce cinquième, soit un viugtié111e.
On a adressé à ce système un reproche. On a dit quïl ne
traitait pas l'enfant nJ.lurel avec tonle l'équit€ 11ue nut la loi,
parce qu'il ~onsidérait à tort tous les enfants 111turels comme
fictivement et simullaném enl légitimes.
En effet, chacun ùes enfants naturels semble pouvoir dire
c Si j'eusse été légitime, j'aurai:> p• oGlé de ce que mes ùeux
frères étaient natul'els, j'aurais et1 une réserve de plus des
trois vingtièmes; je dois donc avoir plus d'un vingtième comme
réserve pour avoir ce que la loi m 'acconle.
(2). C'est pour parer à cet inc.onvcnient qu'un avocat fortdistingut§, de
Lyon, M. Gros a proposé un systènw, dit d<! 1·éparlition, d'après lequel
chaque enfaul naturel ·-;ta11lorie0 à opérer, pour Jéter111iner Sl part héréditaire,
en se suppiisant légiluU<' t'l en tenanl ln11jours ses f<ères pour enfants
naturels. Ce ~ystèuw trè,-ingénienx •'t rcmarqnabkme:.it développé d1ns une
b t'<ichurc qui a Jl•>llr titre, r ••~h ·rch~• sur les rlroils succes~i r~ des e•fants
naturt>ls, cc rnttacb~ plutôt à la •uccession ab ntestat, et donne heu à des
d 1:lk 1 ttè~ <lo! calcul .1u.1l l'exiun•m nous eùt mené ti·.>p loin. Mais, nous avions
1e devoir de le signal~-. en regrettant de nd pouvoir 1'11. pprécier et le discuter
comme il coovieud!'ait,
(2) Chabot. art. 756. 29. Dallez rep. v. Suce. ch. l V. &éct. 7. Aubry et reu
p. 686 note 5.
�-1111-
SECTION IV.
De l'effet de l a renonciation d e l'h é r itier doi ataire
ou légataire à la succ ession.
Nous avons dit, a u début de ce travail, lorsque nous avon1
déterminé la nature et le carnctère j uridi<1ue de la réserve,
qn' elle devait être considérée comme un véritable droit de suc.
cession ab i ntestat, comme une portion de cette succession,
pr otégée contre les li béralités exagérées du de cujus, et, en
posant ce principe, nous en avon<. déduil comme conséquence
prem ière, q u'il faut être h éri tie:· pour avoir droi t à la réserve .
Puis, lorsque nous nou s sommes o,·cupé tantô t de l'en fant renon çant, nous avons décidé, que, perdant inr le fait rle la renon
ciation, la qualité d'héritier, il ne ponvai t p lus prétendre ù la
réserve .
Mais, si nous supposons que l'enfant cp1i renonce, a reçu, par
donation entre vifs, ou legs, une p.1 rtie des biens h éréditaires, el
que la libéralité dont il a élé l 'ob~et, lui .1 élé faite sans claus e
de précip i•t, devons-nous reproduire l.i même règle et décider,
jCi encore, que le renonçant, n'a p;ts c\roit à la réserve el ne
peut, par conséquent, retenir les bièns l lui clonnés rrne dans
la mesure de la quo tité disponible. '\/uus ar rivons a insi à la
grande et célèbre controverse rlu cumul cl e la quotitc dis ponible et de la rés erve.
-
267 -
D"a prés quelques autenr j ~~ nne jurisprudence demeurée
longtemps inébr,m\ .ble, il fo lb iL distinguer entre le droit de
r éclame1· la réserve p'l r vo ie <l'action, soit en par tage contre les
au Lr.;s r éserv'l la ires, soil en r éduction contre les donataires, et
le clr·oit cle r.)teni.- c.;Lle r ~servr. p 1 1· vo ie d exception. D:rns ce
svstème la cru1lit~ d' héri•1e1· n'était néi.;ess·ü re q u'il y avait lieu
'
de réclamer h raservc p ir voie d'action. Elle ne l'était plus, s'il
s 'agissai t de la retenir par voi0 d'exception.
L·1 quu lit~ de p~lt'ent réservnt1ire y s uffisait : de telle sorte
q ue l'h éritier dona tai re av .. it le <l roil , en renonçant, de retenir
les l>iens à lui donnés non se11 lementjus q1fà concurrence de la
q uotitl\ disponible, mais a ussi j11sq11'ü co1.currence de la part
de r éserve qu'i l P.ù l pu recueil lir, s'il 5e fût porté héritier.
L :l ju risprndcicc se prononp, dans un premier arrêt, contre
cetLe théorie, n11is , elle l'adopta, dans d'au tres a rrêts , l'un
r endu le 28rn1r,;18.3l, 1'\ntrè le 17 1111.1 18-13.
