Titre

Notice adressée à son Excellence monsieur le Ministre de l'Intérieur sur la situation des colonies agricoles pénitentiaires de N.-D. de Beaurecueil, près d'Aix (Bouches-du-Rhône) et de N.-D. de la Cavalerie, près de la Bastide des Jourdans (Vaucluse)

Description

Vous connaissez le bagne de Cayenne ? Certainement. Et celui de la Petite Roquette ? Non ? Et pourtant, c'est là que s'est écrit la première page de l'histoire assez obscure de la justice des mineurs créée en France au 19e siècle

Créateur

Fissiaux (abbé). Auteur

Source

Bibliothèque droit Schuman (Aix-en-Provence), cote RES 38580

Éditeur

Veuve M. Olive (Marseille)

Date

Droits

domaine public
public domain

Relation

Notice du catalogue : http://www.sudoc.fr/265326885
Vignette : https://odyssee.univ-amu.fr/files/vignette/RES-38580_Fissiau_Notice-colonies-agricoles_vignette.jpg

Format

application/pdf
1 vol. (36 p.) ; 24 cm
40 p.
24 cm

Langue

Type

text
monographie imprimée
printed monograph

Identifiant

https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/945

Couverture

Résumé

Au 19e siècle, les enfants trouvés, orphelins, sans parents connus ou abandonnés par eux, étaient pris en charge par des structures de santé comme les hôpitaux ou par des organisations caritatives ou religieuses qui leur étaient destinées. Mais qu'arrivait-il aux enfants qui avaient commis des délits ?

Rien n'était spécifiquement prévu et ils étaient incarcérés en prison sans considération de leur âge : les plus jeunes étaient donc mélangés aux adultes condamnés aussi bien à des peines légères pour des faits mineurs qu'à de lourdes peines pour faits des criminels les plus graves. Dans les années 1830, l'idée de distinguer les mineurs des adultes s'impose peu à peu : position qui n'est pas sans rappeler la réflexion rousseauiste sur une bonté naturelle de l'homme dépravé par la société (le cas de Victor de l'Aveyron est d'autant plus dans les mémoires qu'il est décédé à Paris en 1828), il semble juste de penser qu'encore très jeune, l'enfant n'a pas eu le temps d'être (totalement) corrompu et que s'il peut être sauvé, il faut prendre les mesures pour le faire tant qu'il est encore temps, le soustraire à ses mauvaises conditions de vie et aux influences néfastes des adultes. Plus question que des enfants de moins de dix ans soient jetés en prison et mêlés à des criminels souvent pervers, endurcis et multirécidivistes. En vertu de l'article 66 du Code pénal, les auteurs de délits âgés moins de dix ans ayant agi sans discernement sont placés et éduqués aux frais de l'État.

Pour les séparer, il faut donc créer des établissements spécialisés : c'est ainsi qu'apparaissent les colonies agricoles pénitentiaires, qui ont pour mission exclusive "la garde des jeunes détenus, ainsi que de leur instruction religieuse, primaire et agricole". Il n'y a aucune ambiguïté sur les termes : on parle bien de protection mais aussi d'internement. Le premier établissement (1) de ce type ouvrira en 1839, à Mettray (Indre-et-Loire) et sera suivi d'une cinquantaine d'autres, entre 1840 et 1850 (la loi du 5 août 1850 promulgue officiellement ces établissements, certains de statut public).


Dans ce rapport adressé au Ministre de l'Intérieur (pas de l'Éducation ni de la Santé), l'Abbé Fissiaux dresse un véritable bilan d'activité de deux Maisons centrales d'éducation correctionnelle inaugurées en Provence : la Colonie de N.-D. de Beaurecueil, créée en 1853, située à moins de 10 km d'Aix-en-Provence et la Colonie N.-D. de la Cavalerie, ouverte l'année suivante, implantée à 20 km de Manosque.

L'objet du rapport est simple : expliquer en détail combien il a fallu investir, en partant de ruines, pour parvenir à créer deux grandes exploitations agricoles destinées à accueillir ces enfants (300 pour la première, env. 50 pour la seconde). On ne parle pas ici de fictions pédagogiques mais de véritables fermes dignes d'une agriculture provençale moderne, au moins pour Aix. Les enfants y reçoivent (dans l'ordre) une copieuse instruction religieuse (avec confession quotidienne !), une instruction primaire et une formation professionnelle agricole. Le tout assorti d'un système de récompenses gradués : grades honorifiques, promenades de faveur, bons points échangeables contre des petites choses qui plaisent tant aux enfants. Au bout de trois ans, avec leur qualification (les plus intelligents savent conduire et réparer les machines locomobiles à vapeur), ils peuvent facilement trouver un emploi dans les fermes environnantes (à leur départ, ils reçoivent des habits neufs et un pécule, tout est comptabilisé).

La présentation très avantageuse n'étonnera personne, l'Abbé prône pour sa paroisse. Si son bilan paraît réaliste, c'est qu'il est suffisamment contrasté pour être crédible : le succès de la ferme aixoise est assombri par les difficultés de celle de Hautes-Provence. En langage moderne, le rapport est bien une demande de subventions formulée par une organisation privée qui assume une mission de service public. A la décharge du rapporteur, et à défaut de savoir s'il a réellement pu sauver ces âmes, au moins s'est-il engagé dans un véritable programme de réinsertion.

les cages à poules, cellules individuelles pour séparer enfants et adultes (4)

Certains historiens ne partagent pas l'enthousiasme de l'ecclésiastique et n'hésitent pas à mettre l'accent sur la terrible analogie avec le bagne et les travaux forcés (2) : Cayenne ne vient-il pas d'ouvrir quelques années plus tôt, en 1852 ? Tout n'était-il pas dit dans l'intitulé dès le départ : une éducation correctionnelle consiste bien à éduquer et à punir pour redresser ? Et de dénoncer la dérive de plus en plus autoritaire et punitive de ces établissements au cours du 19e siècle. Une illustration de plus, et le 20e siècle n'en manque pas, que toutes les solutions d'enfermement collectif (prisons, asiles, casernes, orphelinats, etc.) aboutissent inéluctablement à autant de désastres individuels.

Jusque dans les années 1960, les élèves qualifiés de cancres et ceux qui posaient les plus sérieux problèmes de conduite étaient régulièrement menacés d'être conduits en maison de redressement ou, pire, de finir en maison de correction. Si ces expressions paraissent bien désuètes, c'est que depuis, on a changé les mots. Mais a-t-on résolu les problèmes ?

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1. Les maisons de correction : Colonies agricoles pénitentiaires et Bon Pasteur (1839-1912). - Site consulté : Ministère de la Justice
2. De l’isolement aux « bagnes pour enfants » : l'impitoyable justice des mineurs française. site consulté : National Geographic
3. Prade , Catherine. Les colonies pénitentiaires au xixe siècle : de la genèse au déclin. - Site consulté : OpenEdition Books
4.Poisson, Philippe. -
Fichiers
RES-38580_Fissiau_Notice-colonies-agricoles.pdf

Citer ce document

Fissiaux (abbé). Auteur, “Notice adressée à son Excellence monsieur le Ministre de l'Intérieur sur la situation des colonies agricoles pénitentiaires de N.-D. de Beaurecueil, près d'Aix (Bouches-du-Rhône) et de N.-D. de la Cavalerie, près de la Bastide des Jourdans (Vaucluse),” Bibliothèque numérique patrimoniale, consulté le 15 octobre 2024, https://odyssee.univ-amu.fr/items/show/945.

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