Titre
Des lacs de sel aux chaos de sable : le pays des nefzaouas
Description
Qu'y a-t-il au menu aujourd'hui ? Du sable et du sel. Impression du Nefzaoua, une partie de la pointe Sud-Est de la Tunisie qui s'enfonce dans le désert entre les dunes algériennes et libyennes. Le Sahara ? Autant un mode de vie qu'une géographie.
Créateur
Moreau, Pierre (19..-.... ; géographe). Auteur
Source
Bibliothèque d'Antiquité d'Aix (BiAA - MMSH Aix-en-Provence), cote AFN 176
Éditeur
impr. Bascone et Muscat (Tunis)
Date
Droits
domaine public
public domain
Relation
Notice du catalogue : https://www.sudoc.fr/013379631
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/BiAA-AFN-176_Moreau_Lacs-sel_vignette.jpg
Format
application/pdf
1 vol.
256 p. (206 p.-XIII p. de pl.) : ill.
25 cm
Langue
Type
text
monographie imprimée
printed monograph
Identifiant
https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/1030
Couverture
Résumé
Bibliogr. p. 203-206 (Annexes)
Publications de l'Institut des belles-lettres arabes (Tunis) ; 11 (Appartient à la collection)
Dans les années 1880, des régiments français s'installent à Tataouine, dans le pays du Nefzaoua. Perçu comme loin de la Métropole, peu facile d'accès et isolé au milieu du désert, ils y construisent un camp disciplinaire pour "accueillir" les militaires accusés d'insubordination.
Un certain (prétendu ?) imaginaire populaire du début 20e siècle répandra la rumeur qu'aller à Tataouine, c'est le bout du monde et, comme à Tombouctou, pas facile d'y aller et pas sûr d'en revenir ! Son étude n'ayant pas été publiée à titre posthume, notre auteur nous prouve que cette inquiétude un brin coloniale est totalement infondée : on peut revenir vivant du Nefzaoua, même de Tataouine !
Les illustrations photographiques, dont la reproduction est d'une qualité rarement aussi exécrable, ponctuent l'ouvrage très exactement toutes les 17 pages, a priori en rapport avec le texte, et montrent que le Nefzaoua, ce n'est pas que du sable mais aussi des hommes.
Plus précisément, des Nefzaouas, d'origine berbère, qui se sont adaptés à la difficile-vie-du-désert. Reprenant des éléments tirés de ses lectures documentaires, l'auteur rappelle que s'ils ont majoritairement abandonné la langue berbère et largement adopté la religion musulmane, ils ont conservé leurs modes de vie traditionnelle. Quatre modes qu'il détaille (manifestement, c'est la vie quotidienne des gens qui intéresse surtout le géographe) :
- le nomade pur : vagabond perpétuel, le seul patrimoine du pasteur, c'est son troupeau
- le semi-nomade : partiellement stable, vit d'arboriculture et de cultures irriguées
- le sédentaire-transhumant : confie son troupeau à un berger, vit surtout d'agriculture et de jardinage
- le sédentaire: jardinier-propriétaire et arboriculteur, vit dans les oasis
Au delà de distinctions assez subtiles, on comprend que l'essentiel de l'activité économique s'appuie sur l'agriculture (dattes, palmiers, riz, agrumes, olivier) et l'élevage (chèvres, moutons, dromadaires et chameaux). Les hommes, les bêtes et les cultures ont un point commun : l'eau. En dehors des oasis et des palmeraies, l'eau est rarement disponible naturellement et il faut aller la chercher : le creusement de puits artésiens et leur entretien sont vitaux, des techniques connues depuis les débuts de l'Antiquité.
Même si la région est plutôt paisible, seulement "troublée" par quelques soulèvements au cours des deux Guerres Mondiales, des méharistes armés (nous sommes sous le Protectorat français de Tunisie...) veillent à la sécurité des oasis, des palmeraies et des installations liées à l'irrigation et à la captation des nappes disséminées sur le territoire comme ces puits artésiens traditionnels mais modernisés par la technologie occidentale (tubage et derrick).
Alors que nous sommes en 1947, les habitudes ont la vie dure et reprendre les expressions des livres d'avant-guerre ne dérange pas notre géographe : une fille de race blanche (un agneau, une chèvre, dix mille francs, dix gelbas de blé, un costume complet, des bracelets, des colliers et boucles d'or et d'argent) vaut beaucoup plus qu'une négresse vierge - détail non communiqué pour la blanche - (un agneau, six à sept cents francs, trois ou quatre gelbas de blé, une foû'a, un ou deux minces bracelets d'argent. Bref, toute est dans l'ordre des choses... Si la dot est comptée, on ne lésine pas pour la cérémonie du mariage, rituel social majeur où se jouent les alliances et une partie du patrimoine, fête qui entraine parfois les familles à s'endetter lourdement.