E lle revrn l ens uite i1 sa première doctrine, da us un arr êt solennel, d u 27 ovembre 18G3, par lequel elle n'a utorise le renonçant à reteuir s ur la don ation qui a pu lui êt re faite par le d •
cujus que le montant de la quotité disponible.
Cette s olution, que nous n'hésil ons pas à adopter , nous parait
r ecommandée pa r les vnis principes admis en matière de
.
réserve.
Dans l'esprit de notre Code, la réserve, nous l'avons montré,
est attachée à la qualité d'héritier. L 'l qualité d'enfant n'y uffit
pas, s i le litre héré lihir?. •1e vient s'y joindre. . . .
D'oü r ésulte, nous l'avons montré a u.-;si quel héritier renon
çanl perd tout d1oit à la r éserve.
Pour se convainrre de la vérM de ces principes, il faut
in terroger les tex.te~. Que fait l'article 913? il partage le palri -
•
�-!M-
-
moine du pèr e de famille en deux portions : l'une dont il a la
libre disposition, par donation ou par testament, en faveur de
tout individu, étranger ou héritier. L'autre déclarée indisponible, et dont il lui est défendu de disposer, quel que soit celui
qu'il ait le désir de gratifier, et qui, formant sa succession
ab intestat, est n écessa ir ement dévolne suivant les régies de
cette s uccession, c'est à dire à ceux seulement qui sont héritiers.
On ne peut, en e!Iet, acquérir qne par deux moyens : J la
succession 2° la donation. Pour acquèr ir par su<·cession, il !aut
être héritier, cela est de toute évidence. Or, le renonçant, a
perdu, par la renonciation , cette qualité q ü seule l'autorisait à
recueillir par voie de succession. Il s'est fait étranger à l'hérédité. Donc, il ne pourra recevoir du ùéfunt qne par donation, et
il ne pourra recueillir , par ce titre, que ce qui peut être re~:ueilli
par donation, c'est-à- dire la quotité disponible. Ces idées sont
daires et certaines et i ·article 84S vient les fortifier en disposant
c que l'héritier qui renonce pourra cependant retenir le don
, entre vifs ou récla mer le legs à lui fait jusqu'à concurrence de
c la quotité diiponible, • telle était la théorie que la Cour de
cassation avait consacrée, dans le célèbre arrêt Laroque de
Mons, r endu le 13 lévrier 1818.
Mais, ce systèm e produisa it. dans certains cas, des inconvénient regretla bles , qui rèsullaient de la faculté laissée a u
:successible renonçant de retenir et dïmpuler sur la quotité
disponible le don que lui avait fait le testateur s:ms clause de
p réciput. Et par exemple, si un père fait a un de ses enfants un
avancement d'hoirie qui absorbe la q uotité disponible, puis
adresse à des personnes étra ng ·res, qui 0nt des titres '.l sa
reconnaissance ou à son afTection, des dons ou des legs, l'effet
de ces dernières libérali tés sel'a s11bordonné " la volonté de
0
-
269 --
l'enfant donatai re qui pour1·a les maintenir ou les r endre inefficaces, selon quïl acceptera la succes<>ion ou y r enoncera. En
effet, veut-il l •s anéautir, il r enonce, et , n'étant plus qu'un
simple légataire, il absorbe la portion disponi'ble, et frappe de
n ullité les lihti1·1lités ultérieures c1n pere, c1ui avait déjà épuisé
tout ce üonl il IlOUVait disposer. Yeu l-il les maintenir, il accepte
la snccesion et p<i r suite, la 11ere a fait des libénli tés Yalables,
puisqu'il s'est teuu dans le::; limites de la quotité disponible
restée inlacte.
:\ i11si, l'en(ant donataire a le pouvoir, en vertu de l'article
8!3 de dénaturer le caractère de la ùo11ation que son auteur lu i
'
a faite. Ceh n'c3t pas sans d·rnger. La puissance paternelle en
r eçoit une gr:l\'e attemte, et le testatcm, qni sait quïl est
exposé à perdre sa quotité ùi,ponible, s'il fait à son descendant
d es avantages même ~ 1nc; dispense ùe rap port et avec la décla ra Lion d'avance m ~11t d'hoirie, sera moins tenté de faire ces
avantnges, ou ne les fera que dans une faible mesure. L'intérêt
de l'enfant en souffrira.
Et c"est, en présence de ces inconvénients et en vue d'y parer,
qu'a été imaJi11ée la théorie d'après Iaqueile la donation reçue
par l'enfant qu; renonèe sï1npute, en premier lieu sur sa part
de i·éserYe, en :'.>econd lieu, sur l:i quotité disponible, mais de
manière à ce '.ne cetlequolilé ne soitj·tmais dépassée.
