]]> Zoologie]]> Ornithologie provençale [...] suivie d'un abrégé de chasse, de quelques instructions de taxidermie, & d'une table des noms vulgaires, par Polydore Roux, conservateur du Cabinet d'Histoire naturelle de la ville de Marseille".

Mention sur la page de titre des 2ème et 3ème volumes : "L'Ouvrage sera composé d'environ 300 planches coloriées sur papier vélin, On ne conservera point d'épreuves en noir. Le texte, format in-4°, caractères de Didot, sera remis gratis. Il aura environ 400 pages. Chaque livraison, qui paraitra exactement le 1er de chaque mois, à dater du 1° Juin 1825, sera composée de 8 planches et d'une feuille de texte au moins".

Polydore Roux n'est pas ornithologue de métier : passionné de dessins et de sciences naturelles, il crée une collection de 3 000 insectes (1) qui lui vaut d'être embauché en 1819 comme conservateur au Muséum d'histoire naturelle de Marseille (il rencontre alors Alfred Moquin-Tandon (2)) et lui donne l'occasion de publier son Catalogue d'insectes de Provence l'année suivante. Après des travaux sur les mollusques et les coquillages, il commence à publier, sous souscription, son Ornithologie provençale, ambitieuse monographie richement illustrée de lithographies en couleur (imprimerie Beisson de Marseille). Il interrompt son projet pour partir en Inde en 1831 où il mourra deux ans plus tard de la peste. Son ouvrage reste donc inachevé lors de sa publication à titre posthume. Ce qui explique que cette présente édition ne contient pas tous les éléments annoncés lors de la souscription (abrégé de chasse, instructions de taxidermie et index en vernaculaire provençal) et comprend 3 volumes, dont un volume de texte qui décrit les oiseaux classés par genres et deux volumes de planches qui présentent toutes les espèces d'oiseaux présentes en Provence, sédentaires ou migratrices. Les mentions d'identification des nids, des œufs et des espèces d'oiseaux sont toutes manuscrites et les planches sont toutes signées du graveur "Lith. de Beisson à Marseille".

Après le premier volume de texte qui nous décrit les genres rencontrés en Provence, avec leurs caractères, leurs mœurs et leurs habitats, rigueur scientifique oblige, T. Roux présente en toute première planche le squelette, plutôt ingrat, du Bec-croisé (un petit passereau des forêts de conifères).

Le squelette du Bec croisé : la dure réalité anatomique

Après cette unique planche anatomique, du reste assez crue (mais fort bien habillé par la suite), T. Roux procède dans l'ordre (que nous suivrons avec la même espèce) : qu'est-ce qu'il y a avant l'œuf ? La poule ? Mais non, il y a le nid, évidemment !

Nid du Fringille Pinson : la forme parfaite d'un habitat douillet

Quelles que soient les espèces, le nid est essentiel à la survie et la reproduction de l'immense majorité des oiseaux. T. Roux en présente 17 dessinés avec une grande finition dans le détail. Mais le nid, ce n'est pas fait que pour dormir (ou autres activités privées) : c'est d'abord le lieu de couvage des œufs. Roux en reproduit en couleur près de 200 espèces, aux motifs uniques et propres à chacune.

Œuf de Fringille Pinson (n° 8 et 9, 3ème ligne, centre et droit)

Le nid c'est aussi le lieu de nourrissage des petits mais T. Roux s'est peu intéressé aux oisillons : dans les deux tomes (près de 400 planches), on ne trouvera que deux illustrations représentant une scène de vie familiale avec des adultes et leur progéniture. Un oubli dû à l'attrait du dessinateur pour la très grande diversité des couleurs, des parures et des plumages de la majorité des oiseaux à l'âge adulte et à certaines époques ?

Fringille Pinson (Mme & M., très attachés aux genres...)

Les planches des nids, œufs et volatiles ont leur propre série de numérotation. Si elles sont exactes et continues, il manquerait quelques planches dans la présente édition. Indépendamment de ces lacunes, cette édition pose certaines questions. Le premier volume de texte est à l'évidence incomplet : il s'arrête p. 311 au 48ème genre (Pégot) alors que l'édition complète (3) qui comprend 390 p., s'achève sur le 56ème ordre (Martin-Pêcheur). Par ailleurs, en contradiction avec l'avertissement figurant en page de titre qui annonce les intentions de la souscription, on y trouve de nombreuses planches monochromes alors qu'il est rappelé que "On ne conservera point d'épreuves en noir", ce qui exclut leur commercialisation. Pure hypothèse : on pourrait imaginer que cette édition a été constituée par une récupération de livraisons invendues ou surnuméraires, complétées pour les volumes de planches d'épreuves préparatoires aux lithographies et non encore coloriées (et qui auraient dû être détruites), les deux étant réalisées à Marseille.

Une question de référentiel : au-delà de ces péripéties d'édition, l'intérêt majeur de cette Ornithologie réside dans cette sorte d'inventaire (primitivement à but exhaustif) qui concerne PACA : or cette région, information peu connue du grand public, "abrite près de 85 % des espèces d’oiseaux nicheurs que compte la France métropolitaine, soit 235 espèces sur les 277" (4). Les ornithologues mesurent tous les jours la difficulté méthodologique de réaliser des comptages fiables et l'écart qui peut exister entre espèces évaluées et espèces effectivement présentes. Affirmer que "Plus d’un tiers des espèces d’oiseaux nicheurs de PACA est menacé de disparition (82 espèces menacées sur 235 espèces évaluées)", suppose de disposer de bases comparatives sûres : alors, avec toute la prudence nécessaire, que faut-il penser du classement de l'Aigle de Bonelli dans la liste des cinq espèces de rapaces « En danger critique d’extinction », dont la présence a été attestée il y a 50 ans mais qui n'est pas recensé par Roux alors qu'il parle bien du Gypaète barbu, victime du même sort ? C'est ici que la question de l'état de la science et des connaissances du naturaliste est fondamentale : quand il rédigea sa faune, T. Roux ignorait tout de l'Aigle de Bonelli et pour cause : "Décrit en 1822 par Vieillot d'après des individus des environs de Montpellier, l'Aigle de Bonelli fut le dernier Falconiforme d'Europe à être découvert" (5). En 1859, Jaubert et Lapommeraye ne manqueront de lui dédier une superbe lithographie dans leur ouvrage Richesses ornithologiques du Midi de la France, ou Description méthodique de tous les oiseaux observés en Provence et dans les départements circonvoisins, prouvant l'existence d'individus vivant (et pas seulment naturalisés) au milieu du 19e siècle dans le Sud de la France.

1. Polydore Roux - site consulté Wikipédia
2. cf
3. Roux T. - Ornithologie provençale, 1825-1830 - Numistral : Collections patrimoniales numérisées des bibliothèques de l'Université de Strasbourg
4. Liste rouge régionale des oiseaux nicheurs de Provence - site consulté https://www.paca.developpement-durable.gouv.fr
5. Etat général des connaissances sur l'Aigle de Bonelli Hieraaetus fasciatus (Viellot, 1822) en Provence, par le groupe de travail sur les rapaces du Centre de recherches ornithologiques de Provence, rédacteurs: Patrick BAYLE et Jean Boutin - site consulté https://aquila-a-life.org
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1825-1826]]> fre]]> Provence. 18..]]>