Moreau conclut sur un jugement global livresque un peu plus distant : le Nefzaoua est une société de système féodal atténué, d'où les redevances matérielles ont disparu, mais où demeure une hiérarchie sociale respectée. Pour retomber aussitôt dans ses préjugés : "Beaucoup de gens sont ignorants. Toutes les femmes sont illettrées. Mais l'instruction leur apporterait-elle plus de satisfactions que de nouveaux besoins difficiles à satisfaire ? Si beaucoup d'hommes ne savent pas même en arabe signer leur nom, ils ont tous cet instinct merveilleux des choses pratiques, et un bon sens qui, à leur échelle de simples, leur sert d'instruction et leur assure un bonheur sans histoire. Le sage ne se contentent-t-il pas de peu ?". L'éternelle question avec les simples, c'est qu'ils sont heureux mais le savent-ils ?
Et Après ? Moreau n'étant pas à une contradiction près, enchaîne sur l'inévitable et ultime chapitre sur l'avenir du Nefzaoua. Et les Français, qui sont à la manœuvre depuis 1884, s'en occupent : des écoles franco-arabes sont construites, l'électrification apporte l'éclairage public, les pistes ont été effacées sous des routes goudronnées, les camions ont remplacé les chameaux, et si vous êtes très très pressés d'arriver à Tataouine (!), le courrier aérien embarque les passagers et les plis (3 heures de Tunis) pour Kébili (pour la suite, se renseigner sur place).
Comme tout écrit publié, cette monographie a le mérite d'exister mais en a-t-il d'autres ? Dès l'introduction, l'auteur avoue les limites de son étude (ni document d'érudition, ni monographie régionale) et reconnaît, à part quelques documents de l'Avant-Guerre, n'avoir pu consulter le peu d'ouvrages de référence existant sur la question, l'occupation italo-allemande ayant par ailleurs pillé les rares bibliothèques locales encore ouvertes. Par contre, sa connaissance évidente des œuvres d'Ibn Khaldoun sur les Berbères plusieurs fois citées le dispensait de sa réflexion finale faussement dilettante sur sa publication : "A défaut [d'être utiles], les lectures et les recherches ainsi que la composition m'auront du moins occupé quelques heures pendant les longues siestes nonchalantes, à certains jours où pèse l'isolement. J'aurais pu perdre mon temps plus légèrement". Le lecteur s'en excuserait presque.
Numérisation Michel Kébaïli (Centre Camille Jullian – MMSH, Aix-en-Provence)
Publications de l'Institut des belles-lettres arabes (Tunis) ; 11 (Appartient à la collection)
Dans les années 1880, des régiments français s'installent à Tataouine, dans le pays du Nefzaoua. Perçu comme loin de la Métropole, peu facile d'accès et isolé au milieu du désert, ils y construisent un camp disciplinaire pour "accueillir" les militaires accusés d'insubordination.
Le Nefzaoua, une cheville entre l'Algérie et la Tripolitaine
Un certain (prétendu ?) imaginaire populaire du début 20e siècle répandra la rumeur qu'aller à Tataouine, c'est le bout du monde et, comme à Tombouctou, pas facile d'y aller et pas sûr d'en revenir ! Son étude n'ayant pas été publiée à titre posthume, notre auteur nous prouve que cette inquiétude un brin coloniale est totalement infondée : on peut revenir vivant du Nefzaoua, même de Tataouine !
L'erg saharien, 120 00 km² partagés par l'Algérie, la Tunisie et la Lybie
Les illustrations photographiques, dont la reproduction est d'une qualité rarement aussi exécrable, ponctuent l'ouvrage très exactement toutes les 17 pages, a priori en rapport avec le texte, et montrent que le Nefzaoua, ce n'est pas que du sable mais aussi des hommes.
Le Souk-El-Biaz, très animé (comme tous les souks...)
Plus précisément, des Nefzaouas, d'origine berbère, qui se sont adaptés à la difficile-vie-du-désert. Reprenant des éléments tirés de ses lectures documentaires, l'auteur rappelle que s'ils ont majoritairement abandonné la langue berbère et largement adopté la religion musulmane, ils ont conservé leurs modes de vie traditionnelle. Quatre modes qu'il détaille (manifestement, c'est la vie quotidienne des gens qui intéresse surtout le géographe) :
- le nomade pur : vagabond perpétuel, le seul patrimoine du pasteur, c'est son troupeau
- le semi-nomade : partiellement stable, vit d'arboriculture et de cultures irriguées
- le sédentaire-transhumant : confie son troupeau à un berger, vit surtout d'agriculture et de jardinage
- le sédentaire: jardinier-propriétaire et arboriculteur, vit dans les oasis
Au delà de distinctions assez subtiles, on comprend que l'essentiel de l'activité économique s'appuie sur l'agriculture (dattes, palmiers, riz, agrumes, olivier) et l'élevage (chèvres, moutons, dromadaires et chameaux). Les hommes, les bêtes et les cultures ont un point commun : l'eau. En dehors des oasis et des palmeraies, l'eau est rarement disponible naturellement et il faut aller la chercher : le creusement de puits artésiens et leur entretien sont vitaux, des techniques connues depuis les débuts de l'Antiquité.