De ux arrêt" de ca ,sa lion, que nons indiquions tantôt, ont
adopté ce sy-t" ne: celui du 11août18:?!1 et celui du 21 ma rs
183!. Ils rai<:<)11'1ent ainsi :
L'asce11 d;•11t <JllÎ fait il son descendant une libéralité, sans
l'accompagner de la cbuse ex presse lle p1·éttj)!tf, n 'euteod
évideminent lui attribuer les choses don nées qu'à titre de présuccession, et comme- ava nce sur la part héridilaire à laquella
�- 270 -
est appelé l'enfant donataire. C:elni-ri ne détient les b i!ns qu'a
t1tre d'avancement d'hoirie ; c'est nne remise a nticipée de sa
portion héréditaire, et par consé '1 uence de sa réserve que
l'ascendant a Youlu lui a dresser. Cette l1béralit é cloit garder
son c1rnctère, quelque soi! le parti qne nreone r e·1hnt rela Liuement il la succes::.ion. Qu'il accepte ou quïl r enonce, il n'a
r eru qu'un avancement d'hoirie, iinp1uable s ur s réserve, et
il ne peut avoir le droit exorbitant ù\:n ch:rnger la nature et
d'en f'lire un avantage qui devra êlre imp~üé snr la quolilé
disponible.
C'était d'ailleurs le droiL re~u dans nos 'lnciennes provinct;s
coutumières, qui n·ex1ge'lic>n1 b. qn1l i é <lï1u:itie r que ponr réclamer la légitime p:i.r Yoie d'action, Ill •is ne J'e:<i;je1 ient pas,
s'il s'agissait de retenir et de conserver b légi tim ~. Pothiet: esL
formel sur ce point: << Tons conviennenL que s' il est nécess·tire
d'être héritier pour intenter l'aclion en l égitime, il n ·est pas
nécessaire de l'être pour relenir cette légitime par voie d'exception 11
Mais, l'article 8!5 semble bien s'opposer au droi t que reconnait à l'hé1itier r enonçant le s ystè1ne que nous exposons. Il
décid e, en effet, que 'te renonçant ne peut retenir le clon ou
réclamer le legs ;, lui fait que dans les limites rie la portion
disponible. c ·est, dire que le don Oll le legs doit être imp ulé
sur cette portion disponible. On réponrl que l'article 8-1:5 est
étranger il 11 ques tion d'impu ta tion ; qu'il u'entend règler lrru 'nn
seul point, celui de savoir j 11scp1'à cOl1l:lll'renc<> de quelle .valeu r
la rét ention est p ermise au r enont ·u1L.
Ains i, la conclusion de ce systè· 11 e, cons·1rré inr les arrêts
précités, est celle-ci: l'enfant donataire ou lég1tai1 e, sans dis pense de l'apport, est , quant à l'étendue de la libéralité qu'il
-
27i -
peut conserver , t raité CQmme un étranger, mais, sa situation
diffère de celle de l'étranger, en ce que, il impute le don d'abord
sur la réserV"e, et, pour le sur plus, snr la quotité disponible, de
façon toutefois a ne pas dépasser les limites de cette quotité.
Entin, on fait ressortir , que ce système obvie, tl 'une façon
très- satisfaisante, aux. inconvénients que nous avons signalés
plus h aut et qui résulLent !orcément de la disposition de l'article
8 45.
Le père de famille pourra, en effet, faire d'autres libéralités
et elles se trouveront valables, jusqu'à concurrence de la portion
de la quotité disponible que l'enfant renonçant n'aura pas le
droit de retenir. (1)
Cette théorie, à l'insu peut-être de ceux qui la soutenaient,
deva it fata lement con'1luire, à l'adoption ct·une théorie plus
large, celle du cumul. \. ;,!,,ment l\l. Demante prétendit-il que
l'on a ti r é à tor t du principe qu'il accepte, cette conséquence
extrême.
Elle était, s uivant nous, dans la nécessité des choses ; car,
l'erreur a aussi sa logiqu e. Du mom ent, en elîet, où on permit
à l'héritier reno.ipnt d'imputer Sll l' la réserve la donation qu'il
avait reçue du d<' <'UJ11s, il n'y eut pas de raison, la quotité disponible étant libre, pour empêche r l'enfant de h recueillir au
même titre qu'un étraugcr . Et \'Ofü pourquoi, la Cour de
cass'ltion, dans un arrêt du]-;- mai 18-13 , décida que l'enfant
donataire ::iu lé., 1 t·l ire, qui ro11once, peut, sur le don qu'il a
reçu, retenir tout " h fo i-. s·1 rC'sen·e et toute la quotité disponible, en d'autres termes, cumuler ces lleux quotités.
Cette théo rie du cumul, ne seraiL pas, d'après ses partisans,
(l) /)amante. tome I V. n . 4~ bis e t suiv. Aubry ot Ra.u. V. p . ~73-~7i .
�-
272 -
contraire à !"article 8-1:~ et )11; ~"'''t llü1• .'ln rnntraire, une grande
foret'. S·rns dou te cet '.lrtir.le t!',•uturi,..c l'e11f:rnt don'.ll 1ire <fui
renonce à re.euir h don:1 lion •111i l11i ·1 ért" hitl' tfLV~ d ans la
mesure de b l[llOtité cli-;pouil> l •. . his, h 1111e"lion est pr .~1"s-.:
me111 de s:1Yoir ·~neli l' est po11r l 1i J 1 1<110· it·> dis_ 1 )i b:c . •;· le
pére ne peul r·1s fli:-;; >03l'1 <le l 1 ré, '!'Ve , t' "h n· .:.~ L \l'élÎ llU .~l
J'enc ,11' r2desJ"nll:üre·; eld ~:,;·~·1 t ·1 i c.-. ··Ir n~"·<:: .
~is, Ja µ ·iri
Ces mt en:-; seul •qi enl t1ue Yi;~ l':tt t id" :n ·~.
déehr~è indi.sponibh' à 1 •111 t'g·Hd , c>' di-p .uibie '.·i s-a-\•i:; de
l'e11f :nt : c·est p mr !ni ·]11°-!lle c•,t r~· ;t•ryée. c ,. ,t d 'llS se>n i llér(>L se11le111ent que la loi 11 met ü l''>\J r rlt'<> li L;l'll i és d'l p•"re,
on ne peut p .. s l'.nY01per c:o:1tre lui : ~ l ~ïl l'.l reçoit au tl1l•yen
d'une donation ent re vif:> . Il peut h 1-.;tenir, en ''!:' du de h c111.sc
~é gi lime <ie transmission qui lui en ·1 ,·.1,,: hite. r.·est qu'e•1 etf<.'t,
il Y a deux portions disponibles, 1'11ne ;iu pi oflt d'él!"l11 ""er~
limitée par les artides fi ;3 c.t ~lJ;) ; l 'aulre, ' tll profit des ,,;ccu:
dants 0u <i cscendan ts, el tiui comp1·enn, ontre le chsroniLk de-:
art. 913 et 915, une quotité parLir.uli ère des biens co1Tespondant à la p'lrt du renoni:'.lnt dans ln réserrn.
Ce sy~tème du cunrnl 11011s parait trop co11tr1 ire aux textes
tlu code, et aux principes de l:l rése rve, pr ur <Jut nous pais ions
l'adm ettr e, et ntJus croyons den 1r 11011s rallier 1 u sentiment
de ceux. qui décident que le c;;uec·e-.•:;Ji!t, renonç,111 n·a Je droit
de relenir le don ou de rédamer :e legs , que ju"quii concurrence de la seule quot ité dispo11il le.~ Yant tlï•i<ii1m::T les ra isons
qui rnoli,·ent notM conYidi11n, 1•011::> cle\'r.1:s fai '!-' rein ;1r 1 ·rer
que le sy:;1èrne wix.te c1 ui aecurde urH' p·1i l cle r -. . . 1~rYO et "une
part tl e la portion clisponi 'ile au re11<J11r·1 ·i l est ·uJ s"i inadrnissible que celui du cumul, et que uous l 'Pnglo!Jons dans la ruC::me
réfutation.
- 273 -
otre qnestivn, Oil le s:iit, prit n:l.iss::mce en droit romai:l
Juslini un la r0.,e et la résout allirmatiYe111cnt dans la Novelle
~2, cléJ'1 c:ilée " J:ir·1·t a11rc111 r>Ï •rci lrtl'gitrdem 111eru 't, absLi11 ncr·c· .se ab Ji,' "dl ale : d 1 w111 orlo 8uppleat ex donationc, '>·i
«
OJ'itS
.<?tl, cet · 1'.Jr1C111 11ar 1io11e.1L »
L::i. létiitinu.,. " 11 p'.l<;sant chns 11 •tre droit écrit et cl ans n os
pays (le cuutr .i1t\ reste soum ise à cert'.lines règle,; romaines, et
rer:L.;t en outn', l'ap 1)1ic1lion rle principes coutumiers, ce qui
com;,itlle nne tlléurie ::ans uniformité bien arrêtée . Ainsi. le
dr. it de rétention arconl ë an lé.;itim'lire renon•:ant continue
a· ~tre ad1nis , d rns notre anc ien drc it. Cela était peu logi·1ue.
Car, h légiti111~ ro1n 1ine n i! f)rnwitp·1s uneportionde l'hérédité
et l"'uYai1. être rletn'.lntlée en dehors du titre héréd itaire, tandis
que la J • ·itirnc de nus ant:ie11nes proYinces était une p0rtion
de l'hér~dité elexig~ait cJte,. l'nyant droit la qualité <l'héritier.