Le puit artésien de Souk-el-Biaz
Même si la région est plutôt paisible, seulement "troublée" par quelques soulèvements au cours des deux Guerres Mondiales, des méharistes armés (nous sommes sous le Protectorat français de Tunisie...) veillent à la sécurité des oasis, des palmeraies et des installations liées à l'irrigation et à la captation des nappes disséminées sur le territoire comme ces puits artésiens traditionnels mais modernisés par la technologie occidentale (tubage et derrick).
Une patrouille de méharistes sillonne le Nefzaoua
Alors que nous sommes en 1947, les habitudes ont la vie dure et reprendre les expressions des livres d'avant-guerre ne dérange pas notre géographe : une fille de race blanche (un agneau, une chèvre, dix mille francs, dix gelbas de blé, un costume complet, des bracelets, des colliers et boucles d'or et d'argent) vaut beaucoup plus qu'une négresse vierge - détail non communiqué pour la blanche - (un agneau, six à sept cents francs, trois ou quatre gelbas de blé, une foû'a, un ou deux minces bracelets d'argent. Bref, toute est dans l'ordre des choses... Si la dot est comptée, on ne lésine pas pour la cérémonie du mariage, rituel social majeur où se jouent les alliances et une partie du patrimoine, fête qui entraine parfois les familles à s'endetter lourdement.
Moreau conclut sur un jugement global livresque un peu plus distant : le Nefzaoua est une société de système féodal atténué, d'où les redevances matérielles ont disparu, mais où demeure une hiérarchie sociale respectée. Pour retomber aussitôt dans ses préjugés : "Beaucoup de gens sont ignorants. Toutes les femmes sont illettrées. Mais l'instruction leur apporterait-elle plus de satisfactions que de nouveaux besoins difficiles à satisfaire ? Si beaucoup d'hommes ne savent pas même en arabe signer leur nom, ils ont tous cet instinct merveilleux des choses pratiques, et un bon sens qui, à leur échelle de simples, leur sert d'instruction et leur assure un bonheur sans histoire. Le sage ne se contentent-t-il pas de peu ?". L'éternelle question avec les simples, c'est qu'ils sont heureux mais le savent-ils ?
Et Après ? Moreau n'étant pas à une contradiction près, enchaîne sur l'inévitable et ultime chapitre sur l'avenir du Nefzaoua. Et les Français, qui sont à la manœuvre depuis 1884, s'en occupent : des écoles franco-arabes sont construites, l'électrification apporte l'éclairage public, les pistes ont été effacées sous des routes goudronnées, les camions ont remplacé les chameaux, et si vous êtes très très pressés d'arriver à Tataouine (!), le courrier aérien embarque les passagers et les plis (3 heures de Tunis) pour Kébili (pour la suite, se renseigner sur place).
La route qui vient de Gafsa et l'aéroport de Kébili
Comme tout écrit publié, cette monographie a le mérite d'exister mais en a-t-il d'autres ? Dès l'introduction, l'auteur avoue les limites de son étude (ni document d'érudition, ni monographie régionale) et reconnaît, à part quelques documents de l'Avant-Guerre, n'avoir pu consulter le peu d'ouvrages de référence existant sur la question, l'occupation italo-allemande ayant par ailleurs pillé les rares bibliothèques locales encore ouvertes. Par contre, sa connaissance évidente des œuvres d'Ibn Khaldoun sur les Berbères plusieurs fois citées le dispensait de sa réflexion finale faussement dilettante sur sa publication : "A défaut [d'être utiles], les lectures et les recherches ainsi que la composition m'auront du moins occupé quelques heures pendant les longues siestes nonchalantes, à certains jours où pèse l'isolement. J'aurais pu perdre mon temps plus légèrement". Le lecteur s'en excuserait presque.
Numérisation Michel Kébaïli (Centre Camille Jullian – MMSH, Aix-en-Provence)
Table des matières
Illustrations : le document contient des photographies et des cartes. Une mention en fin de volume précise que : "Les photographies sont dues à divers officiers des Affaires Indigènes du Bureau de Kébili. Les croquis des Planches IV, VI, X et XI ont été exécutés par le Chef de Bataillon Maurice Mollet, Contrôleur Civil de Gabès".
Provenance
Bibliothèque d'Antiquité d'Aix (MMSH, Aix-en-Provence)
Collection
Citer ce document
Moreau, Pierre (19..-.... ; géographe). Auteur, “Des lacs de sel aux chaos de sable : le pays des nefzaouas,” Bibliothèque numérique patrimoniale, consulté le 9 septembre 2024, https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/1030.
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