Rien de plns 111lurel que d'au toriser, au pretnier C.ls . le legitim nire rl1•11ataire renon~ant, it rete11ir sa légitime sur les biens a
lui clonn 8s ; ric 11 1\c plœ; i1T:llionnel , ,, u contraire, que de permetLre cette rdenue, lors 1ue la légililll e est une portion de la
snccession, co.nnv il ell él:lil '.1insi d'a prc:s nos auteurs <lu Llroit
tllll Î..;!l .
f" i,.;, h r é::,,•;'\'C " p·1;:;,; ,1·tns 1111tre r] J'Oit n orlerne; elle y a
p'.1% a\ c 10 11lèl'1 ; · 1r:1L • re, e 'L'-;t-à-d1re, comme nue p •rtie
de 1 ::.n;:..;eS"'"•ll, ü h 1uelle ,111 ne peu. prd<.!nJce qu'en se t)ortant lH'nt:er. : 'ais, IL'.; ré 1·u·le m- de nolre c .. de 11111-il.; '.lL 1nis
au::,si l G ci:>pt: n Ill J.,,i 11..'. l't pe'l jnstithl>'e, rn yertu del:lquelle
le r1"1on ·1111, .iucii Jill! 11\ l"nl p·1s 11l-1 itier, a\ ait le droit de
r eteuir s·t p~nt <le lt~bit1me, su r la don.1tiou enlre-Yi1s dont le
défunt l'avait graLi,ié ? Nos adversaires, s'appuyant sur l'au1
torité historique, soutiennent cette solution.
�~ ous
274 -
répondons que le Code a manifestement dérogé à l'ancien
droit sur ce point, et la p reuve, nous la t rouvons dans l'article
845 , dont les ter.nes, quelques efforts t[u'on fasse pour les éluder
n'en out pas moins formels : << L' héritier qui ren once peut
« cependant retenil' le don entre-vifs ou r éch11nèr le legs à lui
c fait jusqu'à concurrence de la quotitè <lisp.mible >) Quoi de
plus pr écis ? et, qu'on le reltlarque , notre article ne s'exprime
pas, tant s'en faut, comme s'e:-;.primait la 1Ycuelle S2, comme
s'exprimai t aussi la coutume de Paris, art. 307 dontnous avoni
donne le texte, u i\éamoins, ou celui, auquel on aurai t donné,
« se, oudrait tenir t son don, faire le peut, en s'abstenant de
' l'hérédité. la légitime réserYée aux autres. »
Et la légitime, éta nt attribuée in di \iduellement à chaque légitimaire, il résultait de ce texte que le renon(·a1it pouvait garder
tout ce qui r estait libre , a près le paiemenl des légitimes de
ceux qui acceptaient, c'est -à-dire, évidemment , sa légitime et
toute la quotité disponible.
Bien d ifférend est l'a1·t1cle 8 15 qui limite le droit de r éte ntion
du réservataire renont:ant à la seule qt totité dispontble. Les principes vouhient <l'aill eurs qu'il en fùt ainsi. La réserve aujo urdïrni , est une masse indispou ible, qui d o it rester dans la succession, et qui n·appartient qu'a ceux qlli se portent héritiers.
E ile leur appartient collectiYement el en Liac. Or, si l'un de
ceux qui sJnt appelés à la résene. renonce à la succession,
nous l'avons dit et nous ne saurions trop le repéter, cette renonciation le dépouille rétroacli\·e111ent cle h qua lité ,l'héritier : Et,
n'ayant plus la qualité d'lJLl·ilier, il u'a plus d1'11it à la r éserve.
Vainement, i\I. Demante so utient-il que l'article 785, ne peutétre ullegué, puisque la ques tion est <le savoir, si le principe
général qu'il exprime, s ' applique au cas où le réservataire
- 275 -
reuonce, pour s'en tenir à son don . L'article 785 est général,
absolu , exclusi[ de toute distinction. 11 s'appliCJue au cas qui
nous occnpe comme a Lons les cas de renoncia tion, et, on ne
peut le décitll!r aulreme11l, s~u1 s ajouter au t ex.te et distinguer
où la loi est ::d.Jsolue el ne ùbtingu0 pas.
On nous ùit qu'il y a ùeux qnotités disponibles, l'une au profit
des ét1·angers, l'autre au profit d es rése1vataires, et que celle-ci
comprend, non seulement la quotité disponi ble ordinaire , mais
la p 1rL de réserve de l'héritier qui renonce. Mais,où tr..iuve-t-on
le principe de ces ùenx quotités ? C'est là une pure affirmation,
sans fondemr·nt aucun. Il n'y a qu'une seule quotité disponible,
celle de l'article 913. Celte quotité, la loi la fixe indépendamment
de la qualité ' e ceux qui ont reçu des donations ; que ces
domtions aient été faites à des successibles, ou à des
étr1ngers, la quotité di:>pünible est invariable. A quel titre, dès
lors, le renonçant prétendrait-il retenir une part au-delà du
disponible? A ti tre de rése.rvatuire? mais, il a renoncé. A titre
de donahi re nu de légataire? Ma is, le défu nt n'a pu disposer
de rien au-de'i du disponible. Le renonçant deYient donc un
étt·anger p1r rapport à h succession; il ne peut avoir que les
droits d 'un élr:rnger, et ces tlroits sont limités à la quotit~ disponibl0 que détermine l"HtidG 913.
l\fa,::;, dit-on, l'ai ticlc 8-l::S a entendu accorder une faveur
spéciale à I'è 1fant donHt 1irn qui ren nce, et, si on ne l'autorise
à retenir, par voie cl'exce 1ition, qne l 1 ::;impie qnotilé disponible, on n'entre pas d,1n::~ les vue::; du législateur et 0,1 n'accorde
pas i• l'enfa nt cette faveur que la loi lui a reconnue. Il est facile
de répondre i1 cet 1.rgument. L'article 8-l5 suppose une donation
faite à l'enfant it titre d'avancement d'hoirie, de présuccession.
Or, n'est-ce pas une faveur que d'autoriser l'enfant qui
�-278 -
-
Z77 -
renonce à change• te caractère de cette Ubérallté et à r etenir le
don dans la mesure de la quotité disponiblP,, et rein, contre la
volonté ëvidente du père de famille et an mépri::; de l'égalité
dont la loi , à tort ou à raison, veut, a utant cp.1e possible, le
maintien en tre tes héritiers. C'est 111 une faveur te lernent considérable, qu'elle peut produ ire un réslll lat des p ns fàch eux,
l'annulation dés libéralités ullérieul'es faites par le père Néanmoins, la loi ra admise. Mu.:;, c'est préüi,;ém 11t parcequ'il
s'agit a·une favenr, quïl faut ta restreindre ri..;ourensement aux
termes de ta loi. Pour no:1s celle disposition de l'article 8 15,
quoiqu'elle puisse, dans certaines hypothèses, ètre c?ntrair e
a üx intent ions du père de f:lmi lle, ne nous parait moins très
sage et très justifiable Le législateur a cornpri<; qne les dons
en avancement d'hoirie interYiennent le plus souvent en faveu r
du mariage ou d'autres établissements dont il e::;t de la plus
haute importance de maintenir la dotation. Et voilà pourquoi
il autorise le successible qui les a reçus à en retenir le montant,
s 'il n'excède pas la quotité disponible, ü la condition de reno ncer à la succession. On eùl pu douter, étaut donné le caractère
de ces libéralités. que l'héritier, eu renonçant, pùt gnrder iles
biens qui ne lui avaient été remis qu'ü lilre de pr~succession,
ta11 quairt hcredi /1doro, ainsi que cfonit Dumoulin. \fais, encore
une fois, comme cette foc11lté :-ic<.:ordée il t'héritie1 par l'art ,·le
845, constitue une véri t::i 1>le 1aYcur, il ne faut r 1d 111eltre que
dans les te1·rne,, de l':Htide et ne permettre ht ret\'llUe que jus-
(art. 919).
Résumons donc notre s ystème et concluons ;
Si un enfant dona taire, renonce à la s uccession, que le don
lui ait été fa il par prédp11t ou ù ti tre d'anncement d'hoirie, il a
perd u, da ns tous les cas, b qualité d'h ér~l ier, par suite de sa
renoncial ion, et n'a plus aucun droh à la r és erve. Donc, il ne
peut retenir les bi ens donnés que jus11u'à concurrence de la
quotité disponible. i, a u contraire, il accepte la succession , il
faut distinguer. - A-t-il reçu la donation comme avancement
d'ljoirie; il esl hérit'er, et en celte qualité, il doit le rapport de
ce qu'il lui a été donné. - A-t-il r eçu la donation par P'·eciput,
il la retient et l'impute sur 1.t quotité disponible, et, en outre, il
qu'à concmrence de la '1110Li lé cl i~po1;11Jle.
Que l'on consi lère, <l':ülleurs, les ;jr:tves in'o1r :é11ients <le la
doctrine du cumul. L'enfant dollataire peul," en renonçant, se
procurer un avantage égal et meme supérieur à celui du donataire
par préciput, contrairement à la volonté du père de famille et à
recueille sa part de réser ve.
Tel est le seul cas où te cumul soit autorisé. Nous avons dit,
plus h aut, que la jurisprudence après avoir consacré notre
système, dans son arrèt Laroque de Mons du 18 février 1818
avait, dans \'a r rêt du 17 mai 1843, adopté la théorie du cumul
0
la disposition formelle de l'article 919. Il se procure un avantage
égal ; car comme l'enfant précipidair-e il retient le don à lui fait
da ns la mesure de la quotité disponible etdesa pa rt de réserve.
Mais, il se procure un avantage supérieur à celui du p réciputaire puisque le dernier peu t être tenu au rapport en nature
pour tout ce qui excéde le montant ùe ce qu'il doit recueillir,
tandis que l'enfant donataire renonçant n'a j amais un semblable
rapport à effectuer.
On di t 'lllÏ l en était ainsi dans l'ancien droit. Mais, si ce
rés ultat s'expliquait, autrefois, pa r les principes des coutumes
d'égalité parfa ite, qui défendaient les aYantages fails aux héritiers, il ser:lit injustifiable, dans notre droit actuel , qui admet
et autorise exp re-:;sément le don par préciput ou hors part
,
�-
-
'!7 ~
-
Celt<' tkrnière décision jeta l "efîroi 1lans le rnonrl e jurirlique . La
doctnne y vit a\·ec raison le nau t'rage de tous les vt·ais p rincipes ,
et fut unanime à condamner, dans les termes les plus sévèr es,
cet arrêt, (( qui renvel'c:ait a·un mot, et presque sans discussion ,
"' la jurisprudence que la COUl' ava it établie, pa r l" une de ses plus
t célèbres décisions, celle du lfl février 18l8 (1) . JO
Les auteurs ont persévéré dans leur sentiment. Presque tous
enseignent le ::;ystème que nous avons e:-. posé en dernier lieu, et
ont vivement combattu celui du cumnl. c·est , sans doute, so us
l'influence de ces écrits dùs aux. plus éminents jurisconsultes de
de not re temps, Ddvergier , l\la rcadé, Rodière, Coin-Delisle,
Valette, Demolombe, que la Cour es t revenue, dans un arrêt
solennel rendu le 27 i'\ovembre 1863 , à sa premiêre juriprusdence ( IJ bis .Depuis lors,quelques auteurs ont publié de nouveaux
travaux sur cette matière. L'un deux, M. Ragon, s'est déclaré,
partisan éner{iique et convaincu du cumul, et il a consacré deux
volum es à exposer et à developper les r aisons qui ont déterminé sa conviction, Nous regrettons que ce savant et profond
jurisconsulte manque à notre cause. Car ,son œuvre restera « une
• des plus consciencieuses et des plus rema rquables que notre
• époque a it produites (2 ). n
Quant à la juris prudence, elle a constamment maintenu la
doctrine qu'a consacrée l'arrêt solennel de 1863.
Les cours d'appel ont rendu de nombreuses et remarquables
décisions sur ce point. (Montpellier 8 Mars 1864. Pa ris 9 juin
1864.. Dijon 10 avril 1867) et la Cour de cassation a décidé de
m~me. le :!2 :ioüt 1870, que l'enfant donataire renonçant n'a
( 1). SiTey XLIII 1 689, note
( t' bis. M. Laurent. - Don. et tut.
(2). De111ol. àon. 't t.et. 'l p. 7i.
!179 -
a·1spo11i vk. On peut donc, comme le di
droit qu'à la quot"lé
1
· la question s'ele .t d
M. Demolombe' être assuré que s1
vai lee
nouveau d eva n t 1a Conr. elle se prononcerait encore dans
s ens de ces solutions, les seul e~ conformes aux tex.tes et aux
véritables principes.
-
�POSITIONS
DROIT ClVIL FRANÇAIS
1. L a p arenté naturelle ff1d obrdacle rm mar iage e11t1·e ascen-
ie di1·erte,lor s méme qu'elle n'est pa8
dants ~t descendan t.~ e.
légalement établie. ( A ?·t. 161 Cod. civ.)
J
\
2. La déchéance des libéralites faites par l'un des épou.r: à
l'aufre et ?Ué p 1·onon.ce ~our le cas de divo1·ce l'artic!f' 299.
est encour11e pm· l'épou:-c conlre lequel la séparation de corps •1
été prononcée .
.3. Les actes accomplis par un tutew· dans les limites de se.~
pouvoirs 011 pa1· un mineur ém17,ncipé avec l'assistance de son
curateu r, ne .c;ont pas, d'après l'article 1305, ran9és parmi le$
actes annulables pour cause de lésion.
4. Une obligation naturelle survit a la p1·escription
5. Le défaut des pt10!icafions 7n·escrites par l'article 170, e1•
c,,,, d1' mariage contracté en pays étranu~r , entre /ram;ais ou
ent1·r> ,français: et éfrangers, tJ pow· sanction la possibilité tü
l'anmûation du mariage.
�-
!8Z -
.{
-t83 -
DROIT ROMAIN
1. L ea pactes et stip11latio11s ne p91wa1·e11!, mhne sou f J u1ti-
II. Les édifices pablics 1tali onaux,déparlementaux et comm11naux ne /ont pas partie du domaine puhlic.
nien, :servir à c1·éer le droit réel de servitude.
DROIT CRIMINEL
2. La donation r·évocrrble par le seul p rédécès du donataire
e:st une donation mortis causd.
3. Le c9rre1i,s promittendi ne peut exiger la cession des actions
tn
l'absence de société.
4. Les servitudes r urales consistent ùi (aciendo ; les servitui-11 urbaines consistent in habendo aut in prohibendo.
DROIT COMMERCIAL
I . Un individu, acquitté correciionnellement,ne peut opposer
l'exception rei judicatœ à l'action en dommages- intérêts portée
devant les fribunaux ci"vils.
II. L 'action civile résultant d'un crime, qu'elle soit portée
devant les b·ibu1iaux cri1ninels,ou devant les fribunaux civils,se
p r·escrit, par dix ans com1n,e l'action publique elle- même. (art.
637 code in:st. cr·ùn.)
1. Les marchés à terme d'effets publics ne sont pas valables .
Vu
L e Doyen,
JI. Les matelots ne sont privile,qiés 1wr le navire pour leurs
gages et loyers que s'ils sont engagés aù voyage ou au mois, ils
ne sont pas privilégiés sur le navire, s'ils sont engagés sous
forme de part dan s le profit ou le fret.
ALFRED JOURDAN.
Vu par Nous Professeur, Président de la
ALFRED GAUTIER.
DROIT ADMINISTRATIF
Vu et permis d'imprimer,
L• Recteur,
BELIN.
I . Le ministre dn culte qui enconrt en même temps l'appel
comme d'abus et une poursuite denan! li), jurirtict1·011 pénale,
71e111-étreju,gépar celle-ci, sans , qit'il y ait b"eu d'attendre les
rés1diai du recours comme d'abus.
Tb~ae .
�•
TABLE DES MATIÈRES
-
..
~ ,,--
V.
Avant-Propos
DROIT It03JIAIN
Première époque
Deuxième époque
Section I.
Section II.
Section III.
Section IV.
Section V.
Troisième époque .
Section 1.
Section II .
Li bert11 cte tester nécessité
de l'exhérédation.
Plainte d'inoflkiosité et légitime.
De l'origine de la nature et des
caractères de la querela.
Testaments attaquables par la quer eia. Par qui et contre qui était elle
exercée
Conditions d"exercice de la querela
de h quarte légitime.
Effets de l'admission et du rejet d~
la q uerela.
Des modes d"extinction de la
querela.
Des actes inofficieux.
Des personnes qui peuvent eurcer
la querela
1
7
14
25·
66
83
7
99
J03
�- 286 -
Des justes causes d'exhérédation.
De la quotité de la légitime et du
titre auquel elle est laissée.
Des imputations et de l'action en
complément.
Effets de la querela .
Section III.
Section IV.
Section V.
Section Vl.
Droit Françai .
Ancien droit - Chapitre I.
Section 1.
Des réserves coutumières.
II.
Section
De la légitime de droit
Section III.
Du douaire.
Chapitre II. Droit révolutionnaire
Droit ci vil actuel.
190
192
131
134
139
139
142
158
195
202
210
Section I.
Nature et caractères de la réserve
des personnes qui ont droit
A une réserve.
Section II.
Du montant de la réserve.
Section III.
De l'eITet de la renonciation.
Section IV.
de l'héritier donataire à la succession.
J.farseille . -
Imp. A, ZATIATIN, 20, rue des Feuillants
't-
222
246
266
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Monographie imprimée
Description
An account of the resource
Ouvrages imprimés édités au cours des 16e-20e siècles et conservés dans les bibliothèques de l'université et d'autres partenaires du projet (bibliothèques municipales, archives et chambre de commerce)
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Du testament inofficieux et de la légitime en droit romain ; De la quotité disponible et de la réserve considérées dans leur origine et leur nature en droit français : thèse présentée et soutenue devant la faculté de droit d'Aix
Subject
The topic of the resource
Droit des successions
Successions et héritages
Description
An account of the resource
Si le droit naturel établit qu'un propriétaire dispose pleinement de ses biens, il veut aussi, contradictoirement, que ces biens aillent normalement des ascendants aux descendants, restreignant cette même liberté
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delanglade, Henri
Faculté de droit (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône ; 1...-1896). Organisme de soutenance
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES-AIX-T-136
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Antoine Zaratin (Marseille)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1884
Rights
Information about rights held in and over the resource
domaine public
public domain
Relation
A related resource
Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/240712390
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-AIX-T-136_Delanglade-Testament_vignette.jpg
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
1 vol.
VII-286 p.
In-8 ̊
Language
A language of the resource
fre
Type
The nature or genre of the resource
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/417
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
France. 18..
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
De la quotité disponible et de la réserve considérées dans leur origine et leur nature en droit français
Abstract
A summary of the resource.
Thèse : Thèse de doctorat : Droit : Aix : 1884
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence)
Successions et héritages -- France -- 19e siècle -- Thèses et écrits académiques
Successions et héritages (droit romain) -- Thèses et écrits académiques
Testaments (droit romain) -- Thèses et écrits académiques